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Version finale

31e législature, 6e session
(5 novembre 1980 au 12 mars 1981)

Le jeudi 18 décembre 1980 - Vol. 23 N° 29

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 89 - Loi instituant un nouveau Code civil et portant réforme du droit de la famille


Journal des débats

 

(Douze heures quatre minutes)

Le Président (M. Laberge): À l'ordre, mesdames et messieurs!

La commission parlementaire de la justice reprend ses travaux, soit l'étude article par article du projet de loi no 89, Loi instituant un nouveau Code civil et portant réforme du droit de la famille.

Les membres de la commission sont: M. Bédard (Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M.

Charbonneau (Verchères), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Forget (Saint-Laurent), M. Guay (Taschereau), Mme LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine) remplacée par M. Gosselin (Sherbrooke), M. Marquis (Matapédia).

Sont inscrits à titre d'intervenants: M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Desbiens (Dubuc), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys) remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski) et M. Pagé (Portneuf) remplacé par M. Marx (D'Arcy McGee). Le rapporteur est Mme LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine).

Mme Lavoie-Roux: Elle va avoir de la misère à rapporter!

Etude des articles suspendus (suite)

Le Président (M. Laberge): Lorsque nous avons suspendu nos travaux, quelques articles étaient restés en suspens. Si vous êtes d'accord, nous pourrions commencer par l'article 412 qui avait été ouvert pour un complément de rédaction.

M. Bédard: M. le Président, comme vous vous en rappelez, nous nous étions entendus sur un point, à savoir que lors de la publication ou de la demande de dispense les époux doivent être informés de l'opportunité d'un examen médical prénuptial. Nous nous demandions à quel article le greffer. Je crois que c'est à l'article 412 que ce point aurait sa place.

Le Président (M. Laberge): À l'article 412 on nous demande d'ajouter l'alinéa suivant: "Au moment de la publication ou de la demande de dispense les époux doivent être informés de l'opportunité d'un examen médical prénuptial". Est-ce que cet amendement à l'article 412 sera adopté?

M. Bédard: Adopté. M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): L'amendement est adopté. L'article 412 est adopté avec amendement. Cela va. J'attends une suggestion pour passer au prochain article.

M. Bédard: II y a une question, je pense, à l'article 632 ou 633.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: J'avais eu un consentement ou une approbation du président pour qu'on puisse, même s'il a été adopté, revenir à l'article 631. À moins que le ministre ait des objections majeures...

M. Bédard: Je pense qu'on s'entend, on n'est pas pour recommencer toute la discussion.

Mme Lavoie-Roux: Non, c'est juste un point que j'avais déjà soulevé et je pense que j'ai peut-être ici une réponse qui aura plus de poids que mes propres impressions. "Le tribunal ordonne, même d'office... Vous vous rappelez que nous avions eu une assez longue discussion à savoir si ça obligeait le tribunal ou si ça laissait une latitude au tribunal d'ordonner ou pas.

J'ai ici, dans "Les nouvelles du Barreau" de la section du Québec, octobre 1980, un avis qui est le suivant: - si vous me le permettez, M. le Président, je le lirai - "Certaines personnes - c'est une partie parce que la première partie de l'avis de M. Sirois fait allusion justement au jugement du juge Chevalier et nous en avions parlé à ce moment; alors, je vais lire uniquement ce qui s'applique à "le tribunal ordonne, même d'office..." - interprètent les mots "le tribunal ordonne, même d'office" comme étant mandatoires pour le tribunal et octroyant, après le 1er août 1980, à toute

pension qui est accordée le droit automatique à l'indexation selon l'indice établi par la Régie des rentes du Québec. Cette interprétation est mise en doute par plusieurs juristes et les avocats n'ont pas d'autre choix que d'agir avec grande prudence. "Si l'on se réfère aux articles 49 et suivants de la loi d'interprétation, nous pouvons constater qu'une loi peut, dans son texte, employer un temps présent sous différentes formes. Elle peut employer le présent ou déterminer par un verbe le pouvoir ou le devoir de faire une chose. Le texte ne dit pas: "Le tribunal doit ordonner, même d'office, que les aliments payables sous forme de pension soient indexés", le texte de loi ne dit pas non plus que "le tribunal ordonne d'office que les aliments...", le texte de loi dit que "le tribunal ordonne, même d'office...". Plusieurs sont portés à croire que le tribunal, dans ce cas, ordonne l'indexation quand on le lui demande. De plus, si on ne lui demande pas, s'il le juge à propos, il peut prendre la décision d'office d'indexer. Ce "même d'office" lui laisse une discrétion d'application."

C'était en fait le problème que j'avais soulevé, à savoir que, selon certaines interprétations, ceci ne créait pas une obligation pour le tribunal d'indexer. Alors, est-ce qu'il y aurait lieu de faire une correction? Évidemment, il y a toujours la restriction "... à moins que la situation des parties ne justifie la fixation d'un autre indice", ce qui, je pense, est une sécurité pour justement tenir compte des situations. Dire que, d'une façon générale, le tribunal doit ordonner que les aliments payables... Enfin, je ne voudrais pas faire la correction, parce que je pense que ça revient aux juristes d'en proposer une, s'il y a lieu.

Le Président (M. Laberge): Merci, Mme la députée. M. le ministre.

M. Bédard: Peut-être une explication technique, dans un premier temps. Il est clair que l'intention qu'on recherche c'est une obligation du tribunal d'ordonner et dans tous les articles - parce qu'il faut quand même y aller avec prudence - où on emploie la formule "le tribunal ordonne", c'est une formule impérative. Même si on arrivait à faire un changement, il ne faudrait pas que cela ait pour effet de changer l'appréciation qui pourrait être faite de la formule que nous utilisons dans les autres articles. Maintenant, nos juristes...

Peut-être au moins pour que ce soit une chose inscrite au débat et claire, c'est une opinion. Il y en a une autre qui a été émise à savoir que le caractère impératif découle de la formulation de l'article 631 ou de l'article 169.1 du Code civil découlant du projet de loi no 183. Je pense que là-dessus, quant à nous, nous maintenons le caractère impératif de l'article 169.1 sous la réserve: À moins que le tribunal n'en décide autrement. Il n'y a pas, d'autre part, non plus de connaissance de jugements qui sont venus établir que cela n'avait pas un caractère impératif. Par ailleurs, s'il y a discussion entre juristes et que les choses paraîtraient plus claires en mettant "doit ordonner", M. le ministre pourrait peut-être... Je n'ai pas d'objection, mais à condition qu'on m'assure que ceci n'aura pas un effet d'interprétation sur les articles où on emploie l'expression "le juge ordonne" si, à un moment donné, on change la formule et dans d'autres articles du Code civil des juristes commencent à soulever le fait que, lorsqu'on emploie l'expression "le juge ordonne", ce n'est pas impératif en prenant comme référence et comme appui à leur argumentation que c'est impératif lorsqu'on le dit expressément "doit ordonner". Là pour corriger une chose, on peut, à un moment donné, insécuriser. Je veux être sûr qu'on n'insécurise pas d'autres articles qu'on pourrait avoir intérêt à contester.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, encore une fois je demande l'opinion des juristes là-dessus. Est-ce que la confusion possible ou la latitude d'interprétation possible ne vient pas des mots "même d'office" et non pas des mots "le tribunal ordonne"? D'après l'opinion qui est émise là, la confusion ne peut-elle pas se créer à partir du terme "ordonne même d'office"?

M. Bédard: J'ai peut-être une autre solution qui pourrait concilier les craintes du ministre et vos préoccupations, ce serait de dire: Le tribunal ordonne à la demande du créancier ou d'office. À ce moment, je pense que le tribunal n'a plus le choix. De deux choses l'une, ou il y a une demande du créancier, ou il doit le faire d'office. Comme ça on garderait le caractère impératif du présent de l'indicatif.

Je pense que cela clarifie et cela sécurise.

Le Président (M. Laberge): Après le mot "ordonne", on laisse la virgule. Il faudrait d'abord commencer par dire que l'article 631, malgré son adoption, est ouvert. Je vais l'écrire si on me le répète, si vous en faites une motion.

M. Bédard: Le tribunal ordonne, à la demande du créancier ou d'office...

Avant d'y aller avec la formulation, moi j'ai une interrogation. Est-ce que, si on emploie cette expression, ceci pourrait créer la situation suivante? Si le créancier ne le demande pas, le juge peut d'office ne pas l'ordonner. Il peut d'office l'ordonner, mais il peut d'office ne pas l'ordonner.

Je pense qu'il n'a pas le choix.

(12 h 15)

M. Forget: M. le Président, est-ce que la formulation pourrait se faire de la façon suivante: Le tribunal ordonne, à la demande d'un des conjoints ou d'une des parties, ou à défaut d'une telle demande, d'office.

M. Bédard: L'indexation sera demandée par le créancier...

M. Forget: Oui, c'est ça, par le créancier ou par une des parties. Enfin, ça revient au même, de toute manière. Mais c'est plutôt que de dire simplement "ou", de dire "à défaut de ".

M. Bédard: C'est l'interroqation que je me posais aussi.

M. Forget: Ah bon!

M. Bédard: Si on emploie cette expression-là, est-ce qu'on peut se retrouver dans la situation que lorsque le créancier ne le demande pas, on donne l'impression qu'on laisse une discrétion au juge sur le fait.

Mme Lavoie-Roux: C'est ça.

M. Forget: En disant "à défaut" ça tend à suggérer que si ce n'est pas demandé c'est d'office.

M. Bédard: Alors on serait peut-être aussi bien de dire: Le tribunal ordonne que les aliments payables sous forme de.

M. Forget: Oui, peut-être.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Forget: On peut le supprimer.

Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est ça, enlever même "d'office."

M. Bédard: On va se donner un petit peu de temps. C'est là qu'on voit jusqu'à quel point il faut y aller avec beaucoup de prudence...

Mme Lavoie-Roux: Alors on le laisse en suspens. D'accord.

M. Bédard: Nous avons une formule un peu plus longue. Ce serait: À la demande du créancier, ou à défaut d'une telle demande ou d'office à défaut d'une telle demande. On ferait le dessin complet. Ce sera un peu plus long, mais je crois que si on dit "À défaut d'une telle demande, d'office, ou d'office à défaut d'une telle demande..."

Mme Lavoie-Roux: Ordonne...

M. Bédard: Ordonne. Oui, enfin ordonne est avant. Suspendons quelques minutes et nous reviendrons tout à l'heure.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

Le Président (M. Laberge): J'ai considéré ces propositions comme étant des suggestions. L'article 631 est ouvert pour le moment à la demande des membres de la commission. Est-ce qu'on passe aux articles 632 ou 633?

M. Bédard: II y avait les articles 632 et 633. À l'article 632, une explication supplémentaire avait été demandée et nous allons la fournir. En fait, on nous avait demandé de quelle manière cela s'exécutait pour le créancier, soit sur les meubles ou sur les immeubles. L'article 572 du Code de procédure civile laisse le choix au créancier d'exécuter soit sur les meubles soit sur les immeubles. Mais la règle que ça pose c'est de dire que s'il exécute à la fois sur les meubles et les immeubles, il doit d'abord discuter les meubles avant d'agir sur l'immeuble.

M. Forget: Quel genre de sûreté envisage-t-on au-delà de l'hypothèque judiciaire?

M. Bédard: Ça dépend de quelle autre sûreté on vise. Ici, je pense que le concept qui est visé est très large. Si c'est par voie d'assurance, par exemple, ça se fera par voie d'indication dans l'assurance d'un bénéficiaire qu'on appelle un bénéficiaire un peu contre valeur, selon son intérêt, c'est-à-dire dans la mesure de l'intérêt qu'il a. Un peu comme dans le genre d'assurances qui couvre la dette hypothécaire en faveur d'un créancier, donc, il y a une possibilité de désignation si on pense aux modes d'assurances. Il faut presque les prendre un par un. Je n'ose pas penser au gage tel qu'on le connaît, avec des possessions, qui pourrait être une de ces formes. Cela peut être des garanties constituées entre les mains d'un fiduciaire par voie, par exemple, des obligations ou des actions de compagnies qui seraient, selon une entente, évidemment, déposées entre les mains des bénéficiaires pour le bénéfice éventuel du créancier. Donc, on tombe dans les modes très diversifiés qui permettent d'assurer la protection du créancier des aliments. Ce sont des modes qui sont, dans le monde des affaires, très développés et très connus. Il y a beaucoup de modes de sûreté qui sont applicables, qui peuvent l'être. Cela va?

M. Forget: Oui, pas de problème.

Le Président (M. Laberge): C'est l'article 632.

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 632 est adopté sans aucun amendement.

M. Bédard: À l'article 633, nous avons un petit amendement.

Le Président (M. Laberge): À l'article 633, on nous suggère, on nous demande d'insérer entre le mot "peut" et les mots "être dispensé", ce qui suit: ", si les circonstances s'y prêtent,".

Mme Lavoie-Roux: M. le Président..

Le Président (M. Laberge): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: ...la discussion qu'on avait eue sur cet article - on me corrigera si je fais erreur - n'était-elle pas de le limiter en cas d'enfants...

M. Forget: En ligne directe.

Mme Lavoie-Roux: ...en ligne directe?

M. Forget: Si je comprends bien, cela vise les pensions alimentaires entre conjoints même dans des cas autres que le divorce et la séparation de corps.

M. Bédard: Ce sont tous les aliments possibles.

M. Forget: Même entre époux non séparés et non divorcés?

M. Bédard: Oui, cela pourrait même s'appliquer en ligne directe.

M. Blank: ...up and down. C'est plus plausible dans le cas d'une mère ou d'un père que d'une femme.

M. Forget: Oui, c'est sûr que c'est plus plausible.

M. Bédard: II faut quand même garder cela ouvert parce que...

M. Blank: Non, non, je dis que cela couvre tout le territoire, pas seulement la femme et les enfants.

M. Bédard: Oui, d'accord.

M. Blank: Normalement, je ne trouverais pas cela pratique quant aux femmes et aux enfants parfois, mais pour la mère, la belle-mère, le grand-père ou guelque chose comme cela, cela peut être raisonnable.

M. Forget: Mais serait-ce raisonnable au point d'exclure entre conjoints? Je ne le pense pas.

M. Blank: Non, non. C'est ouvert ici. Cela couvre tous les cas.

M. Forget: Oui, mais c'était le problème qui était soulevé.

M. Blank: Mais si je le lis bien, "le juge peut". Il pense selon la séparation, la circonstance qu'il y aura des chicanes si la femme vient avec les enfants à la maison du mari. Il ne faudrait pas. C'est pour cette raison qu'il y a le mot "peut".

M. Forget: Dans le fond, M. le Président, on se retrouve, par le biais de cet article, à avoir une espèce de séparation judiciaire qui n'en est pas une. Prenons le cas de conjoints entre lesquels se pose un problème de pension alimentaire, alors qu'ils ne sont ni divorcés ni séparés judiciairement. Ils sont séparés de fait. Le créancier de la pension alimentaire demande judiciairement une pension alimentaire. Le débiteur oppose à cette demande: Qu'il revienne vivre avec moi. Et en jugeant si les circonstances s'y prêtent ou non, le tribunal...

M. Bédard: Peut décider.

M. Forget: ...en jugeant sur la pension alimentaire, va effectivement créer une espèce de tiers régime qui n'est ni le divorce ni la séparation de corps, mais qui est le refus d'accepter ce moyen de défense pour s'opposer au versement d'une pension alimentaire. Il y a un troisième régime en quelque sorte, ce qui est la mise en échec de la défense de cohabitation lorsqu'on fait une demande d'un créancier possible pour pension alimentaire, on fait la demande.

On n'en fait pas nécessairement découler les conséquences du chapitre sur la séparation de corps. Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir un renvoi dans ce cas-là? Dans ce cas-là, on a exactement une séparation de corps, sauf que c'est implicite. Est-ce que ce n'est pas source de confusion?

M. Bédard: On peut poursuivre la discussion. On avait présent à l'esprit un autre cas en ligne directe, à un moment donné.

M. Forget: En ligne directe, on n'a pas d'objection.

M. Bédard: L'enfant peut être marié, mais avoir le droit de réclamer des aliments. Le débiteur des aliments ne peut quand même pas offrir, comme moyen de compenser les aliments, que la personne retourne au domicile.

M. Forget: En ligne directe, je pense que l'article est bien rédigé. Avec l'amendement, il l'est encore mieux. Mais disons que le problème ne se pose pas là. Le problème se pose lorsque cela intervient entre conjoints. Dans le fond, la façon dont le tribunal va trancher l'application de l'article 633 va être l'équivalent de prononcer un jugement en séparation de corps, mais sans le dire.

M. Bédard: C'est-à-dire que ce ne sera pas l'équivalent du prononcé d'un jugement. Cela va être le respect d'une situation de fait qui, lorsqu'on analyse les circonstances, amène nécessairement à conclure que... On ne peut quand même pas donner suite.

Il y a une jurisprudence récente, un jugement tout récent de l'année, des deux dernières années, dans le cas d'époux séparés de fait, donc non judiciairement, où des aliments ont été accordés, dans la mesure où ces époux, étant séparés de fait, avaient des motifs qu'ils auraient pu invoquer, mais qu'ils n'avaient pas invoqués pour obtenir effectivement une séparation de corps.

M. Forget: Mais sans en prononcer les conséquences.

M. Bédard: Mais sans en prononcer, comme vous l'avez indiqué, les conséquences. Dans un cas semblable, il y a quelques jugements. Il y en a un encore tout récent des deux dernières années que j'ai vu, en faisant le texte. Ce sont des situations extrêmement particulières où les circonstances de fait jouent un rôle déterminant.

M. Blank: ... cela veut dire que la cour a déjà rendu des jugements semblables. Est-ce que c'est nécessaire d'avoir cet article? Il n'y a rien dans l'ancien code.

M. Bédard: Les aliments ne sont pas dus qu'entre époux. Le problème, c'est que l'obligation alimentaire existe aussi, on l'a dit, en ligne directe. Il y a peut-être plus d'application à l'article 633 en ligne directe, encore qu'on ne puisse pas appliquer non plus l'article 633 dans tous les cas en ligne directe, parce que, là aussi, il y a des circonstances, comme on vient d'en évoquer une. Un père doit peut-être des aliments à son fils, mais son fils est déjà marié, a cinq enfants et il n'est pas question que son fils vienne habiter avec les cinq enfants dans la maison paternelle. Il n'y aurait pas d'application dans cette hypothèse peut-être...

On peut peut-être ajouter que... Cela reconduit un peu le principe de l'article 171 actuel du Code civil, en le modernisant. Mais aussi, en matière de séparation de corps et de divorce, il reste quand même qu'au niveau des mesures provisoires, on a l'article 543 qui délie l'obligation de vie commune et qui ordonne à des parties de quitter la résidence familiale. Donc, à ce moment-là, cela rend complètement inapplicable l'article 633, dans cette hypothèse, sans qu'on ait besoin de le préciser.

M. Forget: Oui. C'est sûr que, s'il y a déjà une séparation de corps, la défense qui est suggérée à l'article 633 ne s'applique pas. Mais c'est plutôt dans le cas inverse où il n'y a pas de séparation de corps. Et le fait même de décider de l'application de l'article 633 met les parties dans une situation, après jugement, comme si elles étaient judiciairement séparées de corps, mais elles ne le sont pas, en même temps. C'est un régime très particulier qui illustre, dans le fond, tout le problème du nouveau contexte de la séparation de corps, peut-être aussi dans un régime où le divorce est accepté et légalisé. Il y a déjà ce moyen de se séparer de corps. (12 h 30)

Dans le fond, à l'article 633, c'est une séparation de corps d'un type particulier, sans toutes les conséquences, avec seulement une partie des conséquences de la séparation de corps. Il y a le régime complet de la séparation de corps sur lequel on a tout un chapitre et il y a le divorce, qui est maintenant plus accessible, dans un certain sens.

Alors, on peut se demander si la séparation de corps classique, avec tous les articles, cela demeure un régime pertinent, parce qu'il y a ce moyen beaucoup plus facile de l'article 633. Les conjoints cessent de faire vie commune. Celui qui est en situation de requérir des aliments les requiert et on se borne à faire cela.

M. Bédard: Sauf qu'on n'a pas les effets d'une séparation de corps.

M. Forget: Mais ceux qui veulent les effets, dans le fond...

M. Bédard: Et il y a tellement de différence...

M. Forget: Étant donné les clauses qui enclenchent le divorce, dans le fond, cela devient un régime mitoyen, la séparation de corps, pour lequel il n'y aurait peut-être plus beaucoup de justification. Je n'ai rien d'autre à ajouter, M. le Président. Je fais simplement ressortir les implications de ce que nous adoptons ici. Je pense que si on avait à se poser des questions...

M. Bédard: Est-ce qu'on peut se donner un délai? Il est 12 heures 30. On peut donner à nos juristes le délai nécessaire pour évaluer ces représentations.

M. Forget: Oui, sûrement.

Le Président (M. Laberge): Alors, on le laisse ouvert?

M. Forget: Oui, c'est cela. Mme Lavoie-Roux: D'accord.

Le Président (M. Laberge): L'article 633, on le laisse ouvert. L'article 633 demeure suspendu. Ensuite, on avait l'article 637.

M. Blank: Avant qu'on arrive là, à l'article 634, la version anglaise, au deuxième alinéa, dit: "The debtor is prosecuted or impleaded". Le mot "prosecuted", en anglais, est plus criminel que civil.

M. Bédard: Ils pourront le remplacer par "sued".

M. Blank: "Sued".

Le Président (M. Laberge): C'est inscrit au journal des Débats.

M. Bédard: D'accord. Avant de suspendre nos travaux, il y aurait peut-être lieu de faire la correction à l'article 637.

Le Président (M. Laberge): À l'article 637, mesdames, messieurs, qu'on avait laissé ouvert, on nous suggère de remplacer le deuxième alinéa par le suivant: "Cependant, ces aliments ne peuvent être alors accordés, pour une période d'au plus douze mois, que si le créancier s'est trouvé, en fait, dans l'impossibilité d'agir plus tôt ou qu'à compter du jour où le débiteur avait été mis en demeure."

M. Bédard: Cela va, M. le Président. Le Président (M. Laberge): Cela va?

M. Forget: Cela va, je pense gu'on a fait assez de discussions là.

Le Président (M. Laberge): Deuxième alinéa nouveau de l'article 637, adopté? Adopté. L'article 637, modifié ou amendé, sera-t-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté avec amendement.

M. Bédard: À l'article 633, il me semble qu'il n'y a pas d'autres amendements à apporter et que cela couvre les situations.

Mme Lavoie-Roux: Non, c'est bon.

M. Forget: Non, il n'y a pas d'autres amendements à apporter. C'était simplement...

M. Bédard: Alors, on pourrait peut-être l'adopter.

M. Forget: C'est cela. Comme je l'ai indiqué, c'était simplement pour nous faire réaliser les conséquences de ce que nous étions en train d'adopter. Je n'ai pas d'objection.

M. Bédard: Les conséquences ayant été analysées, l'article couvre...

Le Président (M. Laberge): À l'article 633, la modification consiste à insérer, entre le mot "peut" et les mots "être dispensé", ce qui suit: "si les circonstances s'y prêtent,". Est-ce que cet amendement sera adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 633 amendé, adopté.

M. Bédard: De consentement mutuel, il semble que nous serions d'accord pour suspendre nos travaux jusqu'à 14 heures.

M. Forget: 14 heures. Mme Lavoie-Roux: 15 heures. M. Forget: Enfin, 14 h 30. M. Bédard: 14 h 30.

M. Forget: On n'a pas été dans nos bureaux beaucoup.

M. Bédard: Je m'excuse, c'est parce que c'est jeudi. On perd la notion du temps. Est-ce que c'est 15 heures normalement?

Mme Lavoie-Roux: D'habitude, on finit à 13 heures et on recommence à 15 heures.

M. Forget: Là, on finirait à 12 h 30 et on recommencerait à 15 heures.

Mme Lavoie-Roux: 15 heures.

Le Président (M. Laberge): Sur consentement des membres de la commission, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 35)

(Reprise de la séance à 15 h 15)

Le Président (M. Laberge): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de la justice reprend ses travaux sur l'étude article par article du projet de loi no 89.

Avant la suspension des travaux, nous avions adopté l'article 637. 631 de l'article no 1 du projet de loi est suspendu et, si vous le voulez, nous allons passer à l'article 641.

M. Bédard: Ne reste-t-il pas quelque chose à 532?

C'est le 531 qui est resté ouvert.

Le Président (M. Laberge): Ce sont les articles 631 et 641 qui sont ouverts. Oui, 647. J'appelle l'article 631.

M. Bédard: Ah bon. À l'article 631 nous aurions une formulation...

Bien la plus sûre et la plus longue. Elle est très inélégante, mais au moins elle ferme toutes les portes, c'est-à-dire "à la demande du créancier ou, à défaut d'une telle demande, d'office,". Cela fait beaucoup de virgules, mais...

Pour le journal des Débats, tout en maintenant la position de fond telle que libellée, quand on emploie l'expression "ordonne", à ce moment-là c'est impératif.

Le Président (M. Laberge): J'aimerais qu'on porte à mon attention...

M. Forget: D'accord. Peut-être qu'on peut la relire pour que tous nos collègues l'entendent bien.

M. Bédard: L'article 631 se lirait comme suit...

Mme Lavoie-Roux: L'article 631 m'intéresse.

M. Bédard: Tous les articles vous intéressent.

Mme Lavoie-Roux: Je veux voir ce que c'est.

M. Bédard: "Le tribunal ordonne, à la demande du créancier ou, à défaut d'une telle demande, d'office,"; c'est lourd, mais le dessein est entier, je pense qu'il n'y a plus aucune possibilité...

C'est une suggestion, mais si on disait: À la demande du créancier ou d'office, si ce dernier n'en fait pas la demande. "...d'office, à défaut d'une telle demande,".

Oui. Il me semble que ça se rattache au dernier point.

On va l'écrire, pour ensuite en discuter.

Mme Lavoie-Roux: J'ai bien compris ce qu'il a dit parce qu'il nous l'avait déjà dit ce matin.

M. Bédard: Je vais suggérer: "À la demande du créancier ou d'office, à défaut d'une telle demande," etc.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, ce n'est pas sur les virgules que j'en ai.

M. Bédard: Nous non plus.

Mme Lavoie-Roux: Je comprends qu'elles sont fort importantes quand on met ces deux membres de phrase. Je voudrais qu'on m'explique pourquoi on ne peut pas simplement dire: "Le tribunal ordonne que les aliments payables sous forme de pension soient indexés"? Pourquoi faut-il amener "la créancière" et "à défaut du créancier"?

M. Bédard: La crainte qu'on a, si elle est fondée, est la suivante. Le tribunal généralement n'ordonne de choses que sur demande; autrement, il est ultra petita, au-delà de la demande. Pour éviter qu'il ne soit pris dans cette situation, on prévoit qu'il peut d'office lui-même décider, même en l'absence de demande. C'est pour prévoir ce cas. Ce n'est pas que le mot "ordonne" n'a pas toute sa force quand il y a une demande, c'est quand il n'y a pas de demande de la part du créancier.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, si j'ai bien entendu les explications de Me Guy, il a dit que même en l'absence d'une demande le tribunal peut indexer. C'est cela que vous avez dit? Vous avez dit le mot "peut".

M. Bédard: Je n'ai pas dit le mot "peut", j'ai dit "ordonne d'office".

Mme Lavoie-Roux: Vous avez dit "peut". On lira...

M. Bédard: Si j'ai dit "peut", c'est "ordonne d'office".

Mme Lavoie-Roux: Ce que je veux savoir c'est ceci. Si le créancier ne le demande pas, est-ce que cela va être automatique, sauf la réserve qui est en fin d'alinéa, que le tribunal va indexer les aliments payables?

M. Blank: Pas nécessairement.

Mme Lavoie-Roux: Bon. Je ne peux pas discuter tout cela si c'est la même chose.

M. Bédard: Dans la rédaction qu'on a proposée, il n'y a pas de problème.

Mme Lavoie-Roux: Non, non, j'admets la réserve.

M. Blank: Mais prenons le cas d'un créancier qui ne le demande pas. Si le juge l'oublie ou ne pense pas de le donner, dans le jugement, ce n'est pas mentionné, c'est fini.

M. Bédard: Je veux faire remarquer que j'ai justement souligné ce point ce matin, c'est pour cela que nous avons suspendu, pour trouver une formulation qui puisse corriger cela.

M. Blank: Oui, mais cette formulation n'est pas meilleure.

M. Bédard: C'est votre opinion.

M. Forget: Oui, mais à ce moment-là, c'est une cause d'appel.

M. Bédard: Mais le fait est que si on met "doit", il peut l'oublier quand même.

M. Forget: Même si on dit qu'il est obligé, s'il l'oublie, qu'est-ce qui arrive?

M. Bédard: Inscrivons: Ne doit pas oublier de.

M. Forget: Bien oui!

M. Bédard: Encore là, s'il l'oublie, on n'est pas protégé.

Mme Lavoie-Roux: Je suis d'accord avec vous sur l'oubli, mais très sérieusement, ma préoccupation est que...

M. Bédard: On a la même.

Mme Lavoie-Roux: Si on a la même, on devrait arriver au même résultat. Je ne veux pas que ça demeure... Mettons de côté l'oubli; quant à cela, le juge peut bien oublier de se rendre au tribunal, aussi: Sérieusement, je ne veux pas laisser d'ouverture pour que le tribunal n'ordonne pas l'indexation des aliments, à moins que le monsieur soit sans emploi ou que l'autre conjoint soit sans emploi et qu'il ne puisse pas les indexer.

M. Bédard: Ce que nous disent nos juristes, c'est que la formulation qu'ils viennent de nous soumettre, selon leurs convictions, répond à ce besoin de sécurité que vous avez et que nous avons tous, comme membres de la commission parlementaire, qu'il soit très clair pour le tribunal qu'il doit ordonner.

Mme Lavoie-Roux: Alors, on peut interpréter que si le créancier ne demande pas une indexation, le tribunal doit indexer les aliments sauf, évidemment, si la situation financière a été modifiée à la baisse.

M. Bédard: Qu'il y ait demande ou pas. C'est ce que ça veut dire, l'expression qu'il y ait demande ou pas. C'est notre point de vue, qu'il y ait demande ou pas. Qu'il y ait demande ou pas, le juge sera obligé.

Mme Lavoie-Roux: Qu'il y ait demande ou pas.

M. Bédard: Qu'il y ait demande ou pas.

Mme Lavoie-Roux: C'est automatique, sauf avec la réserve de la fin.

M. Bédard: Avec la réserve de la fin et sous réserve que le juge oublie.. Comme vous l'avez mentionné. On pourrait l'inscrire à tous les articles.

Si le juge oublie, je pense que ce n'est pas tout à fait sans remède à cause de l'article 475.

Ou sous réserve qu'il se trompe dans l'interprétation.

À cause de l'article 475 du Code de procédure où on dit qu'un jugement peut être rectifié par le juge ou par le protonotaire qui l'a rendu et qui, par suite d'une inadvertance manifeste, accorde plus qu'il n'était demandé - c'est l'ultra petita - ou omet de prononcer sur une partie de la demande. Dès lors que le juge a une obligation de se prononcer d'office, cela fait partie implicitement de la demande. Donc, s'il a oublié, je pense que cela pourra être rectifié par la suite. Ce n'est pas sans remède.

Le Président (M. Laberge): Je vous reviens avec la rédaction de l'article 631; pour la bonne compréhension, je vais le lire une dernière fois. "Article 631. Le tribunal ordonne, à la demande du créancier, ou, à défaut d'une telle demande, d'office, que les aliments payables sous forme de pension soient indexés suivant l'indice annuel des rentes établi conformément à l'article 119 de la Loi sur le Régime de rentes du Québec, chapitre R-9, à moins que la situation des parties ne justifie la fixation d'un autre indice". Ce serait la rédaction finale.

Est-ce que le dernier amendement sera adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. L'article 631 tel qu'amendé est-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Maintenant, l'article 641.

M. Bédard: M. le Président, à l'article 641, nos conseillers croient qu'on devrait maintenir le texte du projet tel qu'il

est.

Je sais qu'on avait eu une discussion en vue d'ajouter un article qui se retrouve au niveau de la Loi sur la protection de la jeunesse. Les motifs militant en faveur de garder le texte tel qu'il apparaît au projet sont, premièrement, les notions de sécurité et de développement de l'enfant sont nécessairement incluses dans les droits et devoirs de garde. Deuxièmement, l'autorité parentale n'est pas un privilège, mais une fonction; dès lors, la déchéance peut survenir s'il y a abus dans l'exercice. Troisièmement, les faits décrits à l'article 38 de la Loi sur la protection de la jeunesse, s'ils sont établis à l'égard du titulaire de l'autorité parentale, pourraient entraîner déchéance.

Il en serait ainsi si les parents ne s'occupent plus de l'enfant ou cherchent à s'en défaire, si les parents le maintiennent dans un isolement néfaste à son développement mental ou émotif, s'il est victime d'abus sexuels ou soumis à de mauvais traitements physiques, etc., tel qu'on peut le voir à l'article 38 de la Loi sur la protection de la jeunesse.

On peut peut-être en discuter encore; si ça ne répond pas à la préoccupation, il y a peut-être des questions. Mais il me semble que ça va de soi.

M. Forget: M. le Président, je ne veux pas faire le même débat pour la troisième fois. J'ai déjà soulevé toute cette question à l'occasion du débat sur cet article et sur d'autres articles. Je crois qu'il aurait dû entrer dans les objectifs d'une révision du Code civil, vis-à-vis de cet élément particulièrement important du droit statutaire qui affecte les parents, les enfants et leurs relations réciproques, il aurait dû être dans l'objectif de la révision d'intégrer cette partie du droit statutaire soit dans le Code civil, soit dans le Code de procédure civile, au moins dans une très large mesure.

Je pense qu'on l'a fait pour la Loi sur l'adoption, bravo. Je crois que c'est une question de philosophie ou d'approche générale dans la révision des lois et dans l'intégration au Code civil du droit statutaire.

Le ministre a indiqué, pour sa part, qu'il n'acceptait pas ce principe de façon générale, quoiqu'il puisse faire des exceptions. Les arguments particuliers qu'il vient de nous donner, à mon avis, pourraient également être interprétés comme autant d'arguments en faveur d'une intégration plutôt que des arguments en faveur d'un traitement séparé. Mais je pense que, là-dessus, j'ai fait abondamment part de mes propres convictions. Le ministre aussi a eu l'occasion de développer ses arguments.

Je pense qu'à ce moment-ci, on n'ajoutera pas grand chose au débat, à moins que le ministre n'indique qu'il est encore en train d'y réfléchir et pourrait être susceptible de modifier son attitude là-dessus. C'est peut-être aussi bien, si ce n'est pas le cas, de trancher tout simplement.

M. Bédard: Je suis d'accord avec certains propos du député de Saint-Laurent; je ne veux pas recommencer l'argumentation non plus. Je pense que j'ai eu l'occasion de dire que si nous n'avons pas reproduit textuellement tous les articles qui sont contenus dans le rapport de l'Office de révision du Code civil, sous ce chapitre, nous avons reproduit tous les grands principes de ces articles à travers d'autres et je pense que l'essentiel de tous les grands principes se retrouve à l'intérieur de ce projet, même si on n'y retrouve pas, textuellement, un chapitre précis, comme c'était le cas dans le rapport de l'Office de révision du Code civil. (15 h 30)

Le Président (M. Laberge): C'est 641.

M. Bédard: Je ne veux pas recommencer l'argumentation. Comme le député de Saint-Laurent l'a dit...

M. Forget: Le ministre a développé son argumentation. Je pense qu'il l'a étalée, moi aussi. Écoutez, nous sommes prêts à adopter sur division l'article en question.

Le Président (M. Laberge): Article 641, sans modification, adopté sur division.

Article 647. On porte à votre attention un amendement. Je porte à votre attention que l'article 647 avait été modifié à deux reprises, c'est-à-dire qu'il y avait eu des amendements suggérés, mais là, il y a une nouvelle rédaction qui est portée à notre attention; donc, nous oublions l'ancien article et les amendements et nous prenons le suivant. Remplacer l'article par le suivant. "647: En cas de difficulté relative à l'exercice de l'autorité parentale, le titulaire de l'autorité parentale peut saisir le tribunal qui statuera dans l'intérêt de l'enfant, après avoir favorisé la conciliation des parties".

M. Bédard: C'est tout simplement que dans un premier texte on référait seulement à l'autorité parentale, père et mère, or cela peut être une autre personne et c'est pour cela que je crois qu'il est nécessaire d'employer l'expression "titulaire de l'autorité parentale". Il faut que ce soit bien clair que ce n'est pas réservé seulement au père ou à la mère, mais d'une façon générale au titulaire de l'autorité parentale.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que l'article 647 avec sa nouvelle rédaction sera adopté?

M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, c'est une

bonne rédaction, mais cela laisse de côté la possibilité qu'une utilisation abusive de l'autorité parentale du point de vue de l'enfant ne puisse être mise en question. Évidemment, là on me dira que c'est seulement les recours prévus à la Loi sur la protection de la jeunesse. On doit donc mettre en jeu le directeur de la protection de la jeunesse et c'est seulement de cette façon qu'un tiers peut invoquer. D'accord. Je me réponds à moi-même, mais c'est...

M. Bédard: Parce qu'il y a d'autres recours. On a élargi, au lieu de parler de différend, on parle de difficulté. Cela permet peut-être une plus grande souplesse d'intervention, au moins parmi ceux qui peuvent intervenir.

M. Forget: Oui et malgré tout un certain filtrage d'interventions externes qui pourraient être faites dans un but purement vexatoire. D'accord, adopté, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Le nouvelle article 647, adopté. Cela va. On oublie les anciennes rédactions. Maintenant, je pense...

M. Forget: Est-ce que nous allons entreprendre tout de suite les articles suspendus en séparation de corps ou si le ministre veut continuer jusqu'à la fin?

M. Bédard: On a des articles... Voulez-vous me donner un instant?

M. Forget: Oui, je vous en prie.

Dispositions relatives aux enfants (suite)

M. Bédard: ... 31,à l'article 2.

Le Président (M. Laberge): On peut reprendre. À l'article 2, le paragraphe 31.

M. Forget: Si je comprends bien, nous recommençons pour jusqu'à la fin?

M. Bédard: C'est ça.

M. Forget: On reviendra après coup dans les 500...

Le Président (M. Laberge): ... 524 à 566...

M. Bédard: À moins que, vers la fin, il n'y ait un ou deux articles qu'il nous faille garder.

M. Forget: D'accord.

Le Président (M. Laberge): À l'article 2, on nous demande de remplacer le paragraphe 31 par le suivant: "31. Le tribunal peut, chaque fois qu'il est saisi d'une demande mettant en jeu l'intérêt de l'enfant, donner à cet enfant l'occasion d'être entendu."

M. Bédard: C'est à la suite d'une demande des membres de la commission. On avait eu une discussion là-dessus. La seule chose que je voudrais mentionner peut-être, pour les fins du journal des Débats, c'est que lorsqu'on emploie cette expression-là je ne pense pas qu'on donne le feu vert pour employer tout le rigorisme de la procédure qui consiste à signifier à l'enfant ou à son tuteur, etc. Je pense que le but poursuivi est le même de part et d'autre.

M. Forget: J'imagine, M. le Président, que si on veut créer un tribunal de la famille, on ne veut pas simplement donner le nom de "Tribunal de la famille" à la Cour d'assises ou l'équivalent. Je crois qu'il y aura, au niveau de la procédure, au niveau du formalisme, etc., des choses à faire qui valent non seulement pour les enfants, d'ailleurs, mais qui valent également pour... S'il y a un différend entre deux conjoints, quant à la résidence familiale par exemple, je pense que dans ces circonstances-là aussi il faudra imaginer des formules qui ne soient pas trop intimidantes.

M. Bédard: On se rejoint là-dessus, c'est pour ça que je voulais le mentionner pour les fins du journal des Débats. Ça va?

Le Président (M. Laberge): Le paragraphe 31 est-il adopté?

M. Bédard: Adopté. M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Ce qui nous permettrait de... L'article 5 est ouvert.

M. Bédard: II y a l'article 5.

Le Président (M. Laberge): À l'article 5, on nous demande d'ajouter au début de l'article 55.1 proposé ce qui suit: "dans les bornes fixées par les dispositions de la loi,".

M. Bédard: Pour que ce soit rappelé qu'on a fait référence à tous les articles où, déjà, ce n'est pas le ministre qui a statué, mais où c'est ordonné en fonction de la loi que ce soit le nom qui est donné...

M. Forget: M. le Président...

M. Bédard: Je m'excuse. Ma mémoire peut faire défaut, mais c'est parce que j'essaie de ne pas reprendre l'argumentation qu'on avait évoquée à ce moment-là.

M. Forget: La non-discrimination entre enfants naturels et enfants légitimes est probablement la contrainte principale que la loi pose sur la façon dont l'acte est dressé, mais, M. le Président, il demeure que cet amendement n'ajoute rien. Jamais un texte réglementaire ne peut aller au-delà des bornes fixées dans les dispositions de la loi qui crée le pouvoir réglementaire. Ce n'est pas du tout le sens de l'intervention de ce côté-ci de la commission relativement à un pouvoir réglementaire permettant au ministre de décréter les conditions de la tenue des actes de naissance des enfants adoptés.

M. Bédard: On va suspendre parce que je pense aussi qu'il va de soi que c'est toujours dans les bornes...

M. Forget: C'est cela.

M. Bédard: ...édictées par la loi. C'est en soi implicite à toute réglementation et on va le garder comme cela. Peut-être par décret. Si on spécifiait que cela doit se faire par décret, à ce moment-là, cela répondrait-il à vos préoccupations?

M. Forget: Non plus. M. Bédard: Non?

M. Forget: Non plus. M. le Président, je persiste à croire que si le Code civil détermine des conditions pour dresser des actes de naissance, il incombe au législateur en rédigeant le Code civil de décrire complètement ces exigences. Le renvoi de plus en plus fréquent au pouvoir réglementaire au sein du Code civil est un précédent regrettable qui est en train de se généraliser et je ne peux pas y souscrire.

M. Marx: M. le Président, pourquoi ne pas simplement prévoir dans cet article que l'acte de naissance comporte tel et tel élément? Quant à ce qu'on va avoir comme éléments dans l'acte de naissance, ce sera bien sûr au ministère d'adopter des formules, le cas échéant, mais les éléments constitutifs de l'acte de naissance seront décrits dans le Code civil.

M. Forget: Ou, si on veut, même énumérer des inscriptions prohibées, dire qu'il est interdit dans l'acte de naissance d'un enfant adopté de faire mention du fait qu'il est adopté ou de faire mention que les parents qui lui sont attribués dans l'acte de naissance ne sont pas ses parents légitimes ou Dieu sait quoi. Si on veut interdire des inscriptions ou si on veut en prescrire, on peut les préciser dans le Code civil, quitte, comme mon collègue de D'Arcy McGee le dit, à ce que la formule elle-même... La formule elle-même n'a même pas besoin d'être mentionnée au Code civil. Cela va de soi. Si on veut la mentionner à tout prix, qu'on la mentionne.

M. Bédard: Je pense qu'il n'y a personne qui soupçonne le ministre de la

Justice de vouloir augmenter des pouvoirs de quelque façon que ce soit.

M. Forget: C'est une suggestion.

M. Bédard: C'est une question de principe. C'est pour cette raison que je préférerais qu'on suspende...

M. Forget: D'accord.

M. Bédard: ... à la lumière des suggestions qui viennent d'être-faites, pour voir si on peut en arriver à une solution acceptable pour tout le monde.

Le Président (M. Laberge): L'article 5 du projet de loi amendant l'article 55.1 est suspendu. Je pense que cela nous reporte à...

M. Bédard: À l'article 52, je crois, M. le Président.

Radiation de l'enregistrement des droits réels

Le Président (M. Laberge): L'article 51 est adopté. Après l'article 51, on avait la demande d'ajouter un article, l'article 51.1. Je vous en donne lecture. Après l'article 51, ajouter les suivants: 51.1: "Ledit code est modifié par l'addition, à la suite de l'intitulé du chapitre 5 du titre dix-huitième du livre troisième, de ce qui suit: "et de la déclaration de résidence". (15 h 45)

Est-ce que cet article 51.1...

M. Bédard: II s'agit ici du chapitre 5 qui est relatif, dans le Code civil, aux articles 2148 et suivants relatifs actuellement à la radiation de l'enregistrement des droits réels. Comme ce qui s'enregistre sur l'immeuble, qui comporte droits réels, doit être radié dans certaines circonstances, il a fallu, parce que la déclaration de résidence, dans la mesure où elle comporte également, elle aussi, un enregistrement contre l'immeuble, compléter la section pour qu'il n'y soit plus question simplement d'enregistrement de droit réel. Cela n'en fait pas un droit réel au sens strict. Cela en fait certainement un élément distinct de la notion classique ou traditionnelle de droit réel. Il paraissait utile d'intituler tout le chapitre de la radiation des droits réels et de la déclaration de résidence. Il est bien important que les mécanismes de radiation puissent fonctionner pour deux cas au moins, quand les enregistrements se seront faits

irrégulièrement ou sans droit, comme dans le cas des droits réels, et également quand ils n'auront plus leur raison de subsister ou d'être, soit parce que la résidence est désaffectée, si je puis dire, ou soit parce que les parties consentent à lever l'enregistrement. Il faudrait prévoir le mécanisme habituel de radiation.

M. Forget: Adopté. M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 51.1 est adopté. J'appelle l'article 51.2 qui est le suivant: "Ledit code est modifié par l'addition, après l'article 2148, du suivant: "2148.1. L'enregistrement d'une déclaration de résidence familiale n'est radié, a la demande de tout intéressé, que dans les cas suivants, sous réserve de l'article 2150: lo, les époux y consentent; 2o, l'un des époux est décédé; 3o, les époux sont séparés de corps ou divorcés; 4o, le mariage a été annulé; 5o, l'immeuble a été aliéné du consentement des époux ou avec l'autorisation du tribunal. "Dans les cas prévus par les paragraphes 2o à 5o, la demande doit être accompagnée d'un certificat de décès ou d'une copie du jugement, selon le cas."

M. Bédard: Ce n'est pas un article nouveau.

L'article est nouveau. Il énumère les circonstances qui peuvent donner lieu à la radiation d'une déclaration de résidence qui peut être faite.

Ce n'est pas un article nouveau par rapport au projet de loi 89, sauf qu'il a été déplacé... C'est ce que je veux dire, on ne fait que le déplacer pour que ce soit plus cohérent, étant donné que cela concerne la résidence.

Ce n'est pas un article nouveau par rapport au projet de loi 89.

C'est cela.

Le Président (M. Laberge): Un moment.

M. Bédard: ... avec les articles 453 et 454 que nous avons adoptés, qui sont édictés par l'article 1.

Le Président (M. Laberge): Est-ce qu'il y a des questions sur cet article 51.2?

Est-ce que l'article 51.2 sera adopté?

M. Forget: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): On nous demande, à la suite de cette renumérotation... On va passer par l'article 52 en premier. L'article 52...

M. Bédard: C'est un article de concordance avec les nouveaux articles 453 et 454, édictés par l'article 1.

Le Président (M. Laberge): L'article 52 sera-t-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): On nous demande de supprimer l'article 53.

M. Bédard: Parce qu'on l'a repris tout à l'heure.

Le Président (M. Laberge): On vient de l'adopter.

M. Bédard: C'est celui dont je disais qu'il n'était pas de droit nouveau, par rapport à ce qui existe dans le nouveau code.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Suppression de l'article 53, adopté. J'appelle l'article 54. Tout en l'appelant, j'ai une mention ici: Remplacer, à l'article 54, le texte de l'article 2261.1 proposé par le suivant. Article 2261.1. "L'action en nullité d'un acte accompli par un époux, sans le consentement de son conjoint, se prescrit par deux ans, à compter de la connaissance de l'acte, si ce consentement était requis. Cependant, en aucun cas, l'action ne peut être intentée plus de deux ans après la cessation de la vie commune ou, s'il s'agit d'actes accomplis dans l'exercice des droits et pouvoirs résultant du régime matrimonial, plus de deux ans après la dissolution du régime." Est-ce que ce nouvel article 54 sera adopté?

M. Bédard: L'article établit la prescription qui s'attache aux actions en nullité d'actes pour lesquelles le consentement de l'autre conjoint était requis, notamment dans le cas des articles découlant des articles 451, 452, 453 et 478 édictés par l'article 1. Le nouvel amendement proposé tient compte que l'action en nullité n'est pas dirigée contre l'autre conjoint, mais bien contre le tiers locataire acquéreur, de sorte que l'article 2233 du Code civil qui établit que la prescription ne court point entre époux ne gêne pas l'application de cet article.

M. Forget: D'accord. Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 54, nouvelle rédaction adoptée. Avant l'article 55, on nous demande d'ajouter, après l'article 54, le suivant: l'article "54.1. Les articles 2540, 2541, 2544, 2545, 2546, 2550 et 2551 dudit code sont modifiés en y

remplaçant, partout où elle se trouve, l'expression "propriétaire(s) subrogées), qu'elle soit au singulier ou au pluriel, par l'expression "propriétaire(s) subsidiaire(s)", au singulier ou au pluriel, selon le contexte."

M. Bédard: C'est seulement de concordance. On a déjà eu la discussion pour expliquer la substitution.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Article 54.1, adopté. À l'article 55, on demande de remplacer le texte de l'article 2555 proposé par le suivant...

M. Bédard: On l'avait donné. C'est une concordance également.

Le Président (M. Laberge): "La séparation de corps ne porte point atteinte aux droits du conjoint qu'il soit bénéficiaire ou propriétaire subsidiaire. Toutefois, le tribunal peut, au moment où il prononce la séparation, les déclarer révocables ou caducs." Paragraphe. "Le divorce et la nullité de mariage rendent caduque toute désignation du conjoint à titre de bénéficiaire ou de propriétaire subsidiaire." Cette nouvelle rédaction de l'article 55...

M. Bédard: Ce nouvel article est de concordance. L'article 2555 est de concordance avec les règles applicables aux donations pour cause de mort, en matière de séparation de corps, article 531, et en matière de nullité de mariage et de divorce, les articles 437 et 553.

M. Forget: C'est de concordance, en quelque sorte.

M. Bédard: Uniquement.

Il ne distinguait pas la séparation de corps du divorce. Le sort des donations en matière de séparation de corps n'étant pas le même que celui du divorce, c'était normal qu'il y ait un alignement des conséquences.

M. Forget: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Le nouvel article 2555, adopté. Article 56?

M. Bédard: C'est un article de concordance avec l'article 1 qui édicte les articles 591 à 625 du Code civil du Québec.

M. Forget: Sous réserve des dispositions non substantives de la Loi sur l'adoption qui devront être reprises dans le Code de procédure civile, si je comprends bien.

M. Bédard: C'est cela.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Article 56, adopté. Article 57?

M. Bédard: L'article précise la rédaction de l'article 39 de la Charte des droits et libertés de la personne. On a employé le texte.

M. Forget: Est-ce qu'on pourrait nous lire l'article qui est abrogé?

Je m'excuse, mais je n'ai pas la concordance ici.

M. Bédard: Au niveau du Code civil... Une seconde. L'ancien texte... Non, ce n'est pas cela. J'avais celui de l'Office de révision du Code civil. Je ne l'ai pas sous les yeux. C'est celui de l'Office de révision du Code civil: "Tout enfant a droit à l'affection et à la sécurité...". C'est de celui-là que vous voulez?

M. Forget: Celui de la charte... M. Bédard: Celui de la charte.

M. Forget: On dit qu'on remplace un article par un autre et je voudrais être bien sûr de savoir lequel.

M. Bédard: Oui. Si vous me permettez, je l'ai ici. Je pensais qu'il était inscrit au cahier.

M. Forget: On a les mêmes problèmes.

M. Bédard: M. le Président, l'article 39 de la Charte des droits et libertés de la personne disait ceci: "Tout enfant a droit à la protection, à la sécurité et à l'attention que doit lui apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent lieu."

Étant donné que la différence entre les deux n'est pas très évidente, je pourrais peut-être ajouter...

M. Forget: Non. Elle est imperceptible, sauf pour un lecteur très attentif.

M. Bédard: Celle du projet s'inspire davantage de celle de l'Office de révision du Code civil et un des points qui ont été notés, c'est que celle de l'article 39 dit qu'on doit à l'enfant la sécurité qui lui est due. C'est un petit peu pléonastique, c'est peut-être plus près de la réalité d'exprimer que l'enfant a droit à la protection, à la sécurité et à l'attention que ses parents peuvent lui donner. C'est une question plus collée à la réalité. Il n'y a pas de mesure objective là-dedans, il y a une mesure subjective dans la relation parent-enfant. Il y a des degrés différents puisque c'est davantage fonction des parents eux-mêmes.

M. Forget: Je suis tout à fait d'accord. Adopté.

Le Président (M. Laberge): Article 57, adopté. Pour le journal des Débats, je dois dire que, tout en fonctionnant très rapidement, les articles 54 et 55 ont été adoptés tels qu'amendés puisque c'était une partie de l'article qui était modifiée.

J'appelle l'article 58.

M. Bédard: Article 58. C'est un article de concordance avec l'article 1 qui institue un nouveau Code civil du Québec.

M. Forget: Oui, d'accord.

Le Président (M. Laberge): Article 58...

M. Forget: Nous aurons donc deux Codes civils pour un certain temps.

M. Bédard: Mais il y en aura toujours un seul en application.

Articles de droit transitoire

Le Président (M. Laberge): Article 58, adopté. À l'article 59, il y a une modification. Ajouter à la fin de l'article 59 après le mot "accomplies", ce qui suit: "pourvu que les consentements requis en vertu des anciens articles 119 à 121 du Code civil du Bas-Canada soient obtenus". M. le ministre. (16 heures)

M. Bédard: C'est un article de droit transitoire. Il résulte des nouvelles règles relatives à l'âge pour se marier et à l'autorisation judiciaire requise dans certains cas. L'amendement proposé vise à préciser que les anciens articles relatifs au consentement des parents s'appliquent si on ne recourt pas à l'autorisation judiciaire.

Le Président (M. Laberge): Cet amendement est-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 59, adopté avec amendement. Article 60.

M. Bédard: Cet article est également de droit transitoire. Il résulte des nouvelles règles relatives à l'âge requis pour se marier, aux empêchements au mariage et aux effets du jugement prononçant la nullité du mariage.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que l'article 60 sera adopté?

M. Bédard: Cela concerne tous les mariages célébrés antérieurement.

M. Forget: II y a malgré tout des mariages qui pourront être déclarés nuls, en vertu de l'ancien Code civil, dans certains cas, postérieurement à l'entrée en vigueur du nouveau Code civil. C'est le deuxième paragraphe.

M. Bédard: Oui. Je pense qu'il ne faut pas changer la situation des parties parce qu'il y a eu un changement et qu'elles se sont mariées selon certaines règles établies à ce moment-là, de manière qu'il n'y ait pas de préjudice.

M. Forget: D'accord, adopté.

Le Président (M. Laberge): Article 60, adopté. Article 61.

M. Bédard: Cet article est de droit transitoire. Il vise à assurer l'application immédiate des nouvelles règles régissant les droits, libertés et devoirs des époux et la résidence familiale.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Article 61, adopté. Article 62.

M. Bédard: C'est également un article de droit transitoire. Il maintient les anciennes règles qui régissent la communauté de meubles et acquêts à l'égard des personnes mariées sous ce régime matrimonial.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Le Conseil du statut de la femme a proposé de rendre applicables aux unions qui sont réqies par la communauté de biens, sans qu'il soit nécessaire de demander une modification du régime matrimonial, des dispositions nouvelles qui auraient pour conséquences que les unions en question, les unions régies par la communauté de biens... Pardon, je m'excuse. Il demande que les personnes qui demeurent régies par la communauté de meubles et acquêts puissent obtenir la cogestion administrative. Cette demande du Conseil du statut de la femme est appuyée par l'AFEAS. C'est le régime de la communauté.

M. Bédard: Oui, c'est la communauté de biens, sans doute.

M. Forget: Oui, d'accord. C'est la communauté de biens. On demande que ces personnes puissent obtenir la cogestion administrative, autrement dit, de faire cesser le caractère exclusif de la gestion du mari sur les biens de la communauté.

M. Bédard: II convient peut-être de faire quelques observations brèves là-dessus. II est possible, pour les époux qui le désirent tous deux, de faire le changement de régime en adoptant un nouveau contrat de mariage, les formalités étant assez simplifiées, les coûts aussi, dans une large mesure. Il est donc possible, lorsque les époux sont consentants, de faire le changement par eux-mêmes.

Par ailleurs, quant à modifier impérativement les règles du régime sous lequel ces gens sont mariés, il faut se rappeler que c'est un régime dont l'administration des biens communs est confiée actuellement au mari seul.

D'autre part, en contrepartie de cette administration qui est faite uniquement par le mari, il y a un certain nombre d'avantages qui découlent du régime en faveur de la femme. Par exemple, celle-ci a droit à ses biens réservés, les biens réservés n'étant pas évidemment une catégorie de biens possibles pour le mari, c'est pour la femme.

Deuxièmement, parce que ce n'est pas la femme qui administrait la communauté de biens, il y a pour elle un pouvoir de renonciation aux avantages qui découlent, lors d'une dissolution, de partaqer les biens communs, parce qu'il peut arriver que les biens communs soient insolvables et que, pour elle, renoncer représente, somme toute, un moins grand mal que de l'accepter. L'administrateur de la communauté, lui, évidemment - et c'est assez normal - est tenu, au-delà de toutes les forces des biens communs, donc, même sur ses biens propres en totalité.

Il y a là, de façon un peu générale, une sorte d'équilibre que l'histoire a fait dans ce régime, équilibre qui n'est peut-être pas parfait - je ne veux pas prendre la défense de cet équilibre - mais qui a été fait historiquement et on sait comment ce fut laborieux, pendant des dizaines d'années, pour en arriver à bâtir, décennie après décennie, certains de ces avantages ou de ces droits.

Ceci veut donc dire qu'il ne serait pas prudent, pour la femme en tout cas, nous semble-t-il, que soit instauré impérativement un régime de cogestion pure et simple sans qu'on procède d'abord à la liquidation complète du régime, de façon que la femme puisse aller d'abord et avant tout chercher tous les avantages de ce régime auxquels elle a droit, puisqu'elle n'a pas participé directement à son administration. Ce n'est qu'une fois qu'on aurait procédé à la liquidation complète qu'il serait possible de repenser une formule de cogestion. Mais, dans une formule de cogestion, sans doute aussi faudrait-il faire disparaître les biens réservés pour un seul, il faudrait les étendre à d'autres. Somme toute, c'est une sorte de réaménagement fondamental du régime que ça prendrait.

Cependant, les époux peuvent décider par eux-mêmes de faire le changement de régime s'ils le désirent. Il y a ceux aussi qui peut-être ne le désirent pas; ça fait partie des choix que nous avons déjà nous-mêmes de nous marier sous l'un ou l'autre des régimes, y compris celui d'un contrat de mariage en communauté de biens, si on le désire.

C'est l'explication un peu résumée que je peux fournir là-dessus.

M. Forget: Comme la réponse repose sur la nécessité d'établir un bilan de la communauté, de faire un partage, et aussi sur l'obligation d'avoir recours à la procédure formelle d'un changement de régime, donc l'établissement d'un régime conventionnel essentiellement, avec tous les frais que cela implique, on peut conclure des remarques qu'on vient d'entendre qu'on ne doit probablement pas s'attendre qu'il y ait une conversion massive de ces régimes en régimes, soit de séparation de biens, soit de communauté d'acquêts.

Je comprends le bien-fondé de l'argumentation puisque, comme il y avait un administrateur unique, il serait normal qu'il rende compte avant que l'autre, qui peut être la victime de son administration, n'ait pu se compenser pour les pertes infligées à la communauté par une mauvaise administration.

Cependant, dans les cas où les conjoints sauraient et seraient dans la position où ce problème ne se pose pas, mais souhaiteraient, pour d'autres motifs, assumer conjointement l'administration des biens de la communauté qui, dans bien des cas, peut se résumer à une chose relativement simple, est-ce qu'il ne serait pas opportun de prévoir une procédure simplifiée non pas de changement de régime, mais de maintien du régime de communauté avec simplement modification, pour l'avenir, du mode administratif d'un régime de communauté malgré tout maintenu?

M. Bédard: Au niveau de la direction. Je pense que vous touchez un point qui me permet de préciser. Les époux pourraient vouloir simplement, au lieu d'un changement complet de régime avec tout ce que comportent les conséquences de la liquidation, les coûts, enfin, des éléments donc assez majeurs, ils pourraient s'adresser au notaire et apporter seulement certaines modifications dont celles relatives à la direction, s'ils la désiraient et la souhaitaient, de façon à éviter tous les frais majeurs d'une liquidation. Cela pourrait faire l'objet d'un contrat de modifications de certaines des conventions du régime matrimonial sans qu'il n'y aille d'un coût

autre que celui d'un contrat notarié qui prendrait soin de certains de ces changements. Cela va assez bien dans le sens où cela procède d'un choix ou d'une liberté de la part des époux.

Du côté impératif, évidemment, imposer peut-être une cogestion stricte et obligatoire, une liquidation obligatoire à tout le monde en société d'acquêts, pardon, en communauté de biens aussi. Alors que tous les autres citoyens, eux, choisissent librement leur régime, eux l'ont choisi aussi dans le temps. C'est peut-être un choix qui, aujourd'hui, n'a pas les mêmes... Enfin, ils choisiraient peut-être autrement aujourd'hui, mais ils peuvent le faire s'ils sont d'accord.

Le Président (M. Laberge): L'article 62 sera-t-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 63. M. le ministre.

M. Bédard: L'article est toujours de droit transitoire et vise à préciser que les accords amiables déjà intervenus et les décisions judiciaires passées en force de chose jugée échappent quant à leur effet à l'application de l'article 501 édicté par l'article 1.

M. Blank: Est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi l'accord doit être amiable? Pas seulement un accord? Pourquoi le mot amiable? Il y a des accords qui sont des accords, mais qui ne sont pas tellement amiables. Vous ne pouvez pas dire actuellement des accords dits gré à gré?

M. Bédard: Vous me prenez par surprise, mais l'expression est courante. L'accord amiable par rapport à celui forcé en justice ou enfin ce qui est arrêté ou entendu en justice. Je pense que le mot n'y serait pas que les accords déjà intervenus, cela rendrait peut-être l'idée. C'est peut-être un peu ancien comme formule. C'est peut-être une expression un peu consacrée. C'est la terminologie traditionnelle de la doctrine de droit civil, on peut effectivement enlever le mot.

M. Blank: Quand on en vient au document anglais on parle de "amicable covenant". Je n'ai jamais entendu ce mot. Pour commencer, covenant, votre traducteur a changé "agreement" en "covenant", mais covenant, en anglais, ce n'est pas la même chose. C'est normalement une petite partie d'un accord. Le mot "agreement" est meilleur que le mot "covenant". Mais "amicable covenant", cela doit vouloir dire "private agreement" peut-être ou un accord de gré à gré. C'est cela que vous voulez dire. Parce qu'une personne peut venir contester, ce n'était pas "friendly" ou...

M. Bédard: Peut-être que dans la version anglaise cela a un sens différent, mais c'est une expression qui est assez courante, une composition amiable, c'est un accord...

M. Blank: En anglais, je suggérerais "private agreement".

M. Bédard: Cela n'a rien d'amical, nécessairement, mais c'est affaire.

Le Président (M. Laberge): L'article 63 sera-t-il adopté?

Des voix: Adopté. Article 64.

M. Bédard: L'article 64 est de droit transitoire et précise que les divorces et séparations de corps prononcés antérieurement à l'entrée en vigueur des articles 523 à 568 édictés par l'article 1 demeurent régis par les anciennes dispositions de la loi. (16 h 15)

Le Président (M. Laberge): L'article 64 sera-t-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. J'appelle l'article 65.

M. Bédard: C'est un article de droit transitoire. Il maintient les anciennes dispositions à l'égard des demandes en séparation de corps pendantes lors de l'entrée en vigueur des articles 524 à 536 édictés par l'article 1, mais prévoit l'application immédiate des nouveaux articles 527 à 535 édictés par l'article 1. Ce sont ceux concernant la résidence familiale, 527 à 535.

Mme Lavoie-Roux: ... demandé de la mettre...

Le Président (M. Laberge): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Non, je me parle toute seule.

Le Président (M. Laberge): Avez-vous des commentaires?

M. Forget: Ici, M. le Président...

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ... il y a une opposition catégorique exprimée par le Barreau, je

pense, à l'égard de l'article 65 qui est en désaccord avec l'effet rétroactif de certaines mesures relativement à des demandes présentées après l'entrée en vigueur du nouveau code. Est-ce qu'on ne s'écarte pas ici de la règle générale de ne pas donner d'effet rétroactif? Est-ce qu'il y a vraiment une considération d'ordre public qui inspire le gouvernement à...

M. Bédard: Oui, j'avais une note ici. On pense qu'au moment où le jugement interviendra, le droit nouveau sera en vigueur, ce sont ces cas-là qu'on vise. On se demande: Pourquoi appliquer l'ancien droit pour liquider une situation si le droit nouveau est remédiateur, favorise mieux les parties? À ce moment-là, on laisse un peu subsister deux régimes de droit.

M. Forget: Oui. Il reste que je pense bien qu'il y a peut-être un souci professionnel et on peut imaginer...

M. Bédard: Oui.

M. Forget: ... qu'un avocat qui a préparé une demande en vertu de l'ancien code va se voir forcé de reformuler sa déclaration dans certains cas pour s'accrocher aux nouvelles dispositions. II y a peut-être simplement des concordances à établir. Il se peut que la base même de son action soit modifiée et, dans le fond, son client pourra l'accuser de l'avoir incité à se présenter devant les tribunaux sur la base d'un droit qui n'existe plus. C'est peut-être cette considération-là.

M. Bédard: Probablement, si c'est à l'avantage de son client, ça dépend...

M. Forget: Oui, mais ce sera toujours à l'avantage d'un client et au désavantage de l'autre. Dans le fond, on change les règles du jeu alors que les parties ont déjà décidé d'un recours sur la base d'un droit existant. Alors qu'elles ont déjà amorcé les procédures, le droit change et elles peuvent se rendre compte tout à coup que la décision qu'elles ont prise est erronée maintenant. Peut-être se sont-elles placées dans des situations irrémédiables sur le plan de leurs relations réciproques, par exemple, en disant: J'ai un droit de poursuite ou j'ai le droit de m'opposer à une poursuite, donc je prends telle et telle disposition pratique, je suis sûr de mon droit. Alors que le jugement n'est pas rendu, mais que les procédures sont déjà devant les tribunaux, on lui tire le tapis sous les pieds.

M. Bédard: Je pense que c'est un sujet difficile. On peut plaider facilement dans les deux sens. Le jugement n'est pas rendu, donc tout n'est pas établi au niveau des effets.

Dans certains cas, il est possible que, selon la partie, selon l'époux qui est défendeur ou demandeur, il préférerait les anciens effets qu'on ne lui a pas encore appliqués, parce que la séparation n'est pas prononcée; il préférerait qu'on lui applique les anciens effets plutôt que les nouveaux, mais l'autre voudrait qu'on lui applique plutôt les nouveaux. Donc, il faut que ce soit l'un ou l'autre. Ou c'est l'ancien régime qui - quant aux effets, j'entends - va subsister ou survivre jusqu'à ce que jugement soit rendu et produise ses effets, ou alors c'est le nouveau régime quant aux effets.

C'est sûr que les parties peuvent amender, peuvent se désister devant la nature ou l'étendue des effets nouveaux. Je ne sais pas s'il y a une solution qu'on pourrait appeler idéale au point de vue technique. Il n'y a peut-être pas de solution idéale, mais il est apparu que les effets de la séparation de corps tels qu'énoncés dans le projet de loi no 89 marquaient une sorte de progrès quant aux avantages qu'ils peuvent procurer à la famille et c'est dans ce sens que cela a penché d'un côté plutôt que de l'autre.

M. Forget: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): L'article 65 est adopté. Article 66.

M. Bédard: Cet article est de droit transitoire. Il est au même effet que l'article précédent à l'égard des demandes en divorce pendantes lors de l'entrée en vigueur des articles 537 à 568 édictés par l'article 1. Je pense que c'est le même raisonnement, les nouvelles procédures sont de nature à constituer une amélioration.

Le Président (M. Laberge): Article 66, adopté. J'appelle l'article 67.

M. Bédard: C'est un article de droit transitoire également. Il vise à permettre d'invoquer des causes de séparation de corps ou de divorce antérieures à l'entrée en vigueur des articles 523 à 568 édictés par l'article 1.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Article 67, adopté. À l'article 68, nous avons une demande de modification.

M. Bédard: C'est cela. Nous l'avions déjà déposée.

Le Président (M. Laberge): Au troisième alinéa, ajouter un "s" au mot "fait". C'est le troisième mot du troisième alinéa, je crois, "les actes faits".

M. Bédard: C'est le quatrième mot du deuxième alinéa.

Mme Lavoie-Roux: C'est...

Le Président (M. Laberge): Non, c'est le troisième alinéa, je pense. Troisième parce que l'autre, c'est un verbe.

M. Bédard: Remplacer dans le troisième alinéa?

Le Président (M. Laberge): "Les actes faits". C'est un adjectif. Cela va. Cela est bon. À ce moment-ci, remplacer le quatrième alinéa par le suivant: " Les droits héréditaires résultant de l'article 590 du Code civil du Québec ne peuvent cependant être exercés dans les successions ouvertes avant son entrée en vigueur sauf dans le cas d'une substitution non encore ouverte au profit des appelés."

M. Bédard: L'article est de droit transitoire. Il prévoit l'application des articles 569 à 590 aux enfants nés avant leur entrée en vigueur. Il fait exception toutefois dans le cas de successions ouvertes avant l'entrée en vigueur de l'article 590. En effet, les héritiers sont déjà saisis au moment du décès du de cujus, mais, en matière de substitution, l'appelé n'est saisi de la propriété des biens qu'à l'ouverture de la substitution. C'est en vue de tenir compte de cette particularité qu'une modification a été apportée à l'article 68.

Le Président (M. Laberge): Ce nouveau quatrième alinéa sera-t-il adopté?

M. Forget: Oui, oui.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 68 modifié, adopté? Oui.

M. Bédard: Adopté? M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté avec amendement. Article 69.

M. Bédard: À l'article 69, il s'agit de droit transitoire, toujours. Il maintient la procédure ancienne à l'égard de demandes en adoption pendantes lors de l'entrée en vigueur des articles 593 à 625 édictés par l'article 1, sauf à appliquer les articles 616 et 618, alinéa 2, édictés par l'article 1.

M. Forget: Quand on fait allusion aux demandes en adoption, M. le Président, on fait allusion aux demandes en adoption dans le sens formel, les demandes présentées à la cour. Il ne s'agit pas des requêtes faites à des organismes de placement pour être considérés comme parents adoptifs. Il s'agit des demandes formelles devant la Cour supérieure.

M. Bédard: Dans le cas du premier alinéa, c'est exact.

M. Forget: D'accord. Adopté.

Le Président (M. Laberge): Article 69, adopté. Article 70.

M. Bédard: L'article de droit transitoire maintient les anciennes règles relatives à l'obligation alimentaire à l'égard des personnes qui reçoivent une telle pension ou qui auront agi en justice avant l'entrée en vigueur des articles 626 à 638 édictés par l'article 1. C'est le cas des alliés, évidemment, qui ne bénéficient plus d'un droit alimentaire.

Le Président (M. Laberge): L'article 70 sera-t-il adopté?

M. Forget: Est-ce qu'on va avoir des émeutes à ce sujet, M. le Président, comme l'on supprime les pensions alimentaires pour les belles-mères? Est-ce qu'on peut s'attendre à des manifestations devant le parlement?

M. Bédard: Je ne crois pas parce que je n'ai pas l'impression...

M. Forget: Elles ne sont pas encore regroupées. C'est peut-être la seule raison.

M. Bédard: Je ne crois pas que c'étaient des dispositions qui jouaient un grand rôle dans notre Code civil.

Le Président (M. Laberge): L'article 70 sera-t-il adopté?

M. Forget: Adopté. M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 71. M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, cet article est de droit transitoire. Il prévoit l'application immédiate de la règle édictée par l'article 652 édicté par l'article 1.

Il s'agit du rétablissement de l'autorité parentale. Depuis 1977, depuis que la loi est en vigueur, il y a possiblement eu, il y a certainement eu des déchéances d'autorité parentale. Il ne faudrait pas qu'elles soient tout à fait définitives, mais si elles ont été faites selon les circonstances de l'article 652, qu'on puisse l'invoquer, même si la déchéance a été prononcée avant l'entrée en vigueur de la loi.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 71 est adopté. Article 72.

M. Bédard: L'article prévoit l'application immédiate des articles 603 et 735.1 du Code civil du Bas-Canada édictés par les articles 25 et 31 aux successions ouvertes et non encore liquidées.

Le Président (M. Laberge): L'article 72 sera-t-il adopté?

M. Forget: Un instant.

Le Président (M. Laberge): Parfait, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Les articles en question, 603 et 735, on dit que c'est relatif à des successions non ouvertes. L'interdiction...

M. Bédard: Non ouvertes et non encore liquidées.

M. Forget: Est-ce que c'est la bonne référence?

M. Bédard: Ce sont les articles 603 et 735.

M. Forget: L'article 603 du Code civil du Bas-Canada. D'accord.

M. Bédard: C'est cela, ainsi que l'article 735.1.

M. Forget: D'accord.

Le Président (M. Laberge): L'article 72 est adopté. Article 73.

M. Forget: Je remarque encore une fois qu'il y a ici une recommandation du Barreau de supprimer cet article 72 à cause des nombreux problèmes qu'engendrerait la mise en vigueur de cet article sur les successions non encore réglées et qui peuvent être ouvertes depuis, vu le principe établi de la non-rétroactivité des lois.

M. Bédard: II s'agit de l'article 73. Je m'excuse d'un moment de distraction, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): C'est l'article 73.

M. Bédard: L'article 73, oui. Les donations qui n'ont pas été exécutées avant le décès et qui n'étaient pas...

M. Forget: Je m'excuse, ma remarque s'applique à l'article 72 et non pas à l'article 73. On a dit "adopté", mais avec un certain retard, j'ai réagi à l'appel de l'article.

Le Président (M. Laberge): Parfait. C'était à l'article 72.

M. Bédard: C'est un peu l'explication qu'on a déjà donnée. Une demande de rétroactivité a pour effet de faire profiter... La préférence est donnée au droit nouveau qui peut être remédiateur, qui peut être plus avantaqeux. C'est ce que nous croyons; nous ne l'adopterions pas autrement.

M. Forget: Dans la mesure où on parlait des effets de la séparation de corps et où ces mesures sont inspirées d'une philosophie sociale nouvelle, je me suis rangé à l'opinion du ministre sans difficulté. (16 h 301

Ici on interdit, dans les nouvelles dispositions, la renonciation par contrat de mariage à des successions non ouvertes. L'objection du Barreau se situe, si je comprends bien, dans les circonstances où il y a eu un décès. La succession s'est ouverte et elle n'est pas réglée; un des légataires a renoncé par contrat de mariage, antérieurement au décès, il y a des années, à cette succession qui, à ce moment, évidemment, n'était pas ouverte. Dans le processus de règlement, on a dû tenir compte de ce fait. On est peut-être avancé très loin dans les procédures de règlement de la succession, basées sur la renonciation d'un des légataires et voici que, tout à coup, à la onzième heure, ses ayants droit ou peut-être lui-même entrent dans le tableau et la renonciation qu'il avait faite de cette succession est soudainement caduque...

M. Bédard: Contrairement à ce qui était le cas par son contrat de mariage.

M. Forget: ...contrairement à ce que tout le monde a présumé et les autres légataires et le notaire, l'exécuteur testamentaire, peut-être même certains jugements intérimaires ou Dieu sait quoi. Enfin, c'est peut-être un cas qui se présentera, mais comme on se donne la peine de prévoir une disposition transitoire, est-ce que c'est sage? Parce que, dans le fond, on réflète, bien sûr, une nouvelle philosophie sociale où il n'est plus coutumier ni recommandable de renoncer par contrat de mariage à des successions non ouvertes pour les raisons qu'on connaît bien. Il y a l'évolution des mentalités. On ne règle pas des problèmes de patrimoines familiaux, de transmission d'une génération à l'autre, par des contrats de mariage, contrairement à ce qu'on faisait au XIXe siècle. Il reste que ceux qui l'ont fait peuvent se trouver dans une situation extrêmement délicate.

M. Bédard: Dans le cas de l'article 72, auquel vous vous référez sans doute...

M. Forget: Oui.

M. Bédard: ...je voudrais que ce soit certain que nous en comprenions tous ensemble en même temps la portée. Il s'agit uniquement des dispositions de l'article 603 qui concerne les comourants et de l'article 735.1 qui concerne la prestation compensatoire.

M. Forget: Alors, l'indication qu'on nous a donnée tout à l'heure n'était pas...

M. Bédard: Elle se rapporterait peut-être à un autre article. Est-ce que c'est possible de vérifier cela? Elle ne se rapporterait probablement pas à celui-ci.

M. Forget: Je n'ai pas eu le temps de faire la référence, je m'excuse.

M. Bédard: Je crois que j'avais la même référence moi aussi.

M. Forget: On nous avait parlé de la renonciation à la succession non ouverte.

M. Bédard: Oui, alors, ici, ce que cela pourrait amener c'est l'application de l'article 735.1, c'est-à-dire que le conjoint puisse faire valoir une prestation compensatoire pour l'exiger en paiement, si la succession est ouverte. Mais on suppose qu'elle n'est pas encore liquidée. Là, il y a un article aussi que je voulais trouver.

J'avais la même remarque du Barreau indiquée à l'article 72, comme le député de Saint-Laurent, mais cela ne semble pas concorder.

M. Forget: L'article 603 du nouveau Code civil du Bas-Canada, c'est la présomption des comourants.

M. Bédard: C'est la présomption des comourants. C'est par rapport au partage. Il est certain que s'il y a eu des acceptations -c'est un problème assez complexe, au fond -déjà sans qu'il y ait une liquidation de la succession et que là, à cause de l'application de la règle des comourants, ce sont d'autres qui prennent la succession, je pense aussi que les héritiers, en vertu de l'application d'un article concernant la succession, vont pouvoir invoquer "fait nouveau lésionnaire". Ils vont dire: Nous avions accepté... C'est l'article 650 que je cherchais justement. On dit: "Le majeur ne peut attaquer l'acceptation expresse ou tacite qu'il a faite d'une succession que dans le cas où cette acceptation a été la suite du dol, de la crainte ou de la violence; il ne peut jamais réclamer sous prétexte de lésion seulement; il en est autrement dans le cas où la succession se trouverait absorbée ou notablement diminuée par la découverte d'un testament inconnu au moment de l'acceptation."

Évidemment, ici, ce n'est peut-être pas un testament inconnu, mais c'est une disposition qui n'était pas en vigueur et qui est sûrement inconnue. Il pourrait invoquer lésion. Je ne sais pas si l'article 650 aurait besoin d'être touché pour élargir cette ouverture à la lésion. On pourrait regarder s'il y a lieu de proposer un amendement à 650, parce qu'au fond l'héritier qui a accepté se retrouvera devant une situation possible, par l'application de 735.1, où le conjoint, en supposant que ce n'est pas lui qui est l'héritier, bien sûr, présente une preuve suffisante au tribunal d'un apport à l'enrichissement de l'actif et que si on ajoute cette dette à celles qui sont déjà connues de l'héritier, cela a pour effet d'entraîner une insolvabilité de la succession au point que s'il avait connu cette dette nouvelle, il aurait renoncé; alors il faut qu'il puisse revenir sur son acceptation. Je pense qu'il y a là quand même une précision à apporter dans le sens plutôt de...

M. Forget: Oui. Sous cette réserve, je pense qu'on peut l'adopter. J'imagine qu'on va veiller à ce que...

M. Bédard: Oui, on va y réfléchir un moment.

M. Forget: D'accord.

Le Président (M. Laberge): Article 72, adopté. Article 73?

M. Bédard: L'article 73 vise tout simplement à donner effet immédiatement à l'article 33.

C'est l'abrogation de 768. Il faudra aller voir 768. À l'article 768, c'est la prohibition ou l'interdit, si vous voulez, qui frappait les concubins ou certaines catégories d'enfants naturels qui ne pouvaient pas recevoir autre chose que des aliments. Cet interdit étant levé, ils deviennent des citoyens à part entière qui peuvent, comme tous les autres, faire les contrats qui ne sont pas contraire à l'ordre public, bien sûr, mais ils peuvent faire toutes les conventions qui sont dans les limites permises.

Le Président (M. Laberge): L'article 73 est-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Article 73, adopté. J'appelle l'article 74. Il y a des modifications qui nous ont été suggérées à l'article 74.

Mme Lavoie-Roux: À l'article 74, il y avait une petite remarque qui avait été faite.

M. Bédard: À l'article 74, M. le Président, j'aurais une remarque à faire. On parlait d'un délai de six mois, mais je crois qu'il y aurait avantage à prolonger ce délai jusqu'à facilement un an parce que cela peut quand même prendre du temps avant qu'on connaisse la loi. Afin de ne prendre personne par surprise, autrement dit, être sûr que chacun...

M. Blank: II s'agit des gens... C'est maintenant $50 pour changer de nom. Est-ce qu'ils vont les charger aussi?

Une voix: Avec le déficit, je pense qu'il ne sera pas bon de les charger.

M. Bédard: Mais non, ce sont uniquement des avis.

M. Blank: L'exemption des avis. Je ne parle pas des exemptions des honoraires.

M. Bédard: Non, cela va être dans la réglementation. Avant, cela se faisait par une requête. Ce n'est pas du tout la même procédure.

Le Président (M. Laberge): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je pense que l'allonger à un an c'est déjà très bien. Je me demandais si cela ne devrait peut-être pas... Sans aller à trois ans comme quelqu'un avait suggéré, est-ce que...

M. Bédard: Cela va être la même chose. Disons deux ans.

Mme Lavoie-Roux: Deux ans, parce qu'il peut y avoir des querelles entre les parents et avant que... Ils peuvent être...

M. Bédard: Cela va être la même chose. Deux ans au lieu de six mois.

Mme Lavoie-Roux: Non, ce n'est pas sur le nom. Il peut y avoir d'autres conflits qui sont à se liquider et que cela soit mis un peu de côté. Deux ans.

M. Bédard: J'étais disposé à le prolonger à deux ans. On est sûr qu'on ne prend personne par surprise.

Le Président (M. Laberge): C'est à la deuxième ligne...

M. Forget: M. le Président, est-ce que le ministre ne nous suggérerait pas aussi une correction pour enlever "patronymique".

Mme Lavoie-Roux: Ah oui!

M. Bédard: On l'a ici. Cela va de soi.

Le Président (M. Laberge): On a au moins quatre amendements. Au premier amendement, le ministre nous suggère de changer, à la deuxième ligne du premier alinéa, les mots "six mois" par "deux ans". Est-ce que cet amendement est adopté?

M. Forget: Adopté. Mme Lavoie-Roux: Oui.

Le Président (M. Laberge): Je marque bien "deux ans". Adopté. Le deuxième amendement: supprimer, aux quatrième et cinquième lignes, le mot "patronymique". Est-ce que c'est adopté?

M. Bédard: Tout le monde est d'accord.

Le Président (M. Laberge): Adopté.

Le troisième amendement: remplacer, à la fin du premier alinéa, les mots "des noms de chacun d'eux" par les mots "des noms de ses père et mère".

M. Forget: C'est cela.

Le Président (M. Laberge): C'est à la fin du premier alinéa. C'était marqué "des noms de chacun d'eux", mais c'est "du nom de chacun d'eux".

M. Bédard: Non, c'est "des noms de ses père et mère".

Le Président (M. Laberge): Je veux dire...

M. Bédard: Ah! "Du nom de chacun d'eux" par "des noms de ses père et mère".

Le Président (M. Laberge): Cela veut dire provenant des noms de ses père et mère. Alors, on remplace les mots, à la fin du premier alinéa, "du nom de chacun d'eux" par "des noms de ses père et mère". Est-ce que cet amendement est adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Quatrième amendement: remplacer, à la troisième ligne du deuxième alinéa, le mot "exemptés" par le mot "dispensés". Dans la phrase, les requérants sont...

M. Bédard: Ce n'est pas à la quatrième ligne?

Le Président (M. Laberge): ... exemptés, cela devient sont dispensés.

M. Bédard: D'accord, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que cet amendement est adopté?

M. Bédard: Adopté. M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. L'article 74 amendé sera-t-il adopté? Il compte quatre amendements, sera-t-il adopté? Les amendements consistant...

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): ... à changer "six mois" par "deux ans", enlever le mot "patronymique", remplacer "du nom de chacun d'eux" par "des noms de ses père et mère" et le mot "exemptés" remplacé par "dispensés". L'article 74 est adopté avec les amendements. Après l'article 74, on nous demande d'ajouter l'article 74.1.

M. Bédard: C'est cela.

Le Président (M. Laberge): II se lit comme suit: "Les époux mariés, avant l'entrée en vigueur de la présente loi, peuvent, s'ils le désirent, conserver l'usage du nom de leur conjoint".

M. Bédard: C'est de manière à suivre la philosophie générale qu'on a adoptée jusqu'à maintenant, celle d'éviter que toute personne puisse être lésée par les changements édictés dans le Code civil par rapport à des situations déjà existantes. Cela va?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 74.1 est adopté. J'appelle l'article 75.

M. Bédard: Avant l'article 75, M. le Président...

Le Président (M. Laberge): Oui, c'est vrai, il faudrait revenir.

M. Bédard: C'est le dernier article.

M. Marx: M. le Président, l'article 75 nous indique que la loi est constitutionnelle. C'est cela, la portée de l'article 75.

Mme Lavoie-Roux: On te laisse la discussion. On laisse la discussion au député de D'Arcy McGee.

M. Bédard: Cela a le mérite d'être correct.

M. Marx: Cela veut dire...

M. Bédard: Avant de commencer...

M. Marx: ...pour faire une prédiction, pour le journal des Débats...

M. Bédard: Vous allez avoir l'occasion...

M. Marx: ... je ne sais pas si cette loi sera jamais mise en vigueur.

M. Bédard: Je ne suis pas inquiet, elle sera mise en vigueur.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président... M. Bédard: Cela prend un peu...

M. Marx: Vous ne savez même pas quels articles sont constitutionnels et lesquels sont inconstitutionnels.

M. Bédard: Cela, le député ne le sait peut-être pas, mais je peux l'assurer que l'étude, avec toutes les précautions nécessaires, en sera faite. Il y a peut-être une manière de régler rapidement l'adoption de cette loi dès demain matin, c'est que le fédéral nous donne simplement les pouvoirs demandés depuis moult années non seulement par le gouvernement actuel, mais par les autres gouvernements.

M. Marx: Maintenant que vous avez fait votre "speach", que vous avez fait votre discours politique, c'est le discours juridique.

M. Bédard: Pourquoi le député m'en donne-t-il la chance?

Le Président (M. Laberge): On va revenir en arrière? Avez-vous un commentaire?

Mme Lavoie-Roux: Je veux poser une question et ça pourrait être à la toute fin. Je comprends qu'il y a des articles qui ne pourraient pas s'appliquer; par contre, un chapitre comme celui de la filiation et de l'adoption, est-ce que cela pourrait être proclamé sans attendre de modifications à la constitution?

M. Bédard: Avant d'y aller, je préférerais...

Mme Lavoie-Roux: Vous n'avez pas encore eu votre avis sur la constitutionnalité de votre vote?

M. Bédard: Nous y sommes quand même allés de pas mal d'amendements et je préférerais - et je pense que personne ne m'en fera reproche ici - comme ministre de la Justice, prendre toutes les précautions juridiques avant de répondre seulement avec mon coeur, qui voudrait que dès demain ce

soit tout appliqué. (16 h 45)

Mme Lavoie-Roux: Absolument pas, M. le ministre, loin de nous une telle pensée!

M. Bédard: Je pense que c'est le désir de tous les membres de la commission; alors j'essaierai d'y aller, lors du discours de troisième lecture, de remarques très précises.

Mme Lavoie-Roux: Cela vous donnera le temps de vérifier ça.

M. Bédard: Je pense que tout le monde est d'accord que les problèmes que nous allons rencontrer sont des problèmes que rencontrerait n'importe quel gouvernement.

M. Marx: Le problème c'est que les dispositions valides sont entremêlées avec les dispositions non valides; c'est là le problème et ce sera très difficile à résoudre.

M. Bédard: Ce n'est pas le seul problème parce qu'il y a bien des chapitres où il peut y avoir déjà des doutes. Je partage la même préoccupation que le député, il peut y avoir des doutes. Alors, je pense qu'on ne me reprochera pas, avant d'y aller d'assertions, du point de vue juridique, de prendre toutes les précautions nécessaires.

Je voudrais revenir à...

Le Président (M. Laberge): À l'article 424?

M. Bédard: On serait peut-être mieux d'aller à... Nous allons déposer tous les amendements concernant et la séparation de corps et le divorce.

Le Président (M. Laberge): Tout ce qui a été préparé.

Des causes de divorce

M. Bédard: Je pense que nous aurions avantage à commencer l'étude par l'article 538, puisque le chapitre concernant la séparation de corps y fait référence.

Le Président (M. Laberge): L'article 538, ce sont les causes.

M. Bédard: La nouvelle formulation de 538, M. le Président, c'était pour répondre, nous l'espérons, à l'essentiel de la discussion et des conclusions que nous avons énoncées autour de la table, à l'occasion des interventions que nous ne reprendrons pas.

Le Président (M. Laberge): Ce que nous avions laissé en suspens, les articles 538, 538.1 et 538.2, qui ont été lus à la commission, je déclare qu'ils sont remplacés par de nouveaux articles dont je donnerai lecture.

Nous allons d'abord commencer par 538; j'en donne lecture, je pense qu'ils ont été portés à votre attention. 538. "Les époux mariés depuis au moins un an qui soumettent à l'approbation du tribunal un projet d'accord qui règle les conséquences de leur divorce peuvent le demander sans avoir à en faire connaître la cause. "Le tribunal prononce alors le divorce s'il considère, après avoir entendu les époux et vérifié la réalité des consentements, que l'accord préserve suffisamment les intérêts de chacun d'eux et des enfants."

Est-ce que ce nouvel article 538 sera adopté?

M. Bédard: On voulait faire référence aux enfants aussi.

Le Président (M. Laberge): On n'a pas à vérifier la réalité aussi.

M. Forget: Juste pour être sûr que l'on comprend bien le sens de cet amendement à 538, la réalité des consentements amène ou amènerait le tribunal à faire quel genre de vérification, par rapport à d'autres cas où la qualité des consentements peut être mise en doute? Est-ce que l'on veut simplement vérifier l'existence d'une déclaration formelle ou si on va au-delà de l'expression...

M. Bédard: Le mot "réalité" va plus loin que le mot "existence", c'est-à-dire qu'il faut que ce soient des consentements, non pas seulement formellement existants, mais substantiellement existants, par conséquent qui n'ont pas fait l'objet de crainte, de dol ou de violence.

M. Forget: Je vois. C'était l'intention que nous poursuivions; nous sommes d'accord avec cet amendement, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): L'article 538 est adopté. Article 538.1. 538.1 "La volonté de maintenir le lien du mariage est présumée irrémédiablement atteinte lorsque les époux ont vécu séparés pendant au moins deux ans immédiatement avant la demande. "Cependant, lorsque la séparation résulte de la décision d'un époux de ne plus faire vie commune, de son absence ou de son emprissonnement, l'époux à qui la séparation est imputable ne peut demander le divorce qu'après trois ans de séparation. Néanmoins, les époux peuvent toujours avant l'expiration des délais prévus au présent article invoquer la présomption qui découle de l'article 538.2."

M. Bédard: Concernant les délais, en ce qui me regarde, je n'avais aucune objection à ce que les deux ans soient réduits à un an.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je dois d'abord saluer les efforts de rédaction des conseillers du ministre et dire que même si nous avons quelques réserves à exprimer -que nous pensons sérieuses, d'ailleurs - il reste que nous nous acheminons vers quelque chose de valable. Mais il y a, me semble-t-il, une confusion entre deux éléments. À l'article 538.1, la présomption réfutable, qui est un moyen de preuve - non pas irréfragable - est la base même de la demande du divorce et le deuxième alinéa de l'article 538.1 transforme la présomption de fait en une cause, semble-t-il, du moins, péremptoire de divorce même pour la partie qui est fautive. Cela va au-delà de ce que nous visions. Sous réserve évidemment des difficultés de s'exprimer, de se faire comprendre là-dessus, nous visions, à l'article 538, le cas du consentement étant mis de côté...

M. Bédard: M. le Président, est-ce que je pourrais demander la suspension pour cinq minutes?

M. Forget: Sûrement.

Le Président (M. Laberge): La commission suspend ses travaux pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 53)

(Reprise de la séance à 17 h 11)

Le Président (M. Laberge): À l'ordre, mesdames, messieurs!

La commission parlementaire de la justice reprend ses travaux. Nous étudions l'article 538.1 qui a été lu tout à l'heure.

M. Bédard: Nous aurions une petite...

Le Président (M. Laberge): Un petit amendement... Une petite correction.

M. Bédard: Un amendement de conséquence parce que je pense que dans la rédaction, sans le vouloir, ce serait à l'article 538, au deuxième alinéa...

Le Président (M. Laberge): L'article 538.1

M. Bédard: À l'article 538.1, au deuxième alinéa, à la quatrième ligne...

Le Président (M. Laberge): Oui.

M. Bédard: Après le mot "peut", changer les mots "demander le divorce" par les mots "invoquer la présomption".

Le Président (M. Laberge): C'est noté. À la quatrième ligne du deuxième alinéa, après le mot "peut", enlever les mots "demander le divorce" et remplacer par "invoquer la présomption..."

M. Bédard: "...qu'après trois ans de la séparation."

Le Président (M. Laberge): Est-ce que cet amendement sera adopté?

M. Forget: La présomption ou la présomption de l'alinéa précédent?

M. Bédard: On est en train de dire qu'il serait peut-être prudent de faire... Alors, allons-y.

M. Forget: Oui, parce qu'il y a plusieurs présomptions dans plusieurs articles.

M. Bédard: La présomption de l'alinéa précédent.

M. Forget: D'accord.

Le Président (M. Laberge): La présomption de...

M. Bédard: ... de l'alinéa précédent, ça va comme ça. On ne peut pas se tromper.

Le Président (M. Laberge): L'amendement se lit donc comme suit: "Invoquer la présomption de l'alinéa précédent." Est-ce que cet amendement est adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. L'article 538.1 amendé sera-t-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté avec amendement. J'appelle l'article 538.2.

M. Bédard: 538.2 est-il adopté? M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 538.2 est adopté. J'appelle l'article 538.3.

M. Bédard: II n'y a pas de remarques spéciales.

M. Forget: Adopté.

M. Bédard: Peut-être conviendrait-il de mettre un trait d'union entre non et consommation. Ce n'est pas une modification

d'un adjectif, c'est une modification d'un nom et, par conséquent, il faudrait un trait d'union entre non et consommation.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Le trait d'union est ajouté et l'article amendé est adopté.

M. Forget: II est remarquable, M. le Président, que nous adoptions unanimement un trait d'union dans les articles relatifs au divorce.

M. Bédard: C'est qu'au-delà des sujets difficiles on trouve le moyen de ...

Le Président (M. Laberge): C'est noté.

M. Bédard: ... s'unir pour trouver la meilleure manière.

M. Forget: Oui, 545, 556.

Le Président (M. Laberge): Un moment, s'il vous plaît:

Mme Lavoie-Roux: C'est un vote en Chambre.

M. Blank: C'est un vote ou un quorum?

M. Bédard: Si c'est un vote ça va sonner plus longtemps, on va attendre un peu.

Le Président (M. Laberge): Ça complète...

M. Bédard: On peut s'informer.

Le Président (M. Laberge): La commission suspend ses travaux pour l'appel de la Chambre, et ce n'est pas l'appel de la race.

(Suspension de la séance à 17 h 151

(Reprise de la séance à 17 h 38)

Le Président (M. Laberge): À l'ordre, mesdames et messieurs! La commission parlementaire de la justice reprend ses travaux.

M. Bédard: Avec votre permission, M. le Président, j'aimerais qu'on puisse retourner à l'article 72 pour y ajouter un alinéa qui tiendrait compte de certaines remarques qui ont été faites cet après-midi.

Le Président (M. Laberge): L'article 72 ayant été adopté, avec le consentement unanime des membres, il est ouvert pour ajouter...

M. Bédard: L'alinéa suivant qui se lirait comme suit: "Toutefois, l'héritier qui a déjà accepté la succession peut néanmoins y renoncer dans l'année qui suit l'entrée en vigueur des articles 603 ou 735.1 du Code civil si ces articles trouvent application quant à la succession qu'il a acceptée."

M. Forget: D'accord, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Cela va. Cet amendement est adopté et l'article 72 se trouve donc adopté tel qu'amendé.

M. Bédard: Nous allons continuer où nous étions...

Le Président (M. Laberge): Nous étions à 72.

M. Forget: 524, 525.

M. Bédard: Nous avions trois articles en suspens. C'est cela?

Le Président (M. Laberge): L'article 72 ayant été adopté, nous revenons à l'article 524 du nouveau Code civil, donc à l'article 1 du projet de loi.

L'article 524 a été suspendu; on nous demande de le remplacer par l'article qui suit: "II est réputé en être ainsi notamment dans les cas prévus par les articles 538.1 à 538.3 ou lorsque les époux ou l'un d'eux rapportent la preuve d'un ensemble de faits rendant intolérable le maintien de la vie commune."

Est-ce que ce nouvel article...

M. Bédard: Excusez-moi, M. le Président. Avant de revenir à la séparation de corps, je voulais fermer tous les articles concernant le divorce parce qu'il y a des références...

Le Président (M. Laberge): Je m'excuse. Oui, je sais qu'on a...

M. Forget: D'accord.

Le Président (M. Laberge): Nous suspendons l'article 524 que je viens de lire pour retourner à l'article 545, je crois. Oui, l'article 538 ayant été adopté, et 538.1, 538.2 et 538.3, l'article 545 est ouvert.

M. Bédard: Est-ce que c'est pour les frais de justice?

Le Président (M. Laberge): Oui. La question sur les frais de justice.

M. Bédard: Nous proposerons peut-être "frais de l'instance". C'est une précision qui

avait été demandée. M. Forget: Oui.

Le Président (M. Laberge): Je fais donc la correction.

M. Bédard: Au lieu de frais de justice...

Le Président (M. Laberge): Le mot "justice" est changé par "l'instance".

M. Bédard: II faudra mettre "les" devant "frais" maintenant, "pour les frais de l'instance".

Le Président (M. Laberge): Cela va. L'article 545 se lira comme suit: "Le tribunal peut ordonner à l'un des époux de verser à l'autre une pension alimentaire provisoire ou une provision pour les frais de l'instance." Est-ce que cet article...

M. Bédard: C'est bien "et", "et une provision"?

Le Président (M. Laberge): Oui, j'espère que je l'ai dit, "provisoire et une provision". Cet article 545 amendé sera-t-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

Mme Lavoie-Roux: Adopté.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté avec amendement. Nous passons donc à l'article 556.

M. Bédard: Nous avions un amendement à cet article que nous avons communiqué.

Le Président (M. Laberge): 556. Je ne l'ai pas.

M. Bédard: Vous l'avez là.

Le Président (M. Laberge): Je ne l'ai pas, moi.

M. Bédard: Je peux vous le donner, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Oh, je l'ai! Pardon. D'accord. Il était avec l'article 545. 556, remplacer l'article par le suivant: "Le divorce éteint le droit qu'avaient les époux de se réclamer des aliments, à moins que, sur demande, le tribunal, au moment où il prononce le divorce, n'ordonne à l'un des époux de verser les aliments à l'autre ou ne réserve le droit d'en réclamer." Ce nouvel article 556 sera-t-il adopté?

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ...nous aimons mieux cette formulation sur le plan d'une intelligence des intentions de mettre fin à la relation de dépendance entre les époux au moment du divorce, sauf pour ce qui est des mesures transitoires; mais, précisément au niveau du langage ici et aussi au niveau des objectifs visés par le maintien de cette obligation alimentaire, puisque c'est le terme qui est retenu, pour l'instant, du moins, on ne va pas dans le sens que nous avions indiqué et qui avait été réclamé, je pense, par un bon nombre de groupes féminins. Je pense, encore une fois, qu'il ne s'agit plus d'une obligation alimentaire. Il s'agit de quelque chose d'autre déterminé en fonction d'autres critères et il eût été souhaitable, pour bien faire la démarcation, que ce nouveau type d'obligation soit désigné sous un autre nom, quitte à ce que certaines des dispositions relatives aux obligations alimentaires lui soient appliquées. Je pense que, dans la mesure où c'est versé sous forme de pension, l'indexation pourrait être appliquée, certaines règles, sélectivement pourraient être appliquées. Mais il faudrait bien remarquer qu'il s'agit là de quelque chose d'autre et d'une nouvelle relation financière entre les exconjoints. (17 h 45)

En outre, nous avions suggéré que les intitulés des sections qui traitent des effets du divorce fassent une meilleure distinction entre les effets sur le patrimoine, consignés à cinq articles au début du chapitre troisième, les effets à l'égard des époux, et finalement, les effets à l'égard des tiers et des enfants, l'avantage de ceci étant de bien montrer que les articles 552, 553, 554 et 555 appartiennent à une catégorie de considérations, ce que nous avons appelé globalement le redressement des actifs, le redressement des patrimoines; les autres, à partir de l'article 556, qui traitent des obligations dites alimentaires, pour se comprendre, il faut dire qu'il s'agit là de considérations différentes, basées sur des critères différents. Autrement, j'ai l'impression que, s'il n'y a pas cette démarcation, il y aura toujours une certaine confusion entre ce qui est versé au titre de la prestation compensatoire de l'article 555 et ce qui est versé au titre de la pension alimentaire de l'article 556 ou de ce qui prendrait la place de la pension alimentaire. Je pense qu'il y a là une confusion qui ne devrait pas s'établir. Ce sont deux séries de considérations bien différentes.

Mme Lavoie-Roux: Je n'ai rien à ajouter. Je l'avais déjà soulevé la semaine dernière, je pense. Je l'ai soulevé dans mon discours de deuxième lecture. Je rejoins

l'argumentation du député de Saint-Laurent, que, dans le cas du divorce, on modifie le terme "aliments".

M. Bédard: On a modifié... de simplement modifier le terme, d'accord.

Il est vrai qu'il y a certaines différences entre ce qu'on pourrait appeler le règlement des intérêts financiers des époux et la question qui concerne les aliments. Néanmoins, je pense que dans tous les cas, on a affaire tout de même à des dispositions financières ou des dispositions qui vont se traduire de façon financière. C'est pour cela qu'il nous a semblé tout de même que cette distinction, qui effectivement peut être faite à certains égards, ne méritait peut-être pas de passer exactement dans la section I, ne méritait peut-être pas deux paragraphes qui sépareraient ces questions. Tout de même, je crois que cela se traduit toujours par des évaluations financières.

M. Forget: Pour préciser ma pensée, M. le Président, lorsque nous parlons de prestations compensatoires, à l'article 555, quand le tribunal est amené à réévaluer la contribution qu'un conjoint a pu apporter financièrement ou par ses services, il regarde essentiellement le passé. Le mariage vient à son terme et il se dit: Étant . donné la contribution respective des deux conjoints à l'accroissement, à l'enrichissement du patrimoine, quelles dispositions doivent être prises pour placer, au moment de la dissolution et compte tenu de ce qui s'est passé avant la dissolution, les deux parties dans une situation équitable, compte tenu de leur contribution, compte tenu de l'enrichissement et compte tenu de ce qu'ils ont pu anticiper au niveau des donations entre vifs qu'ils se sont consenties au moment du mariage? On corrige tout cela et on dit: Compte tenu de leur contribution respective, compte tenu de l'enrichissement du passif, voici comment ils devraient se partager l'actif qui existe à la date où le mariage vient à dissolution par divorce. C'est une chose. Il est important que ce soit fait. On corrige, en quelque sorte, le passé en fonction de ce qui s'est passé avant la dissolution. Mais il y a aussi tout l'avenir. Relativement au futur, nous disons - c'est plus clair - dans l'article 556: que les conjoints n'ont plus l'obligation de se faire vivre l'un l'autre, selon leurs capacités et selon leurs besoins. Cette solidarité entre les conjoints cesse, ils ne sont plus mariés. Cependant, la situation de fait de l'un des conjoints, au moment du mariage, peut être telle que ce conjoint est incapable d'assumer seul, sans aide, les responsabilités qui lui incombent désormais seul, comme indidividu indépendant. Ceci peut être fonction du fait que l'un des conjoints n'a pas une capacité de gain autonome à cause du mariage, etc.

Mais il reste qu'au moment où on porte le jugement, on constate un défaut de capacité de subvenir à ses besoins. Les mesures qui sont prises à ce moment-là pour l'avenir visent à corriger ce défaut. Il s'agit de mesures qui cherchent à corriger ce défaut dans la capacité de gain, qui cherchent à rendre autonome le plus rapidement possible cet autre conjoint et qui, dans l'intérim, lui permettant de subvenir à ses besoins. Mais il ne s'agit plus du même genre d'obligation. Il ne s'agit plus du même genre de besoins. Il ne s'agit plus du même genre de problème à résoudre.

En disant: Ce sont toutes des considérations financières, oui, je veux bien, comme l'ensemble du code est un ensemble de considérations juridiques. Ce n'est pas pour cette raison-là qu'on supprime tous les intitulés en disant: C'est du droit. II n'y a pas plus d'homogénéité dans les conditions financières qu'il n'y en a dans les conditions juridiques. Certaines dispositions sont prises pour atteindre un but. Certaines autres dispositions sont prises pour atteindre un autre but. Elles sont toutes aussi distinctes, que toutes les distinctions juridiques qu'on voudra faire, même si, du point de vue du droit, ce ne sont que des considérations financières; de la même façon, vis-à-vis des considérations financières, toutes les considérations juridiques tombent dans le même panier. Mais je pense qu'on ne s'aide pas en faisant cette confusion-là. D'autant plus que je crois qu'on attire, à juste titre, l'attention du législateur sur le besoin. Par exemple, si l'un des conjoints veut régler son problème d'indépendance retrouvée en demandant une assistance financière temporaire pour permettre le recyclage, la formation professionnelle, retourner aux études, par exemple, il ne s'agit pas d'une obligation alimentaire à proprement parler. Il s'agit de quelque chose qui va être déterminé en fonction d'un besoin bien précis de retrouver l'autonomie et de retrouver ou augmenter une capacité de gain. Il n'est pas du tout sûr que cela tombe sous la définition normale, surtout après divorce, de l'obligation alimentaire. C'est une chose qui va devoir être payée à un rythme différent pour une période différente de l'obligation permanente de subvenir aux besoins du conjoint, qui sont les besoins ordinaires de la vie courante.

Il me semble que ce serait plus clair si on faisait cette distinction. Cela correspondrait, je pense, à ce qu'un grand nombre de femmes, en particulier, se posent comme question au moment de la dissolution du mariage.

M. Bédard: M. le Président, nous allons nous accorder quelques moments de réflexion. Peut-être qu'il y a possibilité de sous-sections. Pour ce qui est du mot

"alimentaire", je pense qu'on ne doit pas simplement chercher à changer les mots pour les changer. Ce n'est pas cela qui change nécessairement les réalités. Je pense que justement avec le contenu du code tel qu'il est, même en gardant l'appellation d'aliments, à ce moment-là, il peut prendre une signification, il va prendre nécessairement une signification différente. Cela fait partie de l'évolution de la signification des mots.

Pour ce qui est de diviser en deux sections pour que ce soit plus intelligible, nous avons fait part de nos réserves. Il y a, peut-être, néanmoins, une possibilité d'avoir un paragraphe premier qui s'appellerait "Du règlement des intérêts financiers des époux" et un second qui pourrait s'appeler "Des effets du divorce quant aux aliments". Il resterait à déterminer l'endroit où nous mettrions "Du règlement des intérêts financiers", car l'article 552 mêle un peu les effets personnels du divorce et certains effets patrimoniaux avec la dissolution du régime matrimonial.

M. Forget: Oui, cela pourrait être placé directement après le 552, après l'intitulé du chapitre. Les effets du divorce et les effets patrimoniaux comme tels commenceraient à 553, si c'est là une source de problèmes.

M. Bédard: D'accord.

M. Forget: Effectivement, c'est à 553 que commencent les dispositions proprement patrimoniales.

M. Bédard: C'est cela. Il est dix-huit heures, M. le Président. On pourra commencer avec cela.

Le Président (M. Laberge): Sur ce, mesdames et messieurs, la commission parlementaire de la justice ajourne ses travaux à 20 heures.

M. Bédard: À 20 heures. (Suspension de la séance à 17h 55)

(Reprise de la séance à 20h22)

Le Président (M. Laberge): La commission permanente de la justice reprend ses travaux qui consistent à étudier article par article le projet de loi no 89.

Nous en sommes à l'étude de l'article 556 pour lequel on nous propose de remplacer l'article par le suivant: "Le divorce éteint le droit qu'avaient les époux de se réclamer des aliments, à moins que, sur demande, le tribunal, au moment où il prononce le divorce, n'ordonne à l'un des époux de verser des aliments à l'autre ou ne réserve le droit d'en réclamer."

Je pense qu'il y a déjà eu un bout de discussion là-dessus.

Est-ce que cet article 556 sera adopté?

M. Forget: Je n'ai rien d'autre à ajouter, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: Article 556?

Le Président (M. Laberge): Article 556. M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, si vous n'avez pas d'objection, il y aurait deux sous-sections...

Le Président (M. Laberge): Vous voulez dire des... Ah oui, à intercaler.

Si vous voulez bien, on va fermer 556. Est-ce que vous fermez l'article 556, pendant qu'on y est?

M. Bédard: Au niveau de l'Opposition, on a parlé beaucoup de la prestation compensatoire ou de mesure compensatoire aux fins de remplacer ce qui est à définir, ce qu'on appelle "aliments", en language juridique. Il me semble, M. le Président, qu'il ne faudrait pas donner à la notion d"'aliments" la signification négative qu'on peut avoir. Que ce soit de prestation ou de mesure compensatoire, je crois qu'on parle d'un concept qui n'est pas précis. On peut parler d'une énumération possible qui risque d'être limitative et incomplète, alors que le terme "aliments" est un terme dont la signification est connue non seulement du point de vue juridigue, mais également connue, je dirais même, du point de vue populaire. Je ferai remarquer en passant que toutes les provinces canadiennes utilisent des nations correspondantes en parlant de "maintenance", d"'alimony". Autrement dit, c'est un terme qui a une signification non seulement juridique et populaire, mais qui est étendu à l'ensemble des provinces canadiennes. En France, on a fait, en 1975, la révision du Code civil; ça ne remonte quand même pas si loin que cela. On emploie très expressément la notion d'aliment, de pension alimentaire. Cela n'a absolument aucune connotation négative comme certains essaieraient de le faire croire.

J'aime autant dire ce que je pense, il y a un bout à charrier de ce côté-là. On a essayé de faire des innovations. Quand on regarde l'ensemble de la philosophie du nouveau Code civil du Québec, à un moment donné, les mêmes mots peuvent peut-être, dans le passé, avoir eu une connotation moins positive mais ils peuvent, en fonction de l'avenir, avec une nouvelle philosophie, prendre une connotation beaucoup plus positive.

En France, je l'ai dit tout à l'heure... Peut-être que nos experts pourront ajouter quelques mots par rapport aux recherches qu'ils ont eu à faire avant de déterminer les mots employés pour que ces mots veuillent bien dire quelque chose. On a souvent demandé, au niveau du débat, d'essayer d'employer, pour autant que c'est possible, des mots qui ont une connotation populaire et juridique bien précise. S'il y en a un qui a cette connotation, c'est bien le mot "aliment". Ce n'est pas parce qu'on n'aime pas un mot, à mon avis, qu'on doive penser que n'importe quelle autre notion ou n'importe quel mot peut le remplacer avec succès.

Par exemple, s'il fallait employer l'expression "prestations compensatoires" ou encore "mesures compensatoires", je l'ai dit tantôt, cela pourrait vouloir dire une énumération de mesures possibles qui risquent d'être limitatives et incomplètes.

Deuxièmement, cela peut engendrer des débats juridiques pendant des années sur la portée même de ce concept. On pourrait se poser des questions à l'effet de savoir quel sera le sort des garanties liées à la notion d'aliment. Je pense, par exemple, aux hypothèques, aux sûretés, toutes ces notions juridiques bien connues qui sont liées, au niveau du projet de loi, à la notion d'aliment et qui, peut-être, ne peuvent pas aussi facilement être liées à d'autres notions, pour le moins qu'on puisse dire, qui ne sont pas encore définies comme celle de la prestation compensatoire ou de la mesure compensatoire.

Le mot "aliment" est consacré dans plusieurs autres lois. On fait dire à la notion que cela pourrait comporter une signification qui serait dans le sens de l'évaluation d'une perte sur le marché du travail, sur le plan professionnel. Au bout du compte, on se demande si c'est une indemnité. Si cela devait être le cas, qu'est-ce qui arriverait de toute la notion d'indexation par rapport à une indemnité si cela venait à être interprété juridiquement comme cela?

Je devais le dire, ne serait-ce que pour le journal des Débats, et pour ne pas avoir l'air de passer à côté d'une notion de remplacement qui est véhiculée avec bonne foi, de ça je suis convaincu, mais on doit reconnaître que c'est un concept non précis, en tout cas au moment où on se parle. Ce sont les remarques que je voulais faire sur les raisons pour lesquelles je crois que, toute proportion gardée, toute évaluation faite, il est préférable de garder la notion d'aliments, préférable de garder la notion d'aliments.

Le Président (M. Laberge): Le whip adjoint du gouvernement m'a demandé de remplacer comme membre à la commission, ce soir, M. Charbonneau (Verchères) par M. Marcoux (Rimouski), M. Charbonneau étant retenu à une autre commission.

Je donne la parole à Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: II m'apparaît extrêmement important que nous fassions le remplacement, M. le Président, et nous sommes d'accord.

Le Président (M. Laberge): Parfait. Vous avez la parole.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je viens d'entendre le ministre de la Justice qui nous a dit qu'il y avait un bout à charrier, au moins dans la première partie de son intervention.

M. Bédard: Je ne m'adressais pas à vos propos, madame. Vous l'avez évoqué.

Mme Lavoie-Roux: M. le ministre, faites attention à ce que vous dites.

M. Bédard: Je fais toujours attention!

Mme Lavoie-Roux: Non, parce que quand nous avons fait la proposition ou que mon collègue de Saint-Laurent a fait la proposition, c'est que nous croyions qu'il y aurait lieu, en 1980, alors qu'on est à moderniser le Code civil, de penser qu'un terme puisse avoir évolué et qu'il puisse même être remplacé au besoin. Je ne vois aucun charriage là-dedans de quelque nature que ce soit.

Evidemment, l'évolution du terme "aliments", je ne la connais pas. Il y a assez de juristes ici qui doivent la connaître, mais il me semble que peut-être, au point de départ, il avait probablement assez strictement le sens d'aliments, dans le sens que c'était pour empêcher que son conjoint ne soit dans la misère, quand les revenus des gens étaient moindre. À l'usage, avec l'évolution, il recouvre probablement un plus grand nombre de choses que strictement les aliments. C'est pour ça qu'aujourd'hui, avec une évolution encore plus grande où on parle de compensations de toutes sortes et, comme le signalait le député de Saint-Laurent, le fait que le divorce ait établi un autre ordre de relations entre les conjoints, on croyait, nous, que ça valait au moins la peine de se pencher là-dessus.

D'ailleurs, j'avais pensé, avant que nous nous quittions pour le souper, qu'il y avait une certaine ouverture, qu'on pouvait sentir une certaine ouverture de la part des conseillers du ministre. J'aimerais mieux que le ministre nous donne une réponse - à moins que ce ne soit là ses convictions profondes que c'est un terme qui est fixé dans le béton pour l'éternité - qu'il nous donne comme explication que c'est une chose à explorer. Mais au moment où nous en

sommes, évidemment, ça n'implique pas que tel article - disons l'article 555, je ne sais pas exactement où ça se retrouve - ça impliquerait peut-être, dis-je, des modifications à plusieurs articles, ça amènerait à réviser peut-être une section en entier pour l'adapter à cette nouvelle notion.

Il m'apparaît qu'avant le dîner, on n'avait pas senti une fermeture absolue de la part des conseillers du ministre. Ceci serait peut-être une explication plus plausible que de dire: Écoutez, c'est une innovation qui n'est pas justifiée, on veut remplacer des mots presque pour le plaisir de les remplacer.

Je pense que c'était un effort de la part de l'Opposition. C'est vrai que c'est une suggestion qui nous est venue non seulement d'un groupe, mais de quelques groupes. Si on avait eu plus de temps... Peut-être n'est-ce pas peine perdue non plus. Il y aura peut-être encore du temps pour qu'on puisse y songer plus longuement et qu'on apporte des modifications dans ce sens.

Pour ma part, je n'ai pas autre chose à ajouter. Il reste que c'est mon point de vue. Évidemment, cette suggestion venant de notre côté, ça peut être jugé comme n'étant pas très objectif. C'est un concept qui valait quand même la peine d'être examiné, de la même façon qu'on a introduit des notions nouvelles dans la révision du Code civil pour s'adapter aux besoins d'aujourd'hui et, dans une certaine mesure, pour prévoir aussi comment seront les choses dans une ou deux générations à venir. On aurait pu, à l'égard de ces termes, avoir le même souci et exercer un jugement plus favorable que celui que le ministre a exercé en l'occurrence. Merci, M. le Président.

M. Bédard: M. le Président, je pense avoir fait preuve, tout au cours de l'étude de ce projet, d'ouverture d'esprit - sans être nécessairement toujours d'accord. On se comprend. Cela a été la même attitude de l'autre côté, de la part de tous les membres de la commission parlementaire. Les propos que je viens de tenir ne doivent en aucune façon être interprétés comme une fermeture de l'esprit par rapport à une notion qu'on a évoquée ici et qui a été évoquée par un groupe. Je n'ai pas dit que le mot "aliment" était fixé dans le code pour l'éternité, je ne veux pas voir aussi loin que cela. Je comprends qu'on est en train de moderniser le code, mais en le modernisant on doit penser aussi - et on l'a évoqué souvent au cours des débats - à la compréhension populaire qui est faite déjà de certains termes.

Par exemple, si on prenait seulement le prétexte qu'on est en train de moderniser, donc, qu'il faudrait changer, je pense bien qu'on aurait de la difficulté. Il y a des mots qui jusqu'à maintenant sont là, ont une signification et qu'on a réemployés. Je pense, par exemple, à la notion d'hypothèque. Ce n'est pas parce qu'on est en train de moderniser que quelque chose qui a une connotation juridique précise doit nécessairement changer d'appellation. La même chose pour ce qui est de sûreté. Je pourrais en ajouter. Tout ce que j'ai voulu dire, je pense que c'est un peu la même chose concernant la notion d'aliment. Comme Mme la députée de L'Acadie l'a évoqué tout à l'heure, il y a quelques années, le mot aliment évoquait simplement une chose. Avec le temps, cela a pris une dimension nouvelle, soit à la suite de jugements ou à la suite d'autres réflexions. Je crois qu'il faut laisser évoluer le terme et peut-être qu'à ce moment son contenu rejoindra... C'est cela qui est important, le contenu exact de la notion d'aliment.

Je tiens à rassurer non seulement Mme la députée de L'Acadie, mais également le groupe et sa représentante principale qui ont évoqué cette notion. Non seulement nous l'avons explorée, mais à un point tel que je croyais nécessaire d'y aller de quelques propos sur les motivations qui nous amenaient, au moment où on se parlait, à avoir beaucoup de réticences à employer ce terme pour en remplacer un qui veut dire quelque chose de très précis. Ce sont des réticences qu'on pourrait avoir à changer un mot qui a un contenu très précis par une notion qui, à mon sens, est imprécise. Cela ne lui enlève pas sa valeur. Il y en a toujours des fois qui font oeuvre de précurseurs. L'avenir le dira.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président...

M. Bédard: Si vous me permettez, Mme la députée de L'Acadie, vous vous êtes un peu référée aux experts. Peut-être qu'ils pourraient évoquer un peu, je dirais, la tradition du mot aliment dont on parle et son évolution.

Ce que je puis dire en tout cas, comme juriste ayant travaillé dans ce dossier, c'est que nous avons travaillé dans un certain contexte - je parle toujours au plan juridique et d'abord dans le contexte suivant: l'Office de révision du Code civil, après avoir soumis son rapport, a proposé de maintenir ce concept d'aliment, même à la suite d'un divorce ou d'une séparation de corps, en le réglementant. C'est un premier contexte quand même dans lequel nous avons travaillé. Un deuxième contexte aussi est celui du droit étranger, canadien comme français, pour prendre des exemples, où la notion de pension alimentaire ou d'aliment, à la suite d'un divorce ou d'une séparation de corps, continue d'être le concept utilisé. Pour nous, juristes, quand on travaille, ce genre de contexte-là détermine parfois nos comportements.

Je dois dire aussi que nous avons, pendant les deux dernières années, donc c'est quelque chose de très récent, été appelés à travailler sur les textes de ce qui pourrait être un amendement à la constitution canadienne, donc, ayant les textes anglais et les textes français, pour ce qui est de ce dossier, qui est toujours ouvert, du transfert éventuel de la juridiction du fédéral aux provinces en matière de mariage et de divorce. Les amendements qui étaient proposés aux articles 91 et 92, tous les textes - on était vraiment dans le cas des nullités de mariage et de divorce parce que c'est là que la juridiction fédérale s'exerce -parlaient de "maintenance alimony" etc., qui se traduisent chez nous en termes d'aliments. Je vous donne donc ce contexte dans lequel nous avons travaillé. Peut-être aurions-nous pu avoir plus d'imagination aussi, mais c'est celle dans laquelle nous avons travaillé.

D'autre part, il est certain qu'il y a une très longue tradition, non seulement jurisprudentielle mais doctrinale, sur toute cette question d'aliments et les évaluations des aliments, des besoins, des facultés, etc. Il y a tout cet apport important qui est là, qui est sécurisant et qui rassure et que nous avons utilisé.

Pour ma part, ce n'est pas un rejet a priori de cette notion-là, sauf que je n'ai pas trouvé d'étude actuellement - il faudrait peut-être en faire - définissant de façon importante et complète ce que c'est, ce nouveau concept, quel est son contenu, l'évaluation, les conséquences qui vont en découler, quelle sorte de réaménagement ça peut entraîner également dans les rapports entre les époux, une fois qu'ils sont divorcés. Ce n'est pas qu'il ne faille pas la faire mais ce n'était pas fait. On n'a pas trouvé d'ouvrage ou de travaux importants sur la question. Un juriste, c'est peut-être un peu conservateur, c'est peut-être un peu prudent aussi. Avant d'accepter volontiers des institutions nouvelles, j'aime bien les peser, les évaluer, voir si ça fonctionne. Je vous dis donc qu'il n'y a pas de littérature bien importante sur la question. Je dis qu'intellectuellement j'ai de l'ouverture, on peut l'examiner, mais pour le moment on en est pas là. C'est à peu près tout ce que je peux ajouter.

Le Président (M. Laberge): Avant d'adopter le nouvel article 556, on nous a suggéré deux petites retouches. Après le mot "tribunal", ajouter une virgule et remplacer, à la cinquième ligne, après le mot "verser", l'expression "les" par "des". Pour préciser ce qui a déjà été fait dans d'autres articles.

M. Bédard: Et une virgule après le mot "tribunal".

Le Président (M. Laberge): Oui, c'est fait, je viens de le noter.

M. Bédard: Elle semble importante.

Le Président (M. Laberge): Oui, c'est fait, je viens de le noter. Oui, autrement ce n'est pas lisible. Je suppose que vous acceptez ces modifications.

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. La nouvelle rédaction de l'article 556 amendé sera-t-elle adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté avec amendement.

M. Bédard: II y avait aussi les deux... Ah bon!

Le Président (M. Laberge): Oui, j'y reviens tout de suite. (20 h 45)

Pour distinguer des paragraphes, dans la section I, on nous recommande de remplacer l'article 552 par ce qui suit, c'est-à-dire qu'on va avoir à le diviser. Je vous en donne lecture. Le nouvel article 552 se lira: "Le divorce rompt le lien du mariage." Ensuite, paragraphe 1, "du règlement des intérêts financiers des époux". 552.1: "Le divorce emporte la dissolution du régime matrimonial." Un autre paragraphe: "Les effets de la dissolution du régime remontent, entre les époux, au jour de la demande, à moins que le tribunal ne les fasse remonter à une date antérieure par application de l'article 496." Ce nouvel article 552 sera-t-il adopté à la place de l'ancien?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Ensuite, on nous demande après l'article 555 d'ajouter ce qui suit, au deuxième paragraphe: "Des effets du divorce quant aux aliments." avant l'article 556. Cette numérotation et ce paragraphe seront-ils adoptés?

M. Bédard: II n'y a pas de point.

Le Président (M. Laberge): Ahl Après "aliments"?

M. Bédard: Oui.

Le Président (M. Laberge): Parfait. De la précision. Merci.

Mme Lavoie-Roux: ... intérêts financiers. C'est la question dont vous aviez parlé avant souper.

M. Bédard: Oui, qu'a invoquée le député de Saint-Laurent pour que...

M. Forget: Ne devrait-il pas, M. le Président, y avoir une troisième section après l'article 564? Non?

M. Bédard: Non, parce qu'on a gardé la section I sauf qu'on l'a subdivisée en deux sous-sections.

Le Président (M. Laberge): Cette sous-section II sera-t-elle adoptée?

M. Forget: Adopté. M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Nous ferons les corrections en conséquence. Nous pouvons donc revenir à 557. À 557, on nous fait remarquer sur les papillons que vous avez entre les mains qu'il n'y aucun amendement de suggéré, mais on nous demande de rouvrir l'article 560 pour ajouter au début, avant les mots "le droit", ce qui suit: "...sauf le cas de fraude,". Voulez-vous rouvrir d'abord l'article 560 en premier et, après cela, on reviendra à l'article 557, si vous le voulez? L'article 560 était adopté. C'était ouvert et...

M. Forget: D'accord. Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Alors, "sauf le cas de fraude,". Adopté.

M. Forget: C'est plus sage que de prolonger le délai. Je crois que c'est une très bonne solution.

Le Président (M. Laberge): L'article 560 se trouve...

M. Forget: La fraude aurait probablement eu cet effet de toute façon, mais ce n'est pas sûr.

M. Bédard: Ce n'est pas sûr. On y a réfléchi. Je pense qu'il est prudent de le dire.

M. Forget: Oui, il vaut mieux. Je crois que oui.

Le Président (M. Laberge): À l'article 560, l'amendement est adopté. L'article 560 amendé, adopté avec amendement. Je reviens donc a l'article 557. L'article 557 sera-t-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté.

M. Bédard: II y avait l'article 561 qui était resté ouvert, M. le Président, je crois.

Le Président (M. Laberge): Oui, il est ouvert. Article 561. M. le ministre.

M. Bédard: II n'y a pas de...

Le Président (M. Laberge): Correction.

M. Bédard: ...correction. C'est parce qu'on attendait la réponse à l'article 556, je crois.

M. Forget: D'accord. Adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 561 est adopté. Article 566. C'est la même chose.

Une voix: Oui.

Le Président (M. Laberge): L'article 566 sera-t-il adopté?

M. Bédard: C'est parce que c'était relié à la résidence familiale que nous l'avions gardé. Il s'agissait du chapitre des enfants, mais c'était relié à la résidence familiale.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que l'article 566 sera adopté?

M. Forget: Dans le chapitre sur la résidence familiale, on traite de l'attribution, par le tribunal, d'un droit de propriété éventuel ou d'un droit d'occupation.

M. Bédard: C'est cela.

M. Forget: D'accord. Adopté.

Le Président (M. Laberge): L'article 566 est adopté. Cela ferme ces quatre articles. Maintenant, ce qu'il nous reste, ce sont les articles 524, 525 et 526, de même que l'article 5.

De la séparation de corps

On revient à l'article 524. M. le ministre.

M. Bédard: II s'agit de remplacer l'article comme suit: "II est réputé en être ainsi notamment dans les cas prévus par les articles 538.1 à 538.3 ou lorsque les époux ou l'un d'eux rapporte la preuve d'un ensemble de faits rendant intolérable le maintien de la vie commune".

M. Blank: Je pense que c'est très bon. Ici, on met un peu de différence entre les raisons du divorce et de la séparation. J'avais peur, à un moment donné, que si les raisons pour le divorce et la séparation

étaient les mêmes... D'après mon expérience devant les tribunaux, avec n'importe quelle raison on avait une séparation, et je ne voulais pas que la jurisprudence pour la séparation agisse pour celle du divorce. Avec cet amendement, je pense qu'on a amélioré la situation, parce que les juges peuvent donner une séparation pour la deuxième partie, après le mot "ou", et cela ne s'applique pas nécessairement aux articles 538.1 à 538.3. On a besoin de cette différence. On est rendu aujourd'hui qu'une séparation, devant les tribunaux, c'est sur demande. Si on ne veut pas qu'un divorce soit obtenu sur demande, on doit avoir cette différence entre les deux. Je pense qu'il y a une amélioration à 100% avec cet amendement. Je félicite le gouvernement.

M. Bédard: Merci.

M. Blank: Et les experts. Je ne sais pas si c'est le gouvernement, mais au moins les experts.

Mme Lavoie-Roux: Ce sont certainement les experts.

M. Bédard: Soyons corrects jusqu'à la fin.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que l'article 524, nouvelle rédaction, sera adopté?

M. Forget: Adopté.

M. Bédard: Une chose qui est certaine c'est que le travail est...

Le Président (M. Laberge): Adopté. Article 525.

M. Bédard: J'avais préparé une fleur pour le député de Saint-Louis, mais...

Mme Lavoie-Roux: Je peux lui envoyer le bouquet si vous voulez.

M. Blank: Un Dom Pérignon serait assez.

M. Bédard: Je pense que lorsque nous sommes passés à cet article le député de Saint-Louis y a attaché un intérêt tout à fait spécial, à savoir qu'il y ait une différence entre la séparation de corps et le divorce. Comme bon plaideur...

M. Blank: Franchement, dans la pratique, on peut voir la différence. On voit des gens qui veulent une séparation. On peut voir une différence, sinon, on va détruire des mariages et le but de notre affaire est au moins d'essayer de sauver des mariages.

M. Bédard: C'est clair.

M. Blank: Mais si on ne fait pas cette différence...

M. Bédard: On avait la même préoccupation. Votre bon plaidoyer a donné de bons... Je vais vous envoyer une plaque!

Le Président (M. Laberge): À l'article 525, au premier alinéa, on nous demande de remplacer, après le mot "avoir" dans la troisième ligne, les mots "à rapporter d'autres preuves d'une atteinte grave à leur volonté de vie commune" par "en faire connaître la cause". Est-ce que cet amendement sera adopté? C'est la dernière ligne du premier alinéa de l'article 525.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Amendement adopté. Deuxièmement, on nous demande au deuxième alinéa, à la deuxième ligne, d'ajouter après le mot "époux" ce qui suit: "et vérifié la réalité des consentements,". Est-ce que cet amendement sera adopté?

M. Bédard: Je pense qu'on a déjà employé l'expression, en s'entendant...

Mme Lavoie-Roux: Cet après-midi, pour le divorce.

M. Bédard: ...sur la signification de ce que nous ont dit les experts, que cela voulait vraiment dire de vérifier la validité du consentement.

Le Président (M. Laberge): Amendement adopté. À l'article 526, il y a une rédaction nouvelle. Cela se lit comme suit: "À tout moment de l'instance en séparation de corps, il entre dans la mission du tribunal de conseiller les époux, de favoriser leur conciliation et de veiller aux intérêts de l'enfant." Paragraphe suivant: "Les autres règles relatives à l'instance en divorce s'appliquent aussi à la demande en séparation de corps." Est-ce que ce nouvel article 526 sera adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Maintenant, nous nous reportons à l'article 5. L'article 5...

M. Bédard: Est-ce qu'on pourrait adopter l'article 1? Je voudrais être sûr qu'on ne recommence pas.

Le Président (M. Laberge): Du fait, tous les articles ont été adoptés. Tous les alinéas...

M. Forget: C'est une motion débattable, on avait 20 minutes de droit de parole

chacun, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): L'article 1 est appelé. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Article 1, adopté.

M. Bédard: II y a l'article 75.

Le Président (M. Laberge): Non, il y a l'article 5.

M. Bédard: M. le Président, ce qu'on me fait remarquer, c'est technique; je pense même que c'est usuel concernant l'article 1, parce que cela ne s'applique qu'à l'article 1. On doit faire la motion, à la suite de l'étude de l'article 1, de renuméroter les articles du livre deuxième du Code civil du Québec, en partant du numéro d'article 400 et corriger la table des matières du livre deuxième en conséquence. Cela va?

M. Forget: Adopté. Si on me permet une question, M. le Président, on retient 400 comme le numéro du premier article. Évidemment, c'est une estimation du nombre d'articles qu'il sera nécessaire d'avoir pour traiter des sujets qui viennent avant. C'est, évidemment, une hypothèse de travail, à ce moment-ci, rien d'autre que cela. Il faut donc envisager que, lorsque la première partie du Code civil sera adoptée, il faudra que tout le monde réapprenne une nouvelle numérotation de tous ces articles que nous venons d'adopter.

M. Bédard: Sûrement. Il en sera de même pour tous les autres articles.

M. Forget: Ce sera un recyclage permanent.

M. Bédard: Puis-je ajouter que l'idée est de garder la numérotation, que nous allons reprendre à la suite de la motion, aussi stable que possible. Même si, dans le Livre premier, il n'y avait place, quant au contenu, que pour 350 articles, il restera des numéros, bien sûr, inoccupés. Il est important de penser que le Code civil a des chances d'être amendé plus fréquemment et, par conséquent, que la numérotation n'a peut-être pas tout à fait le même sens qu'elle pouvait avoir il y a un siècle et que, d'autre part, il est important aussi d'assurer une certaine stabilité aux numéros pour permettre la citation des articles dans les ouvrages de doctrine, dans la jurisprudence, je dirais aussi dans la mémorisation du contenu du code; on s'y habitue plus facilement. On a prévu une souplesse dans les espaces à conserver. Le système aussi de numérotation avec décimales, par exemple l'article 400.1, permet d'introduire aussi, sans chambarder toute la numérotation, des amendements qui viennent s'insérer entre les articles.

M. Forget: M. le Président, je pense que cette préoccupation au sujet des numéros des articles est importante puisqu'ils finissent par devenir un langage codé pour les professionnels qui sont chargés de l'application de tout cela.

M. Bédard: Quand on parlait de 1053, tous les juristes savaient ce que cela voulait dire.

M. Forget: C'est cela. Exactement. Je pense qu'il est importante de maintenir les possibilités d'un dialogue intelligible entre les praticiens d'une même discipline; que ce soit le droit ou le génie, c'est la même situation. À cet égard, je me demande si, étant donné que le Code civil est divisé en livres, que les livres sont divisés en titres, les titres en chapitres, et les chapitres en sections, il ne serait pas souhaitable d'adopter d'une façon intégrale la désignation décimale qui permettrait de faire précéder de 2 tout ce qui est dans le livre 2e, une deuxième position serait, pour le titre premier, 1, pour le titre deuxième, 2, etc., de manière qu'on ait une numérotation absolument permanente et d'une grande flexibilité. Evidemment, cela oblige à des désignations comme l'article 2, 5, 4, 3, 1 ou quelque chose du genre, mais cela finit par devenir aussi familier que l'article 2247, paragraphe a), sous-paragraphe 1, et finalement on peut s'y retrouver. Cela permettrait, lors de cette modification du Code civil, de donner des numéros absolument permanents.

M. Bédard: On peut en prendre note, au moment de nos travaux; prendre note de la suggestion positive faite par le député de Saint-Laurent, mais il faut que ce soit analysé un petit peu préalablement.

M. Forget: Oui, bien sûr.

Le Président (M. Laberge): Cette motion de...

M. Forget: Je m'excuse, M. le Président. Je comprends qu'on veuille y réfléchir, mais au-delà d'un certain point... videmment, tant qu'on n'est pas rendu en troisième lecture, cela peut être modifié, j'imagine.

Le Président (M. Laberge): Cette motion de renumérotation et de correction de la table des matières sera-t-elle adoptée?

M. Bédard: Je pourrais peut-être

ajouter que je comprends effectivement ce qui vient d'être dit, mais cela implique peut-être une modification assez forte de cette longue habitude de technique législative et...

M. Forget: On menace de les modifier rapidement et à plusieurs reprises, si on procède autrement.

M. Bédard: Nous avons déjà introduit la numérotation décimale, mais nous essayons tout de même de faire en sorte que cette numérotation décimale soit aussi modérée que possible.

M. Forget: Oui.

M. Bédard: L'idéal demeurera tout de même que nous ayons une numérotation séquentielle ordinaire. Personnellement, en tant que directeur général des affaires législatives, si je puis me permettre de le dire... Est-ce que c'est permis?

M. Forget: Oui, c'est permis.

M. Bédard: C'est fait.

Je préférerais que nous soyons encore assez prudents un certain temps. Je comprends qu'effectivement c'est une suggestion à étudier, mais actuellement nous demeurons très prudents, nous essayons de ne pas avoir des décimalisations trop importantes, nous essayons d'en rester à la première décimalisation, nous évitons autant que possible les secondes décimalisations et nous avons en horreur les troisièmes décimalisations qui entraînent, comme vous l'avez dit vous-même, une certaine complexité de la numérotation.

M. Forget: Oui, une très grande stabilité est aussi une qualité de plus en plus recherchée dans le domaine de l'information juridique. On l'a appris à nos dépens avec les nouvelles lois refondues du Québec.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que cette motion de renumérotation sera adoptée?

M. Forget: Oui, adopté. Le Président (M. Laberge): Adopté. Modifications diverses

M. Bédard: II y avait l'article 5. On a essayé de trouver... On fait état de certaines règles prévues par arrêté du ministre de la Justice. Je sais que ça ne satisfera peut-être pas suffisamment par rapport aux suggestions faites; j'aimerais qu'on fasse un amendement en indiquant que c'est par décret. Au moins, cela a le mérite d'être rendu public.

Le Président (M. Laberge): Où cela? À l'article 5 ou à 55.1?

M. Forget: C'est un pis-aller, à notre point de vue.

Le Président (M. Laberge): On avait déjà un amendement ici, est-ce qu'on en tient compte?

M. Bédard: Lequel?

Le Président (M. Laberge): On avait un papillon. On n'en tient plus compte? Un instant. L'article 5, c'est à 55.1.

M. Forget: On va l'adopter sur division, M. le Président. Vous prenez vos responsabilités, on prend les nôtres.

Le Président (M. Laberge): L'article 5, sans amendement, est adopté sur division.

M. Forget: II est déjà amendé, je pense, non?

Le Président (M. Laberge): Oui, on avait proposé un amendement, j'avais raturé mon texte et on m'a dit de revenir à l'original.

M. Forget: L'original, bon.

Le Président (M. Laberge): C'est pour cela que je dis bien sans amendement.

M. Forget: Sans amendement, d'accord.

Le Président (M. Laberge): Adopté sur division.

M. Forget: Adopté sur division.

Le Président (M. Laberge): Dans mon cahier, on recollera une page!

M. Bédard: Nos conseillers juridiques nous demandent, de rouvrir l'article 13 et d'ajouter à la fin ce qui suit: "Dans la mesure indiquée par les proclamations faites suivant l'article 75".

Le Président (M. Laberge): Parfait. Les articles 113 à 245j.

M. Bédard: En fait, c'est dans l'hypothèse où il y a des proclamations successives et partielles, compte tenu que les articles 113 à 245j couvrent à peu près 90% de la matière ici et qu'évidemment il y a des chapitres qui pourront être mis en vigueur rapidement, comme la filiation et l'autorité parentale. Alors, il s'agirait de permettre de scinder, dans l'abrogation, pour éviter une double...

Autrement on pourrait toujours, sauf

que ça voudrait dire qu'on le ferait par interprétation, et il resterait quand même une certaine incertitude juridique possible, le droit nouveau rendant possiblement inopérant le droit ancien, mais...

C'est-à-dire que l'article 13 prévoyait une abrogation en bloc, donc dès la proclamation de l'article 13, tout se trouvait abrogé en bloc. Ou bien on pouvait, comme on le disait il y a un instant, le maintenir en vigueur en se fiant à la présomption classique selon laquelle la loi nouvelle l'emporte sur la loi ancienne, bien entendu, mais il y aurait là des conflits d'interprétation possibles et des nuances possibles qui auraient entraîné des inconvénients pratiques assez considérables.

Le Président (M. Laberge): L'article 13 se lira maintenant comme suit:

Les articles 113 à 245j dudit code sont abrogés dans la mesure indiquée par les proclamations faites suivant l'article 75."

Cet amendement à l'article 13 est-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. L'article 13 est adopté avec amendement. Est-ce qu'il y a autre chose?

M. Bédard: II y a l'article 75.

Le Président (M. Laberge): Oui, mais il n'y a rien entre les deux? Vous n'en voyez pas?

M. Bédard: Une revue très minutieuse a été faite par les...

Le Président (M. Laberge): Après le travail de bénédictins de tous les membres de la commission et des conseillers techniques, j'appelle l'article 75.

M. Bédard: II n'y a aucun amendement à cet article, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): L'article 75 sera-t-il adopté?

M. Forget: M. le Président.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

Pouvoir de l'Assemblée nationale

M. Forget: Nous devons quand même revenir, pendant quelques instants, sur une question dont, tel que promis, nous n'avons pas abusé, puisque nous ne l'avons mentionnée que pendant cinq minutes, je pense, au début de nos travaux en commission parlementaire, mais qui, même si nous choisissions de n'en pas parler, ne s'évanouit pas pour autant. C'est la question du pouvoir de l'Assemblée nationale, dans l'état actuel des choses, d'adopter ce projet de loi.

C'est une question qui se pose sans aucune espèce de dissimulation puisque, à sa face même, étant donné l'inscription de cet article 75, l'Assemblée nationale admet, s'avoue à elle-même, en quelque sorte, et proclame qu'elle sait ne pas avoir la juridiction ou la compétence nécessaire pour adopter en totalité ce projet de loi.

Le projet de loi comme tel reprend, bien sûr, les rapports du comité de révision du Code civil et s'inspire aussi, dans sa forme finale, dans une certaine mesure au moins, des représentations faites par différents groupes qui, tous, ont choisi de mettre entre parenthèses la question constitutionnelle. Mais, à la différence de l'Office de révision du Code civil ou d'un organisme quelconque intéressé à tel ou tel aspect du droit familial, l'Assemblée nationale ne peut vraiment pas se payer le luxe d'ignorer cette question et d'en ignorer les conséquences possibles. (21 h 151

Déjà, comme nous l'avons indiqué, le fait que, à sa face même, à cause de l'article 75, le projet de loi est ultra vires de l'Assemblée nationale, du moins en partie, peut poser la question, théoriquement pour l'instant, mais de façon pratique un peu plus tard, savoir que ce vice déjà perceptible au moment du dépôt en deuxième lecture, et même en première lecture, et aurait dû entraîner de la part de l'Assemblée nationale une attitude différente de celle qu'elle a eue. C'est là une hypothèse qui risque d'être testée devant les tribunaux pour attaquer de façon globale la validité du travail que nous avons fait.

À supposer même que la question de validité ne s'applique pas globalement même aux articles qui tombent sous la compétence de l'Assemblée nationale si on les traitait séparément, à supposer que ce ne soit pas une question globale, que ce soit une question de validité qui ne porte que sur certains des articles, ceux qui sont directement de la compétence fédérale, on n'est pas tellement plus avancés parce qu'on ne sait pas exactement à quel article on a affaire. La zone qui sépare la compétence provinciale de la compétence fédérale en matière de divorce, de mariage est malgré tout une zone un peu grise, un peu confuse.

Les allusions qu'on trouve dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique sur cette question sont très globales et doivent être interprétées. Comment exactement seraient-elles interprétées pour déterminer que tel article est valide et que tel autre ne l'est pas? C'est une chose qui ne peut pas être déterminée facilement a priori. Donc, il y a

non seulement une incertitude quant à la validité globale, il y a aussi une deuxième incertitude qui s'attache à la validité de tel ou tel article, à supposer que la loi ne soit pas globalement entachée d'un vice fatal.

Dans la décision que nous devons prendre, je dois remarquer, M. le Président, que nous n'avons été saisi d'aucun avis circonstancié. La commission parlementaire aurait pu - c'est du moins imaginable - être saisie d'un avis juridique circonstancié nous permettant de voir quelle était la base sur laquelle le gouvernement allait se fonder pour procéder, par exemple, à une proclamation sélective de certaines sections et quelles en seraient les implications sur la façon dont l'ensemble du projet est rédigé.

Un exemple de ceci a été fourni au cours de la discussion par notre collègue de Saint-Louis qui a dit, à juste titre je pense: La partie relative à la séparation de biens contient de nombreux renvois a la partie relative au divorce. Si la partie relative au divorce - et ça, je pense que cela ne fait guère de doute - est ultra vires de l'Assemblée nationale dans le moment, cela veut dire que les renvois se feront à des textes inexistants ce qui entraînera, par voie de conséquence, l'inapplicabilité des dispositions relatives à la séparation de corps. Il est possible que si nous avions bénéficié d'un avis circonstancié ta commission eût jugé préférable de modifier, de remanier la rédaction de manière à minimiser autant que possible l'impact d'une invalidité quand même probable de certaines dispositions. Comme c'est là, nous sommes dans une incertitude à plusieurs niveaux, si je puis dire, et rien ne vient nous éclairer, rien ne vient nous permettre de rassurer qui que ce soit quant à l'effet des dispositions que nous avons adoptées.

Je sais bien que le ministre peut répondre qu'il est important d'avoir un texte complètement développé, complètement accepté de manière que, lorsque nous renouvellerons la demande au nom du Québec d'une modification des compétences constitutionnelles, tout ceci revêt un caractère beaucoup plus concret et que, s'il est donné suite à cette modification de compétence, on puisse littéralement, dans les semaines qui suivent, même dans les jours qui suivent, donner effet au transfert de compétences. Malheureusement, M. le Président, je crois que ce désir d'anticiper sur les événements ne pourrait pas être efficace, de toute manière. On dit que, même s'il y avait demain transfert des compétences en faveur du Québec, nous serions forcés de reconvoquer l'Assemblée nationale pour adopter à nouveau le texte que nous avons étudié depuis une semaine. Il ne sera pas suffisant, par arrêté en conseil, comme c'est l'habitude, de proclamer, de promulguer que telle ou telle loi ou tels articles de telle loi, désormais de la compétence du Québec, peuvent être mis en vigueur. Il faut que cette loi ait été adoptée par l'Assemblée nationale alors qu'elle en avait le pouvoir. Je ne pense pas qu'il soit possible de remédier à ce défaut par un arrêté en conseil. On pourrait peut-être le faire rétroactivement, mais par une loi. Donc, il faudrait adopter non pas peut-être la même loi article par article dans tous les détails, mais, malgré tout, une loi de l'Assemblée nationale qui, en annexe, contiendrait la loi que nous avons adoptée ce soir ou, du moins, ceux des articles de la loi que nous avons adoptée ce soir, dont la validité dépend d'un transfert de compétences.

On se rend compte combien tout cela est compliqué. Et à cause de cette complication-là, il sera impossible de sortir d'ici, dans une journée ou deux, et de dire: Nous avons adopté un nouveau Code civil, un nouveau droit de la famille pour le Québec. Nous en avons probablement adopté une certaine partie, nous ne savons pas exactement laquelle, et elle s'appliquera à un moment dont nous ne pouvons pas être absolument certains non plus, pour des raisons sur lesquelles il sera possible de revenir éventuellement, mais qui n'ont rien à voir avec les questions constitutionnelles.

Pour ce qui est de la partie que nous n'avons pas effectivement adoptée en dépit de l'impression qu'on a qu'on l'a adoptée, celle-là on ne sait absolument pas quand elle entrera en vigueur.

On ne sait pas enfin si, à supposer qu'on veuille procéder, du côté gouvernemental, à l'adoption sélective de certaines dispositions, l'espèce de pot-pourri qui en résultera, c'est-à-dire certaines parties nouvelles et certaines parties anciennes des lois actuelles qui demeureraient en vigueur parallèlement, constitueraient une situation du droit de la famille plus acceptable ou moins acceptable que celle que nous connaissons aujourd'hui. Encore une fois parce que nous ne savons pas lesquelles des dispositions actuelles demeureront en vigueur et lesquelles seront exactement remplacées par les nouvelles. Est-ce que le résultat d'ensemble serait cohérent ou pas? Bien malin celui qui pourrait l'affirmer en toute certitude. Je pense que personne ne peut effectivement l'affirmer.

Le résultat total de ça, c'est que, pour l'instant - nous regrettons d'avoir à le dire, mais je pense qu'il faut dire aussi les choses comme elles sont - nous nous sommes livrés à un exercice fort intéressant, même s'il a été un peu exténuant pour ceux qui y ont participé, mais qui demeure un exercice académique. Nous espérons certainement, avec la même intensité que le ministre, que nous n'en resterons pas là et que, dans un avenir

le plus rapproché possible, on pourra faire un progrès réel.

Il reste que, pour l'instant, on a un nouveau projet de réforme du droit de la famille. Je ne pense pas qu'on puisse dire qu'on a un nouveau droit de la famille. On a un nouveau projet qui recevra éventuellement une sanction formelle de l'Assemblée nationale, mais qui demeurera un projet, même - et cela est paradoxal - s'il est devenu une loi. Je pense qu'il faut en être conscient. Si on l'est, bien mon Dieu, on pourra ensuite se poser la question à savoir: Est-ce qu'il était si urgent de l'étudier à un tel rythme, dans les circonstances.

Je ne veux pas insister là-dessus, je le ferai tout à l'heure, mais on a découvert, a supposer qu'on ne s'en doute pas déjà, durant l'étude du projet de loi, qu'il y avait beaucoup de mesures de concordance en plus de celles qu'on a apportées. Dans le corps du Code civil lui-même il y a beaucoup de mesures complémentaires disons, plutôt que de mesures de concordance qui doivent intervenir avant qu'on puisse, mis à part les questions de constitutionnalité, songer à promulguer ce code de la famille, si l'on veut. Il y a des modifications nombreuses dans le Code de procédure civile. On y a fait allusion sous plusieurs rubriques, ceci sans mentionner les autres dispositions du Code civil dans d'autres chapitres qui ont un impact certain sur l'ensemble du droit de la famille, les dispositions relatives aux personnes. On a parlé souvent de la tutelle, de la curatelle et de la capacité des personnes. C'est sûr que cela a un impact. On a parlé aussi assez souvent des dispositions relatives au droit successoral qui ont un impact certain au moins quant à plusieurs de leurs dispositions sur le droit de la famille.

Dans certains cas, on pourrait promulguer et attendre, mais dans d'autres -et je pense en particulier au Code de procédure civile - il sera rigoureusement impossible de promulguer certains articles parce que, à ce moment-là, on ampute notre droit d'éléments essentiels qui existent actuellement; et je pense à l'adoption; c'est peut-être l'exemple qui me vient le plus facilement à l'esprit, mais il y en a sûrement d'autres où il faut absolument être saisi d'un projet de révision du Code de procédure civile. Il y aura plusieurs articles, plusieurs dizaines d'articles dans un tel projet. Avant même de songer à adopter le projet de loi actuel, il faudra pouvoir mettre un à côté de l'autre le nouveau projet de Code civil et le nouveau projet de Code de procédure civile.

M. le Président, on est dans la situation de gens qui ont écrit une grande oeuvre et qui ne savent pas s'ils vont trouver un éditeur. En attendant, on peut espérer pour le mieux, envoyer notre oeuvre à des concours littéraires en espérant qu'ils résoudront le problème pour nous, mais c'est une situation agréable; on a quand même un certain soulagement après avoir pondu une grande oeuvre, même si on a encore cette inquiétude de trouver un éditeur. On sait que la véritable satisfaction d'un écrivain, M. le Président, vient lorsque l'ouvrage imprimé apparaît dans les devantures des libraires. On est encore loin de voir cela. On ne connaît pas encore d'ailleurs la couleur de la couverture.

Le Président (M. Laberge): D'autres commentaires?

M. Forget: Oui, en effet, je pense que c'était implicite dans mes remarques, M. le Président. J'ai parlé de l'absence, pour l'instant, d'un avis juridique. Vous faites bien de me le rappeler. Y a-t-il un remède à cette interrogation ou s'il n'y en a pas? Je pense que c'est une question qui se dégage très certainement de mes remarques.

M. Bédard: Après avoir entendu les propos du député de Saint-laurent, je serais porté à...

Le Président (M. Laberge): M. le ministre.

M. Bédard: ...croire que le député de Saint-Laurent craint qu'il y ait des remèdes à apporter qui permettraient de résoudre certaines difficultés constitutionnelles auxquelles nous avons déjà fait allusion.

J'irai de quelques propos seulement, M. le Président, parce que je pense que les propos du député de Saint-Laurent ne sont que préliminaires à une stratégie qui ferait en sorte que nous ne pourrions livrer à la population du Québec pour les Fêtes un nouveau Code civil portant réforme du droit de la famille. Je suis convaincu que ce n'est pas l'amertume de n'être pas, selon son expression, le maître de cette oeuvre que le député de Saint-Laurent s'est acharné presque à minimiser les pouvoirs du Québec. Qu'il y ait certaines difficultés constitutionnelles, il y a quand même un bout à vouloir limiter les pouvoirs constitutionnels du Québec pour essayer d'en arriver à dire que nous ne pourrons dire que nous avons un nouveau Code de la famille, à la suite du travail qui a été fait avec la collaboration de tous les membres de cette commission parlementaire, je tiens à le souligner. (21 h 30}

Peut-être que les motifs ne sont pas les mêmes de part et d'autre, mais je suis loin de minimiser les pouvoirs constitutionnels du Québec pour essayer de caricaturer en disant que tout le travail que nous avons fait n'est qu'un travail

académique. Peut-être que, politiquement, c'est intéressant de le dire, du point de vue de l'Opposition, mais cela ne traduit pas la réalité du travail sérieux qui a été fait par tous les membres de cette commission parlementaire. Je pense que nous pouvons dire que nous avons adopté en commission parlementaire un nouveau Code civil du Québec, portant réforme sur le droit de la famille.

Si on tient compte des pouvoirs constitutionnels du Québec, il y a quand même une très grande partie de ce projet de loi qui peut être mise en vigueur à la lumière même de ces pouvoirs. Je prends tout ce qui regarde le domaine de la filiation, de l'adoption, de l'obligation alimentaire, de l'autorité parentale, de la théorie des comourants, de tout le chapitre concernant l'hypothèque judiciaire, le nom des enfants. J'irais même plus loin. À un moment donné - je n'ai pas à déterminer les motifs - certains exprimaient des doutes sur une réforme qui s'est faite en 1964 concernant les effets du mariage et la capacité des époux. Malgré tous ces doutes qui ont été exprimés à ce moment-là, on aurait bien pu dire: On a fait tout ce travail pour rien, on n'a pas compétence, c'est douteux du point de vue juridique, etc. Sauf que la réalité, c'est quoi? C'est que toute cette réforme a été faite en 1964 et qu'il n'y a jamais eu une seule contestation.

Il y a un bout à vouloir limiter les pouvoirs du Québec pour en arriver à essayer de conclure, pour des motifs que je n'ai pas à évaluer ici, que tout l'exercice et le travail que nous avons fait n'ont qu'une valeur académique. Au contraire. Je pense que l'objectif global poursuivi par le dépôt de ce projet de loi était et demeure l'avènement au Québec d'une législation de la famille, intégrée et cohérente. De fait, nous avons été à même de le constater, le projet couvre l'ensemble du sujet, concernant une réforme du droit de la famille, et toutes les parties de ce projet de loi que nous avons eu à étudier sont étroitement reliées les unes aux autres.

Je suis convaincu, d'autre part, que si nous ne sommes pas en mesure de dire, d'ici une journée - je l'espère d'ici demain - que nous pouvons mettre en vigueur dès maintenant l'ensemble de ce qu'est le projet de loi 89, à savoir une réforme globale du droit de la famille, l'obstacle majeur, on le sait - je pense que ce n'est pas nous qui l'avons inventé, il a été évoqué des deux côtés de la Chambre - cet obstacle, c'est tout simplement le retard que je crois inacceptable qui fait que le gouvernement fédéral n'a pas encore transféré aux provinces cette juridiction dans le domaine de la famille.

S'il y a un droit - c'est ma conviction profonde - qui doit relever exclusivement de la juridiction et de la compétence des provinces, c'est bien le droit familial, parce que le droit familial - on le sait, on n'a pas besoin de faire un discours là-dessus - rejoint l'essentiel de ce qu'est une société. On a été à même de constater lors de l'étude de ce projet de loi, jusqu'à quel point chacun des articles touche les fibres les plus sensibles des citoyens et des citoyennnes d'une communauté, quelle qu'elle soit. Je suis convaincu qu'au moment où on se parle - on parle du Québec - cela ne prend pas une grande expérience des relations fédérales-provinciales, des rencontres entre les différents gouvernements des provinces, ou encore tout simplement la connaissance de ce que sont les sociétés des autres provinces, pour se rendre compte que chacune des provinces du Canada représente vraiment une société qui a des particularités qui font que c'est une exigence que le droit de la famille soit donné le plus rapidement possible, en exclusivité, en termes de compétence, aux provinces.

Nous ne sommes pas les seuls à être différents. C'est clair que le Québec, comme société, est différent, que ce soit à cause de ses traditions de droit civil ou encore à cause de ce que nous sommes: un peuple francophone. Quand vous allez en Colombie-Britannique et que vous comparez avec Terre-Neuve, même si on y parle le même langage, ce n'est pas une question de langage. On se rend vite compte que ce sont deux sociétés différentes. C'est cette réalité sociale qui exige que le droit de la famille soit au plus vite rapatrié ou concédé - on emploiera l'expression qu'on voudra - à la compétence exclusive des provinces.

Le travail que nous avons fait, je pense, constitue et constituera peut-être le meilleur argument politique, quel que soit le gouvernement en place, pour que les autorités fédérales bougent dans ce domaine. Je crois que le fait d'être capable - je le dis sans partisanerie, quel que soit le gouvernement - comme gouvernement de dire avec fierté que nous sommes prêts, que nous avons mis au point sérieusement une réforme globale du droit de la famille et que nous sommes prêts, par conséquent, à exercer toutes les juridictions constitue et constituera, pour quelque gouvernement que ce soit, le meilleur élément de pression auprès des autorités fédérales et peut-être auprès des autres provinces. Il y en a peut-être une ou deux qui ont encore des hésitations, de sorte que l'entente ne se conclut pas, mais je pense que c'est un élément important. Si on y ajoutait - et on le verra en termes d'avenir - toutes les pressions des groupes qui se sont fait entendre au niveau de la commission parlementaire, les pressions de tous les citoyens et citoyennes qui sont à même de constater le changement très positif que

cette réforme globale du droit de la famille représenterait pour eux si elle était appliquée, si ces pressions-là s'ajoutaient à celles des gouvernements, cela bougerait sûrement plus vite que cela n'a bougé jusqu'à maintenant. Ma conviction de la nécessité qu'au plus vite ces compétences dans le droit de la famille soient données au plus tôt aux provinces n'est pas née avec le commencement de l'étude du projet de loi no 89, en ce qui me concerne. Depuis quatre ans - presque et demi - que nous avons assumé la responsabilité, en tout cas en ce qui me concerne, du ministère de la Justice, je suis capable de dire que, dès les premières réunions fédérales-provinciales, je n'ai jamais manqué une seule occasion de sensibiliser mes collègues des autres provinces à cette nécessité d'en arriver à une entente concernant le droit de la famille.

Je ne serai pas plus long que cela sur les efforts qui ont été faits, non seulement par moi, mais aussi par ceux qui m'ont précédé. Je sais que, dans le temps, M. Choquette - et dans ce sens-là, j'ajoutais mes efforts à ceux qui m'ont précédé - a également fait des pressions sur les autorités fédérales et auprès de ses collègues des autres provinces. Je pense que cela ne fait que mettre en lumière, je dirais, le tragique de la situation. Le tragique, ce n'est pas, une fois adopté ce projet de loi - j'espère demain soir, pour l'ensemble des citoyens et citoyennes du Québec - essentiellement, de dire que nous ne pouvons appliquer tout le Code. Le tragique, à mon sens, c'est le retard incroyable à amener le transfert de ces juridictions aux provinces qui est attendu depuis trop longtemps.

Je pense que ce n'est pas seulement le ministre, le député de Saint-Laurent l'a indiqué tout à l'heure, je tiens à le dire, il ne s'agit pas de gloriole personnelle, j'ai dit, je dis et je redis que l'adoption de ce projet de loi n'a été possible qu'avec le concours et la collaboration de tous les membres de la commission parlementaire; ce n'est donc pas le travail d'un seul homme. Je sais - je ne commencerai pas à nommer qui que ce soit -jusqu'à quel point j'ai été épaulé dans ce travail, même avant le dépôt du projet, par plusieurs de mes collègues et, en particulier, par le ministre d'Etat à la Condition féminine et celui qui l'avait précédée, M. Marois. En fait, c'est une oeuvre d'équipe comme présentement, au niveau de l'adoption, cela a été aussi, je pense, un travail d'équipe, un travail sérieux.

Je ne crois que ce soit uniquement le ministre qui souhaite que ce soit adopté rapidement; ce sont tous les groupes qui se sont fait entendre et je dirais que c'est toute la population. Je ne dis pas que le projet de loi est parfait, mais il est clair. Il a de nombreux aspects positifs, on le sait, pour le mieux-être de l'ensemble des citoyens et citoyennes du Québec. Si ce n'était qu'une oeuvre académique, comme l'a laissé entendre le député de Saint-Laurent, je m'expliquerais mal que le barreau du Québec qui a non seulement le sens du réalisme, mais le sens juridique, ait insisté à ce point dans certains télégrammes pour demander une adoption, et je cite: "Une adoption rapide de ce Livre deuxième tel qu'amendé parce qu'il s'impose, compte tenu de la situation actuelle du droit matrimonial qui contribue à entretenir de nombreuses injustices." Je pense qu'on ne peut pas accuser le barreau de sentimentalité. On ne peut pas l'accuser de ne rien "connaître au niveau juridique. Le barreau s'est rendu compte - je pense qu'on s'en rendra compte tous ensemble - que, malgré les obstacles constitutionnels, une grande partie des dispositions que nous avons adoptées peut rapidement être mise en application et ce, pour le mieux-être de l'ensemble de la population du Québec. (21 h 45)

II y a eu aussi de nombreux groupes. Je pourrais reprendre tous les groupes et associations qui se sont fait entendre à la commission parlementaire, qui ont demandé une adoption rapide de ce projet de loi, tout en sachant comme nous qu'il n'est pas parfait, mais sachant aussi qu'il représente une amélioration majeure par rapport à ce qui existait auparavant. Je pense que ces gens et ces associations sont quand même collés à la réalité de tous les jours autant que chacun des membres de cette auguste commission parlementaire. Ce n'est pas pour nous que nous avons fait le projet de loi; c'est pour l'ensemble de la population, c'est pour ces groupes, pour ceux et celles qu'ils représentent que nous avons mené à terme un travail sérieux.

Il me reste simplement à souhaiter que d'ici à demain soir on ait pu procéder à la troisième lecture, qu'on puisse, quand c'est possible, avec toute la sécurité juridique nécessaire, avec toutes les précautions qu'on prendra de ce côté-là, mettre en application rapidement plusieurs des dispositions. J'ai ici devant les yeux une lettre qui m'a été adressée par le front commun qui regroupe quelque 70,000 femmes des diverses régions du Québec et qui demande au gouvernement d'agir rapidement afin que le Québec soit doté d'un code moderne sur le droit de la famille. On n'a pas demandé un code parfait et, à moins de se prendre pour d'autres, ce n'est jamais parfait.

Je continue, en terminant, à compter sur la collaboration de l'Opposition pour que, d'ici la fin de nos travaux, avant Noël, ce projet de loi soit adopté.

Mme Lavoie-Roux: Pour la messe de minuit!

Le Président (M. Laberge): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: M. le Président, je ne veux pas...

M. Bédard: Mme la députée parle de la messe de minuit. S'il était adopté, peut-être que cela en réjouirait quelques-unes pour la messe de minuit, comme vous le dites.

M. Marx: Je ne veux pas répéter ce qu'on a dit pendant deux semaines, ceux qui vont lire le journal des Débats vont faire leur propre résumé. J'aimerais résumer ma pensée en cinq points assez concis.

Premièrement, historiquement, c'est le Québec, c'est le Bas-Canada qui a voulu donner la compétence sur le mariage et le divorce au gouvernement fédéral; à la Confédération, c'était voulu, on a donné cette compétence au fédéral pour toutes sortes de raisons qu'il n'est pas nécessaire de décrire aujourd'hui. C'est un fait historique.

Deuxièmement, le Parti libéral du Québec est pour le rapatriement de cette compétence sur le mariage et le divorce, c'est bien clair, c'est dans notre livre beige. Je dirais aussi que le Parti québécois, depuis qu'il est au pouvoir, n'a pas fait beaucoup pour négocier un fédéralisme renouvelé, pour rapatrier cette compétence ou d'autres compétences.

M. Bédard: Je sais que je ne peux pas soulever de question de privilège, mais ce que vous dites est contraire à la réalité. Je pourrais parler de tous nos efforts et j'en aurais pour plusieurs heures.

M. Marx: M. le Président, je vois encore que le ministre ne peut pas...

M. Bédard: Souffrir l'injustice!

M. Marx: ... n'a pas de retenue ministérielle. Il ne peut s'empêcher de m'interrompre. Je pense qu'il est évident -tout le monde est au courant - que le Parti québécois vise un autre régime politique que le fédéralisme renouvelé et, dans ce sens, le Parti québécois n'a pas vraiment travaillé pour renouveler le fédéralisme canadien et pour rapatrier cette compétence.

Troisièmement, le Parti libéral est tout à fait d'accord pour que la femme, dans notre société, soit sur un pied d'égalité avec l'homme. C'est évident, c'est-à-dire qu'on a pensé à cela avant que le Parti québécois ne vienne au pouvoir parce que, dans la Charte des droits et libertés de la personne, on a effectivement mis la femme sur un pied d'égalité avec l'homme et on a mis la discrimination basée sur le sexe hors la loi. Donc, le Parti québécois n'a pas innové dans ce domaine. En effet, l'Assemblée nationale est tenue de ne pas faire de discrimination dans un nouveau Code civil à cause de la Charte des droits et libertés de la personne qui empêche qu'on fasse une telle discrimination, sauf si on décide de passer outre la charte.

Le quatrième point, c'est qu'adopter une loi inconstitutionnelle hors de notre compétence parce qu'on veut un jour rapatrier cette compétence, ce n'est pas une raison, c'est un non-sens. Parce que le Parti libéral du Québec veut rapatrier plus de pouvoirs et plus de compétence que la compétence sur le mariage et le divorce, par exemple, rapatrier un certain pouvoir sur les communications, est-ce qu'on va adopter, d'ici quelques semaines, une loi sur les communications, qui ne sont pas de notre compétence, en disant qu'on va mettre la pression sur le gouvernement fédéral et que si, un jour, il y a un transfert de cette compétence aux provinces, notre loi sera valide et en vigueur?

Si on pense ainsi, il faudrait adopter des lois dans plusieurs domaines d'ici quelques années, même si elles sont hors de notre compétence.

Mon dernier point, c'est que le gouvernement actuel a en main le rapport de l'Office de révision du Code civil depuis deux ans et demi. Si le gouvernement péquiste avait vraiment voulu donner un cadeau pour les Fêtes de 1980 aux Québécois, il aurait dû commencer par faire adopter cette loi il y a au moins deux ans. Ce n'est pas une loi qu'il faut adopter à la vapeur, à la dernière minute avant les Fêtes, en siégeant jusqu'à minuit. Souvent on ne sait plus ce qu'on a fait et je pense que ce serait une bonne idée...

M. Marcoux: Vous parlez pour vous-même!

M. Marx: Bon, en voilà un autre...

M. Blank: ... pour la première fois aujourd'hui.

Mme Lavoie-Roux: On vous a fait remplacer ce soir, on peut changer d'avis!

M. Blank: Un dernier venu, à la dernière minute et il prend la parole!

Le Président (M. Laberge): M. le député de D'Arcy McGee, vous avez la parole.

M. Marx: Je pense que je vais arrêter maintenant, avant que je ne sois interrompu une autre fois, mais je promets de laisser le ministre répondre encore pendant 20 minutes, pour corriger les erreurs, le cas échéant.

Le Président (M. Laberge): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. J'éviterai d'entrer dans le débat constitutionnel, il y a assez de spécialistes autour de la table sur ce sujet, spécialistes que je respecte d'ailleurs beaucoup. Ils ont beaucoup plus de compétence que je ne puis en avoir.

Je dois vous dire que j'ai trouvé extrêmement intéressant de participer à ce débat sur la révision du Code civil. Je dois quand même noter que le débat s'est fait dans une atmosphère d'ouverture. Le ministre, sauf quand il prenait peur, a essayé de permettre qu'une bonne collaboration s'établisse entre les membres de la commission parlementaire.

Le ministre évoquait tout à l'heure ce court mémoire, qui est un résumé qu'un groupe d'associations féminines nous a envoyé cet après-midi, pour faire certaines dernières remarques. Il mentionnait que ce groupe d'associations féminines espère que le gouvernement va agir promptement à la faveur des intérêts des groupes de femmes. Évidemment, c'est exact mais il a quand même omis de lire les quatre premières lignes qui disaient: En conclusion, nous déplorons la façon expéditive avec laquelle le gouvernement s'apprête à faire adopter cette loi. Nous comprenons mal qu'une réforme en profondeur n'ait pas fait l'objet d'une plus grande information auprès des groupes concernés. Et là, c'est la dernière phrase à laquelle le ministre a fait référence. C'est évident que quand ces gens nous voient assis ici, en commission parlementaire, les dés sont jetés, d'une certaine façon. Le gouvernement a décidé de ne pas tenir de commission parlementaire, a décidé que c'était une question de vie ou de mort que ceci soit adopté avant Noël, alors ils se sont dit: Au moins, essayez de faire le mieux possible et travaillez dans nos intérêts. Je pense que je ne fais pas d'exagération en interprétant ce dernier paraqraphe de cette façon.

À tout événement, M. le Président, ce n'était pas le point principal sur lequel je voulais revenir. C'est simplement parce que le ministre l'avait mentionné. Nous avons essayé, du côté de l'Opposition officielle, de faire la contribution la plus valable possible et je pense en particulier à mon collègue de Saint-Laurent. Je ne veux pas minimiser le travail des deux autres, mais c'est quand même le chef ou le porte-parole de notre groupe. Il reste qu'en dépit des efforts que nous avons déployés, il y a des inquiétudes qui, à mon point de vue, demeurent et qui sont réelles et qu'on a retrouvées, à un endroit ou l'autre, dans les mémoires, particulièrement de ceux qui sont venus des associations féminines. Entre parenthèses, je tiens à souligner - et c'était peut-être normal dans les circonstances puisque, finalement, la journée où tout sera mis en oeuvre, ce sont les femmes qui seront davantage touchées; les hommes aussi, mais je pense que c'est à l'égard du statut des femmes à l'intérieur de la famille qu'on aura apporté le plus d'améliorations.

Je pense que, sauf pour la Chambre des notaires, le Barreau et le Conseil des services sociaux - je m'excuse si j'en omets d'autres - ce sont toutes des associations féminines qui ont présenté des mémoires, qui en bien des occasions ont fait des représentations fort pertinentes et je salue en passant la représentante du Conseil du statut de la femme et celle du RAIF. Je pense que leur persévérance à assister aux débats mérite d'être inscrite au journal des Débats. Malgré la longueur, la sécheresse du sujet elles ont fait valoir leurs idées de temps à autre, puisqu'on n'avait pas permis qu'elles soient entendues de nouveau en commission parlementaire. Enfin, je souligne les suggestions qu'elles ont faites et leur apport à ce travail, c'est-à-dire à l'amélioration de ce projet de loi.

Je mentionnais certains points que j'aurais voulu peut-être améliorer et on ne semble pas - non pas par mauvaise volonté, c'est parce qu'on n'a pas eu le temps, je pense - on n'a pas trouvé les bons moyens pour le faire, c'est-à-dire qu'on ne semble pas avoir les moyens à ce moment-ci pour corriger ce qui me paraît encore des lacunes. Par exemple, la définition de l'accroissement de l'actif. On l'a corrigé un petit peu. Même si on m'a dit que dans le Code civil plus on laisse cela large, plus cela donne une chance au juge de faire des interprétations plus généreuses, il y a peut-être l'imprécision qui permet aussi d'agir dans un autre sens et qui soit restrictif. C'est une réflexion que je fais.

Du côté de la résidence familiale, on a indiqué ce matin, quant à la protection de la résidence familiale, à la déclaration de la résidence familiale, en particulier l'effort que nous avons fait de ce côté-ci, l'amendement du député de Saint-Laurent sur la protection de la résidence familiale pour les enfants mineurs issus de conjoints de fait, ce qui nous apparaissait un point important. Il y a le mariage pour les mineurs auquel le gouvernement n'a pas voulu souscrire. Je pense que ce sont des points qu'il serait peut-être souhaitable - je ne sais pas, je me demandais quelle était l'échéance du ministre. Je lui avais posé la question il y a trois jours et il ne m'a pas répondu. Là, il semble laisser entendre que ceci devra être adopté demain. En tout cas, il aurait peut-être été souhaitable que ceci mûrisse encore plus et qu'un temps de réflexion supplémentaire soit accordé parce que même si on peut s'attribuer l'épithète de sages, il serait peut-être bon que les sages de l'extérieur aussi puissent réagir au travail qui a été fait ici en commission parlementaire.

C'est simplement une mention que je fais en passant.

(22 heures)

Le but de tout cet exercice, l'objectif principal, était, je pense, d'assurer une plus grande égalité aux femmes. Mais, encore une fois, même avec les progrès réalisés si tout ceci est mis en oeuvre, il restera encore énormément de lacunes.

Le dernier point que je voudrais soulever comme exemple de ceci c'est le problème qui reste quand même, je ne dirais pas entier, mais très très prononcé de cette question de perception des pensions alimentaires. On a beaucoup parlé de pensions alimentaires au cours du débat, mais il reste que dans la réalité des choses - ne serait-ce que pour signaler un exemple, l'égalité ou la justice envers le conjoint qui doit percevoir cette pension alimentaire, et on sait que dans 75% ou 80% des cas, sinon davantage, ce sont des femmes - on sera encore loin d'une justice aussi complète que tous les membres autour de la table souhaiteraient voir pour les femmes.

M. le Président, j'arrête ici mes remarques et je fais un souhait en terminant: qu'on puisse encore avoir une période de rétroaction de la part des gens que ce projet de loi touche d'une façon particulière et peut-être aussi des experts qui sont à l'extérieur de notre groupe de travail. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Merci, Mme la députée. M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Je veux simplement ajouter quelques mots à ce que ma collègue a dit. Je fais partie du groupe qui, en 1964, a passé la fameuse loi no 10 à laquelle le ministre a fait allusion. Au moins, dans la loi no 10, on a tenu pour acquis qu'on avait ce pouvoir. Les lois nos 16 et 10. Mme Claire Kirkland-Casgrain était marraine de la loi no 10 et de la loi no 16, en 1964. Au moins, on a tenu pour acquis qu'on avait ce pouvoir, il n'était pas contesté. On a pris le boeuf par les cornes et on a dit: On a ce pouvoir et on fait adopter cette loi. Il y a une grande différence entre les lois de 1964 et la loi d'aujourd'hui, où, même dans cette loi, on admet qu'on n'a pas de pouvoir, on le sait depuis le commencement. C'est ce qu'on appelle en anglais un "charade". Ce n'est pas légal. On adopte une loi en sachant qu'on n'avait pas le pouvoir de l'adopter. Je me pose la question à savoir pourquoi on l'a adoptée. La réponse est facile à trouver. J'aimerais être d'accord avec le ministre pour dire que c'est un moyen de pression sur le fédéral pour qu'il nous donne le pouvoir d'adopter une loi semblable. Ici, nous sommes un groupe de politiciens. Nous ne sommes pas des gens du peuple ordinaire, comme on dit. Nous sommes des politiciens. On sait pourquoi. Vraiment on doit être honnêtes avec nous-mêmes.

Si on veut faire une pression, on dépose une loi, on fait du bruit et on applique les pressions. Mais si on veut adopter une loi, pourquoi? Ce n'est pas pour faire des pressions auprès du fédéral parce que déjà il y avait des accords entre les provinces, elles sont presque toutes unanimes et le fédéral est un peu d'accord. On était presque d'accord sur tout. Des événements sont intervenus entre temps mais le fait qu'on ait cette loi ici aujourd'hui... Quand le ministre a déposé cet projet de loi en Chambre, j'étais très heureux. C'est après des commissions parlementaires où des gens ont déposé leur mémoire et donné leur opinion que le ministre a déposé cette loi et j'ai pensé: Cette loi est déposée pour faire une pression sur l'opinion publique et donner la chance à des gens de savoir ce qu'on peut avoir comme droits. Mais ce n'était pas l'intention du gouvernement. L'intention du gouvernement est d'essayer de faire adopter cette loi à la vapeur. Pourquoi? Pour donner l'impression au public qu'on a une loi, que le gouvernement a fait quelque chose pour lui. Prenez les gens dans la rue, aux "lignes ouvertes" ou partout au Québec. Ils vont penser qu'ils ont ces droits. Du moment que le gouvernement adopte le projet de loi, ils pensent qu'ils ont cela, que le gouvernement leur a donné un cadeau, qu'il a placé la femme sur un pied d'égalité avec l'homme. On donne des droits pour protéger la résidence familiale. C'est tout cela. Mais ce n'est pas vrai du tout et le ministre sait cela. C'est une façon partisane d'essayer d'adopter cette loi. Je suis désolé de dire cela, mais c'est la vérité.

Le fait est que le ministre lui-même a dit qu'il espère que la loi - je ne dis pas qu'il veut - soit adoptée avant demain soir. Pourquoi? Qu'est-ce que cela va donner de plus? Déjà, le gouvernement fédéral sait qu'on veut adopter une loi semblable. Quand c'est déposé en première lecture, il sait cela, mais on se vante dans les media, à la télévision, dans les journaux, avec des dépliants payés par les fonds publics partout. On adopte une loi qui donne une égalité, mais on ne dit pas que la loi n'est pas en vigueur. Il dit: On a adopté une loi. On fait cela et cela pour vous. Mais ce n'est pas vrai du tout. C'est une façade qu'il veut montrer à la population.

Je vais vous dire franchement, s'il n'en était que de moi seul, cela ne passerait pas. Il faudrait mettre tout cela de côté, mettre toute la partisanerie de côté, mettre tout de côté ce que le gouvernement a essayé de passer à la population comme quelque chose qu'il a fait, mais qui n'est pas vraiment fait. On a vraiment changé cette loi depuis le dépôt en première lecture. Comment peut-on avoir - je vais utiliser ce mot - l'orgueil

d'adopter cela avant que les gens sachent que ça passe? Franchement, j'ai jasé avec des députés ici au café du parlement, des députés des deux côtés de la Chambre et j'ai parlé de quelque chose qui est dans la loi, de certains articles qui les affectent ou qui affectent leur famille. Ils n'étaient même pas au courant. Ils n'étaient même pas au courant, les députés de cette Chambre. Oui, les membres de la commission parlementaire de la justice sont au courant parce qu'on est impliqué dans l'affaire, mais demandez aux 100 autres députés ce qu'il y a dans cette loi. Ils ne sont pas au courant. Comment peut-on adopter quelque chose qui peut bouleverser tout le système de la famille ici au Québec sans avoir au moins l'opinion de ces gens?

La meilleure chose qu'on peut faire, c'est - je ne veux pas utiliser le mot bloquer - arrêter l'adoption de cette loi au moins jusqu'au mois de mars ou avril. Les gens auront la chance de lire le projet de loi et de réagir, mais qu'on ait des pétitions à la Chambre des communes, cela ne m'impressionne pas. C'est très facile d'avoir toutes ces affaires parce que ces gens pensent que, le moment où on adoptera cette loi, on va avoir quelque chose de nouveau au Québec. Mais ce n'est pas vrai. Pourquoi ne dit-on pas à la population du Québec que c'est seulement un essai et qu'on n'a pas le droit d'adopter cette loi? On n'a pas le pouvoir d'adopter presque 90% de cette loi. Oui, 10% on a le droit, mais, si on voulait en adopter 10%, pourquoi ne fait-on pas comme on l'a fait une dizaine d'années, des amendements au Code civil par une loi spéciale? On peut changer ces articles pour avoir les mêmes pouvoirs, mais vous dites au Québec: On a un nouveau Code civil. Ce n'est pas vrai du tout.

M. Marx: Un gouvernement d'emballage.

M. Blank: Même le titre de la loi induit la population en erreur. C'est une loi pour instituer un nouveau Code civil et portant réforme du droit de la famille. C'est peut-être un amendement au droit de la famille, mais ce n'est pas un nouveau Code civil. C'est seulement un chapitre du Code civil, mais ils donnent l'impression qu'on donne un nouveau Code civil à la population.

M. Marx: Emballage.

M. Blank: C'est toute une affaire de publicité et de propagande. Ce n'est pas vrai du tout, mais qu'on dise au moins la vérité à la population. Qu'on laisse cette loi en suspens jusqu'à ce qu'on ait le pouvoir de l'adopter et, après, on dira à la population: Oui, on vous donne quelque chose. C'est nous de ce côté-ci qui avons commencé cette réforme. C'est nous qui voulions adopter cette loi, mais on sait qu'on n'a pas les pouvoirs. Si on a les pouvoirs, on va l'adopter. On est en faveur de presque tous les amendements, tous les changements pour moderniser le Code civil, mais on veut moderniser le code avec tout le reste du code. De faire cela point par point pour des fins politiques, des fins partisanes, je pense que c'est un peu malhonnête vis-à-vis de la population. On doit arrêter cela. On doit dire la vérité à la population. La meilleure façon est de mettre cela de côté, de faire faire une réimpression de ce projet de loi et d'envoyer des copies à tous les groupements intéressés, les laisser l'étudier, voir les réactions, et, après cela, attendre d'avoir les pouvoirs et procéder.

M. Bédard: M. le Président.

Le Président (M. Laberge): M. le ministre.

M. Bédard: Je vois que la partisanerie a repris rapidement le dessus une fois le projet de loi adopté. C'est loin d'être la grande vérité, au contraire.

M. Marx: D'accord. Maintenant vient la vérité.

M. Bédard: Quand je vois le député de Saint-Louis, après qu'on ait travaillé durant des heures et des heures pour en arriver à adopter ce projet de loi, se poser la grande question: Pourquoi a-t-on passé ce projet de loi? en laissant entendre que ce ne serait qu'une sorte de trompe-l'oeil par rapport à l'ensemble de la population, il me donne l'impression de ne pas savoir, même après l'avoir étudié... Je vous ai laissé parler, laissez-moi parler. Il me donne l'impression de ne pas savoir, même après l'avoir étudié, ce que représente ce projet de loi. Je vais lui donner juste un exemple. Prenez tous les réqimes matrimoniaux, tout le domaine des régimes matrimoniaux qui représente une amélioration fantastique par rapport à la réalité, par rapport à ce qui existait jusqu'à maintenant, tout cela, vous pouvez le mettre en vigueur. Vous avez l'air d'oublier cela.

M. Blank: Amendez le code. M. Marx: Amendez le code.

M. Bédard: Est-ce que vous nous permettez de discuter?

M. Forget: Ce que vous faites, c'est que vous abrogez les parties relatives à la communauté de biens. Ce n'est pas énorme.

M. Bédard: Au contraire, je pense que je pourrais relire tout le journal des Débats - vous avez la mémoire courte - pour voir

les témoignages d'appréciation que vous avez vous-même donnés concernant ces améliorations. Franchement, vous me renversez!

J'écoutais le député de Saint-Louis essayer, d'une façon partisane, d'interpréter les intentions du gouvernement, et sa manière partisane d'interpréter ces intentions me montrent...

M. Marx: Maintenant, vous êtes au-dessus de la partisanerie.

M. Bédard: ... quelles seraient les motivations du député de Saint-Louis ou de l'Opposition, s'ils ne voulaient pas procéder à l'adoption de ce projet de loi.

Franchement, quand on regarde non seulement tout le domaine des régimes matrimoniaux, mais - je l'ai mentionné tout à l'heure - tout le domaine de la filiation, de l'adoption, de l'obligation alimentaire, de l'autorité des parents, de l'hypothèque judiciaire, c'est clair que lorsqu'on fait une grande réforme, comme le disait la députée de L'Acadie, on a toujours, des inquiétudes sérieuses. C'est normal. Mais je pense que ce qui devrait nous inquiéter beaucoup plus, ce sont toutes ces injustices, toutes ces inégalités que nous avons corrigées avec ce projet de loi et qui continueraient d'exister si nous n'avions pas le minimum de décence pour faire en sorte que le projet de loi soit adopté et que, là où c'est possible, avec toute la sécurité juridique dont il faut entourer l'opération, là où c'est possible, au moins, on les corrige, les injustices, en attendant de corriger le reste, lorsque les juridictions constitutionnelles seront rapatriées. Ce n'est pas parce qu'il y a une partie du code qui ne peut pas être mise en vigueur, où on corrige beaucoup d'injustices, à mon sens, qu'on doive s'empêcher, et rapidement, de se donner les moyens de corriger les autres injustices qu'on peut corriger, parce que c'est de notre juridiction.

Votre attitude, à mon sens, est une négation même des pouvoirs qui existent au niveau du Québec et qui nous permettent de mettre en application de nombreuses dispositions du projet de loi que nous avons adopté et de corriger de nombreuses inégalités et injustices.

Le député de Saint-Louis dit que les gens ne savent pas quels sont leurs droits. Je pense que ce sera notre responsabilité de leur faire connaître tout le contenu de ce que représentent ces dispositions que nous avons adoptées. (22 h 15)

M. Blank: C'est exactement cela.

M. Bédard: Est-ce que c'est cela qui vous fatigue? Est-ce que pour des fins partisanes...

M. Forget: C'est cela qui nous fatigue. Exactement, vous avez compris. Vous faites des progrès, M. le ministre, vous faites de grands progrès!

M. Blank: ...qui n'ont pas de pouvoirs.

M. Bédard: D'accord. Je viens de comprendre. Alors, ce que vous venez de me dire, ce n'est que pour des fins partisanes parce que vous avez peur qu'on informe la population des améliorations que nous avons apportées par le projet de loi 89 et que ces améliorations prennent le dessus, pour l'ensemble de nos citoyens et citoyennes du Québec, sur l'intérêt politique. Je pense que chacun fera son choix.

M. Marx: Vous êtes le seul au-dessus de la partisanerie. Vous ne savez pas cela?

M. Bédard: Je pense que chacun fera son choix de ce côté-là. On parle du manque de préparation. Je ne voudrais pas revenir sur tout ce qu'on a dit, on en aura l'occasion lors de la troisième lecture. On oublie toujours une chose, c'est que ce projet de loi no 89 est déposé depuis au-delà de neuf mois devant l'Assemblée nationale. Que l'Opposition ne vienne pas dire qu'elle n'a pas eu le temps de se préparer.

M. Blank: ...seulement deux semaines avant la fin.

M. Bédard: II y a des choses que j'accepte, mais à un moment donné il faut arrêter de charrier. Vous avez eu neuf mois pour vous préparer.

M. Blank: La deuxième semaine de décembre.

M. Bédard: Vous avez eu neuf mois pour vous préparer. Si vous avez commencé à vous préparer seulement dans les dernières minutes...

M. Forget: Cela n'a même pas suffi à vous, M. le ministre.

M. Bédard: ...n'essayez pas de nous rendre responsables de cela. J'ai même entendu dire, à un moment donné...

M. Blank: C'est nous autres qui améliorons votre loi.

M. Bédard: Tant mieux! Vous l'avez améliorée. Je suis content et je le dis, encore une fois. Je suis heureux de le dire. J'en remercie tous les membres de la commission parlementaire et, d'une façon tout à fait particulière, le député de Saint-Laurent, du côté de l'Opposition officielle, et tous les députés qui ont apporté des

améliorations. Mais pourquoi était-on ici? Pour apporter des améliorations.

M. Blank: On fait notre travail.

M. Bédard: Bon, vous avez fait quoi? Vous n'avez fait que votre travail.

M. Blank: Oui, mais...

M. Bédard: Je pense que c'est votre devoir maintenant de faire en sorte, en l'entourant de toutes les précautions nécessaires, qu'on trouve le moyen d'adopter ce projet de loi le plus rapidement possible pour en faire bénéficier l'ensemble de la population. Par exemple, le député de D'Arcy McGee disait: II y a deux ans que vous auriez dû l'adopter. Or, le ministre d'État à la Condition féminine n'est peut-être pas à la table, mais je peux vous dire une chose...

M. Blank: ...invite ici. Ce n'est pas important.

M. Bédard: ...il y en a qui travaillent dans l'ombre. Ce n'est pas parce qu'on travaille dans l'ombre qu'on travaille d'une façon moins efficace.

M. Blank: On travaille dans l'ombre et on appelle cela de la transparence.

M. Bédard: Non, au contraire.

Le Président (M. Laberge): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: Je crois que les nombreuses réunions que j'ai eues avec le ministre d'État à la Condition féminine, dont les préoccupations concernant l'amélioration du droit de la famille ne datent pas d'aujourd'hui, ont été de nature à améliorer le projet, comme, par exemple, la députée de L'Acadie par de nombreuses interventions, de nombreuses suggestions. Je le dis, parce que je le crois.

M. Blank: ... pas avocat!

M. Bédard: Ce n'est pas nécessaire d'être avocat. Le ministre d'État à la Condition féminine n'est pas avocat non plus et je pense que...

M. Blank: ...ses lois dans les mains...

M. Bédard: Je pense que la députée de L'Acadie y est allée de nombreuses suggestions qui ont été de nature à améliorer le projet de loi, comme le ministre d'État à la Réforme électorale, à sa manière. Le député de D'Arcy McGee disait: Cela fait deux ans et demi que vous auriez dû... Il ne se rend même pas compte jusqu'à quel point cela ne tient pas debout, ce qu'il dit. Il y a deux ans et demi, on n'avait même pas encore le rapport de l'Office de révision du Code civil. C'est là qu'on voit que c'est une argumentation partisane comme ce n'est pas possible.

Imaginez-vous ce qu'aurait pu dire l'Opposition et les groupes concernés s'il avait fallu s'engager dans la réforme du droit civil sans même attendre le rapport de l'Office de révision du Code civil qui y travaillait depuis 23 ans. Franchement, là, on aurait eu raison de nous faire des reproches, comme on aurait eu raison de nous faire des reproches si, ayant déposé le projet de loi au printemps de 1980, nous avions voulu bousculer et faire adopter ce projet de loi à la fin de l'été 1980. Au contraire, nous l'avons laissé et nous n'avons fait aucune pression pour essayer de le faire adopter. Nous l'avons laissé là...

M. Marx: Alors, pourquoi n'avez-vous pas commencé au mois d'octobre?

M. Bédard: ... pour permettre...

M. Marx: Pourquoi la deuxième semaine de décembre et pas au début d'octobre? Pourquoi?

M. Bédard: Écoutez...

M. Marx: Pourquoi?

M. Bédard: Vous avez...

M. Marx: Pourquoi?

M. Bédard: La session a commencé...

M. Marx: Pas d'excuses, là!

M. Bédard: M. le Président, j'espère que j'ai le droit de parler. J'ai laissé le député s'exprimer, tout à l'heure.

Le Président (M. Laberge): M. le ministre, vous avez droit à tous vos commentaires.

M. Guay: La motion que vous avez refusé d'adopter, cela ne vous dit rien?

M. Bédard: C'est le genre d'argument qui devient...

Le Président (M. Laberge): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: ... tellement partisan qu'à un moment donné il est complètement coupé de la réalité. Durant neuf mois, tous les groupes se sont fait entendre sur le rapport de l'Office de révision du Code civil. J'ai pris la peine de demander à tous ces

groupes... Je pense que la preuve est faite que nous avons tenu compte de l'ensemble des représentations faites par ces groupes sans pouvoir donner suite à toutes les recommandations, naturellement.

M. Marx: Pourquoi n'avoir pas siégé au mois d'octobre?

M. Bédard: Nous avons également recommuniqué avec ces groupes pour voir s'il y avait des suggestions supplémentaires, afin de les mettre à contribution, pour l'ensemble des membres de la commission parlementaire.

M. Blank: ... communiquer avec les groupes sur cette nouvelle loi.

M. Bédard: Est-ce que je peux parler, M. le Président?

Le Président (M. Laberge): Bon! M. Blank: Excusez-moi. M. Bédard: Franchement...

Le Président (M. Laberge): Un moment, un moment!

M. Bédard: ... je vous ai laissé dire ce que vous aviez à dire.

Le Président (M. Laberge): Allez-y, M. le ministre.

M. Bédard: Non, je vais arrêter là. Je sais que le député de Saint-Laurent a à parler. Si j'ai à ajouter d'autres commentaires, je le ferai. Je pensais que les travaux de la commission se termineraient simplement par quelques phrases qui, pour moi, auraient été simplement dans le sens de remercier tous les membres de la commission de leur collaboration, de remercier aussi d'une façon tout à fait spéciale les experts qui nous ont accompagnés tout au long de ces travaux et qui ont répondu à toutes les questions, toutes les interrogations qui ont été soulevées par les députés de l'Opposition et aussi par les députés du côté gouvernemental, les experts que je félicite, solidairement avec le député de D'Arcy McGee. Il est clair qu'un travail comme celui-là ne se fait pas sans le concours d'experts. Ce n'est pas parce qu'on commence à étudier le Code civil que, du jour au lendemain, on devient des experts en la matière. Ces experts travaillent depuis de nombreux mois. Même pendant que certains ne travaillaient pas au Code civil, un groupe d'experts y travaillait et se préparait à répondre aux interrogations normales des membres de la commission.

C'est en remerciant tout le monde, et d'une façon - je le dis encore une fois - spéciale le député de Saint-Laurent, que je termine mes représentations, à moins que je croie devoir ajouter quelques mots après l'intervention du député de Saint-Laurent.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent, vos remerciements au nom de la commission.

M. Forget: Non, ce n'est pas...

M. Bédard: Avant que le député de Saint-Laurent ne discoure, il y a la motion traditionnelle pour renuméroter les articles du projet.

Une voix: Après l'adoption de 75.

M. Bédard: Après l'adoption de 75, ça va.

Le Président (M. Laberge): Parfait.

M. Forget: M. le Président, brièvement, malgré tout. Je pense que je vais devoir exprimer mon accord avec le ministre lorsqu'il dit qu'il n'est pas raisonnable de lui reprocher de ne pas avoir présenté ce projet de loi plus tôt, de ne pas avoir commencé l'étude plus tôt. Effectivement, peut-être que mes collègues ont fait une invitation, ont fait une suggestion qui n'était pas sage. Le ministre a eu raison, effectivement, de retarder jusqu'à maintenant l'étude du projet de loi et de ne pas l'avoir commencée en octobre ni même en novembre, au point même que je serais porté à lui donner raison et à me demander s'il aurait dû commencer à l'étudier au mois de décembre, parce que, enfin, commencer à l'étude de ce projet de loi supposait, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, des réponses à des questions fort importantes qui sont déterminantes pour l'application du projet de loi, des réponses qu'il n'a pas, qu'il ne peut pas nous offrir et qu'il ne peut même pas nous promettre pour un avenir immédiat.

Je pense que la préparation d'un tel projet doit requérir un temps très long; un temps d'autant plus long que j'ai eu l'impression, au cours de l'étude de ce projet de loi, que, si les experts avaient été diligents - et, ça, aucun doute, ils l'ont été - leur travail, me semble-t-il, aurait pu être facilité si certaines orientations, au niveau politique, avaient été prises de manière plus appropriée.

Il me paraît évident, à la suite de l'étude du projet de loi, que certaines questions de fond - mon collègue de L'Acadie en a soulevé quelques-unes - que soulève, à notre époque, la remise en question d'institutions comme le mariage et tout ce qui gravite à l'entour de cette question supposent, au-delà de l'expertise, au-delà de la connaissance des textes et de la jurisprudence, des décisions politiques -

dans le sens le plus noble possible qu'on puisse donner à ce mot - des choix entre des modèles d'organisation de cette institution sociale qu'est la famille.

J'ai très clairement l'impression que le gouvernement n'a pas été au fond de cette réflexion, qu'il s'est arrêté sur des formules qui semblaient ménager les uns et les autres, mais qu'il ne s'est résolu à aller au fond que parfois, à la toute dernière minute. Je peux comprendre que, dans ce contexte, les experts qui se sont chargés de la rédaction ont dû, parfois, être retardés et, parfois, hésiter même avant de prendre telle ou telle voie.

À tout événement, indépendamment de ce qui est contenu dans le projet de loi, la préparation pour l'adoption d'un nouveau Code civil n'est certainement pas complète. On a confiné à d'autres textes qui ne sont pas encore rédigés, des éléments déterminants pour son application.

Alors, c'est se payer la tête de tout le monde, y compris les membres de l'Assemblée nationale, que de dire: qu'on fait un plat de la question constitutionnelle. La question constitutionnelle ne se posait absolument pas. Je défie qui que se soit, du côté gouvernemental, de me dire qu'on pourrait appliquer le nouveau Code civil le 1er janvier. Absolument pas, il faudrait attendre une nouvelle session de l'Assemblée nationale avant d'avoir les textes capables de nous donner les moyens de l'appliquer, sur le plan de la procédure, sur le plan des concordances nécessaires; ce ne sont pas simplement des fantaisies, ce sont des concordances nécesssaires; on ne peut pas abroger certaines lois et laisser en l'air certaines dispositions qui doivent les accompagner. Alors, il est sûr que la préparation n'est pas complète, il est sûr qu'on adopte une partie de réforme, on n'adopte pas toute une réforme et que, indépendamment des problèmes de compétence, c'est un travail qui est incomplet.

Je n'ai pas besoin d'insister sur le caractère absolument trompeur et mensonger du titre même du projet de loi. Ce n'est pas vrai que nous adoptons un nouveau Code civil; nous adoptons des éléments de réforme d'un Code civil ou une réforme d'une partie du Code civil ou nous adoptons un nouveau chapitre portant sur le droit de la famille, c'est tout ce que nous faisons.

Cette réforme n'est pas complète, comme je le disais tout à l'heure, parce qu'elle ne pourrait pas s'appliquer; même si nous avions aujourd'hui tous les pouvoirs qu'Ottawa détient actuellement dans le domaine du droit de la famille, il nous serait impossible de l'appliquer le 1er janvier, le 1er février ou le 1er mars, il faudrait revenir à l'Assemblée nationale et adopter un certain nombre d'autres lois. Alors, il ne faut pas se faire d'illusions et prendre les protestations de zèle et d'impatience du ministre pour de l'argent comptant, ce n'est que de la poudre aux yeux, de ce côté.

Encore une fois, sur le plan de la préparation, je pense que, pour le répéter, parce qu'il faut le répéter, la préparation est incomplète. (22 h 30)

Je m'en voudrais aussi, étant donné les remarques qu'a faites le ministre et les bruits de fond de scène que nous avons entendus, de ne pas remarquer l'absence à la commission parlementaire de son collègue dont il a dit beaucoup de bien - il faut prendre sa parole là-dessus - mais qui ne s'est pas manifesté autrement que par des commentaires de fond de scène dans l'étude qui a duré cinq jours d'un projet de loi auquel pourtant, elle veut indirectement attacher son nom. Je m'en étonne. Si vraiment l'équipe gouvernementale est une équipe, il me semble...

M. Bédard: C'est injuste à son endroit.

M. Forget: Non, ce n'est pas injuste parce qu'elle aurait pu, dès le début, apparaître et prendre la parole à la commission parlementaire. Je pense que ce n'est peut-être pas injuste à son égard autant que vis-à-vis du ministre. Je pense qu'il n'y a pas le degré de confiance entre ces membres du Conseil des ministres pour qu'ils paraissent à deux sur une commission parlementaire. Ne voulant pas se contredire, on s'est abstenu d'y figurer. M. le Président, il est évident que nous n'avons pas soulevé le problème de la constitutionnalité inutilement. Je lis simplement ce que je retrouve à l'article 75 où on affirme qu'"aucune proclamation ne pourra être faite qui viserait à mettre en vigueur une disposition de la présente loi, dans une matière relevant de la compétence législative du Parlement du Canada en vertu de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867..."

Que le ministre de la Justice n'aille pas nous dire que c'est nous qui voulons diminuer la compétence du Québec. Il a pris soin d'inscrire cette précaution dans le texte même du projet de loi. On ne diminue rien du tout. On voudrait tout simplement connaître quelle est la portée de cette diminution officielle ou officiellement consacrée dans son projet de loi de la capacité du Québec, parce que c'est important pour les gens à qui cela s'applique. Ce n'est pas simplement une question de politique. Ce n'est pas simplement une question de négociations fédérales-provinciales. C'est important pour ceux à qui cela s'applique. Il me semble que si véritablement sa préparation est complète pour la présentation et l'adoption de ce

projet de loi, il devrait être en mesure de nous donner ces précisions, de les communiquer à l'Assemblée nationale, de les communiquer à la commission dont c'est la tâche d'examiner le projet pour voir s'il est correct.

On ne sort pas de notre compétence quand on pose une question sur la capacité ou le pouvoir de l'Assemblée nationale d'adopter un projet de loi ou d'adopter un article en particulier. Nous faisons notre travail. Cela implique aussi de se poser des questions sur la validité de ce qu'on est amené à faire. Des réponses de ce côté, nous n'en avons pas. La disposition qu'on retrouve ici, à l'article 75, je ne sais pas si on mesure très bien qu'elle constitue un précédent. Nous n'avons jamais, dans une autre loi adoptée par l'Assemblée nationale au Québec, inscrit la précaution de dire qu'une partie de ce qui est fait dans le projet de loi en question est ultra vires, sans préciser laquelle des parties. On n'a jamais inscrit une telle disposition dans nos lois. C'est un précédent. Il me semble que le ministre, plutôt que d'accuser l'Opposition, de faire de la partisanerie alors que lui-même reconnaît le bien-fondé de l'objection, aurait dû au contraire dire: Nous avons mis cet article de façon à ne pas jeter une discrédit général sur l'ensemble de la loi, de ne pas créer une incertitude qui s'attache indifféremment à presque tous les articles, à cause des renvois et à cause des concordances multiples que le projet comporte; voici notre opinion et la position de notre gouvernement relativement à l'effet de cette clause sur telle et telle partie du projet de loi. On saurait ainsi à quoi s'attendre au niveau de la mise en vigueur sélective, mais le silence a été complet.

M. le Président, je veux rendre très formelle cette invitation au ministre de dévoiler ce qu'il sait, ce que le gouvernement sait quant à la siqnification réelle de l'article 75. Il nous accuse de l'exagérer. Fort bien. Si nous l'exagérons, c'est parce qu'il sait, lui, la vérité. S'il ne sait pas la vérité, il ne peut pas nous accuser d'exagération. Je pense qu'il conviendra avec moi du bien-fondé d'une position comme celle-là.

M. Bédard: Je vous en parlerai tout à l'heure.

M. Forget: S'il sait ce qu'est la véritable signification de l'article 75, il a le devoir comme ministre de la Justice... Ce n'est pas n'importe quel ministre. C'est le ministre de la Justice responsable de l'application des lois. Ce n'est pas le ministre - je ne sais pas moi - du Transport ou des Communications qui pourrait oublier, à un moment donné, qu'il y a des problèmes de constitutionnalité dans les lois. C'est le ministre de la Justice. Il nous dit: Attention, une partie de ceci, nous n'avons pas le pouvoir de le faire. Il nous accuse d'exagérer. Fort bien. Nous n'avons pas l'expertise dont il dispose. Alors, qu'il nous dise exactement en quoi nous exagérons et sur quoi il s'appuie pour affirmer que nous exagérons. Je pense que la seule façon de le faire, M. le Président, c'est de déposer... ce n'est pas de dire, tout simplement: Ah, vous savez, l'Opposition a des motifs partisans. Evidemment, on a des motifs partisans, ce n'est pas le ministre de la Justice qui a inventé ça, lui aussi en a. Je pense que s'il veut vraiment faire un dévoilement général des motivations de tout le monde il pourrait commencer par faire un mea culpa et nous dire quelles sont ses motivations partisanes, parce que autant que je sache il n'appartient pas à la magistrature, pas encore du moins.

M. Bédard: Non.

M. Forget: Alors, s'il n'appartient pas à un corps d'élite si célèbre, peut-être a-t-il lui aussi des motivations partisanes et s'il ne veut pas en faire l'aveu, on pourrait peut-être lui en imputer, comme il ne s'est pas privé de nous en imputer. Mais mettons ça de côté, M. le Président. À supposer que l'on exagère, est-ce qu'il n'y a pas de meilleure façon, de plus belle façon d'en faire la démonstration que de dire: Voici la vraie situation quant à la constitutionnalité, et d'informer nos collègues de l'Assemblée nationale exactement de ce qu'ils vont faire qui est illégal dans les prochaines heures ou qu'est-ce qu'il va les inviter à faire qui est vraiment au-delà du droit, s'il n'aime pas l'expression illégalité.

Motion pour dépôt de documents

La motion que je veux présenter, M. le Président, dans ce contexte, se lit de la façon suivante: "La commission parlementaire de la justice souhaite - je pense que c'est recevable, M. le Président - que le ministre de la Justice dépose devant l'Assemblée nationale les études expliquant l'incidence sur les articles du projet de loi 89 du partage actuel des compétences législatives entre le Parlement canadien et les Législatures des provinces, au même moment où sera déposé le rapport de cette commission sur l'étude article par article dudit projet de loi."

À ce moment-là, les parlementaires, nos collègues qui seront saisis de notre rapport sur un travail auquel j'ai eu un grand plaisir à participer, malgré les questions que je pose sur son utilité pratique dans les mois qui vont suivre, mais en même temps que nos collègues en prendront connaissance, ils prendront également connaissance de ce que ça signifie, en pratique, qu'est-ce qu'ils vont pouvoir adopter pour vrai et qu'est-ce qu'ils

vont pouvoir adopter en faisant semblant. Je pense qu'on leur doit au moins cette vérité élémentaire et ça donnera en plus, encore une fois et pour terminer, la satisfaction au ministre de faire la démonstration, par a + b, que l'Opposition exagère, comme d'habitude.

Le Président (M. Laberge): Sur la... un moment. On a porté à ma connaissance la motion du député de Saint-Laurent qui se lit comme suit: "La commission parlementaire de la justice souhaite que le ministre de la Justice dépose devant l'Assemblée nationale les études expliquant l'incidence sur les articles du projet de loi 89 du partage actuel des compétences législatives entre le Parlement canadien et les Législatures des provinces, au même moment où sera déposé le rapport de cette commission sur l'étude article par article dudit projet de loi."

Cette motion semble recevable, si vous voulez en discuter.

M. Bédard: Comme cela arrive sur un bout de papier, à la dernière minute, est-ce que vous nous donneriez cinq minutes, M. le Président?

Le Président (M. Laberge): La commission suspend ses travaux pour cinq minutes.

M. Bédard: Au moins pour avoir l'occasion de la lire.

(Suspension de la séance à 22 h 39") (Reprise de la séance à 22 h 52)

Le Président (M. Laberge): La commission reprend ses travaux. La motion qui a été présentée par le député de Saint-Laurent a été jugée recevable et la discussion a d'ailleurs commencé. Je cède la parole au ministre pour discuter de cette motion.

M. Bédard: M. le Président, je ne serai pas long. Je veux simplement relever le fait que le député de Saint-Laurent a évoqué mon côté partisan. Je lui dirai qu'au moment où on se parle, je ne suis partisan que d'une chose: c'est que nous prenions tous les moyens nécessaires pour que les citoyens et citoyennes du Québec puissent profiter de tous les avantages possibles qui sont contenus à l'intérieur de cette réforme. Je ne peux que déplorer d'avance, comme je l'espère, l'Opposition, le fait que certaines améliorations ne pourront être mises à l'avantage des citoyens et citoyennes du Québec parce qu'il y a la question constitutionnelle à laquelle nous avons fait allusion tout à l'heure. Mais je suis en mesure de dire que la grande partie, une très grande partie de ce projet de loi peut être mise en application.

Je suis d'accord, M. le Président, sur la motion, de telle façon que demain, nous déposerons une opinion énonçant les parties du projet de loi qui manifestement peuvent être mises en application au-delà de la question constitutionnelle. Si cela peut faire plaisir à l'Opposition, je pourrai également déposer une opinion qui m'a été acheminée en ce qui a trait à une question que nous nous sommes posée tous ensemble, lors de la deuxième lecture, à savoir si l'Assemblée nationale avait le pouvoir de discuter, d'accepter le projet de loi concernant la sécurité du mécanisme qui a été employé par le biais de l'article 75. J'espère que cela répondra aux attentes, puisqu'on en a exprimé le souhait, et que nous serons tous en mesure de nous rendre compte que, même si on ne peut pas appliquer tous les articles, il serait de notre devoir de faire en sorte qu'au moins la plus grande partie possible de ces articles puisse être mise en application pour le mieux-être des Québécois et des Québécoises.

M. Marx: M. le Président, le ministre dit qu'il va déposer un rapport demain matin. Est-ce que ce sera un rapport qui va nous expliquer quels articles sont valides et quels articles ne sont pas valides...

M. Bédard: Vous l'apprendrez...

M. Marx: ...en ce qui concerne le projet de loi tel que modifié par cette commission ou s'il va déposer une opinion en ce qui concerne le projet de loi qu'il a déposé il y a quelques mois? Je pense qu'il y a une différence parce que lors des travaux de cette commission, on a proposé beaucoup de modifications.

M. Bédard: Cela ne change pas grand-chose. Mettons de côté notre esprit partisan.

M. Marx: Je pense que c'est plus difficile que cela, M. le ministre.

M. Bédard: II y a des amendements qui ont été adoptés à l'intérieur de chapitres. À partir du moment où le chapitre est carrément constitutionnel, il me semble que les amendements que nous avons apportés n'ont pas été dans le sens d'invalider les articles.

M. Marx: II me semble qu'il y a des chapitres où il y a des articles constitutionnels et des articles inconstitutionnels.

M. Bédard: Voulez-vous la donner, l'opinion? Vous la donnerez. Vous ne

m'apprenez rien en me disant qu'il y a une partie qui est...

M. Marx: Je ne peux pas travailler pour le gouvernement, M. le ministre. C'est illégal. Vous ne voulez pas que je tombe dans l'illégalité?

M. Blank: Tu peux travailler, mais tu ne peux pas être payé.

M. Bédard: J'estime beaucoup le député de D'Arcy McGee. Je ne veux pas lui donner cette impression.

M. Marx: Mais si le ministre veut qu'on lui suggère des experts en la matière, on est prêt à le faire. Si le ministre veut qu'on lui suggère des experts en la matière, on peut le faire. Je pense que le problème est un peu plus difficile que vous donnez l'impression de le croire.

M. Bédard: Mais pourquoi me donnez-vous l'impression, d'avance, sans même avoir vu l'opinion, que vous êtes déjà...

M. Marx: Je pense que c'est important d'avoir une opinion sur le projet tel que modifié, pas sur le projet que vous avez déposé il y a neuf mois.

M. Bédard: J'ai pris votre motion et je dis oui à cela.

M. Blank: On va vous donner notre opinion par la suite.

M. Bédard: Vous avez l'air de. vouloir discréditer l'opinion avant même de l'avoir reçue. Ce ne sont quand même pas des enfants d'école qui ont fait l'étude de ce projet de loi avec nous. Je pense qu'ils ont été en mesure de répondre à toutes les questions que nous leur avons posées. Je suis en mesure de dire également que, sur bien des articles, ils s'étaient souciés également de la question constitutionnelle. Je crois que le mieux à faire, puisque cela répond à un souhait que vous exprimez...

M. Blank: J'espère que cette opinion sera signée par les auteurs.

M. Bédard: Est-ce que, en vous donnant ces opinions, je serais en train de vous enlever le dernier argument qui faisait que vous n'acceptiez pas le projet de loi?

M. Blank: C'est très important de savoir d'où vient cette opinion. Est-ce que c'est un étudiant en première année de droit ou si c'est un professeur de droit constitutionnel à Laval? C'est ce que je veux savoir.

Mme Lavoie-Roux: Normalement, elle devrait être signée. On ne livre pas des documents quand ils ne sont pas signés.

Le Président (M. Laberge): À l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce que cette motion souhaitant que le ministre dépose des documents sera adoptée?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté.

M. Blank: Le projet de loi est adopté tel qu'amendé.

Le Président (M. Laberge): L'article 75 sera-t-il adopté?

M. Marx: Adopté.

M. Forget: Adopté, M. le Président.

M. Bédard: Avec mes remerciements à tous les membres de la commission parlementaire.

Le Président (M. Laberge): Un instant, on a encore beaucoup de choses à faire. Il y en a encore beaucoup. Je regrette J'aurais besoin d'une motion de renumérotation pour les articles 1.1 à 75 du projet de loi.

M. Bédard: D'accord.

M. Forget: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): La motion de renumérotation est adoptée.

Est-ce que le projet de loi no 89...

M. Forget: Est-ce que le titre ne devrait pas être adopté?

Le Président (M. Laberge): Oui, cela nous prend une motion pour adopter les titres, sous-titres, paragraphes, etc. Est-ce que cette motion sera adoptée? (23 heures)

Conclusions

M. Forget: M. le Président, sur ce point, je voudrais d'abord - en guise de préface, mais ce sera très court; c'est une brève préface à de brèves remarques, M. le Président, qu'on se rassure - remercier tous nos collègues, des deux côtés, qui ont participé durant de longues heures à l'étude de ce projet de loi. Le climat qui a prévalu pendant presque toute la durée a été exemplaire; exemplaire, d'ailleurs, de je ne sais pas trop quoi, parce que ce n'est peut-être pas exemplaire du travail des commissions parlementaires, mais exemplaire de ce qu'elles devraient être, plutôt que de ce qu'elles sont souvent.

Cette appréciation s'adresse non seulement aux collègues membres de la commission, mais également au personnel du secrétariat des commissions et de la transcription des débats qui ont veillé fort tard, avec nous, pendant plusieurs jours, à notre maigre public, mais fidèle, néanmoins, qui a manifesté un intérêt soutenu et qui a été notre principal véhicule de communication avec les autres 6,000,000 de Québécois que ce projet affectera. Je voudrais adresser une appréciation toute spéciale aux membres de l'équipe qui entourent le ministre et qui lui prodiguent leur immense réserve de connaissances et d'expertise: Me Marcel Guy, M. Bisson et Mlle Marie-Josée Longtin, dont la patience et la capacité de fournir des réponses à presque toutes les questions doivent être soulignées et sont tout à fait remarquables.

J'aimerais d'ailleurs adresser une prière au ministre à ce sujet, qu'il pourra peut-être prendre en délibéré ce soir: ce serait d'examiner la possibilité que les interventions de ces trois personnes à la commission parlementaire apparaissent sous leurs noms. Je pense que ceci, étant donné qu'il s'agit de professionnels du droit et en particulier d'experts en droit civil, étant donné le caractère de cette commission et sa modeste contribution, mais contribution significative, malgré tout, à l'étude de ce projet de loi, pourrait être une marque particulière d'appréciation, quant à la qualité de leur contribution. Je pense que, même si nous n'avons pas pris cette précaution au départ, il sera probablement facile au personnel du secrétariat de partager les remarques qui sont nominalement attribuées au ministre simplement par le contenu plus technique de l'intervention. Je le fais très sérieusement. Je pense que ce n'est pas un précédent absolu et je pense que ce serait un signe que leur travail s'est vraiment distingué non seulement par leur disponibilité personnelle, mais par la qualité et l'impartialité de leur contribution.

Le Président (M. Laberge): Sur ce point, M. le député de Saint-Laurent, nous ferons les consultations requises et nous verrons ce qu'il est possible de faire.

M. Forget: Pour ce qui est, M. le Président, de l'ensemble du projet de loi, je pense qu'il n'est pas nécessaire d'ajouter à l'évaluation que nous en avons faite, au fur et à mesure de notre étude et, de façon générale, aussi peut-être un peu plus spécifiquement, dans les dernières heures. Il s'agit d'un projet valable. C'est un pas en avant. Cela ne résout pas tous les problèmes. Encore une fois, je pense qu'il n'est pas interdit d'imaginer que ce n'est pas là le dernier mot. C'est en ayant cette préoccupation à l'esprit que nous allons déterminer notre attitude relativement à ce projet de loi.

Nous sommes favorables, nous l'avons dit, quant au fond, à l'ensemble des dispositions de principe qu'il incorpore. Nous l'avons dit en deuxième lecture et je pense que notre attitude au cours des travaux de la commission le démontre amplement. Nous sommes également conscients que le travail que nous avons fait, si consciencieux qu'il ait pu être, si bien appuyé sur le plan technique qu'il ait pu être, n'est pas à l'abri de tout défaut. Nous avons travaillé de longues heures. Il est fort possible qu'avec un recul de quelques jours, de quelques semaines, des déficiences sautent aux yeux de l'un ou l'autre d'entre nous et même des conseillers du ministre. À plus forte raison, il n'est pas impossible, il n'est pas interdit de penser que, lorsqu'un cercle plus large de nos concitoyens aura eu l'occasion de consulter le produit fini qui sort de la commission, certains puissent nous exprimer des points de vue qui nous ont échappé et dont nous souhaiterions tous tenir compte. C'est pour cela que, lorsque demain, le ministre joindra son rapport à celui du rapporteur de la commission et que dépôt sera fait des deux documents à l'Assemblée nationale, nous n'avons pas l'intention de donner notre consentement pour procéder au-delà du dépôt. Pourquoi? Pour une raison très simple que je vais expliquer, qui n'a rien à voir avec les difficultés constitutionnelles; ça, c'est le problème du ministre. Il a d'ailleurs déjà entrepris de jeter la lumière sur le sujet par le dépôt de son rapport. C'est pour permettre une période d'environ 60 jours, à peu près deux mois, pour permettre la rétroaction, la réaction, les conseils, les avis, les expressions d'opinion d'un cercle plus large de nos concitoyens.

Ce que nous souhaiterions faire dans un monde idéal, je ne sais pas si le ministre acceptera cette suggestion, c'est que le projet soit réimprimé et qu'il subisse une diffusion dans son état quasi définitif à ceux mêmes qui en ont reçu une première version, les praticiens de droit, les différents groupes qui ont exprimé des opinions, les media d'information, bien sûr; ceci permettra au ministre de compléter les préparatifs de la mise en vigueur qui sont nécessaires de toute façon, la préparation d'amendements à d'autres lois, la clarification d'un certain nombre de questions que pose nécessairement la mise en vigueur d'un projet de loi de cette envergure. On a vu dans d'autres lois, M. le Président, ce n'est un secret pour personne, des délais entre l'adoption d'un projet de loi et la mise en vigueur qui se comptaient en mois, en saisons, en semestres, peut-être même en années dans certains cas. Il y en a qui ont été mises en application, la Loi sur les conditions minimales de travail, par exemple, a été

adoptée une année et mise en vigueur bien longtemps... La loi 9 sur la protection des personnes handicapées a été mise en vigueur plus d'un an après son adoption.

Ce n'est pas un précédent. Il y a des préparatifs qui sont nécessaires et, pendant ce temps-là, pourquoi ne pas faire bénéficier de ce délai nos concitoyens qui ont manifesté un intérêt au projet de loi en réimprimant le projet de loi qui est indéchiffrable dans l'état dans lequel on le trouve actuellement? Il y a, bien sûr, le projet initial. Il y a probablement une soixantaine à une centaine d'amendements. Je n'exagère pas. Je pense que, même si on voulait se limiter aux amendements de substance, en mettant de côté les changements de virgule et d'orthographe, etc., et les choses de pure concordance, on a sûrement entre 20 et 30 amendements significatifs dont personne - rigoureusement personne - n'a entendu parler en dehors de la commission parlementaire.

Je pense que c'est normal de permette à tous les organismes qui s'y intéressent de regarder le fruit de nos travaux et de nous exprimer leur avis là-dessus.

Nous reviendrons, je présume, M. le Président, à la fin de février, bien reposés, l'esprit clair, l'oeil vif, la mine réjouie, nous pourrons prendre connaissance de ces commentaires, de ces rapports, des dernières réflexions des conseillers du ministre. Il sera possible au ministre de solliciter un retour en commission plénière du projet qui sera presque adopté, d'y apporter les modifications qui, j'en suis sûr, lui viendront spontanément à l'esprit et de l'adopter en troisième lecture le jour suivant. Personne ne sera retardé en quoi que ce soit et, au contraire, l'esprit d'ouverture démocratique du gouvernement pourrait devenir pour lui, d'ailleurs, un argument de poids dans la conquête d'un nouveau mandat, ayant ainsi fait la démonstration de sa capacité d'intégrer dans ses projets les apports, les sources les plus diverses et ayant apporté à l'application et la mise en vigueur de ce projet de loi un soin tout particulier, qu'il mérite d'ailleurs, étant donné son importance dans toute la mesure où il peut être appliqué, encore une fois, mis de côté le problème constitutionnel.

Pour produire cet effet, c'est-à-dire le délai, la possibilité d'une réimpression et d'une diffusion et les dernières mises au point, nous allons nous abstenir de concourir à une adoption du rapport et à une troisième lecture demain. Je tenais à préciser ce point parce qu'il n'y a pas de mystère dans notre attitude, elle est essentiellement motivée par le désir de donner la possibilité d'un deuxième regard pour tous les groupes, y compris l'Assemblée nationale, sur un travail qui est d'une très grande complexité, d'une très grande importance. J'espère qu'on le comprendra.

Je suis sûr qu'on va nous accuser de tous les maux de la terre, mais qu'on prenne bien soin, en nous accusant, de démontrer en même temps en quoi cela retarde de quelque manière que ce soit la mise en application de la loi. Si le ministre me dit qu'il est prêt à mettre en vigueur un chapitre quelconque de cette loi le 1er janvier, il aura fort à faire à persuader qui que ce soit que cela soit possible, étant donné ce qui est déjà contenu dans les procès-verbaux de cette commission quant aux nombreuses concordances, aux nombreuses conditions qui doivent accompagner presque tous les chapitres. Vous savez, il n'est pas nécessaire, pour avoir la société d'acquêts, de faire la proclamation de quoi que ce soit. Il y a plusieurs éléments qui sont repris - et cela, je pense que le ministre en conviendra - et qui existent déjà dans notre droit; pour ce qui est des éléments nouveaux, dans la plupart des cas, il y a des modifications à faire à d'autres mesures législatives. Il faudra bien attendre, quelle que soit l'impatience du ministre.

Je termine en remerciant à nouveau nos collègues et nos collaborateurs. J'espère que le ministre pourra concourir jusqu'à la fin, de la même façon qu'il l'a fait jusqu'à maintenant, à un certain nombre de nos propositions.

M. Bédard: Je vais déployer mes efforts jusqu'à la fin pour que le plus rapidement possible - je pense que ce devrait être avant la fin de la session - ce projet de loi soit adopté de manière que, même si ce n'est pas pour l'ensemble du projet de loi, le plus rapidement possible les citoyens et les citoyennes du Québec puissent profiter des réformes qui y sont contenues et qui sont à leur avantage.

Le faux-fuyant qu'emploie le député de Saint-Laurent, au nom de l'Opposition officielle, pour refuser son consentement -c'est ce qu'il nous annonce - à la troisième lecture avant la fin de la session ne me convaincra pas que ce ne serait pas souhaitable, éminemment souhaitable que nous procédions à l'adoption de ce projet rapidement. Le projet est important, mais il ne faut pas prendre l'importance du projet comme prétexte à ne pas poser des gestes pour qu'il devienne réalité le plus rapidement possible pour le bénéfice de la population. Le député de Saint-Laurent a pris la peine de dire que le projet était valable, qu'il n'était pas à l'abri de tout défaut - et je suis d'accord là-dessus - mais ce n'est pas parce qu'on peut déceler quelques défauts dans un projet de loi qu'il faille se priver ou priver la population des bénéfices de l'ensemble du projet, qui est valable selon l'expression même du député de Saint-Laurent. (23 h 15)

Dans les propos du député de Saint-Laurent - j'en reparlerai demain - je ne vois pas de motifs sérieux qui nous permettraient, en quelque sorte, de dire à une grande partie de la population: Nous savons qu'il existait des inégalités inacceptables dans le Code civil; nous avons adopté en commission parlementaire un projet qui a pour effet de les corriger, mais nous ne vous en ferons pas bénéficier avant 60 jours, c'est la suggestion du député de Saint-Laurent. Si inégalité il y a - et nous avons été à même de le constater et d'en corriger des dizaines, tout au cours de l'étude de ce projet de loi - je ne vois vraiment pas, dans les propos du député de Saint-Laurent, des motifs sérieux de refuser le consentement, comme il nous l'a annoncé aujourd'hui.

Le projet n'est pas à l'abri de tout défaut et il est clair que nous ne mettons pas dans le ciment une réforme qui ne devra subir aucun changement pour les cent prochaines années. Cela me semble clair pour tout le monde. D'ailleurs, j'ai déjà indiqué à la commission parlementaire que nous avons l'intention de mettre en place un mécanisme, qui serait, en quelque sorte, une commission permanente de réforme du Code civil qui permettrait justement, celle-ci étant composée d'experts, de conseiller régulièrement les différents gouvernements sur l'à-propos d'apporter des correctifs au Code civil. On le sait, depuis une centaine d'années, il y a eu à peu près deux cents modifications, il est clair que, s'il y avait eu en place une commission permanente de réforme du Code civil, beaucoup d'autres modifications auraient pu être faites à l'avantage de la population du Québec. Les gouvernements qui nous ont précédés ne l'ont pas fait, mais je crois que c'est un mécanisme nécessaire, parce que cela me semble inacceptable, cette situation qui perdurait parce qu'il y avait une commission de la réforme du Code civil qui y travaillait depuis 23 ans et que chaque gouvernement était probablement enclin à ne pas faire de modification parce qu'on attendait continuellement le rapport de ces experts.

Pour ce qui est de la réimpression, je pense que le député de Saint-Laurent ne devrait pas laisser entendre que, parce qu'il y a une adoption en troisième lecture, disparaît la possibilité que l'ensemble du projet, une fois adopté, soit réimprimé pour être porté à la connaissance des citoyens et des groupes concernés. C'est évident, une fois adopté, il va être réimprimé et, à ce moment, comme nous l'avons fait lors de son dépôt l'été passé, nous allons le faire parvenir à tous les groupes, à tous les organismes qui s'y sont intéressés; nous allons en faire une diffusion très grande au niveau de la population et de ces groupes. Si on l'adopte demain soir, ça n'empêche en aucune façon de faire ce travail de sensibilisation auprès de la population, ça n'empêche en aucune façon que des citoyens ou des groupes aient des représentations additionnelles à faire et, à ce moment, le gouvernement les considérera à leur juste valeur.

Encore une fois - et je termine là-dessus - les motifs évoqués par le député de Saint-Laurent ne me semblent pas sérieux par rapport à l'objectif que nous avons eu, au cours de l'étude de ce projet de loi, c'est-à-dire corriger des inégalités criantes qui existaient dans le Code civil. Je termine en remerciant, encore une fois, tous les parlementaires et les membres de la commission parlementaire et naturellement tout le groupe d'experts qui m'a aidé et a aidé tous les membres de la commission à accomplir le travail sérieux que nous avons fait.

Le Président (M. Laberge): Quand ces deux derniers commentaires ont été apportés, nous en étions à l'adoption du titre de ce projet de loi, des sous-titres et des titres de chapitres, de sections, de sous-sections. Est-ce que cette motion d'adoption du titre et de ce qui a été mentionné est adoptée?

M. Forget: Sur division.

Le Président (M. Laberge): Adopté sur division. Dernière motion: est-ce que le projet de loi no 89, Loi instituant un nouveau Code civil et portant réforme du droit de la famille, sera adopté avec les amendements qui ont été apportés?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Maintenant, je demande simplement au rapporteur de la commission de faire rapport à l'Assemblée nationale; une délégation de pouvoir. Je remercie les membres de la commission de la façon courtoise dont les travaux se sont déroulés et j'ajourne les travaux de la commission sine die en souhaitant joyeux Noël à tout le monde.

M. Bédard: M. le Président, je suis sûr de me faire le porte-parole de tous les membres de la commission en vous votant des félicitations pour la manière dont vous avez présidé nos travaux.

M. Forget: J'y concours avec plaisir.

Le Président (M. Laberge): Je vous remercie beaucoup.

(Fin de la séance à 23 h 22)

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