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Version finale

31e législature, 6e session
(5 novembre 1980 au 12 mars 1981)

Le mardi 16 décembre 1980 - Vol. 23 N° 20

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 89 - Loi instituant un nouveau Code civil et portant réforme du droit de la famille


Journal des débats

 

(Onze heures cinquante-trois minutes)

Le Président (M. Laberge): À l'ordre, mesdames et messieurs!

La commission permanente de la justice reprend ses travaux pour l'étude article par article du projet de loi no 89, Loi instituant un nouveau Code civil et portant réforme du droit de la famille.

Les membres de la commission sont: M. Bédard (Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Char-bonneau (Verchères), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Forget (Saint-Laurent), M. Guay (Taschereau) est remplacé par M. Gosselin (Sherbrooke); Mme LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine), M. Marquis (Matapédia).

Sont inscrits à titre d'intervenants: M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Desbiens (Dubuc), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys) est remplacé par M. Marx (D'Arcy McGee); M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski), M. Pagé (Portneuf) est remplacé par M. Lalande (Maisonneuve).

Le rapporteur désigné est Mme LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine).

Lors de la suspension des travaux, hier, nous en étions à un nouvel article à insérer entre l'article 1 et l'article 2.

M. Bédard: M. le Président, si vous me permettez quelques observations, simplement pour l'information des membres de la commission. J'ai fait distribuer, tout à l'heure, les amendements que nous nous proposions d'étudier concernant des articles qui avaient été suspendus et sur lesquels des décisions devaient être prises. Ce sont des amendements à des articles qui n'avaient pas été adoptés; ils concernent des articles à partir du début du projet de loi jusqu'aux articles relatifs à la séparation de corps. Il y a également ceux concernant l'adoption, un ou deux articles que nous avions laissés ouverts à la suite de suggestions de l'Opposition, lors de discussions en commission. J'ai déjà distribué, la semaine dernière, les amendements concernant le divorce et la séparation de corps et, hier soir, ceux concernant la résidence familiale. Cela permettra à tous les membres de la commission d'en prendre connaissance.

Nous allons continuer, tel que vous l'indiquiez, M. le Président, là où nous en étions rendus hier, c'est-à-dire à l'article à insérer...

Le Président (M. Laberge): L'article 1.1.

M. Bédard: ... l'article 1.1.

De la célébration du mariage (suite)

Le Président (M. Laberge): C'est cela. On nous demande d'ajouter, après l'article 1, le suivant: "1.1 Le Code civil du Bas-Canada est modifié en ajoutant, après l'article 7, le suivant: 7.1 Le mariage célébré hors du Québec entre deux personnes sujettes à ses lois, ou dont l'une seulement y est soumise, est valable, s'il est célébré dans les formes usitées au lieu de la célébration, pourvu que les parties n'y soient pas allées dans le dessein de faire fraude à la loi."

M. Bédard: M. le Président...

Le Président (M. Laberge): M. le ministre.

M. Bédard: ... c'est simplement technique. On s'en rappellera, lorsque nous avons passé à l'article 420, nous ne l'avions pas étudié justement en faisant référence que cet article se retrouverait dans la section concernant le droit international, C'est essentiellement la reproduction de l'article 135 du Code civil à l'heure actuelle, de manière que, un peu plus tard, lors de l'étude qui sera faite par des experts du livre 9 concernant le droit international, on puisse grouper ensemble toutes les dispositions concernant le droit international.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: "Usitées", cela veut dire en usage? Pourquoi ne met-on pas "en usage"? Le monde ordinaire comprend plus cela que "usitées".

M. Bédard: On aime autant ne pas toucher à la forme de ce côté; c'est la reproduction de l'article qui déjà couvrait...

M. Charbonneau: Je comprends, mais c'est un langage de juriste.

M. Bédard: Qui changera lorsque aura lieu l'étude du livre 9 sur l'ensemble des dispositions concernant le droit international.

M. Charbonneau: Usitées ou en usage, il me semble qu'il n'y a de danger à mettre en usage.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Charbonneau: Je voudrais avoir une réponse.

M. Bédard: Je viens de vous la donner. Nous préférons, en toute sécurité, ne reproduire que l'article tel qu'il est présentement parce que, à un moment donné, lors de l'étude du livre 9, des experts se livreront justement à l'étude en profondeur de chacune des dispositions concernant le droit international.

M. Marx: II y a toujours le danger qu'un jour un juriste dise: Ils ont changé le mot "usitées" pour "usage", donc, ils ont voulu effectuer un certain changement, donc, cela pourrait entraîner une certaine jurisprudence inconnue. C'est cela, je pense, la raison.

M. Bédard: C'est exactement l'explication.

M. Forget: J'ai une question à poser, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Allez-y, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Est-ce qu'il s'agit d'un article de droit nouveau ou si l'on ne fait que reproduire une disposition actuelle du Code civil?

M. Bédard: On ne fait que reproduire l'article 135 du Code civil. Comme l'article 135 fait partie d'une section qui va se trouver abrogée parce qu'elle traite du mariage dans son ensemble, il ne fallait pas perdre quand même cet article 135 en droit international privé. Le déplacement à 7.1 est son contexte le plus approprié actuellement dans le Code civil du Bas-Canada. C'est pour le récupérer.

M. Forget: D'accord, oui. Article 170 du Code Napoléon.

M. Bédard: C'est un peu pour cela aussi qu'il n'a pas été retouché dans sa formulation. Il a été simplement reproduit tel quel.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Maisonneuve.

M. Lalande: M. le Président, il y a évidemment eu la correction du mariage célébré hors du Québec. Ce que je voudrais comprendre, c'est que dans 1.1 on dit: Le Code civil du Bas-Canada est modifié; pourquoi ne corrige-t-on pas tout en même temps parce qu'il y a une correction, effectivement, par rapport à l'article 135. Je comprends que c'est seulement au niveau de l'appellation, mais on parle du mariage célébré hors du Québec. Est-ce qu'on a - j'ai été absent pour un certain temps - fait la correspondance entre Bas-Canada, la correction, par Québec? (12 heures)

M. Bédard: Oui, dans le projet, vous avez raison de noter que le mot Bas-Canada n'est pas reproduit. Il faut dire que l'amendement qu'on apporte au Code civil du Bas-Canada, on l'apporte depuis la Confédération, donc il est plus compréhensible de parler hors du Québec. Cela a été simplement une question de s'ajuster à une réalité qui est la nôtre depuis 1867 dans ce sens-là.

M. Lalande: Oui, je suis entièrement d'accord.

M. Marx: C'est que, sur le plan géographique, le Bas-Canada était plus petit que le Québec actuel.

M. Bédard: D'accord?

Le Président (M. Laberge): Alors, l'article 1.1 sera-t-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Maintenant, on nous demande de remplacer le liminaire de l'article 2 qui suit par le suivant: "Ledit code est modifié en ajoutant, après le titre premier du Livre premier, ce qui suit:" Évidemment, on l'a déjà mentionné plus haut. Alors, est-ce cet amendement au liminaire sera adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): C'est une question de forme.

Dispositions relatives aux enfants

Maintenant, l'article 2, qui comprend deux dispositions, a changé. J'appelle, à l'intérieur de cet article 2, l'article 30.

M. Bédard: M. le Président, l'article 30 s'inspire de l'article 3 de la Loi sur la protection de la jeunesse. Il énonce le

principe de la primauté de l'intérêt de l'enfant et du respect de ses droits dans toute décision prise à son sujet. Il détermine en outre certains critères qui doivent guider tous ceux, parents, tuteurs, tribunal, etc., qui ont à prendre des décisions à son sujet.

L'article 31 s'inspire de l'article 6 de la Loi sur la protection de la jeunesse. Contrairement à la recommandation de l'Office de révision du Code civil, l'article 31 ne fait pas d'obligation au tribunal de consulter l'enfant. dn évite ainsi les consultations inutiles de même que les traumatismes psychologiques que créée chez l'enfant en bas âge une rencontre avec le juge. Le tribunal exercera sa discrétion dans le meilleur intérêt de l'enfant.

M. Forget: M. le Président.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: J'ai déjà souligné hier le problème d'une attitude générale sur laquelle je pense il vaut peut-être la peine de revenir puisque nous y revenons, de toute façon, en vertu même des amendements qui nous sont soumis, l'attitude générale d'intégration ou de non-intégration du droit statutaire à l'occasion de la révision du Code civil. On observe de ce côté-là une attitude qui est loin d'être conséquente et suivie de la part du gouvernement. Encore une fois, du côté de certaines lois statutaires, on les intègre, du côté d'autres, qui ne sont pas différentes quant à leur implication ou quant à la proximité qu'elles entretiennent sur le plan de la nature même de leurs dispositions avec le Code civil, on choisit, au contraire, de ne pas les intégrer. Parmi celles que l'on intègre, il y a, bien sûr, la Loi sur l'adoption, que l'on intègre presque totalement soit au Code civil, soit au Code de procédure civile, nous dit-on. Enfin, on nous laisse envisager que plusieurs dispositions de la Loi sur l'adoption seront intégrées au Code de procédure civile et on sait déjà que les dispositions substantives ou substantielles de la Loi sur l'adoption font déjà partie du projet qui est devant nous.

Quand on est arrivé à la protection de la jeunesse, hier, à l'occasion de notre discussion du chapitre sur l'autorité parentale, on a raté plusieurs belles occasions d'établir la correspondance entre les deux lois, d'intégrer les dispositions substantielles de la Loi sur la protection de la jeunesse dans ce chapitre sur l'autorité parentale, ce qui aurait permis de rénover de façon fondamentale le concept plutôt statique et surané, je dois le dire, qui se dégage de la lecture du chapitre sur l'autorité parentale. Voici qu'au titre premier, on recommandait dans l'ensemble d'intégrer au Code civil ce qui constitue le chapitre premier ou le titre premier de la Loi sur la protection de la jeunesse, où on a fait un effort valable, d'après la plupart des observateurs, pour préciser une bonne fois, dans un langage juridique, la conception des droits de l'enfant, du statut de l'enfant dans la société, au regard de la loi. Je pense que ces dispositions ont déjà résisté avec succès à un certain effort d'analyse, de débat, à un certain examen et à une certaine mise en application. S'il y a des questions qui se posent sur la loi 24, ce n'est pas au niveau des déclarations de principe, c'est au niveau de certaines procédures.

L'Office de révision du Code civil avait suggéré que, dans le chapitre sur la personne humaine, le titre deuxième, le chapitre premier parle de dispositions générales, ce sont essentiellement les droits à l'intégrité physique et morale de la personne humaine. Le chapitre deuxième devait, selon eux, être consacré aux dispositions relatives aux enfants. On y trouvait là les articles 24 à 31. Les énoncés qu'on retrouve à ces articles vont beaucoup plus loin que les deux seuls qui ont retenu l'attention du ministre et permettent de situer beaucoup plus adéquatement les relations de droit entre les parents et l'enfant ou l'ensemble de la société et un enfant.

Je pourrais faire la lecture de chacun de ces articles, mais je m'en abstiendrai. Je veux simplement souligner au passage que l'article 24, par exemple, parle du droit de l'enfant à l'affection et à la sécurité que les parents, ou ceux qui en tiennent lieu, sont en mesure de lui donner. On dépasse de beaucoup la simple obligation de subsistance ou d'obligation alimentaire, mais c'est une dimension essentielle des responsabilités de la société et surtout de la famille vis-à-vis de l'enfant. C'est une règle qui devrait être présente pour permettre à un tribunal d'apprécier justement un certain nombre de réclamations qui peuvent être faites, ou d'instances qui peuvent être logées, qu'il s'agisse de la déchéance de l'autorité parentale, de la déclaration d'adoptabilité. Il faudrait bien juger cela en fonction de critères qui existent en vertu du droit, qui seront reconnus en vertu du droit et par les tribunaux. Si la seule question qu'on devait se poser était: Est-ce que ces enfants meurent de faim?, je pense qu'on aurait une réponse qui est un peu courte.

Je comprends que l'intérêt de l'enfant et le respect de ses droits, cela a l'air d'être une disposition englobante. C'est la référence qu'on fait à l'article 3 qu'on nous soumet, où on semble vouloir dire ce que sont le respect des droits de l'enfant et son intérêt. À moins d'aller un peu plus loin et de fournir une explication de ces termes, ce sont des termes que les tribunaux seront peut-être appelés à interpréter, soit à la lumière d'une jurisprudence qui peut être

plus ou moins claire ou à la lumière de la signification traditionnelle de ces termes, les seuls qui soient consacrés dans le Code civil; le respect de l'obligation alimentaire. Je pense que le Code civil est en plus une très belle occasion pour permettre au gouvernement d'énoncer ce à quoi il s'oppose avec autant de force de voir énoncé par une déclaration des droits incorporée dans une constitution canadienne, il proclame si haut sa volonté de ne pas être contraint ou restreint dans l'exercice du pouvoir législatif au niveau des provinces par des prescriptions imperatives qui se retrouveraient dans une charte fédérale des droits. Admettons que cet argument soit fondé pour un instant, il ne vaut en pratique que dans la mesure où un gouvernement du Québec, l'Assemblée nationale du Québec, choisit d'exercer ces pouvoirs. Si on ne les exerce pas, si on est trop timide ou paresseux pour le faire, je pense qu'on a une bien faible justification pour s'indigner qu'une autre juridiction, même pas une autre juridiction, que la loi fondamentale du pays vienne édicter des règles qu'on n'a pas le courage, encore une fois, l'énergie nécessaire pour énoncer et faire figurer dans le Code civil.

Étant donné qu'on veut changer, avec raison, le droit de la famille, il me semble qu'étant donné que toutes ces questions du droit et du respect de la personne humaine, y compris les enfants, constituent une excellente occasion pour démontrer par des actes, pas seulement par des paroles, que l'on prend vraiment au sérieux les protestations qu'on fait relativement à une charte des droits, s'il est vrai que l'Assemblée nationale peut relever ce défi, qu'elle le fasse donc. Combien de siècles faudra-t-il attendre pour qu'elle s'en préoccupe?

Le ministre va nous donner des explications plutôt techniques en disant, comme il a dit hier: On a choisi de faire cela parce que c'est plus simple ou parce que c'est une loi récente ou parce qu'on n'a pas terminé notre évaluation de la loi 24, etc. Ce sont tous des prétextes qu'on peut invoquer. Il n'y a pas d'erreur. Je pense que c'est bien évident que cet objectif de profiter de cette ouverture de l'ensemble du Code civil pour poser certains principes généraux, affirmer l'existence de certains droits de façon catégorique, n'est pas une occasion dont le gouvernement actuel a touvé intéressant de se saisir et d'utiliser, d'exploiter pleinement.

Là-dessus, nous ne nous entendrons pas parce qu'il nous paraît qu'il était approprié et nécessaire d'agir de cette façon. Ce n'est pas le temps qui a manqué, encore une fois. On a pris tout le temps nécessaire pour réfléchir à tout cela. Cela fait deux ans et demi que le ministre s'interroge, se questionne, étudie, se fait conseiller. Deux ans et demi dans la vie d'un gouvernement, c'est long. On ne peut pas dire qu'on n'a pas eu le temps de le faire. Si on ne l'a pas fait, c'est qu'on ne veut pas le faire.

On me permettra de terminer ces remarques d'introduction relativement à ce chapitre, à ce titre en quelque sorte qui est bien court, qui se résume à deux articles et qui devrait être bien plus long, dans le fond, en déplorant que ce soit là la conclusion finale du ministre de la Justice et du gouvernement actuel.

Le Président (M. Laberge): M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, le député de Saint-Laurent réitère une préoccupation qu'il avait énoncée hier. Je dois lui dire que nous avons également eu cette préoccupation dont il fait état ce matin de nouveau. Je trouve très intéressant qu'il réponde, pour moi, d'une certaine façon; mais qu'il présume de la réponse que je dois donner, il met en lumière le fait que c'est peut-être mieux que je réponde moi-même, parce que la réponse qu'il me prête n'est vraiment pas conforme à la préoccupation que nous avons eue que se retrouvent à l'intérieur du Code civil tous les grands principes qui sont contenus dans la Loi sur la protection de la jeunesse.

J'inviterais le député de Saint-Laurent, avant de dire qu'il n'a pas décelé cette préoccupation qu'il évoque chez le législateur, à relire peut-être un peu plus attentivement le projet de loi, et peut-être certains amendements que nous nous sommes déclarés disposés à apporter, d'abord concernant l'article 24 de l'Office de révision du Code civil; si le député de Saint-Laurent va plus loin dans le projet de loi, il verra, à l'article 57, que nous demandons un amendement à la Charte des droits et libertés pour reprendre l'essentiel de ce qui est contenu dans cette disposition. (12 h 15)

Hier soir, lorsque nous avons étudié l'autorité parentale, à l'article 641, nous avons répondu favorablement à la suggestion de l'Opposition d'y inclure d'autres principes qui sont contenus dans le projet de l'Office de révision du Code civil. Pour ce qui est de l'article 25 de l'Office de révision du Code civil, nous le retrouvons à l'article que nous étudions. Pour ce qui est des articles 26 et 27, nous l'avons déjà indiqué, cela se retrouvera au niveau du Code de procédure civile, parce que nous croyons que c'est là que cela doit se retrouver.

Je pense qu'à partir de ces éléments, M. le Président, non seulement nous pouvons dire que nous avons eu la préoccupation de réinscrire les principes fondamentaux qui étaient contenus dans la Loi sur la protection de la jeunesse et dans l'Office de révision du Code civil, mais nous avons

trouvé le moyen d'insérer le contenu de ces articles. Que ce ne soit pas la reproduction intégrale des articles, je pense bien qu'on ne nous en fera pas grief. Ce qui est important, c'est que le contenu de ces articles et la préoccupation qu'ils évoquent soient présents au niveau du Code civil. C'est cet objectif que, je crois, nous pouvons dire avoir atteint de la façon la plus raisonnable possible.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Maisonneuve.

M. Lalande: M. le Président, pour ma part, je constate avec satisfaction qu'il y a certains articles de la Loi sur la protection de la jeunesse qui sont incorporés au Code civil. Cependant, dans la même foulée que mon collègue de Saint-Laurent, je trouve qu'on manque une belle occasion, à ce stade-ci, d'intégrer - c'est le sens d'un code civil - toutes les lois. Bien sûr, on peut ajouter des lois statutaires - improprement appelées je crois - mais des lois diverses, en tout cas, qui tournent autour de la protection des droits des enfants, mais cette interrogation que nous faisons, si elle n'est pas prise en considération sérieusement cette fois-ci, il faudrait tout de même y revenir, parce que c'est véritablement d'intérêt public.

J'entendais le député de Verchères qui disait: Utilisez des mots pour le monde ordinaire à l'intérieur du Code civil. Je pense que le fond de cette interrogation est très saine, que tous se comprennent à l'intérieur de cela. Évidemment, il faut toujours en rester à un niveau de précision qui ne peut pas être accessible à tout le monde. On ne peut pas lire le Code civil comme on lit un roman. Je pense qu'il est normal qu'on s'astreigne à quelque chose de plus rigoureux.

Cependant, si on revient à cette interrogation de fond qu'un code doit être pour le monde ordinaire, justement, le Code civil, c'est une refonte de différentes lois de ce code. On avait peut-être l'occasion de retrouver, au moins dans un seul bouquin, l'essentiel de la protection qu'on accorde aux personnes ou aux enfants, etc. Encore une fois, on va être obligé de fouiller dans deux, trois ou peut-être cinq lois, combien il y en a. C'était une occasion unique de ramener cela dans un creuset, qui s'appelle le Code civil, pour se comprendre.

Pensons à quiconque veut s'intéresser aux parents ou qui que ce soit; on aurait l'impression, avec un nouveau code civil, que les droits aux enfants, aux personnes se retrouvent à l'intérieur de ce même bouquin, qui est l'essentiel. Encore une fois, on ne pourra pas s'y retrouver. Il faudra aller vérifier la Loi sur la protection de la jeunesse. Évidemment, on légifère un peu par anticipation avec la Loi sur le divorce et tout cela, mais c'est cette préoccupation de fond, autant que possible. C'est cela, l'esprit véritable dans notre Code civil, comparativement à ce qu'on observe dans la "common law", etc. C'est de partir de ces principes et les établir non seulement dans un canevas, mais un code de tout, j'allais dire du droit privé des gens. C'est extrêmement important. C'est un peu comme si on faisait une constitution publique - vous êtes devenus des experts là-dedans, pour en préparer et pour y travailler - qu'on omettait des notions essentielles à l'intérieur de cette constitution publique et qu'on retrouvait cinq ou six lois un peu partout.

Il est évident que le simple citoyen aura toujours besoin d'avoir recours à des experts de plus en plus spécialisés dans ces secteurs pour être capable comprendre l'ensemble. Ceci est inacceptable, je pense bien, au niveau d'une constitution, mais si on arrive avec le droit privé des gens, qui est tout à fait essentiel, on en arrive encore une fois à scinder, différentes lois qu'on retrouve un peu partout. Je comprends qu'il y a eu un essai - on le constate, parce qu'il y a eu intégration - mais il me semble qu'on a quand même raté une belle occasion d'intégrer; et pourtant, ça fait 22 ans qu'on y travaille.

Il me semble que les droits de protection des enfants, ce ne sont quand même pas des droits à l'essai. On nous dit que la Loi sur la protection de la jeunesse est une nouvelle loi et qu'il faut la roder. On ne demande pas d'indiquer toute la procédure dans le Code civil, mais le fondement, et ces droits ne devraient pas, à mon avis, encore une fois, être des droits à l'essai, mais des droits véridiques auxquels on a pensé et qu'on veut intégrer à l'intérieur du Code civil.

Évidemment, je sais que le ministre y a pensé, mais il faudrait peut-être faire un effort en vue d'avoir une meilleure refonte. Comme le dit le projet de loi - qui est une refonte du Code civil - il faut véritablement refondre.

M. Bédard: On y a plus que pensé, on s'y est attardé le temps qu'il fallait. Je voudrais quand même porter à l'attention des membres de la commission que l'ensemble des dispositions auxquelles on se réfère concernant l'Office de révision du Code civil se retrouve dans le chapitre 1 qui concerne les personnes. Par conséquent, il y a certaines dispositions concernant les enfants qui seront évidemment, à ce moment-là, étudiées plus en profondeur au niveau de la réforme du chapitre 1. Il faudrait quand même toujours avoir à l'esprit que nous avons présentement devant nous non pas un projet de refonte de tout le Code civil, mais d'un chapitre particulier, celui concernant la famille.

Nous y avons tellement pensé que nous

aurions très bien pu dire: Concernant tous ces problèmes, tout ce qui est des principes qui rejoignent la loi 24, comme c'était dans le livre 1 de l'Office de révision du Code civil, nous avons pensé que c'était là que ça pourrait se faire. Au contraire, nous avons fourni les efforts nécessaires de réflexion pour faire en sorte que tous les grands principes qui se retrouvent à ce chapitre, à ces dispositions relatives aux enfants contenues dans le projet de révision du Code civil, pour que tous ces grands principes, dis-je, que nous pouvons en extraire et qui peuvent raisonnablement se retrouver à l'intérieur de la section que nous étudions le soient.

Je pense qu'il est difficile - je comprends la préoccupation des membres de l'Opposition et je la partage, d'autant plus que je l'ai déjà partagée préalablement - de faire des reproches parce qu'on s'aperçoit que... Je l'ai dit tout à l'heure, je ne pense pas que ce soit nécessaire, car l'essentiel de presque tous les articles concernant les dispositions relatives aux enfants qui se trouvent dans le projet de révision du Code civil sont effectivement, pour autant que c'est possible, pour autant que c'est cohérent aussi avec une étude à venir concernant les personnes, le résultat des efforts nécessaires pour les en extraire dès maintenant et pour que ces dispositions se retrouvent au niveau du chapitre concernant la famille, mais il faut que le tout reste cohérent.

Le Président (M. Laberge): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Le ministre a mentionné que l'article 57 va modifier l'article 39 de la Charte des droits et libertés de la personne.

M. Bédard: Pour être plus précis, j'ai dit que c'est là que se retrouverait l'essentiel du contenu de l'article 24 qu'on évoquait tout à l'heure.

M. Marx: Ici, je vois qu'on modifie l'article 39 de la Charte des droits et libertés de la personne, mais, selon moi, le nouvel article et l'article original sont pareils, je n'y vois pas de distinction.

M. Bédard: Quand on arrivera à cet article, on pourra peut-être en discuter plus en profondeur, si vous avez des suggestions à faire.

M. Marx: D'accord. De plus, j'aimerais souligner qu'il y a une différence si cette protection de l'enfant se trouve dans la charte ou dans le Code civil parce que, dans la charte, à l'article 39: "Tout enfant a droit à la protection, à la sécurité et à l'attention que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent lieu." Il n'y a pas de sanction, si je me souviens bien, dans la Charte des droits et libertés de la personne, en ce qui concerne cet article, quoique, si on met un tel article dans le Code civil, il y ait des sanctions si les droits de l'enfant ne sont pas respectés parce qu'à l'article 47 de la charte des droits, on prévoit: "Les époux ont, dans le mariage, les mêmes droits, obligations et responsabilités." Ce n'est pas la même chose d'avoir cet article dans la charte et de l'avoir dans le Code civil.

M. Bédard: Sauf qu'essentiellement, nous avons le contenu. Nous avons également voulu amender la charte pour que cela se retrouve partout, mais l'essentiel du principe qui est contenu au niveau de cet article se retrouve également quand on est face aux amendements que nous avons accepté d'apporter. Je pense que le seul reproche qu'on pourrait nous faire, et ce ne serait pas un reproche, c'est une question de cohérence, ce serait de ne pas retrouver textuellement tous ces articles de l'Office de révision du Code civil, à un moment donné, dans la même disposition. Ce dont nous avons la préoccupation, que nous partageons avec les membres de l'Opposition pour autant que le tout demeure cohérent, c'est que se retrouvent les principaux principes évoqués par l'Office de révision du Code civil dans ce secteur.

M. Forget: M. le Président, dans la même veine. Mon collègue vient de souligner le problème de la division qui est faite entre certaines dispositions qui sont introduites dans la Charte des droits et libertés de la personne et d'autres dispositions qui sont introduites au Code civil. Il y a là évidemment un choix qui a des implications différentes. On se demande si cette distinction est toujours valablement faite. Ses remarques ont eu pour effet de suggérer que, d'une façon ou d'une autre on s'occupait d'intégrer en quelque sorte tous les droits des enfants qui se retrouvent dans la Loi sur la protection de la jeunesse. Il y en a certainement deux pour lesquels ceci n'a pas été fait et qui nous semblent pertinents dans le cadre d'une révision du Code civil. Il y a, par exemple, l'article 4 de la Loi sur la protection de la jeunesse qui se réfère à la façon avec laquelle les décisions d'un tribunal doivent être rendues, à la préoccupation qui doit être présente lorsqu'un tribunal doit rendre une décision relativement à un enfant.

Je lis l'article 4: Ces décisions, c'est-à-dire les décisions d'un tribunal, entre autres, ou les décisions de toute espèce d'intervenant, doivent tendre à maintenir l'enfant dans son milieu naturel. Si l'enfant n'a pas de famille ou s'il faut l'en retirer, ces décisions doivent tendre à lui assurer les

conditions de vie et de développement se rapprochant le plus de celles d'un milieu familial normal. Quand on pense à toutes les décisions qui vont être prises à tous les chapitres du Code civil relativement aux enfants, c'est une considération pertinente. Il y en a une autre qui se retrouvait dans les recommandations de l'Office de révision du Code civil, à savoir de permettre de désigner un avocat, un procureur lorsque le tribunal est d'avis que l'intérêt de l'enfant l'exige. C'est une recommandation qui a été soulignée dans certains commentaires qui ont été faits au sujet du projet et qui est absente, mais que certains groupes, plusieurs groupes, je pense, tous ceux qui se sont exprimés à ce sujet souhaitent voir se retrouver.

Je pense que nous ne sommes pas devant une situation où, d'une façon ou d'une autre, on s'est préoccupé de toutes ces questions; on y est allé de façon extrêmement sélective, semble-t-il. Lorsqu'on a agi, il n'est pas très clair pourquoi on a agi au niveau de la Charte des droits et libertés de la personne à certains moments et au niveau du Code civil à d'autres moments. Je pense que cela mériterait d'être clarifié beaucoup mieux que cela ne l'est, du moins à première vue et même un peu plus qu'à première vue.

M. Bédard: Je vais prendre note. Il resterait les deux suggestions que vient d'évoquer le député de Saint-Laurent. Pour ce qui est des autres sujets d'intérêt, je pense y avoir répondu valablement. (12 h 30)

M. Blank: Une courte intervention. Quand vient la question des droits des personnes et, dans ce cas-ci, ceux des enfants, si on a le choix, dans le sens qu'on discute maintenant de les enchâsser dans la constitution... Mettons cela de côté pour le moment. Du côté de la protection, dans le sens d'une plus grande protection aux personnes, ce qui serait enchâssé dans une constitution serait difficile à faire amender, on a trois choix ici: on a le bill 24, la Charte des droits et libertés de la personne et le Code civil. À mon avis, avec l'expérience parlementaire que j'ai, le seul qui est le moins modifié, le seul , je crois, auquel on pense une deuxième ou une troisième fois avant d'y toucher, c'est le Code civil. Or, c'est la base de notre civilisation provinciale.

C'est plus facile de toucher à une loi et même à une charte. Les politiciens penseraient facilement retoucher une loi ou même à une charte, mais ils y penseraient deux fois avant de toucher à un code. C'est pour cela que je dis que, quand on parle de protection, c'est mieux de la placer dans le code pour être certains d'avoir cette protection que de dire: On ne la mettra pas dans le code, on va la mettre dans une loi, dans la charte. J'aimerais que ce soit dans le code. Si on veut la mettre dans d'autres lois pour d'autres raisons, "I see them on the cake", comme on dit en anglais, d'accord, mais la protection de base, on doit la trouver dans le code, c'est notre constitution civile dans un sens; moins on y touche, mieux c'est pour la population.

M. Bédard: J'ai pris note des deux suggestions. On pourrait évaluer et voir si elles ne peuvent pas être mieux traitées à un autre chapitre qu'à celui que nous étudions présentement. Je ferai remarquer au député qu'il y a eu quand même au-delà de 200 modifications au Code civil. Je me permets non seulement de réfléchir tout haut, mais je crois que cela devra être traduit en termes pratiques et en décisions. Je pense qu'il y aura nécessité au Québec qu'il y ait une sorte de commission permanente de la refonte du Code civil, de manière que, justement, lorsque des amendements sont nécessaires, à ce moment, les parlementaires puissent profiter de l'expérience et de la réflexion des membres de cette commission pour procéder à des amendements. Je suis convaincu qu'il y a plusieurs amendements qui auraient pu être faits au cours des années au niveau du Code civil et qu'ils ne l'ont peut-être pas été parce qu'il n'y avait pas un groupe spécial qui réfléchissait sur les amendements. Il y avait sûrement un groupe spécial depuis 23 ans qui réfléchissait sur l'ensemble de la refonte du Code civil. On doit en être reconnaissants à ces membres. Un de ceux-là est avec nous, M. Guy, qui a été durant dix ans associé à ces travaux. Peut-être que c'est un instrument de plus qu'il faudra se donner rapidement en fonction de l'avenir.

M. Lalande: Je pense que le ministre est conscient que ce vieil adage que "nul n'est censé ignorer la loi" est de plus en plus désuet et tout à fait anachronique. Le fond de tout ceci, c'est, encore une fois, autant que possible, surtout quand il s'agit d'une constitution privée des gens, si on peut dire, pour essayer de rattacher cela autant que possible au même endroit pour que tout le monde puisse s'y référer facilement, qu'il faut que cela devienne rapidement le code de référence.

M. Bédard: Comme je crois aussi qu'il faut avoir l'humilité de penser que ce que nous faisons aujourd'hui ne doit pas être coulé dans un ciment tel que cela ne puisse pas être amendé au cours des cent prochaines années. Ce serait, à ce moment, se donner un don de clairvoyance sur l'évolution de la société que nous n'avons pas.

M. Lalande: Le but de mon intervention, ce n'est absolument pas d'immobiliser l'évolution, mais, au moins, qu'on puisse constater à même le même bouquin de références, l'évolution, si cela change, à partir de là.

Le Président (M. Laberge): L'article 30 sera-t-il adopté?

M. Bédard: Je n'ai pas d'autres remarques à faire sur les articles 30 et 31, qui se rejoignent.

Le Président (M. Laberge): ... qui se rejoignent. L'article 30 sera-t-il adopté? M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Non. On dit: "On tient compte, notamment, de l'âge, du sexe, de la religion, de la langue, du caractère de l'enfant, de son milieu familial et des autres circonstances dans lesquelles il se trouve." Lorsqu'on applique cela dans les circonstances concrètes, par exemple, dans l'adoption, il y avait une pratique immémoriale au Québec au moins - je ne sais pas si le parallèle se trouve ailleurs -qui voulait qu'on ne permette l'adoption d'enfants même naissants issus d'une mère ou de parents - si on connaissait les deux parents - catholiques, à moins que la famille adoptive ne soit catholique. De façon semblable, on ne permettait l'adoption d'un enfant protestant que par une famille protestante, etc. et on pourrait aller comme cela assez loin.

Est-ce que le but visé, ou l'effet, même si ce but n'est pas visé, du deuxième alinéa n'est pas de continuer ou de donner une assise juridique à la continuation de cette tradition qui n'est pas nécessairement, ou, que certaines personnes jugeraient ne pas nécessairement être dans l'intérêt de l'enfant? Si un enfant vietnamien ou cambodgien est offert ou est disponible pour adoption, est-ce qu'il faudra attendre une famille cambodgienne ou vietnamienne pour l'adopter? On se rend compte tout de suite que, dans certains cas, évidemment, cela pourrait constituer un frein sérieux.

Je n'ai pas de querelle en soi avec la notion qu'on tient compte de tout. Dans le fond, le problème n'est pas de savoir si on tient compte de tout, mais de savoir comment on en tient compte.

M. Bédard: Je pense...

M. Forget: Évidemment, on me dira: Le premier alinéa dit que cela se fait dans l'intérêt de l'enfant. On tient compte de tout dans l'intérêt de l'enfant, mais dans le fond cette interprétation enlève presque son sens au deuxième alinéa. Si l'intérêt de l'enfant est dominant, qu'on tienne compte de tout ou non, de toute façon, cela ne change rien.

Je ne sais pas vraiment quelle situation on a à l'esprit, que l'on veut résoudre par ce deuxième alinéa. On tient compte de l'âge, du sexe... Je comprends qu'on ne peut pas... Par exemple, dans l'adoption, on disait: II faut qu'il y ait un écart d'âge de 18 ans. C'est une façon de tenir compte de l'âge mais, justement, la loi n'a pas dit: On tient compte de l'âge. On met une limite précise, on dit comment on en tient compte. Quand on ne dit pas comment on tient compte de tout cela, cela donne ouverture à beaucoup d'interprétations.

M. Bédard: Sûrement, ce n'est pas l'objectif que nous voulons atteindre, celui qui a été évoqué par le député de Saint-Laurent. La phraséologie que nous avons présentement représente un assouplissement par rapport à ce qui existait déjà. On retrouve exactement le même libellé dans le rapport de l'Office de révision du Code civil.

M. Forget: Oui, oui. Là-dessus, vous avez raison, c'est le même libellé.

M. Bédard: II s'agit d'un ensemble de critères non limitatifs, bien sûr, qui donnent un petit peu de contenu ou de termes de référence, peut-être au tribunal quand il s'agira d'étudier ou d'évaluer l'intérêt de l'enfant. C'est sûr que le premier alinéa est suffisant en termes de règles de principe. Je pense que le deuxième présente peut-être deux intérêts; celui de fournir, en tout cas, des critères assez nombreux sans que ce soit limitatif, d'une part. Donc cela indique ce qu'il est bon d'examiner.

Deuxièmement, justement parce que certains de ces critères dans la loi d'adoption actuelle étaient considérés comme étant assez absolus, cela permet de voir maintenant qu'ils ne le sont plus, si jamais le tribunal pensait que la religion, par exemple, la langue ou enfin certains autres critères devaient être appliqués d'une façon un peu absolue. Ils pourraient se rendre compte, me semble-t-il, par la formulation même de l'article, que ce sont là des critères parmi bien d'autres. Ce qui est important, c'est de considérer peut-être l'ensemble de la situation de l'enfant et de voir ce qui est le mieux, une fois que tout a été pesé.

M. Forget: Oui, mais, M. le Président, quand on dit: On en tient compte, on ne veut certainement pas dire qu'on n'en tient pas compte.

M. Bédard: C'est certain.

M. Forget: II reste qu'une fois qu'on l'a dit, je pense qu'on lie un peu les mains du

tribunal qui, parfois, dans l'intérêt de l'enfant, pourrait vouloir ignorer une circonstance.

M. Bédard: En tenir compte ne veut pas dire être emprisonné par le fait qu'on en tient compte. Cela veut simplement dire en faire l'évaluation et le tribunal a toujours la discrétion, parce qu'on ajoute aussi, d'une façon non limitative, toutes les autres circonstances dans lesquelles il se trouve, ce qui fait qu'un tribunal peut très bien avoir tenu compte de l'âge, du sexe et de la religion et, tenant compte aussi des autres circonstances, pondérer la décision qu'il aura à rendre.

M. Forget: M. le Président, je ne peux être d'accord avec cette interprétation, parce qu'un tribunal à qui on ne dit rien, on n'a pas à présumer qu'il peut ignorer une partie de la réalité, si cette réalité, quelqu'un en fait la preuve devant lui. Si quelqu'un n'en fait pas la preuve devant lui, de toute manière, il ne pourra pas en tenir compte. Donc, le tribunal est passif, il attend qu'on fasse une preuve. Si on ne lui dit pas qu'il doit tenir compte de la réalité, il en tiendra compte. Si on dit qu'il doit en tenir compte, à ce moment-là, il faut donner une signification à cette invitation pressante d'en tenir compte. Cependant, tout ce que ça veut dire, il n'est pas nécessairement obligé d'en tenir compte au niveau de la preuve. Cela va de soi. Il est obligé d'en tenir compte au niveau de la décision.

Il me semble que si on lui dit qu'il doit en tenir compte au niveau de la décision, il ne pourra tout simplement dire: Cela, je ne veux pas en tenir compte au niveau de la décision. Cela doit, me semble-t-il - je le soumets humblement, je ne suis pas un expert en interprétation des lois contraindre son jugement, contraindre ses décisions par rapport à une situation où on ne lui dirait rien.

Vous savez, quand nous avons soulevé tout à l'heure la question des droits des enfants dans la Loi sur la protection de la jeunesse, ce n'est pas simplement dans un but d'élégance législative. C'est que, lorsque ceux qui ont participé à la rédaction de ces articles se sont posé la question de savoir comment, juridiquement, on peut définir de façon opérationnelle ou opératoire l'intérêt de l'enfant, on ne peut pas tout simplement dire qu'il faut faire le bien et éviter le mal, il faut suggérer des façons de régler les problèmes.

Tous les articles qui suivent l'énoncé que le respect des droits de l'enfant doit être un motif déterminant des décisions prises à son sujet en vertu de la présente loi, qui est l'article 3 de la Loi sur la protection de la jeunesse, tous ces articles constituent des façons d'interpréter l'intérêt de l'enfant, et des façons opérationnelles mais pas en disant qu'il faut tenir compte de son milieu naturel. On a dit: Non, quand il y a une décision à prendre, on favorise le milieu naturel par rapport à des milieux qui ne sont pas des milieux naturels. C'est une indication, je pense, qui est compréhensible et qui permet d'actualiser ce que veut dire l'intérêt de l'enfant.

Au deuxième article qui constitue une illustration, l'article 5, on dit: Quand la loi confie des responsabilités à l'enfant, les législateurs ont un devoir d'informer l'enfant. Ils ne doivent pas traiter l'enfant comme une chose, mais le traiter comme une personne capable de comprendre, à des degrés divers, bien sûr, mais toujours inciter la compréhension par l'enfant des choses qui sont faites à son égard. C'est une façon d'interpréter l'intérêt de l'enfant, ça aussi.

À l'article 6, troisième illustration. Quand les législateurs sont appelés à prendre des décisions à l'égard de l'enfant, ils doivent donner à l'enfant et à ses parents la chance de se faire entendre. Autrement dit, on reconnaît l'existence de la famille, qui impose de respecter sa volonté ou au moins de respecter son opinion relativement à ce qui l'affecte. C'est une autre façon d'illustrer la situation. Mais, si on ne va pas aussi loin que ça, on demeure au niveau des voeux pieux, c'est une question d'opinion: Devant une chose qui sera faite par l'un dans l'intérêt de l'enfant, son voisin dira: Bien non, c'est contraire à son intérêt. Il faut que le législateur aille au-delà d'un énoncé de principe. Quand on dit tout simplement: il faut tenir compte de tout ça, je vous avoue franchement que ça me fait peur parce que je me dis que ça ne peut pas vouloir dire autre chose que des contraintes et des contraintes imprécises, des contraintes que chaque juge, que chaque intervenant, que ce soit un juge, si on parle du code, chaque juge interprétera à sa façon, mais créera des précédents et créera une jurisprudence. Vraiment, là, c'est du droit fait par des juges mais sans qu'on donne au juge un fil conducteur. (12 h 45)

M. Bédard: Peut-être peut-on répondre à cette préoccupation du député de Saint-Laurent au niveau simplement de la phraséologie. Le député de Saint-Laurent pense qu'à partir du moment où on emploie l'expression "on tient compte", ça impliquerait que, lorsque le tribunal... On indique un fil conducteur et cela pourrait aller jusqu'à indiquer que le tribunal, lorsqu'il n'en tient pas compte, devrait l'indiquer, ce que je ne crois pas, parce que ce sont des références. On pourra peut-être, à ce moment-là, dire qu'on peut prendre en considération l'âge, le sexe, la religion, etc. Je pense qu'à ce moment-là, cela n'indiquerait pas... Il y a l'autre solution

aussi. Je ne sais pas ce qu'en pense l'Opposition; on peut s'en tenir aussi au principe général. Je pense que c'étaient simplement des indications et je suis pleinement convaincu qu'on ne restreint pas toute la discrétion dont le tribunal peut faire état dans l'évaluation.

D'autre part, on ne peut quand même pas, au niveau du code, essayer de tenir compte de toutes les circonstances et les énumérer. On parle de celles qui sont généralement acquises. D'ailleurs, l'Office de révision du Code civil va exactement dans le même sens. Il me semble élémentaire, lorsqu'un tribunal a à évaluer l'intérêt de l'enfant, qu'il y ait des critères de base qu'il ne peut faire autrement que d'évaluer. Ne l'obligeons pas, même si je crois qu'on ne l'oblige pas par la formulation telle que libellée... On peut peut-être dire qu'on prend en considération l'âge, le sexe, etc.

Le Président (M. Laberge): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Les tribunaux, j'imagine, jugent des causes chaque jour dans l'intérêt de l'enfant et dans le respect de ses droits. En décidant de ces causes, ils tiennent compte d'un certain nombre de considérations, d'un certain nombre de critères. Dans la jurisprudence, si vous avez l'information, quelles sont les circonstances et les critères dont tiennent compte les tribunaux? J'imagine que, même si on n'a pas le paragraphe 2, à l'article 30, ils vont tenir compte de l'âge, du sexe, de la religion, de la langue des enfants, etc. Est-ce qu'il y a d'autres considérations, d'autres critères qu'on trouve dans la jurisprudence aujourd'hui? J'imagine que le ministère, soit le ministère, soit l'Office de révision du Code civil, a fait une étude sur la jurisprudence pour en arriver à rédiger un article. J'imagine que l'article n'a pas été rédigé sans qu'on ait fait une étude pour savoir l'état de la jurisprudence.

M. Bédard: On l'a étudié d'abord au niveau de l'Office de révision du Code civil; on a quand même eu quelques années pour l'étudier.

M. Marx: Mais quelles sont les circonstances?

M. Bédard: On retrouve, au chapitre de l'adoption, d'autres circonstances bien précises dont on doit tenir compte.

M. Marx: Je pose la question.

M. Bédard: Pour ce qui est d'essayer d'énumérer, je pense que c'est difficile d'être précis au point d'énumérer ce que veulent dire "autres circonstances"; je pense que c'est tout simplement une question de logique et de réalisme afin de prévoir, quand un tribunal a à évaluer l'intérêt de l'enfant, au-delà de l'âge, du sexe, de la religion, de la langue, du caractère de l'enfant et de son milieu familial, qu'il peut se trouver d'autres circonstances à évaluer, que ce soit la santé, etc. On n'a pas voulu que ce soit limitatif, justement.

M. Marx: Oui, mais dans les cas de droit de la jurisprudence actuelle, est-ce que les juges tiennent compte d'autres circonstances qu'on n'a pas indiquées à l'article 30?

M. Bédard: La façon dont l'office a travaillé, pour autant que je puisse témoigner d'une certaine façon de travailler, du moins dans le cadre de certains chapitres, c'est qu'il y a eu une analyse assez systématique quand même de faite de la doctrine et de la jurisprudence. Ont été ensuite dégagés de cette doctrine et de cette jurisprudence, généralement, les principes, les critères, enfin les règles secondaires qui paraissent maintenant. Et quand l'office propose, dans le deuxième alinéa de l'article 25 du livre premier, une énumération non limitative, bien sûr, pour laisser la possibilité au tribunal de tenir compte d'autres circonstances qui ne sont peut-être pas apparues dans la jurisprudence - l'état de santé d'un enfant, par exemple, peut être important, son état...

Une voix: La santé des parents.

M. Bédard: Oui. Il peut être infirme, il peut avoir certains handicaps. Il est évident que ce genre de situation peut entrer en ligne de compte quand on sait que l'accès n'est pas toujours possible partout quand on est handicapé. Je peux dire que les critères qui ont été dégagés apparaissent généralement et les autres sont un droit civil davantage pour prévoir la possibilité que la règle ait assez de souplesse, assez d'ouverture pour permettre également au tribunal de prendre en considération des situations extrêmement particulières, peut-être ad hoc, qui n'ont pas fait l'objet d'une décision. De plus, il est important de souligner que l'article 30 n'est pas un guide, dans les vues de l'office et du projet de loi 89, que pour le tribunal. C'est également un guide pour toute personne qui va prendre des décisions à son sujet, qu'il s'agisse du tuteur, des administrateurs, ou de personnes qui ont à décider à son sujet, que ce soit le directeur de la protection de la jeunesse, bref, toute personne qui a des décisions à prendre à son sujet et qui doit tenir compte de son intérêt. Comme ces personnes ne sont pas toujours le tribunal, leur présenter une liste de critères peut les aider à évaluer une situation qui, autrement, risquerait d'être un

peu théorique.

M. Marx: L'article 30 fait état des considérations principales dont on tient compte dans la jurisprudence et dans la doctrine. Le cas échéant, le juge peut apprécier...

M. Bédard: Les personnes habilitées peuvent tenir compte d'autres circonstances...

M. Marx: ...d'autres circonstances.

M. Blank: Du côté pratique, comme le député de Saint-Laurent l'a déjà dit, quand on mentionne au deuxième alinéa de l'article 30, on tient compte notamment...etc., etc. Je trouve que, si dans une cause devant un juge ou devant le directeur du Bureau de protection de la jeunesse, selon la loi 24, ou le tuteur, au moment où on fait la preuve de n'importe quelle chose mentionnée ici, le juge, ou le directeur doit, dans son jugement, donner les raisons pour lesquelles... et s'il ne le fait pas, on doit aller en appel. Il faut dire qu'on l'oblige maintenant à en tenir compte dans ses jugements.

M. Bédard: La proposition qu'on a faite...

M. Blank: Parfois, ce n'est pas dans l'intérêt de l'enfant.

M. Bédard: La proposition faite assouplit la formule si on la rend plus discrétionnaire pour le tribunal. Il peut prendre en considération... À ce moment-là, il n'est pas tenu de les justifier tous.

M. Blank: Je ne le sais pas.

M. Bédard: Dans l'intérêt de l'enfant, je pense...

M. Blank: Au moment où on le mentionne et qu'on en fait la preuve, si le juge ignore...

M. Bédard: II me semble très clair qu'on donne au tribunal une discrétion ou on ne lui en donne pas. Il fait l'évaluation de l'ensemble à partir de certains éléments qui sont portés à son attention et son jugement doit être en fonction de sa conscience, de l'explicitation des arguments, que sa conscience lui indique de mettre dans le jugement.

M. Blank: Je dis que, si le juge, pour certaines raisons, ne mentionne pas dans son jugement son opinion sur la preuve qui sera faite devant lui ou respecte les critères mentionnés ici, c'est un cas parfait pour un appel parce que le juge n'a pas pris en considération...

M. Marx: L'article 30, paragraphe 2...

M. Bédard: Je voudrais bien avoir une suggestion. Est-ce que vous voulez supprimer l'article...

M. Marx: ...donne l'ordre au juge de tenir compte.

M. Blank: Non pas l'article, mais peut-être le deuxième alinéa.

M. Bédard: ...et ne donner aucune balise? Le deuxième alinéa.

M. Lalande: Je m'excuse, je voudrais demander au ministre, il y a peut-être...

M. Bédard: Je crois qu'on peut l'enlever, mais il me semble qu'on se prive d'expliciter, ce qui est de commune renommée, des critères normaux qui ne lient pas indéfectiblement un tribunal, mais des critères normaux sur lesquels n'importe quelle personne et n'importe quel tribunal se penche lorsqu'il fait l'évaluation d'un cas. Je dirais que n'importe quelle personne n'ayant aucune expérience, par la force des choses, même si ce n'était pas là, va trouver le moyen d'en tenir compte.

M. Lalande: Est-ce que dans vos explications, dans le projet d'amendement que vous avez introduit tout à l'heure, vous tenez compte...

Qu'est-ce que c'était tout à l'heure?

M. Bédard: On peut prendre en considération.

M. Lalande: Les explications que vous donnez à l'heure actuelle se retrouvent à l'intérieur de cela. On peut prendre en considération.

M. Bédard: C'est cela.

M. Lalande: Je pense bien que dans...

M. Bédard: C'est-à-dire que cela répond à la préoccupation du député de Saint-Laurent, à savoir qu'on ne donne pas l'impression que c'est un fil conducteur qui oblige plus qu'il ne le faut.

M. Lalande: Si je comprends bien, le but qui était visé dans ceci c'est, jusqu'à un certain point, de demander au juge d'examiner à tout le moins ces choses. Encore une fois, comme le souligne le député...

M. Bédard: D'après la formulation, on peut le prendre en considération à ce moment.

M. Lalande: C'est cela. C'est pour cela que je voulais introduire... Cela change un peu le sens.

M. Bédard: Oui. On peut prendre en considération, notamment, l'âge, le sexe, la religion, la langue, le caractère de l'enfant, son milieu familial et les autres circonstances dans lesquelles il se trouve.

M. Blank: Je vais demander à madame de vérifier la version anglaise parce que je ne sais pas si les mots "in particular" constituent la traduction de "notamment". "In particular", cela veut dire que particulièrement on doit prendre. Notamment, ce n'est pas exactement cela.

M. Marx: Notamment en anglais, c'est notably. Je pense que c'est consacré dans la pratique.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que vous suggérez qu'on modifie? On prend en considération...

M. Bédard: On peut prendre en considération, notamment, l'âge, le sexe, la religion, la langue, le caractère de l'enfant, son milieu familial et les autres circonstances dans lesquelles il se trouve.

Le Président (M. Laberge): Je vous relis l'article 30. "L'intérêt de l'enfant et le respect de ses droits doivent être les motifs déterminants des décisions prises a son sujet."

Le deuxième paragraphe se lit donc maintenant: "On peut prendre en considération, notamment, l'âge, le sexe, la religion, la langue, le caractère de l'enfant, son milieu familial et les autres circonstances dans lesquelles il se trouve."

M. Charbonneau: Rien n'oblige de le prendre en considération.

M. Bédard: On ne peut pas faire autrement que de le prendre en considération à partir du premier alinéa qui impose que l'intérêt de l'enfant et le respect de ses droits doivent être à la base même des prises de décisions le concernant.

M. Forget: Sans omettre la possibilité qu'à l'occasion - c'est un peu en réponse au député de Verchères - il peut être dans l'intérêt de l'enfant d'ignorer, de mettre de côté une considération comme celle-là à l'occasion. Prendre en considération doit être interprété dans son sens le plus large, c'est-à-dire: L'examiner, en voir la pertinence et décider soit de le retenir comme un facteur déterminant ou de l'écarter, parce qu'il se peut que l'intérêt de l'enfant oblige le juge, s'il veut vraiment servir l'intérêt de l'enfant, à mettre de côté une considération de langue ou d'âge, étant donné d'autres circonstances.

M. Blank: Un exemple très simple. Un francophone protestant dans une ville éloignée ou un village éloigné, le juge peut l'envoyer dans une école française catholique parce que c'est dans l'intérêt de l'enfant de voir à son éducation dans sa langue. Ce n'est pas la religion. C'est un exemple frappant qu'on peut faire de cela.

Le Président (M. Laberge): L'article 30 amendé. D'abord, je souligne que les amendements suggérés au deuxième alinéa sont adoptés et l'article 30 amendé sera-t-il adopté?

M. Bédard: Adopté. M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté avec amendement. L'article 31. À moins que vous n'ayez des commentaires sur l'article 31.

M. Lalande: L'article 31: "Le tribunal peut, chaque fois qu'il est saisi...

M. Bédard: Cela s'inspire de l'article 6 de la Loi sur la protection de la jeunesse.

M. Lalande: S'inspirant de certaines considérations pratiques, n'y aurait-il pas lieu d'aller un petit peu plus loin et dire: Le tribunal peut, mais pour des motifs importants, pour des motifs sérieux, chaque fois qu'il est saisi d'une demande mettant en jeu l'intérêt de l'enfant, consulter ce dernier? Parce que là il peut le consulter ou ne pas le consulter, mais si on lui demande de le consulter à moins qu'il n'ait des motifs importants de ne pas le consulter. Le fait qui se pose, c'est que certains juges ne consultent pas et d'autre consultent. Je comprends que c'est vrai dans tout. Mais, là, comme c'est le cas des droits de l'enfant, d'une façon plus précise, est-ce qu'il n'y pas moyen, sans encadrer le juge, au moins de le forcer à entrer en communications avec l'enfant si on veut lui reconnaître un véritable droit? (13 heures)

M. Bédard: Je pense qu'on reconnaît le véritable droit à l'enfant par le fait de rappeler au tribunal qu'il peut consulter. Il faut partir du principe que les tribunaux sont là pour juger dans le sens de l'intérêt de l'enfant. Si, préalablement, on n'établit pas cette balise, on va tous être portés à mettre beaucoup d'obligations.

M. Lalande: C'est simplement une autre formulation. Mais souvent, on retrouve cette expression. Quand on veut vraiment qu'il soit consulté pour des motifs sérieux ou des

motifs importants, je ne sais pas quoi, quand on veut véritablement qu'il aille... Ce n'est pas nouveau; c'est une formulation qu'on retrouve assez souvent.

M. Blank: ...une question de base, une demande qui est mentionnée dans un des articles cités par le député de Saint-Laurent: Est-ce que l'enfant qui est consulté et qui ne veut pas être consulté a le droit d'être représenté par un avocat?

M. Bédard: Oui, il n'y a rien qui empêche un enfant d'être représenté par un avocat.

M. Blank: Même ici?

M. Forget: M. le Président, je pense qu'on a passablement de discussions à faire sur l'article 31. Je recommanderais que nous ajournions.

Le Président (M. Laberge): C'est justement ce que j'allais vous demander. Comme la discussion sur l'article 31 n'est pas terminée, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 2)

(Reprise de la séance à 15 h 14)

Le Président (M. Laberge): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de la justice reprend ses travaux concernant le projet de loi no 89.

Une correction au journal des Débats. Ce matin, j'ai indiqué que M. Guay (Taschereau) était remplacé par M. Gosselin (Sherbrooke) alors que M. Guay était présent à la commission et que M. Gosselin remplace plutôt Mme LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine).

Lors de la suspension de nos travaux, nous en étions à l'étude de l'article 2 et, plus spécifiquement, du paragraphe 31. Ce paraqraphe 31 est rappelé.

M. Bédard: M. le Président, je crois que, sur ce paragraphe 31, j'avais donné les explications. Peut-être qu'il y a des remarques de la part de l'Opposition.

M. Forget: Oui.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, cet article...

M. Bédard: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, l'article indique que le tribunal peut consulter l'enfant, en autant qu'il y va de l'intérêt de l'enfant. Je pense que c'est en relation avec d'autres articles qu'on a déjà étudiés concernant l'adoption. On a déjà adopté des articles stipulant que, jusqu'à un certain âge, le tribunal pouvait consulter l'enfant et que, dépassé un certain âge, il pouvait y avoir obligation, mais je pense que, déjà, l'Opposition a explicité son idée ce matin... je laisse la parole à l'Opposition.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Cet article n'engage pas à beaucoup. D'abord, au lieu de dire que le tribunal "doit" consulter, il dit que le tribunal "peut" consulter. Il y a un élément d'évaluation subjective de la part du tribunal, donc cela va moins loin que ce qu'on pourrait souhaiter. À ceci, on pourrait répondre: Oui, mais, dans certains cas, l'enfant ne peut pas être consulté, par exemple, parce qu'il est trop jeune. Je tiens à souligner que ce problème est réglé dans la rédaction suggérée par l'Office de révision du Code civil en disant que l'enfant doit être consulté s'il est doué de discernement. Donc, on pourrait en faire une obligation, quel que soit l'âge de l'enfant, en utilisant ce langage. Mais, il y a plus que ça, il y a aussi l'envergure de l'obligation.

Je me reporte maintenant à l'article 6 de la Loi sur la protection de la jeunesse où on dit que lorsqu'on doit prendre une décision au sujet d'un enfant, on doit donner à cet enfant, à ses parents et à toute personne qui veut intervenir dans l'intérêt de l'enfant l'occasion d'être entendu. C'est un élargissement de ce qui serait possible dans d'autres circonstances. En effet, on dit spécifiquement que non seulement, ce qui est une règle, je pense normale, que celui dont les intérêts sont directement mis en cause par une instance doit être entendu, mais que ses parents aussi doivent être entendus, mais ce qui est encore plus intéressant, c'est que toute personne qui a à intervenir du côté de l'enfant, dans la défense de l'enfant, en quelque sorte, ou dans la défense de ses intérêts, on doit lui donner l'occasion d'être entendu. C'est une idée intéressante, parce qu'elle démontre clairement que lorsqu'on parle de l'intérêt de l'enfant, on prend des précautions exceptionnelles.

Si je comprends bien, si une disposition comme celle-là était introduite dans le Code civil, ça permettrait au tribunal d'office d'autoriser un témoignage qui, à sa face même, viserait à aider l'enfant. Les enfants, parfois, on leur reconnaît, dans le corps du code, la possibilité d'intervenir eux-mêmes. Mais, un enfant est toujours un peu handicapé de le faire par ses propres moyens et la reconnaissance de la possibilité qu'un

adulte l'aide dans ses démarches, l'aide mais ne lui nuise pas est, je pense, une addition intéressante.

Enfin, la façon dont l'obligation est faite au tribunal. On dit ici qu'il doit consulter l'enfant, c'est le texte du projet de loi 89. C'est inspiré directement de la recommandation de l'Office de révision du Code civil. Dans la loi 24, on dit: donner l'occasion d'être entendu. Il y a évidemment une nuance entre consulter et donner l'occasion d'être entendu. Je pense que la formulation la plus lâche, c'est donner l'occasion d'être entendu parce que ça va au-delà d'une consultation sur un point particulier. Quand on fait la somme de toutes ces considérations, on en vient à conclure que, finalement, l'article 6 de la loi 24 est peut-être celui qui est le plus approprié à une véritable défense de l'intérêt de l'enfant. Cela articule très bien ce qu'on veut dire par l'intérêt de l'enfant, lorsqu'une décision le touche, dans le mesure où on spécifie très clairement l'envergure qu'on donne à cette obligation de consultation. C'est une obligation, pas simplement une faculté de consulter. Cela ne s'applique pas seulement à l'enfant, mais à ses parents et à des personnes qui voudraient l'aider.

Deuxièmement, on peut en faire une obligation si on prend soin d'ajouter la réserve: S'il est doué de discernement, de manière que l'absence de discernement soit la seule raison qui motive la non- consultation.

Le Président (M. Laberge): M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, je ne répéterai pas les propos du député de Saint-Laurent. Je suis très ouvert à ce qu'on réévalue, dans le sens des propos qui ont été tenus par les membres de la commission, non seulement la formulation, mais également le but à atteindre, qui est une meilleure protection de l'enfant, sous l'angle de la possibilité d'être entendu par le tribunal, trouver le moyen de limiter le plus possible la discrétion du tribunal. Je pense qu'à partir de la formulation de la Loi sur la protection de la jeunesse, en passant par celle de l'Office de révision du Code civil et celle que nous avons présentement devant nous, nous pouvons en arriver à une formulation qui rejoint nos préoccupations communes. Je demanderais qu'on le suspende jusqu'à ce que cette formulation nous soit représentée de manière qu'on ne fasse pas ce qu'on n'a pas fait depuis le début, à savoir des amendements sur le bord de la table.

M. Forget: Ce serait souhaitable.

M. Lalande: Est-ce que le ministre me permettrait une intervention à ce niveau?

Le Président (M. Laberge): M. le député de Maisonneuve.

M. Lalande: II est évident que quand on parle du tribunal il ne faut pas se faire obnubiler par le seul cas de séparation ou de divorce. Il est évident qu'il y a une réaction. On se dit: On aimerait autant que possible que l'enfant ne soit pas pris dans ce dédale, qu'il soit forcément consulté. C'est déjà assez traumatisant. Je pense que tout le monde le constate, en tout cas, quand on est en pratique. Il n'en demeure pas moins -l'article a une portée plus grande que la séparation et le divorce - les cas de tutelle qui arrivent régulièrement au moment d'un conseil de famille. Ne serait-il pas nécessaire que le juge ou le tribunal, dans certains cas, consulte véritablement l'enfant, dans ces cas bien précis? C'est une réaction. J'ai lu certains documents où on dit qu'il est dangereux de judiciariser davantage les moments de divorce et de séparation où on amène l'enfant dans le processus judiciaire. Je pense que cet article va au-delà de ce problème, qu'on pourrait peut-être corriger par l'expertise psychosociale dans les cas de divorce et de toutes ces histoires de praticiens, mais, dans les cas de tutelle, encore une fois, pour me répéter, c'est un cas précis, le cas des incapables, il faut véritablement prendre l'intérêt de l'enfant.

M. Bédard: D'accord. Nous allons suspendre l'article, je pense que la discussion a été faite, quitte à voir si la formulation rejoint les objectifs que nous avons évoqués solidairement.

Le Président (M. Laberge): L'article 31 est suspendu. J'appelle maintenant l'article 3.

M. Bédard: C'est un article de concordance avec l'article 410 édicté par l'article 1 et avec l'article 53b du Code civil du Bas-Canada.

Le Président (M. Laberge): L'article 3 est-il adopté?

M. Forget: La concordance s'entend dans quel sens? C'est que cette disposition existe déjà dans le Code civil. On la déplace...

M. Bédard: C'est évidemment déjà prévu à l'article 53b que des personnes sont peut-être compétentes à célébrer des mariages sans être compétentes pour tenir les registres. Dans le cas du protonotaire, il tient les registres. Dans le cas de personnes compétentes à célébrer les mariages, mais non à tenir les registres, il faut bien que l'acte de mariage soit envoyé à quelqu'un qui a capacité ou pouvoir de tenir les registres. C'est pour permettre au protonotaire, si vous

voulez, de tenir les registres dans ces quelques cas particuliers.

M. Forget: Est-ce que cette disposition pour permettre à des célébrants qui ne sont pas des fonctionnaires de l'État civil de célébrer les mariages est nouvelle?

M. Bédard: C'est dans la perspective de la réforme proposée pour éviter de nécessairement lier la célébration du mariaqe à la tenue de registres, qui est un acte très administratif. Dans l'autre cas, c'est quand même quelque chose...

M. Forget: ...qui n'est pas permis dans le moment. Tous les célébrants sont nécessairement des officiers de l'État civil.

M. Bédard: C'est beaucoup plus pour ouvrir des portes dans le sens de la réforme à venir que de répondre à un besoin très immédiat.

Je pense qu'il est nécessaire de faire une distinction. La personne habilitée à célébrer le mariage est également celle habilitée à tenir les registres.

M. Blank: De quelle façon va-t-on mommer des personnes de célébrer les mariages?

M. Bédard: Encore une fois, on a déjà l'article 53b du Code civil du Bas-Canada et il prévoit cette hypothèse, sauf que je ne sache pas qu'il y ait une loi comme telle qui autorise à célébrer les mariages et qui n'autorise pas... C'est une réforme proposée que cela puisse être possible et, comme l'article 53b est déjà là, mais qu'il n'y a pas la suite administrative qu'il faut pour pouvoir noter l'acte de mariage...

M. Blank: C'est ce que je me demande. Qui va autoriser ces personnes, de quelle façon, qui fait la demande?

M. Bédard: Dans la réforme du livre premier, ce problème va être forcément étudié. Il faudrait bien qu'une décision soit prise à ce moment, lors de la réforme, parce que ce n'est pas actuellement prévu.

M. Blank: Cela devient le même problème; on étudie le Code civil section par section, il y a interaction et on ne sait pas ce qu'on va faire. C'est ce qui est le gros problème.

M. Bédard: De toute façon, on serait toujours pris avec le même problème.

M. Blank: Oui, mais voilà un exemple. Ici, on parle de quelqu'un qui va célébrer le mariage et on ne sait qui et comment il va être autorisé.

M. Forget: Qu'est-ce qui nous oblige à adopter cela maintenant, étant donné que l'autre partie de la réforme viendra plus tard, de toute manière?

M. Bédard: C'est déjà dans 53b du Code civil du Bas-Canada. C'est indiqué dans 53b: Toute personne compétente à célébrer un mariage ou à présider l'inhumation qui n'est pas autorisée à tenir un registre des actes d'état civil... Cela a déjà été introduit dans le Code civil depuis longtemps. Ce n'est pas nous qui, disons, le proposons par le projet 89, c'est simplement qu'il n'y a pas le rattachement, si vous voulez, de 53b à 42. C'est ce rattachement administratif qu'il n'y a pas.

M. Forget: M. le Président, je pense qu'il y a encore beaucoup de ficelles à lier dans tout cela. On a soulevé au tout début, lorsque nous parlions de la célébration du mariage, la possibilité que l'on porte ainsi atteinte à la liberté de religion, dans le fond, puisqu'on nous a rassurés là-dessus en disant que la loi qui permet de reconnaître les gens légalement habilités à célébrer les mariages s'applique à toutes les dénominations religieuses sans exception. Cependant, même si on va permettre aux célébrants qui appartiennent à toutes les dénominations religieuses de célébrer les mariages, il y aura une autre loi, ou peut-être la même qui sera amendée, qui va restreindre à certains célébrants, peut-être en fonction des dénominations religieuses, le droit d'agir comme officiers de l'État civil. Je pense que le même genre de préoccupations, soulevées il y a déjà quatre ou cinq jours, se soulèvent à nouveau relativement au droit d'agir non seulement comme célébrant, mais comme officier de l'État civil. Je vois mal sur la base de quels critères on va exclure certains célébrants de cette fonction officielle liée à l'état civil.

M. Bédard: Le projet de loi n'est pas déposé; on verra à ce moment-là.

M. Forget: On le verra à ce moment-là. Mais c'est parce qu'on donne ouverture à cette distinction, malgré tout, on la reconfirme alors qu'elle est, en quelque sorte, presque désuète parce qu'elle n'a jamais été utilisée. On la réaffirme aujourd'hui; on lui donne donc une force un peu plus grande en la réaffirmant.

M. Bédard: Oui et sur la recommandation de l'office qui semble y voir une possibilité de ne pas attacher nécessairement les deux choses.

M. Lalande: M. le Président.

Le Président (M. Laberge): M. le député

de Maisonneuve.

M. Lalande: Je constate, comme le ministre, qu'on reprend 53b et on ne crée pas de droit nouveau. (15 h 3O

M. Bédard: En y faisant un rattachement...

M. Lalande: C'est cela.

M. Bédard: ...avec un article existant.

M. Lalande: Sauf qu'on ne corrige pas une situation qui est assez...

M. Bédard: Non, elle devra être corrigée, surtout par l'étude...

M. Lalande: À l'heure actuelle, je me demande si on ne pourrait... Parce qu'on demande au protonotaire de prendre le procès-verbal de cet officier qui n'est pas apte à garder des registres de l'état civil, on lui demande de le transmettre, avec un procès-verbal, avec une déclaration solennelle. Est-ce que vous ne croyez pas que l'on perpétue toujours ce même problème d'une mauvaise tenue des registres de l'état civil. Parce qu'on a n'importe quel célébrant ou n'importe quelle personne qui transmet au protonotaire... Ce que je voudrais ajouter: Est-ce qu'il n'y aurait pas possibilité, dans le cadre de cet article, de donner un certain pouvoir au protonotaire? Il faudrait peut-être lui donner certains pouvoirs, non seulement de faire des vérifications qui n'aboutissent jamais à rien - parce qu'on sait qu'à la fin de l'année, il doit faire une vérification de tous les officiers et des célébrants - il n'y aucune sanction qui y est rattachée, ce qui fait que les mêmes problèmes reviennent année après année. On ne corrige absolument rien et, souvent - je pense que le ministre le sait très bien - les registres sont tenus dans un état déplorable. Là, on ne donne aucun pouvoir au protonotaire qui est l'officier en titre, si on peut dire, de tout ceci d'exiger, à tout le moins, qu'il y ait des corrections véritables, de faire des recommandations par lesquelles il y aura des sanctions.

Je pense qu'on pourrait l'introduire dans cela.

M. Bédard: Je suis d'accord sur la préoccupation émise par le député de Maisonneuve. Mais l'Office de révision du Code civil, lui-même, dit que c'est à l'intérieur de la réforme du chapitre 1 où il est question, comme vous le savez, des actes de l'état civil qu'on devra faire la réflexion en profondeur qui est nécessaire.

M. Forget: A-t-on pensé, M. le Président, à utiliser la méthode employée dans certains pays où, alors qu'on permet au mariage - puisqu'on parle du mariage -d'être célébré dans un lieu du culte, méthode par laquelle on crée une obligation au protonotaire ou son équivalent, le "registrar" ou quelque chose dans ce genre. En Grande-Bretagne c'est, le "registrar of births and deaths" qui envoie un délégué, qui envoie un représentant, c'est le bureau du protonotaire ou l'équivalent qui se déplace et qui se rend sur les lieux d'un mariage pour faire signer les parties, de façon qu'il n'y ait qu'un registre de l'état civil, celui maintenu par l'État lui-même. Mais, on n'oblige pas la clientèle - si l'expression peut être utilisée -à se déplacer chez le protonotaire, à aller faire cette deuxième visite, en quelque sorte. C'est le protonotaire qui se déplace.

Évidemment, il n'est pas seul, il a des officiers qui assument ce service. Les problèmes de conformité, de correction, les problèmes du maintien d'une qualité uniforme dans la tenue des actes, dans leur enregistrement, dans leur numérotation, en fonction des dates, etc., on s'y retrouve très facilement. Ceux avec des déménagements multiples qui, finalement, s'éloignent passablement parfois du lieu où ils ont célébré le mariage, qui peuvent même parfois perdre le souvenir de la paroisse où ils étaient, où leurs parents étaient quand ils sont nés, se retrouvent facilement.

Ici, on a développé deux systèmes parallèles où on peut obtenir un extrait de naissance, par exemple, un certificat de naissance, soit du protonotaire, soit de la paroisse. Ceci permet un régime unique qui émet des copies sur demande, facilement. On sait facilement comment les retrouver. Cela permettrait d'éviter ces discriminations entre des célébrants autorisés et des célébrants non autorisés, puis les problèmes de maintien de la qualité qui sont soulevés par notre collègue et ancien protonotaire de Montréal.

M. Bédard: Je ne pense pas que je doive répéter pour la troisième fois que le député de Saint-Laurent fait écho à certains éléments de réflexion qui ont sans doute déjà été évoqués devant les membres de l'Office de révision du Code civil et qui devront, je pense, être analysés en profondeur avant de déboucher sur un projet de réforme qui se situe, encore une fois, au chapitre 1.

M. Forget: D'accord.

M. Bédard: C'est le chapitre 1.

Le Président (M. Laberge): L'article 3 sera-t-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. J'appelle l'article A.

M. Bédard: Cet article est de concordance avec l'article 56 édicté par l'article 6 du projet. En effet, le nom patronymique et le prénom d'une personne devront dorénavant être inscrits dans l'acte de naissance. J'emploie le mot "patronymique", mais je pense que vous avez pu voir, dans les amendements que j'ai déposés, que j'ai eu une suggestion des membres de la commission parlementaire sur la possibilité de faire disparaître le mot "patronymique" et nous sommes d'accord que ce mot disparaisse, parce que ça ne nuit d'aucune façon à la compréhension des articles où on évoque le nom et le prénom. Gomme le mot "patronymique" semble avoir acquis une certaine connotation pouvant prêter à confusion, on a trouvé utile de le faire disparaître, ce qui veut dire que, pour tous les articles, il y aura, à la fin du projet de loi, un article omnibus...

M. Forget: Ah bon! Je comprends.

M. Bédard: ... qui indiquera que, là où on emploie le mot "patronymique", ça doit disparaître.

M. Forget: M. le Président, je voudrais remercier le ministre d'avoir donné suite à cette suggestion de notre collègue de L'Acadie, je pense, si ma mémoire est bonne, de faire disparaître l'expression "patronymique". Je pense que c'est une solution très élégante parce que, finalement, une personne a deux éléments pour la désigner: le nom et le prénom ou, peut-être plus correctement, les noms et les prénoms, selon le cas.

D'ailleurs, je pense qu'il serait important de souligner que, dans l'amendement qui nous est proposé - cela pourrait en faire sourciller certains, on pourrait interpréter cela comme une erreur d'orthographe ou de syntaxe - on dit: "les nom et prénom". Je pense que la règle d'interprétation, c'est que le singulier l'emporte sur le pluriel. Cela veut dire...

M. Bédard: Soit le nom et le prénom...

M. Forget: ... soit le nom et le prénom, soit les noms et les prénoms ou une combinaison quelconque de singulier et de pluriel de ces deux mots.

M. Bédard: Je ne crois pas qu'il y ait de difficulté particulière d'interprétation à partir des règles que vous avez vous-même évoquées puisqu'on peut n'avoir qu'un prénom et on peut en avoir plusieurs aussi. L'important, c'est qu'on en ait au moins un dans son acte de naissance. Peut-être pourrais-je ajouter que, pour ce qui est de l'article 54 qui, lui, ne précise actuellement, pour ce qui est de l'inscription, que les noms, cela a été interprété comme voulant dire les prénoms. Il y a un peu de confusion et même, tout récemment, une décision a été rendue dans le district judiciaire de Montréal à la suite d'un mandamus qui avait été pris pour forcer un fonctionnaire de l'état civil à enregistrer le "nom de famille", si on veut, entre guillemets, le nom et les prénoms de l'enfant; il a prétendu que la loi obligeait le fonctionnaire à n'enregistrer que les prénoms et non pas le nom de famille, qu'il s'agisse du nom du père, d'un nom composé, du nom du père et de la mère ou du nom de la mère, peu importe.

Il faut quand même que ce soit assez cohérent avec la règle de l'article 56 qui viendra dire: Tout enfant a un nom et un prénom, au moins. Alors, il faut dire, à l'article 54, que le fonctionnaire devra inscrire le nom et les prénoms ou les noms et prénoms de chacun.

M. Forget: Question de curiosité, dans quel sens le tribunal a-t-il statué?

M. Bédard: Le tribunal a rejeté ce bref de mandamus en disant: Le fonctionnaire a raison d'interpréter l'article 54 comme voulant dire: Ne comprenant que les prénoms, et non les noms. Bien qu'il soit écrit "nom" en français - et même en anglais "names given", il y a eu toute une littérature, aussi, chez les auteurs, démontrant que "names" voulait dire prénom.

C'est pour cela qu'on a voulu clarifier la chose, parce qu'il ne faut pas oublier - je ne veux pas aller plus loin dans le détail -que le libre choix existait depuis toujours au niveau du Code civil, mais on se heurtait souvent à des tracasseries inacceptables de la part de certains fonctionnaires qui faisaient une interprétation très restrictive, pour ne pas dire autre chose, du texte de la loi et, à ce moment-là, créaient des embêtements à des femmes qui voulaient faire enregistrer le nom de leur enfant tel qu'elles le désiraient. Alors, avec cet article, je pense qu'on va clarifier la situation une fois pour toutes.

Le Président (M. Laberge): Alors, cet article 4 sera-t-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. À l'article 5, il y a un amendement. À l'article 5, on nous dit de remplacer cet article par le suivant: 5. Ledit code est modifié en ajoutant, après l'article 55, l'article suivant: "55.1 Les mentions portées à l'acte de naissance originaire de l'enfant adopté de même que les énonciations de son nouvel acte de naissance sont réglementées dans un arrêté du ministre de la Justice".

M. Bédard: M. le Président, cet article donne au ministre de la Justice le pouvoir d'arrêter la forme et les énonciations des actes de naissance des adoptés et il complète tout simplement l'article 617 qui est édicté par l'article 1.

M. Forget: M. le Président.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je suis loin d'être emballé par la formule qui nous renvoie, même pas à un arrêté du gouvernement, même pas à un règlement du gouvernement, mais à un arrêté du ministre de la Justice.

M. Bédard: Des fois, c'est plus vite.

M. Forget: Oui, le ministre a bien raison. Un des mérites de la démarche, c'est d'être expéditive, mais qu'on ne perde pas de vue qu'il est à peine possible pour le citoyen de savoir quels sont les règlements qui sont adoptés, quel est le texte des règlements en vigueur et quels sont les règlements qui ont pu être annulés par d'autres décisions du Conseil des ministres. Je crois qu'il n'y a pas tellement longtemps, il y a même eu un juge qui a rendu un jugement en fonction d'un règlement qui était nul, qui avait été abrogé. Il semble que ni les procureurs, ni les services de la cour n'avaient été capables de se rendre compte de ce fait-là, tout simplement parce qu'il n'existe pas de système de publication et de consolidation des règlements qui soit facilement accessible. Je pense que nous vivons tous avec cette réalité. Même les membres de l'Assemblée nationale sont parfois dans l'incertitude quant à savoir quel règlement existe et quel autre n'existe pas. Mais lorsque nous nous référons à des arrêtés du ministre où il n'y a aucune exigence de formalité, où il n'y a aucun formalisme - il n'y a pas un répertoire des arrêtés des ministres, il n'est pas possible de savoir si un existe ou s'il n'existe pas,ou, si un existe, à partir de quel moment il n'existe plus parce qu'il a été rescindé - et qu'on retrouve cette mention non pas dans une loi administrative, mais dans le Code civil, je pense qu'on ne fait pas un très grand pas en avant pour clarifier le droit et le rendre compréhensible pour les citoyens.

Je me demande s'il est vraiment nécessaire... Est-ce qu'on a des considérations de pure administration à l'esprit? Si on veut que ce soit sur des formulaires identiques, avec la même couleur, des choses dans ce genre-là, je pense que ça peut être intéressant pour ceux qui ont à classer les documents, mais ce ne sont pas des choses qui devraient nécessairement être consacrées par le Code civil. Si on a à l'esprit des choses substantielles qui peuvent devenir des causes de nullité, c'est-à-dire des dispositions additionnelles, des précisions qui peuvent engendrer des contestations, je pense qu'on devrait y réfléchir une deuxième fois et s'abstenir de faire des règles qui se réfèrent à des arrêtés du ministre. Encore une fois, s'il y avait un système de classification et de publication bien connu, bien rodé, je n'aurais pas d'objection, a priori, mais ça n'existe pas. On ne dit même pas que ça doit être par écrit. En théorie, un ministre peut rendre un arrêté verbal. Après tout, pourquoi pas? Il n'y a aucune loi qui lui interdit de le faire. Le ministre peut se lever un matin et dire: J'arrête que, et c'est un arrêté ministériel. Il n'y a aucune loi qui dit ce qu'est, un arrêté ministériel. C'est le vide complet sur le plan juridique. (15 h 45)

M. Bédard: Politiquement, il est peut-être mieux de s'arrêter avant d'arrêter quoi que ce soit. Ce n'est pas aussi simple que cela.

M. Forget: Vous savez, je pense bien que c'est une question d'opportunité.

M. Bédard: Premièrement, je pense que les membres de la commission parlementaire savent très bien que je suis loin de "tripper" à l'idée de donner quelque discrétion que ce soit au ministre de la Justice. Ils sont à même de constater que cela se retrouve dans des circonstances très exceptionnelles au niveau du Code civil, pour la plupart, à des places où cette discrétion s'exerçait déjà. C'est très administratif, tout d'abord, le rôle qui est réservé au ministre de la Justice. Je ne pense pas à moi au moment où on se parle. Je pense à tous ceux qui suivront, de toute façon. Je pense qu'il y a lieu d'essayer de diminuer un peu le formalisme. Je n'y tiens pas plus que cela, si on me trouve une formule qui est plus expéditive, plus "secure" pour certains si c'est leur conviction.

Je pourrais peut-être vous donner un exemple d'amendement qu'on a fait déjà, il y a un an ou deux, qui s'est révélé beaucoup plus expéditif, beaucoup moins embarrassant pour les citoyens concernant la loi des changements de noms, toute la procédure qui amène un changement de nom. Vous vous rappelez qu'auparavant, cette décision devait être rendue par un arrêté du gouvernement. Nous avons apporté un changement qui fait que ce changement peut se faire, avec les procédures nécessaires, à la suite de la décision finale du ministre de la Justice. On a eu beaucoup de commentaires dans le sens que cela avait diminué de beaucoup le formalisme, et surtout, cela avait contribué à rendre cela plus expéditif. Cela va de soi, lorsque des actes comme ceux-là se doivent, avant d'être opérationnels ou existants, d'être référés à l'ensemble du Conseil des

ministres, quoique cela se faisait - cela ne donnait pas grand-chose de plus - d'une façon très mécanique, celui qui avait la fonction plus précise de bien regarder, de scruter avant d'en faire la recommandation au Conseil des ministres, était le ministre de la Justice. L'idée qu'on a eue concernant cette loi n'a pas amené de complications jusqu'à maintenant.

Maintenant, s'il y a une autre... Il y aurait peut-être quelque chose... Si vous permettez, deux secondes...

M. Blank: Comme le député l'a dit, on n'était pas au courant. Comme député, comme avocat pratiquant, j'avais envoyé une demande de changement de nom selon l'ancien style, et elle m'a été retournée, parce que je ne savais pas qu'il y avait changement...

M. Bédard: Non, cela n'a rien changé.

M. Blank: Je ne savais pas qu'il y avait changement.

M. Bédard: Cela n'a rien changé pour le citoyen, puisque ce sont les mêmes formules, le même processus, sauf que la décision se prend à un...

M. Blank: Non, la requête que j'avais préparée avant, c'était au lieutenant-gouverneur en conseil. Après, j'ai adressé ma requête au ministre de la Justice, mais elle a été retournée par votre bureau disant qu'il y avait un changement. Personne ne m'a avisé qu'il y avait un changement, même pas dans la revue du Barreau, rien.

M. Bédard: C'est un changement technique.

M. Blank: C'est cela que le député... Ici, on parle du règlement qui va changer un jour, et on ne le sait pas.

M. Lalande: Je voudrais dire au ministre que dans la loi sur les changements de noms...

M. Bédard: Si vous permettez, on aura le tableau au complet, parce que ce n'est pas une large discrétion qu'on donne au ministre de la Justice, il faudrait savoir de quoi on parle. Je demanderais à M. Guy d'ajouter des précisions.

Non pas sur le fond de la question, mais simplement pour donner de l'information uniquement sur l'aspect strictement administratif de la question. Ce sont les fonctionnaires de l'état civil, ceux qui sont déjà autorisés, qui vont tenir les actes de l'état civil de l'adopté. Évidemment, il faudra changer, raturer son ancien et faire une inscription, c'est-à-dire sur l'acte de naissance originaire et en faire un nouveau. Donc, les prescriptions visent la formule à utiliser pour donner suite à cette inscription. C'est de celles-là dont il s'agit dans l'article qui est proposé et qui vise la mise en application de l'article 617 du projet de loi 89. C'est déjà, pour votre information, contenu dans l'article 45a du Code civil qui fait pareille référence en ce qui concerne certains aspects aussi limités, mais à caractère administratif, de même que l'article 134a du Code civil actuel, mais qui a été repris dans le projet de loi no 89 par notre article 419 pour ce qui est de l'endroit et des frais dans le cas du mariage civil célébré par un protonotaire.

M. Lalande: Je comprends fort bien l'argumentation du ministre concernant la loi du changement de nom pour, dans bien des cas, accélérer le processus administratif. Ce que nous avons devant nous, ce sont quand même les certificats authentiques. C'est l'authenticité qui... La mention qui sera apportée à l'acte de naissance... Un acte de naissance, c'est un acte authentique. Je voudrais soulever la question. Sur le fond, je suis bien d'accord, mais évidemment tout le pouvoir de réglementation ne doit pas altérer la substance d'un article. Quand on arrive au niveau de la forme, je veux simplement attirer votre attention sur le fait qu'un acte de naissance, au niveau de la forme, doit revêtir une certaine rigidité, ne serait-ce que pour être perçu comme le véritable acte face à l'extérieur, face à l'étranger.

L'acte de naissance est extrêmement important comme reconnaissance à l'étranger et si, par arrêté en conseil, on arrive à changer trop souvent la forme de l'acte de naissance qui est extrêmement important, encore une fois, on peut en diminuer le degré de crédibilité. C'est simplement au niveau de la forme. Je soulève seulement le fait. On présume peut-être que le ministre va avoir beaucoup de sérieux à l'intérieur de ceci, ne pas changer la forme juste pour le plaisir de la changer. Il n'en reste pas moins qu'il y a un certain danger. Je sais gu'avec l'actuel ministre de la Justice il n'y a pas de problème parce que c'est un homme sérieux. Mais, avec un ministre éventuel qui le serait un peu moins et qui voudrait changer un peu plus souvent, on peut arriver à changer, ne serait-ce, encore une fois, que le classement ou guoi que ce soit, changer la forme.

La forme, dans les actes authentiques, l'acte de naissance ou autres, est extrêmement importante. On a vu, par exemple, dans la pratique beaucoup d'extraits de naissance qui émanaient d'autres endroits, du bureau du protonotaire, par exemple, des presbytères, etc., être pratiquement refusés à l'étranger, aux États-Unis, un peu partout ailleurs, seulement à cause de la forme. Je

pense qu'il y a un critère important et formel où on doit se restreindre. Je ne sais pas si on peut le faire ou si on veut figer cela dans la loi, mais il y a une considération qui, je pense, mérite d'être étudiée.

M. Bédard: Si vous me le permettez... Je fais confiance à celui qui me suivra et, si un ministre de la Justice y allait d'un esprit d'initiative qui ne serait pas dans le sens de "décompliquer" la vie aux citoyens et aux citoyennes, j'ai l'impression qu'il serait vite rappelé à l'ordre.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je crois qu'il y a une différence essentielle. Dans le fond, ce dont nous parlons, c'est de l'extension du pouvoir réglementaire, du pouvoir d'agir par décret non seulement pour le gouvernement, mais pour un ministre en particulier. D'ailleurs, on attend toujours la loi que le ministre de la Justice nous a promise à ce sujet - entre parenthèses, je ne lui en fais pas reproche, s'il s'est consacré au Code civil, tant mieux, mais il reste que c'est un sujet extrêmement important.

Je voudrais relever, parce qu'on nous a indiqué des exemples dans le Code civil, où des choses comme celles-là existent déjà... Je pense qu'il est bien important de clarifier certaines distinctions. Par exemple, à l'article 45a, on a effectivement une possibilité pour le gouvernement, le lieutenant-gouverneur en conseil, d'intervenir lorsque des registres de l'état civil n'ont pas été authentifiés, numérotés ou paraphés dans la manière précitée. Il est loisible au lieutenant-gouverneur en conseil, dans chaque cas particulier, d'indiquer au protonotaire le mode de remédier à l'irrégularité commise. On se rend compte ici que le gouvernement intervient pour corriger une irrégularité dans la façon dont ses fonctionnaires - le protonotaire est un fonctionnaire du gouvernement - appliquent la loi. Il s'agit d'un cas d'espèce, d'une difficulté particulière qui n'a pas de signification générale. Il s'agit de corriger quelque chose. On s'adresse à des fonctionnaires et on leur dit: Voici de quelle façon vous allez remédier au vice de forme en quelque sorte de certains registres de l'état civil. Je n'ai absolument aucune objection à le faire. L'exemple qu'a cité le ministre tout à l'heure du changement de nom appartient à la même catégorie. Il s'agit de régler un cas d'espèce. Un particulier a un problème, il demande au ministre de le résoudre. Le ministre intervient dans le changement de nom un peu à la façon dont un juge le ferait. Il prend connaissance des circonstances de fait, de personnes, etc., et il juge que le changement de nom dans les circonstances pour cet individu en particulier est approprié. C'est bien sûr que cela ne peut pas être fait par une loi qui décide a priori du changement de nom pour une catégorie d'individus. Ce sont des jugements particuliers et vous ne trouverez jamais de notre part d'objection lorsque le gouvernement ou un ministre, selon la nature des décisions à prendre, intervient par arrêté, par décision formelle, pour trancher un cas particulier. C'est une chose.

Nous ne nous opposons pas non plus lorsque, à l'article 419 qui reprend l'article 134a du Code civil, le gouvernement impose des frais quand ses fonctionnaires, dans l'administration de la partie du Code civil qui est propre aux registres accomplissent certains actes. Il est tout à fait légitime que le gouvernement détermine par un arrêté en conseil quels sont les honoraires qui sont dus de la même façon que les tribunaux déterminent les honoraires des frais de justice, le montant des timbres à payer, la présentation d'une action, différentes procédures dans une action. C'est sûr que cela ne peut pas être fait une fois pour toutes par le Code civil parce qu'on aurait encore les frais de timbres judiciaires imposés en 1864 et cela se chiffrait probablement à quelques sous alors gue cela se chiffre maintenant à des montants beaucoup plus considérables.

Ce sont des choses bien particulières. Ce sont des actions étroitement administratives, comme l'imposition d'un frais pour un service rendu ou le règlement de cas particuliers. Dans aucun de ces cas qui nous ont été cités est-on en face d'une règle générale que le citoyen est censé connaître et c'est là qu'est la grande distinction. Lorsqu'on indique des règles d'application générale et qui s'adressent à tous les citoyens indistinctement, qui sont génératrices de droits et d'obligations, je crois que c'est la définition la plus abstraite et aussi la plus générale du fruit du pouvoir réglementaire, ce sont des quasi-lois. À ce moment, il apparaît déjà abusif de vouloir passer par le pouvoir réglementaire guand ce qui fait l'objet de ces droits et de ces obligations qu'on crée ainsi revêt une certaine importance. Cela devrait être fait dans une loi plutôt que dans un règlement mais, a fortiori, cet argument vaut quand on veut énoncer des règles d'application générale qui s'adressent à tous indistinctement et qu'on veut le faire par un décret du ministre pour lequel il n'y a aucune formalité.

J'ai caricaturé, j'ai dit: Le ministre peut se lever un matin et décréter une nouvelle forme d'enregistrement de l'état civil. C'est bien sûr qu'il ne fera pas cela. Il reste que cela illustre que, même s'il voulait le faire, c'est sans doute le bon sens qui l'en

empêcherait, c'est toutes sortes de choses, mais ce n'est certainement pas la loi. La loi lui permet de le faire, même de cette façon aberrante. Je pense que le respect du droit et la connaissance que les citoyens sont censés avoir du droit et les effets que cela peut avoir sur eux exigent qu'on ait un minimum de respect pour les citoyens qui sont censés obéir au droit en disant: On ne le fera pas n'importe comment. Il le fait par arrêté ministériel, M. le Président, à moins qu'on ait une loi-cadre sur le pouvoir réglementaire. C'est faire cela n'importe comment. C'est l'équivalent de le faire n'importe comment. Maintenant, ce n'est pas un conseil de perfection que nous cherchons à donner au ministre, mais il y a sûrement des restrictions. Il pourrait certainement restreindre le champ d'application d'un pouvoir de décret ministériel si tout ce qu'il veut faire, c'est donner au ministre le pouvoir d'ordonner à ses subalternes que sont les protonotaires et les différents fonctionnaires de la justice d'utiliser des formulaires pour l'enregistrement des actes de l'état civil. Mon Dieu! qu'il le dise donc! À ce moment, on saura de quoi il parle. Si tout ce qu'il veut faire c'est dire: Écoutez, vous allez utiliser une feuille 8 1/2" sur 14", imprimée en bleu, j'imagine, sur blanc, du moins pour l'instant, ce sera en bleu sur blanc, et je n'ai aucune objection à ce qu'il le fasse par décret ministériel. Cela ne tire pas à conséquence que ce soit en bleu ou en jaune citrouille. Ce sera à peu près la même chose. Mais, s'il veut aller au-delà de ça, je pense qu'il devrait prendre un minimum de formalités. (16 heures)

M. Bédard: Je ne pense pas que ce soit un manque de minimum de respect à partir du moment où certaines directives peuvent être données par voie d'arrêté ministériel. C'est une chose qui est assez courante. De plus, le secteur concerné à l'heure actuelle est très déterminé; le fait que ce soit fait par un arrêté ministériel n'équivaut pas à dire que cela soit fait n'importe comment. Au contraire, je pense que cela permet, d'une façon beaucoup plus rapide - en tout cas, c'est ma conviction - beaucoup plus expéditive, de pouvoir donner suite à un encadrement qui permet de fonctionner avec célérité et clarté.

Je suis convaincu que la suggestion de l'Opposition n'est sûrement pas de s'en référer à un tribunal là-dedans, parce que ce serait compliquer la situation.

M. Forget: C'est de préciser ce que vous voulez plus étroitement que cela ou alors de dire dans l'article ce que vous voulez prescrire par arrêté. Cela doit être communicable. Cela ne doit pas être si difficile à imaginer qu'on ne puisse l'exprimer par écrit.

M. Bédard: Je pense ici à des actes de naissance des enfants adoptés. Ils sont dressés conformément aux règles prévues par arrêté du ministre de la Justice. Ce n'est pas une innovation qu'on fait.

M. Forget: Ce n'est pas une innovation.

M. Bédard: Les mentions portées à l'acte de naissance originaire de l'enfant adopté de même que les énonciations de son nouvel acte de naissance sont réglementées par un arrêté du ministre de la Justice. En tout cas, cela explicite l'essentiel de ce que nous voulons couvrir. Maintenant, peut-être... Le député de Saint-Laurent nous dit que, si c'est seulement dénonciation de la détermination de la forme et de la manière de remplir certaines formules, cela ne donnerait pas...

M. Forget: ...les actes de naissances sont dressés sur les formulaires fournis à cet effet par le ministre de la Justice ou...

M. Bédard: Je me pose la question -je suis bien prêt à essayer de trouver une autre formulation - de fond: Jusqu'à quel point sert-on mieux le citoyen en édictant tout cela dans une loi plutôt que de le faire tel que nous le préconisons? Là-dessus, ma conviction est faite. Je suis toujours ouvert...

M. Blank: Pour répondre à la question que le ministre vient de poser, je me demande si les actes de naissance qui ne sont pas conformes aux règles édictées sont nuls. Je dois dire que, si vous adoptez des règlements aujourd'hui et si un protonotaire, quelque part dans le Nord-Ouest du Québec, n'est pas au courant et s'il fait l'enregistrement suivant les anciens règlements, le citoyen peut être pénalisé s'il a un document qui est nul. C'est ce que je me demande. C'est peut-être technique, mais...

M. Bédard: Je crois qu'une question de forme peut assez rarement...

M. Blank: Oui, mais c'est vous qui posez la question. Comment cela peut-il causer un tort assez... Je vous donne un exemple. Si c'est nul, il faut...

M. Bédard: D'accord, mais, en principe, je pense qu'une question de forme doit très rarement amener la nullité, surtout dans le secteur dont on parle. Je vais essayer de trouver une autre formulation qui réponde...

M. Fontaine: M. le Président.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Nicolet-Yamaska m'a demandé la parole, si vous permettez.

M. Fontaine: Je pense qu'on doit, en tant que législateurs, essayer de tout mettre ce qu'il est possible d'y mettre, surtout dans le Code civil, pour que ce soit véritablement non pas le code des avocats, comme certains me l'ont fait remarquer, mais le code du citoyen; pour que le citoyen puisse trouver dans le Code civil toutes les lois de base auxquelles il voudrait se référer. On a fait cela quand on a adopté la Loi électorale du Québec. On a essayé de faire en sorte qu'il y ait le moins de réglementation possible dans cette loi. On a tout mis dans la Loi électorale. Il reste quelques règlements à adopter. Même ces règlements devront être soumis à l'Assemblée nationale, à la commission parlementaire et y être approuvés.

Je pense qu'on devrait faire la même chose dans le Code civil, parce que c'est une loi fondamentale du citoyen. Ce qu'on veut faire dans cet article, c'est de faire en sorte que les enfants adoptés ne voient pas dans leur nouveau registre de naissance, leur nouvel acte de naissance, après qu'ils ont été adoptés, le nom de leurs parents d'origine. Pourquoi ne l'indique-t-on pas tout simplement? Qu'est-ce qu'on doit indiquer lorsque l'enfant a été adopté?

M. Bédard: Je pense que votre question est très à propos, parce qu'il ne faudrait pas s'imaginer que cet article donne la latitude de faire n'importe quoi au niveau de l'acte de naissance. Il faudrait se rappeler quand même les articles déjà adoptés. À l'article 617, il est déjà exprimé par la loi que l'acte doit être revêtu de la mention "adoption". Il est déjà dans la loi. Ce n'est pas le ministre de la Justice qui va décider cela. Il faudrait se rappeler les articles déjà adoptés quand même. À l'article 619, il est déjà spécifié que le tribunal attribue à l'adopté les nom et prénoms choisis par l'adoptant. La discrétion diminue de plus en plus. Si vous voulez encore, je pense la meilleure explication du très peu de discrétion que cela peut représenter pour le ministre de la Justice, c'est que c'est seulement administratif. Encore, je n'y tiens pas plus qu'il ne faut.

Il s'agirait d'aller à l'article 54 du Code civil où sont spécifiées justement toutes les conditions qui doivent se retrouver au niveau d'un acte de naissance. Cela limite à un travail qui est purement administratif. C'est évident que, quand on prend seulement un article... L'article 55.1 s'accroche - il ne vient pas dans le paysage à peu près - à l'article 55 qui est déjà dans le Code civil et qui indique très clairement avec l'article 617 que nous avons adopté, avec l'article 619, le champ de discrétion qui est très restreint.

M. Fontaine: Mais s'il ne s'agit que du formulaire, de la façon dont cela doit être fait, pourquoi ne fait-on pas, par exemple, la même chose que dans le cas de la Loi électorale? Qu'on fasse une annexe au Code civil où on indiquerait les formules qui doivent être employées, et que ces formules soient approuvées par la commission ici, à l'Assemblée nationale, et qu'après elles deviennent en vigueur. On l'a fait pour la Loi électorale. Cela a bien marché. C'est effectivement, peut-être, la meilleure Loi électorale qu'on n'a jamais eue, même si l'ancienne était à peu près dans le même sens. Elle a été adoptée à l'unanimité, d'ailleurs.

M. Bédard: J'ai eu l'occasion, comme vous le savez, d'y travailler. On va le suspendre pour voir, mais tout le monde est à même de constater, à l'heure actuelle, qu'on est en train de faire un débat comme s'il y avait une discrétion "at large" qui était donnée au ministre de la Justice, alors que tout cela est balisé par les articles 617 et 619 et les articles 54 et 55 du Code civil. Franchement, à moins de vouloir jouer avec les virgules, cela fait déjà une heure qu'on discute de l'article.

M. Lalande: M. le Président, le ministre m'accordera bien deux minutes encore là-dessus.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Maisonneuve.

M. Bédard: Je suis bien prêt à prendre une heure et deux minutes, ce n'est pas plus grave que cela.

M. Lalande: À la suite des brillantes remarques de mon collègue de Saint-Laurent, je voudrais soulever une question de principe là-dessus. Un peu malicieusement, je ferais remarquer un point au ministre. Quand on dit qu'il est loisible au lieutenant-gouverneur en conseil dans chaque cas particulier d'indiquer au protonotaire le mode de remédier, je voudrais savoir s'il est indiqué au protonotaire de remédier. Est-ce que cela veut dire que le ministre, par arrêté en conseil, peut corriger une décision du protonotaire? Si c'est cela, cela nous remet encore dans cette question fondamentale et de principe, savoir qu'un officier de justice aurait pris une décision, et, le ministre, par arrêté en conseil, déciderait de corriqer cette décision. Un peu malicieusement, je soulignerais au ministre que si, en 1976, il avait donné suite à certaines promesses électorales du Parti québécois d'amener à une plus grande indépendance du pouvoir judiciaire, on n'aurait pas ce genre de problème qui se pose régulièrement. Vous avez un officier de justice qui agit tantôt comme officier de justice du pouvoir

judiciciare et tantôt comme subalterne du ministre de la Justice. Vous avez cette espèce de dichotomie régulière, systématique, qu'on n'a pas corrigée. Pourtant, en 1976, vous aviez certains projets là-dessus que vous n'avez évidemment pas mis en application.

Mais là, ça se retrouve... Je ne pouvais pas faire autrement que de soulever cette question de principe, encore une fois, et rien n'est réglé là-dedans. On est pris avec cet officier de justice qui, dans sa discrétion, aurait posé un acte et le gouvernement qui déciderait de corriger l'acte du pouvoir judiciaire. Il y a ingérence systématique. Je voudrais quand même le souligner. Je ne veux pas en faire un plat, mais la question est de principe et de fond, encore une fois.

M. Bédard: Je comprends que vous ne vouliez pas en faire un plat.

M. Lalande: Je peux en faire un plat, par exemple, je peux m'enclencher là-dessus pendant une demi-heure, si vous voulez.

M. Bédard: C'est votre loisir de le faire, faites-le. Je pense que c'est dans l'intérêt de... Je ne veux pas soulever de polémique, on aura bien d'autres occasions de le faire. Cela fait quand même un certain temps que des occasions se présentent au député de Maisonneuve de le faire, mais je veux m'en tenir, comme je l'ai fait jusqu'à maintenant, à une attitude uniquement portée sur certaines améliorations qu'on peut apporter. Je ne vois pas en quoi cela peut amener le ministre de la Justice à corriger, si ce n'est sur des choses qui sont purement de forme, à intervenir autrement, plus que cela.

M. Lalande: Évidemment, on ne peut pas tout corriger, mais j'attire quand même votre attention là-dessus. Est-il nécessaire que ce soit le protonotaire qui agisse comme officier de l'état civil ou quoi que ce soit? Parce que vous avez encore affaire à cette espèce de monstre qui a deux jambes, une à gauche et une à droite.

M. Bédard: Je pense qu'on est en train de parler - on le verra au niveau de la reformulation de l'article - de formules. Je ne crois pas qu'on soit sur le fond d'un sujet de l'administration de la Justice par rapport au système judiciaire. Il y a d'autres débats.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que l'article 5, nouvelle rédaction, sera adopté?

M. Bédard: M. le Président, je préférerais, à partir du moment où on s'entend que la discussion est faite là-dessus, à moins que... Est-ce que nos collègues préfèrent une autre formulation? Avec les explications que j'ai données...

M. Forget: Je pense que le député de Nicolet-Yamaska a souligné un point important et c'est un aspect sur lequel on n'a pas suffisamment insisté. On parle des actes de naissance des enfants adoptés. Il est clair qu'il y a plus que des problèmes de formalité, il y a la question de savoir s'il est possible... L'article 55 dit que: "le nom du père et de la mère doit figurer sur l'acte de naissance, et l'affirmation à savoir qu'il ne doit pas y avoir de discrimination entre les enfants adoptés et les enfants non adoptés, qu'est-ce que cela implique au niveau de l'acte de naissance des enfants adoptés? Dans le fond, c'est un problème assez fondamental.

Je pense bien qu'une des raisons qui a pu motiver le ministre à vouloir inscrire un arrêté du ministre de la Justice, c'est que la solution n'a peut-être pas été trouvée, tout simplement. Si on l'avait trouvée, elle serait peut-être dans l'article.

M. Bédard: Non, ce n'est pas du tout la motivation du ministre de la Justice, je peux vous le dire, parce qu'il n'y a pas de problème de fond au niveau d'une discrimination possible puisque la discrimination concernant les enfants, nous l'avons fait disparaître. Je pense qu'à partir du moment où on pose un tel geste, on ne veut pas retrouver cette discrimination en termes d'intention au niveau de la formule. J'ai expliqué au député de Nicolet-Yamaska qui, à bon droit, s'y intéressait le cadre dans lequel se situe cet article à partir de l'étude de l'article 617, de l'article 619 et des articles 54 et 55 du Code civil, ce qui laisse, à ce moment-là, la très petite marge qui me semblait être de nature à accélérer beaucoup plus le processus. S'il y a d'autres solutions, on verra.

Le Président (M. Laberge): Alors, l'article 5 est suspendu pour une nouvelle formulation. (16 h 15)

M. Bédard: Nouvelle formulation, en tenant pour acquis que la discussion est faite là-dessus.

Le Président (M. Laberge): J'appelle l'article 6. À l'article 6, il y a deux paragraphes. On a un amendement qui reformule le deuxième paragraphe. Donc, l'article 6... Vous avez d'autres amendements?

M. Bédard: Oui, parce que c'est peut-être l'occasion qui se prête de le faire, d'enlever le mot "patronymique". Alors, voulez-vous en donner une...

Le Président (M. Laberge): Oui, c'est parfait. C'est en train de circuler.

M. Bédard: C'est le seul qui va rester après ça.

Le Président (M. Laberge): C'est une autre affaire.

M. Forget: Vous anticipez nos questions, M. le ministre.

M. Bédard: Pardon?

M. Forget: Vous anticipez nos questions parce que le "patronymique" qui disparaissait d'un article ne disparaissait pas des autres.

M. Bédard: C'est ça.

Le Président (M. Laberge): Ici, ça va. Alors, à l'article 6 du projet de loi...

M. Bédard: II y a plusieurs amendement, je pense qu'on conviendra s'ils sont techniques. C'est sur la question du mot "patronymique".

Le Président (M. Laberge): C'est ça. À l'article 6, on dit que les articles 56 et 56a dudit code sont remplacés par les suivants: 56... Et ici on nous propose, avant d'adopter l'article 56 ou le paragraphe 56, si on veut, en l'occurrence, de remplacer, dans le premier alinéa de cet article, l'expression "composé d'un nom patronymique et d'" par le mot suivant "et". Comment ça marche, ça? Cela ne marche pas.

M. Forget: Ce n'est pas tout à fait correct comme formulation.

M. Bédard: Cela donne: toute personne a un nom et au moins un prénom. Je répète: Toute personne a un nom et au moins un prénom. Donc, tel que libellé, techniquement, il devrait fonctionner, à moins qu'il y ait eu lapsus.

Le Président (M. Laberge): C'est vrai, parfait. Alors, on enlève les mots "composé d'un nom patronymique et d'", et tout ceci est remplacé par "et", ce qui donne: "a un nom et au moins un prénom qui lui sont attribués dans l'acte de naissance". Cela va. Est-ce que cet amendement est adopté?

M. Forget: Adopté.

M. Fontaine: Pourquoi enlever "patronymique"?

Le Président (M. Laberge): La discussion a été faite là-dessus.

M. Bédard: C'est parce qu'il y a eu plusieurs représentations faites par des groupes à savoir que cela avait une connotation très masculine et que ça pouvait faire... Cela pouvait avoir...

Mme Lavoie-Roux: Cela vient de "pater".

Une voix: ...Saint Joseph comme patron.

M. Fontaine: Vous avez succombé aux femmes.

Mme Lavoie-Roux: Non, c'est dans un esprit de justice.

M. Bédard: Je suis prêt à succomber lorsque la tentation est acceptable.

Mme Lavoie-Roux: II ne succombe pas à toutes les tentations.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que cet amendement sera adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Maintenant, le paragraphe 56 amendé est-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté.

M. Bédard: On avait...

Le Président (M. Laberge): Aussi, on nous demande de biffer le mot "patronymique" dans le deuxième alinéa de l'article 56 et dans les articles 56.2 et 56.3. Est-ce que cet amendement omnibus, si on veut, sera adopté? Cela va?

M. Forget: Oui. M. le Président, le

Barreau suqgère une addition. Il y a la question, c'est à 56.1, je pense, qu'est la remarque.

Mme Lavoie-Roux: II faudrait que tout le monde porte le même nom dans la même...

M. Forget: Oui, c'est peut-être une précaution sage.

Mme Lavoie-Roux: Qu'arrive-t-il quand les gens se remarient? Les enfants de la deuxième génération vont avoir quatre noms?

M. Bédard: Non, deux noms. On va y venir. Il y a un petit amendement à l'article 56.1 pour faire disparaître tout doute. On l'avait déjà distribué d'ailleurs.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que l'article 56 amendé par deux amendements est adopté?

M. Bédard: Adopté. M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. On nous demande ensuite d'ajouter...

M. Bédard: C'est cela. Nous l'avions déjà soumis à l'attention...

Le Président (M. Laberge): C'est-à-dire de remplacer l'article 56.1 par le suivant...

M. Bédard: Pour répondre justement à une interrogation.

Le Président (M. Laberge): J'en fais lecture. "56.1: On attribue à l'enfant, au choix de ses père et mère, un ou plusieurs prénoms, ainsi que le nom de l'un d'eux ou un nom composé d'au plus deux parties provenant des noms de ses père et mère."

M. Bédard: C'est cela.

Le Président (M. Laberge): C'est l'article 56.1.

M. Bédard: Je peux peut-être donner l'explication.

M. Fontaine: ... Allez-y donc!

M. Bédard: Cet article est de droit nouveau, je pense qu'on en convient tous. Il précise les règles d'attribution du nom patronymique comme celles des prénoms d'une personne; le choix en est laissé aux parents et non plus à la coutume. L'amendement apporté à l'article 56.1 vise à dissiper tout doute concernant le nombre de parties qui peuvent être accolées dans un nom composé. Le changement de nom d'un mineur est permis sur autorisation judiciaire dans certaines circonstances, comme vous le savez. Cela ne peut pas...

M. Fontaine: À première vue, quand on parle de partie de noms... Par exemple, ma femme s'appelle Jutras et moi Fontaine; est-ce qu'on pourrait les appeler Jufon?

M. Bédard: Non. Ce sont des syllabes, ce ne sont pas des parties de noms. D'accord?

Le Président (M. Laberge): Est-ce que ce nouvel article 56.1 est adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, avant de l'adopter, j'aimerais que le ministre...

M. Bédard: Non, pas de partie...

M. Forget: ... j'aimerais que le ministre commente les suggestions qu'il a reçues d'au moins deux organismes, même trois organismes, relativement à l'attribution du nom. Il y a le Conseil du statut de la femme qui a fait des suggestions précises, qui ne sont pas retenues, voulant que le nom composé de parties du nom des parents devrait être composé selon certaines règles et, quand les parents eux-mêmes ont des noms composés, que le nom de l'enfant devrait être extrait en quelque sorte du nom conjoint des parents, selon également certaines règles prédéterminées. Je pense que tout cela s'inspire du droit civil espagnol, selon mes renseignements. Ce n'est pas souvent qu'on s'inspire du droit civil espagnol. Cela vaut peut-être la peine de le remarquer au passage. Il y a aussi l'AFEAS qui a signifié son désaccord avec le principe de liberté de choix dans l'attribution des noms. Enfin, le Barreau a suggéré que le principe de liberté soit retenu, mais qu'il soit quand même dans son exercice restreint par l'exigence que tous les enfants issus d'une même union ou des mêmes parents portent le même nom, voyant là, j'imagine, une préoccupation d'ordre public, dans le sens que les frères et soeurs issus d'un même mariage soient connus sous le même nom dit de famille.

M. Bédard: Je pense que tout le monde se rappelle les débats épiques que nous avons eus lors de la commission parlementaire et qui étaient centrés autour du nom de l'enfant. Effectivement plusieurs techniques avaient été mises de l'avant, mais d'une façon tout à fait particulière, je pense, avec assez de précision, à celle énoncée par le Conseil du statut de la femme et par l'AFEAS. Cependant, nous sommes à même de constater que tout récemment cet élément, tout en demeurant important, n'avait peut-être pas la même priorité au niveau des demandes faites par ces groupes, quoique cela demeurait dans la même ligne. Nous en sommes venus à la conclusion de garder la liberté de choix concernant le nom qui doit être donné à l'enfant. Je pense que cela s'inspire d'un des principes mêmes de ce projet de loi qui est la liberté de choix des époux ou des conjoints d'y aller de décisions qui les concernent et qui peuvent concerner leurs enfants. Ce qu'on m'avait fait remarquer à plusieurs reprises, c'est qu'il y avait beaucoup de difficultés administratives qui étaient faites par des fonctionnaires à l'endroit de femmes ou de couples qui voulaient justement utiliser cette liberté de choix qui existait quand même au niveau du Code civil. C'est sous cet angle que nous devons faire porter nos efforts, afin que ces tracasseries administratives ne se retrouvent

plus au niveau de certains fonctionnaires, je l'ai évoqué tantôt, qui avaient leur manière d'interpréter la loi et qui se faisaient presque un devoir de l'interpréter de la façon la plus restrictive possible, de manière, je dirais, dans certains cas, à amener le plus de complications possible, par rapport à une revendication qui me semblait fondamentale sur le droit des parents de choisir le nom de leur enfant.

Une chose est certaine, c'est qu'avec les correctifs que nous avons déjà apportés, ces tracasseries n'auront sûrement aucun fondement légal, parce qu'elles commençaient à en avoir un à la suite d'un certain jugement. Deuxièmement, il y aura - je ne pense uniquement pas à moi, mais aussi à tous ceux qui suivront - une préoccupation, voulant que ces tracasseries administratives disparaissent, parce qu'elles n'auront aucun fondement.

On pourrait peut-être ajouter un autre élément plus administratif. Je demanderais à M. Marcel Guy d'ajouter quelques commentaires.

Au point de vue administratif, il y a à identifier une difficulté particulière avec la règle qui consisterait à imposer à tous les enfants nés d'une même union, le même nom, à partir du premier, bien sûr, parce qu'une fois que le nom est fixé à la naissance du premier enfant, cela déterminerait, si j'ai bien compris, le nom des autres. Là aussi, il faut bien le dire, en l'absence d'une sorte de livret de famille qui comporte tous les événements importants et majeurs et du caractère officiel que pourrait prendre ce livret de famille, on peut fort bien aller rencontrer le fonctionnaire de l'état civil et déclarer la naissance de son enfant comme étant le premier alors que c'est le deuxième. (16 h 30)

II peut fort bien arriver aussi, à cause d'une certaine mobilité de la population, que le premier enfant soit né à Rouyn-Noranda et que le deuxième soit né à Montréal. Donc, ce n'est pas le même fonctionnaire non plus, ce n'est pas le même registre de sorte que le fonctionnaire aurait difficilement, me semble-t-il, dans l'état actuel du fonctionnement des registres, des moyens de contrôle pour savoir si c'est le premier enfant, le deuxième ou le troisième. L'application d'une semblable règle poserait certainement des problèmes faute de pouvoir fournir, sauf sur la bonne foi des déclarations, bien sûr, l'information qui permettrait aux fonctionnaires de refuser l'attribution du nom demandé sous prétexte que le premier enfant s'appelle autrement. C'est une première difficulté d'un caractère administratif. Il y a peut-être aussi la portée de la règle. Il y a des circonstances de toutes sortes dans la vie d'une famille. On les connaît. Un premier enfant naît, porte un nom donné et décède. Lors de la naissance du deuxième enfant, après le décès du premier, est-ce que le nom devrait être encore contraignant quant au choix? J'ai juste énuméré quelques difficultés pratiques.

Il y a aussi la Loi sur le changement de nom qui, dans le cas des majeurs, permet déjà certains changements de nom, d'une certaine façon, peut-être de façon exceptionnelle. Sans doute qu'il y a des frères et soeurs qui ne portent pas le même nom par suite de l'application de la Loi sur le changement de nom; l'usage a peut-être fait que l'un d'eux est plus connu sous son surnom qu'il fait légaliser que sous le nom sous lequel ses frères et soeurs de la même famille sont connus. Ce n'est pas nécessairement un précédent dans le système administratif, si vous voulez, concernant l'attribution des noms.

Cela a été réglementé. Je pense que le bon sens l'a toujours emporté.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Maisonneuve.

M. Lalande: Dans les nouveaux articles qu'on remplace, 56 et 56a, on reconnaissait, dans 56a que nous avons actuellement dans le Code civil, les nom et prénoms donnés à une personne. De façon générale, il y a un changement de nom qui peut s'effectuer pour les enfants et pour les adultes. Dans 56.1, 56.2, 56.3 et 56.4, on ne fait évidemment référence qu'à l'enfant. On ne retrouve pas cette référence que nous avons dans l'actuel 56a où on dit qu'on se réfère à une loi de la Législature pour le changement de nom.

M. Bédard: C'est changé déjà. Je précise, c'est la loi du ministre - comment cela s'appelle...

M. Lalande: Ce que je veux dire, c'est qu'à partir du Code civil il n'y a aucune référence à la Loi sur le changement de nom alors qu'elle existait dans 56a.

M. Bédard: Dans la Loi sur le changement de nom. C'est cela?

M. Lalande: Je veux attirer votre attention encore une fois sur le fait que, dans le Code civil actuel, dans 56a, on fait une référence précise, on dit que, dans les cas de changement de nom, c'est une loi de la Législature qui va s'en occuper, la Loi sur le changement de nom, d'accord? 56 et 56a sont remplacés par les suivants: 56.1, 56.2, 56.3 et 56.4; dans tous ces paragraphes et 1, 2, 3 et 4, on ne fait aucune référence à une autre loi. Cela veut dire, en d'autres mots, qu'en lisant le Code civil, le nouveau, celui qu'on s'apprête à adopter en rapport à ceci, on ne sait pas s'il existe une autre loi alors qu'avant on savait qu'il existait une autre loi

à laquelle on pouvait se référer. Comprenez-vous le sens de ma question?

M. Bédard: La loi de la Législature à laquelle on peut se référer, à l'article 56a, était manifestement une loi privée car il s'agissait d'un changement ad hoc personne par personne. Ce n'est donc pas une loi générale à laquelle on faisait allusion. Je pense que, depuis 1965, nous avons une loi générale sur le changement de nom et que cette loi va évidemment survivre à la modification de l'article 56a.

M. Lalande: D'accord.

Le Président (M. Laberge): Cela va? 56...

M. Forget: M. le Président, j'aimerais corriger une injustice dont j'ai été coupable, si on me permet une minute. J'ai mentionné certains organismes qui avaient fait des représentations au ministre relativement au changement de nom. Je ne voulais exclure personne. Il y a d'autres organismes que ceux que j'ai mentionnés qui ont fait des recommandations et, évidemment, en partie dans le même sens de s'opposer à la liberté de choix ou de favoriser certaines méthodes plus liantes. J'aimerais dire, puisque le ministre a montré ses couleurs, que s'il y a un domaine où il m'apparaît que le droit doit suivre les moeurs, c'est bien dans la question du changement de nom. Je pense que le législateur n'a pas beaucoup d'autres choix réalistes que celui d'accepter ce que préfèrent les parents au moment de la détermination du nom des enfants. Il est fort possible que les moeurs évoluent de façon que le résultat visé par certains groupes soit atteint.

Je terminerai là-dessus. Sur un plan pratique, on peut souhaiter qu'effectivement, au Québec, les gens adoptent la pratique du nom double pour une raison très simple, c'est que la revanche des berceaux du XIXe siècle nous a laissé un héritage à peu près sans précédent...

M. Bédard: Dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean, vous allez avoir Tremblay-Tremblay souvent!

M. Forget: C'est cela. On est probablement l'endroit au monde où il y a le plus de problèmes de personnes différentes qui portent à la fois exactement le même prénom et le même nom de famille. Cela crée, dans une société moderne et urbanisée, des problèmes considérables à tout le monde et, certainement que la suggestion d'avoir des noms composés, à supposer que les gens ne se mettent pas à faire des requêtes systématiques pour changement de nom, est le seul remède à une situation de très grande confusion dans tous les services privés ou gouvernementaux qui ont affaire à une large clientèle. Il y a confusion continuelle, parce qu'à cela se mêle la confusion des changements d'adresse, ce qui rend difficiles à régler énormément de situations et énormément de correspondance difficile à acheminer. C'est souvent inextricable.

Je pense que c'est un voeu qu'on peut exprimer; ce n'est pas une obligation qu'on peut faire à qui que ce soit et nous appuyons ici la décision prise par le ministre.

M. Bédard: D'accord.

Le Président (M. Laberge): L'article 56.1, nouvelle rédaction, sera-t-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Non, je laisse la parole à M. le député de Nicolet-Yamaska. C'était son...

M. Fontaine: Je veux soulever une question sur la formulation. J'ai posé une question tantôt et, plus je regarde cela, plus il me semble que ça pose des interrogations. Quelqu'un voudrait peut-être appliquer cela de façon très rigide et restrictive pourrait dire que la loi lui permet d'utiliser une partie des noms de la mère et une partie du nom du père pour former un nouveau nom. De la façon que c'est rédigé, cela pourrait être interprété comme ça. Quand on parle d'un nom composé d'au plus deux parties provenant des noms de ses père et mère, moi, je pense qu'on devrait plutôt essayer de trouver une autre formulation qui dirait: Un nom composé - même la première rédaction m'apparaissait plus claire que celle qu'on nous propose aujourd'hui - d'au plus deux parties provenant du nom de chacun d'eux ou des noms de ses père et mère, ou quelque chose comme ça.

M. Bédard: Nous avons les mêmes préoccupations que le député de Nicolet-Yamaska et nous croyons que la formule présentement arrêtée n'amène pas de confusion. On parle de parties de nom et non pas de syllabes de nom. Je pense que c'est normal que le député de Nicolet-Yamaska s'interroge là-dessus, mais il n'y aura pas de place à l'initiative qui ferait qu'on pourrait à un moment donné prendre certaines syllabes d'un nom pour les accoler à un autre nom, afin de former un nouveau nom.

M. Fontaine: Par exemple, les enfants de Mme Lavoie-Roux pourraient maintenant s'appeler "Voyoux"!

M. Bédard: On ne prolongera pas la discussion sur ce sujet.

Le Président (M. Laberge): Article 56.1, adopté?

M. Bédard: Adopté.

M. Fontaine: Cela se dit "pareil".

Le Président (M. Laberge): Adopté.

J'appelle l'article 56.2 où on a déjà enlevé le mot "patronymique" à l'amendemement.

M. Bédard: C'est cela.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que l'article 56.2 sera adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 56.3.

M. Fontaine: Juste avant d'aller plus loin, à 56.2, on parle encore de filiation. Si on a enlevé le mot "patronymique", parce que cela avait une référence, la filiation, c'est la même chose? Quand on parle de filiation, cela a une référence au père.

M. Bédard: Bien oui, au père et à la mère. Il y a la mère. Il y a les deux.

M. Fontaine: Vous ne pouvez pas trouver un autre mot que ça?

M. Bédard: Je pense que c'était la meilleure manière de l'exprimer. On parle de la filiation paternelle et de la filiation maternelle. Adopté?

M. Forget: II faudrait changer le langage.

M. Fontaine: C'est cela.

Le Président (M. Laberge): L'article 56.2 est-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Il l'était déjà, je m'excuse. Article 56.3...

M. Forget: Cela prouve notre désir de collaborer. On les approuve deux fois plutôt qu'une.

Le Président (M. Laberge): Je vous remercie. Article 56.3. Y a-t-il des remarques spéciales?

M. Forget: Non.

M. Bédard: Non.

Le Président (M. Laberge): Adopté. L'article 56.3 est adopté. Article 56.4. Adopté? L'article 56.4, adopté.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): J'appelle maintenant l'article 7 qui dit: Les articles 57 à 63 dudit code sont abrogés.

M. Bédard: C'est un article de concordance avec les articles 409 à 420 qui étaient édictés par l'article 1.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que cet article sera adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 8.

M. Bédard: L'article 8, c'est de concordance, en fait. Nous sommes dans ce chapitre. C'est de concordance avec les articles 403, 412 et 414 qui sont édictés par l'article 1 que nous avons eu l'occasion d'étudier.

Le Président (M. Laberge): Article 8, adopté?

M. Forget: Attendez un peu, M. le Président. C'est écrit tellement fin que j'ai de la misère à me retrouver.

Je voudrais attirer l'attention relativement à la dispense d'âge.

M. Bédard: Oui, 403, cela n'influence pas parce que nous aurons l'occasion d'y revenir concernant...

M. Forget: II y a une concordance à faire, éventuellement.

M. Bédard: Oui, c'est cela. M. Forget: D'accord.

Le Président (M. Laberge): Article 8, adopté. Article 9.

M. Bédard: Cet article est de concordance avec l'article 469 édicté par l'article 1. L'article 469 auquel je me suis référé qui a été adopté.

Le Président (M. Laberge): Cet article 9 sera-t-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 10.

M. Bédard: L'article 10 vise à donner aux jugements qui concernent les actes de l'état civil le même effet qu'à tout autre jugement.

M. Forget: Pourquoi, M. le Président? Ce que je comprends, c'est normal qu'un jugement en rectification de titre ait les mêmes effets qu'un tout autre jugement.

M. Bédard: C'est opposable.

M. Forget: Oui, je comprends, c'est opposable aux tiers qui n'ont pas été parties ou mis en cause ou appelés, mais est-ce que, dans ces cas, la règle du Code civil n'était pas une règle de prudence, malgré tout? On peut vouloir contester un titre, non pas juste pour le plaisir, mais pour des raisons patrimoniales. Est-ce qu'il n'est pas prudent... Parce qu'une fois que le titre est contesté avec succès, il devient opposable et peut-être qu'il n'y a plus d'autre recours. La question a été tranchée. Est-ce qu'il n'est pas prudent d'appeler, parce qu'il n'y a pas de défendeur dans...

M. Bédard: II y a une tierce opposition qui est possible pour ceux qui n'étaient pas parties.

M. Forget: Pour ceux qui sont au courant que la demande a été présentée, cependant.

M. Bédard: Oui, et qui n'étaient pas parties à l'acte...

M. Forget: Qui n'étaient pas parties.

M. Bédard: Ils peuvent, par voie de tierce opposition, faire...

M. Forget: Mais il n'y a aucune obligation de leur signifier la requête initialement.

M. Bédard: Je ne pense pas.

M. Forget: Donc, cela peut se faire à leur insu.

M. Bédard: Ce n'est pas parce qu'ils n'étaient pas parties à l'action qu'ils peuvent faire tierce opposition.

M. Forget: Oui, mais...

M. Bédard: II est évident que la prudence, lorsqu'on fait une requête en rectification, est d'assigner le plus de personnes possible à qui on veut rendre le jugement opposable.

M. Forget: Oui, mais la prudence actuelle, non pas la prudence future.

M. Bédard: Oui. Le paradoxe, néanmoins, de cet article 78, c'était que le jugement était carrément inopposable, c'est-à-dire que celui qui n'avait pas été partie pouvait faire comme s'il n'existait pas. Le but de la suppression, c'est de le rendre au moins opposable de façon provisoire jusqu'à ce qu'il ait été contesté.

M. Forget: Le jugement lui-même pourrait être contesté, à ce moment-là?

M. Bédard: Oui.

M. Forget: Même si les délais d'appel avaient couru?

M. Bédard: Oui, parce que c'est à l'égard de tiers et non pas de parties aux recours. (16 h 45)

M. Forget: Alors, même si cela a acquis force de chose jugée, on peut revenir, un tiers qui est affecté adversement peut revenir, rouvrir la cause et cela peut être entendu à nouveau.

M. Bédard: Oui, la force de chose jugée n'étant valable qu'entre les parties à l'action.

M. Forget: À ce moment-là, on n'a pas d'objection. Adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 10 est adopté. Je reviens pour une précision au journal des Débats. Toutes les parties de l'article 6 ayant été adoptées, je déclare donc que l'article 6 a été adopté tel qu'amendé. C'est pour la forme. Article 11.

M. Bédard: L'article 11 précise les règles relatives au domicile du mineur non émancipé et il supprime, conformément à la recommandation de l'Office de révision du Code civil, l'ancienne règle relative au domicile de la femme non séparée de corps. En effet, cette dernière aura son domicile comme toute autre personne, au lieu de sa résidence habituelle.

M. Forget: Je comprends. Avec raison, on a supprimé la clause disant que la femme non séparée de corps n'a pas d'autre domicile que celui de son mari. C'est logique avec la notion d'égalité des époux. Je suppose que cela ne pose pas de problème, tout le monde a un domicile, finalement, c'est une question de fait. D'accord. Adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 11 est adopté. L'article 12.

M. Bédard: L'article 12...

M. Lalande: Excusez-moi, sur l'article

11, si vous me permettez.

Le Président (M. Laberge): Sur l'article 11, M. le député de Maisonneuve.

M. Lalande: "Le majeur interdit pour démence a le sien chez son curateur." Quand on dit "démence", est-ce qu'on fait référence à l'aliénation mentale? C'est la connotation de démence... On reconnaît très bien l'aliénation mentale, il y a une jurisprudence bien définie là-dessus.

M. Bédard: C'est la disposition du troisième alinéa de l'article 83 du Code civil actuel qui est simplement reconduite sans modification. Si on a récrit l'article, c'est en raison... On a purement et simplement repris le troisième alinéa de l'article 83. Justement, on n'a pas voulu, à ce moment-ci, toucher à ce problème de la santé mentale tant que tout le problème ne sera pas abordé d'une façon plus large.

M. Lalande: Est-ce que, à titre indicatif, vous pourriez me dire où est fixée la jurisprudence? Semble-t-il qu'il y a beaucoup de confusion relativement à cela; c'était peut-être l'occasion de le corriger, mais vous n'avez pas voulu entrer dans la substance.

M. Bédard: Ce serait mieux dans le chapitre concernant la capacité des personnes; à ce moment-là, ce sera le temps d'y aller en profondeur.

Nous n'avons pas fait de recherche particulière sur l'article 343 du Code civil à ce moment-ci, parce qu'il n'y avait pas d'amendement proposé comme tel. Je m'en excuse.

M. Forget: M. le Président, je reviens à la question du domicile des conjoints. Je comprends que les dispositions relatives à la résidence familiale sont édictées dans un but bien différent des dispositions relatives au domicile dans le Code civil. Il reste qu'on va quand même assez loin pour formaliser la notion de résidence familiale en prévoyant même le dépôt d'une déclaration, etc. Vis-à-vis des tiers, pour lesquels la question du domicile pourrait être importante, est-ce que la résidence familiale ne constitue pas une présomption quant au domicile tant qu'il n'y a pas séparation de corps ou divorce?

M. Bédard: Peut-être bien, mais vous pensez en termes de présomption simple, à tout le moins, donc, qui pourrait être renversée si on faisait la preuve que les époux habitent ailleurs, même en vivant séparés dans les faits.

M. Forget: Oui, mais, disons, avec un point d'interrogation, parce qu'on va jusqu'à un acte enregistré en disant: Voici la résidence de la famille, les deux conjoints, alors que rien n'indique... Autrement dit, étant donné le formalisme considérable qu'on donne à la notion de résidence familiale, dans le cas d'une propriété, est-ce que ce ne serait pas un présomption très forte avec laquelle il faudrait traiter prudemment avant de chercher à la contredire par une preuve de fait?

M. Bédard: ... les éléments à partir desquels on va déterminer le domicile. À l'article 81 du Code civil, on dit que "la preuve de l'intention résulte des déclarations de la personne et des circonstances". Ce serait une déclaration.

M. Forget: C'est une déclaration.

Surtout si la personne dont le domicile est en question est celle qui a fait la déclaration.

M. Lalande: Est-ce que nous ne pourrions pas, justement, dans le prolongement, inscrire qu'il y a une présomption de facto, en tout cas, pas de jure, parce que ce n'est pas irréfragable, mais qu'il y a une présomption de faite, en tout cas, là-dedans? Est-ce qu'il n'y a pas lieu de l'inscrire?

M. Bédard: Elle est déjà inscrite dans l'article 81. Dans la tradition, l'interprétation sur l'article 81, c'est déjà une de ces présomptions de fait, il peut y en avoir plusieurs. C'est un des éléments qui peuvent être pris en considération. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de la discussion sur la résidence familiale.

M. Lalande: Je sais que la conclusion ou la jurisprudence a établi qu'il y a une présomption, mais ce n'est pas écrit textuellement à 81 que ceci constitue une présomption de fait.

M. Bédard: II serait peut-être dangereux de l'écrire aussi parce que, encore une fois...

M. Lalande: Mais, elle n'est pas irréfragable, à ce moment-là, si elle est de fait seulement. On pourrait la renverser, sauf que ça constituerait, dans le prolongement de ce qu'indiquait le député de Saint-Laurent, si on l'indique d'une façon précise, une certaine stabilité. Vous aimez mieux, à ce moment-ci, ne pas en traiter, laisser libre cours à la chose.

M. Bédard: ...la présomption de fait, a échoué...

Le Président (M. Laberge): Alors, ceci complète l'article 11. J'appelle l'article 12.

M. Bédard: L'article 12 vise à éliminer une inégalité entre époux. Il est de concordance avec le principe de l'égalité des époux qui est établi à l'article 441 que nous avons adopté.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Je lis l'article 111 actuel où on parle des avantages qui sont consentis à l'épouse lorsque le mari est absent. Quand on parle d'absence, c'est l'absence telle que prévue au Code civil. On dit: "Si c'est le mari qui est absent, la femme peut se faire mettre en possession de tous les gains et avantages matrimoniaux lui résultant de la loi ou de son contrat de mariage, mais à la condition de fournir caution." Je viens de relire les articles 441 et 449 que nous avons étudiés dans l'article 1 et je ne vois pas d'article qui permette à l'épouse de se faire donner les avantages gui sont prévus à l'article 111. On nous dit que c'est un article de concordance mais, à mon avis, on enlève les avantages à l'épouse dans le cas de l'absence du mari.

M. Bédard: Sous les commentaires faits par les auteurs sous l'article 111, il est indiqué que cette règle de fournir caution dans les circonstances de la première partie de l'article n'est applicable gu'à la femme. Si ça se présente pour l'homme, la même situation, il n'a pas à fournir caution. Donc, ce n'est pas l'article 111 gui autorise que ce soit possible d'être mis en possession des gains et avantages matrimoniaux, mais l'article visait à établir la condition de fournir bonne et suffisante caution. Si ma mémoire est bonne, au surplus, cela se rattachait davantage au régime de communauté de biens où le mari était administrateur de la communauté et la femme ne l'était pas. Il y avait peut-être, à l'égard du pouvoir ou de la capacité d'administration de la femme, quelque suspicion, secrète ou non. Cela disparaît.

M. Fontaine: Non, mais il y a beaucoup plus que ça, c'est qu'on lui permettait de se faire mettre en possession de tous les gains et avantages matrimoniaux lui résultant soit de la loi, soit du contrat de mariage. Là, on enlève cet article et on ne le remplace pas par autre chose.

M. Bédard: Encore une fois, je l'ai dit, sous réserve d'une...

M. Fontaine: Qu'on le fasse pour l'homme et pour la femme, je serais d'accord.

M. Bédard: C'est qu'il semblait que le mari, lui, n'a pas de problème pour cette question-là, il se fait mettre en possession de tout ça sans avoir à fournir bonne et valable caution et cela simplement en vertu des principes, alors que la femme est obligée d'obtenir caution.

M. Fontaine: Mais où est-ce qu'on retrouve la permission pour l'épouse de l'obtenir également?

M. Bédard: Je dirais dans les mêmes ressources que pour le mari.

M. Lalande: 111 n'engendre pas, en fait, de droit. Au fond, il est certainement...

M. Bédard: Enfin, pas que je sache. Pour avoir vérifié, je n'ai pas vérifié hier soir, mais quand on a examiné cet article 111, on a pris la peine d'aller vérifier les commentaires sur cet article-là.

M. Fontaine: Vous...

M. Bédard: C'est possible que ce soit dans le chapitre... Justement, on me signale que c'est probablement dans le chapitre de l'absence, aux articles 109 et 110, peut-être, qu'on retrouverait les principes qui permettent... On dit, par exemple, à 110: "Au cas d'application de l'article 109, les conventions et droits des conjoints subordonnés à la dissolution de la société d'acquêts ou de la communauté deviennent exécutoires et exigibles." Donc, il y a une mise en possession, si vous voulez, des avantages qui découlent du régime lui-même ici, mais par application des articles 109 et 110, de sorte que l'article 111 n'était pas, comme quelqu'un l'a mentionné tantôt, générateur du droit de mise en possession, mais il était fonction de la caution que devait fournir l'épouse commune en biens.

M. Forget: Un genre de présomption.

M. Bédard: C'est simplement une formalité qu'on imposait à la femme et qui n'était pas imposée à l'homme.

Le Président (M. Laberge): Article 12, adopté. Article 13?

M. Bédard: Cet article est de concordance avec l'article 1. Il abroge au Code civil du Bas-Canada les dispositions correspondant à celles qui sont édictées à l'article 1. Il est à noter toutefois gue l'abrogation en bloc de ces articles s'appuie sur une mise en vigueur en bloc des nouveaux articles du Code civil du Québec édictés par l'article 1 également, de manière qu'il n'y ait pas de vide.

Le Président (M. Laberge): L'article 13 sera-t-il adopté? Adopté. Article 14?

M. Bédard: L'article 14 vise à éliminer une inégalité entre époux. Il est de concordance avec le principe de l'égalité des époux établi à l'article 401, édicté par l'article 1. L'article 401: "Le consentement au mariage consiste dans la volonté qu'expriment un homme et une femme de se prendre réciproquement pour époux ".

Le Président (M. Laberge): L'article 14, oui.

M. Bédard: Article 441.

M. Fontaine: On parle de l'article 276.

M. Bédard: Oui, pour le Code civil, c'est l'article 276. La fin de l'article fait une distinction entre celui qui est époux ou père, donc distinction par rapport à celle qui est épouse ou mère. On disait dans le code: "Celui qui est époux ou père et qui est déjà chargé d'une tutelle n'est pas tenu d'en accepter une seconde, excepté celle de ses enfants." Dans le cas de la femme, évidemment, c'était déjà une situation différente.

M. Fontaine: Le principe d'égalité.

M. Bédard: Le principe d'égalité fait que, par rapport à la tutelle, ils seront sur un pied d'égalité quant à savoir le nombre de tutelles qu'ils seront tenus d'accepter.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je suis d'accord avec le principe, mais il semble qu'on établit une égalité très exigeante en permettant à tout le monde d'en avoir deux...

M. Bédard: II faut bien réduire le nombre de tutelles.

M. Forget: II me semble que, le deuxième alinéa supprimant l'inégalité, pour quelqu'un qui a déjà une tutelle, à mon avis, cela devrait être une excuse pour en refuser une deuxième, à moins que ce ne soit celle de ses enfants. Ce n'est pas tellement courant, mais, comme ce sont des emplois non rémunérés, de toute façon, ce sont des excuses que le tribunal peut apprécier. Est-ce que ce sont des excuses...

M. Bédard: L'article est quand même assez formel, tel que libellé, il est assez catégorique. Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de discrétion de laissée par l'article. J'avoue, par ailleurs, n'avoir eu connaissance aucune fois dans ma vie - je ne dis pas que cela n'existe pas cependant -d'une situation où quelqu'un en était à accepter une troisième tutelle, c'est-à-dire celle de ses enfants, non pas qu'il n'y ait pas de tutelle - il y en a plusieurs milliers au Québec - mais il semble que les parents trouvaient toujours quelqu'un, un autre parent, pour accepter la deuxième tutelle, plutôt que de se charger eux-mêmes d'une troisième.

M. Forget: Je n'ai pas d'objection. Cela m'apparaît être beaucoup de tutelles pour la même personne, mais...

M. Bédard: On n'a pas d'exemple de collectionneurs de tutelles.

M. Lalande: Avec le rôle que le curateur public joue, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu justement d'en faire non seulement un curateur public, mais un tuteur public, si on veut, pour ne pas forcément amener quelqu'un à avoir une deuxième tutelle?

M. Bédard: Vous avez hâte d'entamer l'étude de la réforme du livre blanc. C'est là qu'on...

M. Lalande: Oui, évidemment, la substance est là. En pratique, ce sont des problèmes assez importants auxquels a à faire face aujourd'hui quiconque doit assumer une tutelle. Ce n'est pas facile. Je comprends que c'est la notion de bon père de famille, mais c'est une charge assez pénible pour certains. Cela ira avec la substance encore une fois du droit sur la personne.

Le Président (M. Laberge): L'article 14 est-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 15.

M. Bédard: Cet article vise à éliminer une inégalité entre parents dont les enfants sont soit légitimes ou naturels. Il est de concordance avec...

M. Forget: On faisait un grand compliment aux enfants naturels, parce qu'on considérait qu'ils n'étaient pas une charge, qu'ils étaient plus faciles à élever que les autres. (17 heures)

M. Bédard: Je pense que cela rejoint une préoccupation qu'on a tous exprimée autour de la table pour qu'il n'y ait plus de différence ou de discrimination entre les enfants légitimes ou naturels; tout le monde sera sur un pied d'égalité.

Le Président (M. Laberge): Article 15, adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 16?

M. Bédard: L'article 16 vise à éliminer une inégalité entre le père et la mère. Il est de concordance avec les articles 441 et 641 édictés par l'article 1. Cela se retrouvait aussi au Code civil qui disait: "Ne peuvent être tuteurs les mineurs, excepté le père qui est tenu d'accepter la charge et la mère qui, quoique mineure, a droit à la tutelle de ses enfants, mais n'est pas tenue de l'accepter."

M. Forget: Dans quelle situation peut-on nommer comme tuteur le parent d'un enfant?

M. Bédard: Les parents actuellement, n'ayant pas vraiment de pouvoirs de représentation de leurs enfants en justice, par exemple dans l'exercice des recours en dommages et intérêts, il fallait procéder à la nomination d'un tuteur pour exercer un recours en dommages et intérêts ou s'ils recevaient quelque héritage; s'ils avaient quelques biens, pour l'administration des biens, il fallait également les faire nommer tuteurs. En d'autres termes, ce sont généralement les parents, le père ou la mère, qui sont nommés tuteurs de leurs enfants. C'est pour suppléer au fait qu'actuellement, les parents ne représentent pas leurs enfants ni dans l'administration des biens, ni pour ester en justice. Ils exercent l'autorité parentale, bien sûr, mais ils n'ont pas le pouvoir de représentation en justice ou d'administration des biens.

M. Forget: Est-ce qu'il ne serait pas normal que les parents soient considérés comme les tuteurs d'office, à moins que quelqu'un ne s'y oppose ou que le tribunal d'office ne voie une divergence entre l'intérêt des parents et celui des enfants?

M. Bédard: La proposition de réforme de l'Office de révision du Code civil est d'examiner la possibilité de les considérer comme des tuteurs de plein droit, donc représentant leurs enfants dans l'administration des biens, tout comme dans les actions à exercer, sous réserve des tuteurs ad hoc, évidemment, pour les cas de conflits d'intérêts entre les parents et les enfants.

M. Lalande: On sait déjà que, dans certaines dispositions du Code de procédure civile, au niveau de la loi des petites créances, les parents sont tuteurs d'office. N'y aurait-il pas lieu de...

M. Bédard: II y a quand même certaines représentations limitées, par exemple consentir au mariage de leurs enfants; ils l'exercent, mais c'est davantage un acte d'autorité parentale qu'un acte...

M. Lalande: Je vous citais la loi des petites créances à dessein parce qu'on l'a spécifiquement indiqué dans cette loi. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de l'indiquer également dans cela?

M. Bédard: On reprend souvent l'argument, mais la tutelle des enfants est un problème assez important et considérable; c'est le problème des tutelles privées, vous avez soulevé le problème d'un tuteur public; enfin, je pense que ce sont des questions de fond.

M. Lalande: Evidemment, cela irait dans l'autre projet?

M. Bédard: ...

M. Lalande: J'allais aussi dire un mot au niveau des interdits...

M. Bédard: J'avais déjà indiqué qu'au moment où on se parle, nous procédons au chapitre 2. Il y a déjà un groupe, restreint pour le moment, qui est en train de faire le travail d'approfondissement nécessaire pour procéder rapidement avec la réforme concernant le chapitre 1 du Code civil.

M. Lalande: II y a peut-être lieu aussi de savoir, à titre indicatif, au paragraphe 2, qu'on ne touche pas, si les interdits, les ivrognes d'habitude, par exemple, seront considérés aussi comme des interdits. Il y a toujours cette distinction à faire si c'est une semi-interdiction ou une interdiction complète quand on parle d'interdit. Est-ce qu'on inclut aussi ceux qui abusent de prodigalité? Est-ce que sont véritablement des interdits?

M. Bédard: Je peux vous dire encore une fois que, dans la réforme proposée par l'Office de révision du Code civil, il y a un changement considérable d'approche par rapport au Code civil actuel, parce qu'on parle de celui qui est incapable mentalement et de celui qui est incapable physiquement. Il y a une sorte de concept nouveau qui est proposé au lieu des distinctions très...

M. Lalande: Je veux simplement vous dire qu'on suit ça de près.

M. Bédard: Cela va être intéressant à étudier.

Le Président (M. Laberge): L'article 16 est-il adopté?

Une voix: Adopté.

De l'émancipation par mariage

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 17? L'article 17 a un nouveau libellé en introduisant la "section I, "de l'émancipation par mariage", et l'article 314 suit avec le texte que vous avez.

M. Bédard: D'une façon générale, l'article vise à élargir la capacité du mineur émancipé par le mariage. II s'inspire du Code civil français. Cette solution a paru préférable à celle que propose l'Office de révision du Code civil dont l'effet est d'abaisser la majorité à 16 ans et de procurer un statut de majorité opposable à tous et en toutes circonstances.

M. Forget: II y avait un problème de concordance selon la solution adoptée ailleurs. D'accord.

M. Bédard: Je pense qu'on peut l'adopter.

M. Lalande: De toute façon, cela règle une partie du problème puisque l'âge du mariage a été quand même changé. C'est en suspens? Je pense qu'on s'en va vers une direction à la hausse. Très bien.

Le Président (M. Laberge): Article 17, adopté? Article 18, demande d'insérer un nouveau titre, c'est-à-dire "Section II "de l'émancipation judiciaire; entre les articles 314 et 315. L'article 18 sera-t-il adopté?

M. Bédard: Peut-être un peu d'explication technique. À partir du moment où l'émancipation du mineur par mariage ou par voie judiciaire ne donne pas la même capacité, il devient nécessaire de traiter dans deux sections différentes de l'émancipation judiciaire et de retenir la capacité actuelle du Code civil, puisqu'on a élargi au fond la capacité du mineur émancipé par le mariage. C'est la raison de l'intitulé et des modifications techniques qui vont suivre dans beaucoup d'articles.

Le Président (M. Laberge): Adopté? Des voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Article 18, adopté. Article 19.

De l'émancipation judiciaire

M. Bédard: II n'y a aucun changement de fond. C'est seulement de la concordance avec l'article 17 qui a été édictée dans l'article 1.

M. Lalande: "II doit être nommé un curateur au mineur émancipé". Est-ce qu'on présume que c'est au bien et à la personne qu'est nommé ce curateur?

M. Bédard: C'est au bien.

M. Lalande: Au bien seulement.

Le Président (M. Laberge): L'article 19 est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté.

M. Lalande: II n'y a pas lieu de le mentionner, non.

M. Bédard: L'interprétation de 317 présente est assez bien fixée, n'y pas toucher, c'est peut-être préférable à ce moment-ci.

M. Lalande: Évidemment...

Le Président (M. Laberge): Article 19 adopté. Article 20.

M. Bédard: L'article 20 vise à éliminer une illégalité entre époux. Cet article est de concordance avec l'article 441 du code, édicté par l'article 1, on lisait dans le Code civil: "La femme ou le fils majeur d'une personne ainsi interdite peut être nommé son curateur. Lorsque cette charge est dévolue à la femme de l'interdit, elle a tous les pouvoirs des curateurs des interdits pour cause de prodigalités."

On faisait une distinction au niveau de l'ampleur de la curatelle exercée par la femme par rapport à celle exercée par l'homme.

Le Président (M. Laberge): Article 20, adopté?

M. Forget: II ne peut pas être utile de dire "le conjoint" plutôt que de supprimer l'article? L'époux ou l'enfant majeur, cet article n'avait pour but que de limiter la capacité de la femme.

M. Bédard: Dans le cas de la femme, cela donnait une capacité qui est celle des curateurs des interdits pour cause de prodigalité. C'est qu'il est différent comme capacité d'exercice de celle du premier alinéa. En fait, elle avait moins de pouvoirs, somme toute.

M. Forget: Dans le cas du premier alinéa, la capacité du conjoint ou de l'enfant majeur d'être nommé curateur ne peut pas être mise en doute.

M. Bédard: C'est cela, parce qu'on référait de la curatelle à la tutelle pour les

personnes qui peuvent l'être.

Le Président (M. Laberge): Adopté? Article 21.

M. Bédard: Cela vise également à éliminer une égalité entre époux. Il est de concordance avec les articles 441 et 442 édictés par l'articlel. C'est cela.

Le Président (M. Laberge): Article 21, adopté. Article 22.

M. Bédard: Concordance avec l'article 17. On s'y est référé tout à l'heure.

Le Président (M. Laberge): Adopté? Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Article 22 adopté. Article 23.

M. Bédard: Cet article vise à éliminer une inégalité entre époux; il est de concordance avec les articles 441 et 442 édictés par l'article 1. C'est toujours sous l'angle de la capacité.

Concordance nécessaire.

Le Président (M. Laberge): Article 23, adopté. Article 24.

M. Bédard: Cet article vise à préciser qu'un droit d'usage ou d'habitation peut être établi par jugement et non seulement par la volonté de l'homme. Il est de concordance avec les articles 457 et 461 édictés par l'article 1.

Le Président (M. Laberge): L'article 24 sera-t-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Article 24, adopté. J'appelle l'article 25.

M. Bédard: Cet article remplace par une règle très simple les articles 603, 604 et 605 du Code civil du Bas-Canada et fait disparaître enfin les distinctions antérieures fondées sur le sexe et l'âge. Cet article permet d'éviter en outre deux successions consécutives des mêmes biens. C'était l'article concernant les comourants ou les possibilités de survie de l'homme...

M. Forget: M. le Président.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: II est- difficile d'évaluer - je suis bien sûr d'accord avec l'idée de ne pas avoir de présomption qui affecte un sexe par rapport à l'autre. Plus généralement, comme on fait cette règle alors qu'on ne change pas la Loi sur les successions, il est difficile d'en parler intelligemment. La question des comourants, c'était une réponse inspirée des valeurs du XIXe siècle à un problème d'intérêt de famille, dans certains cas. Est-ce que la transposition moderne de cette question ne consisterait pas, dans l'état actuel du droit sur les successions du moins, à donner au tribunal un certain droit d'appréciation?

Imaginons une situation où l'homme et la femme meurent ensemble, sont comourants. Un de ces conjoints a fait un testament qui désavantage ses enfants, peut-être pour avantager un tiers, etc., et l'autre lègue tout simplement aux enfants sa part des acquêts, à supposer qu'on est dans un régime d'acquêts. Comme c'est une question d'interprétation, s'il y avait un décès dans un certain ordre, cela produit tel effet pour les enfants; s'il y a un décès dans un autre ordre, cela produit des effets différents pour les enfants. Est-ce que, à la place de cette présomption qui est arbitraire, on ne pourrait pas avoir la possibilité que le tribunal, dans l'intérêt des enfants, détermine l'ordre de succession?

M. Bédard: On y a donné suite parce que cela reprenait, d'une part, textuellement une des recommandations de l'Office de révision du Code civil qui avait fouillé cela à fond. Également, cela rejoint une acceptation de l'Ordre des notaires et du Barreau. S'il y avait eu le moindrement de différence entre l'Office de révision, le notariat, le Barreau, etc., j'aurais, au départ, remis cela à plus tard.

Il serait peut-être intéressant, si vous me permettez, que nous lisions, parce qu'il y avait une certaine incompatibilité avec le deuxième alinéa de l'article 625 du Code civil du Bas-Canada qui dit: "Dans tous les cas, les enfants - au moins pour ceux-là - ou leurs descendants succèdent sans distinction de sexe ni primogéniture, et encore qu'ils soient issus de mariages différents." (17 h 15)

II y a donc eu une sorte d'abolition au niveau des principes de distinction quant au sexe pour ce qui est des droits d'héritage, de même que de primogéniture évidemment, parce que c'est ce qui a existé dans le très ancien droit. Ces articles 603 qui sont dénoncés depuis pas mal longtemps font survivre d'une certaine façon entre les sexes des distinctions. Il n'y a pas la primogéniture, mais, entre les sexes, il y a des distinctions, parce que même entre les enfants, c'est lié à l'âge aussi, je comprends, il y a donc deux sortes de distinction, c'est celle qui tient à l'âge et celle qui tient au sexe.

Par ailleurs, dans beaucoup de cas, maintenant, ces problèmes sont aussi réglés par des examens très poussés au point de vue médical qui peuvent être faits pour déterminer lequel est mort le premier. Il reste quand même des cas difficiles encore ou impossibles a préciser et surtout dans les décès par chute d'avion ou autres. La théorie des comourants a replacé un peu tout le monde sur un pied d'égalité.

M. Lalande: En termes d'étapes, l'article 603 et la théorie des comourants, notamment la présomption au niveau des sexes, je pense qu'il est fort heureux qu'on ait balayé cela.

Maintenant, au niveau de l'âge, la présomption d'âge ne devrait-elle pas subsister pour un certain temps, en ce sens que si vous avez - comme vous l'avez évoqué tout à l'heure - le cas d'un accident d'avion, même d'automobile, si vous voulez, où les parents et les enfants décèdent ensemble, il y avait peut-être toujours l'avantage au niveau des successions de démêler un peu la situation? Évidemment, au niveau des sexes, on peut toujours enlever cette présomption, mais, au niveau de l'âge, ceci permet-il de façon plus facile d'en arriver à établir la succession? Là, vous êtes 5 ou 10 personnes en même temps et comme on le dit bien, il y a plusieurs personnes appelées à la succession, l'une ou l'autre décède sans qu'il soit possible d'établir laquelle a survécu à l'autre et lesquelles sont réputées être décédées au même instant.

Cela fait une espèce d'imbroglio très difficile à régler. La théorie des comourants nous aidait considérablement là-dedans, je pense, en donnant des présomptions. Pourquoi la présomption d'âge doit-elle être absolument éliminée?

M. Bédard: Enfin...

M. Lalande: C'est diviser le problème en deux, au niveau de l'âge, en tout cas.

M. Bédard: Oui, avec les inconvénients qui ont été notés par les praticiens du droit quand ils avaient à régler ces problèmes, c'est que, puisqu'il s'agit de courts intervalles qu'on ne peut pas mesurer, on dit: Ils sont décédés en même temps, et c'est par un jeu de fiction, une présomption tout à fait, qu'on arrive à le dire. Mais, ce faisant, on crée deux transmissions. Cela mettait un principe, semble-t-il, de transmission des biens qui se faisait en deux temps. C'est sûr qu'au temps où il y avait une fiscalité, les transmissions de successions avaient une certaine importance et ce n'était pas négligeable. Aussi, cela fait passer les biens dans une ligne plutôt que dans les deux. Le cas des comourants, tel que proposé par l'Office de révision du Code civil et appuyé d'une règle de représentation dans le cas de codécès, permet de ne pas, par ce moyen, déshériter une souche de la famille. Dans ce sens, enfin, je pense à un cas où un père est décédé en même temps que l'un de ses fils. Il y a donc les différences d'âge qui s'appliquent ici. Alors, en traitant distinctement chacun de ces décès et en appliquant la règle de la représentation, vous permettez aux enfants du fils décédé de recevoir la part du grand-père.

Autrement, quand on fait plusieurs combinaisons dans ces successions, c'est assez complexe, il arrive, en faisant passer les biens d'un seul côté, qu'on se trouve à priver certaines souches d'une part d'héritage qui, dans la famille, en termes d'une certaine égalité également... Ce sont à peu près les raisons qui ont été évoquées par les praticiens du droit des successions.

Je peux peut-être dire comme information, parce que c'est venu par l'office, que c'est la Chambre des notaires qui a été un peu le maître d'oeuvre dans cette rédaction. Nous avons essayé de le regarder sous toutes ces coutures, mais il nous est apparu assez précis, au point de vu de sa rédaction.

M. Forget: Très bien.

Le Président (M. Laberge): Article 25, adopté. Article 26.

M. Forget: On se met là-dessus sur le pilote automatique, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): M. le ministre.

M. Bédard: L'article vise à éliminer une inégalité entre père et mère. Il est de concordance avec les articles 441 et 641 édictés par l'article 1. L'article 613 du Code civil disait: "Les enfants de l'indigne ne sont pas exclus de la succession pour la faute de leur père s'ils y sont appelés de leur chef et sans le secours de la représentation qui n'a pas lieu dans ce cas."

Le Président (M. Laberge): C'est remplacé par "de ce dernier". L'article 26 est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. L'article 27.

M. Bédard: L'article étant la règle de la représentation au cas de... Ah oui! c'est vrai, il y a l'article 26.1.

Le Président (M. Laberge): Je m'excuse... Merci beaucoup.

M. Lalande: Quelle serait la conséquence d'enlever "et encore qu'ils soient issus de différents mariages", au paragraphe 2 de l'article 625?

M. Bédard: C'est que, dans le droit passé aussi, il y avait des distinctions sur le sexe, des distinctions pour la primogeniture, le premier-né, il y en avait également selon les mariages. Maintenant, tous les enfants sont sur un pied d'égalité quant à leur père, même s'ils sont nés de deux mariages différents à la suite d'un divorce ou d'un décès du premier conjoint.

Le Président (M. Laberge): Après l'article 26, on a un article 26.1 à introduire et il se lit comme suit: "26.1 Ledit code est modifié par le remplacement du premier alinéa de l'article 624 par le suivant: "624. La représentation a lieu lorsque le représenté est prédécédé, codécédé ou déclaré absent."

M. Bédard: La règle est la règle de la représentation au cas de codécès, pour éviter de priver un parent de recueillir une succession qu'aurait recueillie son ascendant parent moins élevé du de cujus ou du mourant s'il eût survécu à ce dernier, soit par l'application des règles ordinaires de la preuve, soit par l'application des présomptions de survie des articles 603, 604 et 605 du Code civil. À l'égard de la représentation de l'absent, l'article ne fait qu'énoncer la règle actuelle, qui n'est pas formulée explicitement dans le code, selon l'Office de révision du Code civil.

Le Président (M. Laberge): Le nouvel article 26.1 sera-t-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. J'appelle l'article 27. Cet article, on nous demande de le remplacer par le suivant: "27. L'article 625 dudit code, remplacé par l'article 5 du chapitre 74 des lois de 1915, est modifié par la suppression du deuxième alinéa."

M. Bédard: Cet article est de concordance avec l'article 590 édicté par l'article 1. Les distinctions fondées sur le sexe ou la primogéniture étant également contraires à l'article 590, il n'apparaît pas opportun de maintenir le deuxième alinéa.

M. Lalande: Cela va.

Le Président (M. Laberge): Le nouvel article 27 est adopté. On nous demande aussi de remplacer l'article 28 par le suivant: "28. Le texte anglais de l'article 633 dudit code est modifié par le remplacement des expressions "same marriage" et "different marriages" par les suivants: "same union" et "different unions".

M. Bédard: Alors, le texte français de l'article 633 du Code civil du Bas-Canada ne porte pas atteinte au principe de l'égalité des enfants énoncé à l'article 590 édicté par l'article 1, il ne fait que distinguer, pour les fins du partage de la succession, entre les germains, les utérins et les consanguins, mais le texte anglais de l'article 633 du Code civil, en traduisant le mot "lit" par "marriage", établit une distinction entre les enfants nés en mariage et les autres nés hors mariage. C'est pourquoi l'amendement porte exclusivement sur le texte anglais de l'article 633 du Code civil. Le seul autre article du Code civil où le mot "lit" est traduit en anglais par le mot "marriage" se retrouve à l'article 1356 du Code civil, mais l'article 43 du projet en propose l'abrogation sous réserve de la disposition transitoire énoncée à l'article 62.

M. Lalande: Finalement, on emploie le mot "union" plutôt que le mot "mariage" pour qu'il n'y ait pas de discrimination.

Le Président (M. Laberge): Ce nouvel article 28 sera-t-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. J'appelle l'article 29.

M. Bédard: 29, c'est un article de concordance avec l'article 462 édicté par l'article 1. L'article 462, en effet, ne permet plus, contrairement à l'article 1257 du Code civil du Bas-Canada, de renoncer par contrat de mariage à une succession non ouverte. Cette prohibition s'inscrit dans une perspective de protection des époux et de la famille.

M. Forget: On ne permet plus de renoncer à une succession non ouverte?

M. Bédard: Ce qui était permis auparavant.

Le Président (M. Laberge): L'article 29 sera-t-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 30.

M. Bédard: C'est un article de concordance avec l'article 17.

Le Président (M. Laberge): Cet article 30 sera-t-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. À l'article 31...

M. Forget: M. le Président, je devrais, à ce moment-ci, indiquer pour le bénéfice du journal des Débats qu'une partie du travail qu'on a fait aujourd'hui relativement à la tutelle, à la curatelle et au droit des successions que l'on modifie incidemment et par concordance ne constitue pas des chapitres d'une compréhension facile, dans le contexte.

Cela qualifie nécessairement le travail que l'on fait, en ce sens qu'on y va au meilleur de notre connaissance. Il est bien évident que nous sommes largement redevables des avis que nous pourrions recevoir de gens beaucoup plus versés que nous à la table de cette commission pour approuver ou pour rejeter. Mais, comme vous voyez, nous n'osons même pas discuter, M. le Président, des dispositions complexes dont les implications et les ramifications sont très difficiles à percer.

Je tenais à préciser ça, parce qu'il reste qu'on change des dispositions qui n'ont peut-être pas une application très large. Ce sont des dispositions peut-être un peu désuètes. Au moins, certaines de celles qu'on a à modifier. Mais il reste qu'il est difficile d'en saisir toutes les implications. Je tenais à le signaler.

M. Bédard: Je pense qu'on ne demande pas à chacun des membres de la commission d'être expert en la matière. Si, sur certains articles, il y a des points d'interrogation qui peuvent se soulever, les experts que nous avons avec nous vont y répondre.

M. Forget: Sur certains points, la capacité même de formuler des questions intelligentes est en doute. Encore une fois, formuler des questions intelligentes suppose une compréhension peut-être plus large de l'ensemble du droit successoral qui est extrêmement complexe et des implications, des changements gu'on nous appelle à y faire ici.

M. Bédard: Ce n'est que de la concordance, Me Marcel Guy, si ça devait aller à des changements majeurs, se fera un devoir de nous l'indiquer.

M. Forget: J'en suis reconnaissant parce que comme je l'indiquais au président tout à l'heure, nous sommes actuellement sur pilote automatique.

Le Président (M. Laberge): À l'article 31, on nous demande de remplacer le premier paragraphe de l'article 735.1 par le suivant: "735.1: Les héritiers ou légataires acquittent, de la même manière que toutes autres charges et dettes de la succession, la prestation compensatoire accordée au conjoint survivant en compensation de son apport à l'enrichissement du patrimoine de son conjoint décédé." Les deux autres paragraphes demeurent les mêmes.

M. Bédard: "Cet article établit, lors du décès, une règle semblable à celle que prévoit, au cas de divorce, l'article 555 édicté par l'article 1; il est aussi de concordance avec les articles 457 à 461 édictés par l'article 1."

L'amendement proposé vise à placer l'époux survivant dans la même situation que l'époux divorcé quant au rang de la prestation compensatoire qui lui est accordée. Ainsi, la créance de l'époux survivant, comme celle de l'époux divorcé, sera régie par l'article 1981 du Code civil quant au paiement. En l'absence de cause légitime de préférence, l'époux subira le concours des autres créanciers. C'est peut-être plus long comme discussion. (17 h 301

M. Forget: M. le Président, je m'interroge sur la nécessité des deuxième et troisième alinéas, qui reprennent en substance les dispositions qu'on retrouve dans le chapitre pertinent. Est-ce que tout simplement le renvoi aux articles 457 à 461 du Code civil du Québec ne suffirait pas? Il s'agit, dans le fond, de dire que les dettes du conjoint, y compris la prestation compensatoire, font partie du passif du de cujus et doivent être traitées comme tout élément du passif de la succession.

M. Bédard: II y aurait peut-être dans le deuxième alinéa, pour que l'information soit complète, le cas de la succession qui n'était pas prévue, ce qu'on peut recevoir par la succession. En d'autres termes, si un conjoint reçoit déjà, aux termes du testament, 50% de la succession, pour prendre des applications, ou tout l'usufruit des biens, ou la totalité - si c'est la totalité et qu'il accepte la totalité, il ne se paiera pas à lui-même une prestation compensatoire, il en va de soi. S'il reçoit déjà 50% ou 75% de la succession, on voulait dire que le tribunal devra tenir compte du fait que déjà, par voie de testament, il y a 50% de la succession et que, dans l'établissement de la prestation compensatoire, il ne s'agit pas d'aller chercher les autres 50% pour les faire venir dans le patrimoine du survivant. Donc, cela ne reprenait pas cet élément. Pour ce qui est du régime matrimonial, du contrat de mariage, vous avez parfaitement raison. Cela les reprend.

M. Forget: Oui. Évidemment, on le situe dans son contexte d'un décès où la succession intervient comme un élément

nouveau. Cela pourrait donc donner ouverture, lorsqu'un divorce intervient disons en décembre 1980, à ce que le jugement porte la détermination d'une prestation compensatoire. En janvier 1981, le conjoint débiteur décède, la succession s'ouvre. Afin d'obtenir le versement de la prestation compensatoire, on est amené à rouvrir la détermination de tout cela. Cela suppose une deuxième instance en quelque sorte.

Le Président (M. Laberge): M. le ministre.

M. Bédard: C'est un cas particulier, vous nous présentez un cas tout à fait particulier. L'hypothèse qui a été principalement examinée, c'est le cas de la dissolution par décès plutôt que par divorce, parce que, par divorce elle est fixée par le juqement du divorce, comme c'est indiqué dans les règles relatives au divorce. Une fois que le jugement a constitué la dette, si je puis dire, et l'a rendue exécutoire, je crois que cela va suivre son cours. Elle devient exiqible déjà du conjoint. Comme son décès survient après, il transmet dans sa succession une dette.

Dans le cas où la dissolution du mariage intervient par décès, se présente la réclamation du conjoint survivant à l'encontre des héritiers. Évidemment, si elle est elle-même héritière, il n'y a pas de problème. C'est à l'encontre des héritiers qu'elle va faire fixer la prestation compensatoire et, dans la mesure où ceux-ci accepteront la succession, ils devront payer la prestation compensatoire, comme toute autre charge ou dette de la succession. Je trouvais important que nous distinguions les deux situations de façon à dire plus correctement que la première que vous avez évoquée, la dette étant créée avant le décès, elle est liquidée. Il n'y a qu'un problème d'exécution. Elle va s'exécuter indépendamment de ce qui va survenir à la suite du décès après le divorce.

M. Forget: C'est une espèce de réserve successorale. Je ne sais pas si c'est le terme approprié ou si c'est une...

M. Bédard: Oui, sauf qu'elle est conditionnelle à la preuve d'un apport, si on peut dire, dans ce sens.

Le Président (M. Laberge): Le nouveau premier alinéa de l'article 35 est-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Cela a rapport à l'article 735.1, mais c'est l'article 31. Article 31?

M. Bédard: Une seconde, s'il vous plaît? Ce serait tout simplement pour m'assurer que, dans le premier alinéa de l'article 735.1, la notion de "accroissement de l'actif" a été - avez-vous l'amendement? modifiée par "enrichissement du patrimoine".

Le Président (M. Laberge): Ce que j'ai ici, c'est: "Les héritiers ou légataires acquittent, de la même manière que toutes autres charges et dettes de la succession, la prestation compensatoire accordée au conjoint survivant en compensation de son apport à l'enrichissement du patrimoine de son conjoint décédé."

M. Bédard: Nous avons apporté l'autre jour, je pense, on s'en souviendra, une explication qui paraissait tout à fait acceptable de la part des auteurs en disant que l'accroissement résulte d'un enrichissement positif ou négatif, etc. Pour éviter de passer par la notion d'accroissement pour aller à celle d'enrichissement, nous avons pensé, à la suite des suggestions faites, d'y aller directement à l'enrichissement, en disant "l'enrichissement du patrimoine". Le concept étant administré judiciairement de façon claire et nette, cela facilitera peut-être l'interprétation ou du moins la jurisprudence continuera plus volontiers.

M. Forget: Vous avez mis le même mot "enrichissement" dans les autres cas où on parlait d'accroissement?

M. Bédard: Oui, dans tous les autres cas liés au patrimoine, évidemment, parce qu'il s'agit vraiment d'actif, et non pas d'enrichissement d'un ordre plus personnel.

M. Forget: D'accord.

M. Fontaine: Je suis bien heureux de constater que c'est à la suite d'une suggestion que j'ai faite qu'on a regardé et examiné... Je pense que la solution proposée est acceptable.

Le Président (M. Laberge): Article 31 adopté tel qu'amendé?

Adopté tel qu'amendé. Article 32?

M. Bédard: L'article 32 est de concordance avec 17, M. le Président.

M. Lalande: À l'article 32, est-ce qu'on ne restreint pas un peu la portée de "mineur émancipé en justice" à cause du fait qu'on a introduit une tête de chapitre qui s'appelle "l'émancipation judiciaire"?

M. Bédard: Comme on a toujours noté mineur marié qui, lui, est émancipé, mais

d'une façon plus émancipée encore, parce qu'il a une capacité plus étendue, la où le Code civil ne distinguait pas autrefois entre l'émancipation par mariage et l'émancipation en justice, à cause de la différence de capacité du mineur émancipé par mariage, il nous faut maintenant ramener tous les autres articles qui limitent la capacité au mineur émancipé en justice, mais sans modifier le fond, si vous voulez, des règles du Code civil relatives à l'émancipation en justice.

M. Lalande: Ceci ne s'applique qu'au deuxième paragraphe; finalement, c'est dans les dons des choses mobilières que cela va s'appliquer, et suivant son état et sa fortune, sans affecter notablement les capitaux. Est-ce que c'est seulement dans ce cas précis de dons de choses mobilières?

M. Bédard: C'est parce que l'article ne faisait écho qu'à cette situation des biens mobiliers. Évidemment, c'est là qu'est intervenue la modification. Quant aux choses immobilières, le mineur émancipé, cela dépasse sa capacité, même dans le cas d'un mineur émancipé en justice. Il ne pourra pas faire la donation d'un immeuble.

Le Président (M. Laberge): Article 32, adopté. Article 33?

M. Bédard: Cet article vise à lever les restrictions qui s'attachent encore à des catégories de citoyens, entre autres les concubins et les enfants naturels, relativement à certaines donations qui leur étaient consenties. Il est de concordance avec l'article 590 édicté par l'article 1 pour ce qui est des enfants naturels, avec l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne quant aux concubins, et avec l'article 13 du Code civil du Bas-Canada. Cette solution a été préférée à l'énoncé d'un article qui reconnaîtrait directement aux concubins le droit de conclure des ententes financières. En effet, un tel article serait restrictif sur deux plans: d'abord, celui de la catégorie de citoyens visés par le concept utilisé pour les désigner et celui du domaine contractuel qui n'est présentement limité que par l'article 13 du Code civil. Cet article est complété par un article de droit transitoire établissant le sort des donations consenties antérieurement également.

C'est un article très important.

Le Président (M. Laberge): L'article 33 est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 34?

M. Bédard: L'article 34 est en concordance avec 17. "Le mineur émancipé ou non est incapable de tester d'aucune partie de ses biens".

Le Président (M. Laberge): L'article 34 est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Article 34, adopté. J'appelle l'article 35.

M. Bédard: L'article 35 supprime à l'égard des témoins les. distinctions fondées sur le sexe ou la nationalité. Il est de concordance avec l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne. Je pense qu'au niveau des témoins, on n'avait pas à faire de distinction concernant...

M. Lalande: C'est le cas des témoins idoines?

M. Bédard: Ce sont les aubains. M. Lalande: Ce sont les aubains.

M. Bédard: C'est que le mot était encore dans le code. On a dit d'eux que les femmes et les aubains pouvaient être témoins, mais c'est un rappel de l'histoire passée qui est peut-être un peu choquant. Sûrement.

Le Président (M. Laberge): Article 35, adopté. Article 36.

M. Bédard: L'article 36 est de concordance avec l'article 17.

Le Président (M. Laberge): Article 36, adopté. Article 37.

M. Bédard: Article 37, de concordance avec 441 et 492 édictés par l'article 1. On supprime "et le mari pour sa femme obligée".

Le Président (M. Laberge): Cela va? Article 37, adopté. Article 38.

M. Bédard: L'article 38 est de concordance avec 441 et 442. Il s'agit de la crainte dans la conclusion d'un contrat; si elle se rapportait à la femme, cela pouvait devenir source de nullité, mais, si cela se rapportait au mari, c'était valable.

M. Forget: Enfin, on va protéger les hommes.

Le Président (M. Laberge): Article 38, adopté? Adopté. Article 39.

M. Bédard: Article 39. Cet article est de concordance avec l'article 17. Il vient

aussi préciser le texte de l'article 1002 du Code civil du Bas-Canada, notamment en ce qui concerne les actes passés avec ou sans représentation de son tuteur.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Maisonneuve.

M. Lalande: Je m'excuse. J'étais dans 1001 et c'est 1002. D'accord.

Le Président (M. Laberge): Cela va. Article 39, adopté. Article 40.

M. Bédard: L'article 40 vise à éliminer une inégalité et une distinction entre enfants légitimes et enfants naturels. Il est de concordance avec l'article 590 auquel je me suis référé tout à l'heure, ce qui est édicté par l'article 1.

Le Président (M. Laberge): Adopté? Article 40, adopté. Article 41.

M. Bédard: L'article 41 est de concordance avec 462 édicté par l'article 1. L'article 462 en effet ne permet plus, contrairement à l'article 1257 du Code civil du Bas-Canada, de renoncer par contrat de mariage à une succession non ouverte. Pour ce qui est des donations de biens futurs, de l'institution contractuelle et des autres dispositions à cause de mort, leur validité est déjà assurée par les articles 817 et suivants du Code civil du Bas-Canada.

Le Président (M. Laberge): L'article 41 sera-t-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 42.

M. Bédard: Cet article supprime, à l'égard des témoins, des distinctions fondées sur le sexe ou la nationalité. Il est de concordance avec l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne.

Le Président (M. Laberge): Article 42, adopté?

M. Forget: II n'y a pas le risque, M. le Président, que, lorsque le Code civil disait que les femmes pouvaient faire telle ou telle chose et qu'on supprime cette mention, ce soit interprété assez pernicieusement, mais selon les règles habituelles d'interprétation, comme étant la suppression de la capacité.

M. Bédard: Je pense qu'à cela, on pourrait répondre que c'est au principe très général qui établit entre les époux les mêmes droits et les mêmes obligations qu'il faudrait rattacher la nouvelle interprétation.

S'il n'y avait pas cet article 441 ou, enfin...

M. Forget: Oui, entre les époux. Mais, à l'égard des tiers, il n'y aucune disposition du Code civil qui dit que, sauf mention expresse, au contraire, tout le monde est sur le même pied.

M. Bédard: Oui, sauf que le bill 16, en 1964 avait déjà, au plan de la capacité juridique vis-à-vis des tiers, établi cette capacité. Je pense qu'elle est assez acquise maintenant dans l'exercice des droits. Ici, évidemment, il faut dire que c'est encore parce que c'est un rappel. Ce n'est pas que les aubains et les femmes ne pouvaient pas. C'est dit que les femmes et les aubains peuvent, comme vous l'avez mentionné, le fait de l'enlever, ils peuvent encore, mais il n'y a plus de référence. Il n'y a plus de rappel.

(17 h 45)

Le Président (M. Laberge): L'article 42, adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 43.

M. Bédard: Cet article est de concordance avec l'article 1 qui édicte de nouvelles dispositions relatives aux régimes matrimoniaux. Il abroge également les dispositions du Code civil du Bas-Canada régissant la communauté de biens, ce qui n'empêche pas les époux d'adopter, par contrat de mariage, un régime quelconque de communauté de biens, sous les réserves énoncées à l'article 462, à l'égard des gens mariés sous un régime de communauté de biens, avant l'entrée en vigueur de cet article. L'article 62 édicte une mesure transitoire: l'abandon dans le nouveau Code civil de la réglementation de la communauté de biens vise à attirer davantage l'attention sur le nouveau régime légal de la société d'acquêts, qui n'obtient encore en 1979 que 45% de la faveur des gens qui se marient.

D'autre part, une étude effectuée au ministère de la Justice - je l'ai déjà évoqué - révèle, sans équivoque, que le régime de communauté de biens est tombé en complète désuétude depuis 1969. Moins de 0,2% des gens l'ont choisi en 1979, soit 57 couples sur 46,154 mariages, environ. Mais il y aura quand même des mesures transitoires pour ces cas.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Tout à l'heure, nous avons adopté un article qui abroqeait un grand nombre d'articles du Code civil du Bas-Canada. Nous avons ici un article distinct

pour abolir les dispositions relatives aux conventions matrimoniales. Ce qui semble évident, c'est qu'il y a une intention du côté gouvernemental de n'abroger une série de dispositions que postérieurement à l'abrogation de l'autre. Est-ce qu'on pourrait avoir une indication de ce à quoi il faut s'attendre de ce côté?

M. Bédard: On a suivi l'ordre des articles du Code civil et cela a été un cheminement dû à l'ordre numérique, parce qu'au fond...

M. Forget: II n'y a pas un article général, autrement dit, qui aurait dit: On abroge tout cela et d'autres articles qui se substituent. Je comprends.

M. Bédard: C'est plutôt parce qu'on a procédé au...

M. Forget: Est-ce qu'on peut aller au-delà de cela et nous dire si on a effectivement l'intention de faire les abrogations simultanément?

M. Bédard: Sous réserve de ce qui dans, la première partie, touche la constitutionnalité et qui ne l'a pas touchée dans la deuxième, parce que les régimes matrimoniaux ne sont plus certainement de juridiction provinciale, alors, il y aurait intérêt à maintenir en deux articles ces blocs soumis à l'abrogation, mais c'est à l'examen, d'après l'étude que cela pourrait être utile.

M. Lalande: Depuis plusieurs années, comme le ministre l'a indiqué tout à l'heure, on n'est plus soumis comme régime légal à la communauté de biens. Est-ce qu'on a certaines statistiques à savoir combien de mariages sont encore régis par la communauté de biens au Québec?

M. Bédard: On n'arrive pas à le savoir, parce que...

M. Forget: Une approximation.

M. Bédard: ...avant 1969, 1970, date de la mise en vigueur, le 1er juillet 1970, c'était le régime légal. Ce n'était noté nulle part sauf que les études révélaient qu'il y avait à peu près 20% des gens, à ce moment-là, qui l'adoptaient, plus ou moins 20%, environ 20%. Comme c'était décroissant presque depuis le début du siècle et qu'il y a eu des décès, on n'arrive pas à savoir combien il y en a. Ce qu'on sait, c'est combien il y en a à peu près depuis qu'il est devenu conventionnel, c'est-à-dire depuis le 1er juillet 1970. Il y en a quelques dizaines par année seulement qui survivent au changement de régime légal.

M. Lalande: Parce qu'évidemment, au niveau de la résidence familiale, il y a peut-être une incidence assez importante.

M. Bédard: Oui, dans la disposition transitoire, il y a des dispositions impératives réservées et la résidence familiale s'appliquera, comme il a été dit dans un article général qui s'appelle peut-être le 441, sous réserve de le vérifier. Sous tous les régimes matrimoniaux, la résidence familiale est protégée; que le régime soit conventionnel ou le régime légal, la résidence familiale est protégée dans tous les cas.

Le Président (M. Laberge): Article 43, adopté.

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Article 44.

M. Bédard: L'article 44 est de concordance également avec 17. Il s'agit du mineur émancipé, du mineur en justice.

Le Président (M. Laberge): Article 44. Pas de question. Adopté.

M. Lalande: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Article 44 adopté. J'appelle l'article 45.

M. Bédard: L'article 45 est de concordance avec 441 et 442, qui se lisaient comme suit: La femme mariée qui exécute le mandat qui lui est confié oblige son mandant, mais il ne peut y avoir d'action contre elle que suivant les dispositions contenues au titre du mariage. Avec 441 et 442, c'est de concordance.

Le Président (M. Laberge): Page 13.

M. Bédard: Le mariage ne diminue pas la capacité juridique de la femme.

M. Forget: Sauf qu'on a supprimé cet article.

M. Bédard: II a été supprimé. M. Forget: Oui.

M. Bédard: Article 441. Elles ont les mêmes droits et les mêmes obligations.

Le Président (M. Laberge): Article 45 adopté. Article 46.

M. Bédard: D'accord, il s'agira, à ce moment-là...

M. Fontaine: C'est l'article 47, M. le

Président, ou 46?

Le Président (M. Laberge): L'article 46.

M. Bédard: L'article 46 est de concordance avec l'article 441. Il s'agit du deuil de la veuve. Les frais funéraires privilégiés comprennent seulement ce qui est de convenance à l'état et à la fortune du défunt et se prennent sur tous les biens meubles du défunt. Le deuil de la veuve en fait partie seul, sous la même restriction.

M. Lalande: C'est étonnant les cas que vous avez dû découvrir!

M. Bédard: II en restait quelques-uns. M. Forget: Oui, semble-t-il.

Le Président (M. Laberge): L'article 46 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. L'article 47.

M. Bédard: L'article 47 assouplit la disposition actuelle du Code civil du Bas-Canada quant à l'hypothèque judiciaire résultant d'un jugement qui accorde des aliments, notamment, et permettant au débiteur, avec l'autorisation du tribunal, de substituer à cette hypothèque une autre sûreté. Cet article complète l'article 632 édicté par l'article 1. Cela va?

Le Président (M. Laberge): L'article 47 est-il adopté?

M. Lalande: Un instant.

Le Président (M. Laberge): Oui, M. le député de Maisonneuve.

M. Lalande: Cela va.

Le Président (M. Laberge): Adopté. L'article 48.

M. Bédard: L'article 48, c'est de concordance avec l'article 441 édicté par l'article 1.

M. Forget: M. le Président, je m'excuse de revenir. Je comprends qu'on va changer cela un jour, mais le deuxième alinéa est daté.

Le Président (M. Laberge): À l'article 47?

M. Forget: Oui. "Depuis le premier jour de septembre 1860, l'hypothèque judiciaire peut s'exercer sur les immeubles actuels du débiteur et sur ceux qu'il pourra acquérir." Est-ce que le premier bout de phrase a encore son utilité?

M. Bédard: Non, c'est de...

Nous n'avons pas vérifié ce point parce que nous voulions traiter uniquement d'un problème pratique posé par le troisième alinéa...

M. Forget: Même s'il en avait, il reste là pour le passé, mais, pour l'avenir, on pourrait...

M. Bédard: Oui, ce sont des dispositions de nature transitoire, évidemment.

M. Forget: D'accord, nous n'insistons pas.

Le Président (M. Laberge): Cela va? L'article 48.

M. Bédard: C'est de concordance avec les articles 441... On supprime les mots "des femmes sous puissance de mari".

M. Forget: Cela n'existe plus depuis longtemps, M. le Président.

M. Bédard: C'est vraiment un ajustement à la réalité.

Le Président (M. Laberge): L'article 48 est donc adopté. L'article 49.

M. Bédard: Si la réalité n'est pas déjà dépassée...

Le Président (M. Laberge): L'article 49.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): 49, adopté. Article 50?

M. Bédard: ... nos droits. M. Forget: Ou nos illusions.

M. Bédard: Article 50, c'est un article de nature corrective puisque l'article 2113 du Code civil est abrogé depuis 1969.

M. Forget: Bon, c'est de la concordance.

M. Bédard: Oui, de la vraie.

Le Président (M. Laberge): Alors, article 50 adopté. 51?

M. Bédard: Article 51, c'est de concordance avec 441.

Le Président (M. Laberge): 51, adopté. 52?

M. Bédard: Je ne sais pas si, à l'article 52, on ne devrait pas s'arrêter, parce que là, on commence à se référer à la résidence familiale. Je crois qu'il serait préférable que nous en disposions avant de nous avancer plus qu'on ne l'a fait là-dedans.

M. Forget: Parfait. Étant donné qu'il est 17 h 57, peut-être...

M. Bédard: Tout arrive à temps.

Le Président (M. Laberge): Tout va bien. Alors, sur ce, messieurs, bon appétit. La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 57)

(Reprise de la séance à 20 h 21)

Le Président (M. Laberge): À l'ordre, mesdames et messieurs!

La commission parlementaire de la justice reprend ses travaux concernant le projet de loi no 89, Loi instituant un nouveau Code civil et portant réforme du droit de la famille.

À la suite du consentement des membres de la commission, nous allons maintenant aborder le Titre deuxième, à l'article 1, intitulé "Du divorce". Je cède la parole au ministre.

Titre deuxième Du divorce

M. Bédard: M. le Président, comme vous venez de le dire, ce titre est consacré au divorce. C'est un précédent dans notre Code civil. En effet, le divorce relève de la juridiction du Parlement fédéral. C'est la Loi sur le divorce qui en énonce les principales règles. Seules certaines dispositions touchant les mesures provisoires et les effets du divorce apparaissent au Code civil depuis 1968. Comme en matière de séparation de corps, le projet de loi établit une cause générale de divorce, remplaçant ainsi les nombreuses causes déterminées de divorce énoncées aux articles 3 et 4 de la Loi sur le divorce. Pour faciliter la preuve que la volonté de maintenir le lien du mariage est irrémédiablement atteinte, le projet établit des présomptions simples qu'il en est ainsi.

Il ne s'agit pas là de causes de divorce au sens propre du terme, mais de faits de nature à faire présumer le divorce. Cette énumération n'est toutefois pas limitative. Le tribunal peut encore tirer d'autres présomptions des faits qui lui sont soumis, comme l'y autorise l'article 1238 du Code civil. Plusieurs organismes, dont le Barreau, ont recommandé que le gouvernement établisse pour le divorce une présomption absolue que la volonté de maintenir le lien du mariage est irrémédiablement atteinte, lorsque les époux s'entendent pour soumettre au tribunal un projet d'accord qui règle les conséquences de leur divorce et préserve suffisamment les intérêts des époux et des enfants suivant l'opinion du tribunal. Dans ce cas, les époux n'auraient pas à rapporter d'autres preuves d'une atteinte irrémédiable à la volonté de maintenir le lien du mariage.

Le projet de loi ne prévoyait pas cette hypothèse, mais, dans le but de limiter le système accusatoire en matière de divorce, lorsque les époux font montre d'un sens des responsabilités qui va jusqu'à l'établissement d'accords pour régler les conséquences de leur divorce, nous acceptons de considérer qu'ils puissent demander leur divorce sans avoir à rechercher de coupable, pourvu cependant qu'ils soient déjà mariés depuis un certain temps, afin d'éviter qu'ils ne se servent du mariage à des fins illicites.

Je dépose un projet d'amendement qui va dans ce sens. Plusieurs organismes nous ont également fait valoir que le délai de séparation d'un an serait largement suffisant pour favoriser la réflexion nécessaire avant de procéder à une demande de divorce. Le projet de loi prévoit deux et trois ans, selon les cas, alors que la Loi fédérale sur le divorce prévoit trois et cinq ans. Je suis d'accord avec l'idée de revoir ces délais et je dépose un projet d'amendement en ce sens: Le projet de loi entend favoriser dans toute la mesure du possible la réconciliation des époux lorsqu'elle apparaît possible, de même que la conciliation des différends lorsque le divorce est inévitable et que les parties ont du mal à s'entendre. C'est pourquoi le projet énonce qu'il y va de la mission du tribunal de conseiller les époux et de favoriser leur réconciliation, même en ajournant l'instruction, s'il le croit utile.

C'est peut-être au chapitre des effets du divorce que les changements sont les plus grands par rapport au droit actuel. En effet, les donations à cause de mort deviennent caduques de plein droit, donc sans appréciation du tribunal comme c'est le cas dans le droit actuel. Les époux peuvent plaider leur apport à l'accroissement de l'actif de leur conjoint et obtenir ainsi une prestation compensatoire payable en argent ou par l'attribution d'un droit de propriété, d'usage ou d'habitation de la résidence familiale et des meubles qui la garnissent.

Le droit des époux aux aliments ne survit pas à moins qu'au moment où le tribunal prononce le divorce, l'un des époux n'en réclame ou ne réserve le droit à en réclamer pendant les deux années qui suivent.

À cet égard, plusieurs organismes, et plus particulièrement le Barreau, ont fait valoir que ce délai de deux ans était trop court et prêterait à des abus considérables de la part des époux. Ces craintes me paraissent sérieuses et je suis prêt à déposer un projet d'amendement pour modifier ce délai.

Enfin, le projet de loi apporte plusieurs autres changements dont il sera rendu compte en abordant l'étude de chacun des articles. Le projet de loi libéralise en conséquence les moyens de preuve de la filiation et permet, en particulier, à la mère de contester la paternité présumée du père lorsque la légitimité de l'enfant...

Une voix: Cela s'accroche à autre chose. Ce doit être de trop.

M. Bédard: Oui. Cela n'a aucun rapport. Cela a été brocheté par accident, me semble-t-il, puisque ça se rapporte exclusivement à l'affiliation et à la prescription des actions d'état.

Le Président (M. Laberge): C'est une autre troisième page.

M. Bédard: On s'en rend compte rapidement. Il n'y a pas de problème.

M. le Président, je limiterai mes remarques à ceci pour le moment.

M. Forget: J'aurai des remarques aussi à faire, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent, avant d'aborder les articles.

M. Forget: Nous abordons le chapitre sur le divorce et, si je comprends bien, nous étudierons tout de suite après, dans l'ordre inverse à celui présenté et pour des raisons évidentes de cohérence logique, le chapitre relatif à la séparation de corps.

Les observations de caractère général que j'aimerais faire à ce moment-ci sont les suivantes, je devrais peut-être les préfacer en disant que l'orientation générale du projet et, à plus forte raison, après avoir pu m'entretenir en dehors de la commission avec le ministre et en prenant connaissance des amendements qu'il a déposés ceux-ci, répondent en général, sous réserve de la difficulté du langage et de certaines modalités, au point de vue que nous avions l'intention de définir et de défendre à la commission parlementaire. Je crois qu'il est peut-être bon de dire cependant, avant d'entrer dans les détails, que, relativement à cette question du divorce, le problème du législateur est de définir un équilibre entre, d'une part, le mariage considéré comme un contrat qui, à ce titre, devrait pouvoir, comme tout contrat, être résilié par le consentement des parties au contrat. Il est clair que l'esprit d'un certain nombre de modifications qui ont été d'ores et déjà incorporées à cette réforme du Code civil, au chapitre du droit de la famille, tend à mettre en valeur les éléments contractuels du mariage et la liberté de ce lien contractuel également.

Je me réfère en particulier au fait que, désormais, le mariage est un contrat qui intervient entre majeurs, je ne sais pas ce qui arrivera finalement de la question des mineurs. Il demeure que la règle générale est que le contrat n'est pas une chose qui arrive, c'est une chose que l'on veut, contrairement, je pense, à la conception qui a au moins en partie présidé à la rédaction du Code civil du Bas-Canada. Ce n'est pas un événement, mais véritablement une rencontre de volontés.

Bien sûr, sur le strict plan juridique, on sauvegardait, même dans l'ancien Code civil, les éléments de consentement. Il faut bien dire que, lorsque des enfants de 14 ou 16 ans peuvent entrer dans les liens du mariage, l'élément consensuel était singulièrement diminué. Des réformes de nature équivalente, l'égalité des conjoints, qui est désormais affirmée, enfin, tout concourt à faire de ce contrat ce qu'il est pour une part, un contrat que les parties vont vivre et auquel, dans la mesure où il s'agit d'un contrat, ils pourraient mettre fin par le retrait de leur volonté. (20 h 30)

Cependant, le mariage, en plus d'être un contrat, est une institution sociale. Parce qu'il engage des tiers, il engage l'intérêt des tiers, principalement des générations futures et, de façon plus concrète, des enfants et la société a, évidemment, un intérêt direct à ce qu'il s'agisse là de quelque chose de plus qu'un contrat. C'est la raison pour laquelle on ne peut pas le traiter exactement comme un autre contrat. Il est important que la société constate son existence de façon très solennelle, d'où tout le chapitre sur la célébration, et que la société mette certaines conditions, certaines vérifications, un certain contrôle sur les circonstances qui entourent sa dissolution lorsqu'elle intervient ou cherche à intervenir par le seul concours des volontés.

Je crois que cet équilibre, qui est toujours difficile à établir, dépend essentiellement de l'état dans lequel on trouve une société, des valeurs ambiantes, et que le projet qui nous est soumis n'est pas loin de correspondre à ce qui est approprié, encore une fois, sous réserve des détails et des modalités à la société telle qu'on la retrouve, compte tenu - je m'empresse de le dire - de la modification qu'a introduite le ministre, c'est-à-dire la possibilité qu'il ouvre que le divorce, comme remède plutôt que

comme sanction, existe et soit reconnu dans nos lois.

Maintenant, je pense que, si l'on s'attache à cette distinction entre le divorce comme remède et le divorce comme sanction, il faut faire attention de ne pas exagérer l'opposition entre les deux. Il est inévitable que les deux formules coexistent. Elles ne sont pas des formules rivales, mais des formules complémentaires. Il y a des situations où le consentement des deux parties peut exister. À ce moment, il est légitime de reconnaître cette situation. Mais il y a aussi des situations - le Code civil, la loi doit le prévoir - où il n'existe pas de consentement partagé de mettre fin au mariage. À ce moment, à moins de vouloir aller jusqu'à reconnaître dans nos institutions légales la répudiation du conjoint, ce qui, je pense, serait un violent retour en arrière, si on ne reconnaît pas la répudiation, il faut bien qu'un processus quelconque qui s'apparente au divorce-sanction soit mis en oeuvre.

Il faudra prouver à la satisfaction du tribunal que le conjoint qui n'offre pas son consentement au divorce par son comportement donne néanmoins les preuves que, quant à lui aussi, d'une certaine manière, la volonté de maintenir les liens du mariage est brisée, n'existe plus. On en vient presque toujours à une espèce de consentement indirect, c'est un consentement qui n'est plus par les paroles, mais qui est par les gestes. Il faut en faire la preuve puisque l'intéressé ne se porte pas volontaire; il faut faire la preuve que son comportement équivaut à une volonté de briser les liens du mariage. Il n'est pas interdit, bien sûr, qu'un certain nombre de présomptions existent dans la loi qui permettent d'amorcer cette preuve-là ou de la faciliter, de manière à rendre l'application de la loi plus certaine.

Enfin, il y a des situations intermédiaires - je ne suis pas sûr si la rédaction de la loi ne devrait pas distinguer les deux - dans lesquelles on ne se trouve pas véritablement en face d'un comportement blâmable, on ne se trouve pas de toute façon devant un consentement réciproque à divorce; on ne se trouve pas non plus devant le comportement blâmable d'une partie; on ne se trouve pas devant le refus d'assumer les obligations découlant du mariage, mais devant une impossibilité objective, une espèce d'échec objectif, indépendant des volontés, en quelque sorte.

Je crois qu'il y a, à ce sujet, dans le texte soumis par le gouvernement, mais aussi dans le rapport de l'Office de révision du Code civil, certaines situations objectives, au point de pouvoir être invoquées par celui des deux conjoints qui est à l'origine de la situation, contrairement au cas où on blâme le conjoint. Le blâme doit être réservé à celui des conjoints qui n'est pas coupable de blâme, qui n'est pas à l'origine du blâme; je pense qu'il y a des situations objectives où même celui qui est à l'origine de la situation de fait pourrait pouvoir invoquer. Je pense en particulier à la question de la non-consommation, etc. Il y a là une situation objective où il devrait avoir ouverture au divorce même pour la partie qui est "coupable", bien sûr. Je pense que ce serait désuet comme attitude que de considérer qu'il y a une culpabilité dans ce cas-là; il ne s'agit pas d'un comportement fautif, mais véritablement d'une situation objectve dont personne, comme tel, n'est responsable.

Pour revenir brièvement au cas du consentement, je voudrais prendre quelques instants seulement pour préciser que, à notre avis, même si nous sommes d'accord pour inscrire dans notre Code civil la notion d'un divorce qui peut intervenir, en quelque sorte, de consentement, il y a des distinctions importantes qui doivent être faites entre un divorce de consentement mutuel et la formule que nous voudrions voir retenir. Je suis heureux de voir que nos sentiments là-dessus font écho et correspondent à ceux du gouvernement.

Je crois que, dans son état le plus radical, le divorce par consentement mutuel implique une espèce de simple formalité. Deux conjoints, sans autre forme de procès -c'est le cas de le dire - se rendent devant un fonctionnaire du pouvoir judiciaire, un protonotaire, et déclarent qu'ils veulent mettre fin au mariage et on en reste là. On cite le cas de certains États américains où on peut même procéder, je pense, par correspondance.

Je pense qu'un divorce de ce genre est tout à fait étranger à celui que nous voudrions voir inscrire dans le droit québécois. Il y a des différences essentielles entre un divorce de pure formalité et un divorce basé sur un consentement, mais qui comporterait cependant, je pense, au moins les trois éléments suivants qui le distinguent justement d'un divorce de pure formalité. Il y a d'abord la notion d'un délai minimal; le ministre est disposé à suggérer un an, je pense que c'est un ordre de grandeur approprié. Il s'agit d'éviter, encore une fois, que nous ayons une situation... La notion d'un délai est importante. Quelle est la durée minimale qu'on doit prévoir? C'est une question qui est débattable. Mais il reste qu'il doit y avoir un délai minimal après lequel seulement il est possible d'envisager et d'amorcer une telle procédure. C'est un élément.

Le deuxième élément, c'est l'exigence d'une preuve qui ne peut pas se résumer à l'affirmation des deux conjoints. Je pense que si un article disait: II suffit de faire une déclaration à savoir que le mariage ne peut plus durer, selon les deux conjoints, on prend leur affirmation pour une preuve complète et

le tribunal n'a pas la capacité ou la faculté de soulever des objections ou des difficultés.

S'agit-il effectivement d'un véritable consentement? Je pense qu'on ne peut pas empêcher un tribunal de se poser le même genre de question vis-à-vis de la qualité et la véracité du consentement, l'absence de coercition, l'absence de dol ou quoi que ce soit dans ce cas-là, alors que, dans tous les autres cas, le tribunal peut soulever ces questions. S'agit-il de consentement libre et authentique? Ceci, je pense, peut requérir à l'occasion une preuve additionnelle. Il requiert dans tous les cas que le tribunal siège, plutôt que de procéder par l'action d'un simple fonctionnaire de l'administration de la justice.

Je pense qu'il y a un troisième élément qui est important et c'est peut-être le plus important. Il est essentiel que les accords et les arrangements que les parties se donnent entre elles quant aux conséquences qu'elles veulent donner à leur divorce relativement aux enfants et relativement aux conjoints eux-mêmes puissent être réexaminés. À la lumière des dispositions qui se retrouvent dans le Code civil quant aux actifs, à la contribution d'un conjoint vis-à-vis d'un autre, je pense que tout ça doit pouvoir faire l'objet d'un réexamen, d'autant plus que, comme il s'agit de consentement, une des parties, pour obtenir le consentement de l'autre, pourrait être amenée à faire des concessions par rapport aux droits que le code lui reconnaît, pourrait faire des concessions aux dépens des enfants eux-mêmes, et cela doit faire l'objet d'un examen, doit faire l'objet d'une preuve additionnelle, le cas échéant, bien sûr.

Je pense que si nous avons un mécanisme qui comporte ces trois éléments, nous préservons la capacité d'exclure la procédure - comment dit-on? - accusatoire dans les divorces, nous préservons la possibilité de procéder de consentement mutuel, mais il ne s'agit pas d'une formalité, il s'agit d'un geste qui est posé avec la participation de la société, représentée par l'appareil judiciaire et qui garantit que les droits de tout le monde vont être préservés avec les précautions qui s'imposent dans ce cas.

Il y a d'autres considérations qui sont accessoires. Il y en a une que je n'aurai pas besoin de faire, sauf peut-être pour m'y référer. Je l'avais suggérée au ministre. Je suis heureux de constater qu'il l'a reçue en bonne part. C'est d'intervertir l'ordre des articles de manière que la première disposition relative au divorce soit celle relative au divorce dit de consentement, de manière qu'ayant disposé de cette question, on puisse aborder la rédaction des autres articles relativement aux autres types de divorce en pouvant miser, en somme, sur ce qui devrait être la formule normale et en disposant après de ce qui deviendra probablement des cas d'exception dans l'application de la Loi sur le divorce.

C'est tout ce que j'ai à dire pour l'instant au titre des remarques générales, sauf peut-être une chose sur laquelle je reviendrai; ce sont les questions relatives au patrimoine et à toutes ces questions. De ce côté - je pense ici à la prestation compensatoire, à la question des dettes alimentaires, et même à la résidence familiale - j'ai l'impression qu'il y a encore passablement de progrès à faire au niveau de la rédaction de cette partie des dispositions relatives au divorce. Je pense qu'il y a une distinction plus marquée à faire entre les arrangements patrimoniaux, c'est-à-dire le règlement des actifs, la disposition et le partage des actifs au moment du divorce; c'est une chose importante et il y a trois articles qui y sont pertinents. C'est une chose qui devrait être bien distincte de deux autres éléments. Il y a l'élément de la résidence familiale et de la garde des enfants. Je pense qu'il y a là une parenté dans les dispositions qui n'apparaît pas suffisamment. On mélange, à mon avis, les questions de résidence familiale dans ce chapitre avec des questions patrimoniales, un peu comme nous avions indiqué qu'on le faisait ailleurs.

Troisièmement, je pense qu'au niveau de la pension alimentaire, il y a certains changements proposés qui sont intéressants, mais qu'ils ne vont pas assez loin. Il serait beaucoup plus clair de partir du principe selon lequel, au moment du divorce, il y a tout simplement déchéance de l'obligation alimentaire - pas seulement déchéance conditionnelle, mais déchéance de l'obligation alimentaire - de façon beaucoup plus catégorique qu'on ne le fait, parce que l'obligation alimentaire, c'est l'expression légale de la solidarité au sein d'une famille. Quand il y a divorce, il n'y a plus de famille, il ne doit donc plus y avoir de solidarité comme telle. Il serait plus clair que, s'il doit subsister des relations financières entre les ex-conjoints, qu'elles se fassent à un autre titre, que celui de l'obligation alimentaire. Je pense que ceci correspondrait à une préoccupation exprimée par bien des groupes. Il s'agit plutôt - par exemple, une fois les questions patrimoniales réglées - d'une contribution pendant le mariage à l'enrichissement de l'actif, etc. Cela étant réglé, il reste d'autres problèmes à résoudre et qui doivent être résolus dans un cas d'analyse et un cas de référence différent de l'obligation alimentaire. Ce n'est pas uniquement une question de mots, je pense que c'est aussi une question d'objectif qu'on poursuit. Il ne s'agit pas de prolonger ou d'affirmer une dépendance, mais essentiellement de remettre les parties dans l'état où elles devraient être, dans la mesure

où on le peut après des années plus ou moins longues, si le mariage n'avait pas eu lieu. Les mesures financières gui s'imposent peuvent être simplement transitoires ou permanentes, selon les cas, mais elles ne participent pas vraiment à la notion d'une solidarité complète entre des conjoints qui n'en sont plus.

Je n'ai pas ici non plus de texte précis d'amendement, mais je pense qu'on peut assez facilement, quand on arrivera là, déceler un certain nombre d'orientations qui pourraient peut-être servir à préciser ces concepts et à donner des garanties suffisantes au conjoint divorcé, à celui qui pourrait être créancier d'une telle obligation mais, encore une fois, le faire dans un contexte qui ne soit pas celui assez contraignant et dévalorisant de l'obligation alimentaire et aussi en principe permanent qu'est l'obligation alimentaire.

Je ne veux pas insister là-dessus, parce que cela nous amènerait peut-être trop loin; nous y reviendrons tout à l'heure. Je pense que c'est l'autre série de considérations que me suggère l'étude de l'ensemble du chapitre sur le divorce.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: J'aimerais également faire quelques brèves remarques préliminaires avant l'étude de cette partie de la loi qui est quand même importante, surtout que c'est une partie de droit nouveau.

J'ai eu l'occasion, lors de la deuxième lecture, de faire des commentaires spécifiques sur la question de la constitutionnalité. Je voudrais tout simplement répéter brièvement ici que nous pensons que c'est peut-être hautement philosophique ce qu'on va faire, puisque ce ne sera peut-être pas appliqué avant cinq, six ou même dix ans - je ne le sais pas -selon l'évolution du dossier constitutionnel. Il y a peut-être des choses que nous allons adopter aujourd'hui et qu'on devra dépasser lorsque viendra le temps de les mettre en vigueur. Je pense bien que, de ce côté, il faudrait... Le gouvernement a des priorités à choisir et s'il choisit d'adopter tout son projet de loi, il va peut-être s'apercevoir tantôt que le temps va manquer et qu'on sera obligé de faire des choix.

À mon avis, c'est une partie de la loi qui pourrait peut-être être laissée de côté pour l'instant quitte à y revenir plus tard, en janvier, quand nous aurons plus de temps.

D'un autre côté, sur la question comme telle du divorce par consentement, quant à nous, nous faisons une grande différence entre la séparation de corps et le divorce. On sait que la séparation de corps n'est pas une rupture du lien matrimonial et qu'il y a toujours possibilité de réconciliation entre les époux. Nous considérons que le fait de pouvoir l'obtenir par consentement, cela peut tout simplement même aider les époux en vue d'une réconciliation puisque, le système accusatoire n'étant pas présent, on pourra peut-être permettre aux époux de conserver un dialogue entre eux et de pouvoir se réconcilier.

Quand il s'agit du divorce, on pense autrement. Le divorce étant une rupture définitive du mariage, il faut quand même garder certaines mesures de sécurité pour prévoir qu'il s'agit bien d'une rupture définitive et de l'aboutissement d'une mûre réflexion. On demande aux époux de réfléchir avant de se marier, mais il faudrait aussi leur demander de réfléchir longuement avant de pouvoir obtenir un divorce sur simple consentement. Il faudrait essayer de conserver quand même un certain sérieux. On sait qu'il y a des pressions de divers ordres qui peuvent être appliquées sur l'un des conjoints. Dans la pratique que j'ai vécue pendant quelques années, j'ai été à même de constater qu'il arrive souvent dans les couples qu'un des époux ait un ascendant assez fort sur l'autre et puisse, en faisant des pressions assez fortes, en venir à le presser de signer des documents qu'il ne voudrait pas signer autrement et qu'il ne serait pas en mesure de désavouer même en allant devant le tribunal. Cela peut être l'homme, cela peut être la femme. J'ai vu les deux au cours de ma pratique. Certaines femmes ont un ascendant peut-être pas physique sur leur mari mais moral, leur permettant de faire faire des choses à l'époux assez facilement.

De ce côté, je pense qu'on devrait peut-être mettre à l'essai la séparation de corps par consentement, laisser roder le système pendant quelques années et peut-être revenir après avec un système de divorce par consentement mais avec beaucoup de sécurité de ce côté. Je pense qu'il faudrait que les époux, avant d'en venir à une entente, puissent avoir des témoins d'ordre juridique, soit des notaires ou des avocats, ou des conseillers matrimoniaux quelconques qui pourraient faire une étude du dossier et les conseiller avant de pouvoir en arriver à une entente définitive et la faire ratifier par les tribunaux.

Je pense également qu'il faut revoir le délai, si jamais on en venait à la conclusion qu'il faut accepter le divorce par consentement tel que préconisé par le gouvernement. Il faudrait, à mon avis, revoir le délai d'un an qu'on indique à l'article 538. Si on veut qu'il y ait quand même un essai de mariage, il faudrait peut-être que cela dure plus qu'un an parce que si on commence par un an, quand on aura appliqué la loi, probablement qu'on essaiera de réduire cela à six mois et on va en arriver tout à l'heure à des mariages de fin de semaine, si

cela continue. Je pense qu'il faut un délai de deux ans, au moins, avant de pouvoir en arriver à un divorce par consentement, si on en acceptait le principe. En terminant - je ne veux pas être trop long là-dessus - nous pensons encore aujourd'hui que la procédure accusatoire demeure la meilleure garantie qu'il y a une rupture définitive du mariage et il y a une garantie, en allant devant les tribunaux et en faisant la preuve de cette rupture, que les témoins et les personnes impliquées, les époux vont pouvoir s'exprimer librement devant le tribunal, donner leur opinion et donner leur idée, tout en étant conseillés par des personnes compétentes.

C'est notre position là-dessus. Bien sûr, on ne fera pas de lutte à n'en plus finir. Si le gouvernement a fait son choix, on va le respecter, mais on donne notre opinion et on va essayer de la faire valoir.

Le Président (M. Laberge): Merci, M. le député. M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Deux choses. Un peu pour faire suite à ce que le député de Saint-Laurent a dit à propos de certaines pressions, des concessions qu'on peut faire au moment du divorce et aussi de ce que le député de Nicolet-Yamaska a dit à propos des notaires, des conseillers en mariage, des conseillers et des préposés aux enquêtes.

Ici, à part des personnes impliquées dans un divorce par consentement et qui font un accord entre eux, il y a les enfants. Avec le délai d'un ou même deux ans, si on arrive à cela, les enfants impliqués dans la cause seraient de petits enfants. On ne parle pas des enfants de quinze, seize ou même douze ans, qui comprennent un peu. On va avoir des enfants d'un an, deux ans, quelques enfants nés avant le mariage, de trois ans ou quatre ans. C'est l'intérêt des enfants qu'on doit protéger en un sens dans cet accord.

Moi, je ne vois pas comment, en pratique, les juges qui entendent les causes de divorce, quand il s'agit de divorce par consentement, peuvent oeuvrer utilement. Présentement, des juges, à la Cour supérieure à Montréal, du moins, entendent de 15 à 20 causes de divorce par jour. Cela passe devant eux même en cas d'accord accusatoire, mais sans consentement, dans un sens, et les juges prennent deux ou trois minutes pour lire l'entente entre les parties et donner le "rubber stamp". Cela finit là. Le juge n'a ni le temps ni l'entraînement pour vraiment étudier cet accord.

Moi, je dis qu'on doit penser, si on veut avoir des systèmes de divorce par consentement avec un accord entre les parties qui affecte leurs biens et les biens des enfants, à avoir un système comme en Angleterre, celui d'un "practitioner". Il conviendrait qu'avant que le juge ne donne son accord, on passe devant une personne qui a à sa disposition toutes sortes d'assistants ou l'aide technique pour vraiment regarder ce qui sous-tend cet accord et pour voir s'il y a vraiment accord. On ne sait pas ce que le mari gagne. On ne sait pas les biens qu'il a. On ne sait pas ce qu'il y a pour les enfants, ce qu'il y a comme héritage? Au moins, si on avait quelqu'un comme un "practitioner" en divorce, qui avant, étudie tout le problème et voit exactement ce qu'il y a là, il ne donne pas une opinion, mais il fait un rapport au juge. Au moins, le juge va voir l'entente et, à côté, le rapport d'une personne qui a vraiment fait une enquête sur les biens et les intérêts des personnes impliquées.

Cela peut éviter beaucoup de problèmes, comme l'on soutenu le député de Saint-Laurent et le député de Nicolet-Yamaska.

La deuxième chose que je constate, c'est encore du côté pratique. Si on règle l'aspect constitutionnel, on va avoir un accord entre les provinces pour donner la reconnaissance au divorce d'une province à l'autre. Aux États-Unis, on voit cela. On doit être franc. Pour les personnes ici qui connaissent la carte du Canada, je pense à ce moment-ci, qu'il n'y a pas une province qui ait des idées plus libérales sur le divorce que le Québec, sauf peut-être la Colombie-Britannique. Cela veut dire qu'à un moment donné, si on a eu un divorce avec consentement après un an, Québec peut devenir la capitale du divorce du Canada, parce qu'on n'a aucune stipulation de résidence ici. Dans le système fédéral de divorce, on a actuellement besoin d'avoir un an de résidence au moins, pas un an de domicile, mais de résidence dans la province où on demande le divorce.

Avec la loi qu'on a ici, c'est une question de domicile. Un domicile, c'est quoi? Une résidence, plus intention. Cela veut dire qu'une personne peut résider ici une journée avec l'intention, peut-être un peu truquée de rester ici pour sa vie; elle peut avoir son divorce immédiatement et, après cela, retourner en Alberta, en Saskatchewan. Le Québec devient alors la capitale du divorce du Canada. On doit prendre cela en considération aussi. Cela a l'air que le divorce, une fois prononcé par le juge, une fois qu'il a donné l'accord, c'est final, et immédiatement. Il n'y a aucune période de réflexion de trois mois, aujourd'hui, entre la période conditionnelle et l'étape finale.

Ailleurs, c'est au moins trois mois de réflexion. On n'a pas cela ici. Ce sont toutes des idées que je vous donne avec mon expérience d'avocat de pratique privée.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Verchères. (21 heures)

M. Charbonneau: M. le Président, juste sur un point, sur ce que le député de Nicolet-Yamaska a indiqué: la procédure accusatoire pour établir la rupture. Moi, j'ai l'impression que, quand il fait cette intervention, il met de côté, dans le fond, toute l'hypocrisie qui se déroule devant les tribunaux actuellement autour de la question du divorce. On n'établit pas la rupture par la procédure accusatoire, on maquille, plus souvent qu'autrement, la réalité et on oblige les gens à se monter des accusations les uns contre les autres. Dans la plupart des cas, j'ai l'impression que les gens n'ont pas plus le goût qu'il faut de s'entre-déchirer devant les tribunaux. Alors, de deux choses l'une: ou ils camouflent leurs véritables problèmes ou on ouvre la porte à des règlements de compte qui, finalement, ne servent aucune des deux parties, encore moins les enfants, quand il y a des enfants.

J'ai l'impression que ce n'est pas un argument très fort que de dire qu'il faudrait garder la procédure accusatoire pour établir la rupture. Entre adultes, si la rupture ne peut pas être établie de façon correcte, je n'ai pas l'impression que c'est parce qu'on va avoir une procédure accusatoire qu'on va avoir un meilleur établissement de la rupture. En fait, on va simplement contribuer à continuer de perpétuer un système d'hypocrisie ou de délation ou d'attitudes négatives qui ne font pas avancer les problèmes humains qui sont impliqués. Vous êtes avocat, vous savez aussi bien que moi comment les causes de divorce se préparent.

M. Fontaine: Probablement mieux que vous.

M. Charbonneau: Sans doute, mais ne me faites pas accroire, à moi qui ne suis pas avocat, que ce qui se passe devant les tribunaux au niveau du divorce, c'est tout beau, tout pur et tout parfait et que la procédure accusatoire qui se fait là... Voyons donc! Tout le monde sait comment cela se passe devant les tribunaux au niveau des causes de divorce. C'est cela qu'on veut arrêter, dans le fond.

M. Fontaine: Ce n'est pas garanti qu'il n'y a personne qui se fait organiser.

M. Charbonneau: C'est la meilleure garantie que, finalement, on va continuer de perpétuer l'hypocrisie et qu'on va continuer d'obliger des gens à s'entre-déchirer devant les tribunaux. C'est cela le problème et c'est cela qu'il faut éviter. Quand le député de Saint-Laurent, tantôt, indiquait qu'on en était peut-être rendu à une étape de l'évolution, c'est que je pense que les moeurs des gens au Québec exigent aujourd'hui qu'on laisse de côté ce système hypocrite, ce système où on oblige les gens à s'entre-déchirer devant les tribunaux et souvent à monter de toutes pièces des causes pour les gagner.

Je pense que c'est cela que les Québécois et les Québécoises veulent actuellement, un système qui ne perpétuera pas l'hypocrisie, qui ne perpétuera pas des règlements de compte devant le public et devant les tribunaux.

M. Fontaine: M. le Président.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Nicolet-Yamaska. Est-ce que c'est une réplique?

M. Fontaine: Je voudrais simplement répondre au député de Verchères, parce qu'il m'a mis en cause.

Le Président (M. Laberge): Parfait, M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Je voudrais simplement dire que ce que j'ai voulu exprimer tout à l'heure, c'est qu'actuellement, la procédure accusatoire est encore le meilleur moyen d'empêcher qu'il y ait des gens qui subissent des pressions, de la part de leur conjoint ou de leur entourage, pour accepter des choses qu'ils n'accepteraient pas autrement. Si on est en mesure de remplacer les tribunaux par autre chose, à ce moment-là, on pourra accepter qu'il y ait des divorces de consentement.

Mais tant qu'on ne remplacera pas cette procédure par autre chose, on ne pourra pas, à mon avis, permettre qu'il y ait quelqu'un qui accepte des choses sans vraiment le vouloir. C'est là-dessus que je disais que le système actuel est encore le meilleur gardien de cette sécurité. Par ce que le député de Verchères a exprimé, encore une fois - ce n'est pas la première fois qu'il le fait - il a encore prouvé le peu d'estime qu'il a à la fois pour les tribunaux et pour les personnes qui ont à y oeuvrer.

M. Bédard: M. le Président, je ne crois pas qu'on puisse interpréter les propos du député de Verchères comme étant un manque de respect envers les tribunaux. Je ne crois pas que le problème qui se pose soit de penser à une formule de consentement lorsqu'on trouvera le moyen de remplacer les tribunaux par un autre organisme qui aurait à évaluer de telles situations. Le problème n'est pas de savoir si on a à remplacer les tribunaux, le problème est de savoir si on peut faire jouer aux tribunaux un rôle qui soit plus utile en fonction des conjoints qui sont placés dans une situation qui n'est pas facile, un rôle plus valable - je le dis en tout respect - des tribunaux face aux intérêts des enfants qui peuvent être concernés.

Il me semble que... me permettez-vous

de répondre?

M. Fontaine: Le rôle que vous voule; leur faire jouer, c'est tout simplement ur rôle de "rubber stamp", de dire: On constate tout simplement qu'il y a une rupture, allez- yi

M. Bédard: Ce n'est pas vrai! Ce n'est pas en charriant qu'on va se comprendre sur des problèmes comme ceux-là que l'on discute le plus raisonnablement possible. On peut régler n'importe quoi par l'émotion, mais je pense que c'est ce à quoi nous nous astreignons, c'est-à-dire jeter un regard humain mais réaliste sur des situations qui existent. Qu'il y ait des tribunaux ou pas, qu'il y ait les règles qu'on voudra dans la société, il y aura toujours des mariages qui ne réussiront pas. Le problème est de faire en sorte que... La tragédie est déjà assez grande lorsqu'ils ne réussissent pas, on n'est pas obligé d'y ajouter nécessairement plus dans la recherche nécessaire d'une faute pour l'un ou l'autre des conjoints qui sont déjà dans des difficultés.

Il me semble, M. le Président, qu'on doit partir du principe qu'un mariage, c'est un acte de maturité, un désir de personnes de vivre ensemble, c'est un acte de responsabilité. Lorsque les difficultés se présentent, ce n'est sans doute pas par gaîté de coeur que des personnes qui, raisonnablement, avaient cru pouvoir vivre ensemble très longtemps se voient dans l'obligation de constater que peut-être pour eux, pour l'un et l'autre, et pour le mieux-être de leurs enfants, il y a une nécessité de tirer des conclusions. C'est évident que, quand tout va bien, il n'y a pas de problème, et je ne vois pas en quoi on aurait besoin de réglementer quoi que ce soit, mais c'est lorsque les problèmes se posent qu'il faut qu'on édicte - c'est ce à quoi nous nous employons - des règles qui ne soient pas de nature à augmenter le problème.

Je crois vraiment que le temps est venu, lorsqu'il y a consentement de personnes raisonnables - il faut en présumer - d'en venir à la conclusion que, tant pour les enfants que pour elles-mêmes, l'union ne va plus, de mettre un terme à la nécessité de rechercher une faute. Tous ceux qui ont connu des cas de séparation ou de divorce savent très bien qu'avec toute la bonne volonté du monde, même s'il y a deux avocats, un avocat d'un côté et de l'autre, on ne peut pas en venir, dans la plupart des cas, à la conclusion qu'il n'y a de faute que d'un côté. Je pense que c'est un ensemble de facteurs qui fait que, à un moment donné, la vie est devenue impossible et que ça ne donne rien d'essayer de faire durer artificiellement un lien qui, au bout du compte, est nocif tant à l'égard des conjoints gu'à l'égard des enfants.

Si on ne trouve pas une solution qui soit acceptable socialement, qui respecte l'évolution de la société, ça fait en sorte que, au bout du compte, ce sont les enfants aussi qui peuvent avoir à payer la note; non seulement ils peuvent, mais, souvent ils paient la note d'un mariage qui ne va plus, où les conjoints ne sont plus capables de s'entendre et ne sont pas capables d'en venir à tirer une conclusion. Il arrive souvent que le fait d'être obligé d'aller devant un tribunal, d'être obligé de trouver une faute pour, au moins, l'expliciter devant le tribunal, ça devient quand même assez traumatisant de part et d'autre parce qu'il ne faut pas croire que les couples qui en viennent à la conclusion qu'ils doivent se séparer sont devenus des ennemis. Dans bien des cas - je pense que vous en avez plusieurs à l'esprit - il est possible de tirer la conclusion tout en gardant une ambiance d'amitié qui permette d'en arriver à des accords entre les deux conjoints, d'en arriver à une conclusion de responsabilité pour ce qui a trait au bien des enfants concernés.

À partir du moment où nous n'allons pas vers la recherche de la faute, vers un blanc-seing, je pense que je ferais miens les propos du député de Saint-Laurent qui l'a très bien exprimé. Je ne voudrais pas faire perdre le temps de la commission, on aura l'occasion d'y revenir article par article, mais on est loin du consentement et de la lettre à la poste.

Je vois le député de Nicolet-Yamaska hocher la tête, mais je vous assure que c'est loin de ça parce que, justement, le tribunal aura un autre rôle à jouer, plutôt que de perdre un temps qu'il réalisait perdre - peut-être même au moment où on se parle - à rechercher une faute, souvent par des preuves qui mettaient en cause des enfants à qui on faisait jouer un rôle qui est loin d'être de nature à aider l'enfant et à aider l'avenir et la continuation des liens entre les conjoints et les enfants. C'est plutôt vers un rôle beaucoup plus valorisant que nous nous orientons, un rôle beaucoup plus valorisant pour les tribunaux qui, au lieu de prendre le temps qu'ils prenaient peut-être pour rechercher la faute, pourront affecter une grande partie de ce temps à voir à ce que les accords qui sont intervenus soient des accords où il n'y a pas le dépouillement d'un conjoint par rapport à l'autre, soient des accords qui gardent bien présent à l'esprit l'intérêt des enfants et surtout - je dis surtout - qui vérifient le consentement.

Le député de Saint-Laurent - on aura l'occasion d'y revenir - a insisté là-dessus et je pense que c'est très important, la vérification du consentement, de manière que le tribunal ait la conviction que ce n'est pas un ensemble de pressions qui fait qu'on amène un conjoint ou l'autre, sous quelque pression que ce soit, à certains règlements.

Je pense que, là, il y a un rôle très valorisant qui peut se développer. Je sais qu'on ne réglera pas tous les problèmes du jour au lendemain; de toute façon, par rapport à l'aspect constitutionnel, on a quand même le temps d'une certaine réflexion. Le député de Nicolet-Yamaska y faisait allusion tout à l'heure, si cela peut se concrétiser en termes d'amendement constitutionnel, on aura eu le temps de réfléchir, mais à fond - c'est déjà commencé - sur une autre préoccupation qui a été évoquée par le député de Saint-Louis, soit celle de penser à ce que des personnes expertisées dans la matière, travaillant autour du tribunal comme personnes-ressources - si je peux employer l'expression - au niveau du tribunal, puissent approfondir, jeter un oeil très critique sur les accords, sur le consentement - ce dont on a parlé tout à l'heure - de manière à être en mesure de conseiller le tribunal.

Je pense que nous aurons ça et nous sommes capables de l'avoir rapidement, sûrement en même temps qu'on pourra mettre en application ces choses-là par la mise en place d'un tribunal de la famille qui aura l'expertise nécessaire autour pour faire en sorte que dans un premier temps, les conjoints qui doivent tirer certaines conclusions et les enfants puissent discuter, évaluer les choses avec des personnes-ressources dans ce domaine-là, profiter d'une expertise au niveau de l'ensemble de leur entente, etc. C'est la même chose pour les enfants qui peuvent être représentés. Cette expertise fera en sorte qu'on n'assiste pas -tous en sont conscients - à un rôle du tribunal qui serait disons d'estampiller des divorces en série. Je crois que c'est tout cela qu'il faut trouver le moyen de mettre en place. (21 h 15)

Pour ce qui est d'une autre préoccupation - je m'excuse, je suis un peu long, mais je pense que cela fera vraiment le tour de la situation quand on abordera l'étude des articles, on n'aura pas besoin de reprendre cette discussion, qui était nécessaire, de toute façon - exprimée par le député de Saint-Louis, à savoir qu'on doit être prudent pour que le Québec, tenant compte des habitudes sociales des autres provinces, ne constitue pas une porte facile d'accès par rapport aux autres provinces. Je pense qu'on doit écarter cette possibilité. Je dis au député de Saint-Louis que, même dans les accords presque conclus avec le fédéral et les autres provinces, l'idée de la reconnaissance des divorces demeurait de la juridiction du fédéral qui, à ce moment, peut y aller d'une réglementation ou d'une législation de nature à éviter le danger qu'évoquait le député de Saint-Louis.

M. Blank: Vous voulez que le fédéral décide des juridictions d'un autre tribunal?

M. Bédard: Non, c'est sur la question de la reconnaissance du divorce.

M. Blank: Non, je ne parle pas de la reconnaissance...

M. Lalande: Les accords de réciprocité? C'est là qu'on fait référence aux accords de réciprocité qui...

M. Bédard: Les critères de compétence juridictionnelle. En tout cas, on pourra peut-être en parler concernant la résidence familiale, etc. Nous y reviendrons.

M. Lalande: D'accord.

M. Blank: La question que je me pose est de savoir qui a la juridiction sur le divorce au Québec.

M. Bédard: Je pense qu'on peut facilement trouver la solution à partir du moment qu'on a la même préoccupation.

M. Fontaine: M. le Président...

M. Bédard: Je pense que cela fait pas mal le tour de la question.

Le Président (M. Laberge): II y a M. le député de Verchères à qui vous avez... M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Deux points rapidement. Le député de Nicolet-Yamaska a dit: La procédure accusatoire va nous permettre d'éviter que des choses inacceptables soient imposées. Ce n'est pas la procédure accusatoire qui va permettre d'éviter cela. Il y a deux choses: c'est un consentement vérifié et ce sont les accords qui vont être également soumis au tribunal et à l'appréciation du juge. Ce n'est pas parce que les gens vont s'accuser, vont s'entre-déchirer devant la cour que cela va éviter que des choses inacceptables soient acceptées ou imposées par l'un ou par l'autre. Ce n'est pas cela qui va faire qu'on va régler le problème. C'est parce qu'il va y avoir un consentement vérifié et qu'il va y avoir un accord également vérifié par le tribunal.

Quant au respect des tribunaux ou au non-respect que vous m'avez imputé, j'ai plutôt l'impression que c'est justement parce que je pense que les tribunaux doivent être respectés qu'on ne doit pas perpétuer un système où, dans le fond, ils sont poignés pour recevoir ou être le témoin d'artifices, d'hypocrisies et de stratagèmes souvent inventés et mis au point par des avocats qui n'ont pas le choix, parce que c'est le système. S'ils veulent obtenir le divorce pour leur client, il faut qu'ils montent une bonne cause. Comment monter une bonne cause?

Vous le savez mieux que moi. C'est parce que je respecte les tribunaux et c'est parce que je respecte les avocats que je considère qu'on doit cesser de leur faire jouer des rôles qu'ils ne devraient pas jouer dans le fond.

M. Bédard: M. le Président, il y aurait peut-être un autre élément qui a été soulevé par le député de Nicolet-Yamaska. Je n'ai pas besoin de revenir sur les propos du député de Verchères. C'est le seul point. Lorsqu'il a dit qu'il ne fallait pas identifier ou mettre sur un même pied la séparation de corps et le divorce, il a raison dans le sens que, dans un cas, c'est une rupture finale, et, dans l'autre, ce n'est pas le cas. Je voudrais seulement lui faire remarquer qu'à partir du moment où on peut employer une procédure similaire pour arriver à une conclusion, alors que le lien du mariage est irrémédiablement ou gravement atteint, il y a, même si c'est la même procédure de ce côté, une différence fondamentale, et, on le verra, entre le mariage et la séparation de corps, entre autres, dans les effets qui, dans le cas du divorce, sont assez définitifs alors que, dans la séparation de corps, une réconciliation est toujours possible.

M. Lalande: M. le Président, une brève réponse surtout au député de Verchères. Je pense, surtout lui, qu'il exagère la question de l'accusation qu'on doit faire devant le tribunal. Ce n'est pas surtout une accusation qu'on doit faire actuellement. On parle de procédure accusatoire, ce sont des termes qu'on a employés, mais ce qu'on doit faire actuellement, c'est de faire constater par le tribunal qu'il existe une cause de divorce. C'est pour cette raison que je dis que c'est une garantie qui est constatée par le tribunal que le mariage ne peut plus exister, parce qu'il y a une cause de divorce prévue dans la loi qui est constatée. Je pense que le député exagère en disant: II faut aller devant les tribunaux, on se chante une poignée de bêtises. Ce n'est pas toujours comme cela que ça se passe, c'est souvent de façon plus civilisée. Je pense que c'est quand même une garantie que les choses sont faites en bonne et due forme.

M. Charbonneau: Une dernière petite remarque, M. le Président. Si le député de Maisonneuve me le permet... Merci, M. le député. L'idée, c'est que, même quand il n'y a pas de superaccusations, les gens qui se sont entendus entre eux, qui ont de la maturité et qui ont décidé d'un commun accord que cela ne marche plus, pourquoi les obliger à même étaler des causes devant le tribunal? Dans la mesure où ils ont constaté que cela ne pouvait plus fonctionner, qu'ils se sont entendus, je pense qu'on doit respecter le plus possible la vie privée des gens. J'ai l'impression que cela va permettre autant que possible à bien des gens de garder pour eux les choses qu'ils veulent garder. Je pense que ce n'est pas de vos affaires, que ce ne sont pas des miennes non plus de savoir que telle ou telle personne est divorcée pour telle ou telle raison; c'est son problème. Si on est obligé de franchir une autre étape parce qu'il y a une contestation, d'accord. Mais, dans la mesure où les gens sont d'accord, c'est leur problème à eux, c'est leur vie à eux. C'est à eux de garder pour eux les raisons pour lesquelles ça n'a pas fonctionné.

Si on veut faire l'étude de cas, on le fera avec le consentement des gens, mais je pense que ce que veulent les gens aujourd'hui, dans la mesure du possible, c'est que, quand ils sont d'accord, les raisons restent entre eux. Le simple fait de dire que c'est à cause de l'adultère d'une partie ou d'une autre, si on peut éviter cela aux gens qui n'ont pas le goût de le dire aux tribunaux, qui n'ont même pas le goût de le faire dire par leur avocat, sans même qu'ils soient là... Il y a des raisons que les gens aimeraient mieux garder pour eux; d'ailleurs, ce sont des raisons... Parce que la loi oblige à avoir un certain nombre de raisons. S'il fallait faire l'historique de chaque cas d'adultère, ce n'est pas un acte en particulier qui a été la cause d'une rupture, c'est plus complexe que cela. Je pense que les gens veulent garder pour eux ces complexités aussi bien que les raisons qu'ils sont obligés de donner parce que la loi dit: II faut l'adultère, il faut tel ou tel autre motif. On prend l'adultère parce que souvent cela va plus vite, mais cela n'intéresse pas nécessairement les gens d'étaler cela, juste cette explication, sans autre accusation, sans autre règlement de compte. C'est déjà "sacrement" gênant pour pas mal de gens, surtout quand ils sont d'accord.

M. Lalande: Dans sa déclaration-réponse, dans sa longue réplique le ministre a répondu par anticipation à plusieurs de mes questions, évidemment, je suis d'accord avec le ministre et le député de Saint-Laurent qui, substantiellement, ont dit que le divorce devait constater un état de fait; on embarque dans la notion de divorce-sanction, de divorce-remède, je pense bien qu'il faut l'envisager de plus en plus comme étant un remède.

Il y a trois points précis sur lesquels je voudrais revenir. Le député de Saint-Louis l'a souligné, il ne faudrait pas que le divorce soit aussi facile que la séparation de corps, parce qu'il faut comprendre qu'à l'heure actuelle, la loi fédérale sur le divorce a prévu pas mal de balises. Il y a des causes qui aident dans bien des cas et favorisent jusqu'à un certain point à truquer la réalité, mais il n'en demeure pas moins que - c'est

vrai que c'est assez peu observé - les avocats doivent tenter de faire de la conciliation. Il y a le jugement conditionnel et le jugement irrévocable. Tout est mis en oeuvre, en d'autres mots, pour donner aux gens beaucoup de temps pour réfléchir, afin de modérer ou freiner le plus possible un divorce. C'est une façon juridique de freiner cela. Mais on passe un peu vite dans l'autre sens en disant: Si vous arrivez avec le consentement mutuel après un an, fort bien, on y arrive. On y va peut-être un peu fort, d'autant plus qu'il n'y a pas beaucoup de distinction finalement dans le projet de loi entre la séparation de corps et le divorce, puisqu'on dit bien à l'article 524: II est réputé en être ainsi dans les cas prévus par l'article 538 pour la séparation dans les effets...

Il faudrait tout de même, à sa face même, en tout cas, pour l'époux, que cela redevienne plus facile de se séparer que de divorcer. Il faudrait l'envisager un peu. Il ne faudrait tout de même pas que ce soit un pôle d'attraction. Vous savez, l'effet qu'on peut avoir à cela aussi bien que ce que nous discutons dans le cadre du mariage aussi, comme dans la dissolution... si être marié, c'est se lier à tel point que cela fait peur, on va vivre en dehors du mariage peut-être. Cela va continuer à accentuer le pourcentage que nous avons à l'heure actuelle de gens qui vivent en dehors du mariage. La même chose, si, une fois marié, c'est beaucoup plus facile de sortir très vite que d'avoir certaines balises de séparation; il faudrait peut-être établir des nuances. Je voulais simplement le souligner, mais je pense que le ministre en a fait état. Il est conscient du problème.

Maintenant, il y a le fait qu'encore une fois... je voudrais faire - je l'avais écrit -une citation de Claude Léveillée: Pourquoi il y a des jours où c'est fini? S'il y a des jours où c'est fini, il ne faudrait tout de même pas dans ces conditions dire: Aussi bien mettre fin à tout et aller au divorce, alors que peut-être la séparation pourrait aider dans bien des cas à se retrouver, puisque ce n'est quand même pas la dissolution complète du mariage.

L'autre point important, je pense qu'il va falloir l'examiner avec beaucoup de sérieux, c'est la notion de résidence qui a été introduite par le député de Saint-Louis. Il ne faudrait tout de même pas qu'au Québec ce soit trop facile et que tout le monde vienne ici... On connaît déjà l'engorgement de nos tribunaux en matière matrimoniale, il ne faudrait tout de même pas les engorger davantage.

M. Bédard: Cela est facile à régler.

M. Lalande: C'est assez important. Maintenant, l'autre fait. Si on décide d'y aller dans ce que nous préconisons au niveau du divorce à l'heure actuelle et de la notion de consentement mutuel pour le divorce, il faudrait peut-être envisager d'institutionnaliser justement ce à quoi vous avez fait référence tout à l'heure, M. le ministre, le service d'expertise psychosociale que nous avons à l'heure actuelle devant la Cour supérieure.

L'on sait que, dans la loi actuelle, simplement avec l'accord des parties, on peut suggérer, si les deux parties sont d'accord, qu'il y ait une évaluation psychosociale. Il y a quand même certains juges qui y sont assez peu favorables, c'est une mesure qui est volontaire, évidemment, qu'on ne peut pas imposer au départ. Il faudrait peut-être y penser, un divorce, ce n'est pas simplement une affaire juridique, mais bien davantage, on en a discuté longuement tout à l'heure, c'est une affaire sociale avant tout. C'est un problème social de réinsertion d'individus. C'est une affaire psychologique. Sans amener des assesseurs purement et simplement, qu'on puisse au moins provoquer dans chaque cas, des rapports, je ne dirais pas "présentenciels", évidemment, mais qu'il y ait un examen sérieux. Car il faut peut-être penser dans tout cela aux enfants.

On est dans le processus judiciaire. On ne peut pas faire autrement, il faut constater qu'il y a brisure, juridiquement, il faut le constater. C'est un acte judiciaire jusqu'à un certain point, mais, semble-t-il, on devrait, encore une fois, si on suit la voie dans laquelle on est engagé, rester le plus loin possible d'un processus judiciaire. Pourtant, on est bien embarqué là-dedans comme dans la perception des pensions alimentaires, on est dans un labyrinthe judiciaire. (21 h 301

Peut-être que si on arrivait, je ne dirai pas à l'intersession, en tout cas, par le fait... Non, mais si on institutionnalisait les services d'expertise psychosociale, il pourrait y avoir des rencontres préliminaires et cela éviterait les liens directs avec le juge. C'est vraiment traumatisant et il faut avoir vécu dans le milieu aussi pour savoir que ce n'est pas facile pour les enfants, mais c'est peut-être encore plus difficile pour les époux d'avoir, dans ce processus, à faire face à la musique devant tout le monde, dans bien des cas.

Il me semble qu'il pourrait y avoir des enquêtes au préalable ou une réunion préalable, tout de même, avec ces experts psychosociaux ou des assesseurs qui seraient autour du juge et ce ne serait qu'au moment ultime, à la dernière minute, que le juge serait là pour constater si, effectivement, on ne fait pas accroc au droit. Je voulais souligner ces trois points-là.

M. Bédard: Je peux vous dire ma

conviction qu'on sait qu'on ne peut mettre en application dès maintenant la partie concernant le divorce. D'ici à ce que ce soit mis en application, je suis convaincu que nous serons...

M. Blank: Si on n'est pas prêt, pourquoi le fait-on?

M. Bédard: Non, c'est une invitation à développer le plus rapidement possible l'ensemble de ce dont on a parlé en termes de ressources humaines mises à la disposition des personnes, qui peuvent être de nature à distancer le plus possible le contact avec le tribunal ou à faire en sorte que, lorsque ce contact a lieu, c'est devant un tribunal déjà éclairé et qui peut se faire une idée assez rapidement.

Le Président (M. Laberge): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: M. le Président, je suis d'accord avec les députés de Verchères et de Nicolet-Yamaska. Je suis d'accord avec le député de Nicolet-Yamaska en ce qui concerne le problème constitutionnel, mais on a discuté de cela amplement lors de la deuxième lecture et, maintenant, c'est au gouvernement de prendre sa responsabilité.

Je suis tout à fait d'accord avec le député de Verchères en ce qui concerne le divorce et ce n'est pas souvent que je suis d'accord avec le député de Verchères dans cette commission.

M. Charbonneau: II est 21 heures 30, le 16 décembre.

M. Marx: Mais souvent les divorces dans nos cours sont vraiment des procès judiciaires simulés. C'est-à-dire que les gens veulent divorcer, il y a un consentement et il faut monter un procès légal et tous les avocats sont au courant de cela. Il s'agit de passer deux ou trois heures à la Cour supérieure pour voir cela. Les juges sont au courant, tout le monde est au courant.

J'aimerais passer à un autre sujet. Peut-être faut-il aussi voir à simplifier la procédure de divorce. Est-ce que c'est vraiment nécessaire de garder tout l'appareil judiciaire avec les avocats et tout cela? Souvent, cela coûte cher pour peu de travail. Je trouve que cela va de soi que les avocats aient un rôle à jouer dans la procédure du divorce, mais pas dans tous les cas. Souvent, les gens qui veulent divorcer ont plutôt besoin d'un conseiller matrimonial que d'un avocat ou d'un juge. C'est quelque chose à voir. On a déjà fait des expériences de la procédure simplifiée, je pense que c'est en Colombie-Britannique, et on y a élaboré comme on dit, des "kits" de divorce qui ont permis aux gens de demander d'avoir leur divorce sans passer par des avocats. Je ne veux pas exclure les avocats, mais dans beaucoup de cas, peut-être...

M. Bédard: ...circuler votre déclaration...

M. Blank: On voit la différence entre un professeur et un avocat pratiquant.

M. Marx: Je ne veux pas exclure...

M. Charbonneau: ...le député de D'Arcy McGee et la "gang" d'avocats qu'il y a autour, n'étant pas moi-même avocat.

M. Blank: Mais lui est avocat. M. Charbonneau: Je le sais.

M. Marx: Ce n'est pas une question d'exclure des avocats. Mais si c'est possible de faire ça plus simplement et d'atteindre le même but sans dépenser beaucoup d'argent, je pense que c'est dans l'intérêt de l'État de prévoir une telle procédure.

Un dernier point. Je suis d'accord avec le député de Saint-Louis sur le problème des décrets finals. Je pense qu'il serait bon d'avoir ce qu'on peut appeler une "cooling off period", disons, de trois mois, avant d'avoir un décret final. Cela donnerait au moins la chance aux époux de revoir tous leurs problèmes et de voir s'ils peuvent se réconcilier. C'est tout pour maintenant.

Le Président (M. Laberge): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Si j'interviens à ce moment-ci, ce n'est pas que je pense pouvoir ajouter beaucoup à ce qui a déjà été dit, mais c'est que - et je le dis bien modestement, ce sont les circonstances qui font que je suis présente à cette commission - je trouverais regrettable qu'en 1980 on ait fait la révision du Code civil, qu'on ait changé les règles touchant particulièrement le divorce, la séparation, et que l'autre partie qui est ordinairement impliquée dans ces opérations n'ait pas eu une voix ici à la table.

J'avais dit dans mon discours de deuxième lecture que je souhaitais qu'on clarifie la possibilité d'accorder le divorce par consentement mutuel pour justement répondre, je pense, d'une part, à l'évolution des mentalités, surtout pour répondre aux besoins actuels de la société. Je pense que le ministre, en faisant un article beaucoup plus clair sur ce point, par l'article 538, répond à ce que je souhaitais. Il y a peut-être une modalité sur laquelle on reviendra, quand on abordera l'article lui-même.

Je voudrais, par contre, dire que j'ai été un peu surprise de la dramatisation qu'a

faite le député de Verchères, probablement pour protester très fortement contre le point de vue du député de Nicolet-Yamaska. C'est bon par contre que ce soit clair dans le Code civil, mais je pense que la pratique, dans les dernières années, pour accorder les divorces était peut-être moins dramatique que celle nous a décrite le député de Verchères. Je pense aussi qu'on prenait davantage en considération le sens des responsabilités des gens. Évidemment, j'imagine que, dans la déclaration de divorce, il fallait signaler un motif précis, mais je ne crois pas qu'on en était, d'une façon générale, encore à l'époque où on élaborait des subterfuges pour permettre aux gens d'obtenir un divorce, surtout s'ils avaient vécu séparément depuis un certain temps.

Mais, de toute façon, je pense qu'il faut à ce moment-ci le moderniser. Je suis contente qu'on le modernise dans le sens où on évite tout cet aspect de la culpabilité à prouver d'un côté ou de l'autre.

J'aimerais également - et nous en aurons l'occasion au fur et à mesure de l'étude de ce chapitre, article par article -formuler le souhait - et je l'avais mentionné dans mon discours de deuxième lecture -que, d'une part, on soit peut-être plus conscient de la présence des enfants. Je vois qu'on le met dans le deuxième paragraphe de l'article 538, mais il y aura peut-être lieu de le signifier d'une façon encore un peu plus expresse dans d'autres articles. Je souhaiterais également qu'on trouve dans un article ou un autre la possibilité de faire intervenir d'une façon plus claire, je pense que c'est même absent, et d'utiliser des mécanismes de conciliation, parce qu'il reste que le divorce doit toujours être une solution de dernier ressort, autant que possible, mais cela ne me semble pas très clair dans les articles tels qu'ils sont, que ce point de vue particulier que d'ailleurs mon collègue de D'Arcy McGee et les autres ont mentionné auparavant.

Pour résumer, M. le Président, je pense que cette ouverture qui est faite à une possibilité d'obtention de divorce par consentement mutuel sans recours à une preuve de culpabilité, là où les conjoints s'entendent, cela me semble tout simplement répondre à une réalité d'aujourd'hui. Par contre, je pense que le ministre a peut-être eu raison, de ne pas accéder à la demande de certaines associations qui voulaient qu'on élimine - du moins, c'est ce que j'ai compris de leurs représentations - toute possibilité d'invoquer la faute ou la culpabilité, particulièrement dans les cas où il n'y a pas consentement des conjoints. C'est une réalité qu'a fait valoir le député de Saint-Laurent et elle est fort juste.

C'est tout ce que j'avais à ajouter. Je serais la dernière à avoir la prétention de parler au nom des femmes, mais j'espère qu'au moins, un certain nombre d'entre elles et peut-être la majorité - voient aujourd'hui le divorce dans cette perspective plus ouverte, répondant davantage aux besoins des conjoints et également comme étant, dans un grand nombre de cas, une solution beaucoup plus humaine et beaucoup plus adéquate pour les enfants.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Deux choses. Pour commencer, le député de D'Arcy McGee m'a suivi en parlant de divorce final après un délai de trois mois. C'est le principe que je mentionnais, celui de donner une chance de retarder l'affaire. Mais, du côté pratique, il y a aussi un problème. S'il n'y avait pas un délai suffisant entre le jugement conditionnel et le jugement final... Dans le cas d'un divorce de consentement, il n'y a pas de problème. Les gens, d'un commun accord, vont renoncer à leur droit d'appel. Mais, dans l'autre cas, il y a une partie qui a un droit d'appel.

Dans le premier cas, on a un divorce final; on divorce, c'est final. Dans le jugement que rend la cour c'est indiqué: le divorce prend effet à telle ou telle date. Le monsieur peut se remarier dans une autre ville, une autre province, le célébrant tient pour acquis qu'il y a eu divorce. Deux semaines après, l'autre partie décide d'aller en appel et gagne sa cause trois mois plus tard. Qu'arrive-t-il du deuxième mariage?

Une voix: C'est de la bigamie.

M. Blank: C'est cela. On doit attendre trois mois, on doit déposer à la cour un certificat de non-appel. Si le divorce est final au moment où le juge le prononce, qu'arrive-t-il s'il y a un appel et que la personne a utilisé le jugement pour se remarier?

Deuxièmement, je trouve un peu contradictoire ce que le ministre a dit. Il dit qu'on introduit dans la loi le divorce par consentement parce qu'on veut éviter des situations nocives - c'est le mot qu'il a utilisé - d'accord.

M. Bédard; Je vous fais confiance pour l'interprétation. On aura l'occasion de préciser.

M. Blank: Peut-être avez-vous raison sur ce point, mais ce n'est pas seulement quand les deux parties sont consentantes à la rupture du mariage; vous ajoutez un autre élément: le besoin d'un accord sur la question financière, pour la garde des enfants, etc. S'il n'y a pas ces deux choses, il n'est pas question de divorce par consentement, on doit attendre deux ou trois

ans, le cas échéant. Ne serait-il pas possible que, dès le moment où il y a consentement, on aille directement au juge? S'il n'y a pas d'accord, il devrait y avoir une autre façon accélérée de procéder. Il y a consentement à la rupture du mariage; pourquoi les gens seraient-ils pénalisés s'ils ne peuvent pas s'entendre sur la plan matériel?

Vous travaillez contre votre objectif, celui d'éliminer des mariages qui n'existent pas en fait, qui ne sont pas de bons mariages. Si vous ajoutez d'autres conditions, vous vous éloignez de votre objectif premier, qui est de régler des cas, des situations...

M. Bédard: Autant le premier point soulevé par le député de Saint-Louis est un point qui me frappe et sur lequel on peut se pencher en termes de solution, autant le deuxième, le dernier qu'il a évoqué ne me semble pas aller à l'encontre du but poursuivi. (21 h 45)

M. Blank: Mais vous faites...

M. Bédard: Vous me permettez? On aura l'occasion de s'expliquer davantage. Je pense qu'à juste titre, le député de L'Acadie a tenu à faire entendre la voix de l'autre partie - pour employer son expression - au niveau de cette commission. Je suis convaincu qu'elle a fait ce qui est normal, un travail de sensibilisation important au niveau de l'ensemble de ceux et celles qui l'entourent, tant à l'Assemblée nationale que hors de l'Assemblée nationale. Je pense bien qu'elle sait aussi que, du point de vue gouvernemental, même s'il ne s'exprime pas aujourd'hui, même au niveau de la commission, je dois le mentionner, un rôle de sensibilisation tout à fait convaincant a été mené à terme par la députée de Dorion, la députée qui était avec nous tout à l'heure, la députée des Îles-de-la-Madeleine et la députée de Hull. Je dois dire que...

Mme Lavoie-Roux: J'attends la démonstration de la députée de Hull.

M. Bédard: Elle a été faite à la bonne place, au Conseil des ministres. Si je pouvais revenir sur l'ensemble des efforts, pour ne pas employer le mot "pressions," qui ont été faits par ces personnes, et c'est très compréhensible, je pense qu'ils ont été de nature à alimenter l'attitude de prudence que j'ai l'habitude d'avoir et cela a contribué aux efforts comme ceux exprimés par la députée de L'Acadie lors de la deuxième lecture, qui ont été de nature à faire évoluer ce côté prudence, des fois, qui nous caractérise un peu trop en ce qui a trait à l'autre partie.

Je pense que nous avons pas mal fait le tour de la situation, nous pourrions y aller article par article.

Le Président (M. Laberge): J'appelerai donc, au chapitre premier, l'article 537. M. Bédard: 537, c'est le principe...

Le Président (M- Laberge): Est-ce que cet article 537 est adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Article 537 adopté. À 538, on nous suggère une nouvelle rédaction.

M. Bédard: C'est ça.

Le Président (M. Laberge): En deux articles.

M. Bédard: Effectivement, nous avons fait une nouvelle rédaction à la suite de représentations qui nous ont été faites par le député de Saint-Laurent. Je crois qu'il y aurait avantage, afin de mieux se comprendre, non seulement au niveau de la discussion, mais au niveau de la lecture du projet de loi, à départager les deux situations.

Le Président (M. Laberge): Si vous voulez, je vais vous donner lecture du nouvel article 538 qui se lit comme suit: "Les époux mariés depuis au moins un an, qui soumettent à l'approbation du tribunal un projet d'accord qui règle les conséquences de leur divorce, peuvent le demander sans avoir à en faire connaître la cause."

Deuxième paragraphe: "Le tribunal prononce alors le divorce s'il considère, après avoir entendu les époux, que l'accord préserve suffisemment les intérêts de chacun d'eux et des enfants."

M. Bédard: M. le Président, je n'ai pas de remarque particulière.

M. Forget: Moi, j'en ai.

M. Bédard: Je sais qu'on a fait des remarques concernant le délai, etc.

Le Président (M. Laberge): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Avant de proposer une modification... Oui.

M. Bédard: Me permettez-vous, Mme la députée de L'Acadie, simplement un petit renseignement que je me dois de donner. On a indiqué un délai d'un an. Je ferais remarquer qu'en France, c'est six mois. À titre d'information.

Mme Lavoie-Roux: Quand quelqu'un présente une demande de divorce, quel temps s'écoule-t-il entre le moment où il la

présente et l'obtention du divorce lui-même?

M. Bédard: C'est un peu difficile d'être très précis.

Mme Lavoie-Roux: Enfin, une approximation.

M. Bédard: On peut facilement parler d'une moyenne d'un an.

Mme Lavoie-Roux: Cela voudrait dire qu'après que les époux ont présenté une demande de divorce, il pourrait s'écouler un an? Non?

M. Blank: Je m'excuse, à Montréal, maintenant, à partir de la date de l'inscription, c'est moins de deux mois. Avant, c'était un an. Maintenant, je ne sais pas ce qui a été fait, mais, depuis le mois d'août...

M. Bédard: C'est une bonne chose.

M. Blank: Oui, c'est une bonne chose. Depuis le mois d'août, le maximum, c'est deux mois et demi, c'est même moins de deux mois.

M. Lalande: II faut penser... contester... M. Bédard: Oui, ah bon!

M. Blank: Pas contester. Ex parte ou par défaut.

M. Bédard: Peut-être qu'il y aurait une distinction à faire. J'avais à l'esprit...

M. Blank: Non, mais "par consentement," je ne dirais pas "contester".

Mme Lavoie-Roux: L'objet de ma question, c'est que, spontanément, je trouvais qu'un an, ce n'était pas long, parce que la façon dont je lisais ceci, c'est qu'au bout d'un an, dès qu'on soumettait la demande, on l'accordait. C'est ce que semble confirmer un peu le député de Saint-Louis qui dit: À l'intérieur de deux mois, on obtient cette approbation. Même si, en France, on dit six mois... En tout cas, je ne ferai pas d'amendement, mais je voudrais qu'on réfléchisse à savoir, si ce délai est suffisamment long. Si on me disait: Après la demande de l'approbation du divorce, il s'écoule au moins six mois, vous avez au moins un an et demi, à ce moment...

M. Bédard: II y a des délais différents d'un district à l'autre.

Mme Lavoie-Roux: Je ne trouve pas cela très long, personnellement.

M. Bédard: II y a ce que vient de nous dire le député de Saint-Louis. En tout cas, je pense qu'on est tous d'accord pour dire qu'il faut un délai pour éviter non seulement les mariages simulés, mais effectivement faire en sorte qu'on n'assiste pas à des mariages de fin de semaine, pour employer l'expression du député de Nicolet-Yamaska. C'était le but poursuivi.

Mme Lavoie-Roux: Évidemment, si, un peu plus tard, on inclut dans un des articles une possibilité qu'il soit référé par le tribunal à un conseil de réconciliation ou un service de conciliation quelconque, selon ce que le juge observe, je pense que cela vient peut-être atténuer ceci, mais rendre la chose automatique comme cela... Personnellement, cela me paraît plutôt court.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent et M. le député de Nicolet-Yamaska, par la suite.

M. Forget: Dans l'ensemble, l'article est celui que suggérait le Barreau. À une première lecture, il semble répondre à un certain nombre de préoccupations.

M. Bédard: Je voudrais quand même vérifier le "un an de délai" dont faisait état le Barreau.

M. Forget: Peut-être pas, je pense qu'il n'y avait peut-être pas...

M. Bédard: Ce n'était pas de ce délai qu'il s'agissait. C'était plutôt lorsqu'il y a un an, séparation de fait. Nous, on disait deux ans, dans le projet de loi. Eux demandaient un an. On le verra un peu plus loin.

M. Forget: Enfin, c'est une indication. De toute façon, cela n'a rien à voir avec le point que je veux soulever. Il y a un certain nombre de questions que soulève dans l'esprit d'un lecteur l'application de cet article. La députée de L'Acadie a soulevé le problème du délai. On ne peut pas apprécier correctement ce délai à moins d'avoir vu en détail l'effet des autres délais. Il s'agit ici d'un délai strict, un délai minimal qui s'applique une fois dans la vie d'un mariage, en ce sens qu'il s'applique durant la première année du mariage. Une fois qu'un couple a dépassé le cap d'une année de mariage, ce délai ne lui est plus applicable. Les délais qui deviennent applicables, qui pourraient être assimilés à des délais de réflexion ou à des délais d'un second regard sur les problèmes conjugaux, découlent d'autres dispositions de la loi. Peut-être que ces autres dispositions ne sont pas satisfaisantes. Il y a la possibilité, par exemple, pour le

tribunal, de suspendre à tout moment la preuve, la procédure et d'inviter à la conciliation. Donc, il y a un jugement qui doit être porté par le tribunal relativement à l'opportunité d'un délai ou à l'absence d'un délai. Une des parties peut demander un délai aussi, j'imagine, puisqu'il est de la discrétion du tribunal de l'accorder. Ici, il s'agit d'un délai qui vise à éviter que le mariage ne soit détourné de sa fin et ne devienne, pour des raisons quelconques, une pure façade, un mariage de convenance, un mariage simulé, pour des raisons d'immigration et pour Dieu sait quoi, qui n'ont rien à voir avec les buts sociaux que poursuit le mariage.

M. Bédard: Fiscalité, etc.

M. Forget: Je pense qu'un an permet d'avoir des assurances de ce côté. Est-ce que les autres délais sont suffisants? On y reviendra dans les autres articles. C'est un point. L'autre point, c'est la nature, malgré tout, de la vérification que le tribunal pourrait faire de la validité des consentements. Je ne suis pas absolument certain que cet article donne ouverture à un examen par le tribunal de la qualité des consentements. Je me réfère à l'article 541 qui va plus loin et je ne suis pas sûr... Je lis l'article 541: "La preuve de l'atteinte irrémédiable à la volonté de maintenir le lien du mariage peut résulter du témoignage d'une partie, mais le tribunal peut exiger une preuve additionnelle."

Je ne sais pas si cela vise la situation que sous-tend l'article 538 parce que c'est un aveu dans le fond. On dit que s'il y a un aveu dans une action contestée, de type accusatoire, c'est peut-être cela qu'on visait par 541. Je ne sais pas s'il y a consentement, si le tribunal peut écarter le consentement et regarder derrière le consentement apparent pour voir s'il n'y a pas eu intimidation, une situation qui vicie le consentement. Je pense que ce serait important.

M. Bédard: Si je comprends bien, il y aurait simplement lieu d'évoquer explicitement l'obligation de considérer également le consentement valable, etc..

M. Forget: C'est cela. Dans le fond, le tribunal ne reçoit sa discrétion, son pouvoir discrétionnaire qu'au deuxième alinéa, alors qu'on dit: "Le tribunal prononce alors le divorce comme si c'était automatique, une fois que le premier alinéa est satisfait, s'il considère - à ce moment-là le "si" s'applique à ce qui suit - après avoir entendu les époux, que l'accord préserve suffisamment les intérêts de chacun d'eux et des enfants." Il s'agit de savoir si les conséquences, l'aménagement des ententes sur le plan financier pour les époux, sur la garde des enfants, si cela, c'est satisfaisant. Il se peut que ce soit le consentement lui-même qui soit vicié. C'est une chose.

M. Bédard: On pourrait parler du consentement éclairé, tel qu'on l'a indiqué au niveau du mariage.

M. Forget: Oui, peut-être, au niveau du mariage, c'est cela. La troisième chose qu'on peut soulever relativement aux conséquences, c'est la chose suivante: on peut mettre en question les arrangements faits et qui découlent du divorce devant le tribunal, mais le tribunal peut demander une preuve additionnelle, je pense bien qu'il faudrait à un moment donné qu'il puisse nommer un procureur à l'enfant, s'il pense que les intérêts de l'enfant sont ignorés de façon égale par les deux parents. Ce n'est pas vraiment là la chose que je veux souligner.

Le consentement dont il est question ici est un consentement global. C'est un consentement qui porte à la fois sur la rupture du lien matrimonial et sur les conséquences qui doivent en découler. Supposons qu'un couple s'entend pour mettre fin au mariage, s'entend sur le principe d'un divorce, s'entend sur les conséquences sur le plan patrimonial, sur le partage des biens, etc., qu'il y a un point seulement sur lequel il ne s'entend pas et que c'est peut-être un point sur lequel il est susceptible de ne pas s'entendre, s'il ne s'entend pas dans le fond pour continuer la vie en commun, la garde des enfants. C'est un exemple parmi d'autres; le couple pourrait s'entendre sur la garde des enfants et ne pas s'entendre sur les arrangements financiers. Est-ce que cela veut dire que, parce que même s'il s'entend sur tout, mais qu'il ne s'entend pas sur un point, on doit juger qu'il ne s'entend pas du tout et que l'article 538 n'est pas applicable? À ce moment-là, est-ce qu'on doit imaginer une procédure par laquelle les époux...

Le député de Saint-Louis a un amendement qui est inspiré par cette perspective. Est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir une espèce de requête qui tiendrait compte du fait qu'ils s'entendent sur tout, une espèce de conciliation pour les amener à conclure sur le point qui manque? Ou est-ce que c'est une mise en échec totale de cette démarche? Un des conjoints doit-il alors amorcer une procédure de type accusatoire qui aurait un grand élément d'artifice, c'est évident. Ce sont les trois points que je voulais soulever, mais je pense que, sur le dernier mon collègue a déjà des préoccupations. (22 heures)

M. Bédard: C'est évident que dans le cas présent cela suppose l'accord complet. Comme c'est quand même une procédure plus

expéditive - je me réfère un peu à certains des propos du député de Nicolet-Yamaska -peut-être peut-on considérer ensemble que ce n'est quand même pas n'importe quoi que de mettre fin à un mariage et d'y greffer l'obligation qu'on s'entende sur tous les points et - on l'avait récupéré - cela - il s'agirait de l'évaluer ensemble - fait peut-être partie de cette mûre réflexion nécessaire avant d'en arriver à aller devant le tribunal pour mettre un point final.

Je demande juste qu'on le regarde, mais, si on commence à ouvrir la porte un peu trop à différents points sur lesquels on ne s'entende pas et pour lesquels le tribunal décidera, j'ai l'impression - je suis prêt à me faire convaincre du contraire - que, si on commence à ouvrir des portes, on risque d'enlever un peu du sérieux nécessaire pour que les conjoints en arrivent à un accord sur tous les points. Normalement, chez des personnes responsables, qui ont à poser un geste aussi important que celui-là, le fait de les obliger d'une certaine façon à être absolument en accord sur tous les points fait partie du délai de réflexion qui est nécessaire et auquel on se référait tout à l'heure.

M. Blank: Je trouve que c'est exactement le contraire parce que si, comme le ministre le dit, le mariage est caduc, on va forcer encore les personnes à être mariées, À ce moment, comme le député de Saint-Laurent l'a dit dans sa première intervention, on peut faire des concessions, on peut les forcer à faire des concessions qu'on ne veut pas faire seulement pour avoir ce divorce. Moi, je suggère - j'ai un petit amendement - à 538, on va le laisser comme tel, mais je vais ajouter un autre paragraphe. Maintenant, 538, c'est seulement si on a un accord de divorce et les accessoires; les deux époux viennent devant le juge, ils donnent leur accord sur l'accord. Je suggère l'amendement à un autre paragraphe qui va se lire: Les époux mariés depuis au moins un an et soumettant au tribunal un accord peuvent divorcer, peuvent le demander sans avoir à en faire reconnaître la cause. Le tribunal prononce le divorce et, après avoir entendu la preuve de plusieurs témoins, rend le jugement sur les mesures accessoires. C'est-à-dire que les couples qui ont déjà le consentement pour divorcer ne sont pas liés ni forcés d'avoir recours à l'autre article.

M. Lalande: Sur toutes les mesures accessoires.

M. Blank: Sur toutes les mesures accessoires.

M. Bédard: Je comprends très bien la préoccupation du député de Saint-Louis, mais je me demande si on ne va pas là à l'encontre du principe même qui est de faciliter les choses lorsqu'il y a commun accord. Lorsqu'il n'y a pas commun accord, il y a d'autres moyens...

M. Blank: Vous êtes forcés d'attendre deux ans, trois ans.

M. Bédard: Peut-être que les deux ans dont on parle dans le projet de loi peuvent se réduire à un an. J'ai déjà exprimé...

M. Blank: Oui, mais en forçant à faire des concessions qu'on ne veut pas faire.

M. Lalande: Oui, mais qui règle les conséquences, c'est cela le sens.

M. Bédard: Quand même, ou on y va avec le principe, la possibilité de réduire, d'enlever la notion de faute lorsqu'il y a commun accord, ou on y va avec le principe d'enlever la notion de faute même s'il n'y a pas commun accord, mais c'est un autre...

M. Blank: II y a commun accord sur le divorce, mais il n'y a pas de faute dans la question accessoire...

M. Bédard: Aussi, au 3e paragrahe je pense que c'est là que cela peut se situer. Là, il y a un accord: Lorsque les époux ont, d'un commun accord, vécu séparés pendant un an.

M. Blank: Pendant deux ans.

M. Bédard: Oui, deux ans, mais j'ai dit que j'étais ouvert à un an.

M. Blank: Si vous changez cela à un an, c'est une autre affaire. Mais, même là, cela se peut que des personnes vivent ensemble, mais que la vie soit intolérable et qu'elles décident de se séparer. Demain, elles vont à la cour pour divorcer d'un commun accord, comme vous avez le cas maintenant, avec la situation, qu'elles doivent attendre une autre année.

M. Bédard: Les préoccupations du député de Saint-Louis sont très positives, mais il me semble qu'on irait à l'encontre du principe même que, dans le cas où il y a un commun accord, il faut que ce soit global. C'est une solution. Lorsqu'il n'y a pas commun accord, c'est qu'il y a d'autres solutions qui sont prévues. Si on commence à ouvrir les portes.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Je voudrais revenir à la question du délai d'un an. Je n'ai pas eu l'occasion de m'exprimer là-dessus, même si

j'ai eu l'occasion tantôt d'exprimer mon désaccord sur le principe: une fois qu'on l'accepte, il faut quand même essayer d'en faire l'application la plus positive possible. On a bien parlé des désavantages de la procédure actuelle, mais il y avait au moins un avantage, c'est qu'elle laissait au moins aux époux des délais suffisants pour pouvoir, à un moment donné, peut-être se réconcilier dans certains cas, alors que, de l'aveu même du ministre tout à l'heure, la procédure qu'on veut employer ici va être beaucoup plus expéditive et, en fin de compte, les divorces à l'avenir seront un jeu tous des divorces ex parte, comme on pourrait dire, actuellement, c'est-à-dire que les délais vont être très courts.

On parlait de délais de deux mois à Montréal. Je peux vous dire que, dans les districts judiciaires de villes moins importantes, cela peut être même moins que cela.

M. Blank: Trente et un jours à Saint-Jérôme.

M. Fontaine: À Arthabaska et Trois-Rivières, que je connais un peu plus, et à Drummondville, c'est trois semaines.

M. Bédard: Cela milite pour l'argument que, si on parle de consentement mutuel, si on veut y mettre le délai nécessaire à la mûre réflexion dont on a parlé, il faut créer des conditions qui font que des époux doivent vraiment se parler et en arriver à des conclusions, pour pouvoir évaluer ensemble et correctement l'ensemble des conséquences de leur décision.

Si on commence à leur dire: II s'agit que vous soyez d'accord pour divorcer et vous n'êtes pas obligés de vous mettre d'accord sur le reste, c'est le tribunal qui décidera cela, je pense qu'on va à l'encontre de ce que nous venons d'énoncer.

M. Fontaine: Mais, pensons-y avant de trop faciliter les accords, parce que les accords peuvent avoir lieu même avant le délai d'un an et, dès le délai d'un an arrivé, on va présenter la demande au tribunal et, au bout d'un an et trois semaines, le divorce va être prononcé. Ne vaudrait-il pas mieux d'abord leur permettre de mettre leur union à l'épreuve et de laisser passer un délai de deux ans, au lieu d'un an, pour qu'ils puissent commencer à vivre ensemble avant de commencer à divorcer?

M. Bédard: J'aimerais avoir l'éclairage des membres de la commission. Je vous l'ai dit, j'ai fait état d'un délai d'un an dans d'autres pays; je me suis référé à la France, où c'est six mois. Quand on regarde les débats qui ont eu lieu à cette occasion, c'est en 1975, cela ne fait quand même pas si longtemps que cela, en France, qu'il y a eu tout un débat sur ce délai. On en est venu à la conclusion du délai de six mois, qui a rallié des points de vue comme on en a ici, divergents, mais qui essaient d'en arriver à une conclusion, à un point de compromis.

Il me semblait qu'un an, surtout à cause... En tout cas, je ne veux pas plaider plus qu'il ne le faut, le délai d'un an, mais j'aimerais qu'on m'apporte des arguments, surtout que cela se concilie un peu aussi avec l'autre délai auquel nous allons en venir, celui de deux ans qui est ramené à un an. Il y a une sorte d'uniformité des délais à laquelle on pourrait peut-être en venir.

M. Charbonneau: M. le Président.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Juste un point. Je pense que, statistiquement, on peut facilement démontrer que la majorité des gens, ce n'est pas après un an qu'ils divorcent.

M. Forget: Les gens ne divorcent pas après un an.

M. Fontaine: J'en ai même vu après six mois.

M. Forget: Les gens divorcent après cinq ans.

M. Charbonneau: Oui, il y en a. Je ne dis pas qu'il n'y en a pas, mais je dis que, statistiquement, ce n'est pas l'immense majorité des gens.

M. Bédard: Ce n'est pas après un an.

M. Forget: La durée la plus fréquente des divorces au Québec est de cinq à six ans effectivement.

Une voix: En moyenne.

M. Forget: Oui, c'est ça. II y a un certain fondement statistique pour l'expression, mais je crois que la durée moyenne des divorces prononcés durant les quatre première années après l'introduction de la loi fédérale était de 17 ans. Le phénomène de divorce après un an, si les gens divorcent après un an de mariage, ce n'est pas un divorce ordinaire. Ils ne se sont pas mariés pour vrai. C'est complètement un autre problème. Mais le problème qu'on veut empêcher, ce sont des mariages simulés aux fins de détourner la loi à d'autres égards. L'exemple le plus fréquent et le plus connu, ce sont les lois de l'immigration. Evidemment, si les gens savaient qu'ils peuvent divorcer le lendemain du mariage, il

n'y aurait plus moyen d'appliquer un certain nombre de lois qui exigent que les gens soient mariés, mais c'est complètement différent. Ce ne sont pas des questions de problèmes conjugaux. Ce sont des problèmes d'administration d'autres lois.

M. Bédard: La recherche, par exemple, d'un intérêt fiscal, se marier précisément au mois de décembre pour...

M. Blank: Dans les causes d'immigration, cela prend au moins un an avant d'être reçu immigrant. Il y a un délai d'un an.

M. Bédard: Oui.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Maisonneuve.

M. Lalande: Je me demande s'il ne serait pas opportun à ce stade-ci, au départ, à l'article 538, d'introduire cette notion de résidence dont on parlait tout à l'heure.

M. Bédard: Non, pas à l'article 538, je crois.

M. Lalande: Si on disait, par exemple: "Les époux mariés depuis au moins un an et résidant au Québec depuis six mois", quelque chose comme ça, qu'ils se soumettent à l'approbation du tribunal. J'introduis les mots "six mois".

M. Bédard: Non, c'est mieux placé dans le Code de procédure civile.

C'est le critère de compétence des tribunaux pour être saisis d'une demande de divorce. C'est peut-être le lieu le plus approprié pour recevoir la règle, le Code de procédure civile, parce que c'est la compétence du tribunal qui est concernée.

M. Blank: Comme le député de Nicolet-Yamaska l'a dit, à Trois-Rivières, on peut avoir un divorce dans trois semaines. J'ai vu des cas où les gens qui ne demeuraient pas à Montréal depuis un an, se sont trouvé non pas une vraie résidence, mais une résidence fictive dans un des districts judiciaires entourant Montréal et le divorce a été obtenu dans trois semaines ou un mois, au lieu d'attendre six mois ou un an. C'est pour cette raison qu'on a besoin ici d'une résidence. Sinon, on va voir des gens de tout le Canada qui vont venir ici pour obtenir un divorce.

M. Bédard: On est d'accord avec votre préoccupation. Ce délai se retrouverait surtout au Code de procédure civile. On s'entend? Cela pourrait être six mois ou un an, un minimum de six mois, six mois ou un an. On s'entend là-dessus.

M. Fontaine: Si on laisse ça à un an, je pense que je vais me rallier, M. le Président, à la formule qui était proposée de ne permettre le divorce qu'entre majeurs.

Une voix: Le mariage.

M. Fontaine: Pardon. Pas le divorce, mais le mariage.

M. Forget: Une des raisons de ça, justement, c'est qu'on constate que le nombre de mariages entre mineurs est très élevé.

M. Bédard: M. le député de Nicolet-Yamaska, on aura l'occasion d'y revenir, je pense, en reprenant les articles. J'essaierai d'apporter d'autres arguments pour garder cette mesure entre 16 et 18 ans.

Le Président (M. Laberge): Le nouvel...

M. Bédard: II s'agirait simplement de retrouver, si on se comprend, l'idée de vérification du consentement, de l'éclairer. Cela irait? On n'aurait pas à reprendre la discussion.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que ça va être ajouté ici à l'article 538?

M. Bédard: Oui.

Le Président (M. Laberge): À ce moment-là, on le laisse ouvert pour rédaction?

M. Bédard: Non, non. Vous pouvez le laisser ainsi.

Le Président (M. Laberge): D'accord. L'article 538 est suspendu pour complément de rédaction.

M. Bédard: Pendant que la discussion est faite là-dessus.

Le Président (M. Laberge): Oui, oui. Je pense que oui.

M. Lalande: Dans le deuxième paragraphe de l'article 538, on dit que le tribunal prononcera le divorce s'il considère, après avoir entendu les époux, que l'accord préserve suffisamment l'intérêt de chacun. N'y a-t-il pas lieu d'étendre, même à ce stade-là, l'audition de plus que les époux pour constater cela?

M. Bédard: Oui, il y a tous les moyens disponibles.

M. Lalande: C'est parce qu'on spécifie "après avoir entendu les époux".

M. Bédard: Le tribunal peut entendre n'importe qui, comme il est implicite qu'à un moment donné il peut demander que toute personne soit représentée s'il croit que les intérêts d'un individu ne sont pas bien défendus. C'est pour cette raison que ça ne donne rien de faire de la redondance et de...

M. Lalande: Oui, très bien. M. Bédard: D'accord?

M. Lalande: C'est sur la volonté de maintenir le lien du mariage. D'accord. (22 h 15)

Le Président (M. Laberge): L'article 538 étant suspendu, je donne lecture de l'article 538.1 qui se lit comme suit: "L'atteinte irrémédiable à la volonté de maintenir le lien du mariage est présumée dans les cas suivants: 1. les époux ont vécu séparés, pendant au moins trois ans immédiatement avant la demande, en raison de la décision de l'un d'eux de ne plus faire vie commune, de son emprisonnement ou de son absence; 2. les époux ont, d'un commun accord, vécu séparés, pendant au moins deux ans immédiatement avant la demande; 3. le mariage n'a pas été consommé, après au moins un an de cohabitation, pour cause de maladie ou d'invalidité."

M. le député de Saint-Laurent.

M. Fontaine: Si vous permettez, j'aimerais revenir sur un point de l'article 538, très brièvement. On dit: Après avoir entendu les époux. Supposons qu'une demande est faite au tribunal après une entente, mais que l'un des époux s'absente et qu'on ne peut pas le faire témoigner...

M. Bédard: Le tribunal peut retarder et entendre l'autre époux.

M. Fontaine: Est-ce qu'on ne devrait pas plutôt prévoir qu'il pourrait prononcer le divorce après avoir entendu seulement un des époux?

M. Bédard: Je trouve cela un peu surprenant parce qu'on est en train de me proposer des mesures encore plus expéditives. C'est vraiment un cas spécial, celui-là, où il faut entendre les deux, vérifier le consentement - on l'a dit - vérifier les accords, dans l'intérêt des deux conjoints et l'intérêt également des enfants.

M. Fontaine: On pourrait peut-être obliger, à un moment donné, un des époux à attendre les délais prévus à l'article 538.1, dans certains cas, si on ne peut pas retracer l'un des époux.

M. Bédard: II y aura un choix à faire à ce moment. C'est tout.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, on a disposé, pour les fins de la discussion, de l'article 538, du cas où les deux conjoints sont d'accord pour présenter une requête conjointe. Donc, il faut se mettre dans le contexte où les autres articles essaient de résoudre les problèmes qui se posent quand un des conjoints seulement demande le divorce. À ce moment - je reviens sur la distinction que j'ai essayé de faire maladroitement tout à l'heure - il faut distinguer deux situations. Il faut distinguer les situations où le conjoint qui demande le divorce, celui des deux qui demande le divorce allègue des comportements ou des situations dont l'autre conjoint est responsable et qui créent pour la victime, en quelque sorte, de ces comportements une ouverture à une demande, des situations où, indifféremment, les deux conjoints peuvent séparément demander le divorce. Je donne un exemple de cela, qui est au premier alinéa de l'article 538.1, a contrario. Un des conjoints décide d'abandonner l'autre, il disparaît, il se soustrait à ses obligations, il s'en va. D'après la rédaction de l'article 538.1, il a autant le droit de demander le divorce que celui qui a été abandonné. Je ne suis pas trop sûr que ce soit une situation entièrement souhaitable, parce que, dans le fond, ce n'est plus du divorce par consentement, c'est de la répudiation. Quelqu'un décide de s'en aller et, après cela, prend argument de sa décision unilatérale de partir pour fonder son divorce. On est dans une situation bien différente. Celui qui est abandonné peut se plaindre de l'abandon et peut dire que cet abandon est tel qu'il constitue un refus d'assumer les obligations du mariage par l'autre. Je pense qu'il y a quand même là un résidu de faute dans une situation comme celle-là, et permettre à celui qui est fautif de chercher à briser la source de son obligation me paraît une situation un peu aberrante, parce qu'on ne fait aucune distinction. Je ne dis pas que dans certaines circonstances, cela ne pourrait pas être envisageable - il faut faire la part de ces circonstances - mais quand on les considère exactement comme identiques, je pense qu'on introduit une source de confusion.

M. Bédard: On sait que la loi fédérale prévoyait cinq ans dans un cas, et trois ans dans l'autre, ce qui réfère à...

M. Blank: Trois ans pour l'innocent et cinq ans pour le coupable.

M. Bédard: ...l'article 2. Mais, au

départ, il faut s'entendre que ce ne sont pas des présomptions irréfragables. Il y a présomption. Le fait que quelqu'un, durant trois ans, de par son fait, a quitté ne lui donne pas automatiquement l'assurance qu'il va obtenir le divorce parce qu'il ne s'agit pas d'une présomption irréfragable. À ce moment-là, l'autre partie, s'il y va de son intérêt, peut faire valoir ses arguments devant le tribunal. Je comprends très bien l'idée du député de Saint-Laurent de vouloir faire la distinction qu'il a évoquée tout à l'heure, mais je me demande jusqu'à quel point, en essayant de trop faire de distinctions, on ne risque pas de ne pas couvrir tous les cas. En tout cas.

M. Blank: Pour faire suite à la suggestion du député de Saint-Laurent. Cela a l'air qu'on va changer l'article 2 en l'article 2a. Laissez deux ans à la partie innocente et trois ans au coupable. Cela va améliorer la loi actuelle qui est de trois et cinq, et cela va faire une distinction entre la personne qui est partie volontairement ou qui a abandonné et celle qui est abandonnée. C'est un compromis...

M. Bédard: J'ai l'impression qu'on est en train de rétablir la notion de faute.

M. Lalande: C'est-à-dire que...

M. Bédard: C'est ce qu'on me fait remarquer.

M. Forget: On ne peut pas éliminer la notion de faute.

M. Bédard: Non.

M. Forget: Vous ne pouvez pas l'éliminer. Il est clair que, si vous n'avez pas d'accord, il y a une partie au mariage, par définition... Maintenant que vous avez disposé du cas de l'entente, par définition, toutes les autres situations sont des situations où il y a une partie qui ne veut pas divorcer. Là, il ne s'agit plus de définir, un peu comme dans le projet, des espèces de situations vagues où on hésite à dire que les gens s'entendent ou ne s'entendent pas parce qu'on ne veut pas être accusé de proposer un divorce de consentement. Alors, là, on a une espèce de... Non, mais cela existait dans le projet de révision du Code civil. On avait des choses mitoyennes là où on ne savait pas de quoi on parlait exactement parce qu'on ne voulait surtout pas dire qu'on proposait le divorce de consentement. Je comprends les susceptibilités et les difficultés de dire les choses clairement.

Maintenant, on a dit: II y a des gens qui s'entendent. Si on ne s'est pas occupé de tout le monde, il faut présumer que les autres qui restent ne s'entendent pas. Une porte est ouverte ou fermée. On ne peut pas faire autre chose. Alors, s'il y en a qui ne s'entendent pas, il faut que ce soit dû au fait de l'un des deux conjoints puisqu'on n'a que deux personnes en présence.

Donc, on en a un qui veut le divorce et l'autre qui ne le veut pas. Cela me semble clair. Jusqu'à ce moment-là, je pense qu'on est sur un terrain solide. S'il y en a un qui ne le veut pas, il me semble que là il y a un contrat, il y a des obligations, il y a quelque chose qui est arrivé entre les deux. Alors, on ne peut pas dire: Peu importe que ce soit celui qui le veut ou celui qui ne le veut pas; de toute façon, même celui qui le veut vis-à-vis de celui qui ne le veut pas, il a simplement à faire comme si l'autre voulait, dans le fond. Le fait qu'il y en a un des deux qui ne consent pas n'a aucune espèce d'histoire à voir là-dedans. On peut ignorer ce fait-là complètement. Je pense que cela force une rédaction beaucoup plus serrée. Si on n'est pas dans une situation de consentement, par définition, je pense que, dans une situation comme celle-là, la loi doit prévoir, comme dans toutes les situations où il y a une obligation contractuelle qui est brisée et que cela ne fait pas l'affaire d'une des parties, de protéger celle des deux parties qui tient à ce que l'obligation contractuelle soit maintenue, jusqu'à preuve du contraire, jusqu'à preuve que, dans les cas d'obligation, on démontre qu'il y a une situation de force majeure, qu'il y a vraiment une situation intolérable, que la vie est intolérable, etc.

M. Bédard: Est-ce que je pourrais avoir l'idée des membres de la commission sur les délais qui pourraient être différents, si on veut faire la distinction entre la personne qui est...

M. Forget: C'est probablement une question de délai.

M. Bédard: ... qui a été abandonnée...

M. Forget: Supposons trois mois ou six mois, si vous voulez, vous avez quand même, sur le plan de la façon dont la preuve va être évaluée, dont le droit de recours est institué, une distinction. Peu importent les délais, que ce soit une semaine ou deux semaines dans un cas, que ce soit quatre ans ou six ans, il reste que le problème ne se pose pas de la même façon, me semble-t-il, du moins.

M. Lalande: À moins qu'on ne présume que, dans le premier cas, c'est forcément un cas d'abandon et, dans le deuxième, un cas où on est d'accord. À ce moment, on passerait de la loi actuelle, qui dit cinq ans, à trois ans. À l'heure actuelle, dans le cas d'abandon, c'est cinq ans et, dans le cas où

il y a séparation effective, c'est trois ans. Là, nous en arrivons à la conséquence que le plus comprend le moins, si je peux dire. Je comprends la distinction que le député de Saint-Laurent fait entre les deux. Il ne s'agit pas d'une faute subjective, j'allais dire d'une faute objective, d'un manquement à un "devoir" objectif.

M. Bédard: Au niveau de l'article 538.1 - je veux bien comprendre - on est en train de faciliter la situation pour des personnes qui n'ont pas le consentement de leur conjoint, qui veulent obtenir un divorce et qui sont placées dans des situations particulières. Entre autres, premièrement...

M. Forget: On crée une présomption.

M. Bédard: On crée une présomption pour ces personnes. Autrement dit, on constate qu'elles sont l'objet d'un comportement inacceptable de la part de leur vis-à-vis. Quand, durant trois ans, elles ont été abandonnées, je ne vois pas pourquoi on leur compliquerait les procédures devant la cour. Il y a une présomption pour elles; si elles veulent le divorce, cela peut se faire.

M. Lalande: C'est ce que je disais tout à l'heure, à moins qu'on ne présume, dans le premier paragraphe, encore une fois, que ce paragraphe est expressément pour celui ou celle qui décide de mettre fin au mariage.

M. Bédard: Et qui, en même temps, est d'une certaine façon la victime - employons des expressions pour bien se comprendre -d'un comportement du conjoint. Cet article, prenons-le comme ça. Est-ce que je dois comprendre qu'on voudrait un autre article qui ne rend pas la situation aussi facile à ceux ou celles qui sont l'auteur d'un comportement fautif vis-à-vis de l'autre conjoint? C'est cela? Cela prendrait deux... Bon, si on part de ce principe, on peut peut-être voir comment on peut... Il faut quand même donner des indications à nos...

M. Forget: Je pourrais vous faire une suggestion, si vous voulez, dans ce sens-là.

M. Bédard: Oui.

M. Forget: Je pense qu'indépendamment des délais - encore une fois, on pourra revenir sur la question de la durée des délais - le deuxième article pourrait se formuler un peu de la façon suivante: Un époux peut demander au tribunal de prononcer le divorce s'il fait la preuve que son conjoint a manqué gravement à une obligation résultant du mariage. C'est essentiellement cela. Et là, créer des présomptions! Il serait réputé en être ainsi notamment dans les cas suivants... Je pense qu'on peut prévoir un premier cas:

Pendant deux, trois ou cinq ans - peu importe - précédant immédiatement la présentation de sa demande, il a ignoré où se trouvait son conjoint, etc. Donc, la présomption est créée en faveur de celui qui demande et contre celui qui a été l'auteur d'un comportement qui crée la présomption.

Maintenant, il est toujours possible, pour celui qui est parti, d'utiliser le premier membre de phrase de l'article en disant: Mon conjoint, je l'ai quitté parce qu'il a manqué à une obligation. Mais, à ce moment-là, il doit en faire la preuve, il ne bénéficie pas d'une présomption. La présomption existe à l'encontre de son comportement parce que c'est lui qui a quitté ou qui est disparu sans laisser de trace pendant deux ans ou parce qu'il a été emprisonné pour une offense criminelle. C'est quand même logique que la présomption joue contre lui plutôt que contre son conjoint, mais il est quand même capable de démontrer que le comportement du conjoint qui n'a pas été condamné a été tel qu'il demande le divorce et il pourra l'obtenir malgré tout. Il reste que je ne pense pas que la présomption devrait jouer également dans ces cas-là. (22 h 30)

M. Bédard: On emploie ces termes pour bien se comprendre. Pour tournez les coins en rond; autrement dit, vous voulez qu'il soit très clair que la victime d'un comportement puisse bénéficier de présomption. On énumérerait ces cas. Ils couvrent pas mal l'ensemble. On pourrait voir pour ce qui est du côté qui est fautif. Est-ce qu'au niveau des délais...

M. Lalande: II faut en venir aux délais parce que, dans le cas actuel, avec cinq ans, même pour la "personne" qui est fautive, qui abandonne, cinq ans, c'est extrêmement long. Dans cinq ans il n'y a rien qui est réglé.

M. Bédard: II faut bien se comprendre. Est-ce qu'on pourrait, dans un premier temps, avoir l'opinion des membres de la commission concernant d'abord le cas de celui ou celle qui est l'objet d'un comportement fautif, qui subit? Je pense que l'ensemble de l'article couvre pas mal tous les cas. Est-ce que dans ces cas, trois ans, deux ans...

M. Lalande: Mon opinion là-dessus, M. le ministre, c'est qu'encore une fois, en référence à ce que nous avons aujourd'hui et à la pratique, à l'expérience, il faudrait peut-être, dans le cas de celui qui est "fautif", qu'on ait trois ans, mais que pour la personne qui est victime, l'on ait deux ans, comme lorsqu'il y a consentement des deux. Quand il y a accord des deux, on parle de deux ans. Peut-être que pour la victime, si on peut parler d'effet putatif là-dedans, ce serait aussi également deux ans.

M. Bédard: Ce serait au paragraphe 1, de trois à deux. Au paragraphe 2, est-ce que vous le laisseriez à deux?

M. Lalande: Au paragraphe 2 je le laisserais à deux ans.

M. Bédard: Qu'on soit fautif ou pas.

M. Lalande: Dans le cas du fautif, trois ans, dans l'autre, deux ans, et quand il y a un commun accord, deux ans. À ce moment, il y a une distinction, on introduit une nuance entre la personne qui est "victime" et celle qui est "fautive", si je peux dire, entre guillemets encore une fois. C'est mon opinion.

M. Bédard: C'est un peu comme la loi fédérale l'a fait; la distinction entre trois et cinq, deviendrait entre trois et deux. Dans un cas, il y aurait une présomption, dans l'autre, il n'y aurait pas de présomption.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Verchères, vous m'avez demandé la parole il y a déjà longtemps.

M. Charbonneau: Est-ce qu'on peut intervenir sur le troisième alinéa de cet article?

M. Bédard: J'aimerais savoir si du côté... Si vous me permettez, M. le député de Verchères, ensuite on tombera...

M. Charbonneau: Ce que je voudrais, c'est avoir le droit de parole.

M. Bédard: ...au troisième alinéa.

Le Président (M. Laberge):

Immédiatement.

M. Bédard: M. le député de Maisonneuve a fait certaines suggestions de garder les trois ans pour celui qui est fautif sans présomption; pour celui ou celle qui est la victime, le conjoint qui est la victime, à ce moment, les trois ans seraient ramenés à deux ans pour l'alinéa 1... On est entre personnes adultes, à un moment donné... très librement, d'accord.

Mme Lavoie-Roux: Je ne suis pas d'accord. On a ouvert la porte.

M. Lalande: Je voudrais simplement dire au ministre, pour appuyer ceci, pourquoi deux ans. Parce que les deux ans on les retrouve dans le cas de ceux qui sont d'accord. Quand on parle d'un accord entre les deux, d'une séparation de deux ans. Je ne verrais pas pourquoi la victime ne "bénéficierait", pas si je peux dire...

Mme Lavoie-Roux: C'est difficile de toute façon dans ce cas. Il faudrait savoir qui est la victime.

M. Lalande: C'est la personne qui a à subir le comportement de l'autre qui...

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Bédard: D'accord? Cela rejoint...

Le Président (M. Laberge): M. le député de Verchères et M. le député de Taschereau m'ont demandé la parole, ils m'ont fait signe il y a déjà longtemps. J'aimerais quand même leur donner le droit d'intervenir avant qu'on finisse la discussion.

M. Charbonneau: M. le Président, je voulais intervenir sur le point 3. Je suis prêt à attendre, mais ce que j'aimerais, c'est qu'il y ait un petit peu d'ordre.

Le Président (M. Laberge): Procédez immédiatement.

M. Charbonneau: Non, je vais attendre que la discussion sur les dates, c'est-à-dire les périodes, soit terminée pour ne pas mêler les discussions. J'ai un point spécifique sur le troisième alinéa. Je sais que mon collègue de Taschereau...

Le Président (M. Laberge): Est-ce que cela concerne ce qu'on discute présentement? Passez immédiatement.

Mme Lavoie-Roux: On est toujours au premier alinéa.

M. Guay: Je vous remercie, M. le Président.

M. Bédard: II y a le premier et le deuxième.

M. Guay: Pour ma part, j'écoute le député de Maisonneuve et le député de Saint-Louis qui, je crois, a été le premier à proposer la nuance entre ceux qui seraient fautifs ou ceux qui ne le seraient pas.

M. Blank: Non, j'ai expliqué la différence, je n'ai pas donné... Je ne suis pas coupable encore.

M. Guay: D'accord. Je vous avoue qu'introduire la notion de faute et faire une distinction au niveau des délais me paraît tout à fait mal à propos. D'abord, parce que la faute n'est pas toujours évidente. Même si elle peut l'être, si on peut penser, à première vue, que c'est un tel qui est fautif, en fait, cela peut être tout à fait le contraire. Comment déterminer qui l'est, puisque, de toute façon, ce sont des délais

pour obtenir un jugement du tribunal? Il faudrait d'abord que le tribunal se prononce sur qui est fautif pour dire ensuite: Non, vous, vous étiez fautif, donc vous, vous devez attendre encore un an.

M. Lalande: Comme question de fait, celui qui provoque la séparation, celui qui s'en va de chez lui.

M. Guay: Ce n'est pas toujours évident.

M. Lalande: C'est une question de fait.

M. Guay: Bien non, pas toujours.

M. Lalande: Si quelqu'un part.

M. Guay: Les faits peuvent être appréciés différemment. Je ne vois pas en quoi on pénalise la personne qui peut effectivement être ce qu'on appelle en faute. Sa faute se trouvera reconnue, en quelque sorte, le cas échéant, et punie, si on peut utiliser ce terme mais je n'aime pas beaucoup cela, par la décision du tribunal, lorsqu'il prononcera le divorce. Les conséquences, elle les subira plutôt à ce moment-là. Je ne vois pas très bien quel est l'intérêt d'attendre, de donner des délais différents, selon qu'il y en a un qui est présumé fautif et l'autre pas. Cela me paraît simplement compliquer l'existence de l'humanité.

M. Lalande: II nous demande, à partir de cette distinction, qu'est-ce que vous en pensez? On le dit.

M. Guay: Je vous dis qu'à partir de cette distinction, cette distinction ne devrait pas s'appliquer dans les délais.

M. Lalande: D'accord.

M. Guay: Je ne vois pas très bien qu'est-ce qu'elle vient faire dans les délais. Il me semble qu'on met des délais dans ces lois qui ne sont pas là pour compliquer la vie des citoyens. Au contraire, on cherche à leur faciliter l'existence. C'est normalement le but des lois. Il me semble qu'on ne doit pas faire des distinctions dans les délais entre celui qui serait fautif, sans pour autant que ce soit nécessairement toujours évident, et celui qui ne le serait pas. Celui qui est présumé fautif doit prouver qu'il ne l'était pas, auquel cas les délais changent.

La personne qui est présumée fautive n'a pas droit aux mêmes délais, et si c'est l'autre, par contre, qui introduit... Prenons le cas d'une personne qui est présumée non fautive, donc elle a droit d'introduire sa demande dans les deux années...

M. Lalande: Au niveau de la conversation, il faut bien replacer les faits. À la suite d'une distinction que le député de Saint-Laurent a introduite, le ministre nous a demandé, compte tenu de ceci - cela ne veut pas dire que c'est simplement au niveau de l'état de la discussion - si nous mettons une différence entre les deux, ce que nous pensons au niveau des délais. Pour ma part, je veux le rétablir, je ne vois pas la nécessité de faire des distinctions dans un cas ou dans l'autre.

M. Guay: D'accord, j'avais mal compris le sens de votre intervention. Je m'en excuse.

M. Lalande: C'est simplement cela que je voulais dire.

M. Bédard: Vous vous rejoignez de ce côté.

J'avais évoqué, au début, le danger de revenir à la notion de faute, mais oublions la notion de faute, je pense que le but que poursuivait le député de Saint-Laurent, c'est qu'il y ait une distinction entre la personne qui a été, pour les fins de la discussion, la victime, que ce soit de l'absence ou autrement, et le conjoint qui a pris la décision de se placer ou de placer son conjoint dans une situation de difficulté.

M. Guay: Est-ce que je comprends bien que cette distinction impliquerait par le fait même des délais différents?

M. Forget: Non, écoutez, on ne parle pas de rien de si compliqué que cela, c'est une distinction de sens commun, qu'on fait. On dit: On est dans une situation où les deux ne sont pas d'accord pour divorcer. Il faut accepter cela, autrement on serait dans l'application de l'autre article. S'ils ne sont pas d'accord pour divorcer, celui des deux qui veut divorcer, il faut qu'il prouve que son autre conjoint a manqué aux obligations découlant du mariage à son égard. Il faut qu'il fasse cette preuve. Il n'est pas question de victime, d'agresseur et d'agressé, cette preuve vaut pour n'importe qui. Quels que soient les blâmes qu'un des conjoints peut avoir, s'il veut divorcer, il faut qu'il fasse la preuve que son autre conjoint qui, lui, ne veut pas par définition, s'est comporté à son égard de façon encore plus odieuse, suffisamment pour autoriser le tribunal à dissoudre le mariage. Ceci dit, on peut se poser la question suivante: Oui, mais, dans certains cas, est-ce que le comportement de l'autre qui ne veut pas n'est pas dans les faits une admission telle qu'on doive en créer une présomption? Dans le fond, on veut faciliter la preuve, mais on ne veut pas faciliter la preuve contre ceux dont le comportement est impeccable, à sa face même. On peut simplement prendre argument

du fait que le comportement de l'un des conjoints est, à sa face même, assez irrégulier; quelqu'un qui disparaît pendant trois ans, cela constitue un début de preuve qu'effectivement il a un comportement intolérable. Cela constitue un début de preuve pour l'autre conjoint, pas à son égard. Autrement, qu'est-ce que vous voulez, plus un des conjoints pendant le mariage va être odieux, plus il va pouvoir en bénéficier au niveau d'une présomption pour obtenir le divorce. C'est encourager le vice, si vous voulez. C'est encourager des comportements complètement aberrants parce que plus on a un comportement intolérable, plus on peut soi-même s'en servir pour créer une présomption en sa faveur. C'est le contraire du bon sens.

M. Bédard: Je comprends.

M. Forget: Celui qui battrait sa femme, ce ne serait pas une présomption en faveur de la femme, ce serait une présomption égale en faveur du mari. Pourquoi ne met-on pas cela aussi? Un des conjoints a battu l'autre pendant trois ans et celui qui bat peut s'en prévaloir au même titre. Je pense que ça illustre très bien le caractère odieux d'une présomption qui favorise celui qui se comporte de façon intolérable. Celui qui est absent et qui ne donne pas de nouvelles pendant trois ans ne peut quand même pas dire: J'ai le droit à mon divorce parce que je suis parti pendant trois ans. C'est simplement une question de sens commun, s'il est parti pendant trois ans et qu'il avait une bonne raison de partir pendant trois ans, mais ce n'est pas la présomption qui est créée par son absence qui va faire sa preuve. Il va faire sa preuve d'après le comportement de l'autre qui l'a forcé à partir, mais, de toute manière, ce n'est pas son absence qui va l'aider. Il me semble que c'est simplement le sens commun qu'on essaie de mettre en forme.

M. Bédard: C'est parce que tout le raisonnement du député de Saint-Laurent est orienté vers les personnes. Si on oriente notre raisonnement en ce qui a trait aux liens du mariage, est-il irrémédiablement atteint ou non? On peut être porté à raisonner un peu différemment parce qu'il me semble, en tout cas...

M. Forget: Mais il ne peut pas être...

M. Bédard: ...dans l'évaluation juste de ce que je conçois comme étant le mariage, pour autant que ça veut dire ce que ça veut dire, quand des gens ne vivent plus ensemble depuis trois ans, le lien de lui-même n'est plus relié à une situation de fait...

M. Forget: Oui, mais, comme il faut être deux pour se marier, il faut être deux pour se séparer.

M. Bédard: ...lorsque d'un commun accord des personnes disent: On se sépare, on vit chacun séparément... Si ça fait deux ans que cette situation existe, il y a de bonnes chances que le lien...

M. Forget: Oui, mais...

M. Bédard: Je ramène toujours cela au lien. On essaie de raisonner tout haut de part et d'autre, je pense, et si...

M. Forget: Oui, mais c'est le deuxième paragraphe, si les deux parties acceptent toutes les deux de vivre séparément...

M. Bédard: Oui, c'est le deuxième.

M. Forget: ...c'est effectivement une situation de fait. J'ai attiré l'attention sur le fait qu'il y a des circonstances de fait qui devaient donner ouverture aux deux, créer une présomption à l'égard des deux. Par exemple, la non-consommation du mariage, je ne pense pas que ce soit seulement une des parties qui puisse l'alléguer, quel que soit le blâme qu'elle pourrait rejeter sur l'autre. Je pense que c'est une situation de fait et la même chose, l'acceptation d'une vie séparée par les deux, c'est une situation de fait qui peut être alléguée, mais...

M. Bédard: Oui, pour aider nos légistes peut-être...

Pour éclairer peut-être un peu le débat, je pense que la position de l'Office de révision du Code civil était justement de regarder plus la situation de fait qui était créée que les comportements personnels qui étaient à son origine. C'est pour cette raison que, contrairement à la loi fédérale, l'office a unifié, en quelque sorte, a mis trois ans, qu'il s'agisse du déserteur ou de l'abandonné. Je pense que c'est ce qui était...

M. Forget: Mais il l'avait fait afin de diminuer l'importance du consentement. Il faut voir que, dès qu'on prend une autre voie, dès qu'on prend la voie du consentement, on est dans une logique complètement différente. C'est ce sur quoi j'ai voulu attirer l'attention quand j'ai dit: Si on passe la cause principale et usuelle du divorce sur le consentement, on a peut-être réglé 95% des problèmes, remarquez, mais il reste quand même 5% des problèmes, par hypothèse, où il n'y a pas de consentement et on ne peut pas, dans les cas où il n'y a pas de consentement, dire: En dépit de la volonté expresse de l'une des parties qui est contre le divorce, on va simplement se baser sur une situation de fait qui peut être créée unilatéralement par l'autre qui le veut. On

ne parle même plus de consentement. Encore une fois, on parle de répudiation dans ce cas. Si on veut être franc jusqu'au bout, il faut dire: Un conjoint peut répudier son conjoint et, après un délai de trois ans, il faut que le tribunal entérine la répudiation. C'est ce qu'on dit effectivement là-dedans. À mon avis, c'est odieux.

M. Guay: C'est une répudiation avec une période probatoire, si on peut dire.

M. Forget: Oui, une répudiation avec une période probatoire. Je pense qu'on n'est pas prêts à aller jusque là.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Taschereau.

M. Guay: J'aimerais savoir une chose de la part du député de Saint-Laurent. Prenons le cas de deux personnes mariées, pas d'enfant, chacune a son travail, des revenus équivalents, donc il n'est pas question que l'une apporte plus financièrement au ménage que l'autre; elles ne s'entendent pas pour se séparer selon l'article 538.2. Il y en a une des deux qui décide que cela ne fonctionne vraiment pas. Elle dit: Je m'en vais. Cette personne -employons le mot "abandon" ou qualifions-le comme on voudra - pouvait avoir une raison fort valable. Il n'y a rien de fautif là-dedans. C'est un comportement qui se comprend fort bien. Cette personne, si je comprends bien, ne pouvait pas invoquer cette présomption. Ce n'est que la personne qui est restée à domicile, qui, en quelque sorte, s'est fait abandonner qui le peut.

M. Forget: On ne lui enlève rien. On lui donne ce que la loi lui donnait: Enlevez toutes les présomptions, il vous reste quand même un article du code qui dit que dans les cas où il n'y a pas entente, il faut montrer que la vie est impossible - prenez le langage que vous voulez - ou que l'autre s'est comporté de façon inacceptable.

M. Bédard: À ce moment, c'est l'article 537, "le lien du mariage est irrémédiablement atteint."

M. Forget: C'est cela. Il n'y a plus de présomption. Les présomptions ne sont pas nécessaires au fonctionnement de cette disposition. Ce n'est pas du tout nécessaire. Cela facilite les choses dans certains cas. À qui doit-on faciliter les choses? Quand on est certain que ceux à qui on les facilite ont véritablement besoin de cela.

M. Guay: Est-ce que le cas que je souligne...

M. Bédard: À partir de ces deux distinctions, nous allons essayer... Le député de Verchères nous a dit que c'était au troisième paragraphe. Pardon?

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Allez-yl

M. Guay: C'est parce qu'il me semble, dans certains cas, qu'il y a des zones grises; c'est un peu le cas que j'essayais de souligner. Il peut y avoir de part et d'autre des zones grises. Je ne vois pas très bien, dans des cas comme cela, pourquoi on ferait des distinctions. Il y a d'autres cas qui sont des situations de fait. Il est emprisonné ou il ne l'est pas, c'est évident. Dans d'autres cas, ce qu'on risque d'amener, c'est justement ce qu'il me semble qu'on cherche à éviter dans une certaine mesure, précisément cette espèce de scénario où il faut aller devant le tribunal et charger l'autre de tous les maux de la terre, alors qu'on était soi-même la victime innocente. Ce qui est rarement le cas, de toute façon, les torts sont souvent partagés, pas nécessairement à 50-50. Il me semble que l'article 538 avait justement pour but d'éviter - je pense que c'est le député de D'Arcy McGee qui appelait cela aussi -des comédies simulées devant les tribunaux. Est-ce qu'on ne risque pas, en modifiant l'article 538.1 dans le sens où vous le suggérez, dans certains cas, notamment dans le cas hypothétique que je soulignais, de ramener ce genre de comédie de charge à fond de train et de confrontation dont on aurait fort bien pu se passer?

Le Président (M. Laberge): Cela va. Est-ce que vous avez complété, M. le député de Taschereau? Merci.

M. le député de Verchères, je vous donne la parole.

M. Charbonneau: Je pense que Mme la députée de L'Acadie voulait parler sur le même point.

Mme Lavoie-Roux: C'est parce qu'il avait dit que c'était sur le troisième point.

M. Charbonneau: C'est cela, M. le Président, mais quand vous allez arriver au troisième, vous êtes bien mieux de me reconnaître.

Le Président (M. Laberge): Votre nom est écrit gros comme celai

M. Charbonneau: Très bien.

Le Président (M. Laberge): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je veux être bien sûre de bien comprendre. On a établi à l'article 538, tout le monde est d'accord, que par consentement mutuel, il n'y a pas de

problème, etc. Dans le cas de l'article 538.1, il y a deux époux qui ont vécu séparément pendant trois ans...

M. Bédard: II y a quelqu'un qui n'est pas d'accord.

Mme Lavoie-Roux: Oui, il y en a un des deux qui n'est pas d'accord. Au bout de trois ou quatre ans, peu importe, il y en a un qui va devant le tribunal et qui demande son divorce à partir du fait qu'il a été séparé trois ans de son époux ou de son épouse. À ce moment-là, si l'autre refuse son consentement, ce que le ministre dit ou, enfin, ce que le député de Taschereau voulait dire, c'est qu'il est suffisant qu'il ait quitté pendant trois ans pour obtenir son divorce même si l'autre n'est pas consentant. Il peut y avoir toutes sortes de raisons pour lesquelles l'autre n'est pas consentant. Ce peut être une question, par exemple, de pénaliser son conjoint qui lui est infidèle ou son conjoint qui l'a abandonné. Mais il peut aussi y avoir des raisons d'ordre pratique. Tant et aussi longtemps que son conjoint n'est pas remarié - vous me corrigerez si j'erre - il est peut-être dans une meilleure position, s'il y a des enfants, d'assurer leur subsistance et d'assurer ses responsabilités à l'égard des enfants qu'ils ont eus ensemble. S'il obtient son divorce, se remarie et a une deuxième famille, est-ce qu'il pourra assumer de la même façon, ou est-ce qu'elle pourra assumer de la même façon - dans l'hypothèse que cela pourrait être d'un côté ou de l'autre - ses responsabilités envers sa première famille? Cela aussi peut être une raison pour laquelle le conjoint qui a été abandonné refuse d'accorder le divorce.

M. Bédard: Si on prend cette tangente, ce sera au conjoint d'évoquer devant la cour les raisons pour lesquelles il s'oppose et la cour évaluera jusqu'à quel point ces raisons ont un...

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais si vous admettez dans votre raisonnement...

M. Bédard: ...fondement.

Mme Lavoie-Roux: ...que la séparation de trois ans est suffisante pour l'obtenir, peu importe ce que fera valoir le premier conjoint...

M. Bédard: Non, mais j'essaie...

Mme Lavoie-Roux: ...le juge va être obligé de l'accorder.

M. Bédard: Je voudrais que vous me reconnaissiez au moins l'effort de suivre...

Mme Lavoie-Roux: Oui, d'accord.

M. Bédard: ...ou de raisonner dans le même sens que vous le faites.

M. Blank: Nonobstant cela, je pense que le juge ne refusera jamais le divorce du fait que du côté financier, s'il se marie avec une autre, sa famille va en souffrir. Ce n'est pas dans l'esprit...

M. Bédard: Si l'objection du conjoint abandonné semble futile aux yeux du tribunal et semble n'être animée que par esprit de revanche ou quoi que ce soit, à ce moment-là, l'évaluation se fera. D'un autre côté, à partir du moment où on établit des présomptions concernant le conjoint qui est l'objet de comportement inacceptable, il ne faut quand même pas aller dans l'autre sens et lui donner les pouvoirs de garder d'une certaine façon l'autre conjoint emprisonné dans une situation qui, de toute façon, ne ressemble plus au mariage et n'a plus de...

Mme Lavoie-Roux: Alors, en d'autres termes, vous dites qu'il s'agit qu'il ait été séparé trois ans pour qu'il y ait divorce.

M. Bédard: Je dois vous dire que je suis assez sensible aux représentations faites par le député de Saint-Laurent. Je pense qu'on a assez fait le tour de la situation. Il y a déjà un texte où on ne fait pas la distinction, je prends celui-là. On va voir à quel amendement on pourra en arriver en suivant le raisonnement évoqué par le député de Saint-Laurent. Je pense que cela nous permettra de conclure la discussion. Mais il semble que M. Bisson, pour faire ce travail, aurait besoin d'autres précisions.

Il faudrait peut-être apporter une autre précision. Au fond, si on regarde l'article 538.1, premièrement, ce qu'il visait, au-delà de la situation de fait qui était évoquée tout à l'heure, c'était surtout le déserteur, parce que, évidemment, l'abandonné, quant à lui, avait toujours la ressource de l'article 538.2, c'est-à-dire une atteinte, un manquement grave à une obligation. Il pourrait invoquer, même au bout de six mois qu'il avait été abandonné, que c'était un manquement grave aux obligations du mariage. Au fond, malgré son caractère bilatéral apparent, le premièrement visait avant tout à donner au déserteur une faculté d'agir. Évidemment, l'abandonné pouvait s'en servir aussi au bout de trois ans, mais il pouvait certainement se prévaloir de l'article 538.2 avant le délai de trois ans parce que l'abandon évidemment est un manquement grave. Alors, c'était peut-être un autre aspect caché.

M. Lalande: C'était le sens de ma question là-dessus. Évidemment, à mon avis, cela vise le déserteur, dans ce cas-là, trois ans; dans l'autre cas, pourquoi ne pas le spécifier? Contrairement à ce que vous avez

mentionné tout à l'heure, vous avez peut-être voulu vous éloigner de l'actuelle loi du divorce qui établit une distinction entre l'abandon et la désertion. C'est ce que vous avez dit tout à l'heure. On a voulu regarder de façon objective la situation. On n'a pas voulu qualifier l'acte de ni l'un ni l'autre, on a voulu regarder la situation actuelle.

M. Bédard: Cela a été partiellement l'idée, en tout cas, certainement.

M. Lalande: Bon. À partir de là, pourquoi ne pas indiquer carrément que dans le cas de l'abandonné, il y a une présomption de deux ans en faveur de celui-ci?

M. Bédard: II y a l'article 538.2.

M. Lalande: Oui, mais à l'article 538, il y a une preuve à faire.

M. Bédard: Non, non.

M. Lalande: Oui, oui, à l'article 538.2.

M. Bédard: Je pense qu'elle peut ne pas être très difficile à faire. S'il y a un manquement grave, une absence, etc., je pense qu'on facilite...

M. Lalande: Oui, évidemment.

M. Blank: M. le ministre, vous avez l'article 531.1. Il n'y a pas un juge qui va accepter pour moins de trois ans abandon, dans l'article 538.2.

M. Lalande: II y aurait peut-être intérêt, justement, à le spécifier parce que là, on interprète. Quand on dit que l'abandon ou le fait d'avoir été seul, d'avoir été délaissé pendant deux ans, c'est un manquement grave, peut-être que c'est cela. Je pense bien que plusieurs juges vont conclure à cela, mais pourquoi ne pas le spécifier?

M. Bédard: D'accord, on verra. M. Lalande: Ce n'est que cela.

M. Bédard: L'article 538 - cela peut répondre un peu aussi à la préoccupation du député de Saint-Laurent - crée une présomption et il est très bien explicité que celui qui est en faute ne peut se prévaloir de cette présomption-là; autrement dit, il ne peut alléguer sa propre turpitude. Je crois que si on précisait plus, on n'aurait qu'à préciser que l'article 538 s'applique plutôt...

M. Lalande: Ce serait très bien, je pense que cela répondrait à tout.

M. Bédard: Là, on aurait l'ensemble.

M. Forget: II ne faut pas que je réfléchisse trop vite à 23 heures.

Le Président (M. Laberge): Je pense que...

Mme Lavoie-Roux: M. le Président...

Le Président (M. Laberge): Vous n'avez pas terminé?

Mme Lavoie-Roux: Est-ce au troisièmement que nous sommes? C'est au deuxièmement que je voulais intervenir.

Le Président (M. Laberge): On vous laisse aller.

Mme Lavoie-Roux: Bon, ce sera très court. Je me demande l'utilité du deuxièmement de l'article 538. Encore une fois, c'est d'un commun accord, sauf qu'il y a un an de plus, si vous voulez. Ils ont décidé de ne pas vivre ensemble, d'un commun accord. II me semble que...

M. Bédard: Cela me semble assez important et je vais essayer de vous l'expliquer le mieux possible. Cela prévoit le cas où les époux, d'un commun accord, peuvent dire au tribunal: Nous nous sommes séparés de fait durant deux ans. Mais ils ne sont pas d'accord pour demander le divorce.

Mme Lavoie-Roux: Ah! Oui, une étape supplémentaire.

M. Bédard: C'est cela. Il faut en faire la distinction.

M. Forget: Est-ce que cela irait... Je m'excuse.

Le Président (M. Laberge): Allez-y.

M. Forget: Peut-être n'est-ce pas à mon tour de parler.

Le Président (M. Laberge): Si c'est sur le deuxièmement, d'accord.

M. Charbonneau: C'est sur le deuxièmement.

Le Président (M. Laberge): C'est parce que je ne voudrais pas lui faire oublier son point.

M. Bédard: Le troisièmement, on s'est entendu, il est réservé au député de Verchères.

M. Charbonneau: C'est au deuxièmement. À partir du moment où les gens, d'un commun accord, ont vécu séparés pendant au moins un an, je me demande si,

finalement, ce ne serait pas suffisant. M. Bédard: Pardon?

M. Charbonneau: À partir du moment où les gens, d'un commun accord, ne vivent plus ensemble depuis un an, j'ai l'impression que même s'ils ne sont pas d'accord pour divorcer, ils ont été d'accord pour se séparer pendant un an, je me demande si ce ne serait pas suffisant. J'ai l'impression que...

M. Lalande: C'est une question qui est amenée; sur le consentement mutuel, on donne un an, finalement. À partir d'un an, on a le droit...

M. Bédard: J'aimerais avoir l'avis des membres de la commission.

M. Charbonneau: Je vais terminer. J'ai l'impression que tout compte fait, si, après un an de mariage, les gens peuvent, d'un consentement mutuel, s'entendre, dans le fond, je me dis que si, pendant un an, ils n'ont pas vécu ensemble, même s'ils ne sont pas d'accord pour divorcer et si quelqu'un entame une procédure de divorce, il faut se rendre à l'évidence.

M. Bédard: Est-ce que je me tromperais en pensant que cela fait pas mal l'unanimité des membres de la commission sur cette question...

M. Lalande: II y a une logique là-dedans.

M. Bédard: ... soulevée par le député de Verchères...

M. Blank: Vous changez le chiffre deux pour un un.

M. Bédard: ... de réduire le chiffre de deux à un. (23 heures)

M. Blank: Je l'avais dit, déjà.

M. Charbonneau: II y a des fois qu'on est d'accord...

M. Bédard: II resterait le troisièmement.

Une voix: C'est dangereux, cela.

Le Président (M. Laberge): II y avait un petit point sur le deux, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Est-ce que l'on parle d'un commun accord pour la séparation - est-ce qu'il ne serait pas normal d'envisager l'autre situation où il n'y a pas de commun accord pour la séparation, mais c'est le fruit d'un jugement de séparation.

M. Bédard: Je voudrais mieux comprendre.

M. Forget: Si des époux vivent séparés en vertu d'un jugement de séparation de corps, parce qu'il y a une concordance à établir entre la séparation... Est-ce que la séparation, distinctement du consentement de se séparer de fait, ne pourrait pas donner ouverture à la même présomption que l'accord ou est-ce qu'il y a des raisons contre cela?

M. Bédard: Je pense que cela va de soi. Il me semble que cela va de soi.

M. Forget: Cela revient au même. D'accord ou en vertu d'un jugement.

M. Blank: On est mieux de le dire, oui, sinon ce serait dans trois ans. Si on ne le dit pas, cela tomberait dans trois ans.

M. Bédard: Je pense que...

M. Lalande: M. le Président, encore sur deuxièmement.

Le Président (M. Laberge): Oui.

M. Lalande: Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de parler ici, parce que je pense que dans la loi actuelle du divorce on introduit cette notion du fait qu'une des parties est revenue, je ne sais pas, à la résidence familiale ou quoi que ce soit, qu'il y ait eu réconciliation, il y a 90 jours, je pense, qui sont considérés actuellement...

M. Bédard: Avant que le jugement ne soit...

M. Lalande: Est-ce que, au niveau de la séparation de fait depuis deux ans ou trois ans, selon le cas, le fait d'avoir cohabité pendant...

M. Blank: Une courte période.

M. Lalande: ...une courte période... C'est le geste important dans la loi actuelle, le divorce. On dit quoi? 90 jours, c'est trois mois.

M. Blank: Ce n'est pas une cohabitation de courte période.

M. Lalande: Je pense qu'une cohabitation de deux ou trois semaines, cela ne va pas tout compromettre ces deux ans. Il faudrait peut-être l'introduire ici ou en parler.

M. Forget: Dans le but de ne pas

décourager les tentatives de réconciliation.

M. Lalande: C'est cela. Si quelqu'un dit: Je ne peux absolument pas parce que si je me fais prendre, en d'autres mots, c'est foutu mes deux ans. Je vais être obligé de recommencer à moins qu'il y ait consentement mutuel. Pourquoi ne pas le dire qu'une courte période de rapprochement n'empêche pas, parce que dans la loi actuelle... C'est le gars qui revient à la maison pour une fin de semaine. Est-ce que cela va compromettre?

M. Bédard: J'ai peur qu'en commençant, en voulant préciser, on complique plus qu'autre chose.

M. Lalande: C'est parce que, dans la pratique, vous savez...

M. Bédard: Non.

M. Lalande: Dans la pratique, cela existe aujourd'hui.

M. Bédard: Non, mais c'est l'idée de gens qui ont décidé de se séparer de fait et qu'à un moment donné ils puissent se retrouver... La principale idée là-dedans, c'est le fait de vivre chacun de son côté.

M. Lalande: Cela veut dire qu'il faudrait attendre la jurisprudence, qu'ils se placent là-dessus, que le juge apprécie qu'une fin de semaine, quinze jours...

M. Bédard: C'est cela. Il évaluera plutôt que de commencer à indiquer des périodes qui, à mon sens, compliqueraient...

M. Forget: C'est l'intention qui compte.

M. Bédard: C'est la première intention globale.

M. Lalande: Dans la loi fédérale, on le spécifie, c'est un cas qui n'est pas... Le seul fait que les conjoints aient repris la cohabitation pendant une période d'au plus 90 jours, principalement en vue de la réconciliation, c'est l'article 932b.

M. Bédard: II n'y a pas de présomption. M. Lalande: Pardon?

M. Bédard: II n'y aurait pas de présomption qu'ils ont décidé de ne plus vivre séparés de fait.

Sur cette reprise de...

M. Lalande: De cohabitation.

M. Bédard: Oui, ils se sont séparés et cohabitent pendant un certain temps par la suite, c'est un fait, mais cela peut déboucher sur une réconciliation, une reprise volontaire. C'est une question de preuve, c'est une question de fait de laquelle ne découle pas de présomption établie par la loi.

M. Lalande: Ce que j'essaie d'établir c'est que dans la loi actuelle, et cela est mis en preuve, vous ne pouvez pas vous prévaloir de l'article qui parle de trois ans ou de cinq ans, parce qu'il y a eu interruption de cette séparation si, pendant trois mois, on a vécu ensemble. C'est un fait qui peut être prouvé, mais à cause d'un article qui dit ici que ceci n'est pas une présomption qu'il y a eu effectivement réconciliation permanente, donc brisure, en d'autres mots, il s'agit de permettre aux gens d'avoir des tentatives de réconciliation sans pour cela être pénalisés.

M. Bédard: Ce n'est pas durant une instance, cela on peut le dire. Il faut essayer de comprendre les situations. L'article 550 du projet, applicable aussi bien en matière d'instance en divorce qu'en matière d'instance en séparation de corps, dit que "la seule reprise de la cohabitation pendant moins de quatre-vingt-dix jours ne fait pas présumer la réconciliation". Mais cela, c'est durant l'instance en séparation de corps ou durant l'instance en divorce. Mais ce n'est pas en dehors d'une instance.

Je pense que cela répond au député.

M. Lalande: Oui, je saisis la nuance que vous faite.

M. Bédard: C'est quand même assez sérieux, 90 jours.

M. Lalande: Enfin, je m'interrogerais quand même sur le fait de reporter ceci pour la période qui est extra judiciaire, si je peux dire.

M. Bédard: Je pense qu'en rejoignant l'article que vient d'évoquer M. Guay.

M. Lalande: D'accord.

M. Bédard: Alors... Cela va.

Le Président (M. Laberge): II y aura des retouches au texte.

M. le député de Taschereau.

M. Guay: Je m'excuse. Je n'ai pas remarqué tantôt qu'on a beaucoup discuté du délai de trois ans du premier alinéa. On a évoqué beaucoup la question de qui pouvait en bénéficier. À partir du moment où on introduit, comme on l'a fait à l'article 538.2, l'idée que nul ne peut profiter de sa propre turpitude, est-ce qu'un délai de trois ans pour la personne qui en est victime, en

quelque sorte, n'est pas un délai indûment long? Est-ce que là aussi on ne devrait pas ramener cela à un an?

Si on modifie l'article dans le sens où c'est la personne qui subit le problème qui peut bénéficier de la présomption, est-ce qu'on ne devrait pas être logique avec cela et dire: Là, le délai doit être raccourci à un an? Pourquoi ferait-on un article pour la personne qui bénéficie de la présomption et en même temps lui imposerait-on un délai minimal de trois ans pour pouvoir bénéficier de la présomption?

Je parle du premier alinéa qu'on va modifier ou...

M. Lalande: C'est le cas du déserteur.

M. Guay: Oui.

M. Lalande: Le déserteur qui est parti.

M. Guay: Ce que je dis, c'est qu'on est d'accord pour modifier le délai dans le deuxième alinéa, le ramener de deux ans à un an. Or, dans le premier alinéa, qui doit être modifié dans le sens de faire bénéficier de la présomption la personne qui est la victime, si on peut l'appeler ainsi, en même temps, cette victime se trouve en quelque sorte à avoir un barrage de trois ans avant de pouvoir bénéficier de la présomption.

Si l'article est modifié dans le sens de n'en faire bénéficier que la personne qui se trouve à en avoir été la victime, un peu comme l'article 538.2, où un époux ne peut, en se fondant sur son propre manquement invoquer la présomption - c'est dans ce sens qu'il doit être modifié, si j'ai bien compris l'article 538.1.1 - est-ce qu'on ne devrait pas aussi ramener le délai à un an? On modifie l'article de manière que le déserteur, prenons le cas du déserteur, ne puisse invoquer cette présomption, mais la personne qui a subi la désertion peut l'invoquer.

M. Lalande: L'abandonné, le peut.

M. Guay: Oui, mais en même temps, on dit: Pas avant trois ans.

M. Lalande: L'abandonné peut l'invoquer avant.

M. Guay: Oui, mais à cause de...

M. Lalande: Oui, et le ministre a dit qu'il allait préciser l'article 538.2.

Mme Lavoie-Roux: ...

M. Guay: Oui, oui.

M. Lalande: L'abandonné a le droit.

M. Blank: Mais je ne suis pas certain.

M. Guay: Je parle de 538.1.1.

M. Blank: Oui, oui mais je ne suis pas certain que l'article 538.2 s'applique à l'abandon.

Une voix: Ce n'est pas sûr.

M. Lalande: Le ministre a dit qu'il allait spécifier cela.

M. Blank: Ah! Si on fait un amendement, cela en fait un de plus.

M. Bédard: On va essayer de faire...

M. Blank: Comme c'est rédigé aujourd'hui...

M. Bédard: Je pense qu'on a pas mal évoqué toutes les préoccupations qu'on a là-dessus.

M. Blank: Quand on parle des délais dans 533.1 et 538.2, c'est couvert et 538.2 couvre seulement les autres obligations du mariage comme le respect, la fidélité, le secours et l'assistance. La vie commune est réglée par 538.1 et 538.2.

M. Bédard: Oui, je pense qu'à partir de la découverte que nous avons tous faite ensemble quant à l'article 538.2...

M. Blank: Sinon, pourquoi mettre...

M. Bédard: Parfois, à cause de la fatigue ou autrement, on ne peut quand même pas avoir tout présent à l'esprit. Il s'agira...

M. Blank: M. Bisson va nous répondre.

M. Bédard: Non, une seconde! Il s'agira de faire la concordance. Je pense qu'on s'est suffisamment expliqué là-dessus. D'un commun accord, il semble que tout le monde soit d'accord pour réduire, au paragraphe 2, le délai de deux ans à un an et de garder à trois ans le délai du paragraphe 1.

M. Blank: Cela ne change rien dans la loi.

M. Bédard: En tout cas, je pense qu'on a fait le tour. Je pense qu'on pourra y aller d'autres commentaires demain, mais je n'ai pas l'impression, maintenant qu'on a une vision globale des deux articles, qu'on puisse avancer tellement jusqu'à demain. On pourrait passer à d'autres articles.

Le Président (M. Laberge): Si vous le permettez...

M. Bédard: J'aimerais avoir des remarques...

Le Président (M. Laberge): Oui, voir les commentaires du député de Verchères sur le troisièmement.

M. Bédard: ...sur le troisièmement.

M. Charbonneau: Je ne sais pas ce qu'on entend par "pour cause de maladie". Il y a des maladies physiques et il y a des maladies mentales. Je voudrais savoir ce qu'on entend parce que je trouve que, finalement-Une voix: On a parlé de nullité

M. Lalande: ...la non-consommation. La nullité est beaucoup plus difficile, il y a une preuve à faire.

M. Bédard: Pour cause de maladie, c'est toute maladie qui rendrait la personne inapte à avoir des relations sexuelles. Ce n'est pas une impuissance comme telle, mais une maladie qui l'empêcherait d'avoir des relations sexuelles, l'empêcherait de consommer le mariage.

M. Charbonneau: Oui, mais, dans ce cas, je trouve que c'est limitatif. Il y a des gens qui ont des blocages psychologiques et de la façon que vous définissez "maladie", finalement, ces gens qui ont des blocages psychologiques, qui sont mariés et qui cohabitent mais qui ne peuvent pas consommer l'acte sexuel complètement, ce n'est pas...

M. Bédard: Ce cas-là est certainement couvert.

M. Lalande: Les impuissants, par exemple.

M. Charbonneau: Oui, mais ce n'est pas seulement une question d'impuissance. C'est une question, parfois, de blocage psychologique.

M. Bédard: Oui. C'est ce qu'on appelle...

M. Lalande: L'impuissance, c'est ça, c'est psychologique.

M. Blank: II y a une cause qui a déjà été prononcée...

M. Charbonneau: II y a une preuve à faire.

M. Lalande: Par maladie, on entend...

M. Blank: Impuissance mentale avec une personne en particulier. C'est une cause de nullité.

M. Lalande: C'est une expression consacrée, au fond.

M. Bédard: C'est ce qu'on appelle l'impuissance psychologique et c'est couvert par le mot "maladie", certainement.

M. Lalande: C'est une expression consacrée.

M. Charbonneau: Cela me rassure parce que je pense qu'il y a des gens qui pourraient...

Une voix: II était temps.

M. Bédard: Non, je crois que la question était à propos parce que, même pour le journal des Débats, les précisions que demande le député de Verchères sont de nature à donner l'éclairage.

M. Charbonneau: Je voudrais poser une autre question. C'est bourré de juristes à cette table. Est-ce nécessaire de préciser "pour cause de maladie ou d'invalidité"? Est-ce que le mariage qui n'a pas été consommé après un an de cohabitation... Est-ce nécessaire de...

M. Bédard: Oui, parce qu'il peut ne pas avoir été consommé par pur refus de ne pas le consommer et, à ce moment-là, ça tombe dans les manquements graves. Cela tombe dans les manguements graves, alors qu'ici c'est une présomption tirée simplement du seul fait de la non-consommation pour cause de maladie ou d'invalidité.

M. Lalande: M. le Président, avant, si on s'en va vers l'ajournement, je voudrais simplement...

Une voix: Pas l'ajournement, la suspension.

M. Lalande: La suspension. Je m'excuse. Pourquoi a-t-on éliminé le cas de bigamie qui existe dans la loi actuelle?

M. Bédard: C'est le cas de nullité du mariage.

M. Lalande: Pardon?

M. Bédard: C'est le cas de nullité du mariage.

M. Lalande: Si on veut, mais c'est la même chose. On peut reprendre l'expression du député de Verchères tout à l'heure, dans les cas de maladie ou de non-consommation du mariage, c'est un cas de nullité aussi,

mais la preuve est beaucoup plus difficile à faire au niveau de la nullité. La loi actuelle du divorce... (23 h 15)

M. Bédard: La preuve de bigamie, ce n'est pas si difficile que cela à faire. C'est clair que cela s'oriente vers la nullité du mariage.

M. Lalande: Enfin, je m'interrogeais sur l'opportunité de l'actuelle loi qui le contient, et pourquoi on l'a enlevé. Il y avait un motif pour lequel on l'a mis là, dans le temps. Pourquoi l'enlèverait-on d'un coup sec?

M. Bédard: C'est parce que dans la Loi fédérale sur le divorce, on n'emploie pas le mot "bigamie" comme tel, autant que je me souvienne. On peut passer par une formalité de mariage avec une autre personne.

M. Lalande: Dans la loi du divorce...

M. Bédard: Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas des choses de trop dans...

M. Lalande: Non, je comprends.

M. Bédard: II s'agit d'avoir les explications.

M. Lalande: ... passer par une formalité de mariage avec une autre personne.

M. Bédard: C'est différent. C'est ce simple fait qui entraîne la cause de divorce, mais à ce moment, elle me paraît couverte par le manquement grave à une obligation résultant du mariage, parce que c'est certainement un manquement grave, alors qu'on est marié, que de vouloir aller se marier avec une autre personne.

M. Lalande: Oui, évidemment, c'est un manquement grave!

Le Président (M. Laberge): Les articles 538.1 et 538.2 sont suspendus. J'appelle l'article 539.1 auquel on nous demande de faire une correction. On nous demande de supprimer les mots "et de concilier"...

M. Bédard: C'est pour renforcer: "et de favoriser leur conciliation."

Le Président (M. Laberge): Oui, après les époux. On enlève les mots "et de concilier". Alors, "conseiller les époux et de favoriser leur conciliation". Est-ce que ce changement va être adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Sur l'article 539?

M. Forget: Oui.

Le Président (M. Laberge): Amendé.

M. Forget: L'Association des centres de services sociaux - a fait une suggestion à cet égard qui, je pense, est intéressante, c'est d'ajouter "et de veiller aux intérêts de l'enfant en lui nommant, le cas échéant, d'office un procureur". Il y a la conciliation des parents, c'est excellent, mais est-ce que le droit des enfants est suffisamment mis en relief dans tout ce chapitre sur le divorce?

M. Bédard: Nous sommes d'accord. C'est dans le Code de procédure que...

Pour la nomination d'un procureur, c'est peut-être au Code de procédure qu'il faudrait voir...

M. Forget: Oui. On pourrait dire "et de veiller aux intérêts de l'enfant", quitte à ce que la nomination du procureur se fasse en vertu du Code de procédure.

M. Lalande: Je me demande s'il n'y aurait pas lieu encore une fois - j'y reviens, j'en ai dit un mot tout à l'heure - à l'article 539, quand on parle de favoriser leur conciliation: "À tout moment de l'instance en divorce, il entre dans la mission du tribunal..." Est-ce qu'on ne pourrait pas ajouter, d'une façon ou d'une autre - je voudrais toujours institutionnaliser le Centre d'expertises psychosociales ou quoi que ce soit - ... N'y a-t-il pas moyen de demander au tribunal, par les services... On laisse la discrétion au tribunal à ce moment de l'utiliser ou pas.

M. Bédard: Oui, pour le moment. Ensuite, comme je vous l'ai dit, il y a un travail qui va se faire et qui est déjà commencé au niveau de ce qu'on appelle la mise en place d'un tribunal de la famille, avec tous les éléments nécessaires de conseils et d'expertises. À ce moment, on aura à se prononcer.

M. Forget: Dans la même veine, je pense que la réponse du ministre, en autant qu'elle va, c'est-à-dire qu'il y aura des services adjoints à la cour, qui existent d'ailleurs en pratique...

M. Bédard: Qui existent à Montréal, partout.

M. Forget: C'est une réponse valable, mais il y aurait peut-être un élément incitateur additionnel qui pourrait être inscrit dans la loi. Ce à quoi je pense, c'est une indication qui aurait un peu le sens suivant, c'est qu'au moment de présenter leur demande, les conjoints peuvent alléguer déjà et établir qu'ils ont passé par l'étape de

conciliation. Je voudrais suggérer que le tribunal s'en occupe d'office, à moins que les requérants, au moment de présenter la demande de divorce, démontrent qu'ils se sont déjà adressés à des professionnels et ont déjà eu recours à une assistance aux fins de conciliation. On retrouve facilement en dehors des services publics fournis par les centres de services sociaux auprès des cours, énormément de consultations privées qui ont essentiellement pour but d'essayer d'aider les gens à régler leurs problèmes. Souvent, ce sont des psychothérapies ou autres qui peuvent durer quelques mois, un an, où il y a effectivement, dans le cadre de la thérapie familiale ou même de la thérapie individuelle, des efforts de rapprochement des époux, etc. Quand le professionnel qui a participé à cet effort en vient à la conclusion qu'il n'y a véritablement rien à faire, il pourrait faire rapport, faire état ou donner une espèce de compte rendu sans violer la confidentialité - de toute façon, s'il le fait à la demande de ses clients - et dire: Voici, cela a déjà été fait. Autrement, ce qui est à craindre, si on me permet l'analogie, c'est un peu ce qui s'est passé dans la loi du travail où on a eu des conciliations purement formelles; avant d'aller en grève, il fallait avoir la conciliation. Un des problèmes - cela a duré des années et cela a été modifié dans le Code du travail - c'est que, pour avoir la grève, il fallait passer par la conciliation. Alors, que cela serve à quelque chose ou pas, la conciliation devenait une pure formalité. "We go through the motions of conciliation", et on en ressort avec le résultat prévisible. Je pense que, s'il y avait un peu plus de souplesse, on éviterait que la conciliation ne perde son sens en devenant une espèce d'autre étape administrative à laquelle on se plie sans y croire. Si les parties pouvaient démontrer qu'elles ont fait les efforts, qu'elles ont eu de l'aide, etc..

M. Bédard: Ce n'est pas intuitif. On dit qu'il entre dans la mission du tribunal de conseiller et de favoriser la conciliation...

M. Forget: Oui.

M. Bédard: ...il me semble que...

M. Forget: C'est à tout moment de l'instance. On présume que l'instance est amorcée et que c'est pendant l'instance que la conciliation doit se faire.

M. Bédard: Je ne sais pas si on peut conclure que c'est au moment de l'instance.

M. Forget: La loi fédérale procède différemment. Elle crée une obligation pour le procureur. La loi fédérale dit...

M. Bédard: Oui.

M. Forget: ..."tout avocat qui accepte de représenter un requérant doit d'abord..."

M. Bédard: Oui, mais cela était difficile à suivre.

M. Forget: C'est le genre de conciliation du Code du travail.

M. Bédard: J'aime mieux que ce soit au tribunal.

M. Forget: Oui.

M. Bédard: À partir du moment où on dit qu'il entre dans la mission du tribunal de conseiller et de favoriser la conciliation, il me semble clair qu'il y a là l'obligation du tribunal de demander si déjà des efforts ont été faits afin de favoriser la conciliation et de conclure. Si c'est le cas, il va évaluer jusqu'à quel point il peut ajouter quelque chose de plus qui favoriserait la conciliation. S'il n'y a rien eu, à ce moment-là, il y va selon l'article.

M. Forget: Oui, je suis d'accord. Si cela peut s'interpréter de cette façon, oui. Si c'est, au contraire, un peu plus impératif et cela oblige, même dans les cas où il y a peut-être eu pendant un an des efforts vraiment sincères et répétés, compétents...

M. Bédard: Je crois que le tribunal va...

M. Forget: ...je pense qu'il ne faudrait pas recommencer, aux frais du public, ce qui a été fait déjà aux frais des parties elles-mêmes.

M. Bédard: C'est cela.

M. Lalande: Justement relié à ceci, je voudrais soumettre une opinion d'ordre très pratique à ce niveau. Si on disait, par exemple: À tout moment de l'instance en divorce, il entre dans la mission du tribunal de conseiller les époux et de favoriser cette conciliation, notamment, en demandant aux services de se saisir de leur problème... Il y a aussi un problème pratique de frais, de dollars et de cents dans cela. Les gens qui ont certains problèmes, qui doivent avoir recours à des agences privées de réconciliation ou quoi que ce soit doivent payer cela. Ce n'est pas accessible au commun des mortels, aux gens ordinaires. Alors que si le tribunal peut assumer... D'ailleurs, ces services existent, on ne demande pas quelque chose de considérable. Si on donnait le feu vert au juge ou au tribunal de permettre, dans des cas où les services pourraient s'en saisir, aux frais du

tribunal ou de celui qui perd, aux dépens...

C'est simplement cet aspect strictement pratique et bien terre à terre qui pourrait nous amener à...

M. Bédard: Dans l'organisation du tribunal, dans les règles de pratique, cela pourrait apparaître, effectivement.

M. Lalande: Oui, évidemment, dans les règles de pratique, ce serait très bien. Je voulais tout simplement le souligner à ce stade-ci.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, les services auxquels fait allusion le député de Maisonneuve, tels qu'ils existent présentement, sont davantage utilisés comme conseillers experts que comme services de conciliation, parce qu'ils sont nettement insuffisants. Il faudrait ajouter autre chose.

M. Bédard: D'accord?

Le Président (M. Laberge): L'article 539, avec ses deux amendements, sera-t-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté.

M. Forget: Cela comprend de veiller aux intérêts de l'enfant?

Mme Lavoie-Roux: "Et de veiller".

M. Bédard: "Et de veiller aux intérêts de l'enfant". Je n'ai pas vu cela.

Mme Lavoie-Roux: C'était un amendement du député de Saint-Laurent.

M. Forget: Une suggestion.

Le Président (M. Laberge): "... de favoriser la conciliation et de veiller...

M. Bédard: "... du tribunal de conseiller les époux, de favoriser leur conciliation et de veiller aux intérêts de l'enfant."

M. Forget: Est-ce que c'est clair, M. le Président?

Le Président (M. Laberge): Cela va être très clair. Quand cela va être écrit, cela va être parfait. Article 539, amendé, adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté avec amendement. 540? Un moment, ce ne sera pas long. À l'article 540, on nous demande de remplacer l'article par le suivant. Je pense qu'on devrait récrire au début 540.0. Cela va être clair comme cela. 540. La demande en divorce peut être présentée par les époux ou l'un d'eux".

M. Bédard: L'article 540 parle par lui-même. Adopté.

Le Président (M. Laberge): Article 540, adopté. Article 541.

M. Lalande: C'est la corroboration qu'on veut, la preuve additionnelle?

M. Bédard: L'article précise qu'un époux ne peut invoquer la présomption de l'article 538 en se fondant sur son propre manquement. Il s'agit là d'une application du principe que nul ne peut invoquer sa propre faute pour fonder un droit.

M. Forget: C'est l'ancienne rédaction de l'article 540 qui est reportée à l'article 538.2.

M. Bédard: ...excusez. M. Forget: Article 541, la preuve de ... Le Président (M. Laberge): Article 541. M. Bédard: D'accord, cela va.

Le Président (M. Laberge): Article 541, tel quel.

M. Bédard: D'accord.

Le Président (M. Laberge): Tel quel, tel qu'au texte. Adopté?

M. Forget: Oui, évidemment, il serait possible, si on voit que la formulation de l'article 538 est trop difficile pour tenir compte de l'examen du consentement, de l'introduire ici, plutôt qu'à l'article 538.

M. Blank: À ce stade-ci, on ne peut pas retourner...

M. Marx: Je pense que c'est assez...

M. Bédard: Cela va pas trop mal. On est plusieurs. On est dans la même condition, tout le monde. On a eu une discussion assez... À partir du moment où cela rejoint des points de discussion qu'on a déjà eus. Je pense qu'on ne le fait pas pour nous-mêmes. Je parle pour tout le monde autour. L'article 542, je pense que cela va de soi: "La demande en divorce délie les époux de l'obligation de faire vie commune".

M. Forget: M. le Président.

Le Président (M. Laberge): M. le député

de Saint-Laurent.

M. Forget: Je n'ai pas d'objection quant à l'article, mais j'en profite pour essayer de clarifier l'expression "l'obligation de faire vie commune".

M. Bédard: On parle de cohabitation.

M. Forget: Également, le problème que peut soulever les cas qui ont été cités tout à l'heure: le refus d'avoir des relations sexuelles. Est-ce que c'est au titre, cela, "de l'obligation", une implication de l'obligation de faire vie commune? Dans les obligations du mariage, cela ne figure pas comme tel. Dans le titre qui donne ouverture au divorce, on dit: "Celui qui manque gravement à une obligation."

M. Bédard: Dans le mariage, cela y est, l'obligation de faire vie commune, à l'article 541, je pense.

M. Forget: Mais non pas les relations sexuelles. Est-ce que c'est une implication nécessaire, une incidente?

M. Bédard: La tradition juridique ne laisse aucun doute.

M. Forget: Aucun doute là-dessus. C'est ce dont je voulais m'assurer, parce que c'était aussi ma compréhension. Mais je voulais être tout à fait clair là-dessus, parce qu'il semble qu'autrement, il y aurait un défaut de...

M. Bédard: Oui, il y aurait différentes sortes de vie commune.

Le Président (M. Laberge): Article 542, adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 543. Il y a un papillon. À l'article 543, on nous demande de supprimer, à la deuxième ligne du deuxième alinéa, le trait d'union entre "jusque" et "là", question de bon français. C'est fait. (23 h 30)

M. Forget: Le Barreau a une... Mme Lavoie-Roux: M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que je pourrais laisser aller le député de Saint-Laurent. Il y a eu une recommandation de la part du Barreau, du RAIF et du Conseil des services sociaux - on pourrait laisser au ministre le soin de le formuler autrement -suivant laquelle le tribunal peut aussi ajourner l'instruction et faire appel aux services de conciliation, s'il estime que les époux peuvent régler. Dans le fond, ce sont des mesures provisoires. Il peut ordonner à l'un des époux de quitter la résidence familiale. Il peut autoriser l'un d'eux à conserver provisoirement des biens meubles. Pourquoi n'y aurait-il pas une disposition -que ce soit spécifié - pour qu'on fasse appel à des services de conciliation? C'est une recommandation de trois groupes.

M. Bédard: Je pense que l'article 539 y répond: "à tout moment de l'instance". L'article 539 rejoint votre préoccupation, qui permet au tribunal "à tout moment de l'instance".

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Bédard: C'est exactement cela. C'est la conciliation.

M. Lalande: À l'article 543, quand on dit "le tribunal peut ordonner", je pense qu'il y a une recommandation du Barreau qu'il faudrait envisager sérieusement. Pourquoi ne pas introduire, encore une fois, la notion de juge? Le tribunal implique la cour de pratique et tout le tralala, alors que le juge en chambre pourrait seulement se prononcer là-dessus.

M. Bédard: Ce problème aussi, si vous l'avez observé tout au long du projet de loi no 89, nous avons toujours parlé du tribunal et nous avons reporté au Code de procédure civile les précisions nécessaires pour indiquer quand c'est le tribunal, quand c'est le juge ou le protonotaire spécial, puisque c'est là que cela se situe. C'est plus facile à suivre dans le Code de procédure civile, parce qu'il s'agit, au fond, de la juridiction de chacun des...

M. Lalande: Très bien.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président.

M. Lalande: ...tient compte que c'est extrêmement important, parce qu'à tout moment cela peut arriver au niveau de la résidence.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je viens de relire les remarques des trois groupes que j'ai mentionnés tout à l'heure. Il est vrai que dans le cas de l'Association des centres de services sociaux on fait appel aux services de conciliation, c'est-à-dire on suggère de faire appel aux services de conciliation. Dans le cas du RAIF et dans le cas du Barreau, je pense que c'est un peu

différent. On parle davantage de faire appel à une expertise ou à une consultation obligatoire. Dans le cas du RAIF, on parle des experts juridiques et psychosociaux, et dans le cas du Barreau, on parle d'expertise psychosociale. Est-ce que c'est exactement la même chose qu'à tout moment de l'article 539 on peut conseiller et favoriser la conciliation, tandis que dans l'autre cas, on semble en faire davantage? Vous suggérez que ce soit davantage une obligation.

M. Bédard: Je pense qu'on ne peut pas nécessairement faire une obligation, mais quand on parle de favoriser la conciliation, cela fait partie des moyens qui doivent être présents à l'esprit du tribunal pour vraiment favoriser la conciliation qui est dans l'esprit de ce que dit le RAIF et le Barreau. Nous retrouverons d'autres dispositions à l'article 547 et suivants, concernant les ajournements et la réconciliation. On verra, s'il y a lieu de préciser, à le préciser à ce moment.

Le Président (M. Laberge): L'article 543 avec le petit amendement est-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté avec amendement. Article 544. M. le député de Verchères, article 543 ou 544?

M. Charbonneau: 544.

Le Président (M. Laberge): Article 544, vous avez la parole.

M. Charbonneau: Le tribunal peut statuer sur la garde - c'est clair - et l'éducation des enfants. Qu'est-ce qu'on entend par le tribunal peut statuer sur l'éducation des enfants?

M. Bédard: Dans quelle école ils vont aller, etc.

M. Charbonneau: Alors, ce n'est pas sur le type d'éducation.

M. Bédard: C'est cela; s'il y a conflit. C'est déjà dans le Code civil, à ce qu'on me dit.

Mme Lavoie-Roux: Cela pourra même être sur le type d'éducation. Hier, on a donné comme exemple que, dans le passé, il y avait eu des conflits quant à l'appartenance religieuse de l'enfant. C'est un type d'éducation: qu'il ait une éducation neutre ou une éducation catholique, pour donner un exemple. Là, ce serait le type d'éducation.

M. Bédard: Le terme est suffisamment général, je pense, pour rejoindre...

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas juste l'école.

Le Président (M. Laberge): L'article 544 est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté.

M. Forget: M. le Président, dans la recommandation 251, qui fait pendant à celle que nous venons d'examiner relativement à la garde et à l'éducation des enfants, l'Office de révision du Code civil parle des droits de visite et il semble que pendant l'instance le tribunal ne pourrait pas déterminer les droits de visite.

M. Bédard: Cela n'a pas été repris, simplement parce que la notion de garde comprend traditionnellement celle de visite, d'hébergement ou de services.

M. Forget: Pour l'autre conjoint.

M. Bédard: C'est cela. On souhaite éviter ainsi de consacrer des interprétations trop littérales du code, interprétations qui pourraient susciter des difficultés plus nombreuses que celles qu'on pourrait régler.

M. Forget: La jurisprudence est très claire; le droit de garde n'emporte pas abolition des droits de visite à moins qu'on le mentionne.

M. Bédard: C'est implicite.

Le Président (M. Laberge): Article 544, adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 545?

M. Bédard: L'article 545 proposé est conforme au droit actuel. Le critère des facultés et besoins de chacun des époux est énoncé de façon plus générale à l'article 628. Les articles 562 et 563 ne s'appliquent qu'une fois le divorce prononcé. Cet article s'applique aussi à la séparation de corps. On le verra à l'article 526.

M. Blank: Aux frais de la cour ou aux frais de l'autre avocat?

À l'article 545, il y a une provision pour frais de justice. Qu'est-ce que c'est? Il est normal d'avoir un jugement avec frais ou sans frais. Ici, est-ce qu'on doit payer les

frais de l'autre avocat?

M. Bédard: C'est une recommandation de l'office qui a été appuyée sur un commentaire. On dit: "...doit comprendre, en plus des aliments, une certaine somme pour permettre à l'épouse de payer les déboursés du procès lorsque les moyens du mari le permettent". Il s'agit des déboursés entraînés par le procès lui-même. À partir de l'explication qui en est faite, on dit: Dans des cas particuliers, une demande de provision peut être faite en tout état de cause, à condition qu'elle soit justifiée par les circonstances et par les besoins de l'épouse, bien entendu.

M. Blank: On parle des frais de justice. S'agit-il des frais extrajudiciaires de l'avocat de l'autre partie? Ce n'est pas clair.

M. Lalande: ...à sa face même.

M. Bédard: Tel que c'est dit, cela pourrait donner à entendre qu'il s'agit des frais judiciaires eux-mêmes, les frais de cour.

M. Blank: C'est normal. On n'a pas besoin d'une loi pour cela. Le Code de procédure dit...

Une voix: ...477 emporte...

M. Blank: Je pense qu'on veut dire ici, par "extrajudiciaires" qu'on paie les honoraires de l'autre avocat, en plus des frais de la cour.

M. Bédard: ...une situation exceptionnelle.

M. Blank: Les "frais de justice" ne sont pas les meilleurs mots.

M. Bédard: C'est peut-être une mauvaise traduction de la pension ad litem.

M. Lalande: C'est cela, oui, je pense qu'il faudrait préciser.

M. Bédard: Est-ce qu'on pourrait suspendre sur ce point, pour qu'on y réfléchisse, plutôt que de faire un amendement comme cela?

M. Lalande: D'accord. M. Forget: Très bien.

Le Président (M. Laberge): On suspend l'article 545. J'appelle l'article 546.

M. Lalande: À l'article 546, je voudrais demander au ministre si l'indexation constitue un fait nouveau.

M. Forget: Cela dure rarement assez longtemps pour donner lieu à une indexation, j'imagine, si les délais qu'on nous a décrits sont...

M. Blank: Si la cause est contestée, cela peut prendre deux ans.

M. Bédard: Mais il y a toujours la possibilité, concernant l'indexation, de le faire par voie de requête. Cela n'a pas besoin d'être une cause ou...

Mme Lavoie-Roux: Normalement, cela devrait, si c'est au-delà d'un an, puisque les pensions alimentaires doivent être indexées maintenant.

M. Forget: Si c'est au-delà d'un an, oui.

M. Bédard: Mais ce n'est pas parce que c'est un fait nouveau. Ce n'est pas un fait nouveau. L'indexation peut être demandée par requête dans tous les cas.

Mme Lavoie-Roux: Elle sera automatique?

M. Bédard: Non. On n'identifie pas cela à un fait nouveau. Il faut qu'elle soit demandée par requête aussi, mais ce n'est pas sur la base d'un fait nouveau à prouver.

C'est la règle générale. C'est sur la base d'un droit qui est donné en vertu de la loi que vous connaissez.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président...

Le Président (M. Laberge): Oui, Mme la députée.

Mme Lavoie-Roux: ...je ne parle pas des anciens cas. À partir d'aujourd'hui, à partir du 1er janvier une pension alimentaire ne serait-elle pas automatiquement indexée?

M. Bédard: II faut que ceux qui en reçoivent le demandent, mais le tribunal statue. Il peut même le faire d'office à partir d'un indice qu'on a déjà indiqué.

Mme Lavoie-Roux: On reviendra là-dessus. Ce n'est pas sûr.

M. Bédard: C'est sûr avec les nouveaux amendements qu'on a apportés. Il n'y a plus de doute.

Le Président (M. Laberge): L'article 546 sera-t-il adopté? Il s'agit d'autres faits nouveaux.

M. Bédard: Cela n'empêche pas un avocat de prétendre le contraire.

M. Lalande: Oui, tous plaident. M. Bédard: Tous plaident.

Mme Lavoie-Roux: Ce serait le temps qu'on ajourne. Les ajournements, M. le ministre.

M. Marx: Prenons le vote libre sur l'ajournement, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): On va adopter l'article 546. Il est adopté. On passe aux ajournements. À l'article 547, on nous demande d'ajouter après le mot "peut," avant le mot "ajourner", justement, les mots... Oh, non! Pardon! C'est à la deuxième ligne avant "d'éviter", je pense...

Une voix: C'est ça.

Le Président (M. Laberge): Après le mot "peut", à la deuxième ligne, les mots "favoriser la réconciliation des époux ou".

M. Forget: À certains moments, on parle de conciliation et à d'autres on parle de réconciliation. Ce n'est pas seulement une erreur, c'est qu'on vise des choses différentes?

M. Bédard: C'est que dans le cas de la réconciliation, évidemment, c'est plutôt la reprise de la vie commune qui était menacée. Dans l'autre cas, la conciliation, c'est lorsque les époux sont...

Mme Lavoie-Roux: Après une brouille. M. Forget: L'effort d'un tiers.

M. Bédard: Oui, c'est ça, qui ne s'entendent pas sur les aliments, qui ne s'entendent pas sur la garde et il faut vraiment concilier les différents points de vue. Mais ils s'entendent pour ne plus être ensemble.

Le Président (M. Laberge): Alors, l'amendement visant à introduire, après le mot "peut", les mots "favoriser la réconciliation des époux ou" sera-t-il adopté?

M. Forget: Oui, il est adopté.

Le Président (M. Laberge): C'est adopté. Maintenant, l'article 547 amendé sera-t-il adopté?

Mme Lavoie-Roux: Comment ça va finir votre...

M. Bédard: Alors, l'article proposé et le suivant sont une application du principe posé par l'article 539. Ils reprennent substantiellement les dispositions des paragraphes e) et f) de l'article 9.1 de la Loi sur le divorce. Toutefois, contrairement au droit actuel qui permet au tribunal de refuser de prononcer le divorce dans ces circonstances, l'article prévoit plutôt que le tribunal doit ajourner l'instruction. D'accord?

Le Président (M. Laberge): Alors, 547 amendé est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. 548, tel quel?

M. Bédard: Tel quel. L'article proposé et le précédent sont une application du principe de l'article 539. Ils reprennent substantiellement les mêmes choses que je viens d'évoquer.

M. Forget: C'est ça. On a déjà mentionné les arguments qu'ont fait valoir l'association des centres de service sociaux et le RAIF à ce sujet-là, demandant qu'une consultation obligatoire ait lieu. A ce moment-là, je pense que c'est ma collègue de L'Acadie qui les a fait valoir au début de la section plutôt qu'à cet article-ci en particulier.

Le Président (M. Laberge): 548, adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. 549.

M. Bédard: 549. L'article proposé reprend substantiellement les dispositions des articles 196 et 197 du Code civil applicables en matière de séparation de corps pour les étendre au divorce. Le deuxième alinéa de l'article s'écarte de l'article 9, paragraphe 2 de la Loi sur le divorce en permettant de faire usage des anciennes causes pour appuyer une nouvelle demande. L'exigence d'une déclaration écrite de réconciliation pour mettre fin à l'instance, tel que proposé par l'Office de révision du Code civil, n'a pas été retenue. En effet, l'objectif de la réconciliation a paru plus important que celui de la qualité de la preuve et il n'apparaît pas opportun en cette matière d'assujettir les époux à un tel formalisme.

M. Forget: J'admets la valeur de l'intention, M. le Président, mais est-ce que cela veut dire qu'une des parties à une instance de divorce peut prétendre qu'il y a eu réconciliation et doit à ce moment -c'est comme une espèce de procès à l'intérieur du procès - faire la preuve qu'il y a eu réconciliation sans pouvoir se prévaloir d'un écrit par son affirmation et par des éléments de preuves circonstantielles et si elle réussit dans cette preuve peut-elle

imposer à l'autre partie de reprendre l'instance avec tous les frais que cela implique? Est-ce qu'il faut refaire une déclaration, repayer les timbres judiciaires, recommencer pour se retrouver exactement dans le même état deux mois plus tard? (23 h 45)

M. Bédard: Si la preuve est très claire, à savoir qu'il y a eu réconciliation, à ce moment, l'instance doit être prise avec tout ce que cela implique.

M. Forget: Le seul fait que l'autre partie veuille continuer, il me semble que s'il n'y a pas de réconciliation, je vois l'intention, mais...

M. Bédard: Vous partez du principe qu'il y en a eu une. La preuve doit être très claire, à savoir qu'il y en a eu une.

M. Forget: S'il y a eu réconciliation, mais qu'il y a eu changement d'idée dans le fond et que...

M. Bédard: II faudrait lire 550 en même temps. Cela évite...

M. Forget: II faut donc qu'il y ait eu cohabitation pendant 90 jours.

M. Bédard: Pendant 90 jours; c'est la preuve que ça fait quand même assez...

M. Lalande: Je suis peut-être un petit peu en retard là-dessus, mais est-ce qu'il y a une possibilité de demande reconventionnelle au niveau du divorce? Je pense à cela en même temps. Est-ce qu'un époux peut demander, on n'a pas parlé de litispendance et tout cela, mais est-ce qu'un époux, par rapport à l'autre... Est-ce qu'il peut y avoir deux demandes et qu'elles soient entendues conjointement?

M. Bédard: Je pense qu'en vertu des principes généraux de la procédure civile il n'y aurait pas d'obstacle à ce qu'il y ait une demande reconventionnelle de divorce. Je pense que le nouvel esprit des dispositions que nous proposons va faire que les demandes reconventionnelles seront beaucoup moins utiles qu'autrefois parce qu'il y aura beaucoup de demandes conjointes, beaucoup de cas où les deux époux finalement vont agir de concert. Mais s'il s'agit, par exemple, de manquements graves, on peut imaginer effectivement, quand il s'agit de faute, que l'un des époux contre-attaque par une demande reconventionnelle. Ce n'est pas souhaitable. Ce n'est pas ce qui est souhaité, mais...

M. Lalande:Il n'y a aucune prohibition selon laquelle... Non, d'accord.

Le Président (M. Laberge): L'article 549 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 550.

M. Bédard: 550, adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 550 est adopté. Article 551.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, d'accord, allez-y pour 551.

Le Président (M. Laberge): Article 551, il s'agit de le biffer et de donner les raisons.

M. Forget: M. le Président, je pense que c'est à ce moment-ci que se pose la question qu'a soulevée le député de Saint-Louis relativement au début des effets et à la possibilité qu'il y ait un jugement provisoire et qu'il y ait un jugement définitif; le problème qu'il a soulevé, je pense qu'il est réel. Déjà je ne comprenais par pourquoi on éliminait un article qui dit tout simplement que le jugement est fait au moment où on ne peut plus aller en appel. C'est essentiellement ce que cela dit. Là, on enlève cet article, mais cela pose tout le problème de...

M. Bédard: II a été supprimé, parce que c'était le principe général qu'un jugement a force de chose jugée au moment où tous les délais d'appel sont épuisés.

M. Lalande: J'imagine que les délais sont toujours de trente jours. II y a toujours le mois d'après qui permet cette sécurité-là?

M. Bédard: C'est cela.

M. Blank: Oui, mais qu'est-ce qui arriverait durant ce mois-là?

M. Lalande: II ne peut pas aller en appel.

M. Blank: Non, mais le cas que j'ai soulevé et que le ministre a pris en note, c'est sur la question où une personne utilise les jugements... dans une autre juridiction. Elle peut se marier en ne sachant pas que son conjoint, la femme ou le mari, est allé en appel. Il n'y a aucune façon à la face même du jugement de dire si c'est un jugement final ou provisoire.

M. Bédard: II y a bigamie.

M. Blank: Lui, il ne le sait pas.

M. Lalande: Est-ce qu'on ne peut pas présumer de...

M. Blank: Ce n'est pas de la bigamie, s'il n'est pas au courant.

M. Lalande: Oui, mais l'officier qui va procéder à un nouveau mariage devra utiliser la même précaution que n'importe qui a à utiliser dans un jugement, c'est-à-dire s'assurer que les délais d'appel sont écoulés avant de procéder au mariage. Je pense que c'est...

M. Bédard: C'est la même chose pour l'annulation. La situation n'est pas différente de ce qu'elle est actuellement en vertu de la Loi fédérale sur le divorce.

M. Blank: Mais vous tenez pour acquis que tout le monde sait qu'il y a trente jours pour aller en appel.

M. Lalande: L'officier de justice qui marie devrait en tout cas le savoir.

M. Blank: Non, mais s'il se marie sous une autre juridiction?

Une voix: C'est cela.

M. Lalande: Dans une autre province?

M. Blank: Oui.

M. Lalande: Ce serait difficile de vous le dire.

M. Blank: Oui, c'est cela,

M. Bédard: II devra s'assurer s'il se marie que le premier mariage est annulé; une des façons de le savoir, c'est que le jugement...

Est-ce qu'on peut terminer? ... ait acquis cette force de chose jugée. C'est une vérification que devra faire l'officier qui procède à la célébration.

M. Blank: Si j'ai le nouveau projet de loi du Québec.

M. Bédard: Mais même si c'est ailleurs.

M. Blank: J'ai un divorce aujourd'hui. Je me rends dans un petit village dans le nord de l'Alberta où, selon la loi, le maire peut me marier ou le greffier, etc. Il me demande: Êtes-vous divorcé? Oui. Avez-vous un jugement? Oui. Je traduis le jugement en anglais. Le mariage est annulé à une telle date. Ce n'est pas tout le monde qui sait qu'il y a trente jours pour aller en appel et ce ne sont pas tous ces gens qui vont au bureau de l'avocat pour avoir une copie du jugement ou à la cour. Le fonctionnaire ne dit pas que cela peut prendre trente jours pour l'appel. Comment va-t-il le savoir? On doit être pratique. Donc, maintenant, quand vous avez un jugement final, dans le jugement final, c'est marqué que les délais d'appel sont expirés, que le jugement est valide et final. C'est marqué dans le jugement.

M. Bédard: Ce que je peux dire, c'est que, malgré la pratique fédérale actuelle qui prévoit un jugement conditionnel et un jugement final, il y a beaucoup de gens qui croient que le jugement conditionnel les libère, il y a un certain nombre de mariages qui ont été célébrés après le jugement conditionnel et avant le jugement final.

M. Blank: Oui, mais c'est indiqué sur le jugement que c'est un jugement conditionnel. Une personne peut comprendre très facilement que cela dit que c'est un jugement conditionnel. L'autre jugement est marqué "jugement final". C'est la différence.

M. Lalande: Ce que le député de Saint-Louis amène finalement, c'est que, d'accord, dans les règles ordinaires, il y a le délai de 30 jours qui doit être observé dans tout jugement. Pour qu'il soit exécutoire, par exemple, dans une autre province, il faut attendre 30 jours. Comme il s'agit d'un cas de mariage qui touche à la famille de façon plus précise, peut-être qu'il y aurait lieu d'indiquer dans le jugement que le jugement sera exécutoire dans 30 jours. Ce n'est pas plus malin que cela.

M. Blank: Même là, ce ne serait pas assez parce que peut-être, dans les 30 jours, est-on allé en appel.

Le Président (M. Laberge): Mme la députée de L'Acadie, vous aviez une question?

Mme Lavoie-Roux: C'est pour intervenir entre les articles 551 et 552, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Entre l'un et l'autre, parfait. Je retiens votre demande d'intervention.

M. Bédard: On pourrait peut-être vous demander sur quoi.

Le Président (M. Laberge): On est à l'article 551.

M. Lalande: M. le ministre, si quelqu'un...

M. Bédard: J'ai peur de savoir, on va

ajourner, si ça continue. Il faudrait vider ce point, quitte à ajourner après.

M. Lalande: Est-ce qu'on peut assimiler le fait qu'un officier de l'état civil, par exemple, procède à un mariage, ou que quelqu'un se marie pendant ces 30 jours, alors qu'il y a appel... Il n'y a pas de présomption de fraude à la loi, finalement, parce qu'en vertu du principe que personne n'est censé ignorer la loi...

M. Blank: Pas de mariage, pas de bigamie.

M. Marx: M. le Président, je pense qu'il faut revoir l'idée d'avoir un jugement conditionnel et un jugement final. La question a été soulevée, il y a quelques heures. Aussi, dans la loi fédérale sur le divorce, il y a...

M. Bédard: L'Office de révision du Code civil a analysé la loi fédérale sur le divorce et en arrive à la conclusion que nous évoquons dans ce qui est traduit par la décision que nous prenons. On pourrait peut-être poursuivre demain là-dessus.

M. Marx: Vous aurez le temps de réfléchir toute la nuit sur cela.

M. Bédard: Ce n'est jamais mauvais. Je vous promets de réfléchir toute la nuit.

Le Président (M. Laberge): Sur ce, mesdames et messieurs, la commission parlementaire de la justice ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 55)

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