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(Quinze heures quatre minutes)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! La commission
de la présidence du conseil et de la constitution est réunie afin
d'étudier les crédits budgétaires du Conseil
exécutif, programmes 1 et 3.
Les membres de cette commission sont: MM. Bédard (Chicoutimi)
remplacé par M. Gravel (Limoilou), Gendron (Abitibi-Ouest), Landry
(Laval-des-Rapides) remplacé par M. Baril (Arthabaska), Lazure
(Bertrand) remplacé par M. Gagnon (Champlain), Levesque (Bonaventure),
Lévesque (Taillon), Mme Marois (La Peltrie) remplacée par M. de
Bellefeuille (Deux-Montagnes), MM. Marx (D'Arcy McGee), Morin (Sauvé),
Ryan (Argenteuil), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce) remplacé par M. Ri
vest (Jean-Talon).
Nous avons besoin d'une personne pour servir de rapporteur.
M. Gravel: M. le Président, je voudrais proposer le
député d'Arthabaska.
Le Président (M. Jolivet): M. Baril, Arthabaska.
Nous commençons donc avec le premier ministre. Le programme no
1.
Exposé général M. René
Lévesque
M. Lévesque (Taillon): Je n'avais pas l'intention de faire
un long discours, ce serait oiseux, mais en l'absence du chef de l'Opposition
qui va venir nous joindre d'ici quelques minutes, je vais faire une seule
remarque générale qui est celle-ci: On a à étudier
les crédits du ministère du Conseil exécutif pour
1982-1983. En regard de 1981-1982, on remarquera qu'il y a tout de même
une baisse assez substantielle. Je pense que c'est conforme à ce qu'on
pourrait appeler, hélas, le goût du jour et, pour le reste, je
vous présenterai tout à l'heure plus en détail ceux qui
sont là pour nous donner un coup de main. Je pense que vous les
reconnaissez pour la plupart, ce sont les mêmes. Au besoin, à
certains d'entre eux je pourrai passer la parole si cela demande plus de
détails.
Vous aviez posé, du côté de l'Opposition, un bon
nombre de questions dont j'ai la compilation ici, c'est-à-dire des
demandes d'information. Vous avez tout cela; vous avez déjà vu,
ce matin, Mme la ministre d'État à la Condition féminine
et le ministre d'État à l'Aménagement. Quant aux autres de
mes collègues du Conseil exécutif, ils vont venir vous joindre
aussitôt après moi. Alors, partant de là, si vous voulez,
on peut plonger tout de suite. Je suis à vos ordres messieurs des deux
côtés.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Jean-Talon.
Projet de loi sur l'Assemblée nationale
M. Rivest: Le chef de l'Opposition, comme le premier ministre l'a
indiqué, sera ici dans à peu près une quinzaine de minutes
où il aura deux ou trois sujets d'ordre général à
aborder avec le premier ministre.
Pour ma part, j'en aurais un. Il a trait à la réforme de
l'Assemblée nationale et du régime parlementaire à la
suite du mandat que vous aviez confié, M. le premier ministre, au
député de Trois-Rivières. Évidemment, dans les
prochains jours, si ce n'est pas fait, ce sera fait bientôt, on m'a dit
que la loi de l'Assemblée nationale - je ne sais pas comment on
l'appelle - sera déposée. Cependant, je voudrais vous demander si
vous pouvez nous donner quelques indications sur l'ampleur de la
réforme. Je voudrais surtout peut-être en connaître trois
aspects, je sais que c'est assez long. Est-ce que l'Assemblée nationale
est présente dans votre perspective sur le contrôle et l'exercice
du pouvoir réglementaire? L'ancien ministre à la réforme
électorale, M. Burns, s'était attaché
particulièrement à cette question. Le rapport Vaugeois en fait
très largement état. D'ailleurs, M. Vaugeois et moi participons
à de très nombreux colloques universitaires et tous les
universitaires sont très sensibles, ainsi que les membres du barreau, au
contrôle de la législation déléguée.
Deuxièmement, le droit d'initiative. On vit une expérience
au niveau des "select committees" qui est très intéressante. J'en
vis une pour ma part avec le député de Sainte-Marie, et ma
collègue de L'Acadie vit avec le député de
Verchères une expérience qui est intéressante sur le droit
d'initiative parlementaire. Troisièmement, ce qui m'apparaît
peut-être plus d'actualité immédiate, à tout le
moins, c'est
l'amélioration des processus de contrôle budgétaire
par l'Assemblée nationale, tel qu'évoqué par le
député de Trois-Rivière dans une toute récente
intervention d'ailleurs à l'Assemblée nationale.
C'est-à-dire que l'Assemblée nationale serait plus ou moins
associée dans toute la mesure du possible au respect de la
responsabilité gouvernementale qui existera à tous égards
là-dessus, mais associée au processus d'élaboration
budgétaire et surtout associée à une espèce de
continuité sur l'évolution du budget en cours d'année, ce
qui risquerait d'éviter ce qu'historiquement l'on a vécu depuis
le début, par exemple dans le sens aussi des réformes sur ce plan
du contrôle budgétaire, de ce qui a été
évoqué par le ministre fédéral des Finances. Lui
aussi, il a connu ces avatars dans le processus budgétaire, ainsi que le
député de Trois-Rivières l'a dit dans son intervention
à l'Assemblée nationale.
Je vous pose la question, M. le premier ministre, sans vous faire de
cachette, parce que j'ai cru comprendre, connaissant bien le
député de Trois-Rivières, que ce discours s'adressait
à vous.
Le Président (M. Jolivet): M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): II s'adressait au gouvernement, je
pense bien. Je laisse au député de Jean-Talon le soin
d'évaluer l'efficacité aussi bien que la réalisation
concrète des intentions évoquées par M. MacEachen, j'avoue
que cela ne m'a pas impressionné jusqu'ici. Mais, pour revenir à
notre sujet, en ce qui concerne la réforme de la nouvelle loi, pour
commencer, de l'Assemblée nationale qui était annoncée
dans le discours inaugural, j'ai bon espoir... On devait l'étudier hier
pour compléter ce qui peut l'être. On a été
obligé de reporter cela à la semaine prochaine, mais j'ai bon
espoir, enfin, j'ai la certitude qu'on pourra déposer le projet de loi
avant la fin de la session, avant l'ajournement. Il va peut-être manquer
de petits bouts mais les petits bouts manquants auront un effet
rétroactif quand ils pourront être ajoutés. Pour prendre
les questions spécifiques en ce qui concerne... D'abord, il est
évident que cela touche indirectement le budget, mais, enfin, il est
évident que le bureau de l'Assemblée nationale fera partie de la
loi comme cela avait été prévu et il y a toute une
série de modifications qui, à notre humble avis, sont des
améliorations, mais on verra cela avec le projet de loi.
Maintenant, quant aux trois questions spécifiques du
député de Jean-Talon, je pense qu'on peut se mettre d'accord
assez rapidement sur le fait qu'il faut absolument entrer dans la
réforme du côté de ce qu'on pourrait appeler l'autonomie
d'action, le droit d'initiative élargie des députés et des
parlementaires. Je demanderais, quant à moi, qu'on n'exige pas, ni d'un
côté ni de l'autre, qu'on change le monde au complet, qu'on
chambarde tout du jour au lendemain, parce qu'il y a un caractère
expérimental â certaines choses.
Pour ce qui est du pouvoir réglementaire, de la
législation déléguée, je pense qu'il est
prévu déjà qu'il y aurait une commission là-dessus
de façon qu'on puisse accompagner ce processus et, entre nous, ce serait
tant mieux pour tout le monde, y compris le gouvernement, parce que cela
permettrait d'avoir une meilleure mastication de tout cela.
Pour ce qui est des "select committees", c'est-à-dire de ce droit
d'initiative, comme vous le dites vous-même, il y en a un qui est en
marche comme une bonne expérience, celle qui touche en particulier la
Loi sur la Fonction publique. On en prévoit éventuellement
quatre. Est-ce que cela pourra être fait tout d'un bout? Cela
dépendra de la façon dont cela va évoluer, mais je ne vois
pas de raison pour que ce ne soit pas assez rapidement, mais à condition
qu'on ne surcharge pas au point où tout à coup on
s'aperçoive qu'on n'a plus assez de députés, ni d'un
côté ni de l'autre, pour faire le travail convenablement. Il ne
faut pas non plus que cela devienne une espèce - comment dirais-je -
d'écrasement de comité qui empêche de faire le reste du
travail. Si on a fait l'expérience de la première commission
d'initiative parlementaire, si vous voulez, le "select committee" en question,
il est évident qu'on veut aller dans cette direction, mais est-ce qu'on
va aller tout de suite à quatre ou si on va plutôt faire
l'expérience de deux ou trois; on verra. C'est un peu ad hoc
quelquefois, cela dépend des problèmes qui se
présentent.
Pour ce qui est du processus de contrôle budgétaire, je
dois souligner quand même une chose dont le député de
Jean-Talon est aussi conscient que nous, j'espère, c'est que c'est quand
même - là, je dis cela simplement pour mémoire - un
précédent par rapport à tout ce qui se faisait dans le
passé, qu'on ait maintenant, disponible à tous les trimestres, le
résultat de l'évolution, si vous le voulez, des prévisions
budgétaires à mesure que les faits viennent les confirmer, ou
parfois les infirmer, surtout par les temps qui courent. Je suppose qu'en
parlant de meilleur contrôle de ce côté-là, le
député évoque surtout une commission des finances plus
solidement structurée. Évidemment, en commission des engagements
financiers, commission des comptes publics possiblement, tout cela a
été proposé. Je pense qu'aussitôt que le projet de
loi sera déposé, parce que cela vient après, on pourra se
mettre d'accord là-dessus assez facilement, au moins
pour les premières grosses étapes, parce qu'il n'y a pas
de raison, autrement dit, de ne pas aller vers ce genre de
réforme-là, il s'agit de trouver le rythme qu'on peut
digérer.
M. Rivest: Je comprends, à la réponse du premier
ministre, que les thèmes qu'il évoque... Évidemment, le
premier ministre ne peut pas être plus précis, il faudra attendre
le dépôt du projet de loi.
M. Lévesque (Taillon): D'autant plus qu'il faut qu'il
passe au Conseil des ministres, la semaine prochaine.
M. Rivest: II n'est pas encore...
M. Lévesque (Taillon): II a été
regardé, il a été pré-commenté ou
pré-discuté, mais la décision finale pour passer du
comité de législation à l'Assemblée nationale,
c'est la semaine prochaine.
M. Rivest: Comme dernière question, si vous le permettez
M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Oui.
M. Rivest: Est-ce qu'effectivement ce projet de loi de
l'Assemblée nationale, on arrive avec une nouvelle loi de la
Législature, le leader du gouvernement est à vos
côtés, est-ce qu'il présentera vraiment une réforme
ou une approche relativement globale du fonctionnement et de la conception
qu'on se fait de l'Assemblée nationale ou si on se contentera
d'évoquer, de prendre certaines mesures d'ordre ponctuel? Je vous pose
la question parce que vous avez confié un mandat au député
de Trois-Rivières et le député de Trois-Rivières a
une série de propositions de valeur sans doute inégale, comme
dans n'importe quel rapport, mais il présente une vision
extrêmement... Est-ce que, d'abord, la vision du député de
Trois-Rivières, qui est exprimée dans le livre rouge, est
globalement acceptée par le gouvernement, et est-ce que la loi en tient
compte, épouse cette vision?
Deuxièmement, est-ce qu'il y a suffisamment de mesures d'ordre
ponctuel pour sentir que le gouvernement effectivement s'engage dans la voie
proposée par le député de Trois-Rivières?
M. Lévesque (Taillon): Moi, je dirais que oui, grosso
modo, parce que, comme vous le dites vous-même, il y a des choses non
seulement qui sont inégales, parce qu'il y a un grand mérite dans
le travail qui a été fait, mais aussi des choses qui peuvent plus
rapidement que d'autres être mises en marche, si vous le voulez, comme
des mesures ponctuelles, mais qui s'en vont dans la bonne direction.
Maintenant, pour répondre à votre question d'une
façon un peu plus détaillée, le ministre des
Communications et leader parlementaire, qui accompagne le dossier, de plus
près que moi, de jour en jour, pourra peut-être ajouter...
M. Bertrand: Simplement pour donner quelques
éléments d'information qui pourraient être utiles pour
l'ensemble des parlementaires parce que, dans le fond, cette loi, c'est bien
plus une loi des parlementaires dans leur ensemble que de l'Exécutif,
même si elle est parrainée par un membre du Conseil
exécutif. Je voulais faire savoir que M. Vaugeois lui-même avait,
au tout début de son mandat, indiqué qu'il aimerait toucher
à certaines des structures fondamentales de notre parlementarisme comme,
par exemple, les concepts de solidarité ministérielle, de
responsabilité ministérielle.
Évidemment, au fur et à mesure que l'analyse progressait,
il s'est bien vite rendu compte qu'il y avait là des piliers qui
tiennent au système parlementaire britannique lui-même, auxquels
on ne peut pas toucher sans remettre en question de fond en comble notre
régime politique. Il a décidé d'adopter une approche qui,
tout en étant extrêmement progressiste, demeure aussi
pragmatique.
Les propositions qui nous ont été faites, qui sont
contenues d'ailleurs dans son mémoire, visent à améliorer
notre système de parlementarisme pour encourager la participation
maximale des députés et pour faire participer les
députés au maximum au contrôle de l'Exécutif et
aussi à ce qu'on appelle maintenant l'initiative parlementaire, ces
commissions d'initiative parlementaire auxquelles M. Vaugeois a fait
allusion.
Dans ce contexte, l'approche que j'ai retenue jusqu'à maintenant
dans l'analyse du dossier, celle qui sera soumise à l'attention du
Conseil des ministres - je ne pense pas faire de grandes
révélations en disant cela -c'est celle qui fait consensus,
c'est-à-dire celle qui dans l'ensemble, au sein même du caucus
ministériel et du Conseil des ministres, nous permet d'aller de l'avant
sans crainte de se tromper. Il y aurait, en ce moment, à peu près
une dizaine d'éléments sur lesquels on pourrait dire qu'on peut
aller de l'avant dès l'automne prochain.
Par contre, il faut savoir une chose, on retrouvera certains
éléments dans la loi de l'Assemblée nationale, parce que
c'est là qu'on doit les inscrire, mais il y en a d'autres - c'est
peut-être cela aussi qui est très intéressant - qu'on
retrouvera dans le règlement de l'Assemblée nationale.
Par exemple, au niveau des commissions, il y a toute une nomenclature
qui est faite des commissions parlementaires permanentes, qui existent
déjà, et on pourrait en ajouter un certain nombre. On a
proposé, par exemple, une commission de la
législation déléguée. On aura une
décision à prendre là-dessus. On propose quatre
commissions d'initiative parlementaire, l'une de type institutionnel, l'autre
de type social, l'autre économique et l'autre culturel. On aura une
décision à prendre là-dessus. Cela peut s'ajouter au
règlement de l'Assemblée nationale.
Mon objectif est le suivant. Je le soumettrai comme cela ou étape
par étape. D'ailleurs, une des étapes qui étaient soumises
et qui était fort intéressante, c'était peut-être
même de demander à une des commissions d'initiative parlementaire,
celle qui est de type institutionnel, de préparer un éventuel
projet de loi-cadre de la législation déléguée.
Seulement préparer cela, c'est en soi tout un travail. Quand on aura
fait le bilan des deux premières expériences des "select
committees", comme on les a appelés, le comité Bisaillon sur la
fonction publique et l'autre de M. Charbonneau sur la protection de la
jeunesse, on verra comment on peut ensuite aller de l'avant avec d'autres types
de commissions d'initiative parlementaire. Ce que je voudrais dire au
député de Jean-Talon en concluant, c'est que la loi sur
l'Assemblée nationale aura essentiellement trois grands volet.
Le premier est un volet de modernisation de la Loi sur la
Législature, c'est-à-dire d'adaptation. Cela fait 5D ans environ
qu'on traîne une Loi sur la Législature qui a été
amendée pour certains de ses aspects qui étaient relativement
mineurs. On n'a pas vraiment repris toute la loi dans son ensemble et
tenté de la moderniser. C'est le premier aspect, c'est le premier volet
sur lequel on a travaillé.
Le deuxième, c'est d'introduire les éléments
relatifs à la réforme parlementaire qui peuvent être
contenus dans le projet de loi. Il y en a d'autres qui seront annoncés
en même temps et qui iront dans le règlement de l'Assemblée
nationale.
Le troisième aspect, le troisième volet de la loi, c'est
évidemment le volet salaire et retraite qu'il faudrait bien
évidemment introduire dans cette loi sur l'Assemblée nationale
puisque c'est un des piliers même de la loi sur l'Assemblée
nationale. La proposition que je soumettrai au Conseil des ministres, c'est
qu'on puisse déposer un projet de loi à l'Assemblée
nationale avant la fin de la présente session, qu'on puisse faire
siéger la commission de l'Assemblée nationale avant
l'étude en deuxième lecture du projet de loi, puisqu'il n'est pas
impossible qu'on ait à ajouter ce qu'on peut appeler des gros papillons
en cours de route, par exemple, sur la question des retraites ou autres
éléments, même de la réforme parlementaire, et que,
à l'automne prochain -que la Chambre ait été
prorogée ou ajournée, peu importe - nous revenions pour la
deuxième lecture du projet de loi.
Ce serait en gros le cheminement que nous suivrions. Là-dessus
les discussions que j'ai eues avec le leader parlementaire de l'Opposition
m'indiquent effectivement que ce serait une façon tout à fait
correcte de fonctionner.
M. Lévesque (Taillon): Soit dit en passant, je pense que
c'est bon de le souligner pour les journalistes, parce qu'il y a eu un ou deux
articles que j'ai trouvés un tout petit peu curieux; on pourrait se
donner la peine quelquefois de se renseigner. Pour ce qui est du régime
de retraite parlementaire, il est très évident qu'on a encore des
vérifications à faire. On est toujours un petit peu en conflit
d'intérêts dans ces trucs-là si on se fie seulement
à soi-même. Alors, il y a des gens qui ont accepté - des
gens dont on verra à quel point ils peuvent être compétents
quand on donnera le résultat de leur travail - de nous donner un coup de
main, mais il est entendu que cela ne traînera pas. Et même si cela
traînait un petit peu, il est évident aussi que, la réforme
de ce régime de retraite, qui va être dans le sens d'une
réduction substantielle, s'appliquera le 1er juillet, de la même
façon que cela va s'appliquer aussi en fonction d'un projet de loi qui
est déjà devant la Chambre pour ce qui est du RREGOP et des
régimes de retraite du secteur public.
M. Rivest: Une remarque générale, c'est qu'au
niveau de la législation déléguée, j'ai cru
comprendre des remarques du premier ministre et du leader que c'est complexe,
mais cela fait longtemps qu'on en parle. Il y a des déclarations de
l'ancien gouvernement et des déclarations au tout début du mandat
de l'actuel gouvernement dans ce sens. J'ai cru comprendre, d'après la
réponse du leader, qu'effectivement on va en reparler encore pas mal de
temps avant que quelque chose de concret soit fait là-dessus. Je ne sais
pas si j'ai mal interprété ses propos.
M. Bertrand: Oui, je pense que cela a été mal
interprété. C'est une des propositions, pour retenir ce qu'il y
avait dans le document Vaugeois, sur laquelle le consensus était, au
sein du Conseil des ministres et du caucus des députés,
suffisamment large pour qu'on puisse indiquer à ce moment
qu'effectivement une des commissions créées, serait la commission
de la législation déléguée. Bien sûr, il
s'agit de regarder quelles en sont les implications et, dans ce contexte, avant
de commencer à travailler, une commission de la législation
déléguée, comment dirais-je, devrait recevoir des avis sur
les implications que cela va comporter pour l'ensemble du fonctionnement de
notre système.
Auparavant, on sait comment le système fonctionnait. Il y avait
des légistes du ministère de la Justice qui étaient
impliqués là-dedans et tout. Alors, il faut mettre un peu tout le
monde au parfum de ce type de réforme parlementaire parce que cela a des
implications sur les habitudes du Conseil exécutif jusqu'à
maintenant.
M. Rivest: En insistant pour que cela avance parce que toutes les
études existent. Ce que cela prend, dans le fond, là-dedans, et
tout le monde le dit, je sens qu'elle est là, d'après ce qu'on me
dit, c'est une volonté politique de le faire.
M. Lévesque (Taillon): Je ferai remarquer au
député de Jean-Talon que quand on a nommé M. Vaugeois, le
député de Trois-Rivières, adjoint parlementaire au leader,
c'était très précisément - on en avait parlé
ensemble, on s'était consulté au Conseil des ministres - dans le
sens justement de déboucher sur cette question de la réforme
parlementaire qui traînait dans le paysage depuis très longtemps.
Il y a une volonté politique, sinon ce serait ridicule d'avoir fait
cela.
M. Rivest: D'accord. Une dernière précision si vous
permettez. Dans ce que vous avez appelé la partie modernisation de la
loi, toute la question des conflits d'intérêts, conflits
d'intérêts financiers ou autres, qui existe au niveau des
directives, qui a été précisée autant pour les
membres... Il y a la Loi sur la Législature; il y a la Loi sur
l'Exécutif également. La Loi sur la Législature
là-dessus était drôlement déficiente. On ne savait
pas exactement ce que cela voulait dire et là-dessus, j'imagine
que...
M. Bertrand: II y aura deux chapitres dans la loi. L'un sur les
incompatibilités et l'autre sur les conflits d'intérêts.
Maintenant, là-dessus, il reste encore du travail à faire. On
travaille au niveau du comité de législation en ce moment
à parfaire les articles du projet de loi, mais je suis convaincu que
même en commission...
M. Lévesque (Taillon): ...
M. Bertrand: ... de l'Assemblée nationale, les
parlementaires des deux côtés de la Chambre auront
intérêt à préciser un certain nombre de choses
là-dessus. Ce n'est pas facile de dire à partir de quel moment on
assume une responsabilité dans la vie qui est incompatible avec notre
responsabilité de député. Ce n'est pas facile de tracer la
limite d'où cela finit ou d'où cela commence. Je dois vous dire
qu'effectivement cela devient une question très politique à un
moment donné et que l'avis des parlementaires, autant de l'Opposition
que du côté ministériel, sera tout à fait bienvenu
en commission s'il y avait des amendements à apporter.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Ce n'est pas une question d'ordre
général, c'est une question au programme 1. Je ne sais pas si on
continue à parler d'ordre général ou si...
M. Rivest: Les programmes, je vous avoue qu'on n'en fera pas un
plat.
M. Lévesque (Taillon): Mais enfin, si...
M. Rivest: On les apportera. La question suivante que je voulais
aborder, je pense qu'elle concerne un programme, je ne sais pas lequel, je n'ai
pas regardé les numéros. C'est ma promesse de...
M. Lévesque (Taillon): Si vous me permettez.
M. Rivest: Oui.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président,
après celle-là on pourrait demander au député
d'Arthabaska...
M. Rivest: Ah, d'accord, si le député veut y
aller.
M. Lévesque (Taillon): Si vous changez de sujet.
M. Rivest: Je veux parler... Je change de sujet
complètement.
M. Lévesque (Taillon): Bon, alors.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Si vous changez de sujet je vais en
profiter pour passer.
Vous avez dit, M. le premier ministre, au début de votre
intervention, que le budget de votre ministère avait diminué
cette année comparativement à l'an passé. Si je regarde,
au programme 1, ce qui concerne toutes les dépenses qui sont
allouées pour le lieutenant-gouverneur...
M. Lévesque (Taillon): Est-ce que vous permettez? Je suis
d'accord et on va en parler un tout petit peu, je pense que c'est plus
qu'indiqué. Est-ce que vous pourriez garder votre question en
réserve pour quand le chef de l'Opposition sera là? Elle viendra
de vous.
M. Baril (Arthabaska): Parfait.
M. Rivest: Je vais régler les autres. Les
Amérindiens
Mon autre sujet, M. le premier ministre, concerne les
Amérindiens.
M. Lévesque (Taillon): Oui.
M. Rivest: Cela disposera d'ailleurs du programme et du
crédit afférent.
M. Lévesque (Taillon): D'accord.
M. Rivest: Vous vous rappellerez, je crois que c'est il y a deux
ans ou après, que les Amérindiens ont saisi une occasion - je ne
me rappelle plus très bien laquelle - pour évoquer le cheminement
de l'entente qui a été signée par le gouvernement et la
loi qui a suivi. On avait évoqué, je pense, lors de
l'étude des crédits, la possibilité pour les
parlementaires ainsi que pour les populations concernées de prendre un
certain temps, pas à ce moment-ci, bien sûr, mais peut-être
à l'automne ou à la fin d'août...
M. Lévesque (Taillon): II n'y a rien qui s'oppose à
cela.
M. Rivest: ... je ne sais pas si c'est après, il suffira
de trouver le bon moment -pour regarder l'ensemble du dossier des
Amérindiens, des progrès qui sont faits dans leurs rapports avec
le gouvernement du Québec. Il faudrait qu'on ait suffisamment de temps
pour donner justice autant au gouvernement qu'aux populations concernées
et surtout permettre a l'opinion publique, puisque tout le monde
s'intéresse et à bon droit à cette question dans les
médias, au lieu d'y aller simplement lorsqu'il y a un problème de
pêche ou un problème concernant l'eau, de voir vraiment
l'évolution de ce que le gouvernement fait, face à ces
populations.
M. Lévesque (Taillon): Je suis parfaitement d'accord. Il
s'agira de trouver le moment le plus indiqué et de ne pas traîner
inutilement. Je pense que quand cela avait été
évoqué, l'an dernier, c'était autour et alentour de deux
ou trois choses particulièrement pénibles. Il y avait le cas de
Restigouche, dont on se souvient. Je pense que tout le monde a vu, Dieu soit
loué! que, cette année, une entente a été
signée à Restigouche, comme d'ailleurs l'an dernier
déjà à Maria, dans l'autre réserve Micmac de la
Gaspésie. Il y avait également, je pense, une espèce de
mauvais climat qui s'était établi, une sorte de morosité,
si vous voulez, qui s'était établie avec nos interlocuteurs du
Grand-Nord, c'est-à-dire les gens qui sont couverts par la Convention de
la Baie-James et ses extensions.
Vous avez peut-être vu que, récemment, on a
rencontré nos interlocuteurs cris et aussi des représentants des
Inuits. Évidemment, il y a toujours des difficultés, on
traîne le poids d'un passé qui n'est pas facile ni d'un
côté ni de l'autre. Les relations non seulement sont
rétablies, mais je pense que dans l'ensemble c'est plutôt
harmonieux. Tout récemment on a eu aussi -et cela peut mener à
une sorte de sommet, on l'espère, dans le jargon courant - on a eu aussi
une réunion, qui m'a parue très prometteuse, avec les
représentants, je pense sans exception, de toutes les bandes
attikamègues et montagnaises. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il y a
une sorte de dégagement d'un climat qui était assez chargé
l'an dernier, mais cela ne veut pas dire que tout est réglé.
Pour revenir à la question du député, selon ce qui
va arriver dans les quelques mois qui viennent et selon ce qui se produira cet
été autour du saumon et tout le reste, je ne vois pas de raison,
au contraire, de m'y opposer. Avant la fin de l'année, il s'agira de
s'entendre entre nous et avec nos interlocuteurs indiens, évidemment,
pour voir si on ne devrait pas aérer tout cela et avoir, comme vous
dites, une meilleure compréhension collective du problème et des
questions qui se posent. (15 h 30)
M. Rivest: Pour ce qui est de cette question - je ne veux pas
prolonger ce débat indûment - je comprends qu'au moment où
le gouvernement et, bien sûr, les gens les premiers concernés, les
populations concernées pourront convenir que c'est utile, sans que ce
soit un engagement formel - je ne veux pas cela non plus - il y aura moyen de
procéder à une telle démarche.
M. Lévesque (Taillon): Si vous me permettez, je pense que
c'est à cause de toutes sortes de raisons que cela n'a pas
été possible d'organiser le sommet, cette année.
Même si cela avait été au milieu des difficultés,
cela aurait pu peut-être donner quelque chose. À cause des
discussions constitutionnelles, les Indiens etc, ils étaient vraiment
mal pris partout, à Ottawa, à Londres, etc. C'était
très difficile pour eux de porter leur attention sur quelque chose qui
se passait uniquement à l'intérieur du Québec.
Il y a une autre raison aussi qui rend cette conférence, si on la
veut productive aux yeux même des Indiens, plus difficile que la
première qui avait eu lieu en 1978. L'idée serait, du
côté des Indiens autant que du côté du gouvernement,
qu'on puisse aborder l'étude de certains dossiers qui leur tiennent
à coeur, pour l'avenir, faire un certain dessin d'avenir avec eux,
d'établir aussi, en majeure partie, certaines lignes importantes de
politique à leur endroit. C'est plus long à
préparer, une affaire comme cela. C'est pour cela qu'on s'est
activé à la préparation de certains dossiers à
partir de ce qu'eux nous disent et de principes dont certains ont
été énoncés par le gouvernement dans le
passé, dans le livre blanc sur la culture. Ce sera une réunion
qui va demander de la préparation avec eux, une vraie
préparation, parce que cela va être une réunion de travail,
celle-là; ce ne sera pas une réunion de retrouvailles comme avait
été celle de 1978.
M. Rivest: Très bien, monsieur.
M. Lévesque (Taillon): Est-ce que cela va pour les
crédits?
M. Rivest: Oui, cela va. À moins que d'autres
collègues aient des questions, mais je ne le pense pas. De toute
façon, ensuite, on les adoptera en bloc, M. le premier ministre, si vous
voulez.
Les cabinets politiques
Autre sujet. Au milieu des années soixante, il s'est
développé au Québec une pratique qui est celle des
cabinets ministériels, qui est bien sûr absolument
justifiée et qui fait en quelque sorte partie de la vie...
M. Lévesque (Taillon): Vous en savez quelque chose.
M. Rivest: Oui, mais attendez... parlementaire et de la vie
politique, mais ce qui est plus étonnant, c'est d'abord, en termes de
chiffres absolus, la croissance très - je n'ose pas dire exponentielle
parce que ce ne serait pas exact - mais quand même inquiétante de
l'importance des cabinets politiques dans l'ensemble de l'appareil
gouvernemental. Selon les derniers chiffres qu'on m'a signalés, cela
fluctue, on m'a parlé de quelque 570 personnes qui travaillaient dans
les entourages ministériels au niveau des cabinets politiques. À
ma connaissance, depuis 1976, - je ne veux pas chicaner le premier ministre sur
les chiffres - mais la croissance a été vraiment de 2 à 1
certainement et je suis très modéré dans mon affirmation.
Ce qui me fait dire que cela a eu... Vous vous rappellerez un texte de M. Yves
Martin, en 1975, qui avait souligné devant l'Institut canadien
d'administration publique les difficultés que cela pouvait comporter.
Dès 1975, il avait allumé une lumière rouge sur cet
aspect, soulignant les tensions que cela pouvait créer dans
l'articulation des rapports du politique et de l'administratif. Or, cela a
doublé. Je ne sais pas d'où vient cette justification, si c'est
simplement l'inertie de la machine qui a fait qu'on a chargé à ce
point les cabinets ministériels.
D'autre part, il y a eu - je ne vous donnerai pas les documents qui nous
ont été présentés, je ne peux pas en parler
publiquement, par le "select comittee" de la commission Bisaillon; ce sont des
audiences à huis clos et je ne peux pas évoquer le nom des
personnes - des préoccupations de la part des gestionnaires
supérieurs de l'administration. Moi-même, je participe, à
l'École nationale d'administration publique, à des
séminaires avec des hauts fonctionnaires, et ce sujet figure
effectivement à l'article d'une des séances auxquelles on
participe.
Donc, il y a une inquiétude dans la très haute
administration. Je vous signale que, nommément - simplement à
titre d'illustration, je n'en fais pas un drame - le président du
Syndicat des professionnels, M. Lecours, a dit cette fois publiquement devant
le "select comittee" que des fonctions de recherche, de planification et de
développement d'un ministère, entre autres, le ministère
du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, avaient été
assimilées au cabinet politique du ministre. Ce genre de pratique -vous
ne l'ignorez pas, M. le premier ministre, sans doute que vous en êtes
conscient - crée... Je pense qu'il n'y a que vous qui pouvez rassurer
l'ensemble des fonctionnaires, établir les normes ou réaffirmer
les convictions que vous avez à cet égard et je pense que ce
serait important que vous le fassiez.
M. Lévesque (Taillon): Juste une remarque en passant, je
ne sais pas si cela s'applique encore aujourd'hui, mais à propos de la
fonction planification, des choses comme cela qui sont, si vous le voulez,
d'essayer de dégager des perspectives... Moi, je me souviens qu'à
ce moment-là, c'était l'actuel président de la Banque
Nationale, M. Michel Bélanger... Je me souviens que, quand
j'étais aux Richesses naturelles au temps de M. Lesage, on n'avait pas
assimilé cela au cabinet. C'était encore quelque peu folklorique,
l'organisation, mais on était en lien direct à partir du cabinet
ministériel de l'époque avec ce groupe de planification
dirigé par Michel Bélanger. C'est une chose qui arrive souvent
quand on veut des perspectives de changement et qu'il y a une volonté
politique d'aller vers les changements et ce n'est pas mauvais d'avoir une
prise directe sur des gens qui sont normalement chargés de
dégager ces perspectives-là, de les étudier.
Cela étant dit - ça reste à voir dans le cas du
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche - c'est
l'occasion, si cela intéresse vos amis des médias d'information,
de rectifier quelques petites affaires. Cela ne valait pas la peine d'en faire
un drame; je veux bien qu'on véhicule n'importe quoi, y compris de
prendre des rumeurs, mais sans
vérification, cela devient une sorte d'habitude qui
peut-être correspond à une certaine notion de l'information qui
s'est développée, qu'une rumeur ça fait un meilleur titre
quand ce n'est pas vérifié ou alors que des allégations,
c'est meilleur quand ce n'est pas vérifié. Par exemple, il y a eu
un petit tour de presse pour le député de Vaudreuil-Soulanges
qui, lui, disait que ça avait quintuplé, les cabinets, au moment
de la campagne de financement, je pense, de votre parti, que ça avait
quintuplé...
M. Rivest: C'est 570 à 176; ce sont les chiffres que j'ai,
je n'ai pas fait la division.
M. Lévesque (Taillon): Au moins dans votre cas, vous dites
doublé.
M. Rivest: Je suis plus prudent, je vous connais.
M. Lévesque (Taillon): C'est déjà pas si
mal, en fait.
M. Rivest: Comme éteignoir de concupiscence, vous
êtes parfait.
M. Lévesque (Taillon): L'augmentation globale du
côté des cabinets, ç'a été de 68,5% en six
ans ou cinq ans et demi, si vous le voulez. Certaines explications, je pense,
méritent d'être soulignées: c'est que, par exemple, les
ministres d'État qui n'ont pas de ministère et qui par
conséquent ont besoin d'un soutien un peu plus cohérent, si vous
le voulez, que des ministères sectoriels où il y a tout le
personnel sur lequel on peut compter, il a fallu quand même les doter
d'un cabinet et d'un cabinet assez étoffé, c'est tout ce qu'ils
ont comme ministère, en fait. Cela est une des raisons. Je pourrais en
donner d'autres. Donc, c'est 68,5% dans l'ensemble.
Maintenant, en ce qui concerne votre serviteur en 1976, il y a cinq ans
et demi, M. Bourassa, mon prédécesseur, avait 54 personnes -
c'est le personnel complet homologué - dans son cabinet; en ce moment,
il y en a 57 au cabinet du premier ministre, une augmentation de trois, donc,
en six ans, 5,3%. Je ne sais pas si cela mérite d'être
souligné.
Pour ce qui est informations qu'on vous a données, je regrette,
enfin ce n'est pas une grosse erreur, on vous avait donné une
information en ce qui concerne mon cabinet qui était que du
côté des cadres et attachés politiques, le personnel
politique sui generis il y en avait 21. Je regrette de le dire, il y en a 22.
Autrement dit, il y a Mme Danielle Régnier, attachée politique
qu'on avait omise par inadvertance dans la liste qu'on vous a fournie. Donc, ce
sont 22 cadres et attachés politiques. Pour ce qui est de l'an dernier,
juste pour voir l'évolution, il y en avait 62 au lieu de 57, comme je
viens de vous le dire, pour l'ensemble du cabinet; il y en avait 62 chez nous
et 26 cadres et attachés politiques. Alors, on a réduit cela
à 57 cette année, au moment où on se parle, avec 22 cadres
et attachés politiques. Il nous faut quand même garder une marge
de manoeuvre et les ressources suffisantes. Vous pourrez également
vérifier avec mes collègues qui vont venir les uns après
les autres, ils expliqueront leur situation.
Une chose que je voudrais souligner, peu importe ce qui est
arrivé depuis cinq ans et demi, les comparaisons qu'on peut faire, c'est
que, dans l'ancien gouvernement c'était parfaitement légitime et
c'est cela qui amène des erreurs parfois - le personnel de soutien, qui
est toujours là, le personnel qui est tiré de la fonction
publique qui est toujours là, n'était pas considéré
comme personnel politique. Souvent, on ne le comptabilisait pas. Je ne veux pas
dire que c'était illégitime, c'était une autre
façon de voir les choses, ce qui fait, par exemple, qu'il y avait 143
employés politiques dans les cabinets du gouvernement de M. Bourassa,
sans compter quelques-uns qu'il était difficile a repérer, alors
qu'il y a présentement 241 personnes, genre attachés politiques,
chefs de cabinet, etc., soit 98 de plus qu'en 1976, ce qui, en tout - je
l'expliquais tout à l'heure -fait 68,5%, dans cinq ans et demi, six
ans.
Une autre chose - je me contenterai de cela comme précision -
c'est que la tradition - là encore, c'était légitime
à l'époque -était de considérer le personnel
politique des cabinets comme des permanents qui avaient droit à la
sécurité d'emploi aussitôt que le gouvernement changeait.
On était obligé de replacer - c'était une tradition
établie - tout ce personnel qui avait une sécurité
d'emploi absolue, comme tout le monde normalement dans la fonction publique.
Cela créait - c'est le moins qu'on puisse dire - des problèmes
d'ajustement, etc. Je les ai vécus en 1976 et je pense que chaque
nouveau gouvernement a vécu ces problèmes, non pas parce qu'il
n'y avait pas les compétences, etc., mais ce n'est pas toujours un trou,
une cheville, pour replacer ces gens. Or, cela a été
complètement éliminé. Je pense qu'il y en a à peu
près la moitié maintenant, même moins que la moitié
qui sont sous l'ancien régime, parce qu'ils y avaient droit. Il a
été changé en cours de route. Tous ceux qui rentrent, les
nouveaux - entre nous, pour les fonds publics éventuels et aussi pour
une certaine cohérence administrative, c'est quand même une
sacrée réforme, à petite échelle évidemment,
il s'agit de quelques centaines de personnes - plus de la moitié
maintenant, depuis que cela a été changé, n'ont pas cette
sécurité d'emploi. Autrement dit, leur travail ou leur engagement
finit le jour où ils partent.
M. Rivest: Cela va demeurer comme politique?
M. Lévesque (Taillon): En tout cas, du temps où on
va être au gouvernement, oui. Ceux qui nous succéderont y
verront.
M. Rivest: II y en a qui vont être contents. Vous savez
qu'il y a des demandes pour changer cette politique. Ils ont eu leur
réponse.
M. Lévesque (Taillon): Soit dit en passant, on me souligne
que, chez nos amis du fédéral, où les réformes
prennent beaucoup plus de temps, je pense, à se préciser, on a
gardé cette vieille tradition.
M. Rivest: Oui, mais le nombre au fédéral est trois
ou quatre fois moindre. Cela n'existe à peu près pas.
M. Lévesque (Taillon): II faudrait vérifier.
M. Rivest: C'est cela.
M. Lévesque (Taillon): J'ai vu ce qu'était le PMO,
le Prime Minister Office. Seulement là, il y en a assez pour faire un
gouvernement. Ils sont choisis sans concours et, en plus, ils ont cette vieille
tradition de permanence politique pour ceux qui veulent l'avoir et
l'exercer.
M. Rivest: II y a à peu près le même nombre
de ministres qu'en 1976. Combien y en a-t-il? 26 ou 27?
M. Lévesque (Taillon): Actuellement, on est à
26.
M. Rivest: Et deux à trois postes à nommer, dont un
dont je voudrais vous parler.
M. Lévesque (Taillon): Cela reste à voir.
M. Rivest: Oui. Le ministre des Affaires intergouvernementales
s'est donné -j'en ai discuté avec lui, pour ne rien vous cacher -
lors de l'étude des crédits du ministère des Affaires
intergouvernementales, une vocation intéressante et très
économique. Lors de l'étude des crédits, le ministre m'a
abondamment parlé de l'exportation, de ses voyages à travers le
Canada, etc.
M. Lévesque (Taillon): Excusez l'expression, il est dans
le "bag" actuel.
M. Rivest: Deuxièmement, compte tenu de la
nécessité pour le Québec de prendre position à
l'échelle du monde sur ce plan et de mieux défendre nos
intérêts, on en convient volontiers, il m'a évidemment dit
que cela était pour se faire avec la responsabilité des ministres
d'ordre sectoriel qui ont leur intérêt, qui ont leur personnel et
qui doivent surveiller, même si c'est une action extérieure. Cela
m'a amené à lui demander, compte tenu qu'il semblait insister
énormément - je pense que c'était une décision ou
une orientation solide du Conseil des ministres - ce que le ministre du
commerce extérieur était pour faire dans la vie. Je ne sais pas
si, lorsque vous l'avez évoqué dans votre discours... Pour
être très franc avec vous, encore une fois, je lui ai dit que
j'avais eu l'impression que sa démarche économique était -
je vais vous le dire d'ailleurs - chez lui, une attitude visant à
appliquer la théorie du premier occupant de façon à vous
forcer un peu la main en vue de lui confier ce ministère. (15 h 45)
Mais compte tenu du fait - non, je ne veux pas être injuste pour
le ministre, j'ai dit qu'il ferait un très bon ministre du commerce
extérieur, je ne vais pas vous demander si vous partagez mon avis, mais
je vais au moins vous demander où d'abord -que vous aviez fait grand
état de la nomination de ce ministre du commerce extérieur lors
du discours inaugural de je ne sais quand, cela fait quelques mois, fin
novembre, je ne me souviens plus, on n'a pas vu poindre la chose ou la personne
encore.
M. Lévesque (Taillon): Écoutez! Je vois bien que le
député de Jean-Talon, c'est normal et après tout, c'est de
bonne guerre, essaie un peu d'étirer ce qu'il a pu cueillir aux
crédits du ministère des Affaires intergouvernementales. Je dois
souligner, d'ailleurs, qu'en ce moment même, notre collègue des
Affaires intergouvernementales, s'il n'y est pas arrivé, doit être
en route, vers la Californie et Chicago où on a - à Los Angeles
et à Chicago - deux missions essentiellement économiques; il
fait, pour ainsi dire, il continue sa tournée pastorale. Il ne faut pas
oublier qu'il y a à peine quelques mois qu'il a été
nommé à la place de notre ex-collègue, M. Morin - l'autre
M. Morin - et qu'il fait un travail remarquablement axé, il est vrai,
sur des préoccupations économiques, toujours en contact, en lien
direct avec les ministres sectoriels ou le ministre, le cas
échéant, d'État au Développement
économique.
Cela étant dit, c'était dans le discours inaugural et je
pense que cela reste une excellente idée, il va falloir quand même
qu'on arrive à démêler les torchons et les serviettes, dans
ce domaine-là comme dans d'autres. Tel qu'on le conçoit, il
s'agit de voir maintenant comment on rajuste les morceaux. Tel qu'on le
conçoit, il ne s'agit pas d'un ministre à la tête d'un
ministère tout structuré. Il n'est pas question de
fabriquer un autre monument administratif. Il s'agirait plutôt de
ce que j'appellerais dans le langage de tous les jours, un commis-voyageur
professionnel permanent avec rang de ministre et qui aurait une petite
équipe de commis-voyageurs avec lui et le minimum de soutien qu'il faut,
ce qui existe, je pense, dans d'autres contextes et qui serait
singulièrement adapté aux problèmes pas seulement aux
problèmes mais aux possibilités qui se développent de plus
en plus pour le Québec.
Vous savez que nos exportations... J'ai remarqué cela l'autre
jour, j'ai trouvé cela saisissant. J'étais à New York - je
donne cet exemple-là - pour la signature d'un contrat avec PASNY, la
Power Authority de l'État de New York et j'ai rencontré notre
nouveau délégué général, l'ancien
président de l'Office de la langue française, qui
évidemment fait ses classes depuis quelques mois et qui est tout feu,
tout flamme et en me donnant les renseignements qui lui paraissaient
indiqués, il me soulignait une chose. On sait que notre principal
marché extérieur, c'est les États-Unis, de loin pour tout
le Canada, et que la part du Québec, est positive. On est toujours
porté à prendre les côtés, peut-être, les plus
masochistes: on a plus que notre part de chômage, c'est vrai
hélas! depuis longtemps, on a plus que notre part de faillites à
l'occasion, c'est vrai, mais il y a aussi toute notre part de choses positives
et qui sont très prometteuses pour l'avenir. Sur le marché
américain, elle représente plus que le tiers des exportations du
Canada. Autrement dit, on soutient la balance commerciale du Canada et à
ce point de vue là, c'est le Québec en particulier; plus que le
tiers des exportations sur les marchés américains viennent du
Québec, en particulier concentrées, ailleurs aussi, mais
concentrées dans le nord-est, y compris la grande région, enfin,
cette espèce de mégapole ou mégalopole qui va en bas
jusqu'à Philadelphie, Washington et qui part de Boston: c'est des
milliards et des milliards chaque année et cela augmente. Cela augmente
enfin, mais là cela augmente moins pour des raisons de conjoncture, mais
la tendance depuis quelques années est à une augmentation
constante.
Deuxièmement, l'augmentation annuelle, par exemple, dans le
domaine agro-alimentaire a été d'environ 26% et plus,
annuellement, au cours des quelques dernières années avec des
ouvertures de marchés qu'on n'aurait pas imaginées possibles, il
y a un certain temps, comme par exemple au Japon ou dans d'autres coins du
monde, en Amérique latine.
Alors, tout cela pour dire ceci, je pourrais donner parmi les endroits
où on a plus que notre part et cela fait partie des promesses de
développement, le fait qu'on a assez largement au-dessus d'un tiers, on
a 26% de population ou 26,5%, largement au-dessus d'un tiers de tous les jeunes
qui s'en viennent; il y a déjà ceux qui sont arrivés sur
le marché et on sent le dynamisme qui se développe, mais de tous
les jeunes qui étudient présentement partout au Canada, on a plus
qu'un tiers au Québec de ceux qui étudient du côté
de l'administration, du management, tout ce qui de près ou de loin
touche au développement des entreprises, des marchés, etc. C'est
important et les deux se tiennent. Cela étant dit, il me semble encore
que c'est une bonne idée, le moment venu, on en reparlera
concrètement, d'avoir ce ministre essentiellement commis-voyageur avec
une équipe légère, mais qui ne s'occupe que de cela.
À ce moment, on départagera les choses et...
M. Rivest: En fait, je vous pose la question parce qu'au
ministère de l'Industrie et Commerce, il y a un office du commerce
extérieur, il y a un ministre pour cela.
M. Lévesque (Taillon): Oui.
M. Rivest: Cela, c'est une chose; deuxième chose, il y a
un ministre d'État au Développement économique, qui
pourrait - je préfère M. Morin à M. Landry - faire...
Étant donné que je me suis commis envers M. Morin.
M. Lévesque (Taillon): Cela ne me paraît pas
nécessairement pertinent.
M. Rivest: C'est parce que j'ai promis au ministre Morin, mais
qui pourrait faire certainement cela...
M. Lévesque (Taillon): Bien, vous êtes en train de
faire le message.
M. Rivest: ... et avoir cette responsabilité. Il y a le
ministre des Affaires intergouvernementales qui fait exactement cela et qui
défend les points que le premier ministre a soulignés avec
raison. Le ministre du commerce extérieur est arrivé
là-dedans, dans le discours inaugural, et le premier ministre ne semble
pas, par sa réponse, je le dis en toute déférence,
vraiment avoir fait le tour de cela et la décision semble l'annoncer
dans le message inaugural. Je ne sens pas chez lui une volonté vraiment
très arrêtée et une vision très claire de cette
idée qu'il dit intéressante.
M. Lévesque (Taillon): Comme on doit dire à
l'occasion, on verra en temps et lieu.
M. Rivest: Bien, je vais demander aux journalistes qu'ils
prennent le relais sur cette question.
M. Lévesque (Taillon): D'accord.
M. Rivest: J'ai un autre aspect que je voudrais vous souligner.
Vous savez que l'Opposition...
M. Lévesque (Taillon): Au nom d'un de mes
collègues, je voudrais soulever une question de privilège, parce
que cela a pu être noté tout à l'heure...
M. Rivest: Oui.
M. Lévesque (Taillon): J'évoquais le souvenir du
temps lointain déjà des années soixante, de ce qu'on
faisait aux Richesses naturelles, à propos de cabinet, de planification,
etc. Renseignements pris, il me semble que c'est complètement faux, que
le député de Jean-Talon a été induit en erreur, sur
cette intégration de la fonction de planification du loisir, de la
chasse et de la pêche...
M. Rivest: La fonction ou le travail, c'est le président
du Syndicat des professionnels.
M. Lévesque (Taillon): Qu'il travaille, bon Dieu, qu'il
travaille sur commande, à l'occasion, c'est normal, mais cela semblait
indiquer une sorte d'intégration forcée ou quelque chose comme
cela et il n'en est pas question.
M. Rivest: C'est une confusion des gens.
M. Lévesque (Taillon): D'accord. Bon, alors, soyons
sûrs qu'on...
M. Rivest: D'accord. Très bien. Nous en avons fait
état dans le passé à maintes reprises, et le chef de
l'Opposition l'a fait, j'imagine que cela va venir, on l'a fait dans le
passé de la façon suivante. Au moment du
référendum, nous avons très clairement exprimé
à l'Assemblée nationale notre objection à ce que les fonds
publics ou les services entre autres de la fonction publique puissent
être utilisés à l'articulation ou au développement
de la thèse de la souveraineté-association à
l'époque. Il a été question des sondages. Enfin, je ne
veux pas avec le premier ministre reprendre tout le débat, mais, lors de
l'étude, et nous maintenons notre attitude, le premier ministre avait un
autre point de vue qu'il a eu l'occasion, je pense, d'exprimer. Lors de
l'étude des crédits du ministère des Affaires
intergouvernementales, en évoquant avec le ministre ce qui a
été dit publiquement, que la prochaine campagne électorale
porterait principalement sur la souveraineté, je lui ai demandé
si, dans les responsabilités qu'il assumait au niveau du
ministère des Affaires intergouvernementales, il avait l'intention
d'utiliser son ministère, le personnel qui y est, pour étudier
des modalités, pour enrichir sur le plan technique ou tout autre plan ou
articuler la thèse de la souveraineté-association, nouvelle
version.
Pour ne pas induire le premier ministre en erreur, le ministre des
Affaires intergouvernementales m'a dit effectivement que oui. Il a
répondu entre autres, et je cite simplement une phrase de M.
Morin...
M. Lévesque (Taillon): Vous citez cette phrase dans son
contexte?
M. Rivest: Ah oui. Je vais vous donner le contexte, si vous
voulez. Le rôle du ministère des Affaires intergouvernementales,
c'est de fournir des données techniques au besoin, dit-il, mais
là, je dis, pour étayer, pour essayer d'atteindre la
souveraineté, mais pour étayer la
souveraineté-association, pour étudier ses aspects concrets, oui,
et pour savoir quelles conséquences cela comporte pour le Québec
et étudier tous ces aspects de la chose. Il va donc y avoir des
commandes qui vont être placées au ministère des Affaires
intergouvernementales. Un peu plus loin, M. Morin, R/24-C/A1, page 2, à
11 h 50, dit: "II n'y a aucune raison pour laquelle...
M. Lévesque (Taillon): Ou 11 h 58, qu'est-ce que cela
donne?
M. Rivest: Non, cela n'ira pas jusqu'à 58. "Il n'y a
aucune raison pour laquelle le gouvernement ne pourrait pas faire
étudier sur le plan technique toutes les hypothèses concernant
l'avenir du Québec, toutes les hypothèses de renouvellement
constitutionnel ou d'une association quelconque de marché commun, ou de
projet de libre circulation de personnes, de biens. Ce sont des questions
techniques. Il est dans l'intérêt de la population
québécoise d'étudier ces questions. En ce qui me concerne,
je veux que le député de Jean-Talon sache que ces études
seront faites et seront bien faites pour éclairer le gouvernement
légitime des Québécois sur les options qu'il propose au
choix des Québécois."
Je veux simplement voir si le premier ministre endosse la position de
son ministre. L'option de la souveraineté appartient - je le dis
très brièvement au premier ministre - au Parti
québécois et elle est tout à fait légitime. J'ai
compris de la séquence des événements de 1976 qu'on avait
mis cette question entre parenthèses, c'est-à-dire
l'assujettissant à la tenue d'un référendum,
référendum qui a eu lieu précisément sur cette
question, au cours duquel les gens n'ont pas endossé la thèse
véhiculée par le Parti québécois. L'assise de la
thèse demeure le Parti québécois. L'élection du 13
avril dernier, certainement pas à ce titre, sur la thèse de la
souveraineté, les Québécois, je
pense qu'on peut succinctement résumer leur option, ne se sont
pas dédits par le choix du 13 avril. L'option demeure l'affaire du Parti
québécois. À ce titre, je me demande sur quelle base
légitime le ministre des Affaires intergouvernementales, ou le
gouvernement ou le premier ministre, peut demander à des membres de la
fonction publique de consacrer leur temps et les fonds publics par
conséquent à l'articulation d'une option qui n'est pas l'option
d'un gouvernement, en termes de mandat, mais qui demeure l'option
véhiculée par un parti politique.
Vous savez que le chef de l'Opposition, je ne veux pas parler pour lui,
il pourra s'exprimer dans quelques minutes... Est-ce que le premier ministre
entend reprendre tout le débat que nous avons eu lors du
préréférendum? Est-ce qu'on va avoir le même type de
dépenses qui vont être faites à même les fonds
publics pour étayer la thèse de la souveraineté avec
association...
M. Lévesque (Taillon): Je vous demande pardon. Avant de
préciser certaines choses, peut-être corriger certaines des
allusions ou des hypothèses quelque peu fragiles du député
dont il fait des conclusions, je voudrais lui demander très simplement
si cela fait partie des questions qu'éventuellement le chef de
l'Opposition voudrait traiter.
M. Rivest: Non.
M. Lévesque (Taillon): Parce que je ne voudrais pas qu'on
se répète inutilement.
M. Rivest: Non, non, je vais éliminer toutes les autres
questions.
M. Lévesque (Taillon): Je dirais tout simplement ceci:
D'abord, au sujet des fonds publics les cinq dernières années et
demie, j'ai presque envie de répéter ce que disait mon
prédécesseur immédiat: Donnez-moi un seul cas.
M. Rivest: Le sondage que vous avez fait sur la
souveraineté-association.
M. Lévesque (Taillon): On a fait un sondage. Un.
M. Rivest: Est-ce que ces choses vont se
répéter?
M. Lévesque (Taillon): Si vous permettez, tout de
même, ne charrions pas. Il y a eu un sondage qui a été
d'ailleurs fourni à l'Opposition et à tout le monde, qui
était un sondage qui, au ministère des Affaires
intergouvernementales, avait été fait sur l'ensemble de toutes
ces questions qui préoccupaient les gens et en particulier dans la
perspective du référendum. Les résultats ont
été donnés. Je pense que tout le monde qui est de bonne
foi admettra que cela n'avait rien à voir avec une dépense de
fonds publics dans le but de favoriser notre option. C'était
essentiellement pour que les gens puissent être éclairés
sur une foule d'aspects et je pense que cela a servi à un certain
éclairage. C'est le seul et unique cas qu'on pourrait appeler sur la
marge dont je puisse me souvenir. Tout le reste a été
financé grâce aux efforts des membres de notre parti au moment du
référendum comme au moment des dernières élections.
C'est une première chose sur laquelle je tiendrais quand même
à ce qu'on n'invente pas toutes sortes de trucs additionnels qui n'ont
jamais existé.
M. Rivest: Les études Bonin.
M. Lévesque (Taillon): Les études Bonin,
c'étaient des études très précises. Là, on
pourrait rejoindre ce qu'a dit le ministre des Affaires intergouvernementales.
Des études sur des questions fondamentales qui impliquent la situation
collective et l'avenir du Québec, je ne vois pas très bien
comment on pourrait, surtout dans un ministère comme celui des Affaires
intergouvernementales, qui est peut-être le seul qui est justement sur la
marge, affaires fédérales-provinciales, affaires internationales,
etc., faire une sorte d'exclusive totale en disant: Ils n'ont pas le droit de
se servir du personnel - c'est l'équivalent de ce qu'on disait tout
à l'heure - de planification ou d'étude pour faire analyser des
choses comme cela. (16 heures)
La règle qu'on a établie et qui s'applique dans l'ensemble
du gouvernement, c'est que c'est le personnel politique essentiellement. Il
peut y avoir quelques exceptions sur des cas d'étude nécessaires,
mais c'est le personnel politique, que ce soit dans mon cabinet, dans le
cabinet des Affaires intergouvernementales ou que ce soient des
députés s'ajoutant au ministre, c'est le personnel politique qui
fait ce travail. C'est la règle normale, c'est légitime. Il peut
y avoir des exceptions et je pense que le seul ministère où je
puisse imaginer qu'il y a des exceptions à cette règle pour la
bonne et simple raison qu'il y a des choses à approfondir qui sont
d'intérêt public, même si éventuellement cela peut
éclairer des options ou des hypothèses qui se posent au
Québec... À mon humble avis, à part le ministère
des Affaires intergouvernementales et de façon très modeste, je
ne vois pas comment cela peut se produire ailleurs; enfin, je ne connais pas de
cas.
M. Rivest: Sur les...
Le Président (M. Laplante): M. le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: J'ai une question, M. le Président. La
souveraineté-association a été étudiée par
beaucoup de gens, elle a été étudiée par des
organismes du gouvernement fédéral, du gouvernement d'Ottawa,
notamment par le centre de l'unité canadienne...
Une voix: ...
M. de Bellefeuille: Bien non. Alors, je me demande si la position
du député de Jean-Talon - je ne veux pas être injuste
envers lui - ce n'est pas qu'il est légitime pour un gouvernement
d'étudier la souveraineté-association à condition
d'être contre cela.
M. Rivest: Ce ne sont pas mes crédits. Pour
répondre brièvement à la question: c'est bien dommage,
mais le gouvernement du Québec a actuellement, de lui-même, par
choix, exclu de son mandat de gouvernement l'option de la souveraineté.
En 1976, il l'a soumise à un référendum. Donc, il n'a pas
de mandat d'une majorité de Québécois, parce que cela
demeure...
M. de Bellefeuille: ... du monde. C'est extraordinaire comme
casuistique.
M. Rivest: C'est tellement vrai, M. le député, que
le premier ministre lui-même, président du Parti
québécois à son corps défendant, j'imagine, et avec
un succès que nous regrettons tous, a dû s'inscrire lui-même
dans une démarche de renouvellement de la fédération
canadienne, même au lendemain du référendum, au lendemain
de son élection. C'était son mandat de gouvernement,
c'était tout à fait légitime. L'option de la
souveraineté: Je ne peux pas comprendre qu'on va demander à des
professionnels du ministère des Affaires intergouvernementales de
consacrer leur temps à étayer les éléments de la
thèse qui appartient à un parti, qui n'est pas celle d'un
gouvernement et qui n'est pas celle de la majorité de la population.
M. Lévesque (Taillon): Je ne reprendrai pas le peu que
j'ai dit tout à l'heure, cela ne sert à rien de se
répéter. Je veux bien qu'on continue comme cela...
M. Rivest: Non, on ne continuera pas longtemps, mais je...
M. Lévesque (Taillon): ... mais je vais simplement dire
ceci. Sans aller jusqu'à dire que c'est tout à fait
jésuitique, c'est sacrement sur la marge en tout cas, parce qu'il faut
tout de même vivre dans le monde tel qu'il est. Le
référendum, je ferais remarquer au député de
Jean-Talon que, premièrement ce n'est pas la fin de l'histoire, c'est
une chose à respecter jusqu'à ce que l'opinion continue
d'évoluer et elle continue, d'ailleurs. Même au
référendum c'était, on peut dire, 50-50 du
côté du Québec français. On sait que le
problème de l'avenir du Québec - et cela n'exclut aucun de nos
autres concitoyens des groupes anglophones ou des communautés ethniques
-on sait très bien que le problème du Québec depuis le
temps de Laurendeau-Dunton, on pourrait même dire depuis le temps de la
commission Tremblay, il est centré sur l'avenir de la nation
française qui est au Québec et qui en forme l'armature
essentielle. Qu'on le veuille ou non, c'est un fait. C'est là depuis 30
à 35 ans, même davantage, on pourrait dire depuis le début.
Vis-à-vis de ce problème des options légitimes, comme le
fédéralisme est légitime, l'option de souveraineté
avec une association de nouvelle forme avec le reste du Canada est
également une option légitime... On ne l'a jamais caché et
on a été élu deux fois, sans la cacher, sans la mettre au
centre, mais sans la cacher. La prochaine fois on verra, parce que normalement
elle devrait être au centre de la campagne.
Entre-temps, il ne faudrait tout de même pas oublier que 50% - on
ne saura jamais si c'était 49,5% ou 51,5% - à peu près 50%
du Québec français a voté oui au référendum
qui a eu lieu. Toutes les indications qu'on a, et elles sont faciles à
vérifier, on connaît le même public, sont que cela augmente
en ce moment et en particulier, cela augmente et cela se maintient dans les
générations du milieu de la vie et les nouvelles
générations et l'avenir se trouve de ce
côté-là. Partant de là, sans enlever quoi que ce
soit de ce que j'ai dit tout à l'heure à propos des
réserves - et je ne pense pas que personne soit aussi scrupuleux qu'on
l'a été à ce point de vue, ne l'ait jamais
été comme gouvernement -sans rien enlever à ce que j'ai
dit tout à l'heure, je dis quand même que, jusqu'à un
certain point, cela fait partie de l'intérêt public de la
collectivité québécoise d'être le mieux
renseignée possible sur toutes les implications qui peuvent affecter
notre avenir. On peut bien jouer sur toutes sortes de règles
additionnelles qu'on voudrait nous imposer pour nous museler, pendant
qu'à un autre niveau, sur un autre plan, il y a un autre gouvernement
qui fait une orgie de fonds absolument incontrôlée dans le but
d'essayer d'écraser la possibilité de changement au
Québec. Je dois dire au député de Jean-Talon, sauf tout le
respect que je lui dois, qu'on va continuer, nous, à faire un maximum
qui n'a jamais été vu auparavant pour séparer les fonds
publics de l'action politique directe. Par ailleurs, dans certains cas
exceptionnels où des études
s'imposent et où les ressources sont là, comme l'a dit le
ministre des Affaires intergouvernementales, cela doit être fait et il
nous semble que c'est dans l'intérêt public.
M. Rivest: J'ai une dernière question à poser au
premier ministre. Je sais qu'il a déjà fait des
déclarations - je pense qu'il a déjà fait une lettre -
demandant aux fonctionnaires et à bon droit, je pense, dans le cadre de
la lettre ou des déclarations antérieures qu'il a faites,
demandant à un fonctionnaire de respecter - je pense que c'était
tout à fait légitime - les orientations politiques du
gouvernement, ou les conceptions que le gouvernement a au sujet de l'assurance
maladie, de la politique linguistique, des questions sociales, etc. Est-ce que
concrètement un fonctionnaire du ministère des Affaires
intergouvernementales, un économiste à qui l'on placerait une
commande pour étayer, étudier les aspects de la thèse,
disons d'associations économiques, de la développer davantage ou
de l'articuler et qui refuserait de remplir une telle commande de la part du
ministre des Affaires intergouvernementales, contreviendrait... Cela serait-il
un manque à son éthique de fonctionnaire dans l'esprit du premier
ministre? C'est dans ces termes-là que cela se pose.
M. Lévesque (Taillon): Je réponds tel que je le
sens immédiatement. La réponse, c'est non, parce qu'il y a une
question de droit de réserve, si vous voulez, vis-à-vis de ces
questions-là aussi. La réponse, c'est non, mais je suis convaincu
qu'on trouverait pour le peu de cas qui peuvent se présenter, assez de
fonctionnaires qui partagent les mêmes convictions que nous et c'est leur
droit.
M. Rivest: Bon, justement, je termine là-dessus. Si la
réponse est non, si le fonctionnaire refuse de faire cela, parce que le
fonctionnaire - je pense que le premier ministre sera d'accord avec moi - par
exemple...
M. Lévesque (Taillon): Je ne voudrais pas qu'on se
mêle. La réponse est non. C'est que je ne considère pas du
tout que sur le fond de son travail, puisqu'il s'agit de quelque chose qui
touche à une option politique la loyauté qu'il doit au
gouvernement du jour, cela ne comprometterait pas, quant à moi en tout
cas, sa carrière en aucune façon.
M. Rivest: C'est-à-dire qu'il pourrait ne pas faire le
travail. Donc, est-ce que le premier ministre aurait la même norme et la
même règle au sujet de la conception que son gouvernement avait de
l'assurance automobile? Je prends l'exemple - j'exprime mon avis et je demande
au premier ministre s'il est d'accord avec moi - d'un fonctionnaire qui aurait
refusé, à l'époque, à Mme Payette, une expertise,
parce qu'il n'était pas d'accord avec la conception. À mon avis,
le fonctionnaire n'avait pas le droit de faire cela, parce que c'est une
orientation politique légitime. Quand le premier ministre admet qu'un
fonctionnaire des Affaires intergouvernementales pourrait refuser
d'étayer la thèse de la souveraineté-association, cela
implique, M. le premier ministre, je m'excuse, qu'à ce moment-là,
vous faites faire un travail politique par les fonctionnaires et vous
l'admettez par votre réponse.
M. Lévesque (Taillon): Je viens de vous le dire que cela
peut arriver à l'occasion. De la même façon, quelqu'un qui
refusait de faire son travail, en fonction, par exemple, de l'assurance
automobile qui était dans le programme du gouvernement de celui qui vous
parle et de son parti, à mon humble avis, manquait à son devoir
et devait en subir les conséquences, éventuellement, quelles
qu'elles soient. De la même façon, dans un domaine qui est
strictement politique, qui évidemment, n'a pas encore été
entériné par l'ensemble de la population
québécoise, mais qui est légitime lui aussi, qu'un
fonctionnaire considère que cela ne correspond pas à ses
convictions, qu'il ne se sent pas à l'aise, etc. il y a une distinction,
il me semble, que le député de Jean-Talon devrait pouvoir
faire.
M. Rivest: Je m'excuse, M. le premier ministre, mais en toute
déférence pour vous, je vous dis qu'à ce moment-là
si c'est ce principe que vous étayez, il n'y a vraiment plus de limite:
s'il refuse, vous acceptez son refus, vous le respectez, parce que cela va
contre ses convictions politiques. A mon avis, dans n'importe quel autre
domaine que celui-là, un fonctionnaire n'a pas le droit et la
liberté de dire: Moi, sur tel aspect, sur une politique
économique, sur une politique sociale, je ne suis pas d'accord, je
regrette. À ce moment, je trouve que ce fonctionnaire manque à
son devoir, parce que les orientations politiques, c'est au pouvoir politique
à les donner, c'est au gouvernement. Si vous acceptez, au
ministère des Affaires intergouvernementales, qu'un économiste
refuse de faire une étude sur les modalités de l'association,
c'est que vous admettez, à mon point de vue, que vous faites faire
à ce fonctionnaire un travail d'ordre politique, au sens qui n'est pas
de l'éthique d'une bonne administration publique et d'un bon rapport
entre l'administration publique et le pouvoir politique.
M. Lévesque (Taillon): Je vais être très
bref. Je pense que le député de Jean-Talon a déjà
été plus nuancé que cela; évidemment,
ce n'est pas toujours indiqué dans ce jeu qu'on est obligé
de jouer.
M. Rivest: Ce n'est pas de jouer, c'est cela la question.
M. Lévesque (Taillon): Non, d'accord. Je
répète ce que j'ai dit: Exceptionnellement, je ne vois pas
d'autre ministère que le ministère des Affaires
intergouvernementales. Évidemment, il faut que ce soit des gens qui se
sentent à l'aise dans ce travail-là et il peut arriver que des
études soient nécessaires, soient d'intérêt public
dans ce domaine-là et qu'on les fasse faire. Je ne vois pas d'autre
exemple.
M. Rivest: Est-ce que vous connaissez le code d'éthique
des fonctionnaires?
M. Lévesque (Taillon): S'il vous plaît, enfin, je
vais vous laisser le dernier mot.
M. Rivest: Non, je ne veux pas avoir le dernier mot, mais il
existe un code d'éthique des fonctionnaires actuellement et dans ce code
d'éthique, c'est clairement établi. Est-ce que ce code
d'éthique s'applique d'une façon générale, mais
que, par exception, il ne s'applique pas? C'est ce que le premier ministre est
en train de soutenir devant la commission.
M. Lévesque (Taillon): N'importe qui peut comprendre le
fond de ma question et cela ne sert à rien, quant à moi, en tout
cas, de poursuivre la discussion. M. le chef de l'Opposition, je suis
très heureux de vous accueillir.
Le Président (M. Jolivet): M. le chef de l'Opposition.
M. Ryan: M. le Président, je m'excuse de mon retard; j'ai
été retenu à une autre réunion où on
discutait d'un sujet tout à fait différent.
M. Lévesque (Taillon): On a tous nos urgences à
l'occasion.
M. Ryan: J'ai pensé que ce serait une bonne chose que de
profiter de cette séance de la présente commission parlementaire
pour essayer d'obtenir des éclaircissements du premier ministre sur des
sujets d'intérêt général.
M. Lévesque (Taillon): D'accord. On est un peu dans des
sujets généraux aussi.
Relations avec les autres provinces
M. Ryan: Oui. On va élargir encore, si possible. Il y a
d'abord tout le problème des rapports du Québec avec le reste du
Canada.
Nous venons de vivre une année qui a été
pénible pour le gouvernement, je pense que c'est le moins qu'on puisse
dire. Au point de vue constitutionnel, le gouvernement ne s'est pas
trouvé spécialement heureux des changements qui sont survenus et
de la manière dont le Québec s'en est tiré. Le
gouvernement avait conçu une stratégie de solidarité avec
un certain nombre de provinces, en particulier des provinces de l'Ouest, et
cette solidarité lui a éclaté dans les mains au moment le
plus névralgique. On s'est aperçu que l'alliance était peu
solide.
À la suite de ce qui est arrivé, est-ce qu'on pourrait
avoir une idée de ce que sera la stratégie du gouvernement en
matière de relations avec le reste du pays, autant les autres provinces
que le gouvernement central, au cours de l'année qui vient. En
particulier, on a vu que le ministre des Affaires intergouvernementales est
allé se promener dans l'Ouest, il a fait un séjour à
Toronto également, où il a semblé tendre un rameau
d'olivier à ses hôtes de Toronto. Est-ce que le gouvernement
envisagerait de revenir peut-être à une posture plus
traditionnelle dans ces matières, peut-être de resserrer les liens
avec l'Ontario, quitte à oublier un peu ses alliés qui l'ont
laissé tomber il y a quelques mois.
M. Lévesque (Taillon): Je pense que ce n'est pas seulement
le gouvernement qui n'est pas spécialement heureux; n'importe quel
Québécois qui a une conscience de nos droits des
intérêts collectifs du Québec n'est pas spécialement
heureux de ce qui s'est passé. Je pense que c'était aussi le cas
du chef de l'Opposition aussi, du moins, si j'ai bonne mémoire. C'est
évident que cela a été une année noire dans ce
domaine-là; ça risque de l'être également. On sait
ce qui est arrivé dans le cas des accords fiscaux, ça risque de
l'être également de plus en plus dans un autre aspect fondamental
de ce régime dans lequel nous sommes jusqu'à nouvel ordre qui est
le problème des ressources financières, le problème
même qui s'étend jusqu'à des accrocs absolument sans
précédent du côté territorial comme on le voit avec
ce corridor, enfin, ce projet farfelu de corridor sur lequel on votera,
à propos d'une motion qu'on a présentée, avant la fin de
la journée. Donc, ça n'a pas été, c'est sûr,
une année particulièrement attachante pour le Québec dans
le régime fédéral.
Cela étant dit, après une réaction qui me
paraît normale, qui nous a permis de faire au moins le premier examen de
ce que représente cette platée continuelle de conférences
fédérales-provinciales ou interprovinciales où il y a
énormément - il y a des choses essentielles, j'y reviendrai dans
un instant - de gaspillage, de va-et-vient inutile ça nous a permis de
commencer à
élaguer quand même un peu. Ce n'était pas uniquement
à partir d'une réaction parfaitement normale de mauvaise humeur
et même d'indignation, mais l'occasion était là pour faire
le point là-dessus.
Maintenant, le principe général, que le ministre des
Affaires intergouvernementales a lui aussi, c'est que, au sens large, chaque
fois que l'intérêt du Québec est clairement mis en cause et
clairement concerné dans ces rencontres, ces réunions, il n'est
pas question de s'abstenir. On est dans un régime où on paie
notre part, où nos concitoyens paient leur part, toute leur part - et
Dieu sait plus que leur part à l'occasion - un régime où
il y a nécessairement, à cause des interrelations entre les
niveaux, les secteurs de gouvernement où il y a nécessairement
des intérêts qui sont mis en cause régulièrement, on
n'a pas le droit - c'est votre devoir d'État d'y être - de
s'abstenir de ces rencontres qui touchent ces choses, mais cela nous a permis,
je le répète, d'élaguer un certain nombre de choses qui
étaient inutiles, qui le sont et qui entraînent une perte de
temps, une perte d'énergie, une perte d'argent même qui a quand
même son importance. (16 h 15)
C'est ainsi, par exemple, que, depuis deux ou trois mois, je pense que
la moitié -je parle au niveau ministériel - sauf erreur, des
convocations auxquelles on doit normalement répondre ont
été acceptées. Autrement dit, on a participé, et
pour à peu près la moitié, on a trouvé que
c'était complètement inutile, personne ne s'en est même
aperçu et je vous jure que cela n'a affecté d'aucune façon
les intérêts du Québec.
Cela étant dit, la dimension économique, on en a
parlé tout à l'heure avec le député de Jean-Talon,
on se retrouve à rejoindre avec le chef de l'Opposition, par la bande,
le même sujet, qui est évidemment au coeur même des
intérêts du Québec et que privilégie actuellement,
pendant les premiers mois de son mandat, le ministre des Affaires
intergouvernementales, ce qui explique, par exemple, les voyages dans l'Ouest -
aussi, quand un nouveau ministre des Affaires intergouvernementales arrive en
poste, il est assez normal qu'il prenne contact avec ses homologues, parce
qu'il y a continuellement de possibles tractations, enfin, il faut se
connaître un peu - c'était axé et c'est axé encore
et surtout sur des préoccupations économiques qui sont centrales
pour tout le monde en ce moment.
L'explication essentielle du voyage dans l'Ouest, entre autres, d'un ou
deux voyages à Toronto - je prends seulement ceux-là -
était à la fois une prise de contact avec des homologues, ce qui,
je crois, est normal et classique, et une préoccupation centrale, qui
était les relations économiques et les possibilités de ce
côté.
Par exemple, le chef de l'Opposition mentionnait l'Ontario. Quelles que
soient les questions constitutionnelles, quel que soit l'état dans
lequel elles se trouvent, l'Ontario, qui est notre voisin immédiat,
représente un peu plus de la moitié d'environ 15 000 000 000 $
d'échanges annuels entre le Québec et l'Ontario. Il vient
à peu près 8 000 000 000 $ de l'Ontario et il en part 7 000 000
000 $ du Québec.
Il est évident que, quelle que soit l'évolution des choses
constitutionnelles, ce sont des liens qui sont là, qui sont concrets,
qui sont entre les entreprises, qui sont entre des villes
métropolitaines comme Toronto et Montréal et qui, par
conséquent, ont besoin d'être entretenues, dans
l'intérêt des deux parties, si on veut. Autrement dit, je ne vois
rien là, et cela va continuer comme cela. Il n'y a pas de raison pour
que cela ne continue pas.
M. Ryan: Du côté de l'Ouest, j'aimerais qu'on prenne
chacune des grandes régions l'une après l'autre, parce que ce
sont des sujets dont nous n'avons jamais eu l'occasion de discuter en Chambre.
Du côté de l'Ouest, est-ce que le ministre des Affaires
intergouvernementales a rapporté des horizons nouveaux, des perspectives
de relations économiques plus développées, par exemple
dans le domaine pétrolier, dans le domaine du gaz?
M. Lévesque (Taillon): Pas nécessairement. Quand il
s'agit de choses concrètes - on en parlait avec le député
de Jean-Talon tout à l'heure, là encore, on se recoupe un peu,
mais enfin - au point de vue économique, que ce soit dans l'Ouest ou
n'importe où dans le monde, il y a un relais que le ministère des
Affaires intergouvernementales doit faire forcément. Il doit d'abord le
faire avant de partir et il doit le faire en revenant pour quelque perspective
que ce soit avec le ministère concerné au point de vue
sectoriel.
Prenons, par exemple, l'Alberta. Il est évident qu'avant d'aller
en Alberta, où il rencontrait entre autres M. Lougheed et son homologue,
le ministre des Affaires intergouvernementales a eu - je pense que l'expression
anglaise est assez courante - un "briefing" aussi complet que possible de la
part des gens de l'Énergie et des Ressources, avec les notions aussi que
peuvent véhiculer des entreprises d'État comme SOQUEM, entre
autres, ou SOQUIP. Ensuite, en revenant, il a fait un rapport et il a fait le
point, je me souviens de l'avoir lu et discuté avec lui. Cela ne
dégageait pas de perspectives nouvelles, concrètement, mais cela
nous permettait de voir où on en était, quelle était la
situation.
Pour vous donner un exemple très
simple, on a appris - cela a permis de confirmer, tout en
espérant que cela n'irait pas trop loin, parce que cela implique les
chantiers maritimes, ici à côté de Québec, à
Lauzon - que Dome Petroleum était plus concrètement encore qu'on
le savait en difficulté, c'est le moins qu'on puisse dire, enfin
touchons du bois. C'est un exemple.
M. Ryan: Du côté d'Ottawa, M. le premier ministre,
au point de vue constitutionnel - on va ensuite parler des relations
économiques à propos du programme d'action économique que
nous attendons de votre gouvernement - il y a deux ouvertures au moins
apparentes qui vous été faites, une par M. Trudeau et une par le
ministre des relations fédérales-provinciales, je crois, de
l'Ontario demandant que...
M. Lévesque (Taillon): Je pense que c'est plutôt le
contraire. M. Wells a plutôt fermé la porte un peu tandis que
c'est M. Davis qui avait fait semblant de l'ouvrir, mais, enfin, cela n'a pas
d'importance.
M. Ryan: Cela se peut très bien. Je ne suis pas les
déclarations de chacun dans tous les détails.
M. Lévesque (Taillon): Moi non plus.
M. Ryan: Est-ce que vous entendez faire quelque chose à
propos de ces ouvertures ou si vous trouvez que ce sont des paroles qui ne
méritent pas d'avoir beaucoup de lendemain? Ou encore vous êtes
complètement satisfait en particulier de la formule d'amendement si
proche de celle que vous avez déjà signée le 16 avril
dernier.
M. Lévesque (Taillon): Vous appelez cela proche?
M. Ryan: Est-ce que vous seriez intéressé à
revenir à une formule un peu plus sérieuse pour le
Québec?
M. Lévesque (Taillon): Vous appelez cela proche? Cela veut
dire qu'on n'a pas le même sens des distances. Pour ce qui est de ces
"ouvertures" de M. Trudeau, je trouve cela, je dois dire que ce n'est pas la
première fois que cela lui arrive, mais je trouve cela proprement
insultant pour l'intelligence, ce qu'on a appelé des ouvertures. C'est
curieux que beaucoup de gens qui ont parlé d'ouvertures ne se sont
même pas donné la peine de lire la transcription de
l'émission où cela a été lancé comme
balloune, l'émission qui s'appelle "Les lundis de Pierre Nadeau" et que
je me suis tapée au complet. Quand je suis arrivé à ce
qu'on a appelé l'ouverture, il fallait lire quand même, n'importe
qui qui sait lire sait que c'était rire du monde en pleine face.
L'animateur, M. Nadeau, avait posé une question en disant: Est-ce qu'il
serait possible de concevoir que, après tout vous pourriez rectifier et
je rejoins la deuxième partie de votre question, vous pourriez
rectifier, M. le premier ministre fédéral, l'espèce
d'effilochage que vous avez fait de la formule qui avait été
conçue par les huit provinces, en particulier du côté de la
compensation financière et je pense qu'il y avait un autre point qui
était évoqué? M. Trudeau est passé
complètement à côté de la question et dit:
Évidemment, je suis toujours ouvert à certaines choses, etc. Par
exemple, on pourrait revenir à la formule que je préfère,
la formule de Victoria. Autrement dit, rire du monde en pleine face et quand M.
Nadeau, si j'ai bonne mémoire, a insisté pour avoir une
réponse plus précise, tout ce qu'il a eu, c'est un escamotage et
aucune réponse. Depuis, c'est exactement l'état de la situation
et je pense que cela correspond, et je vais le dire comme je le pense, cela
correspond aux conclusions d'un sondage fédéral fait avec les
fonds publics, comme d'habitude, qui a été rendu public
grâce à une fuite provoquée par le Parti conservateur,
parce qu'on s'était servi juste de quelques chiffres de ce sondage, on
ne s'était pas servi de tout. C'était un sondage, je pense,
commandité il n'y a pas longtemps par le truc de l'unité
canadienne - enfin, je ne me souviens pas du nom exact - qui est largement,
grassement financé par les fonds publics fédéraux,
c'est-à-dire les fonds publics de tous les Canadiens, dont une des
conclusions, et cela coïncidait si admirablement que je pense qu'on ne
peut pas se rattacher à autre chose, était, après "la sale
job", enfin, je le dis comme je le pense, ce n'est pas comme cela que
c'était exprimé, mais après ce que vous avez fait au
Québec et aux Québécois depuis un an ou deux, il semble se
dégager de notre sondage que les attitudes fédérales, pas
seulement les politiques, mais les attitudes fédérales devraient
être adoucies de façon à présenter, si vous voulez,
le régime sous son meilleur jour, sous un jour plus souriant.
Alors, M. Trudeau a trouvé drôle, je pense, de profiter
d'une émission pour faire semblant et depuis ce temps-là on n'a
jamais eu aucune précision. Moi, à mon humble avis,
c'était rire du monde.
M. Ryan: Et il ne vous est pas venu à l'idée de lui
écrire officiellement pour lui demander des précisions?
M. Lévesque (Taillon): Si j'en trouve le temps,
peut-être un de ces jours.
M. Ryan: Ce n'est pas une chose pressée. Ce n'est pas une
priorité.
M. Lévesque (Taillon): Non, cela n'a pas
l'air d'être une priorité pour le premier ministre
fédéral en question non plus.
M. Ryan: Quand le ministre des Affaires intergouvernementales est
allé dans l'Ouest et à Toronto, est-ce que vous lui aviez
donné le mandat d'explorer, entre autres, la possibilité
d'accords de réciprocité pour faire en sorte que la "clause
Canada" puisse s'appliquer? Est-ce qu'il vous a apporté des nouvelles
à ce sujet-là?
M. Lévesque (Taillon): Non, je dois dire, écoutez,
je pourrais revérifier parce que j'ai eu les rapports de mission de M.
Morin mais, si j'ai bonne mémoire, non. Cela a été
évoqué, enfin, par la bande du côté linguistique, je
pense, dans certaines rencontres privées, je ne peux pas donner de
compte rendu parce qu'après tout il s'agissait de rencontres
privées avec des interlocuteurs qui ont droit à leur propre
version, entre autres, avec M. Davis et M. Wells, ministre des Affaires
intergouvernementales, autour et alentour de choses qu'on connaît bien
comme, par exemple, l'article 133, aussi, je pense, indirectement, l'effort de
l'Ontario, etc. Autrement dit, le sujet a été quelque peu
évoqué indirectement, mais je ne pense pas que ce soit
allé plus loin. Jusqu'à nouvel ordre, en tout cas, je pense que
c'est cela.
M. Ryan: M. le ministre n'avait pas reçu de mandat de
soulever ce problème de manière explicite.
M. Lévesque (Taillon): II n'en a pas besoin
là-dessus. Si l'occasion se présente, cela reste -
écoutez, cela fait partie de la loi 101 - dans les perspectives que
nous-mêmes avons dessinées.
M. Ryan: Si on allait faire un tour du côté de l'est
du pays un petit peu, du côté de Terre-Neuve, pour terminer des
choses. Quand on a un débat sur vos motions, on ne peut pas
débattre beaucoup, parce que c'est une série de monologues qui
font suite les uns aux autres, malheureusement. Il y a une question que
j'aimerais bien vous poser à ce sujet. Le problème de la
validité de la loi adoptée par la Législature de
Terre-Neuve est maintenant rendu à l'étape de la Cour
suprême, si j'ai bien compris. La Cour d'appel de Terre-Neuve a rendu un
jugement entièrement favorable à la thèse
terre-neuvienne.
M. Lévesque (Taillon): Un peu tronqué, mais
enfin...
M. Ryan: Vous pourrez commenter tantôt, si cela vous
intéresse d'entrer dans le processus judiciaire.
M. Lévesque (Taillon): Quand les jugements sont rendus, je
pense qu'on a droit à nos réactions.
M. Ryan: On aimerait bien l'entendre, mais la question que je
voudrais vous poser, c'est la suivante: Dans l'hypothèse où la
Cour suprême entérinerait l'avis exprimé par les deux
tribunaux antérieurs qui ont été appelés à
se prononcer sur le litige, quelle stratégie le Québec va-t-il
déployer pour défendre les meilleurs intérêts du
Québec et éviter que ce volume d'énergie électrique
que nous importons de Terre-Neuve qui représente à peu
près, si mes informations sont exactes, quelque chose comme 30%...
M. Lévesque (Taillon): À peu près, je pense.
Je ne suis pas sûr.
M. Ryan: ... de notre consommation totale à l'heure
actuelle, de l'électricité qui est en circulation au
Québec...?
M. Lévesque (Taillon): La disponibilité totale, je
pense que c'est plus proche du quart, mais enfin, c'est énorme.
M. Ryan: Je crois que le ministre de l'Énergie et des
Ressources s'approche de vous. C'est très bien.
M. Rivest: Le René Lévesque des temps modernes.
M. Lévesque (Taillon): Une seconde, on va avoir...
M. Ryan: Très bien.
M. Lévesque (Taillon): À l'heure actuelle, c'est
à peu près 22% ou 23% de disponibilité et ce serait
à l'horizon de 1990, 4900 mégawatts sur 33 000; alors, ce serait
probablement le septième, quelque chose comme cela. Maintenant, pour ce
qui est de la stratégie...
M. Ryan: Vous avez fait des déclarations à New York
lorsque vous êtes allé signer le contrat d'exportation.
M. Lévesque (Taillon): J'en ai fait d'autres tout à
l'heure en Chambre, mais le chef de l'Opposition ne m'a pas fait l'honneur
d'être là.
M. Ryan: Malheureusement, j'aurais aimé y être, mais
j'étais retenu à mon bureau.
M. Lévesque (Taillon): D'accord.
M. Ryan: Ce n'était pas le meilleur.
M. Lévesque (Taillon): On a nos bons jours et nos mauvais
jours. Ce n'est pas à
moi de juger. Mais, je reviens à la question fondamentale du chef
de l'Opposition et je vais passer rapidement la parole à mon
collègue de l'Énergie et des Ressources parce que, après
tout, il suit le dossier tous les jours, comme c'est son devoir d'état.
Je pense qu'on est à peu près rendu à la Cour
suprême. Les délais, je ne sais ce qu'ils seront, mais je dois
dire que le jugement de la Cour d'appel de Terre-Neuve, ce que les gens
appellent leur Cour d'appel, nous a paru tronqué; je l'ai dit. Le
ministre de l'Énergie et des Ressources pourra souligner que cela
touchait surtout un point, mais certains autres points étaient
laissés, si vous voulez, dans l'obscurité. Enfin, le jugement n'y
touchait pas. Je ne dis qu'on les escamotait, mais... Autrement dit, c'est loin
d'être terminé, même au point de vue judiciaire.
Deuxièmement, je ne sais pas, je ne pense pas que ce soit demain
la veille. Troisièmement, si jamais, je prends l'hypothèse du
chef de l'Opposition, à cause de l'importance décroissante de
l'apport de Churchill Falls, si jamais cette hypothèse se
réalisait, sans entrer dans le détail - ce n'est pas le moment -
je ne pense pas que le Québec soit la pire victime, loin de là.
J'ai l'impression que c'est Terre-Neuve qui serait victime de son propre
pétard, comme on dit en anglais. Il y a des pétards qui nous
sautent dans la face quand on n'y fait pas attention.
Je n'entrerai pas dans le détail: si le ministre de
l'Énergie veut ajouter ce qui lui paraît pertinent. (16 h 30)
M. Duhaime: II y a une chose que je dirais en réponse au
chef de l'Opposition, c'est qu'il serait exclu pour nous, en tout cas, qu'on
fasse de la stratégie à ciel ouvert. Jusqu'à nouvel ordre,
la stratégie de M. Peckford et de M. Marshall, selon qui gagne ou qui
perd en Cour suprême, cela va finir un jour. Le seul problème,
c'est le nombre d'années. Il est évident que les juristes au
ministère de l'Énergie et des Ressources, au ministère de
la Justice et à Hydro-Québec ont étudié l'ensemble
du dossier. La stratégie judiciaire qui va être
déployée devant la Cour suprême et même après
le jugement de la Cour suprême sera connue en temps et lieu. Je pense que
cela ne serait pas de bonne guerre de notre part de dévoiler nos
batteries à l'avance et je pense bien que le chef de l'Opposition ne
nous en fera pas le reproche, non plus. Je suis parfaitement d'accord avec son
intervention sur le fond sur la motion qui était en débat
à l'Assemblée nationale. On était d'accord sur au moins
sept des points que vous avez soulevés. Ce que je ne comprends pas,
c'est votre position d'abstention.
Je vais essentiellement rappeler que la position du Québec est
une position d'ouverture, d'esprit ouvert, de négociation. Cela serait
le bout du ridicule de simplement déchirer un contrat signé entre
des parties de bonne foi. Je pense que, sur cela, il y a quelque chose
d'intéressant qui a été dit à Ottawa par le
ministre de l'Énergie, mon collègue, M. Marshall, lorsqu'il a
témoigné devant le comité parlementaire. Vos recherchistes
vont retrouver cela à la page 2622, le 25 mai 1982. Je voudrais juste en
lire un extrait. Son intervention ne portait pas directement sur la question du
litige avec Québec, mais sur la question de l'ensemble du litige sur la
question des droits miniers sous-marins qui est en difficulté
actuellement avec le gouvernement fédéral. Ce n'est pas une
phrase que je veux citer hors contexte, cela s'applique très bien
à la discussion que nous avons actuellement. J'ai la traduction
française, c'est M. Marshall qui parle et il dit: "Personne qui soit
sain d'esprit n'entreprend des négociations et conclut des accords si
ceux-ci peuvent, en fin de compte, être abrogés." Si cela vaut
pour lui, cela vaut pour nous. Je l'ai indigué tout à l'heure
à l'Assemblée nationale, on va avoir l'occasion, bientôt,
de revoir M. Peckford et, sans doute, M. Marshall à la prochaine
rencontre annuelle des premiers ministres et des gouverneurs de la
Nouvelle-Angleterre lors de laquelle j'accompagnerai M. Lévesque.
Je profite de l'occasion pour dire que j'aurais aimé que le chef
de l'Opposition soit présent en Chambre. Je comprends que vous ne pouvez
pas être à deux places en même temps, vous non plus, et je
crois même qu'on vous demandait à trois endroits aujourd'hui.
Ce que je dis essentiellement, c'est que nous allons
réitérer cette position d'ouverture. Il y a une grande
différence, cela a été souligné récemment,
entre une position de négociation et une reddition totale. Quand vous
poussez la reddition au point de dire: Nous sommes maintenant disposés
à vivre avec les effets juridiques de la décision du
comité judiciaire du Conseil privé de 1927, je dis que vous
m'inquiétez drôlement parce que tous les premiers ministres en
droit n'ont jamais reconnu cette frontière. On ne fera jamais de geste
gratuit; je pense que M. Lévesque l'a indiqué très
clairement sur cela. La situation de facto, c'est une chose, la situation de
jure, cela en est une autre. Je l'ai dit tout à l'heure à
l'Assemblée nationale. On est prêts à négocier, pour
l'instant on est dans un cadre fédéral canadien. Vous connaissez
les intentions de notre parti et c'est aussi la position de notre gouvernement.
On négociera en temps utile. Peut-être qu'un jour on pourra le
régler, mais en vertu d'un autre système de droit qui sera
peut-être de droit international public, on verra.
M. Ryan: Maintenant, si vous me
permettez sur cela, vous m'ouvrez une porte très
intéressante. Je suis bien content que vous l'ayez fait à part de
cela. On va clarifier les choses. Quand M. le premier ministre a signé,
le 16 avril, la formule d'amendement qu'il affectionne spécialement, il
y avait deux articles dans cette formule qui étaient à toutes
fins que de droit...
M. Lévesque (Taillon): Je dois dire au chef de
l'Opposition, juste en passant, parce qu'on est un peu en porte à faux
aujourd'hui, on est là et on n'est pas là. Il y a le
député de Brome-Missisquoi, je pense, qui a fait un plat avec
cela. Je ne sais pas, on peut le répéter ici.
M. Ryan: Je pense que ce n'est pas mauvais parce que vous
n'étiez pas là pour lui répondre ou ensuite en vertu de
notre système.
M. Lévesque (Taillon): D'accord.
M. Ryan: II y a deux articles dans cette formule d'amendement qui
touchent directement la question dont vient parler le ministre de
l'Énergie et des Ressources. Il y a d'abord un article qui dit: Si un
amendement est fait concernant les pouvoirs, les droits de
propriété, les attributions d'une province et que la
Législature de cette province, par une résolution adoptée
à la majorité s'y oppose, cet amendement n'a point d'effet dans
la province en question. Si cela n'est pas implicitement reconnaître que
Terre-Neuve peut s'asseoir sur sa frontière, sur les droits de
propriété qui lui ont été reconnus par la
décision de 1927 et par la loi de 1949 qui définissait les
conditions de son entrée dans la fédération canadienne,
cela ne veut rien dire.
Il y a un autre article dans la formule d'amendement qui va plus loin,
et qui dit: Tout problème qui peut se poser entre deux ou plusieurs
provinces, y compris les problèmes touchant des questions de
frontières, ne peut être réglé que sur
résolution du Parlement du Canada, du Sénat du Canada et de la
Législature de chacune des provinces concernées. Ce qui veut
dire, par conséquent, que le régime dans lequel nous sommes est
celui de la loi de 1949, auquel le Québec, à l'époque, ne
s'est même pas opposé, pas plus un parti d'un côté de
la Chambre que de l'autre. C'est dans notre loi, c'est dans notre constitution
canadienne; le contrat de Terre-Neuve en faisait partie, c'est une annexe qui
est venue s'ajouter en 1949.
Vous autres, en acceptant cette formule, vous acceptiez tout cela.
Aujourd'hui vous venez nous dire: nous, les défenseurs de la vertu
patriotique, de l'intégrité territoriale; c'est de la vraie
comédie, c'est de la vraie rhétorique. C'est là que nous
nous opposons, nous voulons la vérité des faits. Nous
reconnaissons très bien que le tracé établi par la
décision de 1927 était un tracé sujet à
éclaircissement, un tracé qui est source de difficultés,
un tracé dont le contour ou les limites doivent être
réexaminées par la voie de négociations politiques. Par la
voie de négociations politiques, nous le reconnaissons très bien
et nous disons: plus nous pouvons aller en chercher, c'est tant mieux. Mais
nous savons tous au départ que, de l'autre côté, il y a un
droit de veto véritable, un droit de veto consacré à la
fois par la constitution du pays dont nous faisons partie et par des actes qui
ont été faits par le chef du gouvernement lui-même au cours
des derniers mois.
M. Lévesque (Taillon): M. le chef de l'Opposition. M. le
Président, pardon. Je pense qu'on retourne à ce que
déplorait, lui-même, le chef de l'Opposition. On s'en va
plutôt vers des monologues que vers une discussion vraiment factuelle. Je
ferais remarquer au chef de l'Opposition une chose qui me frappe, en anglais,
on appelle cela un "red herring" c'est-à-dire quelque chose qui
déguise le fond de la question. Fortier a tout ce problème du
Labrador et la commission Dorion aussi, etc. au moment où, à
propos de ces damnés corridors potentiels, il y a une motion devant la
Chambre et où devant le Parlement fédéral, il y a le bill
C-108 qui est un accroc sans précédent, encore une fois, cette
fois au point de vue territorial, au point de vue de certaines des lois
fondamentales du Québec: environnement, terres agricoles,
aménagement. Au moment où cela doit être discuté et
où il y a une motion devant la Chambre pour laquelle on comptait, c'est
peut-être la dernière fois qu'on le fera, sur la
possibilité d'avoir une sorte de réaction
québécoise authentique de la part de l'Opposition, au moment
où on est devant cela spécifiquement, de commencer à nous
refaire le procès des histoires de 1927 et de ce qui est arrivé
depuis, cela me paraît être un peu une sorte de camouflage.
Cela étant dit, depuis 1949, sur le régime actuel, la
commission Dorion a parfaitement bien conclu là-dessus. Seulement, je
viens de relire le rapport de la commission Dorion et ses conclusions. Il y a
des choses qu'on oublie, mais qui valent la peine, on y reviendra au besoin.
C'est sûr qu'au point de vue juridique, dans le contexte actuel, il est
parfaitement vrai que, depuis 1949 - je n'étais pas là - on a
accepté Terre-Neuve dans la confédération, dans le
système fédéral, Terre-Neuve avec son Labrador. Alors, il
n'y a rien de nouveau dans le fait que, dans le régime actuel, mais
devant le mur judiciaire ou juridique où l'on se trouve, dans ce qu'on a
signé le 16 avril, il n'y a rien de nouveau, c'est la même chose,
on n'y peut rien.
On a, contrairement au chef de l'Opposition, une perspective - on verra
si cela se réalisera - elle est légitime autant que la
vôtre, une perspective de changer de régime pour le Québec.
Dans cette éventualité, dans cette perspective, il y a, comme le
dit le ministère de l'Énergie et des Ressources, sans se faire
d'illusions, sans rêver en couleur, mais il y a quand même une
ouverture qui s'appelle le droit international public qui laisse la
possibilité à certaines portes de correction possibles de
s'ouvrir. Le chef de l'Opposition peut bien rigoler s'il le veut, mais il me
semble que dans l'intérêt du Québec, il est absolument
injustifiable de faire le genre de reconnaissance a priori qu'ils ont
proposé, lui et le député d'Outremont, récemment.
Enfin, chacun a son opinion.
M. Ryan: Je vais vous dire une chose, c'est beaucoup plus vous et
votre gouvernement qui êtes à la recherche d'îles Malouines
que l'Opposition; au contraire, nous cherchons la conciliation par tous les
moyens. Nous ne cherchons pas à entretenir des préjugés;
au contraire, nous essayons de les faire tomber, à la lumière de
la réalité historique, de la réalité juridique et
de la réalité politique. Je vais vous dire une chose, à
propos de cet argument que vous invoquez dans "Derniers retranchements". Vous
dites: On va soumettre cela aux tribunaux internationaux. D'abord, cela prend
l'accord des deux parties pour le soumettre à des tribunaux
internationaux. Jamais Terre-Neuve - vous le savez bien - au point de vue
politique, ne va accepter, après que ce territoire a été
le sien depuis 50 ans, d'aller devant les tribunaux internationaux. Si jamais,
elle acceptait d'y aller, elle va évoquer tels mandats qui ont
été faits par les gouvernements du Québec et par le
vôtre encore, avec cette formule d'amendement, à l'appui de sa
thèse, et on sera mal placés, signature en bonne et due forme, ce
qui implique exactement ces conséquences. Si vous voulez, on peut
quitter ce sujet, on peut le quitter le sujet, si vous voulez, mais...
M. Lévesque (Taillon): Je m'excuse. Je m'excuse.
M. Duhaime: La cour est en train de se vider, M. le chef de
l'Opposition.
M. Rivest: La cause est entendue, je pense.
M. Lévesque (Taillon): II y a deux choses que je
soulignerais, mais je n'en ferai pas un plat. Premièrement, le
rapprochement avec les îles Malouines, le moins qu'on puisse dire, c'est
qu'il manque un peu d'élégance et pour les gens qui sont en train
de s'entretuer à ce point de vue et aussi pour le respect qu'on doit
avoir pour la mémoire historique des gens; cela date d'encore plus
longtemps que le Labrador, pour ces gens. Ce n'est pas à nous de les
juger, je pense, comme si on expédiait cela du revers de la main. Il me
semble que c'est suffisamment douloureux à beaucoup de points de vue,
pas seulement politiques, pour qu'on ne joue pas avec cela.
Deuxièmement, je dirai simplement qu'en ce qui concerne les
tribunaux internationaux, c'est vrai, la tradition, c'est que les deux parties
doivent se mettre à table, accepter de se mettre à la table. On a
déjà vu des choses évoluer. On est dans un monde de
changements. On a déjà vu, dans un donnant donnant, qui implique
les intérêts de Terre-Neuve, qui est impliquée d'ailleurs
dans certaines des négociations qu'on lui a proposées, que des
choses puissent être rectifiées, qui étaient injustes,
parce que les gens peuvent évoluer. Je ne dis pas que M. Peckford promet
une évolution rapide en ce moment, mais lui comme d'autres sont... On
passe tous.
M. Ryan: Alors, on peut passer à un autre sujet, celui-ci
ne pouvant pas être vidé cet après-midi.
M. Lévesque (Taillon): Non, on ne le videra pas.
Programme d'action économique
M. Ryan: Non, on va vous laisser vos espoirs vagues. Un sujet qui
intéresse nos concitoyens d'une manière très
immédiate, je pense que c'est le programme d'action économique
que le gouvernement doit nous livrer je ne sais pas quand, mais j'aimerais
savoir où en est le gouvernement dans la préparation de ce
programme d'intervention pour stimuler l'économie.
M. Lévesque (Taillon): Ce que je pourrai dire simplement,
c'est ceci. J'ai bon espoir, tous les fils ne sont pas attachés, je dois
le dire au chef de l'Opposition, je le répète, tous les fils ne
sont pas attachés et il y a des fils assez importants, alors, je pense
que je ne pourrais pas aujourd'hui entrer dans le détail au-delà
de ce qui a été dit déjà, sauf ceci, c'est que j'ai
bon espoir, je n'en fais pas un engagement, parce que je ne peux être
absolument sûr, mais j'ai bon espoir, et cela prendrait probablement la
forme d'une déclaration ministérielle avec, ensuite, toutes les
explications qui sont nécessairement indiquées sur tel ou tel
programme, mais encore une fois, j'ai bon espoir que, la semaine prochaine,
peut-être tôt la semaine prochaine, on pourra déclencher
publiquement ce programme - de relance serait peut-être trop
prétentieux - de
maintien et de stimulation de l'emploi assez diversifié.
Il y a entre autres un gros morceau qui, comme vous le savez, a
été évoqué depuis le sommet de Québec au
début d'avril et qui serait là vraiment une relance de
l'industrie de la construction domiciliaire on l'espère en tout cas. Il
s'agissait aussi d'une certaine ouverture à quelque chose d'assez
exceptionnel, enfin qu'on peut dire presque sans précédent, qui
serait une sorte de solidarité de divers secteurs concernés.
Parmi ceux qui étaient impliqués, qui s'étaient un
peu mouillés mentionnons pour commencer le président de la FTQ,
M. Laberge, qui avait évoqué l'idée, ensuite, des
institutions financières. On se souviendra aussi de la réaction
positive de M. Blais, du Mouvement Desjardins, des municipalités, bien
sûr, puisque M. O'Brady, qui était là, a lui aussi
d'emblée applaudi à cette idée, pourvu qu'on puisse la
réaliser. Pas mal de rencontres ont été faites, enfin on
peut dire qu'à peu près toutes les rencontres requises ont
été faites. Le ministre de l'Habitation et de la Protection du
consommateur, en a fait état, je pense. À la dernière
période des questions, non, celle d'hier, j'ai dit: Je dois m'en tenir
à cela pour l'instant en attendant que, peut-être et je dirais
même très probablement la semaine prochaine, on pourra dire
où on en est, lancer un certain nombre de choses, quitte à en
ajouter en cours de route avec les moyens du bord. (16 h 45)
M. Ryan: Est-ce que vous avez des négociations avec le
gouvernement fédéral au sujet de la participation
éventuelle de la Société canadienne d'hypothèques
et de logement, entre autres, dans ce programme?
M. Lévesque (Taillon): Sur ce plan spécifique,
ça n'a pas été évoqué, mais il n'y a rien
qui exclut que ça puisse être ajouté. Par ailleurs, il y a
eu pas mal de rencontres avec des résultats qui pour l'instant sont
encore aléatoires. En ce qui concerne cet aspect qui est plus
spécifiquement fédéral, il s'agit de l'emploi des gens qui
reçoivent l'assurance-chômage, qu'on appelle le programme
Axworthy, et on donnera le résultat la semaine prochaine de cela comme
du reste.
M. Ryan: Juste à propos de la Société
canadienne d'hypothèques et de logement, vu que vous parlez du volet
habitation du programme d'intervention économique du gouvernement,
est-ce que vous savez combien d'argent le Québec a perdu, depuis six ans
que vous êtes au pouvoir, au titre des budgets de la
Société canadienne d'hypothèques et de logement faute
d'avoir présenté des programmes qui auraient été
admissibles à ces...
M. Lévesque (Taillon): Je pense que ce n'est pas tout
à fait "fair play", je dois dire, parce que c'est une question qui n'a
rien à voir directement avec les crédits. Cela fait flotter
quelque chose qui va peut-être faire un petit titre ou un sous-titre
quelque part, mais j'avoue que je ne trouve pas cela correct parce que si on
nous avait avertis... Vous nous aviez demandé des choses et on a
envoyé une brique pour les choses qui étaient prévisibles.
Si on s'en tient aux crédits ou même aux sujets
généraux, ça va, mais, franchement, je trouve que ce n'est
pas correct. Je peux vérifier, mais je n'ai pas l'impression que c'est
très substantiel ce qu'il y a derrière la question du chef de
l'Opposition.
M. Ryan: Je vais vous donner un montant, sous réserve de
vérification par vos experts, vos services...
M. Lévesque (Taillon): Cela fera un petit titre demain et
la rectification, comme c'est le chef de l'Opposition, ancien
journaliste...
M. Ryan: Je ne pense pas...
M. Lévesque (Taillon): La rectification, s'il y en a une,
sera à la page 28, quelque part près de la nécrologie.
M. Ryan: M. le premier ministre, moi, je ne suis pas
obligé de chercher les titres, j'ai ceux que je ne souhaiterais pas
avoir.
M. Lévesque (Taillon): D'accord, il y a au moins cela, on
ne peut pas toujours choisir.
M. Ryan: II y a un lien important avec ce que nous avons
discuté plus tôt. Je vous disais tantôt que nous voulions
discuter de la coopération économique du gouvernement du
Québec avec le gouvernement fédéral, et vous avez dit que
nous allions réserver ce volet pour la discussion du programme
d'intervention économique. Évidemment, le volet habitation est un
volet important, et ce que j'ai constaté, en faisant des recherches sur
ces données-là, c'est que le Québec aurait perdu,
d'après mes chiffres à moi, mais j'en ai entendu d'autres,
j'avais entendu le chiffre de 350 000 000 $, mais mes chiffres à moi
seraient plutôt de l'ordre de 150 000 000 $, sous réserve de
rectification ou de correction là-desssus.
Cela s'établit comme suit: Le Québec a 26% de la
population du Canada, nous avons eu en moyenne à peu près 16% des
sommes mises à la disposition des provinces par la société
canadienne. Est-ce que c'est une priorité de votre gouvernement de
rouvrir ce dossier-là afin que nous allions chercher notre pleine part
dans toute la mesure où
c'est possible, dans toute la mesure où ça dépend
de nous autres?
M. Lévesque (Taillon): Est-ce que je pourrais dire une
chose? Je vais être obligé de répondre de façon
générale au chef de l'Opposition parce que, encore une fois,
j'aurais eu beaucoup de plaisir à avoir certaines de ses questions qui
ne sont pas directement reliées aux crédits et qui nous auraient
été préposées de façon qu'on puisse
préparer les réponses, parce ce ne sont pas les crédits du
ministère du Conseil exécutif.
Je dois dire ceci de façon générale au chef de
l'Opposition: Vous savez, si vous dites 16%, c'est curieux comme cela me
rappelle un souvenir global, oui, c'est que par rapport à la proportion
de la population canadienne - je laisse de côté la conjoncture
pétrolière depuis les années 1973-1974 - mais dans
l'ensemble des dépenses qu'on peut appeler statutaires du gouvernement
fédéral, très souvent, on retrouve des chiffres de ce
genre-là: pour 27%, 28%, aujourd'hui 26 1/2% de la population, 16% des
dépenses fédérales, et je dois vous dire que ça
existait avant nous et que ce n'est pas plus la faute des anciens gouvernements
que la nôtre. C'est malheureusement une tendance ancrée dans la
façon de distribuer les budgets, les contrats, les achats, les jobs, le
développement au Canada. C'est que le Québec, comme d'ailleurs
souvent les Maritimes - il y a d'autres compensations pour les Maritimes, elles
sont un peu sur l'assistance sociale fédérale - mais le
Québec a toujours eu ou à peu près toujours moins que sa
part. Ce n'est pas nouveau, si c'est vrai ce que dit le chef de
l'Opposition.
Je prends le cas courant. On vient de parler du programme Axworthy, ce
programme de mise au travail avec un certain supplément des gens qui
touchent déjà l'assurance-chômage, ce qui évidemment
coûte le moins cher possible comme élément de relance au
gouvernement fédéral. Cela, je le comprends. Ce programme
Axworthy, l'Ontario était déjà au courant et sauf erreur
le Nouveau-Brunswick. Ils étaient déjà en train de faire
des pourparlers avant même qu'on l'ait appris. Je ne dis pas même
officiellement, avant même qu'on ait été consulté
pour savoir s'il y avait quelque chose qui pouvait nous intéresser
là-dedans. Alors, certains morceaux de ce programme-là
étaient déjà prêts à se mettre en marche,
pour ce que cela vaut, en Ontario, au moment où le Québec
n'était même pas au courant. Cela est, on peut dire, une sorte de
pratique courante. Pour l'instant, je ne peux pas aller plus loin. Dans le cas
de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, il
faudrait que je vérifie.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, ce dont le chef de
l'Opposition vient de faire la démonstration, c'est qu'il est capable de
faire une règle de trois. Il n'a pas du tout fait la
démonstration que, par négligence, le Québec n'est pas
allé chercher de l'argent qui était disponible. Ses 16% et ses
25% ne correspondent pas aux réalités. Les
réalités, c'est que les programmes de la Société
canadienne d'hypothèques et de logement ont été
établis sans consultation poussée avec le Québec. Ils ont
été inspirés principalement par les besoins de l'Ontario.
Le chef de l'Opposition devrait savoir qu'il y a des différences
importantes dans les habitudes de vie des Ontariens et celles des
Québécois par rapport à l'habitation. En Ontario, il y a
une proportion beaucoup plus forte de propriétaires. Au Québec,
il y a une très forte proportion de locataires.
Je ne sais pas si vous avez déjà examiné - cela a
peut-être évolué un peu -les types de maisons que la SCHL
proposait il y a quelques années. C'étaient des maisons
inspirées d'on ne sait où, sûrement pas du Québec,
peut-être de Californie ou de l'Ontario, qui ne correspondaient pas du
tout au goût des familles québécoises, des maisons sans
cuisine, des maisons où il y avait un petit recoin pour mettre la
cuisinière et pas de cuisine, alors que, de tout temps, les familles
québécoises ont tenu à avoir la cuisine comme
élément important de la maison.
Il y a un certain nombre de raisons factuelles comme celles-là
qui font que ces programmes n'ont pas été établis de
façon à correspondre aux besoins du Québec. S'il y avait
eu négligence de la part du gouvernement du Québec, cela
remonterait à beaucoup plus loin qu'à notre temps; cela
remonterait au temps où des gouvernements du Québec n'ont pas
réussi à convaincre Ottawa de faire en sorte que la
Société canadienne d'hypothèques et de logement travaille
pour le Québec comme pour les autres provinces.
M. Lévesque (Taillon): D'ailleurs, je soulignerai une
chose qui se trouve globalement à incorporer ce que vient de dire le
député de Deux-Montagnes. Je ne sais pas si le chef de
l'Opposition se souvient d'avoir lu - on n'en a pas fait un plat énorme,
mais, entre nous, c'était une énorme révélation -
il y a un certain nombre de mois - je ne me souviens plus exactement quand,
mais c'était frappant - un aveu qui était dans une étude
faite au fédéral sur les façons de procéder dans le
domaine fédéral-provincial avec des programmes, des mises au
point de perspectives nouvelles, tout ce qui continue à se produire,
comme jamais auparavant, en ce moment. L'aveu de ces gens, au
fédéral - ce n'est pas nous qui l'inventons - était qu'en
ce qui concerne le
Québec, ses priorités, une certaine compréhension
réciproque qui est absolument essentielle si on veut s'entendre et que
cela produise des résultats, cela avait toujours été le
cadet de leurs soucis. C'était vraiment une tradition établie que
le Québec n'était pas consulté. Arrange-toi avec tes
troubles, mais on consulte là où on doit, à commencer par
l'Ontario. On sait qu'il y a une ligne directe entre Toronto et Ottawa à
beaucoup de points de vue; le recrutement des hauts fonctionnaires,
l'espèce de mafia, le "family compact" qui s'établit, mais tout
cela a comme résultat - c'est ce qui a été souligné
par cet aveu; je pense que le chef de l'Opposition a dû le noter - que la
consultation avec le Québec, c'était quand il restait du temps et
si on y pensait.
M. Ryan: Là vous faites allusion à une étude
qui avait été faite par un M. Robertson, je pense, M. Gordon
Robertson.
M. Lévesque (Taillon): Je pense que c'est cela, oui.
M. Ryan: C'est une très bonne étude que j'avais
beaucoup appréciée. Mais je voudrais simplement signaler au
député de Deux-Montagnes que j'ai été
moi-même engagé dans la construction d'habitations durant quelques
années à titre de président d'une coopérative
d'habitation. Nous avons construit, au bas mot, 300 maisons. Nous avons
transigé avec la Société canadienne d'hypothèques
et de logement.
M. Lévesque (Taillon): On va vous engager pour notre
programme de relance, Seigneur!
M. Ryan: Cela m'intéresserait beaucoup. Évidemment,
cela marcherait peut-être un peu plus vite.
M. de Bellefeuille: On va vous engager.
M. Ryan: Je vous assure que vos vieux slogans, vos vieux
clichés, cela fait longtemps qu'ils sont dépassés. Le
constructeur arrivait avec son modèle de maison et la maison
était admise au prêt hypothécaire. C'est tout ce que nous
demandions à la Société canadienne d'hypothèques et
de logement et elle le faisait très bien, mais elle répondait au
volume de demande qu'elle recevait. Elle ne pouvait pas la créer
artificiellement. Je vous assure qu'on est sorti de là depuis longtemps.
Elle proposait des modèles, il y a plusieurs années de cela,
c'est vrai, mais elle les proposait, elle ne les imposait pas encore une fois.
Ils ne répondaient pas toujours à nos besoins à nous
autres, mais nous étions entièrement libres d'avoir nos propres
modèles et tous les constructeurs qui avaient de l'initiative l'ont fait
amplement, d'ailleurs. Ne commençons pas un gros argument, entre vous et
moi.
M. de Bellefeuille: On va vous engager.
M. Ryan: Non, j'ai beaucoup d'autres choses à faire
actuellement. Je voudrais demander au premier ministre si toute la
coopération économique avec le gouvernement
fédéral... Je m'excuse si, des fois, je semble vouloir aller dans
les détails; ce n'est pas pour vous embarrasser, je ne veux pas jouer
à ce jeu du tout; j'aimerais avoir votre impression. Est-ce qu'il y a
une certaine évolution devant la gravité de la crise
économique actuelle? Est-ce qu'on sent une volonté de
collaboration plus forte, des perspectives de résultats peut-être
un peu plus concrets dans certains domaines et si tout reste distant et
à base de méfiance ou de...
M. Lévesque (Taillon): Non. Tout reste à base de
méfiance, je pense que chat échaudé craint l'eau froide,
cela c'est normal. Je soulignerais au chef de l'Opposition une sorte de
braquage de l'attitude fédérale dans ce domaine qui a
été signalée publiquement par M. Trudeau lui-même
quand il a dit: Ne me parlez plus de fédéralisme
coopératif, etc., on est chacun pour soi. Je ne sais pas si vous vous
souvenez de cela. Je me souviens qu'un des ministres fédéraux,
par exemple, à qui justement on demandait - je ne me souviens plus
lequel de mes collègues - une certaine coopération dans un
domaine très concret, disait: Non, non, arrangez-vous avec vos troubles,
moi, je m'occupe de mon argent -avec un ton de propriétaire assez...
enfin, c'est l'arrogance du pouvoir, là comme ailleurs - occupez-vous du
vôtre.
Alors, malgré cela, on sait que cela s'est
développé depuis un an à peu près d'une
façon assez particulièrement dramatique, c'est ce qui sous-tend
d'ailleurs l'espèce de jeu de blocs qu'on a fait avec les
ministères économiques, le ministère de
développement et les autres qui sont greffés maintenant avec des
espèces de préfets de discipline et de préfets, si vous
voulez, d'opération qui sont censés aller dans chaque
région, on ne dit même pas des provinces, on dit des
régions. Autrement dit, on a trouvé une phraséologie qui
semble même là sémantiquement éliminer les
provinces. Alors, on désigne ces espèces de préfets, il me
semble qu'il y en a quelques-uns qui commencent à être en poste,
et on prétend unilatéralement faire du développement
à partir de priorités, de choix fédéraux.
Malgré cela, on essaie. Le ministre de l'Énergie et des
Ressources a couru après son homologue fédéral pendant
quelques semaines sinon une couple de mois avant de pouvoir le
rencontrer, c'est un exemple. Je disais tout à l'heure que par
rapport au programme Axworthy, malgré le retard qu'on nous a
imposé parce qu'on l'a appris trop tard, il y a eu des rencontres, je
pense, à la pochetée depuis environ un mois ou deux, une couple
de mois, pour voir ce qu'il y a moyen de tirer de ce programme. Jusqu'ici les
résultats sont pour le moins très modestes et conditionnels
par-dessus le marché. Autrement dit, cela attend certaines
décisions qui ne sont pas prises à Ottawa.
Je pourrais donner d'autres exemples, mais enfin. Je pense que d'une
part, nous sommes très conscients du fait - je pense que cela est vrai
pour toutes les provinces -que la situation a un caractère d'urgence de
plus en plus évident. Il faut faire tout ce qu'on peut, en tout cas. En
face, on a nettement l'impression que pour des raisons difficiles à
sonder, parce qu'on ne peut pas penser que c'est complètement
insensé mais quelquefois cela en a l'air, que cela correspond un peu
à ce M. MacEachen et M. Trudeau répètent depuis quelques
semaines: II ne nous reste plus qu'à attendre que la relance vienne
d'ailleurs.
Enfin, même M. Johnston, le président du Conseil du
trésor fédéral, est allé sur la côte du
Pacifique il y a quelques jours à peine et disait: Pas question de
programme de relance; pas question d'effort particulier de ce
côté-là; on attend que cela reprenne. Alors, que
voulez-vous?
M. Ryan: Je me demande, M. le premier ministre, si quelquefois le
langage des hommes politiques ne retarde pas un petit peu sur la
réalité. J'ai observé dans mon comté et dans
d'autres également que les rapports entre les fonctionnaires, par
exemple les fonctionnaires de la Société de développement
industriel du Québec, les fonctionnaires du ministère de
l'Industrie et du Commerce et ceux des ministères économiques
d'Ottawa, sont souvent beaucoup plus cordiaux et producteurs de bons
résultats que les débats qu'on entend entre politiciens.
J'ai assisté à bien des cas d'implantation d'entreprises
qui ont eu lieu à la suite d'efforts de collaboration très
poussés entre fonctionnnaires des deux niveaux, faits à la
connaissance générale du ministre, mais sans plus. Ces derniers
voulaient pousser l'implantation dans un endroit. Dans ce domaine en
particulier de l'implantation industrielle, il y a une sorte de partage des
tâches qui s'est fait sans que ce soit l'objet d'un protocole ou
d'entente au niveau politique. On se dit: Tel genre de projet, c'est normal
qu'il y ait une participation de ce niveau de gouvernement et tel autre genre
de projet, c'est normal que la participation prépondérante aille
plutôt à l'autre niveau. Je ne sais pas si vous avez noté
ce phénomène et si vous l'encouragez. Il me semble qu'à ce
niveau la chicane n'est pas aussi grande que vous voudriez le laisser entendre
dans vos discours.
M. Lévesque (Taillon): Non, je dirais même que dans
certains cas... Je vais vous donner un exemple: le programme de modernisation -
c'est un énorme programme qui était dix ans en retard du
côté des pâtes et papiers - qui a été
conçu au Québec. C'est peut-être cela qui était son
principal défaut. Cela commençait à être urgent. Il
a été conçu au Québec par l'actuel président
du Conseil du trésor et son équipe. Cela a pris, si j'ai bonne
mémoire, un an et demi avant que l'évidence soit assez flagrante
pour qu'Ottawa, parce qu'il était appelé à participer,
finisse par se mettre à table. On a perdu un an et demi inutilement ou
à peu près. On l'a perdu, donc, c'était inutile. Mais
quand cela a été finalement admis que c'était
évident qu'il y avait là quelque chose non seulement pour le
Québec, mais pour l'Ontario et, mutatis mutandis pour d'autres, qui
était nécessaire, c'est évident qu'une fois qu'il n'y
avait plus de blocage entre les équipes qui ont eu à travailler
là-dessus on n'a pas rattrapé le temps perdu, mais cela a fini
par déboucher sur des résultats qui, en fait, je dirais,
étaient devenus une condition sine qua non du maintien en santé
et du développement de notre industrie des pâtes et papiers.
Depuis ce temps, cela a avancé. Cela n'a pas bloqué. Mais
on dirait que, depuis six mois un an - je l'ai constaté comme tous ceux
qui étaient avec moi au moment de la conférence économique
des premiers ministres - il y a une volonté arrêtée de
coopérer le moins possible. Je ne répéterai pas ce que je
disais tout à l'heure, mais cela rend les choses extrêmement
compliquées et c'est d'autant plus caricatural qu'on est durant une
période où cela devrait être exactement le contraire. Je
n'y peux rien.
Les négociations avec les employés du
secteur public
M. Ryan: Je ne voudrais pas prendre trop de temps
là-dessus. Peut-être qu'on pourrait passer à un autre sujet
très important, soit la politique qu'entend suivre le gouvernement dans
ses négociations collectives avec les employés des secteurs
public et parapublic. Il y a d'abord, évidemment, la politique en
matière salariale. Peut-être qu'on pourrait commencer par le
reste, parce que cela ferait un peu plus nouveau. L'aspect salarial, on en a
déjà parlé pas mal de part et d'autre.
Nous sommes tous conscients du fait qu'une partie très importante
des coûts supérieurs que nous encourons dans les
secteurs public et parapublic est attribuable à toutes sortes de
dispositions qui sont inscrites dans les conventions collectives, des
dispositions normatives ou mécaniques qui, dans la pratique,
entraînent des coûts très élevés. Je prends
deux exemples bien familiers: la notion de poste et les limites qu'elle
comporte dans les établissements de santé et de services sociaux,
la compartimentation excessive et une définition de tâche
extrêmement poussée qui répond souvent mal à la
diversité que la réalité présente tous les jours;
toutes sortes d'avantages de type beaucoup plus corporatif que syndical qui ont
été accordés aux associations syndicales au cours des
années. Est-ce que vous avez un programme des positions que le
gouvernement entend défendre à ce niveau dans la prochaine ronde
de négociations?
M. Lévesque (Taillon): Si on peut y arriver. Je vais
commencer par le commencement. Vous savez - je pense que cela a
été vrai à chaque ronde, comme on dit dans le jargon -
qu'il y a un comité de négociation coiffé par les
ministres cette année. Il est dirigé par le président du
Conseil du trésor, par le ministre des Finances, bien sûr, et par
les collègues sectoriels qui sont les plus impliqués ou qui ont
les gros budgets, le ministre de l'Éducation, le ministre des Affaires
sociales; également pour des raisons évidentes, la ministre de la
Fonction publique, fait partie au niveau ministériel du comité,
comme c'est normal. Il y a, évidemment, tout un groupe d'experts, de
conseillers qui sont avec eux. En ce moment, je pense qu'il ne serait pas
correct d'aucune façon, ni dans l'intérêt public, ni dans
l'intérêt même des négociations, d'entrer dans le
détail. Je suis parfaitement d'accord avec les choses concrètes,
que vient de dire le chef de l'Opposition. Je lui ferai remarquer qu'en 1979,
la dernière ronde qui a précédé celle-ci, il y a eu
un certain rattrapage. Autrement dit, contrairement à ce que certains
laissent flotter, le gouvernement a réussi non seulement à
être en demande, mais à réduire certaines de ces choses,
pas toutes, mais quelques-unes. Finalement, l'écart global de 16% qui
existait entre le secteur privé le mieux payé, le secteur des
grandes entreprises, au moment où, en 1978, on regardait la situation,
on arrivait à une ronde de négociations, a été
réduit à 13,5% ou 14%. Ce sont les chiffres du résultat de
1979. Quand on est arrivé en 1980, il y a eu la cassure en 1981, mais
dans la période de 1980-1981, l'écart avait même
baissé jusqu'à 10% pour une raison très simple, c'est
qu'on était encore en période d'expansion économique
suffisante pour qu'il y ait un rattrapage cette fois du côté du
secteur privé le mieux payé, celui auquel on se
réfère toujours. Depuis, cela s'est dégradé de
nouveau.
Il est évident que la réponse à la question, d'une
façon générale, c'est qu'encore une fois, le gouvernement
va être obligé, je pense que c'est son devoir, d'être en
demande concernant certaines de ces choses qu'on appelle normatives, mais dont
le coût peut vraiment grimper de façon géométrique
si on ne fait pas attention. Je demanderais au chef de l'Opposition de ne pas
me demander d'être plus spécifique en ce moment pour des raisons,
il me semble, qui sautent aux yeux.
À partir du dessin qu'il faisait, la seule chose que je peux lui
dire, c'est que de façon générale on est d'accord. Il va
falloir réduire certaines de ces incohérences qui sont trop
coûteuses et on sera obligé d'être en demande sur certains
points, c'est sûr.
M. Ryan: Je voudrais vous poser une question M. le premier
ministre. Sur la base de votre expérience et des études qui ont
pu être faites pour le compte du gouvernement, on parle des écarts
de salaire, nous y reviendrons tantôt, est-ce que, d'après vous,
cela coûte plus cher et cela prend plus de temps pour produire une lettre
par exemple, ou un rapport, ou une étude, ou un service, dans l'appareil
gouvernemental comme il est actuellement que dans le secteur privé?
Est-ce que vous avez des études en marche sur cela? Est-ce que vous avez
des mesures de redressement? Je vais vous dire le but de ma question pour ne
pas qu'il y ait de malentendu entre nous. La propagande de votre gouvernement,
est en train de convaincre les citoyens du Québec que s'il y a une crise
des finances publiques dans votre gouvernement c'est la faute des salaires
qu'on paie aux fonctionnaires et aux employés des secteurs public et
parapublic. Nous convenons qu'il y a un écart qui doit être
comblé, mais nous refusons d'admettre que ce soit la seule explication.
Nous trouvons que votre gouvernement est assez avare d'explications et de
déclarations d'intention en ce qui touche l'augmentation objective et
structurelle des coûts dans le secteur public qui est le facteur qui
sous-tend tout le reste. C'est sur cela que j'aimerais avoir votre impression
et peut-être des précisions sur les projets qui peuvent être
en marche du côté du gouvernement?
M. Lévesque (Taillon): Ce qu'évoque au
départ, parce qu'il y a deux plans à sa question, le chef de
l'Opposition, c'est une question de productivité en fait,
c'est-à-dire combien cela prend-il de temps? Je prends l'exemple
quotidien qu'il donnait pour produire un mémoire ou entretenir une
correspondance au gouvernement par rapport au secteur privé. Je pense
que la réponse demanderait au moins une distinction très
fondamentale. Le secteur privé est fait de petites, moyennes et
grandes entreprises. J'ai eu l'occasion de vérifier cela dans une
conversation que j'ai eue avec des gens de très grandes entreprises il y
a quelques jours. Ils étaient parfaitement d'accord que le danger existe
partout, à savoir, plus une machine devient énorme, plus
l'efficacité risque de se perdre; aussi bien au privé qu'au
public. Je pense qu'aussitôt qu'on arrive à la dimension de
plusieurs milliers d'employés qui sont répartis ici et là
sur le territoire ou même transnationaux, comme c'est le cas
actuellement, les pertes de productivité sont presque
inévitablement là, ou enfin une certaine inefficacité, la
lourdeur de la machine, que ce soit privé ou public. De la même
façon que vous avez de très grandes entreprises privées
qui sont mal administrées, de très grandes entreprises publiques
sont bien administrées, mieux que le privé. Cela dépend
souvent des hommes et des équipes qui les dirigent. Un exemple
très simple parmi les réseaux téléphoniques - Dieu
sait qu'on a caricaturé des pays européens où c'est
étatisé comme en France et à juste titre - qu'on
connaît dans le monde avancé, il est reconnu que le plus efficace,
je pense que cela n'a pas changé depuis deux ou trois ans, le plus
économiquement efficace au point de vue de la rentabilité
coûts-bénéfices se trouve en Suède, où le
régime est public depuis longtemps. Tout près derrière se
trouve l'Amérique du Nord, en général. Bell Canada, par
exemple, assure également cette efficacité absolument remarquable
dans l'ensemble de ses services. Donc, cela peut arriver des deux
côtés. Il est évident que si on parle de petites et de
moyennes entreprises, d'entreprises de taille plus manoeuvrable, il y a plus de
chances, surtout si les patrons sont proches pour surveiller leurs affaires, de
retrouver cette efficacité, dans le sens d'une productivité
quotidienne, qu'évoquait le chef de l'Opposition. Plus de soin y est mis
sans arrêt, parce qu'il y a un intérêt direct.
Le deuxième aspect de la question - en dehors de ces grandes
considérations générales - du chef de l'Opposition,
c'était plus ou moins ce qu'on entend et ce qu'on prétend faire
le mieux possible, soit d'essayer de réduire cette part
d'inefficacité qui est devenue excessive, cette part de lourdeur qui est
devenue excessive. Sans se faire d'illusions et s'imaginer qu'on va changer le
monde du jour au lendemain, je pense qu'il y a tout un travail qui a
été entrepris. Des gens peuvent dire qu'il est peut-être
trop tard, mais on n'était pas plus conscients que d'autres qu'on s'en
allait vers une crise de cette ampleur, qui est sans précédent au
Québec. Il faut changer nos habitudes, changer nos mentalités
jusqu'à un certain point.
Je vais vous donner un exemple. C'est un fait - et je ne blâme
personne là-dessus -que les effectifs de la fonction publique
augmentaient de 3% à 4% par année depuis un bon nombre
d'années. Quand on est arrivé, en 1976-1977, on s'est
trouvé devant une espèce de contrainte qui est apparue
très vite vers 1977-1978, ce qui fait qu'il y a eu un effort de fait,
qui ne nous a pas amenés à la croissance 0, mais presque.
Maintenant, il va falloir que ce soit la croissance 0.
Un autre exemple, c'est celui que je donnais tout à l'heure,
c'est-à-dire l'effort qui a été fait pour comprimer
l'augmentation, l'escalade amorcée dans les années soixante, qui
était d'abord du rattrapage. Dans le secteur public, les gens
étaient exploités, c'est un fait, d'une façon scandaleuse
dans l'éducation, dans la santé, dans les hôpitaux, dans la
fonction publique elle-même. Il n'y avait même pas de
reconnaissance de certains droits fondamentaux. Depuis les années
soixante, il y a eu des correctifs, ensuite un rattrapage qui était
absolument nécessaire; cela a dépassé le rattrapage et
c'est devenu plutôt un écart qui s'est élargi excessivement
vis-à-vis du secteur privé le mieux payé, soit le secteur
privé des grandes entreprises. On a profité de l'occasion - pas
autant qu'on aurait dû, on le sait maintenant, mais tout le monde peut
avoir l'esprit de l'escalier -de 1979-1980 pour réduire cet écart
et on va le faire encore une fois, cette fois-ci.
Pendant ce temps, on essaie de concevoir, mais cela ne peut pas se faire
autrement que sur un moyen terme, quelle serait la façon d'assainir plus
complètement nos processus administratifs. Je dois vous dire que,
ponctuellement, on le fait déjà. J'ai donné des exemples
de grandes perspectives globales. On ne peut pas dire qu'on l'a en main en ce
moment, c'est peut-être que cela se dégage à partir de
l'action, à condition qu'il y ait une volonté politique de
corriger des choses.
M. Ryan: M. le premier ministre, je voudrais signaler seulement
deux petits éléments sur lesquels j'ai une légère
divergence d'opinions avec vous. Je voyais justement le rapport du
ministère de la Fonction publique pour la dernière année
et j'ai constaté, à ma grande surprise - et je peux avoir
regardé un tableau en l'isolant des autres, c'est sujet à
correction - que les effectifs étaient passés de 50 000, en
1976-1977, à 57 000 ou 58 000, en 1981-1982. Je ne sais pas si des gens
peuvent vérifier ces chiffres. Cela voudrait dire que le gel serait
peut-être survenu dans les budgets de M. Parizeau, mais pas
nécessairement dans les livres de chaque ministère, au chapitre
des dépenses en particulier.
Deuxième point que je voudrais corriger. Je pense que vous avez
laissé
entendre par vos propos que, grâce aux conventions collectives
signées par votre gouvernement, l'écart entre le secteur public
et le secteur privé en matière de rémunération
avait baissé. En fait, ce qui est arrivé, c'est qu'il est parti
d'un certain niveau, il a baissé dans les deux années qui ont
suivi immédiatement la signature des conventions et il a remonté
ensuite. (17 h 15)
M. Lévesque (Taillon): Oui.
M. Ryan: La dernière année, cela a monté,
vous avez perdu du terrain.
M. Lévesque (Taillon): Oui, d'accord.
M. Ryan: On s'entend là-dessus, c'est très bien. Il
y a une question que je voudrais vous poser. On cherche tous les moyens...
M. Lévesque (Taillon): Si le chef de l'Opposition me le
permet, on va vérifier ce qu'il disait. Évidemment je n'ai pas
vérifié les chiffres moi-même. J'ai bien dit qu'on
n'était pas à la croissance 0, mais j'ai dit qu'on essayait d'y
arriver et qu'on n'était pas loin. Maintenant, pour les 57 000 au lieu
de 50 000, on va vérifier, il y a peut-être des explications ou il
y a peut-être une erreur, je ne sais pas. J'ai pris les chiffres qu'on me
donnait, c'est-à-dire pas les chiffres, les conclusions qu'on nous donne
et que le président du Conseil du trésor nous souligne
régulièrement.
M. Ryan: Cela m'a été...
M. Rivest: II y a confusion dans ces chiffres entre les postes et
les emplois.
M. Lévesque (Taillon): C'est là souvent que se
trouve la confusion. On sait qu'il y a toujours une marge entre les emplois
autorisés...
M. Ryan: C'était les effectifs.
M. Rivest: J'ai essayé avec la ministre de la Fonction
publique, effectivement, d'avoir les données et elle m'a répondu
par toute une explication très complexe qui m'a rendu perplexe sur les
chiffres.
M. Lévesque (Taillon): Restons sur notre perplexité
jusqu'à ce qu'on...
M. Ryan: Très bien. Il y a un recours que tous ceux qui
examinent ce problème de la rationalisation des dépenses
publiques évoquent souvent: c'est celui qui pourrait venir de
l'élargissement du rôle du vérificateur des comptes. Cela
fait des années que le Vérificateur général des
comptes recommande au gouvernement du Québec d'élargir son
rôle de manière qu'il porte non seulement sur la
réalité des dépenses encourues, mais aussi sur leur
bien-fondé. Ces recommandations ont été formulées
année après année, je pense, à peu près
depuis que vous êtes au pouvoir et il n'y a rien eu de fait encore dans
ce sens. Le vérificateur a recommandé également qu'on
s'oriente vers des méthodes de budgétisation qui obligent plus
à refaire sans cesse l'examen à partir de zéro, par
exemple. La budgétisation à long terme, c'est un autre recours
qui a été recommandé à maintes reprises. Dans ce
domaine, on dirait que votre gouvernement est resté curieusement
inactif. Même quand le vérificateur lui recommande d'inscrire dans
les dépenses réelles de la dernière année des
subventions que le gouvernement n'a pas été capable de payer,
souvent parce qu'il n'avait pas la liquidité, on inscrit cela quelque
part dans une annexe aux états financiers. Ce sont des choses qu'il faut
payer, mais qui ne sont pas entrées dans l'actif et dans le passif en
bonne et due forme. Est-ce que le gouvernement a l'intention, au cours de la
prochaine année, d'agir plus vigoureusement dans le sens des
volontés exprimées à maintes reprises par le
vérificateur des comptes et renouveler avec une fermeté plus
grande par le vérificateur que nous avons nommé l'an dernier, M.
Châtelain, volontés exprimées dans une causerie qu'il
faisait récemment à Toronto ou à Ottawa et dont je pense
qu'on est en train de vous passer le texte?
M. Lévesque (Taillon): Je suis très conscient du
caractère non seulement incomplet, mais injustifiablement incomplet,
dans le contexte d'aujourd'hui, des mandats du Vérificateur
général. Je dois dire, à ma courte honte - il me l'a
rappelé d'ailleurs dans une conférence qu'il a faite
récemment et qu'il a eu l'amabilité de me faire parvenir - que
dès le discours inaugural de 1977, si j'ai bonne mémoire, j'avais
dit qu'on s'en occuperait. D'ailleurs, on avait comme projet de... Ce n'est pas
un cadeau de refaire cela. Pour toutes sortes de raisons, cela ne s'est pas
fait, je l'avoue, mais on l'avait comme projet parce que c'est relié
directement à la Loi sur l'administration financière de faire ce
genre d'élargissement. Le Vérificateur général nous
le rappelle sans ménagement. Il rappelle en même temps tout de
même que certaines améliorations ont été faites, qui
étaient aussi importantes. Par exemple, dans le domaine de la
vérification interne des mandats qui n'existaient pas et qui ont
été élargis, non seulement élargis, mais
créés à toutes fins utiles. Il est évident qu'il a
raison de dire qu'on avait évoqué cela et qu'on n'a pas
livré la marchandise depuis trois à quatre ans.
La Loi sur l'administration financière va, le plus vite possible
- une bonne partie
du travail a été fait - être rénovée,
si vous voulez, et cela comportera des élargissements. Jusqu'où?
Je ne le sais pas encore. Actuellement, le rapport est déjà entre
les mains, sauf erreur, du président du Conseil du trésor. Il y a
un rapport là-dessus chez le président du Conseil du
trésor. Il doit y avoir un ajustement, une sorte d'arrimage avec le
ministère des Finances et aussitôt que cela pourra
déboucher - mieux vaut tard que jamais - on devrait y arriver.
M. Ryan: Évidemment, le problème est encore plus
large que cela, mais ce sont des aspects importants. Aujourd'hui, les
gouvernements, dans le but de rationaliser de plus en plus les dépenses
publiques, mettent en oeuvre des programmes élaborés en ce qui
touche l'évaluation des cadres, les systèmes de stimulation de
productivité à l'intérieur des ministères et des
services, les techniques d'évaluation pour les évaluer, la
gestion par objectifs, etc. Est-ce que le gouvernement met beaucoup l'accent
là-dessus?
M. Lévesque (Taillon): Oui. Évidemment, il y a des
habitudes acquises et je vous jure que c'est enraciné. Ça me
rappelle toujours une phrase qu'on a prêté à ce pauvre
Kennedy dans une de ses biographies et qui disait, paraît-il: Dans de
très grosses machines comme celle de l'État, quand tu
réussis à en faire bouger 15%, c'est déjà une
révolution. Alors, évidemment, les habitudes acquises, les
ancrages dans les habitudes sont durs à briser. Je ne sais pas si le
chef de l'Opposition veut la réponse pour autant que je peux la
donner.
M. Ryan: Je m'excuse, une seconde. J'essayais de vous faire
gagner du temps, mais on va le perdre. Vous êtes bon jusqu'à 18
heures?
M. Lévesque (Taillon): Oui, je suis à vos
ordres.
Une voix: Pour une fois!
M. Lévesque (Taillon): C'est l'endroit. Je voudrais dire
ceci: On est en marche dans cette direction. Il faut dire qu'à partir de
ce que j'évoquais comme habitude, c'est en forgeant qu'un devient
forgeron, mais je donne un exemple concret. Dans une année normale, dans
l'enveloppe qui est prévue pour les augmentations du côté
des cadres supérieurs, en particulier des dirigeants principaux des
ministères, c'est intégré, maintenant c'est un bloc. L'an
dernier, si j'ai bonne mémoire, la moyenne étant de 10 1/2% ou
11%, ça pouvait aller de 0 selon le rendement jusqu'à plus que
10%, 11% s'il y avait vraiment quelque chose d'exceptionnel. Ça pouvait
aller jusqu'à 13%, je pense, de 0 à 13%. Cela veut dire que
là il y avait - mais ça va contre des habitudes, contre certaines
moeurs établies - pour ceux qui font les notations et qui nous
suggèrent leur décision ou la répartition à faire,
l'obligation pour la première fois de faire une sorte
d'évaluation des cadres qui étaient sous leur direction. Je pense
que c'est un pas dans la bonne direction, il y en a aura d'autres. Enfin, je
donne celui-là de mémoire parce que je sais qu'on a longuement
discuté avant de le mettre en vigueur.
M. Ryan: Oui, c'est très bien. Cet exemple que vous
donnez, évidemment, est très familier. Il était en vigueur
à peu près depuis une dizaine d'années dans d'autres
gouvernements; ce n'est pas mauvais qu'on le suive. Cela nous ramène au
sujet de cette partie-ci de notre discussion des conventions collectives, des
négociations qui s'en viennent. Jusqu'à maintenant, on a eu
l'impression que le gouvernement - ça s'applique peut-être
à des gouvernements antérieurs également, je ne fais pas
de partisanerie avec cela - a surtout réagi aux demandes syndicales dans
la négociation des conventions collectives et s'est lié, par
conséquent, dans une mesure considérable à la
problématique qui était définie par l'organisation
syndicale.
M. Lévesque (Taillon): Pas complètement, mais
souvent.
M. Ryan: La question que je me pose: Cette fois-ci, y aura-t-il
un effort plus déterminé de la part du gouvernement pour mettre
sur la table de négociation une problématique, en ce qui touche
la conception même de l'organisation du travail à
l'intérieur du gouvernement, qui soit susceptible de conclure à
des aménagements contractuels plus économiques?
M. Lévesque (Taillon): Si vous me le permettez. En fait,
le chef de l'Opposition, pour reprendre le jargon des négociations,
revient à ce qu'il a déjà évoqué d'ailleurs,
la question du normatif, c'est-à-dire de tout ce qui entoure et
très souvent alourdit beaucoup plus qu'on ne l'imagine quand on ne
connaît pas les faits la rémunération, puis aussi
l'efficacité à beaucoup de points de vue, comme ces
compartimentations excessives, etc. Je l'ai dit tout à l'heure et je le
répète: C'est évident que c'est une des
préoccupations qu'on a cette fois-ci plus que jamais auparavant pour des
raisons évidentes. Mon chef de cabinet, M. Boivin, qui fait partie du
groupe qui conseille le comité de négociation, me rappelle que
d'ici un mois on espère que sera dégagé un mandat pour
l'éventuelle négociation touchant ces points, entre autres
choses.
On a d'abord été obligé de regarder le
problème salarial, parce qu'il y avait une
question d'équilibre financier, une question budgétaire.
Il fallait se décider vite, parce que l'année budgétaire
avance. On voulait encore offrir une négociation sur cette
récupération qui a été évoquée. Le
reste, ce sera dans le cours de la négociation. Il reste maintenant
à décider, en ce qui concerne cette rationalisation sur laquelle
nous sommes tous d'accord, à quelle vitesse cela doit se faire, dans
quelle perspective.
Vous savez, on nous a reproché - je me souviens que le Conseil
supérieur de l'éducation, entre autres, avait eu des paroles
assez raides là-dessus - d'avoir fait une certaine compression
budgétaire dans les universités, d'une façon raide,
justement, qui aurait pu être plus facile à avaler sur une
perspective de trois ans. En conscience, on croyait qu'il fallait commencer et
commencer vite. Mais si on peut maintenant se donner une perspective,
j'aimerais mieux que ce qui doit être fait comme rationalisation puisse
être étalé de façon à ne pas briser d'un coup
trop d'habitudes acquises, mais, en même temps, en conscience, pouvoir
donner un peu plus pour son argent au contribuable qui paie, qui fait les frais
de tout cela. On verra comment le mandat va se dégager et, d'ici
probablement à un mois, j'espère, en tout cas, pas plus tard, on
l'aura en main et le Conseil des ministres aura à se prononcer
là-dessus.
M. Ryan: Au point de vue de la dimension financière des
prochaines négociations collectives, on a eu l'occasion de discuter,
à l'Assemblée nationale, de la manière qui a
été retenue par votre gouvernement. Nous allons y revenir
à propos du projet de loi qui a été déposé.
Je ne voudrais pas prendre le temps de la discussion pour cela ici.
M. Lévesque (Taillon): D'accord, on en aura l'occasion
amplement. Il doit être présenté d'ailleurs dès la
semaine prochaine.
M. Ryan: Mais il y a des dispositions à caractère
pécuniaire, dans les conventions, sur lesquelles j'aimerais avoir votre
opinion, si vous pouvez la donner à ce moment-ci, ou vos intentions.
Beaucoup de clauses ont été insérées dans les
conventions collectives, surtout sous l'influence de votre gouvernement, des
clauses qui étaient bonnes pour gagner des votes dans les milieux
syndicaux, qui vous donnaient une réputation de
sociaux-démocrates à bon marché, souvent au
détriment des contribuables.
Je vous donne des exemples. Le concept...
M. Lévesque (Taillon): Pour les contribuables, ce n'est
pas bon marché.
M. Ryan: Pour le gouvernement, cela paraissait bien pour les
bénéficiaires. Je parlais surtout de ceux-là. La clause de
sécurité d'emploi, qui remonte à des négociations
antérieures à votre gouvernement, a été
libéralisée davantage à l'occasion de la dernière
négociation. Vous avez ajouté la fameuse clause des 50
kilomètres, je pense. C'est un exemple.
En matière de frais d'arbitrage, j'ai constaté, en
examinant les conventions d'aujourd'hui dans tout le public et le parapublic,
les frais de l'assesseur principal des tribunaux d'arbitrage, que les frais
administratifs sont pris en charge complètement par la partie patronale,
ce qui est une véritable incitation à multiplier les recours
à l'arbitrage, souvent pour des motifs qui peuvent être
artificiels. La meilleure preuve qu'on puisse trouver est facile à
invoquer, c'est qu'un très grand nombre de griefs sont inscrits en
arbitrage et la majorité ne se rend jamais à destination. C'est
plutôt fait pour impressionner, pour créer souvent un climat
d'intimidation à tel ou tel autre moment.
En matière de congés familiaux, le gouvernement
s'était vanté d'innover d'une façon qui, encore une fois,
pouvait être bonne au point de vue électoral, mais qui, à
la longue, venait s'ajouter à tous les autres avantages qu'on trouve
dans ces contrats. Ils comportent des coûts considérables. En
matière de vacances, c'est la même chose également. Cela va
bien quand on jette un mois de vacances sur la table après un an ou deux
de services, mais, au bout du compte, les coûts de tout cela sont
énormes, peut-être après deux ou trois ans.
Je ne sais pas si le gouvernement entend continuer dans cette voie ou
s'il entend appliquer à ces postes, dans les prochaines
négociations collectives, la même rigueur qu'il a définie
en matière de politique salariale proprement dite.
M. Lévesque (Taillon): Je ferai remarquer...
M. Ryan: J'ajoute un point, si vous me permettez, qui va venir se
greffer à ceci. On nous dit que... Non, je vais vous laisser
répondre à ceci et je vais apporter l'autre ensuite, je n'aime
pas mêler les cartes.
M. Lévesque (Taillon): D'accord. Je n'ai pas eu le temps
de prendre de notes, mais enfin je retrouve rapidement le mémoire et
très rapidement aussi la réponse. En ce qui concerne la
sécurité d'emploi, comme l'a souligné le chef de
l'Opposition, cela a été concédé en 1976 par nos
prédécesseurs. On ne voyait pas la possibilité, ni dans le
climat, ni dans la façon dont cela se présentait, de changer cela
en 1979-1980. (17 h 30)
Je dois dire la même chose pour ce qui
est de - ce qui est, à mon humble avis, caricatural, le chef de
l'Opposition a parfaitement raison - cette habitude acquise avant nous qu'on
n'a pas changée encore pour le gouvernement de payer 100% de ce que
coûtent tous les arbitrages qui peuvent se multiplier artificiellement.
Je connais des cas de griefs où il y en a un qui est le pilote et
ensuite, il peut y en avoir jusqu'à 3000, 4000 ou 5000, c'est aussi fou
que cela, qui répètent la même chose. Parce que quand ce
sont les fonds publics, il n'y a pas de gêne; cela ne tient pas debout
comme système.
Il y a également cette habitude, aussi, on remplissait
l'hôtel Hilton et cela débordait sur l'hâtel des
Gouverneurs, de payer durant un mois, deux mois, trois mois, tout ce que
coûtait la libération, dépenses d'hôtel comprises,
les batteries très nombreuses, et on comprend que ce soit très
nombreux quand c'est comme cela, quand c'est payé au complet par le
gouvernement ces centaines de milliers de dollars pour payer cet appareil de
négociation.
Vous avez peut-être remarqué que, cette année, on a
déjà communiqué à nos interlocuteurs que, quant
à nous, c'était fini. On allait payer chacun sa part ou partager
équitablement et non pas tout au frais des contribuables. Vous avez
peut-être remarqué qu'à l'offre de négociation qu'on
a faite au mois d'avril, le groupe, enfin, la partie syndicale a répondu
à partir des décisions des centrales qui jusqu'à nouvel
ordre sont celles-là, qu'il y avait trois préalables pour se
mettre à table. Les deux premiers étant des choses qui voulaient
dire que l'on ne négocie rien et, la troisième, croyez-le ou non,
étant: vous allez continuer à payer pour tout ce qui implique
cette libération syndicale et les frais afférents. Bien, à
cela, il y a un bout.
Tout cela pour dire que oui on va essayer. Je ne veux pas
spécifier telle ou telle chose, dans un mois on va dégager un
mandat. Il est évident qu'il y a du rattrapage que le gouvernement doit
faire dans l'intérêt des contribuables là aussi.
Le Président (M. Jolivet): Avant d'aborder un nouveau
sujet, M. le chef de l'Opposition, il y avait eu une...
M. Lévesque (Taillon): Écoutez, je m'excuse, mais
je pense que c'est assez important. On continuera la vérification, mais
c'est exactement ce que disait le député de Jean-Talon, c'est
relié, toute cette histoire de croissance des effectifs apparente,
à des postes autorisés et à des postes occupés.
Alors, vous aviez des postes autorisés en avril 1976 qui
étaient de 58 621; il y en a en 1981, 59 161. Il y en avait 51 000... Je
vais vous donner les chiffres d'année en année des postes
occupés. Donc, à partir des postes autorisés, il y en
avait 51 667 en 1976; 53 151 en 1977; 54 700 ou près de 55 000 en 1978.
Là commence la compression qu'on effectue depuis trois ans pour essayer
d'atteindre la croissance zéro et on y est à peu près: 56
505 en 1979; 56 123 en 1980; 56 116 en 1981 et on essaie pour 59 000 postes
autorisés de réduire... Alors, ce n'est pas parfait encore, mais
au moins, il y a, depuis trois ans, un effort systématique et on va le
poursuivre, cela est sûr.
M. Ryan: Les trois premières années, vous avez
continué d'augmenter et là, depuis trois ans, vous essayez de
maintenir.
M. Lévesque (Taillon): Que voulez-vous, on était
pris dans l'erre d'aller mais...
Le Président (M. Jolivet): Avant de passer à un
autre sujet, M. le chef de l'Opposition, il y avait eu une entente de retarder
une question du député d'Arthabaska avant votre arrivée,
donc, je ne sais pas si...
M. Lévesque (Taillon): Oui, je pense que si on veut
être équitable, parce que j'avais demandé moi-même au
député d'attendre...
M. Ryan: J'ai seulement un autre sujet à aborder pourvu
que je dispose d'un quart d'heure, vingt minutes.
M. Rivest: M. le premier ministre, le chef de l'Opposition avait
indiqué qu'il avait un autre sujet, mais quant au reste des
crédits, comme c'est M. Boivin et M. Bernard sans doute qui ont
préparé cela, avec la conscience professionnelle qu'on leur
connaît, on est prêt à leur faire...
M. Lévesque (Taillon): Non, mais avec la
coopération plus qu'éclairée du chef de cabinet adjoint,
M. Tremblay.
M. Rivest: Ah, bon, parfait. Mais c'est toujours le chef de
cabinet et le secrétaire qui en ont tous les mérites,
hélasl J'ai connu cela moi-même et on est prêt à leur
faire confiance sur les autres modalités.
M. Lévesque (Taillon): Non seulement je suis d'accord,
mais je pense que c'est un hommage plus que justifié que vient de rendre
à ces messieurs le député de Jean-Talon. Cela ne lui
arrive pas souvent d'avoir cette...
M. Rivest: Ah, je ne suis pas d'accord.
M. Lévesque (Taillon): ... généreuse
objectivité.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Arthabaska.
Le bureau du lieutenant-gouverneur
M. Baril (Arthabaska): Je disais au début que M. le
premier ministre a annoncé, à l'ouverture de cette commission,
que son budget avait été réduit d'une façon
significative. Je me suis intéressé au programme 1, qui alloue
les budgets du lieutenant-gouverneur, et je vois que c'est un sujet qui
intéresse aussi le chef de l'Opposition, alors je suis content que le
premier ministre nous ait conseillé d'attendre la venue du chef de
l'Opposition. Je vois que le budget du programme 1 a quand même
augmenté de 57 000 $; si on enlève les salaires pour lesquels,
bien entendu, on doit respecter les conventions collectives, il reste quand
même une augmentation de 34 800 $ environ. J'ai fait un peu de recherche
et je vous dirai, en passant, qu'on éprouve une très grande
difficulté à connaître les dépenses que chaque
gouvernement alloue au lieutenant-gouverneur dans toutes les provinces, mais
mes recherches m'ont permis de constater qu'en Ontario, pour l'année
1980-1981, on y dépensait quelque 145 000 $.
M. Lévesque (Taillon): Ce sont les prévisions pour
1981-1982, je pense.
M. Baril (Arthabaska): Or, nous, au Québec, dans la
même année, prévoyions aux alentours de 450 000 $, toujours
en prévision. Je ne peux pas comprendre, je m'explique un peu
difficilement, quand on voit que le gouvernement essaie de compresser partout
dans les ministères, ce qui justifie cette augmentation des traitements
qui sont alloués au lieutenant-gouverneur. Est-ce qu'il y a des frais
supplémentaires? Est-ce qu'il a des responsabilités
supplémentaires? C'est sur tout cela que j'aimerais que le premier
ministre nous donne de l'information.
M. Rivest: On lui a écrit, au lieutenant-gouverneur, il
faut qu'il réponde.
M. Baril (Arthabaska): Oui, mais pour le lieutenant-gouverneur la
poste est supposée être gratuite.
M. Lévesque (Taillon): Justement, je vais répondre
au député parce que je trouve que c'est effarant, mais ce n'est
pas à cause de certains événements récents qui ont
fait la manchette. C'est peut-être ce qui nous empêche, pour
l'instant, de rectifier cela parce que ce doit être rectifié.
À mon humble avis, c'est caricatural. Sauf erreur, c'est 118 000 $ en
effet. Il demeure chez lui et il recevait 118 000 $ en 1979-1980,
d'après les dernières prévisions que j'ai vues, tandis que
c'est 145 000 $ que cela coûte, en Ontario, tous frais compris. Et, sauf
erreur, c'est moins dans la plupart des autres provinces. Pas besoin de vous
dire que la comparaison avec l'Ontario, elle me fatigue.
Je dois dire que 464 000 $ l'an dernier par rapport à 521 300 $,
c'est essentiellement l'indexation d'un personnel assez nombreux qui est
là et qui a sa sécurité d'emploi jusqu'à nouvel
ordre. Il n'y a rien de plus. Mais il faut ajouter ceci, par exemple.
Au-delà des 521 300 $, tenez-vous bien, le poste de
lieutenant-gouverneur coûte au Québec 135 000 $ dans le budget
courant des Travaux publics pour l'entretien des édifices et des
dépendances et 50 000 $ de plus à la Justice pour des frais de
sécurité. Alors, si vous mettez cela ensemble, c'est 700 000 $
ici et 145 000 $ en Ontario sauf erreur. J'ai vérifié, parce que
cela m'intéressait de vérifier. Depuis quelques années,
chaque fois que j'allais dans d'autres provinces, cela m'intéressait de
voir comment c'était organisé et je dois avouer que c'est
invraisemblable. Évidemment, là, on a un lieutenant-gouverneur
qui achève son mandat bientôt, mais je pense qu'au moment de la
transition il va falloir absolument faire quelque chose et vite, à part
cela, parce que ce n'est pas justifiable. C'est tout ce que je peux dire.
M. Baril (Arthabaska): Je comprends que le poste... En passant,
je n'en veux pas au lieutenant-gouverneur en tant que tel, M.
Côté, il remplit son rôle.
M. Lévesque (Taillon): Non, ce n'est pas lui qui a
inventé ce système.
M. Baril (Arthabaska): Voilà, c'est cela. C'est le statut
ou tout ce qui entoure tout son poste... Si on regarde également au
programme 1 il y a eu une augmentation significative au niveau des
communications. En 1982 il y a une dépense de 4756,23 $. Les
prévisions budgétaires étaient de 4500 $. Cette
année on prévoit 19 800 $ au niveau des communications. Pourquoi
cette augmentation d'environ 15 000 $ uniquement au niveau des
communications?
M. Lévesque (Taillon): On m'apprend que c'est
essentiellement des frais qui doivent être remboursés - il y a
très peu de choses qui sont dans ce cas - par le gouvernement
fédéral. Partant de là, il n'y a pas de raison de s'y
opposer. Pour tout le reste, comme vous le verrez probablement, M. le
député, il s'agit de l'indexation salariale qui était
inévitable cette année. Cela, c'est vraiment un article qui - je
n'ai pas le détail - est remboursable par le fédéral, donc
sur lequel on n'a pas de raison de...
M. Baril (Arthabaska): Je comprends. Sur quoi se base-t-on
puisqu'on a le montant des dépenses de l'an passé? 4756 $, c'est
ce que cela a coûté l'an passé. Peut-être que c'est
cela qui a été remboursé par le gouvernement
fédéral. Je ne le sais pas. Pour ce qui est de cette
année, de quelle façon a-t-on calculé pour prévoir
qu'il pouvait dépenser 19 800 $ au niveau des communications?
M. Lévesque (Taillon): Si vous me permettez M. le
député, je vais demander à M. Tremblay de vous expliquer
ce que je n'ai pas eu le temps de fouiller.
D'après des informations qui nous ont été fournies
lors de la préparation du budget, au niveau des dépenses de
communications, il y a certains frais qui sont remboursables par le
gouvernement fédéral. Pour ces frais le lieutenant-gouverneur
préférait, parce qu'il n'existe pas d'avance comptable au
fédéral -c'est une procédure qui existe au Québec,
c'est-à-dire ce qu'on connaît comme la petite caisse - qu'on
indexe sa catégorie "communications", qu'on l'augmente d'une somme de 15
000 $ qu'il mettrait dans une petite caisse qu'il pourrait utiliser pour des
dépenses et par la suite ces frais seront remboursés par le
gouvernement fédéral. Ce n'est pas véritablement une
augmentation. C'est à la demande du lieutenant-gouverneur, ce sont des
raisons comptables. Ce sont les explications qui m'ont été
données.
M. Baril (Arthabaska): Remarquez bien que je respecte les
explications que vous avez données. Mais où et de quelle
façon a-t-il à communiquer pour 15 000 $, même si c'est
remboursé par le gouvernement fédéral? Tant qu'on est dans
le système, je pense que ce que le gouvernement fédéral
rembourse il y a une partie de nos taxes et de nos impôts qui sont dans
cela également. Ce sont toujours les mêmes qui payent en fin de
compte.
M. Lévesque (Taillon): Je pense qu'il serait important de
rappeler, comme le premier ministre l'a souligné tout à l'heure,
que le fameux budget de 521 300 $ inscrit au programme 1 du Conseil
exécutif, c'est le budget statutaire du lieutenant-gouverneur au cours
des années antérieures, avec les pourcentages d'augmentation
normaux "across the board" pour la rémunération, les autres
facteurs et également les petites compressions. Cela n'empêche pas
qu'à la base ces éléments sont...
Ce que demandait le député c'est: Qu'est-ce que le
lieutenant-gouverneur peut avoir tant à communiquer de plus cette
année? Je ne le sais pas moi non plus.
M. Baril (Arthabaska): Justement. Vous savez j'ai posé la
question au ministre des
Travaux publics lors de l'étude...
M. Lévesque (Taillon): Cela c'est du transport, ce ne sont
pas des communications.
M. Baril (Arthabaska): J'ai posé la question au ministre
des Travaux publics lors de l'étude de ses crédits en cette
même salle. Le ministre des Travaux publics me disait que le budget qui
était alloué au lieutenant-gouverneur, il n'avait pas de grandes
décisions à prendre sur cela. Il était un peu
l'exécutant du Conseil exécutif. L'été dernier
j'avais tout de même fait certaines vérifications au niveau du
ministère des Travaux publics sur certaines coupures ou restrictions
qu'on voulait imposer au ministère. À ma grande surprise on
voulait couper à peu près n'importe quoi, mais à chaque
fois qu'on touchait à un bouquet, à quelque chose qui
était déjà alloué au lieutenant-gouverneur,
c'était intouchable.
M. Lévesque (Taillon): D'accord.
M. Baril (Arthabaska): Je trouve cela un peu difficile.
M. Lévesque (Taillon): II va falloir que cela devienne
touchable.
M. Baril (Arthabaska): Voyez-vous, M. le premier ministre, je
faisais un calcul rapide tout à l'heure. Supposons en chiffres ronds que
500 000 $ sont alloués au lieutenant-gouverneur, payés par le
gouvernement du Québec. Si ces mêmes 500 000 $ étaient
alloués en remboursement de taux d'intérêt à des
petites entreprises qui sont chez nous, qui, actuellement, vivent une situation
difficile, à cause des taux d'intérêt usuraires, et
crèvent littéralement de faim, on pourrait aider une centaine
d'entreprises à bénéficier d'un fonds de roulement avec un
rabattement d'intérêt qui créerait une quantité
d'emplois appréciable pour la région, chez nous, qui vit des
problèmes assez aigus.
Quand on va dans les détails également, on voit qu'il y a
l'entretien de deux véhicules automobiles. Est-ce que les ministres
bénéficient de deux véhicules, eux? Et pourquoi?
M. Rivest: Plusieurs.
M. Baril (Arthabaska): Pourquoi le lieutenant-gouverneur
lui-même a-t-il droit à deux véhicules qui coûtent en
entretien 13 000 $? Vous allez me dire: Ce sont des bagatelles, mais c'est avec
les sous qu'on fait des piastres.
M. Lévesque (Taillon): J'avoue que je ne comprends pas
comment cela nous est
arrivé. Je n'ai pas fait de recherches historiques et on avait
pas mal d'autres problèmes à traiter depuis 4 ou 5 ans. On n'a
pas fait attention autant qu'on aurait dû peut-être, mais cela
n'apparaissait pas l'urgence nationale no 1. C'est en cours de route que je
m'en suis rendu compte. J'étais, par exemple, en Colombie britannique
où, dans un grand édifice public, remarquable, où on a eu
des rencontres, il y a un bureau qui est réservé avec une
antichambre, avec les dépendances minimales, au lieutenant-gouverneur
qui demeure dans son propre appartement. Ce sont ses troubles et il se
débrouille avec ses problèmes. En Ontario, on a donné le
chiffre tout à l'heure. J'avais constaté aussi qu'en
Saskatchewan, par exemple, le lieutenant-gouverneur doit se loger
lui-même, comme c'est normal, et se débrouiller avec ses
problèmes. Il y a un minimum de services, mais un strict minimum. Ce
n'est pourtant pas une province considérée comme pauvre, la
Saskatchewan. Il y a d'autres cas comme cela.
Évidemment, peu à peu tu prends conscience et je trouve
que c'est excessif d'une façon extraordinaire. Il a un chef de cabinet,
un secrétaire particulier, un secrétaire additionnel, deux agents
de bureau. Pour la résidence, un maître d'hôtel, deux
cuisiniers, un marmiton, deux serveurs, trois femmes de chambre, un jardinier
qui s'occupe d'entretien général en même temps, deux
chauffeurs dont un occasionnel pour la seconde voiture, plus les Travaux
publics, plus la Justice. Il y a un bout à tout, comme disait l'autre.
Je pense que, sur une transition qui doit venir bientôt, il va falloir
trouver le moyen de sabrer là-dedans, parce que c'est caricatural.
M. Rivest: M. le Président...
M. Baril (Arthabaska): Juste en terminant, M. le premier
ministre, le ou les gouvernements, puisque ce n'est pas seulement le
gouvernement du Québec qui est concerné, avons-nous les pouvoirs
de limiter les dépenses?
M. Lévesque (Taillon): Oui, on les a toujours eus. La
preuve, c'est que les autres provinces l'ont fait. Cela a commencé avec
Spencer Wood et tout le reste.
M. Rivest: M. le Président, c'est...
M. Lévesque (Taillon): II y a eu un enchaînement
historique, ce qui prouve que le Québec reçoit bien les
visiteurs. Mais, passé un certain point, c'est au-delà de nos
moyens.
M. Baril (Arthabaska): Voyez-vous, M. le premier ministre, on est
souvent porté à se comparer avec l'Ontario. En Ontario, en
novembre 1981, il y a un député du NPD qui a quand même
déposé une motion en Chambre demandant au gouvernement de
l'Ontario d'abolir le poste du lieutenant-gouverneur. J'ai été
quand même assez surpris, quand on sait...
Une voix: C'est une bonne idée.
M. Baril (Arthabaska): Je suis bien d'accord avec vous, c'est une
bonne idée. Mais on sait quand même que le gouvernement de
l'Ontario n'est pas un gouvernement qui préconise la souveraineté
de l'Ontario, mais le système fédéral.
M. Lévesque (Taillon): Vous avez tout de même
remarqué que le NPD n'est pas au pouvoir en Ontario, il peut s'en
permettre un peu plus. Je me serais attendu à ce qu'une motion comme
cela vienne de l'Opposition libérale, mais enfin!
M. Ryan: Juste une remarque sur cette question.
Le Président (M. Jolivet): M. le chef de l'Opposition.
M. Ryan: Ce serait difficile de proposer une chose comme
celle-là, parce que, dans votre fameuse formule d'amendement que vous
avez signée le 16 avril, vous acceptiez que tout changement à la
fonction de lieutenant-gouverneur soit soumis au consentement unanime...
M. Rivest: On est bloqué.
M. Ryan: ... de toutes les Législatures des provinces et
du Parlement du Canada.
Vous nous avez enchaînés pour des générations
à venir.
M. Rivest: On est solidaire. M. Ryan: Tous ensemble.
M. Lévesque (Taillon): J'ai comme l'impression qu'on
pourrait dire non à une clause comme celle-là et que cela ne
changerait strictement rien dans le régime actuel, puisque c'est
exactement ce que trouvait très drôle le chef de l'Opposition,
soit qu'on n'était pas particulièrement entiché de
l'idée d'éliminer la monarchie en tant que telle. Entre nous, au
moins, on ne l'a pas dans les jambes; pour l'essentiel, elle est ailleurs. Il
reste que, tant qu'on sera dans ce régime et tant qu'on aura le poids du
Canada anglais et certaines traditions, il n'y a rien à faire de ce
côté. Mais il y a des choses très claires à faire -
et je félicite le député d'Arthabaska de l'avoir
souligné et d'avoir travaillé son dossier - non pas sur le poste,
mais, bon Dieu, sur cette
espèce de "somptuarisme" qui l'accompagne seulement au
Québec.
M. Rivest: En terminant, je voudrais signaler que c'est la
première fois, je pense, - vous avez créé un
précédent historique -qu'un ministre qui vient défendre
ses crédits est celui-là même qui veuille les diminuer.
Tout ce budget du lieutenant-gouverneur a suivi le processus budgétaire,
vous l'avez endossé; alors, c'est ce petit échange tout à
fait sympathique avec le député d'Arthabaska et le premier
ministre qui inviterait le premier ministre à prendre ses
décisions de façon que la commission parlementaire puisse
apprécier les décisions du premier ministre, et non pas la
condescendance pour les préoccupations du député
d'Arthabaska. Tout cela, c'est bien joli, mais vous êtes le ministre
responsable et vous avez vous-même inscrit cela dans vos
crédits.
M. Lévesque (Taillon): Je suis d'accord. Je pense que vous
en serez conscient, le chef de l'Opposition cherchait s'il n'y avait pas une
pelure de banane de ce côté, après les incidents qu'il y a
eu autour et aux alentours de la visite de Sa Majesté, la vraie
Majesté, qui est allée à Ottawa et à laquelle le
lieutenant-gouverneur du Québec a eu l'intention d'assister au complet,
"au coton", comme on dirait. Finalement, cela s'est réduit à
quelque chose de plus discret. Mais à cause de certaines tensions que
cela avait créé, je me souviens que le chef de l'Opposition
voyait là peut-être une occasion potentielle de nous traiter de
mesquins, etc. Alors, cela aussi, c'est vrai. J'ai dit: Laissons-le aller tel
qu'il est pour cette année, il a un mandat qui achève. Ce ne
serait pas élégant, je pense, cela coûte trop cher, et
probablement qu'on se ferait traiter de tous les noms si on avait le malheur de
toucher à cela cette année. Dieu sait que sur la transition entre
deux mandats, par exemple, il y a quelque chose qui va se faire et nous sommes
en train de le préparer déjà.
M. Baril (Arthabaska): Juste une dernière remarque
brève. Généralement, l'Opposition est toujours
défavorable aux coupures que le gouvernement impose. Mais si j'ai bien
compris, cette fois-ci, si le gouvernement imposait une coupure au
lieutenant-gouverneur, l'Opposition serait unanimement d'accord.
M. Rivest: On l'appréciera à son mérite.
Une voix: En commençant par...
M. Rivest: Mais quand on arrive avec des crédits, le
ministre responsable doit défendre ses crédits, qu'il s'appelle
le premier ministre... Que le premier ministre indique clairement au
lieutenant-gouverneur qu'il a l'intention de lui couper ses crédits, on
va apprécier sa décision, mais là, nous sommes devant un
livre de crédits que le député d'Arthabaska conteste.
M. Baril (Arthabaska): Oui, et mon rôle, comme
député, même ministériel...
M. Rivest: Vous, votre rôle est parfait; c'est le premier
ministre qui a renversé son rôle.
M. Baril (Arthabaska): Je pense que j'ai autant le droit de
contester les crédits d'un ministère.
M. Rivest: Avez-vous voté contre le budget? Votez contre
le budget.
M. Baril (Arthabaska): Ce n'est pas l'ensemble des
crédits, remarquez, c'est un programme, que je conteste.
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À
l'ordre!
M. Lévesque (Taillon): II y a une chose que je remarque
pour la première fois, parce que cela a été
escamoté en général, et j'avoue que j'escamotais moi
aussi...
M. Rivest: Tant mieux.
M. Lévesque (Taillon): Pendant que certaines perceptions
se développaient dans l'esprit de votre serviteur, pour la
première fois, en tout cas, je vois qu'il y a un consensus,
semble-t-il.
M. Rivest: Ah! Ne présumez de rien.
M. Lévesque (Taillon): Non, non, sur le principe d'une
réduction de ce budget.
M. Lalonde: Commençons par le marmiton.
Une voix: II va encore s'abstenir. M. Ryan: M. le premier
ministre...
Le Président (M. Jolivet): M. le chef de l'Opposition.
M. Ryan: II y a un sujet que je voudrais brièvement porter
à l'attention du premier ministre, mais avant cela, je voudrais dire que
nous nous réservons de vérifier...
M. Rivest: C'est cela.
M. Ryan: ... l'exactitude des chiffres qui ont été
invoqués par le député d'Arthabaska pour les autres
provinces. Nous
allons faire les vérifications qui s'imposent et nous examinerons
avec un esprit ouvert...
M. Lévesque (Taillon): Si vous le faites, je ne me
forcerai pas pour faire compléter les études qu'on a. On va
attendre vos résultats.
Les présidents d'élection
M. Ryan: Très bien. En tout cas, si vous avez des
renseignements à nous communiquer, vous les communiquerez, mais nous
allons le faire de notre côté, au moins avec l'Ontario.
Avant de terminer, il y a un sujet que je voudrais porter à
l'attention du premier ministre. Nous pourrons l'aborder d'une manière
plus élaborée demain, mais je voudrais au moins le porter
à l'attention du premier ministre pour avoir, si possible, une
déclaration d'intention de sa part. À la suite des changements
apportés à la Loi électorale, la nomination des
présidents d'élection se fait suivant un mode différent.
Le président d'élection est nommé à la suite d'un
concours; à l'issue du concours, trois noms sont retenus; les trois noms
sont transmis au Conseil des ministres, qui fait la nomination d'un titulaire
par comté. Les vérifications que nous avons faites dans un bon
nombre de comtés indiquent que des nominations ont été
faites de manière partisane. Des personnes qui avaient une longue
expérience et qui étaient parfaitement qualifiées pour un
travail qu'elles accomplissaient déjà ont été
remplacées par des personnes dont les états de service en faveur
du Parti québécois étaient manifestes et de
notoriété publique, et cela a créé un profond
malaise dans un bon nombre de comtés. Je vous donne un exemple d'un
comté où le nouveau président est membre actif du Parti
québécois, trésorier de l'association de ce comté
en 1975; dans un autre comté, membre actif du Parti
québécois, organisateur péquiste, candidat de cette
inspiration à l'échevinage dans Montréal-Est,
celui-là est bien connu. Dans un autre comté: membre actif du PQ,
ancien président de l'association de comté, agent officiel du
candidat péquiste en avril 1981; là, il y a toute une
énumération que nous pourrons fournir demain. Dans mon propre
comté, nous avions un président d'élection de grande
expérience, dont l'impartialité était reconnue par tout le
monde. Il a été remplacé à la suite de l'un de ces
concours que j'avais appelé presque bidon, parce que finalement le
dénouement ressemble un peu au choix de certains architectes à
Ottawa, par un titulaire - quel lapsus - par un professeur dont le mari fait
partie de l'exécutif du comté dont l'activité au service
du parti est bien connue.
Maintenant, M. le premier ministre, ne seriez-vous pas disposé
à réexaminer cette disposition de la loi de manière que
nous puissions compter sur un mode de nomination des présidents
d'élection qui élimine tout soupçon de partisanerie dans
la décision ultime et tout danger de doute au sujet des étapes
antérieures? Je ne sais pas si vous avez eu des échos
là-dessus, je le porte à votre attention avec tout le respect
nécessaire, il me semble que c'est un mode de nomination qui n'est pas
satisfaisant.
M. Lévesque (Taillon): En tout cas, vous admettrez
peut-être une chose, c'est qu'il y a une sorte de garantie de
compétence, de disponibilité aussi qui n'existait pas dans le
système complètement arbitraire dont on avait
hérité. Je pense que, de bonne foi, on doit l'admettre; ce qu'on
a comme étape, qu'on poursuit actuellement, parce que
éventuellement ce sont des permanents qui seront en quelque sorte des
fonctionnaires, c'est ce que visent non seulement le gouvernement mais aussi le
Directeur général des élections.
Pour l'instant, l'étape qu'on franchit, c'est qu'il y a au moins
un examen des candidats dont trois sont retenus - candidats ou candidates - par
le directeur général des élections comme étant des
gens qui lui paraissent, et les résultats semblent confirmer que son
jugement a été bon, compétents et disponibles. C'est
très important, parce qu'on a eu la tradition des présidents
d'élection ou des directeurs d'élection dans un comté qui
étaient in absentia à peu près tout le temps.
C'était le secrétaire et, des fois, l'épouse ou je ne sais
pas qui qui faisait le job à sa place; cela ne doit plus exister. Alors,
cela est acquis. On reçoit par ordre alphabétique trois noms; il
est évident qu'il y a des péquistes parmi ceux qu'on a retenus;
il n'y avait que des libéraux ou des gens de l'Union Nationale qui tous
avaient un passé politique à peu près sans exception en
1976-1977; que ce soit équilibré quelque peu, parce que je pense
qu'une expérience d'action politique n'est pas mauvaise dans ce
domaine-là, pourvu qu'il y ait l'impartialité dont parlait le
chef de l'Opposition, qu'il y ait maintenant un mélange de gens parmi
lesquels se trouvent un bon nombre de gens qui ont milité dans le Parti
québécois, ça ne me paraît pas anormal; ce
n'était pas la chasse gardée des vieux partis pour jusqu'à
la fin du monde.
Cela dit, encore une fois, on a demandé au directeur
général des élections d'évaluer de son mieux
surtout la compétence, la disponibilité, mais aussi les
capacités d'impartialité des gens. Il y a pas mal de gens qui ont
surnagé, je sais bien qu'on peut prendre, sur 122 comtés, une
liste et dire: Ce sont les gens qui ont fait de l'action politique
péquiste. Moi, je me souviens d'avoir eu des réactions
plutôt
saumâtres de la part des gens - parce que c'est tellement
politisé depuis toujours - de notre parti qui disaient: Pourquoi vous
avez maintenu celui-ci? Pourquoi vous avez maintenu celui-là? Les gens
des vieux partis qui ont milité contre nous autres, etc., mais ils
faisaient partie des trois qui avaient été retenus, puis,
d'après certaines recommandations, nous paraissaient les plus
compétents et on les a laissé passer, il n'est pas question de
commencer à faire des exclusivités. Mais encore une fois, je le
répète, tant qu'on est dans le système qui, je pense, va
être une transition, il y a une Amélioration avec un grand A - par
rapport à ce qui existait avant; deuxièmement, qu'il y ait des
ex-péquistes ou des militants péquistes qui font partie de ce
groupe de 122 comme il reste des anciens libéraux et des anciens de
l'Union Nationale, je ne vois pas en quoi on doit grimper dans les rideaux. (18
heures)
M. Ryan: D'abord, je trouve que vous passez un jugement assez
sommaire sur des personnes qui ont très bien servi le Québec et
dont à peu près toutes étaient des personnes
compétentes dans l'exercice de leur charge. Mais, je voudrais vous
demander ceci, M. le premier ministre. Est-ce que vous ne trouvez pas que ce
serait préférable que la nomination soit faite dans des
conditions d'impartialité maximale? Si le Directeur
général des élections est capable de vérifier les
qualifications des candidats, ne serait-il pas capable de les nommer aussi ou
de présenter lui-même la recommandation au gouvernement pour que
le gouvernement les nomme? En vous gardant ce privilège de choisir parmi
trois, vous nous mettez dans une position, surtout avec les renseignements que
nous avons accumulés et que nous vous communiquerons en détail
d'ailleurs, de doute et de méfiance qui n'est pas bonne pour le
processus démocratique.
M. Lévesque (Taillon): En tout cas, je dirai simplement
que la méfiance a au moins des chances de diminuer par rapport au
système qu'il y avait avant.
M. Ryan: Non, elle a augmenté à bien des
endroits.
M. Lévesque (Taillon): Peut-être que le chef de
l'Opposition parle de son comté ou de quelques autres comtés. Je
comprends, mais je ferai remarquer une chose jusqu'ici, personne n'a mis en
doute sa capacité d'exercer ce pouvoir, il y a même eu un ou deux
cas déjà où, pour des raisons qui pouvaient être
cela ou autre chose, il s'est servi de ce pouvoir - c'est que l'article 214
donne au Directeur général des élections, qu'on n'accusera
pas d'être un partisan, je pense, le pouvoir de destituer qui que ce soit
aussitôt qu'il voit, en particulier, des accrocs à
l'impartialité qui doit accompagner ce poste.
Si je peux sauter - c'est sur le même sujet - du coq à
l'âne, le chef de l'Opposition, enfin l'Opposition nous a demandé
la liste de l'ensemble des noms retenus dans les 122 comtés,
c'est-à-dire des trois noms. Je le demande simplement parce que,
jusqu'à un certain point, c'est un peu le commentaire que le Directeur
général des élections nous avait lui-même transmis,
mais je ne veux pas l'impliquer là-dedans. On m'a demandé tout
simplement, si c'était possible, de ne pas se servir de cette liste
systématiquement pour picocher, parce que évidemment il dit: J'ai
fait mon travail de mon mieux, ce n'est jamais plaisant pour des gens qui n'ont
pas été retenus de se voir nommer en public. S'il y a des cas qui
paraissent aberrants à l'Opposition, elle n'a qu'à s'en servir,
mais on nous demande, si c'est possible, de traiter, là où cela
ne paraît pas nécessaire de faire des plats publics, de
façon confidentielle cette liste, comme on le fait pour d'autres
concours. Enfin, c'est laissé au bon jugement de l'Opposition.
Le Président (M. Jolivet): Compte tenu de l'heure, vu que
le député de Jean-Talon en a fait mention tout à l'heure,
je demanderais l'adoption des programmes 1 et 3 - il n'y a pas de
problème - et je suspends les travaux jusqu'à 20 heures.
M. Lévesque (Taillon): Cela va, merci. M. Rivest:
On vous remercie.
(Suspension de la séance à 18 h 03)