Débats de la Commission permanente de la justice, Le mercredi 7 octobre 1981
Â
Les travaux parlementaires
32e
législature, 2e session
(du 30 septembre
1981 au 2 octobre 1981)
Journal des débats
Â
Commission permanente de la justice
Le mercredi 7 octobre 1981 _ No 2
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Présentation de mémoires en
regard
des modifications à apporter
à la Charte des droits
et libertés de la personne (2)
(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Desbiens): à l'ordre, mesdames et
messieurs!
La commission élue permanente de la justice reprend ses travaux.
Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques en regard des
modifications à apporter à la Charte des droits et
libertés de la personne.
Les membres de la commission sont: M. Beaumier (Nicolet), M.
Bédard (Chicoutimi), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Brouillet
(Chauveau), M. Charbonneau (Verchères) remplacé par Mme Marois
(La Peltrie), M. Dauphin (Marquette), Mme Juneau (Johnson), M. Kehoe
(Chapleau), M. Lafrenière (Ungava), M. Marx (D'Arcy McGee), M. Paradis
(Brome-Missisquoi).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Bissonnet
(Jeanne-Mance), M. Blank (Saint-Louis) remplacé par Mme Lavoie-Roux
(L'Acadie), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Dussault
(Châteauguay), Mme Lachapelle (Dorion), M. Martel (Richelieu) et M.
Pagé (Portneuf).
J'appelle le Conseil du patronat, représenté par M.
Ghislain Dufour. M. Dufour, je vous souhaite la bienvenue et je vous
demanderais de présenter ceux qui vous accompagnent, s'il vous
plaît.
Conseil du patronat
M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président. Je suis
accompagné de M. Jacques Tremblay, à ma gauche, qui est le
directeur de la recherche au Conseil du patronat et, Ã ma droite, par M.
Philippe Beaudet, qui est conseiller en avantages sociaux à la firme
TPFC Ltée.
M. le Président, deux brefs commentaires au départ, le
premier pour vous signaler que notre mémoire a quelque chose comme 27
pages.
Le Président (M. Desbiens): M. Dufour, les micros sont un
peu loin et on a un peu de difficulté avec le son, voulez-vous vous
tasser d'un siège peut-être pour que, des deux côtés,
on puisse bien vous voir.
M. Dufour: Ah bon! Ce n'est pas une question de voix!
Le Président (M. Desbiens): De vue et de voix.
M. Dufour: Comme quoi chacun a sa définition! Deux
commentaires, le premier pour dire que notre mémoire a à peu
près 27 pages, alors on ne pourra pas le résumer dans vingt
minutes. On a déposé à nouveau, M. le ministre, un bref
schéma de 13 ou 14 pages. Le deuxième commentaire, c'est pour
dire que nous avons dû faire des choix, le mandat de cette commission
étant très large. Tous les thèmes qui se rapportent
à la Charte des droits et libertés pouvaient être
abordés, on aurait pu écrire plusieurs volumes. Quant Ã
nous, nous nous sommes arrêtés à quatre questions
particulières, les programmes d'action positive et votre projet de loi
no 24, M. le ministre, l'importante question du recours collectif, la
non-discrimination dans les avantages sociaux et la non-discrimination selon
l'âge.
On a pu prendre connaissance hier d'un bon nombre d'autres dossiers qui
nous intéresseraient aussi, notamment le droit au travail.
J'espère qu'on aura l'occasion, n'ayant pas touché à ces
questions dans notre mémoire, en d'autres circonstances, de les
débattre.
Sur les programmes d'action positive, le 19 décembre 1980, le
ministre de la Justice déposait en première lecture un projet de
loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne, le projet
de loi 24, et constituant une réponse partielle aux demandes maintes
fois formulées par la Commission des droits de la personne qui souhaite
introduire au Québec les programmes dits d'action positive.
Le projet de loi 24 modifierait la Charte des droits et libertés
de la personne en y ajoutant une disposition qui permet l'adoption de
programmes de redressement. Il établit un principe au nom duquel
pourraient être autorisées des exceptions aux règles
fondamentales de la charte, qui interdisent toute discrimination.
Qu'il soit permis d'adopter des programmes de redressement
destinés à favoriser des personnes jusqu'à présent
désavantagées, les employeurs n'y ont aucune objection. On
présume que les mots disent bien ce qu'ils veulent dire et qu'il
s'agirait de programmes qui pourraient être adoptés de
façon volontaire - on insiste pour dire de façon volontaire - par
des entreprises ou des organismes publics ou parapublics. En fait,
certaines entreprises du secteur privé, à tout le moins -
on ne sait pas trop ce qui s'est passé dans le secteur public - ont
déjà adopté, de façon volontaire, des programmes de
redressement. L'amendement proposé pourrait d'ailleurs protéger
les employeurs qui favoriseront certaines catégories de personnes dans
l'embauche et la promotion en vue de se conformer à une norme
d'égalité dans la composition de leur personnel.
Cet appui de principe doit être assorti cependant de certaines
réserves qui portent principalement sur la rédaction ambiguë
du texte proposé.
Ainsi, au deuxième alinéa - c'est un exemple - de
l'article 20.1 de la charte, la rédaction même du texte est une
façon d'admettre que les programmes de redressement pourraient
être considérés comme discriminatoires et donc contraires
aux dispositions actuelles de la charte. En effet, "toute distinction,
exclusion ou préférence établie par ces programmes donc
toute discrimination établie par ces programmes - est
réputée n'être pas discriminatoire si elle n'est pas
utilisée à des fins abusives." En d'autres termes, cette sorte de
discrimination, exercée dans un but de redressement, est de la bonne
discrimination. Le législateur la permettrait par exception, parce
qu'elle sert une bonne cause.
On peut se demander si l'exception prévue au deuxième
alinéa est absolument étanche comme moyen de défense dans
le cas, par exemple, d'une poursuite où une personne, membre d'un groupe
majoritaire, se prétendrait victime de discrimination à cause de
ces programmes. Par exemple, les tribunaux pourraient-ils décider que
même si on veut réparer une injustice passée, le traitement
préférentiel accordé à un membre d'une
minorité ethnique ne doit pas avoir pour effet d'exercer de la
discrimination contre une personne du groupe majoritaire?On
pourrait avancer l'hypothèse, et la portée réelle des
programmes de redressement sera la suivante: à compétence
égale, c'est la personne faisant partie d'une minorité
défavorisée qui doit être préférée aux
autres candidats.
Tout en maintenant notre appui de principe, nous souhaitons que l'on
étudie à nouveau cette question afin d'éliminer tout
simplement les ambiguïtés que nous avons signalées dans
notre mémoire et que nous ne reprenons pas ici.
Par ailleurs, la Commission des droits de la personne désire
obtenir un pouvoir de réglementation dans l'élaboration et la
mise en oeuvre des programmes de redressement. Il s'agirait là d'une
modification importante du rôle de la Commission des droits de la
personne. Premièrement, le pouvoir de réglementation
réclamé par la commission représenterait, quant Ã
nous, une intrusion inacceptable dans la gestion interne de l'entreprise.
S'appuyant sur le rapport de la mission effectuée aux Ãtats-Unis
en 1979, la commission semble convaincue que "sans programmes d'action positive
imposés et rigoureusement contrôlés, aucune mesure
sérieuse n'aurait été mise en oeuvre par l'entreprise",
selon l'expérience américaine. Puisqu'on ne peut se fier Ã
la seule bonne foi de l'entreprise - selon la commission, toujours - quelqu'un
d'autre doit donc faire en sorte que les choses changent. Or, l'organisme
habilité à réaliser ces changements doit être, en
toute logique, celui qui est chargé d'apporter des remèdes
à la discrimination, c'est-à -dire la Commission des droits de la
personne. D'où le pouvoir de réglementation qui est
réclamé.
Que la fonction publique du Québec soit également
susceptible d'être assujettie donc, l'Ãtat-employeur - Ã
semblable réglementation n'atténue en rien les problèmes
posés pour l'entreprise privée. Toute réglementation est
en nature coercitive, et on peut se demander comment il est possible de
concilier ce fait avec "l'approche incitative" que la commission déclare
privilégier par ailleurs. L'extension proposée du rôle de
la commission soulève inévitablement la question des
chevauchements de juridiction avec d'autres organismes ayant un mandat analogue
auprès de certains groupes sociaux.
On pense à divers programmes spéciaux administrés,
par exemple, par le ministère du Travail, au programme PUE, aux emplois
d'été pour les étudiants, aux programmes du
ministère de l'Immigration, aux subventions, aux mesures
spéciales, au MAS, à d'autres ministères, mais, surtout,
on pense à l'action d'autres organismes comme le Conseil du statut de la
femme et l'Office des personnes handicapées. Dans ce dernier cas en
particulier, qu'adviendra-t-il du plan d'embauche des handicapés
prévu à l'article 63? Auquel des deux organismes - et vous vous
rappellerez qu'il y a un caractère coercitif dans cet article 63 - un
employeur devra-t-il se référer pour la mise en oeuvre d'un
programme?
Il y aurait donc d'inévitables chevauchements et conflits de
juridiction, entraînant dédoublement des efforts,
inefficacité administrative, multiplication des coûts etc. Dans
les autres provinces canadiennes dont on invoque volontiers les lois existantes
qui permettent des programmes de redressement, il y a certes partout des "Human
Rights Commissions", mais y a-t-il dans chaque cas autant de ministères
et d'organismes publics chargés spécifiquement de la promotion
des femmes, des droits des handicapés ou des minorités ethniques?
En tout cas, nous posons carrément le problème.
Finalement, une autre question fondamentale qui est mise en cause par
les propositions de la commission, c'est la conception même qu'elle se
fait de son rôle. Comme le définit actuellement la Charte des
droits et libertés de la personne, le rôle de la commission est
essentiellement celui de gardien des libertés individuelles. Elle peut
avoir d'autres droits, mais c'est essentiellement celui-là . C'est donc
la protection des droits de la personne, lorsque cette dernière est
menacée, qui constitue la mission propre que lui a confiée le
législateur. Celle-ci relève du domaine quasi judiciaire.
Toutefois, en prétendant se rendre responsable de l'application d'un
système de programmes, qu'il soit aussi incitatif que l'on voudra, la
commission veut en fait se donner un rôle d'agent qui en ferait un
prolongement du pouvoir exécutif. Il y a là , quant à nous
toujours, une confusion entre l'exécutif et le judiciaire qui n'est
certainement pas souhaitable au point de vue de l'intérêt
social.
Sur cette question, en résumé, comment voyons-nous le
rôle de l'Ãtat? à notre avis, ce rôle serait double:
1- sensibilisation et information auprès des entreprises;
démontrer, si possible, que ces programmes peuvent être rentables,
chiffres à l'appui; 2- développer une expertise sur ce sujet afin
de pouvoir offrir des services de soutien aux entreprises qui seraient
intéressées à introduire des programmes volontaires chez
elles; des services tels que consultation, évaluation, expertise
technique, etc.
C'est une action incitative de cette sorte que nous préconisons;
l'Ãtat joue ce rôle, par exemple, déjà , dans le cas
de l'Office des personnes handicapées.
Sur la question du recours collectif. Ã propos de l'avis
adopté par la Commission des droits de la personne, le 2 octobre 1980,
sur la possibilité qu'elle utilise le recours collectif, nos trois
commentaires sont les suivants: 1) Le fait, pour la Commission des droits de la
personne d'agir comme représentant pour intenter un recours collectif au
nom d'un groupe de personnes lésées affaiblirait son
autorité morale auprès du gouvernement, du public et des divers
groupes sociaux avec lesquels elle est appelée à traiter. Le
rôle de la commission consiste actuellement en celui d'un ombudsman ou
d'un chien de garde chargé d'assurer le respect d'une loi fondamentale
qui est la Charte des droits et libertés de la personne. Si on
considère qu'un tel rôle est important dans une
société, la commission -et on le dit sous forme interrogative -
ne risque-t-elle pas de perdre de sa crédibilité en
s'identifiant, en tant que demandeur, à des intérêts qui
auront à subir toute l'épreuve du processus judiciaire et de ses
multiples tracasseries? 2. La Commission des droits de la personne affirme que,
grâce à son expérience et à ses pouvoirs
d'enquête, elle pourrait mieux servir les intérêts d'un
groupe, ce qui la rendrait très efficace dans l'exercice d'un recours
collectif. Cet argument est effectivement juste, tout au moins Ã
première vue, si l'on considère l'expertise acquise par la
commission en matière de plaintes qui pourraient faire l'objet de ce
genre de litiges, ainsi que le support technique qu'elle serait en mesure
d'assurer aux groupes qu'elle veut aider.
Aussi, n'est-ce pas sur la compétence ou la capacité de la
commission à assumer le statut de représentant que nous avons des
réserves à exprimer, mais plutôt sur certains
problèmes inhérents à la nature même du recours
collectif. Nous pensons en particulier à la preuve du préjudice
subi et à l'évaluation du quantum des dommages subis par un
groupe, qui seraient encore plus difficiles à établir dans les
cas de discrimination que ne l'est la preuve dans les cas de contrats entre
clients et commerçants, par exemple. 3. La commission estime que le fait
pour elle d'agir comme procureur pour représenter des groupes
permettrait à ces derniers d'épargner de l'argent; elle mentionne
en particulier que l'existence du "fonds d'aide aux recours collectifs"
n'assure pas nécessairement que tout groupe lésé aura les
fonds requis pour intenter un recours collectif et elle fait aussi allusion aux
honoraires élevés des avocats.
Il nous semble que, si la commission veut se donner ce rôle, il
lui faudra engager, en plus de ses conseillers juridiques actuels, d'autres
avocats qui se spécialiseront dans des dossiers de recours collectif.
D'où, la nécessité d'un service du contentieux de plus ou
moins grande envergure qui entraînera d'une façon automatique une
augmentation du budget de la commission. Or, Ã moins de
considérer comme une économie de faire porter par les fonds
publics des dépenses qui seraient autrement supportées par les
citoyens intéressés à une affaire, on ne voit pas
très bien en quoi cette façon de procéder serait plus
économique.
Nous sommes donc tout à fait contre l'idée que la
Commission des droits de la personne agisse à titre de demandeur dans un
recours collectif. (10 h 30)
M. le Président, troisième volet, la non-discrimination
dans les avantages sociaux. L'article 97 de la Charte des droits et
libertés de la personne exclut de l'application les articles 11, 13, 16,
17 et 19, les régimes de rentes ou de retraite, les régimes
d'assurance de personnes et tout autre régime d'avantages sociaux. L'une
des raisons de cette exclusion est la difficulté d'imposer
une même règle générale de non-discrimination
à ces divers régimes.
à divers moments depuis 1975, le Conseil du patronat a transmis,
soit au comité d'étude Boutin soit à la commission, son
opinion sur les questions posées. Il a exprimé son accord
pour biffer l'article 97 de la charte, mais à condition de le remplacer
par des articles qui vont venir préciser ce qui est ou n'est pas de la
discrimination dans les avantages sociaux. Le Conseil du patronat
réaffirme donc son accord sur l'idée de réviser l'article
97. Notre mémoire fait état d'un certain nombre de remarques
générales et techniques quant à cet accord.
Au niveau des remarques générales, l'une des
difficultés des débats sur les problèmes de discrimination
vient de l'ambivalence des termes utilisés. La discrimination, dans un
sens large, non seulement n'est pas un mal, mais une nécessité
imposée par la vie. Chaque action est un choix et donc aussi l'exclusion
de quelques possibilités et les différences dont il faut tenir
compte ne sont pas toutes l'effet d'une action malicieuse. Il arrive cependant
que le mot "discrimination" pris dans un sens péjoratif soit
appliqué à tort et à travers dans tous les cas où
s'exerce un choix et dans tous les cas où on observe des
différences entre les personnes.
Ce que la loi doit donc interdire - et c'est bien, croyons-nous,
l'esprit de la Charte des droits et libertés de la personne - c'est la
discrimination injuste, non pas la discrimination en général. Ce
point est particulièrement important lorsqu'on parle des divers
régimes d'avantages sociaux puisque l'objectif de ces régimes est
précisément de couvrir les besoins réels de protection des
personnes en tenant compte le plus possible de la diversité de ces
besoins.
On se serait attendu à ce que les propositions sur la
discrimination dans les régimes d'avantages sociaux - on ne parle pas
des propositions gouvernementales, il n'y en a pas eu encore; on parle
notamment des propositions du comité Boutin, de la Commission des droits
de la personne -donnent davantage de définitions précises,
limitatives, administrables de la "discrimination à interdire", ce avec
quoi nous sommes d'accord, mais nous constatons que tous les rapports sont
insuffisants à ce point de vue.
Deuxièmement, la complémentarité des régimes
publics et privés. Les études sur la discrimination dans les
avantages sociaux ont porté spécifiquement sur les régimes
supplémentaires de rentes, les régimes d'assurance-vie, les
régimes d'assurance-invalidité et les régimes
d'assurance-accident-maladie, Ã la condition qu'il y ait relation
employeur-employé. Ont été exclus les régimes
universels d'Ãtat. Mais c'est en bonne partie fausser les données
du problème que de traiter ces régimes particuliers comme en vase
clos. Les régimes privés de rentes et d'assurances sont la
plupart du temps coordonnés aux divers régimes publics et
à un grand nombre de lois. Le Régime de rentes du Québec
est fondé sur l'âge et détermine en bonne partie les
régimes supplémentaires de rentes. La Loi sur les assurances, la
Loi de l'assurance-chômage, la Loi sur la santé et la
sécurité du travail, le Régime d'assurance-maladie du
Québec sont autant de systèmes qui n'ont pas la même
définition, de la discrimination. Toutes ces lois ont des "interfaces"
et toutes influencent les régimes privés.
Une étude en vase clos des régimes privés risque
fort de conduire à des propositions irréalistes qui pourraient
même créer bien des embêtements à l'Ãtat dans
l'application de ses propres lois. Nous croyons que la coordination entre les
diverses lois est nécessaire. Nous croyons aussi que le gouvernement
doit viser à coordonner ses lois le plus possible avec l'ensemble des
régimes du Canada puisque, dans nombre de cas, la gestion des
régimes d'avantages sociaux au niveau des entreprises est nationale.
Finalement, les implications monétaires. Ni le rapport Boutin, ni
la Commission des droits de la personne ne semblent se préoccuper des
coûts de leurs diverses recommandations. Or, certaines recommandations
peuvent représenter des coûts énormes puisqu'il serait
nécessaire de rebâtir en bonne partie les programmes d'avantages
sociaux.
Nous croyons que le gouvernement ne peut pas se contenter de
considérations sur les principes. Il lui appartient de faire des
analyses de coûts précises et de les situer publiquement avant de
prendre des décisions.
Notre mémoire, sur ce sujet toujours, s'attarde ensuite Ã
l'analyse d'un certain nombre de questions techniques. Nous soulevons, par
exemple, le problème des catégories d'emplois et de la
durée du service. Nous soulevons la question de la non-discrimination
selon le sexe. Là -dessus, nous donnons notre appui à plusieurs
recommandations du rapport Boutin concernant la non-discrimination selon le
sexe dans les avantages sociaux. Plus particulièrement, quand, Ã
l'intérieur d'une même catégorie d'emplois - on
précise, d'une même catégorie d'emplois - le comité
relève dans les régimes de rentes des exigences
différentes d'âge d'admissibilité pour les hommes et pour
les femmes, nous ne pouvons qu'être d'accord avec le comité pour
tendre à redresser ces situations.
Nous abordons également la question de la non-discrimination
selon l'état matrimonial et selon l'âge dans les avantages
sociaux. Il faut signaler que cette dernière question soulève des
problèmes très complexes. On est
d'accord qu'on doit tendre à redresser certaines situations.
Parmi les problèmes importants posés, par ailleurs, par la
non-discrimination selon l'âge, nous notons tout le problème des
montants d'assurance-vie. Plusieurs assurances sur la vie prévoient des
montants décroissants selon l'âge. Cette pratique permet Ã
un employé d'obtenir des montants élevés d'assurance
lorsqu'il fonde sa famille et ce, à des coûts très
réduits.
Par contre, le rapport Boutin préconise que les montants de base
et les montants facultatifs accessibles d'assurance-vie ne puissent varier en
raison de l'âge de l'employé. On interprète cette
recommandation comme signifiant l'élimination tout simplement de tous
les régimes d'avantages sociaux qui comportent actuellement cette forme
d'assurance-vie. On dit que, dans un tel cas, on ne rend service Ã
personne, on ne fait qu'éliminer un choix.
Brièvement, la non-discrimination selon l'âge. Selon la
Commission des droits de la personne toujours, l'inscription de l'âge
comme motif illicite de discrimination, Ã l'article 10 de la charte,
constitue l'une de ses préoccupations majeures, et des plus anciennes.
Elle rappelle, d'ailleurs, que l'ensemble des lois définissant les
droits de la personne dans les provinces canadiennes, de même que la loi
fédérale incluent, bien que d'une façon variable, cette
interdiction de faire de la discrimination en raison de l'âge.
Nous n'avons pas d'objections de principe à ce que la charte
déclare illégale la discrimination selon l'âge, sous
réserve cependant que l'on respecte les paramètres que se sont
donnés les autres provinces, le fameux 13-65. Nous croyons, cependant,
qu'il serait prématuré d'adopter un tel amendement dans
l'immédiat. Voici pourquoi. D'une part, une commission parlementaire
siégera la semaine prochaine, celle des affaires sociales, de M. Lazure,
pour entendre les commentaires sur le projet de loi sur l'abolition de la
retraite obligatoire. Pour avoir aussi déposé un mémoire
sur ce projet de loi, on sait qu'il est excessivement complexe et qu'il
soulève des problèmes pratiques très nombreux. On ne peut
pas préjuger des résultats auxquels conduiront les travaux de
cette autre commission parlementaire, mais on ne peut pas, quand on parle
d'âge ici, oublier les travaux de cette commission parlementaire.
D'autre part, en plus des questions portant spécifiquement sur
l'âge de la retraite, le principe de la non-discrimination selon
l'âge dans les avantages sociaux soulève, comme on vient de
l'indiquer, des problèmes très complexes que la commission Boutin
a déjà analysés en 1975 - n'oublions pas que cela fait six
ans, il y aurait peut-être des remises à jour à faire -
sans pour autant apporter toujours des réponses satisfaisantes.
Signalons encore que la commission n'a pas démontré de
façon satisfaisante "que dans le secteur du travail - parce qu'on parle
aussi de l'âge dans le secteur travail - l'âge intervient de
façon particulièrement dramatique." Pour toutes ces raisons, nous
croyons donc qu'il y a lieu d'être excessivement prudent en ce domaine.
Voilà nos principales préoccupations à ce moment-ci.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre de la
Justice.
M. Bédard: Je tiens à vous remercier, au nom des
membres de la commission, de votre participation à nos travaux. Je sais
que vous devez quitter d'ici 11 heures, ce qui nous donne vingt minutes de
questions. Je me limiterai à en formuler quelques-unes en vrac, de
manière à permettre à mes collègues de la
commission d'y aller d'autres interrogations, parce que je ne doute pas que
beaucoup d'interrogations ou de questions sont sur les lèvres, sont
prêtes à vous être adressées par l'ensemble des
membres de la commission.
D'une façon générale, au début de votre
mémoire, vous proclamez votre appui de principe à des programmes
de redressement, mais à condition, si on vous comprend bien, que ce soit
fait de façon volontaire par des entreprises ou des organismes publics
ou parapublics. Vous nous dites que le secteur privé a
déjà adopté de façon volontaire des programmes de
redressement. Premièrement, j'aimerais que vous nous donniez des
exemples de cette affirmation. Deuxièmement, j'aimerais connaître
votre réponse. Si une situation se présentait, en ce sens qu'il y
ait une discrimination facilement identifiable à l'endroit des femmes
dans une entreprise donnée et, malgré toutes les suggestions ou
les appels à la raison, si cette entreprise ne voulait pas accepter de
programmes de redressement alors qu'il y a véritablement discrimination
prouvée, ne croyez-vous pas qu'à ce moment-là le
volontariat n'est pas une réponse possible dans un cas comme
celui-là et qu'il faut y aller de programmes de redressement d'une
façon obligatoire?
Vous dites également que la commission, en matière
d'implantation de programmes de redressement, pourrait être juge et
partie. Vous nous faites part de vos inquiétudes sur cette situation.
N'existe-t-il pas un très grand nombre d'organismes publics,
régies ou commissions qui jouent ce rôle de juge et partie sans
que personne s'en plaigne? On pourrait fournir plusieurs exemples de ce
côté-là .
Autre question. Au niveau des avantages sociaux, vous parlez de
coûts énormes, à la page 18 de votre mémoire.
Vous y revenez d'ailleurs dans votre résumé. Vous parlez
de coûts énormes concernant l'abolition de la discrimination dans
les avantages sociaux. Pourriez-vous expliciter un peu plus ce point? Vous
l'affirmez; vous nous dites que, tant du côté gouvernemental que
du côté de la commission, il ne semble pas y avoir d'études
satisfaisantes qui ont été faites pour affirmer qu'il n'y aurait
pas de coûts énormes. J'imagine que, si vous pouvez nous affirmer
qu'il y aurait des coûts énormes, il y a probablement des
études que vous avez fait faire qui vous permettent d'opiner dans ce
sens. Ce seraient les questions que j'aurais à poser. J'en ai bien
d'autres, mais, encore une fois, je veux permettre à mes
collègues d'en poser quelques-unes.
Le Président (M. Desbiens): M. Dufour.
M. Dufour: Sur la question des programmes de redressement, je
suis très heureux de voir qu'on a le même vocabulaire et qu'on ne
parle pas d'action positive, mais qu'on parle vraiment de programmes de
redressement, parce qu'il y a une question de français qu'on souligne
dans notre mémoire. Je pense que c'est important.
M. Bédard: Le vocabulaire est peut-être un peu
mélangé de part et d'autre, mais, à un moment
donné, il va falloir qu'il se précise pour tout le monde en
même temps.
M. Dufour: Votre question en fait est de dire: Bon, de
façon volontaire, est-ce que cela se fait? Nous disons: La loi pourrait
le permettre, on est d'accord qu'il y ait un amendement à la charte pour
le permettre et, pour nous, cela paraît même important, parce que,
quand on le fait dans certaines entreprises aujourd'hui, on se dit: On le fait
sans base légale. Lorsque vous privilégiez aujourd'hui un certain
groupe d'employés, par exemple des handicapés, un autre groupe
majoritaire pourrait, à partir de la même charte, établir
une preuve de discrimination, parce qu'il y a des choix; il y a un choix qui
est fait par l'entreprise et l'un est discriminatoire par rapport Ã
l'autre, aux fins de la charte. C'est là qu'est notre acceptation de
principe.
Ce que vous posez comme problème, c'est tout le caractère
coercitif d'un programme par rapport au caractère incitatif. Il ne faut
jamais nous demander d'embarquer dans un régime coercitif, par
définition. On dit qu'il y a déjà des entreprises qui le
font. Je vous suggère, par exemple, d'aller à Bell Canada et vous
allez voir qu'il y a des programmes de redressement pour certains groupes de
travailleurs. Je vous suggère très honnêtement d'y aller.
Il y a d'autres grandes entreprises qui l'ont fait aussi. On ne dit pas que
c'est courant dans toutes les entreprises, mais, de toute façon, ne nous
le reprochez pas parce que, actuellement, la charte ne le permet pas. On va
subir des reproches de l'autre côté, par l'autre groupe qui, lui,
penserait qu'il a été discriminé. (10 h 45)
M. Bédard: M. Dufour, je ne veux rien vous reprocher pour
le moment, on ne fait qu'en discuter.
M. Dufour: Pour le moment?
M. Bédard: C'est ce que j'ai dit. à partir du
moment où il y a - on est obligé d'essayer d'être
réaliste de part et d'autre; on verra les amendements qu'il faut faire
en fonction de cette réalité - une discrimination qui est
clairement établie par rapport à une entreprise en fonction d'un
groupe, et que cette entreprise ne veut accepter aucun programme aux fins de
corriger la situation de discrimination qui existe, est-ce que vous ne croyez
pas qu'il faut que le programme ait un caractère obligatoire? Sinon,
cela équivaut à accepter que la discrimination et l'injustice
continuent.
M. Dufour: Oui, c'était le troisième volet de votre
question, Ã savoir comment vous allez le faire respecter,
éventuellement, si l'entreprise refuse. J'en étais seulement
à l'affirmation que ça existe et que, sur un choix global, on va
choisir l'incitatif. C'est pour ça qu'à la fin on dit que le
rôle du gouvernement ou d'un organisme d'Ãtat qu'il mandatera,
avant de passer à quelque forme coercitive, sera de sensibiliser,
d'informer, un peu comme l'Office des personnes handicapées le fait
actuellement. Aux fins de l'intégration d'un pourcentage X de
travailleurs dans les entreprises de plus de 50 employés, l'article 63
n'a jamais été promulgué, ce quota n'est pas obligatoire.
Ces entreprises n'ont pas, actuellement, à déposer un programme
à l'Office des personnes handicapées aux fins de l'embauche. On a
procédé de façon incitative, on s'est donné deux
ans pour essayer de voir ce que ça donnerait.
Transposons l'expérience ici. Si, éventuellement, ce genre
de situation se présente, d'abord, je ne suis pas sûr que ce
seraient, à ce moment-là , les programmes de redressement qui
seraient en cause; ce seraient des problèmes de discrimination qui
peuvent être administrés selon la charte actuellement. On n'a pas
besoin de parler des programmes pour ça, ça existe. Pour tout
l'autre aspect, à ce moment-là , laissons courir les choses. Si,
dans deux ans ou trois ans, après une campagne de sensibilisation,
d'information, etc., ça ne marche pas, je ne suis pas sûr qu'il
faudra légiférer; il faudra remettre en cause les méthodes
de ceux qui auront échoué avec leurs programmes de
nature incitative.
Pour les situations de discrimination -je pense qu'on ne se refusera pas
à le dire, il y en a - c'est la charte qui va s'appliquer. Actuellement,
des plaintes devant la Commission des droits de la personne, il y en a et il va
continuer d'y en avoir, sauf que c'est un cumul de plaintes. Au lieu d'en avoir
une, il y en aura cinq, il y en aura dix. Quand certains groupes vont devant la
Commission des droits de la personne, actuellement, pour le fameux
problème de l'article 19, à travail équivalent, salaire
égal, ce n'est pas un individu, c'est une somme d'individus, c'est un
groupe de travailleurs qui est concerné, comme pourrait l'être,
selon votre exemple, un autre groupe pour une autre question donnée.
Sur la question de juge et partie, vous avez probablement raison, M. le
ministre, ça existe actuellement des organismes d'Ãtat qui sont
juge et partie. Mais nous, on ne sera jamais d'accord avec ça.
M. Bédard: Cela a le mérite d'être clair.
M. Dufour: Un organisme ne peut pas être juge et partie, il
faut toujours qu'on ait une possibilité d'appel quelque part dans notre
régime. Devant une commission parlementaire récente, ici, celle
sur l'information gouvernementale où on proposait, justement, une
commission et où on lui donnait le rôle de juge et partie, nous
avons pris une position tout à fait à l'opposé de
cela.
Sur la question plus précise des coûts -elle est importante
parce que, comme groupe du secteur privé, les coûts nous
intéressent toujours - c'est vrai qu'il y a des coûts
énormes. On pourrait demander à quelqu'un qui vit ça
à longueur d'année d'en parler. M. Beaudet est chez TPFC.
M. Beaudet (Philippe): M. le ministre, parmi les recommandations,
on recommande qu'il n'y ait pas de variation dans les régimes de rentes
supplémentaires selon l'âge de l'employé pour aucune
prévision dans ces régimes. Dans certains régimes,
peut-être dans la majorité des régimes, on accorde certains
privilèges à des employés ayant atteint un certain
âge. Par exemple, un employé ayant atteint l'âge de 60 ans
peut prendre une retraite anticipée, sans aucune réduction de
rente. Si la variation selon l'âge n'est pas permise, ça veut dire
que nous sommes obligés d'accorder ce même privilège
à tout autre employé. Ceci augmenterait considérablement
le coût d'un régime de rentes.
Ãgalement, parmi ces régimes de rentes, on accorde
très souvent une rente payable au conjoint en cas de
décès, après un certain âge, disons après
l'âge de 55 ans.
Si nous sommes obligés d'accorder des rentes payables au
survivant à tout âge, c'est encore une augmentation
considérable dans le coût de ce régime.
On suggère également d'accorder au personnel
féminin qui prend un congé de maternité pour grossesse
à terme un bénéfice d'indemnité hebdomadaire, un
bénéfice d'accident-maladie, quand la période de
congé n'a pas été causée par maladie et
peut-être même pas par accident. On suggère d'accorder ce
bénéfice et de continuer à profiter des
bénéfices payables par l'assurance-chômage; l'employeur
serait en mesure d'établir un régime de prestation
supplémentaire de chômage; c'est un régime
enregistré et c'est encore un coût considérable pour
établir ce genre de régime.
Voici trois exemples, mais je dois dire que beaucoup de ces
recommandations n'affecteraient pas beaucoup le coût.
M. Bédard: J'aurais bien d'autres questions, mais...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Malheureusement, on n'a pas beaucoup de temps pour poser
des questions, mais, quand le ministre va déposer son projet de loi,
vous allez revenir et on posera les autres questions.
Il me semble qu'il faut que, dans la charte, ce soit bien clair que la
discrimination entre hommes et femmes est illégale et illicite et que ce
soit ça le principe.
Je conviens que ça pourrait être nécessaire de
classifier les hommes d'une façon différente des femmes ou, si
vous voulez, de classifier les femmes d'une façon différente des
hommes. Mais est-ce que j'ai raison de dire que ce doit peut-être
être à ceux qui proposent de faire cette classification d'avoir le
fardeau de faire la preuve pas seulement que cette classification est
raisonnable, mais aussi que cette classification est nécessaire? Donc,
celui qui veut classifier des femmes d'une façon différente des
hommes aurait le fardeau de prouver qu'une telle classification est
nécessaire pour des raisons actuarielles ou pour toute autre raison. Je
peux prendre l'exemple dans un autre domaine; vous avez soulevé le
problème de l'âge, qu'il n'y a pas de discrimination entre 18 et
65 ans, mais, dans la loi actuelle sur l'aide sociale, ceux qui ont moins de 30
ans et qui sont aptes à travailler reçoivent moins que ceux qui
ont 30 ans. Ainsi, prenons l'exemple d'un homme qui a 29 ans, il va recevoir
peut-être 120 $ par mois de l'aide sociale, mais, quand elle aura atteint
30 ans, cette personne va recevoir environ 325 $. On peut dire que c'est une
classification raisonnable; je ne sais
pas si c'est nécessaire; ça peut être
nécessaire pour le gouvernement actuel du Québec, étant
donné les compressions. Mais est-ce que c'est raisonnable dans le sens
qu'on peut dire: Le gouvernement veut encourager les jeunes Ã
travailler? Donc, on dit: Quelqu'un qui est apte à travailler et qui a
moins de 30 ans va recevoir moins, dès lors il va essayer de se trouver
un emploi le cas échéant. Pour résumer, avec un principe
de non-discrimination, je pense que ça pourrait exiger que celui qui
veut différencier entre les hommes et les femmes ait le fardeau de
prouver que c'est nécessaire d'agir de telle façon.
M. Dufour: II y a deux volets dans votre intervention. Il y a
l'âge et, quand vous dites hommes-femmes, c'est la discrimination selon
le sexe où vous référez à des calculs actuariels.
Sur cette question de hommes-femmes, je vais demander à M. Beaudet de
réagir. Je réagirai sur celle de l'âge.
M. Beaudet: C'est un fait qu'il y a une différence
actuarielle entre les hommes et les femmes, mais je crois que ce fait cause
très peu de discrimination dans les régimes d'avantages sociaux.
Dans un régime où c'est l'accumulation de fonds, où un
achète une rente pour la retraite, il est entendu qu'une femme peut
acheter une rente un peu moindre que celle d'un homme car elle doit vivre un
peu plus longtemps. Toutefois, je crois que, sur une base actuarielle, la
différence entre le coût est généralement, sinon
toujours, absorbée par l'employeur. Je vois donc très peu de
discrimination basée sur des calculs actuariels.
M. Marx: J'ai donné les raisons actuarielles comme
exemple, mais dans les avantages sociaux, est-ce que vous êtes d'accord
que le fardeau de la preuve incomberait au patron, que le patron devrait
prouver que cette classification est nécessaire? C'est ça le
point: Ã qui incomberait le fardeau de la preuve? Est-ce qu'on va
demander aux femmes de prouver qu'elles méritent d'être sur un
plan d'égalité avec les hommes ou est-ce qu'on va demander au
patron de prouver l'inverse, le cas échéant?
M. Beaudet: Il peut y avoir deux variations, une sur les
bénéfices et l'autre sur le coût de ces
bénéfices sur une base actuarielle. Je crois qu'on doit permettre
aux actuaires de faire la distinction dans le coût.
Je ne comprends pas exactement le sens de la question que vous voulez
poser. Par exemple, on parle de discrimination basée sur l'âge. Il
y a très peu de discrimination basée sur l'âge. Dans un
régime, on établit un âge d'admissibilité, par
exemple, et, ensuite, il n'y a pas de discrimination quant à l'âge
de la retraite anticipée ou à l'âge exigé pour
certaines choses prévues dans le régime. Mais le coût de
ces bénéfices est basé sur des coûts établis
par les actuaires; donc, il y a une variation dans le coût qui est
normalement absorbée par l'employeur même. On ne peut pas
l'identifier sur une base individuelle, car le travail est fait sur une base
collective.
M. Marx: Si je comprends bien, vous voyez qu'il y aurait des
différences en ce qui concerne les avantages sociaux entre hommes et
femmes.
M. Beaudet: Par exemple?
M. Marx: Je n'ai pas maintenant d'exemple concret, ce n'est pas
mon domaine. On va le dire clairement dans la loi: pas de discrimination
à cause des avantages sociaux si personne n'a d'exemple, c'est bien
clair. Mais si j'ai bien compris les mémoires, cela va exister dans
certains domaines pour des raisons précises.
M. Dufour: Oui, ça doit exister.
M. Marx: Cela doit exister, voilà ! Mais à qui
incombera le fardeau de la preuve pour dire que cette classification n'est pas
seulement raisonnable - cela pourrait être trop facile - mais que cette
classification est nécessaire? C'est le sens de ma question. Est-ce que
ce sera à l'employée femme qu'incombera le fardeau de la preuve
ou est-ce que ce sera au patron?
M. Dufour: M. Tremblay.
M. Tremblay (Jacques): Notre position serait qu'il ne doit pas y
avoir de discrimination fondée, par exemple, sur le sexe dans un
régime d'avantages sociaux, mais cela ne doit pas signifier qu'il ne
doit pas y avoir de différences qui s'appliquent effectivement aux
hommes ou aux femmes pour des raisons autres que des questions de sexe.
L'exemple qui a été donné tantôt est rapide.
à 65 ans, il y a une rente liée à ce qui a
été payé. Or, si les calculs actuariels disent que tel
groupe a une espérance de vie de 20 ans, la même rente,
répartie sur 20 ans, ne donne pas, par mois, la même rente que si
elle est répartie sur quinze ans. Ce n'est pas une question de
discrimination, c'est que la même rente sur 20 ans est différente
mensuellement de la même rente sur quinze ans.
M. Marx: Mais dans les... (11 heures)
M. Tremblay (Jacques): Quant à la preuve, elle est faite
nécessairement par les
actuaires. Tout régime supplémentaire de rentes est
nécessairement enregistré avec certificat d'actuaire... toujours,
chaque fois, et c'est la responsabilité de la régie de
vérifier si les structures, les calculs, les bases qui sont en cause
sont conformes à tous les règlements, à toutes les
règles, à tous les calculs avant de l'enregistrer. C'est vraiment
non seulement l'employeur qui doit ici faire la preuve, mais c'est
également lui qui paie les travaux pour faire ces choses, qui paie
l'enregistrement et la régie a toujours le droit de réviser un
rapport quelconque avant de l'enregistrer. Il n'y a pas de difficulté de
ce côté-là . S'il y avait un calcul actuariel qui
était faux, bien sûr, c'est la responsabilité de la
régie de dire à l'employeur: Révisez vos calculs.
M. Marx: Donc, si je comprends bien, vous êtes d'accord que
ce soit toujours le patron qui va avoir le fardeau de la preuve pour prouver
que la distinction qu'on fait entre un homme et une femme est
nécessaire. Pour des raisons actuarielles, c'est plus ou moins objectif,
je le comprends, mais, dans d'autres domaines, est-ce que M. Dufour est
prêt à l'accepter?
M. Dufour: Je ne suis pas sûr d'accepter votre
première partie quand vous dites que ce sont les patrons qui auront
toujours cette responsabilité.
M. Marx: Ou l'Ãtat, le cas échéant.
M. Dufour: Ou l'Ãtat. Je pense qu'il y a des actuaires au
service et des syndicats, et du gouvernement, et des employeurs. Quand on
discute ces grands plans de bénéfices sociaux, c'est toujours
généralement à partir de conventions collectives et tout
le monde a ses spécialistes, tout le monde est impliqué. Je pense
que c'est une question d'objectivité, purement et simplement.
M. Marx: Mais si le principe est l'égalité
hommes-femmes, quelqu'un qui trouve ou qui pense qu'il a une raison de ne pas
respecter ce principe, Ã mon avis, doit avoir le fardeau de la preuve,
doit prouver qu'il est nécessaire de ne pas respecter ce principe.
Sinon, on va demander aux femmes de toujours faire la preuve, ce qui est
souvent difficile pour des individus, des femmes non organisées dans les
usines, non syndiquées, etc.
J'admets qu'il peut y avoir des classifications, mais qui va prouver que
c'est nécessaire? Je pense que cela pourrait être "the bottom
line" quant à cette question.
M. Dufour: Ce pourrait être des études
supplémentaires que l'on demande, pour remettre à jour le rapport
Boutin. Je pense que c'est une question très précise: Qui va
trancher, à un moment donné?
Vous aviez quand même un deuxième aspect, M. Marx, dans
votre intervention, la question du principe de l'âge, mais cette fois
dans l'emploi, pas nécessairement en référence aux
bénéfices sociaux comme tels. Je veux dire un mot
là -dessus parce qu'on a accepté le principe dans notre
mémoire, mais il faut bien se comprendre: Quand on accepte ce principe
dans notre mémoire, on réfère à l'âge comme
motif de distinction illicite en matière d'emploi exclusivement, non pas
en matière de bénéfices sociaux et ceci pour une simple
raison. J'ai ici un tableau des différentes lois provinciales,
fédérales et tout le monde reconnaît l'âge comme ne
devant pas être un motif de discrimination, sauf qu'on établit les
paramètres que je mentionnais, 18 à 65 ans. Mais c'est pour des
questions de sélection, d'embauche, de transfert; ce n'est pas le
problème des échelles d'assistance sociale dont vous parliez
tantôt qui revient, un problème de bénéfice social,
si on veut, à ce moment-là .
D'autres groupes du monde patronal vont peut-être s'opposer ici
à l'âge, contrairement à nous, mais il ne faudra pas
opposer les groupes parce qu'ils vont parler du transport. Le problème
du transport est un problème en soi quant à l'âge. Pour
nous, c'est très clair, c'est dans l'emploi, entre 18 et 65 ans, pour
des questions de sélection, de transfert, de promotion.
M. Marx: D'accord, on va le noter.
Le Président (M. Desbiens): Mme la députée
de La Peltrie.
Mme Marois: Merci. J'ai un certain nombre de commentaires
à faire. Mon collègue, le ministre de la Justice, a
déjà posé des questions sur l'action positive ou ce qu'on
appelle maintenant, ce sur quoi la Commission des droits de la personne a
déjà fait un certain nombre de recherches, l'accès
à l'égalité. C'est déjà beaucoup plus
positif comme approche, si on veut.
Premier commentaire. Je ne pense pas qu'aucun des groupes qui sont venus
hier -d'autres groupes viendront par la suite s'exprimer sur cela - ait mis en
doute la notion du calcul actuariel. Comme le disait le député de
D'Arcy McGee, c'est un fait objectif, il n'y a rien à faire, on ne peut
pas le remettre en cause. Sauf que c'est son fondement subjectif qui est remis
en cause.
Deuxième commentaire sur l'action positive ou l'accès
à l'égalité. Vous dites dans votre mémoire,
à la page 3 - vous laissez supposer, on va se donner le
bénéfice du doute - que l'action positive est une forme de
discrimination qui constituerait une exception aux règles fondamentales
de la
charte qui interdisent toute discrimination. Vous remettez, en question
particulièrement le rapport de la commission, qui dit que cela ne
devrait pas être sur une base volontaire, mais qu'il devrait y avoir des
éléments coercitifs, je trouve que c'est un bien gros mot, mais
disons des éléments d'obligation.
Cela m'inquiète un peu si finalement on définit ces
programmes d'accès à l'égalité comme
discriminatoires. Certains organismes tentent de prouver le contraire. Vous
dites: sur une base volontaire. En plus de ça toutes les études,
partout, toutes les expériences, pas seulement les expériences
américaines parce que l'expérience américaine s'adresse
beaucoup au problème racial, en plus du programme
d'égalité entre les hommes et les femmes, mais même
l'expérience canadienne, l'expérience du fédéral
sont très probantes par rapport à ça. Cela
m'inquiète un peu qu'on pense uniquement base volontaire.
D'autre part, cela soulève une autre question. Quelle est la
place qu'on laisse à la volonté des travailleurs ou des
travailleuses qui voudraient souhaiter ces programmes? Cela m'amuse un peu
finalement. Est-ce que l'employeur n'est pas à ce moment juge et partie
pour prendre la décision surtout dans un cas de programme d'accès
à l'égalité sur une base volontaire?
Dernier commentaire et je vais poser ma question. Je trouve que c'est un
peu faux de poser le problème comme ça. Dans votre
mémoire, vous parlez des différents organismes qui sont
déjà chargés de promouvoir l'égalité chez
les handicapés; vous faites référence aussi au Conseil du
statut de la femme. Dans le cas de l'Office des personnes handicapées,
il y a un article dans la loi, plus précis et, dans le cas du Conseil du
statut de la femme, ils n'ont absolument pas cette fonction. Ils ont une
fonction d'information, de promotion, mais ils n'ont pas un rôle. Ils
dénoncent des situations, mais ils n'ont pas de rôle de
représentation, ils n'ont pas de rôle d'intervention dans les
entreprises dans toute espèce d'organisme pour faire des pressions.
C'est une espèce de pouvoir moral. C'est un peu faux de poser le
problème de cette façon.
Ãvidemment, toute espèce de changement devrait faire en
sorte qu'il y ait concordance apportée aux différents organismes
sans préjuger des décisions, des orientations, qu'on pourrait
prendre.
Voici ma question, compte tenu de ces commentaires. Vous dites, dans
votre présentation: L'âge n'intervient pas de façon
dramatique dans le secteur du travail. Vous ajoutez: La commission n'a pas
été très probante à ce sujet. Par contre, d'autres
groupes qui se sont présentés hier devant nous l'ont
identifié comme un problème aigu pour les femmes et ce, Ã
tous les moments de leur vie.
On dit: Avant 30 ou 35 ans, la femme est trop jeune, tout à coup
elle tomberait enceinte, cela ne serait pas très drôle. Ã
40 ans, elle est trop vieille pour entrer sur le marché du travail.
C'est ce que nous disaient hier certains organismes qui vivent
concrètement et quotidiennement ces situations et qui défendent
des femmes aux prises avec ces situations.
J'aimerais avoir votre évaluation de ces problèmes aigus
que les femmes vivent. Vous ne semblez pas les soulever.
M. Dufour: Si vous me permettez, on reviendra à l'action,
au programme de redressement.
Mme Marois: Ou d'accès Ã
l'égalité.
M. Dufour: M. Tremblay fera un commentaire additionnel
là -dessus. Nous citons, oui, c'est vrai, cette phrase; ce serait
dramatique. On dit qu'elle n'a pas fait la preuve. Peut-être qu'elle a
déposé un mémoire ici en commission parlementaire; on n'a
pas vu le mémoire de la Commission des droits de la personne. On n'a pas
vu encore celui du Conseil du statut de la femme. Les mémoires
n'étaient pas disponibles avant hier matin. On ne les a pas vus.
Peut-être qu'on fait état d'un certain nombre de situations qui,
de toute façon, existeront toujours, quelles que soient les lois. Mais
avec ce dont on a pris connaissance, Ã ce jour, on a dit: On est ouvert.
On est prêt à en discuter. Sauf qu'on ne nous a pas fait, dans les
travaux publiés à ce jour par la commission, cette
démonstration.
Autre chose qui nous inquiète, c'est qu'on veut éviter
aussi d'arriver dans une société très
compartimentée. Quand vous parlez des problèmes des femmes de
moins de 30 ans, j'en suis. J'ai fait de l'administration de personnel. J'ai
vécu cette expérience. Les jeunes nous reprochent exactement la
même chose, jusqu'à 23 ou 24 ans. Les hommes de 50 ans nous
disent: Je ne suis plus capable de me trouver un emploi. Les prisonniers
viennent nous voir et nous disent: Quel programme allez-vous lancer pour nous?
Il y a tous ces problèmes de groupes où on peut faire des
démonstrations de problèmes réels, de problèmes
vécus au travail. On travaille très étroitement avec les
handicapés, certains groupes de handicapés. J'ai en tête un
groupe de handicapés visuels qui ont des problèmes énormes
sur le plan du travail et les postes disponibles pour ce genre de handicap sont
quand même assez rares.
Face à tout cela, problèmes qu'on reconnaît, est-ce
qu'on règle cela par ce que vous n'appelez pas du coercitif, mais des
obligations? Dans ma tête, une obligation et la coercition, cela se
ressemble pas mal.
Mme Marois: Cela peut se ressembler. C'est moins
négatif.
M. Dufour: Je suis d'accord, coercitif est moins
négatif.
Mme Marois: Non l'inverse.
M. Dufour: Ãvidemment, c'est une question
d'évaluation de la situation. C'est toujours dans notre approche de
dire: Allons-y sur une base incitative. Si cela ne fonctionne pas... On ne
voudrait pas non plus compartimenter la société et avoir pour
chaque problème, chaque groupe des programmes particuliers. On n'en
sortira jamais. Pour revenir à votre question de fond, on va regarder
ces démonstrations qui vous ont été faites dans les
mémoires, mais à ce moment-ci on ne les connaît pas.
Sur la question des programmes de redressement, M. Tremblay voudrait
ajouter quelque chose.
M. Tremblay (Jacques): Ã vos commentaires sur notre
mémoire, on pourrait ajouter d'autres commentaires en
répétant notre mémoire. Vous semblez surprise que l'on
analyse l'idée de programmes de redressement comme étant une
exception aux règles de discrimination. Cela ne peut pas être
autre chose. On parle de programmes de redressement. On demande une correction
à la charte parce que, si la charte s'appliquait dans sa forme
générale, elle interdirait ce type de programmes, le programme de
redressement. L'amendement que l'on veut avoir dans ce sens est
nécessairement une exception à la règle
générale de la non-discrimination. Il s'agit de permettre des
programmes qui favorisent un groupe et, donc, qui en défavorisent un
autre pour des raisons de correction de situations historiques. Or,
vis-à -vis de cela, les réactions des entreprises que l'on a pu
consulter sont extrêmement positives. Quand on dit qu'on est d'accord
avec cela, ce n'est pas un accord de principe seulement, c'est un fait.
Effectivement, les entreprises, depuis des années, ont des programmes de
redressement avec lesquels ils ont des difficultés quand il s'agit de
les ajuster aux exigences de la Commission des droits de la personne.
Comment peut-on convaincre, dans le climat culturel actuel, des femmes
de monter dans les poteaux de téléphone? Faites ce que vous
voulez, si une compagnie n'insiste pas et ne fait pas des programmes
spéciaux pour réussir à avoir au moins quelques candidats,
elle n'y parviendra pas. En pratique, dans un cas comme cela, une compagnie est
obligée de donner des faveurs à une catégorie
particulière dans l'espoir d'obtenir un certain résultat.
Techniquement, ces programmes pourraient apparaître comme
discriminatoires pour le candidat qui croyait être capable de monter dans
les poteaux sans formation spécifique.
Quand vous parlez des organismes, le Conseil du statut de la femme n'est
peut-être pas le meilleur exemple. Prenons les programmes d'emplois pour
étudiants; ces programmes sont spécifiquement fondés sur
une discrimination selon le statut social. Techniquement, tous ces programmes
gouvernementaux pourraient être considérés actuellement
comme contraires à la Charte des droits et libertés de la
personne.
Mme Marois: En fait, comme je sais que le temps est
limité, je vais juste vous répondre une chose. Il faut lire - je
comprends que vous n'ayez pas eu le temps de le faire - les rapports qui ont
été présentés hier à la commission, qui
répondent d'abord à la notion de discrimination
systémique, qui répondent à vos questions ou à vos
interrogations ou à vos inquiétudes. Il faut lire Action travail
des femmes sur les métiers non traditionnels des femmes pour voir
comment c'est possible qu'effectivement on incite ou on mobilise ou on fasse en
sorte qu'ils soient en faveur que des femmes accèdent à des
métiers non traditionnels. Dans le fond, ces groupes ont probablement
une argumentation beaucoup plus intéressante que celle que je pourrais
vous apporter ce matin. Merci. (11 h 15)
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Châteauguay, en rappelant que le temps normalement alloué est
terminé.
M. Bédard: M. le Président, je m'excuse, je ne
voudrais priver personne du droit de parole, sauf que M. le président du
Conseil du patronat semblait vouloir disposer, il y a déjà un
quart d'heure. On s'est limité. Remarquez que j'en aurais
peut-être encore pour une heure de questions à poser. Ã
moins que vous ne reveniez plus tard...
M. Dufour: Est-ce votre intention de revenir en commission
parlementaire pour discuter des amendements à la charte, du projet de
loi éventuel? Vous ne le savez pas.
M. Bédard: Ãtape par étape. Il y a
premièrement l'audition.
M. Dufour: C'est oui ou c'est non? M. Bédard: La
deuxième étape, c'est... M. Marx: Si...
M. Bédard: Vous me permettez, je pense que la question
m'est adressée.
M. Marx: Oui.
M. Bédard: La deuxième étape va consister
dans le dépôt d'un projet de loi. S'il s'avérait que tout
le monde soit d'accord, si, dès le dépôt du projet de loi,
on sent qu'il y a accord, je ne vois pas pourquoi on tarderait à donner
suite au projet de loi pour faire en sorte que des discriminations
disparaissent. Si on sentait que le projet de loi est encore très
discuté, on avisera en conséquence.
M. Dufour: En fait, pour...
Le Président (M. Desbiens): Je regrette. M. le
député de Châteauguay avait la parole tantôt,
à moins qu'il ne rejette son droit de parole.
M. Dussault: M. le Président, je ne voudrais pas retenir
non plus nos invités plus qu'il ne le faut. J'avais une question
à poser sur l'engagement des jeunes comme une occasion. Cela a
été évoqué hier en commission. Si nos
invités sont pressés, il ne faudrait pas les retenir.
M. Dufour: Non, allez-y, allez-y.
M. Dussault: Vous avez dit, quelque part dans votre
mémoire, que vous souhaiteriez que le gouvernement s'en tienne aux
paramètres fixés dans les autres lois ou les autres chartes des
droits de la personne à travers le Canada. Sans doute qu'il doit y avoir
un dénominateur commun basé sur un esprit de justice.
J'étais absent hier des travaux de la commission, mais cela a
été évoqué qu'à certains endroits -
d'ailleurs, on entend souvent parler de cela aussi; dans notre
expérience de députés, cela nous est souvent
évoqué - des jeunes étaient engagés comme une
situation de "bargain", pour employer une expression bien connue. Si on devait
suivre l'exemple des autres provinces, s'en tenir aux paramètres dont
vous nous parliez - je sais que ce qui devrait nous guider, c'est l'esprit de
justice et l'esprit d'équité sans doute - j'aimerais savoir si
ces paramètres nous amèneraient à tolérer - je ne
connais pas beaucoup ce qui existe dans les autres chartes au Canada - encore
que, dans le monde des affaires, on engage des jeunes en bas de 18 ans Ã
des prix en bas du salaire minimum, ce qui est désavantageux pour
eux-mêmes et aussi pour les autres personnes qui pourraient aussi se
chercher du travail. J'aimerais avoir votre point de vue là -dessus.
M. Dufour: Je vais oublier le débat pour situer votre
question de façon plus générale, notamment relativement
à la Commission des normes du travail. Il y a des taux de salaire
minimum au Québec, bien sûr, qui s'appliquent de façon
différente pour les jeunes de moins de 18 ans et, selon certains
secteurs aussi, il y a des différences de salaire; encore là ,
c'est une loi qui crée de la discrimination à l'intérieur
des mêmes classifications d'emplois. C'est une discrimination
gouvernementale, mais ce n'est pas le sens de votre question. Le sens de votre
question, c'est s'il y a possibilité d'éviter qu'il y ait du
travail au noir finalement, selon l'expression du milieu, un salaire en dessous
de la table et le non-paiement du salaire minimum. Notre position, M. le
député, est claire là -dessus. Nous sommes prêts
à avoir plus d'inspecteurs à la Commission des normes du travail,
de façon que les normes minimales du travail soient respectées au
Québec, incluant les salaires. On ne se fait pas une bonne image
patronale lorsque des employeurs paient des taux inférieurs au salaire
minimum ou paient du travail au noir. Dans ce sens-là , n'importe quand,
on appuiera la Commission des normes du travail si elle vous demande, comme
législateurs, de lui donner des inspecteurs additionnels.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre, en
concluant.
M. Bédard: Ma seule conclusion, c'est de remercier le
Conseil du patronat au nom de tous les membres de la commission.
M. Dufour: Merci, M. le ministre. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Desbiens): Merci. Je demanderais
maintenant au Congrès juif canadien, région de Québec, de
s'approcher.
Pendant qu'il le fait, je rappelle qu'aujourd'hui la commission entendra
en audition, comme troisième intervenant, le Conseil des
minorités du Québec; quatrième intervenant, Jody Freeman;
ensuite, l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes Inc.
(L'Association); William M. Mercer; la Chambre de commerce de Québec;
l'Association pour les droits de la communauté gaie du Québec et,
pour dépôt seulement, le Comité de liaison des
handicapés physiques.
Congrès juif canadien, région de
Québec
Je vous souhaite la bienvenue, M. Cutler, et je vous demanderais de
présenter les personnes qui vous accompagnent, s'il vous
plaît.
M. Cutler (Sid): M. le Président, pour la
présentation de nos délégués, je laisse la parole
à Me Frank Schlesinger, à ma droite, président du
Congrès juif canadien, région de l'Est.
M. Schlesinger (Frank): M. le Président,
M. le ministre, membres de la commission, nous sommes très
heureux d'avoir été invités à vous rencontrer
aujourd'hui afin de présenter notre mémoire relativement aux
modifications à apporter à la Charte des droits et
libertés de la personne. Tel qu'indiqué dans notre
mémoire, celui-ci est un travail conjoint du Congrès juif
canadien, région de Québec, qui est le porte-parole de la
communauté juive au Canada, démocratiquement élu, et du
B'nai B'rith, l'organisation des services juifs la plus ancienne et la plus
vaste au Québec, qui est porte-parole de ses membres,
représentant approximativement 10 000 familles au Québec.
Il me fait plaisir de présenter les membres de la
délégation. à ma gauche, Me Sidney Cutler, avocat, qui est
le coprésident du sous-comité de notre comité sur les
relations communautaires et qui était coprésident, avec Me Harvey
Crestohl, du B'nai B'rith, qui, malheureusement, n'a pas été
capable d'être ici aujourd'hui; Mme Sheila Finestone, du Congrès
juif canadien, membre du congrès juif et du sous-comité; M. Jack
Kantrowitz, directeur exécutif du Congrès juif canadien,
région de Québec, qui forment la délégation du
Congrès juif canadien. M. Ted Greenfield, président national
sortant du B'nai B'rith du Canada et, à l'extrême gauche, M.
Arthur Heiss, directeur général du B'nai B'rith du Canada,
région de Québec. Enfin, moi-même, Franck Schlesinger,
président du Congrès juif canadien, région de
Québec.
I would like to point out that this brief is the result of many hours of
discussions, study and deliberations by the joined subcommittee and represents
a consensus. The brief does not address every point which could have been
touched, but attempts to bring forward those areas which we feel of most
pressing importance.
Sans autre délai, je demanderai à Me Cutler de commencer
sa présentation. Merci.
M. Cutler: M. le Président, M. le ministre, membres de la
commission parlementaire, au nom du Congrès juif canadien, région
du Québec, et de B'nai B'rith du Canada, je tiens à remercier la
commission de nous avoir accordé cette occasion de dialoguer avec vous
concernant la Charte des droits et libertés de la personne du
Québec. Aux yeux de la communauté juive, cette charte constitue
un élément capital dans la vie démocratique de notre
société. Le travail continu pour l'améliorer et
étendre les droits et libertés de la personne constitue une des
fonctions les plus importantes de l'Assemblée nationale du
Québec.
La communauté juive, au Québec comme à travers le
monde, s'est toujours intéressée à ces questions. Cet
intérêt, que je pourrais qualifier de passion, pour les droits de
l'individu trouve ses racines non seulement dans l'expérience et
l'histoire de notre communauté à travers les âges, une
histoire caractérisée par le racisme, la discrimination et
l'oppression que notre peuple a subis, mais de façon encore plus
importante dans la religion, les traditions et la culture juives. Depuis 3500
ans, la culture juive a bâti des concepts fondés sur les valeurs
inaliénables, inébranlables du caractère humain, de
l'individualité et de l'originalité de chaque personne, quels que
soient son sexe, son origine nationale, ethnique, sa race ou sa religion. Les
droits de l'individu, dans notre religion et dans notre tradition, sont si
importants que même les intérêts de la collectivité
ne peuvent pas les limiter.
Notre présentation à cette commission, ce matin, se place
dans cette optique et dans cette tradition. Nous considérons que la
Charte des droits et libertés de la personne du Québec constitue
à beaucoup d'égards une excellente défense des droits de
la personne. Cependant, comme texte de droit, la charte actuelle peut et doit
être améliorée afin d'avancer encore plus loin sur le
chemin des droits des personnes et des groupes du Québec. Il nous semble
que des amendements doivent être apportés à la charte pour
agrandir sa capacité de défendre les droits individuels et
collectifs de tous les citoyens du Québec.
Ainsi, nous proposons que, dans l'article 10 de la charte, la liste des
formes de discrimination interdite par la loi doit comprendre également
la discrimination fondée sur l'âge. Nous prévoyons que les
droits de toute personne au Québec ayant atteint l'âge de la
majorité doivent être garantis par la charte, surtout en ce qui
concerne les droits d'accès à l'emploi et Ã
l'hébergement, droits qui ont été limités pour nos
concitoyens âgés. Ces droits à la non-discrimination
fondée sur l'âge devraient s'appliquer à toute personne
ayant atteint l'âge de la majorité. Ceci permettrait au
législateur de déterminer l'applicabilité de certains
textes législatifs relatifs à la protection de la jeunesse,
etc.
Dans le même ordre d'idées, il nous paraît
inadmissible qu'une charte des droits et libertés de la personne
contienne en son sein des articles qui permettent la discrimination. Vous avez
déjà entendu avant nous des porte-parole de différentes
associations qui vous ont demandé de biffer l'article 97, qui est
maintenant l'article 90. Quant à nous, l'article 90, qui permet une
discrimination fondée sur le sexe ou le statut civil afférents
à des problèmes propres au droit de retraite et autres avantages
sociaux, devrait être abrogé dans son entier.
Quelles que soient les motivations économiques de l'inclusion
d'un tel article -
cela veut dire, anciennement, l'article 97 qui est maintenant l'article
90 - il nous paraît inadmissible que ce soit dans une charte des droits
et libertés de la personne.
Dans notre mémoire, nous avons proposé des modifications
à l'article 52 de la charte. Ces modifications élimineraient tous
les mots après "qui leur serait contraire". La Charte des droits et
libertés de la personne ne devrait pas être ouverte à une
violation par quelque geste que ce soit de l'Assemblée nationale. Ces
principes doivent s'appliquer à toute loi. Dans le cas où la
Législature penserait que certains droits compris dans la charte
devraient être modifiés, ce sera l'obligation de la
Législature de modifier directement les clauses de la Charte des droits
et libertés de la personne. En l'absence d'une telle modification, aucun
geste, ni de l'Assemblée nationale, ni du gouvernement du Québec
ne devrait enfreindre les droits y compris.
Nous sommes d'accord avec l'intention de l'article 36 de garantir le
droit à accusé de comprendre les charges qui lui sont
imposées. Si nécessaire, un interprète devrait être
mis à sa disposition gratuitement. Il nous semble utile d'étendre
cette assistance d'interprétation gratuite, si nécessaire,
à toutes les procédures légales, à tous les
procès administratifs dont un individu est partie. Ceci aurait l'effet
de renforcer la position de tout individu face aux structures de l'Ãtat
et des organismes publics, y compris la police et les tribunaux
administratifs.
L'article 11 de la charte devrait, à notre avis, être
élargi afin de permettre une protection aux groupes culturels, religieux
ou raciaux qui constituent le point de mire d'attaques écrites, verbales
et autres. Des membres de ces groupes, bien que n'étant pas
individuellement sujets à ces attaques, devraient trouver le moyen
d'être protégés par la Charte des droits et libertés
de la personne. (11 h 30)
Dans le même esprit, l'article 13 devrait être
modifié, afin d'exclure, de façon explicite, toute obligation
d'observer des clauses discriminatoires d'un acte juridique. Cette disposition
nous semble particulièrement importante afin de protéger des
individus d'une discrimination qui pouvait leur être imposée dans
un contrat privé. Les termes d'un tel contrat ne peuvent en aucune
façon limiter les droits garantis par la charte et notamment
l'observance des croyances religieuses. Il serait important pour la charte de
garantir ces droits de cette façon.
Nous avons noté, pendant la dernière session de
l'Assemblée nationale, le projet de loi proposé par le ministre
de la Justice concernant l'action affirmative, ce que j'ai entendu appeler
aujourd'hui action progressiste, action positive, accès Ã
l'égalité et toutes sortes d'autres expressions, mais tout le
monde est d'accord, j'en suis sûr, pour dire qu'on parle de la même
chose. Il nous semble important qu'une telle possibilité d'action
affirmative soit inscrite comme permissible dans la Charte des droits et
libertés de la personne. L'enchâssement, selon nous, offre la
meilleure assurance que le Québec passerait de l'égalité
de chances en théorie à l'égalité de chances en
pratique.
La formulation de normes appropriées pour une politique d'action
affirmative juste et efficace exige la recherche des moyens harmonieux
garantissant les intérêts des groupes et ceux des personnes, et
l'équilibre entre le principe d'action affirmative et celui de
non-discrimination. Fondés sur ces principes conjoints de
non-discrimination et d'égalité de chances, nous avons
recommandé à la commission l'enchâssement dans la charte
des droits d'un article relatif à l'action affirmative. Nous
espérons que tel article puisse servir de base à l'action dans ce
domaine.
Enfin, nous souhaiterions souligner l'importance de la Commission des
droits de la personne et la nature vitale de son travail. La charte est garante
des droits de la personne au Québec, mais sans l'activité
efficace de la commission ces garanties peuvent rester lettre morte.
Actuellement, nous sommes informés qu'il faut entre six Ã
neuf mois après le dépôt d'une plainte auprès de la
commission pour que l'investigation sur celle-ci commence. Ce retard est
dû à la limitation des ressources dont dispose la commission et au
nombre important de plaintes. Si la commission n'a pas à sa disposition
les ressources financières et le personnel pour lui permettre de jouer
un rôle complet tel que décrit aux termes de la loi dans une
période de temps acceptable et d'une façon expéditive, les
objectifs de la charte peuvent, dans bien des cas, devenir seulement des voeux
pieux sans aucun effet réel. Nous devons donc mettre l'emphase pour que
la commission puisse avoir un budget adéquat afin de remplir les
fonctions qui lui sont conférées par la charte.
Le Congrès juif canadien et B'nai B'rith Canada, au nom de toute
la communauté juive du Québec, réitèrent leur appui
entier pour les idéaux et principes de la Charte des droits et
libertés de la personne et pour la suprématie des droits
fondamentaux de toutes les personnes. Nous sommes persuadés que la
commission de la justice de l'Assemblée nationale considérera de
façon favorable la révision de la Charte des droits et
libertés de la personne à la lueur des recommandations contenues
dans notre mémoire.
Je devrais ajouter, si vous me le permettez, que dans notre
mémoire on a fait
état de la suspension de prescription qui est déjÃ
comprise dans notre mémoire. Au lieu de demander que ce soit une
suspension de prescription, nous considérons qu'une fois qu'une plainte
est logée à la Commission des droits de la personne cela devrait
être considéré comme étant une demande en justice.
Cela peut avoir l'effet d'interrompre la prescription et, pour être
conforme à cette demande, je pense qu'un amendement au Code civil peut
être ajouté, ou à la charte même.
Si vous me le permettez je vais passer la parole... Excusez-moi, j'ai
oublié quelque chose. Dans notre mémoire, vous remarquerez qu'un
changement devrait être fait à l'article 52 qui se trouve aux
pages 3 et 4 de notre mémoire. On a demandé de rayer les mots
contraires; on devrait élargir les articles nos 9 à 38 tels
qu'ils existent dans la charte actuellement pour demander l'inclusion des
articles nos 39 Ã 48.
Je vous remercie infiniment.
Maintenant, si vous me le permettez, je vais passer la parole Ã
ma collègue Sheila Finestone.
Mme Finestone (Sheila): Merci. M. le Président, M. le
ministre, Mme la ministre et MM. les membres de la commission, la commission et
toute la société québécoise reconnaissent de nos
jours la discrimination ouverte et latente subie à travers les
âges par les femmes, les autochtones, les handicapés et les
minorités. Des mouvements féministes, tels que le Conseil du
statut de la femme et la Fédération des femmes du Québec,
de même que la Commission des droits de la personne, ont exposé
les faits de cette discrimination, ont formulé des griefs et ont
proposé des actions concrètes à cette commission et aux
autres autorités gouvernementales.
Il ne m'est pas nécessaire d'y revenir ce matin car toute
personne de bonne foi reconnaît les changements qui s'imposent Ã
cet égard au niveau du changement des mentalités, du changement
de la culture ambiante et des milieux familial et professionnel. On a
vécu, pendant les 20 dernières années, une
société en mutation. La société
québécoise a effectué des changements sociaux, politiques
et économiques considérables. à la base de cette
évolution, on trouve une volonté politique collective, ferme et
déterminée. Nous croyons qu'un effort semblable est exigé
afin d'assurer la justice sociale, l'égalité des chances et le
traitement égal aux femmes, aux communautés minoritaires et aux
autochtones.
Il nous semble évident qu'afin d'achever ce but la
société québécoise devrait subir un changement
systémique impliquant des programmes, surtout ce qui concerne
l'éducation, l'embauche, les programmes de recyclage, la promotion,
etc., qui touchent à chaque niveau de l'organisation sociale. Il s'agit
d'un changement culturel général qui assurera la justice sociale
et économique pour tous nos concitoyens et concitoyennes. Un tel
changement systémique ne peut et ne doit pas être imposé
d'en haut. Au contraire, pour être efficace, sa mise en oeuvre
dépend en grande partie de la participation des centres de
décision économique, social et culturel. Il faudrait, une fois
pour toutes, cesser de traiter cette question d'une façon vague dans les
perspectives générales des droits humains. Ceci constitue un
domaine essentiel de l'action gouvernementale.
Le gouvernement a évidemment les pouvoirs suffisants pour obliger
à certaines actions par la loi. Il nous semble que dans cette
matière il s'agisse surtout d'un changement d'attitude, de comportement
et de valeur. Ainsi, nous croyons que des clauses incitatrices telles que
l'octroi de subventions, les bénéfices accordés sur
l'impôt et les règlements concernant les conditions pour
l'accorder des contrats seront les plus efficaces; dans un tel cas, il convient
d'employer des méthodes de concertation plutôt que de
coercition.
M. le Président, merci de votre attention.
Le Président (M. Desbiens): Merci.
M. Cutler: M. le Président, nous avons terminé la
partie viva voce.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Bédard: Je remercie très sincèrement les
représentants du Congrès juif canadien et le B'nai B'rith de leur
contribution très positive au niveau des travaux de cette commission.
Plusieurs des recommandations dont vous faites état, comme vous le
savez, se retrouvent dans des suggestions ou des représentations
déjà faites par d'autres groupes. Je serais peut-être
porté à discuter avec vous de points sur lesquels vous avez
porté une attention plus particulière que les autres groupes. Je
pense, par exemple, au niveau des amendements que vous nous demandez Ã
l'article 11. Je conçois très bien qu'il doit y avoir une
protection pour les groupes qui peuvent constituer un point de mire, d'attaques
écrites, verbales ou autres qui soient fondés sur la race, la
religion, l'orientation sexuelle ou bien le régime national ou ethnique.
J'aimerais avoir plus d'explicitation de votre part parce qu'il y a le Code
civil qui à des stipulations concernant la diffamation. Il y a des
dispositions également dans le Code criminel. Il y a l'article 11,
auquel vous référez, de la charte.
J'aimerais que vous explicitiez jusqu'Ã
quel point cet ensemble de législation ne couvre pas, ne
protège pas ce que vous évoquez, qui est très
légitime.
M. Cutler: M. le ministre, je suis entièrement d'accord
avec vous quand vous dites qu'il existe déjà dans le Code civil
un recours possible. Si quelqu'un était victime de libelle, la
difficulté quant à nous c'est que la jurisprudence a
déjà établi à maintes reprises que si un groupe
était victime de libelle, les personnes qui font partie de ce groupe ne
seront pas protégées sauf si la personne qui prétend
être victime de libelle s'identifie.
Cela veut dire que peu importe s'il existe en vertu de l'article 1053 du
Code civil un recours individuel, on devrait identifier que tel article qui
parle des Juifs, des Noirs, de n'importe quel groupe, si je fais partie de ce
groupe, je devrais prouver auprès du tribunal que je considère
que ce libelle m'attaque personnellement et que j'ai subi des dommages. Cela
serait presque impossible. Vu que ce serait presque impossible, ce que nous
demandons, c'est que la charte devrait, comme étant un de ses points
fondamentaux, indiquer que la discrimination contre les groupes sera interdite
et à la lumière des pénalités prévues dans
la charte, on devrait prévoir quelque chose comme étant une
pénalité pour telle violation.
C'est le problème que nous vivons actuellement. Nous voulons que
la commission parlementaire fasse des suggestions à l'Assemblée
nationale pour corriger ce qui semble être une lacune dans la loi.
M. Bédard: Est-ce que la jurisprudence que vous
évoquez est basée sur le Code civil...
M. Cutler: Oui, sur le Code civil...
M. Bédard: ... ou encore sur l'article 11?
M. Cutler: Non, sur le Code civil plutôt que sur la charte
qui, dans le temps de l'existence de la jurisprudence dans toutes ces causes
dont je parle, n'existait pas. C'était avant 1975. Si vous voulez, mon
collègue, Me Schlesinger, peut ajouter quelque chose.
M. Schlesinger: Ce à quoi mon collègue
réfère est la question d'intérêt légal qui,
est très difficile à prouver quand on est membre parce que comme
vous savez bien, il faut prouver un intérêt légal. Est-ce
que j'ai l'intérêt légal si je fais partie d'un groupe qui
est vaguement défini?
Il y a deux autres aspects de ce point sur lesquels j'aimerais attirer
votre attention.
La charte doit servir de principe de base, un énoncé de
principe de base. Si c'est clairement décrit que le libelle de groupe
est quelque chose qui est défendu en notre province, ce serait quelque
chose qui va déjà donner une idée d'exemple à toute
la population de ce qui est permis dans notre société
démocratique et ce qui n'est pas toléré. Ne pas tout
simplement avoir recours à l'article 1053 du Code civil. (11 h 45)
Enfin, j'aimerais attirer votre attention, malheureusement je ne l'ai
pas avec moi, sur la Colombie britannique. On vient d'adopter, dans cette
province, une loi qui défend toute discrimination ou toute attaque
écrite ou verbale basée sur une discrimination ou libelle
diffamatoire et ce genre d'affichage ou de discrimination. Malheureusement, je
ne l'ai pas avec moi. Je pourrais vous l'envoyer aussitôt mon retour chez
nous, mais vous l'avez peut-être déjà .
M. Bédard: Je vous pose la question. Je comprendrais que
vous ne soyez peut-être pas au courant. Est-ce qu'aux Ãtats-Unis
il y a des dispositions de cette nature par rapport à la liberté
d'expression?
M. Cutler: Cela varie selon l'Ãtat. Je pense que c'est une
question qui relève de la juridiction de chaque Ãtat plutôt
de la juridiction fédérale.
M. Bédard: Je comprends que la jurisprudence que vous
évoquez est basée surtout sur le Code civil. On n'a pas fait
encore l'expérience devant les tribunaux de la portée du...
M. Cutler: On veut éviter, M. le ministre, une telle
expérience en le disant en termes clairs et larges, pour que tout le
monde le sache d'avance et que ce ne soit pas nécessaire de faire une
jurisprudence semblable et créer pour toute la population une image que
c'est quelque chose d'interdit.
M. Bédard: II y en a plusieurs qui semblent craindre
l'interprétation des tribunaux. Je remarque cela chez les groupes qu'on
a eu l'occasion de rencontrer.
Un autre point que vous soulevez, lorsque vous parlez du droit Ã
l'interprète, s'agit-il d'un droit qui s'appliquerait à la
condition expresse que la personne ne puisse s'exprimer en français ou
en anglais?
M. Cutler: Bien sûr. Si vous me permettez, le but, c'est
que chaque personne qui vient devant un tribunal, qui devra subir un
procès administratif ou autre, quasi judiciaire, judiciaire, une
enquête, sache quelles sont les procédures et quelles sont ses
obligations, quels sont les griefs, les plaintes contre lui. Naturellement, on
évite
l'anglais ainsi que le français.
M. Bédard: Comme vous le savez, ici au Québec, il y
a déjà les services d'interprètes quand il s'agit du droit
criminel. Nous avons également le droit à l'interprète au
niveau de certains tribunaux administratifs. Est-ce que votre demande va
jusqu'à exiger qu'il y ait des services d'interprètes dont les
coûts sont défrayés par l'Ãtat lorsqu'il s'agit d'un
procès privé?
M. Cutler: Vous voulez dire quand il s'agit...
M. Bédard: Est-ce que vous pensez que le droit Ã
l'interprète pourrait s'appliquer lorsqu'il y a des procédures
qui mettent en cause l'Ãtat et des citoyens ou des groupes?
Pourriez-vous, si vous êtes au courant, me dire quel est l'état de
la situation dans les autres provinces sur ce sujet précis?
M. Cutler: Je vais répondre à la dernière
question. Je ne sais pas ce qui existe dans les autres provinces, mais je dois
vous dire franchement que je pense qu'il n'existe pas de tels services gratuits
d'interprètes. Sur une question de principe, nous pensons que si la
Charte des droits et libertés de la personne doit être la couronne
de toute la justice dans la province, la connaissance des procédures
sera plus importante au point de vue des principes, par exemple, des
autochtones, des immigrants qui sont appelés à témoigner
devant un tribunal administratif, etc. Pour eux, c'est très important,
ainsi que pour la province.
M. Bédard: Je dois vous faire remarquer qu'ici, au
Québec, lorsqu'il s'agit d'immigrants, le ministère de
l'Immigration fournit déjà des services d'interprètes. Ce
que je voudrais savoir, c'est si votre demande va jusqu'Ã croire qu'il
serait normal que, dans un procès privé, l'Ãtat
défraie ces coûts d'interprète?
M. Cutler: Si vous me permettez, je vais donner la parole
à Jack Kantrowitz sur ce point.
M. Kantrowitz (Jack): Si vous me le permettez, M. le ministre, M.
le Président, je pense qu'en théorie, on aimerait avoir les
droits les plus larges possible. On reconnaît les
difficultés...
M. Bédard: Je le comprends.
M. Kantrowitz: ... budgétaires et autres. Cependant, il y
a aussi un certain principe. C'est que, quand l'Ãtat établit pour
les résidents du Québec certains droits et certaines
procédures administratives - je pense, par exemple, aux commissions des
loyers et des rentes à Montréal - le fait même qu'un
locataire ne parle ni l'anglais, ni le français ne doit aucunement
l'empêcher de poursuivre ses droits en justice devant une telle
procédure administrative. Il n'est aucunement mis en cause; il n'est pas
l'accusé, mais, s'il ne peut pas, à cause de ses lacunes
linguistiques, poursuivre les pistes établies par la loi et ne peut pas
avoir accès à de l'interprétation suffisante pour le
faire, je pense que ce qu'il subit, en fait, est une discrimination sur une
base culturelle qui devrait être inadmissible.
Ce que nous avons à l'esprit, ce n'est pas seulement les cas
où nécessairement l'Ãtat est remis en question, mais ceux
où les droits du citoyen établis par la Charte des droits et
libertés de la personne ou par d'autres textes gouvernementaux peuvent
être effectivement mis en vigueur pas des personnes qui ne parlent ni
l'anglais, ni le français.
M. Bédard: Oui, vous ramenez cela à l'Ãtat,
mais ma question, c'est: Est-ce que vous croyez que, dans un procès
privé, l'Ãtat doit défrayer des coûts
d'interprète ou est-ce qu'à ce moment-là , ce n'est pas
tout simplement aux parties à les défrayer, selon l'attribution
des frais qui se fait par le tribunal? Parce que déjà , ici au
Québec, je pense qu'il y a une situation, en tout cas, des attitudes qui
sont très positives si on les compare à celles des autres
provinces où l'Ãtat fournit dans de nombreux cas les services
d'interprètes. Mais, comme vous l'avez dit, on veut toujours, que ce
soit comme groupe ou comme citoyen, avoir le plus de droits possible. Je pense
que vous savez que, non pas seulement pour des questions budgétaires,
mais en fonction d'une Charte des droits et libertés de la personne,
avant d'inscrire un droit, il doit y avoir une réflexion.
M. Cutler: Franchement, nous sommes d'accord avec M. le ministre
et je peux dire que notre comité conjoint, qui a longuement eu des
discussions concernant cette partie de votre question, donne non comme
réponse dans les causes privées. Nous ne demanderons pas
d'élargir, d'obtenir les services gratuits d'un interprète.
M. Bédard: Je vous remercie.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Juste pour enchaîner sur le droit de
l'interprète, cela existe déjà dans la charte, mais, si je
comprends bien, la demande, c'est d'englober les tribunaux administratifs.
M. Cutler: C'est cela.
M. Marx: C'est cela.
M. Bédard: Les poursuites pénales aussi.
M. Marx: Mais les poursuites pénales sont
déjà couvertes par la charte...
M. Bédard: Enfin...
M. Marx: ... Ã l'article 36.
J'ai des remarques sur trois points assez précis.
Premièrement, l'article 11, c'est pour rendre illicite ou
illégale la littérature haineuse. Il y a déjà des
dispositions dans le Code criminel. Je ne veux pas dire que c'est la faute du
fédéral, ce n'est pas moi qui plaide cela à cette
commission, mais cela arrive de temps en temps.
M. Bédard: Ni moi non plus. Je vous invite à lire,
par exemple, le contenu de la charte fédérale. Si celle qu'on
nous propose devait être acceptée dans sa partie concernant la
liberté d'expression, je pense que vous auriez d'énormes
représentations à faire sur ce point au
fédéral.
M. Cutler: Oui, mais on peut répondre à la
question.
M. Marx: Sur la question de la littérature haineuse, tout
ce que je veux dire, c'est qu'en cette matière, il y a une distinction
entre la diffamation et le libelle diffamatoire, c'est-Ã -dire la
diffamation provinciale et le libelle diffamatoire fédéral. Ce
serait impossible pour nous de légiférer en ce qui concerne le
libelle diffamatoire, cela ne serait pas valide.
M. Cutler: On demande seulement que la loi soit sous la
juridiction de la province.
M. Marx: Ce sera encore ainsi pendant longtemps, M. le
ministre.
M. Bédard: Malheureusement. Enfin, ne faisons pas un
débat politique, ce n'est pas l'endroit.
M. Marx: Est-ce que vous n'êtes pas satisfait des
dispositions contenues dans le Code criminel? Quelles sont les failles de ces
dispositions du Code criminel? Est-ce que ça ne couvre pas assez ce
champ? Je comprends la question de la littérature haineuse parce que
j'ai eu une plainte ces jours-ci, dans mon comté. Quelqu'un m'a
envoyé un journal où on fait des allusions à un groupe
particulier.
M. Cutler: Vous me permettrez de répondre. Je pense que
dans le Code criminel, la partie qui s'applique à des libelles
diffamatoires est trop restreinte pour couvrir tout ce que nous voulons couvrir
en élargissant cette partie de la charte. La partie
fédérale, c'est-à -dire le Code criminel, est trop
restreinte, Ã notre avis.
M. Marx: Si c'est trop général, ça peut
causer des problèmes. Deux gars se parlent dans la rue, il y a des
chicanes à l'Assemblée nationale, il peut y avoir beaucoup de
poursuites... C'est déjà arrivé en Ontario, où il y
avait des règlements municipaux; les gens ont eu des chicanes et
ç'a donné lieu à des poursuites. C'est une question qu'on
pourrait étudier, j'imagine, et le ministre s'occupera de ça.
M. Schlesinger: M. le ministre, en réponse à votre
question, nous avons justement produit un mémoire au gouvernement
fédéral sur ce point-ci; j'étais membre de la
délégation, également. C'est évident qu'il y a une
certaine double juridiction dans ce domaine. Ã quel moment est-ce que
ça devient criminel? à quel moment est-ce que c'est seulement
civil? On ne peut pas s'appuyer tout simplement sur la juridiction
fédérale ou la juridiction provinciale; elles devraient se
compléter. Je crois que l'essentiel, c'est de prohiber l'incitation
à la haine entre divers groupes ethniques ou autres groupes dans notre
société.
M. Marx: On peut légiférer dans ce sens pour
restreindre cela. On peut légiférer dans le sens de dire que la
diffamation contre un groupe est illégale ou illicite, et on peut
prévoir des peines, des amendes ou des
dommages-intérêts.
M. Schlesinger: II faudrait s'assurer que les personnes qui sont
lésées ou qui se sentent lésées aient un
intérêt légal pour intenter cette poursuite. On peut bien
donner un droit vaque à un groupe, mais si on ne peut exercer ce droit
devant le tribunaux, il devient illusoire.
M. Marx: On comprend ça. Concernant l'article 13, vous
avez proposé qu'il soit interdit, disons, pour une compagnie de forcer
quelqu'un à travailler pendant ses jours fériés. Pour les
Juifs, ce n'est pas...
M. Cutler: On a vécu une expérience pratique, et
c'est la raison pour laquelle on vous a demandé l'inclusion...
M. Marx: La commission a toujours pensé que l'article 10
couvrait cette situation. Une action a été intentée pour
les membres de l'Ãglise mondiale de Dieu qui n'ont pas voulu travailler
les vendredi soir et samedi et qui ont été
congédiés. Je me demande si on a les résultats de cette
action parce que si c'est déjà couvert par la
jurisprudence, il ne sera pas nécessaire de
légiférer. Je ne me souviens pas si... Ce n'est pas
décidé encore? Bon. (12 heures)
M. Cutler: On veut mettre de côté toute
possibilité d'ambiguïté. Je vais vous donner un exemple. La
Commission des droits et libertés de la personne a été
approchée par un individu qui avait un commerce dans un centre
commercial. Il a reçu, comme tous les autres locataires, un avis du
locateur lui disant que les seules périodes où son commerce
pourra être fermé seront les jours fériés
créés par le provincial ou par le fédéral. Cette
personne était de notre croyance religieuse. Nous avons deux grandes
fêtes en vertu desquelles ce monsieur a considéré qu'il
devrait fermer son commerce. Mais cela va à l'encontre d'une clause
contenue dans son bail, qui dit que, s'il ferme son commerce pendant des jours
autres que les jours fériés, on peut considérer ça
comme étant une violation du bail et que celui-ci peut être
annulé.
Le problème est là et c'est un problème
réel. Ce monsieur a décidé de déposer une plainte
auprès de la Commission des droits de la personne. Le contentieux
même de la commission a reçu deux opinions différentes. Un
conseiller juridique lui a dit: C'est déjà couvert par la charte
et cette personne n'a rien à craindre. L'autre conseiller juridique a
dit l'inverse, c'est-à -dire que c'est un acte privé et que
ça peut être considéré comme étant une
violation du contrat.
La commission a pris la décision de ne rien faire, vu qu'un de
ses conseillers juridiques est venu à la conclusion que c'est
déjà couvert et interdit. Cela veut dire qu'on ne peut pas
annuler le bail parce que c'est déjà couvert par la charte, mais,
malheureusement, l'autre conseiller juridique a décidé
l'inverse.
Ce que nous voulons - ça, c'est la difficulté - c'est un
article suffisamment explicite pour couvrir la situation qui - tout le monde,
j'en suis sûr, est d'accord -deviendra une question de discrimination.
C'est la raison pour laquelle nous avons décidé d'inclure la
demande.
M. Bédard: Je comprends très bien votre
désir de précision et nous allons faire faire les analyses
juridiques le plus en profondeur possible...
M. Cutler: On a seulement voulu vous aviser...
M. Bédard: ... pour voir jusqu'à quel point la
préoccupation que vous avez est rejointe par le texte qui existe
déjà et on prendra notre décision en fonction de ces
opinions.
M. Marx: Je pense que c'est un point important pour beaucoup de
Québécois qui veulent pratiquer leur religion et on va
peut-être avoir la décision des tribunaux incessamment;
peut-être cela arrivera-t-il même en même temps que la
refonte de la charte.
Ma dernière question est que, sur l'action affirmative, vous avez
dit que vous êtes contre des quotas en nombre, mais êtes-vous
contre des objectifs en pourcentage? Il faut avoir quelque chose quelque
part!
M. Cutler: Notre position sur ce point est la suivante: quant
à nous, nous ne voulons pas créer une situation de discrimination
à l'inverse. Ce que nous voulons faire, c'est de reconnaître que
l'accès à l'égalité des plans progressifs, d'action
positive devrait être accepté comme étant un but qu'on veut
atteindre. Il y a plus de deux questions qu'on devrait trancher:
premièrement, c'est au point de vue philosophique. Quant à nous,
ce sera quelque chose à long terme, ce n'est pas quelque chose qui peut
être résolu dans une courte période de temps et c'est la
raison pour laquelle les pourcentages, les quotas, les clauses
numériques ne peuvent pas être la base pour atteindre un but qui
est bon. Ce que nous voulons établir, c'est que nous reconnaissons qu'il
devrait y avoir une action progressive, positive ou affirmative pour
l'accès à l'égalité, mais l'égalité,
cela ne veut pas dire un traitement égal, ce sera plutôt un
traitement identique. Par exemple, deux personnes ont la possibilité
d'avoir un travail spécial; toutes les deux ont des qualifications
équivalentes ou presque, similaires. Quant à nous, c'est
acceptable, dans le but d'atteindre une égalité
éventuelle, si une des deux personnes est une personne
désavantagée, de donner la position à la personne qui
vient du groupe désavantagé. Nous avons prévu, dans notre
mémoire que c'est par le truchement des subventions et des
bénéfices en vertu de la Loi sur les impôts qu'on devrait
corriger une situation malheureuse. Quand on dit: On peut établir des
pourcentages, quelle est la différence entre établir des quotas
ou des pourcentages? Quant à moi, ce sera la même chose.
M. Marx: Je comprends le souci des membres du Congrès juif
parce que notre communauté a bien souffert de cela, des quotas bien
précis, des "numerus clausus" en Russie ou dans d'autres pays
européens et même des quotas dans certaines facultés au
Québec, pour dire la vérité, ce qui n'existe
sûrement pas aujourd'hui. Disons que maintenant ce sont d'autres temps et
d'autres problèmes à régler. Le gouvernement a maintenant
un projet qu'on appelle l'égalité des chances et, dans ce
programme, si je me
souviens bien, on s'est fixé un objectif
général.
Une voix: 10%.
M. Marx: D'ici cinq ou six ans, on aimerait qu'il y ait Ã
peu près 9% des membres de la fonction publique qui viennent des
communautés culturelles. Il faut donner un objectif quelque part
à quelqu'un; autrement, ce ne serait pas très pratique.
M. Cutler: Pour nous, ce sera l'objectif à long terme
qu'on devra atteindre. Comme nous l'avons dit dans notre mémoire et nous
ne changerons pas notre position sur ça, peu importe que ce soit un
pourcentage ou un nombre de personnes, ça deviendra un quota qui devrait
être considéré comme étant discriminatoire.
M. Schlesinger: On peut avoir un but général qu'on
veut atteindre, mais on ne doit pas être rigide, on ne doit pas fixer un
tel niveau pour s'arrêter ensuite. Comme M. Marx l'a déjÃ
souligné, la communauté juive, ainsi que d'autres
communautés minoritaires a vécu une expérience très
triste dans le passé vis-à -vis des universités qui ont
fixé un quota et une fois qu'on avait atteint le niveau de X Juifs, les
prochains Juifs, malgré leurs qualifications, malgré leur niveau
d'études, malgré n'importe quoi, se voyaient refuser
l'entrée. Cette expérience nous a déjÃ
démontré que les quotas rigides ne doivent pas exister dans une
société démocratique. De là à établir
un but général d'avoir une certaine proportion, c'est une autre
chose qui devrait être acceptable, je crois.
M. Marx: Une dernière question sur ce point que je trouve
intéressant. Supposons qu'on ait un programme d'action affirmative pour
une compagnie. S'il y a un programme de redressement, il faut donner un certain
objectif à cette compagnie. Si on dit: D'ici cinq années on
aimerait voir des femmes à l'intérieur de la compagnie, le gars
va dire: C'est excellent, ce n'est pas coercitif. Comment peut-on formuler
l'objectif sans que ce soit donné en termes de pourcentage?On peut bien dire: J'aimerais que les employés de votre compagnie
reflètent le pourcentage des femmes dans la population de votre
région ou quelque chose comme ça, mais il faut s'accrocher
à quelque chose. Cela ne peut pas être tellement vague que la
compagnie ne serait pas contrainte de faire quoi que ce soit.
Mme Finestone: Je crois que vous avez raison à ce sujet,
mais ce qu'on a souligné, je crois, et le point chaud dans cette
question, c'est comment établir le but sans utiliser des quotas ou des
pourcentages? Cela se fait en concertation avec l'organisme en vue. Disons que
je pose la question: Comment se fait-il que la fonction publique, avec le plan
d'action et avec toutes les idées du gouvernement en fonction Ã
ce moment-ci, a décidé d'utiliser le pourcentage de 9,5%?
D'où sort cette figure magique?
Si vous regardez la population entière, vous avez 58% de la
population qui est féminine; vous avez 40% de la main-d'oeuvre active
qui sont des femmes.
Mme Marois: C'est l'information, je pense, qui n'est pas
adéquate. Les 9,5%, ce sont les programmes d'accès Ã
l'égalité pour les handicapés, à ne pas
confondre...
Mme Finestone: Ah! bon, parce que je trouvais cela un peu
drôle.
Mme Marois: ... parce qu'il n'y a pas eu effectivement d'objectif
quantitatif de pourcentage appliqué au programme d'accès Ã
l'égalité dans le cas des femmes. Cela va?
Mme Finestone: Je crois que c'est très important,
même si c'est un organisme du gouvernement, un organisme
paragouvernemental ou un organisme privé, de discuter un projet Ã
long terme pour qu'on puisse avoir un accès à chaque niveau
décisionnel. Je ne veux pas que vous pensiez que je suis une femme
agressive, mais je le suis à certains moments. Il est très
difficile de briser la discrimination systémique qui existe. C'est bien
plus facile d'embaucher un autre homme avec qui on a certaines choses en
commun. Pour changer ces choses, il faut surtout changer les mentalités,
changer l'attitude du contremaître, changer l'attitude de ceux qui
embauchent les gens. Il y a toute une série de démarches Ã
faire et il faut en tenir compte en consultant les personnes impliquées
dans l'industrie ou dans le processus gouvernemental. C'est pour cela que j'y
suis carrément opposée. Autrement, si vous me poussez, M. Marx,
à donner un pourcentage, je vous dirai que 40% de la main-d'oeuvre est
de sexe féminin et je veux 40% des femmes dans la fonction publique.
Je le dis, mais c'est absolument impossible parce que je mets de
côté les personnes déjà sur place, qui sont des amis
hommes ou femmes. Ce n'est pas du gros bon sens.
M. Bédard: Sur la nécessité, que vous avez
évoquée, d'un plan d'action à long terme concernant
l'ensemble des communautés culturelles, peut-être me
permettrais-je une suggestion au niveau de votre groupe. Comme vous le savez,
à l'heure actuelle, il y a un comité d'implantation d'un plan
d'action vis-à -vis des communautés culturelles qui vient
d'être mis sur pied par mon collègue de l'Immigration,
M. Godin. Peut-être serait-il indiqué de le rencontrer de
manière à atteindre le but que vous évoquiez tout Ã
l'heure, que tout ce qui se fait en termes de plans d'action, de politiques
gouvernementales se fasse en consultation et solidairement avec les groupes
concernés.
Mme Finestone: Oui, mais il reste que pour les programmes de
redressement par action affirmative paragouvernementale ou gouvernementale...
J'aimerais ajouter que le Conseil du patronat vient d'énoncer qu'il y
aura toujours des cas de discrimination; nous ne sommes pas tout à fait
d'accord. On peut avoir des réussites, cela va de soi pour moi et la
discrimination à rebours pourrait corriger les discriminations subies
jusqu'à maintenant. Je pense que c'est une demande d'une période
de transition. Il faut trouver les formules, mais pas par le biais des quotas
ni des pourcentages.
M. Cutler: M. le Président, si vous me permettez une
interruption, je vois qu'il est midi et quart. Nous avons un problème
particulier et nous devons partir. Je veux grandement remercier la commission
parlementaire de nous avoir donné l'occasion de dialoguer avec vous.
Nous espérons que vous avez pris en considération quelques-unes
de nos recommandations.
Mme Finestone: L'article 13! La contradiction de l'article
13.
M. Bédard: Nous vous remercions de votre participation
à nos travaux et soyez convaincus que tous les membres de la commission
parlementaire vont se faire un devoir d'approfondir la réflexion sur
l'ensemble des éléments que vous avez portés Ã
notre attention.
M. Cutler: Merci.
Conseil des minorités du Québec
Le Président (M. Desbiens): Merci. J'appellerais
maintenant le Conseil des minorités du Québec,
représenté par M. Geoffrey Chambers, et lui demanderais de se
présenter en avant, s'il vous plaît. (12 h 15)
Si vous voulez présenter les personnes qui vous accompagnent,
s'il vous plaît.
Mme Usher (Anne): Je m'appelle Anne Usher, vice-présidente
du Conseil des minorités du Québec. J'ai avec moi aujourd'hui un
membre de notre conseil du groupe de travail sur les droits et libertés
de la personne, M. James Leavy, Ã ma droite. M. Geoffrey Chambers, notre
directeur exécutif, est à ma gauche.
M. le Président, mesdames et messieurs, membres de la commission,
le Conseil des minorités du Québec est un organisme à but
non lucratif qui représente quelque 42 groupes à travers le
Québec, notamment les associations communautaires régionales
à titre de minorités linguistiques, par exemple, dans la
Gaspésie, l'Estrie, la région de l'Outaouais et aussi
Châteauguay. Il y a aussi les institutions d'enseignement, de
santé et de services sociaux, les groupes ethniques de la région
de Montréal, les groupes avec des intérêts spéciaux
et les groupes culturels de vieilles souches aussi partout au Québec.
Entre autres objectifs, il vise à défendre et à promouvoir
le développement de ces communautés afin qu'elles fassent partie
intégrante de la société québécoise. La
Charte québécoise des droits et libertés de la personne
constitue la plus importante source légale des droits des
minorités.
Le mémoire que présente aujourd'hui le Conseil des
minorités du Québec propose des moyens d'améliorer la
charte afin de mieux protéger les droits fondamentaux des
minorités linguistiques, religieuses et ethniques. La Charte
québécoise des droits et libertés de la personne ne
protège que les droits culturels des minorités ethniques et
n'enchâsse pas les droits économiques et sociaux permettant aux
communautés ethniques de maintenir et de développer leurs
institutions. Ã titre d'organisme protecteur des droits de la personne,
la Commission des droits de la personne doit être plus présente et
plus accessible à la population pour être efficace. Aussi le
Conseil des minorités du Québec veut faire des commentaires sur
les programmes d'accès à l'égalité. Et nous aussi,
nous pensons que ces programmes sont très importants dans le contexte
des minorités au Québec, nous pensons que la Commission des
droits de la personne doit avoir des pouvoirs plus étendus qui lui
permettent de faire enquête sur les pratiques utilisées dans les
secteurs public et parapublic où les minorités ethniques et
linguistiques sont gravement sous- représentées.
Maintenant, je veux laisser la parole à M. James Leavy, un de nos
membres du côté des minorités. Il représente notre
groupe de travail sur les droits de la personne. Il va mettre en relief nos
recommandations avec les explications appropriées.
M. Leavy (James): M. le Président, messieurs et mesdames
les membres du comité, les remarques que j'aurais à vous
présenter seront un peu juridiques. Cela va peut-être faire un peu
"prof" de vous parler de droit international et ses répercussions en
droit québécois, mais je pense qu'il est important de souligner
ces aspects si on veut comprendre les modifications que l'on voudrait proposer
au texte actuel de la
charte.
On a souligné dans notre mémoire, vous le voyez d'ailleurs
à la première page, que dans la charte actuelle, Ã
l'article 43, quand elle parle de minorités - d'ailleurs, c'est la seule
référence aux minorités en tant que groupes dans la charte
- elle parle de minorités ethniques seulement et s'adresse uniquement
aux droits culturels de ces minorités.
à cet égard, il y a peut-être lieu de souligner que
les autres lois provinciales sur les droits de la personne, et les lois dites
sur les droits de la personne, ne parlent guère des droits collectifs
des minorités, pour la bonne et simple raison qu'à part certaines
exceptions en Alberta et en Saskatchewan, les autres provinces canadiennes
n'ont pas véritablement de charte des droits de la personne. Elles ont
des lois sur la discrimination mais, Ã mon avis, il ne faut pas
confondre les deux notions. Une véritable charte sur les droits de la
personne comprend des mesures antidiscriminatoires, mais comprend aussi des
mesures telles que les autres articles de la charte québécoise
des droits de la personne. Or, au niveau des droits collectifs des
minorités, la charte québécoise s'adresse à l'heure
actuelle uniquement aux minorités ethniques et aux droits culturels de
ces minorités.
Or, cette charte a été approuvée par
l'Assemblée nationale en 1975. L'année suivante, en 1976, le
Canada a ratifié le pacte international des Nations Unies sur les droits
civils et politiques a aussi le pacte sur les droits économiques,
sociaux et culturels. Cette ratification a été faite avec le
consentement de toutes les provinces. Le Canada s'est engagé, en droit
international, donc envers la communauté mondiale, au nom non seulement
du pouvoir fédéral, mais aussi au nom des pouvoirs provinciaux,
à respecter les droits énoncés dans ces deux documents.
Or, parmi ces droits, on trouve l'article 27 du pacte international sur les
droits civils et politiques. Vous avez le texte de cet article 27, qui est
très important, à la page 2 de notre mémoire. Je vais le
lire tout simplement pour que cet article soit très bien compris. Voici
l'engagement auquel le Canada a souscrit au nom de toutes les provinces et au
nom de l'Ãtat fédéral: "Dans les Ãtats où il
existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les
personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être
privées du droit d'avoir, en commun avec les autres membres de leur
groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre
religion, ou d'employer leur propre langue."
On s'adresse non seulement aux minorités ethniques, mais on
s'adresse aux minorités linguistiques, on s'adresse aussi aux
minorités religieuses. On ne parle pas que des droits culturels, on
parle des droits linguistiques, on parle des droits religieux. Donc, les
obligations que le Canada a assumées à l'égard des droits
collectifs des minorités, en 1976, sont beaucoup plus étendues
que les obligations que le Québec a assumées Ã
l'égard de sa propre population dans la charte telle qu'adoptée
en 1975. Non seulement le contenu de l'article 27 est-il plus vaste que
l'article 43 de la charte, mais il y a lieu de noter aussi que l'article 43 de
la charte fait partie de la section concernant les droits économiques et
sociaux. à cet égard, l'article 3 ne jouit pas de primauté
à l'égard de d'autres lois de l'Assemblée nationale. Or,
l'article 27 du pacte international que je vous ai lu tout à l'heure
fait partie du pacte sur les droits civils et politiques. En d'autres termes,
en droit international, les droits des minorités en tant que
collectivités ne sont pas simplement des droits économiques,
sociaux et culturels. Ces droits sont reconnus comme étant des droits
civils et politiques. Donc, pour être conformes aux obligations
auxquelles le Canada a souscrit en droit international, au nom des provinces
aussi bien qu'au nom de l'Ãtat fédéral, il faudrait que
l'article 43 de la charte actuelle soit abrogé, qu'un autre article soit
ajouté dans la partie Dispositions générales et que
l'article ajouté soit conforme dans ses termes à l'article
27.
Le droit international, lorsqu'il s'agit d'interpréter les
obligations des Ãtats à l'égard des minorités,
accepte que ces obligations comprennent non seulement le droit Ã
l'égalité au plan individuel, donc le droit à la
non-discrimination en faveur des individus, mais insiste aussi pour que les
groupes minoritaires aient un droit strict, un droit civil, un droit politique,
si vous voulez, à établir et à gérer leurs propres
institutions. Ce qui n'est pas clair en droit international à l'heure
actuelle, c'est de savoir si l'Ãtat a une obligation de subventionner
ces institutions minoritaires. Je vous ai fait part, dans le texte, du rapport
de M. Caportorti, qui était le rapporteur spécial des Nations
Unies, de son document très long et très fouillé qui est
considéré par plusieurs comme étant peut-être la
meilleure exposition de la situation actuelle du droit international des
minorités. Il est d'avis que l'article 27 constitue non seulement un
droit à la non-ingérence dans les affaires des minorités
de la part de l'Ãtat, mais impose aussi aux Ãtats l'obligation de
subventionner, de fournir l'aide matérielle et financière
nécessaire pour le bon fonctionnement, pour la survie des institutions
minoritaires.
La version de l'article de la charte que nous voudrions ajouter au
document actuel ne va pas jusqu'à inclure cette interprétation
que donne M. Caportorti du droit international actuel. On ne demande pas que la
nouvelle version de la charte contienne
une disposition qui oblige l'Ãtat québécois
à subventionner, à accorder de l'aide financière aux
institutions minoritaires, mais nous pensons que, pour que le droit
québécois soit explicitement conforme aux obligations auxquelles
le Canada a souscrit en droit international, la charte québécoise
devrait prévoir un article qui se lise comme suit: Les personnes
appartenant aux minorités ethniques, religieuses ou linguistiques ont le
droit d'avoir en commun avec les autres membres de leur groupe leur propre vie
culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d'employer
leur propre langue. Voilà , en gros; c'est l'article 27 du pacte
international. On ajoute à cela, pour refléter
l'interprétation qu'on a donnée au droit international, aux
obligations des Ãtats dans ce domaine: Ã ces fins, elles - les
personnes; nous appartenons aux minorités -ont notamment le droit de
créer et de gérer des institutions sociales et communautaires, y
compris des institutions scolaires.
Est-ce que cet amendement aurait des effets pratiques pour le
Québec? Je pense que oui. Pour savoir ces effets pratiques, j'aimerais
bien vous parler très brièvement des mesures de mise en
application du pacte international. Vous savez que le Canada, comme d'autres
pays, a beaucoup de documents internationaux. Les Nations Unies fourmillent de
toutes sortes de déclarations adoptées à des
assemblées, des conférences, etc. Ces déclarations ont
très souvent très peu d'effets pratiques dans l'ordre
juridique.
Le pacte de 1966 est différent et de façon très
importante, parce que ce pacte que le Canada a ratifié a mis sur pied ou
a permis la mise sur pied d'un comité des Nations Unies, d'un organisme
et, devant ce comité, des individus ont le droit de porter plainte
contre leur gouvernement s'ils estiment que les droits qui leur sont reconnus
par le pacte ont été violés.
Il est donc possible que des Québécois ou des groupes de
Québécois puissent porter plainte - contre le gouvernement du
Canada et non pas contre celui du Québec, parce que, du moins
jusqu'à présent, le Québec n'a pas de statut international
pour être l'objet d'une telle plainte - devant le comité, contre
le gouvernement du Canada, disant que, dans sa législation, disons, pour
les fins de cette exposition, le Québec - cela pourrait être une
autre province évidemment - n'a pas respecté tel ou tel droit, y
compris les droits collectifs des minorités.
Le comité des Nations Unies a déjà donné son
opinion à l'égard d'une plainte portée par une citoyenne
canadienne, en l'occurrence, une Indienne, à l'égard de la loi
fédérale sur les Indiens et ce comité - la décision
a été rendue au mois de juillet dernier - a déjÃ
trouvé le Canada en violation non seulement du pacte, mais plus
particulièrement en violation de l'article 27 du pacte, parce que les
droits de cette Indienne, son statut d'autochtone et ses
bénéfices d'autochtone, n'ont pas été
respectés par les dispositions discriminatoires de la Loi sur les
Indiens.
Il est donc possible que de tels recours puissent être pris par
des Québécois, par des membres des minorités, contre le
gouvernement du Canada, mais visant la législation
québécoise, devant un organisme des Nations Unies. Comme le
gouvernement du Canada est mis dans l'embarras à l'heure actuelle devant
la communauté mondiale à cause de la décision dans
l'affaire Lovelace, le gouvernement du Québec pourrait se voir dans une
situation embarrassante si jamais ce comité donnait un avis Ã
savoir que, dans certains de ces domaines, le Québec ne respecte pas
toutes les obligations souscrites par le Canada en son nom Ã
l'égard de l'article 27 du pacte. (12 h 30)
Si on inclut dans la charte un article tel que celui que nous proposons,
il y aurait, dans la loi québécoise, un recours en droit
national, en droit québécois, qui pourrait être
utilisé avant qu'un citoyen québécois ait l'occasion de se
présenter devant les Nations Unies. On ne se présente devant les
organismes internationaux que si les recours en droit national ont
été épuisés, si on a essayé toutes les voies
de recours en droit national et si ces recours se sont
révélés inefficaces. On peut éviter, par un article
tel que celui qu'on propose, que le Québec soit mis dans l'embarras sur
la scène internationale, parce qu'il y aurait, dans le système de
droit national, un recours possible pour la violation des droits collectifs des
minorités.
Une question que l'on pourrait fort bien se poser à cet
égard, c'est évidemment: Est-ce que l'inclusion d'un tel article
aurait des effets pratiques sur des lois qui existent actuellement au
Québec? On peut songer en particulier à la Charte de la langue
française. Dans quelle mesure l'article que nous proposons aurait-il des
effets? Je ne saurais vous donner de réponse précise Ã
l'égard de chaque article de la Charte de la langue française.
Tout ce que je puis vous dire, c'est que le droit international, tout en
insistant sur le respect des droits collectifs des minorités,
reconnaît aussi une obligation de la part des minorités dans cette
société de respecter leur statut de minorités et de
respecter leur obligation de vivre avec la majorité, en tenant compte,
aussi, des droits de la majorité.
Dans la mesure où certaines des dispositions de la Charte de la
langue française ne constituent que l'affirmation de la volonté
de la majorité et ne visent pas directement la situation des
minorités, il me semble qu'il n'y aurait rien à craindre de ce
côté-là . Je ne peux vous donner carte
blanche en vous disant: II n'y aura aucun article de la Charte de la
langue française qui sera mis en cause par l'amendement que nous
proposons à la charte. C'est impossible de dire ça. De toute
façon, ça exigerait beaucoup d'études juridiques. Mais je
pense que, compte tenu de ce que nous savons des obligations des Ãtats
à l'égard des minorités en droit international et des
obligations des minorités à l'égard de la majorité,
presque tous les articles de la Charte de la langue française
sortiraient indemnes d'un tel test, Ã savoir si la charte est conforme
au droit collectif des minorités. C'est le premier élément
que je voulais souligner.
Le deuxième point que je voulais souligner touche la question de
la juridiction de la commission. Il y a peut-être un point sur lequel
j'aimerais vous entretenir très brièvement. On propose, dans
notre document, la mise sur pied d'un système de commissions
d'enquête, de "boards of inquiry", comme on les appelle dans d'autres
provinces, au lieu du système actuel. Vous savez qu'en vertu du
système actuel, la commission fait enquête, d'abord, sur des
plaintes de violation. Ensuite, la commission essaie de réconcilier les
deux parties. Si les efforts de la commission s'avèrent vains Ã
cet égard, à ce moment-là , la commission peut faire des
recommandations. Si les recommandations ne sont pas suivies, la commission
s'adresse au tribunal.
Il y a, dans cet ensemble de procédures, peut-être, une
démarcation insuffisamment nette, à notre avis, du rôle de
conciliation et du rôle de décision. Je sais que
légalement, au sens strictement juridique, la commission ne prend pas de
décision. La commission, à la suite de tout ce processus,
émet des recommandations. Mais les recommandations de la commission ont
presque un caractère décisionnel. Il me semble qu'il serait
peut-être plus sain qu'on adopte un système en vertu duquel la
commission a un rôle clair: le rôle de faire une enquête, une
investigation, d'essayer de réconcilier. Si, à la suite de cette
étape, on ne réussit pas à réconcilier les deux
parties, ce sera à un autre organisme de prendre le dossier en charge et
de prendre une décision, s'il faut prendre une décision, Ã
l'égard de la plainte.
Le mécanisme qu'on propose, c'est une commission d'enquête
- "a board of inquiry" - composée d'une personne ou de plusieurs
personnes et mise sur pied par le ministre, pas par la commission, comme c'est
le cas au fédéral.
Le système fédéral n'est pas, à mes yeux, le
meilleur système. Je sais, après avoir parlé Ã
plusieurs personnes, y compris des personnes impliquées dans des
dossiers devant la commission, que l'idée que la commission puisse
constituer des "boards of inquiry" n'est pas la meilleure façon de faire
les choses. On voudrait donc faire une démarcation nette entre le
rôle de la commission et le rôle des "boards of inquiry", en
faisant en sorte que ce soit le ministre de la Justice qui ait le pouvoir
discrétionnaire de mettre sur pied ces "boards of inquiry". Ces "boards
of inquiry" auraient le pouvoir de prendre les décisions et ces
décisions seraient homologuées par la Cour supérieure.
J'ai une préférence pour les décisions judiciaires,
mais si des décisions doivent être exécutoires, je
préfère que ces décisions soient prises par des tribunaux
judiciaires. Donc les décisions de ces "boards" seraient
homologuées par les tribunaux judiciaires, avant de devenir
exécutoires. C'est là la principale recommandation que l'on fait
à l'égard de la procédure. Il y en aura d'autres, mais je
préfère laisser la parole à Mme Usher et à M.
Chambers pour vous parler de l'aspect du recours à l'action
positive.
Mme Usher: Merci, M. Leavy. J'aimerais peut-être revenir
sur le sujet pour dire comment, nous, au Conseil des minorités du
Québec et tous nos groupes membres, nous pensons à des mesures
qui seraient nécessaires pour assurer une présence beaucoup plus
profonde des membres des groupes minoritaires linguistiques et ethniques dans
la fonction publique et dans l'administration parapublique.
Nous supportons aussi les besoins très critiquables des
programmes de l'accès à l'égalité pour les femmes -
je dois au moins dire ça - et je pense que le point important de cette
demande de participation des membres des minorités linguistiques et
culturelles à la fonction publique et à l'administration publique
provient du fait qu'on a des programmes et des politiques qui empêchent
l'accessibilité aux services du gouvernement et, notamment, face
à l'application de la loi 65 avec laquelle nous avons vécu depuis
quelques années maintenant.
Nous voyons un système très ouvert, très
démocratique, mais très ouvert à la participation - et
c'est un grand "mais" - au sein des conseils régionaux, au sein des
groupes de travail ou de n'importe quelle commission administrative, il y a
vraiment absence de participation des gens qui viennent de groupes ethniques et
de groupes minoritaires linguistiques.
C'est très évident, à l'intérieur de la
ville de Montréal; dans la région de Montréal, c'est
vraiment un problème. Le résultat de ça, est que l'on ne
pense jamais que ces personnes ont un mode de vie dont l'aspect culturel
devrait leur valoir l'accessibilité aux services. Ils ne sont pas connus
par les gens qui sont impliqués dans la planification. Ils donnent de
très bons
services, mais, avec toute la bonne volonté du monde, ces gens ne
sont pas inclus comme les clients types.
Ce sont les trois grands points que nous voulons vous présenter
aujourd'hui et qui sont vraiment liés aux préoccupations
prioritaires du Conseil des minorités du Québec et de ses
groupements. Maintenant, je vous invite à poser vos questions et nous
essayerons d'y répondre.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Bédard: Je vous remercie très sincèrement
de vos représentations. Nous n'avons pas beaucoup de temps devant nous,
mais concernant le dernier point que vous venez de soulever en ce qui a trait
à la sous-représentation des minorités au niveau
d'organismes ou encore au niveau de la fonction publique, est-ce que vous avez
des statistiques ou encore une connaissance de la situation qui vous permettent
d'informer la commission jusqu'à quel point les représentants des
minorités expriment leur désir et leur volonté soit
d'aller à la fonction publique ou soit de faire partie d'organismes?
Je vous pose cette question-là parce qu'il me semble qu'on m'a
déjà fait beaucoup de remarques à savoir que, lorsqu'il y
a des concours de la fonction publique, c'est très rare qu'il y a des
postulants venant d'autres groupes ethniques. Il s'agirait peut-être de
le vérifier quand même parce que je crois que s'il y a un effort
à faire - vous avez raison de le dire - de la part des autorités
gouvernementales, de la part des groupes majoritaires, il y a peut-être
une sensibilisation aussi plus grande - si c'est le cas - qui pourrait
être faite au niveau de ceux et celles qui pourraient être
intéressés à accéder à ces postes-là .
Est-ce que vous avez des chiffres?
Mme Usher: Nous avons passé deux ans en grande partie sur
cette question. Les choses qu'on peut constater maintenant après deux
ans d'analyse, c'est que ça commence même avec une connaissance
des emplois qui sont disponibles. D'accord? Cela touche les journaux où
ces emplois sont offerts; cela a étéamélioré depuis quelques mois. Il y a aussi le recrutement et
la sensibilisation face aux jeunes, qui n'étaient jamais faits, mais qui
se sont améliorés aussi récemment avec les efforts de
notre programme du conseil sur l'accès à l'emploi et aussi,
notamment, grâce aux efforts du Groupe de participation Québec qui
travaille face aux jeunes.
Ces deux choses fournissent une connaissance à savoir où
les emplois sont disponibles et c'est aussi une conscien...
M. Bédard: Conscientisation?
Mme Usher: Oui, c'est ça, une conscientisation du fait
qu'il y a un grand marché de travail qui n'est peut-être pas
tellement ouvert aujourd'hui, mais c'est là et nos jeunes auront la
même possibilité que d'autres de se présenter. Je l'admets,
c'est une lacune de la part de nos institutions éducatrices et le
Conseil des minorités du Québec admet que nous avons beaucoup
à faire concernant nos propres institutions. C'est aussi quelque chose
que nous revendiquons face au gouvernement. Peut-être que M. Chambers
voudrait ajouter quelque chose sur le programme.
M. Chambers (Geoffrey): Je veux simplement souligner que c'est un
mangue, c'est une question d'attitude qu'on voit aussi envers le gouvernement
fédéral. Il y a aussi des applications qui concernent le
gouvernement fédéral. Nous avons maintenant des programmes dans
les écoles et les cégeps pour donner de l'information et animer
les étudiants minoritaires, pour leur dire qu'il est possible de trouver
de l'emploi dans les services gouvernementaux. C'est face à un projet un
peu approprié aux services gouvernementaux eux-mêmes que les
institutions, comme le Conseil des minorités du Québec, peuvent,
de temps en temps, mettre sur pied des programmes pour améliorer la
disponibilité... (12 h 45)
M. Bédard: Les programmes et la sensibilisation des
groupes à l'existence de ces programmes.
M. Chambers: Oui, c'est très cher pour nous alors que le
gouvernement a les moyens de faire connaître ces programmes. Ce serait
beaucoup plus facile et beaucoup plus efficace.
M. Bédard: D'accord. Sur un autre point, parce que je ne
veux pas prendre tout le temps. Vous nous demandez d'introduire un nouvel
article concernant les droits des minorités; on pourrait avoir une
discussion assez prolongée sur le contenu même de ce que vous
proposez; vous nous demandez qu'il soit introduit au chapitre premier, d'une
façon tout à fait précise, mais où?
M. Leavy: Ã la fin du chapitre.
M. Bédard: Non. Ce que je voudrais savoir, c'est si c'est
le genre d'article sur lequel - s'il était introduit, je ne
présume pas de la décision, je ne veux pas - il y aurait un
pouvoir d'enquête de la commission. Comme vous le savez, notre charte,
des articles 9 Ã 38...
M. Leavy: Oui, j'accepterais qu'il y ait un pouvoir
d'enquête, mais je voudrais bien m'assurer qu'il y ait une
primauté en faveur
de ces dispositions à l'égard de lois subséquemment
adoptées par l'Assemblée nationale, ce qui n'est pas le cas avec
l'article 43 actuel.
M. Bédard: Ou cela peut être entre 1 et 8.
M. Leavy: Oui.
M. Bédard: Quant à la liberté de religion,
êtes-vous d'accord pour dire qu'elle est protégée
présentement par la charte en ce qui a trait aux groupes minoritaires
comme c'est le cas pour l'ensemble des citoyens?
M. Leavy: Oui.
M. Marx: C'est de compétence fédérale, de
toute façon. La religion, actuellement, est de compétence
fédérale. Il ne faut pas essayer de légiférer sur
la religion, ici.
M. Bédard: Non, mais est-ce que vous voulez nous proposer
d'enlever le mot "religion" Ã l'article 10?
M. Marx: Non, on peut le laisser, mais ça n'ajoute rien.
C'est là , c'est bon que ce soit là , mais cela n'ajoute rien.
M. Leavy: Disons qu'il y a certains aspects, concernant la
liberté de religion, qui sont...
M. Bédard: Comme le législateur ne doit jamais
légiférer pour ne rien dire...
M. Marx: C'est en théorie, M. le ministre.
M. Leavy: Je pense que vous avez soulevé une question
constitutionnelle fort intéressante, comme il y en a eu plusieurs
aujourd'hui. Il y a du moins certains aspects de cette liberté qui
relèvent de la compétence de l'Assemblée nationale.
M. Bédard: Je ne veux pas soulever un débat
constitutionnel.
M. Leavy: Oui, le droit constitutionnel.
M. Bédard: Je pense qu'on en parle suffisamment en dehors
de cette commission.
M. Leavy: Oui.
M. Bédard: Vous savez que plusieurs organismes ont
dénoncé les délais et le trop grand nombre d'instances
administratives dans le traitement des plaintes devant la commission. Vous
proposez une procédure nouvelle. Ne croyez-vous pas que cette
procédure nouvelle, à savoir un appel à la commission sur
rejet d'une plainte, tout cela alourdirait plutôt toute l'administration
d'autant plus que le recours aux tribunaux civils est toujours possible.
M. Leavy: Oui, mais je pense que le recours aux tribunaux civils
n'est pas très souvent utilisé. D'ailleurs, c'est
précisément parce que dans des cas de discrimination, c'est
tellement difficile du point de vue temps et aussi c'est dispendieux. Qu'on ait
mis sur pied dans l'ensemble des provinces canadiennes et au niveau
fédéral les procédures plus souples devant la Commission
des droits de la personne, le problème qui nous préoccupe, c'est
la situation où l'individu téléphone à la
Commission des droits de la personne, expose son problème et quelqu'un
à l'autre bout de la ligne dit: Non, cela ne relève pas de nous.
Qu'est-ce que cette personne fait, Ã ce moment? Il nous semble qu'il
doit y avoir une procédure, même si la procédure est
très sommaire, afin qu'il y ait une deuxième opinion quelque part
à laquelle cette personne aurait droit.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Parmi les groupes minoritaires au Québec, surtout
des anglophones, parce que je pense que le problème est vraiment
là , je dirais que pour comprendre le problème des anglophones
à Québec, dans la fonction publique, il y a des
similarités en ce qui concerne les problèmes que les francophones
ont subis à Ottawa avant l'accession de M. Trudeau au pouvoir.
Autrefois, à Ottawa, on trouvait très peu de francophones
et, quand les francophones ont dit: Comment se fait-il qu'il y a très
peu de francophones dans la fonction publique en général? La
réponse était toujours: II n'y a pas de discrimination, personne
n'a fait la demande. Pourquoi ne fait-on pas plus de demandes pour avoir plus
de francophones dans la fonction publique fédérale?
Le problème, au Québec, pour dire cela comme il faut,
c'est ça. On a utilisé des excuses auprès des femmes aussi
dans le ministère de la Justice, il n'y a pas de sous-ministre, de
sous-ministre adjoint, de sous-ministre associé femme. Je ne sais pas si
la raison, c'est parce que les femmes n'ont pas fait de demandes. Je ne sais
pas.
M. Bédard: Si vous voulez parler du ministère de la
Justice, vous pouvez prendre tous les organismes, vous verriez qu'il y a une
préoccupation tout à fait spéciale.
M. Marx: Le ministère de la Justice, c'est le meilleur
ministère au Québec et au
Canada. Le problème, c'est qu'il n'y a pas d'autres
fonctionnaires femmes dans votre
ministère ou très peu, quoique à la faculté
de droit de l'Université de Montréal, il y a beaucoup de femmes
étudiantes et j'imagine qu'éventuellement, elles vont faire des
demandes et éventuellement vous allez trouver des places.
Mais je pense que c'est trop facile de dire aux anglophones: Vous n'avez
pas fait de demandes. Vous savez que ça fonctionne - je ne sais pas dans
votre ministère, mais dans beaucoup d'organismes au Québec - par
le "old boy network". Cela veut dire que le gars qui engage connaît
quelqu'un, qui connaît quelqu'un, et ce sont des concours ouverts, mais
il y a beaucoup de gens qui sont placés. Même cela a
été fait pour des raisons politiques, comme je le lis dans les
journaux. Tout cela pour dire, M. le ministre, que si vous avez l'intention de
faire quelque chose il faudra faire plus que de dire que les groupes ne font
pas de demandes. Il y a des femmes dans mon comté qui ont des
diplômes universitaires et qui aimeraient travailler dans la fonction
publique québécoise, qui parlent français, peut-être
pas à 100%, mais je vais vous garantir que si elles remplissent les
formules, la paperasse, elles n'auront jamais un emploi. Il faut qu'elles
connaissent quelqu'un dans un organisme qui leur dise: II y a une ouverture,
faites une demande, on va voir, on va constituer un comité de
sélection et tout cela. On est tous dans la fonction publique, on sait
comment cela fonctionne.
M. Bédard: Sans faire une longue...
M. Marx: Je ne blâme pas le ministre, ni le gouvernement.
Ce n'est pas...
M. Bédard: Si vous me permettez simplement, je ne crois
pas avoir affirmé qu'il n'y a pas suffisamment de demandes, mais j'ai
cru opportun, étant donné que nous avions des groupes,
étant donné nos interlocuteurs de ce matin, de leur demander si
cela avait un fondement, cet élément, à savoir que le
milieu n'est peut-être pas suffisamment sensibilisé. Cela peut
vouloir dire que le gouvernement devra sensibiliser, beaucoup plus qu'une
action au niveau du milieu. Je m'en tiens à la réponse qui nous a
été faite par les groupes eux-mêmes qui viennent de
comparaître.
Mme Usher: Oui. Je tiens à souligner, M. Marx, qu'il y a
un "old girls' network" qui commence au Québec aussi.
M. Marx: Oui, mais ce n'est pas l'expression en anglais.
Voilà pour cette question. L'autre question qui m'a beaucoup
intrigué, c'est quand M. Leavy a posé le problème de
l'article 27 que le Canada a ratifié. Vous avez écrit que cet
article lie le Québec. Est-ce que cela veut dire que si le
Québec ne respecte pas cet article, le Canada pourrait être
traduit devant le comité parce que le pays n'a pas respecté
l'article? Est-ce que c'est ce que cela veut dire?
M. Leavy: En principe, le Canada s'est engagé
internationalement à l'égard non seulement de ses propres lois,
mais à l'égard des lois adoptées par les provinces. Cela a
été fait avec le consentement de toutes les provinces. C'est
d'ailleurs à cette condition que le Canada a ratifié le pacte en
1976.
M. Marx: Est-ce que les provinces étaient d'accord que cet
article leur soit appliqué?
M. Leavy: Toutes les provinces ont été d'accord
avec tous les articles tant du pacte sur les droits civils et politiques que
sur le pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels.
J'aimerais bien, et je pense que M. le ministre de la Justice...
M. Bédard: Ce serait intéressant de voir la
situation dans toutes les provinces.
M. Leavy: Oui, mais, M. le ministre de la Justice, laissez-moi
terminer pour jeter un peu de clarté. Il y a un autre article, si cela
peut vous aider à inclure un article du pacte dans la charte, qui est
l'article premier du pacte international tant sur les droits civils et
politiques que sur les droits économiques, sociaux et culturels. Vous le
connaissez, mais je le cite tout de même, cela peut vous aider Ã
adopter une attitude plus conciliante à l'égard du pacte.
L'article 1 dit: "Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes.
En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et
assurent librement leur développement économique, social et
culturel." Il y a de bonnes choses dans ce document; il ne faut pas avoir peur
du pacte.
M. Bédard: C'est intéressant, c'est très
intéressant ce que vous nous dites.
M. Marx: Je veux terminer sur cette question par une autre
question. Est-ce que la Belgique a aussi accepté cet article?
M. Leavy: La Belgique, je pense, n'a pas ratifié les deux
pactes. à ma connaissance, il y a très peu de pays
européens. La Belgique est évidemment liée par la
Convention européenne des droits de l'homme. C'est la convention de
1950. Vous savez que la cour, en 1968, s'est prononcée sur la fameuse
question, l'épineuse question de la langue d'instruction en Belgique. On
a décidé dans cette affaire que la Belgique pouvait avoir son
régime de répartition linguistique, quoiqu'il y ait un aspect de
ce
jugement très souvent mis de côté. C'est que la cour
a décidé que, si l'on met sur pied des systèmes publics
d'éducation dans les deux langues il faut que tous les citoyens belges
aient accès à ces deux systèmes sans discrimination
fondée sur la langue. En d'autres termes, à l'inverse, le
gouvernement belge n'est pas obligé de mettre sur pied des écoles
en langue française, mais, s'il existe des écoles publiques en
français, selon la Convention européenne des droits de l'homme,
tant les néerlandophones que les francophones belges ont le droit d'y
avoir accès sans discrimination fondée sur la langue. C'est un
aspect de ce jugement qui est très souvent mis de côté
lorsqu'on en parle, parce que évidemment, c'est un jugement auquel on a
très souvent recours au Québec pour soutenir tel ou tel argument
sur ces questions linguistiques. Je pense qu'il est important de souligner cet
aspect, parce que le régime linguistique scolaire au Québec n'est
pas semblable à cet égard au régime belge.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre, en concluant.
Excusez-moi. M. le député.
M. Beaumier: De toute évidence, M. le Président, on
s'en va vers une espèce d'accès à l'égalité
en ce qui concerne l'acceptation mutuelle, la reconnaissance mutuelle des
minorités et de la majorité au Québec. C'est heureux,
à l'ouverture que la majorité offre et exerce envers ces
minorités que, en parallèle et en contrepartie, on voie aussi, de
plus en plus, une grande ouverture des minorités envers la
majorité. C'est un événement heureux.
Ce que je voudrais tout simplement faire préciser, c'est que vous
avez dit que si votre proposition était acceptée dans la charte,
il y aurait une espèce d'impact sur la loi 101 et que la plupart des
articles, selon vous, en sortiraient indemnes. Ce qu'il m'intéresserait
de savoir, c'est ce qui ne sortirait pas indemne, Ã votre point de vue,
si la recherche a été faite.
Mme Usher: Cela prendrait la journée complète.
M. Leavy: Cela prendrait surtout une étude assez
fouillée des articles. Ce que j'ai dit, c'est que j'ai pensé,
à première vue, qu'une loi qui vise simplement Ã
créer une langue officielle et qui vise à utiliser la langue de
la majorité dans les institutions officielles ou dans les
activités publiques, en général, n'est pas contraire aux
normes internationales en matière de droits de la personne, y compris de
droit au respect des minorités. Mais je ne saurais vous donner, comme je
le disais, carte blanche à l'égard de tous les articles de la
loi. Je pense que, dans l'ensemble, la loi sortirait indemne, vu l'attitude que
les tribunaux ont prise en droit international à l'égard des
droits linguistiques des minorités. (13 heures)
Mais il se peut qu'en vertu de l'article que nous proposons pour la
charte, il y ait des dispositions de la loi 101 qui ne sortiraient pas
indemnes. Si les articles n'étaient pas condamnés ici parce qu'il
n'y a pas d'article, ces articles risqueraient d'être condamnés
aux Nations Unies parce que le même article 27 figure au pacte et que les
citoyens du Québec ont le droit de s'adresser au comité. S'il y a
des articles qui sont en violation de ces normes, vous aurez le choix ou de
vous faire condamner devant la Cour supérieure et de pouvoir rectifier
cette situation avant que la cause ne soit portée Ã
Genève, ou d'attendre de vous faire condamner Ã
Genève.
Le Président (M. Desbiens): Alors, nous...
M. Marx: ... Genève c'est plus qu'Ã
Montréal. Lovelace, ç'a pris combien d'années? Sept
ans?
M. Leavy: Oui, mais il y avait des considérations
spéciales. Il y en a d'autres qui se sont réglées plus
vite.
M. Marx: Est-ce qu'il y a d'autres causes ou actions venant
d'autres provinces ou du Québec devant le comité
international?
M. Leavy: Je sais qu'il y a d'autres causes, contre le Canada,
portées devant le comité; je n'ai pas tout le détail ici,
je ne sais pas exactement quel niveau de compétence est impliqué,
mais il y a d'autres causes qui sont devant le comité à l'heure
actuelle.
Le Président (M. Desbiens): II faut conclure.
M. Bédard: Je conclurai comme vous,
M. le Président, en remerciant nos intervenants de leurs
suggestions très intéressantes.
Mme Usher: Cela nous a fait plaisir d'être ici. Merci, M.
le Président, ainsi que MM. les membres de la commission.
Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions de votre
participation.
La commission élue permanente de la justice suspend ses travaux
jusqu'Ã 15 heures.
à la suite d'un consentement unanime, la commission reprendra ses
travaux à 15 h 30 et non à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 03)
(Reprise de la séance à 15 h 46)
Le Président (M. Desbiens): à l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente de la justice reprend ses travaux.
En l'absence du ministre de la Justice qui est retenu pour quelques minutes
encore au Conseil des ministres, Mme la ministre d'Ãtat à la
Condition féminine remplira sûrement cette charge.
M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Je voudrais faire une annonce très importante:
les Expos ont gagné 3 à 1.
Le Président (M. Desbiens): Maintenant on peut
respirer!
Mme Freeman, si vous voulez présenter les personnes qui vous
accompagnent, s'il vous plaît.
Coalition pour l'abrogation de l'article 97 de la
charte
Mme Freeman (Jody): Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis Jody
Freeman, pour la Coalition pour l'abrogation de l'article 97 de la Charte des
droits et libertés de la personne. Je vais vous présenter les
autres membres de la délégation pour la coalition: Germaine
Poirier de la CSN, Françoise Deschênes de la Ligue des femmes du
Québec, Patricia Steel de l'Association provinciale des enseignants
protestants, Ronald Dayman de l'Association pour les droits de la
communauté gaie du Québec et Esther Boskey de l'Association
provinciale des enseignants protestants.
Vu que notre mémoire n'est pas très long, on voudrait le
lire au complet, rapidement.
Le 8 avril 1980 a pris naissance la Coalition pour l'abrogation de
l'article 97 de la Charte des droits et libertés de la personne, en
raison du caractère discriminatoire et antidémocratique de cet
article de la loi. Notre coalition est formée d'un ensemble de groupes
syndicaux et populaires qui oeuvrent dans des secteurs d'intervention
très différents, mais qui se rencontrent au niveau de cette
revendication commune.
Ces organismes, qui représentent de larges secteurs de la
population québécoise et font partie de la coalition sur la foi
de mandats clairs, sont les suivants: l'Association pour les droits de la
communauté gaie du Québec; l'Association provinciale des
enseignants protestants; l'Association québécoise pour la
défense des droits des retraités et des
préretraités; Au bas de l'échelle; Carrefour des
associations des familles monoparentales; la Centrale des syndicats
démocratiques; la Centrale de l'enseignement du Québec, le
Comité de liaison des handicapés physiques du Québec; la
Confédération des syndicats nationaux; la
Fédération des femmes du Québec; la
Fédération des travailleurs du Québec; le Forum des
citoyens âgés de Montréal; la Ligue des droits et
libertés et la Ligue des femmes du Québec.
Nature et origine de l'article 97. L'article 97 de la charte se lit
comme suit: "Les articles 11, 13, 16, 17 et 19 de la présente charte ne
s'appliquent à un régime de rentes ou de retraite, à un
régime d'assurance de personnes ou à tout autre régime
d'avantages sociaux que si la discrimination est fondée sur la race, la
couleur, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique
ou nationale ou la condition sociale."
En clair, ces quelques lignes veulent dire que la discrimination dans le
domaine des assurances et avantages sociaux est permise, et pourquoi pas
encouragée, sur la base des critères suivants: sexe, état
civil, orientation sexuelle ou le fait d'être une personne
handicapée ou d'utiliser un moyen pour pallier son handicap, lesquels
constituent les quatre autres motifs de discrimination interdits par la charte
actuellement. Cette invitation à la discrimination se retrouve
ironiquement à l'intérieur d'une loi qui a pour objectif de la
combattre. Comment a-ton pu en arriver là ?
Lorsque le gouvernement libéral a présenté le
projet de charte, le projet de loi no 50, en 1975, toute la question de la
discrimination dans les avantages sociaux et assurances faisait l'objet de
l'étude d'un comité de travail gouvernemental - Boutin, du nom de
son président - lequel avait été mis sur pied
principalement à la suite de requêtes en ce sens
présentées par le Conseil du statut de la femme. Cet article 97
fut donc présenté à l'époque comme étant une
disposition transitoire que le bon sens commandait d'approuver puisque le
gouvernement travaillait, par ailleurs, activement à ce dossier dans le
but avoué d'éliminer la discrimination dans ce secteur
d'activité. C'était en 1975. Depuis, la Charte des droits et
libertés de la personne a été sanctionnée en juin
1975 puis mise en vigueur en juin 1976.
Le comité Boutin a présenté un rapport final au
gouvernement du Québec en décembre 1976. Plusieurs organisations,
notamment des groupes de femmes et des groupes syndicaux, ont demandé au
gouvernement de modifier la charte à cet égard. La Commission des
droits de la personne et le Conseil du statut de la femme ont fait de
même. Il est inacceptable que la charte demeure inchangée
après toutes ces études et discussions. Il est inacceptable que
le législateur n'ait pas encore répondu favorablement Ã
ces multiples requêtes.
Pourquoi abroger l'article 97? Les régimes d'assurances et
d'avantages sociaux privés sont bien souvent des documents
discriminatoires à leur face même et cela, sans qu'ils soient pour
autant passibles d'être jugés illégaux. Il y a de la
discrimination subtile, lorsqu'elle s'appuie sur des données
actuarielles dont on oublie trop souvent qu'elles ne sont pas immuables, mais
qu'elles sont étroitement reliées à la conjoncture
économique, politique et sociale. C'est souvent le cas pour les
discriminations quasi institutionnalisées sur la base du sexe et de
l'état civil. En ce domaine, les données actuarielles semblent
acceptables alors qu'il ne viendrait à l'idée de personne de
fonder des différences dans les avantages sociaux entre, par exemple,
les pauvres et les riches, les Noirs et les Blancs, même si l'on sait que
les premiers présentent des taux de morbidité plus
élevés ou meurent plus jeunes.
Il y a la discrimination grossière aussi puisque, aux yeux de la
loi, celle-là aussi est permise. Nul besoin alors d'utiliser d'une
façon discriminatoire des données actuarielles. On n'a
qu'à s'installer au plus creux des stéréotypes et des
préjugés sociaux.
L'article 97 de la charte doit être abrogé pour deux
raisons: D'une part, cet article est contraire à l'esprit de la charte
dont l'objet est de préserver un ensemble de droits démocratiques
et cela de façon égale, selon que l'on fasse partie de telle ou
telle catégorie d'individus. Tous ont les mêmes droits et peuvent
les exercer dans la mesure où ils ne nuisent pas à l'exercice des
droits de leurs concitoyens. à partir de cette prémisse, la
charte interdit spécifiquement toute discrimination qui s'exercerait sur
la base d'un des motifs interdits de discrimination. Le secteur
d'activité "travail" est tout particulièrement l'objet des
attentions du législateur car plusieurs articles lui sont
consacrés.
Or, l'article 97, en permettant la discrimination dans le domaine des
assurances et des avantages sociaux, permet officiellement ce que l'ensemble de
la charte a pour mission d'interdire. Cela est particulièrement
manifeste au niveau du secteur travail car les assurances collectives
constituent un aspect important des conditions de travail et de
rémunération.
D'autre part et en corollaire, l'article 97 va directement contre la
lettre d'autres articles de la Charte des droits et libertés de la
personne. 1. L'article 10 qui énumère des motifs interdits de
discrimination. 2. L'article 13 qui invalide tout contrat comportant
discrimination. 3. L'article 19 qui prescrit de payer un même salaire et
traitement à des travailleurs faisant des travaux équivalents. 4.
L'article 56 qui spécifie que les mots "traitement" et "salaire"
incluent les compensations ou avantages à valeur pécuniaire se
rapportant à l'emploi. Pour des raisons de cohérence interne,
l'article 97 doit donc être abrogé.
Soulignons que la présence de syndicats revendiquant des
régimes non discriminatoires ne constitue pas la seule solution Ã
cette lacune de la Charte des droits et libertés de la personne. 37%
seulement de la main-d'oeuvre québécoise est syndiquée et
80% des travailleurs du secteur privé ne le sont pas. Parmi cette
main-d'oeuvre syndiquée dans le secteur privé, il arrive souvent
que les régimes d'avantages sociaux ne sont tout simplement pas
négociés. Ils sont imposés par l'employeur. Sont-ils
soumis à la négociation que l'employeur ne se rendra pas
nécessairement à la logique syndicale et que la
négociation se terminera par une entente impunément
discriminatoire. Ironie du sort, même les employés de
l'Ãtat, les enseignants, bénéficient (sic) d'un
régime discriminatoire sur la base de l'état civil.
Quelques exemples de discrimination. Nous avons parlé de
façon générale de la discrimination dans les
régimes d'avantages sociaux et d'assurances. Rappelons quelques exemples
plus fréquents de discrimination auxquels se heurtent de larges
proportions de Québécois et Québécoises, sans
disposer de quelque recours que ce soit.
La discrimination sur la base du sexe dans les conditions de retraite:
les femmes doivent prendre leur retraite plus tôt que les hommes, paient
des cotisations et ont des rentes moins élevées ou, tout en
payant des cotisations égales ont quand même des rentes moins
élevées sous le prétexte de leur
longévité.
La discrimination sur la base du sexe dans les avantages de nature
familiale, concernant le conjoint et les dépendants de l'assuré:
rente au conjoint et enfants survivants, paiement des frais médicaux non
couverts par les membres de la famille, etc., Ã l'avantage des
travailleurs masculins seulement, la notion de chef de famille ne se conjuguant
qu'au masculin.
La discrimination sur la base du sexe dans le traitement des maladies ou
des interventions de nature gynécologique au chapitre de
l'assurance-invalidité-maladie: la grossesse, la maternité et
d'éventuelles complications liées à ces dernières
sont souvent exclues des régimes, de même que des
opérations relevant de la contraception ou stérilisation.
Il y a de la discrimination sur la base de l'état civil dans les
avantages de nature familiale qui ne s'adressent qu'aux conjoints
légalement mariés, les conjoints dits de droit commun, les
célibataires et leurs enfants dits naturels ou même adoptifs
étant discriminés. Il y a de la discrimination sur la base de
l'orientation sexuelle dans les avantages de nature familiale au profit des
conjoints: les couples homosexuels ne sont jamais reconnus.
Il y a finalement la discrimination sur
la base du handicap physique ou mental dans les régimes
d'assurance-vie personnelle qui refusent d'assurer les personnes physiquement
handicapées et ceci, sans faire de distinction entre un handicap non
dégénérescent et une maladie
dégénérescente et sans tenir compte des capacités
réelles de vie de ces personnes, pas plus que de leurs
possibilités de réadaptation. De plus, une personne physiquement
handicapée qui visite régulièrement son médecin
pour quelque raison que ce soit ne peut obtenir que très difficilement
une assurance personnelle sur hypothèque des banques.
Les régimes publics. Nous ne voulons pas passer sous silence le
fait que l'article 97 de la charte permet aussi que la discrimination s'exerce
à l'intérieur même des régimes d'assurances publics:
régime de rentes, d'assurance-maladie, d'indemnisation des victimes
d'accidents du travail, d'actes criminels, d'accidents d'automobiles. Par
régimes publics, nous désignons également les
régimes des employés de l'Ãtat ou des
sociétés publiques et parapubliques négociés et
faisant l'objet de législations: ex. RREGOP.
Il ne faudrait pas croire que ces régimes sont exempts de
discrimination et, notamment, les régimes couvrant les employés
de l'Ãtat, particulièrement sur la base de l'état civil.
Enfin, la discrimination sur la base de l'orientation sexuelle (les conjoints
étant nécessairement parties de couples
hétérosexuels) sévit dans l'ensemble des régimes
publics négociés ou non.
Conclusion. En conséquence de ce qui précède, nous
recommandons l'abrogation de l'article 97 de la charte, mais nous ne voulons
pas que l'abrogation de cet article crée un vide qui ouvrirait la porte
à de multiples interprétations. Ãtant donné que
notre objectif fondamental est d'éliminer toute discrimination dans les
avantages sociaux, il nous semble nécessaire que la charte soit claire
à cet égard. Dans ce sens, nous proposons qu'un article
interdisant la discrimination dans les avantages sociaux y soit inclus.
Enfin, bien que ce mémoire ne concerne strictement que l'article
97, les groupes ici représentés ont, pour plusieurs d'entre eux,
de nombreuses revendications d'amendements à la charte ou des
recommandations à faire sur l'application de cette législation.
Après cinq ans d'expérience, il n'est certainement pas trop
tôt pour que tous les groupes concernés par les droits
démocratiques aient l'occasion de faire connaître leur point de
vue. (16 heures)
Nos recommandations. 1. Abrogation complète de l'article 97 de la
Charte des droits et libertés de la personne. 2. Inclusion, aux articles
11 Ã 19 de la charte, d'un nouvel article interdisant toute
discriminatoire dans les avantages sociaux tels que: Nul ne peut exercer de
discrimination dans un régime de rentes ou de retraite, un régime
d'assurance de personnes ou dans tout autre régime d'avantages sociaux.
En conséquence, il faut aussi modifier les articles 69 et 87. 3.
Modification des législations et régimes publics dans le sens de
l'abolition de toute discrimination, en concordance avec la charte telle
qu'amendée.
Le Président (M. Desbiens): Merci. Mme la
députée de La Peltrie.
Mme Marois: Je remercie Mme Freeman, au nom des membres de la
commission, d'avoir représenté la coalition et d'avoir
présenté ce mémoire qui, je pense, est bref, mais tente de
bien faire le point sur ce que vous défendez aujourd'hui.
J'aimerais que vous reveniez sur ce que vous semblez décrire et
que d'autres ont décrit avant vous au niveau des calculs basés
sur les données actuarielles, sur la discrimination subtile dont il
s'agit dans ce type de calcul, si c'était possible, pour
synthétiser et ramasser ce qui vous paraît être les
éléments les plus importants autour de cela.
Mme Freeman: Quant aux études actuarielles, il me semble
que jusqu'Ã maintenant, les autres intervenants aujourd'hui tiennent
pour acquis que les études actuarielles sont complètement
objectives. Il nous semble que si quelqu'un décide de se servir des
études actuarielles pour faire des distinctions entre les femmes et les
hommes en ce qui concerne les avantages sociaux, ils font un choix tout
à fait politique. Dans le sens que les études actuarielles sont
basées sur l'expérience du passé. Il nous semble logique
de croire que plus les conditions de vie et de travail des hommes et des femmes
s'égalisent, plus les différences actuarielles vont diminuer. Il
y a un aspect très relatif à ces études actuarielles.
Elles ne sont pas inchangeables, elles ne sont pas fixées dans le
ciment. Elles changent absolument selon les conditions de vie et de travail des
personnes impliquées.
Deuxièmement, les choix politiques sont faits actuellement par
rapport aux études actuarielles. Par exemple, comme on l'avait
souligné dans notre mémoire, il n'y a pas de différence
dans les avantages sociaux entre les Noirs et les Blancs ou entre les riches et
les pauvres, et cela malgré les études actuarielles. On
décide, dans ces cas, pour des raisons politiques, et pour nous, des
raisons justes aussi, de mettre de côté les études
actuarielles afin de promouvoir la justice. Est-ce que cela répond
à votre question?
Mme Marois: Oui, cela répond très bien. D'ailleurs,
cela m'a un peu frappé dans votre mémoire, l'exemple des Noirs et
des Blancs.
M. Freeman: C'est très drôle qu'on trouve cela
raciste par rapport aux Noirs ou élitiste par rapport aux pauvres, mais
qu'on ne trouve pas cela sexiste par rapport aux femmes.
Mme Marois: Je vous remercie. Ãvidemment, Ã la
suite de la modification que vous suggérez, et dans le cadre de votre
mémoire, on sait que différentes difficultés
d'interprétation risquent de surgir. Que ce soit relativement Ã
la définition du conjoint de fait, on sait que ce n'est pas toujours
facile, qu'il faut se donner des règles qui comportent toujours de toute
façon un certain arbitraire, qu'on parle d'un conjoint légitime
ou d'un conjoint de fait. Pour pallier un peu cela, il y a des organismes qui
ont suggéré qu'un pouvoir réglementaire soit confié
à la commission et portant sur ces questions.
Est-ce que, de votre côté, vous croyez nécessaire de
réglementer cette question, d'une part? Sinon, on pourrait
peut-être évaluer quelles seraient les conséquences d'une
non-réglementation. Est-ce qu'il n'y a pas un risque à ce moment
que l'arbitraire joue davantage qu'il ne joue maintenant, puisqu'on sait qu'il
joue de toute façon maintenant?
Mme Freeman: Je vais parler aux autres membres de cela.
Je regrette, la coalition ne s'est pas prononcée
là -dessus. En ce qui concerne la définition du conjoint, je pense
qu'il y a déjà des...
Mme Marois: La coalition a touché à un certain
nombre de choses, mais la coalition ne s'est pas penchée sur cette
question.
Mme Freeman: Oui. Au niveau du Code civil, par exemple, il y a
déjà des règles établies pour définir ce qui
constitue un conjoint. Je ne peux pas dire quelle est notre position au nom de
la coalition, parce que...
Mme Marois: Cela va, vous ne vous êtes pas
arrêtés à cette question. Peut-être une
dernière question, je vais laisser la parole à mon
collègue de D'Arcy McGee. On sait qu'actuellement il y a des
régimes -c'est ce que vous remettez en question - de rentes Ã
prestation déterminée. Ãvidemment, les données
actuarielles étant ce qu'elles sont - c'est vrai pour d'autres
catégories de population ici, on parle particulièrement des
hommes et des femmes, mais on pourrait parler d'autres catégories de
population - on sait qu'il faudra compenser d'une quelconque façon le
déficit actuariel que cela crée, si on veut, si le montant de la
rente devient le même et ce peu importe le taux de mortalité.
Craignez-vous que cela ait des effets négatifs ou le voyez-vous tout
simplement comme le rétablissement d'un droit?
Mme Freeman: On le voit comme le rétablissement d'un
droit. S'il s'agit des problèmes au niveau des coûts que cela
implique, plusieurs membres de la coalition se sont déjÃ
prononcés pour une redistribution de ces coûts, comme le font
actuellement les travailleurs sur le marché du travail qui assument des
frais des personnes âgées qui ne sont plus maintenant sur le
marché du travail, etc.,
Mme Marois: Donc, vous êtes consciente qu'effectivement il
y a une participation supplémentaire qui sera demandée aux
cotisants au régime.
Mme Freeman: Oui.
Mme Marois: Cela va. Je vous remercie, Mme Freeman.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Quand l'Assemblée nationale a adopté la
Charte des droits, on a prévu l'article 97 à l'époque
comme une disposition temporaire. Je trouve votre demande assez simple; c'est
bien normal que l'on abroge cet article.
Mme Freeman: Je vous remercie.
M. Marx: L'Opposition demande au gouvernement depuis 1977
d'abroger cet article, mais je ne sais pas pourquoi il n'a pas pris cet
engagement; il était pris avec d'autre chose, peut-être.
Maintenant que la ministre d'Ãtat à la Condition
féminine...
Mme Marois: Vous permettrez cependant que...
M. Marx: Je voudrais vous poser une question; après cela,
vous pourrez répondre à tout.
Mme Marois: Je répondrai à ce moment-là .
M. Marx: Nous avons la ministre d'Ãtat à la
Condition féminine ici et je pense que ce serait l'occasion pour le
gouvernement de prendre l'engagement d'abroger cet article. C'est Ã
vous, ce n'est pas à un homme de prendre l'engagement.
Mme Marois: Vous continuez comme vous avez fait avec mon
collègue. Je pense que l'on s'est bien entendu: ce sont les
règles d'une commission parlementaire publique de l'ordre de celle que
l'on tient maintenant d'être à l'écoute et je pense que
notre assiduité, nos interventions le prouvent. Alors, dans ce
sens-là , je pense bien répondre au nom de mon collègue
qu'on reçoit toutes les recommandations qui sont
présentées et qu'on verra si on y a donné suite au moment
où on déposera un projet.
Je voudrais vous mentionner que, dans votre programme électoral,
même si on ne veut pas faire de politique, vous recommandiez l'adoption
du rapport Boutin. C'est un petit peu contradictoire par rapport à une
position que vous semblez défendre.
M. Marx: On n'était pas élus. Mme Marois:
Non, évidemment.
M. Marx: Sur l'engagement, j'ai entendu votre excuse, mais je
n'ai pas compris votre raisonnement. Sur le principe, je pense que c'est bien
simple de dire à tout le monde, à toutes les
Québécoises aujourd'hui: Oui, le gouvernement va abroger
l'article 97, quitte à trouver la plomberie le cas échéant
pour que cette question soit réglée d'une façon
efficace.
Mme Marois: Je pense que cela deviendrait un peu, jusqu'Ã
un certain point, ridicule...
M. Marx: Demandez...
Mme Marois: ... de poser cela au départ, je le
répète, dans une commission publique où on vient entendre
des groupes qui font des représentations dans un sens ou dans l'autre.
Disons que vous connaissez mon préjugé favorable et qu'on verra
comment on pourra répondre à toutes les attentes qui ont
été exprimées et qui seront exprimées dans les
jours qui viennent, parce que l'on sait qu'on a encore plusieurs groupes
à recevoir.
M. Marx: Ma dernière remarque, c'est: Je n'ai pas entendu
quelqu'un dire qu'il faut garder l'article 97 tel quel, personne.
Mme Marois: On verra s'il n'y en a pas certains qui le
diront.
M. Marx: Si le gouvernement n'est pas prêt à rendre
cet engagement aujourd'hui ou cette semaine ou la semaine prochaine, cela veut
dire qu'il y a un risque que l'article soit maintenu dans la charte. C'est cela
que ça veut dire.
Mme Marois: Vous me permettrez de constater que c'est votre
conclusion.
M. Marx: C'est la conclusion logique de vos remarques.
Mme Marois: Enfin, c'est celle que vous croyez logique.
Mme Freeman: On avait dit très consciemment qu'on voulait
qu'un nouvel article soit inclus parmi les articles 11 Ã 20 pour que cet
article soit couvert par les pouvoirs d'enquête de la Commission des
droits de la personne.
M. Marx: Ce sera automatique. Si on biffe l'article 90, ce sera
automatique et ce ne sera pas nécessaire d'avoir un autre article.
Mme Marois: C'est ça. à partir du moment où
il y a le constat que certains régimes ne sont pas conformes aux
règles déjà énoncées, aux grands droits
fondamentaux et aux grands articles de base, il va de soi que, Ã ce
moment-là , la commission peut intervenir pour agir dans ce cas.
Mme Freeman: S'il n'y a pas un article qui précise que,
dans les avantages sociaux, aucune discrimination ne doit être faite, on
a réellement peur, surtout après les discussions qu'on a eues
avec le ministre Bédard au mois de mars dernier, qu'une personne qui se
voit victime de discrimination dans les avantages sociaux soit obligée
de porter plainte à la commission et que ce soit devant un tribunal que
l'interprétation de la charte sera tranchée. On demande des
indications claires dans la charte pour aider la commission dans son
fonctionnement et aussi pour aider les plaignants à éviter des
démarches trop longues, etc.
Mme Marois: Comme je ne suis pas juriste, mais que c'est le cas
de mon collègue de D'Arcy McGee, peut-être pourrait-il vous
apporter une réponse plus correcte et qui, peut-être,
répondrait vraiment à la question que vous soulevez.
M. Marx: Je pense que, sur le plan juridique, il serait suffisant
de biffer l'article 90. Il y aura deux raisons, pour le juge, de dire qu'on ne
peut faire de discrimination dans ce sens. Premièrement, c'est couvert
par l'article 10 et, deuxièmement, il va dire: C'était permis
avant, mais, maintenant, le législateur a biffé l'article, donc,
l'intention du législateur est bien claire. Mais il va de soi, comme
vous l'avez dit, que ça pourrait être contesté. Vous savez
que tout se plaide dans les cours, et le législateur ne peut
empêcher les gens de plaider quoi que ce soit. Mais si c'est bien clair,
j'espère qu'ils ne plaideront pas des choses juste pour
perdre de l'argent dans les procès judiciaires. Mme Marois:
Oui. Mme Freeman: Merci.
Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions de votre
participation aux travaux de cette commission.
Mme Marois: Merci beaucoup.
Le Président (M. Desbiens): J'inviterais maintenant
l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes Inc. Ã
s'approcher, s'il vous plaît.
Chambre de commerce du Québec
à la suite d'une entente, c'est la Chambre de commerce du
Québec qui sera entendue à ce moment-ci. La Chambre de commerce
du Québec est représentée par M. John Mooney.
M. Phillips (Roger): Merci, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. Phillips, si vous voulez
présenter les gens qui vous accompagnent. (16 h 15)
M. Phillips: Mon nom est Roger Phillips, je suis
vice-président de premier rang de la Chambre de commerce du
Québec. J'ai, aujourd'hui, l'honneur de présider notre
délégation. Celle-ci est composée de M. Pierre Morin
à ma droite, directeur général aux affaires publiques, M.
John Mooney, avocat, directeur de la législation et M. Pierre Lemieux,
conseiller en communication à la chambre.
Permettez-moi d'abord de vous transmettre en bloc nos recommandations
pour revenir par la suite sur certaines considérations.
La Chambre de commerce du Québec vous propose ni plus ni moins
qu'un réexamen en profondeur de la Charte des droits et libertés
de la personne. Ce réexamen doit s'appuyer sur la distinction entre les
droits fondamentaux et les droits contingents. Ces derniers visent d'abord
à protéger l'inviolabilité des premiers, et les droits
fondamentaux doivent dicter la portée et les limitations des droits
contingents que le législateur promulguera.
Plus spécifiquement, la Chambre de commerce du Québec
recommande que: 1. Les droits et libertés énumérés
aux articles 1 à 9 de la charte actuelle prévalent sur toute loi
antérieure et postérieure du gouvernement du Québec. 2. Un
corollaire de cette recommandation est que toute atteinte aux droits
fondamentaux énumérés aux articles 1 à 9 de la
charte puisse faire l'objet d'un recours devant les tribunaux de droit commun
et que soit déclarée nulle et ultra vires toute mesure
législative portant atteinte à l'un de ces droits.
Dans le domaine des droits contingents, la chambre recommande au
législateur: 3. D'établir que le critère de base de la
discrimination est une inégalité de traitement résultant
directement d'une forme de discrimination interdite par la loi.
Au sujet des propositions spécifiques soumises au
législateur, la chambre recommande de: 4. Concernant l'action positive:
a) Permettre à un tribunal de droit commun d'imposer des programmes
d'action positive seulement comme mesure curative à une discrimination
démontrée. b) Permettre aux organismes privés et publics
d'adopter volontairement des programmes d'action positive comme mesure curative
exclusivement. c) Ne pas amender la charte selon le projet de loi 24. 5.
Concernant l'égalité du traitement, modifier l'article 10 de la
charte pour remplacer "équivalent" par le mot "égal". 6.
Concernant les avantages sociaux, statuer qu'une différence de
contribution en fonction du risque n'est pas discriminatoire si elle procure
des avantages égaux. 7. Concernant l'âge comme motif de
discrimination illicite, d'éviter d'ajouter l'âge aux motifs de
discrimination illicite de la charte, étant donné toutes les
exceptions qu'il faudrait alors prévoir. Si on voulait prohiber la
discrimination selon l'âge, il faudrait plutôt le faire dans les
lois sur le travail. 8. Bien tenir compte de l'impact économique, aussi
bien sur les individus que sur les entreprises et l'administration, de la
promulgation de nouveaux droits contingents.
Ces recommandations faites, revenons maintenant à des
considérations plus générales. Puisque l'Assemblée
nationale n'a pas à étudier une proposition législative
précise, comme un projet de loi, nous présumons nous adresser au
législateur plutôt qu'au gouvernement et à l'Opposition.
Nous vous demandons de faire une présomption semblable à notre
endroit.
La chambre est un organisme à caractère
socio-économique. Or, elle ne vient pas d'abord vous entretenir de
chiffres, de coûts, mais plutôt de questions de principe. C'est
surtout à ce niveau que nous souhaitons voir accueillir notre
intervention.
Comme préalable, vous constaterez que nous remettons en cause la
protection actuellement accordée aux droits fondamentaux au
Québec. C'est notre conviction qui est étayée de quelques
exemples d'atteintes apparentes. Mais, au-delà de ces exemples, nous
avons aussi
conscience de véhiculer deux autres messages très
précis dans le contexte actuel. Si la chambre vous demande de
légiférer, c'est non seulement qu'elle croit que la charte est
perfectible, c'est aussi qu'elle croit que c'est cette Assemblée qui
peut et qui doit protéger les droits fondamentaux de la personne, sinon
nous ne serions pas ici cet après-midi et nous irions porter notre
message devant un autre Parlement.
Ceci dit et étant donné le contexte actuel, il nous
paraît impératif de consacrer ces libertés et ces droits
fondamentaux dans les plus brefs délais. Nous savons que cela va
occasionner des problèmes à l'Ãtat et aux employeurs, mais
ce sera là le prix à payer pour assurer une protection
adéquate de ces droits. Actuellement, la charte constitue bien plus une
loi antidiscriminatoire qu'une véritable charte des droits
fondamentaux.
Le deuxième point sur lequel la chambre vous demande de statuer,
c'est sur la distinction claire qui doit exister entre les droits fondamentaux,
qui ne peuvent souffrir aucun compromis, et les droits contingents qui, eux,
sont conditionnés par toutes sortes de considérations sociales ou
économiques et qui ont généralement un caractère
évolutif.
La troisième question de fond, qu'il faut aussi résoudre,
c'est savoir si le législateur recherche ultimement
l'égalité de traitement ou l'égalité des
résultats dans l'exercice des droits contingents. La chambre opte
résolument pour l'égalité de traitement. Elle est
consciente que s'il s'agit là d'une démarche plus difficile, plus
ardue et surtout plus compromettante dans les faits que l'égalité
des résultats ou les apparences, les statistiques peuvent plus
facilement donner bonne conscience.
Voilà , M. le Président, les trois questions
préalables auxquelles nous venons chercher des réponses. Par la
suite, nous pourrons entrer dans les discussions plus spécifiques de
programmes d'action positive et de nouveaux motifs de discrimination
illicite.
Permettez-moi donc de conclure sur une question bien précise:
Qu'entend faire le législateur pour assurer la protection des
libertés et des droits fondamentaux de la personne? Merci.
Le Président (M. Desbiens): Merci. Mme la
députée de La Peltrie.
Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président. J'ai
beaucoup de questions à poser, mais je vais essayer de me limiter
à un certain nombre d'entre elles. J'en ai une, entre autres, alors que
vous rejetez carrément, me semble-t-il, les propositions qui sont faites
sur les programmes d'action positive, de redressement, d'accès Ã
l'égalité, selon le nom par lequel on veut bien l'appeler pour
l'instant, on s'entendra sur le langage plus tard, est-ce que vous avez des
modèles à suggérer? Si c'était le cas, de quel type
de modèles s'agirait-il? Et ceci -je ne peux pas m'empêcher de le
dire, je l'ai fait avec d'autres groupes ce matin nonobstant le fait que la
preuve a été apportée par des pays qui ont vécu
dans des systèmes où, d'abord, l'action positive était
permise par des chartes et par des lois, et sur une base volontaire, alors
qu'il en a résulté des échecs dans la majorité des
cas.
Donc, si j'extrapolais encore davantage, ce que vous dites, c'est qu'il
n'y a pas de discrimination systémique, cela n'existe pas. Donc,
pourquoi viendrait-on la corriger? Peut-être que cela vous permettra
d'expliquer davantage votre position, ce que je soulève comme question.
Pour moi, c'est assez ambigu.
M. Phillips: M. Morin.
M. Morin (Pierre): M. le Président, je dois donc
présumer que les questions que nous avons posées à cette
commission demeureront elles-mêmes sans réponse. Nous allons quand
même tenter d'y revenir un peu plus tard parce que nous avons certaines
questions de fond. Pour répondre de façon précise Ã
la question qui nous est posée, nous ne nous opposons pas, si une
lecture adéquate est faite de notre mémoire, au contraire,
à des programmes de redressement ou à des programmes d'action
positive. La deuxième partie de la question, c'est quel modèle
choisit-on. Le modèle que nous avons retenu est
précisément le modèle américain, où il y a
peut-être une expérience plus riche qui existe. Il y a certaines
affinités et proximités qui permettent une juxtaposition de
modèles beaucoup plus adéquate que ceux qui sont contenus dans
les propositions, entre autres, mais pas exclusivement, de la Commission des
droits de la personne.
Pour vous parler de la distinction que nous établissons,
cependant, c'est que nous proposons que les programmes d'action positive soient
ou bien imposés par une cour de justice une fois que preuve a
été faite de discrimination - c'est alors essentiellement du
ressort d'un tribunal de droit commun de l'imposer - ou encore, volontairement,
par un organisme ou par une entreprise qui constate elle-même, avec
preuves suffisantes, qu'il y a chez elle discrimination. Cela tient compte
à la fois de ce que l'on peut appeler de la discrimination
systémique. Il faut bien noter cela. Le problème, c'est comment
établit-on la preuve de la discrimination systémique? On dit
qu'il faut que cette preuve soit quand même établie. Effectivement
- je vois le député hausser les épaules un peu - ça
ne s'établit pas par des statistiques parce que, si vous voulez
l'établir par des statistiques, à ce moment, le corollaire de
ça, c'est que vous recherchez, de l'autre côté, des
résultats statistiques et, à ce moment, effectivement,
cela ne peut pas se traduire autrement. Si, d'une part, vous vous servez de
statistiques pour établir la preuve, de l'autre côté, le
correctif sera apporté par d'autres statistiques. à ce moment, il
faut se poser une question: Recherche-t-on une société
homogénéisée? Si je peux me permettre un cas: Est-ce de la
discrimination systémique que les électeurs du
député de D'Arcy McGee soient un regroupement particulier et
particulièrement fort dans son comté? Est-ce que cela en est?
Mme Marois: Je ne dis pas que votre exemple est fort bien choisi,
mais enfin.
M. Morin (Pierre): Non. Parce qu'il est aussi bien choisi. Vous
pourriez aussi bien invoquer que, par exemple, la concentration de la
population italienne dans la ville de Saint-Léonard est le
résultat d'une discrimination systémique, en vous basant aussi
sur des statistiques.
Mme Marois: Quand on parle de discrimination systémique,
on ne parle pas que d'éléments statistiques. C'est beaucoup plus
large que ça. On dit: Cela nous permet de le rendre visible comme
phénomène. Cela va? Et je pense qu'on le sait et on le constate,
cela le rend visible comme phénomène, mais c'est beaucoup plus
large que ça, cette notion de discrimination systémique. Je ne
voudrais pas qu'on la réduise à un ensemble de données
statistiques qui devraient apporter comme résultat des objectifs
statistiques à fixer au bout. Ce n'est pas non plus dans le sens des
interventions qui sont faites dans une perspective où on est davantage
d'accord, si on veut, avec des programmes de redressement progressif;
absolument pas. Je trouve que c'est fausser le débat, finalement, que de
ne le mettre que sous cet angle fort restreint. C'est beaucoup plus large que
ça. Il faut lire tout ce qu'a fait la commission autour de ça. Il
faut lire l'ensemble des remarques ou des analyses qui ont été
faites dans des documents antérieurs.
Il ne faudrait pas faire dire des choses qui n'ont pas été
dites. (16 h 30)
M. Morin (Pierre): Mais, M. le Président, je crois qu'il
faudra d'abord et avant tout admettre que cette visibilité statistique
est le principal critère sur lequel on se fonde pour établir
l'existence de la discrimination. Effectivement, on me rappelle ici que le seul
critère possible de démonstration de la supposée
discrimination systémique est statistique. En définitive, il est
statistique.
M. Marx: ... situation actuelle. Je pense qu'on a eu comme
intervenantes des femmes qui étaient ici pour dire que la discrimination
existe. Donc, cela appuie les statistiques.
Mme Marois: Cela vient les confirmer, mais si vous regardez
certains des mémoires qui ont été présentés
hier, que ce soit par le groupe Au bas de l'échelle et
particulièrement par Action travail des femmes, j'irais dans le sens du
député de D'Arcy McGee, c'est-à -dire que les statistiques
viennent confirmer des choses. Finalement, dans le document de la Commission
des droits de la personne, on va beaucoup plus loin que cela. Je vais vous lire
un extrait. On parle du comité du Sénat américain
chargé d'étudier cette question, qui soumet un rapport où
il parle de la discrimination en emploi: "La discrimination en emploi, telle
que nous la percevons aujourd'hui, est un phénomène beaucoup plus
complexe et durable. Les experts décrivent habituellement le
problème en termes de "systèmes" et de "résultats"
plutôt qu'en termes de dommages intentionnels, et la littérature
portant sur ce sujet est remplie de discussions sur, par exemple, la
mécanique de l'ancienneté et des lignes de progression, sur la
perpétuation de l'effet actuel de pratiques discriminatoires... " C'est
évident -on ne se chicanera pas longtemps - qu'on peut le constater
à l'aide d'analyses statistiques.
M. Morin (Pierre): On peut aller plus loin. On peut même,
M. le Président, à ce moment-là ... Une personne qui est
l'objet de cette discrimination que l'on qualifie de systémique peut
effectivement alléguer devant une cour de justice qu'elle a
été l'objet de discrimination, et c'est précisément
ce que nous disons. Elle va devoir, cependant, faire la preuve qu'elle a
été l'objet de discrimination. Si c'est aussi évident que
la ministre l'indique, effectivement, ce sera reconnu, ce sera corrigé
et cela devra être corrigé.
Mme Marois: Je vais revenir sur une chose. En soi, le mot le dit,
on parle de discrimination systémique, donc, due à un
système. On demande à un individu d'avoir le fardeau de prouver
que le système l'a discriminé; donc, on continue Ã
fonctionner sur la base individuelle, alors qu'on reconnaît dès le
départ que c'est le système en soi. Là , il n'y a pas de
mauvaise volonté des individus dans un système, c'est
socioculturel et c'est dans ce sens que c'est plus large.
M. Morin (Pierre): Me permettez-vous d'ouvrir seulement une
parenthèse?
Le Président (M. Desbiens): M. Morin.
M. Morin (Pierre): La déclaration de la ministre est
particulièrement importante. Pour nous, la charte, c'est la Charte des
droits et libertés de la personne, et si vous regardez l'article
10...
Mme Marois: J'aime cela...
M. Morin (Pierre): Non, non. Il faut bien s'entendre
là -dessus.
Mme Marois: ... je trouve cela passionnant.
M. Morin (Pierre): Je crois que ça l'est, effectivement,
parce que ce sont ces questions qu'on vient soulever aujourd'hui. La charte,
dans son contexte actuel, Ã l'article 10, parle bien de la personne qui
ne peut faire l'objet de discrimination, et non pas d'un groupe. C'est
là tout un débat de fond qui doit avoir lieu, mais si je suis la
logique que nous avance la ministre, qui est une logique qui se tient, c'est
celle de la discrimination par identification à un groupe. Or, nous
disons - et on vous demande de l'accueillir - que ce dont parle la charte
actuellement et ce dont elle devrait continuer de parler, c'est la
discrimination dont est l'objet une personne parce qu'elle appartient Ã
un groupe quelconque, et non pas, au départ, la discrimination dont est
l'objet un groupe. Je vous signale, M. le Président, que c'est une
question de fond très profonde qui est présentement
débattue aux Ãtats-Unis et âprement débattue.
Mme Marois: D'abord, malgré que je ne sois pas juriste il
y a un certain nombre de choses que je sais. Ainsi, on sait qu'en droit le
singulier comprend le pluriel, mais ça revient au même, que vous
le preniez par un bout ou par l'autre, on arrive aux mêmes conclusions.
Dans toute la Charte des droits et libertés de la personne, et vous
insistez beaucoup sur la personne, c'est toujours la personne en relation avec
d'autres personnes; sinon, on n'aurait pas de discrimination. C'est une
personne qui vit dans une collectivité, qui vit dans une
société et, dans le fond, on va très loin quand on parle
de discrimination systémique, on dit: C'est une société
qui a permis que ça soit possible. C'est beaucoup plus large comme
concept, je me répète et on se répète, mais je
pense que c'est ça qu'on dit.
M. Morin (Pierre): Je vais tenter de le dire en d'autres mots qui
expriment mieux notre position, étant donné que les neuf premiers
articles de la charte ne jouissent d'absolument aucune protection, même
pas la préséance, et ils sont qualifiés de droits
fondamentaux, pourtant ils ne jouissent même pas de l'avantage de la
préséance. Nous demandons la primauté, qui va beaucoup
plus loin que ça, mais c'est une chose... On se retrouve donc avec une
charte dont l'articulation est à l'article 10. Là , en fait, on
dit que la personne a droit à la jouissance des droits fondamentaux et
des libertés fondamentales sans discrimination, préférence
ou distinction fondée sur certaines appartenances que l'on pourrait
qualifier de groupes, mais cela pose d'abord le principe que la personne est
égale et ce même principe n'est pas consacré.
Il est là le problème, M. le Président, et c'est
celui-ci qu'on vient soulever devant cette commission aujourd'hui, c'est le
fond de notre mémoire. C'est que l'égalité de la personne
n'est pas consacrée, il y a des formes de discrimination que le
législateur a déterminées être illicites mais, au
départ, la véritable égalité de la personne n'est
pas consacrée. On vous cite une série d'exemples au début
où il y a des atteintes évidentes aux droits fondamentaux de la
personne au Québec. Après ça, on peut commencer Ã
parler des autres choses mais, au départ, je pense qu'il faut poser et
consacrer le principe que les personnes sont égales. à ce
moment-là , vous avez des correctifs contre la discrimination
systémique.
Mme Marois: Je vais y revenir. Je vais juste vous lire le
préambule de la Charte des droits et liberté: "Considérant
que tout être humain possède des droits et libertés
intrinsèques, destinés à assurer sa protection et son
épanouissement; "Considérant que tous les êtres humains
sont égaux en valeur et en dignité et ont droit à une
égale protection de la loi...
Je ne vois pas comment on pourrait le consacrer davantage et je pense
qu'en soi, la charte le consacre, et ce dans l'ensemble de ses dispositions. Si
on est ensemble ici, c'est pour essayer encore de l'améliorer, de la
bonifier, sinon, on ne serait pas ici.
M. Morin (Pierre): M. le Président, en réponse
à la ministre, je vais lui citer l'article 52, qui dit que les articles
9 à 38 prévalent sur toute disposition d'une loi
postérieure qui leur serait contraire. Donc, de 1 à 9, en y
incluant le préambule, ce n'est pas couvert. Si vous allez, je crois,
à l'article 87 traitant des sanctions: infractions et peines,
Commet une infraction: a) quiconque contrevient aux articles 10 Ã
19.
Vous pouvez donc, contrevenir au préambule, aux articles 1
à 9 inclusivement sans même que ça constitue une
infraction. C'est là le problème qu'on vient soulever
aujourd'hui, c'est un problème de fond.
Mme Marois: Je pense que, sur l'inclusion d'articles, c'est
d'ailleurs une
chose qui est déjà aussi soulevée par la commission
et c'est une chose sur laquelle, de toute façon, on a l'intention de se
pencher. Comme j'ai déjà pris un peu de temps, je vais
lâcher un peu ce bout et je vais poser une autre question; mais
j'aimerais y revenir cependant, M. le Président, à la fin,
lorsqu'on aura terminé un autre tour de table, et j'aimerais que vous me
donniez un exemple de droit contingent par rapport à un droit
fondamental.
M. Morin (Pierre): Peut-être que l'exemple qui me vient le
plus rapidement à l'esprit, c'est le droit au travail. Le droit au
travail existe pour autant qu'il y a du travail. Il est contingent dans ce
sens. Il existe dans la mesure où il y a du travail. Je m'excuse,
l'exemple est très péremptoire, mais c'est le cas.
Mme Marois: Est-ce que la charte ne vient tout simplement pas...
Enfin, à mon point de vue, elle vient reconnaître
l'égalité de tous et de toutes devant le travail. C'est un droit
fondamental, nonobstant les ressources disponibles pour y répondre
à un moment ou à l'autre de la vie d'une collectivité.
C'est vrai pour autre chose, mais cela ne remet pas en cause le droit
lui-même.
M. Morin (Pierre): M. le Président, je pense que je dois
revenir un peu sur l'exemple que j'ai donné, il est un peu trop
péremptoire. Essentiellement, ce que nous appelons les droits
contingents, c'est ce que nous appelons les mesures antidiscriminatoires. Vous
aurez remarqué, par exemple, qu'on fonde à l'article 10 la
non-discrimination. Prenons un cas, le sexe. Pourtant, Ã l'article 26,
s'il était absolu, ce droit, il ne pourrait jamais y avoir aucune
distinction fondée sur le sexe. Or, à l'article 26, le même
législateur dit: En régime carcéral, on doit
établir une distinction. C'est normal, c'est accepté. On donne un
autre exemple. Vous avez modifié la charte en 1980 pour les orientations
sexuelles; parfait, mais il faut quand même reconnaître que ce
droit que vous avez consacré comme droit contingent en 1980, dix ou
douze ans plus tôt il était dans l'illégalité,
c'était criminel au Canada. Ce sont des droits qui sont
évolutifs. Ce sont des droits où, à un moment
donné, la société s'entend pour dire: Parfait, il faut
respecter cela, il faut se donner un code qui assure, qui vient préciser
la nature de l'égalité. C'est dans ce sens. Il vient
préciser la nature de l'égalité.
Mme Marois: Vous avez répondu à ma question et en
même temps à ma préoccupation. Comme je dis, on est assis
à la table ici pour bonifier la charte qui est devant nous, avec
laquelle on vit depuis un certain temps, et qui doit aussi tenir compte de
l'évolution d'une société et des constats que la science
et que la connaissance nous permettent de faire vis-Ã -vis de cette
société. Je remets juste en exergue un peu la notion de
discrimination systémique. Je termine pour l'instant, je reviendrai plus
tard.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Si je comprends bien votre mémoire, vous voulez
renforcer les droits fondamentaux, mais vous voulez en même temps
diminuer ou au moins pas élargir les causes de discrimination. C'est le
fond de l'affaire.
M. Morin (Pierre): Non, M. le Président.
M. Marx: Ce n'est pas cela, le fond de l'affaire? Je peux vous
citer votre mémoire.
M. Morin (Pierre): Citez-nous. Si nous sommes mal cités,
nous allons corriger. D'ailleurs, nous avons une correction Ã
apporter.
M. Marx: Peut-être que j'ai mal compris. Au début,
vous avez dit qu'il faut que les articles 1 Ã 9 aient une
préséance sur toute autre loi du Québec. D'accord?
M. Morin (Pierre): C'est "primauté" qui est
utilisé.
M. Marx: Primauté, oui. Après cela, à la
page 9, c'est écrit: "Elle nous amène à remettre en
question deux projets de la CDPQ: l'interdiction de nouvelles formes de
discrimination pour motif d'âge, ainsi que dans le cas des régimes
d'avantages sociaux; et les programmes de discrimination positive." Donc, vous
ne voulez pas au moins élargir les causes de discrimination.
M. Morin (Pierre): Non, ce n'est pas tout à fait le cas.
Vous verrez l'argumentation qu'on consacre au chapitre sur l'âge, ainsi
que celui sur les avantages sociaux; effectivement, on ne se ferme pas Ã
la discussion. On remet en cause l'approche de la commission, mais non pas le
fond.
M. Marx: Donc, vous êtes pour la non-discrimination
à cause de l'âge et pour la non-discrimination en ce qui concerne
les régimes d'avantages sociaux. Vous êtes pour les programmes de
discrimination positive. C'est cela?
M. Morin (Pierre): Effectivement, c'est bel et bien ce que nous
disons si vous allez dans nos recommandations. Cependant, nous avons une
interprétation. Je vais prendre un
par un chacun des points. (16 h 45)
Dans le cas des programmes d'action positive, nous disons que la
définition de l'action positive doit être curative et non pas,
comme le dit la commission dans son texte, un remède
préférentiel. Entendons-nous tout de suite sur les termes.
M. Marx: Cette distinction ne fait aucune différence pour
moi, je m'excuse.
M. Morin (Pierre): Elle a une énorme différence
pour nous. Je pourrai revenir tantôt sur la jurisprudence.
M. Marx: C'est-Ã -dire qu'aujourd'hui, on constate que les
femmes ne sont pas traitées de la même façon que les hommes
et qu'il y a une inégalité quant à sa place au travail.
Pour mettre les femmes sur le même pied d'égalité que les
hommes, il faut avoir des programmes d'action affirmative, mais vous êtes
contre cela, n'est-ce pas?
M. Morin (Pierre): Non.
M. Mooney (John): Vous dites que vous constatez que les femmes ne
sont pas traitées comme les hommes, mais où constatez-vous cela
exactement?
M. Marx: J'ai parlé aux femmes qui sont ici, c'est
très simple.
M. Mooney: Non, mais en général.
M. Marx: J'ai vu cela où j'ai travaillé.
M. Mooney: Oui, d'accord, vous pouvez faire...
M. Marx: Ã la limite, j'aimerais savoir combien de femmes
vous avez à la Chambre de commerce de Québec.
M. Mooney: On a une femme à l'exécutif. Mais
laissez-moi apporter une argumentation.
M. Marx: Oui.
M. Mooney: Vous pouvez dire que dans la société, de
façon générale, les femmes sont moins bien traitées
que les hommes, qu'il y a une évolution qui se fait de ce
côté et que cela s'améliore. D'accord. Mais, au niveau d'un
secteur de l'économie, dans une industrie, comment pouvez-vous dire que
cet employeur fait de la discrimination, si vous n'avez pas un procès
où l'employeur peut faire valoir ses points et dire: M. le juge, il n'y
a pas de discrimination. Si ce n'est pas un juge qui statue qu'il y a
discrimination et si ce n'est pas un juge qui statue sur le programme de
redressement, là , vous allez bafouer un droit fondamental assez
important, c'est-à -dire le droit d'être entendu et le droit de
faire valoir sa cause, parce que, s'il y a des employeurs qui font de la
discrimination, il y en a qui n'en font pas. Si vous faites cela par secteurs
de l'économie, par règlement, vous allez pénaliser des
employeurs, vous allez imposer à certains employeurs des programmes de
redressement, une ingérence assez phénoménale souvent dans
une industrie à un employeur qui ne fait pas de discrimination et qui
n'aura jamais l'occasion de faire valoir son point de vue, qui ne pourra pas
dire à un juge: M. le juge, il n'y en a pas. On ne peut pas
présumer de la discrimination. On peut en conclure au niveau d'une
société, on ne peut pas la présumer dans un secteur de
l'économie chez un employeur, parce que, là , on crée une
injustice. C'est grave de présumer que quelqu'un fait de la
discrimination, je pense qu'on n'a pas le droit de le faire.
M. Marx: II y a la présomption que tout le monde a agi de
bonne foi, c'est cela la présomption du Code civil, mais...
M. Mooney: Oui, c'est très important, surtout que la
discrimination, c'est une infraction pénale ici. C'est grave de dire
à quelqu'un qu'il fait de la discrimination.
M. Marx: Quand on constate dans une faculté quelconque
qu'il a seulement 2%, 1% ou 3% de femmes, c'est...
M. Mooney: C'est facile, allez devant un juge et dites: M. le
juge, dans cette faculté, il y a 2% de femmes. Vous avez tout de suite
un bon argument. Le juge va vous écouter et il va accepter cet argument.
Mais ne le faites pas par règlement, ne donnez pas à un corps
gouvernemental le pouvoir énorme de dire qu'un employeur fait de la
discrimination, quand cela ne sera pas vrai des fois. Un corps gouvernemental a
son interprétation de la loi qui n'est pas toujours la même que
celle du juge, comme on l'a vu souvent dernièrement devant les
tribunaux.
M. Marx: Dans ce sens, vous avez fait une recommandation pour
permettre à un tribunal de droit commun d'imposer des programmes
d'action positive comme mesure curative. Ce qu'on dit en droit, c'est que ce ne
serait pas "manageable" pour une cour d'agir dans ce sens. Une cour ne peut pas
administrer un tel programme. On a déjà vu cela aux
Ãtats-Unis. Le juge n'a pas les outils...
M. Mooney: II peut quand même...
M. Marx: ... les études, le juge chez nous, il...
M. Mooney: Quelle est la solution à cela? Donner cela
à un corps gouvernemental qui a une philosophie bien précise et
qui souvent est en contradiction avec beaucoup d'employeurs? Vous ne pouvez pas
régler le problème de cette façon.
M. Morin (Pierre): M. le Président, c'est trop.
M. Marx: On peut décider à qui remettre cela
après... mais je dirais que c'est impossible pour un juge d'administrer
un tel programme.
M. Mooney: On ne peut pas sacrifier la justice pour des raisons
administratives comme cela, surtout à ce niveau.
M. Marx: Mais je ne sacrifie rien. Le Président (M.
Desbiens): M. Morin.
M. Morin (Pierre): M. le Président, je pense que c'est un
peu trop. Actuellement, nos cours de justice, nos cours de droit commun
administrent des jugements. Vous avez les rapports présentenciels, s'il
s'agit de criminels, vous avez des recommandations faites par les avocats sur
la sentence et le juge, effectivement, statue et peut invoquer par la suite
à la fois d'autres actions pénales ou même le mépris
de cour, si le jugement n'est pas suivi. Alors, dire que ce n'est pas
"manageable", que ce n'est pas administrable m'apparaît un peu gros,
d'une part. D'autre part, nos tribunaux ont tendance de plus en plus Ã
se spécialiser et, effectivement, il y a toute une série de
principes en cause; c'est pourquoi nous recommandons que cela soit entendu par
les tribunaux de droit commun.
Si vous me le permettez, je vais répondre aux deux autres parties
de la question du député de D'Arcy McGee, mais je vais
compléter d'abord une réponse à la première. S'il
lit bien, Ã la page 12, l'extrait du jugement du juge Brennan, extrait
ou partie du jugement qui, lui, a été maintenu en Cour
suprême aux Etats-Unis, même si l'objet a été
renversé, mais cette partie du jugement a été maintenue,
je crois que cela est notre position et je crois qu'il y a Heu de voir les
nuances qui y sont faites, d'une part.
D'autre part, vous parliez aussi, après les programmes de
redressement ou d'action positive, des avantages marginaux. Ce que nous disons
sur les avantages marginaux, c'est qu'en autant que le législateur dise
clairement que l'établissement d'une prime en fonction d'un risque n'est
pas discriminatoire, il pourrait alors abolir l'article 90. Est-ce que l'on se
comprend bien?
M. Marx: Pourriez-vous répéter... non, parce que
j'ai pris une note sur quelque chose.
M. Morin (Pierre): En autant que le législateur dise bien
que l'établissement d'une prime fondée en fonction du risque
n'est pas discriminatoire, il y aurait lieu d'abolir l'article 90.
M. Mooney: Je voudrais reprendre un peu et peut-être...
M. Morin (Pierre): Justement, si vous avez lu le mémoire,
vous verrez dans le mémoire que la trame de fond est
l'égalité de traitement. Essentiellement, le choix que nous avons
retenu, c'est l'égalité de traitement. Or, dans les avantages
marginaux, cela voudrait dire qu'il ne peut y avoir aucune discrimination quant
à l'accès, aucune discrimination quant aux avantages.
L'établissement d'une prime ou d'une cotisation qui, elle, est
fondée sur des risques objectifs, des risques différents
objectifs, n'est pas discriminatoire. D'accord?
M. Marx: D'accord.
M. Morin (Pierre): Je suis heureux de vous entendre dire
"d'accord" parce c'est beaucoup, ce que vous venez de dire là .
M. Marx: Oui, je vais prendre cela en
délibéré. Moi, je suis comme le ministre, je n'aime pas en
dire trop.
M. Morin (Pierre): S'il faut le répéter encore une
fois, j'irai, mais cela s'appuie sur un principe d'égalité de
traitement, parce que si vous avez une prime égale pour tout le monde,
à ce moment-là , vous avez effectivement inégalité
de traitement. Il y a quelqu'un qui va subventionner quelqu'un d'autre.
M. Marx: Comme moi, j'ai une police d'assurance et je n'ai jamais
eu de feu; à côté, ils ont eu plusieurs feux, je
subventionne ces gens.
M. Morin (Pierre): C'est une question de répartition du
risque; effectivement, c'est ce que c'est.
M. Marx: Je ne suis pas un mauvais étudiant.
M. Morin (Pierre): La troisième question concerne
l'âge, que le député de D'Arcy McGee a soulevé, la
discrimination. Or, il faut bien voir que, dans les propositions soumises
à cette commission, lorsqu'il est question de l'âge, il s'agit
surtout ou essentiellement de non-discrimination de l'âge ou pour motif
d'âge dans l'emploi. Sinon, si on pose le principe fondamental de
non-
discrimination pour raison d'âge ou pour motif d'âge, comme
on le dit dans notre mémoire, vous ne pourriez pas empêcher un
jeune de 14 ans d'aller dans un débit de boisson, vous ne pourriez
pas...
M. Marx: Ce n'est pas cela le droit.
M. Morin (Pierre): Comment pourrait-on justifier, M. le
Président, qu'il y ait des tarifs différents dans les transports
en commun pour les écoliers de moins de 18 ans et pour les personnes de
plus de 65 ans, comme c'est le cas actuellement, s'il ne peut y avoir de
discrimination fondée sur le motif d'âge.
M. Marx: Cela peut être fondé sur un motif de
ressources. Il y a la loi canadienne sur le tabac qui empêche les mineurs
d'acheter des cigarettes. Je comprends cela comme étant une
classification raisonnable entre adultes et enfants. Ã un moment
donné, le législateur a tiré la ligne et a dit: Ce n'est
pas bon pour les enfants de fumer; quant aux adultes, ce n'est pas bon pour eux
non plus, mais on va les laisser fumer.
M. Morin (Pierre): Je remercie le député de D'Arcy
McGee, justement, de démontrer ce qu'est un droit contingent. Une fois
que vous avez établi un principe général dans un droit
contingent, vous vous apercevez qu'il y a toutes sortes de
considérations qui entrent en ligne de compte. Nous, on dit: Sur les
droits contingents, c'est fait, effectivement, le compromis; sur les droits
fondamentaux, il n'y a pas de compromis. Comme ce qui est soulevé devant
vous, c'est surtout l'âge dans le travail, on dit qu'il serait beaucoup
plus opportun de mettre ça dans les lois du travail, si le
législateur décide de le faire. On ne dit pas: Non, non, n'y
touchez pas; on dit simplement: II n'est peut-être pas approprié
de le mettre dans la charte. Ce n'est pas du tout une opposition de fond, c'est
une opposition bien plus de forme ou de situation où ça doit
être.
M. Marx: Ce n'est pas nécessairement seulement dans le
monde du travail. Pourquoi n'admet-on pas, à la faculté de
médecine, les gens qui ont 45 ans? C'est une forme de
discrimination.
J'aimerais revenir à une autre question. J'ai dit que ce ne
serait pas administrable que les tribunaux s'occupent des programmes d'action
positive, et j'ai fait cette déclaration sans citer la jurisprudence, je
m'excuse. Maintenant, je vais citer la Cour suprême du Canada qui a dit,
vraiment, qu'il serait impossible d'administrer des programmes de ce genre.
Vous savez qu'il y a une déclaration canadienne des droits où il
y a l'égalité de traitement de tous les
Canadiens en ce qui concerne les lois fédérales. Nous
avons l'avortement qui est possible, mais, dans les faits, si vous voulez subir
un avortement, vous devez aller plutôt à Montréal que dans
la région du ministre de la Justice. Il y a plus de cliniques Ã
Montréal qu'à Chicoutimi. C'est plus facile dans certaines villes
que dans d'autres. Cela, c'est une inégalité de traitement en ce
qui concerne les Québécois au Québec.
Dans l'affaire Morgentaler, on a demandé à la Cour
suprême d'administrer cette loi sur l'avortement qui se trouve dans le
Code criminel et d'ordonner qu'il y ait des cliniques d'avortement partout au
Québec et que les Québécoises bénéficient
d'un régime d'égalité en ce qui concerne l'avortement. Le
juge en chef Laskin de la Cour suprême a dit: Faire ça, ce ne
serait pas administrable par la cour. Dans ce sens, peut-être avez-vous
raison de dire que ce serait possible, mais les juges ont déjÃ
dit que, pour eux, ce serait très difficile. Aux Ãtats-Unis,
où les cours ont administré le "busing", ça n'a pas
tellement bien fonctionné. Je vois que vous êtes pour les
programmes d'action positive, mais j'aimerais vous dire que ce serait
très difficile d'atteindre le but visé en donnant
l'administration de ces programmes aux tribunaux, et surtout à nos
tribunaux, qui n'ont aucune expérience dans ce domaine. Pour moi, ce
serait une situation très difficile.
M. Phillips: M. le Président, on ne parlait pas de
l'administration. Je vais tenter de présenter notre argument dans un
autre domaine. Les juges, dans nos cours criminelles, ont certains pouvoirs,
mais ils ne sont pas obligés d'administrer nos prisons. Ce qu'on avait
proposé, c'est qu'un tribunal de droit commun puisse imposer des
programmes d'action positive. Mais on n'a pas dit que ce seraient ces
cours-là qui administreraient ces programmes. C'est la distinction qu'on
veut faire. (17 heures)
M. Marx: Parfait, je vous remercie.
Mme Marois: Est-ce qu'il y a d'autres collègues...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Nicolet.
M. Beaumier: J'essaie de comprendre, j'espère que je vais
réussir. C'est comme si on avait deux approches de la conception de la
société, si je comprends les choses. Une approche un peu
idéale, dans le sens qu'on tient pour acquis que tous les gens sont
égaux, et, dans les faits, les gens sont égaux. à ce
moment-là vous aimeriez que l'intervention de programmes de redressement
arrive s'il y a effectivement culpabilité, au
fond, discrimination. C'est bien ça?
L'autre approche, qui semble plus réaliste, c'est que nous vivons
dans un monde où il y a dans les faits des inégalités.
à ce moment-là la discrimination n'a plus un sens négatif
comme tantôt, ou n'est pas à la remorque de choses qui ne sont pas
correctes. La discrimination devient positive. Qu'est-ce qu'on fait quand il y
a des inégalités, qu'elles soient rapportées par des
statistiques ou qu'elles soient rapportées par des témoignages?
Qu'est-ce qu'on fait?
En ce sens-là , je résumerais comme ceci: II y a deux
formes d'intervention. Une intervention qui serait à la remorque de
faits issus de situations vécues ou rapportées par des gens qui
disent: LÃ , il y a eu discrimination. Ou l'autre qui prend l'initiative,
constatant des inégalités, de mettre sur pied, et peut-être
sous une forme plus ou moins obligatoire, des corrections, parce qu'on ne part
pas d'une société pure, on part d'une société
où il y a des inégalités.
Je pense que ce sont les deux conceptions, qui s'affrontent. Est-ce que
je résume bien la distinction?
M. Morin (Pierre): M. le Président, il y a effectivement
deux conceptions qui ne s'affrontent peut-être pas, mais qui ne se
comprennent pas tellement bien. Je vais essayer de sortir un tout petit peu de
cela parce que ça devient très compliqué.
Prenons un exemple que l'on vit aussi à tous les jours dans nos
journaux, le débat Nord-Sud. Je m'excuse de sortir un peu des droits,
mais il faut le faire, je pense, pour illustrer ce dont on parle. Les pays
sous-développés veulent - c'est relativement récent -
eux-mêmes corriger les inégalités en disant:
Ãcoutez, c'est bien beau, on veut bien que vous nous aidiez, mais on
veut vous dire comment et quoi faire quand vous nous aidez. Et non pas
l'inverse, parce que la grande plainte qu'il y a dans le débat Nord-Sud,
c'est que les pays riches imposent aux pays pauvres la façon dont ils
les aident. Je ne sais pas si l'exemple... Je vais le ramener dans ce
cas-là , on va aller directement au vif du débat. D'accord?
On est bien conscient que les inégalités existent. Non
seulement on en est conscient, mais on croit à cette
réalité-là et on veut les corriger. Ce n'est pas sur la
volonté de les corriger, c'est sur le moyen et d'où on part pour
les corriger... Excusez-moi, je ne suis pas certain que je comprends ma note,
mais il s'agissait ici de quelque chose sur l'approche réaliste sur
laquelle je voulais intervenir.
Il y avait un jugement que le député a posé
à savoir l'approche plus réaliste qui est celle de corriger par
de la discrimination positive. Je crois bien citer le député en
répétant ces mots et c'est là où nous, on accroche.
On dit: II faut corriger, mais la correction ce n'est pas de la discrimination
positive, c'est de la correction. Je ne sais pas si vous voyez la nuance, la
distinction...
M. Marx: Commencer avec aujourd'hui et pas corriger ce qui s'est
passé jusqu'à aujourd'hui?
M. Morin (Pierre): Non, non, il s'en est passé et il faut
le corriger.
M. Bédard: C'est plus que cela.
Mme Marois: II y a juste une chose cependant. Peut-être que
le député a utilisé l'expression "discrimination
positive", mais si vous regardez tous les textes qui ont été
présentés, on ne parle pas de discrimination positive, mais
d'accès à l'égalité, de redressement progressif,
d'action positive. C'est justement pour bien clarifier qu'on ne parle pas de
discrimination à rebours. Ce qu'on voudrait faire dire au programme de
redressement progressif et ce que ce n'est pas... Je m'excuse...
M. Morin (Pierre): Sauf que la preuve va être faite sur la
discrimination antérieure.
Mme Marois: Oui.
M. Morin (Pierre): C'est difficile de la faire autrement. Ce
qu'on dit, c'est qu'on pourrait établir la preuve sur la discrimination
antérieure, mais il faudra qu'il soit démontré que cette
discrimination a bien touché les personnes visées. à ce
moment-là , vous évitez d'introduire un caractère
préférentiel - c'est le mot clé, dans le fond - dans les
programmes d'action positive. Je vous ramène essentiellement Ã
cette partie du jugement du juge Brennan qui est cité à la page
12, où il dit et je traduis "L'arbitraire qui a fait que certaines
personnes ont été avantagées par des pratiques
discriminatoires, ce n'est pas de la préférence que de tasser ces
gens pour corriger la situation..." C'est là essentiellement la nuance;
elle semble être difficilement comprise, mais il est extrêmement
important que le programme d'action positive, le programme de redressement
n'ait pas un caractère préférentiel, mais qu'il ait un
caractère curatif. C'est ce que nous venons dire. Il faut que ce soit
curatif et non pas au cas où il y aurait eu de la discrimination.
Au moins, si on peut s'entendre sur les termes, on pourra être en
désaccord sur quelque chose où on sait où chacun loge,
mais on est bien conscient que ce sont des notions où on traite
essentiellement de divers aspects de la vertu. On est tous pour la vertu. On
traite de divers aspects de la vertu et comment s'applique la vertu. Mon
président me signale qu'il aurait un petit commentaire Ã
ajouter.
M. Phillips: Oui. Si on peut regarder encore la page 26 de notre
mémoire, quand on parle de permettre à un tribunal de droit
commun d'imposer des programmes d'action positive seulement comme mesure
curative, j'aimerais vous citer un exemple. Ce qu'on propose, c'est qu'il
serait nécessaire d'aller à un tribunal de droit commun avant que
quelqu'un puisse imposer au gouvernement de la province un programme qui serait
destiné à changer le pourcentage des anglophones dans la fonction
publique. Il faudrait prouver que la raison pour laquelle il y a très
peu d'anglophones dans la fonction publique a été la
discrimination. C'est notre point. Du fait qu'il n'y en ait pas tellement,
c'est à cause de beaucoup de raisons, culturelles ou autres, je ne sais
trop lesquelles, mais il faudrait prouver que c'est une discrimination. Si j'ai
bien compris ce qu'on propose, il ne serait pas nécessaire de prouver
cette affaire. C'est le type d'argument qu'on veut présenter.
Le Président (M. Desbiens): Mme la députée
de La Peltrie.
Mme Marois: Bon, une dernière intervention. On semble
vouloir faire dire à l'action positive, au redressement progressif, peu
importe le terme qu'on utilise - je l'ai retrouvé dans les mots d'une
des deux personnes qui sont intervenues - qu'à compétence
inégale pour résoudre le problème de discrimination qu'il
y a eu par le passé, on va choisir la personne la moins
compétente, compte tenu qu'elle est de tel groupe. Ce n'est absolument
pas ce qui est dit et je voudrais bien m'assurer qu'on a la même
compréhension. C'est fort différent, ce qu'on dit. On dit:
à compétence de valeur égale, équivalente, on va
privilégier, dans certains cas, compte tenu d'une discrimination du
système, telle personne. Cela semblait ambigu.
M. Morin (Pierre): Effectivement, on est tout à fait
d'accord avec cela, sauf pour un critère qui n'est pas mentionné
et où nous allons un peu plus loin. Nous disons que si une personne,
étant donné qu'il y a eu un choix, se voyait de compétence
égale et que ses services n'ont pas été retenus, croit
qu'il y a eu discrimination à son endroit, elle pourra s'adresser
à un tribunal de droit commun pour en faire la preuve. C'est ce qu'on
dit.
Mme Marois: Ce sera toujours possible de le faire. Ce qui est
dit, d'autre part, c'est que, n'ayant pas eu de mauvaise foi de la part des
personnes impliquées dans le système, mais le système
ayant provoqué les effets qu'on lui connaît, ce qui est dit c'est
qu'on doit l'aborder de façon plus globale.
Je pense que ça termine, M. le Président. Je veux
remercier les membres de la Chambre de commerce qui sont venus présenter
le mémoire. Cela a permis des débats intéressants qui
pourraient sûrement se poursuivre. Je le fais au nom du ministre de la
Justice en même temps. Il pourrait ajouter son mot.
M. Bédard: Simplement m'excuser de ne pas avoir
été présent au moment de la présentation de votre
mémoire. Je connais très bien une des trois personnes qui sont
ici pour déposer au nom de la Chambre de commerce. Je pense que vous le
croirez, c'est un engagement un peu spécial qui a fait que je n'ai pu
être présent. Nous lirons votre communication avec beaucoup
d'attention. Merci.
Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions.
Je demanderais maintenant au groupe dont le mémoire est
intitulé William M. Mercer de se présenter en avant. Nous allons
suspendre la séance pour une minute.
(Suspension de la séance à 17 h 12)
(Reprise de la séance à 17 h 15)
Le Président (M. Desbiens): La commission reprend ses
travaux. M. le ministre.
M. Bédard: Tout d'abord, je voudrais m'excuser
auprès de certains groupes parce qu'il y a beaucoup de chambardements
dans l'ordre du jour. Je voudrais que tout le monde en sache la raison. Une
fête juive fait que dans le respect de cette circonstance, il nous a
fallu intervertir le rang de certains groupes où se trouvaient des
participants juifs pour leur permettre de célébrer leur
fête - Yom Kippour, c'est cela? - selon leurs traditions. On s'en excuse
vraiment.
Je voudrais également remercier M. Mercer de permettre que
l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes soit entendue
dès maintenant devant cette commission. Peut-être qu'en fin de
compte ce sera une bonne chose d'entendre les représentants des
assurances dans un premier temps - c'est une remarque qui m'a été
faite - et ensuite pouvoir entendre M. Mercer concernant l'ensemble des
données actuarielles. Vous aurez le tableau complet des
représentations qui nous seront faites.
Association canadienne des compagnies d'assurances de
personnes
Le Président (M. Desbiens): Je demanderais Ã
l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes Inc., de
s'approcher de la table, s'il vous plaît.
M. Massicotte (René): Bonjour, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. Girard? M. Claude
Girard?
M. Massicotte: Je m'appelle René Massicotte.
Le Président (M. Desbiens): D'accord.
M. Massicotte: Je suis un membre du bureau de direction de
l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes Inc.
Le Président (M. Desbiens): M.
Massicotte, je vais vous demander de présenter les personnes qui
vous accompagnent, s'il vous plaît.
M. Massicotte: Certainement, M. le Président. Je voudrais,
avant cela, si vous me le permettez, vous remercier de nous faire passer
maintenant et remercier les représentants de la maison Mercer aussi.
Je voudrais vous présenter, à mon extrême droite, M.
Robert Bégin, qui représente une compagnie membre de notre
association, de même que M. Christian Voyer, qui est à ma droite.
à l'autre bout: M. Serge Miron, l'actuaire de l'association, M. Luc
Plamondon, représentant d'une compagnie membre aussi; il est avocat, il
nous sert de conseiller juridique, et M. Marcellin Tremblay,
vice-président responsable de notre bureau de Montréal.
Je vais commencer en vous donnant lecture du mémoire que nous
avons soumis, il n'est pas très long. Ensuite, M. Tremblay vous donnera
quelques renseignements additionnels sur la philosophie qui sous-tend ce
mémoire. Enfin, M. Plamondon vous fera part d'un projet de
réglementation que nous verrions en regard des assurances.
Je procède donc à la lecture du mémoire.
L'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes Inc.,
regroupe des sociétés pratiquant les assurances sur la vie, les
rentes et les assurances contre la maladie et les accidents. Plus de 90% des
assurances de personnes en vigueur au Québec est souscrit auprès
des sociétés membres de l'association.
L'association souscrit au principe de l'élimination en
matière d'assurances comme dans les autres domaines de la vie des
facteurs non fondés de discrimination et nous croyons que des
progrès notoires ont déjà été
réalisés dans ce sens depuis quelques années. Beaucoup de
clauses jugées trop restrictives, particulièrement en
matière d'admissibilité à certaines formes d'assurances ou
de régimes de protection sont choses du passé ou sont, Ã
tout le moins, en nette perte de vitesse. Ã titre d'exemple, les
définitions des termes "conjoint" et "enfant" ne sont plus
limitées aux seules relations dites légitimes, mais ouvrent la
porte aux unions de fait et aux enfants issus de ces unions.
En ce qui touche les avantages sociaux, nous sommes d'accord que
l'article 90, qu'on appelle aussi aujourd'hui 97 de la Charte des droits et
libertés de la personne, a fait son temps. Cet article n'avait pour but
que de donner le temps aux intéressés d'étudier l'impact
technique des modifications que la charte demandait. Les problèmes ont
maintenant été cernés en grande partie et l'article 90
devrait, à notre avis, faire place à un pouvoir
réglementaire.
L'association estime important que des dispositifs soient mis en place
pour permettre de déterminer à l'avance si certaines clauses ou
pratiques sont discriminatoires ou non. Sans minimiser le rôle important
et souverain du pouvoir judiciaire en ce domaine, force nous est de constater
que les décisions des tribunaux surviennent après le fait et,
malheureusement, souvent longtemps après le fait. Remarquons que le
besoin de voir déterminer à l'avance le caractère
discriminatoire ou non discriminatoire d'une clause ou d'une pratique est
particulièrement aigu lorsqu'il s'agit de clauses ou de pratiques en
apparence discriminatoires, mais ayant justement pour but de redresser une
situation de fait estimée discriminatoire.
L'association estime que les seuls problèmes qui restent vraiment
à solutionner en matière d'assurances sont de nature technique et
que le surintendant des assurances est la personne tout indiquée pour
faire les déterminations qui s'imposent. Nous estimons donc que le
pouvoir réglementaire en ce domaine devrait se situer dans le cadre de
la Loi sur les assurances. D'ailleurs, il existe déjà , en
matière d'assurances, un embryon de règlement dans ce domaine et
on le retrouve à l'article 262 du règlement général
en application de la Loi sur les assurances. Il faudrait, Ã notre avis,
amplifier ce pouvoir pour qu'il puisse couvrir toutes les situations
susceptibles de survenir. Ã tout le moins, nous pensons que ce pouvoir
réglementaire devrait être dans les mains du gouvernement
lui-même et non dans celles de la Commission des droits de la personne
parce que cette dernière se trouverait alors dans une position de juge
et partie.
Quant aux motifs de discrimination figurant à l'article 10 de la
charte, l'association confirme que la race, la couleur, l'orientation sexuelle,
l'état civil, la religion, les convictions politiques, la langue et
l'origine ethnique ou nationale ne causent
aucun problème majeur en assurances de personnes. En ce qui a
trait à la condition sociale, ce motif a soulevé des
difficultés dans certains cas et il serait souhaitable que la
portée exacte de cette expression soit précisée. Il reste
deux motifs de discrimination figurant à l'article 10, soit le sexe et
le handicap.
Pour des raisons que les scientifiques n'ont pas réussi Ã
cerner avec précision, il reste encore des différences
marquées dans les indices de mortalité des hommes et des femmes
et aussi, mais dans une moindre mesure, dans leurs indices respectifs de
morbidité. Nous croyons qu'il s'agit là d'une situation de fait
qu'on ne peut ignorer mais, nous en convenons, qu'il faut circonscrire Ã
son minimum essentiel. Nous croyons que les assurances de personnes doivent
pouvoir continuer d'avoir, soit des prestations, soit des primes ou un ensemble
des deux qui diffèrent selon le sexe de la personne assurée,
surtout dans les modalités d'assurance où la personne
assurée peut exercer un choix du montant, ou de la modalité de
l'assurance ou de la rente.
Quant au handicap, nous sommes prêts à reconnaître
que le handicap en soi n'est pas le problème réel. La
difficulté survient de l'état de santé aggravé qui
accompagne parfois le handicap. Nous présumons qu'il est tenu pour
acquis et normal que les assurances de personnes puissent continuer de tenir
compte de l'état de santé des assurés dans
l'établissement des taux de primes ou la fixation des modalités
d'assurance.
Nous ne pouvons passer sous silence la question de l'âge, car il
semble que l'article 10 de la charte puisse être modifié pour y
ajouter ce motif. Encore ici, il faut retenir que les assurances de personnes
doivent pouvoir continuer de faire des différences dans les primes et
les modalités d'assurances et de rentes selon l'âge des
intéressés.
Comme je vous l'ai dit tantôt, M. Tremblay va vous parler
maintenant de la philosophie, plus précisément peut-être de
la philosophie qui sous-tend tout ça. Je crois que nous avons remis,
à titre de document de travail, aux membres de la commission des
renseignements plus détaillés sur notre position sur ces
questions. M. Tremblay.
M. Tremblay (Marcellin): M. le Président, vous avez sans
doute constaté que notre mémoire se limite à une prise de
position de principe à l'effet d'éliminer toute discrimination
dans le domaine de l'assurance de personnes. Je souligne en passant que,
lorsqu'on prend l'expression "assurances de personnes", on inclut
évidemment les rentes, l'assurance collective, l'assurance individuelle,
etc. Mais encore faut-il s'entendre sur le terme même de
"discrimination". Comme le soulignait le Conseil du patronat, certaines
distinctions, certains choix, certaines classifications raisonnables ne sont
pas de la discrimination au sens péjoratif. Au contraire, ces
distinctions, ces classifications peuvent être dictées par un
souci d'équité, une notion qui, à mon sens, prime sur
l'égalité. C'est là tout le fond du problème. Or,
l'assurance sur la personne, comme d'ailleurs les assurances
générales, c'est une opération financière qui
repose fondamentalement sur l'évaluation des risques. Pour les
évaluer, il faut donc les classifier suivant certaines
caractéristiques raisonnables.
Dans le cas de l'assurance des personnes, il est évident que
l'âge, le sexe, l'état de santé, l'occupation peuvent
être des facteurs qui influencent la tarification. C'est la base
même de l'opération d'assurance. Il n'y a pas de problème,
je pense bien, pour les membres de la commission, d'accepter cette idée
lorsqu'on parle d'assurance individuelle. C'est une pratique qui est
universellement reconnue et qui est tellement évidente, si on prend, par
exemple, la question de l'âge. Il est bien évident, quiconque va
reconnaître que la prime d'assurance pour une police d'assurance-vie de
5000 $ pour une personne de dix ans ne sera pas la même que pour une
personne de 60 ans. Cela saute aux yeux. Dans le cas des femmes, il va y avoir
une différence de prime qui tend, en assurance-vie, à être
en leur faveur, et qui est en leur défaveur dans le cas des rentes,
parce que les tables actuarielles nous indiquent cette différence. Ce
n'est pas nouveau. Je pense que ces principes d'actuariat et ces études
statistiques sont reconnus partout dans le monde.
Le même principe s'applique lorsqu'on parle d'assurance
collective. Il est évident que la manière de tarifier un risque
en assurance collective se fait grosso modo un peu de la même
façon, en disant: Il y a tant de femmes, il y a tant de personnes de tel
âge, etc. Ensuite, il y a une moyenne qui est faite. L'impact n'est pas
le même pour l'employé lorsqu'on a un plan d'assurance collective,
parce qu'il y a une tierce partie qui est l'employeur. Ã ce moment, je
pense qu'il y a très peu de différence, il n'y en a même
pas en pratique dans le cas de l'assurance-vie, par exemple, entre les hommes
et les femmes qui sont employés dans une même entreprise.
C'est donc dire que, sur les avantages sociaux, il n'y a pas grand-chose
qui peut soulever le problème de la discrimination, sauf que certaines
pratiques qui avaient été établies par la pratique de
l'assurance étaient considérées trop restrictives. C'est
ce qui avait amené, je pense, la commission d'études, en 1974 ou
1975, le rapport Boutin, publié en 1975, qui essayait de clarifier ces
pratiques qui semblaient restrictives et qui, en fait, l'étaient pour
plusieurs. Il est sorti
de cela des recommandations assez précises. On n'a pas voulu
embarrasser les membres de la commission en reprenant toute une documentation
qui aurait été une répétition de ce qui a
déjà fait et d'une étude assez sérieuse qui a
été publiée. Nous sommes, comme association, en accord, de
façon générale, avec l'application des recommandations du
rapport Boutin. Ãvidemment, il date de 1975, il y a déjÃ
des pratiques qui sont dépassées. On est peut-être plus en
avance, dans la pratique de tous les jours, dans nos compagnies d'assurances,
qu'on ne l'est dans les recommandations du rapport Boutin. Avec les ajustements
voulus, disons que, grosso modo, nous sommes d'accord avec les recommandations
de cet important rapport qui réglementerait la question des avantages
sociaux.
Il y a une recommandation en particulier dans ce rapport, la
recommandation no 44, qui a une importance fondamentale à nos yeux; il
s'agit de la nécessité d'une réglementation. Il est
évident, comme le dit le rapport Boutin, qu'il faut connaître les
règles du jeu, si on veut assumer des risques. Il est certain que le
public, l'employeur, l'assureur en particulier, nous les compagnies
d'assurances, on veut savoir ce qu'on assure. Il faut tout de même qu'on
ait une réglementation. C'est la seule et la plus fondamentale
recommandation que nous faisons dans notre mémoire; c'est dire que le
seul organisme qui convient pour juger d'une réglementation dans le
domaine des avantages sociaux, c'est le service des assurances. (17 h 30)
On est d'autant plus justifié, je pense, de recommander cela que
l'assurance est peut-être la seule industrie qui soit autant
surveillée. Le service des assurances existe justement pour surveiller
ce qui concerne l'assurance, l'intérêt du consommateur,
l'intérêt du public, des assurés. Comme on le dit dans
notre mémoire, il y a déjà un embryon de règlement
qui existe. Nous recommandons qu'un pouvoir de réglementation sur les
assurances de la personne soit donné au service des assurances. Nous
donnons un exemple en annexe au mémoire que nous avons
présenté. Je demanderais à mon collègue, Me Luc
Plamondon, de nous dire comment ce mécanisme pourrait être
établi. Prenez note qu'il s'agit simplement d'un exemple; il ne s'agit
pas d'un règlement définitif, parce qu'il faudrait inclure des
recommandations du rapport Boutin là -dedans. On vous donne un exemple de
ce qui existe grosso modo dans d'autres provinces, mais cela demandera
d'être adapté et discuté. M. Plamondon pourrait, si vous le
permettez, M. le Président, dire comment ce mécanisme pourrait
s'appliquer. Merci.
Le Président (M. Desbiens): M.
Plamondon.
M. Plamondon (Luc): M. le Président, mesdames, messieurs,
effectivement, nous nous sommes risqués à vous suggérer un
modèle de règlement qui se situerait dans la Loi sur les
assurances. Nous vous en avons remis, Ã titre de document de travail,
une version. Déjà , nous allons y apporter des modifications. J'ai
un autre texte que je pourrai vous remettre. Il est assez court.
Le premier article consacrerait le principe fondamental: la pratique des
assurances de personnes doit être effectuée sans discrimination
entre les personnes représentant des risques identiques.
Le deuxième article du règlement est une application
particulière de ce principe. Il y a discrimination dans le refus de
conclure des contrats d'assurance de personnes ou dans le fait d'établir
des distinctions dans la nature ou le montant de la garantie en raison de la
race, la couleur, le sexe, l'âge, l'orientation sexuelle, l'état
civil, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique
ou nationale, la condition sociale, ou du fait que l'assuré est
handicapé ou utilise quelque moyen pour pallier son handicap. Ce sont
là à peu près tous les éléments de
discrimination mentionnés à l'article 10 et nous sommes
prêts à reconnaître que, dans l'accès Ã
l'assurance et à toutes les formes d'assurance, il ne devrait pas y
avoir de discrimination basée sur ces éléments.
Cependant, à l'article 3, ce sont des cas plus précis
où nous estimons qu'il y a des différences qui s'imposent et
où, conséquemment, on ne devrait pas considérer qu'il y a
discrimination. Il n'y a pas discrimination dans les cas suivants: 1)
distinctions dans l'établissement du taux des primes selon l'âge,
le sexe, l'état de santé, la profession de l'assuré ou les
activités auxquelles il s'adonne, lorsque ces distinctions sont
fondées sur des principes raisonnables de classification des risques; 2)
réduction ou exclusions de la garantie à la demande de
l'assuré, au lieu d'une augmentation du taux de prime visée
à l'alinéa 1;
Un mot d'explication, c'est que si l'assureur impose ou devait imposer
à quelqu'un une surprime, par exemple en raison de sa profession,
l'assuré devrait avoir le droit de demander plutôt une exclusion
de la garantie visant ses activités ou sa profession particulière
et à ce moment-là avoir un taux de prime standard,
normalisé. 3) refus d'assurer ou de continuer d'assurer et modification
de la nature ou du montant de la garantie, si l'assuré a moins de 18 ans
ou plus de 65 ans;
Cela reprend sur ce point une notion assez répandue dans toutes
les autres
provinces.
Les articles 4 et 5 reproduisent effectivement des notions assez
traditionnelles: 4) distinctions dans les taux de primes d'assurance-grossesse
et d'assurance-maternité en raison de l'état civil de
l'assurée lorsque ces distinctions sont fondées sur des principes
raisonnables de classification des risques; 5) exclusion du risque de grossesse
normale ou imposition de conditions particulières relativement Ã
cet état.
Autres cas où on ne devrait pas considérer qu'il y a
discrimination: 6) distinctions dans les justifications d'assurabilité
en raison de l'âge, du sexe, de la profession de l'assuré ou des
activités auxquelles il s'adonne; 7) distinctions dans
l'admissibilité à un régime d'assurance collective, ou
dans la nature ou le montant de la garantie, en raison de la profession du
participant ou de son lieu de travail.
Je vais faire un aparté. On mentionne souvent la profession ici.
La profession n'est pas mentionnée spécifiquement comme
étant un élément de discrimination à l'article 10
de la loi, mais la condition sociale est là , et le sens précis de
cette expression nous échappe. Parfois, on pourrait peut-être
considérer que certaines professions libérales sont
peut-être mieux vues des gens; donc, dans la condition sociale, ces gens
sont peut-être plus élevés, ou moins élevés
cela dépend, que dans d'autres professions. Or, il est nécessaire
pour les assureurs de tenir compte de la profession des assurés dans la
tarification; je pense bien qu'il est évident que le risque pour un
coureur automobile n'est pas le même que pour un bibliothécaire,
cela saute aux yeux.
Autre cas de non-discrimination, le fait pour un assureur d'adapter ou
de limiter ses activités à certains groupes, conformément
à la loi qui le régit ou aux termes de l'approbation du
Surintendant des assurances. Je vous donne un exemple de ce que cette
réalité recouvre: la Mutuelle-vie des fonctionnaires ne peut par
définition que s'adresser aux fonctionnaires. Il y a certains assureurs
qui ont une vocation limitée et ils doivent respecter leur loi
constitutive.
Sous l'alinéa 9, la pratique de l'assurance en fonction des
distinctions, exclusions et préférences visées par
l'article 20 de la Charte des droits et libertés de la personne. Cet
article 20 permet à certains organismes, surtout des organismes sans but
lucratif, d'avoir, disons donc des pratiques restrictives qui, Ã
première vue, pourraient paraître discriminatoires. S'il y avait,
entre autres, un contrat d'assurance de sorte qu'automatiquement tous les
membres du Parti québécois ou du Parti libéral jouiraient
d'une assurance de 5000 $ en raison de leur participation, il faudrait
évidemment que le contrat d'assurance pose des questions sur les
convictions politiques ou l'appartenance à un parti politique pour
refléter cette assurance. L'article 20 de la loi permet ce genre
d'organisme, cela permettrait les assurances qui s'y rattachent.
L'article 4 dit: "Le Surintendant des assurances est habilité
à déterminer le bien-fondé des principes de classification
des risques utilisés par les assureurs, de même qu'Ã
établir si certaines pratiques adoptées ou envisagées sont
discriminatoires." Il est important, je pense, pour les assureurs, de savoir
à l'avance si, en vertu d'une pratique qui est envisagée, par
exemple, par un employeur qui met sur pied un nouveau régime, une clause
donnée pourra être jugée discriminatoire. L'apprendre cinq
ans après le fait par une décision judiciaire ne fait que causer
des problèmes pour tous.
Un article 5 est proposé au texte et c'est le nouvel article que
vous n'avez pas. La Commission des droits de la personne doit être
avisée en temps utile de toute décision du Surintendant des
assurances au titre de l'article précédent et peut interjeter
appel de cette décision conformément aux articles 366 et suivants
de la Loi sur les assurances. Il y a déjà tout un
mécanisme à l'intérieur de la Loi sur les assurances pour
aller en appel et la commission, entre autres, aurait le droit de s'en
prévaloir si elle n'est pas satisfaite du tout des décisions du
surintendant en cette matière.
Il y aurait, pour que ce projet de règlement évidemment
puisse réellement fonctionner, des séries d'amendements de
concordance, mais cela, c'est de la technique sur laquelle je ne veux pas
m'étendre pour le moment. Merci.
M. Massicotte: M. le Président, c'était notre
présentation. Nous sommes là pour répondre à vos
questions, si vous le voulez.
Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre.
M. Bédard: Je veux vous remercier de votre participation
aux travaux de la commission, c'est définitivement une contribution
substantielle et beaucoup de questions viennent à notre esprit. Je
voudrais tout d'abord essayer d'éclaircir dans mon esprit la position de
principe que vous prenez dans votre mémoire; elle me semble assortie de
pas mal de conditions; je ne veux pas porter de jugement de valeur, je pense
que vous y faites des distinctions que vous soutenez en termes d'argumentation.
Il faudra essayer de s'y retrouver. D'abord, vous semblez reconnaître que
les conclusions du rapport Boutin sont encore valables, en tout cas, pour
l'essentiel, au niveau des pratiques qui seraient permises. On sait que
le rapport Boutin suggérait de maintenir la tarification
distincte suivant le sexe dans les divers régimes d'assurance et de
rentes. Or, depuis ce temps, il y a quand même des courants
d'idées importants qui tendent à prôner
l'établissement d'une égalité de tarification suivantle sexe. Au moment où on se parle - vous me corrigerez si ce n'est
pas le cas - je crois qu'il y a un projet de loi qui a été
déposé aux Ãtats-Unis sur la discrimination en
matière d'assurance, un projet de loi qui est actuellement devant le
Congrès américain. Peut-être avez-vous une bonne
idée de son contenu. Il y a eu aussi, depuis ce temps, le rapport du
Surintendant des assurances sur la tarification dans l'assurance automobile, en
1980.
Je vous pose la question: Ne serait-ce pas aller contre ce courant que
de maintenir aujourd'hui la tarification distincte? Vous pourriez
peut-être nous dire quel peut être l'effet sur les primes
d'assurance de l'inclusion d'une clause de non-discrimination en vertu du sexe
et de l'état civil. Autrement dit, quel est le pourcentage de valeur des
primes qui pourrait être affecté? Je ne sais pas si vous avez fait
des calculs en ce sens; j'aimerais que vous fassiez part aux membres de la
commission de vos remarques concernant l'ensemble de ces questions.
M. Massicotte: Je vous remercie, M. le ministre, d'une part, de
recevoir avec sympathie, tout au moins, nos recommandations. Je regrette que
ça vous paraisse être assorti de beaucoup de conditions; ce
n'était pas notre intention de vous poser des conditions, loin de
là . Pour répondre plus précisément à votre
question, notre but, dans tout ça, c'est que nous devons assumer des
risques d'assurance. Nous voulons pouvoir identifier clairement les risques
qu'on nous demande d'assumer. Nous voulons aussi que les gens aient une
certaine liberté personnelle d'avoir des assurances dont le coût
est le plus possible calculé selon le risque qu'ils représentent
eux-mêmes, surtout en matière d'assurance individuelle.
Comme M. Tremblay vous l'a dit, en matière d'assurance
collective, le problème est peut-être différent, mais en
matière d'assurance individuelle, et même en assurance
collective...
M. Bédard: En matière d'assurance individuelle,
vous nous avez présenté ça comme étant une question
d'équité, en fait...
M. Massicotte: C'est exactement ce que je voulais dire.
M. Bédard: ... par rapport au risque que représente
le fait d'assurer une personne.
M. Massicotte: C'est exactement ce que je voulais vous dire. Nous
considérons ça comme une question d'équité
plutôt que comme une question de discrimination ou
d'inégalité. Pour vous donner juste une idée du
problème d'une table de mortalité, par exemple, à peu
près à tous les âges, si vous regardez une table de
mortalité, vous allez voir, si vous regardez du côté des
hommes, qu'il y a deux fois plus de décès par 1000 que du
côté des femmes, à chaque âge. Ce qui fait que rendu
à un certain âge, évidemment, il y a beaucoup moins
d'hommes que de femmes qui sont vivants. Cela nous pose le problème des
rentes, immédiatement, qui fait que rendu à 65 ans, comme il y a
beaucoup plus de femmes que d'hommes et qu'elles vont vivre plus longtemps,
aussi, normalement, ça nous coûte plus cher pour donner des rentes
à des femmes qu'à des hommes. Je pense que ces notions sont bien
connues.
Nous voulons simplement pouvoir identifier le risque qu'on nous demande
d'assumer et demander un prix équitable pour ce risque-là . Si on
ne peut pas faire ça, il y a une iniquité qui se crée
entre les individus. C'est simplement cela qu'on veut vous dire.
Quel ordre de grandeur est-ce que cela fait dans les primes d'assurance?
II y a une telle variété que c'est vraiment difficile de vous
donner des exemples concrets. Je ne sais pas si notre actuaire en aurait
à l'esprit.
M. Miron (Serge): Je n'ai aucun chiffre particulier Ã
donner, mais ce que je peux dire, c'est que si, par exemple, on faisait une
tarification pour les rentes, indépendamment du sexe, à la
retraite, les employeurs auraient tendance à assurer leurs risques pour
les hommes et iraient sur le marché auprès des assureurs pour
acheter la rente auprès des femmes. à ce moment-là , la
tarification serait une moyenne et ils en profiteraient pour acheter les
risques les plus dispendieux chez les assureurs et garder les risques les moins
dispendieux chez eux. (17 h 45)
M. Massicotte: En termes de chiffres, vraiment, je suis un peu
embarrassé. Il y a certainement une bonne différence pour les
rentes. Rendu à l'âge de 65 ans, c'est vraiment une
différence appréciable.
M. Bédard: Quand vous parlez de différence
appréciable, est-ce que vous pouvez être plus explicite? Je
comprends qu'on ne peut pas vous demander plus que ce que vous pouvez...
M. Massicotte: II y a tellement de variétés
là -dedans, si vous demandez différentes formes de garantie de
rentes, par exemple si vous voulez avoir une rente qui est purement
viagère, ce qui ne se vend Ã
peu près pas, ou si vous voulez une rente qui soit garantie cinq,
dix ou quinze ans, avec une indexation de la rente après la retraite. Il
y a une variété considérable. Je n'ose pas me risquer
vraiment à vous donner des chiffres.
M. Tremblay (Marcellin): M. le Président, si vous me
permettez d'ajouter une explication à ce que M. Massicotte a dit, c'est
une question qui nous est souvent posée, à savoir combien il en
coûterait de plus si on appliquait cela. On a l'air un peu
incompétents, l'air d'être incapables de répondre: Oui,
ça coûterait 15% de plus, ça coûterait 12% de plus.
C'est parce que chaque cas est un cas particulier. Les groupes ne sont pas
constitués de la même manière. Vous allez avoir, par
exemple, dans un genre d'industrie, un personnel féminin beaucoup plus
élevé que dans d'autres. Cela dépend un peu de la
composition des groupes. Il est extrêmement difficile de dire de
façon globale quel serait le différentiel. Mais le
mécanisme de cela est facile à comprendre.
Pour revenir à une question que vous posiez également, M.
le ministre, quand vous disiez qu'on semble aux Ãtats-Unis abandonner
cette notion de classification des risques, j'ai un rapport devant moi, qui
date de juin 1981, à la suite de la réunion annuelle des
surintendants d'assurances américains et où, grosso modo... C'est
en anglais; je ne veux pas le lire parce que ma prononciation est du
Lac-Saint-Jean, moi aussi; alors, ça pourrait faire de la confusion.
M. Bédard: Je comprends, deux personnes venant de la
même région. Ma compréhension est limitée aussi.
M. Tremblay (Marcellin): Sommairement, la recommandation dit que
la pratique quand même de classifier des risques suivant le sexe est une
affaire d'équité et doit être maintenue. C'est la
recommandation des surintendants d'assurances de tous les Ãtats
américains. Est-ce que cela ira plus loin? Encore une fois, M.
Massicotte a été très clair. Dans un régime
d'avantages sociaux, ce ne serait pas impossible de le faire, mais cela aurait
de jolies conséquences si on n'appliquait pas une tarification
basée sur l'expérience des tables de mortalité.
M. Bédard: Autrement dit, à l'exception d'un
éventuel réaménagement des primes qui serait
nécessaire si cela arrivait, est-ce qu'il y a des coûts
supplémentaires pour vos membres? Est-ce que cela peut
s'évaluer?
M. Massicotte: Si vous voulez, M. Bégin qui est actuaire
comme moi, d'ailleurs, me dit que je devrais quand même être plus
précis sur la question des pensions.
M. Bédard: Je m'excuse, on parle beaucoup de tables
unisexes. Qu'est-ce que vous pensez de cela?
M. Massicotte: Je vais vous donner un exemple pour une personne
qui aurait 65 ans. Si vous voulez une rente viagère pure,
c'est-à -dire qui se termine au décès de lapersonne, vous pourriez penser à 20% de plus cher pour une femme que
pour un homme. Cela ne paraît pas élevé, 20%, je suis
prêt à vous l'accorder, mais si vous prenez un petit employeur qui
a instauré un régime de retraite pour ses employés et qui
doit assumer le coût de la retraite chaque fois que cela se
présente ou presque, s'il veut donner 10 000 $ de rente par année
à une personne, cela va lui coûter à peu près 10 $
par 1 $ de rente à cet âge. Cela veut dire que cela va lui
coûter, pour un homme, 100 000 $ et, pour une femme, 120 000 $. Si vous
voulez le prendre dans ces termes, je peux vous le donner ainsi. Il y a des
distinctions que je devrais peut-être faire, que je ne fais pas en ce
moment, mais je voulais vous donner un chiffre.
Quand vous parlez d'une table unisexe, vous voyez l'ordre de grandeur
des différences que cela peut faire. à ce moment-là ,
est-ce qu'on va facturer 110 000 $ aux hommes et 110 000 $ aux femmes pour une
rente de 10 000 $? On pourrait en arriver à cela. Il faut comprendre
que, pour un petit employeur, cela poserait un problème parce qu'il n'a
pas des ressources illimitées et il a tendance, comme le disait M.
Miron, à essayer d'éviter de donner des rentes aux femmes, si
cela lui est possible.
M. Bédard: Est-ce que cela peut donner comme
résultat que les employeurs pourraient être portés Ã
abandonner ces rentes?
M. Massicotte: Cela pourrait arriver. C'est cela, le
problème.
M. Bédard: Une dernière question. Je suis convaincu
qu'il y a d'autres membres de la commission qui veulent vous en poser
aussi.
Vous nous avez fait, dans votre mémoire, une suggestion, soit de
spécifier dans la charte et ses règlements ce qui est et ce qui
n'est pas discriminatoire au niveau de l'assurance. Ne pensez-vous pas que cela
pourrait être dangereux de spécifier dans une charte et ses
règlements ce qui est ou ce qui n'est pas discriminatoire en ce qui
regarde les assurances, puisque cela pourrait figer les pratiques des
compagnies d'assurances par rapport à une réalité qui
semble bouger quand même constamment?
M. Massicotte: Nous vous demandons
d'inscrire ce qui est et ce qui n'est pas discriminatoire dans un
règlement. Le règlement, je le suppose, peut se changer plus
facilement qu'une loi ou une charte.
M. Bédard: Oui, mais... Allez-y.
M. Massicotte: Nous faisons cela parce que nous avons quand
même besoin de savoir le plus possible à l'avance ce qui
détermine le risque que nous assumons. Nous pourrions prendre - nous le
disons dans notre mémoire aussi - la chance que ce soit imprécis
et que nous devions être cités devant les tribunaux, à un
moment donné, avec cela, mais cela ne règle rien. Il vaut mieux
avoir une définition à l'avance, le plus possible, en tout cas,
de ce qui est ou de ce qui n'est pas considéré comme
discriminatoire et nous nous conformerons ensuite à cela beaucoup plus
facilement.
M. Bédard: Comme vous le dites, des règlements, par
rapport à une loi régulière, c'est plus facile Ã
amender que des règlements qui seraient dans une charte.
M. Massicotte: C'est cela.
M. Bédard: Mais, à partir du moment où on
met un certain principe dans une charte, voulez-vous dire qu'il faudrait
qu'elle soit assujettie à des règlements qui seraient contenus
dans une autre loi, ce qui aurait presque pour effet de donner un peu de
primauté à ces règlements - en tout cas, j'espère
que je m'exprime comme il le faut -par rapport au principe
général qui est établi dans la charte?
M. Massicotte: Je ne suis pas juriste. Je voudrais dire
simplement que ce ne serait pas, dans mon esprit, en tout cas, assujetti, mais
précisé.
M. Plamondon: Vous avez certainement un point très
valable, M. le ministre. C'est pourquoi, d'ailleurs, dans le règlement
que nous proposons, nous avons effectivement répété le
principe fondamental que la pratique des assurances de personnes doit
être effectuée sans discrimination entre les personnes
représentant des risques identiques. Nous sentons, cependant,
qu'à la périphérie, à un moment donné, quand
on tombe dans la réalité, qu'on est à l'extrême
limite des points techniques, il y a des problèmes techniques qui se
posent et il y a des décisions concrètes qui doivent être
prises, Ã savoir si tel geste ou telle autre pratique est
discriminatoire ou non. Les principes, c'est valable, mais comme le disait un
peu quelqu'un: On est capable de vivre, nous, avec des oui ou des non. Ce sont
les peut-être qui sont extrêmement embêtants quand vous vous
engagez dans un régime d'assurances et que vous êtes liés
pour les 10, 15 ou 20 prochaines années. C'est pourquoi le pouvoir
réglementaire, estimons-nous, est utile surtout dans son aspect
préventif. Cela marche dans les deux sens. On ne demanderait pas
simplement au surintendant de donner des diktats, Ã savoir que telle
chose est possible. C'est que justement, avec la réalité devant
lui, le surintendant serait en mesure de dire: Je vous interdis telle pratique.
Je la considère discriminatoire. Il y a tous les mécanismes
d'appel dans la Loi sur les assurances, Ã la commission que l'on
suggère et à l'intérieur du cadre des assurances pour en
appeler de cette décision. Remarquons aussi qu'en le mettant dans la Loi
sur les assurances il y a une grosse épée de Damoclès
au-dessus de nos têtes. C'est la suspension du permis d'assureur. Le
surintendant a ce pouvoir.
M. Bédard: Vous semblez réserver ce jugement entre
les mains du Surintendant des assurances, d'une certaine façon.
M. Plamondon: Oui, permettez, M. le ministre...
M. Bédard: Vous le dites expressément, non pas
entre les mains de la commission.
M. Plamondon: Dans notre recommandation no 5, dans le
règlement qu'on fait, la commission aurait le pouvoir ensuite d'analyser
tout ça. La Commission des droits de la personne doit être
avisée en temps utile. Le surintendant doit l'informer de la
réglementation qu'il a faite. Si elle n'est pas satisfaite, elle pourra
demander appel en vertu de l'article 366 qui est prévu par la Loi sur
les assurances. La Commission des droits de la personne a le pouvoir
d'intervenir. Au moins, on se référerait à un service
gouvernemental qui connaît l'opération des assurances et on en
resterait à la logique même des choses puisque le service des
assurances existe justement pour surveiller l'intérêt du public.
Je pense qu'à ce moment on resterait dans la ligne de pensée
légitime et on aurait une formule opérationnelle raisonnable.
M. Bédard: Je comprends bien votre idée.
Le Président (M. Desbiens): Mme la députée
de La Peltrie.
Mme Marois: Dans le fond, si je comprends bien, dans le
mémoire qui est là , vous définissez vous-mêmes, pour
l'instant, la position qui est là . Il n'y a pas de discrimination dans
les cas suivants. Vous donnez un certain nombre de critères en disant:
"distinctions dans l'établissement du taux des primes selon l'âge,
le sexe, l'état
de santé? Mais ce que vous nous dites en même temps, et
j'aimerais bien voir si je comprends bien c'est ceci: Si vous en décidez
autrement, ce que nous souhaitons, c'est que ce soit très clairement
énoncé, sur la base de critères très clairs. C'est
ce que vous nous dites.
M. Massicotte: Le premier objectif, c'est sans doute d'avoir des
critères clairs et aussi de vous dire en même temps que tout le
monde reconnaît tout de même qu'il y a des cas où les
coûts sont importants. Il faut tenir compte de cela en établissant
les critères.
Mme Marois: Cela va. Je vais revenir essentiellement sur une
chose, surtout le monde du travail, les rentes afférentes ou la
participation des travailleurs et des travailleuses. Ãvidemment - on le
sait, les tables et les calculs actuariels le disent - il y a une
différence de longévité entre les hommes et les femmes.
Vous nous avez même donné un exemple, je pense, qui a
été apprécié. Cependant, les analyses qui sont
faites actuellement disent que cette différence basée
essentiellement sur l'âge et la longévité, ne devrait pas
justifier l'utilisation d'un critère qui viendrait distinguer et mettre
en cause le principe de l'égalité de traitement,
particulièrement dans une perspective où on sait très bien
que la rente de retraite est finalement considérée comme un
salaire différé. Donc, à partir du principe de la
rémunération égale pour les hommes et pour les femmes,
cela signifierait que les travailleurs et les travailleuses, donc les deux
sexes, devraient recevoir une rente de retraite mensuelle ou annuelle
égale. C'est un peu ce que reprend aussi la commission dans son texte en
parlant des conventions internationales. C'est essentiellement la même
chose qu'on dit. On dit: L'article 1 a), en parlant de cette convention,
spécifie que le terme "rémunération" comprend le salaire
ou traitement ordinaire de base minimum et tout autre avantage payé,
directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur
au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. On fait donc
référence ici aux régimes de rentes. Basé sur ce
principe, cela devient un peu différent par rapport à ce que vous
apportez.
M. Massicotte: Je crois que M. Bégin pourrait vous dire un
mot là -dessus.
M. Bégin (Robert): Je pense que je peux répondre
à cette allégation. Je crois que, justement, aller dans ce
raisonnement et parler de salaire égal - à travail égal,
salaire égal - ce n'est pas parler de bénéfice
égal. La valeur du bénéfice de rente pour une femme est de
loin supérieure à celle d'un homme, de telle sorte que, si on
fait l'addition du salaire et d'un bénéfice de rente égal,
on discrimine en faveur de la femme. On n'applique pas le principe fondamental:
à travail égal, salaire égal.
Mme Marois: Mais je ne comprends pas dans quelle perspective vous
dites qu'on avantage la femme. Ãvidemment, elle a un montant moins
important. Ce que ça donne dans les faits, pour des profanes - et j'en
suis à bien des égards, je le reconnais -c'est qu'Ã
l'âge de la retraite une femme est censée recevoir, tel qu'on le
connaît maintenant, un montant moins important, mais pendant une plus
longue période, ce qui, à toutes fins pratiques, veut dire que,
finalement, elle reçoit les mêmes montants. C'est ça que
vous me dites.
M. Bégin: C'est ce que je dis.
Mme Marois: Ce ne sont pas là des avantages.
M. Bégin: Quand on dit: Pour un travail égal
exécuté par une femme, on doit payer le même salaire et, en
plus, on doit lui donner à partir de 65 ans - aussi longtemps que
ça restera comme âge de retraite - le même
bénéfice en argent, à ce moment-là , la somme des
deux est plus grande pour la femme que pour l'homme.
Mme Marois: Oui, je comprends, toujours en se basant sur la
notion de la valeur actuarielle, du calcul actuariel et sur la notion de
longévité.
M. Bégin: Oui, bien sûr.
Mme Marois: C'est ça, c'est sur la notion de
longévité. Là -dessus, j'en conviens. Un jour, semble-t-il
- M. Le Selye nous en a prévenus - les femmes, vivant au rythme
où elles vivent, vont mourir probablement au même rythme que les
hommes. Alors, on n'aura plus ce problème-là . J'en conviens, on
ne peut pas disconvenir de ça, ce sont des statistiques et ce sont des
données. Sauf que ce sur quoi on revient, c'est que nous ou un certain
nombre d'organismes considèrent que c'est une pratique qui se
révèle discriminatoire et qu'un bon nombre de pays ont
déjà remis ceci en cause et l'ont contesté pour en venir
à des systèmes où la rente est égale dans tous les
cas, faisant évidemment en sorte qu'on supportera comme
société des coûts différents; ça aussi, on
doit en convenir, on est bien cohérent dans tout ça. (18
heures)
M. Bégin: Je crois sincèrement qu'à ce
moment-là on corrige une pseudo-discrimination par l'introduction d'une
discrimination inverse à l'intention des
femmes. Oublions la question de la rente et remplaçons-la par une
maison. Si on dit: Pour un travail égal, à un homme, on va donner
son salaire et, Ã 65 ans, une maison de 100 000 $, Ã une femme,
on va donner le même salaire et une maison de 120 000 $, c'est un peu ce
qu'on demande.
Mme Marois: Oui, c'est vrai. Je ne nie pas ça. Qu'est-ce
que vous voulez? Ce sont les faits, on est obligé de les
reconnaître. Sauf qu'on va le prendre d'un autre point de vue, d'un point
de vue d'équité sociale. Cela va? Toutes les études - le
Sénat canadien en a fait une, le Conseil du statut de la femme et
d'autres groupes, et même le gouvernement du Québec - nous disent
que les femmes âgées sont les femmes les plus pauvres de notre
société. On continue, par notre système, finalement,
à confirmer ça. C'est vrai, ce que vous dites, mais, dans les
faits, cette femme recevra un montant moins important, tout en étant
souvent tout près du seuil de la pauvreté parce que la moyenne
des salaires, comme on le sait, n'est quand même pas très
élevée et la rente, ne représentant pas 100% du salaire,
fait en sorte que les revenus sont moins élevés.
Du point de vue que vous soulevez, c'est juste, j'admets avec vous que
les données statistiques sont des données objectives; on aime
l'objectivité. Je pense que c'est d'un autre point de vue et avec une
autre approche, finalement, que ces questions se soulèvent.
M. Bégin: Quand vous transposez le problème du plan
économique au plan social, je vous suis très facilement. Je pense
que vous agrandissez le problème, vous le faites sortir du droit des
personnes pour ramener le problème global des systèmes de pension
au Canada, qui va faire l'objet de beaucoup...
Mme Marois: Ãvidemment, ça touche tout ce
système puisqu'à partir du moment où on l'abrogerait dans
la charte tel que c'est proposé c'est évident que ça
poserait le problème à d'autres niveaux.
M. Bégin: Ce n'est peut-être pas la place pour le
faire, mais je me le permets quand même, à titre strictement
personnel, en élargissant particulièrement le domaine des
pensions - ce qui va se discuter - et en répondant à la question
du ministre Bédard sur la possibilité d'une table unisexe pour
les rentes; je pense bien qu'il y a des voies de solution éventuelles
dans tout ça. Une des choses pour lesquelles, personnellement, je suis,
c'est qu'on partage également, tout au long de la carrière et de
la vie, les pensions entre les hommes et les femmes quand ils forment un
couple, et il n'y aura plus de problème.
Mme Marois: Sauf qu'il y a des personnes qui ne vivent pas en
couple toute leur vie.
M. Bégin: Oui, mais les couples de fait, on les
reconnaît.
Mme Marois: Oui.
M. Voyer (Christian): M. le Président, si vous permettez,
il y a également des statistiques qui disent que les femmes
contrôlent 70% des richesses. C'est un peu normal.
Mme Marois: Oh! la la.
M. Voyer: Ãtant donné qu'elles vivent plus vieilles
que les hommes, elles héritent des hommes.
Mme Marois: On pourrait en reparler. Il y a un autre
mémoire, ce matin - je pense que c'est la Coalition pour l'abrogation de
l'article 97 ou 90 - qui disait: Aux Ãtats-Unis, on a constaté
par analyse statistique qu'il y avait une différence dans le taux de
mortalité des Blancs et des Noirs et, cependant, on n'a pas fait de
distinction d'autre part. Dans le cas des Ãtats-Unis, ce sont quand
même de grandes populations quand on parle de ces groupes.
M. Massicotte: II faut admettre aussi que dans le cas des
problèmes de Blancs et de Noirs, il y a une question d'évolution
sociale qui s'est faite depuis je ne sais combien d'années, ce qui fait
qu'aujourd'hui les tables de mortalité indiquent les mêmes
chiffres pour les Blancs et pour les Noirs. Mais en ce moment, il faut
constater qu'ici les tables de mortalité qu'on compile aujourd'hui
indiquent une différence importante entre les hommes et les femmes.
Mme Marois: Vous m'avez donné la réponse. Il peut y
avoir aussi une évolution sociale à ce point de vue.
M. Massicotte: C'est exact, une évolution. Je m'excuse,
madame, mais ce que je voulais dire, c'est que l'évolution sociale de ce
point de vue ne s'est pas encore produite, mais peut-être qu'il y a
d'autres différences qui sont plus fondamentales, biologiques
peut-être, qui font que ce ne sera plus longtemps comme cela. Là ,
il y a un problème scientifique que nous ne sommes pas en mesure de
résoudre, évidemment, mais que nous devons constater en relevant
aujourd'hui des statistiques de décès.
Mme Marois: J'en conviens. J'ai terminé.
M. Tremblay (Marcellin): Si vous me le
permettez, M. le Président. Mme la ministre soulève un
point dans la discussion que nous venons d'avoir. Je reconnais qu'il y a un
problème, mais il y a quand même une question de justice sociale.
à ce moment-là , on discute de plan de régime privé.
Comment voulez-vous qu'on règle le problème de la pauvreté
des gens. C'est clair qu'il y a une opération financière.
Mme Marois: Je suis consciente de cela, mais je voulais quand
même le soulever. Cela fait partie, cependant, de toute
l'évolution d'une société. Il y a des
phénomènes que, il y a dix ans, on ne trouvait absolument pas
discriminatoires, qu'on trouvait tout à fait normaux et qu'on acceptait
de soi et, maintenant, on les trouve extrêmement discriminatoires. Dans
ce sens-là , il y a une évolution de société
vis-à -vis de laquelle je me dis: On peut décider de faire des
choix d'ordre politique ou d'ordre technique aussi.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Marquette.
M. Dauphin: Brièvement, M. le Président. J'aimerais
également, au nom de l'Opposition, remercier l'Association canadienne
des compagnies d'assurances de personnes et profiter de l'occasion pour excuser
mon collègue de D'Arcy McGee qui est porte-parole en matière de
justice. Il a dû nous quitter pour des considérations
religieuses.
La seule question que j'aurais à poser -ces deux derniers jours,
on y a touché un peu - est la suivante. Dans les autres provinces du
Canada, est-ce qu'il existe une réglementation semblable Ã
celle-ci qui serait aussi claire?
M. Plamondon: Nous avons fait des suggestions au même effet
dans les autres provinces. Il n'y a pas de réglementation telle quelle
déjà en vigueur. Dans beaucoup de provinces, on fait des
exclusions pour les avantages sociaux basés sur les "bona fide
exclusions". On emploie ce concept d'exclusion de bonne foi, mais ça ne
nous satisfait pas pour la même raison. Qu'est-ce que ça veut
dire, une exclusion de bonne foi? C'est un jugement assez subjectif qu'il nous
faut poser aujourd'hui et dont on aura peut-être la réponse
simplement dans cinq ans ou dans six ans, quand il y aura une décision
judiciaire. Nous trouvons que le processus de règlement est plus
approprié pour résoudre ces problèmes, surtout Ã
l'avance.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Bédard: Dans toutes les provinces?
M. Plamondon: Toutes les provinces? Je ne voudrais pas m'avancer,
mais n'oubliez pas...
M. Bédard: Au fédéral, etc.
M. Plamondon: Pardon? L'Ontario, surtout. Il y a le projet de loi
no 7.
M. Bédard: Et au fédéral?
M. Plamondon: Oui, excusez-moi, il y a une réglementation
qui ne résout peut-être pas les problèmes auxquels on
s'adresse. En plus, on est bien en avance sur beaucoup d'autres provinces
aussi, avec la condition sociale et d'autres éléments comme
cela.
M. Bédard: En terminant - on pourra poser la question
également au groupe qui va suivre - même si les faits
démontrent qu'il y a une espérance de vie plus grande pour les
femmes, il reste qu'il y a, du point de vue individuel, des injustices qui
existent pour les femmes qui meurent avant que...
Mme Marois: Après un certain nombre d'hommes.
M. Bédard: En fait, comment pourrais-je le dire?
Mme Marois: C'est le moment ou jamais!
M. Bédard: Qui ne répondent pas Ã
l'attente.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Bédard: Je comprends qu'il y a des hommes aussi. La
question qu'on se pose à partir de cela est celle-ci: Est-ce qu'il
existe quand même une façon de concevoir un régime de
rentes à prestations indéterminées, qui tiendrait compte
à la fois du fait que les femmes, comme groupe, vivent plus longtemps
et, donc, sont appelées à percevoir, en moyenne, leur rente sur
une plus longue période de temps et qui tienne compte aussi de la femme
qui meurt avant cette espérance de vie moyenne et qui, par le fait
même, subit une injustice purement individuelle? Est-ce que ce sont deux
réalités inconciliables dans l'élaboration d'un
régime? Je sais que vous êtes des experts et vous avez
sûrement eu à faire face à des problèmes
peut-être encore plus complexes que cela. Est-ce qu'il y a moyen de
concilier dans un régime ces deux réalités?
M. Massicotte: En matière d'assurance collective ou de
rente, évidemment, celui qui a le dernier mot dans tout ça, c'est
l'employeur. Nous, comme assureurs ou peut-être, à un moment
donné, simplement comme
évaluateurs de risque, nous devons lui dire que, pour qu'il
puisse donner un certain montant de rentes à son groupe
d'employés, de travailleurs, il faudra qu'il mette, dans le
régime, une certaine somme d'argent.
M. Bédard: II faut qu'il apprenne à ...
M. Massicotte: Ãvidemment, s'il y a plus d'hommes ou de
femmes, nous pouvons lui prédire que ça va lui coûter plus
cher. C'est lui, finalement, qui assume le coût de tout ça. En
général, dans les gros groupes de travailleurs, les rentes me
semblent, en tout cas, être passablement les mêmes pour les hommes
et pour les femmes, actuellement. Le problème se pose plus pour les plus
petits groupes où l'employeur ressent beaucoup plus l'effet de devoir
payer, parce qu'il y a une femme dans son groupe, une prime plus grosse que
celle qu'il paierait s'il y avait un homme à la place. Le moyen qui
existe, parce qu'on n'invente pas l'argent, c'est que quelqu'un verse des
cotisations plus importantes s'il y a plus de femmes et des cotisations moins
importantes s'il y a plus d'hommes. C'est la seule solution. Comme,
habituellement, on demande la même cotisation aux hommes et aux femmes,
la seule façon, c'est que l'employeur comble la différence, je
crois. Si vous cherchez vraiment la façon, c'est ça.
M. Bédard: Oui.
M. Massicotte: II faut se demander s'il est d'accord pour le
faire.
M. Bédard: J'avais cru comprendre que c'est
peut-être la manière...
M. Massicotte: II n'y a pas de moyen magique, actuariellement,
d'inventer de l'argent.
Mme Marois: II y a aussi la hausse des cotisations pour...
M. Massicotte: Les cotisations des travailleurs peuvent
être plus élevées dans l'ensemble, c'est bien sûr.
Mais il faudra plus d'argent.
M. Bédard: Autrement dit, si on voulait une
égalité au niveau des bénéfices à recevoir
à la retraite, ça équivaut à dire que les femmes
devraient payer plus cher, si on suit votre raisonnement.
Une voix: II y a quelqu'un qui va payer plus cher.
M. Massicotte: Pas nécessairement les femmes
elles-mêmes, mais leur employeur, de toute façon.
M. Bédard: Oui.
M. Massicotte: Habituellement, les régimes de rente, je
crois...
M. Bédard: L'employeur n'invente pas l'argent, non
plus.
M. Massicotte: Non, mais prenez le régime Ã
prestations indéterminées dont vous parliez; un régime qui
est bien connu dans ce genre, c'est le 5%-5%, où l'employeur etl'employé paient 5% du salaire comme cotisation. Si vous voulez
égaliser les rentes à l'autre bout, il faudra que l'employeur, ou
les employés ensemble, ou les femmes seulement, je ne sais pas qui,
verse une cotisation additionnelle; il n'y a pas à sortir de lÃ
si on veut que la rente soit la même pour les deux. Maintenant, ce n'est
pas de l'argent qui s'invente, c'est un transfert d'un groupe à l'autre.
Ce n'est pas comme ça non plus qu'on va régler le problème
de la pauvreté des femmes âgées parce que c'est basé
sur bien d'autres choses.
Mme Marois: Je sais que le problème n'est pas
nécessairement là , mais on sait que l'effet est quand même
constaté.
M. Bédard: C'est probablement une hérésie
que je fais, à moins d'abolir les régimes à prestations
indéterminées et d'en faire à prestations
déterminées.
M. Massicotte: Oui, mais le coût sera toujours plus
important pour donner le même niveau de prestations aux femmes et aux
hommes. Il faut le constater.
M. Bégin: Je vais corriger mon président: Le
coût sera toujours plus élevé aussi longtemps que les
conditions sociales ne feront pas qu'il y aura égalité.
M. Bédard: Ce que je veux dire, c'est qu'à la
retraite on verse le même montant. J'espère que ce n'est pas le
prix que les femmes auront à payer pour l'égalité, de
vivre moins longtemps.
Mme Marois: Merci. (18 h 15)
Le Président (M. Desbiens): Je constate qu'il est 18 h 15.
On a obtenu un consentement pour poursuivre jusqu'Ã ce moment-ci. Est-ce
qu'on continue?
M. Bédard: On peut terminer. Je n'ai pas d'autre question
à poser, M. le Président.
Une voix: On pourrait terminer.
M. Bédard: Si les membres de la commission sont d'accord,
je n'aurais absolument pas d'objection à continuer
jusqu'à épuisement, c'est-à -dire à entendre
les deux groupes qui demeurent.
Une voix: Consentement, M. le Président.
M. Bédard: Peut-être que nos amis des assurances
vont vouloir demeurer avec nous pour entendre le groupe qui va
"comparaître", entre guillemets, dans quelques instants.
Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions de votre
participation.
M. Massicotte: C'est nous qui vous remercions de nous avoir
entendus, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Je demanderais maintenant au
groupe William M. Mercer de s'approcher de la table, s'il vous plaît.
Les travaux sont suspendus pour quelques secondes.
(Suspension de la séance à 18 h 16)
(Reprise de la séance à 18 h 20)
Le Président (M. Desbiens): à l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission reprend ses travaux. Je demanderais au représentant
de William M. Mercer, M. Jean-Louis Bourbeau, de nous présenter son
collègue, s'il vous plaît!
William M. Mercer Limitée
M. Bourbeau (Jean-Louis): M. le Président, M. le ministre,
messieurs les membres de la commission, avant de vous présenter mon
collègue, j'aimerais vous présenter un peu notre
société, étant donné qu'elle n'est peut-être
pas aussi connue que le Conseil du patronat, la Chambre de commerce ou
l'Association canadiennne des compagnies d'assurances de personnes.
William M. Mercer Limitée et sa filiale québécoise,
la Société conseil Mercer, sont des sociétés de
conseillers en rémunération et avantages sociaux qui comptent au
Canada plus de 500 employés et qui déploient leurs
activités auprès de plus de 3500 clients. Au Québec, nous
avons des bureaux à Montréal et à Québec où
on retrouve une centaine d'employés dont 30 actuaires. Mon
collègue, M. Jean Lefebvre, est vice-président de la
société. Il est actuaire et il est au bureau de Montréal.
Je suis moi-même actuaire et je suis le directeur du bureau de
Montréal.
Le document que vous avez devant vous, on a participé à sa
rédaction. Il représente un consensus de plusieurs conseillers de
notre maison ayant une vaste expérience dans le domaine.
Nos commentaires ne touchent pas l'ensemble des amendements qu'il
pourrait être opportun d'apporter à la charte, mais seulement les
amendements qui seraient nécessaires pour éliminer la
discrimination dans les régimes d'avantages sociaux. Ils se
réfèrent plus spécifiquement au rapport final du
comité sur la non-discrimination dans les avantages sociaux
publié en décembre 1976, le rapport Boutin. Il s'agissait, selon
nous, d'un document très valable dont certaines recommandations doivent
néanmoins être modifiées pour refléter les
changements survenus depuis lors dans notre société. En fait,
c'est le seul endroit où on a toute une liste de règlements
proposés qui pourraient être adoptés. Donc, c'est le
document à partir duquel on a travaillé.
Notre présentation est en deux sections: premièrement, des
commentaires plus généraux sur l'ensemble du problème et,
deuxièmement, des commentaires plus spécifiques qui s'adressent
aux régimes de rentes, aux régimes d'assurance-vie, aux
régimes d'assurance invalidité, etc.
De façon générale, nous souscrivons
entièrement à l'objectif d'éliminer des régimes
d'avantages sociaux toute discrimination au sens de la Charte des droits et
libertés de la personne. Nous souscrivons également, de
façon générale, à la liste, contenue dans le
rapport Boutin, des distinctions attribuables au sexe, à l'âge ou
à l'état civil qui constituent une discrimination au sens de la
charte.
Nous sommes d'accord sur la position du rapport Boutin quant aux
considérations actuarielles. Ici, je pense qu'il est important de faire
une certaine dissertation sur ce qu'on entend par les considérations
actuarielles.
Le premier élément, le premier principe, c'est qu'on est
d'avis que dans l'établissement des coûts, on devrait pouvoir
tenir compte des taux de mortalité et des taux de morbidité
différents selon l'âge ou le sexe. C'est à l'avantage de
tout le monde, lorsque la tarification d'un risque est faite, qu'on puisse
tenir compte du plus grand nombre possible de facteurs qui influencent ce
risque. Le dernier élément qui est entré dans la liste des
facteurs dont on tient compte, c'est le fait que les gens soient des fumeurs ou
des non-fumeurs. Depuis une couple d'années, les compagnies d'assurances
ont mis sur le marché des polices d'assurance individuelles où il
y a des escomptes considérables pour les gens qui sont des non-fumeurs.
Il y a toutes sortes de facteurs. On a signalé aujourd'hui des
facteurs...
M. Bédard: Vous permettez que j'allume?
M. Bourbeau (Jean-Louis): Ah! Pour chacune, je pense que c'est 20
minutes de votre vie, mais c'est pris à l'autre bout.
M. Bédard: La preuve en est faite, actuariellement
parlant?
M. Bourbeau (Jean-Louis): On a entendu parler aujourd'hui de
différents facteurs qui changeaient un peu la nature du risque et dont
on ne tenait pas compte. On a parlé de couleur, de race, de riches, de
pauvres. Dans le domaine des avantages sociaux, plus spécifiquement dans
le domaine des régimes souscrits sur une base collective, ce sont tous
des facteurs dont on tient compte dans la très grande majorité
des régimes. Le tarif de tous les régimes importants est
établi à partir de l'expérience propre du groupe. Alors,
si ce groupe est composé de personnes qui ont des
caractéristiques telles que la mortalité est plus favorable ou
moins favorable ou que la morbidité est meilleure ou moins bonne, tous
ces facteurs se reflètent dans l'expérience que ce groupe en
particulier a connue, et le prix que les compagnies d'assurances proposent
à ces employeurs tient compte de tous ces facteurs. On considère
que c'est une pratique qui doit être maintenue pour le plus grand bien
des consommateurs.
Après qu'on a tenu compte de tous ces facteurs pour
établir le coût, qu'est-ce qu'on fait avec ce coût? Qui
absorbe ce coût? C'est là qu'on tombe dans la distinction des deux
grandes sortes de régimes qui existent. Il existe des régimes
à prestation déterminée et il existe des régimes
à prestation indéterminée.
La très grande majorité des grandes entreprises ont des
régimes à prestation déterminée. Les régimes
d'assurance-vie sont généralement établis comme
étant des multiples du salaire. Ce qui est établi dans les
régimes d'assurance-vie, c'est le montant de la prestation de
décès. La prestation est bien déterminée. On ne
donne pas, règle générale, un montant de prime Ã
chacun des employés pour lui dire: Achète l'assurance que tu peux
avec ce montant. On lui dit: Tu es assuré pour deux fois ton salaire ou
quatre fois ton salaire.
Quant au régime d'assurance-invalidité, le montant de la
prestation est préétabli, il est en fonction du salaire dans tous
les cas ou dans presque tous les cas.
Pour ce qui concerne les régimes de rentes des grandes
entreprises (le gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada, Bell
Canada, les banques) toutes les grandes entreprises ont des régimes de
rentes où la prestation est déterminée. Les régimes
à prestation indéterminée, en nombre de régimes,
sont importants; on les retrouve presque exclusivement au niveau des
régimes de rentes et on les retrouve plus chez la petite et la moyenne
entreprise, parce que c'est un système facile, qui ne comporte pas
beaucoup de frais. Pour des raisons économiques, c'est souvent cette
route qui est choisie par ce type d'employeur.
Pour tous les régimes à prestation
déterminée, le rapport Boutin et nous disons que les variations
de coût qu'on observe, qui résultent de l'application de
différents facteurs comme la mortalité différente ou la
morbidité différente, doivent être absorbées par
l'employeur. En disant cela, dans les faits, on a éliminé la
discrimination au sens où les gens ont utilisé le terme
aujourd'hui dans un très grand pourcentage des cas, j'oserais affirmer
dans au moins 75% des cas.
Dans les régimes à prestation indéterminée,
le problème est différent. Il ne devrait pas y avoir de
discrimination si l'employeur contribue le même montant pour chacun des
employés, étant donné que ce qui est établi, ce qui
est négocié ou ce qui est entendu entre l'employeur et son
employé, c'est un montant de contribution qu'on va verser. On dit: Si
c'est là -dessus que porte l'entente, c'est ce montant qui devrait
être égal dans le cas des deux employés, tandis que si
l'entente porte sur un montant de prestation, la prestation doit être la
même; si l'entente porte sur un montant de contribution, la contribution
devrait être la même. On dit: On devrait permettre que les deux
systèmes existent sans que l'un soit discriminatoire automatiquement par
rapport à l'autre pour autant.
Maintenant, dans les régimes où l'employeur ne contribue
pas, on se rapproche à ce moment-là des problèmes de mise
en marché de l'assurance individuelle. à toutes fins utiles, il
est nécessaire qu'on propose au client des prix qui vont faire qu'il en
ait pour son argent; autrement, il va s'abstenir d'acheter la marchandise.
Alors, on dit: Dans les régimes où l'employeur ne contribue pas,
les taux de contribution des employés devraient pouvoir varier selon
l'âge et le sexe, pour des considérations actuarielles
seulement.
Pour reprendre l'exemple qui a été donné
tantôt, si une rente coûte 120 000 $ pour une femme et qu'elle
coûte 100 000 $ pour un homme et qu'on dise que, dorénavant, on va
le vendre à 110 000 $ à tout le monde, comme cela, ce sera
égal, si on ne force pas tout le monde à acheter, qu'est-ce qui
va se passer? Les gens pour qui ça coûte 120 000 $ mais qui
peuvent avoir le produit à 110 000 $ vont se hâter de l'acheter et
ceux qui ont un produit de 100 000 $ et qui coûte 110 000 $ vont garder
leurs économies chez eux. à moins qu'on puisse forcer tout le
monde à convertir ses économies en rentes, à un moment
donné, il faut avoir une tarification qui fasse en sorte que chacun en
ait pour son argent;
autrement, il va faire de l'antisélection contre le
système. (18 h 30)
L'approche suggérée pour les régimes Ã
prestation indéterminée ne fait pas présentement
l'unanimité chez les divers intervenants, je n'ai pas besoin de vous le
mentionner. Il convient, à cet égard, de signaler que le rejet de
cette approche pourrait conduire notamment à la disparition
éventuelle de ce type de régimes si populaires auprès de
la petite et moyenne entreprise, les régimes de rentes sur base de
prestations indéterminées.
Les tables de mortalité unisexes, en un mot, pourraient
constituer une solution en apparence facile aux variations selon le sexe. En
pratique, cependant, les importants problèmes que leur introduction
amènerait nous les font rejeter à ce stade. J'en ai
signalé quelques-uns, on pourra y revenir à la période des
questions, si vous le voulez.
Le rapport Boutin donnait une définition du terme "conjoint" que
nous trouvons acceptable; le seul problème qui pourrait surgir en
appliquant littéralement ce que le rapport Boutin proposait, c'est qu'on
pourrait se trouver avec un conjoint de fait et un conjoint légitime.
Alors, il faut prévoir des mécanismes pour savoir lequel des deux
a la priorité parce qu'on préfère qu'il y en ait seulement
un. Pour éviter les situations de conflit survenant entre conjoints
légitimes et conjoints de fait, nous suggérons l'approche
suivante: Si le conjoint de fait, lors du décès de
l'employé, ne répond pas aux critères de la
définition minimale et supplétive du terme "conjoint", tel que
recommandé par le rapport Boutin, le conjoint légitime
reçoit la prestation. Si le conjoint de fait répond aux
critères de cette définition au moment du décès, le
conjoint de fait reçoit la prestation sauf si l'employé
lui-même a signifié un choix différent.
Alors, quelqu'un, pour toutes sortes de raisons, pourrait vouloir que
son épouse légitime demeure bénéficiaire de ses
polices d'assurances si c'est elle qui a la garde des enfants ou des choses
comme cela; du fait qu'il vit avec une autre personne et que cela fait
suffisamment de temps pour répondre aux critères de conjoint de
fait, il ne faudrait pas que la loi dise qu'automatiquement c'est cette
nouvelle personne qui devient bénéficiaire; l'employé
devrait pouvoir signifier son choix personnel dans cette décision.
Nous recommandons de maintenir la pratique usuelle où les
personnes à charge sont le conjoint et les enfants dépendants,
tel que défini dans le rapport Boutin. Les régimes seraient
libres d'élargir cette définition pour inclure, par exemple, les
autres adultes dépendants.
Le rapport Boutin part de l'âge et parle des âges 18
à 65 comme étant l'intervalle à l'intérieur duquel
il ne doit pas y avoir de discrimination; cela mérite des commentaires
mais, étant donné la tenue de la commission parlementaire sur
l'âge de retraite obligatoire, nous présentons également un
mémoire à cette commission, et la question y sera
débattue.
Enfin, nous souhaitons que les modifications à la charte et
à la réglementation en découlant, le cas
échéant, s'appliqueront tout autant aux régimes publics et
aux régimes pour les employés du secteur public et parapublic
qu'aux régimes du secteur privé.
Maintenant, on a des considérations plus spécifiques pour
les divers types de régimes, je demanderais à mon collègue
Jean Lefebvre de vous en faire part.
M. Lefebvre (Jean): Comme il a déjÃ
été mentionné, le rapport Boutin remonte
déjà à cinq ans, et il y a peut-être un certain
nombre de changements dans la société qui remettent en question
certaines des recommandations. On a ici quelques points spécifiques
où on a jugé qu'il y avait peut-être lieu de donner une
opinion différente de ce qui est indiqué au rapport Boutin.
Pour ce qui a trait, premièrement, aux régimes
supplémentaires de rentes, dans un régime où la
participation est obligatoire, nous sommes d'accord que l'obligation de
participer ne s'applique pas avant un âge donné. Pour des motifs
d'uniformité entre les gouvernements, parce qu'il y a déjÃ
dans certaines provinces et au fédéral un âge qui a
été déterminé, on considère que c'est
très important, pour autant que cela est possible, d'avoir des
règlements uniformes pour le bénéfice des employeurs qui
ont des employés dans plusieurs provinces; alors, pour des motifs
d'uniformité entre les gouvernements qui ont des mesures similaires,
nous appuyons la recommandation du rapport Boutin qui a pour effet de rendre la
participation facultative avant l'âge de 25 ans, bien que nous aurions
préféré que la participation ne soit pas rendue
obligatoire avant l'âge de 30 ans.
Les réductions qui s'appliquent en cas de retraite
anticipée devraient pouvoir varier, de façon non
nécessairement uniforme, selon la durée entre la retraite
anticipée et la retraite normale. La réduction s'appliquant, par
exemple, à l'année précédant immédiatement
la date normale de retraite devrait pouvoir être moins
élevée que la réduction s'appliquant Ã
l'année qui précède la date de retraite de dix ans.
Selon le rapport Boutin, tout âge de retraite obligatoire avant
l'âge de 65 ans serait discriminatoire, ce que nous appuyons de
façon générale, mais nous croyons qu'il y aura cependant
lieu de prévoir des accommodations ou exceptions pour certaines
occupations ayant des exigences particulières comme les
policiers, les pompiers, peut-être même les pilotes d'avion. Il y a
déjà une cause en cour sur la situation des pilotes d'avion qui
ont dépassé 60 ans.
Pour ce qui a trait aux régimes d'assurance-vie, nous estimons
qu'il doit être permis pour le régime de stipuler des prestations
moins élevées pour les employés en mauvais état de
santé lors de l'entrée dans le régime. De même, les
conditions préexistantes à l'entrée doivent pouvoir
être exclues de la couverture.
Quant aux régimes d'assurance-invalidité, nous estimons
qu'il doit être permis, pour le régime, de stipuler des
prestations moins élevées pour les employés en mauvais
état de santé lors de l'entrée dans le régime et,
de même, les conditions préexistantes à l'entrée
doivent pouvoir être exclues de la couverture.
Nous sommes d'accord avec le but visé par la recommandation 33a
du rapport Boutin pour considérer des absences dues à la
grossesse comme des absences dues à une invalidité, mais nous
sommes d'avis que l'adoption de cette recommandation devrait être
laissée à la négociation entre employeur et
employés plutôt que de légiférer.
Pour les régimes d'assurance-maladie, nous recommandons qu'il
soit permis d'exprimer les cotisations patronales en une somme forfaitaire par
employé, de même qu'en un pourcentage uniforme du taux de prime.
Nous recommandons qu'il soit autorisé de continuer certaines pratiques
qu'on rencontre dans les conventions collectives où, par exemple,
l'employeur défraie la totalité de la prime pour les
employés, ceux-ci se chargeant de la prime pour leurs personnes Ã
charge.
Un domaine qui aura sûrement beaucoup d'importance, c'est celui
des délais permis lors de la mise en vigueur. Nous croyons que la Charte
des droits et libertés de la personne devrait préciser la nature
et l'étendue des règlements qui pourraient être
édictés, et nous recommandons à la commission que les
amendements à la charte ou les règlements éventuels en
découlant n'entrent en vigueur que six mois après leur
proclamation et qu'ils s'appliquent aux régimes d'avantages sociaux
selon l'échéancier suivant. Pour les régimes existants
assujettis à des conventions collectives, la date d'entrée en
vigueur de la nouvelle convention collective serait la date de mise en vigueur,
et on pourrait indiquer trois ans comme étant la date maximum. Selon
notre expérience, on n'a pas vu de convention collective d'une
durée supérieure à trois ans.
Pour les autres régimes, les régimes assurés, la
mise en vigueur serait la date de renouvellement du contrat d'assurance qui
suit l'entrée en vigueur des amendements à la charte, au plus
tard dix-huit mois après ladite date et, pour les autres régimes,
dans les douze mois de l'entrée en vigueur des amendements à la
charte.
M. Bourbeau (Jean-Louis): M. le Président, ça
termine la présentation que nous avions à faire. Nous sommes
à la disposition de la commission pour les questions.
M. Bédard: Je tiens à vous remercier, au nom des
membres de la commission, de votre contribution importante aux travaux de cette
commission. Nous sommes à même de constater que vous avez raison
de dire que cette contribution est le résultat d'une réflexion
très sérieuse.
Je serais porté, au départ, à vous poser la
même question que celle que j'ai posée à ceux qui vous ont
précédés, en terminant, pour voir si j'obtiendrais la
même réponse.
Est-ce qu'il est possible de trouver un régime de rentes Ã
prestations indéterminées qui peut concilier le fait que les
femmes, comme groupe, vivent plus longtemps, donc, touchent de l'argent plus
longtemps, et qu'il y a des femmes qui meurent avant l'espérance de vie
qu'on leur a donnée? Est-ce qu'il est possible de concilier les
deux?
M. Lefebvre: II faut se rappeler qu'un régime de rentes,
qu'il soit individuel ou collectif, demeure une assurance en sens inverse, si
on veut. De la même façon que quelqu'un a mentionné que,
depuis longtemps, il payait une assurance-incendie pour sa maison et qu'il
n'avait jamais réclamé, c'est un peu la même chose. On
parle de moyenne, évidemment, il y a des personnes qui vont vivre
jusqu'Ã 95, 100 ou 105 ans et qui en auront eu beaucoup pour leur
argent. Si les risques sont achetés, à ce moment-là , la
prime est déterminée de façon à établir une
moyenne. Disons qu'on peut répondre rapidement qu'il y a
déjà , dans le système, des façons de minimiser les
variations en établissant, par exemple, une période garantie.
Comme on l'a mentionné avant, il y a beaucoup de formes de rentes
viagères. La rente viagère, sans aucune période garantie,
n'est pas utilisée souvent. En général, on voit une rente
viagère avec une garantie minimale de cinq ans, dix ans, quinze ans.
Ãvidemment, plus la période garantie est longue, plus la personne
a au moins cette protection de durée.
Je voudrais revenir sur l'ensemble du problème des tables
unisexes ou des tables de mortalité chez la femme et chez l'homme. Il a
été mentionné précédemment -Mme Freeman l'a
mentionné, à un moment donné - que le taux de
mortalité chez la femme avait peut-être été
inférieur à cause des conditions de vie, mais qu'à mesure
que les circonstances de vie des femmes
changent on se retrouvera peut-être avec un taux de
mortalité semblable. Ãvidemment, on ne peut jamais garantir ce
qui va se passer dans l'avenir, mais j'ai ici, de l'Institut canadien des
actuaires, le résultat d'une étude qui a été faite
par la Metropolitan Life qui indique qu'entre 1920 et 1971 la différence
entre les taux de mortalité des femmes ou l'avantage que les femmes
avaient a augmenté de 60%. Alors, on traverse une période
où les femmes travaillent de plus en plus à l'extérieur du
foyer et on s'aperçoit que l'avantage dans les taux de mortalité
que les femmes avaient a augmenté considérablement. Comme on le
dit dans ce rapport, il apparaît donc que travailler Ã
l'extérieur de la maison - je traduis de l'anglais - est beaucoup plus
favorable à l'espérance de vie que de travailler à la
maison.
Mme Marois: ...
M. Lefebvre: Cela semble infirmer le fait... Il semblerait que -
comme on l'a mentionné avant, cela n'a pas été
déterminé précisément - biologiquement, les femmes
sont plus fortes et sont appelées à vivre plus longtemps.
M. Bédard: ...que la pression... Mais, de 1971 Ã
1981, il n'y a pas...
M. Lefebvre: Là , il n'y a pas eu d'étude.
M. Bédard: On ne peut pas dire si on s'en va en courbe
ascendante ou descendante.
M. Lefebvre: C'était sur une période de 51 ans,
entre 1920 et 1971. Ãvidemment, il y a la compilation des études.
On n'a jamais les résultats avant quelques années plus tard.
Comme je le mentionnais tantôt à quelqu'un, je pense qu'il est
bien important de remarquer ici qu'on n'a pas le choix entre une discrimination
et une non-discrimination. à ce moment-là , le choix serait
facile. Il faut bien réaliser qu'on a le choix entre discriminer sur la
prestation qui sera payée ou discriminer sur le montant, et là on
revient à l'article 19 de la charte qui dit que tout employeur doit
accorder un traitement ou un salaire égal, étant défini
à l'article 56 comme incluant les compensations ou avantages Ã
valeur pécuniaire. C'est un point qui a été soulevé
avant et je pense que c'est un point qui est très valable. à ce
moment-là , la femme pour laquelle on doit bâtir un capital de 20%
supérieur à 65 ans aura donc reçu en valeur... Mme la
ministre a mentionné qu'un régime de rentes, c'était de la
rémunération différée. Alors, la
rémunération, la partie de la rémunération qui se
rapporte au régime de rentes serait, à travail égal, 20%
plus élevée pour la femme. C'est un choix que le
législateur peut décider de faire, mais il ne faudrait pas le
faire en disant qu'en faisant cela on évite de la discrimination. C'est
un choix de discrimination.
M. Bédard: Vous êtes le premier à nous
présenter cela un peu sous cette forme, à savoir qu'on n'a pas
à choisir entre la non-discrimination et la discrimination.
M. Lefebvre: Quelle sorte de discrimination?
M. Bédard: Mais quelle sorte de discrimination?
Mme Marois: Vous dites que, dans un sens ou dans un autre, il y
en a une et il s'agit de faire un choix.
M. Lefebvre: Oui, c'est cela. Il s'agit de décider si ce
sera sur la prestation ou sur les montants qui sont mis de côté
pour les personnes.
Maintenant, j'ai un dernier point que je voudrais soulever et que mon
confrère a déjà touché. Il ne faut pas oublier,
à la fin de tout cela, que chaque individu va conserver le droit de
sortir du système. à ce moment-là , à moins que les
gens ne soient obligés, par exemple, d'acheter des rentes avec leurs
économies, les personnes - Dieu sait que cela se fait aujourd'hui - de
65 ans qui ont accumulé, dans ces régimes enregistrés
d'épargne et de retraite, des sommes considérables, mais qui sont
en train de mourir, ne se dépêcheront pas à acheter une
rente. (18 h 45)
On pourrait voir le même phénomène se
développer, qui entraînerait, d'ailleurs, on l'a mentionné,
le danger que les petites et moyennes entreprises, qui utilisent beaucoup les
régimes de rentes à prestation indéterminée,
laissent chaque individu s'organiser avec ses régimes
d'épargne-retraite enregistrés et, comme on le sait
déjà , la législation prévoit aujourd'hui qu'on
n'est pas obligé d'acheter une rente à 70 ans. Il y a les RRIF
qui nous permettent de prendre notre argent à mesure. Donc, les gens qui
pensent qu'ils n'en ont pas pour leur argent dans le système parce qu'on
leur fait payer une prime moyenne supérieure à la valeur qu'ils
en retireront vont garder leur argent et le dépenser. Il ne faut pas
oublier qu'on n'aura pas aidé personne, à ce
moment-là .
M. Bédard: Quand vous parlez des petites et moyennes
entreprises où on retrouve un système plutôt qu'un autre
parce que c'est moins compliqué à suivre, quel pourcentage est-ce
que cela représente globalement, au niveau des primes?
M. Lefebvre: En nombre de régimes, les dernières
statistiques que j'ai vues, en pourcentage de régimes, c'est, je crois,
40% ou 50% des régimes qui sont en vigueur au Québec, mais, si on
regarde le nombre d'individus couverts...
M. Bédard: Mais sur le chiffre d'affaires...
M. Lefebvre: ... ça peut représenter
peut-être 8% ou 10% de la population. Ce sont tous des employés de
petites et moyennes entreprises. Justement, quand on dit prestation
indéterminée avec cotisation déterminée, je pense
que c'est là le principal point qui motive ces petits employeurs. Comme
mon confrère le mentionnait, les grosses entreprises déterminent
la prestation et s'organisent avec le coût qui, à l'occasion,
quand cela est basé sur le salaire final, peut être assez
considérable. Le petit employeur ne veut pas courir le risque d'une
pension basée sur le salaire final.
à ce moment-là , si sa contribution est de 5% du salaire,
année par année, c'est exactement ce que cela va lui coûter
et c'est la raison, je pense, pourquoi c'est un système qui est beaucoup
plus utilisé dans les petites entreprises.
Mme Marois: Juste à titre d'information, souvent les
femmes se retrouvent dans ces petites et moyennes entreprises qui sont souvent
des entreprises de services ou des entreprises dans des domaines un peu
différents de ceux des grosses entreprises manufacturières ou des
grandes entreprises dans le secteur secondaire, si on veut.
M. Lefebvre: Je n'ai pas les statistiques, mais je ne suis pas
certain qu'il y ait une grosse...
Mme Marois: Toute proportion gardée et compte tenu qu'il y
a une discrimination systémique d'autre part.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Chapleau.
M. Kehoe: Nous, de l'Opposition, on veut aussi vous remercier de
la patience que vous démontrez en présentant votre rapport
à cette heure tardive et on s'excuse pour l'absence de notre
collègue, M. Marx, qui est parti pour les raisons que mon
collègue a mentionnées tantôt.
Il y a juste une question technique que je veux vous poser. On a entendu
dire, dans votre intervention, que d'autres groupes... La question de tables
unisexes de mortalité et le fait que vous rejetez cela à cause
des problèmes majeurs, pourriez-vous nous expliquer grosso modo quels
sont ces problèmes-là et pour quelles raisons vous rejetez
cela?
M. Bourbeau (Jean-Louis): C'est un peu ce que mon confrère
vient d'expliquer ici. Ã moins qu'on ne force toute la population
à acheter le produit, la partie de la population qui
bénéficie de l'usage des tables unisexes, par opposition Ã
une table de mortalité qui est propre à son sexe à elle,
va se prévaloir, va acheter le produit parce qu'elle va l'avoir Ã
prix réduit, mais l'autre moitié qui subventionne va se priver
d'en acheter. Alors, vous ne pouvez pas vendre à un prix moyen rien
qu'à la moitié que vous subventionnez.
Ce qu'on pourrait anticiper, c'est que la tarification...
M. Bédard: II faudrait une obligation.
M. Bourbeau (Jean-Louis): II faudrait qu'il y ait une obligation;
autrement, ce qui va arriver, c'est que les gens qui vendent le produit vont
mettre les marges ou les chances en leur faveur et tous les hommes et toutes
les femmes vont finir par acheter les rentes au prix que paient les femmes et
tout le monde va acheter l'assurance au prix que paient les hommes. Ils ne
seront pas gagnants là -dedans.
M. Bédard: Est-ce pour cela que cela ne se compare pas
avec l'assurance automobile où tout le monde est obligé d'en
acheter?
M. Lefebvre: Ãvidemment, la législation peut
toujours prévoir ces choses-là . Ce que je mentionnais
tantôt, c'est qu'à un moment donné, on pourrait forcer les
gens à utiliser toutes leurs épargnes pour s'acheter des rentes
à 65 ans ou à 70 ans. Il y a effectivement eu un mouvement en
sens inverse dans les quelques dernières années, parce qu'il y a
le problème de la personne qui est fortement handicapée ou qui se
sent mourir, Ã 65 ans, et qui aurait devant elle une loi qui la
forcerait à acheter une rente. On pourrait dire la même chose des
âges aussi. On parle de table unisexe; on pourrait, théoriquement,
n'avoir qu'un taux de prime d'assurance pour tous les âges. Mais Ã
moins que les gens ne soient forcés, si un taux d'assurance temporaire,
par exemple, est de 1 $ les 1000 $ Ã 20 ans, de 30 $ les 1000 $ Ã
60 ans et que vous demandez 15 $ Ã tout le monde, cela ne veut pas dire
qu'il n'y a pas des individus de 60 ans qui vont vivre plus longtemps que des
individus de 20 ans; en moyenne, l'individu de 20 ans n'achètera pas
quelque chose qui vaut 1 $ pour 15 $, mais les individus de 60 ans vont acheter
tout cela à 15 $. Ãventuellement, cela va se vendre 30 $.
M. Bédard: D'où la nécessité de
l'obligation.
M. Lefebvre: Disons que c'est plus évident dans
l'assurance-vie parce que les taux de mortalité sont directement
reflétés.
M. Bédard: Vous faites référence Ã
l'âge. Vous nous indiquez que dans une autre commission vous allez
présenter un mémoire, mais comme l'âge est également
un élément important pour l'ensemble des membres de cette
commission, est-ce que ce serait trop vous demander...
Mme Marois: De nous dévoiler...
M. Bédard: ... oui, de nous dévoiler
peut-être un résumé de ce qui pourrait nous
intéresser? Au niveau de la Charte des droits et libertés de la
personne, la notion de l'âge est très importante.
M. Bourbeau (Jean-Louis): Le rapport Boutin parle d'un intervalle
de 18 ans à 65 ans comme étant l'intervalle Ã
l'intérieur duquel il ne devrait pas y avoir de discrimination sur
l'âge. Au-dessus de 65 ans, on pourrait appliquer des barèmes
différents. On ne considère pas qu'il y a quelque chose de
magique au chiffre 65; s'il était bon il y a dix ans ou vingt ans,
peut-être qu'aujourd'hui ce devrait être 66 ou 67. En principe, on
est tout à fait d'accord que l'âge obligatoire de la retraite
devrait éventuellement être aboli. On suggère fortement d'y
aller par étape, cependant. Il y a certaines contraintes qu'il faudrait
quand même respecter, mais règle générale, on pense
que c'est faisable et cela va possiblement - peut-être pas dans les dix
prochaines années, mais à un moment donné - être une
nécessité qu'on substitue 66 ans ou 67 ans pour tout ce qu'on
fait aujourd'hui à 65 ans, incluant le régime de retraite du
Québec, celui du Canada, la pension de vieillesse. Ce sera
peut-être la seule place où on va pouvoir diminuer nos
dépenses.
M. Bédard: On va profiter de vous. Globalement, est-ce que
cela peut avoir des incidences financières importantes, la question de
l'âge? L'abolition de l'âge de la retraite?
M. Lefebvre: Comme mon confrère vient de le mentionner, ce
sera possiblement la solution idéale, un jour, ou le facteur le plus
important dans le règlement des problèmes de retraite qu'on a
actuellement. Quand vous parlez d'impact économique, ce serait
très avantageux économiquement que l'ensemble de la
société puisse contribuer de façon valable à sa
productivité.
Ãvidemment, si on prend un cas déterminé, si vous
avez quelqu'un à qui, à 65 ans, vous payez une rente de son
employeur, du Régime de rentes du Québec, la pension de
vieillesse et que vous substituez ces circonstances par un âge de
retraite de 70 ans, la personne continue à produire, et non seulement
vous n'avez pas à payer, en tant que société, ces
prestations pendant cinq ans, mais l'intérêt s'accumulerait sur
les fonds déjà accumulés. Cela entraînerait des
épargnes considérables dans tous les régimes de rentes
pour autant, évidemment, que la société soit
prête.
Actuellement, on a reconnu, aux Ãtats-Unis, où l'âge
de la retraite à 65 ans a été aboli, que très peu
de personnes ont décidé de continuer à travailler.
M. Bédard: C'est cela.
M. Bourbeau (Jean-Louis): Une des contraintes à laquelle
je fais référence, c'est qu'on considère qu'une personne
devrait être considérée comme travailleur actif ou
retraité; on ne devrait pas, par exemple, automatiquement payer des
rentes d'Ãtat à 65 ans même si la personne continue
à travailler.
J'aimerais revenir, si vous me le permettez, sur un commentaire que M.
Lefebvre a fait et que j'avais aussi signalé. Quand on parle de la
discrimination engendrée principalement par la différence dans le
coût des rentes. Le dilemme auquel font face les employeurs est de faire
de la discrimination soit au niveau de la prestation ou de faire de la
discrimination au niveau du coût du produit, et la très grande
majorité des employeurs ont opté pour faire de la discrimination
au niveau du coût. La plupart des gros employeurs ont accepté de
donner une maison de 120 000 $ aux femmes et une maison de 100 000 $ aux
hommes. Tous les régimes à prestation déterminée
font déjà ça. Dans les faits, dans la vraie vie, il y a la
discrimination qui est causée par ça. Il y en a beaucoup moins
que beaucoup de mémoires qu'on entend pourraient le laisser croire.
Même si, comme dit Mme la ministre, chez les 8% des participants dans les
régimes à prestation indéterminée, il pourrait y
avoir un plus grand pourcentage de femmes dans ce genre de régime que
dans les autres régimes si le maximum est 8%, pour ne pas le
dépasser en supposant que c'est 100% des femmes, cela va être 8%,
sur une main-d'oeuvre de 40%, si je comprends bien, alors, c'est...
Mme Marois: Cela fait la preuve que c'est donc possible, des
régimes à prestation déterminée, puisque c'est
ça de façon générale qu'on connaît dans les
grandes entreprises où il y a convention la plupart du temps.
M. Bourbeau (Jean-Louis): Je pense que
c'est ailleurs que dans la différence des mortalités entre
les hommes et les femmes qu'il faut chercher les causes de la pauvreté
chez les femmes.
Mme Marois: J'en conviens. Je pense que je l'ai
déjà exprimé précédemment. Une question et
ce sera la seule. Vous n'exprimez pas dans votre mémoire de
désaccord avec les recommandations?
M. Bédard: Seul à seul, est-ce que vous
voulez...
Mme Marois; Je n'ai pas dit seul à seul, ah non, restez,
c'est intéressant, j'imagine. Vous n'exprimez donc pas de
désaccord avec les recommandations du rapport Boutin en ce qui a trait
aux bénéfices contenus dans les régimes d'avantages
sociaux en faveur du conjoint des enfants. Vous n'exprimez pas non plus de
désaccord avec les recommandations qui concernent les cotisations des
employeurs et des employés pour ces bénéfices. Le rapport
Boutin, quant à ses recommandations, quant au projet qu'il a
présenté, s'est fortement basé sur les pratiques actuelles
des assureurs et c'est différent selon les différents types de
régimes, assurance-vie, rentes de conjoints, etc. Il n'y a pas un
principe unique à l'intérieur de ce qu'il recommande. Moi, la
question que je me pose à ce moment-ci, oublions les pratiques
actuellement reconnues des assureurs, c'est qui, selon vous, de l'employeur ou
de l'employé, devrait payer pour les avantages supplémentaires
dont bénéficient un conjoint ou des enfants?
M. Bourbeau (Jean-Louis): Qui devrait payer pour le coût
supplémentaire...
Mme Marois: C'est ça.
M. Bourbeau (Jean-Louis): ... d'embaucher un employé qui a
des personnes à sa charge par rapport à un employé qui n'a
personne à sa charge? C'est ça la question? Dans le
système actuel, l'employeur et les employés établissent
entre eux qui va supporter ce coût. Notre position est que ça
devrait rester comme ça.
Mme Marois: Ce devraient être ces conventions qui
continuent...
M. Bédard: Les conventions collectives?
M. Bourbeau (Jean-Louis): Si on veut que tous les travailleurs
pour un travail équivalent aient un traitement égal, je ne vois
pas comment on pourrait légiférer que si quelqu'un, parce qu'il a
une femme et plusieurs enfants, représente un coût additionnel, il
faut mettre ça sur le chèque de paie en plus...
Mme Marois: Dans le fond, vous dites: Répartissons-le.
M. Bourbeau (Jean-Louis): Je dis: Laissons les parties en cause
établir qui va payer ce coût supplémentaire.
Mme Marois: Cela va.
M. Bourbeau (Jean-Louis): Si on remonte loin en arrière,
les employeurs avaient des attitudes plus paternalistes que maintenant. On
avait des salaires plus élevés, par exemple, pour les gens
mariés que pour les célibataires ou pour les hommes que pour les
femmes, parce qu'ils étaient soutiens de famille. On s'est
éloigné de ce concept. Personnellement, c'est une opinion, je
n'ai pas le consensus de mes collègues là -dessus, je ne pense pas
qu'on ait avantage à y retourner.
Mme Marois: Merci.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre, en
terminant.
M. Bédard: Je remercie nos amis de leur éclairage.
Franchement, c'est un mémoire très substantiel. Je vous remercie
beaucoup de vous être déplacés.
Association pour les droits de la communauté
gaie du Québec
Le Président (M. Desbiens): Merci. Je demanderais
maintenant à l'Association pour les droits de la communauté gaie
du Québec de s'approcher, s'il vous plaît. 09 heures)
Mme Péloquin, je vous demanderais de présenter les
intervenants qui vous accompagnent, s'il vous plaît!
Mme Poliquin (Diane): Première rectification, c'est
Poliquin. à ma gauche, Ron Dayman - vous l'avez vu tantôt, il
était avec la coalition - et, à ma droite, Marcel Pleau. Nous
sommes tous les trois militants au comité politique de l'ADGQ.
M. le Président, messieurs et mesdames membres de la commission,
c'est avec un grand plaisir que nous venons aujourd'hui, ou plutôt ce
soir, vous exposer nos vues sur la révision de la Charte des droits et
libertés de la personne. Signalons que, s'il s'agit là d'une
première pour l'Association pour les droits de la communauté gaie
du Québec, ce n'est cependant pas la première fois que des
porte-parole de la communauté gaie se présentent en commission
parlementaire. En janvier 1975, lors de la commission parlementaire sur
l'adoption de la Charte des droits et libertés de la personne, trois
organismes homosexuels avaient demandé que soient inclus à la
liste des motifs de
discrimination illicites énumérés Ã
l'article 10 de la charte les termes "orientation sexuelle". Cette
recommandation ne fut cependant pas retenue et il fallut attendre
décembre 1977 et l'arrivée au pouvoir du Parti
québécois pour que le gouvernement donne suite à cette
recommandation lors de l'adoption de la loi 88. Cinq ans se sont
écoulés depuis l'adoption de la Charte des droits et
libertés de la personne et quatre ans depuis que le législateur y
a inclus l'orientation sexuelle. Nous sommes donc plus en mesure aujourd'hui
d'en évaluer les mérites et les faiblesses.
à maints égards, la Charte des droits et libertés
de la personne présente de grandes qualités. Elle couvre
plusieurs motifs de discrimination et elle est plus efficace que la
majorité des chartes des droits de la personne, tant
fédérale que provinciales. En ce qui nous touche plus
particulièrement, la charte québécoise a
créé un précédent mondial en reconnaissant la
liberté d'orientation sexuelle. Notre communauté est donc
fière de constater qu'au Québec la minorité homosexuelle a
un recours juridique contre la discrimination dans l'emploi, le logement et
l'accès aux services publics. Nous aimerions attirer votre attention sur
le fait que, contrairement à ce qui s'est passé dans plusieurs
régions des Ãtats-Unis et du Canada anglais, l'adoption de cet
amendement n'a soulevé que peu de controverse au sein de la population
québécoise. Nous aimons voir là la manifestation de
l'ouverture d'esprit des Québécois et Québécoises
face à notre communauté, mais ces quatre années nous ont
également permis de constater des lacunes dans la charte et les
problèmes que pose son application.
Notre bilan débouche sur les recommandations que nous vous
présentons dans notre mémoire intitulé Discrimination et
orientation sexuelle: L'apprentissage de la protection des droits. Voici les
grandes lignes. Peu après l'adoption de la loi 88, notre association
déposait auprès de la Commission des droits de la personne une
des premières plaintes pour motif d'orientation sexuelle car la
Commission des écoles catholiques de Montréal avait refusé
de nous louer des locaux pour y tenir un congrès. Nous avons
été déçus d'apprendre que ceci ne constituait pas,
aux yeux des commissaires de la CDP, un cas de discrimination puisque l'article
20 de la charte permet, et je cite: "Une distinction, exclusion ou
préférence... justifiée par le caractère
charitable, philantropique, religieux, politique ou éducatif d'une
institution sans but lucratif ou qui est vouée exclusivement au
bien-être d'un groupe ethnique... "Mentionnons que cet article
dérogatoire est plutôt unique dans les lois concernant les droits
de la personne.
Ayant été déboutée par la CDP, l'ADGQ a donc
décidé d'assumer les frais d'un recours devant les tribunaux.
Dans ce cas, le jugement nous fut favorable car la cour a
démontré que l'article 20 devait être
interprété de façon restrictive, mais nous nous
inquiétons sérieusement car l'article 20 pourrait Ã
nouveau être invoqué, et surtout par une institution scolaire
confessionnelle, contre une enseignante lesbienne ou un enseignant gai.
Ajoutons que notre cause contre la CECM n'est pas close puisque cette
dernière a décidé de faire appel. Nous croyons qu'il faut
modifier l'article 20 afin de limiter au strict minimum les exceptions Ã
la charte. Nous proposons donc que soient biffés de l'article 20 les
mots "religieux et éducatif". Nous appuierions toute modification qui
viserait à en restreindre la portée.
Dernièrement, nous avons pris connaissance d'un autre article
dérogatoire de la charte soit l'article 97 ou 90, vous avez le choix.
Cet article qui devait, selon le projet initial, n'avoir qu'un caractère
temporaire permet la discrimination dans les régimes d'avantages sociaux
pour les motifs suivants: Sexe, état civil, handicap et orientation
sexuelle.
L'article 97 autorise la discrimination contre les couples homosexuels
dans l'attribution des bénéfices économiques qui sont
accordés aux couples hétérosexuels mariés ou de
fait. Même si le législateur n'a pas cru bon de légaliser
le mariage homosexuel, lors de sa récente réforme du Code civil,
il nous semble nécessaire que l'Ãtat reconnaisse la
validité des relations affectives, stables et continues entre deux
personnes du même sexe.
Il nous apparaît logique qu'une charte qui garantit la
liberté d'orientation sexuelle protège également le droit
des personnes homosexuelles de former des relations de couple et qu'elle leur
assure les mêmes droits qu'aux couples hétérosexuels; nous
aimerions rappeler que la CDP nous appuie sur ce point.
Nous recommandons, de concert avec la CDP et les autres membres de la
coalition pour l'abrogation de l'article 97, l'abrogation de cet article et la
modification des lois et régimes publics en ce sens.
Nous recommandons que dans le cas des articles 20 et 97, la
portée des articles dérogatoires soit restreinte car les
brèches que cela entraîne laissent la porte grande ouverte
à des abus qui sont contraires à l'esprit de la charte. Nous
croyons qu'il faut réduire le plus possible les échappatoires
à un texte de loi aussi fondamental que la Charte des droits de la
personne. Nous appuyons également plusieurs recommandations
proposées par la
Commission des droits de la personne et demandons, entre autres, que le
pouvoir
d'enquête de la CDP soit élargi aux autres droits reconnus
par la charte, que la CDP ait le pouvoir de faire des programmes d'action
positive et que l'âge soit inclus comme motif prohibé de
discrimination à l'article 10 de la charte.
Nous estimons que ces cinq modifications à la Charte des droits
et libertés de la personne constitueraient des progrès importants
pour la protection des droits de la personne, mais de simples modifications
techniques ne suffiront pas à rendre la charte efficace; encore faut-il
que le gouvernement fasse de son application une de ses grandes
priorités.
Nous avons démontré dans notre mémoire que le
gouvernement n'accorde pas un budget suffisant pour assurer le bon
fonctionnement de la Commission des droits de la personne et que malgré
un nombre sans cesse croissant de demandes d'enquête, ce budget n'a que
peu augmenté depuis cinq ans. On peut même parler d'une situation
de crise lorsque l'on considère le retard important que la commission a
actuellement dans ses dossiers. Non seulement la CDP ne peut réaliser
les projets longuement attendus, telle la mise sur pied de bureaux
régionaux, mais elle se trouve dans l'impossibilité de remplir
son premier mandat qui est d'appliquer la charte de façon
adéquate.
Nous croyons également qu'il serait temps d'augmenter
considérablement le personnel de la commission et ce, d'autant plus
qu'il nous semble que la Commission des droits de la personne devrait
être en mesure d'entreprendre des programmes d'information et
d'éducation d'une façon beaucoup plus énergique que par le
passé.
Enfin, une charte des droits de la personne vaut peu si le gouvernement
n'assure son application par des budgets adéquats. Finalement, nous
recommandons que le gouvernement nomme au moins un ou une commissaire
ouvertement gai ou lesbienne afin de représenter notre communauté
à la CDP. Nous estimons que quatre ans après l'adoption de la loi
88, il est temps que notre minorité soit représentée dans
cet organisme qui a le mandat de protéger nos droits.
Nous vous remercions de votre attention et nous sommes prêts
à répondre à vos questions.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Bédard: Je vous remercie de votre participation aux
travaux de cette commission. Dans votre mémoire plus
élaboré - je comprends, vous en avez donné une sorte de
résumé - vous nous parlez de la mise en place d'un conseil
consultatif; en fait, vous n'êtes pas très précis sur les
fonctions de ce conseil consultatif. En quoi les fonctions du conseil
consultatif, dont vous nous proposez la création, seraient-elles
différentes de ce que peut faire la commission? Est-ce qu'on n'assiste
pas à une tentative de chaque type de minorité instinctivement
d'essayer d'en arriver à la création d'un organisme public bien
à eux. J'aimerais que vous détailliez cette suggestion que vous
avez faite dans votre mémoire.
M. Dayman (Ronald): Le sens de notre recommandation, c'est
justement d'avoir un conseil, un peu dans le sens du Conseil du statut de la
femme, qui aurait pour mandat d'étudier la discrimination dont sont
victimes les homosexuels et les lesbiennes et qui prendrait des mesures pour
promouvoir les droits de la communauté gaie. Je ne vois pas de raison
pour dire qu'il y a certaines communautés ou certaines minorités
qui devraient être privilégiées par l'existence d'un
conseil du statut de leur situation. Pourquoi pas un conseil du statut de la
communauté gaie? Pourquoi pas un conseil du statut des autres
minorités pour étudier et pour, justement, améliorer la
situation de ces minorités?
M. Bédard: Je serais porté à vous poser la
question: Au contraire, pourquoi la nécessité d'un organisme pour
chaque type de minorité? J'ai l'impression qu'en fin de compte cela
pourrait devenir assez compliqué, surtout si vous demandez à ces
organismes de faire la promotion respective des intérêts de
chacune des communautés représentées.
M. Pleau (Marcel): Disons qu'il y a deux raisons: la
première est d'ordre pratique. Nous, comme organisme, nous nous
autofinançons péniblement à même les ressources de
notre communauté. Nous ne sommes pas subventionnés, enfin, nous
l'avons été l'année passée pour notre journal
mensuel Le Berdache. Cette année, à cause des coupures, on nous a
coupé cela. Ce qui veut dire que, pratiquement, nos ressources sont
très...
M. Bédard: Je peux vous dire au départ que vous
n'êtes pas les seuls. Il n'y a pas de discrimination.
M. Pleau: Disons qu'une des raisons pour lesquelles on revendique
cela, c'est que notre communauté est dans une situation peut-être,
sans dire pire, nous sommes particuliers dans la mesure où nous sommes
une minorité invisible, si on veut. On ne peut pas, dans notre cas,
parler de statistiques fondées sur des études. Les
préjugés sont d'autant plus rigides qu'il y a, concernant
l'homosexualité en général, un tabou dans l'Occident qui
fait qu'il y a un
très long travail d'éducation à faire auprès
de l'opinion publique. Nous n'avons pas les moyens, avec les sommes que nous
pouvons y consacrer, d'investir davantage dans cette campagne
d'éducation auprès de l'opinion publique. C'est une des raisons
qui nous motivent en ce sens et l'autre, comme disait mon camarade, c'est qu'il
nous semble que, s'il peut exister un Conseil du statut de la femme, pourquoi
pas un conseil pour les autres minorités ou un conseil voué au
sort des minorités en général, dont nous pourrions faire
partie et auquel nous pourrions collaborer? C'est la question et, de cette
façon, on peut répondre.
Mme Marois: Relativement au Conseil du statut de la femme,
évidemment, on parle à ce moment - je comprends aussi vos
arguments et j'y suis très sensible - de 52% de la population. Il y a
cela aussi. Le type de demande que vous faites là est vrai pour beaucoup
d'autres minorités. Ãvidemment, compte tenu des moyens et des
ressources dont on dispose, on se dit: Est-ce qu'on commence par un certain
nombre de groupes majoritaires? C'est un peu le cas, en ce qui a trait aux
femmes, avec le Conseil du statut de la femme.
M. Bédard: Dans votre mémoire, concernant les
avantages sociaux ou encore les avantages issus de l'assurance, vous nous
parlez de votre préoccupation de la reconnaissance du conjoint de fait
homosexuel. Ne croyez-vous pas qu'une façon de régler le
problème de la reconnaissance du conjoint de fait homosexuel, au niveau
des avantages sociaux ou encore de l'assurance, serait de laisser une certaine
souplesse aux règles de ces régimes afin de laisser tout
simplement à chacun le loisir de payer un certain montant de la prime
correspondant au genre de risques qu'il désire assurer? (19 h 15)
M. Dayman: Ce n'est pas actuellement...
M. Bédard: Pardon?
M. Dayman: Ce n'est pas actuellement ce qui existe.
M. Bédard: Pardon?
M. Dayman: II existe quand même...
M. Bédard: II y a des compagnies d'assurance qui offrent
ce genre...
M. Dayman: Ãvidemment, pour nous, c'est surtout dans les
régimes publics que cela nous préoccupe le plus. Dans notre
mémoire, les exemples sont justement tirés des régimes
publics. L'effet que cela peut avoir pour nous est moins évident qu'au
niveau des compagnies privées. C'est surtout au niveau de l'Ãtat.
Il nous semble qu'il faut commencer par l'Ãtat, que c'est l'Ãtat
qui devrait prendre la première initiative au niveau des régimes
de rentes qui définissent actuellement justement des unions de fait
comme entre deux personnes de sexe opposé.
M. Bédard: Je n'ai pas d'autre question pour le
moment.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Marquette.
M. Dauphin: Deux petites questions. J'aimerais naturellement
remercier l'Association pour les droits de la communauté gaie du
Québec pour la présentation de son mémoire. J'aurais une
question également, au même titre que M. le ministre, concernant
la création d'un conseil consultatif. Ce que je me demande, c'est s'il
n'y aurait pas de ce fait une contradiction, en ce sens qu'on voudrait faire
des campagnes d'éducation, d'information, d'intégration pour que
ce soit normal et tout cela et que, d'un autre côté, on
crée un conseil. Je me demande si cette attitude n'est pas une forme de
"ghettoïsation", justement, le conseil de ceci, le conseil de cela.
M. Pleau: Oui, je comprends. Cette contradiction, nous la vivons
depuis fort longtemps. à l'époque où nous étions
invisibles totalement, c'est-Ã -dire que nous n'existions que par des
rapports de médecins ou des rapports de policiers, l'opinion publique
avait son idée de ce qu'étaient les homosexuels. Pour hâter
le jour sans doute lointain où il pourrait y avoir dans notre
société une intégration harmonieuse d'une pluralité
des orientations sexuelles et des goûts érotiques, il nous semble
qu'un des moyens pour le faire serait en démystifiant, auprès
d'une large opinion publique et auprès des homosexuels eux-mêmes,
ce qu'est ce phénomène. Un des moyens justement est de se former
en association, en mouvement, en revendiquant. Ã ce titre, l'amendement
que le gouvernement a introduit en 1977 est un pas symbolique d'une très
grande portée. D'autres événements, comme la
création d'un pareil conseil, loin de "ghettoïser", comme vous le
dites, permettront à l'opinion publique de nous voir tels que nous
sommes, comme vous nous voyez devant vous aujourd'hui, revendiquant au
même titre que les autres citoyens ce qui nous revient. Nous sommes
conscients de cette contradiction, mais ce n'est pas nous qui l'avons
créée.
M. Dauphin: J'aurais seulement une autre petite question. Je
tiens à vous signaler que je suis très sérieux. Depuis
un
an ou deux, on voit l'avènement d'espèces de bars, de
danseurs nus, ces choses-là . On inscrit toujours à la porte:
Défense d'entrer si vous êtes seuls, c'est-à -dire deux
hommes. Je me demande si vous vous êtes penchés là -dessus.
Est-ce de régie interne? Est-ce un règlement municipal?
M. Dayman: Une plainte a déjà été
déposée à la Commission des droits de la personne sur
cette question justement par un membre de notre communauté, ce qui n'est
pas, je pense, réglé encore.
M. Dauphin: Ah! il y a eu une plainte de
déposée.
M. Pleau: D'ailleurs, voilà un autre exemple de la
situation qui prévaut actuellement à la Commission des droits de
la personne: Ã quel moment serons-nous en mesure de savoir si
effectivement c'est discriminatoire?
M. Dauphin: D'accord.
Mme Marois: Peut-être seulement un commentaire. Je trouve
que votre mémoire fait oeuvre d'éducation. Il est très
fouillé, très recherché et vraiment très bien fait.
Pour quelqu'un qui voudrait vraiment comprendre toute cette
réalité que vous représentez et défendez, il est
extrêmement bien étayé et bien fait. C'était un de
mes commentaires.
L'autre commentaire que j'ai à faire, c'est que, si
déjà il y a une recommandation qui est que la Commission des
droits de la personne puisse faire une certaine forme d'information, de
publicisation ou de démystification, cela m'apparaît
déjà , dans le sens de vos recommandations, un premier pas,
disons, qui aiderait sûrement à faire comprendre davantage ce que
vous vivez, ce que vous êtes et ce que vous véhiculez aussi, un
peu comme on l'a fait par rapport aux femmes en ce qui a trait, par exemple,
aux stéréotypes sexistes ou à tout ce qu'a fait le conseil
au niveau de l'éducation.
C'est plus de l'ordre des commentaires parce que je pense qu'il y a
beaucoup de questions qui ont déjà été
apportées et fouillées d'autre part.
M. Bédard: Je n'ajouterai pas d'autre commentaire, je vous
remercie de votre participation.
Le Président ( M. Desbiens): Nous vous remercions. La
commission élue de la justice ajourne ses travaux jusqu'au mardi 13
octobre, Ã 10 heures.
(Fin de la séance à 19 h 22)