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Version finale

32e législature, 3e session
(9 novembre 1981 au 10 mars 1983)

Le jeudi 3 juin 1982 - Vol. 26 N° 126

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Conseil exécutif, volet Bureau du lieutenant-gouverneur et organismes-conseils auprès du premier ministre et du Conseil exécutif


Journal des débats

 

(Quinze heures quatre minutes)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! La commission de la présidence du conseil et de la constitution est réunie afin d'étudier les crédits budgétaires du Conseil exécutif, programmes 1 et 3.

Les membres de cette commission sont: MM. Bédard (Chicoutimi) remplacé par M. Gravel (Limoilou), Gendron (Abitibi-Ouest), Landry (Laval-des-Rapides) remplacé par M. Baril (Arthabaska), Lazure (Bertrand) remplacé par M. Gagnon (Champlain), Levesque (Bonaventure), Lévesque (Taillon), Mme Marois (La Peltrie) remplacée par M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), MM. Marx (D'Arcy McGee), Morin (Sauvé), Ryan (Argenteuil), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce) remplacé par M. Ri vest (Jean-Talon).

Nous avons besoin d'une personne pour servir de rapporteur.

M. Gravel: M. le Président, je voudrais proposer le député d'Arthabaska.

Le Président (M. Jolivet): M. Baril, Arthabaska.

Nous commençons donc avec le premier ministre. Le programme no 1.

Exposé général M. René Lévesque

M. Lévesque (Taillon): Je n'avais pas l'intention de faire un long discours, ce serait oiseux, mais en l'absence du chef de l'Opposition qui va venir nous joindre d'ici quelques minutes, je vais faire une seule remarque générale qui est celle-ci: On a à étudier les crédits du ministère du Conseil exécutif pour 1982-1983. En regard de 1981-1982, on remarquera qu'il y a tout de même une baisse assez substantielle. Je pense que c'est conforme à ce qu'on pourrait appeler, hélas, le goût du jour et, pour le reste, je vous présenterai tout à l'heure plus en détail ceux qui sont là pour nous donner un coup de main. Je pense que vous les reconnaissez pour la plupart, ce sont les mêmes. Au besoin, à certains d'entre eux je pourrai passer la parole si cela demande plus de détails.

Vous aviez posé, du côté de l'Opposition, un bon nombre de questions dont j'ai la compilation ici, c'est-à-dire des demandes d'information. Vous avez tout cela; vous avez déjà vu, ce matin, Mme la ministre d'État à la Condition féminine et le ministre d'État à l'Aménagement. Quant aux autres de mes collègues du Conseil exécutif, ils vont venir vous joindre aussitôt après moi. Alors, partant de là, si vous voulez, on peut plonger tout de suite. Je suis à vos ordres messieurs des deux côtés.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jean-Talon.

Projet de loi sur l'Assemblée nationale

M. Rivest: Le chef de l'Opposition, comme le premier ministre l'a indiqué, sera ici dans à peu près une quinzaine de minutes où il aura deux ou trois sujets d'ordre général à aborder avec le premier ministre.

Pour ma part, j'en aurais un. Il a trait à la réforme de l'Assemblée nationale et du régime parlementaire à la suite du mandat que vous aviez confié, M. le premier ministre, au député de Trois-Rivières. Évidemment, dans les prochains jours, si ce n'est pas fait, ce sera fait bientôt, on m'a dit que la loi de l'Assemblée nationale - je ne sais pas comment on l'appelle - sera déposée. Cependant, je voudrais vous demander si vous pouvez nous donner quelques indications sur l'ampleur de la réforme. Je voudrais surtout peut-être en connaître trois aspects, je sais que c'est assez long. Est-ce que l'Assemblée nationale est présente dans votre perspective sur le contrôle et l'exercice du pouvoir réglementaire? L'ancien ministre à la réforme électorale, M. Burns, s'était attaché particulièrement à cette question. Le rapport Vaugeois en fait très largement état. D'ailleurs, M. Vaugeois et moi participons à de très nombreux colloques universitaires et tous les universitaires sont très sensibles, ainsi que les membres du barreau, au contrôle de la législation déléguée.

Deuxièmement, le droit d'initiative. On vit une expérience au niveau des "select committees" qui est très intéressante. J'en vis une pour ma part avec le député de Sainte-Marie, et ma collègue de L'Acadie vit avec le député de Verchères une expérience qui est intéressante sur le droit d'initiative parlementaire. Troisièmement, ce qui m'apparaît peut-être plus d'actualité immédiate, à tout le moins, c'est

l'amélioration des processus de contrôle budgétaire par l'Assemblée nationale, tel qu'évoqué par le député de Trois-Rivière dans une toute récente intervention d'ailleurs à l'Assemblée nationale. C'est-à-dire que l'Assemblée nationale serait plus ou moins associée dans toute la mesure du possible au respect de la responsabilité gouvernementale qui existera à tous égards là-dessus, mais associée au processus d'élaboration budgétaire et surtout associée à une espèce de continuité sur l'évolution du budget en cours d'année, ce qui risquerait d'éviter ce qu'historiquement l'on a vécu depuis le début, par exemple dans le sens aussi des réformes sur ce plan du contrôle budgétaire, de ce qui a été évoqué par le ministre fédéral des Finances. Lui aussi, il a connu ces avatars dans le processus budgétaire, ainsi que le député de Trois-Rivières l'a dit dans son intervention à l'Assemblée nationale.

Je vous pose la question, M. le premier ministre, sans vous faire de cachette, parce que j'ai cru comprendre, connaissant bien le député de Trois-Rivières, que ce discours s'adressait à vous.

Le Président (M. Jolivet): M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): II s'adressait au gouvernement, je pense bien. Je laisse au député de Jean-Talon le soin d'évaluer l'efficacité aussi bien que la réalisation concrète des intentions évoquées par M. MacEachen, j'avoue que cela ne m'a pas impressionné jusqu'ici. Mais, pour revenir à notre sujet, en ce qui concerne la réforme de la nouvelle loi, pour commencer, de l'Assemblée nationale qui était annoncée dans le discours inaugural, j'ai bon espoir... On devait l'étudier hier pour compléter ce qui peut l'être. On a été obligé de reporter cela à la semaine prochaine, mais j'ai bon espoir, enfin, j'ai la certitude qu'on pourra déposer le projet de loi avant la fin de la session, avant l'ajournement. Il va peut-être manquer de petits bouts mais les petits bouts manquants auront un effet rétroactif quand ils pourront être ajoutés. Pour prendre les questions spécifiques en ce qui concerne... D'abord, il est évident que cela touche indirectement le budget, mais, enfin, il est évident que le bureau de l'Assemblée nationale fera partie de la loi comme cela avait été prévu et il y a toute une série de modifications qui, à notre humble avis, sont des améliorations, mais on verra cela avec le projet de loi.

Maintenant, quant aux trois questions spécifiques du député de Jean-Talon, je pense qu'on peut se mettre d'accord assez rapidement sur le fait qu'il faut absolument entrer dans la réforme du côté de ce qu'on pourrait appeler l'autonomie d'action, le droit d'initiative élargie des députés et des parlementaires. Je demanderais, quant à moi, qu'on n'exige pas, ni d'un côté ni de l'autre, qu'on change le monde au complet, qu'on chambarde tout du jour au lendemain, parce qu'il y a un caractère expérimental â certaines choses.

Pour ce qui est du pouvoir réglementaire, de la législation déléguée, je pense qu'il est prévu déjà qu'il y aurait une commission là-dessus de façon qu'on puisse accompagner ce processus et, entre nous, ce serait tant mieux pour tout le monde, y compris le gouvernement, parce que cela permettrait d'avoir une meilleure mastication de tout cela.

Pour ce qui est des "select committees", c'est-à-dire de ce droit d'initiative, comme vous le dites vous-même, il y en a un qui est en marche comme une bonne expérience, celle qui touche en particulier la Loi sur la Fonction publique. On en prévoit éventuellement quatre. Est-ce que cela pourra être fait tout d'un bout? Cela dépendra de la façon dont cela va évoluer, mais je ne vois pas de raison pour que ce ne soit pas assez rapidement, mais à condition qu'on ne surcharge pas au point où tout à coup on s'aperçoive qu'on n'a plus assez de députés, ni d'un côté ni de l'autre, pour faire le travail convenablement. Il ne faut pas non plus que cela devienne une espèce - comment dirais-je - d'écrasement de comité qui empêche de faire le reste du travail. Si on a fait l'expérience de la première commission d'initiative parlementaire, si vous voulez, le "select committee" en question, il est évident qu'on veut aller dans cette direction, mais est-ce qu'on va aller tout de suite à quatre ou si on va plutôt faire l'expérience de deux ou trois; on verra. C'est un peu ad hoc quelquefois, cela dépend des problèmes qui se présentent.

Pour ce qui est du processus de contrôle budgétaire, je dois souligner quand même une chose dont le député de Jean-Talon est aussi conscient que nous, j'espère, c'est que c'est quand même - là, je dis cela simplement pour mémoire - un précédent par rapport à tout ce qui se faisait dans le passé, qu'on ait maintenant, disponible à tous les trimestres, le résultat de l'évolution, si vous le voulez, des prévisions budgétaires à mesure que les faits viennent les confirmer, ou parfois les infirmer, surtout par les temps qui courent. Je suppose qu'en parlant de meilleur contrôle de ce côté-là, le député évoque surtout une commission des finances plus solidement structurée. Évidemment, en commission des engagements financiers, commission des comptes publics possiblement, tout cela a été proposé. Je pense qu'aussitôt que le projet de loi sera déposé, parce que cela vient après, on pourra se mettre d'accord là-dessus assez facilement, au moins

pour les premières grosses étapes, parce qu'il n'y a pas de raison, autrement dit, de ne pas aller vers ce genre de réforme-là, il s'agit de trouver le rythme qu'on peut digérer.

M. Rivest: Je comprends, à la réponse du premier ministre, que les thèmes qu'il évoque... Évidemment, le premier ministre ne peut pas être plus précis, il faudra attendre le dépôt du projet de loi.

M. Lévesque (Taillon): D'autant plus qu'il faut qu'il passe au Conseil des ministres, la semaine prochaine.

M. Rivest: II n'est pas encore...

M. Lévesque (Taillon): II a été regardé, il a été pré-commenté ou pré-discuté, mais la décision finale pour passer du comité de législation à l'Assemblée nationale, c'est la semaine prochaine.

M. Rivest: Comme dernière question, si vous le permettez M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Oui.

M. Rivest: Est-ce qu'effectivement ce projet de loi de l'Assemblée nationale, on arrive avec une nouvelle loi de la Législature, le leader du gouvernement est à vos côtés, est-ce qu'il présentera vraiment une réforme ou une approche relativement globale du fonctionnement et de la conception qu'on se fait de l'Assemblée nationale ou si on se contentera d'évoquer, de prendre certaines mesures d'ordre ponctuel? Je vous pose la question parce que vous avez confié un mandat au député de Trois-Rivières et le député de Trois-Rivières a une série de propositions de valeur sans doute inégale, comme dans n'importe quel rapport, mais il présente une vision extrêmement... Est-ce que, d'abord, la vision du député de Trois-Rivières, qui est exprimée dans le livre rouge, est globalement acceptée par le gouvernement, et est-ce que la loi en tient compte, épouse cette vision?

Deuxièmement, est-ce qu'il y a suffisamment de mesures d'ordre ponctuel pour sentir que le gouvernement effectivement s'engage dans la voie proposée par le député de Trois-Rivières?

M. Lévesque (Taillon): Moi, je dirais que oui, grosso modo, parce que, comme vous le dites vous-même, il y a des choses non seulement qui sont inégales, parce qu'il y a un grand mérite dans le travail qui a été fait, mais aussi des choses qui peuvent plus rapidement que d'autres être mises en marche, si vous le voulez, comme des mesures ponctuelles, mais qui s'en vont dans la bonne direction.

Maintenant, pour répondre à votre question d'une façon un peu plus détaillée, le ministre des Communications et leader parlementaire, qui accompagne le dossier, de plus près que moi, de jour en jour, pourra peut-être ajouter...

M. Bertrand: Simplement pour donner quelques éléments d'information qui pourraient être utiles pour l'ensemble des parlementaires parce que, dans le fond, cette loi, c'est bien plus une loi des parlementaires dans leur ensemble que de l'Exécutif, même si elle est parrainée par un membre du Conseil exécutif. Je voulais faire savoir que M. Vaugeois lui-même avait, au tout début de son mandat, indiqué qu'il aimerait toucher à certaines des structures fondamentales de notre parlementarisme comme, par exemple, les concepts de solidarité ministérielle, de responsabilité ministérielle.

Évidemment, au fur et à mesure que l'analyse progressait, il s'est bien vite rendu compte qu'il y avait là des piliers qui tiennent au système parlementaire britannique lui-même, auxquels on ne peut pas toucher sans remettre en question de fond en comble notre régime politique. Il a décidé d'adopter une approche qui, tout en étant extrêmement progressiste, demeure aussi pragmatique.

Les propositions qui nous ont été faites, qui sont contenues d'ailleurs dans son mémoire, visent à améliorer notre système de parlementarisme pour encourager la participation maximale des députés et pour faire participer les députés au maximum au contrôle de l'Exécutif et aussi à ce qu'on appelle maintenant l'initiative parlementaire, ces commissions d'initiative parlementaire auxquelles M. Vaugeois a fait allusion.

Dans ce contexte, l'approche que j'ai retenue jusqu'à maintenant dans l'analyse du dossier, celle qui sera soumise à l'attention du Conseil des ministres - je ne pense pas faire de grandes révélations en disant cela -c'est celle qui fait consensus, c'est-à-dire celle qui dans l'ensemble, au sein même du caucus ministériel et du Conseil des ministres, nous permet d'aller de l'avant sans crainte de se tromper. Il y aurait, en ce moment, à peu près une dizaine d'éléments sur lesquels on pourrait dire qu'on peut aller de l'avant dès l'automne prochain.

Par contre, il faut savoir une chose, on retrouvera certains éléments dans la loi de l'Assemblée nationale, parce que c'est là qu'on doit les inscrire, mais il y en a d'autres - c'est peut-être cela aussi qui est très intéressant - qu'on retrouvera dans le règlement de l'Assemblée nationale.

Par exemple, au niveau des commissions, il y a toute une nomenclature qui est faite des commissions parlementaires permanentes, qui existent déjà, et on pourrait en ajouter un certain nombre. On a proposé, par exemple, une commission de la

législation déléguée. On aura une décision à prendre là-dessus. On propose quatre commissions d'initiative parlementaire, l'une de type institutionnel, l'autre de type social, l'autre économique et l'autre culturel. On aura une décision à prendre là-dessus. Cela peut s'ajouter au règlement de l'Assemblée nationale.

Mon objectif est le suivant. Je le soumettrai comme cela ou étape par étape. D'ailleurs, une des étapes qui étaient soumises et qui était fort intéressante, c'était peut-être même de demander à une des commissions d'initiative parlementaire, celle qui est de type institutionnel, de préparer un éventuel projet de loi-cadre de la législation déléguée. Seulement préparer cela, c'est en soi tout un travail. Quand on aura fait le bilan des deux premières expériences des "select committees", comme on les a appelés, le comité Bisaillon sur la fonction publique et l'autre de M. Charbonneau sur la protection de la jeunesse, on verra comment on peut ensuite aller de l'avant avec d'autres types de commissions d'initiative parlementaire. Ce que je voudrais dire au député de Jean-Talon en concluant, c'est que la loi sur l'Assemblée nationale aura essentiellement trois grands volet.

Le premier est un volet de modernisation de la Loi sur la Législature, c'est-à-dire d'adaptation. Cela fait 5D ans environ qu'on traîne une Loi sur la Législature qui a été amendée pour certains de ses aspects qui étaient relativement mineurs. On n'a pas vraiment repris toute la loi dans son ensemble et tenté de la moderniser. C'est le premier aspect, c'est le premier volet sur lequel on a travaillé.

Le deuxième, c'est d'introduire les éléments relatifs à la réforme parlementaire qui peuvent être contenus dans le projet de loi. Il y en a d'autres qui seront annoncés en même temps et qui iront dans le règlement de l'Assemblée nationale.

Le troisième aspect, le troisième volet de la loi, c'est évidemment le volet salaire et retraite qu'il faudrait bien évidemment introduire dans cette loi sur l'Assemblée nationale puisque c'est un des piliers même de la loi sur l'Assemblée nationale. La proposition que je soumettrai au Conseil des ministres, c'est qu'on puisse déposer un projet de loi à l'Assemblée nationale avant la fin de la présente session, qu'on puisse faire siéger la commission de l'Assemblée nationale avant l'étude en deuxième lecture du projet de loi, puisqu'il n'est pas impossible qu'on ait à ajouter ce qu'on peut appeler des gros papillons en cours de route, par exemple, sur la question des retraites ou autres éléments, même de la réforme parlementaire, et que, à l'automne prochain -que la Chambre ait été prorogée ou ajournée, peu importe - nous revenions pour la deuxième lecture du projet de loi.

Ce serait en gros le cheminement que nous suivrions. Là-dessus les discussions que j'ai eues avec le leader parlementaire de l'Opposition m'indiquent effectivement que ce serait une façon tout à fait correcte de fonctionner.

M. Lévesque (Taillon): Soit dit en passant, je pense que c'est bon de le souligner pour les journalistes, parce qu'il y a eu un ou deux articles que j'ai trouvés un tout petit peu curieux; on pourrait se donner la peine quelquefois de se renseigner. Pour ce qui est du régime de retraite parlementaire, il est très évident qu'on a encore des vérifications à faire. On est toujours un petit peu en conflit d'intérêts dans ces trucs-là si on se fie seulement à soi-même. Alors, il y a des gens qui ont accepté - des gens dont on verra à quel point ils peuvent être compétents quand on donnera le résultat de leur travail - de nous donner un coup de main, mais il est entendu que cela ne traînera pas. Et même si cela traînait un petit peu, il est évident aussi que, la réforme de ce régime de retraite, qui va être dans le sens d'une réduction substantielle, s'appliquera le 1er juillet, de la même façon que cela va s'appliquer aussi en fonction d'un projet de loi qui est déjà devant la Chambre pour ce qui est du RREGOP et des régimes de retraite du secteur public.

M. Rivest: Une remarque générale, c'est qu'au niveau de la législation déléguée, j'ai cru comprendre des remarques du premier ministre et du leader que c'est complexe, mais cela fait longtemps qu'on en parle. Il y a des déclarations de l'ancien gouvernement et des déclarations au tout début du mandat de l'actuel gouvernement dans ce sens. J'ai cru comprendre, d'après la réponse du leader, qu'effectivement on va en reparler encore pas mal de temps avant que quelque chose de concret soit fait là-dessus. Je ne sais pas si j'ai mal interprété ses propos.

M. Bertrand: Oui, je pense que cela a été mal interprété. C'est une des propositions, pour retenir ce qu'il y avait dans le document Vaugeois, sur laquelle le consensus était, au sein du Conseil des ministres et du caucus des députés, suffisamment large pour qu'on puisse indiquer à ce moment qu'effectivement une des commissions créées, serait la commission de la législation déléguée. Bien sûr, il s'agit de regarder quelles en sont les implications et, dans ce contexte, avant de commencer à travailler, une commission de la législation déléguée, comment dirais-je, devrait recevoir des avis sur les implications que cela va comporter pour l'ensemble du fonctionnement de notre système.

Auparavant, on sait comment le système fonctionnait. Il y avait des légistes du ministère de la Justice qui étaient impliqués là-dedans et tout. Alors, il faut mettre un peu tout le monde au parfum de ce type de réforme parlementaire parce que cela a des implications sur les habitudes du Conseil exécutif jusqu'à maintenant.

M. Rivest: En insistant pour que cela avance parce que toutes les études existent. Ce que cela prend, dans le fond, là-dedans, et tout le monde le dit, je sens qu'elle est là, d'après ce qu'on me dit, c'est une volonté politique de le faire.

M. Lévesque (Taillon): Je ferai remarquer au député de Jean-Talon que quand on a nommé M. Vaugeois, le député de Trois-Rivières, adjoint parlementaire au leader, c'était très précisément - on en avait parlé ensemble, on s'était consulté au Conseil des ministres - dans le sens justement de déboucher sur cette question de la réforme parlementaire qui traînait dans le paysage depuis très longtemps. Il y a une volonté politique, sinon ce serait ridicule d'avoir fait cela.

M. Rivest: D'accord. Une dernière précision si vous permettez. Dans ce que vous avez appelé la partie modernisation de la loi, toute la question des conflits d'intérêts, conflits d'intérêts financiers ou autres, qui existe au niveau des directives, qui a été précisée autant pour les membres... Il y a la Loi sur la Législature; il y a la Loi sur l'Exécutif également. La Loi sur la Législature là-dessus était drôlement déficiente. On ne savait pas exactement ce que cela voulait dire et là-dessus, j'imagine que...

M. Bertrand: II y aura deux chapitres dans la loi. L'un sur les incompatibilités et l'autre sur les conflits d'intérêts. Maintenant, là-dessus, il reste encore du travail à faire. On travaille au niveau du comité de législation en ce moment à parfaire les articles du projet de loi, mais je suis convaincu que même en commission...

M. Lévesque (Taillon): ...

M. Bertrand: ... de l'Assemblée nationale, les parlementaires des deux côtés de la Chambre auront intérêt à préciser un certain nombre de choses là-dessus. Ce n'est pas facile de dire à partir de quel moment on assume une responsabilité dans la vie qui est incompatible avec notre responsabilité de député. Ce n'est pas facile de tracer la limite d'où cela finit ou d'où cela commence. Je dois vous dire qu'effectivement cela devient une question très politique à un moment donné et que l'avis des parlementaires, autant de l'Opposition que du côté ministériel, sera tout à fait bienvenu en commission s'il y avait des amendements à apporter.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): Ce n'est pas une question d'ordre général, c'est une question au programme 1. Je ne sais pas si on continue à parler d'ordre général ou si...

M. Rivest: Les programmes, je vous avoue qu'on n'en fera pas un plat.

M. Lévesque (Taillon): Mais enfin, si...

M. Rivest: On les apportera. La question suivante que je voulais aborder, je pense qu'elle concerne un programme, je ne sais pas lequel, je n'ai pas regardé les numéros. C'est ma promesse de...

M. Lévesque (Taillon): Si vous me permettez.

M. Rivest: Oui.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, après celle-là on pourrait demander au député d'Arthabaska...

M. Rivest: Ah, d'accord, si le député veut y aller.

M. Lévesque (Taillon): Si vous changez de sujet.

M. Rivest: Je veux parler... Je change de sujet complètement.

M. Lévesque (Taillon): Bon, alors.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): Si vous changez de sujet je vais en profiter pour passer.

Vous avez dit, M. le premier ministre, au début de votre intervention, que le budget de votre ministère avait diminué cette année comparativement à l'an passé. Si je regarde, au programme 1, ce qui concerne toutes les dépenses qui sont allouées pour le lieutenant-gouverneur...

M. Lévesque (Taillon): Est-ce que vous permettez? Je suis d'accord et on va en parler un tout petit peu, je pense que c'est plus qu'indiqué. Est-ce que vous pourriez garder votre question en réserve pour quand le chef de l'Opposition sera là? Elle viendra de vous.

M. Baril (Arthabaska): Parfait.

M. Rivest: Je vais régler les autres. Les Amérindiens

Mon autre sujet, M. le premier ministre, concerne les Amérindiens.

M. Lévesque (Taillon): Oui.

M. Rivest: Cela disposera d'ailleurs du programme et du crédit afférent.

M. Lévesque (Taillon): D'accord.

M. Rivest: Vous vous rappellerez, je crois que c'est il y a deux ans ou après, que les Amérindiens ont saisi une occasion - je ne me rappelle plus très bien laquelle - pour évoquer le cheminement de l'entente qui a été signée par le gouvernement et la loi qui a suivi. On avait évoqué, je pense, lors de l'étude des crédits, la possibilité pour les parlementaires ainsi que pour les populations concernées de prendre un certain temps, pas à ce moment-ci, bien sûr, mais peut-être à l'automne ou à la fin d'août...

M. Lévesque (Taillon): II n'y a rien qui s'oppose à cela.

M. Rivest: ... je ne sais pas si c'est après, il suffira de trouver le bon moment -pour regarder l'ensemble du dossier des Amérindiens, des progrès qui sont faits dans leurs rapports avec le gouvernement du Québec. Il faudrait qu'on ait suffisamment de temps pour donner justice autant au gouvernement qu'aux populations concernées et surtout permettre a l'opinion publique, puisque tout le monde s'intéresse et à bon droit à cette question dans les médias, au lieu d'y aller simplement lorsqu'il y a un problème de pêche ou un problème concernant l'eau, de voir vraiment l'évolution de ce que le gouvernement fait, face à ces populations.

M. Lévesque (Taillon): Je suis parfaitement d'accord. Il s'agira de trouver le moment le plus indiqué et de ne pas traîner inutilement. Je pense que quand cela avait été évoqué, l'an dernier, c'était autour et alentour de deux ou trois choses particulièrement pénibles. Il y avait le cas de Restigouche, dont on se souvient. Je pense que tout le monde a vu, Dieu soit loué! que, cette année, une entente a été signée à Restigouche, comme d'ailleurs l'an dernier déjà à Maria, dans l'autre réserve Micmac de la Gaspésie. Il y avait également, je pense, une espèce de mauvais climat qui s'était établi, une sorte de morosité, si vous voulez, qui s'était établie avec nos interlocuteurs du Grand-Nord, c'est-à-dire les gens qui sont couverts par la Convention de la Baie-James et ses extensions.

Vous avez peut-être vu que, récemment, on a rencontré nos interlocuteurs cris et aussi des représentants des Inuits. Évidemment, il y a toujours des difficultés, on traîne le poids d'un passé qui n'est pas facile ni d'un côté ni de l'autre. Les relations non seulement sont rétablies, mais je pense que dans l'ensemble c'est plutôt harmonieux. Tout récemment on a eu aussi -et cela peut mener à une sorte de sommet, on l'espère, dans le jargon courant - on a eu aussi une réunion, qui m'a parue très prometteuse, avec les représentants, je pense sans exception, de toutes les bandes attikamègues et montagnaises. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il y a une sorte de dégagement d'un climat qui était assez chargé l'an dernier, mais cela ne veut pas dire que tout est réglé.

Pour revenir à la question du député, selon ce qui va arriver dans les quelques mois qui viennent et selon ce qui se produira cet été autour du saumon et tout le reste, je ne vois pas de raison, au contraire, de m'y opposer. Avant la fin de l'année, il s'agira de s'entendre entre nous et avec nos interlocuteurs indiens, évidemment, pour voir si on ne devrait pas aérer tout cela et avoir, comme vous dites, une meilleure compréhension collective du problème et des questions qui se posent. (15 h 30)

M. Rivest: Pour ce qui est de cette question - je ne veux pas prolonger ce débat indûment - je comprends qu'au moment où le gouvernement et, bien sûr, les gens les premiers concernés, les populations concernées pourront convenir que c'est utile, sans que ce soit un engagement formel - je ne veux pas cela non plus - il y aura moyen de procéder à une telle démarche.

M. Lévesque (Taillon): Si vous me permettez, je pense que c'est à cause de toutes sortes de raisons que cela n'a pas été possible d'organiser le sommet, cette année. Même si cela avait été au milieu des difficultés, cela aurait pu peut-être donner quelque chose. À cause des discussions constitutionnelles, les Indiens etc, ils étaient vraiment mal pris partout, à Ottawa, à Londres, etc. C'était très difficile pour eux de porter leur attention sur quelque chose qui se passait uniquement à l'intérieur du Québec.

Il y a une autre raison aussi qui rend cette conférence, si on la veut productive aux yeux même des Indiens, plus difficile que la première qui avait eu lieu en 1978. L'idée serait, du côté des Indiens autant que du côté du gouvernement, qu'on puisse aborder l'étude de certains dossiers qui leur tiennent à coeur, pour l'avenir, faire un certain dessin d'avenir avec eux, d'établir aussi, en majeure partie, certaines lignes importantes de politique à leur endroit. C'est plus long à

préparer, une affaire comme cela. C'est pour cela qu'on s'est activé à la préparation de certains dossiers à partir de ce qu'eux nous disent et de principes dont certains ont été énoncés par le gouvernement dans le passé, dans le livre blanc sur la culture. Ce sera une réunion qui va demander de la préparation avec eux, une vraie préparation, parce que cela va être une réunion de travail, celle-là; ce ne sera pas une réunion de retrouvailles comme avait été celle de 1978.

M. Rivest: Très bien, monsieur.

M. Lévesque (Taillon): Est-ce que cela va pour les crédits?

M. Rivest: Oui, cela va. À moins que d'autres collègues aient des questions, mais je ne le pense pas. De toute façon, ensuite, on les adoptera en bloc, M. le premier ministre, si vous voulez.

Les cabinets politiques

Autre sujet. Au milieu des années soixante, il s'est développé au Québec une pratique qui est celle des cabinets ministériels, qui est bien sûr absolument justifiée et qui fait en quelque sorte partie de la vie...

M. Lévesque (Taillon): Vous en savez quelque chose.

M. Rivest: Oui, mais attendez... parlementaire et de la vie politique, mais ce qui est plus étonnant, c'est d'abord, en termes de chiffres absolus, la croissance très - je n'ose pas dire exponentielle parce que ce ne serait pas exact - mais quand même inquiétante de l'importance des cabinets politiques dans l'ensemble de l'appareil gouvernemental. Selon les derniers chiffres qu'on m'a signalés, cela fluctue, on m'a parlé de quelque 570 personnes qui travaillaient dans les entourages ministériels au niveau des cabinets politiques. À ma connaissance, depuis 1976, - je ne veux pas chicaner le premier ministre sur les chiffres - mais la croissance a été vraiment de 2 à 1 certainement et je suis très modéré dans mon affirmation. Ce qui me fait dire que cela a eu... Vous vous rappellerez un texte de M. Yves Martin, en 1975, qui avait souligné devant l'Institut canadien d'administration publique les difficultés que cela pouvait comporter. Dès 1975, il avait allumé une lumière rouge sur cet aspect, soulignant les tensions que cela pouvait créer dans l'articulation des rapports du politique et de l'administratif. Or, cela a doublé. Je ne sais pas d'où vient cette justification, si c'est simplement l'inertie de la machine qui a fait qu'on a chargé à ce point les cabinets ministériels.

D'autre part, il y a eu - je ne vous donnerai pas les documents qui nous ont été présentés, je ne peux pas en parler publiquement, par le "select comittee" de la commission Bisaillon; ce sont des audiences à huis clos et je ne peux pas évoquer le nom des personnes - des préoccupations de la part des gestionnaires supérieurs de l'administration. Moi-même, je participe, à l'École nationale d'administration publique, à des séminaires avec des hauts fonctionnaires, et ce sujet figure effectivement à l'article d'une des séances auxquelles on participe.

Donc, il y a une inquiétude dans la très haute administration. Je vous signale que, nommément - simplement à titre d'illustration, je n'en fais pas un drame - le président du Syndicat des professionnels, M. Lecours, a dit cette fois publiquement devant le "select comittee" que des fonctions de recherche, de planification et de développement d'un ministère, entre autres, le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, avaient été assimilées au cabinet politique du ministre. Ce genre de pratique -vous ne l'ignorez pas, M. le premier ministre, sans doute que vous en êtes conscient - crée... Je pense qu'il n'y a que vous qui pouvez rassurer l'ensemble des fonctionnaires, établir les normes ou réaffirmer les convictions que vous avez à cet égard et je pense que ce serait important que vous le fassiez.

M. Lévesque (Taillon): Juste une remarque en passant, je ne sais pas si cela s'applique encore aujourd'hui, mais à propos de la fonction planification, des choses comme cela qui sont, si vous le voulez, d'essayer de dégager des perspectives... Moi, je me souviens qu'à ce moment-là, c'était l'actuel président de la Banque Nationale, M. Michel Bélanger... Je me souviens que, quand j'étais aux Richesses naturelles au temps de M. Lesage, on n'avait pas assimilé cela au cabinet. C'était encore quelque peu folklorique, l'organisation, mais on était en lien direct à partir du cabinet ministériel de l'époque avec ce groupe de planification dirigé par Michel Bélanger. C'est une chose qui arrive souvent quand on veut des perspectives de changement et qu'il y a une volonté politique d'aller vers les changements et ce n'est pas mauvais d'avoir une prise directe sur des gens qui sont normalement chargés de dégager ces perspectives-là, de les étudier.

Cela étant dit - ça reste à voir dans le cas du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche - c'est l'occasion, si cela intéresse vos amis des médias d'information, de rectifier quelques petites affaires. Cela ne valait pas la peine d'en faire un drame; je veux bien qu'on véhicule n'importe quoi, y compris de prendre des rumeurs, mais sans

vérification, cela devient une sorte d'habitude qui peut-être correspond à une certaine notion de l'information qui s'est développée, qu'une rumeur ça fait un meilleur titre quand ce n'est pas vérifié ou alors que des allégations, c'est meilleur quand ce n'est pas vérifié. Par exemple, il y a eu un petit tour de presse pour le député de Vaudreuil-Soulanges qui, lui, disait que ça avait quintuplé, les cabinets, au moment de la campagne de financement, je pense, de votre parti, que ça avait quintuplé...

M. Rivest: C'est 570 à 176; ce sont les chiffres que j'ai, je n'ai pas fait la division.

M. Lévesque (Taillon): Au moins dans votre cas, vous dites doublé.

M. Rivest: Je suis plus prudent, je vous connais.

M. Lévesque (Taillon): C'est déjà pas si mal, en fait.

M. Rivest: Comme éteignoir de concupiscence, vous êtes parfait.

M. Lévesque (Taillon): L'augmentation globale du côté des cabinets, ç'a été de 68,5% en six ans ou cinq ans et demi, si vous le voulez. Certaines explications, je pense, méritent d'être soulignées: c'est que, par exemple, les ministres d'État qui n'ont pas de ministère et qui par conséquent ont besoin d'un soutien un peu plus cohérent, si vous le voulez, que des ministères sectoriels où il y a tout le personnel sur lequel on peut compter, il a fallu quand même les doter d'un cabinet et d'un cabinet assez étoffé, c'est tout ce qu'ils ont comme ministère, en fait. Cela est une des raisons. Je pourrais en donner d'autres. Donc, c'est 68,5% dans l'ensemble.

Maintenant, en ce qui concerne votre serviteur en 1976, il y a cinq ans et demi, M. Bourassa, mon prédécesseur, avait 54 personnes - c'est le personnel complet homologué - dans son cabinet; en ce moment, il y en a 57 au cabinet du premier ministre, une augmentation de trois, donc, en six ans, 5,3%. Je ne sais pas si cela mérite d'être souligné.

Pour ce qui est informations qu'on vous a données, je regrette, enfin ce n'est pas une grosse erreur, on vous avait donné une information en ce qui concerne mon cabinet qui était que du côté des cadres et attachés politiques, le personnel politique sui generis il y en avait 21. Je regrette de le dire, il y en a 22. Autrement dit, il y a Mme Danielle Régnier, attachée politique qu'on avait omise par inadvertance dans la liste qu'on vous a fournie. Donc, ce sont 22 cadres et attachés politiques. Pour ce qui est de l'an dernier, juste pour voir l'évolution, il y en avait 62 au lieu de 57, comme je viens de vous le dire, pour l'ensemble du cabinet; il y en avait 62 chez nous et 26 cadres et attachés politiques. Alors, on a réduit cela à 57 cette année, au moment où on se parle, avec 22 cadres et attachés politiques. Il nous faut quand même garder une marge de manoeuvre et les ressources suffisantes. Vous pourrez également vérifier avec mes collègues qui vont venir les uns après les autres, ils expliqueront leur situation.

Une chose que je voudrais souligner, peu importe ce qui est arrivé depuis cinq ans et demi, les comparaisons qu'on peut faire, c'est que, dans l'ancien gouvernement c'était parfaitement légitime et c'est cela qui amène des erreurs parfois - le personnel de soutien, qui est toujours là, le personnel qui est tiré de la fonction publique qui est toujours là, n'était pas considéré comme personnel politique. Souvent, on ne le comptabilisait pas. Je ne veux pas dire que c'était illégitime, c'était une autre façon de voir les choses, ce qui fait, par exemple, qu'il y avait 143 employés politiques dans les cabinets du gouvernement de M. Bourassa, sans compter quelques-uns qu'il était difficile a repérer, alors qu'il y a présentement 241 personnes, genre attachés politiques, chefs de cabinet, etc., soit 98 de plus qu'en 1976, ce qui, en tout - je l'expliquais tout à l'heure -fait 68,5%, dans cinq ans et demi, six ans.

Une autre chose - je me contenterai de cela comme précision - c'est que la tradition - là encore, c'était légitime à l'époque -était de considérer le personnel politique des cabinets comme des permanents qui avaient droit à la sécurité d'emploi aussitôt que le gouvernement changeait. On était obligé de replacer - c'était une tradition établie - tout ce personnel qui avait une sécurité d'emploi absolue, comme tout le monde normalement dans la fonction publique. Cela créait - c'est le moins qu'on puisse dire - des problèmes d'ajustement, etc. Je les ai vécus en 1976 et je pense que chaque nouveau gouvernement a vécu ces problèmes, non pas parce qu'il n'y avait pas les compétences, etc., mais ce n'est pas toujours un trou, une cheville, pour replacer ces gens. Or, cela a été complètement éliminé. Je pense qu'il y en a à peu près la moitié maintenant, même moins que la moitié qui sont sous l'ancien régime, parce qu'ils y avaient droit. Il a été changé en cours de route. Tous ceux qui rentrent, les nouveaux - entre nous, pour les fonds publics éventuels et aussi pour une certaine cohérence administrative, c'est quand même une sacrée réforme, à petite échelle évidemment, il s'agit de quelques centaines de personnes - plus de la moitié maintenant, depuis que cela a été changé, n'ont pas cette sécurité d'emploi. Autrement dit, leur travail ou leur engagement finit le jour où ils partent.

M. Rivest: Cela va demeurer comme politique?

M. Lévesque (Taillon): En tout cas, du temps où on va être au gouvernement, oui. Ceux qui nous succéderont y verront.

M. Rivest: II y en a qui vont être contents. Vous savez qu'il y a des demandes pour changer cette politique. Ils ont eu leur réponse.

M. Lévesque (Taillon): Soit dit en passant, on me souligne que, chez nos amis du fédéral, où les réformes prennent beaucoup plus de temps, je pense, à se préciser, on a gardé cette vieille tradition.

M. Rivest: Oui, mais le nombre au fédéral est trois ou quatre fois moindre. Cela n'existe à peu près pas.

M. Lévesque (Taillon): II faudrait vérifier.

M. Rivest: C'est cela.

M. Lévesque (Taillon): J'ai vu ce qu'était le PMO, le Prime Minister Office. Seulement là, il y en a assez pour faire un gouvernement. Ils sont choisis sans concours et, en plus, ils ont cette vieille tradition de permanence politique pour ceux qui veulent l'avoir et l'exercer.

M. Rivest: II y a à peu près le même nombre de ministres qu'en 1976. Combien y en a-t-il? 26 ou 27?

M. Lévesque (Taillon): Actuellement, on est à 26.

M. Rivest: Et deux à trois postes à nommer, dont un dont je voudrais vous parler.

M. Lévesque (Taillon): Cela reste à voir.

M. Rivest: Oui. Le ministre des Affaires intergouvernementales s'est donné -j'en ai discuté avec lui, pour ne rien vous cacher - lors de l'étude des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales, une vocation intéressante et très économique. Lors de l'étude des crédits, le ministre m'a abondamment parlé de l'exportation, de ses voyages à travers le Canada, etc.

M. Lévesque (Taillon): Excusez l'expression, il est dans le "bag" actuel.

M. Rivest: Deuxièmement, compte tenu de la nécessité pour le Québec de prendre position à l'échelle du monde sur ce plan et de mieux défendre nos intérêts, on en convient volontiers, il m'a évidemment dit que cela était pour se faire avec la responsabilité des ministres d'ordre sectoriel qui ont leur intérêt, qui ont leur personnel et qui doivent surveiller, même si c'est une action extérieure. Cela m'a amené à lui demander, compte tenu qu'il semblait insister énormément - je pense que c'était une décision ou une orientation solide du Conseil des ministres - ce que le ministre du commerce extérieur était pour faire dans la vie. Je ne sais pas si, lorsque vous l'avez évoqué dans votre discours... Pour être très franc avec vous, encore une fois, je lui ai dit que j'avais eu l'impression que sa démarche économique était - je vais vous le dire d'ailleurs - chez lui, une attitude visant à appliquer la théorie du premier occupant de façon à vous forcer un peu la main en vue de lui confier ce ministère. (15 h 45)

Mais compte tenu du fait - non, je ne veux pas être injuste pour le ministre, j'ai dit qu'il ferait un très bon ministre du commerce extérieur, je ne vais pas vous demander si vous partagez mon avis, mais je vais au moins vous demander où d'abord -que vous aviez fait grand état de la nomination de ce ministre du commerce extérieur lors du discours inaugural de je ne sais quand, cela fait quelques mois, fin novembre, je ne me souviens plus, on n'a pas vu poindre la chose ou la personne encore.

M. Lévesque (Taillon): Écoutez! Je vois bien que le député de Jean-Talon, c'est normal et après tout, c'est de bonne guerre, essaie un peu d'étirer ce qu'il a pu cueillir aux crédits du ministère des Affaires intergouvernementales. Je dois souligner, d'ailleurs, qu'en ce moment même, notre collègue des Affaires intergouvernementales, s'il n'y est pas arrivé, doit être en route, vers la Californie et Chicago où on a - à Los Angeles et à Chicago - deux missions essentiellement économiques; il fait, pour ainsi dire, il continue sa tournée pastorale. Il ne faut pas oublier qu'il y a à peine quelques mois qu'il a été nommé à la place de notre ex-collègue, M. Morin - l'autre M. Morin - et qu'il fait un travail remarquablement axé, il est vrai, sur des préoccupations économiques, toujours en contact, en lien direct avec les ministres sectoriels ou le ministre, le cas échéant, d'État au Développement économique.

Cela étant dit, c'était dans le discours inaugural et je pense que cela reste une excellente idée, il va falloir quand même qu'on arrive à démêler les torchons et les serviettes, dans ce domaine-là comme dans d'autres. Tel qu'on le conçoit, il s'agit de voir maintenant comment on rajuste les morceaux. Tel qu'on le conçoit, il ne s'agit pas d'un ministre à la tête d'un ministère tout structuré. Il n'est pas question de

fabriquer un autre monument administratif. Il s'agirait plutôt de ce que j'appellerais dans le langage de tous les jours, un commis-voyageur professionnel permanent avec rang de ministre et qui aurait une petite équipe de commis-voyageurs avec lui et le minimum de soutien qu'il faut, ce qui existe, je pense, dans d'autres contextes et qui serait singulièrement adapté aux problèmes pas seulement aux problèmes mais aux possibilités qui se développent de plus en plus pour le Québec.

Vous savez que nos exportations... J'ai remarqué cela l'autre jour, j'ai trouvé cela saisissant. J'étais à New York - je donne cet exemple-là - pour la signature d'un contrat avec PASNY, la Power Authority de l'État de New York et j'ai rencontré notre nouveau délégué général, l'ancien président de l'Office de la langue française, qui évidemment fait ses classes depuis quelques mois et qui est tout feu, tout flamme et en me donnant les renseignements qui lui paraissaient indiqués, il me soulignait une chose. On sait que notre principal marché extérieur, c'est les États-Unis, de loin pour tout le Canada, et que la part du Québec, est positive. On est toujours porté à prendre les côtés, peut-être, les plus masochistes: on a plus que notre part de chômage, c'est vrai hélas! depuis longtemps, on a plus que notre part de faillites à l'occasion, c'est vrai, mais il y a aussi toute notre part de choses positives et qui sont très prometteuses pour l'avenir. Sur le marché américain, elle représente plus que le tiers des exportations du Canada. Autrement dit, on soutient la balance commerciale du Canada et à ce point de vue là, c'est le Québec en particulier; plus que le tiers des exportations sur les marchés américains viennent du Québec, en particulier concentrées, ailleurs aussi, mais concentrées dans le nord-est, y compris la grande région, enfin, cette espèce de mégapole ou mégalopole qui va en bas jusqu'à Philadelphie, Washington et qui part de Boston: c'est des milliards et des milliards chaque année et cela augmente. Cela augmente enfin, mais là cela augmente moins pour des raisons de conjoncture, mais la tendance depuis quelques années est à une augmentation constante.

Deuxièmement, l'augmentation annuelle, par exemple, dans le domaine agro-alimentaire a été d'environ 26% et plus, annuellement, au cours des quelques dernières années avec des ouvertures de marchés qu'on n'aurait pas imaginées possibles, il y a un certain temps, comme par exemple au Japon ou dans d'autres coins du monde, en Amérique latine.

Alors, tout cela pour dire ceci, je pourrais donner parmi les endroits où on a plus que notre part et cela fait partie des promesses de développement, le fait qu'on a assez largement au-dessus d'un tiers, on a 26% de population ou 26,5%, largement au-dessus d'un tiers de tous les jeunes qui s'en viennent; il y a déjà ceux qui sont arrivés sur le marché et on sent le dynamisme qui se développe, mais de tous les jeunes qui étudient présentement partout au Canada, on a plus qu'un tiers au Québec de ceux qui étudient du côté de l'administration, du management, tout ce qui de près ou de loin touche au développement des entreprises, des marchés, etc. C'est important et les deux se tiennent. Cela étant dit, il me semble encore que c'est une bonne idée, le moment venu, on en reparlera concrètement, d'avoir ce ministre essentiellement commis-voyageur avec une équipe légère, mais qui ne s'occupe que de cela. À ce moment, on départagera les choses et...

M. Rivest: En fait, je vous pose la question parce qu'au ministère de l'Industrie et Commerce, il y a un office du commerce extérieur, il y a un ministre pour cela.

M. Lévesque (Taillon): Oui.

M. Rivest: Cela, c'est une chose; deuxième chose, il y a un ministre d'État au Développement économique, qui pourrait - je préfère M. Morin à M. Landry - faire... Étant donné que je me suis commis envers M. Morin.

M. Lévesque (Taillon): Cela ne me paraît pas nécessairement pertinent.

M. Rivest: C'est parce que j'ai promis au ministre Morin, mais qui pourrait faire certainement cela...

M. Lévesque (Taillon): Bien, vous êtes en train de faire le message.

M. Rivest: ... et avoir cette responsabilité. Il y a le ministre des Affaires intergouvernementales qui fait exactement cela et qui défend les points que le premier ministre a soulignés avec raison. Le ministre du commerce extérieur est arrivé là-dedans, dans le discours inaugural, et le premier ministre ne semble pas, par sa réponse, je le dis en toute déférence, vraiment avoir fait le tour de cela et la décision semble l'annoncer dans le message inaugural. Je ne sens pas chez lui une volonté vraiment très arrêtée et une vision très claire de cette idée qu'il dit intéressante.

M. Lévesque (Taillon): Comme on doit dire à l'occasion, on verra en temps et lieu.

M. Rivest: Bien, je vais demander aux journalistes qu'ils prennent le relais sur cette question.

M. Lévesque (Taillon): D'accord.

M. Rivest: J'ai un autre aspect que je voudrais vous souligner. Vous savez que l'Opposition...

M. Lévesque (Taillon): Au nom d'un de mes collègues, je voudrais soulever une question de privilège, parce que cela a pu être noté tout à l'heure...

M. Rivest: Oui.

M. Lévesque (Taillon): J'évoquais le souvenir du temps lointain déjà des années soixante, de ce qu'on faisait aux Richesses naturelles, à propos de cabinet, de planification, etc. Renseignements pris, il me semble que c'est complètement faux, que le député de Jean-Talon a été induit en erreur, sur cette intégration de la fonction de planification du loisir, de la chasse et de la pêche...

M. Rivest: La fonction ou le travail, c'est le président du Syndicat des professionnels.

M. Lévesque (Taillon): Qu'il travaille, bon Dieu, qu'il travaille sur commande, à l'occasion, c'est normal, mais cela semblait indiquer une sorte d'intégration forcée ou quelque chose comme cela et il n'en est pas question.

M. Rivest: C'est une confusion des gens.

M. Lévesque (Taillon): D'accord. Bon, alors, soyons sûrs qu'on...

M. Rivest: D'accord. Très bien. Nous en avons fait état dans le passé à maintes reprises, et le chef de l'Opposition l'a fait, j'imagine que cela va venir, on l'a fait dans le passé de la façon suivante. Au moment du référendum, nous avons très clairement exprimé à l'Assemblée nationale notre objection à ce que les fonds publics ou les services entre autres de la fonction publique puissent être utilisés à l'articulation ou au développement de la thèse de la souveraineté-association à l'époque. Il a été question des sondages. Enfin, je ne veux pas avec le premier ministre reprendre tout le débat, mais, lors de l'étude, et nous maintenons notre attitude, le premier ministre avait un autre point de vue qu'il a eu l'occasion, je pense, d'exprimer. Lors de l'étude des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales, en évoquant avec le ministre ce qui a été dit publiquement, que la prochaine campagne électorale porterait principalement sur la souveraineté, je lui ai demandé si, dans les responsabilités qu'il assumait au niveau du ministère des Affaires intergouvernementales, il avait l'intention d'utiliser son ministère, le personnel qui y est, pour étudier des modalités, pour enrichir sur le plan technique ou tout autre plan ou articuler la thèse de la souveraineté-association, nouvelle version.

Pour ne pas induire le premier ministre en erreur, le ministre des Affaires intergouvernementales m'a dit effectivement que oui. Il a répondu entre autres, et je cite simplement une phrase de M. Morin...

M. Lévesque (Taillon): Vous citez cette phrase dans son contexte?

M. Rivest: Ah oui. Je vais vous donner le contexte, si vous voulez. Le rôle du ministère des Affaires intergouvernementales, c'est de fournir des données techniques au besoin, dit-il, mais là, je dis, pour étayer, pour essayer d'atteindre la souveraineté, mais pour étayer la souveraineté-association, pour étudier ses aspects concrets, oui, et pour savoir quelles conséquences cela comporte pour le Québec et étudier tous ces aspects de la chose. Il va donc y avoir des commandes qui vont être placées au ministère des Affaires intergouvernementales. Un peu plus loin, M. Morin, R/24-C/A1, page 2, à 11 h 50, dit: "II n'y a aucune raison pour laquelle...

M. Lévesque (Taillon): Ou 11 h 58, qu'est-ce que cela donne?

M. Rivest: Non, cela n'ira pas jusqu'à 58. "Il n'y a aucune raison pour laquelle le gouvernement ne pourrait pas faire étudier sur le plan technique toutes les hypothèses concernant l'avenir du Québec, toutes les hypothèses de renouvellement constitutionnel ou d'une association quelconque de marché commun, ou de projet de libre circulation de personnes, de biens. Ce sont des questions techniques. Il est dans l'intérêt de la population québécoise d'étudier ces questions. En ce qui me concerne, je veux que le député de Jean-Talon sache que ces études seront faites et seront bien faites pour éclairer le gouvernement légitime des Québécois sur les options qu'il propose au choix des Québécois."

Je veux simplement voir si le premier ministre endosse la position de son ministre. L'option de la souveraineté appartient - je le dis très brièvement au premier ministre - au Parti québécois et elle est tout à fait légitime. J'ai compris de la séquence des événements de 1976 qu'on avait mis cette question entre parenthèses, c'est-à-dire l'assujettissant à la tenue d'un référendum, référendum qui a eu lieu précisément sur cette question, au cours duquel les gens n'ont pas endossé la thèse véhiculée par le Parti québécois. L'assise de la thèse demeure le Parti québécois. L'élection du 13 avril dernier, certainement pas à ce titre, sur la thèse de la souveraineté, les Québécois, je

pense qu'on peut succinctement résumer leur option, ne se sont pas dédits par le choix du 13 avril. L'option demeure l'affaire du Parti québécois. À ce titre, je me demande sur quelle base légitime le ministre des Affaires intergouvernementales, ou le gouvernement ou le premier ministre, peut demander à des membres de la fonction publique de consacrer leur temps et les fonds publics par conséquent à l'articulation d'une option qui n'est pas l'option d'un gouvernement, en termes de mandat, mais qui demeure l'option véhiculée par un parti politique.

Vous savez que le chef de l'Opposition, je ne veux pas parler pour lui, il pourra s'exprimer dans quelques minutes... Est-ce que le premier ministre entend reprendre tout le débat que nous avons eu lors du préréférendum? Est-ce qu'on va avoir le même type de dépenses qui vont être faites à même les fonds publics pour étayer la thèse de la souveraineté avec association...

M. Lévesque (Taillon): Je vous demande pardon. Avant de préciser certaines choses, peut-être corriger certaines des allusions ou des hypothèses quelque peu fragiles du député dont il fait des conclusions, je voudrais lui demander très simplement si cela fait partie des questions qu'éventuellement le chef de l'Opposition voudrait traiter.

M. Rivest: Non.

M. Lévesque (Taillon): Parce que je ne voudrais pas qu'on se répète inutilement.

M. Rivest: Non, non, je vais éliminer toutes les autres questions.

M. Lévesque (Taillon): Je dirais tout simplement ceci: D'abord, au sujet des fonds publics les cinq dernières années et demie, j'ai presque envie de répéter ce que disait mon prédécesseur immédiat: Donnez-moi un seul cas.

M. Rivest: Le sondage que vous avez fait sur la souveraineté-association.

M. Lévesque (Taillon): On a fait un sondage. Un.

M. Rivest: Est-ce que ces choses vont se répéter?

M. Lévesque (Taillon): Si vous permettez, tout de même, ne charrions pas. Il y a eu un sondage qui a été d'ailleurs fourni à l'Opposition et à tout le monde, qui était un sondage qui, au ministère des Affaires intergouvernementales, avait été fait sur l'ensemble de toutes ces questions qui préoccupaient les gens et en particulier dans la perspective du référendum. Les résultats ont été donnés. Je pense que tout le monde qui est de bonne foi admettra que cela n'avait rien à voir avec une dépense de fonds publics dans le but de favoriser notre option. C'était essentiellement pour que les gens puissent être éclairés sur une foule d'aspects et je pense que cela a servi à un certain éclairage. C'est le seul et unique cas qu'on pourrait appeler sur la marge dont je puisse me souvenir. Tout le reste a été financé grâce aux efforts des membres de notre parti au moment du référendum comme au moment des dernières élections. C'est une première chose sur laquelle je tiendrais quand même à ce qu'on n'invente pas toutes sortes de trucs additionnels qui n'ont jamais existé.

M. Rivest: Les études Bonin.

M. Lévesque (Taillon): Les études Bonin, c'étaient des études très précises. Là, on pourrait rejoindre ce qu'a dit le ministre des Affaires intergouvernementales. Des études sur des questions fondamentales qui impliquent la situation collective et l'avenir du Québec, je ne vois pas très bien comment on pourrait, surtout dans un ministère comme celui des Affaires intergouvernementales, qui est peut-être le seul qui est justement sur la marge, affaires fédérales-provinciales, affaires internationales, etc., faire une sorte d'exclusive totale en disant: Ils n'ont pas le droit de se servir du personnel - c'est l'équivalent de ce qu'on disait tout à l'heure - de planification ou d'étude pour faire analyser des choses comme cela. (16 heures)

La règle qu'on a établie et qui s'applique dans l'ensemble du gouvernement, c'est que c'est le personnel politique essentiellement. Il peut y avoir quelques exceptions sur des cas d'étude nécessaires, mais c'est le personnel politique, que ce soit dans mon cabinet, dans le cabinet des Affaires intergouvernementales ou que ce soient des députés s'ajoutant au ministre, c'est le personnel politique qui fait ce travail. C'est la règle normale, c'est légitime. Il peut y avoir des exceptions et je pense que le seul ministère où je puisse imaginer qu'il y a des exceptions à cette règle pour la bonne et simple raison qu'il y a des choses à approfondir qui sont d'intérêt public, même si éventuellement cela peut éclairer des options ou des hypothèses qui se posent au Québec... À mon humble avis, à part le ministère des Affaires intergouvernementales et de façon très modeste, je ne vois pas comment cela peut se produire ailleurs; enfin, je ne connais pas de cas.

M. Rivest: Sur les...

Le Président (M. Laplante): M. le

député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: J'ai une question, M. le Président. La souveraineté-association a été étudiée par beaucoup de gens, elle a été étudiée par des organismes du gouvernement fédéral, du gouvernement d'Ottawa, notamment par le centre de l'unité canadienne...

Une voix: ...

M. de Bellefeuille: Bien non. Alors, je me demande si la position du député de Jean-Talon - je ne veux pas être injuste envers lui - ce n'est pas qu'il est légitime pour un gouvernement d'étudier la souveraineté-association à condition d'être contre cela.

M. Rivest: Ce ne sont pas mes crédits. Pour répondre brièvement à la question: c'est bien dommage, mais le gouvernement du Québec a actuellement, de lui-même, par choix, exclu de son mandat de gouvernement l'option de la souveraineté. En 1976, il l'a soumise à un référendum. Donc, il n'a pas de mandat d'une majorité de Québécois, parce que cela demeure...

M. de Bellefeuille: ... du monde. C'est extraordinaire comme casuistique.

M. Rivest: C'est tellement vrai, M. le député, que le premier ministre lui-même, président du Parti québécois à son corps défendant, j'imagine, et avec un succès que nous regrettons tous, a dû s'inscrire lui-même dans une démarche de renouvellement de la fédération canadienne, même au lendemain du référendum, au lendemain de son élection. C'était son mandat de gouvernement, c'était tout à fait légitime. L'option de la souveraineté: Je ne peux pas comprendre qu'on va demander à des professionnels du ministère des Affaires intergouvernementales de consacrer leur temps à étayer les éléments de la thèse qui appartient à un parti, qui n'est pas celle d'un gouvernement et qui n'est pas celle de la majorité de la population.

M. Lévesque (Taillon): Je ne reprendrai pas le peu que j'ai dit tout à l'heure, cela ne sert à rien de se répéter. Je veux bien qu'on continue comme cela...

M. Rivest: Non, on ne continuera pas longtemps, mais je...

M. Lévesque (Taillon): ... mais je vais simplement dire ceci. Sans aller jusqu'à dire que c'est tout à fait jésuitique, c'est sacrement sur la marge en tout cas, parce qu'il faut tout de même vivre dans le monde tel qu'il est. Le référendum, je ferais remarquer au député de Jean-Talon que, premièrement ce n'est pas la fin de l'histoire, c'est une chose à respecter jusqu'à ce que l'opinion continue d'évoluer et elle continue, d'ailleurs. Même au référendum c'était, on peut dire, 50-50 du côté du Québec français. On sait que le problème de l'avenir du Québec - et cela n'exclut aucun de nos autres concitoyens des groupes anglophones ou des communautés ethniques -on sait très bien que le problème du Québec depuis le temps de Laurendeau-Dunton, on pourrait même dire depuis le temps de la commission Tremblay, il est centré sur l'avenir de la nation française qui est au Québec et qui en forme l'armature essentielle. Qu'on le veuille ou non, c'est un fait. C'est là depuis 30 à 35 ans, même davantage, on pourrait dire depuis le début. Vis-à-vis de ce problème des options légitimes, comme le fédéralisme est légitime, l'option de souveraineté avec une association de nouvelle forme avec le reste du Canada est également une option légitime... On ne l'a jamais caché et on a été élu deux fois, sans la cacher, sans la mettre au centre, mais sans la cacher. La prochaine fois on verra, parce que normalement elle devrait être au centre de la campagne.

Entre-temps, il ne faudrait tout de même pas oublier que 50% - on ne saura jamais si c'était 49,5% ou 51,5% - à peu près 50% du Québec français a voté oui au référendum qui a eu lieu. Toutes les indications qu'on a, et elles sont faciles à vérifier, on connaît le même public, sont que cela augmente en ce moment et en particulier, cela augmente et cela se maintient dans les générations du milieu de la vie et les nouvelles générations et l'avenir se trouve de ce côté-là. Partant de là, sans enlever quoi que ce soit de ce que j'ai dit tout à l'heure à propos des réserves - et je ne pense pas que personne soit aussi scrupuleux qu'on l'a été à ce point de vue, ne l'ait jamais été comme gouvernement -sans rien enlever à ce que j'ai dit tout à l'heure, je dis quand même que, jusqu'à un certain point, cela fait partie de l'intérêt public de la collectivité québécoise d'être le mieux renseignée possible sur toutes les implications qui peuvent affecter notre avenir. On peut bien jouer sur toutes sortes de règles additionnelles qu'on voudrait nous imposer pour nous museler, pendant qu'à un autre niveau, sur un autre plan, il y a un autre gouvernement qui fait une orgie de fonds absolument incontrôlée dans le but d'essayer d'écraser la possibilité de changement au Québec. Je dois dire au député de Jean-Talon, sauf tout le respect que je lui dois, qu'on va continuer, nous, à faire un maximum qui n'a jamais été vu auparavant pour séparer les fonds publics de l'action politique directe. Par ailleurs, dans certains cas exceptionnels où des études

s'imposent et où les ressources sont là, comme l'a dit le ministre des Affaires intergouvernementales, cela doit être fait et il nous semble que c'est dans l'intérêt public.

M. Rivest: J'ai une dernière question à poser au premier ministre. Je sais qu'il a déjà fait des déclarations - je pense qu'il a déjà fait une lettre - demandant aux fonctionnaires et à bon droit, je pense, dans le cadre de la lettre ou des déclarations antérieures qu'il a faites, demandant à un fonctionnaire de respecter - je pense que c'était tout à fait légitime - les orientations politiques du gouvernement, ou les conceptions que le gouvernement a au sujet de l'assurance maladie, de la politique linguistique, des questions sociales, etc. Est-ce que concrètement un fonctionnaire du ministère des Affaires intergouvernementales, un économiste à qui l'on placerait une commande pour étayer, étudier les aspects de la thèse, disons d'associations économiques, de la développer davantage ou de l'articuler et qui refuserait de remplir une telle commande de la part du ministre des Affaires intergouvernementales, contreviendrait... Cela serait-il un manque à son éthique de fonctionnaire dans l'esprit du premier ministre? C'est dans ces termes-là que cela se pose.

M. Lévesque (Taillon): Je réponds tel que je le sens immédiatement. La réponse, c'est non, parce qu'il y a une question de droit de réserve, si vous voulez, vis-à-vis de ces questions-là aussi. La réponse, c'est non, mais je suis convaincu qu'on trouverait pour le peu de cas qui peuvent se présenter, assez de fonctionnaires qui partagent les mêmes convictions que nous et c'est leur droit.

M. Rivest: Bon, justement, je termine là-dessus. Si la réponse est non, si le fonctionnaire refuse de faire cela, parce que le fonctionnaire - je pense que le premier ministre sera d'accord avec moi - par exemple...

M. Lévesque (Taillon): Je ne voudrais pas qu'on se mêle. La réponse est non. C'est que je ne considère pas du tout que sur le fond de son travail, puisqu'il s'agit de quelque chose qui touche à une option politique la loyauté qu'il doit au gouvernement du jour, cela ne comprometterait pas, quant à moi en tout cas, sa carrière en aucune façon.

M. Rivest: C'est-à-dire qu'il pourrait ne pas faire le travail. Donc, est-ce que le premier ministre aurait la même norme et la même règle au sujet de la conception que son gouvernement avait de l'assurance automobile? Je prends l'exemple - j'exprime mon avis et je demande au premier ministre s'il est d'accord avec moi - d'un fonctionnaire qui aurait refusé, à l'époque, à Mme Payette, une expertise, parce qu'il n'était pas d'accord avec la conception. À mon avis, le fonctionnaire n'avait pas le droit de faire cela, parce que c'est une orientation politique légitime. Quand le premier ministre admet qu'un fonctionnaire des Affaires intergouvernementales pourrait refuser d'étayer la thèse de la souveraineté-association, cela implique, M. le premier ministre, je m'excuse, qu'à ce moment-là, vous faites faire un travail politique par les fonctionnaires et vous l'admettez par votre réponse.

M. Lévesque (Taillon): Je viens de vous le dire que cela peut arriver à l'occasion. De la même façon, quelqu'un qui refusait de faire son travail, en fonction, par exemple, de l'assurance automobile qui était dans le programme du gouvernement de celui qui vous parle et de son parti, à mon humble avis, manquait à son devoir et devait en subir les conséquences, éventuellement, quelles qu'elles soient. De la même façon, dans un domaine qui est strictement politique, qui évidemment, n'a pas encore été entériné par l'ensemble de la population québécoise, mais qui est légitime lui aussi, qu'un fonctionnaire considère que cela ne correspond pas à ses convictions, qu'il ne se sent pas à l'aise, etc. il y a une distinction, il me semble, que le député de Jean-Talon devrait pouvoir faire.

M. Rivest: Je m'excuse, M. le premier ministre, mais en toute déférence pour vous, je vous dis qu'à ce moment-là si c'est ce principe que vous étayez, il n'y a vraiment plus de limite: s'il refuse, vous acceptez son refus, vous le respectez, parce que cela va contre ses convictions politiques. A mon avis, dans n'importe quel autre domaine que celui-là, un fonctionnaire n'a pas le droit et la liberté de dire: Moi, sur tel aspect, sur une politique économique, sur une politique sociale, je ne suis pas d'accord, je regrette. À ce moment, je trouve que ce fonctionnaire manque à son devoir, parce que les orientations politiques, c'est au pouvoir politique à les donner, c'est au gouvernement. Si vous acceptez, au ministère des Affaires intergouvernementales, qu'un économiste refuse de faire une étude sur les modalités de l'association, c'est que vous admettez, à mon point de vue, que vous faites faire à ce fonctionnaire un travail d'ordre politique, au sens qui n'est pas de l'éthique d'une bonne administration publique et d'un bon rapport entre l'administration publique et le pouvoir politique.

M. Lévesque (Taillon): Je vais être très bref. Je pense que le député de Jean-Talon a déjà été plus nuancé que cela; évidemment,

ce n'est pas toujours indiqué dans ce jeu qu'on est obligé de jouer.

M. Rivest: Ce n'est pas de jouer, c'est cela la question.

M. Lévesque (Taillon): Non, d'accord. Je répète ce que j'ai dit: Exceptionnellement, je ne vois pas d'autre ministère que le ministère des Affaires intergouvernementales. Évidemment, il faut que ce soit des gens qui se sentent à l'aise dans ce travail-là et il peut arriver que des études soient nécessaires, soient d'intérêt public dans ce domaine-là et qu'on les fasse faire. Je ne vois pas d'autre exemple.

M. Rivest: Est-ce que vous connaissez le code d'éthique des fonctionnaires?

M. Lévesque (Taillon): S'il vous plaît, enfin, je vais vous laisser le dernier mot.

M. Rivest: Non, je ne veux pas avoir le dernier mot, mais il existe un code d'éthique des fonctionnaires actuellement et dans ce code d'éthique, c'est clairement établi. Est-ce que ce code d'éthique s'applique d'une façon générale, mais que, par exception, il ne s'applique pas? C'est ce que le premier ministre est en train de soutenir devant la commission.

M. Lévesque (Taillon): N'importe qui peut comprendre le fond de ma question et cela ne sert à rien, quant à moi, en tout cas, de poursuivre la discussion. M. le chef de l'Opposition, je suis très heureux de vous accueillir.

Le Président (M. Jolivet): M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: M. le Président, je m'excuse de mon retard; j'ai été retenu à une autre réunion où on discutait d'un sujet tout à fait différent.

M. Lévesque (Taillon): On a tous nos urgences à l'occasion.

M. Ryan: J'ai pensé que ce serait une bonne chose que de profiter de cette séance de la présente commission parlementaire pour essayer d'obtenir des éclaircissements du premier ministre sur des sujets d'intérêt général.

M. Lévesque (Taillon): D'accord. On est un peu dans des sujets généraux aussi.

Relations avec les autres provinces

M. Ryan: Oui. On va élargir encore, si possible. Il y a d'abord tout le problème des rapports du Québec avec le reste du Canada.

Nous venons de vivre une année qui a été pénible pour le gouvernement, je pense que c'est le moins qu'on puisse dire. Au point de vue constitutionnel, le gouvernement ne s'est pas trouvé spécialement heureux des changements qui sont survenus et de la manière dont le Québec s'en est tiré. Le gouvernement avait conçu une stratégie de solidarité avec un certain nombre de provinces, en particulier des provinces de l'Ouest, et cette solidarité lui a éclaté dans les mains au moment le plus névralgique. On s'est aperçu que l'alliance était peu solide.

À la suite de ce qui est arrivé, est-ce qu'on pourrait avoir une idée de ce que sera la stratégie du gouvernement en matière de relations avec le reste du pays, autant les autres provinces que le gouvernement central, au cours de l'année qui vient. En particulier, on a vu que le ministre des Affaires intergouvernementales est allé se promener dans l'Ouest, il a fait un séjour à Toronto également, où il a semblé tendre un rameau d'olivier à ses hôtes de Toronto. Est-ce que le gouvernement envisagerait de revenir peut-être à une posture plus traditionnelle dans ces matières, peut-être de resserrer les liens avec l'Ontario, quitte à oublier un peu ses alliés qui l'ont laissé tomber il y a quelques mois.

M. Lévesque (Taillon): Je pense que ce n'est pas seulement le gouvernement qui n'est pas spécialement heureux; n'importe quel Québécois qui a une conscience de nos droits des intérêts collectifs du Québec n'est pas spécialement heureux de ce qui s'est passé. Je pense que c'était aussi le cas du chef de l'Opposition aussi, du moins, si j'ai bonne mémoire. C'est évident que cela a été une année noire dans ce domaine-là; ça risque de l'être également. On sait ce qui est arrivé dans le cas des accords fiscaux, ça risque de l'être également de plus en plus dans un autre aspect fondamental de ce régime dans lequel nous sommes jusqu'à nouvel ordre qui est le problème des ressources financières, le problème même qui s'étend jusqu'à des accrocs absolument sans précédent du côté territorial comme on le voit avec ce corridor, enfin, ce projet farfelu de corridor sur lequel on votera, à propos d'une motion qu'on a présentée, avant la fin de la journée. Donc, ça n'a pas été, c'est sûr, une année particulièrement attachante pour le Québec dans le régime fédéral.

Cela étant dit, après une réaction qui me paraît normale, qui nous a permis de faire au moins le premier examen de ce que représente cette platée continuelle de conférences fédérales-provinciales ou interprovinciales où il y a énormément - il y a des choses essentielles, j'y reviendrai dans un instant - de gaspillage, de va-et-vient inutile ça nous a permis de commencer à

élaguer quand même un peu. Ce n'était pas uniquement à partir d'une réaction parfaitement normale de mauvaise humeur et même d'indignation, mais l'occasion était là pour faire le point là-dessus.

Maintenant, le principe général, que le ministre des Affaires intergouvernementales a lui aussi, c'est que, au sens large, chaque fois que l'intérêt du Québec est clairement mis en cause et clairement concerné dans ces rencontres, ces réunions, il n'est pas question de s'abstenir. On est dans un régime où on paie notre part, où nos concitoyens paient leur part, toute leur part - et Dieu sait plus que leur part à l'occasion - un régime où il y a nécessairement, à cause des interrelations entre les niveaux, les secteurs de gouvernement où il y a nécessairement des intérêts qui sont mis en cause régulièrement, on n'a pas le droit - c'est votre devoir d'État d'y être - de s'abstenir de ces rencontres qui touchent ces choses, mais cela nous a permis, je le répète, d'élaguer un certain nombre de choses qui étaient inutiles, qui le sont et qui entraînent une perte de temps, une perte d'énergie, une perte d'argent même qui a quand même son importance. (16 h 15)

C'est ainsi, par exemple, que, depuis deux ou trois mois, je pense que la moitié -je parle au niveau ministériel - sauf erreur, des convocations auxquelles on doit normalement répondre ont été acceptées. Autrement dit, on a participé, et pour à peu près la moitié, on a trouvé que c'était complètement inutile, personne ne s'en est même aperçu et je vous jure que cela n'a affecté d'aucune façon les intérêts du Québec.

Cela étant dit, la dimension économique, on en a parlé tout à l'heure avec le député de Jean-Talon, on se retrouve à rejoindre avec le chef de l'Opposition, par la bande, le même sujet, qui est évidemment au coeur même des intérêts du Québec et que privilégie actuellement, pendant les premiers mois de son mandat, le ministre des Affaires intergouvernementales, ce qui explique, par exemple, les voyages dans l'Ouest - aussi, quand un nouveau ministre des Affaires intergouvernementales arrive en poste, il est assez normal qu'il prenne contact avec ses homologues, parce qu'il y a continuellement de possibles tractations, enfin, il faut se connaître un peu - c'était axé et c'est axé encore et surtout sur des préoccupations économiques qui sont centrales pour tout le monde en ce moment.

L'explication essentielle du voyage dans l'Ouest, entre autres, d'un ou deux voyages à Toronto - je prends seulement ceux-là - était à la fois une prise de contact avec des homologues, ce qui, je crois, est normal et classique, et une préoccupation centrale, qui était les relations économiques et les possibilités de ce côté.

Par exemple, le chef de l'Opposition mentionnait l'Ontario. Quelles que soient les questions constitutionnelles, quel que soit l'état dans lequel elles se trouvent, l'Ontario, qui est notre voisin immédiat, représente un peu plus de la moitié d'environ 15 000 000 000 $ d'échanges annuels entre le Québec et l'Ontario. Il vient à peu près 8 000 000 000 $ de l'Ontario et il en part 7 000 000 000 $ du Québec.

Il est évident que, quelle que soit l'évolution des choses constitutionnelles, ce sont des liens qui sont là, qui sont concrets, qui sont entre les entreprises, qui sont entre des villes métropolitaines comme Toronto et Montréal et qui, par conséquent, ont besoin d'être entretenues, dans l'intérêt des deux parties, si on veut. Autrement dit, je ne vois rien là, et cela va continuer comme cela. Il n'y a pas de raison pour que cela ne continue pas.

M. Ryan: Du côté de l'Ouest, j'aimerais qu'on prenne chacune des grandes régions l'une après l'autre, parce que ce sont des sujets dont nous n'avons jamais eu l'occasion de discuter en Chambre. Du côté de l'Ouest, est-ce que le ministre des Affaires intergouvernementales a rapporté des horizons nouveaux, des perspectives de relations économiques plus développées, par exemple dans le domaine pétrolier, dans le domaine du gaz?

M. Lévesque (Taillon): Pas nécessairement. Quand il s'agit de choses concrètes - on en parlait avec le député de Jean-Talon tout à l'heure, là encore, on se recoupe un peu, mais enfin - au point de vue économique, que ce soit dans l'Ouest ou n'importe où dans le monde, il y a un relais que le ministère des Affaires intergouvernementales doit faire forcément. Il doit d'abord le faire avant de partir et il doit le faire en revenant pour quelque perspective que ce soit avec le ministère concerné au point de vue sectoriel.

Prenons, par exemple, l'Alberta. Il est évident qu'avant d'aller en Alberta, où il rencontrait entre autres M. Lougheed et son homologue, le ministre des Affaires intergouvernementales a eu - je pense que l'expression anglaise est assez courante - un "briefing" aussi complet que possible de la part des gens de l'Énergie et des Ressources, avec les notions aussi que peuvent véhiculer des entreprises d'État comme SOQUEM, entre autres, ou SOQUIP. Ensuite, en revenant, il a fait un rapport et il a fait le point, je me souviens de l'avoir lu et discuté avec lui. Cela ne dégageait pas de perspectives nouvelles, concrètement, mais cela nous permettait de voir où on en était, quelle était la situation.

Pour vous donner un exemple très

simple, on a appris - cela a permis de confirmer, tout en espérant que cela n'irait pas trop loin, parce que cela implique les chantiers maritimes, ici à côté de Québec, à Lauzon - que Dome Petroleum était plus concrètement encore qu'on le savait en difficulté, c'est le moins qu'on puisse dire, enfin touchons du bois. C'est un exemple.

M. Ryan: Du côté d'Ottawa, M. le premier ministre, au point de vue constitutionnel - on va ensuite parler des relations économiques à propos du programme d'action économique que nous attendons de votre gouvernement - il y a deux ouvertures au moins apparentes qui vous été faites, une par M. Trudeau et une par le ministre des relations fédérales-provinciales, je crois, de l'Ontario demandant que...

M. Lévesque (Taillon): Je pense que c'est plutôt le contraire. M. Wells a plutôt fermé la porte un peu tandis que c'est M. Davis qui avait fait semblant de l'ouvrir, mais, enfin, cela n'a pas d'importance.

M. Ryan: Cela se peut très bien. Je ne suis pas les déclarations de chacun dans tous les détails.

M. Lévesque (Taillon): Moi non plus.

M. Ryan: Est-ce que vous entendez faire quelque chose à propos de ces ouvertures ou si vous trouvez que ce sont des paroles qui ne méritent pas d'avoir beaucoup de lendemain? Ou encore vous êtes complètement satisfait en particulier de la formule d'amendement si proche de celle que vous avez déjà signée le 16 avril dernier.

M. Lévesque (Taillon): Vous appelez cela proche?

M. Ryan: Est-ce que vous seriez intéressé à revenir à une formule un peu plus sérieuse pour le Québec?

M. Lévesque (Taillon): Vous appelez cela proche? Cela veut dire qu'on n'a pas le même sens des distances. Pour ce qui est de ces "ouvertures" de M. Trudeau, je trouve cela, je dois dire que ce n'est pas la première fois que cela lui arrive, mais je trouve cela proprement insultant pour l'intelligence, ce qu'on a appelé des ouvertures. C'est curieux que beaucoup de gens qui ont parlé d'ouvertures ne se sont même pas donné la peine de lire la transcription de l'émission où cela a été lancé comme balloune, l'émission qui s'appelle "Les lundis de Pierre Nadeau" et que je me suis tapée au complet. Quand je suis arrivé à ce qu'on a appelé l'ouverture, il fallait lire quand même, n'importe qui qui sait lire sait que c'était rire du monde en pleine face. L'animateur, M. Nadeau, avait posé une question en disant: Est-ce qu'il serait possible de concevoir que, après tout vous pourriez rectifier et je rejoins la deuxième partie de votre question, vous pourriez rectifier, M. le premier ministre fédéral, l'espèce d'effilochage que vous avez fait de la formule qui avait été conçue par les huit provinces, en particulier du côté de la compensation financière et je pense qu'il y avait un autre point qui était évoqué? M. Trudeau est passé complètement à côté de la question et dit: Évidemment, je suis toujours ouvert à certaines choses, etc. Par exemple, on pourrait revenir à la formule que je préfère, la formule de Victoria. Autrement dit, rire du monde en pleine face et quand M. Nadeau, si j'ai bonne mémoire, a insisté pour avoir une réponse plus précise, tout ce qu'il a eu, c'est un escamotage et aucune réponse. Depuis, c'est exactement l'état de la situation et je pense que cela correspond, et je vais le dire comme je le pense, cela correspond aux conclusions d'un sondage fédéral fait avec les fonds publics, comme d'habitude, qui a été rendu public grâce à une fuite provoquée par le Parti conservateur, parce qu'on s'était servi juste de quelques chiffres de ce sondage, on ne s'était pas servi de tout. C'était un sondage, je pense, commandité il n'y a pas longtemps par le truc de l'unité canadienne - enfin, je ne me souviens pas du nom exact - qui est largement, grassement financé par les fonds publics fédéraux, c'est-à-dire les fonds publics de tous les Canadiens, dont une des conclusions, et cela coïncidait si admirablement que je pense qu'on ne peut pas se rattacher à autre chose, était, après "la sale job", enfin, je le dis comme je le pense, ce n'est pas comme cela que c'était exprimé, mais après ce que vous avez fait au Québec et aux Québécois depuis un an ou deux, il semble se dégager de notre sondage que les attitudes fédérales, pas seulement les politiques, mais les attitudes fédérales devraient être adoucies de façon à présenter, si vous voulez, le régime sous son meilleur jour, sous un jour plus souriant.

Alors, M. Trudeau a trouvé drôle, je pense, de profiter d'une émission pour faire semblant et depuis ce temps-là on n'a jamais eu aucune précision. Moi, à mon humble avis, c'était rire du monde.

M. Ryan: Et il ne vous est pas venu à l'idée de lui écrire officiellement pour lui demander des précisions?

M. Lévesque (Taillon): Si j'en trouve le temps, peut-être un de ces jours.

M. Ryan: Ce n'est pas une chose pressée. Ce n'est pas une priorité.

M. Lévesque (Taillon): Non, cela n'a pas

l'air d'être une priorité pour le premier ministre fédéral en question non plus.

M. Ryan: Quand le ministre des Affaires intergouvernementales est allé dans l'Ouest et à Toronto, est-ce que vous lui aviez donné le mandat d'explorer, entre autres, la possibilité d'accords de réciprocité pour faire en sorte que la "clause Canada" puisse s'appliquer? Est-ce qu'il vous a apporté des nouvelles à ce sujet-là?

M. Lévesque (Taillon): Non, je dois dire, écoutez, je pourrais revérifier parce que j'ai eu les rapports de mission de M. Morin mais, si j'ai bonne mémoire, non. Cela a été évoqué, enfin, par la bande du côté linguistique, je pense, dans certaines rencontres privées, je ne peux pas donner de compte rendu parce qu'après tout il s'agissait de rencontres privées avec des interlocuteurs qui ont droit à leur propre version, entre autres, avec M. Davis et M. Wells, ministre des Affaires intergouvernementales, autour et alentour de choses qu'on connaît bien comme, par exemple, l'article 133, aussi, je pense, indirectement, l'effort de l'Ontario, etc. Autrement dit, le sujet a été quelque peu évoqué indirectement, mais je ne pense pas que ce soit allé plus loin. Jusqu'à nouvel ordre, en tout cas, je pense que c'est cela.

M. Ryan: M. le ministre n'avait pas reçu de mandat de soulever ce problème de manière explicite.

M. Lévesque (Taillon): II n'en a pas besoin là-dessus. Si l'occasion se présente, cela reste - écoutez, cela fait partie de la loi 101 - dans les perspectives que nous-mêmes avons dessinées.

M. Ryan: Si on allait faire un tour du côté de l'est du pays un petit peu, du côté de Terre-Neuve, pour terminer des choses. Quand on a un débat sur vos motions, on ne peut pas débattre beaucoup, parce que c'est une série de monologues qui font suite les uns aux autres, malheureusement. Il y a une question que j'aimerais bien vous poser à ce sujet. Le problème de la validité de la loi adoptée par la Législature de Terre-Neuve est maintenant rendu à l'étape de la Cour suprême, si j'ai bien compris. La Cour d'appel de Terre-Neuve a rendu un jugement entièrement favorable à la thèse terre-neuvienne.

M. Lévesque (Taillon): Un peu tronqué, mais enfin...

M. Ryan: Vous pourrez commenter tantôt, si cela vous intéresse d'entrer dans le processus judiciaire.

M. Lévesque (Taillon): Quand les jugements sont rendus, je pense qu'on a droit à nos réactions.

M. Ryan: On aimerait bien l'entendre, mais la question que je voudrais vous poser, c'est la suivante: Dans l'hypothèse où la Cour suprême entérinerait l'avis exprimé par les deux tribunaux antérieurs qui ont été appelés à se prononcer sur le litige, quelle stratégie le Québec va-t-il déployer pour défendre les meilleurs intérêts du Québec et éviter que ce volume d'énergie électrique que nous importons de Terre-Neuve qui représente à peu près, si mes informations sont exactes, quelque chose comme 30%...

M. Lévesque (Taillon): À peu près, je pense. Je ne suis pas sûr.

M. Ryan: ... de notre consommation totale à l'heure actuelle, de l'électricité qui est en circulation au Québec...?

M. Lévesque (Taillon): La disponibilité totale, je pense que c'est plus proche du quart, mais enfin, c'est énorme.

M. Ryan: Je crois que le ministre de l'Énergie et des Ressources s'approche de vous. C'est très bien.

M. Rivest: Le René Lévesque des temps modernes.

M. Lévesque (Taillon): Une seconde, on va avoir...

M. Ryan: Très bien.

M. Lévesque (Taillon): À l'heure actuelle, c'est à peu près 22% ou 23% de disponibilité et ce serait à l'horizon de 1990, 4900 mégawatts sur 33 000; alors, ce serait probablement le septième, quelque chose comme cela. Maintenant, pour ce qui est de la stratégie...

M. Ryan: Vous avez fait des déclarations à New York lorsque vous êtes allé signer le contrat d'exportation.

M. Lévesque (Taillon): J'en ai fait d'autres tout à l'heure en Chambre, mais le chef de l'Opposition ne m'a pas fait l'honneur d'être là.

M. Ryan: Malheureusement, j'aurais aimé y être, mais j'étais retenu à mon bureau.

M. Lévesque (Taillon): D'accord.

M. Ryan: Ce n'était pas le meilleur.

M. Lévesque (Taillon): On a nos bons jours et nos mauvais jours. Ce n'est pas à

moi de juger. Mais, je reviens à la question fondamentale du chef de l'Opposition et je vais passer rapidement la parole à mon collègue de l'Énergie et des Ressources parce que, après tout, il suit le dossier tous les jours, comme c'est son devoir d'état. Je pense qu'on est à peu près rendu à la Cour suprême. Les délais, je ne sais ce qu'ils seront, mais je dois dire que le jugement de la Cour d'appel de Terre-Neuve, ce que les gens appellent leur Cour d'appel, nous a paru tronqué; je l'ai dit. Le ministre de l'Énergie et des Ressources pourra souligner que cela touchait surtout un point, mais certains autres points étaient laissés, si vous voulez, dans l'obscurité. Enfin, le jugement n'y touchait pas. Je ne dis qu'on les escamotait, mais... Autrement dit, c'est loin d'être terminé, même au point de vue judiciaire.

Deuxièmement, je ne sais pas, je ne pense pas que ce soit demain la veille. Troisièmement, si jamais, je prends l'hypothèse du chef de l'Opposition, à cause de l'importance décroissante de l'apport de Churchill Falls, si jamais cette hypothèse se réalisait, sans entrer dans le détail - ce n'est pas le moment - je ne pense pas que le Québec soit la pire victime, loin de là. J'ai l'impression que c'est Terre-Neuve qui serait victime de son propre pétard, comme on dit en anglais. Il y a des pétards qui nous sautent dans la face quand on n'y fait pas attention.

Je n'entrerai pas dans le détail: si le ministre de l'Énergie veut ajouter ce qui lui paraît pertinent. (16 h 30)

M. Duhaime: II y a une chose que je dirais en réponse au chef de l'Opposition, c'est qu'il serait exclu pour nous, en tout cas, qu'on fasse de la stratégie à ciel ouvert. Jusqu'à nouvel ordre, la stratégie de M. Peckford et de M. Marshall, selon qui gagne ou qui perd en Cour suprême, cela va finir un jour. Le seul problème, c'est le nombre d'années. Il est évident que les juristes au ministère de l'Énergie et des Ressources, au ministère de la Justice et à Hydro-Québec ont étudié l'ensemble du dossier. La stratégie judiciaire qui va être déployée devant la Cour suprême et même après le jugement de la Cour suprême sera connue en temps et lieu. Je pense que cela ne serait pas de bonne guerre de notre part de dévoiler nos batteries à l'avance et je pense bien que le chef de l'Opposition ne nous en fera pas le reproche, non plus. Je suis parfaitement d'accord avec son intervention sur le fond sur la motion qui était en débat à l'Assemblée nationale. On était d'accord sur au moins sept des points que vous avez soulevés. Ce que je ne comprends pas, c'est votre position d'abstention.

Je vais essentiellement rappeler que la position du Québec est une position d'ouverture, d'esprit ouvert, de négociation. Cela serait le bout du ridicule de simplement déchirer un contrat signé entre des parties de bonne foi. Je pense que, sur cela, il y a quelque chose d'intéressant qui a été dit à Ottawa par le ministre de l'Énergie, mon collègue, M. Marshall, lorsqu'il a témoigné devant le comité parlementaire. Vos recherchistes vont retrouver cela à la page 2622, le 25 mai 1982. Je voudrais juste en lire un extrait. Son intervention ne portait pas directement sur la question du litige avec Québec, mais sur la question de l'ensemble du litige sur la question des droits miniers sous-marins qui est en difficulté actuellement avec le gouvernement fédéral. Ce n'est pas une phrase que je veux citer hors contexte, cela s'applique très bien à la discussion que nous avons actuellement. J'ai la traduction française, c'est M. Marshall qui parle et il dit: "Personne qui soit sain d'esprit n'entreprend des négociations et conclut des accords si ceux-ci peuvent, en fin de compte, être abrogés." Si cela vaut pour lui, cela vaut pour nous. Je l'ai indigué tout à l'heure à l'Assemblée nationale, on va avoir l'occasion, bientôt, de revoir M. Peckford et, sans doute, M. Marshall à la prochaine rencontre annuelle des premiers ministres et des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre lors de laquelle j'accompagnerai M. Lévesque.

Je profite de l'occasion pour dire que j'aurais aimé que le chef de l'Opposition soit présent en Chambre. Je comprends que vous ne pouvez pas être à deux places en même temps, vous non plus, et je crois même qu'on vous demandait à trois endroits aujourd'hui.

Ce que je dis essentiellement, c'est que nous allons réitérer cette position d'ouverture. Il y a une grande différence, cela a été souligné récemment, entre une position de négociation et une reddition totale. Quand vous poussez la reddition au point de dire: Nous sommes maintenant disposés à vivre avec les effets juridiques de la décision du comité judiciaire du Conseil privé de 1927, je dis que vous m'inquiétez drôlement parce que tous les premiers ministres en droit n'ont jamais reconnu cette frontière. On ne fera jamais de geste gratuit; je pense que M. Lévesque l'a indiqué très clairement sur cela. La situation de facto, c'est une chose, la situation de jure, cela en est une autre. Je l'ai dit tout à l'heure à l'Assemblée nationale. On est prêts à négocier, pour l'instant on est dans un cadre fédéral canadien. Vous connaissez les intentions de notre parti et c'est aussi la position de notre gouvernement. On négociera en temps utile. Peut-être qu'un jour on pourra le régler, mais en vertu d'un autre système de droit qui sera peut-être de droit international public, on verra.

M. Ryan: Maintenant, si vous me

permettez sur cela, vous m'ouvrez une porte très intéressante. Je suis bien content que vous l'ayez fait à part de cela. On va clarifier les choses. Quand M. le premier ministre a signé, le 16 avril, la formule d'amendement qu'il affectionne spécialement, il y avait deux articles dans cette formule qui étaient à toutes fins que de droit...

M. Lévesque (Taillon): Je dois dire au chef de l'Opposition, juste en passant, parce qu'on est un peu en porte à faux aujourd'hui, on est là et on n'est pas là. Il y a le député de Brome-Missisquoi, je pense, qui a fait un plat avec cela. Je ne sais pas, on peut le répéter ici.

M. Ryan: Je pense que ce n'est pas mauvais parce que vous n'étiez pas là pour lui répondre ou ensuite en vertu de notre système.

M. Lévesque (Taillon): D'accord.

M. Ryan: II y a deux articles dans cette formule d'amendement qui touchent directement la question dont vient parler le ministre de l'Énergie et des Ressources. Il y a d'abord un article qui dit: Si un amendement est fait concernant les pouvoirs, les droits de propriété, les attributions d'une province et que la Législature de cette province, par une résolution adoptée à la majorité s'y oppose, cet amendement n'a point d'effet dans la province en question. Si cela n'est pas implicitement reconnaître que Terre-Neuve peut s'asseoir sur sa frontière, sur les droits de propriété qui lui ont été reconnus par la décision de 1927 et par la loi de 1949 qui définissait les conditions de son entrée dans la fédération canadienne, cela ne veut rien dire.

Il y a un autre article dans la formule d'amendement qui va plus loin, et qui dit: Tout problème qui peut se poser entre deux ou plusieurs provinces, y compris les problèmes touchant des questions de frontières, ne peut être réglé que sur résolution du Parlement du Canada, du Sénat du Canada et de la Législature de chacune des provinces concernées. Ce qui veut dire, par conséquent, que le régime dans lequel nous sommes est celui de la loi de 1949, auquel le Québec, à l'époque, ne s'est même pas opposé, pas plus un parti d'un côté de la Chambre que de l'autre. C'est dans notre loi, c'est dans notre constitution canadienne; le contrat de Terre-Neuve en faisait partie, c'est une annexe qui est venue s'ajouter en 1949.

Vous autres, en acceptant cette formule, vous acceptiez tout cela. Aujourd'hui vous venez nous dire: nous, les défenseurs de la vertu patriotique, de l'intégrité territoriale; c'est de la vraie comédie, c'est de la vraie rhétorique. C'est là que nous nous opposons, nous voulons la vérité des faits. Nous reconnaissons très bien que le tracé établi par la décision de 1927 était un tracé sujet à éclaircissement, un tracé qui est source de difficultés, un tracé dont le contour ou les limites doivent être réexaminées par la voie de négociations politiques. Par la voie de négociations politiques, nous le reconnaissons très bien et nous disons: plus nous pouvons aller en chercher, c'est tant mieux. Mais nous savons tous au départ que, de l'autre côté, il y a un droit de veto véritable, un droit de veto consacré à la fois par la constitution du pays dont nous faisons partie et par des actes qui ont été faits par le chef du gouvernement lui-même au cours des derniers mois.

M. Lévesque (Taillon): M. le chef de l'Opposition. M. le Président, pardon. Je pense qu'on retourne à ce que déplorait, lui-même, le chef de l'Opposition. On s'en va plutôt vers des monologues que vers une discussion vraiment factuelle. Je ferais remarquer au chef de l'Opposition une chose qui me frappe, en anglais, on appelle cela un "red herring" c'est-à-dire quelque chose qui déguise le fond de la question. Fortier a tout ce problème du Labrador et la commission Dorion aussi, etc. au moment où, à propos de ces damnés corridors potentiels, il y a une motion devant la Chambre et où devant le Parlement fédéral, il y a le bill C-108 qui est un accroc sans précédent, encore une fois, cette fois au point de vue territorial, au point de vue de certaines des lois fondamentales du Québec: environnement, terres agricoles, aménagement. Au moment où cela doit être discuté et où il y a une motion devant la Chambre pour laquelle on comptait, c'est peut-être la dernière fois qu'on le fera, sur la possibilité d'avoir une sorte de réaction québécoise authentique de la part de l'Opposition, au moment où on est devant cela spécifiquement, de commencer à nous refaire le procès des histoires de 1927 et de ce qui est arrivé depuis, cela me paraît être un peu une sorte de camouflage.

Cela étant dit, depuis 1949, sur le régime actuel, la commission Dorion a parfaitement bien conclu là-dessus. Seulement, je viens de relire le rapport de la commission Dorion et ses conclusions. Il y a des choses qu'on oublie, mais qui valent la peine, on y reviendra au besoin. C'est sûr qu'au point de vue juridique, dans le contexte actuel, il est parfaitement vrai que, depuis 1949 - je n'étais pas là - on a accepté Terre-Neuve dans la confédération, dans le système fédéral, Terre-Neuve avec son Labrador. Alors, il n'y a rien de nouveau dans le fait que, dans le régime actuel, mais devant le mur judiciaire ou juridique où l'on se trouve, dans ce qu'on a signé le 16 avril, il n'y a rien de nouveau, c'est la même chose, on n'y peut rien.

On a, contrairement au chef de l'Opposition, une perspective - on verra si cela se réalisera - elle est légitime autant que la vôtre, une perspective de changer de régime pour le Québec. Dans cette éventualité, dans cette perspective, il y a, comme le dit le ministère de l'Énergie et des Ressources, sans se faire d'illusions, sans rêver en couleur, mais il y a quand même une ouverture qui s'appelle le droit international public qui laisse la possibilité à certaines portes de correction possibles de s'ouvrir. Le chef de l'Opposition peut bien rigoler s'il le veut, mais il me semble que dans l'intérêt du Québec, il est absolument injustifiable de faire le genre de reconnaissance a priori qu'ils ont proposé, lui et le député d'Outremont, récemment. Enfin, chacun a son opinion.

M. Ryan: Je vais vous dire une chose, c'est beaucoup plus vous et votre gouvernement qui êtes à la recherche d'îles Malouines que l'Opposition; au contraire, nous cherchons la conciliation par tous les moyens. Nous ne cherchons pas à entretenir des préjugés; au contraire, nous essayons de les faire tomber, à la lumière de la réalité historique, de la réalité juridique et de la réalité politique. Je vais vous dire une chose, à propos de cet argument que vous invoquez dans "Derniers retranchements". Vous dites: On va soumettre cela aux tribunaux internationaux. D'abord, cela prend l'accord des deux parties pour le soumettre à des tribunaux internationaux. Jamais Terre-Neuve - vous le savez bien - au point de vue politique, ne va accepter, après que ce territoire a été le sien depuis 50 ans, d'aller devant les tribunaux internationaux. Si jamais, elle acceptait d'y aller, elle va évoquer tels mandats qui ont été faits par les gouvernements du Québec et par le vôtre encore, avec cette formule d'amendement, à l'appui de sa thèse, et on sera mal placés, signature en bonne et due forme, ce qui implique exactement ces conséquences. Si vous voulez, on peut quitter ce sujet, on peut le quitter le sujet, si vous voulez, mais...

M. Lévesque (Taillon): Je m'excuse. Je m'excuse.

M. Duhaime: La cour est en train de se vider, M. le chef de l'Opposition.

M. Rivest: La cause est entendue, je pense.

M. Lévesque (Taillon): II y a deux choses que je soulignerais, mais je n'en ferai pas un plat. Premièrement, le rapprochement avec les îles Malouines, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il manque un peu d'élégance et pour les gens qui sont en train de s'entretuer à ce point de vue et aussi pour le respect qu'on doit avoir pour la mémoire historique des gens; cela date d'encore plus longtemps que le Labrador, pour ces gens. Ce n'est pas à nous de les juger, je pense, comme si on expédiait cela du revers de la main. Il me semble que c'est suffisamment douloureux à beaucoup de points de vue, pas seulement politiques, pour qu'on ne joue pas avec cela.

Deuxièmement, je dirai simplement qu'en ce qui concerne les tribunaux internationaux, c'est vrai, la tradition, c'est que les deux parties doivent se mettre à table, accepter de se mettre à la table. On a déjà vu des choses évoluer. On est dans un monde de changements. On a déjà vu, dans un donnant donnant, qui implique les intérêts de Terre-Neuve, qui est impliquée d'ailleurs dans certaines des négociations qu'on lui a proposées, que des choses puissent être rectifiées, qui étaient injustes, parce que les gens peuvent évoluer. Je ne dis pas que M. Peckford promet une évolution rapide en ce moment, mais lui comme d'autres sont... On passe tous.

M. Ryan: Alors, on peut passer à un autre sujet, celui-ci ne pouvant pas être vidé cet après-midi.

M. Lévesque (Taillon): Non, on ne le videra pas.

Programme d'action économique

M. Ryan: Non, on va vous laisser vos espoirs vagues. Un sujet qui intéresse nos concitoyens d'une manière très immédiate, je pense que c'est le programme d'action économique que le gouvernement doit nous livrer je ne sais pas quand, mais j'aimerais savoir où en est le gouvernement dans la préparation de ce programme d'intervention pour stimuler l'économie.

M. Lévesque (Taillon): Ce que je pourrai dire simplement, c'est ceci. J'ai bon espoir, tous les fils ne sont pas attachés, je dois le dire au chef de l'Opposition, je le répète, tous les fils ne sont pas attachés et il y a des fils assez importants, alors, je pense que je ne pourrais pas aujourd'hui entrer dans le détail au-delà de ce qui a été dit déjà, sauf ceci, c'est que j'ai bon espoir, je n'en fais pas un engagement, parce que je ne peux être absolument sûr, mais j'ai bon espoir, et cela prendrait probablement la forme d'une déclaration ministérielle avec, ensuite, toutes les explications qui sont nécessairement indiquées sur tel ou tel programme, mais encore une fois, j'ai bon espoir que, la semaine prochaine, peut-être tôt la semaine prochaine, on pourra déclencher publiquement ce programme - de relance serait peut-être trop prétentieux - de

maintien et de stimulation de l'emploi assez diversifié.

Il y a entre autres un gros morceau qui, comme vous le savez, a été évoqué depuis le sommet de Québec au début d'avril et qui serait là vraiment une relance de l'industrie de la construction domiciliaire on l'espère en tout cas. Il s'agissait aussi d'une certaine ouverture à quelque chose d'assez exceptionnel, enfin qu'on peut dire presque sans précédent, qui serait une sorte de solidarité de divers secteurs concernés.

Parmi ceux qui étaient impliqués, qui s'étaient un peu mouillés mentionnons pour commencer le président de la FTQ, M. Laberge, qui avait évoqué l'idée, ensuite, des institutions financières. On se souviendra aussi de la réaction positive de M. Blais, du Mouvement Desjardins, des municipalités, bien sûr, puisque M. O'Brady, qui était là, a lui aussi d'emblée applaudi à cette idée, pourvu qu'on puisse la réaliser. Pas mal de rencontres ont été faites, enfin on peut dire qu'à peu près toutes les rencontres requises ont été faites. Le ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur, en a fait état, je pense. À la dernière période des questions, non, celle d'hier, j'ai dit: Je dois m'en tenir à cela pour l'instant en attendant que, peut-être et je dirais même très probablement la semaine prochaine, on pourra dire où on en est, lancer un certain nombre de choses, quitte à en ajouter en cours de route avec les moyens du bord. (16 h 45)

M. Ryan: Est-ce que vous avez des négociations avec le gouvernement fédéral au sujet de la participation éventuelle de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, entre autres, dans ce programme?

M. Lévesque (Taillon): Sur ce plan spécifique, ça n'a pas été évoqué, mais il n'y a rien qui exclut que ça puisse être ajouté. Par ailleurs, il y a eu pas mal de rencontres avec des résultats qui pour l'instant sont encore aléatoires. En ce qui concerne cet aspect qui est plus spécifiquement fédéral, il s'agit de l'emploi des gens qui reçoivent l'assurance-chômage, qu'on appelle le programme Axworthy, et on donnera le résultat la semaine prochaine de cela comme du reste.

M. Ryan: Juste à propos de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, vu que vous parlez du volet habitation du programme d'intervention économique du gouvernement, est-ce que vous savez combien d'argent le Québec a perdu, depuis six ans que vous êtes au pouvoir, au titre des budgets de la Société canadienne d'hypothèques et de logement faute d'avoir présenté des programmes qui auraient été admissibles à ces...

M. Lévesque (Taillon): Je pense que ce n'est pas tout à fait "fair play", je dois dire, parce que c'est une question qui n'a rien à voir directement avec les crédits. Cela fait flotter quelque chose qui va peut-être faire un petit titre ou un sous-titre quelque part, mais j'avoue que je ne trouve pas cela correct parce que si on nous avait avertis... Vous nous aviez demandé des choses et on a envoyé une brique pour les choses qui étaient prévisibles. Si on s'en tient aux crédits ou même aux sujets généraux, ça va, mais, franchement, je trouve que ce n'est pas correct. Je peux vérifier, mais je n'ai pas l'impression que c'est très substantiel ce qu'il y a derrière la question du chef de l'Opposition.

M. Ryan: Je vais vous donner un montant, sous réserve de vérification par vos experts, vos services...

M. Lévesque (Taillon): Cela fera un petit titre demain et la rectification, comme c'est le chef de l'Opposition, ancien journaliste...

M. Ryan: Je ne pense pas...

M. Lévesque (Taillon): La rectification, s'il y en a une, sera à la page 28, quelque part près de la nécrologie.

M. Ryan: M. le premier ministre, moi, je ne suis pas obligé de chercher les titres, j'ai ceux que je ne souhaiterais pas avoir.

M. Lévesque (Taillon): D'accord, il y a au moins cela, on ne peut pas toujours choisir.

M. Ryan: II y a un lien important avec ce que nous avons discuté plus tôt. Je vous disais tantôt que nous voulions discuter de la coopération économique du gouvernement du Québec avec le gouvernement fédéral, et vous avez dit que nous allions réserver ce volet pour la discussion du programme d'intervention économique. Évidemment, le volet habitation est un volet important, et ce que j'ai constaté, en faisant des recherches sur ces données-là, c'est que le Québec aurait perdu, d'après mes chiffres à moi, mais j'en ai entendu d'autres, j'avais entendu le chiffre de 350 000 000 $, mais mes chiffres à moi seraient plutôt de l'ordre de 150 000 000 $, sous réserve de rectification ou de correction là-desssus.

Cela s'établit comme suit: Le Québec a 26% de la population du Canada, nous avons eu en moyenne à peu près 16% des sommes mises à la disposition des provinces par la société canadienne. Est-ce que c'est une priorité de votre gouvernement de rouvrir ce dossier-là afin que nous allions chercher notre pleine part dans toute la mesure où

c'est possible, dans toute la mesure où ça dépend de nous autres?

M. Lévesque (Taillon): Est-ce que je pourrais dire une chose? Je vais être obligé de répondre de façon générale au chef de l'Opposition parce que, encore une fois, j'aurais eu beaucoup de plaisir à avoir certaines de ses questions qui ne sont pas directement reliées aux crédits et qui nous auraient été préposées de façon qu'on puisse préparer les réponses, parce ce ne sont pas les crédits du ministère du Conseil exécutif.

Je dois dire ceci de façon générale au chef de l'Opposition: Vous savez, si vous dites 16%, c'est curieux comme cela me rappelle un souvenir global, oui, c'est que par rapport à la proportion de la population canadienne - je laisse de côté la conjoncture pétrolière depuis les années 1973-1974 - mais dans l'ensemble des dépenses qu'on peut appeler statutaires du gouvernement fédéral, très souvent, on retrouve des chiffres de ce genre-là: pour 27%, 28%, aujourd'hui 26 1/2% de la population, 16% des dépenses fédérales, et je dois vous dire que ça existait avant nous et que ce n'est pas plus la faute des anciens gouvernements que la nôtre. C'est malheureusement une tendance ancrée dans la façon de distribuer les budgets, les contrats, les achats, les jobs, le développement au Canada. C'est que le Québec, comme d'ailleurs souvent les Maritimes - il y a d'autres compensations pour les Maritimes, elles sont un peu sur l'assistance sociale fédérale - mais le Québec a toujours eu ou à peu près toujours moins que sa part. Ce n'est pas nouveau, si c'est vrai ce que dit le chef de l'Opposition.

Je prends le cas courant. On vient de parler du programme Axworthy, ce programme de mise au travail avec un certain supplément des gens qui touchent déjà l'assurance-chômage, ce qui évidemment coûte le moins cher possible comme élément de relance au gouvernement fédéral. Cela, je le comprends. Ce programme Axworthy, l'Ontario était déjà au courant et sauf erreur le Nouveau-Brunswick. Ils étaient déjà en train de faire des pourparlers avant même qu'on l'ait appris. Je ne dis pas même officiellement, avant même qu'on ait été consulté pour savoir s'il y avait quelque chose qui pouvait nous intéresser là-dedans. Alors, certains morceaux de ce programme-là étaient déjà prêts à se mettre en marche, pour ce que cela vaut, en Ontario, au moment où le Québec n'était même pas au courant. Cela est, on peut dire, une sorte de pratique courante. Pour l'instant, je ne peux pas aller plus loin. Dans le cas de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, il faudrait que je vérifie.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, ce dont le chef de l'Opposition vient de faire la démonstration, c'est qu'il est capable de faire une règle de trois. Il n'a pas du tout fait la démonstration que, par négligence, le Québec n'est pas allé chercher de l'argent qui était disponible. Ses 16% et ses 25% ne correspondent pas aux réalités. Les réalités, c'est que les programmes de la Société canadienne d'hypothèques et de logement ont été établis sans consultation poussée avec le Québec. Ils ont été inspirés principalement par les besoins de l'Ontario. Le chef de l'Opposition devrait savoir qu'il y a des différences importantes dans les habitudes de vie des Ontariens et celles des Québécois par rapport à l'habitation. En Ontario, il y a une proportion beaucoup plus forte de propriétaires. Au Québec, il y a une très forte proportion de locataires.

Je ne sais pas si vous avez déjà examiné - cela a peut-être évolué un peu -les types de maisons que la SCHL proposait il y a quelques années. C'étaient des maisons inspirées d'on ne sait où, sûrement pas du Québec, peut-être de Californie ou de l'Ontario, qui ne correspondaient pas du tout au goût des familles québécoises, des maisons sans cuisine, des maisons où il y avait un petit recoin pour mettre la cuisinière et pas de cuisine, alors que, de tout temps, les familles québécoises ont tenu à avoir la cuisine comme élément important de la maison.

Il y a un certain nombre de raisons factuelles comme celles-là qui font que ces programmes n'ont pas été établis de façon à correspondre aux besoins du Québec. S'il y avait eu négligence de la part du gouvernement du Québec, cela remonterait à beaucoup plus loin qu'à notre temps; cela remonterait au temps où des gouvernements du Québec n'ont pas réussi à convaincre Ottawa de faire en sorte que la Société canadienne d'hypothèques et de logement travaille pour le Québec comme pour les autres provinces.

M. Lévesque (Taillon): D'ailleurs, je soulignerai une chose qui se trouve globalement à incorporer ce que vient de dire le député de Deux-Montagnes. Je ne sais pas si le chef de l'Opposition se souvient d'avoir lu - on n'en a pas fait un plat énorme, mais, entre nous, c'était une énorme révélation - il y a un certain nombre de mois - je ne me souviens plus exactement quand, mais c'était frappant - un aveu qui était dans une étude faite au fédéral sur les façons de procéder dans le domaine fédéral-provincial avec des programmes, des mises au point de perspectives nouvelles, tout ce qui continue à se produire, comme jamais auparavant, en ce moment. L'aveu de ces gens, au fédéral - ce n'est pas nous qui l'inventons - était qu'en ce qui concerne le

Québec, ses priorités, une certaine compréhension réciproque qui est absolument essentielle si on veut s'entendre et que cela produise des résultats, cela avait toujours été le cadet de leurs soucis. C'était vraiment une tradition établie que le Québec n'était pas consulté. Arrange-toi avec tes troubles, mais on consulte là où on doit, à commencer par l'Ontario. On sait qu'il y a une ligne directe entre Toronto et Ottawa à beaucoup de points de vue; le recrutement des hauts fonctionnaires, l'espèce de mafia, le "family compact" qui s'établit, mais tout cela a comme résultat - c'est ce qui a été souligné par cet aveu; je pense que le chef de l'Opposition a dû le noter - que la consultation avec le Québec, c'était quand il restait du temps et si on y pensait.

M. Ryan: Là vous faites allusion à une étude qui avait été faite par un M. Robertson, je pense, M. Gordon Robertson.

M. Lévesque (Taillon): Je pense que c'est cela, oui.

M. Ryan: C'est une très bonne étude que j'avais beaucoup appréciée. Mais je voudrais simplement signaler au député de Deux-Montagnes que j'ai été moi-même engagé dans la construction d'habitations durant quelques années à titre de président d'une coopérative d'habitation. Nous avons construit, au bas mot, 300 maisons. Nous avons transigé avec la Société canadienne d'hypothèques et de logement.

M. Lévesque (Taillon): On va vous engager pour notre programme de relance, Seigneur!

M. Ryan: Cela m'intéresserait beaucoup. Évidemment, cela marcherait peut-être un peu plus vite.

M. de Bellefeuille: On va vous engager.

M. Ryan: Je vous assure que vos vieux slogans, vos vieux clichés, cela fait longtemps qu'ils sont dépassés. Le constructeur arrivait avec son modèle de maison et la maison était admise au prêt hypothécaire. C'est tout ce que nous demandions à la Société canadienne d'hypothèques et de logement et elle le faisait très bien, mais elle répondait au volume de demande qu'elle recevait. Elle ne pouvait pas la créer artificiellement. Je vous assure qu'on est sorti de là depuis longtemps. Elle proposait des modèles, il y a plusieurs années de cela, c'est vrai, mais elle les proposait, elle ne les imposait pas encore une fois. Ils ne répondaient pas toujours à nos besoins à nous autres, mais nous étions entièrement libres d'avoir nos propres modèles et tous les constructeurs qui avaient de l'initiative l'ont fait amplement, d'ailleurs. Ne commençons pas un gros argument, entre vous et moi.

M. de Bellefeuille: On va vous engager.

M. Ryan: Non, j'ai beaucoup d'autres choses à faire actuellement. Je voudrais demander au premier ministre si toute la coopération économique avec le gouvernement fédéral... Je m'excuse si, des fois, je semble vouloir aller dans les détails; ce n'est pas pour vous embarrasser, je ne veux pas jouer à ce jeu du tout; j'aimerais avoir votre impression. Est-ce qu'il y a une certaine évolution devant la gravité de la crise économique actuelle? Est-ce qu'on sent une volonté de collaboration plus forte, des perspectives de résultats peut-être un peu plus concrets dans certains domaines et si tout reste distant et à base de méfiance ou de...

M. Lévesque (Taillon): Non. Tout reste à base de méfiance, je pense que chat échaudé craint l'eau froide, cela c'est normal. Je soulignerais au chef de l'Opposition une sorte de braquage de l'attitude fédérale dans ce domaine qui a été signalée publiquement par M. Trudeau lui-même quand il a dit: Ne me parlez plus de fédéralisme coopératif, etc., on est chacun pour soi. Je ne sais pas si vous vous souvenez de cela. Je me souviens qu'un des ministres fédéraux, par exemple, à qui justement on demandait - je ne me souviens plus lequel de mes collègues - une certaine coopération dans un domaine très concret, disait: Non, non, arrangez-vous avec vos troubles, moi, je m'occupe de mon argent -avec un ton de propriétaire assez... enfin, c'est l'arrogance du pouvoir, là comme ailleurs - occupez-vous du vôtre.

Alors, malgré cela, on sait que cela s'est développé depuis un an à peu près d'une façon assez particulièrement dramatique, c'est ce qui sous-tend d'ailleurs l'espèce de jeu de blocs qu'on a fait avec les ministères économiques, le ministère de développement et les autres qui sont greffés maintenant avec des espèces de préfets de discipline et de préfets, si vous voulez, d'opération qui sont censés aller dans chaque région, on ne dit même pas des provinces, on dit des régions. Autrement dit, on a trouvé une phraséologie qui semble même là sémantiquement éliminer les provinces. Alors, on désigne ces espèces de préfets, il me semble qu'il y en a quelques-uns qui commencent à être en poste, et on prétend unilatéralement faire du développement à partir de priorités, de choix fédéraux. Malgré cela, on essaie. Le ministre de l'Énergie et des Ressources a couru après son homologue fédéral pendant quelques semaines sinon une couple de mois avant de pouvoir le

rencontrer, c'est un exemple. Je disais tout à l'heure que par rapport au programme Axworthy, malgré le retard qu'on nous a imposé parce qu'on l'a appris trop tard, il y a eu des rencontres, je pense, à la pochetée depuis environ un mois ou deux, une couple de mois, pour voir ce qu'il y a moyen de tirer de ce programme. Jusqu'ici les résultats sont pour le moins très modestes et conditionnels par-dessus le marché. Autrement dit, cela attend certaines décisions qui ne sont pas prises à Ottawa.

Je pourrais donner d'autres exemples, mais enfin. Je pense que d'une part, nous sommes très conscients du fait - je pense que cela est vrai pour toutes les provinces -que la situation a un caractère d'urgence de plus en plus évident. Il faut faire tout ce qu'on peut, en tout cas. En face, on a nettement l'impression que pour des raisons difficiles à sonder, parce qu'on ne peut pas penser que c'est complètement insensé mais quelquefois cela en a l'air, que cela correspond un peu à ce M. MacEachen et M. Trudeau répètent depuis quelques semaines: II ne nous reste plus qu'à attendre que la relance vienne d'ailleurs.

Enfin, même M. Johnston, le président du Conseil du trésor fédéral, est allé sur la côte du Pacifique il y a quelques jours à peine et disait: Pas question de programme de relance; pas question d'effort particulier de ce côté-là; on attend que cela reprenne. Alors, que voulez-vous?

M. Ryan: Je me demande, M. le premier ministre, si quelquefois le langage des hommes politiques ne retarde pas un petit peu sur la réalité. J'ai observé dans mon comté et dans d'autres également que les rapports entre les fonctionnaires, par exemple les fonctionnaires de la Société de développement industriel du Québec, les fonctionnaires du ministère de l'Industrie et du Commerce et ceux des ministères économiques d'Ottawa, sont souvent beaucoup plus cordiaux et producteurs de bons résultats que les débats qu'on entend entre politiciens.

J'ai assisté à bien des cas d'implantation d'entreprises qui ont eu lieu à la suite d'efforts de collaboration très poussés entre fonctionnnaires des deux niveaux, faits à la connaissance générale du ministre, mais sans plus. Ces derniers voulaient pousser l'implantation dans un endroit. Dans ce domaine en particulier de l'implantation industrielle, il y a une sorte de partage des tâches qui s'est fait sans que ce soit l'objet d'un protocole ou d'entente au niveau politique. On se dit: Tel genre de projet, c'est normal qu'il y ait une participation de ce niveau de gouvernement et tel autre genre de projet, c'est normal que la participation prépondérante aille plutôt à l'autre niveau. Je ne sais pas si vous avez noté ce phénomène et si vous l'encouragez. Il me semble qu'à ce niveau la chicane n'est pas aussi grande que vous voudriez le laisser entendre dans vos discours.

M. Lévesque (Taillon): Non, je dirais même que dans certains cas... Je vais vous donner un exemple: le programme de modernisation - c'est un énorme programme qui était dix ans en retard du côté des pâtes et papiers - qui a été conçu au Québec. C'est peut-être cela qui était son principal défaut. Cela commençait à être urgent. Il a été conçu au Québec par l'actuel président du Conseil du trésor et son équipe. Cela a pris, si j'ai bonne mémoire, un an et demi avant que l'évidence soit assez flagrante pour qu'Ottawa, parce qu'il était appelé à participer, finisse par se mettre à table. On a perdu un an et demi inutilement ou à peu près. On l'a perdu, donc, c'était inutile. Mais quand cela a été finalement admis que c'était évident qu'il y avait là quelque chose non seulement pour le Québec, mais pour l'Ontario et, mutatis mutandis pour d'autres, qui était nécessaire, c'est évident qu'une fois qu'il n'y avait plus de blocage entre les équipes qui ont eu à travailler là-dessus on n'a pas rattrapé le temps perdu, mais cela a fini par déboucher sur des résultats qui, en fait, je dirais, étaient devenus une condition sine qua non du maintien en santé et du développement de notre industrie des pâtes et papiers.

Depuis ce temps, cela a avancé. Cela n'a pas bloqué. Mais on dirait que, depuis six mois un an - je l'ai constaté comme tous ceux qui étaient avec moi au moment de la conférence économique des premiers ministres - il y a une volonté arrêtée de coopérer le moins possible. Je ne répéterai pas ce que je disais tout à l'heure, mais cela rend les choses extrêmement compliquées et c'est d'autant plus caricatural qu'on est durant une période où cela devrait être exactement le contraire. Je n'y peux rien.

Les négociations avec les employés du secteur public

M. Ryan: Je ne voudrais pas prendre trop de temps là-dessus. Peut-être qu'on pourrait passer à un autre sujet très important, soit la politique qu'entend suivre le gouvernement dans ses négociations collectives avec les employés des secteurs public et parapublic. Il y a d'abord, évidemment, la politique en matière salariale. Peut-être qu'on pourrait commencer par le reste, parce que cela ferait un peu plus nouveau. L'aspect salarial, on en a déjà parlé pas mal de part et d'autre.

Nous sommes tous conscients du fait qu'une partie très importante des coûts supérieurs que nous encourons dans les

secteurs public et parapublic est attribuable à toutes sortes de dispositions qui sont inscrites dans les conventions collectives, des dispositions normatives ou mécaniques qui, dans la pratique, entraînent des coûts très élevés. Je prends deux exemples bien familiers: la notion de poste et les limites qu'elle comporte dans les établissements de santé et de services sociaux, la compartimentation excessive et une définition de tâche extrêmement poussée qui répond souvent mal à la diversité que la réalité présente tous les jours; toutes sortes d'avantages de type beaucoup plus corporatif que syndical qui ont été accordés aux associations syndicales au cours des années. Est-ce que vous avez un programme des positions que le gouvernement entend défendre à ce niveau dans la prochaine ronde de négociations?

M. Lévesque (Taillon): Si on peut y arriver. Je vais commencer par le commencement. Vous savez - je pense que cela a été vrai à chaque ronde, comme on dit dans le jargon - qu'il y a un comité de négociation coiffé par les ministres cette année. Il est dirigé par le président du Conseil du trésor, par le ministre des Finances, bien sûr, et par les collègues sectoriels qui sont les plus impliqués ou qui ont les gros budgets, le ministre de l'Éducation, le ministre des Affaires sociales; également pour des raisons évidentes, la ministre de la Fonction publique, fait partie au niveau ministériel du comité, comme c'est normal. Il y a, évidemment, tout un groupe d'experts, de conseillers qui sont avec eux. En ce moment, je pense qu'il ne serait pas correct d'aucune façon, ni dans l'intérêt public, ni dans l'intérêt même des négociations, d'entrer dans le détail. Je suis parfaitement d'accord avec les choses concrètes, que vient de dire le chef de l'Opposition. Je lui ferai remarquer qu'en 1979, la dernière ronde qui a précédé celle-ci, il y a eu un certain rattrapage. Autrement dit, contrairement à ce que certains laissent flotter, le gouvernement a réussi non seulement à être en demande, mais à réduire certaines de ces choses, pas toutes, mais quelques-unes. Finalement, l'écart global de 16% qui existait entre le secteur privé le mieux payé, le secteur des grandes entreprises, au moment où, en 1978, on regardait la situation, on arrivait à une ronde de négociations, a été réduit à 13,5% ou 14%. Ce sont les chiffres du résultat de 1979. Quand on est arrivé en 1980, il y a eu la cassure en 1981, mais dans la période de 1980-1981, l'écart avait même baissé jusqu'à 10% pour une raison très simple, c'est qu'on était encore en période d'expansion économique suffisante pour qu'il y ait un rattrapage cette fois du côté du secteur privé le mieux payé, celui auquel on se réfère toujours. Depuis, cela s'est dégradé de nouveau.

Il est évident que la réponse à la question, d'une façon générale, c'est qu'encore une fois, le gouvernement va être obligé, je pense que c'est son devoir, d'être en demande concernant certaines de ces choses qu'on appelle normatives, mais dont le coût peut vraiment grimper de façon géométrique si on ne fait pas attention. Je demanderais au chef de l'Opposition de ne pas me demander d'être plus spécifique en ce moment pour des raisons, il me semble, qui sautent aux yeux.

À partir du dessin qu'il faisait, la seule chose que je peux lui dire, c'est que de façon générale on est d'accord. Il va falloir réduire certaines de ces incohérences qui sont trop coûteuses et on sera obligé d'être en demande sur certains points, c'est sûr.

M. Ryan: Je voudrais vous poser une question M. le premier ministre. Sur la base de votre expérience et des études qui ont pu être faites pour le compte du gouvernement, on parle des écarts de salaire, nous y reviendrons tantôt, est-ce que, d'après vous, cela coûte plus cher et cela prend plus de temps pour produire une lettre par exemple, ou un rapport, ou une étude, ou un service, dans l'appareil gouvernemental comme il est actuellement que dans le secteur privé? Est-ce que vous avez des études en marche sur cela? Est-ce que vous avez des mesures de redressement? Je vais vous dire le but de ma question pour ne pas qu'il y ait de malentendu entre nous. La propagande de votre gouvernement, est en train de convaincre les citoyens du Québec que s'il y a une crise des finances publiques dans votre gouvernement c'est la faute des salaires qu'on paie aux fonctionnaires et aux employés des secteurs public et parapublic. Nous convenons qu'il y a un écart qui doit être comblé, mais nous refusons d'admettre que ce soit la seule explication. Nous trouvons que votre gouvernement est assez avare d'explications et de déclarations d'intention en ce qui touche l'augmentation objective et structurelle des coûts dans le secteur public qui est le facteur qui sous-tend tout le reste. C'est sur cela que j'aimerais avoir votre impression et peut-être des précisions sur les projets qui peuvent être en marche du côté du gouvernement?

M. Lévesque (Taillon): Ce qu'évoque au départ, parce qu'il y a deux plans à sa question, le chef de l'Opposition, c'est une question de productivité en fait, c'est-à-dire combien cela prend-il de temps? Je prends l'exemple quotidien qu'il donnait pour produire un mémoire ou entretenir une correspondance au gouvernement par rapport au secteur privé. Je pense que la réponse demanderait au moins une distinction très

fondamentale. Le secteur privé est fait de petites, moyennes et grandes entreprises. J'ai eu l'occasion de vérifier cela dans une conversation que j'ai eue avec des gens de très grandes entreprises il y a quelques jours. Ils étaient parfaitement d'accord que le danger existe partout, à savoir, plus une machine devient énorme, plus l'efficacité risque de se perdre; aussi bien au privé qu'au public. Je pense qu'aussitôt qu'on arrive à la dimension de plusieurs milliers d'employés qui sont répartis ici et là sur le territoire ou même transnationaux, comme c'est le cas actuellement, les pertes de productivité sont presque inévitablement là, ou enfin une certaine inefficacité, la lourdeur de la machine, que ce soit privé ou public. De la même façon que vous avez de très grandes entreprises privées qui sont mal administrées, de très grandes entreprises publiques sont bien administrées, mieux que le privé. Cela dépend souvent des hommes et des équipes qui les dirigent. Un exemple très simple parmi les réseaux téléphoniques - Dieu sait qu'on a caricaturé des pays européens où c'est étatisé comme en France et à juste titre - qu'on connaît dans le monde avancé, il est reconnu que le plus efficace, je pense que cela n'a pas changé depuis deux ou trois ans, le plus économiquement efficace au point de vue de la rentabilité coûts-bénéfices se trouve en Suède, où le régime est public depuis longtemps. Tout près derrière se trouve l'Amérique du Nord, en général. Bell Canada, par exemple, assure également cette efficacité absolument remarquable dans l'ensemble de ses services. Donc, cela peut arriver des deux côtés. Il est évident que si on parle de petites et de moyennes entreprises, d'entreprises de taille plus manoeuvrable, il y a plus de chances, surtout si les patrons sont proches pour surveiller leurs affaires, de retrouver cette efficacité, dans le sens d'une productivité quotidienne, qu'évoquait le chef de l'Opposition. Plus de soin y est mis sans arrêt, parce qu'il y a un intérêt direct.

Le deuxième aspect de la question - en dehors de ces grandes considérations générales - du chef de l'Opposition, c'était plus ou moins ce qu'on entend et ce qu'on prétend faire le mieux possible, soit d'essayer de réduire cette part d'inefficacité qui est devenue excessive, cette part de lourdeur qui est devenue excessive. Sans se faire d'illusions et s'imaginer qu'on va changer le monde du jour au lendemain, je pense qu'il y a tout un travail qui a été entrepris. Des gens peuvent dire qu'il est peut-être trop tard, mais on n'était pas plus conscients que d'autres qu'on s'en allait vers une crise de cette ampleur, qui est sans précédent au Québec. Il faut changer nos habitudes, changer nos mentalités jusqu'à un certain point.

Je vais vous donner un exemple. C'est un fait - et je ne blâme personne là-dessus -que les effectifs de la fonction publique augmentaient de 3% à 4% par année depuis un bon nombre d'années. Quand on est arrivé, en 1976-1977, on s'est trouvé devant une espèce de contrainte qui est apparue très vite vers 1977-1978, ce qui fait qu'il y a eu un effort de fait, qui ne nous a pas amenés à la croissance 0, mais presque. Maintenant, il va falloir que ce soit la croissance 0.

Un autre exemple, c'est celui que je donnais tout à l'heure, c'est-à-dire l'effort qui a été fait pour comprimer l'augmentation, l'escalade amorcée dans les années soixante, qui était d'abord du rattrapage. Dans le secteur public, les gens étaient exploités, c'est un fait, d'une façon scandaleuse dans l'éducation, dans la santé, dans les hôpitaux, dans la fonction publique elle-même. Il n'y avait même pas de reconnaissance de certains droits fondamentaux. Depuis les années soixante, il y a eu des correctifs, ensuite un rattrapage qui était absolument nécessaire; cela a dépassé le rattrapage et c'est devenu plutôt un écart qui s'est élargi excessivement vis-à-vis du secteur privé le mieux payé, soit le secteur privé des grandes entreprises. On a profité de l'occasion - pas autant qu'on aurait dû, on le sait maintenant, mais tout le monde peut avoir l'esprit de l'escalier -de 1979-1980 pour réduire cet écart et on va le faire encore une fois, cette fois-ci.

Pendant ce temps, on essaie de concevoir, mais cela ne peut pas se faire autrement que sur un moyen terme, quelle serait la façon d'assainir plus complètement nos processus administratifs. Je dois vous dire que, ponctuellement, on le fait déjà. J'ai donné des exemples de grandes perspectives globales. On ne peut pas dire qu'on l'a en main en ce moment, c'est peut-être que cela se dégage à partir de l'action, à condition qu'il y ait une volonté politique de corriger des choses.

M. Ryan: M. le premier ministre, je voudrais signaler seulement deux petits éléments sur lesquels j'ai une légère divergence d'opinions avec vous. Je voyais justement le rapport du ministère de la Fonction publique pour la dernière année et j'ai constaté, à ma grande surprise - et je peux avoir regardé un tableau en l'isolant des autres, c'est sujet à correction - que les effectifs étaient passés de 50 000, en 1976-1977, à 57 000 ou 58 000, en 1981-1982. Je ne sais pas si des gens peuvent vérifier ces chiffres. Cela voudrait dire que le gel serait peut-être survenu dans les budgets de M. Parizeau, mais pas nécessairement dans les livres de chaque ministère, au chapitre des dépenses en particulier.

Deuxième point que je voudrais corriger. Je pense que vous avez laissé

entendre par vos propos que, grâce aux conventions collectives signées par votre gouvernement, l'écart entre le secteur public et le secteur privé en matière de rémunération avait baissé. En fait, ce qui est arrivé, c'est qu'il est parti d'un certain niveau, il a baissé dans les deux années qui ont suivi immédiatement la signature des conventions et il a remonté ensuite. (17 h 15)

M. Lévesque (Taillon): Oui.

M. Ryan: La dernière année, cela a monté, vous avez perdu du terrain.

M. Lévesque (Taillon): Oui, d'accord.

M. Ryan: On s'entend là-dessus, c'est très bien. Il y a une question que je voudrais vous poser. On cherche tous les moyens...

M. Lévesque (Taillon): Si le chef de l'Opposition me le permet, on va vérifier ce qu'il disait. Évidemment je n'ai pas vérifié les chiffres moi-même. J'ai bien dit qu'on n'était pas à la croissance 0, mais j'ai dit qu'on essayait d'y arriver et qu'on n'était pas loin. Maintenant, pour les 57 000 au lieu de 50 000, on va vérifier, il y a peut-être des explications ou il y a peut-être une erreur, je ne sais pas. J'ai pris les chiffres qu'on me donnait, c'est-à-dire pas les chiffres, les conclusions qu'on nous donne et que le président du Conseil du trésor nous souligne régulièrement.

M. Ryan: Cela m'a été...

M. Rivest: II y a confusion dans ces chiffres entre les postes et les emplois.

M. Lévesque (Taillon): C'est là souvent que se trouve la confusion. On sait qu'il y a toujours une marge entre les emplois autorisés...

M. Ryan: C'était les effectifs.

M. Rivest: J'ai essayé avec la ministre de la Fonction publique, effectivement, d'avoir les données et elle m'a répondu par toute une explication très complexe qui m'a rendu perplexe sur les chiffres.

M. Lévesque (Taillon): Restons sur notre perplexité jusqu'à ce qu'on...

M. Ryan: Très bien. Il y a un recours que tous ceux qui examinent ce problème de la rationalisation des dépenses publiques évoquent souvent: c'est celui qui pourrait venir de l'élargissement du rôle du vérificateur des comptes. Cela fait des années que le Vérificateur général des comptes recommande au gouvernement du Québec d'élargir son rôle de manière qu'il porte non seulement sur la réalité des dépenses encourues, mais aussi sur leur bien-fondé. Ces recommandations ont été formulées année après année, je pense, à peu près depuis que vous êtes au pouvoir et il n'y a rien eu de fait encore dans ce sens. Le vérificateur a recommandé également qu'on s'oriente vers des méthodes de budgétisation qui obligent plus à refaire sans cesse l'examen à partir de zéro, par exemple. La budgétisation à long terme, c'est un autre recours qui a été recommandé à maintes reprises. Dans ce domaine, on dirait que votre gouvernement est resté curieusement inactif. Même quand le vérificateur lui recommande d'inscrire dans les dépenses réelles de la dernière année des subventions que le gouvernement n'a pas été capable de payer, souvent parce qu'il n'avait pas la liquidité, on inscrit cela quelque part dans une annexe aux états financiers. Ce sont des choses qu'il faut payer, mais qui ne sont pas entrées dans l'actif et dans le passif en bonne et due forme. Est-ce que le gouvernement a l'intention, au cours de la prochaine année, d'agir plus vigoureusement dans le sens des volontés exprimées à maintes reprises par le vérificateur des comptes et renouveler avec une fermeté plus grande par le vérificateur que nous avons nommé l'an dernier, M. Châtelain, volontés exprimées dans une causerie qu'il faisait récemment à Toronto ou à Ottawa et dont je pense qu'on est en train de vous passer le texte?

M. Lévesque (Taillon): Je suis très conscient du caractère non seulement incomplet, mais injustifiablement incomplet, dans le contexte d'aujourd'hui, des mandats du Vérificateur général. Je dois dire, à ma courte honte - il me l'a rappelé d'ailleurs dans une conférence qu'il a faite récemment et qu'il a eu l'amabilité de me faire parvenir - que dès le discours inaugural de 1977, si j'ai bonne mémoire, j'avais dit qu'on s'en occuperait. D'ailleurs, on avait comme projet de... Ce n'est pas un cadeau de refaire cela. Pour toutes sortes de raisons, cela ne s'est pas fait, je l'avoue, mais on l'avait comme projet parce que c'est relié directement à la Loi sur l'administration financière de faire ce genre d'élargissement. Le Vérificateur général nous le rappelle sans ménagement. Il rappelle en même temps tout de même que certaines améliorations ont été faites, qui étaient aussi importantes. Par exemple, dans le domaine de la vérification interne des mandats qui n'existaient pas et qui ont été élargis, non seulement élargis, mais créés à toutes fins utiles. Il est évident qu'il a raison de dire qu'on avait évoqué cela et qu'on n'a pas livré la marchandise depuis trois à quatre ans.

La Loi sur l'administration financière va, le plus vite possible - une bonne partie

du travail a été fait - être rénovée, si vous voulez, et cela comportera des élargissements. Jusqu'où? Je ne le sais pas encore. Actuellement, le rapport est déjà entre les mains, sauf erreur, du président du Conseil du trésor. Il y a un rapport là-dessus chez le président du Conseil du trésor. Il doit y avoir un ajustement, une sorte d'arrimage avec le ministère des Finances et aussitôt que cela pourra déboucher - mieux vaut tard que jamais - on devrait y arriver.

M. Ryan: Évidemment, le problème est encore plus large que cela, mais ce sont des aspects importants. Aujourd'hui, les gouvernements, dans le but de rationaliser de plus en plus les dépenses publiques, mettent en oeuvre des programmes élaborés en ce qui touche l'évaluation des cadres, les systèmes de stimulation de productivité à l'intérieur des ministères et des services, les techniques d'évaluation pour les évaluer, la gestion par objectifs, etc. Est-ce que le gouvernement met beaucoup l'accent là-dessus?

M. Lévesque (Taillon): Oui. Évidemment, il y a des habitudes acquises et je vous jure que c'est enraciné. Ça me rappelle toujours une phrase qu'on a prêté à ce pauvre Kennedy dans une de ses biographies et qui disait, paraît-il: Dans de très grosses machines comme celle de l'État, quand tu réussis à en faire bouger 15%, c'est déjà une révolution. Alors, évidemment, les habitudes acquises, les ancrages dans les habitudes sont durs à briser. Je ne sais pas si le chef de l'Opposition veut la réponse pour autant que je peux la donner.

M. Ryan: Je m'excuse, une seconde. J'essayais de vous faire gagner du temps, mais on va le perdre. Vous êtes bon jusqu'à 18 heures?

M. Lévesque (Taillon): Oui, je suis à vos ordres.

Une voix: Pour une fois!

M. Lévesque (Taillon): C'est l'endroit. Je voudrais dire ceci: On est en marche dans cette direction. Il faut dire qu'à partir de ce que j'évoquais comme habitude, c'est en forgeant qu'un devient forgeron, mais je donne un exemple concret. Dans une année normale, dans l'enveloppe qui est prévue pour les augmentations du côté des cadres supérieurs, en particulier des dirigeants principaux des ministères, c'est intégré, maintenant c'est un bloc. L'an dernier, si j'ai bonne mémoire, la moyenne étant de 10 1/2% ou 11%, ça pouvait aller de 0 selon le rendement jusqu'à plus que 10%, 11% s'il y avait vraiment quelque chose d'exceptionnel. Ça pouvait aller jusqu'à 13%, je pense, de 0 à 13%. Cela veut dire que là il y avait - mais ça va contre des habitudes, contre certaines moeurs établies - pour ceux qui font les notations et qui nous suggèrent leur décision ou la répartition à faire, l'obligation pour la première fois de faire une sorte d'évaluation des cadres qui étaient sous leur direction. Je pense que c'est un pas dans la bonne direction, il y en a aura d'autres. Enfin, je donne celui-là de mémoire parce que je sais qu'on a longuement discuté avant de le mettre en vigueur.

M. Ryan: Oui, c'est très bien. Cet exemple que vous donnez, évidemment, est très familier. Il était en vigueur à peu près depuis une dizaine d'années dans d'autres gouvernements; ce n'est pas mauvais qu'on le suive. Cela nous ramène au sujet de cette partie-ci de notre discussion des conventions collectives, des négociations qui s'en viennent. Jusqu'à maintenant, on a eu l'impression que le gouvernement - ça s'applique peut-être à des gouvernements antérieurs également, je ne fais pas de partisanerie avec cela - a surtout réagi aux demandes syndicales dans la négociation des conventions collectives et s'est lié, par conséquent, dans une mesure considérable à la problématique qui était définie par l'organisation syndicale.

M. Lévesque (Taillon): Pas complètement, mais souvent.

M. Ryan: La question que je me pose: Cette fois-ci, y aura-t-il un effort plus déterminé de la part du gouvernement pour mettre sur la table de négociation une problématique, en ce qui touche la conception même de l'organisation du travail à l'intérieur du gouvernement, qui soit susceptible de conclure à des aménagements contractuels plus économiques?

M. Lévesque (Taillon): Si vous me le permettez. En fait, le chef de l'Opposition, pour reprendre le jargon des négociations, revient à ce qu'il a déjà évoqué d'ailleurs, la question du normatif, c'est-à-dire de tout ce qui entoure et très souvent alourdit beaucoup plus qu'on ne l'imagine quand on ne connaît pas les faits la rémunération, puis aussi l'efficacité à beaucoup de points de vue, comme ces compartimentations excessives, etc. Je l'ai dit tout à l'heure et je le répète: C'est évident que c'est une des préoccupations qu'on a cette fois-ci plus que jamais auparavant pour des raisons évidentes. Mon chef de cabinet, M. Boivin, qui fait partie du groupe qui conseille le comité de négociation, me rappelle que d'ici un mois on espère que sera dégagé un mandat pour l'éventuelle négociation touchant ces points, entre autres choses.

On a d'abord été obligé de regarder le problème salarial, parce qu'il y avait une

question d'équilibre financier, une question budgétaire. Il fallait se décider vite, parce que l'année budgétaire avance. On voulait encore offrir une négociation sur cette récupération qui a été évoquée. Le reste, ce sera dans le cours de la négociation. Il reste maintenant à décider, en ce qui concerne cette rationalisation sur laquelle nous sommes tous d'accord, à quelle vitesse cela doit se faire, dans quelle perspective.

Vous savez, on nous a reproché - je me souviens que le Conseil supérieur de l'éducation, entre autres, avait eu des paroles assez raides là-dessus - d'avoir fait une certaine compression budgétaire dans les universités, d'une façon raide, justement, qui aurait pu être plus facile à avaler sur une perspective de trois ans. En conscience, on croyait qu'il fallait commencer et commencer vite. Mais si on peut maintenant se donner une perspective, j'aimerais mieux que ce qui doit être fait comme rationalisation puisse être étalé de façon à ne pas briser d'un coup trop d'habitudes acquises, mais, en même temps, en conscience, pouvoir donner un peu plus pour son argent au contribuable qui paie, qui fait les frais de tout cela. On verra comment le mandat va se dégager et, d'ici probablement à un mois, j'espère, en tout cas, pas plus tard, on l'aura en main et le Conseil des ministres aura à se prononcer là-dessus.

M. Ryan: Au point de vue de la dimension financière des prochaines négociations collectives, on a eu l'occasion de discuter, à l'Assemblée nationale, de la manière qui a été retenue par votre gouvernement. Nous allons y revenir à propos du projet de loi qui a été déposé. Je ne voudrais pas prendre le temps de la discussion pour cela ici.

M. Lévesque (Taillon): D'accord, on en aura l'occasion amplement. Il doit être présenté d'ailleurs dès la semaine prochaine.

M. Ryan: Mais il y a des dispositions à caractère pécuniaire, dans les conventions, sur lesquelles j'aimerais avoir votre opinion, si vous pouvez la donner à ce moment-ci, ou vos intentions. Beaucoup de clauses ont été insérées dans les conventions collectives, surtout sous l'influence de votre gouvernement, des clauses qui étaient bonnes pour gagner des votes dans les milieux syndicaux, qui vous donnaient une réputation de sociaux-démocrates à bon marché, souvent au détriment des contribuables.

Je vous donne des exemples. Le concept...

M. Lévesque (Taillon): Pour les contribuables, ce n'est pas bon marché.

M. Ryan: Pour le gouvernement, cela paraissait bien pour les bénéficiaires. Je parlais surtout de ceux-là. La clause de sécurité d'emploi, qui remonte à des négociations antérieures à votre gouvernement, a été libéralisée davantage à l'occasion de la dernière négociation. Vous avez ajouté la fameuse clause des 50 kilomètres, je pense. C'est un exemple.

En matière de frais d'arbitrage, j'ai constaté, en examinant les conventions d'aujourd'hui dans tout le public et le parapublic, les frais de l'assesseur principal des tribunaux d'arbitrage, que les frais administratifs sont pris en charge complètement par la partie patronale, ce qui est une véritable incitation à multiplier les recours à l'arbitrage, souvent pour des motifs qui peuvent être artificiels. La meilleure preuve qu'on puisse trouver est facile à invoquer, c'est qu'un très grand nombre de griefs sont inscrits en arbitrage et la majorité ne se rend jamais à destination. C'est plutôt fait pour impressionner, pour créer souvent un climat d'intimidation à tel ou tel autre moment.

En matière de congés familiaux, le gouvernement s'était vanté d'innover d'une façon qui, encore une fois, pouvait être bonne au point de vue électoral, mais qui, à la longue, venait s'ajouter à tous les autres avantages qu'on trouve dans ces contrats. Ils comportent des coûts considérables. En matière de vacances, c'est la même chose également. Cela va bien quand on jette un mois de vacances sur la table après un an ou deux de services, mais, au bout du compte, les coûts de tout cela sont énormes, peut-être après deux ou trois ans.

Je ne sais pas si le gouvernement entend continuer dans cette voie ou s'il entend appliquer à ces postes, dans les prochaines négociations collectives, la même rigueur qu'il a définie en matière de politique salariale proprement dite.

M. Lévesque (Taillon): Je ferai remarquer...

M. Ryan: J'ajoute un point, si vous me permettez, qui va venir se greffer à ceci. On nous dit que... Non, je vais vous laisser répondre à ceci et je vais apporter l'autre ensuite, je n'aime pas mêler les cartes.

M. Lévesque (Taillon): D'accord. Je n'ai pas eu le temps de prendre de notes, mais enfin je retrouve rapidement le mémoire et très rapidement aussi la réponse. En ce qui concerne la sécurité d'emploi, comme l'a souligné le chef de l'Opposition, cela a été concédé en 1976 par nos prédécesseurs. On ne voyait pas la possibilité, ni dans le climat, ni dans la façon dont cela se présentait, de changer cela en 1979-1980. (17 h 30)

Je dois dire la même chose pour ce qui

est de - ce qui est, à mon humble avis, caricatural, le chef de l'Opposition a parfaitement raison - cette habitude acquise avant nous qu'on n'a pas changée encore pour le gouvernement de payer 100% de ce que coûtent tous les arbitrages qui peuvent se multiplier artificiellement. Je connais des cas de griefs où il y en a un qui est le pilote et ensuite, il peut y en avoir jusqu'à 3000, 4000 ou 5000, c'est aussi fou que cela, qui répètent la même chose. Parce que quand ce sont les fonds publics, il n'y a pas de gêne; cela ne tient pas debout comme système.

Il y a également cette habitude, aussi, on remplissait l'hôtel Hilton et cela débordait sur l'hâtel des Gouverneurs, de payer durant un mois, deux mois, trois mois, tout ce que coûtait la libération, dépenses d'hôtel comprises, les batteries très nombreuses, et on comprend que ce soit très nombreux quand c'est comme cela, quand c'est payé au complet par le gouvernement ces centaines de milliers de dollars pour payer cet appareil de négociation.

Vous avez peut-être remarqué que, cette année, on a déjà communiqué à nos interlocuteurs que, quant à nous, c'était fini. On allait payer chacun sa part ou partager équitablement et non pas tout au frais des contribuables. Vous avez peut-être remarqué qu'à l'offre de négociation qu'on a faite au mois d'avril, le groupe, enfin, la partie syndicale a répondu à partir des décisions des centrales qui jusqu'à nouvel ordre sont celles-là, qu'il y avait trois préalables pour se mettre à table. Les deux premiers étant des choses qui voulaient dire que l'on ne négocie rien et, la troisième, croyez-le ou non, étant: vous allez continuer à payer pour tout ce qui implique cette libération syndicale et les frais afférents. Bien, à cela, il y a un bout.

Tout cela pour dire que oui on va essayer. Je ne veux pas spécifier telle ou telle chose, dans un mois on va dégager un mandat. Il est évident qu'il y a du rattrapage que le gouvernement doit faire dans l'intérêt des contribuables là aussi.

Le Président (M. Jolivet): Avant d'aborder un nouveau sujet, M. le chef de l'Opposition, il y avait eu une...

M. Lévesque (Taillon): Écoutez, je m'excuse, mais je pense que c'est assez important. On continuera la vérification, mais c'est exactement ce que disait le député de Jean-Talon, c'est relié, toute cette histoire de croissance des effectifs apparente, à des postes autorisés et à des postes occupés.

Alors, vous aviez des postes autorisés en avril 1976 qui étaient de 58 621; il y en a en 1981, 59 161. Il y en avait 51 000... Je vais vous donner les chiffres d'année en année des postes occupés. Donc, à partir des postes autorisés, il y en avait 51 667 en 1976; 53 151 en 1977; 54 700 ou près de 55 000 en 1978. Là commence la compression qu'on effectue depuis trois ans pour essayer d'atteindre la croissance zéro et on y est à peu près: 56 505 en 1979; 56 123 en 1980; 56 116 en 1981 et on essaie pour 59 000 postes autorisés de réduire... Alors, ce n'est pas parfait encore, mais au moins, il y a, depuis trois ans, un effort systématique et on va le poursuivre, cela est sûr.

M. Ryan: Les trois premières années, vous avez continué d'augmenter et là, depuis trois ans, vous essayez de maintenir.

M. Lévesque (Taillon): Que voulez-vous, on était pris dans l'erre d'aller mais...

Le Président (M. Jolivet): Avant de passer à un autre sujet, M. le chef de l'Opposition, il y avait eu une entente de retarder une question du député d'Arthabaska avant votre arrivée, donc, je ne sais pas si...

M. Lévesque (Taillon): Oui, je pense que si on veut être équitable, parce que j'avais demandé moi-même au député d'attendre...

M. Ryan: J'ai seulement un autre sujet à aborder pourvu que je dispose d'un quart d'heure, vingt minutes.

M. Rivest: M. le premier ministre, le chef de l'Opposition avait indiqué qu'il avait un autre sujet, mais quant au reste des crédits, comme c'est M. Boivin et M. Bernard sans doute qui ont préparé cela, avec la conscience professionnelle qu'on leur connaît, on est prêt à leur faire...

M. Lévesque (Taillon): Non, mais avec la coopération plus qu'éclairée du chef de cabinet adjoint, M. Tremblay.

M. Rivest: Ah, bon, parfait. Mais c'est toujours le chef de cabinet et le secrétaire qui en ont tous les mérites, hélasl J'ai connu cela moi-même et on est prêt à leur faire confiance sur les autres modalités.

M. Lévesque (Taillon): Non seulement je suis d'accord, mais je pense que c'est un hommage plus que justifié que vient de rendre à ces messieurs le député de Jean-Talon. Cela ne lui arrive pas souvent d'avoir cette...

M. Rivest: Ah, je ne suis pas d'accord.

M. Lévesque (Taillon): ... généreuse objectivité.

Le Président (M. Jolivet): M. le député

d'Arthabaska.

Le bureau du lieutenant-gouverneur

M. Baril (Arthabaska): Je disais au début que M. le premier ministre a annoncé, à l'ouverture de cette commission, que son budget avait été réduit d'une façon significative. Je me suis intéressé au programme 1, qui alloue les budgets du lieutenant-gouverneur, et je vois que c'est un sujet qui intéresse aussi le chef de l'Opposition, alors je suis content que le premier ministre nous ait conseillé d'attendre la venue du chef de l'Opposition. Je vois que le budget du programme 1 a quand même augmenté de 57 000 $; si on enlève les salaires pour lesquels, bien entendu, on doit respecter les conventions collectives, il reste quand même une augmentation de 34 800 $ environ. J'ai fait un peu de recherche et je vous dirai, en passant, qu'on éprouve une très grande difficulté à connaître les dépenses que chaque gouvernement alloue au lieutenant-gouverneur dans toutes les provinces, mais mes recherches m'ont permis de constater qu'en Ontario, pour l'année 1980-1981, on y dépensait quelque 145 000 $.

M. Lévesque (Taillon): Ce sont les prévisions pour 1981-1982, je pense.

M. Baril (Arthabaska): Or, nous, au Québec, dans la même année, prévoyions aux alentours de 450 000 $, toujours en prévision. Je ne peux pas comprendre, je m'explique un peu difficilement, quand on voit que le gouvernement essaie de compresser partout dans les ministères, ce qui justifie cette augmentation des traitements qui sont alloués au lieutenant-gouverneur. Est-ce qu'il y a des frais supplémentaires? Est-ce qu'il a des responsabilités supplémentaires? C'est sur tout cela que j'aimerais que le premier ministre nous donne de l'information.

M. Rivest: On lui a écrit, au lieutenant-gouverneur, il faut qu'il réponde.

M. Baril (Arthabaska): Oui, mais pour le lieutenant-gouverneur la poste est supposée être gratuite.

M. Lévesque (Taillon): Justement, je vais répondre au député parce que je trouve que c'est effarant, mais ce n'est pas à cause de certains événements récents qui ont fait la manchette. C'est peut-être ce qui nous empêche, pour l'instant, de rectifier cela parce que ce doit être rectifié. À mon humble avis, c'est caricatural. Sauf erreur, c'est 118 000 $ en effet. Il demeure chez lui et il recevait 118 000 $ en 1979-1980, d'après les dernières prévisions que j'ai vues, tandis que c'est 145 000 $ que cela coûte, en Ontario, tous frais compris. Et, sauf erreur, c'est moins dans la plupart des autres provinces. Pas besoin de vous dire que la comparaison avec l'Ontario, elle me fatigue.

Je dois dire que 464 000 $ l'an dernier par rapport à 521 300 $, c'est essentiellement l'indexation d'un personnel assez nombreux qui est là et qui a sa sécurité d'emploi jusqu'à nouvel ordre. Il n'y a rien de plus. Mais il faut ajouter ceci, par exemple. Au-delà des 521 300 $, tenez-vous bien, le poste de lieutenant-gouverneur coûte au Québec 135 000 $ dans le budget courant des Travaux publics pour l'entretien des édifices et des dépendances et 50 000 $ de plus à la Justice pour des frais de sécurité. Alors, si vous mettez cela ensemble, c'est 700 000 $ ici et 145 000 $ en Ontario sauf erreur. J'ai vérifié, parce que cela m'intéressait de vérifier. Depuis quelques années, chaque fois que j'allais dans d'autres provinces, cela m'intéressait de voir comment c'était organisé et je dois avouer que c'est invraisemblable. Évidemment, là, on a un lieutenant-gouverneur qui achève son mandat bientôt, mais je pense qu'au moment de la transition il va falloir absolument faire quelque chose et vite, à part cela, parce que ce n'est pas justifiable. C'est tout ce que je peux dire.

M. Baril (Arthabaska): Je comprends que le poste... En passant, je n'en veux pas au lieutenant-gouverneur en tant que tel, M. Côté, il remplit son rôle.

M. Lévesque (Taillon): Non, ce n'est pas lui qui a inventé ce système.

M. Baril (Arthabaska): Voilà, c'est cela. C'est le statut ou tout ce qui entoure tout son poste... Si on regarde également au programme 1 il y a eu une augmentation significative au niveau des communications. En 1982 il y a une dépense de 4756,23 $. Les prévisions budgétaires étaient de 4500 $. Cette année on prévoit 19 800 $ au niveau des communications. Pourquoi cette augmentation d'environ 15 000 $ uniquement au niveau des communications?

M. Lévesque (Taillon): On m'apprend que c'est essentiellement des frais qui doivent être remboursés - il y a très peu de choses qui sont dans ce cas - par le gouvernement fédéral. Partant de là, il n'y a pas de raison de s'y opposer. Pour tout le reste, comme vous le verrez probablement, M. le député, il s'agit de l'indexation salariale qui était inévitable cette année. Cela, c'est vraiment un article qui - je n'ai pas le détail - est remboursable par le fédéral, donc sur lequel on n'a pas de raison de...

M. Baril (Arthabaska): Je comprends. Sur quoi se base-t-on puisqu'on a le montant des dépenses de l'an passé? 4756 $, c'est ce que cela a coûté l'an passé. Peut-être que c'est cela qui a été remboursé par le gouvernement fédéral. Je ne le sais pas. Pour ce qui est de cette année, de quelle façon a-t-on calculé pour prévoir qu'il pouvait dépenser 19 800 $ au niveau des communications?

M. Lévesque (Taillon): Si vous me permettez M. le député, je vais demander à M. Tremblay de vous expliquer ce que je n'ai pas eu le temps de fouiller.

D'après des informations qui nous ont été fournies lors de la préparation du budget, au niveau des dépenses de communications, il y a certains frais qui sont remboursables par le gouvernement fédéral. Pour ces frais le lieutenant-gouverneur préférait, parce qu'il n'existe pas d'avance comptable au fédéral -c'est une procédure qui existe au Québec, c'est-à-dire ce qu'on connaît comme la petite caisse - qu'on indexe sa catégorie "communications", qu'on l'augmente d'une somme de 15 000 $ qu'il mettrait dans une petite caisse qu'il pourrait utiliser pour des dépenses et par la suite ces frais seront remboursés par le gouvernement fédéral. Ce n'est pas véritablement une augmentation. C'est à la demande du lieutenant-gouverneur, ce sont des raisons comptables. Ce sont les explications qui m'ont été données.

M. Baril (Arthabaska): Remarquez bien que je respecte les explications que vous avez données. Mais où et de quelle façon a-t-il à communiquer pour 15 000 $, même si c'est remboursé par le gouvernement fédéral? Tant qu'on est dans le système, je pense que ce que le gouvernement fédéral rembourse il y a une partie de nos taxes et de nos impôts qui sont dans cela également. Ce sont toujours les mêmes qui payent en fin de compte.

M. Lévesque (Taillon): Je pense qu'il serait important de rappeler, comme le premier ministre l'a souligné tout à l'heure, que le fameux budget de 521 300 $ inscrit au programme 1 du Conseil exécutif, c'est le budget statutaire du lieutenant-gouverneur au cours des années antérieures, avec les pourcentages d'augmentation normaux "across the board" pour la rémunération, les autres facteurs et également les petites compressions. Cela n'empêche pas qu'à la base ces éléments sont...

Ce que demandait le député c'est: Qu'est-ce que le lieutenant-gouverneur peut avoir tant à communiquer de plus cette année? Je ne le sais pas moi non plus.

M. Baril (Arthabaska): Justement. Vous savez j'ai posé la question au ministre des

Travaux publics lors de l'étude...

M. Lévesque (Taillon): Cela c'est du transport, ce ne sont pas des communications.

M. Baril (Arthabaska): J'ai posé la question au ministre des Travaux publics lors de l'étude de ses crédits en cette même salle. Le ministre des Travaux publics me disait que le budget qui était alloué au lieutenant-gouverneur, il n'avait pas de grandes décisions à prendre sur cela. Il était un peu l'exécutant du Conseil exécutif. L'été dernier j'avais tout de même fait certaines vérifications au niveau du ministère des Travaux publics sur certaines coupures ou restrictions qu'on voulait imposer au ministère. À ma grande surprise on voulait couper à peu près n'importe quoi, mais à chaque fois qu'on touchait à un bouquet, à quelque chose qui était déjà alloué au lieutenant-gouverneur, c'était intouchable.

M. Lévesque (Taillon): D'accord.

M. Baril (Arthabaska): Je trouve cela un peu difficile.

M. Lévesque (Taillon): II va falloir que cela devienne touchable.

M. Baril (Arthabaska): Voyez-vous, M. le premier ministre, je faisais un calcul rapide tout à l'heure. Supposons en chiffres ronds que 500 000 $ sont alloués au lieutenant-gouverneur, payés par le gouvernement du Québec. Si ces mêmes 500 000 $ étaient alloués en remboursement de taux d'intérêt à des petites entreprises qui sont chez nous, qui, actuellement, vivent une situation difficile, à cause des taux d'intérêt usuraires, et crèvent littéralement de faim, on pourrait aider une centaine d'entreprises à bénéficier d'un fonds de roulement avec un rabattement d'intérêt qui créerait une quantité d'emplois appréciable pour la région, chez nous, qui vit des problèmes assez aigus.

Quand on va dans les détails également, on voit qu'il y a l'entretien de deux véhicules automobiles. Est-ce que les ministres bénéficient de deux véhicules, eux? Et pourquoi?

M. Rivest: Plusieurs.

M. Baril (Arthabaska): Pourquoi le lieutenant-gouverneur lui-même a-t-il droit à deux véhicules qui coûtent en entretien 13 000 $? Vous allez me dire: Ce sont des bagatelles, mais c'est avec les sous qu'on fait des piastres.

M. Lévesque (Taillon): J'avoue que je ne comprends pas comment cela nous est

arrivé. Je n'ai pas fait de recherches historiques et on avait pas mal d'autres problèmes à traiter depuis 4 ou 5 ans. On n'a pas fait attention autant qu'on aurait dû peut-être, mais cela n'apparaissait pas l'urgence nationale no 1. C'est en cours de route que je m'en suis rendu compte. J'étais, par exemple, en Colombie britannique où, dans un grand édifice public, remarquable, où on a eu des rencontres, il y a un bureau qui est réservé avec une antichambre, avec les dépendances minimales, au lieutenant-gouverneur qui demeure dans son propre appartement. Ce sont ses troubles et il se débrouille avec ses problèmes. En Ontario, on a donné le chiffre tout à l'heure. J'avais constaté aussi qu'en Saskatchewan, par exemple, le lieutenant-gouverneur doit se loger lui-même, comme c'est normal, et se débrouiller avec ses problèmes. Il y a un minimum de services, mais un strict minimum. Ce n'est pourtant pas une province considérée comme pauvre, la Saskatchewan. Il y a d'autres cas comme cela.

Évidemment, peu à peu tu prends conscience et je trouve que c'est excessif d'une façon extraordinaire. Il a un chef de cabinet, un secrétaire particulier, un secrétaire additionnel, deux agents de bureau. Pour la résidence, un maître d'hôtel, deux cuisiniers, un marmiton, deux serveurs, trois femmes de chambre, un jardinier qui s'occupe d'entretien général en même temps, deux chauffeurs dont un occasionnel pour la seconde voiture, plus les Travaux publics, plus la Justice. Il y a un bout à tout, comme disait l'autre. Je pense que, sur une transition qui doit venir bientôt, il va falloir trouver le moyen de sabrer là-dedans, parce que c'est caricatural.

M. Rivest: M. le Président...

M. Baril (Arthabaska): Juste en terminant, M. le premier ministre, le ou les gouvernements, puisque ce n'est pas seulement le gouvernement du Québec qui est concerné, avons-nous les pouvoirs de limiter les dépenses?

M. Lévesque (Taillon): Oui, on les a toujours eus. La preuve, c'est que les autres provinces l'ont fait. Cela a commencé avec Spencer Wood et tout le reste.

M. Rivest: M. le Président, c'est...

M. Lévesque (Taillon): II y a eu un enchaînement historique, ce qui prouve que le Québec reçoit bien les visiteurs. Mais, passé un certain point, c'est au-delà de nos moyens.

M. Baril (Arthabaska): Voyez-vous, M. le premier ministre, on est souvent porté à se comparer avec l'Ontario. En Ontario, en novembre 1981, il y a un député du NPD qui a quand même déposé une motion en Chambre demandant au gouvernement de l'Ontario d'abolir le poste du lieutenant-gouverneur. J'ai été quand même assez surpris, quand on sait...

Une voix: C'est une bonne idée.

M. Baril (Arthabaska): Je suis bien d'accord avec vous, c'est une bonne idée. Mais on sait quand même que le gouvernement de l'Ontario n'est pas un gouvernement qui préconise la souveraineté de l'Ontario, mais le système fédéral.

M. Lévesque (Taillon): Vous avez tout de même remarqué que le NPD n'est pas au pouvoir en Ontario, il peut s'en permettre un peu plus. Je me serais attendu à ce qu'une motion comme cela vienne de l'Opposition libérale, mais enfin!

M. Ryan: Juste une remarque sur cette question.

Le Président (M. Jolivet): M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Ce serait difficile de proposer une chose comme celle-là, parce que, dans votre fameuse formule d'amendement que vous avez signée le 16 avril, vous acceptiez que tout changement à la fonction de lieutenant-gouverneur soit soumis au consentement unanime...

M. Rivest: On est bloqué.

M. Ryan: ... de toutes les Législatures des provinces et du Parlement du Canada.

Vous nous avez enchaînés pour des générations à venir.

M. Rivest: On est solidaire. M. Ryan: Tous ensemble.

M. Lévesque (Taillon): J'ai comme l'impression qu'on pourrait dire non à une clause comme celle-là et que cela ne changerait strictement rien dans le régime actuel, puisque c'est exactement ce que trouvait très drôle le chef de l'Opposition, soit qu'on n'était pas particulièrement entiché de l'idée d'éliminer la monarchie en tant que telle. Entre nous, au moins, on ne l'a pas dans les jambes; pour l'essentiel, elle est ailleurs. Il reste que, tant qu'on sera dans ce régime et tant qu'on aura le poids du Canada anglais et certaines traditions, il n'y a rien à faire de ce côté. Mais il y a des choses très claires à faire - et je félicite le député d'Arthabaska de l'avoir souligné et d'avoir travaillé son dossier - non pas sur le poste, mais, bon Dieu, sur cette

espèce de "somptuarisme" qui l'accompagne seulement au Québec.

M. Rivest: En terminant, je voudrais signaler que c'est la première fois, je pense, - vous avez créé un précédent historique -qu'un ministre qui vient défendre ses crédits est celui-là même qui veuille les diminuer. Tout ce budget du lieutenant-gouverneur a suivi le processus budgétaire, vous l'avez endossé; alors, c'est ce petit échange tout à fait sympathique avec le député d'Arthabaska et le premier ministre qui inviterait le premier ministre à prendre ses décisions de façon que la commission parlementaire puisse apprécier les décisions du premier ministre, et non pas la condescendance pour les préoccupations du député d'Arthabaska. Tout cela, c'est bien joli, mais vous êtes le ministre responsable et vous avez vous-même inscrit cela dans vos crédits.

M. Lévesque (Taillon): Je suis d'accord. Je pense que vous en serez conscient, le chef de l'Opposition cherchait s'il n'y avait pas une pelure de banane de ce côté, après les incidents qu'il y a eu autour et aux alentours de la visite de Sa Majesté, la vraie Majesté, qui est allée à Ottawa et à laquelle le lieutenant-gouverneur du Québec a eu l'intention d'assister au complet, "au coton", comme on dirait. Finalement, cela s'est réduit à quelque chose de plus discret. Mais à cause de certaines tensions que cela avait créé, je me souviens que le chef de l'Opposition voyait là peut-être une occasion potentielle de nous traiter de mesquins, etc. Alors, cela aussi, c'est vrai. J'ai dit: Laissons-le aller tel qu'il est pour cette année, il a un mandat qui achève. Ce ne serait pas élégant, je pense, cela coûte trop cher, et probablement qu'on se ferait traiter de tous les noms si on avait le malheur de toucher à cela cette année. Dieu sait que sur la transition entre deux mandats, par exemple, il y a quelque chose qui va se faire et nous sommes en train de le préparer déjà.

M. Baril (Arthabaska): Juste une dernière remarque brève. Généralement, l'Opposition est toujours défavorable aux coupures que le gouvernement impose. Mais si j'ai bien compris, cette fois-ci, si le gouvernement imposait une coupure au lieutenant-gouverneur, l'Opposition serait unanimement d'accord.

M. Rivest: On l'appréciera à son mérite.

Une voix: En commençant par...

M. Rivest: Mais quand on arrive avec des crédits, le ministre responsable doit défendre ses crédits, qu'il s'appelle le premier ministre... Que le premier ministre indique clairement au lieutenant-gouverneur qu'il a l'intention de lui couper ses crédits, on va apprécier sa décision, mais là, nous sommes devant un livre de crédits que le député d'Arthabaska conteste.

M. Baril (Arthabaska): Oui, et mon rôle, comme député, même ministériel...

M. Rivest: Vous, votre rôle est parfait; c'est le premier ministre qui a renversé son rôle.

M. Baril (Arthabaska): Je pense que j'ai autant le droit de contester les crédits d'un ministère.

M. Rivest: Avez-vous voté contre le budget? Votez contre le budget.

M. Baril (Arthabaska): Ce n'est pas l'ensemble des crédits, remarquez, c'est un programme, que je conteste.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À l'ordre!

M. Lévesque (Taillon): II y a une chose que je remarque pour la première fois, parce que cela a été escamoté en général, et j'avoue que j'escamotais moi aussi...

M. Rivest: Tant mieux.

M. Lévesque (Taillon): Pendant que certaines perceptions se développaient dans l'esprit de votre serviteur, pour la première fois, en tout cas, je vois qu'il y a un consensus, semble-t-il.

M. Rivest: Ah! Ne présumez de rien.

M. Lévesque (Taillon): Non, non, sur le principe d'une réduction de ce budget.

M. Lalonde: Commençons par le marmiton.

Une voix: II va encore s'abstenir. M. Ryan: M. le premier ministre...

Le Président (M. Jolivet): M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: II y a un sujet que je voudrais brièvement porter à l'attention du premier ministre, mais avant cela, je voudrais dire que nous nous réservons de vérifier...

M. Rivest: C'est cela.

M. Ryan: ... l'exactitude des chiffres qui ont été invoqués par le député d'Arthabaska pour les autres provinces. Nous

allons faire les vérifications qui s'imposent et nous examinerons avec un esprit ouvert...

M. Lévesque (Taillon): Si vous le faites, je ne me forcerai pas pour faire compléter les études qu'on a. On va attendre vos résultats.

Les présidents d'élection

M. Ryan: Très bien. En tout cas, si vous avez des renseignements à nous communiquer, vous les communiquerez, mais nous allons le faire de notre côté, au moins avec l'Ontario.

Avant de terminer, il y a un sujet que je voudrais porter à l'attention du premier ministre. Nous pourrons l'aborder d'une manière plus élaborée demain, mais je voudrais au moins le porter à l'attention du premier ministre pour avoir, si possible, une déclaration d'intention de sa part. À la suite des changements apportés à la Loi électorale, la nomination des présidents d'élection se fait suivant un mode différent. Le président d'élection est nommé à la suite d'un concours; à l'issue du concours, trois noms sont retenus; les trois noms sont transmis au Conseil des ministres, qui fait la nomination d'un titulaire par comté. Les vérifications que nous avons faites dans un bon nombre de comtés indiquent que des nominations ont été faites de manière partisane. Des personnes qui avaient une longue expérience et qui étaient parfaitement qualifiées pour un travail qu'elles accomplissaient déjà ont été remplacées par des personnes dont les états de service en faveur du Parti québécois étaient manifestes et de notoriété publique, et cela a créé un profond malaise dans un bon nombre de comtés. Je vous donne un exemple d'un comté où le nouveau président est membre actif du Parti québécois, trésorier de l'association de ce comté en 1975; dans un autre comté, membre actif du Parti québécois, organisateur péquiste, candidat de cette inspiration à l'échevinage dans Montréal-Est, celui-là est bien connu. Dans un autre comté: membre actif du PQ, ancien président de l'association de comté, agent officiel du candidat péquiste en avril 1981; là, il y a toute une énumération que nous pourrons fournir demain. Dans mon propre comté, nous avions un président d'élection de grande expérience, dont l'impartialité était reconnue par tout le monde. Il a été remplacé à la suite de l'un de ces concours que j'avais appelé presque bidon, parce que finalement le dénouement ressemble un peu au choix de certains architectes à Ottawa, par un titulaire - quel lapsus - par un professeur dont le mari fait partie de l'exécutif du comté dont l'activité au service du parti est bien connue.

Maintenant, M. le premier ministre, ne seriez-vous pas disposé à réexaminer cette disposition de la loi de manière que nous puissions compter sur un mode de nomination des présidents d'élection qui élimine tout soupçon de partisanerie dans la décision ultime et tout danger de doute au sujet des étapes antérieures? Je ne sais pas si vous avez eu des échos là-dessus, je le porte à votre attention avec tout le respect nécessaire, il me semble que c'est un mode de nomination qui n'est pas satisfaisant.

M. Lévesque (Taillon): En tout cas, vous admettrez peut-être une chose, c'est qu'il y a une sorte de garantie de compétence, de disponibilité aussi qui n'existait pas dans le système complètement arbitraire dont on avait hérité. Je pense que, de bonne foi, on doit l'admettre; ce qu'on a comme étape, qu'on poursuit actuellement, parce que éventuellement ce sont des permanents qui seront en quelque sorte des fonctionnaires, c'est ce que visent non seulement le gouvernement mais aussi le Directeur général des élections.

Pour l'instant, l'étape qu'on franchit, c'est qu'il y a au moins un examen des candidats dont trois sont retenus - candidats ou candidates - par le directeur général des élections comme étant des gens qui lui paraissent, et les résultats semblent confirmer que son jugement a été bon, compétents et disponibles. C'est très important, parce qu'on a eu la tradition des présidents d'élection ou des directeurs d'élection dans un comté qui étaient in absentia à peu près tout le temps. C'était le secrétaire et, des fois, l'épouse ou je ne sais pas qui qui faisait le job à sa place; cela ne doit plus exister. Alors, cela est acquis. On reçoit par ordre alphabétique trois noms; il est évident qu'il y a des péquistes parmi ceux qu'on a retenus; il n'y avait que des libéraux ou des gens de l'Union Nationale qui tous avaient un passé politique à peu près sans exception en 1976-1977; que ce soit équilibré quelque peu, parce que je pense qu'une expérience d'action politique n'est pas mauvaise dans ce domaine-là, pourvu qu'il y ait l'impartialité dont parlait le chef de l'Opposition, qu'il y ait maintenant un mélange de gens parmi lesquels se trouvent un bon nombre de gens qui ont milité dans le Parti québécois, ça ne me paraît pas anormal; ce n'était pas la chasse gardée des vieux partis pour jusqu'à la fin du monde.

Cela dit, encore une fois, on a demandé au directeur général des élections d'évaluer de son mieux surtout la compétence, la disponibilité, mais aussi les capacités d'impartialité des gens. Il y a pas mal de gens qui ont surnagé, je sais bien qu'on peut prendre, sur 122 comtés, une liste et dire: Ce sont les gens qui ont fait de l'action politique péquiste. Moi, je me souviens d'avoir eu des réactions plutôt

saumâtres de la part des gens - parce que c'est tellement politisé depuis toujours - de notre parti qui disaient: Pourquoi vous avez maintenu celui-ci? Pourquoi vous avez maintenu celui-là? Les gens des vieux partis qui ont milité contre nous autres, etc., mais ils faisaient partie des trois qui avaient été retenus, puis, d'après certaines recommandations, nous paraissaient les plus compétents et on les a laissé passer, il n'est pas question de commencer à faire des exclusivités. Mais encore une fois, je le répète, tant qu'on est dans le système qui, je pense, va être une transition, il y a une Amélioration avec un grand A - par rapport à ce qui existait avant; deuxièmement, qu'il y ait des ex-péquistes ou des militants péquistes qui font partie de ce groupe de 122 comme il reste des anciens libéraux et des anciens de l'Union Nationale, je ne vois pas en quoi on doit grimper dans les rideaux. (18 heures)

M. Ryan: D'abord, je trouve que vous passez un jugement assez sommaire sur des personnes qui ont très bien servi le Québec et dont à peu près toutes étaient des personnes compétentes dans l'exercice de leur charge. Mais, je voudrais vous demander ceci, M. le premier ministre. Est-ce que vous ne trouvez pas que ce serait préférable que la nomination soit faite dans des conditions d'impartialité maximale? Si le Directeur général des élections est capable de vérifier les qualifications des candidats, ne serait-il pas capable de les nommer aussi ou de présenter lui-même la recommandation au gouvernement pour que le gouvernement les nomme? En vous gardant ce privilège de choisir parmi trois, vous nous mettez dans une position, surtout avec les renseignements que nous avons accumulés et que nous vous communiquerons en détail d'ailleurs, de doute et de méfiance qui n'est pas bonne pour le processus démocratique.

M. Lévesque (Taillon): En tout cas, je dirai simplement que la méfiance a au moins des chances de diminuer par rapport au système qu'il y avait avant.

M. Ryan: Non, elle a augmenté à bien des endroits.

M. Lévesque (Taillon): Peut-être que le chef de l'Opposition parle de son comté ou de quelques autres comtés. Je comprends, mais je ferai remarquer une chose jusqu'ici, personne n'a mis en doute sa capacité d'exercer ce pouvoir, il y a même eu un ou deux cas déjà où, pour des raisons qui pouvaient être cela ou autre chose, il s'est servi de ce pouvoir - c'est que l'article 214 donne au Directeur général des élections, qu'on n'accusera pas d'être un partisan, je pense, le pouvoir de destituer qui que ce soit aussitôt qu'il voit, en particulier, des accrocs à l'impartialité qui doit accompagner ce poste.

Si je peux sauter - c'est sur le même sujet - du coq à l'âne, le chef de l'Opposition, enfin l'Opposition nous a demandé la liste de l'ensemble des noms retenus dans les 122 comtés, c'est-à-dire des trois noms. Je le demande simplement parce que, jusqu'à un certain point, c'est un peu le commentaire que le Directeur général des élections nous avait lui-même transmis, mais je ne veux pas l'impliquer là-dedans. On m'a demandé tout simplement, si c'était possible, de ne pas se servir de cette liste systématiquement pour picocher, parce que évidemment il dit: J'ai fait mon travail de mon mieux, ce n'est jamais plaisant pour des gens qui n'ont pas été retenus de se voir nommer en public. S'il y a des cas qui paraissent aberrants à l'Opposition, elle n'a qu'à s'en servir, mais on nous demande, si c'est possible, de traiter, là où cela ne paraît pas nécessaire de faire des plats publics, de façon confidentielle cette liste, comme on le fait pour d'autres concours. Enfin, c'est laissé au bon jugement de l'Opposition.

Le Président (M. Jolivet): Compte tenu de l'heure, vu que le député de Jean-Talon en a fait mention tout à l'heure, je demanderais l'adoption des programmes 1 et 3 - il n'y a pas de problème - et je suspends les travaux jusqu'à 20 heures.

M. Lévesque (Taillon): Cela va, merci. M. Rivest: On vous remercie.

(Suspension de la séance à 18 h 03)

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