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(Onze heures cinquante-trois minutes)
Le Président (M. Laberge): À l'ordre, mesdames et
messieurs!
La commission permanente de la justice reprend ses travaux pour
l'étude article par article du projet de loi no 89, Loi instituant un
nouveau Code civil et portant réforme du droit de la famille.
Les membres de la commission sont: M. Bédard (Chicoutimi), M.
Blank (Saint-Louis), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Char-bonneau
(Verchères), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Forget (Saint-Laurent),
M. Guay (Taschereau) est remplacé par M. Gosselin (Sherbrooke); Mme
LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine), M. Marquis (Matapédia).
Sont inscrits à titre d'intervenants: M. Cordeau
(Saint-Hyacinthe), M. Desbiens (Dubuc), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys) est remplacé par M. Marx (D'Arcy McGee); M.
Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski), M.
Pagé (Portneuf) est remplacé par M. Lalande (Maisonneuve).
Le rapporteur désigné est Mme LeBlanc-Bantey
(Îles-de-la-Madeleine).
Lors de la suspension des travaux, hier, nous en étions à
un nouvel article à insérer entre l'article 1 et l'article 2.
M. Bédard: M. le Président, si vous me permettez
quelques observations, simplement pour l'information des membres de la
commission. J'ai fait distribuer, tout à l'heure, les amendements que
nous nous proposions d'étudier concernant des articles qui avaient
été suspendus et sur lesquels des décisions devaient
être prises. Ce sont des amendements à des articles qui n'avaient
pas été adoptés; ils concernent des articles à
partir du début du projet de loi jusqu'aux articles relatifs à la
séparation de corps. Il y a également ceux concernant l'adoption,
un ou deux articles que nous avions laissés ouverts à la suite de
suggestions de l'Opposition, lors de discussions en commission. J'ai
déjà distribué, la semaine dernière, les
amendements concernant le divorce et la séparation de corps et, hier
soir, ceux concernant la résidence familiale. Cela permettra à
tous les membres de la commission d'en prendre connaissance.
Nous allons continuer, tel que vous l'indiquiez, M. le Président,
là où nous en étions rendus hier, c'est-à-dire
à l'article à insérer...
Le Président (M. Laberge): L'article 1.1.
M. Bédard: ... l'article 1.1.
De la célébration du mariage
(suite)
Le Président (M. Laberge): C'est cela. On nous demande
d'ajouter, après l'article 1, le suivant: "1.1 Le Code civil du
Bas-Canada est modifié en ajoutant, après l'article 7, le
suivant: 7.1 Le mariage célébré hors du Québec
entre deux personnes sujettes à ses lois, ou dont l'une seulement y est
soumise, est valable, s'il est célébré dans les formes
usitées au lieu de la célébration, pourvu que les parties
n'y soient pas allées dans le dessein de faire fraude à la
loi."
M. Bédard: M. le Président...
Le Président (M. Laberge): M. le ministre.
M. Bédard: ... c'est simplement technique. On s'en
rappellera, lorsque nous avons passé à l'article 420, nous ne
l'avions pas étudié justement en faisant référence
que cet article se retrouverait dans la section concernant le droit
international, C'est essentiellement la reproduction de l'article 135 du Code
civil à l'heure actuelle, de manière que, un peu plus tard, lors
de l'étude qui sera faite par des experts du livre 9 concernant le droit
international, on puisse grouper ensemble toutes les dispositions concernant le
droit international.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: "Usitées", cela veut dire en usage?
Pourquoi ne met-on pas "en usage"? Le monde ordinaire comprend plus cela que
"usitées".
M. Bédard: On aime autant ne pas toucher à la forme
de ce côté; c'est la reproduction de l'article qui
déjà couvrait...
M. Charbonneau: Je comprends, mais c'est un langage de
juriste.
M. Bédard: Qui changera lorsque aura lieu l'étude
du livre 9 sur l'ensemble des dispositions concernant le droit
international.
M. Charbonneau: Usitées ou en usage, il me semble qu'il
n'y a de danger à mettre en usage.
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Charbonneau: Je voudrais avoir une réponse.
M. Bédard: Je viens de vous la donner. Nous
préférons, en toute sécurité, ne reproduire que
l'article tel qu'il est présentement parce que, à un moment
donné, lors de l'étude du livre 9, des experts se livreront
justement à l'étude en profondeur de chacune des dispositions
concernant le droit international.
M. Marx: II y a toujours le danger qu'un jour un juriste dise:
Ils ont changé le mot "usitées" pour "usage", donc, ils ont voulu
effectuer un certain changement, donc, cela pourrait entraîner une
certaine jurisprudence inconnue. C'est cela, je pense, la raison.
M. Bédard: C'est exactement l'explication.
M. Forget: J'ai une question à poser, M. le
Président.
Le Président (M. Laberge): Allez-y, M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: Est-ce qu'il s'agit d'un article de droit nouveau ou
si l'on ne fait que reproduire une disposition actuelle du Code civil?
M. Bédard: On ne fait que reproduire l'article 135 du Code
civil. Comme l'article 135 fait partie d'une section qui va se trouver
abrogée parce qu'elle traite du mariage dans son ensemble, il ne fallait
pas perdre quand même cet article 135 en droit international
privé. Le déplacement à 7.1 est son contexte le plus
approprié actuellement dans le Code civil du Bas-Canada. C'est pour le
récupérer.
M. Forget: D'accord, oui. Article 170 du Code
Napoléon.
M. Bédard: C'est un peu pour cela aussi qu'il n'a pas
été retouché dans sa formulation. Il a été
simplement reproduit tel quel.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Maisonneuve.
M. Lalande: M. le Président, il y a évidemment eu
la correction du mariage célébré hors du Québec. Ce
que je voudrais comprendre, c'est que dans 1.1 on dit: Le Code civil du
Bas-Canada est modifié; pourquoi ne corrige-t-on pas tout en même
temps parce qu'il y a une correction, effectivement, par rapport à
l'article 135. Je comprends que c'est seulement au niveau de l'appellation,
mais on parle du mariage célébré hors du Québec.
Est-ce qu'on a - j'ai été absent pour un certain temps - fait la
correspondance entre Bas-Canada, la correction, par Québec? (12
heures)
M. Bédard: Oui, dans le projet, vous avez raison de noter
que le mot Bas-Canada n'est pas reproduit. Il faut dire que l'amendement qu'on
apporte au Code civil du Bas-Canada, on l'apporte depuis la
Confédération, donc il est plus compréhensible de parler
hors du Québec. Cela a été simplement une question de
s'ajuster à une réalité qui est la nôtre depuis 1867
dans ce sens-là.
M. Lalande: Oui, je suis entièrement d'accord.
M. Marx: C'est que, sur le plan géographique, le
Bas-Canada était plus petit que le Québec actuel.
M. Bédard: D'accord?
Le Président (M. Laberge): Alors, l'article 1.1 sera-t-il
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Maintenant, on
nous demande de remplacer le liminaire de l'article 2 qui suit par le suivant:
"Ledit code est modifié en ajoutant, après le titre premier du
Livre premier, ce qui suit:" Évidemment, on l'a déjà
mentionné plus haut. Alors, est-ce cet amendement au liminaire sera
adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Laberge): C'est une question de
forme.
Dispositions relatives aux enfants
Maintenant, l'article 2, qui comprend deux dispositions, a
changé. J'appelle, à l'intérieur de cet article 2,
l'article 30.
M. Bédard: M. le Président, l'article 30 s'inspire
de l'article 3 de la Loi sur la protection de la jeunesse. Il énonce
le
principe de la primauté de l'intérêt de l'enfant et
du respect de ses droits dans toute décision prise à son sujet.
Il détermine en outre certains critères qui doivent guider tous
ceux, parents, tuteurs, tribunal, etc., qui ont à prendre des
décisions à son sujet.
L'article 31 s'inspire de l'article 6 de la Loi sur la protection de la
jeunesse. Contrairement à la recommandation de l'Office de
révision du Code civil, l'article 31 ne fait pas d'obligation au
tribunal de consulter l'enfant. dn évite ainsi les consultations
inutiles de même que les traumatismes psychologiques que
créée chez l'enfant en bas âge une rencontre avec le juge.
Le tribunal exercera sa discrétion dans le meilleur intérêt
de l'enfant.
M. Forget: M. le Président.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: J'ai déjà souligné hier le
problème d'une attitude générale sur laquelle je pense il
vaut peut-être la peine de revenir puisque nous y revenons, de toute
façon, en vertu même des amendements qui nous sont soumis,
l'attitude générale d'intégration ou de
non-intégration du droit statutaire à l'occasion de la
révision du Code civil. On observe de ce côté-là une
attitude qui est loin d'être conséquente et suivie de la part du
gouvernement. Encore une fois, du côté de certaines lois
statutaires, on les intègre, du côté d'autres, qui ne sont
pas différentes quant à leur implication ou quant à la
proximité qu'elles entretiennent sur le plan de la nature même de
leurs dispositions avec le Code civil, on choisit, au contraire, de ne pas les
intégrer. Parmi celles que l'on intègre, il y a, bien sûr,
la Loi sur l'adoption, que l'on intègre presque totalement soit au Code
civil, soit au Code de procédure civile, nous dit-on. Enfin, on nous
laisse envisager que plusieurs dispositions de la Loi sur l'adoption seront
intégrées au Code de procédure civile et on sait
déjà que les dispositions substantives ou substantielles de la
Loi sur l'adoption font déjà partie du projet qui est devant
nous.
Quand on est arrivé à la protection de la jeunesse, hier,
à l'occasion de notre discussion du chapitre sur l'autorité
parentale, on a raté plusieurs belles occasions d'établir la
correspondance entre les deux lois, d'intégrer les dispositions
substantielles de la Loi sur la protection de la jeunesse dans ce chapitre sur
l'autorité parentale, ce qui aurait permis de rénover de
façon fondamentale le concept plutôt statique et surané, je
dois le dire, qui se dégage de la lecture du chapitre sur
l'autorité parentale. Voici qu'au titre premier, on recommandait dans
l'ensemble d'intégrer au Code civil ce qui constitue le chapitre premier
ou le titre premier de la Loi sur la protection de la jeunesse, où on a
fait un effort valable, d'après la plupart des observateurs, pour
préciser une bonne fois, dans un langage juridique, la conception des
droits de l'enfant, du statut de l'enfant dans la société, au
regard de la loi. Je pense que ces dispositions ont déjà
résisté avec succès à un certain effort d'analyse,
de débat, à un certain examen et à une certaine mise en
application. S'il y a des questions qui se posent sur la loi 24, ce n'est pas
au niveau des déclarations de principe, c'est au niveau de certaines
procédures.
L'Office de révision du Code civil avait suggéré
que, dans le chapitre sur la personne humaine, le titre deuxième, le
chapitre premier parle de dispositions générales, ce sont
essentiellement les droits à l'intégrité physique et
morale de la personne humaine. Le chapitre deuxième devait, selon eux,
être consacré aux dispositions relatives aux enfants. On y
trouvait là les articles 24 à 31. Les énoncés qu'on
retrouve à ces articles vont beaucoup plus loin que les deux seuls qui
ont retenu l'attention du ministre et permettent de situer beaucoup plus
adéquatement les relations de droit entre les parents et l'enfant ou
l'ensemble de la société et un enfant.
Je pourrais faire la lecture de chacun de ces articles, mais je m'en
abstiendrai. Je veux simplement souligner au passage que l'article 24, par
exemple, parle du droit de l'enfant à l'affection et à la
sécurité que les parents, ou ceux qui en tiennent lieu, sont en
mesure de lui donner. On dépasse de beaucoup la simple obligation de
subsistance ou d'obligation alimentaire, mais c'est une dimension essentielle
des responsabilités de la société et surtout de la famille
vis-à-vis de l'enfant. C'est une règle qui devrait être
présente pour permettre à un tribunal d'apprécier
justement un certain nombre de réclamations qui peuvent être
faites, ou d'instances qui peuvent être logées, qu'il s'agisse de
la déchéance de l'autorité parentale, de la
déclaration d'adoptabilité. Il faudrait bien juger cela en
fonction de critères qui existent en vertu du droit, qui seront reconnus
en vertu du droit et par les tribunaux. Si la seule question qu'on devait se
poser était: Est-ce que ces enfants meurent de faim?, je pense qu'on
aurait une réponse qui est un peu courte.
Je comprends que l'intérêt de l'enfant et le respect de ses
droits, cela a l'air d'être une disposition englobante. C'est la
référence qu'on fait à l'article 3 qu'on nous soumet,
où on semble vouloir dire ce que sont le respect des droits de l'enfant
et son intérêt. À moins d'aller un peu plus loin et de
fournir une explication de ces termes, ce sont des termes que les tribunaux
seront peut-être appelés à interpréter, soit
à la lumière d'une jurisprudence qui peut être
plus ou moins claire ou à la lumière de la signification
traditionnelle de ces termes, les seuls qui soient consacrés dans le
Code civil; le respect de l'obligation alimentaire. Je pense que le Code civil
est en plus une très belle occasion pour permettre au gouvernement
d'énoncer ce à quoi il s'oppose avec autant de force de voir
énoncé par une déclaration des droits incorporée
dans une constitution canadienne, il proclame si haut sa volonté de ne
pas être contraint ou restreint dans l'exercice du pouvoir
législatif au niveau des provinces par des prescriptions imperatives qui
se retrouveraient dans une charte fédérale des droits. Admettons
que cet argument soit fondé pour un instant, il ne vaut en pratique que
dans la mesure où un gouvernement du Québec, l'Assemblée
nationale du Québec, choisit d'exercer ces pouvoirs. Si on ne les exerce
pas, si on est trop timide ou paresseux pour le faire, je pense qu'on a une
bien faible justification pour s'indigner qu'une autre juridiction, même
pas une autre juridiction, que la loi fondamentale du pays vienne
édicter des règles qu'on n'a pas le courage, encore une fois,
l'énergie nécessaire pour énoncer et faire figurer dans le
Code civil.
Étant donné qu'on veut changer, avec raison, le droit de
la famille, il me semble qu'étant donné que toutes ces questions
du droit et du respect de la personne humaine, y compris les enfants,
constituent une excellente occasion pour démontrer par des actes, pas
seulement par des paroles, que l'on prend vraiment au sérieux les
protestations qu'on fait relativement à une charte des droits, s'il est
vrai que l'Assemblée nationale peut relever ce défi, qu'elle le
fasse donc. Combien de siècles faudra-t-il attendre pour qu'elle s'en
préoccupe?
Le ministre va nous donner des explications plutôt techniques en
disant, comme il a dit hier: On a choisi de faire cela parce que c'est plus
simple ou parce que c'est une loi récente ou parce qu'on n'a pas
terminé notre évaluation de la loi 24, etc. Ce sont tous des
prétextes qu'on peut invoquer. Il n'y a pas d'erreur. Je pense que c'est
bien évident que cet objectif de profiter de cette ouverture de
l'ensemble du Code civil pour poser certains principes généraux,
affirmer l'existence de certains droits de façon catégorique,
n'est pas une occasion dont le gouvernement actuel a touvé
intéressant de se saisir et d'utiliser, d'exploiter pleinement.
Là-dessus, nous ne nous entendrons pas parce qu'il nous
paraît qu'il était approprié et nécessaire d'agir de
cette façon. Ce n'est pas le temps qui a manqué, encore une fois.
On a pris tout le temps nécessaire pour réfléchir à
tout cela. Cela fait deux ans et demi que le ministre s'interroge, se
questionne, étudie, se fait conseiller. Deux ans et demi dans la vie
d'un gouvernement, c'est long. On ne peut pas dire qu'on n'a pas eu le temps de
le faire. Si on ne l'a pas fait, c'est qu'on ne veut pas le faire.
On me permettra de terminer ces remarques d'introduction relativement
à ce chapitre, à ce titre en quelque sorte qui est bien court,
qui se résume à deux articles et qui devrait être bien plus
long, dans le fond, en déplorant que ce soit là la conclusion
finale du ministre de la Justice et du gouvernement actuel.
Le Président (M. Laberge): M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, le député
de Saint-Laurent réitère une préoccupation qu'il avait
énoncée hier. Je dois lui dire que nous avons également eu
cette préoccupation dont il fait état ce matin de nouveau. Je
trouve très intéressant qu'il réponde, pour moi, d'une
certaine façon; mais qu'il présume de la réponse que je
dois donner, il met en lumière le fait que c'est peut-être mieux
que je réponde moi-même, parce que la réponse qu'il me
prête n'est vraiment pas conforme à la préoccupation que
nous avons eue que se retrouvent à l'intérieur du Code civil tous
les grands principes qui sont contenus dans la Loi sur la protection de la
jeunesse.
J'inviterais le député de Saint-Laurent, avant de dire
qu'il n'a pas décelé cette préoccupation qu'il
évoque chez le législateur, à relire peut-être un
peu plus attentivement le projet de loi, et peut-être certains
amendements que nous nous sommes déclarés disposés
à apporter, d'abord concernant l'article 24 de l'Office de
révision du Code civil; si le député de Saint-Laurent va
plus loin dans le projet de loi, il verra, à l'article 57, que nous
demandons un amendement à la Charte des droits et libertés pour
reprendre l'essentiel de ce qui est contenu dans cette disposition. (12 h
15)
Hier soir, lorsque nous avons étudié l'autorité
parentale, à l'article 641, nous avons répondu favorablement
à la suggestion de l'Opposition d'y inclure d'autres principes qui sont
contenus dans le projet de l'Office de révision du Code civil. Pour ce
qui est de l'article 25 de l'Office de révision du Code civil, nous le
retrouvons à l'article que nous étudions. Pour ce qui est des
articles 26 et 27, nous l'avons déjà indiqué, cela se
retrouvera au niveau du Code de procédure civile, parce que nous croyons
que c'est là que cela doit se retrouver.
Je pense qu'à partir de ces éléments, M. le
Président, non seulement nous pouvons dire que nous avons eu la
préoccupation de réinscrire les principes fondamentaux qui
étaient contenus dans la Loi sur la protection de la jeunesse et dans
l'Office de révision du Code civil, mais nous avons
trouvé le moyen d'insérer le contenu de ces articles. Que
ce ne soit pas la reproduction intégrale des articles, je pense bien
qu'on ne nous en fera pas grief. Ce qui est important, c'est que le contenu de
ces articles et la préoccupation qu'ils évoquent soient
présents au niveau du Code civil. C'est cet objectif que, je crois, nous
pouvons dire avoir atteint de la façon la plus raisonnable possible.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Maisonneuve.
M. Lalande: M. le Président, pour ma part, je constate
avec satisfaction qu'il y a certains articles de la Loi sur la protection de la
jeunesse qui sont incorporés au Code civil. Cependant, dans la
même foulée que mon collègue de Saint-Laurent, je trouve
qu'on manque une belle occasion, à ce stade-ci, d'intégrer -
c'est le sens d'un code civil - toutes les lois. Bien sûr, on peut
ajouter des lois statutaires - improprement appelées je crois - mais des
lois diverses, en tout cas, qui tournent autour de la protection des droits des
enfants, mais cette interrogation que nous faisons, si elle n'est pas prise en
considération sérieusement cette fois-ci, il faudrait tout de
même y revenir, parce que c'est véritablement
d'intérêt public.
J'entendais le député de Verchères qui disait:
Utilisez des mots pour le monde ordinaire à l'intérieur du Code
civil. Je pense que le fond de cette interrogation est très saine, que
tous se comprennent à l'intérieur de cela. Évidemment, il
faut toujours en rester à un niveau de précision qui ne peut pas
être accessible à tout le monde. On ne peut pas lire le Code civil
comme on lit un roman. Je pense qu'il est normal qu'on s'astreigne à
quelque chose de plus rigoureux.
Cependant, si on revient à cette interrogation de fond qu'un code
doit être pour le monde ordinaire, justement, le Code civil, c'est une
refonte de différentes lois de ce code. On avait peut-être
l'occasion de retrouver, au moins dans un seul bouquin, l'essentiel de la
protection qu'on accorde aux personnes ou aux enfants, etc. Encore une fois, on
va être obligé de fouiller dans deux, trois ou peut-être
cinq lois, combien il y en a. C'était une occasion unique de ramener
cela dans un creuset, qui s'appelle le Code civil, pour se comprendre.
Pensons à quiconque veut s'intéresser aux parents ou qui
que ce soit; on aurait l'impression, avec un nouveau code civil, que les droits
aux enfants, aux personnes se retrouvent à l'intérieur de ce
même bouquin, qui est l'essentiel. Encore une fois, on ne pourra pas s'y
retrouver. Il faudra aller vérifier la Loi sur la protection de la
jeunesse. Évidemment, on légifère un peu par anticipation
avec la Loi sur le divorce et tout cela, mais c'est cette préoccupation
de fond, autant que possible. C'est cela, l'esprit véritable dans notre
Code civil, comparativement à ce qu'on observe dans la "common law",
etc. C'est de partir de ces principes et les établir non seulement dans
un canevas, mais un code de tout, j'allais dire du droit privé des gens.
C'est extrêmement important. C'est un peu comme si on faisait une
constitution publique - vous êtes devenus des experts là-dedans,
pour en préparer et pour y travailler - qu'on omettait des notions
essentielles à l'intérieur de cette constitution publique et
qu'on retrouvait cinq ou six lois un peu partout.
Il est évident que le simple citoyen aura toujours besoin d'avoir
recours à des experts de plus en plus spécialisés dans ces
secteurs pour être capable comprendre l'ensemble. Ceci est inacceptable,
je pense bien, au niveau d'une constitution, mais si on arrive avec le droit
privé des gens, qui est tout à fait essentiel, on en arrive
encore une fois à scinder, différentes lois qu'on retrouve un peu
partout. Je comprends qu'il y a eu un essai - on le constate, parce qu'il y a
eu intégration - mais il me semble qu'on a quand même raté
une belle occasion d'intégrer; et pourtant, ça fait 22 ans qu'on
y travaille.
Il me semble que les droits de protection des enfants, ce ne sont quand
même pas des droits à l'essai. On nous dit que la Loi sur la
protection de la jeunesse est une nouvelle loi et qu'il faut la roder. On ne
demande pas d'indiquer toute la procédure dans le Code civil, mais le
fondement, et ces droits ne devraient pas, à mon avis, encore une fois,
être des droits à l'essai, mais des droits véridiques
auxquels on a pensé et qu'on veut intégrer à
l'intérieur du Code civil.
Évidemment, je sais que le ministre y a pensé, mais il
faudrait peut-être faire un effort en vue d'avoir une meilleure refonte.
Comme le dit le projet de loi - qui est une refonte du Code civil - il faut
véritablement refondre.
M. Bédard: On y a plus que pensé, on s'y est
attardé le temps qu'il fallait. Je voudrais quand même porter
à l'attention des membres de la commission que l'ensemble des
dispositions auxquelles on se réfère concernant l'Office de
révision du Code civil se retrouve dans le chapitre 1 qui concerne les
personnes. Par conséquent, il y a certaines dispositions concernant les
enfants qui seront évidemment, à ce moment-là,
étudiées plus en profondeur au niveau de la réforme du
chapitre 1. Il faudrait quand même toujours avoir à l'esprit que
nous avons présentement devant nous non pas un projet de refonte de tout
le Code civil, mais d'un chapitre particulier, celui concernant la famille.
Nous y avons tellement pensé que nous
aurions très bien pu dire: Concernant tous ces problèmes,
tout ce qui est des principes qui rejoignent la loi 24, comme c'était
dans le livre 1 de l'Office de révision du Code civil, nous avons
pensé que c'était là que ça pourrait se faire. Au
contraire, nous avons fourni les efforts nécessaires de réflexion
pour faire en sorte que tous les grands principes qui se retrouvent à ce
chapitre, à ces dispositions relatives aux enfants contenues dans le
projet de révision du Code civil, pour que tous ces grands principes,
dis-je, que nous pouvons en extraire et qui peuvent raisonnablement se
retrouver à l'intérieur de la section que nous étudions le
soient.
Je pense qu'il est difficile - je comprends la préoccupation des
membres de l'Opposition et je la partage, d'autant plus que je l'ai
déjà partagée préalablement - de faire des
reproches parce qu'on s'aperçoit que... Je l'ai dit tout à
l'heure, je ne pense pas que ce soit nécessaire, car l'essentiel de
presque tous les articles concernant les dispositions relatives aux enfants qui
se trouvent dans le projet de révision du Code civil sont effectivement,
pour autant que c'est possible, pour autant que c'est cohérent aussi
avec une étude à venir concernant les personnes, le
résultat des efforts nécessaires pour les en extraire dès
maintenant et pour que ces dispositions se retrouvent au niveau du chapitre
concernant la famille, mais il faut que le tout reste cohérent.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Le ministre a mentionné que l'article 57 va
modifier l'article 39 de la Charte des droits et libertés de la
personne.
M. Bédard: Pour être plus précis, j'ai dit
que c'est là que se retrouverait l'essentiel du contenu de l'article 24
qu'on évoquait tout à l'heure.
M. Marx: Ici, je vois qu'on modifie l'article 39 de la Charte des
droits et libertés de la personne, mais, selon moi, le nouvel article et
l'article original sont pareils, je n'y vois pas de distinction.
M. Bédard: Quand on arrivera à cet article, on
pourra peut-être en discuter plus en profondeur, si vous avez des
suggestions à faire.
M. Marx: D'accord. De plus, j'aimerais souligner qu'il y a une
différence si cette protection de l'enfant se trouve dans la charte ou
dans le Code civil parce que, dans la charte, à l'article 39: "Tout
enfant a droit à la protection, à la sécurité et
à l'attention que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui
en tiennent lieu." Il n'y a pas de sanction, si je me souviens bien, dans la
Charte des droits et libertés de la personne, en ce qui concerne cet
article, quoique, si on met un tel article dans le Code civil, il y ait des
sanctions si les droits de l'enfant ne sont pas respectés parce
qu'à l'article 47 de la charte des droits, on prévoit: "Les
époux ont, dans le mariage, les mêmes droits, obligations et
responsabilités." Ce n'est pas la même chose d'avoir cet article
dans la charte et de l'avoir dans le Code civil.
M. Bédard: Sauf qu'essentiellement, nous avons le contenu.
Nous avons également voulu amender la charte pour que cela se retrouve
partout, mais l'essentiel du principe qui est contenu au niveau de cet article
se retrouve également quand on est face aux amendements que nous avons
accepté d'apporter. Je pense que le seul reproche qu'on pourrait nous
faire, et ce ne serait pas un reproche, c'est une question de cohérence,
ce serait de ne pas retrouver textuellement tous ces articles de l'Office de
révision du Code civil, à un moment donné, dans la
même disposition. Ce dont nous avons la préoccupation, que nous
partageons avec les membres de l'Opposition pour autant que le tout demeure
cohérent, c'est que se retrouvent les principaux principes
évoqués par l'Office de révision du Code civil dans ce
secteur.
M. Forget: M. le Président, dans la même veine. Mon
collègue vient de souligner le problème de la division qui est
faite entre certaines dispositions qui sont introduites dans la Charte des
droits et libertés de la personne et d'autres dispositions qui sont
introduites au Code civil. Il y a là évidemment un choix qui a
des implications différentes. On se demande si cette distinction est
toujours valablement faite. Ses remarques ont eu pour effet de suggérer
que, d'une façon ou d'une autre on s'occupait d'intégrer en
quelque sorte tous les droits des enfants qui se retrouvent dans la Loi sur la
protection de la jeunesse. Il y en a certainement deux pour lesquels ceci n'a
pas été fait et qui nous semblent pertinents dans le cadre d'une
révision du Code civil. Il y a, par exemple, l'article 4 de la Loi sur
la protection de la jeunesse qui se réfère à la
façon avec laquelle les décisions d'un tribunal doivent
être rendues, à la préoccupation qui doit être
présente lorsqu'un tribunal doit rendre une décision relativement
à un enfant.
Je lis l'article 4: Ces décisions, c'est-à-dire les
décisions d'un tribunal, entre autres, ou les décisions de toute
espèce d'intervenant, doivent tendre à maintenir l'enfant dans
son milieu naturel. Si l'enfant n'a pas de famille ou s'il faut l'en retirer,
ces décisions doivent tendre à lui assurer les
conditions de vie et de développement se rapprochant le plus de
celles d'un milieu familial normal. Quand on pense à toutes les
décisions qui vont être prises à tous les chapitres du Code
civil relativement aux enfants, c'est une considération pertinente. Il y
en a une autre qui se retrouvait dans les recommandations de l'Office de
révision du Code civil, à savoir de permettre de désigner
un avocat, un procureur lorsque le tribunal est d'avis que
l'intérêt de l'enfant l'exige. C'est une recommandation qui a
été soulignée dans certains commentaires qui ont
été faits au sujet du projet et qui est absente, mais que
certains groupes, plusieurs groupes, je pense, tous ceux qui se sont
exprimés à ce sujet souhaitent voir se retrouver.
Je pense que nous ne sommes pas devant une situation où, d'une
façon ou d'une autre, on s'est préoccupé de toutes ces
questions; on y est allé de façon extrêmement
sélective, semble-t-il. Lorsqu'on a agi, il n'est pas très clair
pourquoi on a agi au niveau de la Charte des droits et libertés de la
personne à certains moments et au niveau du Code civil à d'autres
moments. Je pense que cela mériterait d'être clarifié
beaucoup mieux que cela ne l'est, du moins à première vue et
même un peu plus qu'à première vue.
M. Bédard: Je vais prendre note. Il resterait les deux
suggestions que vient d'évoquer le député de
Saint-Laurent. Pour ce qui est des autres sujets d'intérêt, je
pense y avoir répondu valablement. (12 h 30)
M. Blank: Une courte intervention. Quand vient la question des
droits des personnes et, dans ce cas-ci, ceux des enfants, si on a le choix,
dans le sens qu'on discute maintenant de les enchâsser dans la
constitution... Mettons cela de côté pour le moment. Du
côté de la protection, dans le sens d'une plus grande protection
aux personnes, ce qui serait enchâssé dans une constitution serait
difficile à faire amender, on a trois choix ici: on a le bill 24, la
Charte des droits et libertés de la personne et le Code civil. À
mon avis, avec l'expérience parlementaire que j'ai, le seul qui est le
moins modifié, le seul , je crois, auquel on pense une deuxième
ou une troisième fois avant d'y toucher, c'est le Code civil. Or, c'est
la base de notre civilisation provinciale.
C'est plus facile de toucher à une loi et même à une
charte. Les politiciens penseraient facilement retoucher une loi ou même
à une charte, mais ils y penseraient deux fois avant de toucher à
un code. C'est pour cela que je dis que, quand on parle de protection, c'est
mieux de la placer dans le code pour être certains d'avoir cette
protection que de dire: On ne la mettra pas dans le code, on va la mettre dans
une loi, dans la charte. J'aimerais que ce soit dans le code. Si on veut la
mettre dans d'autres lois pour d'autres raisons, "I see them on the cake",
comme on dit en anglais, d'accord, mais la protection de base, on doit la
trouver dans le code, c'est notre constitution civile dans un sens; moins on y
touche, mieux c'est pour la population.
M. Bédard: J'ai pris note des deux suggestions. On
pourrait évaluer et voir si elles ne peuvent pas être mieux
traitées à un autre chapitre qu'à celui que nous
étudions présentement. Je ferai remarquer au député
qu'il y a eu quand même au-delà de 200 modifications au Code
civil. Je me permets non seulement de réfléchir tout haut, mais
je crois que cela devra être traduit en termes pratiques et en
décisions. Je pense qu'il y aura nécessité au
Québec qu'il y ait une sorte de commission permanente de la refonte du
Code civil, de manière que, justement, lorsque des amendements sont
nécessaires, à ce moment, les parlementaires puissent profiter de
l'expérience et de la réflexion des membres de cette commission
pour procéder à des amendements. Je suis convaincu qu'il y a
plusieurs amendements qui auraient pu être faits au cours des
années au niveau du Code civil et qu'ils ne l'ont peut-être pas
été parce qu'il n'y avait pas un groupe spécial qui
réfléchissait sur les amendements. Il y avait sûrement un
groupe spécial depuis 23 ans qui réfléchissait sur
l'ensemble de la refonte du Code civil. On doit en être reconnaissants
à ces membres. Un de ceux-là est avec nous, M. Guy, qui a
été durant dix ans associé à ces travaux.
Peut-être que c'est un instrument de plus qu'il faudra se donner
rapidement en fonction de l'avenir.
M. Lalande: Je pense que le ministre est conscient que ce vieil
adage que "nul n'est censé ignorer la loi" est de plus en plus
désuet et tout à fait anachronique. Le fond de tout ceci, c'est,
encore une fois, autant que possible, surtout quand il s'agit d'une
constitution privée des gens, si on peut dire, pour essayer de rattacher
cela autant que possible au même endroit pour que tout le monde puisse
s'y référer facilement, qu'il faut que cela devienne rapidement
le code de référence.
M. Bédard: Comme je crois aussi qu'il faut avoir
l'humilité de penser que ce que nous faisons aujourd'hui ne doit pas
être coulé dans un ciment tel que cela ne puisse pas être
amendé au cours des cent prochaines années. Ce serait, à
ce moment, se donner un don de clairvoyance sur l'évolution de la
société que nous n'avons pas.
M. Lalande: Le but de mon intervention, ce n'est absolument pas
d'immobiliser l'évolution, mais, au moins, qu'on puisse constater
à même le même bouquin de références,
l'évolution, si cela change, à partir de là.
Le Président (M. Laberge): L'article 30 sera-t-il
adopté?
M. Bédard: Je n'ai pas d'autres remarques à faire
sur les articles 30 et 31, qui se rejoignent.
Le Président (M. Laberge): ... qui se rejoignent.
L'article 30 sera-t-il adopté? M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Non. On dit: "On tient compte, notamment, de
l'âge, du sexe, de la religion, de la langue, du caractère de
l'enfant, de son milieu familial et des autres circonstances dans lesquelles il
se trouve." Lorsqu'on applique cela dans les circonstances concrètes,
par exemple, dans l'adoption, il y avait une pratique immémoriale au
Québec au moins - je ne sais pas si le parallèle se trouve
ailleurs -qui voulait qu'on ne permette l'adoption d'enfants même
naissants issus d'une mère ou de parents - si on connaissait les deux
parents - catholiques, à moins que la famille adoptive ne soit
catholique. De façon semblable, on ne permettait l'adoption d'un enfant
protestant que par une famille protestante, etc. et on pourrait aller comme
cela assez loin.
Est-ce que le but visé, ou l'effet, même si ce but n'est
pas visé, du deuxième alinéa n'est pas de continuer ou de
donner une assise juridique à la continuation de cette tradition qui
n'est pas nécessairement, ou, que certaines personnes jugeraient ne pas
nécessairement être dans l'intérêt de l'enfant? Si un
enfant vietnamien ou cambodgien est offert ou est disponible pour adoption,
est-ce qu'il faudra attendre une famille cambodgienne ou vietnamienne pour
l'adopter? On se rend compte tout de suite que, dans certains cas,
évidemment, cela pourrait constituer un frein sérieux.
Je n'ai pas de querelle en soi avec la notion qu'on tient compte de
tout. Dans le fond, le problème n'est pas de savoir si on tient compte
de tout, mais de savoir comment on en tient compte.
M. Bédard: Je pense...
M. Forget: Évidemment, on me dira: Le premier
alinéa dit que cela se fait dans l'intérêt de l'enfant. On
tient compte de tout dans l'intérêt de l'enfant, mais dans le fond
cette interprétation enlève presque son sens au deuxième
alinéa. Si l'intérêt de l'enfant est dominant, qu'on tienne
compte de tout ou non, de toute façon, cela ne change rien.
Je ne sais pas vraiment quelle situation on a à l'esprit, que
l'on veut résoudre par ce deuxième alinéa. On tient compte
de l'âge, du sexe... Je comprends qu'on ne peut pas... Par exemple, dans
l'adoption, on disait: II faut qu'il y ait un écart d'âge de 18
ans. C'est une façon de tenir compte de l'âge mais, justement, la
loi n'a pas dit: On tient compte de l'âge. On met une limite
précise, on dit comment on en tient compte. Quand on ne dit pas comment
on tient compte de tout cela, cela donne ouverture à beaucoup
d'interprétations.
M. Bédard: Sûrement, ce n'est pas l'objectif que
nous voulons atteindre, celui qui a été évoqué par
le député de Saint-Laurent. La phraséologie que nous avons
présentement représente un assouplissement par rapport à
ce qui existait déjà. On retrouve exactement le même
libellé dans le rapport de l'Office de révision du Code
civil.
M. Forget: Oui, oui. Là-dessus, vous avez raison, c'est le
même libellé.
M. Bédard: II s'agit d'un ensemble de critères non
limitatifs, bien sûr, qui donnent un petit peu de contenu ou de termes de
référence, peut-être au tribunal quand il s'agira
d'étudier ou d'évaluer l'intérêt de l'enfant. C'est
sûr que le premier alinéa est suffisant en termes de règles
de principe. Je pense que le deuxième présente peut-être
deux intérêts; celui de fournir, en tout cas, des critères
assez nombreux sans que ce soit limitatif, d'une part. Donc cela indique ce
qu'il est bon d'examiner.
Deuxièmement, justement parce que certains de ces critères
dans la loi d'adoption actuelle étaient considérés comme
étant assez absolus, cela permet de voir maintenant qu'ils ne le sont
plus, si jamais le tribunal pensait que la religion, par exemple, la langue ou
enfin certains autres critères devaient être appliqués
d'une façon un peu absolue. Ils pourraient se rendre compte, me
semble-t-il, par la formulation même de l'article, que ce sont là
des critères parmi bien d'autres. Ce qui est important, c'est de
considérer peut-être l'ensemble de la situation de l'enfant et de
voir ce qui est le mieux, une fois que tout a été
pesé.
M. Forget: Oui, mais, M. le Président, quand on dit: On en
tient compte, on ne veut certainement pas dire qu'on n'en tient pas compte.
M. Bédard: C'est certain.
M. Forget: II reste qu'une fois qu'on l'a dit, je pense qu'on lie
un peu les mains du
tribunal qui, parfois, dans l'intérêt de l'enfant, pourrait
vouloir ignorer une circonstance.
M. Bédard: En tenir compte ne veut pas dire être
emprisonné par le fait qu'on en tient compte. Cela veut simplement dire
en faire l'évaluation et le tribunal a toujours la discrétion,
parce qu'on ajoute aussi, d'une façon non limitative, toutes les autres
circonstances dans lesquelles il se trouve, ce qui fait qu'un tribunal peut
très bien avoir tenu compte de l'âge, du sexe et de la religion
et, tenant compte aussi des autres circonstances, pondérer la
décision qu'il aura à rendre.
M. Forget: M. le Président, je ne peux être d'accord
avec cette interprétation, parce qu'un tribunal à qui on ne dit
rien, on n'a pas à présumer qu'il peut ignorer une partie de la
réalité, si cette réalité, quelqu'un en fait la
preuve devant lui. Si quelqu'un n'en fait pas la preuve devant lui, de toute
manière, il ne pourra pas en tenir compte. Donc, le tribunal est passif,
il attend qu'on fasse une preuve. Si on ne lui dit pas qu'il doit tenir compte
de la réalité, il en tiendra compte. Si on dit qu'il doit en
tenir compte, à ce moment-là, il faut donner une signification
à cette invitation pressante d'en tenir compte. Cependant, tout ce que
ça veut dire, il n'est pas nécessairement obligé d'en
tenir compte au niveau de la preuve. Cela va de soi. Il est obligé d'en
tenir compte au niveau de la décision.
Il me semble que si on lui dit qu'il doit en tenir compte au niveau de
la décision, il ne pourra tout simplement dire: Cela, je ne veux pas en
tenir compte au niveau de la décision. Cela doit, me semble-t-il - je le
soumets humblement, je ne suis pas un expert en interprétation des lois
contraindre son jugement, contraindre ses décisions par rapport à
une situation où on ne lui dirait rien.
Vous savez, quand nous avons soulevé tout à l'heure la
question des droits des enfants dans la Loi sur la protection de la jeunesse,
ce n'est pas simplement dans un but d'élégance
législative. C'est que, lorsque ceux qui ont participé à
la rédaction de ces articles se sont posé la question de savoir
comment, juridiquement, on peut définir de façon
opérationnelle ou opératoire l'intérêt de l'enfant,
on ne peut pas tout simplement dire qu'il faut faire le bien et éviter
le mal, il faut suggérer des façons de régler les
problèmes.
Tous les articles qui suivent l'énoncé que le respect des
droits de l'enfant doit être un motif déterminant des
décisions prises à son sujet en vertu de la présente loi,
qui est l'article 3 de la Loi sur la protection de la jeunesse, tous ces
articles constituent des façons d'interpréter
l'intérêt de l'enfant, et des façons opérationnelles
mais pas en disant qu'il faut tenir compte de son milieu naturel. On a dit:
Non, quand il y a une décision à prendre, on favorise le milieu
naturel par rapport à des milieux qui ne sont pas des milieux naturels.
C'est une indication, je pense, qui est compréhensible et qui permet
d'actualiser ce que veut dire l'intérêt de l'enfant.
Au deuxième article qui constitue une illustration, l'article 5,
on dit: Quand la loi confie des responsabilités à l'enfant, les
législateurs ont un devoir d'informer l'enfant. Ils ne doivent pas
traiter l'enfant comme une chose, mais le traiter comme une personne capable de
comprendre, à des degrés divers, bien sûr, mais toujours
inciter la compréhension par l'enfant des choses qui sont faites
à son égard. C'est une façon d'interpréter
l'intérêt de l'enfant, ça aussi.
À l'article 6, troisième illustration. Quand les
législateurs sont appelés à prendre des décisions
à l'égard de l'enfant, ils doivent donner à l'enfant et
à ses parents la chance de se faire entendre. Autrement dit, on
reconnaît l'existence de la famille, qui impose de respecter sa
volonté ou au moins de respecter son opinion relativement à ce
qui l'affecte. C'est une autre façon d'illustrer la situation. Mais, si
on ne va pas aussi loin que ça, on demeure au niveau des voeux pieux,
c'est une question d'opinion: Devant une chose qui sera faite par l'un dans
l'intérêt de l'enfant, son voisin dira: Bien non, c'est contraire
à son intérêt. Il faut que le législateur aille
au-delà d'un énoncé de principe. Quand on dit tout
simplement: il faut tenir compte de tout ça, je vous avoue franchement
que ça me fait peur parce que je me dis que ça ne peut pas
vouloir dire autre chose que des contraintes et des contraintes
imprécises, des contraintes que chaque juge, que chaque intervenant, que
ce soit un juge, si on parle du code, chaque juge interprétera à
sa façon, mais créera des précédents et
créera une jurisprudence. Vraiment, là, c'est du droit fait par
des juges mais sans qu'on donne au juge un fil conducteur. (12 h 45)
M. Bédard: Peut-être peut-on répondre
à cette préoccupation du député de Saint-Laurent au
niveau simplement de la phraséologie. Le député de
Saint-Laurent pense qu'à partir du moment où on emploie
l'expression "on tient compte", ça impliquerait que, lorsque le
tribunal... On indique un fil conducteur et cela pourrait aller jusqu'à
indiquer que le tribunal, lorsqu'il n'en tient pas compte, devrait l'indiquer,
ce que je ne crois pas, parce que ce sont des références. On
pourra peut-être, à ce moment-là, dire qu'on peut prendre
en considération l'âge, le sexe, la religion, etc. Je pense
qu'à ce moment-là, cela n'indiquerait pas... Il y a l'autre
solution
aussi. Je ne sais pas ce qu'en pense l'Opposition; on peut s'en tenir
aussi au principe général. Je pense que c'étaient
simplement des indications et je suis pleinement convaincu qu'on ne restreint
pas toute la discrétion dont le tribunal peut faire état dans
l'évaluation.
D'autre part, on ne peut quand même pas, au niveau du code,
essayer de tenir compte de toutes les circonstances et les
énumérer. On parle de celles qui sont généralement
acquises. D'ailleurs, l'Office de révision du Code civil va exactement
dans le même sens. Il me semble élémentaire, lorsqu'un
tribunal a à évaluer l'intérêt de l'enfant, qu'il y
ait des critères de base qu'il ne peut faire autrement que
d'évaluer. Ne l'obligeons pas, même si je crois qu'on ne l'oblige
pas par la formulation telle que libellée... On peut peut-être
dire qu'on prend en considération l'âge, le sexe, etc.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Les tribunaux, j'imagine, jugent des causes chaque jour
dans l'intérêt de l'enfant et dans le respect de ses droits. En
décidant de ces causes, ils tiennent compte d'un certain nombre de
considérations, d'un certain nombre de critères. Dans la
jurisprudence, si vous avez l'information, quelles sont les circonstances et
les critères dont tiennent compte les tribunaux? J'imagine que,
même si on n'a pas le paragraphe 2, à l'article 30, ils vont tenir
compte de l'âge, du sexe, de la religion, de la langue des enfants, etc.
Est-ce qu'il y a d'autres considérations, d'autres critères qu'on
trouve dans la jurisprudence aujourd'hui? J'imagine que le ministère,
soit le ministère, soit l'Office de révision du Code civil, a
fait une étude sur la jurisprudence pour en arriver à
rédiger un article. J'imagine que l'article n'a pas été
rédigé sans qu'on ait fait une étude pour savoir
l'état de la jurisprudence.
M. Bédard: On l'a étudié d'abord au niveau
de l'Office de révision du Code civil; on a quand même eu quelques
années pour l'étudier.
M. Marx: Mais quelles sont les circonstances?
M. Bédard: On retrouve, au chapitre de l'adoption,
d'autres circonstances bien précises dont on doit tenir compte.
M. Marx: Je pose la question.
M. Bédard: Pour ce qui est d'essayer
d'énumérer, je pense que c'est difficile d'être
précis au point d'énumérer ce que veulent dire "autres
circonstances"; je pense que c'est tout simplement une question de logique et
de réalisme afin de prévoir, quand un tribunal a à
évaluer l'intérêt de l'enfant, au-delà de
l'âge, du sexe, de la religion, de la langue, du caractère de
l'enfant et de son milieu familial, qu'il peut se trouver d'autres
circonstances à évaluer, que ce soit la santé, etc. On n'a
pas voulu que ce soit limitatif, justement.
M. Marx: Oui, mais dans les cas de droit de la jurisprudence
actuelle, est-ce que les juges tiennent compte d'autres circonstances qu'on n'a
pas indiquées à l'article 30?
M. Bédard: La façon dont l'office a
travaillé, pour autant que je puisse témoigner d'une certaine
façon de travailler, du moins dans le cadre de certains chapitres, c'est
qu'il y a eu une analyse assez systématique quand même de faite de
la doctrine et de la jurisprudence. Ont été ensuite
dégagés de cette doctrine et de cette jurisprudence,
généralement, les principes, les critères, enfin les
règles secondaires qui paraissent maintenant. Et quand l'office propose,
dans le deuxième alinéa de l'article 25 du livre premier, une
énumération non limitative, bien sûr, pour laisser la
possibilité au tribunal de tenir compte d'autres circonstances qui ne
sont peut-être pas apparues dans la jurisprudence - l'état de
santé d'un enfant, par exemple, peut être important, son
état...
Une voix: La santé des parents.
M. Bédard: Oui. Il peut être infirme, il peut avoir
certains handicaps. Il est évident que ce genre de situation peut entrer
en ligne de compte quand on sait que l'accès n'est pas toujours possible
partout quand on est handicapé. Je peux dire que les critères qui
ont été dégagés apparaissent
généralement et les autres sont un droit civil davantage pour
prévoir la possibilité que la règle ait assez de
souplesse, assez d'ouverture pour permettre également au tribunal de
prendre en considération des situations extrêmement
particulières, peut-être ad hoc, qui n'ont pas fait l'objet d'une
décision. De plus, il est important de souligner que l'article 30 n'est
pas un guide, dans les vues de l'office et du projet de loi 89, que pour le
tribunal. C'est également un guide pour toute personne qui va prendre
des décisions à son sujet, qu'il s'agisse du tuteur, des
administrateurs, ou de personnes qui ont à décider à son
sujet, que ce soit le directeur de la protection de la jeunesse, bref, toute
personne qui a des décisions à prendre à son sujet et qui
doit tenir compte de son intérêt. Comme ces personnes ne sont pas
toujours le tribunal, leur présenter une liste de critères peut
les aider à évaluer une situation qui, autrement, risquerait
d'être un
peu théorique.
M. Marx: L'article 30 fait état des considérations
principales dont on tient compte dans la jurisprudence et dans la doctrine. Le
cas échéant, le juge peut apprécier...
M. Bédard: Les personnes habilitées peuvent tenir
compte d'autres circonstances...
M. Marx: ...d'autres circonstances.
M. Blank: Du côté pratique, comme le
député de Saint-Laurent l'a déjà dit, quand on
mentionne au deuxième alinéa de l'article 30, on tient compte
notamment...etc., etc. Je trouve que, si dans une cause devant un juge ou
devant le directeur du Bureau de protection de la jeunesse, selon la loi 24, ou
le tuteur, au moment où on fait la preuve de n'importe quelle chose
mentionnée ici, le juge, ou le directeur doit, dans son jugement, donner
les raisons pour lesquelles... et s'il ne le fait pas, on doit aller en appel.
Il faut dire qu'on l'oblige maintenant à en tenir compte dans ses
jugements.
M. Bédard: La proposition qu'on a faite...
M. Blank: Parfois, ce n'est pas dans l'intérêt de
l'enfant.
M. Bédard: La proposition faite assouplit la formule si on
la rend plus discrétionnaire pour le tribunal. Il peut prendre en
considération... À ce moment-là, il n'est pas tenu de les
justifier tous.
M. Blank: Je ne le sais pas.
M. Bédard: Dans l'intérêt de l'enfant, je
pense...
M. Blank: Au moment où on le mentionne et qu'on en fait la
preuve, si le juge ignore...
M. Bédard: II me semble très clair qu'on donne au
tribunal une discrétion ou on ne lui en donne pas. Il fait
l'évaluation de l'ensemble à partir de certains
éléments qui sont portés à son attention et son
jugement doit être en fonction de sa conscience, de l'explicitation des
arguments, que sa conscience lui indique de mettre dans le jugement.
M. Blank: Je dis que, si le juge, pour certaines raisons, ne
mentionne pas dans son jugement son opinion sur la preuve qui sera faite devant
lui ou respecte les critères mentionnés ici, c'est un cas parfait
pour un appel parce que le juge n'a pas pris en considération...
M. Marx: L'article 30, paragraphe 2...
M. Bédard: Je voudrais bien avoir une suggestion. Est-ce
que vous voulez supprimer l'article...
M. Marx: ...donne l'ordre au juge de tenir compte.
M. Blank: Non pas l'article, mais peut-être le
deuxième alinéa.
M. Bédard: ...et ne donner aucune balise? Le
deuxième alinéa.
M. Lalande: Je m'excuse, je voudrais demander au ministre, il y a
peut-être...
M. Bédard: Je crois qu'on peut l'enlever, mais il me
semble qu'on se prive d'expliciter, ce qui est de commune renommée, des
critères normaux qui ne lient pas indéfectiblement un tribunal,
mais des critères normaux sur lesquels n'importe quelle personne et
n'importe quel tribunal se penche lorsqu'il fait l'évaluation d'un cas.
Je dirais que n'importe quelle personne n'ayant aucune expérience, par
la force des choses, même si ce n'était pas là, va trouver
le moyen d'en tenir compte.
M. Lalande: Est-ce que dans vos explications, dans le projet
d'amendement que vous avez introduit tout à l'heure, vous tenez
compte...
Qu'est-ce que c'était tout à l'heure?
M. Bédard: On peut prendre en considération.
M. Lalande: Les explications que vous donnez à l'heure
actuelle se retrouvent à l'intérieur de cela. On peut prendre en
considération.
M. Bédard: C'est cela.
M. Lalande: Je pense bien que dans...
M. Bédard: C'est-à-dire que cela répond
à la préoccupation du député de Saint-Laurent,
à savoir qu'on ne donne pas l'impression que c'est un fil conducteur qui
oblige plus qu'il ne le faut.
M. Lalande: Si je comprends bien, le but qui était
visé dans ceci c'est, jusqu'à un certain point, de demander au
juge d'examiner à tout le moins ces choses. Encore une fois, comme le
souligne le député...
M. Bédard: D'après la formulation, on peut le
prendre en considération à ce moment.
M. Lalande: C'est cela. C'est pour cela que je voulais
introduire... Cela change un peu le sens.
M. Bédard: Oui. On peut prendre en considération,
notamment, l'âge, le sexe, la religion, la langue, le caractère de
l'enfant, son milieu familial et les autres circonstances dans lesquelles il se
trouve.
M. Blank: Je vais demander à madame de vérifier la
version anglaise parce que je ne sais pas si les mots "in particular"
constituent la traduction de "notamment". "In particular", cela veut dire que
particulièrement on doit prendre. Notamment, ce n'est pas exactement
cela.
M. Marx: Notamment en anglais, c'est notably. Je pense que c'est
consacré dans la pratique.
Le Président (M. Laberge): Est-ce que vous suggérez
qu'on modifie? On prend en considération...
M. Bédard: On peut prendre en considération,
notamment, l'âge, le sexe, la religion, la langue, le caractère de
l'enfant, son milieu familial et les autres circonstances dans lesquelles il se
trouve.
Le Président (M. Laberge): Je vous relis l'article 30.
"L'intérêt de l'enfant et le respect de ses droits doivent
être les motifs déterminants des décisions prises a son
sujet."
Le deuxième paragraphe se lit donc maintenant: "On peut prendre
en considération, notamment, l'âge, le sexe, la religion, la
langue, le caractère de l'enfant, son milieu familial et les autres
circonstances dans lesquelles il se trouve."
M. Charbonneau: Rien n'oblige de le prendre en
considération.
M. Bédard: On ne peut pas faire autrement que de le
prendre en considération à partir du premier alinéa qui
impose que l'intérêt de l'enfant et le respect de ses droits
doivent être à la base même des prises de décisions
le concernant.
M. Forget: Sans omettre la possibilité qu'à
l'occasion - c'est un peu en réponse au député de
Verchères - il peut être dans l'intérêt de l'enfant
d'ignorer, de mettre de côté une considération comme
celle-là à l'occasion. Prendre en considération doit
être interprété dans son sens le plus large,
c'est-à-dire: L'examiner, en voir la pertinence et décider soit
de le retenir comme un facteur déterminant ou de l'écarter, parce
qu'il se peut que l'intérêt de l'enfant oblige le juge, s'il veut
vraiment servir l'intérêt de l'enfant, à mettre de
côté une considération de langue ou d'âge,
étant donné d'autres circonstances.
M. Blank: Un exemple très simple. Un francophone
protestant dans une ville éloignée ou un village
éloigné, le juge peut l'envoyer dans une école
française catholique parce que c'est dans l'intérêt de
l'enfant de voir à son éducation dans sa langue. Ce n'est pas la
religion. C'est un exemple frappant qu'on peut faire de cela.
Le Président (M. Laberge): L'article 30 amendé.
D'abord, je souligne que les amendements suggérés au
deuxième alinéa sont adoptés et l'article 30 amendé
sera-t-il adopté?
M. Bédard: Adopté. M. Forget:
Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté avec amendement.
L'article 31. À moins que vous n'ayez des commentaires sur l'article
31.
M. Lalande: L'article 31: "Le tribunal peut, chaque fois qu'il
est saisi...
M. Bédard: Cela s'inspire de l'article 6 de la Loi sur la
protection de la jeunesse.
M. Lalande: S'inspirant de certaines considérations
pratiques, n'y aurait-il pas lieu d'aller un petit peu plus loin et dire: Le
tribunal peut, mais pour des motifs importants, pour des motifs sérieux,
chaque fois qu'il est saisi d'une demande mettant en jeu l'intérêt
de l'enfant, consulter ce dernier? Parce que là il peut le consulter ou
ne pas le consulter, mais si on lui demande de le consulter à moins
qu'il n'ait des motifs importants de ne pas le consulter. Le fait qui se pose,
c'est que certains juges ne consultent pas et d'autre consultent. Je comprends
que c'est vrai dans tout. Mais, là, comme c'est le cas des droits de
l'enfant, d'une façon plus précise, est-ce qu'il n'y pas moyen,
sans encadrer le juge, au moins de le forcer à entrer en communications
avec l'enfant si on veut lui reconnaître un véritable droit? (13
heures)
M. Bédard: Je pense qu'on reconnaît le
véritable droit à l'enfant par le fait de rappeler au tribunal
qu'il peut consulter. Il faut partir du principe que les tribunaux sont
là pour juger dans le sens de l'intérêt de l'enfant. Si,
préalablement, on n'établit pas cette balise, on va tous
être portés à mettre beaucoup d'obligations.
M. Lalande: C'est simplement une autre formulation. Mais souvent,
on retrouve cette expression. Quand on veut vraiment qu'il soit consulté
pour des motifs sérieux ou des
motifs importants, je ne sais pas quoi, quand on veut
véritablement qu'il aille... Ce n'est pas nouveau; c'est une formulation
qu'on retrouve assez souvent.
M. Blank: ...une question de base, une demande qui est
mentionnée dans un des articles cités par le député
de Saint-Laurent: Est-ce que l'enfant qui est consulté et qui ne veut
pas être consulté a le droit d'être représenté
par un avocat?
M. Bédard: Oui, il n'y a rien qui empêche un enfant
d'être représenté par un avocat.
M. Blank: Même ici?
M. Forget: M. le Président, je pense qu'on a passablement
de discussions à faire sur l'article 31. Je recommanderais que nous
ajournions.
Le Président (M. Laberge): C'est justement ce que j'allais
vous demander. Comme la discussion sur l'article 31 n'est pas terminée,
la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 2)
(Reprise de la séance à 15 h 14)
Le Président (M. Laberge): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de la justice reprend ses travaux concernant le
projet de loi no 89.
Une correction au journal des Débats. Ce matin, j'ai
indiqué que M. Guay (Taschereau) était remplacé par M.
Gosselin (Sherbrooke) alors que M. Guay était présent à la
commission et que M. Gosselin remplace plutôt Mme LeBlanc-Bantey
(Îles-de-la-Madeleine).
Lors de la suspension de nos travaux, nous en étions à
l'étude de l'article 2 et, plus spécifiquement, du paragraphe 31.
Ce paraqraphe 31 est rappelé.
M. Bédard: M. le Président, je crois que, sur ce
paragraphe 31, j'avais donné les explications. Peut-être qu'il y a
des remarques de la part de l'Opposition.
M. Forget: Oui.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, cet article...
M. Bédard: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose,
l'article indique que le tribunal peut consulter l'enfant, en autant qu'il y va
de l'intérêt de l'enfant. Je pense que c'est en relation avec
d'autres articles qu'on a déjà étudiés concernant
l'adoption. On a déjà adopté des articles stipulant que,
jusqu'à un certain âge, le tribunal pouvait consulter l'enfant et
que, dépassé un certain âge, il pouvait y avoir obligation,
mais je pense que, déjà, l'Opposition a explicité son
idée ce matin... je laisse la parole à l'Opposition.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Cet article n'engage pas à beaucoup. D'abord,
au lieu de dire que le tribunal "doit" consulter, il dit que le tribunal "peut"
consulter. Il y a un élément d'évaluation subjective de la
part du tribunal, donc cela va moins loin que ce qu'on pourrait souhaiter.
À ceci, on pourrait répondre: Oui, mais, dans certains cas,
l'enfant ne peut pas être consulté, par exemple, parce qu'il est
trop jeune. Je tiens à souligner que ce problème est
réglé dans la rédaction suggérée par
l'Office de révision du Code civil en disant que l'enfant doit
être consulté s'il est doué de discernement. Donc, on
pourrait en faire une obligation, quel que soit l'âge de l'enfant, en
utilisant ce langage. Mais, il y a plus que ça, il y a aussi l'envergure
de l'obligation.
Je me reporte maintenant à l'article 6 de la Loi sur la
protection de la jeunesse où on dit que lorsqu'on doit prendre une
décision au sujet d'un enfant, on doit donner à cet enfant,
à ses parents et à toute personne qui veut intervenir dans
l'intérêt de l'enfant l'occasion d'être entendu. C'est un
élargissement de ce qui serait possible dans d'autres circonstances. En
effet, on dit spécifiquement que non seulement, ce qui est une
règle, je pense normale, que celui dont les intérêts sont
directement mis en cause par une instance doit être entendu, mais que ses
parents aussi doivent être entendus, mais ce qui est encore plus
intéressant, c'est que toute personne qui a à intervenir du
côté de l'enfant, dans la défense de l'enfant, en quelque
sorte, ou dans la défense de ses intérêts, on doit lui
donner l'occasion d'être entendu. C'est une idée
intéressante, parce qu'elle démontre clairement que lorsqu'on
parle de l'intérêt de l'enfant, on prend des précautions
exceptionnelles.
Si je comprends bien, si une disposition comme celle-là
était introduite dans le Code civil, ça permettrait au tribunal
d'office d'autoriser un témoignage qui, à sa face même,
viserait à aider l'enfant. Les enfants, parfois, on leur
reconnaît, dans le corps du code, la possibilité d'intervenir
eux-mêmes. Mais, un enfant est toujours un peu handicapé de le
faire par ses propres moyens et la reconnaissance de la possibilité
qu'un
adulte l'aide dans ses démarches, l'aide mais ne lui nuise pas
est, je pense, une addition intéressante.
Enfin, la façon dont l'obligation est faite au tribunal. On dit
ici qu'il doit consulter l'enfant, c'est le texte du projet de loi 89. C'est
inspiré directement de la recommandation de l'Office de révision
du Code civil. Dans la loi 24, on dit: donner l'occasion d'être entendu.
Il y a évidemment une nuance entre consulter et donner l'occasion
d'être entendu. Je pense que la formulation la plus lâche, c'est
donner l'occasion d'être entendu parce que ça va au-delà
d'une consultation sur un point particulier. Quand on fait la somme de toutes
ces considérations, on en vient à conclure que, finalement,
l'article 6 de la loi 24 est peut-être celui qui est le plus
approprié à une véritable défense de
l'intérêt de l'enfant. Cela articule très bien ce qu'on
veut dire par l'intérêt de l'enfant, lorsqu'une décision le
touche, dans le mesure où on spécifie très clairement
l'envergure qu'on donne à cette obligation de consultation. C'est une
obligation, pas simplement une faculté de consulter. Cela ne s'applique
pas seulement à l'enfant, mais à ses parents et à des
personnes qui voudraient l'aider.
Deuxièmement, on peut en faire une obligation si on prend soin
d'ajouter la réserve: S'il est doué de discernement, de
manière que l'absence de discernement soit la seule raison qui motive la
non- consultation.
Le Président (M. Laberge): M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, je ne
répéterai pas les propos du député de
Saint-Laurent. Je suis très ouvert à ce qu'on
réévalue, dans le sens des propos qui ont été tenus
par les membres de la commission, non seulement la formulation, mais
également le but à atteindre, qui est une meilleure protection de
l'enfant, sous l'angle de la possibilité d'être entendu par le
tribunal, trouver le moyen de limiter le plus possible la discrétion du
tribunal. Je pense qu'à partir de la formulation de la Loi sur la
protection de la jeunesse, en passant par celle de l'Office de révision
du Code civil et celle que nous avons présentement devant nous, nous
pouvons en arriver à une formulation qui rejoint nos
préoccupations communes. Je demanderais qu'on le suspende jusqu'à
ce que cette formulation nous soit représentée de manière
qu'on ne fasse pas ce qu'on n'a pas fait depuis le début, à
savoir des amendements sur le bord de la table.
M. Forget: Ce serait souhaitable.
M. Lalande: Est-ce que le ministre me permettrait une
intervention à ce niveau?
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Maisonneuve.
M. Lalande: II est évident que quand on parle du tribunal
il ne faut pas se faire obnubiler par le seul cas de séparation ou de
divorce. Il est évident qu'il y a une réaction. On se dit: On
aimerait autant que possible que l'enfant ne soit pas pris dans ce
dédale, qu'il soit forcément consulté. C'est
déjà assez traumatisant. Je pense que tout le monde le constate,
en tout cas, quand on est en pratique. Il n'en demeure pas moins -l'article a
une portée plus grande que la séparation et le divorce - les cas
de tutelle qui arrivent régulièrement au moment d'un conseil de
famille. Ne serait-il pas nécessaire que le juge ou le tribunal, dans
certains cas, consulte véritablement l'enfant, dans ces cas bien
précis? C'est une réaction. J'ai lu certains documents où
on dit qu'il est dangereux de judiciariser davantage les moments de divorce et
de séparation où on amène l'enfant dans le processus
judiciaire. Je pense que cet article va au-delà de ce problème,
qu'on pourrait peut-être corriger par l'expertise psychosociale dans les
cas de divorce et de toutes ces histoires de praticiens, mais, dans les cas de
tutelle, encore une fois, pour me répéter, c'est un cas
précis, le cas des incapables, il faut véritablement prendre
l'intérêt de l'enfant.
M. Bédard: D'accord. Nous allons suspendre l'article, je
pense que la discussion a été faite, quitte à voir si la
formulation rejoint les objectifs que nous avons évoqués
solidairement.
Le Président (M. Laberge): L'article 31 est suspendu.
J'appelle maintenant l'article 3.
M. Bédard: C'est un article de concordance avec l'article
410 édicté par l'article 1 et avec l'article 53b du Code civil du
Bas-Canada.
Le Président (M. Laberge): L'article 3 est-il
adopté?
M. Forget: La concordance s'entend dans quel sens? C'est que
cette disposition existe déjà dans le Code civil. On la
déplace...
M. Bédard: C'est évidemment déjà
prévu à l'article 53b que des personnes sont peut-être
compétentes à célébrer des mariages sans être
compétentes pour tenir les registres. Dans le cas du protonotaire, il
tient les registres. Dans le cas de personnes compétentes à
célébrer les mariages, mais non à tenir les registres, il
faut bien que l'acte de mariage soit envoyé à quelqu'un qui a
capacité ou pouvoir de tenir les registres. C'est pour permettre au
protonotaire, si vous
voulez, de tenir les registres dans ces quelques cas particuliers.
M. Forget: Est-ce que cette disposition pour permettre à
des célébrants qui ne sont pas des fonctionnaires de
l'État civil de célébrer les mariages est nouvelle?
M. Bédard: C'est dans la perspective de la réforme
proposée pour éviter de nécessairement lier la
célébration du mariaqe à la tenue de registres, qui est un
acte très administratif. Dans l'autre cas, c'est quand même
quelque chose...
M. Forget: ...qui n'est pas permis dans le moment. Tous les
célébrants sont nécessairement des officiers de
l'État civil.
M. Bédard: C'est beaucoup plus pour ouvrir des portes dans
le sens de la réforme à venir que de répondre à un
besoin très immédiat.
Je pense qu'il est nécessaire de faire une distinction. La
personne habilitée à célébrer le mariage est
également celle habilitée à tenir les registres.
M. Blank: De quelle façon va-t-on mommer des personnes de
célébrer les mariages?
M. Bédard: Encore une fois, on a déjà
l'article 53b du Code civil du Bas-Canada et il prévoit cette
hypothèse, sauf que je ne sache pas qu'il y ait une loi comme telle qui
autorise à célébrer les mariages et qui n'autorise pas...
C'est une réforme proposée que cela puisse être possible
et, comme l'article 53b est déjà là, mais qu'il n'y a pas
la suite administrative qu'il faut pour pouvoir noter l'acte de mariage...
M. Blank: C'est ce que je me demande. Qui va autoriser ces
personnes, de quelle façon, qui fait la demande?
M. Bédard: Dans la réforme du livre premier, ce
problème va être forcément étudié. Il
faudrait bien qu'une décision soit prise à ce moment, lors de la
réforme, parce que ce n'est pas actuellement prévu.
M. Blank: Cela devient le même problème; on
étudie le Code civil section par section, il y a interaction et on ne
sait pas ce qu'on va faire. C'est ce qui est le gros problème.
M. Bédard: De toute façon, on serait toujours pris
avec le même problème.
M. Blank: Oui, mais voilà un exemple. Ici, on parle de
quelqu'un qui va célébrer le mariage et on ne sait qui et comment
il va être autorisé.
M. Forget: Qu'est-ce qui nous oblige à adopter cela
maintenant, étant donné que l'autre partie de la réforme
viendra plus tard, de toute manière?
M. Bédard: C'est déjà dans 53b du Code civil
du Bas-Canada. C'est indiqué dans 53b: Toute personne compétente
à célébrer un mariage ou à présider
l'inhumation qui n'est pas autorisée à tenir un registre des
actes d'état civil... Cela a déjà été
introduit dans le Code civil depuis longtemps. Ce n'est pas nous qui, disons,
le proposons par le projet 89, c'est simplement qu'il n'y a pas le
rattachement, si vous voulez, de 53b à 42. C'est ce rattachement
administratif qu'il n'y a pas.
M. Forget: M. le Président, je pense qu'il y a encore
beaucoup de ficelles à lier dans tout cela. On a soulevé au tout
début, lorsque nous parlions de la célébration du mariage,
la possibilité que l'on porte ainsi atteinte à la liberté
de religion, dans le fond, puisqu'on nous a rassurés là-dessus en
disant que la loi qui permet de reconnaître les gens légalement
habilités à célébrer les mariages s'applique
à toutes les dénominations religieuses sans exception. Cependant,
même si on va permettre aux célébrants qui appartiennent
à toutes les dénominations religieuses de célébrer
les mariages, il y aura une autre loi, ou peut-être la même qui
sera amendée, qui va restreindre à certains
célébrants, peut-être en fonction des dénominations
religieuses, le droit d'agir comme officiers de l'État civil. Je pense
que le même genre de préoccupations, soulevées il y a
déjà quatre ou cinq jours, se soulèvent à nouveau
relativement au droit d'agir non seulement comme célébrant, mais
comme officier de l'État civil. Je vois mal sur la base de quels
critères on va exclure certains célébrants de cette
fonction officielle liée à l'état civil.
M. Bédard: Le projet de loi n'est pas
déposé; on verra à ce moment-là.
M. Forget: On le verra à ce moment-là. Mais c'est
parce qu'on donne ouverture à cette distinction, malgré tout, on
la reconfirme alors qu'elle est, en quelque sorte, presque
désuète parce qu'elle n'a jamais été
utilisée. On la réaffirme aujourd'hui; on lui donne donc une
force un peu plus grande en la réaffirmant.
M. Bédard: Oui et sur la recommandation de l'office qui
semble y voir une possibilité de ne pas attacher nécessairement
les deux choses.
M. Lalande: M. le Président.
Le Président (M. Laberge): M. le député
de Maisonneuve.
M. Lalande: Je constate, comme le ministre, qu'on reprend 53b et
on ne crée pas de droit nouveau. (15 h 3O
M. Bédard: En y faisant un rattachement...
M. Lalande: C'est cela.
M. Bédard: ...avec un article existant.
M. Lalande: Sauf qu'on ne corrige pas une situation qui est
assez...
M. Bédard: Non, elle devra être corrigée,
surtout par l'étude...
M. Lalande: À l'heure actuelle, je me demande si on ne
pourrait... Parce qu'on demande au protonotaire de prendre le
procès-verbal de cet officier qui n'est pas apte à garder des
registres de l'état civil, on lui demande de le transmettre, avec un
procès-verbal, avec une déclaration solennelle. Est-ce que vous
ne croyez pas que l'on perpétue toujours ce même problème
d'une mauvaise tenue des registres de l'état civil. Parce qu'on a
n'importe quel célébrant ou n'importe quelle personne qui
transmet au protonotaire... Ce que je voudrais ajouter: Est-ce qu'il n'y aurait
pas possibilité, dans le cadre de cet article, de donner un certain
pouvoir au protonotaire? Il faudrait peut-être lui donner certains
pouvoirs, non seulement de faire des vérifications qui n'aboutissent
jamais à rien - parce qu'on sait qu'à la fin de l'année,
il doit faire une vérification de tous les officiers et des
célébrants - il n'y aucune sanction qui y est rattachée,
ce qui fait que les mêmes problèmes reviennent année
après année. On ne corrige absolument rien et, souvent - je pense
que le ministre le sait très bien - les registres sont tenus dans un
état déplorable. Là, on ne donne aucun pouvoir au
protonotaire qui est l'officier en titre, si on peut dire, de tout ceci
d'exiger, à tout le moins, qu'il y ait des corrections
véritables, de faire des recommandations par lesquelles il y aura des
sanctions.
Je pense qu'on pourrait l'introduire dans cela.
M. Bédard: Je suis d'accord sur la préoccupation
émise par le député de Maisonneuve. Mais l'Office de
révision du Code civil, lui-même, dit que c'est à
l'intérieur de la réforme du chapitre 1 où il est
question, comme vous le savez, des actes de l'état civil qu'on devra
faire la réflexion en profondeur qui est nécessaire.
M. Forget: A-t-on pensé, M. le Président, à
utiliser la méthode employée dans certains pays où, alors
qu'on permet au mariage - puisqu'on parle du mariage -d'être
célébré dans un lieu du culte, méthode par laquelle
on crée une obligation au protonotaire ou son équivalent, le
"registrar" ou quelque chose dans ce genre. En Grande-Bretagne c'est, le
"registrar of births and deaths" qui envoie un délégué,
qui envoie un représentant, c'est le bureau du protonotaire ou
l'équivalent qui se déplace et qui se rend sur les lieux d'un
mariage pour faire signer les parties, de façon qu'il n'y ait qu'un
registre de l'état civil, celui maintenu par l'État
lui-même. Mais, on n'oblige pas la clientèle - si l'expression
peut être utilisée -à se déplacer chez le
protonotaire, à aller faire cette deuxième visite, en quelque
sorte. C'est le protonotaire qui se déplace.
Évidemment, il n'est pas seul, il a des officiers qui assument ce
service. Les problèmes de conformité, de correction, les
problèmes du maintien d'une qualité uniforme dans la tenue des
actes, dans leur enregistrement, dans leur numérotation, en fonction des
dates, etc., on s'y retrouve très facilement. Ceux avec des
déménagements multiples qui, finalement, s'éloignent
passablement parfois du lieu où ils ont célébré le
mariage, qui peuvent même parfois perdre le souvenir de la paroisse
où ils étaient, où leurs parents étaient quand ils
sont nés, se retrouvent facilement.
Ici, on a développé deux systèmes parallèles
où on peut obtenir un extrait de naissance, par exemple, un certificat
de naissance, soit du protonotaire, soit de la paroisse. Ceci permet un
régime unique qui émet des copies sur demande, facilement. On
sait facilement comment les retrouver. Cela permettrait d'éviter ces
discriminations entre des célébrants autorisés et des
célébrants non autorisés, puis les problèmes de
maintien de la qualité qui sont soulevés par notre
collègue et ancien protonotaire de Montréal.
M. Bédard: Je ne pense pas que je doive
répéter pour la troisième fois que le député
de Saint-Laurent fait écho à certains éléments de
réflexion qui ont sans doute déjà été
évoqués devant les membres de l'Office de révision du Code
civil et qui devront, je pense, être analysés en profondeur avant
de déboucher sur un projet de réforme qui se situe, encore une
fois, au chapitre 1.
M. Forget: D'accord.
M. Bédard: C'est le chapitre 1.
Le Président (M. Laberge): L'article 3 sera-t-il
adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. J'appelle
l'article A.
M. Bédard: Cet article est de concordance avec l'article
56 édicté par l'article 6 du projet. En effet, le nom
patronymique et le prénom d'une personne devront dorénavant
être inscrits dans l'acte de naissance. J'emploie le mot "patronymique",
mais je pense que vous avez pu voir, dans les amendements que j'ai
déposés, que j'ai eu une suggestion des membres de la commission
parlementaire sur la possibilité de faire disparaître le mot
"patronymique" et nous sommes d'accord que ce mot disparaisse, parce que
ça ne nuit d'aucune façon à la compréhension des
articles où on évoque le nom et le prénom. Gomme le mot
"patronymique" semble avoir acquis une certaine connotation pouvant
prêter à confusion, on a trouvé utile de le faire
disparaître, ce qui veut dire que, pour tous les articles, il y aura,
à la fin du projet de loi, un article omnibus...
M. Forget: Ah bon! Je comprends.
M. Bédard: ... qui indiquera que, là où on
emploie le mot "patronymique", ça doit disparaître.
M. Forget: M. le Président, je voudrais remercier le
ministre d'avoir donné suite à cette suggestion de notre
collègue de L'Acadie, je pense, si ma mémoire est bonne, de faire
disparaître l'expression "patronymique". Je pense que c'est une solution
très élégante parce que, finalement, une personne a deux
éléments pour la désigner: le nom et le prénom ou,
peut-être plus correctement, les noms et les prénoms, selon le
cas.
D'ailleurs, je pense qu'il serait important de souligner que, dans
l'amendement qui nous est proposé - cela pourrait en faire sourciller
certains, on pourrait interpréter cela comme une erreur d'orthographe ou
de syntaxe - on dit: "les nom et prénom". Je pense que la règle
d'interprétation, c'est que le singulier l'emporte sur le pluriel. Cela
veut dire...
M. Bédard: Soit le nom et le prénom...
M. Forget: ... soit le nom et le prénom, soit les noms et
les prénoms ou une combinaison quelconque de singulier et de pluriel de
ces deux mots.
M. Bédard: Je ne crois pas qu'il y ait de
difficulté particulière d'interprétation à partir
des règles que vous avez vous-même évoquées
puisqu'on peut n'avoir qu'un prénom et on peut en avoir plusieurs aussi.
L'important, c'est qu'on en ait au moins un dans son acte de naissance.
Peut-être pourrais-je ajouter que, pour ce qui est de l'article 54 qui,
lui, ne précise actuellement, pour ce qui est de l'inscription, que les
noms, cela a été interprété comme voulant dire les
prénoms. Il y a un peu de confusion et même, tout
récemment, une décision a été rendue dans le
district judiciaire de Montréal à la suite d'un mandamus qui
avait été pris pour forcer un fonctionnaire de l'état
civil à enregistrer le "nom de famille", si on veut, entre guillemets,
le nom et les prénoms de l'enfant; il a prétendu que la loi
obligeait le fonctionnaire à n'enregistrer que les prénoms et non
pas le nom de famille, qu'il s'agisse du nom du père, d'un nom
composé, du nom du père et de la mère ou du nom de la
mère, peu importe.
Il faut quand même que ce soit assez cohérent avec la
règle de l'article 56 qui viendra dire: Tout enfant a un nom et un
prénom, au moins. Alors, il faut dire, à l'article 54, que le
fonctionnaire devra inscrire le nom et les prénoms ou les noms et
prénoms de chacun.
M. Forget: Question de curiosité, dans quel sens le
tribunal a-t-il statué?
M. Bédard: Le tribunal a rejeté ce bref de mandamus
en disant: Le fonctionnaire a raison d'interpréter l'article 54 comme
voulant dire: Ne comprenant que les prénoms, et non les noms. Bien qu'il
soit écrit "nom" en français - et même en anglais "names
given", il y a eu toute une littérature, aussi, chez les auteurs,
démontrant que "names" voulait dire prénom.
C'est pour cela qu'on a voulu clarifier la chose, parce qu'il ne faut
pas oublier - je ne veux pas aller plus loin dans le détail -que le
libre choix existait depuis toujours au niveau du Code civil, mais on se
heurtait souvent à des tracasseries inacceptables de la part de certains
fonctionnaires qui faisaient une interprétation très restrictive,
pour ne pas dire autre chose, du texte de la loi et, à ce
moment-là, créaient des embêtements à des femmes qui
voulaient faire enregistrer le nom de leur enfant tel qu'elles le
désiraient. Alors, avec cet article, je pense qu'on va clarifier la
situation une fois pour toutes.
Le Président (M. Laberge): Alors, cet article 4 sera-t-il
adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. À
l'article 5, il y a un amendement. À l'article 5, on nous dit de
remplacer cet article par le suivant: 5. Ledit code est modifié en
ajoutant, après l'article 55, l'article suivant: "55.1 Les mentions
portées à l'acte de naissance originaire de l'enfant
adopté de même que les énonciations de son nouvel acte de
naissance sont réglementées dans un arrêté du
ministre de la Justice".
M. Bédard: M. le Président, cet article donne au
ministre de la Justice le pouvoir d'arrêter la forme et les
énonciations des actes de naissance des adoptés et il
complète tout simplement l'article 617 qui est édicté par
l'article 1.
M. Forget: M. le Président.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Je suis loin d'être emballé par la
formule qui nous renvoie, même pas à un arrêté du
gouvernement, même pas à un règlement du gouvernement, mais
à un arrêté du ministre de la Justice.
M. Bédard: Des fois, c'est plus vite.
M. Forget: Oui, le ministre a bien raison. Un des mérites
de la démarche, c'est d'être expéditive, mais qu'on ne
perde pas de vue qu'il est à peine possible pour le citoyen de savoir
quels sont les règlements qui sont adoptés, quel est le texte des
règlements en vigueur et quels sont les règlements qui ont pu
être annulés par d'autres décisions du Conseil des
ministres. Je crois qu'il n'y a pas tellement longtemps, il y a même eu
un juge qui a rendu un jugement en fonction d'un règlement qui
était nul, qui avait été abrogé. Il semble que ni
les procureurs, ni les services de la cour n'avaient été capables
de se rendre compte de ce fait-là, tout simplement parce qu'il n'existe
pas de système de publication et de consolidation des règlements
qui soit facilement accessible. Je pense que nous vivons tous avec cette
réalité. Même les membres de l'Assemblée nationale
sont parfois dans l'incertitude quant à savoir quel règlement
existe et quel autre n'existe pas. Mais lorsque nous nous
référons à des arrêtés du ministre où
il n'y a aucune exigence de formalité, où il n'y a aucun
formalisme - il n'y a pas un répertoire des arrêtés des
ministres, il n'est pas possible de savoir si un existe ou s'il n'existe
pas,ou, si un existe, à partir de quel moment il n'existe plus parce
qu'il a été rescindé - et qu'on retrouve cette mention non
pas dans une loi administrative, mais dans le Code civil, je pense qu'on ne
fait pas un très grand pas en avant pour clarifier le droit et le rendre
compréhensible pour les citoyens.
Je me demande s'il est vraiment nécessaire... Est-ce qu'on a des
considérations de pure administration à l'esprit? Si on veut que
ce soit sur des formulaires identiques, avec la même couleur, des choses
dans ce genre-là, je pense que ça peut être
intéressant pour ceux qui ont à classer les documents, mais ce ne
sont pas des choses qui devraient nécessairement être
consacrées par le Code civil. Si on a à l'esprit des choses
substantielles qui peuvent devenir des causes de nullité,
c'est-à-dire des dispositions additionnelles, des précisions qui
peuvent engendrer des contestations, je pense qu'on devrait y
réfléchir une deuxième fois et s'abstenir de faire des
règles qui se réfèrent à des arrêtés
du ministre. Encore une fois, s'il y avait un système de classification
et de publication bien connu, bien rodé, je n'aurais pas d'objection, a
priori, mais ça n'existe pas. On ne dit même pas que ça
doit être par écrit. En théorie, un ministre peut rendre un
arrêté verbal. Après tout, pourquoi pas? Il n'y a aucune
loi qui lui interdit de le faire. Le ministre peut se lever un matin et dire:
J'arrête que, et c'est un arrêté ministériel. Il n'y
a aucune loi qui dit ce qu'est, un arrêté ministériel.
C'est le vide complet sur le plan juridique. (15 h 45)
M. Bédard: Politiquement, il est peut-être mieux de
s'arrêter avant d'arrêter quoi que ce soit. Ce n'est pas aussi
simple que cela.
M. Forget: Vous savez, je pense bien que c'est une question
d'opportunité.
M. Bédard: Premièrement, je pense que les membres
de la commission parlementaire savent très bien que je suis loin de
"tripper" à l'idée de donner quelque discrétion que ce
soit au ministre de la Justice. Ils sont à même de constater que
cela se retrouve dans des circonstances très exceptionnelles au niveau
du Code civil, pour la plupart, à des places où cette
discrétion s'exerçait déjà. C'est très
administratif, tout d'abord, le rôle qui est réservé au
ministre de la Justice. Je ne pense pas à moi au moment où on se
parle. Je pense à tous ceux qui suivront, de toute façon. Je
pense qu'il y a lieu d'essayer de diminuer un peu le formalisme. Je n'y tiens
pas plus que cela, si on me trouve une formule qui est plus expéditive,
plus "secure" pour certains si c'est leur conviction.
Je pourrais peut-être vous donner un exemple d'amendement qu'on a
fait déjà, il y a un an ou deux, qui s'est
révélé beaucoup plus expéditif, beaucoup moins
embarrassant pour les citoyens concernant la loi des changements de noms, toute
la procédure qui amène un changement de nom. Vous vous rappelez
qu'auparavant, cette décision devait être rendue par un
arrêté du gouvernement. Nous avons apporté un changement
qui fait que ce changement peut se faire, avec les procédures
nécessaires, à la suite de la décision finale du ministre
de la Justice. On a eu beaucoup de commentaires dans le sens que cela avait
diminué de beaucoup le formalisme, et surtout, cela avait
contribué à rendre cela plus expéditif. Cela va de soi,
lorsque des actes comme ceux-là se doivent, avant d'être
opérationnels ou existants, d'être référés
à l'ensemble du Conseil des
ministres, quoique cela se faisait - cela ne donnait pas grand-chose de
plus - d'une façon très mécanique, celui qui avait la
fonction plus précise de bien regarder, de scruter avant d'en faire la
recommandation au Conseil des ministres, était le ministre de la
Justice. L'idée qu'on a eue concernant cette loi n'a pas amené de
complications jusqu'à maintenant.
Maintenant, s'il y a une autre... Il y aurait peut-être quelque
chose... Si vous permettez, deux secondes...
M. Blank: Comme le député l'a dit, on
n'était pas au courant. Comme député, comme avocat
pratiquant, j'avais envoyé une demande de changement de nom selon
l'ancien style, et elle m'a été retournée, parce que je ne
savais pas qu'il y avait changement...
M. Bédard: Non, cela n'a rien changé.
M. Blank: Je ne savais pas qu'il y avait changement.
M. Bédard: Cela n'a rien changé pour le citoyen,
puisque ce sont les mêmes formules, le même processus, sauf que la
décision se prend à un...
M. Blank: Non, la requête que j'avais
préparée avant, c'était au lieutenant-gouverneur en
conseil. Après, j'ai adressé ma requête au ministre de la
Justice, mais elle a été retournée par votre bureau disant
qu'il y avait un changement. Personne ne m'a avisé qu'il y avait un
changement, même pas dans la revue du Barreau, rien.
M. Bédard: C'est un changement technique.
M. Blank: C'est cela que le député... Ici, on parle
du règlement qui va changer un jour, et on ne le sait pas.
M. Lalande: Je voudrais dire au ministre que dans la loi sur les
changements de noms...
M. Bédard: Si vous permettez, on aura le tableau au
complet, parce que ce n'est pas une large discrétion qu'on donne au
ministre de la Justice, il faudrait savoir de quoi on parle. Je demanderais
à M. Guy d'ajouter des précisions.
Non pas sur le fond de la question, mais simplement pour donner de
l'information uniquement sur l'aspect strictement administratif de la question.
Ce sont les fonctionnaires de l'état civil, ceux qui sont
déjà autorisés, qui vont tenir les actes de l'état
civil de l'adopté. Évidemment, il faudra changer, raturer son
ancien et faire une inscription, c'est-à-dire sur l'acte de naissance
originaire et en faire un nouveau. Donc, les prescriptions visent la formule
à utiliser pour donner suite à cette inscription. C'est de
celles-là dont il s'agit dans l'article qui est proposé et qui
vise la mise en application de l'article 617 du projet de loi 89. C'est
déjà, pour votre information, contenu dans l'article 45a du Code
civil qui fait pareille référence en ce qui concerne certains
aspects aussi limités, mais à caractère administratif, de
même que l'article 134a du Code civil actuel, mais qui a
été repris dans le projet de loi no 89 par notre article 419 pour
ce qui est de l'endroit et des frais dans le cas du mariage civil
célébré par un protonotaire.
M. Lalande: Je comprends fort bien l'argumentation du ministre
concernant la loi du changement de nom pour, dans bien des cas,
accélérer le processus administratif. Ce que nous avons devant
nous, ce sont quand même les certificats authentiques. C'est
l'authenticité qui... La mention qui sera apportée à
l'acte de naissance... Un acte de naissance, c'est un acte authentique. Je
voudrais soulever la question. Sur le fond, je suis bien d'accord, mais
évidemment tout le pouvoir de réglementation ne doit pas
altérer la substance d'un article. Quand on arrive au niveau de la
forme, je veux simplement attirer votre attention sur le fait qu'un acte de
naissance, au niveau de la forme, doit revêtir une certaine
rigidité, ne serait-ce que pour être perçu comme le
véritable acte face à l'extérieur, face à
l'étranger.
L'acte de naissance est extrêmement important comme reconnaissance
à l'étranger et si, par arrêté en conseil, on arrive
à changer trop souvent la forme de l'acte de naissance qui est
extrêmement important, encore une fois, on peut en diminuer le
degré de crédibilité. C'est simplement au niveau de la
forme. Je soulève seulement le fait. On présume peut-être
que le ministre va avoir beaucoup de sérieux à l'intérieur
de ceci, ne pas changer la forme juste pour le plaisir de la changer. Il n'en
reste pas moins qu'il y a un certain danger. Je sais gu'avec l'actuel ministre
de la Justice il n'y a pas de problème parce que c'est un homme
sérieux. Mais, avec un ministre éventuel qui le serait un peu
moins et qui voudrait changer un peu plus souvent, on peut arriver à
changer, ne serait-ce, encore une fois, que le classement ou guoi que ce soit,
changer la forme.
La forme, dans les actes authentiques, l'acte de naissance ou autres,
est extrêmement importante. On a vu, par exemple, dans la pratique
beaucoup d'extraits de naissance qui émanaient d'autres endroits, du
bureau du protonotaire, par exemple, des presbytères, etc., être
pratiquement refusés à l'étranger, aux États-Unis,
un peu partout ailleurs, seulement à cause de la forme. Je
pense qu'il y a un critère important et formel où on doit
se restreindre. Je ne sais pas si on peut le faire ou si on veut figer cela
dans la loi, mais il y a une considération qui, je pense, mérite
d'être étudiée.
M. Bédard: Si vous me le permettez... Je fais confiance
à celui qui me suivra et, si un ministre de la Justice y allait d'un
esprit d'initiative qui ne serait pas dans le sens de "décompliquer" la
vie aux citoyens et aux citoyennes, j'ai l'impression qu'il serait vite
rappelé à l'ordre.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, je crois qu'il y a une
différence essentielle. Dans le fond, ce dont nous parlons, c'est de
l'extension du pouvoir réglementaire, du pouvoir d'agir par
décret non seulement pour le gouvernement, mais pour un ministre en
particulier. D'ailleurs, on attend toujours la loi que le ministre de la
Justice nous a promise à ce sujet - entre parenthèses, je ne lui
en fais pas reproche, s'il s'est consacré au Code civil, tant mieux,
mais il reste que c'est un sujet extrêmement important.
Je voudrais relever, parce qu'on nous a indiqué des exemples dans
le Code civil, où des choses comme celles-là existent
déjà... Je pense qu'il est bien important de clarifier certaines
distinctions. Par exemple, à l'article 45a, on a effectivement une
possibilité pour le gouvernement, le lieutenant-gouverneur en conseil,
d'intervenir lorsque des registres de l'état civil n'ont pas
été authentifiés, numérotés ou
paraphés dans la manière précitée. Il est loisible
au lieutenant-gouverneur en conseil, dans chaque cas particulier, d'indiquer au
protonotaire le mode de remédier à l'irrégularité
commise. On se rend compte ici que le gouvernement intervient pour corriger une
irrégularité dans la façon dont ses fonctionnaires - le
protonotaire est un fonctionnaire du gouvernement - appliquent la loi. Il
s'agit d'un cas d'espèce, d'une difficulté particulière
qui n'a pas de signification générale. Il s'agit de corriger
quelque chose. On s'adresse à des fonctionnaires et on leur dit: Voici
de quelle façon vous allez remédier au vice de forme en quelque
sorte de certains registres de l'état civil. Je n'ai absolument aucune
objection à le faire. L'exemple qu'a cité le ministre tout
à l'heure du changement de nom appartient à la même
catégorie. Il s'agit de régler un cas d'espèce. Un
particulier a un problème, il demande au ministre de le résoudre.
Le ministre intervient dans le changement de nom un peu à la
façon dont un juge le ferait. Il prend connaissance des circonstances de
fait, de personnes, etc., et il juge que le changement de nom dans les
circonstances pour cet individu en particulier est approprié. C'est bien
sûr que cela ne peut pas être fait par une loi qui décide a
priori du changement de nom pour une catégorie d'individus. Ce sont des
jugements particuliers et vous ne trouverez jamais de notre part d'objection
lorsque le gouvernement ou un ministre, selon la nature des décisions
à prendre, intervient par arrêté, par décision
formelle, pour trancher un cas particulier. C'est une chose.
Nous ne nous opposons pas non plus lorsque, à l'article 419 qui
reprend l'article 134a du Code civil, le gouvernement impose des frais quand
ses fonctionnaires, dans l'administration de la partie du Code civil qui est
propre aux registres accomplissent certains actes. Il est tout à fait
légitime que le gouvernement détermine par un arrêté
en conseil quels sont les honoraires qui sont dus de la même façon
que les tribunaux déterminent les honoraires des frais de justice, le
montant des timbres à payer, la présentation d'une action,
différentes procédures dans une action. C'est sûr que cela
ne peut pas être fait une fois pour toutes par le Code civil parce qu'on
aurait encore les frais de timbres judiciaires imposés en 1864 et cela
se chiffrait probablement à quelques sous alors gue cela se chiffre
maintenant à des montants beaucoup plus considérables.
Ce sont des choses bien particulières. Ce sont des actions
étroitement administratives, comme l'imposition d'un frais pour un
service rendu ou le règlement de cas particuliers. Dans aucun de ces cas
qui nous ont été cités est-on en face d'une règle
générale que le citoyen est censé connaître et c'est
là qu'est la grande distinction. Lorsqu'on indique des règles
d'application générale et qui s'adressent à tous les
citoyens indistinctement, qui sont génératrices de droits et
d'obligations, je crois que c'est la définition la plus abstraite et
aussi la plus générale du fruit du pouvoir réglementaire,
ce sont des quasi-lois. À ce moment, il apparaît
déjà abusif de vouloir passer par le pouvoir réglementaire
guand ce qui fait l'objet de ces droits et de ces obligations qu'on crée
ainsi revêt une certaine importance. Cela devrait être fait dans
une loi plutôt que dans un règlement mais, a fortiori, cet
argument vaut quand on veut énoncer des règles d'application
générale qui s'adressent à tous indistinctement et qu'on
veut le faire par un décret du ministre pour lequel il n'y a aucune
formalité.
J'ai caricaturé, j'ai dit: Le ministre peut se lever un matin et
décréter une nouvelle forme d'enregistrement de l'état
civil. C'est bien sûr qu'il ne fera pas cela. Il reste que cela illustre
que, même s'il voulait le faire, c'est sans doute le bon sens qui
l'en
empêcherait, c'est toutes sortes de choses, mais ce n'est
certainement pas la loi. La loi lui permet de le faire, même de cette
façon aberrante. Je pense que le respect du droit et la connaissance que
les citoyens sont censés avoir du droit et les effets que cela peut
avoir sur eux exigent qu'on ait un minimum de respect pour les citoyens qui
sont censés obéir au droit en disant: On ne le fera pas n'importe
comment. Il le fait par arrêté ministériel, M. le
Président, à moins qu'on ait une loi-cadre sur le pouvoir
réglementaire. C'est faire cela n'importe comment. C'est
l'équivalent de le faire n'importe comment. Maintenant, ce n'est pas un
conseil de perfection que nous cherchons à donner au ministre, mais il y
a sûrement des restrictions. Il pourrait certainement restreindre le
champ d'application d'un pouvoir de décret ministériel si tout ce
qu'il veut faire, c'est donner au ministre le pouvoir d'ordonner à ses
subalternes que sont les protonotaires et les différents fonctionnaires
de la justice d'utiliser des formulaires pour l'enregistrement des actes de
l'état civil. Mon Dieu! qu'il le dise donc! À ce moment, on saura
de quoi il parle. Si tout ce qu'il veut faire c'est dire: Écoutez, vous
allez utiliser une feuille 8 1/2" sur 14", imprimée en bleu, j'imagine,
sur blanc, du moins pour l'instant, ce sera en bleu sur blanc, et je n'ai
aucune objection à ce qu'il le fasse par décret
ministériel. Cela ne tire pas à conséquence que ce soit en
bleu ou en jaune citrouille. Ce sera à peu près la même
chose. Mais, s'il veut aller au-delà de ça, je pense qu'il
devrait prendre un minimum de formalités. (16 heures)
M. Bédard: Je ne pense pas que ce soit un manque de
minimum de respect à partir du moment où certaines directives
peuvent être données par voie d'arrêté
ministériel. C'est une chose qui est assez courante. De plus, le secteur
concerné à l'heure actuelle est très
déterminé; le fait que ce soit fait par un arrêté
ministériel n'équivaut pas à dire que cela soit fait
n'importe comment. Au contraire, je pense que cela permet, d'une façon
beaucoup plus rapide - en tout cas, c'est ma conviction - beaucoup plus
expéditive, de pouvoir donner suite à un encadrement qui permet
de fonctionner avec célérité et clarté.
Je suis convaincu que la suggestion de l'Opposition n'est sûrement
pas de s'en référer à un tribunal là-dedans, parce
que ce serait compliquer la situation.
M. Forget: C'est de préciser ce que vous voulez plus
étroitement que cela ou alors de dire dans l'article ce que vous voulez
prescrire par arrêté. Cela doit être communicable. Cela ne
doit pas être si difficile à imaginer qu'on ne puisse l'exprimer
par écrit.
M. Bédard: Je pense ici à des actes de naissance
des enfants adoptés. Ils sont dressés conformément aux
règles prévues par arrêté du ministre de la Justice.
Ce n'est pas une innovation qu'on fait.
M. Forget: Ce n'est pas une innovation.
M. Bédard: Les mentions portées à l'acte de
naissance originaire de l'enfant adopté de même que les
énonciations de son nouvel acte de naissance sont
réglementées par un arrêté du ministre de la
Justice. En tout cas, cela explicite l'essentiel de ce que nous voulons
couvrir. Maintenant, peut-être... Le député de
Saint-Laurent nous dit que, si c'est seulement dénonciation de la
détermination de la forme et de la manière de remplir certaines
formules, cela ne donnerait pas...
M. Forget: ...les actes de naissances sont dressés sur les
formulaires fournis à cet effet par le ministre de la Justice ou...
M. Bédard: Je me pose la question -je suis bien prêt
à essayer de trouver une autre formulation - de fond: Jusqu'à
quel point sert-on mieux le citoyen en édictant tout cela dans une loi
plutôt que de le faire tel que nous le préconisons?
Là-dessus, ma conviction est faite. Je suis toujours ouvert...
M. Blank: Pour répondre à la question que le
ministre vient de poser, je me demande si les actes de naissance qui ne sont
pas conformes aux règles édictées sont nuls. Je dois dire
que, si vous adoptez des règlements aujourd'hui et si un protonotaire,
quelque part dans le Nord-Ouest du Québec, n'est pas au courant et s'il
fait l'enregistrement suivant les anciens règlements, le citoyen peut
être pénalisé s'il a un document qui est nul. C'est ce que
je me demande. C'est peut-être technique, mais...
M. Bédard: Je crois qu'une question de forme peut assez
rarement...
M. Blank: Oui, mais c'est vous qui posez la question. Comment
cela peut-il causer un tort assez... Je vous donne un exemple. Si c'est nul, il
faut...
M. Bédard: D'accord, mais, en principe, je pense qu'une
question de forme doit très rarement amener la nullité, surtout
dans le secteur dont on parle. Je vais essayer de trouver une autre formulation
qui réponde...
M. Fontaine: M. le Président.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Nicolet-Yamaska m'a demandé la parole, si vous permettez.
M. Fontaine: Je pense qu'on doit, en tant que
législateurs, essayer de tout mettre ce qu'il est possible d'y mettre,
surtout dans le Code civil, pour que ce soit véritablement non pas le
code des avocats, comme certains me l'ont fait remarquer, mais le code du
citoyen; pour que le citoyen puisse trouver dans le Code civil toutes les lois
de base auxquelles il voudrait se référer. On a fait cela quand
on a adopté la Loi électorale du Québec. On a
essayé de faire en sorte qu'il y ait le moins de réglementation
possible dans cette loi. On a tout mis dans la Loi électorale. Il reste
quelques règlements à adopter. Même ces règlements
devront être soumis à l'Assemblée nationale, à la
commission parlementaire et y être approuvés.
Je pense qu'on devrait faire la même chose dans le Code civil,
parce que c'est une loi fondamentale du citoyen. Ce qu'on veut faire dans cet
article, c'est de faire en sorte que les enfants adoptés ne voient pas
dans leur nouveau registre de naissance, leur nouvel acte de naissance,
après qu'ils ont été adoptés, le nom de leurs
parents d'origine. Pourquoi ne l'indique-t-on pas tout simplement? Qu'est-ce
qu'on doit indiquer lorsque l'enfant a été adopté?
M. Bédard: Je pense que votre question est très
à propos, parce qu'il ne faudrait pas s'imaginer que cet article donne
la latitude de faire n'importe quoi au niveau de l'acte de naissance. Il
faudrait se rappeler quand même les articles déjà
adoptés. À l'article 617, il est déjà
exprimé par la loi que l'acte doit être revêtu de la mention
"adoption". Il est déjà dans la loi. Ce n'est pas le ministre de
la Justice qui va décider cela. Il faudrait se rappeler les articles
déjà adoptés quand même. À l'article 619, il
est déjà spécifié que le tribunal attribue à
l'adopté les nom et prénoms choisis par l'adoptant. La
discrétion diminue de plus en plus. Si vous voulez encore, je pense la
meilleure explication du très peu de discrétion que cela peut
représenter pour le ministre de la Justice, c'est que c'est seulement
administratif. Encore, je n'y tiens pas plus qu'il ne faut.
Il s'agirait d'aller à l'article 54 du Code civil où sont
spécifiées justement toutes les conditions qui doivent se
retrouver au niveau d'un acte de naissance. Cela limite à un travail qui
est purement administratif. C'est évident que, quand on prend seulement
un article... L'article 55.1 s'accroche - il ne vient pas dans le paysage
à peu près - à l'article 55 qui est déjà
dans le Code civil et qui indique très clairement avec l'article 617 que
nous avons adopté, avec l'article 619, le champ de discrétion qui
est très restreint.
M. Fontaine: Mais s'il ne s'agit que du formulaire, de la
façon dont cela doit être fait, pourquoi ne fait-on pas, par
exemple, la même chose que dans le cas de la Loi électorale? Qu'on
fasse une annexe au Code civil où on indiquerait les formules qui
doivent être employées, et que ces formules soient
approuvées par la commission ici, à l'Assemblée nationale,
et qu'après elles deviennent en vigueur. On l'a fait pour la Loi
électorale. Cela a bien marché. C'est effectivement,
peut-être, la meilleure Loi électorale qu'on n'a jamais eue,
même si l'ancienne était à peu près dans le
même sens. Elle a été adoptée à
l'unanimité, d'ailleurs.
M. Bédard: J'ai eu l'occasion, comme vous le savez, d'y
travailler. On va le suspendre pour voir, mais tout le monde est à
même de constater, à l'heure actuelle, qu'on est en train de faire
un débat comme s'il y avait une discrétion "at large" qui
était donnée au ministre de la Justice, alors que tout cela est
balisé par les articles 617 et 619 et les articles 54 et 55 du Code
civil. Franchement, à moins de vouloir jouer avec les virgules, cela
fait déjà une heure qu'on discute de l'article.
M. Lalande: M. le Président, le ministre m'accordera bien
deux minutes encore là-dessus.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Maisonneuve.
M. Bédard: Je suis bien prêt à prendre une
heure et deux minutes, ce n'est pas plus grave que cela.
M. Lalande: À la suite des brillantes remarques de mon
collègue de Saint-Laurent, je voudrais soulever une question de principe
là-dessus. Un peu malicieusement, je ferais remarquer un point au
ministre. Quand on dit qu'il est loisible au lieutenant-gouverneur en conseil
dans chaque cas particulier d'indiquer au protonotaire le mode de
remédier, je voudrais savoir s'il est indiqué au protonotaire de
remédier. Est-ce que cela veut dire que le ministre, par
arrêté en conseil, peut corriger une décision du
protonotaire? Si c'est cela, cela nous remet encore dans cette question
fondamentale et de principe, savoir qu'un officier de justice aurait pris une
décision, et, le ministre, par arrêté en conseil,
déciderait de corriqer cette décision. Un peu malicieusement, je
soulignerais au ministre que si, en 1976, il avait donné suite à
certaines promesses électorales du Parti québécois
d'amener à une plus grande indépendance du pouvoir judiciaire, on
n'aurait pas ce genre de problème qui se pose
régulièrement. Vous avez un officier de justice qui agit
tantôt comme officier de justice du pouvoir
judiciciare et tantôt comme subalterne du ministre de la Justice.
Vous avez cette espèce de dichotomie régulière,
systématique, qu'on n'a pas corrigée. Pourtant, en 1976, vous
aviez certains projets là-dessus que vous n'avez évidemment pas
mis en application.
Mais là, ça se retrouve... Je ne pouvais pas faire
autrement que de soulever cette question de principe, encore une fois, et rien
n'est réglé là-dedans. On est pris avec cet officier de
justice qui, dans sa discrétion, aurait posé un acte et le
gouvernement qui déciderait de corriger l'acte du pouvoir judiciaire. Il
y a ingérence systématique. Je voudrais quand même le
souligner. Je ne veux pas en faire un plat, mais la question est de principe et
de fond, encore une fois.
M. Bédard: Je comprends que vous ne vouliez pas en faire
un plat.
M. Lalande: Je peux en faire un plat, par exemple, je peux
m'enclencher là-dessus pendant une demi-heure, si vous voulez.
M. Bédard: C'est votre loisir de le faire, faites-le. Je
pense que c'est dans l'intérêt de... Je ne veux pas soulever de
polémique, on aura bien d'autres occasions de le faire. Cela fait quand
même un certain temps que des occasions se présentent au
député de Maisonneuve de le faire, mais je veux m'en tenir, comme
je l'ai fait jusqu'à maintenant, à une attitude uniquement
portée sur certaines améliorations qu'on peut apporter. Je ne
vois pas en quoi cela peut amener le ministre de la Justice à corriger,
si ce n'est sur des choses qui sont purement de forme, à intervenir
autrement, plus que cela.
M. Lalande: Évidemment, on ne peut pas tout corriger, mais
j'attire quand même votre attention là-dessus. Est-il
nécessaire que ce soit le protonotaire qui agisse comme officier de
l'état civil ou quoi que ce soit? Parce que vous avez encore affaire
à cette espèce de monstre qui a deux jambes, une à gauche
et une à droite.
M. Bédard: Je pense qu'on est en train de parler - on le
verra au niveau de la reformulation de l'article - de formules. Je ne crois pas
qu'on soit sur le fond d'un sujet de l'administration de la Justice par rapport
au système judiciaire. Il y a d'autres débats.
Le Président (M. Laberge): Est-ce que l'article 5,
nouvelle rédaction, sera adopté?
M. Bédard: M. le Président, je
préférerais, à partir du moment où on s'entend que
la discussion est faite là-dessus, à moins que... Est-ce que nos
collègues préfèrent une autre formulation? Avec les
explications que j'ai données...
M. Forget: Je pense que le député de
Nicolet-Yamaska a souligné un point important et c'est un aspect sur
lequel on n'a pas suffisamment insisté. On parle des actes de naissance
des enfants adoptés. Il est clair qu'il y a plus que des
problèmes de formalité, il y a la question de savoir s'il est
possible... L'article 55 dit que: "le nom du père et de la mère
doit figurer sur l'acte de naissance, et l'affirmation à savoir qu'il ne
doit pas y avoir de discrimination entre les enfants adoptés et les
enfants non adoptés, qu'est-ce que cela implique au niveau de l'acte de
naissance des enfants adoptés? Dans le fond, c'est un problème
assez fondamental.
Je pense bien qu'une des raisons qui a pu motiver le ministre à
vouloir inscrire un arrêté du ministre de la Justice, c'est que la
solution n'a peut-être pas été trouvée, tout
simplement. Si on l'avait trouvée, elle serait peut-être dans
l'article.
M. Bédard: Non, ce n'est pas du tout la motivation du
ministre de la Justice, je peux vous le dire, parce qu'il n'y a pas de
problème de fond au niveau d'une discrimination possible puisque la
discrimination concernant les enfants, nous l'avons fait disparaître. Je
pense qu'à partir du moment où on pose un tel geste, on ne veut
pas retrouver cette discrimination en termes d'intention au niveau de la
formule. J'ai expliqué au député de Nicolet-Yamaska qui,
à bon droit, s'y intéressait le cadre dans lequel se situe cet
article à partir de l'étude de l'article 617, de l'article 619 et
des articles 54 et 55 du Code civil, ce qui laisse, à ce
moment-là, la très petite marge qui me semblait être de
nature à accélérer beaucoup plus le processus. S'il y a
d'autres solutions, on verra.
Le Président (M. Laberge): Alors, l'article 5 est suspendu
pour une nouvelle formulation. (16 h 15)
M. Bédard: Nouvelle formulation, en tenant pour acquis que
la discussion est faite là-dessus.
Le Président (M. Laberge): J'appelle l'article 6. À
l'article 6, il y a deux paragraphes. On a un amendement qui reformule le
deuxième paragraphe. Donc, l'article 6... Vous avez d'autres
amendements?
M. Bédard: Oui, parce que c'est peut-être l'occasion
qui se prête de le faire, d'enlever le mot "patronymique". Alors,
voulez-vous en donner une...
Le Président (M. Laberge): Oui, c'est parfait. C'est en
train de circuler.
M. Bédard: C'est le seul qui va rester après
ça.
Le Président (M. Laberge): C'est une autre affaire.
M. Forget: Vous anticipez nos questions, M. le ministre.
M. Bédard: Pardon?
M. Forget: Vous anticipez nos questions parce que le
"patronymique" qui disparaissait d'un article ne disparaissait pas des
autres.
M. Bédard: C'est ça.
Le Président (M. Laberge): Ici, ça va. Alors,
à l'article 6 du projet de loi...
M. Bédard: II y a plusieurs amendement, je pense qu'on
conviendra s'ils sont techniques. C'est sur la question du mot
"patronymique".
Le Président (M. Laberge): C'est ça. À
l'article 6, on dit que les articles 56 et 56a dudit code sont remplacés
par les suivants: 56... Et ici on nous propose, avant d'adopter l'article 56 ou
le paragraphe 56, si on veut, en l'occurrence, de remplacer, dans le premier
alinéa de cet article, l'expression "composé d'un nom
patronymique et d'" par le mot suivant "et". Comment ça marche,
ça? Cela ne marche pas.
M. Forget: Ce n'est pas tout à fait correct comme
formulation.
M. Bédard: Cela donne: toute personne a un nom et au moins
un prénom. Je répète: Toute personne a un nom et au moins
un prénom. Donc, tel que libellé, techniquement, il devrait
fonctionner, à moins qu'il y ait eu lapsus.
Le Président (M. Laberge): C'est vrai, parfait. Alors, on
enlève les mots "composé d'un nom patronymique et d'", et tout
ceci est remplacé par "et", ce qui donne: "a un nom et au moins un
prénom qui lui sont attribués dans l'acte de naissance". Cela va.
Est-ce que cet amendement est adopté?
M. Forget: Adopté.
M. Fontaine: Pourquoi enlever "patronymique"?
Le Président (M. Laberge): La discussion a
été faite là-dessus.
M. Bédard: C'est parce qu'il y a eu plusieurs
représentations faites par des groupes à savoir que cela avait
une connotation très masculine et que ça pouvait faire... Cela
pouvait avoir...
Mme Lavoie-Roux: Cela vient de "pater".
Une voix: ...Saint Joseph comme patron.
M. Fontaine: Vous avez succombé aux femmes.
Mme Lavoie-Roux: Non, c'est dans un esprit de justice.
M. Bédard: Je suis prêt à succomber lorsque
la tentation est acceptable.
Mme Lavoie-Roux: II ne succombe pas à toutes les
tentations.
Le Président (M. Laberge): Est-ce que cet amendement sera
adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Maintenant, le
paragraphe 56 amendé est-il adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté.
M. Bédard: On avait...
Le Président (M. Laberge): Aussi, on nous demande de
biffer le mot "patronymique" dans le deuxième alinéa de l'article
56 et dans les articles 56.2 et 56.3. Est-ce que cet amendement omnibus, si on
veut, sera adopté? Cela va?
M. Forget: Oui. M. le Président, le
Barreau suqgère une addition. Il y a la question, c'est à
56.1, je pense, qu'est la remarque.
Mme Lavoie-Roux: II faudrait que tout le monde porte le
même nom dans la même...
M. Forget: Oui, c'est peut-être une précaution
sage.
Mme Lavoie-Roux: Qu'arrive-t-il quand les gens se remarient? Les
enfants de la deuxième génération vont avoir quatre
noms?
M. Bédard: Non, deux noms. On va y venir. Il y a un petit
amendement à l'article 56.1 pour faire disparaître tout doute. On
l'avait déjà distribué d'ailleurs.
Le Président (M. Laberge): Est-ce que l'article 56
amendé par deux amendements est adopté?
M. Bédard: Adopté. M. Forget:
Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. On nous demande
ensuite d'ajouter...
M. Bédard: C'est cela. Nous l'avions déjà
soumis à l'attention...
Le Président (M. Laberge): C'est-à-dire de
remplacer l'article 56.1 par le suivant...
M. Bédard: Pour répondre justement à une
interrogation.
Le Président (M. Laberge): J'en fais lecture. "56.1: On
attribue à l'enfant, au choix de ses père et mère, un ou
plusieurs prénoms, ainsi que le nom de l'un d'eux ou un nom
composé d'au plus deux parties provenant des noms de ses père et
mère."
M. Bédard: C'est cela.
Le Président (M. Laberge): C'est l'article 56.1.
M. Bédard: Je peux peut-être donner
l'explication.
M. Fontaine: ... Allez-y donc!
M. Bédard: Cet article est de droit nouveau, je pense
qu'on en convient tous. Il précise les règles d'attribution du
nom patronymique comme celles des prénoms d'une personne; le choix en
est laissé aux parents et non plus à la coutume. L'amendement
apporté à l'article 56.1 vise à dissiper tout doute
concernant le nombre de parties qui peuvent être accolées dans un
nom composé. Le changement de nom d'un mineur est permis sur
autorisation judiciaire dans certaines circonstances, comme vous le savez. Cela
ne peut pas...
M. Fontaine: À première vue, quand on parle de
partie de noms... Par exemple, ma femme s'appelle Jutras et moi Fontaine;
est-ce qu'on pourrait les appeler Jufon?
M. Bédard: Non. Ce sont des syllabes, ce ne sont pas des
parties de noms. D'accord?
Le Président (M. Laberge): Est-ce que ce nouvel article
56.1 est adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, avant de l'adopter, j'aimerais
que le ministre...
M. Bédard: Non, pas de partie...
M. Forget: ... j'aimerais que le ministre commente les
suggestions qu'il a reçues d'au moins deux organismes, même trois
organismes, relativement à l'attribution du nom. Il y a le Conseil du
statut de la femme qui a fait des suggestions précises, qui ne sont pas
retenues, voulant que le nom composé de parties du nom des parents
devrait être composé selon certaines règles et, quand les
parents eux-mêmes ont des noms composés, que le nom de l'enfant
devrait être extrait en quelque sorte du nom conjoint des parents, selon
également certaines règles prédéterminées.
Je pense que tout cela s'inspire du droit civil espagnol, selon mes
renseignements. Ce n'est pas souvent qu'on s'inspire du droit civil espagnol.
Cela vaut peut-être la peine de le remarquer au passage. Il y a aussi
l'AFEAS qui a signifié son désaccord avec le principe de
liberté de choix dans l'attribution des noms. Enfin, le Barreau a
suggéré que le principe de liberté soit retenu, mais qu'il
soit quand même dans son exercice restreint par l'exigence que tous les
enfants issus d'une même union ou des mêmes parents portent le
même nom, voyant là, j'imagine, une préoccupation d'ordre
public, dans le sens que les frères et soeurs issus d'un même
mariage soient connus sous le même nom dit de famille.
M. Bédard: Je pense que tout le monde se rappelle les
débats épiques que nous avons eus lors de la commission
parlementaire et qui étaient centrés autour du nom de l'enfant.
Effectivement plusieurs techniques avaient été mises de l'avant,
mais d'une façon tout à fait particulière, je pense, avec
assez de précision, à celle énoncée par le Conseil
du statut de la femme et par l'AFEAS. Cependant, nous sommes à
même de constater que tout récemment cet élément,
tout en demeurant important, n'avait peut-être pas la même
priorité au niveau des demandes faites par ces groupes, quoique cela
demeurait dans la même ligne. Nous en sommes venus à la conclusion
de garder la liberté de choix concernant le nom qui doit être
donné à l'enfant. Je pense que cela s'inspire d'un des principes
mêmes de ce projet de loi qui est la liberté de choix des
époux ou des conjoints d'y aller de décisions qui les concernent
et qui peuvent concerner leurs enfants. Ce qu'on m'avait fait remarquer
à plusieurs reprises, c'est qu'il y avait beaucoup de difficultés
administratives qui étaient faites par des fonctionnaires à
l'endroit de femmes ou de couples qui voulaient justement utiliser cette
liberté de choix qui existait quand même au niveau du Code civil.
C'est sous cet angle que nous devons faire porter nos efforts, afin que ces
tracasseries administratives ne se retrouvent
plus au niveau de certains fonctionnaires, je l'ai évoqué
tantôt, qui avaient leur manière d'interpréter la loi et
qui se faisaient presque un devoir de l'interpréter de la façon
la plus restrictive possible, de manière, je dirais, dans certains cas,
à amener le plus de complications possible, par rapport à une
revendication qui me semblait fondamentale sur le droit des parents de choisir
le nom de leur enfant.
Une chose est certaine, c'est qu'avec les correctifs que nous avons
déjà apportés, ces tracasseries n'auront sûrement
aucun fondement légal, parce qu'elles commençaient à en
avoir un à la suite d'un certain jugement. Deuxièmement, il y
aura - je ne pense uniquement pas à moi, mais aussi à tous ceux
qui suivront - une préoccupation, voulant que ces tracasseries
administratives disparaissent, parce qu'elles n'auront aucun fondement.
On pourrait peut-être ajouter un autre élément plus
administratif. Je demanderais à M. Marcel Guy d'ajouter quelques
commentaires.
Au point de vue administratif, il y a à identifier une
difficulté particulière avec la règle qui consisterait
à imposer à tous les enfants nés d'une même union,
le même nom, à partir du premier, bien sûr, parce qu'une
fois que le nom est fixé à la naissance du premier enfant, cela
déterminerait, si j'ai bien compris, le nom des autres. Là aussi,
il faut bien le dire, en l'absence d'une sorte de livret de famille qui
comporte tous les événements importants et majeurs et du
caractère officiel que pourrait prendre ce livret de famille, on peut
fort bien aller rencontrer le fonctionnaire de l'état civil et
déclarer la naissance de son enfant comme étant le premier alors
que c'est le deuxième. (16 h 30)
II peut fort bien arriver aussi, à cause d'une certaine
mobilité de la population, que le premier enfant soit né à
Rouyn-Noranda et que le deuxième soit né à
Montréal. Donc, ce n'est pas le même fonctionnaire non plus, ce
n'est pas le même registre de sorte que le fonctionnaire aurait
difficilement, me semble-t-il, dans l'état actuel du fonctionnement des
registres, des moyens de contrôle pour savoir si c'est le premier enfant,
le deuxième ou le troisième. L'application d'une semblable
règle poserait certainement des problèmes faute de pouvoir
fournir, sauf sur la bonne foi des déclarations, bien sûr,
l'information qui permettrait aux fonctionnaires de refuser l'attribution du
nom demandé sous prétexte que le premier enfant s'appelle
autrement. C'est une première difficulté d'un caractère
administratif. Il y a peut-être aussi la portée de la
règle. Il y a des circonstances de toutes sortes dans la vie d'une
famille. On les connaît. Un premier enfant naît, porte un nom
donné et décède. Lors de la naissance du deuxième
enfant, après le décès du premier, est-ce que le nom
devrait être encore contraignant quant au choix? J'ai juste
énuméré quelques difficultés pratiques.
Il y a aussi la Loi sur le changement de nom qui, dans le cas des
majeurs, permet déjà certains changements de nom, d'une certaine
façon, peut-être de façon exceptionnelle. Sans doute qu'il
y a des frères et soeurs qui ne portent pas le même nom par suite
de l'application de la Loi sur le changement de nom; l'usage a peut-être
fait que l'un d'eux est plus connu sous son surnom qu'il fait légaliser
que sous le nom sous lequel ses frères et soeurs de la même
famille sont connus. Ce n'est pas nécessairement un
précédent dans le système administratif, si vous voulez,
concernant l'attribution des noms.
Cela a été réglementé. Je pense que le bon
sens l'a toujours emporté.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Maisonneuve.
M. Lalande: Dans les nouveaux articles qu'on remplace, 56 et 56a,
on reconnaissait, dans 56a que nous avons actuellement dans le Code civil, les
nom et prénoms donnés à une personne. De façon
générale, il y a un changement de nom qui peut s'effectuer pour
les enfants et pour les adultes. Dans 56.1, 56.2, 56.3 et 56.4, on ne fait
évidemment référence qu'à l'enfant. On ne retrouve
pas cette référence que nous avons dans l'actuel 56a où on
dit qu'on se réfère à une loi de la Législature
pour le changement de nom.
M. Bédard: C'est changé déjà. Je
précise, c'est la loi du ministre - comment cela s'appelle...
M. Lalande: Ce que je veux dire, c'est qu'à partir du Code
civil il n'y a aucune référence à la Loi sur le changement
de nom alors qu'elle existait dans 56a.
M. Bédard: Dans la Loi sur le changement de nom. C'est
cela?
M. Lalande: Je veux attirer votre attention encore une fois sur
le fait que, dans le Code civil actuel, dans 56a, on fait une
référence précise, on dit que, dans les cas de changement
de nom, c'est une loi de la Législature qui va s'en occuper, la Loi sur
le changement de nom, d'accord? 56 et 56a sont remplacés par les
suivants: 56.1, 56.2, 56.3 et 56.4; dans tous ces paragraphes et 1, 2, 3 et 4,
on ne fait aucune référence à une autre loi. Cela veut
dire, en d'autres mots, qu'en lisant le Code civil, le nouveau, celui qu'on
s'apprête à adopter en rapport à ceci, on ne sait pas s'il
existe une autre loi alors qu'avant on savait qu'il existait une autre loi
à laquelle on pouvait se référer. Comprenez-vous le
sens de ma question?
M. Bédard: La loi de la Législature à
laquelle on peut se référer, à l'article 56a, était
manifestement une loi privée car il s'agissait d'un changement ad hoc
personne par personne. Ce n'est donc pas une loi générale
à laquelle on faisait allusion. Je pense que, depuis 1965, nous avons
une loi générale sur le changement de nom et que cette loi va
évidemment survivre à la modification de l'article 56a.
M. Lalande: D'accord.
Le Président (M. Laberge): Cela va? 56...
M. Forget: M. le Président, j'aimerais corriger une
injustice dont j'ai été coupable, si on me permet une minute.
J'ai mentionné certains organismes qui avaient fait des
représentations au ministre relativement au changement de nom. Je ne
voulais exclure personne. Il y a d'autres organismes que ceux que j'ai
mentionnés qui ont fait des recommandations et, évidemment, en
partie dans le même sens de s'opposer à la liberté de choix
ou de favoriser certaines méthodes plus liantes. J'aimerais dire,
puisque le ministre a montré ses couleurs, que s'il y a un domaine
où il m'apparaît que le droit doit suivre les moeurs, c'est bien
dans la question du changement de nom. Je pense que le législateur n'a
pas beaucoup d'autres choix réalistes que celui d'accepter ce que
préfèrent les parents au moment de la détermination du nom
des enfants. Il est fort possible que les moeurs évoluent de
façon que le résultat visé par certains groupes soit
atteint.
Je terminerai là-dessus. Sur un plan pratique, on peut souhaiter
qu'effectivement, au Québec, les gens adoptent la pratique du nom double
pour une raison très simple, c'est que la revanche des berceaux du XIXe
siècle nous a laissé un héritage à peu près
sans précédent...
M. Bédard: Dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean, vous allez
avoir Tremblay-Tremblay souvent!
M. Forget: C'est cela. On est probablement l'endroit au monde
où il y a le plus de problèmes de personnes différentes
qui portent à la fois exactement le même prénom et le
même nom de famille. Cela crée, dans une société
moderne et urbanisée, des problèmes considérables à
tout le monde et, certainement que la suggestion d'avoir des noms
composés, à supposer que les gens ne se mettent pas à
faire des requêtes systématiques pour changement de nom, est le
seul remède à une situation de très grande confusion dans
tous les services privés ou gouvernementaux qui ont affaire à une
large clientèle. Il y a confusion continuelle, parce qu'à cela se
mêle la confusion des changements d'adresse, ce qui rend difficiles
à régler énormément de situations et
énormément de correspondance difficile à acheminer. C'est
souvent inextricable.
Je pense que c'est un voeu qu'on peut exprimer; ce n'est pas une
obligation qu'on peut faire à qui que ce soit et nous appuyons ici la
décision prise par le ministre.
M. Bédard: D'accord.
Le Président (M. Laberge): L'article 56.1, nouvelle
rédaction, sera-t-il adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Non, je laisse la parole à M. le
député de Nicolet-Yamaska. C'était son...
M. Fontaine: Je veux soulever une question sur la formulation.
J'ai posé une question tantôt et, plus je regarde cela, plus il me
semble que ça pose des interrogations. Quelqu'un voudrait
peut-être appliquer cela de façon très rigide et
restrictive pourrait dire que la loi lui permet d'utiliser une partie des noms
de la mère et une partie du nom du père pour former un nouveau
nom. De la façon que c'est rédigé, cela pourrait
être interprété comme ça. Quand on parle d'un nom
composé d'au plus deux parties provenant des noms de ses père et
mère, moi, je pense qu'on devrait plutôt essayer de trouver une
autre formulation qui dirait: Un nom composé - même la
première rédaction m'apparaissait plus claire que celle qu'on
nous propose aujourd'hui - d'au plus deux parties provenant du nom de chacun
d'eux ou des noms de ses père et mère, ou quelque chose comme
ça.
M. Bédard: Nous avons les mêmes
préoccupations que le député de Nicolet-Yamaska et nous
croyons que la formule présentement arrêtée n'amène
pas de confusion. On parle de parties de nom et non pas de syllabes de nom. Je
pense que c'est normal que le député de Nicolet-Yamaska
s'interroge là-dessus, mais il n'y aura pas de place à
l'initiative qui ferait qu'on pourrait à un moment donné prendre
certaines syllabes d'un nom pour les accoler à un autre nom, afin de
former un nouveau nom.
M. Fontaine: Par exemple, les enfants de Mme Lavoie-Roux
pourraient maintenant s'appeler "Voyoux"!
M. Bédard: On ne prolongera pas la discussion sur ce
sujet.
Le Président (M. Laberge): Article 56.1,
adopté?
M. Bédard: Adopté.
M. Fontaine: Cela se dit "pareil".
Le Président (M. Laberge): Adopté.
J'appelle l'article 56.2 où on a déjà enlevé
le mot "patronymique" à l'amendemement.
M. Bédard: C'est cela.
Le Président (M. Laberge): Est-ce que l'article 56.2 sera
adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article
56.3.
M. Fontaine: Juste avant d'aller plus loin, à 56.2, on
parle encore de filiation. Si on a enlevé le mot "patronymique", parce
que cela avait une référence, la filiation, c'est la même
chose? Quand on parle de filiation, cela a une référence au
père.
M. Bédard: Bien oui, au père et à la
mère. Il y a la mère. Il y a les deux.
M. Fontaine: Vous ne pouvez pas trouver un autre mot que
ça?
M. Bédard: Je pense que c'était la meilleure
manière de l'exprimer. On parle de la filiation paternelle et de la
filiation maternelle. Adopté?
M. Forget: II faudrait changer le langage.
M. Fontaine: C'est cela.
Le Président (M. Laberge): L'article 56.2 est-il
adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Il
l'était déjà, je m'excuse. Article 56.3...
M. Forget: Cela prouve notre désir de collaborer. On les
approuve deux fois plutôt qu'une.
Le Président (M. Laberge): Je vous remercie. Article 56.3.
Y a-t-il des remarques spéciales?
M. Forget: Non.
M. Bédard: Non.
Le Président (M. Laberge): Adopté. L'article 56.3
est adopté. Article 56.4. Adopté? L'article 56.4,
adopté.
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): J'appelle maintenant l'article
7 qui dit: Les articles 57 à 63 dudit code sont abrogés.
M. Bédard: C'est un article de concordance avec les
articles 409 à 420 qui étaient édictés par
l'article 1.
Le Président (M. Laberge): Est-ce que cet article sera
adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 8.
M. Bédard: L'article 8, c'est de concordance, en fait.
Nous sommes dans ce chapitre. C'est de concordance avec les articles 403, 412
et 414 qui sont édictés par l'article 1 que nous avons eu
l'occasion d'étudier.
Le Président (M. Laberge): Article 8, adopté?
M. Forget: Attendez un peu, M. le Président. C'est
écrit tellement fin que j'ai de la misère à me
retrouver.
Je voudrais attirer l'attention relativement à la dispense
d'âge.
M. Bédard: Oui, 403, cela n'influence pas parce que nous
aurons l'occasion d'y revenir concernant...
M. Forget: II y a une concordance à faire,
éventuellement.
M. Bédard: Oui, c'est cela. M. Forget:
D'accord.
Le Président (M. Laberge): Article 8, adopté.
Article 9.
M. Bédard: Cet article est de concordance avec l'article
469 édicté par l'article 1. L'article 469 auquel je me suis
référé qui a été adopté.
Le Président (M. Laberge): Cet article 9 sera-t-il
adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 10.
M. Bédard: L'article 10 vise à donner aux jugements
qui concernent les actes de l'état civil le même effet qu'à
tout autre jugement.
M. Forget: Pourquoi, M. le Président? Ce que je comprends,
c'est normal qu'un jugement en rectification de titre ait les mêmes
effets qu'un tout autre jugement.
M. Bédard: C'est opposable.
M. Forget: Oui, je comprends, c'est opposable aux tiers qui n'ont
pas été parties ou mis en cause ou appelés, mais est-ce
que, dans ces cas, la règle du Code civil n'était pas une
règle de prudence, malgré tout? On peut vouloir contester un
titre, non pas juste pour le plaisir, mais pour des raisons patrimoniales.
Est-ce qu'il n'est pas prudent... Parce qu'une fois que le titre est
contesté avec succès, il devient opposable et peut-être
qu'il n'y a plus d'autre recours. La question a été
tranchée. Est-ce qu'il n'est pas prudent d'appeler, parce qu'il n'y a
pas de défendeur dans...
M. Bédard: II y a une tierce opposition qui est possible
pour ceux qui n'étaient pas parties.
M. Forget: Pour ceux qui sont au courant que la demande a
été présentée, cependant.
M. Bédard: Oui, et qui n'étaient pas parties
à l'acte...
M. Forget: Qui n'étaient pas parties.
M. Bédard: Ils peuvent, par voie de tierce opposition,
faire...
M. Forget: Mais il n'y a aucune obligation de leur signifier la
requête initialement.
M. Bédard: Je ne pense pas.
M. Forget: Donc, cela peut se faire à leur insu.
M. Bédard: Ce n'est pas parce qu'ils n'étaient pas
parties à l'action qu'ils peuvent faire tierce opposition.
M. Forget: Oui, mais...
M. Bédard: II est évident que la prudence,
lorsqu'on fait une requête en rectification, est d'assigner le plus de
personnes possible à qui on veut rendre le jugement opposable.
M. Forget: Oui, mais la prudence actuelle, non pas la prudence
future.
M. Bédard: Oui. Le paradoxe, néanmoins, de cet
article 78, c'était que le jugement était carrément
inopposable, c'est-à-dire que celui qui n'avait pas été
partie pouvait faire comme s'il n'existait pas. Le but de la suppression, c'est
de le rendre au moins opposable de façon provisoire jusqu'à ce
qu'il ait été contesté.
M. Forget: Le jugement lui-même pourrait être
contesté, à ce moment-là?
M. Bédard: Oui.
M. Forget: Même si les délais d'appel avaient
couru?
M. Bédard: Oui, parce que c'est à l'égard de
tiers et non pas de parties aux recours. (16 h 45)
M. Forget: Alors, même si cela a acquis force de chose
jugée, on peut revenir, un tiers qui est affecté adversement peut
revenir, rouvrir la cause et cela peut être entendu à nouveau.
M. Bédard: Oui, la force de chose jugée
n'étant valable qu'entre les parties à l'action.
M. Forget: À ce moment-là, on n'a pas d'objection.
Adopté.
Le Président (M. Laberge): L'article 10 est adopté.
Je reviens pour une précision au journal des Débats. Toutes les
parties de l'article 6 ayant été adoptées, je
déclare donc que l'article 6 a été adopté tel
qu'amendé. C'est pour la forme. Article 11.
M. Bédard: L'article 11 précise les règles
relatives au domicile du mineur non émancipé et il supprime,
conformément à la recommandation de l'Office de révision
du Code civil, l'ancienne règle relative au domicile de la femme non
séparée de corps. En effet, cette dernière aura son
domicile comme toute autre personne, au lieu de sa résidence
habituelle.
M. Forget: Je comprends. Avec raison, on a supprimé la
clause disant que la femme non séparée de corps n'a pas d'autre
domicile que celui de son mari. C'est logique avec la notion
d'égalité des époux. Je suppose que cela ne pose pas de
problème, tout le monde a un domicile, finalement, c'est une question de
fait. D'accord. Adopté.
Le Président (M. Laberge): L'article 11 est adopté.
L'article 12.
M. Bédard: L'article 12...
M. Lalande: Excusez-moi, sur l'article
11, si vous me permettez.
Le Président (M. Laberge): Sur l'article 11, M. le
député de Maisonneuve.
M. Lalande: "Le majeur interdit pour démence a le sien
chez son curateur." Quand on dit "démence", est-ce qu'on fait
référence à l'aliénation mentale? C'est la
connotation de démence... On reconnaît très bien
l'aliénation mentale, il y a une jurisprudence bien définie
là-dessus.
M. Bédard: C'est la disposition du troisième
alinéa de l'article 83 du Code civil actuel qui est simplement
reconduite sans modification. Si on a récrit l'article, c'est en
raison... On a purement et simplement repris le troisième alinéa
de l'article 83. Justement, on n'a pas voulu, à ce moment-ci, toucher
à ce problème de la santé mentale tant que tout le
problème ne sera pas abordé d'une façon plus large.
M. Lalande: Est-ce que, à titre indicatif, vous pourriez
me dire où est fixée la jurisprudence? Semble-t-il qu'il y a
beaucoup de confusion relativement à cela; c'était
peut-être l'occasion de le corriger, mais vous n'avez pas voulu entrer
dans la substance.
M. Bédard: Ce serait mieux dans le chapitre concernant la
capacité des personnes; à ce moment-là, ce sera le temps
d'y aller en profondeur.
Nous n'avons pas fait de recherche particulière sur l'article 343
du Code civil à ce moment-ci, parce qu'il n'y avait pas d'amendement
proposé comme tel. Je m'en excuse.
M. Forget: M. le Président, je reviens à la
question du domicile des conjoints. Je comprends que les dispositions relatives
à la résidence familiale sont édictées dans un but
bien différent des dispositions relatives au domicile dans le Code
civil. Il reste qu'on va quand même assez loin pour formaliser la notion
de résidence familiale en prévoyant même le
dépôt d'une déclaration, etc. Vis-à-vis des tiers,
pour lesquels la question du domicile pourrait être importante, est-ce
que la résidence familiale ne constitue pas une présomption quant
au domicile tant qu'il n'y a pas séparation de corps ou divorce?
M. Bédard: Peut-être bien, mais vous pensez en
termes de présomption simple, à tout le moins, donc, qui pourrait
être renversée si on faisait la preuve que les époux
habitent ailleurs, même en vivant séparés dans les
faits.
M. Forget: Oui, mais, disons, avec un point d'interrogation,
parce qu'on va jusqu'à un acte enregistré en disant: Voici la
résidence de la famille, les deux conjoints, alors que rien n'indique...
Autrement dit, étant donné le formalisme considérable
qu'on donne à la notion de résidence familiale, dans le cas d'une
propriété, est-ce que ce ne serait pas un présomption
très forte avec laquelle il faudrait traiter prudemment avant de
chercher à la contredire par une preuve de fait?
M. Bédard: ... les éléments à partir
desquels on va déterminer le domicile. À l'article 81 du Code
civil, on dit que "la preuve de l'intention résulte des
déclarations de la personne et des circonstances". Ce serait une
déclaration.
M. Forget: C'est une déclaration.
Surtout si la personne dont le domicile est en question est celle qui a
fait la déclaration.
M. Lalande: Est-ce que nous ne pourrions pas, justement, dans le
prolongement, inscrire qu'il y a une présomption de facto, en tout cas,
pas de jure, parce que ce n'est pas irréfragable, mais qu'il y a une
présomption de faite, en tout cas, là-dedans? Est-ce qu'il n'y a
pas lieu de l'inscrire?
M. Bédard: Elle est déjà inscrite dans
l'article 81. Dans la tradition, l'interprétation sur l'article 81,
c'est déjà une de ces présomptions de fait, il peut y en
avoir plusieurs. C'est un des éléments qui peuvent être
pris en considération. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de la
discussion sur la résidence familiale.
M. Lalande: Je sais que la conclusion ou la jurisprudence a
établi qu'il y a une présomption, mais ce n'est pas écrit
textuellement à 81 que ceci constitue une présomption de
fait.
M. Bédard: II serait peut-être dangereux de
l'écrire aussi parce que, encore une fois...
M. Lalande: Mais, elle n'est pas irréfragable, à ce
moment-là, si elle est de fait seulement. On pourrait la renverser, sauf
que ça constituerait, dans le prolongement de ce qu'indiquait le
député de Saint-Laurent, si on l'indique d'une façon
précise, une certaine stabilité. Vous aimez mieux, à ce
moment-ci, ne pas en traiter, laisser libre cours à la chose.
M. Bédard: ...la présomption de fait, a
échoué...
Le Président (M. Laberge): Alors, ceci complète
l'article 11. J'appelle l'article 12.
M. Bédard: L'article 12 vise à éliminer une
inégalité entre époux. Il est de concordance avec le
principe de l'égalité des époux qui est établi
à l'article 441 que nous avons adopté.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Je lis l'article 111 actuel où on parle des
avantages qui sont consentis à l'épouse lorsque le mari est
absent. Quand on parle d'absence, c'est l'absence telle que prévue au
Code civil. On dit: "Si c'est le mari qui est absent, la femme peut se faire
mettre en possession de tous les gains et avantages matrimoniaux lui
résultant de la loi ou de son contrat de mariage, mais à la
condition de fournir caution." Je viens de relire les articles 441 et 449 que
nous avons étudiés dans l'article 1 et je ne vois pas d'article
qui permette à l'épouse de se faire donner les avantages gui sont
prévus à l'article 111. On nous dit que c'est un article de
concordance mais, à mon avis, on enlève les avantages à
l'épouse dans le cas de l'absence du mari.
M. Bédard: Sous les commentaires faits par les auteurs
sous l'article 111, il est indiqué que cette règle de fournir
caution dans les circonstances de la première partie de l'article n'est
applicable gu'à la femme. Si ça se présente pour l'homme,
la même situation, il n'a pas à fournir caution. Donc, ce n'est
pas l'article 111 gui autorise que ce soit possible d'être mis en
possession des gains et avantages matrimoniaux, mais l'article visait à
établir la condition de fournir bonne et suffisante caution. Si ma
mémoire est bonne, au surplus, cela se rattachait davantage au
régime de communauté de biens où le mari était
administrateur de la communauté et la femme ne l'était pas. Il y
avait peut-être, à l'égard du pouvoir ou de la
capacité d'administration de la femme, quelque suspicion, secrète
ou non. Cela disparaît.
M. Fontaine: Non, mais il y a beaucoup plus que ça, c'est
qu'on lui permettait de se faire mettre en possession de tous les gains et
avantages matrimoniaux lui résultant soit de la loi, soit du contrat de
mariage. Là, on enlève cet article et on ne le remplace pas par
autre chose.
M. Bédard: Encore une fois, je l'ai dit, sous
réserve d'une...
M. Fontaine: Qu'on le fasse pour l'homme et pour la femme, je
serais d'accord.
M. Bédard: C'est qu'il semblait que le mari, lui, n'a pas
de problème pour cette question-là, il se fait mettre en
possession de tout ça sans avoir à fournir bonne et valable
caution et cela simplement en vertu des principes, alors que la femme est
obligée d'obtenir caution.
M. Fontaine: Mais où est-ce qu'on retrouve la permission
pour l'épouse de l'obtenir également?
M. Bédard: Je dirais dans les mêmes ressources que
pour le mari.
M. Lalande: 111 n'engendre pas, en fait, de droit. Au fond, il
est certainement...
M. Bédard: Enfin, pas que je sache. Pour avoir
vérifié, je n'ai pas vérifié hier soir, mais quand
on a examiné cet article 111, on a pris la peine d'aller vérifier
les commentaires sur cet article-là.
M. Fontaine: Vous...
M. Bédard: C'est possible que ce soit dans le chapitre...
Justement, on me signale que c'est probablement dans le chapitre de l'absence,
aux articles 109 et 110, peut-être, qu'on retrouverait les principes qui
permettent... On dit, par exemple, à 110: "Au cas d'application de
l'article 109, les conventions et droits des conjoints subordonnés
à la dissolution de la société d'acquêts ou de la
communauté deviennent exécutoires et exigibles." Donc, il y a une
mise en possession, si vous voulez, des avantages qui découlent du
régime lui-même ici, mais par application des articles 109 et 110,
de sorte que l'article 111 n'était pas, comme quelqu'un l'a
mentionné tantôt, générateur du droit de mise en
possession, mais il était fonction de la caution que devait fournir
l'épouse commune en biens.
M. Forget: Un genre de présomption.
M. Bédard: C'est simplement une formalité qu'on
imposait à la femme et qui n'était pas imposée à
l'homme.
Le Président (M. Laberge): Article 12, adopté.
Article 13?
M. Bédard: Cet article est de concordance avec l'article
1. Il abroge au Code civil du Bas-Canada les dispositions correspondant
à celles qui sont édictées à l'article 1. Il est
à noter toutefois gue l'abrogation en bloc de ces articles s'appuie sur
une mise en vigueur en bloc des nouveaux articles du Code civil du
Québec édictés par l'article 1 également, de
manière qu'il n'y ait pas de vide.
Le Président (M. Laberge): L'article 13 sera-t-il
adopté? Adopté. Article 14?
M. Bédard: L'article 14 vise à éliminer une
inégalité entre époux. Il est de concordance avec le
principe de l'égalité des époux établi à
l'article 401, édicté par l'article 1. L'article 401: "Le
consentement au mariage consiste dans la volonté qu'expriment un homme
et une femme de se prendre réciproquement pour époux ".
Le Président (M. Laberge): L'article 14, oui.
M. Bédard: Article 441.
M. Fontaine: On parle de l'article 276.
M. Bédard: Oui, pour le Code civil, c'est l'article 276.
La fin de l'article fait une distinction entre celui qui est époux ou
père, donc distinction par rapport à celle qui est épouse
ou mère. On disait dans le code: "Celui qui est époux ou
père et qui est déjà chargé d'une tutelle n'est pas
tenu d'en accepter une seconde, excepté celle de ses enfants." Dans le
cas de la femme, évidemment, c'était déjà une
situation différente.
M. Fontaine: Le principe d'égalité.
M. Bédard: Le principe d'égalité fait que,
par rapport à la tutelle, ils seront sur un pied d'égalité
quant à savoir le nombre de tutelles qu'ils seront tenus d'accepter.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Je suis d'accord avec le principe, mais il semble
qu'on établit une égalité très exigeante en
permettant à tout le monde d'en avoir deux...
M. Bédard: II faut bien réduire le nombre de
tutelles.
M. Forget: II me semble que, le deuxième alinéa
supprimant l'inégalité, pour quelqu'un qui a déjà
une tutelle, à mon avis, cela devrait être une excuse pour en
refuser une deuxième, à moins que ce ne soit celle de ses
enfants. Ce n'est pas tellement courant, mais, comme ce sont des emplois non
rémunérés, de toute façon, ce sont des excuses que
le tribunal peut apprécier. Est-ce que ce sont des excuses...
M. Bédard: L'article est quand même assez formel,
tel que libellé, il est assez catégorique. Je ne crois pas qu'il
y ait beaucoup de discrétion de laissée par l'article. J'avoue,
par ailleurs, n'avoir eu connaissance aucune fois dans ma vie - je ne dis pas
que cela n'existe pas cependant -d'une situation où quelqu'un en
était à accepter une troisième tutelle,
c'est-à-dire celle de ses enfants, non pas qu'il n'y ait pas de tutelle
- il y en a plusieurs milliers au Québec - mais il semble que les
parents trouvaient toujours quelqu'un, un autre parent, pour accepter la
deuxième tutelle, plutôt que de se charger eux-mêmes d'une
troisième.
M. Forget: Je n'ai pas d'objection. Cela m'apparaît
être beaucoup de tutelles pour la même personne, mais...
M. Bédard: On n'a pas d'exemple de collectionneurs de
tutelles.
M. Lalande: Avec le rôle que le curateur public joue,
est-ce qu'il n'y aurait pas lieu justement d'en faire non seulement un curateur
public, mais un tuteur public, si on veut, pour ne pas forcément amener
quelqu'un à avoir une deuxième tutelle?
M. Bédard: Vous avez hâte d'entamer l'étude
de la réforme du livre blanc. C'est là qu'on...
M. Lalande: Oui, évidemment, la substance est là.
En pratique, ce sont des problèmes assez importants auxquels a à
faire face aujourd'hui quiconque doit assumer une tutelle. Ce n'est pas facile.
Je comprends que c'est la notion de bon père de famille, mais c'est une
charge assez pénible pour certains. Cela ira avec la substance encore
une fois du droit sur la personne.
Le Président (M. Laberge): L'article 14 est-il
adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 15.
M. Bédard: Cet article vise à éliminer une
inégalité entre parents dont les enfants sont soit
légitimes ou naturels. Il est de concordance avec...
M. Forget: On faisait un grand compliment aux enfants naturels,
parce qu'on considérait qu'ils n'étaient pas une charge, qu'ils
étaient plus faciles à élever que les autres. (17
heures)
M. Bédard: Je pense que cela rejoint une
préoccupation qu'on a tous exprimée autour de la table pour qu'il
n'y ait plus de différence ou de discrimination entre les enfants
légitimes ou naturels; tout le monde sera sur un pied
d'égalité.
Le Président (M. Laberge): Article 15, adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 16?
M. Bédard: L'article 16 vise à éliminer une
inégalité entre le père et la mère. Il est de
concordance avec les articles 441 et 641 édictés par l'article 1.
Cela se retrouvait aussi au Code civil qui disait: "Ne peuvent être
tuteurs les mineurs, excepté le père qui est tenu d'accepter la
charge et la mère qui, quoique mineure, a droit à la tutelle de
ses enfants, mais n'est pas tenue de l'accepter."
M. Forget: Dans quelle situation peut-on nommer comme tuteur le
parent d'un enfant?
M. Bédard: Les parents actuellement, n'ayant pas vraiment
de pouvoirs de représentation de leurs enfants en justice, par exemple
dans l'exercice des recours en dommages et intérêts, il fallait
procéder à la nomination d'un tuteur pour exercer un recours en
dommages et intérêts ou s'ils recevaient quelque héritage;
s'ils avaient quelques biens, pour l'administration des biens, il fallait
également les faire nommer tuteurs. En d'autres termes, ce sont
généralement les parents, le père ou la mère, qui
sont nommés tuteurs de leurs enfants. C'est pour suppléer au fait
qu'actuellement, les parents ne représentent pas leurs enfants ni dans
l'administration des biens, ni pour ester en justice. Ils exercent
l'autorité parentale, bien sûr, mais ils n'ont pas le pouvoir de
représentation en justice ou d'administration des biens.
M. Forget: Est-ce qu'il ne serait pas normal que les parents
soient considérés comme les tuteurs d'office, à moins que
quelqu'un ne s'y oppose ou que le tribunal d'office ne voie une divergence
entre l'intérêt des parents et celui des enfants?
M. Bédard: La proposition de réforme de l'Office de
révision du Code civil est d'examiner la possibilité de les
considérer comme des tuteurs de plein droit, donc représentant
leurs enfants dans l'administration des biens, tout comme dans les actions
à exercer, sous réserve des tuteurs ad hoc, évidemment,
pour les cas de conflits d'intérêts entre les parents et les
enfants.
M. Lalande: On sait déjà que, dans certaines
dispositions du Code de procédure civile, au niveau de la loi des
petites créances, les parents sont tuteurs d'office. N'y aurait-il pas
lieu de...
M. Bédard: II y a quand même certaines
représentations limitées, par exemple consentir au mariage de
leurs enfants; ils l'exercent, mais c'est davantage un acte d'autorité
parentale qu'un acte...
M. Lalande: Je vous citais la loi des petites créances
à dessein parce qu'on l'a spécifiquement indiqué dans
cette loi. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de l'indiquer également dans
cela?
M. Bédard: On reprend souvent l'argument, mais la tutelle
des enfants est un problème assez important et considérable;
c'est le problème des tutelles privées, vous avez soulevé
le problème d'un tuteur public; enfin, je pense que ce sont des
questions de fond.
M. Lalande: Evidemment, cela irait dans l'autre projet?
M. Bédard: ...
M. Lalande: J'allais aussi dire un mot au niveau des
interdits...
M. Bédard: J'avais déjà indiqué qu'au
moment où on se parle, nous procédons au chapitre 2. Il y a
déjà un groupe, restreint pour le moment, qui est en train de
faire le travail d'approfondissement nécessaire pour procéder
rapidement avec la réforme concernant le chapitre 1 du Code civil.
M. Lalande: II y a peut-être lieu aussi de savoir, à
titre indicatif, au paragraphe 2, qu'on ne touche pas, si les interdits, les
ivrognes d'habitude, par exemple, seront considérés aussi comme
des interdits. Il y a toujours cette distinction à faire si c'est une
semi-interdiction ou une interdiction complète quand on parle
d'interdit. Est-ce qu'on inclut aussi ceux qui abusent de prodigalité?
Est-ce que sont véritablement des interdits?
M. Bédard: Je peux vous dire encore une fois que, dans la
réforme proposée par l'Office de révision du Code civil,
il y a un changement considérable d'approche par rapport au Code civil
actuel, parce qu'on parle de celui qui est incapable mentalement et de celui
qui est incapable physiquement. Il y a une sorte de concept nouveau qui est
proposé au lieu des distinctions très...
M. Lalande: Je veux simplement vous dire qu'on suit ça de
près.
M. Bédard: Cela va être intéressant à
étudier.
Le Président (M. Laberge): L'article 16 est-il
adopté?
Une voix: Adopté.
De l'émancipation par mariage
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 17?
L'article 17 a un nouveau libellé en introduisant la "section I, "de
l'émancipation par mariage", et l'article 314 suit avec le texte que
vous avez.
M. Bédard: D'une façon générale,
l'article vise à élargir la capacité du mineur
émancipé par le mariage. II s'inspire du Code civil
français. Cette solution a paru préférable à celle
que propose l'Office de révision du Code civil dont l'effet est
d'abaisser la majorité à 16 ans et de procurer un statut de
majorité opposable à tous et en toutes circonstances.
M. Forget: II y avait un problème de concordance selon la
solution adoptée ailleurs. D'accord.
M. Bédard: Je pense qu'on peut l'adopter.
M. Lalande: De toute façon, cela règle une partie
du problème puisque l'âge du mariage a été quand
même changé. C'est en suspens? Je pense qu'on s'en va vers une
direction à la hausse. Très bien.
Le Président (M. Laberge): Article 17, adopté?
Article 18, demande d'insérer un nouveau titre, c'est-à-dire
"Section II "de l'émancipation judiciaire; entre les articles 314 et
315. L'article 18 sera-t-il adopté?
M. Bédard: Peut-être un peu d'explication technique.
À partir du moment où l'émancipation du mineur par mariage
ou par voie judiciaire ne donne pas la même capacité, il devient
nécessaire de traiter dans deux sections différentes de
l'émancipation judiciaire et de retenir la capacité actuelle du
Code civil, puisqu'on a élargi au fond la capacité du mineur
émancipé par le mariage. C'est la raison de l'intitulé et
des modifications techniques qui vont suivre dans beaucoup d'articles.
Le Président (M. Laberge): Adopté? Des voix:
Adopté.
Le Président (M. Laberge): Article 18, adopté.
Article 19.
De l'émancipation judiciaire
M. Bédard: II n'y a aucun changement de fond. C'est
seulement de la concordance avec l'article 17 qui a été
édictée dans l'article 1.
M. Lalande: "II doit être nommé un curateur au
mineur émancipé". Est-ce qu'on présume que c'est au bien
et à la personne qu'est nommé ce curateur?
M. Bédard: C'est au bien.
M. Lalande: Au bien seulement.
Le Président (M. Laberge): L'article 19 est-il
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté.
M. Lalande: II n'y a pas lieu de le mentionner, non.
M. Bédard: L'interprétation de 317 présente
est assez bien fixée, n'y pas toucher, c'est peut-être
préférable à ce moment-ci.
M. Lalande: Évidemment...
Le Président (M. Laberge): Article 19 adopté.
Article 20.
M. Bédard: L'article 20 vise à éliminer une
illégalité entre époux. Cet article est de concordance
avec l'article 441 du code, édicté par l'article 1, on lisait
dans le Code civil: "La femme ou le fils majeur d'une personne ainsi interdite
peut être nommé son curateur. Lorsque cette charge est
dévolue à la femme de l'interdit, elle a tous les pouvoirs des
curateurs des interdits pour cause de prodigalités."
On faisait une distinction au niveau de l'ampleur de la curatelle
exercée par la femme par rapport à celle exercée par
l'homme.
Le Président (M. Laberge): Article 20, adopté?
M. Forget: II ne peut pas être utile de dire "le conjoint"
plutôt que de supprimer l'article? L'époux ou l'enfant majeur, cet
article n'avait pour but que de limiter la capacité de la femme.
M. Bédard: Dans le cas de la femme, cela donnait une
capacité qui est celle des curateurs des interdits pour cause de
prodigalité. C'est qu'il est différent comme capacité
d'exercice de celle du premier alinéa. En fait, elle avait moins de
pouvoirs, somme toute.
M. Forget: Dans le cas du premier alinéa, la
capacité du conjoint ou de l'enfant majeur d'être nommé
curateur ne peut pas être mise en doute.
M. Bédard: C'est cela, parce qu'on référait
de la curatelle à la tutelle pour les
personnes qui peuvent l'être.
Le Président (M. Laberge): Adopté? Article 21.
M. Bédard: Cela vise également à
éliminer une égalité entre époux. Il est de
concordance avec les articles 441 et 442 édictés par l'articlel.
C'est cela.
Le Président (M. Laberge): Article 21, adopté.
Article 22.
M. Bédard: Concordance avec l'article 17. On s'y est
référé tout à l'heure.
Le Président (M. Laberge): Adopté? Une voix:
Adopté.
Le Président (M. Laberge): Article 22 adopté.
Article 23.
M. Bédard: Cet article vise à éliminer une
inégalité entre époux; il est de concordance avec les
articles 441 et 442 édictés par l'article 1. C'est toujours sous
l'angle de la capacité.
Concordance nécessaire.
Le Président (M. Laberge): Article 23, adopté.
Article 24.
M. Bédard: Cet article vise à préciser qu'un
droit d'usage ou d'habitation peut être établi par jugement et non
seulement par la volonté de l'homme. Il est de concordance avec les
articles 457 et 461 édictés par l'article 1.
Le Président (M. Laberge): L'article 24 sera-t-il
adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Article 24, adopté.
J'appelle l'article 25.
M. Bédard: Cet article remplace par une règle
très simple les articles 603, 604 et 605 du Code civil du Bas-Canada et
fait disparaître enfin les distinctions antérieures fondées
sur le sexe et l'âge. Cet article permet d'éviter en outre deux
successions consécutives des mêmes biens. C'était l'article
concernant les comourants ou les possibilités de survie de
l'homme...
M. Forget: M. le Président.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: II est- difficile d'évaluer - je suis bien
sûr d'accord avec l'idée de ne pas avoir de présomption qui
affecte un sexe par rapport à l'autre. Plus généralement,
comme on fait cette règle alors qu'on ne change pas la Loi sur les
successions, il est difficile d'en parler intelligemment. La question des
comourants, c'était une réponse inspirée des valeurs du
XIXe siècle à un problème d'intérêt de
famille, dans certains cas. Est-ce que la transposition moderne de cette
question ne consisterait pas, dans l'état actuel du droit sur les
successions du moins, à donner au tribunal un certain droit
d'appréciation?
Imaginons une situation où l'homme et la femme meurent ensemble,
sont comourants. Un de ces conjoints a fait un testament qui désavantage
ses enfants, peut-être pour avantager un tiers, etc., et l'autre
lègue tout simplement aux enfants sa part des acquêts, à
supposer qu'on est dans un régime d'acquêts. Comme c'est une
question d'interprétation, s'il y avait un décès dans un
certain ordre, cela produit tel effet pour les enfants; s'il y a un
décès dans un autre ordre, cela produit des effets
différents pour les enfants. Est-ce que, à la place de cette
présomption qui est arbitraire, on ne pourrait pas avoir la
possibilité que le tribunal, dans l'intérêt des enfants,
détermine l'ordre de succession?
M. Bédard: On y a donné suite parce que cela
reprenait, d'une part, textuellement une des recommandations de l'Office de
révision du Code civil qui avait fouillé cela à fond.
Également, cela rejoint une acceptation de l'Ordre des notaires et du
Barreau. S'il y avait eu le moindrement de différence entre l'Office de
révision, le notariat, le Barreau, etc., j'aurais, au départ,
remis cela à plus tard.
Il serait peut-être intéressant, si vous me permettez, que
nous lisions, parce qu'il y avait une certaine incompatibilité avec le
deuxième alinéa de l'article 625 du Code civil du Bas-Canada qui
dit: "Dans tous les cas, les enfants - au moins pour ceux-là - ou leurs
descendants succèdent sans distinction de sexe ni primogéniture,
et encore qu'ils soient issus de mariages différents." (17 h 15)
II y a donc eu une sorte d'abolition au niveau des principes de
distinction quant au sexe pour ce qui est des droits d'héritage, de
même que de primogéniture évidemment, parce que c'est ce
qui a existé dans le très ancien droit. Ces articles 603 qui sont
dénoncés depuis pas mal longtemps font survivre d'une certaine
façon entre les sexes des distinctions. Il n'y a pas la
primogéniture, mais, entre les sexes, il y a des distinctions, parce que
même entre les enfants, c'est lié à l'âge aussi, je
comprends, il y a donc deux sortes de distinction, c'est celle qui tient
à l'âge et celle qui tient au sexe.
Par ailleurs, dans beaucoup de cas, maintenant, ces problèmes
sont aussi réglés par des examens très poussés au
point de vue médical qui peuvent être faits pour déterminer
lequel est mort le premier. Il reste quand même des cas difficiles encore
ou impossibles a préciser et surtout dans les décès par
chute d'avion ou autres. La théorie des comourants a replacé un
peu tout le monde sur un pied d'égalité.
M. Lalande: En termes d'étapes, l'article 603 et la
théorie des comourants, notamment la présomption au niveau des
sexes, je pense qu'il est fort heureux qu'on ait balayé cela.
Maintenant, au niveau de l'âge, la présomption d'âge
ne devrait-elle pas subsister pour un certain temps, en ce sens que si vous
avez - comme vous l'avez évoqué tout à l'heure - le cas
d'un accident d'avion, même d'automobile, si vous voulez, où les
parents et les enfants décèdent ensemble, il y avait
peut-être toujours l'avantage au niveau des successions de
démêler un peu la situation? Évidemment, au niveau des
sexes, on peut toujours enlever cette présomption, mais, au niveau de
l'âge, ceci permet-il de façon plus facile d'en arriver à
établir la succession? Là, vous êtes 5 ou 10 personnes en
même temps et comme on le dit bien, il y a plusieurs personnes
appelées à la succession, l'une ou l'autre décède
sans qu'il soit possible d'établir laquelle a survécu à
l'autre et lesquelles sont réputées être
décédées au même instant.
Cela fait une espèce d'imbroglio très difficile à
régler. La théorie des comourants nous aidait
considérablement là-dedans, je pense, en donnant des
présomptions. Pourquoi la présomption d'âge doit-elle
être absolument éliminée?
M. Bédard: Enfin...
M. Lalande: C'est diviser le problème en deux, au niveau
de l'âge, en tout cas.
M. Bédard: Oui, avec les inconvénients qui ont
été notés par les praticiens du droit quand ils avaient
à régler ces problèmes, c'est que, puisqu'il s'agit de
courts intervalles qu'on ne peut pas mesurer, on dit: Ils sont
décédés en même temps, et c'est par un jeu de
fiction, une présomption tout à fait, qu'on arrive à le
dire. Mais, ce faisant, on crée deux transmissions. Cela mettait un
principe, semble-t-il, de transmission des biens qui se faisait en deux temps.
C'est sûr qu'au temps où il y avait une fiscalité, les
transmissions de successions avaient une certaine importance et ce
n'était pas négligeable. Aussi, cela fait passer les biens dans
une ligne plutôt que dans les deux. Le cas des comourants, tel que
proposé par l'Office de révision du Code civil et appuyé
d'une règle de représentation dans le cas de
codécès, permet de ne pas, par ce moyen, déshériter
une souche de la famille. Dans ce sens, enfin, je pense à un cas
où un père est décédé en même temps
que l'un de ses fils. Il y a donc les différences d'âge qui
s'appliquent ici. Alors, en traitant distinctement chacun de ces
décès et en appliquant la règle de la
représentation, vous permettez aux enfants du fils
décédé de recevoir la part du grand-père.
Autrement, quand on fait plusieurs combinaisons dans ces successions,
c'est assez complexe, il arrive, en faisant passer les biens d'un seul
côté, qu'on se trouve à priver certaines souches d'une part
d'héritage qui, dans la famille, en termes d'une certaine
égalité également... Ce sont à peu près les
raisons qui ont été évoquées par les praticiens du
droit des successions.
Je peux peut-être dire comme information, parce que c'est venu par
l'office, que c'est la Chambre des notaires qui a été un peu le
maître d'oeuvre dans cette rédaction. Nous avons essayé de
le regarder sous toutes ces coutures, mais il nous est apparu assez
précis, au point de vu de sa rédaction.
M. Forget: Très bien.
Le Président (M. Laberge): Article 25, adopté.
Article 26.
M. Forget: On se met là-dessus sur le pilote automatique,
M. le Président.
Le Président (M. Laberge): M. le ministre.
M. Bédard: L'article vise à éliminer une
inégalité entre père et mère. Il est de concordance
avec les articles 441 et 641 édictés par l'article 1. L'article
613 du Code civil disait: "Les enfants de l'indigne ne sont pas exclus de la
succession pour la faute de leur père s'ils y sont appelés de
leur chef et sans le secours de la représentation qui n'a pas lieu dans
ce cas."
Le Président (M. Laberge): C'est remplacé par "de
ce dernier". L'article 26 est-il adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. L'article
27.
M. Bédard: L'article étant la règle de la
représentation au cas de... Ah oui! c'est vrai, il y a l'article
26.1.
Le Président (M. Laberge): Je m'excuse... Merci
beaucoup.
M. Lalande: Quelle serait la conséquence d'enlever "et
encore qu'ils soient issus de différents mariages", au paragraphe 2 de
l'article 625?
M. Bédard: C'est que, dans le droit passé aussi, il
y avait des distinctions sur le sexe, des distinctions pour la primogeniture,
le premier-né, il y en avait également selon les mariages.
Maintenant, tous les enfants sont sur un pied d'égalité quant
à leur père, même s'ils sont nés de deux mariages
différents à la suite d'un divorce ou d'un décès du
premier conjoint.
Le Président (M. Laberge): Après l'article 26, on a
un article 26.1 à introduire et il se lit comme suit: "26.1 Ledit code
est modifié par le remplacement du premier alinéa de l'article
624 par le suivant: "624. La représentation a lieu lorsque le
représenté est prédécédé,
codécédé ou déclaré absent."
M. Bédard: La règle est la règle de la
représentation au cas de codécès, pour éviter de
priver un parent de recueillir une succession qu'aurait recueillie son
ascendant parent moins élevé du de cujus ou du mourant s'il
eût survécu à ce dernier, soit par l'application des
règles ordinaires de la preuve, soit par l'application des
présomptions de survie des articles 603, 604 et 605 du Code civil.
À l'égard de la représentation de l'absent, l'article ne
fait qu'énoncer la règle actuelle, qui n'est pas formulée
explicitement dans le code, selon l'Office de révision du Code
civil.
Le Président (M. Laberge): Le nouvel article 26.1
sera-t-il adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. J'appelle
l'article 27. Cet article, on nous demande de le remplacer par le suivant: "27.
L'article 625 dudit code, remplacé par l'article 5 du chapitre 74 des
lois de 1915, est modifié par la suppression du deuxième
alinéa."
M. Bédard: Cet article est de concordance avec l'article
590 édicté par l'article 1. Les distinctions fondées sur
le sexe ou la primogéniture étant également contraires
à l'article 590, il n'apparaît pas opportun de maintenir le
deuxième alinéa.
M. Lalande: Cela va.
Le Président (M. Laberge): Le nouvel article 27 est
adopté. On nous demande aussi de remplacer l'article 28 par le suivant:
"28. Le texte anglais de l'article 633 dudit code est modifié par le
remplacement des expressions "same marriage" et "different marriages" par les
suivants: "same union" et "different unions".
M. Bédard: Alors, le texte français de l'article
633 du Code civil du Bas-Canada ne porte pas atteinte au principe de
l'égalité des enfants énoncé à l'article 590
édicté par l'article 1, il ne fait que distinguer, pour les fins
du partage de la succession, entre les germains, les utérins et les
consanguins, mais le texte anglais de l'article 633 du Code civil, en
traduisant le mot "lit" par "marriage", établit une distinction entre
les enfants nés en mariage et les autres nés hors mariage. C'est
pourquoi l'amendement porte exclusivement sur le texte anglais de l'article 633
du Code civil. Le seul autre article du Code civil où le mot "lit" est
traduit en anglais par le mot "marriage" se retrouve à l'article 1356 du
Code civil, mais l'article 43 du projet en propose l'abrogation sous
réserve de la disposition transitoire énoncée à
l'article 62.
M. Lalande: Finalement, on emploie le mot "union" plutôt
que le mot "mariage" pour qu'il n'y ait pas de discrimination.
Le Président (M. Laberge): Ce nouvel article 28 sera-t-il
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. J'appelle
l'article 29.
M. Bédard: 29, c'est un article de concordance avec
l'article 462 édicté par l'article 1. L'article 462, en effet, ne
permet plus, contrairement à l'article 1257 du Code civil du Bas-Canada,
de renoncer par contrat de mariage à une succession non ouverte. Cette
prohibition s'inscrit dans une perspective de protection des époux et de
la famille.
M. Forget: On ne permet plus de renoncer à une succession
non ouverte?
M. Bédard: Ce qui était permis auparavant.
Le Président (M. Laberge): L'article 29 sera-t-il
adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 30.
M. Bédard: C'est un article de concordance avec l'article
17.
Le Président (M. Laberge): Cet article 30 sera-t-il
adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. À
l'article 31...
M. Forget: M. le Président, je devrais, à ce
moment-ci, indiquer pour le bénéfice du journal des Débats
qu'une partie du travail qu'on a fait aujourd'hui relativement à la
tutelle, à la curatelle et au droit des successions que l'on modifie
incidemment et par concordance ne constitue pas des chapitres d'une
compréhension facile, dans le contexte.
Cela qualifie nécessairement le travail que l'on fait, en ce sens
qu'on y va au meilleur de notre connaissance. Il est bien évident que
nous sommes largement redevables des avis que nous pourrions recevoir de gens
beaucoup plus versés que nous à la table de cette commission pour
approuver ou pour rejeter. Mais, comme vous voyez, nous n'osons même pas
discuter, M. le Président, des dispositions complexes dont les
implications et les ramifications sont très difficiles à
percer.
Je tenais à préciser ça, parce qu'il reste qu'on
change des dispositions qui n'ont peut-être pas une application
très large. Ce sont des dispositions peut-être un peu
désuètes. Au moins, certaines de celles qu'on a à
modifier. Mais il reste qu'il est difficile d'en saisir toutes les
implications. Je tenais à le signaler.
M. Bédard: Je pense qu'on ne demande pas à chacun
des membres de la commission d'être expert en la matière. Si, sur
certains articles, il y a des points d'interrogation qui peuvent se soulever,
les experts que nous avons avec nous vont y répondre.
M. Forget: Sur certains points, la capacité même de
formuler des questions intelligentes est en doute. Encore une fois, formuler
des questions intelligentes suppose une compréhension peut-être
plus large de l'ensemble du droit successoral qui est extrêmement
complexe et des implications, des changements gu'on nous appelle à y
faire ici.
M. Bédard: Ce n'est que de la concordance, Me Marcel Guy,
si ça devait aller à des changements majeurs, se fera un devoir
de nous l'indiquer.
M. Forget: J'en suis reconnaissant parce que comme je l'indiquais
au président tout à l'heure, nous sommes actuellement sur pilote
automatique.
Le Président (M. Laberge): À l'article 31, on nous
demande de remplacer le premier paragraphe de l'article 735.1 par le suivant:
"735.1: Les héritiers ou légataires acquittent, de la même
manière que toutes autres charges et dettes de la succession, la
prestation compensatoire accordée au conjoint survivant en compensation
de son apport à l'enrichissement du patrimoine de son conjoint
décédé." Les deux autres paragraphes demeurent les
mêmes.
M. Bédard: "Cet article établit, lors du
décès, une règle semblable à celle que
prévoit, au cas de divorce, l'article 555 édicté par
l'article 1; il est aussi de concordance avec les articles 457 à 461
édictés par l'article 1."
L'amendement proposé vise à placer l'époux
survivant dans la même situation que l'époux divorcé quant
au rang de la prestation compensatoire qui lui est accordée. Ainsi, la
créance de l'époux survivant, comme celle de l'époux
divorcé, sera régie par l'article 1981 du Code civil quant au
paiement. En l'absence de cause légitime de préférence,
l'époux subira le concours des autres créanciers. C'est
peut-être plus long comme discussion. (17 h 301
M. Forget: M. le Président, je m'interroge sur la
nécessité des deuxième et troisième alinéas,
qui reprennent en substance les dispositions qu'on retrouve dans le chapitre
pertinent. Est-ce que tout simplement le renvoi aux articles 457 à 461
du Code civil du Québec ne suffirait pas? Il s'agit, dans le fond, de
dire que les dettes du conjoint, y compris la prestation compensatoire, font
partie du passif du de cujus et doivent être traitées comme tout
élément du passif de la succession.
M. Bédard: II y aurait peut-être dans le
deuxième alinéa, pour que l'information soit complète, le
cas de la succession qui n'était pas prévue, ce qu'on peut
recevoir par la succession. En d'autres termes, si un conjoint reçoit
déjà, aux termes du testament, 50% de la succession, pour prendre
des applications, ou tout l'usufruit des biens, ou la totalité - si
c'est la totalité et qu'il accepte la totalité, il ne se paiera
pas à lui-même une prestation compensatoire, il en va de soi. S'il
reçoit déjà 50% ou 75% de la succession, on voulait dire
que le tribunal devra tenir compte du fait que déjà, par voie de
testament, il y a 50% de la succession et que, dans l'établissement de
la prestation compensatoire, il ne s'agit pas d'aller chercher les autres 50%
pour les faire venir dans le patrimoine du survivant. Donc, cela ne reprenait
pas cet élément. Pour ce qui est du régime matrimonial, du
contrat de mariage, vous avez parfaitement raison. Cela les reprend.
M. Forget: Oui. Évidemment, on le situe dans son contexte
d'un décès où la succession intervient comme un
élément
nouveau. Cela pourrait donc donner ouverture, lorsqu'un divorce
intervient disons en décembre 1980, à ce que le jugement porte la
détermination d'une prestation compensatoire. En janvier 1981, le
conjoint débiteur décède, la succession s'ouvre. Afin
d'obtenir le versement de la prestation compensatoire, on est amené
à rouvrir la détermination de tout cela. Cela suppose une
deuxième instance en quelque sorte.
Le Président (M. Laberge): M. le ministre.
M. Bédard: C'est un cas particulier, vous nous
présentez un cas tout à fait particulier. L'hypothèse qui
a été principalement examinée, c'est le cas de la
dissolution par décès plutôt que par divorce, parce que,
par divorce elle est fixée par le juqement du divorce, comme c'est
indiqué dans les règles relatives au divorce. Une fois que le
jugement a constitué la dette, si je puis dire, et l'a rendue
exécutoire, je crois que cela va suivre son cours. Elle devient exiqible
déjà du conjoint. Comme son décès survient
après, il transmet dans sa succession une dette.
Dans le cas où la dissolution du mariage intervient par
décès, se présente la réclamation du conjoint
survivant à l'encontre des héritiers. Évidemment, si elle
est elle-même héritière, il n'y a pas de problème.
C'est à l'encontre des héritiers qu'elle va faire fixer la
prestation compensatoire et, dans la mesure où ceux-ci accepteront la
succession, ils devront payer la prestation compensatoire, comme toute autre
charge ou dette de la succession. Je trouvais important que nous distinguions
les deux situations de façon à dire plus correctement que la
première que vous avez évoquée, la dette étant
créée avant le décès, elle est liquidée. Il
n'y a qu'un problème d'exécution. Elle va s'exécuter
indépendamment de ce qui va survenir à la suite du
décès après le divorce.
M. Forget: C'est une espèce de réserve
successorale. Je ne sais pas si c'est le terme approprié ou si c'est
une...
M. Bédard: Oui, sauf qu'elle est conditionnelle à
la preuve d'un apport, si on peut dire, dans ce sens.
Le Président (M. Laberge): Le nouveau premier
alinéa de l'article 35 est-il adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Cela a rapport
à l'article 735.1, mais c'est l'article 31. Article 31?
M. Bédard: Une seconde, s'il vous plaît? Ce serait
tout simplement pour m'assurer que, dans le premier alinéa de l'article
735.1, la notion de "accroissement de l'actif" a été - avez-vous
l'amendement? modifiée par "enrichissement du patrimoine".
Le Président (M. Laberge): Ce que j'ai ici, c'est: "Les
héritiers ou légataires acquittent, de la même
manière que toutes autres charges et dettes de la succession, la
prestation compensatoire accordée au conjoint survivant en compensation
de son apport à l'enrichissement du patrimoine de son conjoint
décédé."
M. Bédard: Nous avons apporté l'autre jour, je
pense, on s'en souviendra, une explication qui paraissait tout à fait
acceptable de la part des auteurs en disant que l'accroissement résulte
d'un enrichissement positif ou négatif, etc. Pour éviter de
passer par la notion d'accroissement pour aller à celle
d'enrichissement, nous avons pensé, à la suite des suggestions
faites, d'y aller directement à l'enrichissement, en disant
"l'enrichissement du patrimoine". Le concept étant administré
judiciairement de façon claire et nette, cela facilitera peut-être
l'interprétation ou du moins la jurisprudence continuera plus
volontiers.
M. Forget: Vous avez mis le même mot "enrichissement" dans
les autres cas où on parlait d'accroissement?
M. Bédard: Oui, dans tous les autres cas liés au
patrimoine, évidemment, parce qu'il s'agit vraiment d'actif, et non pas
d'enrichissement d'un ordre plus personnel.
M. Forget: D'accord.
M. Fontaine: Je suis bien heureux de constater que c'est à
la suite d'une suggestion que j'ai faite qu'on a regardé et
examiné... Je pense que la solution proposée est acceptable.
Le Président (M. Laberge): Article 31 adopté tel
qu'amendé?
Adopté tel qu'amendé. Article 32?
M. Bédard: L'article 32 est de concordance avec 17, M. le
Président.
M. Lalande: À l'article 32, est-ce qu'on ne restreint pas
un peu la portée de "mineur émancipé en justice" à
cause du fait qu'on a introduit une tête de chapitre qui s'appelle
"l'émancipation judiciaire"?
M. Bédard: Comme on a toujours noté mineur
marié qui, lui, est émancipé, mais
d'une façon plus émancipée encore, parce qu'il a
une capacité plus étendue, la où le Code civil ne
distinguait pas autrefois entre l'émancipation par mariage et
l'émancipation en justice, à cause de la différence de
capacité du mineur émancipé par mariage, il nous faut
maintenant ramener tous les autres articles qui limitent la capacité au
mineur émancipé en justice, mais sans modifier le fond, si vous
voulez, des règles du Code civil relatives à
l'émancipation en justice.
M. Lalande: Ceci ne s'applique qu'au deuxième paragraphe;
finalement, c'est dans les dons des choses mobilières que cela va
s'appliquer, et suivant son état et sa fortune, sans affecter
notablement les capitaux. Est-ce que c'est seulement dans ce cas précis
de dons de choses mobilières?
M. Bédard: C'est parce que l'article ne faisait
écho qu'à cette situation des biens mobiliers. Évidemment,
c'est là qu'est intervenue la modification. Quant aux choses
immobilières, le mineur émancipé, cela dépasse sa
capacité, même dans le cas d'un mineur émancipé en
justice. Il ne pourra pas faire la donation d'un immeuble.
Le Président (M. Laberge): Article 32, adopté.
Article 33?
M. Bédard: Cet article vise à lever les
restrictions qui s'attachent encore à des catégories de citoyens,
entre autres les concubins et les enfants naturels, relativement à
certaines donations qui leur étaient consenties. Il est de concordance
avec l'article 590 édicté par l'article 1 pour ce qui est des
enfants naturels, avec l'article 10 de la Charte des droits et libertés
de la personne quant aux concubins, et avec l'article 13 du Code civil du
Bas-Canada. Cette solution a été préférée
à l'énoncé d'un article qui reconnaîtrait
directement aux concubins le droit de conclure des ententes financières.
En effet, un tel article serait restrictif sur deux plans: d'abord, celui de la
catégorie de citoyens visés par le concept utilisé pour
les désigner et celui du domaine contractuel qui n'est
présentement limité que par l'article 13 du Code civil. Cet
article est complété par un article de droit transitoire
établissant le sort des donations consenties antérieurement
également.
C'est un article très important.
Le Président (M. Laberge): L'article 33 est-il
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 34?
M. Bédard: L'article 34 est en concordance avec 17. "Le
mineur émancipé ou non est incapable de tester d'aucune partie de
ses biens".
Le Président (M. Laberge): L'article 34 est-il
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Article 34, adopté.
J'appelle l'article 35.
M. Bédard: L'article 35 supprime à l'égard
des témoins les. distinctions fondées sur le sexe ou la
nationalité. Il est de concordance avec l'article 10 de la Charte des
droits et libertés de la personne. Je pense qu'au niveau des
témoins, on n'avait pas à faire de distinction concernant...
M. Lalande: C'est le cas des témoins idoines?
M. Bédard: Ce sont les aubains. M. Lalande: Ce sont
les aubains.
M. Bédard: C'est que le mot était encore dans le
code. On a dit d'eux que les femmes et les aubains pouvaient être
témoins, mais c'est un rappel de l'histoire passée qui est
peut-être un peu choquant. Sûrement.
Le Président (M. Laberge): Article 35, adopté.
Article 36.
M. Bédard: L'article 36 est de concordance avec l'article
17.
Le Président (M. Laberge): Article 36, adopté.
Article 37.
M. Bédard: Article 37, de concordance avec 441 et 492
édictés par l'article 1. On supprime "et le mari pour sa femme
obligée".
Le Président (M. Laberge): Cela va? Article 37,
adopté. Article 38.
M. Bédard: L'article 38 est de concordance avec 441 et
442. Il s'agit de la crainte dans la conclusion d'un contrat; si elle se
rapportait à la femme, cela pouvait devenir source de nullité,
mais, si cela se rapportait au mari, c'était valable.
M. Forget: Enfin, on va protéger les hommes.
Le Président (M. Laberge): Article 38, adopté?
Adopté. Article 39.
M. Bédard: Article 39. Cet article est de concordance avec
l'article 17. Il vient
aussi préciser le texte de l'article 1002 du Code civil du
Bas-Canada, notamment en ce qui concerne les actes passés avec ou sans
représentation de son tuteur.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Maisonneuve.
M. Lalande: Je m'excuse. J'étais dans 1001 et c'est 1002.
D'accord.
Le Président (M. Laberge): Cela va. Article 39,
adopté. Article 40.
M. Bédard: L'article 40 vise à éliminer une
inégalité et une distinction entre enfants légitimes et
enfants naturels. Il est de concordance avec l'article 590 auquel je me suis
référé tout à l'heure, ce qui est
édicté par l'article 1.
Le Président (M. Laberge): Adopté? Article 40,
adopté. Article 41.
M. Bédard: L'article 41 est de concordance avec 462
édicté par l'article 1. L'article 462 en effet ne permet plus,
contrairement à l'article 1257 du Code civil du Bas-Canada, de renoncer
par contrat de mariage à une succession non ouverte. Pour ce qui est des
donations de biens futurs, de l'institution contractuelle et des autres
dispositions à cause de mort, leur validité est
déjà assurée par les articles 817 et suivants du Code
civil du Bas-Canada.
Le Président (M. Laberge): L'article 41 sera-t-il
adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 42.
M. Bédard: Cet article supprime, à l'égard
des témoins, des distinctions fondées sur le sexe ou la
nationalité. Il est de concordance avec l'article 10 de la Charte des
droits et libertés de la personne.
Le Président (M. Laberge): Article 42, adopté?
M. Forget: II n'y a pas le risque, M. le Président, que,
lorsque le Code civil disait que les femmes pouvaient faire telle ou telle
chose et qu'on supprime cette mention, ce soit interprété assez
pernicieusement, mais selon les règles habituelles
d'interprétation, comme étant la suppression de la
capacité.
M. Bédard: Je pense qu'à cela, on pourrait
répondre que c'est au principe très général qui
établit entre les époux les mêmes droits et les mêmes
obligations qu'il faudrait rattacher la nouvelle interprétation.
S'il n'y avait pas cet article 441 ou, enfin...
M. Forget: Oui, entre les époux. Mais, à
l'égard des tiers, il n'y aucune disposition du Code civil qui dit que,
sauf mention expresse, au contraire, tout le monde est sur le même
pied.
M. Bédard: Oui, sauf que le bill 16, en 1964 avait
déjà, au plan de la capacité juridique vis-à-vis
des tiers, établi cette capacité. Je pense qu'elle est assez
acquise maintenant dans l'exercice des droits. Ici, évidemment, il faut
dire que c'est encore parce que c'est un rappel. Ce n'est pas que les aubains
et les femmes ne pouvaient pas. C'est dit que les femmes et les aubains
peuvent, comme vous l'avez mentionné, le fait de l'enlever, ils peuvent
encore, mais il n'y a plus de référence. Il n'y a plus de rappel.
(17 h 45)
Le Président (M. Laberge): L'article 42,
adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 43.
M. Bédard: Cet article est de concordance avec l'article 1
qui édicte de nouvelles dispositions relatives aux régimes
matrimoniaux. Il abroge également les dispositions du Code civil du
Bas-Canada régissant la communauté de biens, ce qui
n'empêche pas les époux d'adopter, par contrat de mariage, un
régime quelconque de communauté de biens, sous les
réserves énoncées à l'article 462, à
l'égard des gens mariés sous un régime de
communauté de biens, avant l'entrée en vigueur de cet article.
L'article 62 édicte une mesure transitoire: l'abandon dans le nouveau
Code civil de la réglementation de la communauté de biens vise
à attirer davantage l'attention sur le nouveau régime
légal de la société d'acquêts, qui n'obtient encore
en 1979 que 45% de la faveur des gens qui se marient.
D'autre part, une étude effectuée au ministère de
la Justice - je l'ai déjà évoqué -
révèle, sans équivoque, que le régime de
communauté de biens est tombé en complète
désuétude depuis 1969. Moins de 0,2% des gens l'ont choisi en
1979, soit 57 couples sur 46,154 mariages, environ. Mais il y aura quand
même des mesures transitoires pour ces cas.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Tout à l'heure, nous avons adopté un
article qui abroqeait un grand nombre d'articles du Code civil du Bas-Canada.
Nous avons ici un article distinct
pour abolir les dispositions relatives aux conventions matrimoniales. Ce
qui semble évident, c'est qu'il y a une intention du côté
gouvernemental de n'abroger une série de dispositions que
postérieurement à l'abrogation de l'autre. Est-ce qu'on pourrait
avoir une indication de ce à quoi il faut s'attendre de ce
côté?
M. Bédard: On a suivi l'ordre des articles du Code civil
et cela a été un cheminement dû à l'ordre
numérique, parce qu'au fond...
M. Forget: II n'y a pas un article général,
autrement dit, qui aurait dit: On abroge tout cela et d'autres articles qui se
substituent. Je comprends.
M. Bédard: C'est plutôt parce qu'on a
procédé au...
M. Forget: Est-ce qu'on peut aller au-delà de cela et nous
dire si on a effectivement l'intention de faire les abrogations
simultanément?
M. Bédard: Sous réserve de ce qui dans, la
première partie, touche la constitutionnalité et qui ne l'a pas
touchée dans la deuxième, parce que les régimes
matrimoniaux ne sont plus certainement de juridiction provinciale, alors, il y
aurait intérêt à maintenir en deux articles ces blocs
soumis à l'abrogation, mais c'est à l'examen, d'après
l'étude que cela pourrait être utile.
M. Lalande: Depuis plusieurs années, comme le ministre l'a
indiqué tout à l'heure, on n'est plus soumis comme régime
légal à la communauté de biens. Est-ce qu'on a certaines
statistiques à savoir combien de mariages sont encore régis par
la communauté de biens au Québec?
M. Bédard: On n'arrive pas à le savoir, parce
que...
M. Forget: Une approximation.
M. Bédard: ...avant 1969, 1970, date de la mise en
vigueur, le 1er juillet 1970, c'était le régime légal. Ce
n'était noté nulle part sauf que les études
révélaient qu'il y avait à peu près 20% des gens,
à ce moment-là, qui l'adoptaient, plus ou moins 20%, environ 20%.
Comme c'était décroissant presque depuis le début du
siècle et qu'il y a eu des décès, on n'arrive pas à
savoir combien il y en a. Ce qu'on sait, c'est combien il y en a à peu
près depuis qu'il est devenu conventionnel, c'est-à-dire depuis
le 1er juillet 1970. Il y en a quelques dizaines par année seulement qui
survivent au changement de régime légal.
M. Lalande: Parce qu'évidemment, au niveau de la
résidence familiale, il y a peut-être une incidence assez
importante.
M. Bédard: Oui, dans la disposition transitoire, il y a
des dispositions impératives réservées et la
résidence familiale s'appliquera, comme il a été dit dans
un article général qui s'appelle peut-être le 441, sous
réserve de le vérifier. Sous tous les régimes
matrimoniaux, la résidence familiale est protégée; que le
régime soit conventionnel ou le régime légal, la
résidence familiale est protégée dans tous les cas.
Le Président (M. Laberge): Article 43, adopté.
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Article 44.
M. Bédard: L'article 44 est de concordance
également avec 17. Il s'agit du mineur émancipé, du mineur
en justice.
Le Président (M. Laberge): Article 44. Pas de question.
Adopté.
M. Lalande: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Article 44 adopté.
J'appelle l'article 45.
M. Bédard: L'article 45 est de concordance avec 441 et
442, qui se lisaient comme suit: La femme mariée qui exécute le
mandat qui lui est confié oblige son mandant, mais il ne peut y avoir
d'action contre elle que suivant les dispositions contenues au titre du
mariage. Avec 441 et 442, c'est de concordance.
Le Président (M. Laberge): Page 13.
M. Bédard: Le mariage ne diminue pas la capacité
juridique de la femme.
M. Forget: Sauf qu'on a supprimé cet article.
M. Bédard: II a été supprimé. M.
Forget: Oui.
M. Bédard: Article 441. Elles ont les mêmes droits
et les mêmes obligations.
Le Président (M. Laberge): Article 45 adopté.
Article 46.
M. Bédard: D'accord, il s'agira, à ce
moment-là...
M. Fontaine: C'est l'article 47, M. le
Président, ou 46?
Le Président (M. Laberge): L'article 46.
M. Bédard: L'article 46 est de concordance avec l'article
441. Il s'agit du deuil de la veuve. Les frais funéraires
privilégiés comprennent seulement ce qui est de convenance
à l'état et à la fortune du défunt et se prennent
sur tous les biens meubles du défunt. Le deuil de la veuve en fait
partie seul, sous la même restriction.
M. Lalande: C'est étonnant les cas que vous avez dû
découvrir!
M. Bédard: II en restait quelques-uns. M. Forget:
Oui, semble-t-il.
Le Président (M. Laberge): L'article 46 est-il
adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. L'article
47.
M. Bédard: L'article 47 assouplit la disposition actuelle
du Code civil du Bas-Canada quant à l'hypothèque judiciaire
résultant d'un jugement qui accorde des aliments, notamment, et
permettant au débiteur, avec l'autorisation du tribunal, de substituer
à cette hypothèque une autre sûreté. Cet article
complète l'article 632 édicté par l'article 1. Cela
va?
Le Président (M. Laberge): L'article 47 est-il
adopté?
M. Lalande: Un instant.
Le Président (M. Laberge): Oui, M. le député
de Maisonneuve.
M. Lalande: Cela va.
Le Président (M. Laberge): Adopté. L'article
48.
M. Bédard: L'article 48, c'est de concordance avec
l'article 441 édicté par l'article 1.
M. Forget: M. le Président, je m'excuse de revenir. Je
comprends qu'on va changer cela un jour, mais le deuxième alinéa
est daté.
Le Président (M. Laberge): À l'article 47?
M. Forget: Oui. "Depuis le premier jour de septembre 1860,
l'hypothèque judiciaire peut s'exercer sur les immeubles actuels du
débiteur et sur ceux qu'il pourra acquérir." Est-ce que le
premier bout de phrase a encore son utilité?
M. Bédard: Non, c'est de...
Nous n'avons pas vérifié ce point parce que nous voulions
traiter uniquement d'un problème pratique posé par le
troisième alinéa...
M. Forget: Même s'il en avait, il reste là pour le
passé, mais, pour l'avenir, on pourrait...
M. Bédard: Oui, ce sont des dispositions de nature
transitoire, évidemment.
M. Forget: D'accord, nous n'insistons pas.
Le Président (M. Laberge): Cela va? L'article 48.
M. Bédard: C'est de concordance avec les articles 441...
On supprime les mots "des femmes sous puissance de mari".
M. Forget: Cela n'existe plus depuis longtemps, M. le
Président.
M. Bédard: C'est vraiment un ajustement à la
réalité.
Le Président (M. Laberge): L'article 48 est donc
adopté. L'article 49.
M. Bédard: Si la réalité n'est pas
déjà dépassée...
Le Président (M. Laberge): L'article 49.
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): 49, adopté. Article
50?
M. Bédard: ... nos droits. M. Forget: Ou nos
illusions.
M. Bédard: Article 50, c'est un article de nature
corrective puisque l'article 2113 du Code civil est abrogé depuis
1969.
M. Forget: Bon, c'est de la concordance.
M. Bédard: Oui, de la vraie.
Le Président (M. Laberge): Alors, article 50
adopté. 51?
M. Bédard: Article 51, c'est de concordance avec 441.
Le Président (M. Laberge): 51, adopté. 52?
M. Bédard: Je ne sais pas si, à l'article 52, on ne
devrait pas s'arrêter, parce que là, on commence à se
référer à la résidence familiale. Je crois qu'il
serait préférable que nous en disposions avant de nous avancer
plus qu'on ne l'a fait là-dedans.
M. Forget: Parfait. Étant donné qu'il est 17 h 57,
peut-être...
M. Bédard: Tout arrive à temps.
Le Président (M. Laberge): Tout va bien. Alors, sur ce,
messieurs, bon appétit. La commission suspend ses travaux jusqu'à
20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 57)
(Reprise de la séance à 20 h 21)
Le Président (M. Laberge): À l'ordre, mesdames et
messieurs!
La commission parlementaire de la justice reprend ses travaux concernant
le projet de loi no 89, Loi instituant un nouveau Code civil et portant
réforme du droit de la famille.
À la suite du consentement des membres de la commission, nous
allons maintenant aborder le Titre deuxième, à l'article 1,
intitulé "Du divorce". Je cède la parole au ministre.
Titre deuxième Du divorce
M. Bédard: M. le Président, comme vous venez de le
dire, ce titre est consacré au divorce. C'est un précédent
dans notre Code civil. En effet, le divorce relève de la juridiction du
Parlement fédéral. C'est la Loi sur le divorce qui en
énonce les principales règles. Seules certaines dispositions
touchant les mesures provisoires et les effets du divorce apparaissent au Code
civil depuis 1968. Comme en matière de séparation de corps, le
projet de loi établit une cause générale de divorce,
remplaçant ainsi les nombreuses causes déterminées de
divorce énoncées aux articles 3 et 4 de la Loi sur le divorce.
Pour faciliter la preuve que la volonté de maintenir le lien du mariage
est irrémédiablement atteinte, le projet établit des
présomptions simples qu'il en est ainsi.
Il ne s'agit pas là de causes de divorce au sens propre du terme,
mais de faits de nature à faire présumer le divorce. Cette
énumération n'est toutefois pas limitative. Le tribunal peut
encore tirer d'autres présomptions des faits qui lui sont soumis, comme
l'y autorise l'article 1238 du Code civil. Plusieurs organismes, dont le
Barreau, ont recommandé que le gouvernement établisse pour le
divorce une présomption absolue que la volonté de maintenir le
lien du mariage est irrémédiablement atteinte, lorsque les
époux s'entendent pour soumettre au tribunal un projet d'accord qui
règle les conséquences de leur divorce et préserve
suffisamment les intérêts des époux et des enfants suivant
l'opinion du tribunal. Dans ce cas, les époux n'auraient pas à
rapporter d'autres preuves d'une atteinte irrémédiable à
la volonté de maintenir le lien du mariage.
Le projet de loi ne prévoyait pas cette hypothèse, mais,
dans le but de limiter le système accusatoire en matière de
divorce, lorsque les époux font montre d'un sens des
responsabilités qui va jusqu'à l'établissement d'accords
pour régler les conséquences de leur divorce, nous acceptons de
considérer qu'ils puissent demander leur divorce sans avoir à
rechercher de coupable, pourvu cependant qu'ils soient déjà
mariés depuis un certain temps, afin d'éviter qu'ils ne se
servent du mariage à des fins illicites.
Je dépose un projet d'amendement qui va dans ce sens. Plusieurs
organismes nous ont également fait valoir que le délai de
séparation d'un an serait largement suffisant pour favoriser la
réflexion nécessaire avant de procéder à une
demande de divorce. Le projet de loi prévoit deux et trois ans, selon
les cas, alors que la Loi fédérale sur le divorce prévoit
trois et cinq ans. Je suis d'accord avec l'idée de revoir ces
délais et je dépose un projet d'amendement en ce sens: Le projet
de loi entend favoriser dans toute la mesure du possible la
réconciliation des époux lorsqu'elle apparaît possible, de
même que la conciliation des différends lorsque le divorce est
inévitable et que les parties ont du mal à s'entendre. C'est
pourquoi le projet énonce qu'il y va de la mission du tribunal de
conseiller les époux et de favoriser leur réconciliation,
même en ajournant l'instruction, s'il le croit utile.
C'est peut-être au chapitre des effets du divorce que les
changements sont les plus grands par rapport au droit actuel. En effet, les
donations à cause de mort deviennent caduques de plein droit, donc sans
appréciation du tribunal comme c'est le cas dans le droit actuel. Les
époux peuvent plaider leur apport à l'accroissement de l'actif de
leur conjoint et obtenir ainsi une prestation compensatoire payable en argent
ou par l'attribution d'un droit de propriété, d'usage ou
d'habitation de la résidence familiale et des meubles qui la
garnissent.
Le droit des époux aux aliments ne survit pas à moins
qu'au moment où le tribunal prononce le divorce, l'un des époux
n'en réclame ou ne réserve le droit à en réclamer
pendant les deux années qui suivent.
À cet égard, plusieurs organismes, et plus
particulièrement le Barreau, ont fait valoir que ce délai de deux
ans était trop court et prêterait à des abus
considérables de la part des époux. Ces craintes me paraissent
sérieuses et je suis prêt à déposer un projet
d'amendement pour modifier ce délai.
Enfin, le projet de loi apporte plusieurs autres changements dont il
sera rendu compte en abordant l'étude de chacun des articles. Le projet
de loi libéralise en conséquence les moyens de preuve de la
filiation et permet, en particulier, à la mère de contester la
paternité présumée du père lorsque la
légitimité de l'enfant...
Une voix: Cela s'accroche à autre chose. Ce doit
être de trop.
M. Bédard: Oui. Cela n'a aucun rapport. Cela a
été brocheté par accident, me semble-t-il, puisque
ça se rapporte exclusivement à l'affiliation et à la
prescription des actions d'état.
Le Président (M. Laberge): C'est une autre
troisième page.
M. Bédard: On s'en rend compte rapidement. Il n'y a pas de
problème.
M. le Président, je limiterai mes remarques à ceci pour le
moment.
M. Forget: J'aurai des remarques aussi à faire, M. le
Président.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent, avant d'aborder les articles.
M. Forget: Nous abordons le chapitre sur le divorce et, si je
comprends bien, nous étudierons tout de suite après, dans l'ordre
inverse à celui présenté et pour des raisons
évidentes de cohérence logique, le chapitre relatif à la
séparation de corps.
Les observations de caractère général que
j'aimerais faire à ce moment-ci sont les suivantes, je devrais
peut-être les préfacer en disant que l'orientation
générale du projet et, à plus forte raison, après
avoir pu m'entretenir en dehors de la commission avec le ministre et en prenant
connaissance des amendements qu'il a déposés ceux-ci,
répondent en général, sous réserve de la
difficulté du langage et de certaines modalités, au point de vue
que nous avions l'intention de définir et de défendre à la
commission parlementaire. Je crois qu'il est peut-être bon de dire
cependant, avant d'entrer dans les détails, que, relativement à
cette question du divorce, le problème du législateur est de
définir un équilibre entre, d'une part, le mariage
considéré comme un contrat qui, à ce titre, devrait
pouvoir, comme tout contrat, être résilié par le
consentement des parties au contrat. Il est clair que l'esprit d'un certain
nombre de modifications qui ont été d'ores et déjà
incorporées à cette réforme du Code civil, au chapitre du
droit de la famille, tend à mettre en valeur les éléments
contractuels du mariage et la liberté de ce lien contractuel
également.
Je me réfère en particulier au fait que, désormais,
le mariage est un contrat qui intervient entre majeurs, je ne sais pas ce qui
arrivera finalement de la question des mineurs. Il demeure que la règle
générale est que le contrat n'est pas une chose qui arrive, c'est
une chose que l'on veut, contrairement, je pense, à la conception qui a
au moins en partie présidé à la rédaction du Code
civil du Bas-Canada. Ce n'est pas un événement, mais
véritablement une rencontre de volontés.
Bien sûr, sur le strict plan juridique, on sauvegardait,
même dans l'ancien Code civil, les éléments de
consentement. Il faut bien dire que, lorsque des enfants de 14 ou 16 ans
peuvent entrer dans les liens du mariage, l'élément consensuel
était singulièrement diminué. Des réformes de
nature équivalente, l'égalité des conjoints, qui est
désormais affirmée, enfin, tout concourt à faire de ce
contrat ce qu'il est pour une part, un contrat que les parties vont vivre et
auquel, dans la mesure où il s'agit d'un contrat, ils pourraient mettre
fin par le retrait de leur volonté. (20 h 30)
Cependant, le mariage, en plus d'être un contrat, est une
institution sociale. Parce qu'il engage des tiers, il engage
l'intérêt des tiers, principalement des générations
futures et, de façon plus concrète, des enfants et la
société a, évidemment, un intérêt direct
à ce qu'il s'agisse là de quelque chose de plus qu'un contrat.
C'est la raison pour laquelle on ne peut pas le traiter exactement comme un
autre contrat. Il est important que la société constate son
existence de façon très solennelle, d'où tout le chapitre
sur la célébration, et que la société mette
certaines conditions, certaines vérifications, un certain contrôle
sur les circonstances qui entourent sa dissolution lorsqu'elle intervient ou
cherche à intervenir par le seul concours des volontés.
Je crois que cet équilibre, qui est toujours difficile à
établir, dépend essentiellement de l'état dans lequel on
trouve une société, des valeurs ambiantes, et que le projet qui
nous est soumis n'est pas loin de correspondre à ce qui est
approprié, encore une fois, sous réserve des détails et
des modalités à la société telle qu'on la retrouve,
compte tenu - je m'empresse de le dire - de la modification qu'a introduite le
ministre, c'est-à-dire la possibilité qu'il ouvre que le divorce,
comme remède plutôt que
comme sanction, existe et soit reconnu dans nos lois.
Maintenant, je pense que, si l'on s'attache à cette distinction
entre le divorce comme remède et le divorce comme sanction, il faut
faire attention de ne pas exagérer l'opposition entre les deux. Il est
inévitable que les deux formules coexistent. Elles ne sont pas des
formules rivales, mais des formules complémentaires. Il y a des
situations où le consentement des deux parties peut exister. À ce
moment, il est légitime de reconnaître cette situation. Mais il y
a aussi des situations - le Code civil, la loi doit le prévoir -
où il n'existe pas de consentement partagé de mettre fin au
mariage. À ce moment, à moins de vouloir aller jusqu'à
reconnaître dans nos institutions légales la répudiation du
conjoint, ce qui, je pense, serait un violent retour en arrière, si on
ne reconnaît pas la répudiation, il faut bien qu'un processus
quelconque qui s'apparente au divorce-sanction soit mis en oeuvre.
Il faudra prouver à la satisfaction du tribunal que le conjoint
qui n'offre pas son consentement au divorce par son comportement donne
néanmoins les preuves que, quant à lui aussi, d'une certaine
manière, la volonté de maintenir les liens du mariage est
brisée, n'existe plus. On en vient presque toujours à une
espèce de consentement indirect, c'est un consentement qui n'est plus
par les paroles, mais qui est par les gestes. Il faut en faire la preuve
puisque l'intéressé ne se porte pas volontaire; il faut faire la
preuve que son comportement équivaut à une volonté de
briser les liens du mariage. Il n'est pas interdit, bien sûr, qu'un
certain nombre de présomptions existent dans la loi qui permettent
d'amorcer cette preuve-là ou de la faciliter, de manière à
rendre l'application de la loi plus certaine.
Enfin, il y a des situations intermédiaires - je ne suis pas
sûr si la rédaction de la loi ne devrait pas distinguer les deux -
dans lesquelles on ne se trouve pas véritablement en face d'un
comportement blâmable, on ne se trouve pas de toute façon devant
un consentement réciproque à divorce; on ne se trouve pas non
plus devant le comportement blâmable d'une partie; on ne se trouve pas
devant le refus d'assumer les obligations découlant du mariage, mais
devant une impossibilité objective, une espèce d'échec
objectif, indépendant des volontés, en quelque sorte.
Je crois qu'il y a, à ce sujet, dans le texte soumis par le
gouvernement, mais aussi dans le rapport de l'Office de révision du Code
civil, certaines situations objectives, au point de pouvoir être
invoquées par celui des deux conjoints qui est à l'origine de la
situation, contrairement au cas où on blâme le conjoint. Le
blâme doit être réservé à celui des conjoints
qui n'est pas coupable de blâme, qui n'est pas à l'origine du
blâme; je pense qu'il y a des situations objectives où même
celui qui est à l'origine de la situation de fait pourrait pouvoir
invoquer. Je pense en particulier à la question de la non-consommation,
etc. Il y a là une situation objective où il devrait avoir
ouverture au divorce même pour la partie qui est "coupable", bien
sûr. Je pense que ce serait désuet comme attitude que de
considérer qu'il y a une culpabilité dans ce cas-là; il ne
s'agit pas d'un comportement fautif, mais véritablement d'une situation
objectve dont personne, comme tel, n'est responsable.
Pour revenir brièvement au cas du consentement, je voudrais
prendre quelques instants seulement pour préciser que, à notre
avis, même si nous sommes d'accord pour inscrire dans notre Code civil la
notion d'un divorce qui peut intervenir, en quelque sorte, de consentement, il
y a des distinctions importantes qui doivent être faites entre un divorce
de consentement mutuel et la formule que nous voudrions voir retenir. Je suis
heureux de voir que nos sentiments là-dessus font écho et
correspondent à ceux du gouvernement.
Je crois que, dans son état le plus radical, le divorce par
consentement mutuel implique une espèce de simple formalité. Deux
conjoints, sans autre forme de procès -c'est le cas de le dire - se
rendent devant un fonctionnaire du pouvoir judiciaire, un protonotaire, et
déclarent qu'ils veulent mettre fin au mariage et on en reste là.
On cite le cas de certains États américains où on peut
même procéder, je pense, par correspondance.
Je pense qu'un divorce de ce genre est tout à fait
étranger à celui que nous voudrions voir inscrire dans le droit
québécois. Il y a des différences essentielles entre un
divorce de pure formalité et un divorce basé sur un consentement,
mais qui comporterait cependant, je pense, au moins les trois
éléments suivants qui le distinguent justement d'un divorce de
pure formalité. Il y a d'abord la notion d'un délai minimal; le
ministre est disposé à suggérer un an, je pense que c'est
un ordre de grandeur approprié. Il s'agit d'éviter, encore une
fois, que nous ayons une situation... La notion d'un délai est
importante. Quelle est la durée minimale qu'on doit prévoir?
C'est une question qui est débattable. Mais il reste qu'il doit y avoir
un délai minimal après lequel seulement il est possible
d'envisager et d'amorcer une telle procédure. C'est un
élément.
Le deuxième élément, c'est l'exigence d'une preuve
qui ne peut pas se résumer à l'affirmation des deux conjoints. Je
pense que si un article disait: II suffit de faire une déclaration
à savoir que le mariage ne peut plus durer, selon les deux conjoints, on
prend leur affirmation pour une preuve complète et
le tribunal n'a pas la capacité ou la faculté de soulever
des objections ou des difficultés.
S'agit-il effectivement d'un véritable consentement? Je pense
qu'on ne peut pas empêcher un tribunal de se poser le même genre de
question vis-à-vis de la qualité et la véracité du
consentement, l'absence de coercition, l'absence de dol ou quoi que ce soit
dans ce cas-là, alors que, dans tous les autres cas, le tribunal peut
soulever ces questions. S'agit-il de consentement libre et authentique? Ceci,
je pense, peut requérir à l'occasion une preuve additionnelle. Il
requiert dans tous les cas que le tribunal siège, plutôt que de
procéder par l'action d'un simple fonctionnaire de l'administration de
la justice.
Je pense qu'il y a un troisième élément qui est
important et c'est peut-être le plus important. Il est essentiel que les
accords et les arrangements que les parties se donnent entre elles quant aux
conséquences qu'elles veulent donner à leur divorce relativement
aux enfants et relativement aux conjoints eux-mêmes puissent être
réexaminés. À la lumière des dispositions qui se
retrouvent dans le Code civil quant aux actifs, à la contribution d'un
conjoint vis-à-vis d'un autre, je pense que tout ça doit pouvoir
faire l'objet d'un réexamen, d'autant plus que, comme il s'agit de
consentement, une des parties, pour obtenir le consentement de l'autre,
pourrait être amenée à faire des concessions par rapport
aux droits que le code lui reconnaît, pourrait faire des concessions aux
dépens des enfants eux-mêmes, et cela doit faire l'objet d'un
examen, doit faire l'objet d'une preuve additionnelle, le cas
échéant, bien sûr.
Je pense que si nous avons un mécanisme qui comporte ces trois
éléments, nous préservons la capacité d'exclure la
procédure - comment dit-on? - accusatoire dans les divorces, nous
préservons la possibilité de procéder de consentement
mutuel, mais il ne s'agit pas d'une formalité, il s'agit d'un geste qui
est posé avec la participation de la société,
représentée par l'appareil judiciaire et qui garantit que les
droits de tout le monde vont être préservés avec les
précautions qui s'imposent dans ce cas.
Il y a d'autres considérations qui sont accessoires. Il y en a
une que je n'aurai pas besoin de faire, sauf peut-être pour m'y
référer. Je l'avais suggérée au ministre. Je suis
heureux de constater qu'il l'a reçue en bonne part. C'est d'intervertir
l'ordre des articles de manière que la première disposition
relative au divorce soit celle relative au divorce dit de consentement, de
manière qu'ayant disposé de cette question, on puisse aborder la
rédaction des autres articles relativement aux autres types de divorce
en pouvant miser, en somme, sur ce qui devrait être la formule normale et
en disposant après de ce qui deviendra probablement des cas d'exception
dans l'application de la Loi sur le divorce.
C'est tout ce que j'ai à dire pour l'instant au titre des
remarques générales, sauf peut-être une chose sur laquelle
je reviendrai; ce sont les questions relatives au patrimoine et à toutes
ces questions. De ce côté - je pense ici à la prestation
compensatoire, à la question des dettes alimentaires, et même
à la résidence familiale - j'ai l'impression qu'il y a encore
passablement de progrès à faire au niveau de la rédaction
de cette partie des dispositions relatives au divorce. Je pense qu'il y a une
distinction plus marquée à faire entre les arrangements
patrimoniaux, c'est-à-dire le règlement des actifs, la
disposition et le partage des actifs au moment du divorce; c'est une chose
importante et il y a trois articles qui y sont pertinents. C'est une chose qui
devrait être bien distincte de deux autres éléments. Il y a
l'élément de la résidence familiale et de la garde des
enfants. Je pense qu'il y a là une parenté dans les dispositions
qui n'apparaît pas suffisamment. On mélange, à mon avis,
les questions de résidence familiale dans ce chapitre avec des questions
patrimoniales, un peu comme nous avions indiqué qu'on le faisait
ailleurs.
Troisièmement, je pense qu'au niveau de la pension alimentaire,
il y a certains changements proposés qui sont intéressants, mais
qu'ils ne vont pas assez loin. Il serait beaucoup plus clair de partir du
principe selon lequel, au moment du divorce, il y a tout simplement
déchéance de l'obligation alimentaire - pas seulement
déchéance conditionnelle, mais déchéance de
l'obligation alimentaire - de façon beaucoup plus catégorique
qu'on ne le fait, parce que l'obligation alimentaire, c'est l'expression
légale de la solidarité au sein d'une famille. Quand il y a
divorce, il n'y a plus de famille, il ne doit donc plus y avoir de
solidarité comme telle. Il serait plus clair que, s'il doit subsister
des relations financières entre les ex-conjoints, qu'elles se fassent
à un autre titre, que celui de l'obligation alimentaire. Je pense que
ceci correspondrait à une préoccupation exprimée par bien
des groupes. Il s'agit plutôt - par exemple, une fois les questions
patrimoniales réglées - d'une contribution pendant le mariage
à l'enrichissement de l'actif, etc. Cela étant
réglé, il reste d'autres problèmes à
résoudre et qui doivent être résolus dans un cas d'analyse
et un cas de référence différent de l'obligation
alimentaire. Ce n'est pas uniquement une question de mots, je pense que c'est
aussi une question d'objectif qu'on poursuit. Il ne s'agit pas de prolonger ou
d'affirmer une dépendance, mais essentiellement de remettre les parties
dans l'état où elles devraient être, dans la mesure
où on le peut après des années plus ou moins
longues, si le mariage n'avait pas eu lieu. Les mesures financières gui
s'imposent peuvent être simplement transitoires ou permanentes, selon les
cas, mais elles ne participent pas vraiment à la notion d'une
solidarité complète entre des conjoints qui n'en sont plus.
Je n'ai pas ici non plus de texte précis d'amendement, mais je
pense qu'on peut assez facilement, quand on arrivera là, déceler
un certain nombre d'orientations qui pourraient peut-être servir à
préciser ces concepts et à donner des garanties suffisantes au
conjoint divorcé, à celui qui pourrait être
créancier d'une telle obligation mais, encore une fois, le faire dans un
contexte qui ne soit pas celui assez contraignant et dévalorisant de
l'obligation alimentaire et aussi en principe permanent qu'est l'obligation
alimentaire.
Je ne veux pas insister là-dessus, parce que cela nous
amènerait peut-être trop loin; nous y reviendrons tout à
l'heure. Je pense que c'est l'autre série de considérations que
me suggère l'étude de l'ensemble du chapitre sur le divorce.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: J'aimerais également faire quelques
brèves remarques préliminaires avant l'étude de cette
partie de la loi qui est quand même importante, surtout que c'est une
partie de droit nouveau.
J'ai eu l'occasion, lors de la deuxième lecture, de faire des
commentaires spécifiques sur la question de la
constitutionnalité. Je voudrais tout simplement répéter
brièvement ici que nous pensons que c'est peut-être hautement
philosophique ce qu'on va faire, puisque ce ne sera peut-être pas
appliqué avant cinq, six ou même dix ans - je ne le sais pas
-selon l'évolution du dossier constitutionnel. Il y a peut-être
des choses que nous allons adopter aujourd'hui et qu'on devra dépasser
lorsque viendra le temps de les mettre en vigueur. Je pense bien que, de ce
côté, il faudrait... Le gouvernement a des priorités
à choisir et s'il choisit d'adopter tout son projet de loi, il va
peut-être s'apercevoir tantôt que le temps va manquer et qu'on sera
obligé de faire des choix.
À mon avis, c'est une partie de la loi qui pourrait
peut-être être laissée de côté pour l'instant
quitte à y revenir plus tard, en janvier, quand nous aurons plus de
temps.
D'un autre côté, sur la question comme telle du divorce par
consentement, quant à nous, nous faisons une grande différence
entre la séparation de corps et le divorce. On sait que la
séparation de corps n'est pas une rupture du lien matrimonial et qu'il y
a toujours possibilité de réconciliation entre les époux.
Nous considérons que le fait de pouvoir l'obtenir par consentement, cela
peut tout simplement même aider les époux en vue d'une
réconciliation puisque, le système accusatoire n'étant pas
présent, on pourra peut-être permettre aux époux de
conserver un dialogue entre eux et de pouvoir se réconcilier.
Quand il s'agit du divorce, on pense autrement. Le divorce étant
une rupture définitive du mariage, il faut quand même garder
certaines mesures de sécurité pour prévoir qu'il s'agit
bien d'une rupture définitive et de l'aboutissement d'une mûre
réflexion. On demande aux époux de réfléchir avant
de se marier, mais il faudrait aussi leur demander de réfléchir
longuement avant de pouvoir obtenir un divorce sur simple consentement. Il
faudrait essayer de conserver quand même un certain sérieux. On
sait qu'il y a des pressions de divers ordres qui peuvent être
appliquées sur l'un des conjoints. Dans la pratique que j'ai
vécue pendant quelques années, j'ai été à
même de constater qu'il arrive souvent dans les couples qu'un des
époux ait un ascendant assez fort sur l'autre et puisse, en faisant des
pressions assez fortes, en venir à le presser de signer des documents
qu'il ne voudrait pas signer autrement et qu'il ne serait pas en mesure de
désavouer même en allant devant le tribunal. Cela peut être
l'homme, cela peut être la femme. J'ai vu les deux au cours de ma
pratique. Certaines femmes ont un ascendant peut-être pas physique sur
leur mari mais moral, leur permettant de faire faire des choses à
l'époux assez facilement.
De ce côté, je pense qu'on devrait peut-être mettre
à l'essai la séparation de corps par consentement, laisser roder
le système pendant quelques années et peut-être revenir
après avec un système de divorce par consentement mais avec
beaucoup de sécurité de ce côté. Je pense qu'il
faudrait que les époux, avant d'en venir à une entente, puissent
avoir des témoins d'ordre juridique, soit des notaires ou des avocats,
ou des conseillers matrimoniaux quelconques qui pourraient faire une
étude du dossier et les conseiller avant de pouvoir en arriver à
une entente définitive et la faire ratifier par les tribunaux.
Je pense également qu'il faut revoir le délai, si jamais
on en venait à la conclusion qu'il faut accepter le divorce par
consentement tel que préconisé par le gouvernement. Il faudrait,
à mon avis, revoir le délai d'un an qu'on indique à
l'article 538. Si on veut qu'il y ait quand même un essai de mariage, il
faudrait peut-être que cela dure plus qu'un an parce que si on commence
par un an, quand on aura appliqué la loi, probablement qu'on essaiera de
réduire cela à six mois et on va en arriver tout à l'heure
à des mariages de fin de semaine, si
cela continue. Je pense qu'il faut un délai de deux ans, au
moins, avant de pouvoir en arriver à un divorce par consentement, si on
en acceptait le principe. En terminant - je ne veux pas être trop long
là-dessus - nous pensons encore aujourd'hui que la procédure
accusatoire demeure la meilleure garantie qu'il y a une rupture
définitive du mariage et il y a une garantie, en allant devant les
tribunaux et en faisant la preuve de cette rupture, que les témoins et
les personnes impliquées, les époux vont pouvoir s'exprimer
librement devant le tribunal, donner leur opinion et donner leur idée,
tout en étant conseillés par des personnes
compétentes.
C'est notre position là-dessus. Bien sûr, on ne fera pas de
lutte à n'en plus finir. Si le gouvernement a fait son choix, on va le
respecter, mais on donne notre opinion et on va essayer de la faire valoir.
Le Président (M. Laberge): Merci, M. le
député. M. le député de Saint-Louis.
M. Blank: Deux choses. Un peu pour faire suite à ce que le
député de Saint-Laurent a dit à propos de certaines
pressions, des concessions qu'on peut faire au moment du divorce et aussi de ce
que le député de Nicolet-Yamaska a dit à propos des
notaires, des conseillers en mariage, des conseillers et des
préposés aux enquêtes.
Ici, à part des personnes impliquées dans un divorce par
consentement et qui font un accord entre eux, il y a les enfants. Avec le
délai d'un ou même deux ans, si on arrive à cela, les
enfants impliqués dans la cause seraient de petits enfants. On ne parle
pas des enfants de quinze, seize ou même douze ans, qui comprennent un
peu. On va avoir des enfants d'un an, deux ans, quelques enfants nés
avant le mariage, de trois ans ou quatre ans. C'est l'intérêt des
enfants qu'on doit protéger en un sens dans cet accord.
Moi, je ne vois pas comment, en pratique, les juges qui entendent les
causes de divorce, quand il s'agit de divorce par consentement, peuvent oeuvrer
utilement. Présentement, des juges, à la Cour supérieure
à Montréal, du moins, entendent de 15 à 20 causes de
divorce par jour. Cela passe devant eux même en cas d'accord accusatoire,
mais sans consentement, dans un sens, et les juges prennent deux ou trois
minutes pour lire l'entente entre les parties et donner le "rubber stamp". Cela
finit là. Le juge n'a ni le temps ni l'entraînement pour vraiment
étudier cet accord.
Moi, je dis qu'on doit penser, si on veut avoir des systèmes de
divorce par consentement avec un accord entre les parties qui affecte leurs
biens et les biens des enfants, à avoir un système comme en
Angleterre, celui d'un "practitioner". Il conviendrait qu'avant que le juge ne
donne son accord, on passe devant une personne qui a à sa disposition
toutes sortes d'assistants ou l'aide technique pour vraiment regarder ce qui
sous-tend cet accord et pour voir s'il y a vraiment accord. On ne sait pas ce
que le mari gagne. On ne sait pas les biens qu'il a. On ne sait pas ce qu'il y
a pour les enfants, ce qu'il y a comme héritage? Au moins, si on avait
quelqu'un comme un "practitioner" en divorce, qui avant, étudie tout le
problème et voit exactement ce qu'il y a là, il ne donne pas une
opinion, mais il fait un rapport au juge. Au moins, le juge va voir l'entente
et, à côté, le rapport d'une personne qui a vraiment fait
une enquête sur les biens et les intérêts des personnes
impliquées.
Cela peut éviter beaucoup de problèmes, comme l'on soutenu
le député de Saint-Laurent et le député de
Nicolet-Yamaska.
La deuxième chose que je constate, c'est encore du
côté pratique. Si on règle l'aspect constitutionnel, on va
avoir un accord entre les provinces pour donner la reconnaissance au divorce
d'une province à l'autre. Aux États-Unis, on voit cela. On doit
être franc. Pour les personnes ici qui connaissent la carte du Canada, je
pense à ce moment-ci, qu'il n'y a pas une province qui ait des
idées plus libérales sur le divorce que le Québec, sauf
peut-être la Colombie-Britannique. Cela veut dire qu'à un moment
donné, si on a eu un divorce avec consentement après un an,
Québec peut devenir la capitale du divorce du Canada, parce qu'on n'a
aucune stipulation de résidence ici. Dans le système
fédéral de divorce, on a actuellement besoin d'avoir un an de
résidence au moins, pas un an de domicile, mais de résidence dans
la province où on demande le divorce.
Avec la loi qu'on a ici, c'est une question de domicile. Un domicile,
c'est quoi? Une résidence, plus intention. Cela veut dire qu'une
personne peut résider ici une journée avec l'intention,
peut-être un peu truquée de rester ici pour sa vie; elle peut
avoir son divorce immédiatement et, après cela, retourner en
Alberta, en Saskatchewan. Le Québec devient alors la capitale du divorce
du Canada. On doit prendre cela en considération aussi. Cela a l'air que
le divorce, une fois prononcé par le juge, une fois qu'il a donné
l'accord, c'est final, et immédiatement. Il n'y a aucune période
de réflexion de trois mois, aujourd'hui, entre la période
conditionnelle et l'étape finale.
Ailleurs, c'est au moins trois mois de réflexion. On n'a pas cela
ici. Ce sont toutes des idées que je vous donne avec mon
expérience d'avocat de pratique privée.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Verchères. (21 heures)
M. Charbonneau: M. le Président, juste sur un point, sur
ce que le député de Nicolet-Yamaska a indiqué: la
procédure accusatoire pour établir la rupture. Moi, j'ai
l'impression que, quand il fait cette intervention, il met de
côté, dans le fond, toute l'hypocrisie qui se déroule
devant les tribunaux actuellement autour de la question du divorce. On
n'établit pas la rupture par la procédure accusatoire, on
maquille, plus souvent qu'autrement, la réalité et on oblige les
gens à se monter des accusations les uns contre les autres. Dans la
plupart des cas, j'ai l'impression que les gens n'ont pas plus le goût
qu'il faut de s'entre-déchirer devant les tribunaux. Alors, de deux
choses l'une: ou ils camouflent leurs véritables problèmes ou on
ouvre la porte à des règlements de compte qui, finalement, ne
servent aucune des deux parties, encore moins les enfants, quand il y a des
enfants.
J'ai l'impression que ce n'est pas un argument très fort que de
dire qu'il faudrait garder la procédure accusatoire pour établir
la rupture. Entre adultes, si la rupture ne peut pas être établie
de façon correcte, je n'ai pas l'impression que c'est parce qu'on va
avoir une procédure accusatoire qu'on va avoir un meilleur
établissement de la rupture. En fait, on va simplement contribuer
à continuer de perpétuer un système d'hypocrisie ou de
délation ou d'attitudes négatives qui ne font pas avancer les
problèmes humains qui sont impliqués. Vous êtes avocat,
vous savez aussi bien que moi comment les causes de divorce se
préparent.
M. Fontaine: Probablement mieux que vous.
M. Charbonneau: Sans doute, mais ne me faites pas accroire,
à moi qui ne suis pas avocat, que ce qui se passe devant les tribunaux
au niveau du divorce, c'est tout beau, tout pur et tout parfait et que la
procédure accusatoire qui se fait là... Voyons donc! Tout le
monde sait comment cela se passe devant les tribunaux au niveau des causes de
divorce. C'est cela qu'on veut arrêter, dans le fond.
M. Fontaine: Ce n'est pas garanti qu'il n'y a personne qui se
fait organiser.
M. Charbonneau: C'est la meilleure garantie que, finalement, on
va continuer de perpétuer l'hypocrisie et qu'on va continuer d'obliger
des gens à s'entre-déchirer devant les tribunaux. C'est cela le
problème et c'est cela qu'il faut éviter. Quand le
député de Saint-Laurent, tantôt, indiquait qu'on en
était peut-être rendu à une étape de
l'évolution, c'est que je pense que les moeurs des gens au Québec
exigent aujourd'hui qu'on laisse de côté ce système
hypocrite, ce système où on oblige les gens à
s'entre-déchirer devant les tribunaux et souvent à monter de
toutes pièces des causes pour les gagner.
Je pense que c'est cela que les Québécois et les
Québécoises veulent actuellement, un système qui ne
perpétuera pas l'hypocrisie, qui ne perpétuera pas des
règlements de compte devant le public et devant les tribunaux.
M. Fontaine: M. le Président.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Nicolet-Yamaska. Est-ce que c'est une réplique?
M. Fontaine: Je voudrais simplement répondre au
député de Verchères, parce qu'il m'a mis en cause.
Le Président (M. Laberge): Parfait, M. le
député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Je voudrais simplement dire que ce que j'ai voulu
exprimer tout à l'heure, c'est qu'actuellement, la procédure
accusatoire est encore le meilleur moyen d'empêcher qu'il y ait des gens
qui subissent des pressions, de la part de leur conjoint ou de leur entourage,
pour accepter des choses qu'ils n'accepteraient pas autrement. Si on est en
mesure de remplacer les tribunaux par autre chose, à ce
moment-là, on pourra accepter qu'il y ait des divorces de
consentement.
Mais tant qu'on ne remplacera pas cette procédure par autre
chose, on ne pourra pas, à mon avis, permettre qu'il y ait quelqu'un qui
accepte des choses sans vraiment le vouloir. C'est là-dessus que je
disais que le système actuel est encore le meilleur gardien de cette
sécurité. Par ce que le député de Verchères
a exprimé, encore une fois - ce n'est pas la première fois qu'il
le fait - il a encore prouvé le peu d'estime qu'il a à la fois
pour les tribunaux et pour les personnes qui ont à y oeuvrer.
M. Bédard: M. le Président, je ne crois pas qu'on
puisse interpréter les propos du député de
Verchères comme étant un manque de respect envers les tribunaux.
Je ne crois pas que le problème qui se pose soit de penser à une
formule de consentement lorsqu'on trouvera le moyen de remplacer les tribunaux
par un autre organisme qui aurait à évaluer de telles situations.
Le problème n'est pas de savoir si on a à remplacer les
tribunaux, le problème est de savoir si on peut faire jouer aux
tribunaux un rôle qui soit plus utile en fonction des conjoints qui sont
placés dans une situation qui n'est pas facile, un rôle plus
valable - je le dis en tout respect - des tribunaux face aux
intérêts des enfants qui peuvent être concernés.
Il me semble que... me permettez-vous
de répondre?
M. Fontaine: Le rôle que vous voule; leur faire jouer,
c'est tout simplement ur rôle de "rubber stamp", de dire: On constate
tout simplement qu'il y a une rupture, allez- yi
M. Bédard: Ce n'est pas vrai! Ce n'est pas en charriant
qu'on va se comprendre sur des problèmes comme ceux-là que l'on
discute le plus raisonnablement possible. On peut régler n'importe quoi
par l'émotion, mais je pense que c'est ce à quoi nous nous
astreignons, c'est-à-dire jeter un regard humain mais réaliste
sur des situations qui existent. Qu'il y ait des tribunaux ou pas, qu'il y ait
les règles qu'on voudra dans la société, il y aura
toujours des mariages qui ne réussiront pas. Le problème est de
faire en sorte que... La tragédie est déjà assez grande
lorsqu'ils ne réussissent pas, on n'est pas obligé d'y ajouter
nécessairement plus dans la recherche nécessaire d'une faute pour
l'un ou l'autre des conjoints qui sont déjà dans des
difficultés.
Il me semble, M. le Président, qu'on doit partir du principe
qu'un mariage, c'est un acte de maturité, un désir de personnes
de vivre ensemble, c'est un acte de responsabilité. Lorsque les
difficultés se présentent, ce n'est sans doute pas par
gaîté de coeur que des personnes qui, raisonnablement, avaient cru
pouvoir vivre ensemble très longtemps se voient dans l'obligation de
constater que peut-être pour eux, pour l'un et l'autre, et pour le
mieux-être de leurs enfants, il y a une nécessité de tirer
des conclusions. C'est évident que, quand tout va bien, il n'y a pas de
problème, et je ne vois pas en quoi on aurait besoin de
réglementer quoi que ce soit, mais c'est lorsque les problèmes se
posent qu'il faut qu'on édicte - c'est ce à quoi nous nous
employons - des règles qui ne soient pas de nature à augmenter le
problème.
Je crois vraiment que le temps est venu, lorsqu'il y a consentement de
personnes raisonnables - il faut en présumer - d'en venir à la
conclusion que, tant pour les enfants que pour elles-mêmes, l'union ne va
plus, de mettre un terme à la nécessité de rechercher une
faute. Tous ceux qui ont connu des cas de séparation ou de divorce
savent très bien qu'avec toute la bonne volonté du monde,
même s'il y a deux avocats, un avocat d'un côté et de
l'autre, on ne peut pas en venir, dans la plupart des cas, à la
conclusion qu'il n'y a de faute que d'un côté. Je pense que c'est
un ensemble de facteurs qui fait que, à un moment donné, la vie
est devenue impossible et que ça ne donne rien d'essayer de faire durer
artificiellement un lien qui, au bout du compte, est nocif tant à
l'égard des conjoints gu'à l'égard des enfants.
Si on ne trouve pas une solution qui soit acceptable socialement, qui
respecte l'évolution de la société, ça fait en
sorte que, au bout du compte, ce sont les enfants aussi qui peuvent avoir
à payer la note; non seulement ils peuvent, mais, souvent ils paient la
note d'un mariage qui ne va plus, où les conjoints ne sont plus capables
de s'entendre et ne sont pas capables d'en venir à tirer une conclusion.
Il arrive souvent que le fait d'être obligé d'aller devant un
tribunal, d'être obligé de trouver une faute pour, au moins,
l'expliciter devant le tribunal, ça devient quand même assez
traumatisant de part et d'autre parce qu'il ne faut pas croire que les couples
qui en viennent à la conclusion qu'ils doivent se séparer sont
devenus des ennemis. Dans bien des cas - je pense que vous en avez plusieurs
à l'esprit - il est possible de tirer la conclusion tout en gardant une
ambiance d'amitié qui permette d'en arriver à des accords entre
les deux conjoints, d'en arriver à une conclusion de
responsabilité pour ce qui a trait au bien des enfants
concernés.
À partir du moment où nous n'allons pas vers la recherche
de la faute, vers un blanc-seing, je pense que je ferais miens les propos du
député de Saint-Laurent qui l'a très bien exprimé.
Je ne voudrais pas faire perdre le temps de la commission, on aura l'occasion
d'y revenir article par article, mais on est loin du consentement et de la
lettre à la poste.
Je vois le député de Nicolet-Yamaska hocher la tête,
mais je vous assure que c'est loin de ça parce que, justement, le
tribunal aura un autre rôle à jouer, plutôt que de perdre un
temps qu'il réalisait perdre - peut-être même au moment
où on se parle - à rechercher une faute, souvent par des preuves
qui mettaient en cause des enfants à qui on faisait jouer un rôle
qui est loin d'être de nature à aider l'enfant et à aider
l'avenir et la continuation des liens entre les conjoints et les enfants. C'est
plutôt vers un rôle beaucoup plus valorisant que nous nous
orientons, un rôle beaucoup plus valorisant pour les tribunaux qui, au
lieu de prendre le temps qu'ils prenaient peut-être pour rechercher la
faute, pourront affecter une grande partie de ce temps à voir à
ce que les accords qui sont intervenus soient des accords où il n'y a
pas le dépouillement d'un conjoint par rapport à l'autre, soient
des accords qui gardent bien présent à l'esprit
l'intérêt des enfants et surtout - je dis surtout - qui
vérifient le consentement.
Le député de Saint-Laurent - on aura l'occasion d'y
revenir - a insisté là-dessus et je pense que c'est très
important, la vérification du consentement, de manière que le
tribunal ait la conviction que ce n'est pas un ensemble de pressions qui fait
qu'on amène un conjoint ou l'autre, sous quelque pression que ce soit,
à certains règlements.
Je pense que, là, il y a un rôle très valorisant qui
peut se développer. Je sais qu'on ne réglera pas tous les
problèmes du jour au lendemain; de toute façon, par rapport
à l'aspect constitutionnel, on a quand même le temps d'une
certaine réflexion. Le député de Nicolet-Yamaska y faisait
allusion tout à l'heure, si cela peut se concrétiser en termes
d'amendement constitutionnel, on aura eu le temps de réfléchir,
mais à fond - c'est déjà commencé - sur une autre
préoccupation qui a été évoquée par le
député de Saint-Louis, soit celle de penser à ce que des
personnes expertisées dans la matière, travaillant autour du
tribunal comme personnes-ressources - si je peux employer l'expression - au
niveau du tribunal, puissent approfondir, jeter un oeil très critique
sur les accords, sur le consentement - ce dont on a parlé tout à
l'heure - de manière à être en mesure de conseiller le
tribunal.
Je pense que nous aurons ça et nous sommes capables de l'avoir
rapidement, sûrement en même temps qu'on pourra mettre en
application ces choses-là par la mise en place d'un tribunal de la
famille qui aura l'expertise nécessaire autour pour faire en sorte que
dans un premier temps, les conjoints qui doivent tirer certaines conclusions et
les enfants puissent discuter, évaluer les choses avec des
personnes-ressources dans ce domaine-là, profiter d'une expertise au
niveau de l'ensemble de leur entente, etc. C'est la même chose pour les
enfants qui peuvent être représentés. Cette expertise fera
en sorte qu'on n'assiste pas -tous en sont conscients - à un rôle
du tribunal qui serait disons d'estampiller des divorces en série. Je
crois que c'est tout cela qu'il faut trouver le moyen de mettre en place. (21 h
15)
Pour ce qui est d'une autre préoccupation - je m'excuse, je suis
un peu long, mais je pense que cela fera vraiment le tour de la situation quand
on abordera l'étude des articles, on n'aura pas besoin de reprendre
cette discussion, qui était nécessaire, de toute façon -
exprimée par le député de Saint-Louis, à savoir
qu'on doit être prudent pour que le Québec, tenant compte des
habitudes sociales des autres provinces, ne constitue pas une porte facile
d'accès par rapport aux autres provinces. Je pense qu'on doit
écarter cette possibilité. Je dis au député de
Saint-Louis que, même dans les accords presque conclus avec le
fédéral et les autres provinces, l'idée de la
reconnaissance des divorces demeurait de la juridiction du
fédéral qui, à ce moment, peut y aller d'une
réglementation ou d'une législation de nature à
éviter le danger qu'évoquait le député de
Saint-Louis.
M. Blank: Vous voulez que le fédéral décide
des juridictions d'un autre tribunal?
M. Bédard: Non, c'est sur la question de la reconnaissance
du divorce.
M. Blank: Non, je ne parle pas de la reconnaissance...
M. Lalande: Les accords de réciprocité? C'est
là qu'on fait référence aux accords de
réciprocité qui...
M. Bédard: Les critères de compétence
juridictionnelle. En tout cas, on pourra peut-être en parler concernant
la résidence familiale, etc. Nous y reviendrons.
M. Lalande: D'accord.
M. Blank: La question que je me pose est de savoir qui a la
juridiction sur le divorce au Québec.
M. Bédard: Je pense qu'on peut facilement trouver la
solution à partir du moment qu'on a la même
préoccupation.
M. Fontaine: M. le Président...
M. Bédard: Je pense que cela fait pas mal le tour de la
question.
Le Président (M. Laberge): II y a M. le
député de Verchères à qui vous avez... M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: Deux points rapidement. Le député
de Nicolet-Yamaska a dit: La procédure accusatoire va nous permettre
d'éviter que des choses inacceptables soient imposées. Ce n'est
pas la procédure accusatoire qui va permettre d'éviter cela. Il y
a deux choses: c'est un consentement vérifié et ce sont les
accords qui vont être également soumis au tribunal et à
l'appréciation du juge. Ce n'est pas parce que les gens vont s'accuser,
vont s'entre-déchirer devant la cour que cela va éviter que des
choses inacceptables soient acceptées ou imposées par l'un ou par
l'autre. Ce n'est pas cela qui va faire qu'on va régler le
problème. C'est parce qu'il va y avoir un consentement
vérifié et qu'il va y avoir un accord également
vérifié par le tribunal.
Quant au respect des tribunaux ou au non-respect que vous m'avez
imputé, j'ai plutôt l'impression que c'est justement parce que je
pense que les tribunaux doivent être respectés qu'on ne doit pas
perpétuer un système où, dans le fond, ils sont
poignés pour recevoir ou être le témoin d'artifices,
d'hypocrisies et de stratagèmes souvent inventés et mis au point
par des avocats qui n'ont pas le choix, parce que c'est le système.
S'ils veulent obtenir le divorce pour leur client, il faut qu'ils montent une
bonne cause. Comment monter une bonne cause?
Vous le savez mieux que moi. C'est parce que je respecte les tribunaux
et c'est parce que je respecte les avocats que je considère qu'on doit
cesser de leur faire jouer des rôles qu'ils ne devraient pas jouer dans
le fond.
M. Bédard: M. le Président, il y aurait
peut-être un autre élément qui a été
soulevé par le député de Nicolet-Yamaska. Je n'ai pas
besoin de revenir sur les propos du député de Verchères.
C'est le seul point. Lorsqu'il a dit qu'il ne fallait pas identifier ou mettre
sur un même pied la séparation de corps et le divorce, il a raison
dans le sens que, dans un cas, c'est une rupture finale, et, dans l'autre, ce
n'est pas le cas. Je voudrais seulement lui faire remarquer qu'à partir
du moment où on peut employer une procédure similaire pour
arriver à une conclusion, alors que le lien du mariage est
irrémédiablement ou gravement atteint, il y a, même si
c'est la même procédure de ce côté, une
différence fondamentale, et, on le verra, entre le mariage et la
séparation de corps, entre autres, dans les effets qui, dans le cas du
divorce, sont assez définitifs alors que, dans la séparation de
corps, une réconciliation est toujours possible.
M. Lalande: M. le Président, une brève
réponse surtout au député de Verchères. Je pense,
surtout lui, qu'il exagère la question de l'accusation qu'on doit faire
devant le tribunal. Ce n'est pas surtout une accusation qu'on doit faire
actuellement. On parle de procédure accusatoire, ce sont des termes
qu'on a employés, mais ce qu'on doit faire actuellement, c'est de faire
constater par le tribunal qu'il existe une cause de divorce. C'est pour cette
raison que je dis que c'est une garantie qui est constatée par le
tribunal que le mariage ne peut plus exister, parce qu'il y a une cause de
divorce prévue dans la loi qui est constatée. Je pense que le
député exagère en disant: II faut aller devant les
tribunaux, on se chante une poignée de bêtises. Ce n'est pas
toujours comme cela que ça se passe, c'est souvent de façon plus
civilisée. Je pense que c'est quand même une garantie que les
choses sont faites en bonne et due forme.
M. Charbonneau: Une dernière petite remarque, M. le
Président. Si le député de Maisonneuve me le permet...
Merci, M. le député. L'idée, c'est que, même quand
il n'y a pas de superaccusations, les gens qui se sont entendus entre eux, qui
ont de la maturité et qui ont décidé d'un commun accord
que cela ne marche plus, pourquoi les obliger à même étaler
des causes devant le tribunal? Dans la mesure où ils ont constaté
que cela ne pouvait plus fonctionner, qu'ils se sont entendus, je pense qu'on
doit respecter le plus possible la vie privée des gens. J'ai
l'impression que cela va permettre autant que possible à bien des gens
de garder pour eux les choses qu'ils veulent garder. Je pense que ce n'est pas
de vos affaires, que ce ne sont pas des miennes non plus de savoir que telle ou
telle personne est divorcée pour telle ou telle raison; c'est son
problème. Si on est obligé de franchir une autre étape
parce qu'il y a une contestation, d'accord. Mais, dans la mesure où les
gens sont d'accord, c'est leur problème à eux, c'est leur vie
à eux. C'est à eux de garder pour eux les raisons pour lesquelles
ça n'a pas fonctionné.
Si on veut faire l'étude de cas, on le fera avec le consentement
des gens, mais je pense que ce que veulent les gens aujourd'hui, dans la mesure
du possible, c'est que, quand ils sont d'accord, les raisons restent entre eux.
Le simple fait de dire que c'est à cause de l'adultère d'une
partie ou d'une autre, si on peut éviter cela aux gens qui n'ont pas le
goût de le dire aux tribunaux, qui n'ont même pas le goût de
le faire dire par leur avocat, sans même qu'ils soient là... Il y
a des raisons que les gens aimeraient mieux garder pour eux; d'ailleurs, ce
sont des raisons... Parce que la loi oblige à avoir un certain nombre de
raisons. S'il fallait faire l'historique de chaque cas d'adultère, ce
n'est pas un acte en particulier qui a été la cause d'une
rupture, c'est plus complexe que cela. Je pense que les gens veulent garder
pour eux ces complexités aussi bien que les raisons qu'ils sont
obligés de donner parce que la loi dit: II faut l'adultère, il
faut tel ou tel autre motif. On prend l'adultère parce que souvent cela
va plus vite, mais cela n'intéresse pas nécessairement les gens
d'étaler cela, juste cette explication, sans autre accusation, sans
autre règlement de compte. C'est déjà "sacrement"
gênant pour pas mal de gens, surtout quand ils sont d'accord.
M. Lalande: Dans sa déclaration-réponse, dans sa
longue réplique le ministre a répondu par anticipation à
plusieurs de mes questions, évidemment, je suis d'accord avec le
ministre et le député de Saint-Laurent qui, substantiellement,
ont dit que le divorce devait constater un état de fait; on embarque
dans la notion de divorce-sanction, de divorce-remède, je pense bien
qu'il faut l'envisager de plus en plus comme étant un remède.
Il y a trois points précis sur lesquels je voudrais revenir. Le
député de Saint-Louis l'a souligné, il ne faudrait pas que
le divorce soit aussi facile que la séparation de corps, parce qu'il
faut comprendre qu'à l'heure actuelle, la loi fédérale sur
le divorce a prévu pas mal de balises. Il y a des causes qui aident dans
bien des cas et favorisent jusqu'à un certain point à truquer la
réalité, mais il n'en demeure pas moins que - c'est
vrai que c'est assez peu observé - les avocats doivent tenter de
faire de la conciliation. Il y a le jugement conditionnel et le jugement
irrévocable. Tout est mis en oeuvre, en d'autres mots, pour donner aux
gens beaucoup de temps pour réfléchir, afin de modérer ou
freiner le plus possible un divorce. C'est une façon juridique de
freiner cela. Mais on passe un peu vite dans l'autre sens en disant: Si vous
arrivez avec le consentement mutuel après un an, fort bien, on y arrive.
On y va peut-être un peu fort, d'autant plus qu'il n'y a pas beaucoup de
distinction finalement dans le projet de loi entre la séparation de
corps et le divorce, puisqu'on dit bien à l'article 524: II est
réputé en être ainsi dans les cas prévus par
l'article 538 pour la séparation dans les effets...
Il faudrait tout de même, à sa face même, en tout
cas, pour l'époux, que cela redevienne plus facile de se séparer
que de divorcer. Il faudrait l'envisager un peu. Il ne faudrait tout de
même pas que ce soit un pôle d'attraction. Vous savez, l'effet
qu'on peut avoir à cela aussi bien que ce que nous discutons dans le
cadre du mariage aussi, comme dans la dissolution... si être
marié, c'est se lier à tel point que cela fait peur, on va vivre
en dehors du mariage peut-être. Cela va continuer à accentuer le
pourcentage que nous avons à l'heure actuelle de gens qui vivent en
dehors du mariage. La même chose, si, une fois marié, c'est
beaucoup plus facile de sortir très vite que d'avoir certaines balises
de séparation; il faudrait peut-être établir des nuances.
Je voulais simplement le souligner, mais je pense que le ministre en a fait
état. Il est conscient du problème.
Maintenant, il y a le fait qu'encore une fois... je voudrais faire - je
l'avais écrit -une citation de Claude Léveillée: Pourquoi
il y a des jours où c'est fini? S'il y a des jours où c'est fini,
il ne faudrait tout de même pas dans ces conditions dire: Aussi bien
mettre fin à tout et aller au divorce, alors que peut-être la
séparation pourrait aider dans bien des cas à se retrouver,
puisque ce n'est quand même pas la dissolution complète du
mariage.
L'autre point important, je pense qu'il va falloir l'examiner avec
beaucoup de sérieux, c'est la notion de résidence qui a
été introduite par le député de Saint-Louis. Il ne
faudrait tout de même pas qu'au Québec ce soit trop facile et que
tout le monde vienne ici... On connaît déjà l'engorgement
de nos tribunaux en matière matrimoniale, il ne faudrait tout de
même pas les engorger davantage.
M. Bédard: Cela est facile à régler.
M. Lalande: C'est assez important. Maintenant, l'autre fait. Si
on décide d'y aller dans ce que nous préconisons au niveau du
divorce à l'heure actuelle et de la notion de consentement mutuel pour
le divorce, il faudrait peut-être envisager d'institutionnaliser
justement ce à quoi vous avez fait référence tout à
l'heure, M. le ministre, le service d'expertise psychosociale que nous avons
à l'heure actuelle devant la Cour supérieure.
L'on sait que, dans la loi actuelle, simplement avec l'accord des
parties, on peut suggérer, si les deux parties sont d'accord, qu'il y
ait une évaluation psychosociale. Il y a quand même certains juges
qui y sont assez peu favorables, c'est une mesure qui est volontaire,
évidemment, qu'on ne peut pas imposer au départ. Il faudrait
peut-être y penser, un divorce, ce n'est pas simplement une affaire
juridique, mais bien davantage, on en a discuté longuement tout à
l'heure, c'est une affaire sociale avant tout. C'est un problème social
de réinsertion d'individus. C'est une affaire psychologique. Sans amener
des assesseurs purement et simplement, qu'on puisse au moins provoquer dans
chaque cas, des rapports, je ne dirais pas "présentenciels",
évidemment, mais qu'il y ait un examen sérieux. Car il faut
peut-être penser dans tout cela aux enfants.
On est dans le processus judiciaire. On ne peut pas faire autrement, il
faut constater qu'il y a brisure, juridiquement, il faut le constater. C'est un
acte judiciaire jusqu'à un certain point, mais, semble-t-il, on devrait,
encore une fois, si on suit la voie dans laquelle on est engagé, rester
le plus loin possible d'un processus judiciaire. Pourtant, on est bien
embarqué là-dedans comme dans la perception des pensions
alimentaires, on est dans un labyrinthe judiciaire. (21 h 301
Peut-être que si on arrivait, je ne dirai pas à
l'intersession, en tout cas, par le fait... Non, mais si on institutionnalisait
les services d'expertise psychosociale, il pourrait y avoir des rencontres
préliminaires et cela éviterait les liens directs avec le juge.
C'est vraiment traumatisant et il faut avoir vécu dans le milieu aussi
pour savoir que ce n'est pas facile pour les enfants, mais c'est
peut-être encore plus difficile pour les époux d'avoir, dans ce
processus, à faire face à la musique devant tout le monde, dans
bien des cas.
Il me semble qu'il pourrait y avoir des enquêtes au
préalable ou une réunion préalable, tout de même,
avec ces experts psychosociaux ou des assesseurs qui seraient autour du juge et
ce ne serait qu'au moment ultime, à la dernière minute, que le
juge serait là pour constater si, effectivement, on ne fait pas accroc
au droit. Je voulais souligner ces trois points-là.
M. Bédard: Je peux vous dire ma
conviction qu'on sait qu'on ne peut mettre en application dès
maintenant la partie concernant le divorce. D'ici à ce que ce soit mis
en application, je suis convaincu que nous serons...
M. Blank: Si on n'est pas prêt, pourquoi le fait-on?
M. Bédard: Non, c'est une invitation à
développer le plus rapidement possible l'ensemble de ce dont on a
parlé en termes de ressources humaines mises à la disposition des
personnes, qui peuvent être de nature à distancer le plus possible
le contact avec le tribunal ou à faire en sorte que, lorsque ce contact
a lieu, c'est devant un tribunal déjà éclairé et
qui peut se faire une idée assez rapidement.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: M. le Président, je suis d'accord avec les
députés de Verchères et de Nicolet-Yamaska. Je suis
d'accord avec le député de Nicolet-Yamaska en ce qui concerne le
problème constitutionnel, mais on a discuté de cela amplement
lors de la deuxième lecture et, maintenant, c'est au gouvernement de
prendre sa responsabilité.
Je suis tout à fait d'accord avec le député de
Verchères en ce qui concerne le divorce et ce n'est pas souvent que je
suis d'accord avec le député de Verchères dans cette
commission.
M. Charbonneau: II est 21 heures 30, le 16 décembre.
M. Marx: Mais souvent les divorces dans nos cours sont vraiment
des procès judiciaires simulés. C'est-à-dire que les gens
veulent divorcer, il y a un consentement et il faut monter un procès
légal et tous les avocats sont au courant de cela. Il s'agit de passer
deux ou trois heures à la Cour supérieure pour voir cela. Les
juges sont au courant, tout le monde est au courant.
J'aimerais passer à un autre sujet. Peut-être faut-il aussi
voir à simplifier la procédure de divorce. Est-ce que c'est
vraiment nécessaire de garder tout l'appareil judiciaire avec les
avocats et tout cela? Souvent, cela coûte cher pour peu de travail. Je
trouve que cela va de soi que les avocats aient un rôle à jouer
dans la procédure du divorce, mais pas dans tous les cas. Souvent, les
gens qui veulent divorcer ont plutôt besoin d'un conseiller matrimonial
que d'un avocat ou d'un juge. C'est quelque chose à voir. On a
déjà fait des expériences de la procédure
simplifiée, je pense que c'est en Colombie-Britannique, et on y a
élaboré comme on dit, des "kits" de divorce qui ont permis aux
gens de demander d'avoir leur divorce sans passer par des avocats. Je ne veux
pas exclure les avocats, mais dans beaucoup de cas, peut-être...
M. Bédard: ...circuler votre déclaration...
M. Blank: On voit la différence entre un professeur et un
avocat pratiquant.
M. Marx: Je ne veux pas exclure...
M. Charbonneau: ...le député de D'Arcy McGee et la
"gang" d'avocats qu'il y a autour, n'étant pas moi-même
avocat.
M. Blank: Mais lui est avocat. M. Charbonneau: Je le
sais.
M. Marx: Ce n'est pas une question d'exclure des avocats. Mais si
c'est possible de faire ça plus simplement et d'atteindre le même
but sans dépenser beaucoup d'argent, je pense que c'est dans
l'intérêt de l'État de prévoir une telle
procédure.
Un dernier point. Je suis d'accord avec le député de
Saint-Louis sur le problème des décrets finals. Je pense qu'il
serait bon d'avoir ce qu'on peut appeler une "cooling off period", disons, de
trois mois, avant d'avoir un décret final. Cela donnerait au moins la
chance aux époux de revoir tous leurs problèmes et de voir s'ils
peuvent se réconcilier. C'est tout pour maintenant.
Le Président (M. Laberge): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Si j'interviens
à ce moment-ci, ce n'est pas que je pense pouvoir ajouter beaucoup
à ce qui a déjà été dit, mais c'est que - et
je le dis bien modestement, ce sont les circonstances qui font que je suis
présente à cette commission - je trouverais regrettable qu'en
1980 on ait fait la révision du Code civil, qu'on ait changé les
règles touchant particulièrement le divorce, la
séparation, et que l'autre partie qui est ordinairement impliquée
dans ces opérations n'ait pas eu une voix ici à la table.
J'avais dit dans mon discours de deuxième lecture que je
souhaitais qu'on clarifie la possibilité d'accorder le divorce par
consentement mutuel pour justement répondre, je pense, d'une part,
à l'évolution des mentalités, surtout pour répondre
aux besoins actuels de la société. Je pense que le ministre, en
faisant un article beaucoup plus clair sur ce point, par l'article 538,
répond à ce que je souhaitais. Il y a peut-être une
modalité sur laquelle on reviendra, quand on abordera l'article
lui-même.
Je voudrais, par contre, dire que j'ai été un peu surprise
de la dramatisation qu'a
faite le député de Verchères, probablement pour
protester très fortement contre le point de vue du député
de Nicolet-Yamaska. C'est bon par contre que ce soit clair dans le Code civil,
mais je pense que la pratique, dans les dernières années, pour
accorder les divorces était peut-être moins dramatique que celle
nous a décrite le député de Verchères. Je pense
aussi qu'on prenait davantage en considération le sens des
responsabilités des gens. Évidemment, j'imagine que, dans la
déclaration de divorce, il fallait signaler un motif précis, mais
je ne crois pas qu'on en était, d'une façon
générale, encore à l'époque où on
élaborait des subterfuges pour permettre aux gens d'obtenir un divorce,
surtout s'ils avaient vécu séparément depuis un certain
temps.
Mais, de toute façon, je pense qu'il faut à ce moment-ci
le moderniser. Je suis contente qu'on le modernise dans le sens où on
évite tout cet aspect de la culpabilité à prouver d'un
côté ou de l'autre.
J'aimerais également - et nous en aurons l'occasion au fur et
à mesure de l'étude de ce chapitre, article par article -formuler
le souhait - et je l'avais mentionné dans mon discours de
deuxième lecture -que, d'une part, on soit peut-être plus
conscient de la présence des enfants. Je vois qu'on le met dans le
deuxième paragraphe de l'article 538, mais il y aura peut-être
lieu de le signifier d'une façon encore un peu plus expresse dans
d'autres articles. Je souhaiterais également qu'on trouve dans un
article ou un autre la possibilité de faire intervenir d'une
façon plus claire, je pense que c'est même absent, et d'utiliser
des mécanismes de conciliation, parce qu'il reste que le divorce doit
toujours être une solution de dernier ressort, autant que possible, mais
cela ne me semble pas très clair dans les articles tels qu'ils sont, que
ce point de vue particulier que d'ailleurs mon collègue de D'Arcy McGee
et les autres ont mentionné auparavant.
Pour résumer, M. le Président, je pense que cette
ouverture qui est faite à une possibilité d'obtention de divorce
par consentement mutuel sans recours à une preuve de culpabilité,
là où les conjoints s'entendent, cela me semble tout simplement
répondre à une réalité d'aujourd'hui. Par contre,
je pense que le ministre a peut-être eu raison, de ne pas accéder
à la demande de certaines associations qui voulaient qu'on
élimine - du moins, c'est ce que j'ai compris de leurs
représentations - toute possibilité d'invoquer la faute ou la
culpabilité, particulièrement dans les cas où il n'y a pas
consentement des conjoints. C'est une réalité qu'a fait valoir le
député de Saint-Laurent et elle est fort juste.
C'est tout ce que j'avais à ajouter. Je serais la dernière
à avoir la prétention de parler au nom des femmes, mais
j'espère qu'au moins, un certain nombre d'entre elles et peut-être
la majorité - voient aujourd'hui le divorce dans cette perspective plus
ouverte, répondant davantage aux besoins des conjoints et
également comme étant, dans un grand nombre de cas, une solution
beaucoup plus humaine et beaucoup plus adéquate pour les enfants.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: Deux choses. Pour commencer, le député de
D'Arcy McGee m'a suivi en parlant de divorce final après un délai
de trois mois. C'est le principe que je mentionnais, celui de donner une chance
de retarder l'affaire. Mais, du côté pratique, il y a aussi un
problème. S'il n'y avait pas un délai suffisant entre le jugement
conditionnel et le jugement final... Dans le cas d'un divorce de consentement,
il n'y a pas de problème. Les gens, d'un commun accord, vont renoncer
à leur droit d'appel. Mais, dans l'autre cas, il y a une partie qui a un
droit d'appel.
Dans le premier cas, on a un divorce final; on divorce, c'est final.
Dans le jugement que rend la cour c'est indiqué: le divorce prend effet
à telle ou telle date. Le monsieur peut se remarier dans une autre
ville, une autre province, le célébrant tient pour acquis qu'il y
a eu divorce. Deux semaines après, l'autre partie décide d'aller
en appel et gagne sa cause trois mois plus tard. Qu'arrive-t-il du
deuxième mariage?
Une voix: C'est de la bigamie.
M. Blank: C'est cela. On doit attendre trois mois, on doit
déposer à la cour un certificat de non-appel. Si le divorce est
final au moment où le juge le prononce, qu'arrive-t-il s'il y a un appel
et que la personne a utilisé le jugement pour se remarier?
Deuxièmement, je trouve un peu contradictoire ce que le ministre
a dit. Il dit qu'on introduit dans la loi le divorce par consentement parce
qu'on veut éviter des situations nocives - c'est le mot qu'il a
utilisé - d'accord.
M. Bédard; Je vous fais confiance pour l'interprétation.
On aura l'occasion de préciser.
M. Blank: Peut-être avez-vous raison sur ce point, mais ce
n'est pas seulement quand les deux parties sont consentantes à la
rupture du mariage; vous ajoutez un autre élément: le besoin d'un
accord sur la question financière, pour la garde des enfants, etc. S'il
n'y a pas ces deux choses, il n'est pas question de divorce par consentement,
on doit attendre deux ou trois
ans, le cas échéant. Ne serait-il pas possible que,
dès le moment où il y a consentement, on aille directement au
juge? S'il n'y a pas d'accord, il devrait y avoir une autre façon
accélérée de procéder. Il y a consentement à
la rupture du mariage; pourquoi les gens seraient-ils pénalisés
s'ils ne peuvent pas s'entendre sur la plan matériel?
Vous travaillez contre votre objectif, celui d'éliminer des
mariages qui n'existent pas en fait, qui ne sont pas de bons mariages. Si vous
ajoutez d'autres conditions, vous vous éloignez de votre objectif
premier, qui est de régler des cas, des situations...
M. Bédard: Autant le premier point soulevé par le
député de Saint-Louis est un point qui me frappe et sur lequel on
peut se pencher en termes de solution, autant le deuxième, le dernier
qu'il a évoqué ne me semble pas aller à l'encontre du but
poursuivi. (21 h 45)
M. Blank: Mais vous faites...
M. Bédard: Vous me permettez? On aura l'occasion de
s'expliquer davantage. Je pense qu'à juste titre, le
député de L'Acadie a tenu à faire entendre la voix de
l'autre partie - pour employer son expression - au niveau de cette commission.
Je suis convaincu qu'elle a fait ce qui est normal, un travail de
sensibilisation important au niveau de l'ensemble de ceux et celles qui
l'entourent, tant à l'Assemblée nationale que hors de
l'Assemblée nationale. Je pense bien qu'elle sait aussi que, du point de
vue gouvernemental, même s'il ne s'exprime pas aujourd'hui, même au
niveau de la commission, je dois le mentionner, un rôle de
sensibilisation tout à fait convaincant a été mené
à terme par la députée de Dorion, la députée
qui était avec nous tout à l'heure, la députée des
Îles-de-la-Madeleine et la députée de Hull. Je dois dire
que...
Mme Lavoie-Roux: J'attends la démonstration de la
députée de Hull.
M. Bédard: Elle a été faite à la
bonne place, au Conseil des ministres. Si je pouvais revenir sur l'ensemble des
efforts, pour ne pas employer le mot "pressions," qui ont été
faits par ces personnes, et c'est très compréhensible, je pense
qu'ils ont été de nature à alimenter l'attitude de
prudence que j'ai l'habitude d'avoir et cela a contribué aux efforts
comme ceux exprimés par la députée de L'Acadie lors de la
deuxième lecture, qui ont été de nature à faire
évoluer ce côté prudence, des fois, qui nous
caractérise un peu trop en ce qui a trait à l'autre partie.
Je pense que nous avons pas mal fait le tour de la situation, nous
pourrions y aller article par article.
Le Président (M. Laberge): J'appelerai donc, au chapitre
premier, l'article 537. M. Bédard: 537, c'est le principe...
Le Président (M- Laberge): Est-ce que cet article 537 est
adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Article 537 adopté.
À 538, on nous suggère une nouvelle rédaction.
M. Bédard: C'est ça.
Le Président (M. Laberge): En deux articles.
M. Bédard: Effectivement, nous avons fait une nouvelle
rédaction à la suite de représentations qui nous ont
été faites par le député de Saint-Laurent. Je crois
qu'il y aurait avantage, afin de mieux se comprendre, non seulement au niveau
de la discussion, mais au niveau de la lecture du projet de loi, à
départager les deux situations.
Le Président (M. Laberge): Si vous voulez, je vais vous
donner lecture du nouvel article 538 qui se lit comme suit: "Les époux
mariés depuis au moins un an, qui soumettent à l'approbation du
tribunal un projet d'accord qui règle les conséquences de leur
divorce, peuvent le demander sans avoir à en faire connaître la
cause."
Deuxième paragraphe: "Le tribunal prononce alors le divorce s'il
considère, après avoir entendu les époux, que l'accord
préserve suffisemment les intérêts de chacun d'eux et des
enfants."
M. Bédard: M. le Président, je n'ai pas de remarque
particulière.
M. Forget: Moi, j'en ai.
M. Bédard: Je sais qu'on a fait des remarques concernant
le délai, etc.
Le Président (M. Laberge): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Avant de proposer une modification... Oui.
M. Bédard: Me permettez-vous, Mme la députée
de L'Acadie, simplement un petit renseignement que je me dois de donner. On a
indiqué un délai d'un an. Je ferais remarquer qu'en France, c'est
six mois. À titre d'information.
Mme Lavoie-Roux: Quand quelqu'un présente une demande de
divorce, quel temps s'écoule-t-il entre le moment où il la
présente et l'obtention du divorce lui-même?
M. Bédard: C'est un peu difficile d'être très
précis.
Mme Lavoie-Roux: Enfin, une approximation.
M. Bédard: On peut facilement parler d'une moyenne d'un
an.
Mme Lavoie-Roux: Cela voudrait dire qu'après que les
époux ont présenté une demande de divorce, il pourrait
s'écouler un an? Non?
M. Blank: Je m'excuse, à Montréal, maintenant,
à partir de la date de l'inscription, c'est moins de deux mois. Avant,
c'était un an. Maintenant, je ne sais pas ce qui a été
fait, mais, depuis le mois d'août...
M. Bédard: C'est une bonne chose.
M. Blank: Oui, c'est une bonne chose. Depuis le mois
d'août, le maximum, c'est deux mois et demi, c'est même moins de
deux mois.
M. Lalande: II faut penser... contester... M. Bédard:
Oui, ah bon!
M. Blank: Pas contester. Ex parte ou par défaut.
M. Bédard: Peut-être qu'il y aurait une distinction
à faire. J'avais à l'esprit...
M. Blank: Non, mais "par consentement," je ne dirais pas
"contester".
Mme Lavoie-Roux: L'objet de ma question, c'est que,
spontanément, je trouvais qu'un an, ce n'était pas long, parce
que la façon dont je lisais ceci, c'est qu'au bout d'un an, dès
qu'on soumettait la demande, on l'accordait. C'est ce que semble confirmer un
peu le député de Saint-Louis qui dit: À l'intérieur
de deux mois, on obtient cette approbation. Même si, en France, on dit
six mois... En tout cas, je ne ferai pas d'amendement, mais je voudrais qu'on
réfléchisse à savoir, si ce délai est suffisamment
long. Si on me disait: Après la demande de l'approbation du divorce, il
s'écoule au moins six mois, vous avez au moins un an et demi, à
ce moment...
M. Bédard: II y a des délais différents d'un
district à l'autre.
Mme Lavoie-Roux: Je ne trouve pas cela très long,
personnellement.
M. Bédard: II y a ce que vient de nous dire le
député de Saint-Louis. En tout cas, je pense qu'on est tous
d'accord pour dire qu'il faut un délai pour éviter non seulement
les mariages simulés, mais effectivement faire en sorte qu'on n'assiste
pas à des mariages de fin de semaine, pour employer l'expression du
député de Nicolet-Yamaska. C'était le but poursuivi.
Mme Lavoie-Roux: Évidemment, si, un peu plus tard, on
inclut dans un des articles une possibilité qu'il soit
référé par le tribunal à un conseil de
réconciliation ou un service de conciliation quelconque, selon ce que le
juge observe, je pense que cela vient peut-être atténuer ceci,
mais rendre la chose automatique comme cela... Personnellement, cela me
paraît plutôt court.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent et M. le député de Nicolet-Yamaska, par la
suite.
M. Forget: Dans l'ensemble, l'article est celui que
suggérait le Barreau. À une première lecture, il semble
répondre à un certain nombre de préoccupations.
M. Bédard: Je voudrais quand même vérifier le
"un an de délai" dont faisait état le Barreau.
M. Forget: Peut-être pas, je pense qu'il n'y avait
peut-être pas...
M. Bédard: Ce n'était pas de ce délai qu'il
s'agissait. C'était plutôt lorsqu'il y a un an, séparation
de fait. Nous, on disait deux ans, dans le projet de loi. Eux demandaient un
an. On le verra un peu plus loin.
M. Forget: Enfin, c'est une indication. De toute façon,
cela n'a rien à voir avec le point que je veux soulever. Il y a un
certain nombre de questions que soulève dans l'esprit d'un lecteur
l'application de cet article. La députée de L'Acadie a
soulevé le problème du délai. On ne peut pas
apprécier correctement ce délai à moins d'avoir vu en
détail l'effet des autres délais. Il s'agit ici d'un délai
strict, un délai minimal qui s'applique une fois dans la vie d'un
mariage, en ce sens qu'il s'applique durant la première année du
mariage. Une fois qu'un couple a dépassé le cap d'une
année de mariage, ce délai ne lui est plus applicable. Les
délais qui deviennent applicables, qui pourraient être
assimilés à des délais de réflexion ou à des
délais d'un second regard sur les problèmes conjugaux,
découlent d'autres dispositions de la loi. Peut-être que ces
autres dispositions ne sont pas satisfaisantes. Il y a la possibilité,
par exemple, pour le
tribunal, de suspendre à tout moment la preuve, la
procédure et d'inviter à la conciliation. Donc, il y a un
jugement qui doit être porté par le tribunal relativement à
l'opportunité d'un délai ou à l'absence d'un délai.
Une des parties peut demander un délai aussi, j'imagine, puisqu'il est
de la discrétion du tribunal de l'accorder. Ici, il s'agit d'un
délai qui vise à éviter que le mariage ne soit
détourné de sa fin et ne devienne, pour des raisons quelconques,
une pure façade, un mariage de convenance, un mariage simulé,
pour des raisons d'immigration et pour Dieu sait quoi, qui n'ont rien à
voir avec les buts sociaux que poursuit le mariage.
M. Bédard: Fiscalité, etc.
M. Forget: Je pense qu'un an permet d'avoir des assurances de ce
côté. Est-ce que les autres délais sont suffisants? On y
reviendra dans les autres articles. C'est un point. L'autre point, c'est la
nature, malgré tout, de la vérification que le tribunal pourrait
faire de la validité des consentements. Je ne suis pas absolument
certain que cet article donne ouverture à un examen par le tribunal de
la qualité des consentements. Je me réfère à
l'article 541 qui va plus loin et je ne suis pas sûr... Je lis l'article
541: "La preuve de l'atteinte irrémédiable à la
volonté de maintenir le lien du mariage peut résulter du
témoignage d'une partie, mais le tribunal peut exiger une preuve
additionnelle."
Je ne sais pas si cela vise la situation que sous-tend l'article 538
parce que c'est un aveu dans le fond. On dit que s'il y a un aveu dans une
action contestée, de type accusatoire, c'est peut-être cela qu'on
visait par 541. Je ne sais pas s'il y a consentement, si le tribunal peut
écarter le consentement et regarder derrière le consentement
apparent pour voir s'il n'y a pas eu intimidation, une situation qui vicie le
consentement. Je pense que ce serait important.
M. Bédard: Si je comprends bien, il y aurait simplement
lieu d'évoquer explicitement l'obligation de considérer
également le consentement valable, etc..
M. Forget: C'est cela. Dans le fond, le tribunal ne reçoit
sa discrétion, son pouvoir discrétionnaire qu'au deuxième
alinéa, alors qu'on dit: "Le tribunal prononce alors le divorce comme si
c'était automatique, une fois que le premier alinéa est
satisfait, s'il considère - à ce moment-là le "si"
s'applique à ce qui suit - après avoir entendu les époux,
que l'accord préserve suffisamment les intérêts de chacun
d'eux et des enfants." Il s'agit de savoir si les conséquences,
l'aménagement des ententes sur le plan financier pour les époux,
sur la garde des enfants, si cela, c'est satisfaisant. Il se peut que ce soit
le consentement lui-même qui soit vicié. C'est une chose.
M. Bédard: On pourrait parler du consentement
éclairé, tel qu'on l'a indiqué au niveau du mariage.
M. Forget: Oui, peut-être, au niveau du mariage, c'est
cela. La troisième chose qu'on peut soulever relativement aux
conséquences, c'est la chose suivante: on peut mettre en question les
arrangements faits et qui découlent du divorce devant le tribunal, mais
le tribunal peut demander une preuve additionnelle, je pense bien qu'il
faudrait à un moment donné qu'il puisse nommer un procureur
à l'enfant, s'il pense que les intérêts de l'enfant sont
ignorés de façon égale par les deux parents. Ce n'est pas
vraiment là la chose que je veux souligner.
Le consentement dont il est question ici est un consentement global.
C'est un consentement qui porte à la fois sur la rupture du lien
matrimonial et sur les conséquences qui doivent en découler.
Supposons qu'un couple s'entend pour mettre fin au mariage, s'entend sur le
principe d'un divorce, s'entend sur les conséquences sur le plan
patrimonial, sur le partage des biens, etc., qu'il y a un point seulement sur
lequel il ne s'entend pas et que c'est peut-être un point sur lequel il
est susceptible de ne pas s'entendre, s'il ne s'entend pas dans le fond pour
continuer la vie en commun, la garde des enfants. C'est un exemple parmi
d'autres; le couple pourrait s'entendre sur la garde des enfants et ne pas
s'entendre sur les arrangements financiers. Est-ce que cela veut dire que,
parce que même s'il s'entend sur tout, mais qu'il ne s'entend pas sur un
point, on doit juger qu'il ne s'entend pas du tout et que l'article 538 n'est
pas applicable? À ce moment-là, est-ce qu'on doit imaginer une
procédure par laquelle les époux...
Le député de Saint-Louis a un amendement qui est
inspiré par cette perspective. Est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir une
espèce de requête qui tiendrait compte du fait qu'ils s'entendent
sur tout, une espèce de conciliation pour les amener à conclure
sur le point qui manque? Ou est-ce que c'est une mise en échec totale de
cette démarche? Un des conjoints doit-il alors amorcer une
procédure de type accusatoire qui aurait un grand élément
d'artifice, c'est évident. Ce sont les trois points que je voulais
soulever, mais je pense que, sur le dernier mon collègue a
déjà des préoccupations. (22 heures)
M. Bédard: C'est évident que dans le cas
présent cela suppose l'accord complet. Comme c'est quand même une
procédure plus
expéditive - je me réfère un peu à certains
des propos du député de Nicolet-Yamaska -peut-être peut-on
considérer ensemble que ce n'est quand même pas n'importe quoi que
de mettre fin à un mariage et d'y greffer l'obligation qu'on s'entende
sur tous les points et - on l'avait récupéré - cela - il
s'agirait de l'évaluer ensemble - fait peut-être partie de cette
mûre réflexion nécessaire avant d'en arriver à aller
devant le tribunal pour mettre un point final.
Je demande juste qu'on le regarde, mais, si on commence à ouvrir
la porte un peu trop à différents points sur lesquels on ne
s'entende pas et pour lesquels le tribunal décidera, j'ai l'impression -
je suis prêt à me faire convaincre du contraire - que, si on
commence à ouvrir des portes, on risque d'enlever un peu du
sérieux nécessaire pour que les conjoints en arrivent à un
accord sur tous les points. Normalement, chez des personnes responsables, qui
ont à poser un geste aussi important que celui-là, le fait de les
obliger d'une certaine façon à être absolument en accord
sur tous les points fait partie du délai de réflexion qui est
nécessaire et auquel on se référait tout à
l'heure.
M. Blank: Je trouve que c'est exactement le contraire parce que
si, comme le ministre le dit, le mariage est caduc, on va forcer encore les
personnes à être mariées, À ce moment, comme le
député de Saint-Laurent l'a dit dans sa première
intervention, on peut faire des concessions, on peut les forcer à faire
des concessions qu'on ne veut pas faire seulement pour avoir ce divorce. Moi,
je suggère - j'ai un petit amendement - à 538, on va le laisser
comme tel, mais je vais ajouter un autre paragraphe. Maintenant, 538, c'est
seulement si on a un accord de divorce et les accessoires; les deux
époux viennent devant le juge, ils donnent leur accord sur l'accord. Je
suggère l'amendement à un autre paragraphe qui va se lire: Les
époux mariés depuis au moins un an et soumettant au tribunal un
accord peuvent divorcer, peuvent le demander sans avoir à en faire
reconnaître la cause. Le tribunal prononce le divorce et, après
avoir entendu la preuve de plusieurs témoins, rend le jugement sur les
mesures accessoires. C'est-à-dire que les couples qui ont
déjà le consentement pour divorcer ne sont pas liés ni
forcés d'avoir recours à l'autre article.
M. Lalande: Sur toutes les mesures accessoires.
M. Blank: Sur toutes les mesures accessoires.
M. Bédard: Je comprends très bien la
préoccupation du député de Saint-Louis, mais je me demande
si on ne va pas là à l'encontre du principe même qui est de
faciliter les choses lorsqu'il y a commun accord. Lorsqu'il n'y a pas commun
accord, il y a d'autres moyens...
M. Blank: Vous êtes forcés d'attendre deux ans,
trois ans.
M. Bédard: Peut-être que les deux ans dont on parle
dans le projet de loi peuvent se réduire à un an. J'ai
déjà exprimé...
M. Blank: Oui, mais en forçant à faire des
concessions qu'on ne veut pas faire.
M. Lalande: Oui, mais qui règle les conséquences,
c'est cela le sens.
M. Bédard: Quand même, ou on y va avec le principe,
la possibilité de réduire, d'enlever la notion de faute lorsqu'il
y a commun accord, ou on y va avec le principe d'enlever la notion de faute
même s'il n'y a pas commun accord, mais c'est un autre...
M. Blank: II y a commun accord sur le divorce, mais il n'y a pas
de faute dans la question accessoire...
M. Bédard: Aussi, au 3e paragrahe je pense que c'est
là que cela peut se situer. Là, il y a un accord: Lorsque les
époux ont, d'un commun accord, vécu séparés pendant
un an.
M. Blank: Pendant deux ans.
M. Bédard: Oui, deux ans, mais j'ai dit que j'étais
ouvert à un an.
M. Blank: Si vous changez cela à un an, c'est une autre
affaire. Mais, même là, cela se peut que des personnes vivent
ensemble, mais que la vie soit intolérable et qu'elles décident
de se séparer. Demain, elles vont à la cour pour divorcer d'un
commun accord, comme vous avez le cas maintenant, avec la situation, qu'elles
doivent attendre une autre année.
M. Bédard: Les préoccupations du
député de Saint-Louis sont très positives, mais il me
semble qu'on irait à l'encontre du principe même que, dans le cas
où il y a un commun accord, il faut que ce soit global. C'est une
solution. Lorsqu'il n'y a pas commun accord, c'est qu'il y a d'autres solutions
qui sont prévues. Si on commence à ouvrir les portes.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Je voudrais revenir à la question du
délai d'un an. Je n'ai pas eu l'occasion de m'exprimer là-dessus,
même si
j'ai eu l'occasion tantôt d'exprimer mon désaccord sur le
principe: une fois qu'on l'accepte, il faut quand même essayer d'en faire
l'application la plus positive possible. On a bien parlé des
désavantages de la procédure actuelle, mais il y avait au moins
un avantage, c'est qu'elle laissait au moins aux époux des délais
suffisants pour pouvoir, à un moment donné, peut-être se
réconcilier dans certains cas, alors que, de l'aveu même du
ministre tout à l'heure, la procédure qu'on veut employer ici va
être beaucoup plus expéditive et, en fin de compte, les divorces
à l'avenir seront un jeu tous des divorces ex parte, comme on pourrait
dire, actuellement, c'est-à-dire que les délais vont être
très courts.
On parlait de délais de deux mois à Montréal. Je
peux vous dire que, dans les districts judiciaires de villes moins importantes,
cela peut être même moins que cela.
M. Blank: Trente et un jours à
Saint-Jérôme.
M. Fontaine: À Arthabaska et Trois-Rivières, que je
connais un peu plus, et à Drummondville, c'est trois semaines.
M. Bédard: Cela milite pour l'argument que, si on parle de
consentement mutuel, si on veut y mettre le délai nécessaire
à la mûre réflexion dont on a parlé, il faut
créer des conditions qui font que des époux doivent vraiment se
parler et en arriver à des conclusions, pour pouvoir évaluer
ensemble et correctement l'ensemble des conséquences de leur
décision.
Si on commence à leur dire: II s'agit que vous soyez d'accord
pour divorcer et vous n'êtes pas obligés de vous mettre d'accord
sur le reste, c'est le tribunal qui décidera cela, je pense qu'on va
à l'encontre de ce que nous venons d'énoncer.
M. Fontaine: Mais, pensons-y avant de trop faciliter les accords,
parce que les accords peuvent avoir lieu même avant le délai d'un
an et, dès le délai d'un an arrivé, on va présenter
la demande au tribunal et, au bout d'un an et trois semaines, le divorce va
être prononcé. Ne vaudrait-il pas mieux d'abord leur permettre de
mettre leur union à l'épreuve et de laisser passer un
délai de deux ans, au lieu d'un an, pour qu'ils puissent commencer
à vivre ensemble avant de commencer à divorcer?
M. Bédard: J'aimerais avoir l'éclairage des membres
de la commission. Je vous l'ai dit, j'ai fait état d'un délai
d'un an dans d'autres pays; je me suis référé à la
France, où c'est six mois. Quand on regarde les débats qui ont eu
lieu à cette occasion, c'est en 1975, cela ne fait quand même pas
si longtemps que cela, en France, qu'il y a eu tout un débat sur ce
délai. On en est venu à la conclusion du délai de six
mois, qui a rallié des points de vue comme on en a ici, divergents, mais
qui essaient d'en arriver à une conclusion, à un point de
compromis.
Il me semblait qu'un an, surtout à cause... En tout cas, je ne
veux pas plaider plus qu'il ne le faut, le délai d'un an, mais
j'aimerais qu'on m'apporte des arguments, surtout que cela se concilie un peu
aussi avec l'autre délai auquel nous allons en venir, celui de deux ans
qui est ramené à un an. Il y a une sorte d'uniformité des
délais à laquelle on pourrait peut-être en venir.
M. Charbonneau: M. le Président.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Juste un point. Je pense que, statistiquement, on
peut facilement démontrer que la majorité des gens, ce n'est pas
après un an qu'ils divorcent.
M. Forget: Les gens ne divorcent pas après un an.
M. Fontaine: J'en ai même vu après six mois.
M. Forget: Les gens divorcent après cinq ans.
M. Charbonneau: Oui, il y en a. Je ne dis pas qu'il n'y en a pas,
mais je dis que, statistiquement, ce n'est pas l'immense majorité des
gens.
M. Bédard: Ce n'est pas après un an.
M. Forget: La durée la plus fréquente des divorces
au Québec est de cinq à six ans effectivement.
Une voix: En moyenne.
M. Forget: Oui, c'est ça. II y a un certain fondement
statistique pour l'expression, mais je crois que la durée moyenne des
divorces prononcés durant les quatre première années
après l'introduction de la loi fédérale était de 17
ans. Le phénomène de divorce après un an, si les gens
divorcent après un an de mariage, ce n'est pas un divorce ordinaire. Ils
ne se sont pas mariés pour vrai. C'est complètement un autre
problème. Mais le problème qu'on veut empêcher, ce sont des
mariages simulés aux fins de détourner la loi à d'autres
égards. L'exemple le plus fréquent et le plus connu, ce sont les
lois de l'immigration. Evidemment, si les gens savaient qu'ils peuvent divorcer
le lendemain du mariage, il
n'y aurait plus moyen d'appliquer un certain nombre de lois qui exigent
que les gens soient mariés, mais c'est complètement
différent. Ce ne sont pas des questions de problèmes conjugaux.
Ce sont des problèmes d'administration d'autres lois.
M. Bédard: La recherche, par exemple, d'un
intérêt fiscal, se marier précisément au mois de
décembre pour...
M. Blank: Dans les causes d'immigration, cela prend au moins un
an avant d'être reçu immigrant. Il y a un délai d'un
an.
M. Bédard: Oui.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Maisonneuve.
M. Lalande: Je me demande s'il ne serait pas opportun à ce
stade-ci, au départ, à l'article 538, d'introduire cette notion
de résidence dont on parlait tout à l'heure.
M. Bédard: Non, pas à l'article 538, je crois.
M. Lalande: Si on disait, par exemple: "Les époux
mariés depuis au moins un an et résidant au Québec depuis
six mois", quelque chose comme ça, qu'ils se soumettent à
l'approbation du tribunal. J'introduis les mots "six mois".
M. Bédard: Non, c'est mieux placé dans le Code de
procédure civile.
C'est le critère de compétence des tribunaux pour
être saisis d'une demande de divorce. C'est peut-être le lieu le
plus approprié pour recevoir la règle, le Code de
procédure civile, parce que c'est la compétence du tribunal qui
est concernée.
M. Blank: Comme le député de Nicolet-Yamaska l'a
dit, à Trois-Rivières, on peut avoir un divorce dans trois
semaines. J'ai vu des cas où les gens qui ne demeuraient pas à
Montréal depuis un an, se sont trouvé non pas une vraie
résidence, mais une résidence fictive dans un des districts
judiciaires entourant Montréal et le divorce a été obtenu
dans trois semaines ou un mois, au lieu d'attendre six mois ou un an. C'est
pour cette raison qu'on a besoin ici d'une résidence. Sinon, on va voir
des gens de tout le Canada qui vont venir ici pour obtenir un divorce.
M. Bédard: On est d'accord avec votre
préoccupation. Ce délai se retrouverait surtout au Code de
procédure civile. On s'entend? Cela pourrait être six mois ou un
an, un minimum de six mois, six mois ou un an. On s'entend
là-dessus.
M. Fontaine: Si on laisse ça à un an, je pense que
je vais me rallier, M. le Président, à la formule qui
était proposée de ne permettre le divorce qu'entre majeurs.
Une voix: Le mariage.
M. Fontaine: Pardon. Pas le divorce, mais le mariage.
M. Forget: Une des raisons de ça, justement, c'est qu'on
constate que le nombre de mariages entre mineurs est très
élevé.
M. Bédard: M. le député de Nicolet-Yamaska,
on aura l'occasion d'y revenir, je pense, en reprenant les articles.
J'essaierai d'apporter d'autres arguments pour garder cette mesure entre 16 et
18 ans.
Le Président (M. Laberge): Le nouvel...
M. Bédard: II s'agirait simplement de retrouver, si on se
comprend, l'idée de vérification du consentement, de
l'éclairer. Cela irait? On n'aurait pas à reprendre la
discussion.
Le Président (M. Laberge): Est-ce que ça va
être ajouté ici à l'article 538?
M. Bédard: Oui.
Le Président (M. Laberge): À ce moment-là,
on le laisse ouvert pour rédaction?
M. Bédard: Non, non. Vous pouvez le laisser ainsi.
Le Président (M. Laberge): D'accord. L'article 538 est
suspendu pour complément de rédaction.
M. Bédard: Pendant que la discussion est faite
là-dessus.
Le Président (M. Laberge): Oui, oui. Je pense que oui.
M. Lalande: Dans le deuxième paragraphe de l'article 538,
on dit que le tribunal prononcera le divorce s'il considère,
après avoir entendu les époux, que l'accord préserve
suffisamment l'intérêt de chacun. N'y a-t-il pas lieu
d'étendre, même à ce stade-là, l'audition de plus
que les époux pour constater cela?
M. Bédard: Oui, il y a tous les moyens disponibles.
M. Lalande: C'est parce qu'on spécifie "après avoir
entendu les époux".
M. Bédard: Le tribunal peut entendre n'importe qui, comme
il est implicite qu'à un moment donné il peut demander que toute
personne soit représentée s'il croit que les
intérêts d'un individu ne sont pas bien défendus. C'est
pour cette raison que ça ne donne rien de faire de la redondance et
de...
M. Lalande: Oui, très bien. M. Bédard:
D'accord?
M. Lalande: C'est sur la volonté de maintenir le lien du
mariage. D'accord. (22 h 15)
Le Président (M. Laberge): L'article 538 étant
suspendu, je donne lecture de l'article 538.1 qui se lit comme suit:
"L'atteinte irrémédiable à la volonté de maintenir
le lien du mariage est présumée dans les cas suivants: 1. les
époux ont vécu séparés, pendant au moins trois ans
immédiatement avant la demande, en raison de la décision de l'un
d'eux de ne plus faire vie commune, de son emprisonnement ou de son absence; 2.
les époux ont, d'un commun accord, vécu séparés,
pendant au moins deux ans immédiatement avant la demande; 3. le mariage
n'a pas été consommé, après au moins un an de
cohabitation, pour cause de maladie ou d'invalidité."
M. le député de Saint-Laurent.
M. Fontaine: Si vous permettez, j'aimerais revenir sur un point
de l'article 538, très brièvement. On dit: Après avoir
entendu les époux. Supposons qu'une demande est faite au tribunal
après une entente, mais que l'un des époux s'absente et qu'on ne
peut pas le faire témoigner...
M. Bédard: Le tribunal peut retarder et entendre l'autre
époux.
M. Fontaine: Est-ce qu'on ne devrait pas plutôt
prévoir qu'il pourrait prononcer le divorce après avoir entendu
seulement un des époux?
M. Bédard: Je trouve cela un peu surprenant parce qu'on
est en train de me proposer des mesures encore plus expéditives. C'est
vraiment un cas spécial, celui-là, où il faut entendre les
deux, vérifier le consentement - on l'a dit - vérifier les
accords, dans l'intérêt des deux conjoints et
l'intérêt également des enfants.
M. Fontaine: On pourrait peut-être obliger, à un
moment donné, un des époux à attendre les délais
prévus à l'article 538.1, dans certains cas, si on ne peut pas
retracer l'un des époux.
M. Bédard: II y aura un choix à faire à ce
moment. C'est tout.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, on a disposé, pour les
fins de la discussion, de l'article 538, du cas où les deux conjoints
sont d'accord pour présenter une requête conjointe. Donc, il faut
se mettre dans le contexte où les autres articles essaient de
résoudre les problèmes qui se posent quand un des conjoints
seulement demande le divorce. À ce moment - je reviens sur la
distinction que j'ai essayé de faire maladroitement tout à
l'heure - il faut distinguer deux situations. Il faut distinguer les situations
où le conjoint qui demande le divorce, celui des deux qui demande le
divorce allègue des comportements ou des situations dont l'autre
conjoint est responsable et qui créent pour la victime, en quelque
sorte, de ces comportements une ouverture à une demande, des situations
où, indifféremment, les deux conjoints peuvent
séparément demander le divorce. Je donne un exemple de cela, qui
est au premier alinéa de l'article 538.1, a contrario. Un des conjoints
décide d'abandonner l'autre, il disparaît, il se soustrait
à ses obligations, il s'en va. D'après la rédaction de
l'article 538.1, il a autant le droit de demander le divorce que celui qui a
été abandonné. Je ne suis pas trop sûr que ce soit
une situation entièrement souhaitable, parce que, dans le fond, ce n'est
plus du divorce par consentement, c'est de la répudiation. Quelqu'un
décide de s'en aller et, après cela, prend argument de sa
décision unilatérale de partir pour fonder son divorce. On est
dans une situation bien différente. Celui qui est abandonné peut
se plaindre de l'abandon et peut dire que cet abandon est tel qu'il constitue
un refus d'assumer les obligations du mariage par l'autre. Je pense qu'il y a
quand même là un résidu de faute dans une situation comme
celle-là, et permettre à celui qui est fautif de chercher
à briser la source de son obligation me paraît une situation un
peu aberrante, parce qu'on ne fait aucune distinction. Je ne dis pas que dans
certaines circonstances, cela ne pourrait pas être envisageable - il faut
faire la part de ces circonstances - mais quand on les considère
exactement comme identiques, je pense qu'on introduit une source de
confusion.
M. Bédard: On sait que la loi fédérale
prévoyait cinq ans dans un cas, et trois ans dans l'autre, ce qui
réfère à...
M. Blank: Trois ans pour l'innocent et cinq ans pour le
coupable.
M. Bédard: ...l'article 2. Mais, au
départ, il faut s'entendre que ce ne sont pas des
présomptions irréfragables. Il y a présomption. Le fait
que quelqu'un, durant trois ans, de par son fait, a quitté ne lui donne
pas automatiquement l'assurance qu'il va obtenir le divorce parce qu'il ne
s'agit pas d'une présomption irréfragable. À ce
moment-là, l'autre partie, s'il y va de son intérêt, peut
faire valoir ses arguments devant le tribunal. Je comprends très bien
l'idée du député de Saint-Laurent de vouloir faire la
distinction qu'il a évoquée tout à l'heure, mais je me
demande jusqu'à quel point, en essayant de trop faire de distinctions,
on ne risque pas de ne pas couvrir tous les cas. En tout cas.
M. Blank: Pour faire suite à la suggestion du
député de Saint-Laurent. Cela a l'air qu'on va changer l'article
2 en l'article 2a. Laissez deux ans à la partie innocente et trois ans
au coupable. Cela va améliorer la loi actuelle qui est de trois et cinq,
et cela va faire une distinction entre la personne qui est partie
volontairement ou qui a abandonné et celle qui est abandonnée.
C'est un compromis...
M. Bédard: J'ai l'impression qu'on est en train de
rétablir la notion de faute.
M. Lalande: C'est-à-dire que...
M. Bédard: C'est ce qu'on me fait remarquer.
M. Forget: On ne peut pas éliminer la notion de faute.
M. Bédard: Non.
M. Forget: Vous ne pouvez pas l'éliminer. Il est clair
que, si vous n'avez pas d'accord, il y a une partie au mariage, par
définition... Maintenant que vous avez disposé du cas de
l'entente, par définition, toutes les autres situations sont des
situations où il y a une partie qui ne veut pas divorcer. Là, il
ne s'agit plus de définir, un peu comme dans le projet, des
espèces de situations vagues où on hésite à dire
que les gens s'entendent ou ne s'entendent pas parce qu'on ne veut pas
être accusé de proposer un divorce de consentement. Alors,
là, on a une espèce de... Non, mais cela existait dans le projet
de révision du Code civil. On avait des choses mitoyennes là
où on ne savait pas de quoi on parlait exactement parce qu'on ne voulait
surtout pas dire qu'on proposait le divorce de consentement. Je comprends les
susceptibilités et les difficultés de dire les choses
clairement.
Maintenant, on a dit: II y a des gens qui s'entendent. Si on ne s'est
pas occupé de tout le monde, il faut présumer que les autres qui
restent ne s'entendent pas. Une porte est ouverte ou fermée. On ne peut
pas faire autre chose. Alors, s'il y en a qui ne s'entendent pas, il faut que
ce soit dû au fait de l'un des deux conjoints puisqu'on n'a que deux
personnes en présence.
Donc, on en a un qui veut le divorce et l'autre qui ne le veut pas. Cela
me semble clair. Jusqu'à ce moment-là, je pense qu'on est sur un
terrain solide. S'il y en a un qui ne le veut pas, il me semble que là
il y a un contrat, il y a des obligations, il y a quelque chose qui est
arrivé entre les deux. Alors, on ne peut pas dire: Peu importe que ce
soit celui qui le veut ou celui qui ne le veut pas; de toute façon,
même celui qui le veut vis-à-vis de celui qui ne le veut pas, il a
simplement à faire comme si l'autre voulait, dans le fond. Le fait qu'il
y en a un des deux qui ne consent pas n'a aucune espèce d'histoire
à voir là-dedans. On peut ignorer ce fait-là
complètement. Je pense que cela force une rédaction beaucoup plus
serrée. Si on n'est pas dans une situation de consentement, par
définition, je pense que, dans une situation comme celle-là, la
loi doit prévoir, comme dans toutes les situations où il y a une
obligation contractuelle qui est brisée et que cela ne fait pas
l'affaire d'une des parties, de protéger celle des deux parties qui
tient à ce que l'obligation contractuelle soit maintenue, jusqu'à
preuve du contraire, jusqu'à preuve que, dans les cas d'obligation, on
démontre qu'il y a une situation de force majeure, qu'il y a vraiment
une situation intolérable, que la vie est intolérable, etc.
M. Bédard: Est-ce que je pourrais avoir l'idée des
membres de la commission sur les délais qui pourraient être
différents, si on veut faire la distinction entre la personne qui
est...
M. Forget: C'est probablement une question de délai.
M. Bédard: ... qui a été
abandonnée...
M. Forget: Supposons trois mois ou six mois, si vous voulez, vous
avez quand même, sur le plan de la façon dont la preuve va
être évaluée, dont le droit de recours est institué,
une distinction. Peu importent les délais, que ce soit une semaine ou
deux semaines dans un cas, que ce soit quatre ans ou six ans, il reste que le
problème ne se pose pas de la même façon, me semble-t-il,
du moins.
M. Lalande: À moins qu'on ne présume que, dans le
premier cas, c'est forcément un cas d'abandon et, dans le
deuxième, un cas où on est d'accord. À ce moment, on
passerait de la loi actuelle, qui dit cinq ans, à trois ans. À
l'heure actuelle, dans le cas d'abandon, c'est cinq ans et, dans le cas
où
il y a séparation effective, c'est trois ans. Là, nous en
arrivons à la conséquence que le plus comprend le moins, si je
peux dire. Je comprends la distinction que le député de
Saint-Laurent fait entre les deux. Il ne s'agit pas d'une faute subjective,
j'allais dire d'une faute objective, d'un manquement à un "devoir"
objectif.
M. Bédard: Au niveau de l'article 538.1 - je veux bien
comprendre - on est en train de faciliter la situation pour des personnes qui
n'ont pas le consentement de leur conjoint, qui veulent obtenir un divorce et
qui sont placées dans des situations particulières. Entre autres,
premièrement...
M. Forget: On crée une présomption.
M. Bédard: On crée une présomption pour ces
personnes. Autrement dit, on constate qu'elles sont l'objet d'un comportement
inacceptable de la part de leur vis-à-vis. Quand, durant trois ans,
elles ont été abandonnées, je ne vois pas pourquoi on leur
compliquerait les procédures devant la cour. Il y a une
présomption pour elles; si elles veulent le divorce, cela peut se
faire.
M. Lalande: C'est ce que je disais tout à l'heure,
à moins qu'on ne présume, dans le premier paragraphe, encore une
fois, que ce paragraphe est expressément pour celui ou celle qui
décide de mettre fin au mariage.
M. Bédard: Et qui, en même temps, est d'une certaine
façon la victime - employons des expressions pour bien se comprendre
-d'un comportement du conjoint. Cet article, prenons-le comme ça. Est-ce
que je dois comprendre qu'on voudrait un autre article qui ne rend pas la
situation aussi facile à ceux ou celles qui sont l'auteur d'un
comportement fautif vis-à-vis de l'autre conjoint? C'est cela? Cela
prendrait deux... Bon, si on part de ce principe, on peut peut-être voir
comment on peut... Il faut quand même donner des indications à
nos...
M. Forget: Je pourrais vous faire une suggestion, si vous voulez,
dans ce sens-là.
M. Bédard: Oui.
M. Forget: Je pense qu'indépendamment des délais -
encore une fois, on pourra revenir sur la question de la durée des
délais - le deuxième article pourrait se formuler un peu de la
façon suivante: Un époux peut demander au tribunal de prononcer
le divorce s'il fait la preuve que son conjoint a manqué gravement
à une obligation résultant du mariage. C'est essentiellement
cela. Et là, créer des présomptions! Il serait
réputé en être ainsi notamment dans les cas suivants... Je
pense qu'on peut prévoir un premier cas:
Pendant deux, trois ou cinq ans - peu importe - précédant
immédiatement la présentation de sa demande, il a ignoré
où se trouvait son conjoint, etc. Donc, la présomption est
créée en faveur de celui qui demande et contre celui qui a
été l'auteur d'un comportement qui crée la
présomption.
Maintenant, il est toujours possible, pour celui qui est parti,
d'utiliser le premier membre de phrase de l'article en disant: Mon conjoint, je
l'ai quitté parce qu'il a manqué à une obligation. Mais,
à ce moment-là, il doit en faire la preuve, il ne
bénéficie pas d'une présomption. La présomption
existe à l'encontre de son comportement parce que c'est lui qui a
quitté ou qui est disparu sans laisser de trace pendant deux ans ou
parce qu'il a été emprisonné pour une offense criminelle.
C'est quand même logique que la présomption joue contre lui
plutôt que contre son conjoint, mais il est quand même capable de
démontrer que le comportement du conjoint qui n'a pas été
condamné a été tel qu'il demande le divorce et il pourra
l'obtenir malgré tout. Il reste que je ne pense pas que la
présomption devrait jouer également dans ces cas-là. (22 h
30)
M. Bédard: On emploie ces termes pour bien se comprendre.
Pour tournez les coins en rond; autrement dit, vous voulez qu'il soit
très clair que la victime d'un comportement puisse
bénéficier de présomption. On énumérerait
ces cas. Ils couvrent pas mal l'ensemble. On pourrait voir pour ce qui est du
côté qui est fautif. Est-ce qu'au niveau des délais...
M. Lalande: II faut en venir aux délais parce que, dans le
cas actuel, avec cinq ans, même pour la "personne" qui est fautive, qui
abandonne, cinq ans, c'est extrêmement long. Dans cinq ans il n'y a rien
qui est réglé.
M. Bédard: II faut bien se comprendre. Est-ce qu'on
pourrait, dans un premier temps, avoir l'opinion des membres de la commission
concernant d'abord le cas de celui ou celle qui est l'objet d'un comportement
fautif, qui subit? Je pense que l'ensemble de l'article couvre pas mal tous les
cas. Est-ce que dans ces cas, trois ans, deux ans...
M. Lalande: Mon opinion là-dessus, M. le ministre, c'est
qu'encore une fois, en référence à ce que nous avons
aujourd'hui et à la pratique, à l'expérience, il faudrait
peut-être, dans le cas de celui qui est "fautif", qu'on ait trois ans,
mais que pour la personne qui est victime, l'on ait deux ans, comme lorsqu'il y
a consentement des deux. Quand il y a accord des deux, on parle de deux ans.
Peut-être que pour la victime, si on peut parler d'effet putatif
là-dedans, ce serait aussi également deux ans.
M. Bédard: Ce serait au paragraphe 1, de trois à
deux. Au paragraphe 2, est-ce que vous le laisseriez à deux?
M. Lalande: Au paragraphe 2 je le laisserais à deux
ans.
M. Bédard: Qu'on soit fautif ou pas.
M. Lalande: Dans le cas du fautif, trois ans, dans l'autre, deux
ans, et quand il y a un commun accord, deux ans. À ce moment, il y a une
distinction, on introduit une nuance entre la personne qui est "victime" et
celle qui est "fautive", si je peux dire, entre guillemets encore une fois.
C'est mon opinion.
M. Bédard: C'est un peu comme la loi
fédérale l'a fait; la distinction entre trois et cinq,
deviendrait entre trois et deux. Dans un cas, il y aurait une
présomption, dans l'autre, il n'y aurait pas de présomption.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Verchères, vous m'avez demandé la parole il y a
déjà longtemps.
M. Charbonneau: Est-ce qu'on peut intervenir sur le
troisième alinéa de cet article?
M. Bédard: J'aimerais savoir si du côté... Si
vous me permettez, M. le député de Verchères, ensuite on
tombera...
M. Charbonneau: Ce que je voudrais, c'est avoir le droit de
parole.
M. Bédard: ...au troisième alinéa.
Le Président (M. Laberge):
Immédiatement.
M. Bédard: M. le député de Maisonneuve a
fait certaines suggestions de garder les trois ans pour celui qui est fautif
sans présomption; pour celui ou celle qui est la victime, le conjoint
qui est la victime, à ce moment, les trois ans seraient ramenés
à deux ans pour l'alinéa 1... On est entre personnes adultes,
à un moment donné... très librement, d'accord.
Mme Lavoie-Roux: Je ne suis pas d'accord. On a ouvert la
porte.
M. Lalande: Je voudrais simplement dire au ministre, pour appuyer
ceci, pourquoi deux ans. Parce que les deux ans on les retrouve dans le cas de
ceux qui sont d'accord. Quand on parle d'un accord entre les deux, d'une
séparation de deux ans. Je ne verrais pas pourquoi la victime ne
"bénéficierait", pas si je peux dire...
Mme Lavoie-Roux: C'est difficile de toute façon dans ce
cas. Il faudrait savoir qui est la victime.
M. Lalande: C'est la personne qui a à subir le
comportement de l'autre qui...
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. Bédard: D'accord? Cela rejoint...
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Verchères et M. le député de Taschereau m'ont
demandé la parole, ils m'ont fait signe il y a déjà
longtemps. J'aimerais quand même leur donner le droit d'intervenir avant
qu'on finisse la discussion.
M. Charbonneau: M. le Président, je voulais intervenir sur
le point 3. Je suis prêt à attendre, mais ce que j'aimerais, c'est
qu'il y ait un petit peu d'ordre.
Le Président (M. Laberge): Procédez
immédiatement.
M. Charbonneau: Non, je vais attendre que la discussion sur les
dates, c'est-à-dire les périodes, soit terminée pour ne
pas mêler les discussions. J'ai un point spécifique sur le
troisième alinéa. Je sais que mon collègue de
Taschereau...
Le Président (M. Laberge): Est-ce que cela concerne ce
qu'on discute présentement? Passez immédiatement.
Mme Lavoie-Roux: On est toujours au premier alinéa.
M. Guay: Je vous remercie, M. le Président.
M. Bédard: II y a le premier et le deuxième.
M. Guay: Pour ma part, j'écoute le député de
Maisonneuve et le député de Saint-Louis qui, je crois, a
été le premier à proposer la nuance entre ceux qui
seraient fautifs ou ceux qui ne le seraient pas.
M. Blank: Non, j'ai expliqué la différence, je n'ai
pas donné... Je ne suis pas coupable encore.
M. Guay: D'accord. Je vous avoue qu'introduire la notion de faute
et faire une distinction au niveau des délais me paraît tout
à fait mal à propos. D'abord, parce que la faute n'est pas
toujours évidente. Même si elle peut l'être, si on peut
penser, à première vue, que c'est un tel qui est fautif, en fait,
cela peut être tout à fait le contraire. Comment déterminer
qui l'est, puisque, de toute façon, ce sont des délais
pour obtenir un jugement du tribunal? Il faudrait d'abord que le
tribunal se prononce sur qui est fautif pour dire ensuite: Non, vous, vous
étiez fautif, donc vous, vous devez attendre encore un an.
M. Lalande: Comme question de fait, celui qui provoque la
séparation, celui qui s'en va de chez lui.
M. Guay: Ce n'est pas toujours évident.
M. Lalande: C'est une question de fait.
M. Guay: Bien non, pas toujours.
M. Lalande: Si quelqu'un part.
M. Guay: Les faits peuvent être appréciés
différemment. Je ne vois pas en quoi on pénalise la personne qui
peut effectivement être ce qu'on appelle en faute. Sa faute se trouvera
reconnue, en quelque sorte, le cas échéant, et punie, si on peut
utiliser ce terme mais je n'aime pas beaucoup cela, par la décision du
tribunal, lorsqu'il prononcera le divorce. Les conséquences, elle les
subira plutôt à ce moment-là. Je ne vois pas très
bien quel est l'intérêt d'attendre, de donner des délais
différents, selon qu'il y en a un qui est présumé fautif
et l'autre pas. Cela me paraît simplement compliquer l'existence de
l'humanité.
M. Lalande: II nous demande, à partir de cette
distinction, qu'est-ce que vous en pensez? On le dit.
M. Guay: Je vous dis qu'à partir de cette distinction,
cette distinction ne devrait pas s'appliquer dans les délais.
M. Lalande: D'accord.
M. Guay: Je ne vois pas très bien qu'est-ce qu'elle vient
faire dans les délais. Il me semble qu'on met des délais dans ces
lois qui ne sont pas là pour compliquer la vie des citoyens. Au
contraire, on cherche à leur faciliter l'existence. C'est normalement le
but des lois. Il me semble qu'on ne doit pas faire des distinctions dans les
délais entre celui qui serait fautif, sans pour autant que ce soit
nécessairement toujours évident, et celui qui ne le serait pas.
Celui qui est présumé fautif doit prouver qu'il ne l'était
pas, auquel cas les délais changent.
La personne qui est présumée fautive n'a pas droit aux
mêmes délais, et si c'est l'autre, par contre, qui introduit...
Prenons le cas d'une personne qui est présumée non fautive, donc
elle a droit d'introduire sa demande dans les deux années...
M. Lalande: Au niveau de la conversation, il faut bien replacer
les faits. À la suite d'une distinction que le député de
Saint-Laurent a introduite, le ministre nous a demandé, compte tenu de
ceci - cela ne veut pas dire que c'est simplement au niveau de l'état de
la discussion - si nous mettons une différence entre les deux, ce que
nous pensons au niveau des délais. Pour ma part, je veux le
rétablir, je ne vois pas la nécessité de faire des
distinctions dans un cas ou dans l'autre.
M. Guay: D'accord, j'avais mal compris le sens de votre
intervention. Je m'en excuse.
M. Lalande: C'est simplement cela que je voulais dire.
M. Bédard: Vous vous rejoignez de ce
côté.
J'avais évoqué, au début, le danger de revenir
à la notion de faute, mais oublions la notion de faute, je pense que le
but que poursuivait le député de Saint-Laurent, c'est qu'il y ait
une distinction entre la personne qui a été, pour les fins de la
discussion, la victime, que ce soit de l'absence ou autrement, et le conjoint
qui a pris la décision de se placer ou de placer son conjoint dans une
situation de difficulté.
M. Guay: Est-ce que je comprends bien que cette distinction
impliquerait par le fait même des délais différents?
M. Forget: Non, écoutez, on ne parle pas de rien de si
compliqué que cela, c'est une distinction de sens commun, qu'on fait. On
dit: On est dans une situation où les deux ne sont pas d'accord pour
divorcer. Il faut accepter cela, autrement on serait dans l'application de
l'autre article. S'ils ne sont pas d'accord pour divorcer, celui des deux qui
veut divorcer, il faut qu'il prouve que son autre conjoint a manqué aux
obligations découlant du mariage à son égard. Il faut
qu'il fasse cette preuve. Il n'est pas question de victime, d'agresseur et
d'agressé, cette preuve vaut pour n'importe qui. Quels que soient les
blâmes qu'un des conjoints peut avoir, s'il veut divorcer, il faut qu'il
fasse la preuve que son autre conjoint qui, lui, ne veut pas par
définition, s'est comporté à son égard de
façon encore plus odieuse, suffisamment pour autoriser le tribunal
à dissoudre le mariage. Ceci dit, on peut se poser la question suivante:
Oui, mais, dans certains cas, est-ce que le comportement de l'autre qui ne veut
pas n'est pas dans les faits une admission telle qu'on doive en créer
une présomption? Dans le fond, on veut faciliter la preuve, mais on ne
veut pas faciliter la preuve contre ceux dont le comportement est impeccable,
à sa face même. On peut simplement prendre argument
du fait que le comportement de l'un des conjoints est, à sa face
même, assez irrégulier; quelqu'un qui disparaît pendant
trois ans, cela constitue un début de preuve qu'effectivement il a un
comportement intolérable. Cela constitue un début de preuve pour
l'autre conjoint, pas à son égard. Autrement, qu'est-ce que vous
voulez, plus un des conjoints pendant le mariage va être odieux, plus il
va pouvoir en bénéficier au niveau d'une présomption pour
obtenir le divorce. C'est encourager le vice, si vous voulez. C'est encourager
des comportements complètement aberrants parce que plus on a un
comportement intolérable, plus on peut soi-même s'en servir pour
créer une présomption en sa faveur. C'est le contraire du bon
sens.
M. Bédard: Je comprends.
M. Forget: Celui qui battrait sa femme, ce ne serait pas une
présomption en faveur de la femme, ce serait une présomption
égale en faveur du mari. Pourquoi ne met-on pas cela aussi? Un des
conjoints a battu l'autre pendant trois ans et celui qui bat peut s'en
prévaloir au même titre. Je pense que ça illustre
très bien le caractère odieux d'une présomption qui
favorise celui qui se comporte de façon intolérable. Celui qui
est absent et qui ne donne pas de nouvelles pendant trois ans ne peut quand
même pas dire: J'ai le droit à mon divorce parce que je suis parti
pendant trois ans. C'est simplement une question de sens commun, s'il est parti
pendant trois ans et qu'il avait une bonne raison de partir pendant trois ans,
mais ce n'est pas la présomption qui est créée par son
absence qui va faire sa preuve. Il va faire sa preuve d'après le
comportement de l'autre qui l'a forcé à partir, mais, de toute
manière, ce n'est pas son absence qui va l'aider. Il me semble que c'est
simplement le sens commun qu'on essaie de mettre en forme.
M. Bédard: C'est parce que tout le raisonnement du
député de Saint-Laurent est orienté vers les personnes. Si
on oriente notre raisonnement en ce qui a trait aux liens du mariage, est-il
irrémédiablement atteint ou non? On peut être porté
à raisonner un peu différemment parce qu'il me semble, en tout
cas...
M. Forget: Mais il ne peut pas être...
M. Bédard: ...dans l'évaluation juste de ce que je
conçois comme étant le mariage, pour autant que ça veut
dire ce que ça veut dire, quand des gens ne vivent plus ensemble depuis
trois ans, le lien de lui-même n'est plus relié à une
situation de fait...
M. Forget: Oui, mais, comme il faut être deux pour se
marier, il faut être deux pour se séparer.
M. Bédard: ...lorsque d'un commun accord des personnes
disent: On se sépare, on vit chacun séparément... Si
ça fait deux ans que cette situation existe, il y a de bonnes chances
que le lien...
M. Forget: Oui, mais...
M. Bédard: Je ramène toujours cela au lien. On
essaie de raisonner tout haut de part et d'autre, je pense, et si...
M. Forget: Oui, mais c'est le deuxième paragraphe, si les
deux parties acceptent toutes les deux de vivre séparément...
M. Bédard: Oui, c'est le deuxième.
M. Forget: ...c'est effectivement une situation de fait. J'ai
attiré l'attention sur le fait qu'il y a des circonstances de fait qui
devaient donner ouverture aux deux, créer une présomption
à l'égard des deux. Par exemple, la non-consommation du mariage,
je ne pense pas que ce soit seulement une des parties qui puisse
l'alléguer, quel que soit le blâme qu'elle pourrait rejeter sur
l'autre. Je pense que c'est une situation de fait et la même chose,
l'acceptation d'une vie séparée par les deux, c'est une situation
de fait qui peut être alléguée, mais...
M. Bédard: Oui, pour aider nos légistes
peut-être...
Pour éclairer peut-être un peu le débat, je pense
que la position de l'Office de révision du Code civil était
justement de regarder plus la situation de fait qui était
créée que les comportements personnels qui étaient
à son origine. C'est pour cette raison que, contrairement à la
loi fédérale, l'office a unifié, en quelque sorte, a mis
trois ans, qu'il s'agisse du déserteur ou de l'abandonné. Je
pense que c'est ce qui était...
M. Forget: Mais il l'avait fait afin de diminuer l'importance du
consentement. Il faut voir que, dès qu'on prend une autre voie,
dès qu'on prend la voie du consentement, on est dans une logique
complètement différente. C'est ce sur quoi j'ai voulu attirer
l'attention quand j'ai dit: Si on passe la cause principale et usuelle du
divorce sur le consentement, on a peut-être réglé 95% des
problèmes, remarquez, mais il reste quand même 5% des
problèmes, par hypothèse, où il n'y a pas de consentement
et on ne peut pas, dans les cas où il n'y a pas de consentement, dire:
En dépit de la volonté expresse de l'une des parties qui est
contre le divorce, on va simplement se baser sur une situation de fait qui peut
être créée unilatéralement par l'autre qui le veut.
On
ne parle même plus de consentement. Encore une fois, on parle de
répudiation dans ce cas. Si on veut être franc jusqu'au bout, il
faut dire: Un conjoint peut répudier son conjoint et, après un
délai de trois ans, il faut que le tribunal entérine la
répudiation. C'est ce qu'on dit effectivement là-dedans. À
mon avis, c'est odieux.
M. Guay: C'est une répudiation avec une période
probatoire, si on peut dire.
M. Forget: Oui, une répudiation avec une période
probatoire. Je pense qu'on n'est pas prêts à aller jusque
là.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Taschereau.
M. Guay: J'aimerais savoir une chose de la part du
député de Saint-Laurent. Prenons le cas de deux personnes
mariées, pas d'enfant, chacune a son travail, des revenus
équivalents, donc il n'est pas question que l'une apporte plus
financièrement au ménage que l'autre; elles ne s'entendent pas
pour se séparer selon l'article 538.2. Il y en a une des deux qui
décide que cela ne fonctionne vraiment pas. Elle dit: Je m'en vais.
Cette personne -employons le mot "abandon" ou qualifions-le comme on voudra -
pouvait avoir une raison fort valable. Il n'y a rien de fautif
là-dedans. C'est un comportement qui se comprend fort bien. Cette
personne, si je comprends bien, ne pouvait pas invoquer cette
présomption. Ce n'est que la personne qui est restée à
domicile, qui, en quelque sorte, s'est fait abandonner qui le peut.
M. Forget: On ne lui enlève rien. On lui donne ce que la
loi lui donnait: Enlevez toutes les présomptions, il vous reste quand
même un article du code qui dit que dans les cas où il n'y a pas
entente, il faut montrer que la vie est impossible - prenez le langage que vous
voulez - ou que l'autre s'est comporté de façon inacceptable.
M. Bédard: À ce moment, c'est l'article 537, "le
lien du mariage est irrémédiablement atteint."
M. Forget: C'est cela. Il n'y a plus de présomption. Les
présomptions ne sont pas nécessaires au fonctionnement de cette
disposition. Ce n'est pas du tout nécessaire. Cela facilite les choses
dans certains cas. À qui doit-on faciliter les choses? Quand on est
certain que ceux à qui on les facilite ont véritablement besoin
de cela.
M. Guay: Est-ce que le cas que je souligne...
M. Bédard: À partir de ces deux distinctions, nous
allons essayer... Le député de Verchères nous a dit que
c'était au troisième paragraphe. Pardon?
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Allez-yl
M. Guay: C'est parce qu'il me semble, dans certains cas, qu'il y
a des zones grises; c'est un peu le cas que j'essayais de souligner. Il peut y
avoir de part et d'autre des zones grises. Je ne vois pas très bien,
dans des cas comme cela, pourquoi on ferait des distinctions. Il y a d'autres
cas qui sont des situations de fait. Il est emprisonné ou il ne l'est
pas, c'est évident. Dans d'autres cas, ce qu'on risque d'amener, c'est
justement ce qu'il me semble qu'on cherche à éviter dans une
certaine mesure, précisément cette espèce de
scénario où il faut aller devant le tribunal et charger l'autre
de tous les maux de la terre, alors qu'on était soi-même la
victime innocente. Ce qui est rarement le cas, de toute façon, les torts
sont souvent partagés, pas nécessairement à 50-50. Il me
semble que l'article 538 avait justement pour but d'éviter - je pense
que c'est le député de D'Arcy McGee qui appelait cela aussi -des
comédies simulées devant les tribunaux. Est-ce qu'on ne risque
pas, en modifiant l'article 538.1 dans le sens où vous le
suggérez, dans certains cas, notamment dans le cas hypothétique
que je soulignais, de ramener ce genre de comédie de charge à
fond de train et de confrontation dont on aurait fort bien pu se passer?
Le Président (M. Laberge): Cela va. Est-ce que vous avez
complété, M. le député de Taschereau? Merci.
M. le député de Verchères, je vous donne la
parole.
M. Charbonneau: Je pense que Mme la députée de
L'Acadie voulait parler sur le même point.
Mme Lavoie-Roux: C'est parce qu'il avait dit que c'était
sur le troisième point.
M. Charbonneau: C'est cela, M. le Président, mais quand
vous allez arriver au troisième, vous êtes bien mieux de me
reconnaître.
Le Président (M. Laberge): Votre nom est écrit gros
comme celai
M. Charbonneau: Très bien.
Le Président (M. Laberge): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je veux être bien sûre de bien
comprendre. On a établi à l'article 538, tout le monde est
d'accord, que par consentement mutuel, il n'y a pas de
problème, etc. Dans le cas de l'article 538.1, il y a deux
époux qui ont vécu séparément pendant trois
ans...
M. Bédard: II y a quelqu'un qui n'est pas d'accord.
Mme Lavoie-Roux: Oui, il y en a un des deux qui n'est pas
d'accord. Au bout de trois ou quatre ans, peu importe, il y en a un qui va
devant le tribunal et qui demande son divorce à partir du fait qu'il a
été séparé trois ans de son époux ou de son
épouse. À ce moment-là, si l'autre refuse son
consentement, ce que le ministre dit ou, enfin, ce que le député
de Taschereau voulait dire, c'est qu'il est suffisant qu'il ait quitté
pendant trois ans pour obtenir son divorce même si l'autre n'est pas
consentant. Il peut y avoir toutes sortes de raisons pour lesquelles l'autre
n'est pas consentant. Ce peut être une question, par exemple, de
pénaliser son conjoint qui lui est infidèle ou son conjoint qui
l'a abandonné. Mais il peut aussi y avoir des raisons d'ordre pratique.
Tant et aussi longtemps que son conjoint n'est pas remarié - vous me
corrigerez si j'erre - il est peut-être dans une meilleure position, s'il
y a des enfants, d'assurer leur subsistance et d'assurer ses
responsabilités à l'égard des enfants qu'ils ont eus
ensemble. S'il obtient son divorce, se remarie et a une deuxième
famille, est-ce qu'il pourra assumer de la même façon, ou est-ce
qu'elle pourra assumer de la même façon - dans l'hypothèse
que cela pourrait être d'un côté ou de l'autre - ses
responsabilités envers sa première famille? Cela aussi peut
être une raison pour laquelle le conjoint qui a été
abandonné refuse d'accorder le divorce.
M. Bédard: Si on prend cette tangente, ce sera au conjoint
d'évoquer devant la cour les raisons pour lesquelles il s'oppose et la
cour évaluera jusqu'à quel point ces raisons ont un...
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais si vous admettez dans votre
raisonnement...
M. Bédard: ...fondement.
Mme Lavoie-Roux: ...que la séparation de trois ans est
suffisante pour l'obtenir, peu importe ce que fera valoir le premier
conjoint...
M. Bédard: Non, mais j'essaie...
Mme Lavoie-Roux: ...le juge va être obligé de
l'accorder.
M. Bédard: Je voudrais que vous me reconnaissiez au moins
l'effort de suivre...
Mme Lavoie-Roux: Oui, d'accord.
M. Bédard: ...ou de raisonner dans le même sens que
vous le faites.
M. Blank: Nonobstant cela, je pense que le juge ne refusera
jamais le divorce du fait que du côté financier, s'il se marie
avec une autre, sa famille va en souffrir. Ce n'est pas dans l'esprit...
M. Bédard: Si l'objection du conjoint abandonné
semble futile aux yeux du tribunal et semble n'être animée que par
esprit de revanche ou quoi que ce soit, à ce moment-là,
l'évaluation se fera. D'un autre côté, à partir du
moment où on établit des présomptions concernant le
conjoint qui est l'objet de comportement inacceptable, il ne faut quand
même pas aller dans l'autre sens et lui donner les pouvoirs de garder
d'une certaine façon l'autre conjoint emprisonné dans une
situation qui, de toute façon, ne ressemble plus au mariage et n'a plus
de...
Mme Lavoie-Roux: Alors, en d'autres termes, vous dites qu'il
s'agit qu'il ait été séparé trois ans pour qu'il y
ait divorce.
M. Bédard: Je dois vous dire que je suis assez sensible
aux représentations faites par le député de Saint-Laurent.
Je pense qu'on a assez fait le tour de la situation. Il y a déjà
un texte où on ne fait pas la distinction, je prends celui-là. On
va voir à quel amendement on pourra en arriver en suivant le
raisonnement évoqué par le député de Saint-Laurent.
Je pense que cela nous permettra de conclure la discussion. Mais il semble que
M. Bisson, pour faire ce travail, aurait besoin d'autres précisions.
Il faudrait peut-être apporter une autre précision. Au
fond, si on regarde l'article 538.1, premièrement, ce qu'il visait,
au-delà de la situation de fait qui était évoquée
tout à l'heure, c'était surtout le déserteur, parce que,
évidemment, l'abandonné, quant à lui, avait toujours la
ressource de l'article 538.2, c'est-à-dire une atteinte, un manquement
grave à une obligation. Il pourrait invoquer, même au bout de six
mois qu'il avait été abandonné, que c'était un
manquement grave aux obligations du mariage. Au fond, malgré son
caractère bilatéral apparent, le premièrement visait avant
tout à donner au déserteur une faculté d'agir.
Évidemment, l'abandonné pouvait s'en servir aussi au bout de
trois ans, mais il pouvait certainement se prévaloir de l'article 538.2
avant le délai de trois ans parce que l'abandon évidemment est un
manquement grave. Alors, c'était peut-être un autre aspect
caché.
M. Lalande: C'était le sens de ma question
là-dessus. Évidemment, à mon avis, cela vise le
déserteur, dans ce cas-là, trois ans; dans l'autre cas, pourquoi
ne pas le spécifier? Contrairement à ce que vous avez
mentionné tout à l'heure, vous avez peut-être voulu
vous éloigner de l'actuelle loi du divorce qui établit une
distinction entre l'abandon et la désertion. C'est ce que vous avez dit
tout à l'heure. On a voulu regarder de façon objective la
situation. On n'a pas voulu qualifier l'acte de ni l'un ni l'autre, on a voulu
regarder la situation actuelle.
M. Bédard: Cela a été partiellement
l'idée, en tout cas, certainement.
M. Lalande: Bon. À partir de là, pourquoi ne pas
indiquer carrément que dans le cas de l'abandonné, il y a une
présomption de deux ans en faveur de celui-ci?
M. Bédard: II y a l'article 538.2.
M. Lalande: Oui, mais à l'article 538, il y a une preuve
à faire.
M. Bédard: Non, non.
M. Lalande: Oui, oui, à l'article 538.2.
M. Bédard: Je pense qu'elle peut ne pas être
très difficile à faire. S'il y a un manquement grave, une
absence, etc., je pense qu'on facilite...
M. Lalande: Oui, évidemment.
M. Blank: M. le ministre, vous avez l'article 531.1. Il n'y a pas
un juge qui va accepter pour moins de trois ans abandon, dans l'article
538.2.
M. Lalande: II y aurait peut-être intérêt,
justement, à le spécifier parce que là, on
interprète. Quand on dit que l'abandon ou le fait d'avoir
été seul, d'avoir été délaissé
pendant deux ans, c'est un manquement grave, peut-être que c'est cela. Je
pense bien que plusieurs juges vont conclure à cela, mais pourquoi ne
pas le spécifier?
M. Bédard: D'accord, on verra. M. Lalande: Ce n'est
que cela.
M. Bédard: L'article 538 - cela peut répondre un
peu aussi à la préoccupation du député de
Saint-Laurent - crée une présomption et il est très bien
explicité que celui qui est en faute ne peut se prévaloir de
cette présomption-là; autrement dit, il ne peut alléguer
sa propre turpitude. Je crois que si on précisait plus, on n'aurait
qu'à préciser que l'article 538 s'applique plutôt...
M. Lalande: Ce serait très bien, je pense que cela
répondrait à tout.
M. Bédard: Là, on aurait l'ensemble.
M. Forget: II ne faut pas que je réfléchisse trop
vite à 23 heures.
Le Président (M. Laberge): Je pense que...
Mme Lavoie-Roux: M. le Président...
Le Président (M. Laberge): Vous n'avez pas
terminé?
Mme Lavoie-Roux: Est-ce au troisièmement que nous sommes?
C'est au deuxièmement que je voulais intervenir.
Le Président (M. Laberge): On vous laisse aller.
Mme Lavoie-Roux: Bon, ce sera très court. Je me demande
l'utilité du deuxièmement de l'article 538. Encore une fois,
c'est d'un commun accord, sauf qu'il y a un an de plus, si vous voulez. Ils ont
décidé de ne pas vivre ensemble, d'un commun accord. II me semble
que...
M. Bédard: Cela me semble assez important et je vais
essayer de vous l'expliquer le mieux possible. Cela prévoit le cas
où les époux, d'un commun accord, peuvent dire au tribunal: Nous
nous sommes séparés de fait durant deux ans. Mais ils ne sont pas
d'accord pour demander le divorce.
Mme Lavoie-Roux: Ah! Oui, une étape
supplémentaire.
M. Bédard: C'est cela. Il faut en faire la
distinction.
M. Forget: Est-ce que cela irait... Je m'excuse.
Le Président (M. Laberge): Allez-y.
M. Forget: Peut-être n'est-ce pas à mon tour de
parler.
Le Président (M. Laberge): Si c'est sur le
deuxièmement, d'accord.
M. Charbonneau: C'est sur le deuxièmement.
Le Président (M. Laberge): C'est parce que je ne voudrais
pas lui faire oublier son point.
M. Bédard: Le troisièmement, on s'est entendu, il
est réservé au député de Verchères.
M. Charbonneau: C'est au deuxièmement. À partir du
moment où les gens, d'un commun accord, ont vécu
séparés pendant au moins un an, je me demande si,
finalement, ce ne serait pas suffisant. M. Bédard:
Pardon?
M. Charbonneau: À partir du moment où les gens,
d'un commun accord, ne vivent plus ensemble depuis un an, j'ai l'impression que
même s'ils ne sont pas d'accord pour divorcer, ils ont été
d'accord pour se séparer pendant un an, je me demande si ce ne serait
pas suffisant. J'ai l'impression que...
M. Lalande: C'est une question qui est amenée; sur le
consentement mutuel, on donne un an, finalement. À partir d'un an, on a
le droit...
M. Bédard: J'aimerais avoir l'avis des membres de la
commission.
M. Charbonneau: Je vais terminer. J'ai l'impression que tout
compte fait, si, après un an de mariage, les gens peuvent, d'un
consentement mutuel, s'entendre, dans le fond, je me dis que si, pendant un an,
ils n'ont pas vécu ensemble, même s'ils ne sont pas d'accord pour
divorcer et si quelqu'un entame une procédure de divorce, il faut se
rendre à l'évidence.
M. Bédard: Est-ce que je me tromperais en pensant que cela
fait pas mal l'unanimité des membres de la commission sur cette
question...
M. Lalande: II y a une logique là-dedans.
M. Bédard: ... soulevée par le député
de Verchères...
M. Blank: Vous changez le chiffre deux pour un un.
M. Bédard: ... de réduire le chiffre de deux
à un. (23 heures)
M. Blank: Je l'avais dit, déjà.
M. Charbonneau: II y a des fois qu'on est d'accord...
M. Bédard: II resterait le troisièmement.
Une voix: C'est dangereux, cela.
Le Président (M. Laberge): II y avait un petit point sur
le deux, M. le député de Saint-Laurent.
M. Forget: Est-ce que l'on parle d'un commun accord pour la
séparation - est-ce qu'il ne serait pas normal d'envisager l'autre
situation où il n'y a pas de commun accord pour la séparation,
mais c'est le fruit d'un jugement de séparation.
M. Bédard: Je voudrais mieux comprendre.
M. Forget: Si des époux vivent séparés en
vertu d'un jugement de séparation de corps, parce qu'il y a une
concordance à établir entre la séparation... Est-ce que la
séparation, distinctement du consentement de se séparer de fait,
ne pourrait pas donner ouverture à la même présomption que
l'accord ou est-ce qu'il y a des raisons contre cela?
M. Bédard: Je pense que cela va de soi. Il me semble que
cela va de soi.
M. Forget: Cela revient au même. D'accord ou en vertu d'un
jugement.
M. Blank: On est mieux de le dire, oui, sinon ce serait dans
trois ans. Si on ne le dit pas, cela tomberait dans trois ans.
M. Bédard: Je pense que...
M. Lalande: M. le Président, encore sur
deuxièmement.
Le Président (M. Laberge): Oui.
M. Lalande: Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de parler ici, parce
que je pense que dans la loi actuelle du divorce on introduit cette notion du
fait qu'une des parties est revenue, je ne sais pas, à la
résidence familiale ou quoi que ce soit, qu'il y ait eu
réconciliation, il y a 90 jours, je pense, qui sont
considérés actuellement...
M. Bédard: Avant que le jugement ne soit...
M. Lalande: Est-ce que, au niveau de la séparation de fait
depuis deux ans ou trois ans, selon le cas, le fait d'avoir cohabité
pendant...
M. Blank: Une courte période.
M. Lalande: ...une courte période... C'est le geste
important dans la loi actuelle, le divorce. On dit quoi? 90 jours, c'est trois
mois.
M. Blank: Ce n'est pas une cohabitation de courte
période.
M. Lalande: Je pense qu'une cohabitation de deux ou trois
semaines, cela ne va pas tout compromettre ces deux ans. Il faudrait
peut-être l'introduire ici ou en parler.
M. Forget: Dans le but de ne pas
décourager les tentatives de réconciliation.
M. Lalande: C'est cela. Si quelqu'un dit: Je ne peux absolument
pas parce que si je me fais prendre, en d'autres mots, c'est foutu mes deux
ans. Je vais être obligé de recommencer à moins qu'il y ait
consentement mutuel. Pourquoi ne pas le dire qu'une courte période de
rapprochement n'empêche pas, parce que dans la loi actuelle... C'est le
gars qui revient à la maison pour une fin de semaine. Est-ce que cela va
compromettre?
M. Bédard: J'ai peur qu'en commençant, en voulant
préciser, on complique plus qu'autre chose.
M. Lalande: C'est parce que, dans la pratique, vous savez...
M. Bédard: Non.
M. Lalande: Dans la pratique, cela existe aujourd'hui.
M. Bédard: Non, mais c'est l'idée de gens qui ont
décidé de se séparer de fait et qu'à un moment
donné ils puissent se retrouver... La principale idée
là-dedans, c'est le fait de vivre chacun de son côté.
M. Lalande: Cela veut dire qu'il faudrait attendre la
jurisprudence, qu'ils se placent là-dessus, que le juge apprécie
qu'une fin de semaine, quinze jours...
M. Bédard: C'est cela. Il évaluera plutôt que
de commencer à indiquer des périodes qui, à mon sens,
compliqueraient...
M. Forget: C'est l'intention qui compte.
M. Bédard: C'est la première intention globale.
M. Lalande: Dans la loi fédérale, on le
spécifie, c'est un cas qui n'est pas... Le seul fait que les conjoints
aient repris la cohabitation pendant une période d'au plus 90 jours,
principalement en vue de la réconciliation, c'est l'article 932b.
M. Bédard: II n'y a pas de présomption. M.
Lalande: Pardon?
M. Bédard: II n'y aurait pas de présomption qu'ils
ont décidé de ne plus vivre séparés de fait.
Sur cette reprise de...
M. Lalande: De cohabitation.
M. Bédard: Oui, ils se sont séparés et
cohabitent pendant un certain temps par la suite, c'est un fait, mais cela peut
déboucher sur une réconciliation, une reprise volontaire. C'est
une question de preuve, c'est une question de fait de laquelle ne
découle pas de présomption établie par la loi.
M. Lalande: Ce que j'essaie d'établir c'est que dans la
loi actuelle, et cela est mis en preuve, vous ne pouvez pas vous
prévaloir de l'article qui parle de trois ans ou de cinq ans, parce
qu'il y a eu interruption de cette séparation si, pendant trois mois, on
a vécu ensemble. C'est un fait qui peut être prouvé, mais
à cause d'un article qui dit ici que ceci n'est pas une
présomption qu'il y a eu effectivement réconciliation permanente,
donc brisure, en d'autres mots, il s'agit de permettre aux gens d'avoir des
tentatives de réconciliation sans pour cela être
pénalisés.
M. Bédard: Ce n'est pas durant une instance, cela on peut
le dire. Il faut essayer de comprendre les situations. L'article 550 du projet,
applicable aussi bien en matière d'instance en divorce qu'en
matière d'instance en séparation de corps, dit que "la seule
reprise de la cohabitation pendant moins de quatre-vingt-dix jours ne fait pas
présumer la réconciliation". Mais cela, c'est durant l'instance
en séparation de corps ou durant l'instance en divorce. Mais ce n'est
pas en dehors d'une instance.
Je pense que cela répond au député.
M. Lalande: Oui, je saisis la nuance que vous faite.
M. Bédard: C'est quand même assez sérieux, 90
jours.
M. Lalande: Enfin, je m'interrogerais quand même sur le
fait de reporter ceci pour la période qui est extra judiciaire, si je
peux dire.
M. Bédard: Je pense qu'en rejoignant l'article que vient
d'évoquer M. Guay.
M. Lalande: D'accord.
M. Bédard: Alors... Cela va.
Le Président (M. Laberge): II y aura des retouches au
texte.
M. le député de Taschereau.
M. Guay: Je m'excuse. Je n'ai pas remarqué tantôt
qu'on a beaucoup discuté du délai de trois ans du premier
alinéa. On a évoqué beaucoup la question de qui pouvait en
bénéficier. À partir du moment où on introduit,
comme on l'a fait à l'article 538.2, l'idée que nul ne peut
profiter de sa propre turpitude, est-ce qu'un délai de trois ans pour la
personne qui en est victime, en
quelque sorte, n'est pas un délai indûment long? Est-ce que
là aussi on ne devrait pas ramener cela à un an?
Si on modifie l'article dans le sens où c'est la personne qui
subit le problème qui peut bénéficier de la
présomption, est-ce qu'on ne devrait pas être logique avec cela et
dire: Là, le délai doit être raccourci à un an?
Pourquoi ferait-on un article pour la personne qui bénéficie de
la présomption et en même temps lui imposerait-on un délai
minimal de trois ans pour pouvoir bénéficier de la
présomption?
Je parle du premier alinéa qu'on va modifier ou...
M. Lalande: C'est le cas du déserteur.
M. Guay: Oui.
M. Lalande: Le déserteur qui est parti.
M. Guay: Ce que je dis, c'est qu'on est d'accord pour modifier le
délai dans le deuxième alinéa, le ramener de deux ans
à un an. Or, dans le premier alinéa, qui doit être
modifié dans le sens de faire bénéficier de la
présomption la personne qui est la victime, si on peut l'appeler ainsi,
en même temps, cette victime se trouve en quelque sorte à avoir un
barrage de trois ans avant de pouvoir bénéficier de la
présomption.
Si l'article est modifié dans le sens de n'en faire
bénéficier que la personne qui se trouve à en avoir
été la victime, un peu comme l'article 538.2, où un
époux ne peut, en se fondant sur son propre manquement invoquer la
présomption - c'est dans ce sens qu'il doit être modifié,
si j'ai bien compris l'article 538.1.1 - est-ce qu'on ne devrait pas aussi
ramener le délai à un an? On modifie l'article de manière
que le déserteur, prenons le cas du déserteur, ne puisse invoquer
cette présomption, mais la personne qui a subi la désertion peut
l'invoquer.
M. Lalande: L'abandonné, le peut.
M. Guay: Oui, mais en même temps, on dit: Pas avant trois
ans.
M. Lalande: L'abandonné peut l'invoquer avant.
M. Guay: Oui, mais à cause de...
M. Lalande: Oui, et le ministre a dit qu'il allait
préciser l'article 538.2.
Mme Lavoie-Roux: ...
M. Guay: Oui, oui.
M. Lalande: L'abandonné a le droit.
M. Blank: Mais je ne suis pas certain.
M. Guay: Je parle de 538.1.1.
M. Blank: Oui, oui mais je ne suis pas certain que l'article
538.2 s'applique à l'abandon.
Une voix: Ce n'est pas sûr.
M. Lalande: Le ministre a dit qu'il allait spécifier
cela.
M. Blank: Ah! Si on fait un amendement, cela en fait un de
plus.
M. Bédard: On va essayer de faire...
M. Blank: Comme c'est rédigé aujourd'hui...
M. Bédard: Je pense qu'on a pas mal évoqué
toutes les préoccupations qu'on a là-dessus.
M. Blank: Quand on parle des délais dans 533.1 et 538.2,
c'est couvert et 538.2 couvre seulement les autres obligations du mariage comme
le respect, la fidélité, le secours et l'assistance. La vie
commune est réglée par 538.1 et 538.2.
M. Bédard: Oui, je pense qu'à partir de la
découverte que nous avons tous faite ensemble quant à l'article
538.2...
M. Blank: Sinon, pourquoi mettre...
M. Bédard: Parfois, à cause de la fatigue ou
autrement, on ne peut quand même pas avoir tout présent à
l'esprit. Il s'agira...
M. Blank: M. Bisson va nous répondre.
M. Bédard: Non, une seconde! Il s'agira de faire la
concordance. Je pense qu'on s'est suffisamment expliqué
là-dessus. D'un commun accord, il semble que tout le monde soit d'accord
pour réduire, au paragraphe 2, le délai de deux ans à un
an et de garder à trois ans le délai du paragraphe 1.
M. Blank: Cela ne change rien dans la loi.
M. Bédard: En tout cas, je pense qu'on a fait le tour. Je
pense qu'on pourra y aller d'autres commentaires demain, mais je n'ai pas
l'impression, maintenant qu'on a une vision globale des deux articles, qu'on
puisse avancer tellement jusqu'à demain. On pourrait passer à
d'autres articles.
Le Président (M. Laberge): Si vous le permettez...
M. Bédard: J'aimerais avoir des remarques...
Le Président (M. Laberge): Oui, voir les commentaires du
député de Verchères sur le troisièmement.
M. Bédard: ...sur le troisièmement.
M. Charbonneau: Je ne sais pas ce qu'on entend par "pour cause de
maladie". Il y a des maladies physiques et il y a des maladies mentales. Je
voudrais savoir ce qu'on entend parce que je trouve que, finalement-Une
voix: On a parlé de nullité
M. Lalande: ...la non-consommation. La nullité est
beaucoup plus difficile, il y a une preuve à faire.
M. Bédard: Pour cause de maladie, c'est toute maladie qui
rendrait la personne inapte à avoir des relations sexuelles. Ce n'est
pas une impuissance comme telle, mais une maladie qui l'empêcherait
d'avoir des relations sexuelles, l'empêcherait de consommer le
mariage.
M. Charbonneau: Oui, mais, dans ce cas, je trouve que c'est
limitatif. Il y a des gens qui ont des blocages psychologiques et de la
façon que vous définissez "maladie", finalement, ces gens qui ont
des blocages psychologiques, qui sont mariés et qui cohabitent mais qui
ne peuvent pas consommer l'acte sexuel complètement, ce n'est pas...
M. Bédard: Ce cas-là est certainement couvert.
M. Lalande: Les impuissants, par exemple.
M. Charbonneau: Oui, mais ce n'est pas seulement une question
d'impuissance. C'est une question, parfois, de blocage psychologique.
M. Bédard: Oui. C'est ce qu'on appelle...
M. Lalande: L'impuissance, c'est ça, c'est
psychologique.
M. Blank: II y a une cause qui a déjà
été prononcée...
M. Charbonneau: II y a une preuve à faire.
M. Lalande: Par maladie, on entend...
M. Blank: Impuissance mentale avec une personne en particulier.
C'est une cause de nullité.
M. Lalande: C'est une expression consacrée, au fond.
M. Bédard: C'est ce qu'on appelle l'impuissance
psychologique et c'est couvert par le mot "maladie", certainement.
M. Lalande: C'est une expression consacrée.
M. Charbonneau: Cela me rassure parce que je pense qu'il y a des
gens qui pourraient...
Une voix: II était temps.
M. Bédard: Non, je crois que la question était
à propos parce que, même pour le journal des Débats, les
précisions que demande le député de Verchères sont
de nature à donner l'éclairage.
M. Charbonneau: Je voudrais poser une autre question. C'est
bourré de juristes à cette table. Est-ce nécessaire de
préciser "pour cause de maladie ou d'invalidité"? Est-ce que le
mariage qui n'a pas été consommé après un an de
cohabitation... Est-ce nécessaire de...
M. Bédard: Oui, parce qu'il peut ne pas avoir
été consommé par pur refus de ne pas le consommer et,
à ce moment-là, ça tombe dans les manquements graves. Cela
tombe dans les manguements graves, alors qu'ici c'est une présomption
tirée simplement du seul fait de la non-consommation pour cause de
maladie ou d'invalidité.
M. Lalande: M. le Président, avant, si on s'en va vers
l'ajournement, je voudrais simplement...
Une voix: Pas l'ajournement, la suspension.
M. Lalande: La suspension. Je m'excuse. Pourquoi a-t-on
éliminé le cas de bigamie qui existe dans la loi actuelle?
M. Bédard: C'est le cas de nullité du mariage.
M. Lalande: Pardon?
M. Bédard: C'est le cas de nullité du mariage.
M. Lalande: Si on veut, mais c'est la même chose. On peut
reprendre l'expression du député de Verchères tout
à l'heure, dans les cas de maladie ou de non-consommation du mariage,
c'est un cas de nullité aussi,
mais la preuve est beaucoup plus difficile à faire au niveau de
la nullité. La loi actuelle du divorce... (23 h 15)
M. Bédard: La preuve de bigamie, ce n'est pas si difficile
que cela à faire. C'est clair que cela s'oriente vers la nullité
du mariage.
M. Lalande: Enfin, je m'interrogeais sur l'opportunité de
l'actuelle loi qui le contient, et pourquoi on l'a enlevé. Il y avait un
motif pour lequel on l'a mis là, dans le temps. Pourquoi
l'enlèverait-on d'un coup sec?
M. Bédard: C'est parce que dans la Loi
fédérale sur le divorce, on n'emploie pas le mot "bigamie" comme
tel, autant que je me souvienne. On peut passer par une formalité de
mariage avec une autre personne.
M. Lalande: Dans la loi du divorce...
M. Bédard: Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas des
choses de trop dans...
M. Lalande: Non, je comprends.
M. Bédard: II s'agit d'avoir les explications.
M. Lalande: ... passer par une formalité de mariage avec
une autre personne.
M. Bédard: C'est différent. C'est ce simple fait
qui entraîne la cause de divorce, mais à ce moment, elle me
paraît couverte par le manquement grave à une obligation
résultant du mariage, parce que c'est certainement un manquement grave,
alors qu'on est marié, que de vouloir aller se marier avec une autre
personne.
M. Lalande: Oui, évidemment, c'est un manquement
grave!
Le Président (M. Laberge): Les articles 538.1 et 538.2
sont suspendus. J'appelle l'article 539.1 auquel on nous demande de faire une
correction. On nous demande de supprimer les mots "et de concilier"...
M. Bédard: C'est pour renforcer: "et de favoriser leur
conciliation."
Le Président (M. Laberge): Oui, après les
époux. On enlève les mots "et de concilier". Alors, "conseiller
les époux et de favoriser leur conciliation". Est-ce que ce changement
va être adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Sur l'article
539?
M. Forget: Oui.
Le Président (M. Laberge): Amendé.
M. Forget: L'Association des centres de services sociaux - a fait
une suggestion à cet égard qui, je pense, est
intéressante, c'est d'ajouter "et de veiller aux intérêts
de l'enfant en lui nommant, le cas échéant, d'office un
procureur". Il y a la conciliation des parents, c'est excellent, mais est-ce
que le droit des enfants est suffisamment mis en relief dans tout ce chapitre
sur le divorce?
M. Bédard: Nous sommes d'accord. C'est dans le Code de
procédure que...
Pour la nomination d'un procureur, c'est peut-être au Code de
procédure qu'il faudrait voir...
M. Forget: Oui. On pourrait dire "et de veiller aux
intérêts de l'enfant", quitte à ce que la nomination du
procureur se fasse en vertu du Code de procédure.
M. Lalande: Je me demande s'il n'y aurait pas lieu encore une
fois - j'y reviens, j'en ai dit un mot tout à l'heure - à
l'article 539, quand on parle de favoriser leur conciliation: "À tout
moment de l'instance en divorce, il entre dans la mission du tribunal..."
Est-ce qu'on ne pourrait pas ajouter, d'une façon ou d'une autre - je
voudrais toujours institutionnaliser le Centre d'expertises psychosociales ou
quoi que ce soit - ... N'y a-t-il pas moyen de demander au tribunal, par les
services... On laisse la discrétion au tribunal à ce moment de
l'utiliser ou pas.
M. Bédard: Oui, pour le moment. Ensuite, comme je vous
l'ai dit, il y a un travail qui va se faire et qui est déjà
commencé au niveau de ce qu'on appelle la mise en place d'un tribunal de
la famille, avec tous les éléments nécessaires de conseils
et d'expertises. À ce moment, on aura à se prononcer.
M. Forget: Dans la même veine, je pense que la
réponse du ministre, en autant qu'elle va, c'est-à-dire qu'il y
aura des services adjoints à la cour, qui existent d'ailleurs en
pratique...
M. Bédard: Qui existent à Montréal,
partout.
M. Forget: C'est une réponse valable, mais il y aurait
peut-être un élément incitateur additionnel qui pourrait
être inscrit dans la loi. Ce à quoi je pense, c'est une indication
qui aurait un peu le sens suivant, c'est qu'au moment de présenter leur
demande, les conjoints peuvent alléguer déjà et
établir qu'ils ont passé par l'étape de
conciliation. Je voudrais suggérer que le tribunal s'en occupe
d'office, à moins que les requérants, au moment de
présenter la demande de divorce, démontrent qu'ils se sont
déjà adressés à des professionnels et ont
déjà eu recours à une assistance aux fins de conciliation.
On retrouve facilement en dehors des services publics fournis par les centres
de services sociaux auprès des cours, énormément de
consultations privées qui ont essentiellement pour but d'essayer d'aider
les gens à régler leurs problèmes. Souvent, ce sont des
psychothérapies ou autres qui peuvent durer quelques mois, un an,
où il y a effectivement, dans le cadre de la thérapie familiale
ou même de la thérapie individuelle, des efforts de rapprochement
des époux, etc. Quand le professionnel qui a participé à
cet effort en vient à la conclusion qu'il n'y a véritablement
rien à faire, il pourrait faire rapport, faire état ou donner une
espèce de compte rendu sans violer la confidentialité - de toute
façon, s'il le fait à la demande de ses clients - et dire: Voici,
cela a déjà été fait. Autrement, ce qui est
à craindre, si on me permet l'analogie, c'est un peu ce qui s'est
passé dans la loi du travail où on a eu des conciliations
purement formelles; avant d'aller en grève, il fallait avoir la
conciliation. Un des problèmes - cela a duré des années et
cela a été modifié dans le Code du travail - c'est que,
pour avoir la grève, il fallait passer par la conciliation. Alors, que
cela serve à quelque chose ou pas, la conciliation devenait une pure
formalité. "We go through the motions of conciliation", et on en ressort
avec le résultat prévisible. Je pense que, s'il y avait un peu
plus de souplesse, on éviterait que la conciliation ne perde son sens en
devenant une espèce d'autre étape administrative à
laquelle on se plie sans y croire. Si les parties pouvaient démontrer
qu'elles ont fait les efforts, qu'elles ont eu de l'aide, etc..
M. Bédard: Ce n'est pas intuitif. On dit qu'il entre dans
la mission du tribunal de conseiller et de favoriser la conciliation...
M. Forget: Oui.
M. Bédard: ...il me semble que...
M. Forget: C'est à tout moment de l'instance. On
présume que l'instance est amorcée et que c'est pendant
l'instance que la conciliation doit se faire.
M. Bédard: Je ne sais pas si on peut conclure que c'est au
moment de l'instance.
M. Forget: La loi fédérale procède
différemment. Elle crée une obligation pour le procureur. La loi
fédérale dit...
M. Bédard: Oui.
M. Forget: ..."tout avocat qui accepte de représenter un
requérant doit d'abord..."
M. Bédard: Oui, mais cela était difficile à
suivre.
M. Forget: C'est le genre de conciliation du Code du travail.
M. Bédard: J'aime mieux que ce soit au tribunal.
M. Forget: Oui.
M. Bédard: À partir du moment où on dit
qu'il entre dans la mission du tribunal de conseiller et de favoriser la
conciliation, il me semble clair qu'il y a là l'obligation du tribunal
de demander si déjà des efforts ont été faits afin
de favoriser la conciliation et de conclure. Si c'est le cas, il va
évaluer jusqu'à quel point il peut ajouter quelque chose de plus
qui favoriserait la conciliation. S'il n'y a rien eu, à ce
moment-là, il y va selon l'article.
M. Forget: Oui, je suis d'accord. Si cela peut
s'interpréter de cette façon, oui. Si c'est, au contraire, un peu
plus impératif et cela oblige, même dans les cas où il y a
peut-être eu pendant un an des efforts vraiment sincères et
répétés, compétents...
M. Bédard: Je crois que le tribunal va...
M. Forget: ...je pense qu'il ne faudrait pas recommencer, aux
frais du public, ce qui a été fait déjà aux frais
des parties elles-mêmes.
M. Bédard: C'est cela.
M. Lalande: Justement relié à ceci, je voudrais
soumettre une opinion d'ordre très pratique à ce niveau. Si on
disait, par exemple: À tout moment de l'instance en divorce, il entre
dans la mission du tribunal de conseiller les époux et de favoriser
cette conciliation, notamment, en demandant aux services de se saisir de leur
problème... Il y a aussi un problème pratique de frais, de
dollars et de cents dans cela. Les gens qui ont certains problèmes, qui
doivent avoir recours à des agences privées de
réconciliation ou quoi que ce soit doivent payer cela. Ce n'est pas
accessible au commun des mortels, aux gens ordinaires. Alors que si le tribunal
peut assumer... D'ailleurs, ces services existent, on ne demande pas quelque
chose de considérable. Si on donnait le feu vert au juge ou au tribunal
de permettre, dans des cas où les services pourraient s'en saisir, aux
frais du
tribunal ou de celui qui perd, aux dépens...
C'est simplement cet aspect strictement pratique et bien terre à
terre qui pourrait nous amener à...
M. Bédard: Dans l'organisation du tribunal, dans les
règles de pratique, cela pourrait apparaître, effectivement.
M. Lalande: Oui, évidemment, dans les règles de
pratique, ce serait très bien. Je voulais tout simplement le souligner
à ce stade-ci.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, les services auxquels
fait allusion le député de Maisonneuve, tels qu'ils existent
présentement, sont davantage utilisés comme conseillers experts
que comme services de conciliation, parce qu'ils sont nettement insuffisants.
Il faudrait ajouter autre chose.
M. Bédard: D'accord?
Le Président (M. Laberge): L'article 539, avec ses deux
amendements, sera-t-il adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté.
M. Forget: Cela comprend de veiller aux intérêts de
l'enfant?
Mme Lavoie-Roux: "Et de veiller".
M. Bédard: "Et de veiller aux intérêts de
l'enfant". Je n'ai pas vu cela.
Mme Lavoie-Roux: C'était un amendement du
député de Saint-Laurent.
M. Forget: Une suggestion.
Le Président (M. Laberge): "... de favoriser la
conciliation et de veiller...
M. Bédard: "... du tribunal de conseiller les
époux, de favoriser leur conciliation et de veiller aux
intérêts de l'enfant."
M. Forget: Est-ce que c'est clair, M. le Président?
Le Président (M. Laberge): Cela va être très
clair. Quand cela va être écrit, cela va être parfait.
Article 539, amendé, adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté avec amendement.
540? Un moment, ce ne sera pas long. À l'article 540, on nous demande de
remplacer l'article par le suivant. Je pense qu'on devrait récrire au
début 540.0. Cela va être clair comme cela. 540. La demande en
divorce peut être présentée par les époux ou l'un
d'eux".
M. Bédard: L'article 540 parle par lui-même.
Adopté.
Le Président (M. Laberge): Article 540, adopté.
Article 541.
M. Lalande: C'est la corroboration qu'on veut, la preuve
additionnelle?
M. Bédard: L'article précise qu'un époux ne
peut invoquer la présomption de l'article 538 en se fondant sur son
propre manquement. Il s'agit là d'une application du principe que nul ne
peut invoquer sa propre faute pour fonder un droit.
M. Forget: C'est l'ancienne rédaction de l'article 540 qui
est reportée à l'article 538.2.
M. Bédard: ...excusez. M. Forget: Article 541, la
preuve de ... Le Président (M. Laberge): Article 541. M.
Bédard: D'accord, cela va.
Le Président (M. Laberge): Article 541, tel quel.
M. Bédard: D'accord.
Le Président (M. Laberge): Tel quel, tel qu'au texte.
Adopté?
M. Forget: Oui, évidemment, il serait possible, si on voit
que la formulation de l'article 538 est trop difficile pour tenir compte de
l'examen du consentement, de l'introduire ici, plutôt qu'à
l'article 538.
M. Blank: À ce stade-ci, on ne peut pas retourner...
M. Marx: Je pense que c'est assez...
M. Bédard: Cela va pas trop mal. On est plusieurs. On est
dans la même condition, tout le monde. On a eu une discussion assez...
À partir du moment où cela rejoint des points de discussion qu'on
a déjà eus. Je pense qu'on ne le fait pas pour nous-mêmes.
Je parle pour tout le monde autour. L'article 542, je pense que cela va de soi:
"La demande en divorce délie les époux de l'obligation de faire
vie commune".
M. Forget: M. le Président.
Le Président (M. Laberge): M. le député
de Saint-Laurent.
M. Forget: Je n'ai pas d'objection quant à l'article, mais
j'en profite pour essayer de clarifier l'expression "l'obligation de faire vie
commune".
M. Bédard: On parle de cohabitation.
M. Forget: Également, le problème que peut soulever
les cas qui ont été cités tout à l'heure: le refus
d'avoir des relations sexuelles. Est-ce que c'est au titre, cela, "de
l'obligation", une implication de l'obligation de faire vie commune? Dans les
obligations du mariage, cela ne figure pas comme tel. Dans le titre qui donne
ouverture au divorce, on dit: "Celui qui manque gravement à une
obligation."
M. Bédard: Dans le mariage, cela y est, l'obligation de
faire vie commune, à l'article 541, je pense.
M. Forget: Mais non pas les relations sexuelles. Est-ce que c'est
une implication nécessaire, une incidente?
M. Bédard: La tradition juridique ne laisse aucun
doute.
M. Forget: Aucun doute là-dessus. C'est ce dont je voulais
m'assurer, parce que c'était aussi ma compréhension. Mais je
voulais être tout à fait clair là-dessus, parce qu'il
semble qu'autrement, il y aurait un défaut de...
M. Bédard: Oui, il y aurait différentes sortes de
vie commune.
Le Président (M. Laberge): Article 542, adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 543. Il
y a un papillon. À l'article 543, on nous demande de supprimer, à
la deuxième ligne du deuxième alinéa, le trait d'union
entre "jusque" et "là", question de bon français. C'est fait. (23
h 30)
M. Forget: Le Barreau a une... Mme Lavoie-Roux: M. le
Président.
Le Président (M. Laberge): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que je pourrais laisser aller le
député de Saint-Laurent. Il y a eu une recommandation de la part
du Barreau, du RAIF et du Conseil des services sociaux - on pourrait laisser au
ministre le soin de le formuler autrement -suivant laquelle le tribunal peut
aussi ajourner l'instruction et faire appel aux services de conciliation, s'il
estime que les époux peuvent régler. Dans le fond, ce sont des
mesures provisoires. Il peut ordonner à l'un des époux de quitter
la résidence familiale. Il peut autoriser l'un d'eux à conserver
provisoirement des biens meubles. Pourquoi n'y aurait-il pas une disposition
-que ce soit spécifié - pour qu'on fasse appel à des
services de conciliation? C'est une recommandation de trois groupes.
M. Bédard: Je pense que l'article 539 y répond:
"à tout moment de l'instance". L'article 539 rejoint votre
préoccupation, qui permet au tribunal "à tout moment de
l'instance".
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Bédard: C'est exactement cela. C'est la
conciliation.
M. Lalande: À l'article 543, quand on dit "le tribunal
peut ordonner", je pense qu'il y a une recommandation du Barreau qu'il faudrait
envisager sérieusement. Pourquoi ne pas introduire, encore une fois, la
notion de juge? Le tribunal implique la cour de pratique et tout le tralala,
alors que le juge en chambre pourrait seulement se prononcer
là-dessus.
M. Bédard: Ce problème aussi, si vous l'avez
observé tout au long du projet de loi no 89, nous avons toujours
parlé du tribunal et nous avons reporté au Code de
procédure civile les précisions nécessaires pour indiquer
quand c'est le tribunal, quand c'est le juge ou le protonotaire spécial,
puisque c'est là que cela se situe. C'est plus facile à suivre
dans le Code de procédure civile, parce qu'il s'agit, au fond, de la
juridiction de chacun des...
M. Lalande: Très bien.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président.
M. Lalande: ...tient compte que c'est extrêmement
important, parce qu'à tout moment cela peut arriver au niveau de la
résidence.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je viens de relire les
remarques des trois groupes que j'ai mentionnés tout à l'heure.
Il est vrai que dans le cas de l'Association des centres de services sociaux on
fait appel aux services de conciliation, c'est-à-dire on suggère
de faire appel aux services de conciliation. Dans le cas du RAIF et dans le cas
du Barreau, je pense que c'est un peu
différent. On parle davantage de faire appel à une
expertise ou à une consultation obligatoire. Dans le cas du RAIF, on
parle des experts juridiques et psychosociaux, et dans le cas du Barreau, on
parle d'expertise psychosociale. Est-ce que c'est exactement la même
chose qu'à tout moment de l'article 539 on peut conseiller et favoriser
la conciliation, tandis que dans l'autre cas, on semble en faire davantage?
Vous suggérez que ce soit davantage une obligation.
M. Bédard: Je pense qu'on ne peut pas
nécessairement faire une obligation, mais quand on parle de favoriser la
conciliation, cela fait partie des moyens qui doivent être
présents à l'esprit du tribunal pour vraiment favoriser la
conciliation qui est dans l'esprit de ce que dit le RAIF et le Barreau. Nous
retrouverons d'autres dispositions à l'article 547 et suivants,
concernant les ajournements et la réconciliation. On verra, s'il y a
lieu de préciser, à le préciser à ce moment.
Le Président (M. Laberge): L'article 543 avec le petit
amendement est-il adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté avec amendement.
Article 544. M. le député de Verchères, article 543 ou
544?
M. Charbonneau: 544.
Le Président (M. Laberge): Article 544, vous avez la
parole.
M. Charbonneau: Le tribunal peut statuer sur la garde - c'est
clair - et l'éducation des enfants. Qu'est-ce qu'on entend par le
tribunal peut statuer sur l'éducation des enfants?
M. Bédard: Dans quelle école ils vont aller,
etc.
M. Charbonneau: Alors, ce n'est pas sur le type
d'éducation.
M. Bédard: C'est cela; s'il y a conflit. C'est
déjà dans le Code civil, à ce qu'on me dit.
Mme Lavoie-Roux: Cela pourra même être sur le type
d'éducation. Hier, on a donné comme exemple que, dans le
passé, il y avait eu des conflits quant à l'appartenance
religieuse de l'enfant. C'est un type d'éducation: qu'il ait une
éducation neutre ou une éducation catholique, pour donner un
exemple. Là, ce serait le type d'éducation.
M. Bédard: Le terme est suffisamment
général, je pense, pour rejoindre...
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas juste l'école.
Le Président (M. Laberge): L'article 544 est-il
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté.
M. Forget: M. le Président, dans la recommandation 251,
qui fait pendant à celle que nous venons d'examiner relativement
à la garde et à l'éducation des enfants, l'Office de
révision du Code civil parle des droits de visite et il semble que
pendant l'instance le tribunal ne pourrait pas déterminer les droits de
visite.
M. Bédard: Cela n'a pas été repris,
simplement parce que la notion de garde comprend traditionnellement celle de
visite, d'hébergement ou de services.
M. Forget: Pour l'autre conjoint.
M. Bédard: C'est cela. On souhaite éviter ainsi de
consacrer des interprétations trop littérales du code,
interprétations qui pourraient susciter des difficultés plus
nombreuses que celles qu'on pourrait régler.
M. Forget: La jurisprudence est très claire; le droit de
garde n'emporte pas abolition des droits de visite à moins qu'on le
mentionne.
M. Bédard: C'est implicite.
Le Président (M. Laberge): Article 544, adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 545?
M. Bédard: L'article 545 proposé est conforme au
droit actuel. Le critère des facultés et besoins de chacun des
époux est énoncé de façon plus
générale à l'article 628. Les articles 562 et 563 ne
s'appliquent qu'une fois le divorce prononcé. Cet article s'applique
aussi à la séparation de corps. On le verra à l'article
526.
M. Blank: Aux frais de la cour ou aux frais de l'autre
avocat?
À l'article 545, il y a une provision pour frais de justice.
Qu'est-ce que c'est? Il est normal d'avoir un jugement avec frais ou sans
frais. Ici, est-ce qu'on doit payer les
frais de l'autre avocat?
M. Bédard: C'est une recommandation de l'office qui a
été appuyée sur un commentaire. On dit: "...doit
comprendre, en plus des aliments, une certaine somme pour permettre à
l'épouse de payer les déboursés du procès lorsque
les moyens du mari le permettent". Il s'agit des déboursés
entraînés par le procès lui-même. À partir de
l'explication qui en est faite, on dit: Dans des cas particuliers, une demande
de provision peut être faite en tout état de cause, à
condition qu'elle soit justifiée par les circonstances et par les
besoins de l'épouse, bien entendu.
M. Blank: On parle des frais de justice. S'agit-il des frais
extrajudiciaires de l'avocat de l'autre partie? Ce n'est pas clair.
M. Lalande: ...à sa face même.
M. Bédard: Tel que c'est dit, cela pourrait donner
à entendre qu'il s'agit des frais judiciaires eux-mêmes, les frais
de cour.
M. Blank: C'est normal. On n'a pas besoin d'une loi pour cela. Le
Code de procédure dit...
Une voix: ...477 emporte...
M. Blank: Je pense qu'on veut dire ici, par "extrajudiciaires"
qu'on paie les honoraires de l'autre avocat, en plus des frais de la cour.
M. Bédard: ...une situation exceptionnelle.
M. Blank: Les "frais de justice" ne sont pas les meilleurs
mots.
M. Bédard: C'est peut-être une mauvaise traduction
de la pension ad litem.
M. Lalande: C'est cela, oui, je pense qu'il faudrait
préciser.
M. Bédard: Est-ce qu'on pourrait suspendre sur ce point,
pour qu'on y réfléchisse, plutôt que de faire un amendement
comme cela?
M. Lalande: D'accord. M. Forget: Très bien.
Le Président (M. Laberge): On suspend l'article 545.
J'appelle l'article 546.
M. Lalande: À l'article 546, je voudrais demander au
ministre si l'indexation constitue un fait nouveau.
M. Forget: Cela dure rarement assez longtemps pour donner lieu
à une indexation, j'imagine, si les délais qu'on nous a
décrits sont...
M. Blank: Si la cause est contestée, cela peut prendre
deux ans.
M. Bédard: Mais il y a toujours la possibilité,
concernant l'indexation, de le faire par voie de requête. Cela n'a pas
besoin d'être une cause ou...
Mme Lavoie-Roux: Normalement, cela devrait, si c'est
au-delà d'un an, puisque les pensions alimentaires doivent être
indexées maintenant.
M. Forget: Si c'est au-delà d'un an, oui.
M. Bédard: Mais ce n'est pas parce que c'est un fait
nouveau. Ce n'est pas un fait nouveau. L'indexation peut être
demandée par requête dans tous les cas.
Mme Lavoie-Roux: Elle sera automatique?
M. Bédard: Non. On n'identifie pas cela à un fait
nouveau. Il faut qu'elle soit demandée par requête aussi, mais ce
n'est pas sur la base d'un fait nouveau à prouver.
C'est la règle générale. C'est sur la base d'un
droit qui est donné en vertu de la loi que vous connaissez.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président...
Le Président (M. Laberge): Oui, Mme la
députée.
Mme Lavoie-Roux: ...je ne parle pas des anciens cas. À
partir d'aujourd'hui, à partir du 1er janvier une pension alimentaire ne
serait-elle pas automatiquement indexée?
M. Bédard: II faut que ceux qui en reçoivent le
demandent, mais le tribunal statue. Il peut même le faire d'office
à partir d'un indice qu'on a déjà indiqué.
Mme Lavoie-Roux: On reviendra là-dessus. Ce n'est pas
sûr.
M. Bédard: C'est sûr avec les nouveaux amendements
qu'on a apportés. Il n'y a plus de doute.
Le Président (M. Laberge): L'article 546 sera-t-il
adopté? Il s'agit d'autres faits nouveaux.
M. Bédard: Cela n'empêche pas un avocat de
prétendre le contraire.
M. Lalande: Oui, tous plaident. M. Bédard: Tous
plaident.
Mme Lavoie-Roux: Ce serait le temps qu'on ajourne. Les
ajournements, M. le ministre.
M. Marx: Prenons le vote libre sur l'ajournement, M. le
Président.
Le Président (M. Laberge): On va adopter l'article 546. Il
est adopté. On passe aux ajournements. À l'article 547, on nous
demande d'ajouter après le mot "peut," avant le mot "ajourner",
justement, les mots... Oh, non! Pardon! C'est à la deuxième ligne
avant "d'éviter", je pense...
Une voix: C'est ça.
Le Président (M. Laberge): Après le mot "peut",
à la deuxième ligne, les mots "favoriser la réconciliation
des époux ou".
M. Forget: À certains moments, on parle de conciliation et
à d'autres on parle de réconciliation. Ce n'est pas seulement une
erreur, c'est qu'on vise des choses différentes?
M. Bédard: C'est que dans le cas de la
réconciliation, évidemment, c'est plutôt la reprise de la
vie commune qui était menacée. Dans l'autre cas, la conciliation,
c'est lorsque les époux sont...
Mme Lavoie-Roux: Après une brouille. M. Forget:
L'effort d'un tiers.
M. Bédard: Oui, c'est ça, qui ne s'entendent pas
sur les aliments, qui ne s'entendent pas sur la garde et il faut vraiment
concilier les différents points de vue. Mais ils s'entendent pour ne
plus être ensemble.
Le Président (M. Laberge): Alors, l'amendement visant
à introduire, après le mot "peut", les mots "favoriser la
réconciliation des époux ou" sera-t-il adopté?
M. Forget: Oui, il est adopté.
Le Président (M. Laberge): C'est adopté.
Maintenant, l'article 547 amendé sera-t-il adopté?
Mme Lavoie-Roux: Comment ça va finir votre...
M. Bédard: Alors, l'article proposé et le suivant
sont une application du principe posé par l'article 539. Ils reprennent
substantiellement les dispositions des paragraphes e) et f) de l'article 9.1 de
la Loi sur le divorce. Toutefois, contrairement au droit actuel qui permet au
tribunal de refuser de prononcer le divorce dans ces circonstances, l'article
prévoit plutôt que le tribunal doit ajourner l'instruction.
D'accord?
Le Président (M. Laberge): Alors, 547 amendé est-il
adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. 548, tel
quel?
M. Bédard: Tel quel. L'article proposé et le
précédent sont une application du principe de l'article 539. Ils
reprennent substantiellement les mêmes choses que je viens
d'évoquer.
M. Forget: C'est ça. On a déjà
mentionné les arguments qu'ont fait valoir l'association des centres de
service sociaux et le RAIF à ce sujet-là, demandant qu'une
consultation obligatoire ait lieu. A ce moment-là, je pense que c'est ma
collègue de L'Acadie qui les a fait valoir au début de la section
plutôt qu'à cet article-ci en particulier.
Le Président (M. Laberge): 548, adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. 549.
M. Bédard: 549. L'article proposé reprend
substantiellement les dispositions des articles 196 et 197 du Code civil
applicables en matière de séparation de corps pour les
étendre au divorce. Le deuxième alinéa de l'article
s'écarte de l'article 9, paragraphe 2 de la Loi sur le divorce en
permettant de faire usage des anciennes causes pour appuyer une nouvelle
demande. L'exigence d'une déclaration écrite de
réconciliation pour mettre fin à l'instance, tel que
proposé par l'Office de révision du Code civil, n'a pas
été retenue. En effet, l'objectif de la réconciliation a
paru plus important que celui de la qualité de la preuve et il
n'apparaît pas opportun en cette matière d'assujettir les
époux à un tel formalisme.
M. Forget: J'admets la valeur de l'intention, M. le
Président, mais est-ce que cela veut dire qu'une des parties à
une instance de divorce peut prétendre qu'il y a eu
réconciliation et doit à ce moment -c'est comme une espèce
de procès à l'intérieur du procès - faire la preuve
qu'il y a eu réconciliation sans pouvoir se prévaloir d'un
écrit par son affirmation et par des éléments de preuves
circonstantielles et si elle réussit dans cette preuve peut-elle
imposer à l'autre partie de reprendre l'instance avec tous les
frais que cela implique? Est-ce qu'il faut refaire une déclaration,
repayer les timbres judiciaires, recommencer pour se retrouver exactement dans
le même état deux mois plus tard? (23 h 45)
M. Bédard: Si la preuve est très claire, à
savoir qu'il y a eu réconciliation, à ce moment, l'instance doit
être prise avec tout ce que cela implique.
M. Forget: Le seul fait que l'autre partie veuille continuer, il
me semble que s'il n'y a pas de réconciliation, je vois l'intention,
mais...
M. Bédard: Vous partez du principe qu'il y en a eu une. La
preuve doit être très claire, à savoir qu'il y en a eu
une.
M. Forget: S'il y a eu réconciliation, mais qu'il y a eu
changement d'idée dans le fond et que...
M. Bédard: II faudrait lire 550 en même temps. Cela
évite...
M. Forget: II faut donc qu'il y ait eu cohabitation pendant 90
jours.
M. Bédard: Pendant 90 jours; c'est la preuve que ça
fait quand même assez...
M. Lalande: Je suis peut-être un petit peu en retard
là-dessus, mais est-ce qu'il y a une possibilité de demande
reconventionnelle au niveau du divorce? Je pense à cela en même
temps. Est-ce qu'un époux peut demander, on n'a pas parlé de
litispendance et tout cela, mais est-ce qu'un époux, par rapport
à l'autre... Est-ce qu'il peut y avoir deux demandes et qu'elles soient
entendues conjointement?
M. Bédard: Je pense qu'en vertu des principes
généraux de la procédure civile il n'y aurait pas
d'obstacle à ce qu'il y ait une demande reconventionnelle de divorce. Je
pense que le nouvel esprit des dispositions que nous proposons va faire que les
demandes reconventionnelles seront beaucoup moins utiles qu'autrefois parce
qu'il y aura beaucoup de demandes conjointes, beaucoup de cas où les
deux époux finalement vont agir de concert. Mais s'il s'agit, par
exemple, de manquements graves, on peut imaginer effectivement, quand il s'agit
de faute, que l'un des époux contre-attaque par une demande
reconventionnelle. Ce n'est pas souhaitable. Ce n'est pas ce qui est
souhaité, mais...
M. Lalande:Il n'y a aucune prohibition selon laquelle... Non,
d'accord.
Le Président (M. Laberge): L'article 549 est-il
adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 550.
M. Bédard: 550, adopté.
Le Président (M. Laberge): L'article 550 est
adopté. Article 551.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, d'accord, allez-y pour
551.
Le Président (M. Laberge): Article 551, il s'agit de le
biffer et de donner les raisons.
M. Forget: M. le Président, je pense que c'est à ce
moment-ci que se pose la question qu'a soulevée le député
de Saint-Louis relativement au début des effets et à la
possibilité qu'il y ait un jugement provisoire et qu'il y ait un
jugement définitif; le problème qu'il a soulevé, je pense
qu'il est réel. Déjà je ne comprenais par pourquoi on
éliminait un article qui dit tout simplement que le jugement est fait au
moment où on ne peut plus aller en appel. C'est essentiellement ce que
cela dit. Là, on enlève cet article, mais cela pose tout le
problème de...
M. Bédard: II a été supprimé, parce
que c'était le principe général qu'un jugement a force de
chose jugée au moment où tous les délais d'appel sont
épuisés.
M. Lalande: J'imagine que les délais sont toujours de
trente jours. II y a toujours le mois d'après qui permet cette
sécurité-là?
M. Bédard: C'est cela.
M. Blank: Oui, mais qu'est-ce qui arriverait durant ce
mois-là?
M. Lalande: II ne peut pas aller en appel.
M. Blank: Non, mais le cas que j'ai soulevé et que le
ministre a pris en note, c'est sur la question où une personne utilise
les jugements... dans une autre juridiction. Elle peut se marier en ne sachant
pas que son conjoint, la femme ou le mari, est allé en appel. Il n'y a
aucune façon à la face même du jugement de dire si c'est un
jugement final ou provisoire.
M. Bédard: II y a bigamie.
M. Blank: Lui, il ne le sait pas.
M. Lalande: Est-ce qu'on ne peut pas présumer de...
M. Blank: Ce n'est pas de la bigamie, s'il n'est pas au
courant.
M. Lalande: Oui, mais l'officier qui va procéder à
un nouveau mariage devra utiliser la même précaution que n'importe
qui a à utiliser dans un jugement, c'est-à-dire s'assurer que les
délais d'appel sont écoulés avant de procéder au
mariage. Je pense que c'est...
M. Bédard: C'est la même chose pour l'annulation. La
situation n'est pas différente de ce qu'elle est actuellement en vertu
de la Loi fédérale sur le divorce.
M. Blank: Mais vous tenez pour acquis que tout le monde sait
qu'il y a trente jours pour aller en appel.
M. Lalande: L'officier de justice qui marie devrait en tout cas
le savoir.
M. Blank: Non, mais s'il se marie sous une autre juridiction?
Une voix: C'est cela.
M. Lalande: Dans une autre province?
M. Blank: Oui.
M. Lalande: Ce serait difficile de vous le dire.
M. Blank: Oui, c'est cela,
M. Bédard: II devra s'assurer s'il se marie que le premier
mariage est annulé; une des façons de le savoir, c'est que le
jugement...
Est-ce qu'on peut terminer? ... ait acquis cette force de chose
jugée. C'est une vérification que devra faire l'officier qui
procède à la célébration.
M. Blank: Si j'ai le nouveau projet de loi du Québec.
M. Bédard: Mais même si c'est ailleurs.
M. Blank: J'ai un divorce aujourd'hui. Je me rends dans un petit
village dans le nord de l'Alberta où, selon la loi, le maire peut me
marier ou le greffier, etc. Il me demande: Êtes-vous divorcé? Oui.
Avez-vous un jugement? Oui. Je traduis le jugement en anglais. Le mariage est
annulé à une telle date. Ce n'est pas tout le monde qui sait
qu'il y a trente jours pour aller en appel et ce ne sont pas tous ces gens qui
vont au bureau de l'avocat pour avoir une copie du jugement ou à la
cour. Le fonctionnaire ne dit pas que cela peut prendre trente jours pour
l'appel. Comment va-t-il le savoir? On doit être pratique. Donc,
maintenant, quand vous avez un jugement final, dans le jugement final, c'est
marqué que les délais d'appel sont expirés, que le
jugement est valide et final. C'est marqué dans le jugement.
M. Bédard: Ce que je peux dire, c'est que, malgré
la pratique fédérale actuelle qui prévoit un jugement
conditionnel et un jugement final, il y a beaucoup de gens qui croient que le
jugement conditionnel les libère, il y a un certain nombre de mariages
qui ont été célébrés après le
jugement conditionnel et avant le jugement final.
M. Blank: Oui, mais c'est indiqué sur le jugement que
c'est un jugement conditionnel. Une personne peut comprendre très
facilement que cela dit que c'est un jugement conditionnel. L'autre jugement
est marqué "jugement final". C'est la différence.
M. Lalande: Ce que le député de Saint-Louis
amène finalement, c'est que, d'accord, dans les règles
ordinaires, il y a le délai de 30 jours qui doit être
observé dans tout jugement. Pour qu'il soit exécutoire, par
exemple, dans une autre province, il faut attendre 30 jours. Comme il s'agit
d'un cas de mariage qui touche à la famille de façon plus
précise, peut-être qu'il y aurait lieu d'indiquer dans le jugement
que le jugement sera exécutoire dans 30 jours. Ce n'est pas plus malin
que cela.
M. Blank: Même là, ce ne serait pas assez parce que
peut-être, dans les 30 jours, est-on allé en appel.
Le Président (M. Laberge): Mme la députée de
L'Acadie, vous aviez une question?
Mme Lavoie-Roux: C'est pour intervenir entre les articles 551 et
552, M. le Président.
Le Président (M. Laberge): Entre l'un et l'autre, parfait.
Je retiens votre demande d'intervention.
M. Bédard: On pourrait peut-être vous demander sur
quoi.
Le Président (M. Laberge): On est à l'article
551.
M. Lalande: M. le ministre, si quelqu'un...
M. Bédard: J'ai peur de savoir, on va
ajourner, si ça continue. Il faudrait vider ce point, quitte
à ajourner après.
M. Lalande: Est-ce qu'on peut assimiler le fait qu'un officier de
l'état civil, par exemple, procède à un mariage, ou que
quelqu'un se marie pendant ces 30 jours, alors qu'il y a appel... Il n'y a pas
de présomption de fraude à la loi, finalement, parce qu'en vertu
du principe que personne n'est censé ignorer la loi...
M. Blank: Pas de mariage, pas de bigamie.
M. Marx: M. le Président, je pense qu'il faut revoir
l'idée d'avoir un jugement conditionnel et un jugement final. La
question a été soulevée, il y a quelques heures. Aussi,
dans la loi fédérale sur le divorce, il y a...
M. Bédard: L'Office de révision du Code civil a
analysé la loi fédérale sur le divorce et en arrive
à la conclusion que nous évoquons dans ce qui est traduit par la
décision que nous prenons. On pourrait peut-être poursuivre demain
là-dessus.
M. Marx: Vous aurez le temps de réfléchir toute la
nuit sur cela.
M. Bédard: Ce n'est jamais mauvais. Je vous promets de
réfléchir toute la nuit.
Le Président (M. Laberge): Sur ce, mesdames et messieurs,
la commission parlementaire de la justice ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 23 h 55)