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(Vingt heures neuf minutes)
Le Président (M. Rochefort): La commission permanente de
la présidence du conseil et de la constitution reprend ses travaux aux
fins d'étudier les crédits du Conseil exécutif. Nous en
sommes aux crédits du ministre d'État au Développement
économique et les membres de la commission pour ce soir sont les
suivants: M. Blais (Terrebonne), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Gravel
(Limoilou), M. Lachance (Bellechasse), M. Paquette (Rosemont), M. Landry
(Laval-des-Rapides) -vous m'excuserez, je ne les ai pas en note -M. Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce). Cela va, c'est conforme?
Est-ce que nous devons nommer un rapporteur? Oui. Qui est proposé
pour agir à titre de rapporteur? On me suggère le
député de Bellechasse. Cela va?
M. Scowen: Excellente idée. Bravo!
Le Président (M. Rochefort): Alors, M. le
député de Bellechasse est nommé rapporteur de la
commission. Pour quelques commentaires d'introduction, M. le ministre
d'État au Développement économique.
M. Landry: Je présume, vu que l'Opposition aligne ici une
équipe considérable, que nous allons prendre les quatre heures
qui sont à notre disposition puisque nos travaux sont fixés
jusqu'à épuisement.
Suivant que l'Opposition a l'intention d'utiliser toute la
période ou non, je pourrai ajuster mes remarques initiales. Si on
travaille très longtemps, je pourrai développer davantage pour
donner à l'Opposition la chance d'avoir un survol plus
considérable. Si le représentant de l'Opposition me disait que,
non, la séance n'ira pas jusqu'à minuit ou jusqu'à onze
heures, bien, j'abrégerai mes remarques pour lui donner plus de chance
de poser des questions.
Le Président (M. Rochefort): On peut essayer de convenir
de la gestion du temps avant d'aborder l'étude des crédits, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce, sur cette question.
M. Landry: Mais cela ne m'importe aucunement. Je me mets à
la disposition de l'Opposition.
M. Scowen: Quels sont les programmes qu'il faut adopter?
M. Landry: Le programme 9, les éléments 1, 2, et 3.
L'élément 1, c'est le Bureau d'analyse et de prévision
économiques, et les éléments 2 et 3 sont ceux qui
concernent le Bureau de la statistique du Québec.
M. Scowen: Mais on est devant uniquement le programme 9, c'est
cela?
M. Landry: Oui.
M. Scowen: II y en avait d'autres qui avaient des
éléments économiques mais, si je comprends, ils ont
été adoptés par les autres.
M. Landry: Oui, bien sûr, il y a des éléments
économiques répandus dans l'ensemble du livre des crédits
mais au sein du Conseil exécutif où se trouvent mes propres
crédits, comme le premier ministre a défendu les crédits
des ministres d'État en général, moi, j'ai la
responsabilité du programme 9.
M. Scowen: Je propose que le ministre fasse l'intervention qu'il
veut faire et je vais faire mon intervention. Après, nous passerons
à l'analyse des trois éléments et par la suite, on va
retourner chez nous.
Exposés
généraux M.
Bernard Landry
M. Landry: Bon, très bien; alors, je retiens de ce message
que vous ne voulez pas que je fasse une très longue introduction. De
toute façon, je n'en ferai pas une très longue.
Comme vous le savez, la structure actuelle du gouvernement comporte des
ministres qui ont des responsabilités horizontales: ce sont les
ministres d'État. Le ministre du Développement économique
a la responsabilité de coordonner l'action économique du
gouvernement, ce qu'il fait à travers un outil majeur, le comité
ministériel permanent du développement
économique qui se réunit deux fois par mois et qui
regroupe tous les ministres en charge de ministère à vocation
économique, en tout ou en partie. Il est également des
responsabilités du ministre du Développement économique de
concevoir des programmes à long terme, ce qui n'est pas courant pour les
gouvernements nord-américains; moyen terme ou long terme. En fait, le
gouvernement du Québec a publié récemment le
deuxième volet de Bâtir le Québec, phase 2, qui est un
programme d'action économique de 1982 à 1986, qui couvre donc un
horizon beaucoup plus long que Bâtir le Québec, 1, qui, lui,
était plutôt un programme de 12, 15, 18 mois. Il est
également de la responsabilité du ministre d'État au
Développement économique d'organiser la concertation entre les
divers agents par la tenue de sommets et de mini-sommets; il y en a eu une
vingtaine qui ont eu lieu au cours des dernières années et dans
la période qui nous concerne, il y a eu en particulier le sommet de
Québec, le grand sommet national qui faisait suite à celui de
Pointe-au-Pic et à celui de Montebello.
Également, il est de la responsabilité du ministre
d'État au Développement économique de faire la
concertation de l'action du gouvernement à l'étranger, dans ses
rapports avec les États étrangers et de fournir le contenu
économique de ce qui, par ailleurs, est géré
quotidiennement par le ministère des Affaires intergouvernementales. Les
priorités des derniers mois, comme vous le savez, ont été
centrées vers les relations avec les États-Unis
d'Amérique, la France, la Belgique et les deux communautés qui
l'habitent. C'est surtout avec des représentants de ces entités
économiques privées ou publiques que nos relations
économiques internationales ont été menées.
Ces responsabilités ont amené, au cours du
précédent exercice budgétaire, des changements dans
l'affectation de deux agences de l'État qui ne sont pas égales en
importance, ni budgétaire ni de personnel, mais qui ont toutes les deux
une importance considérable. Il s'agit du Bureau de l'analyse et de la
prévision qui était auparavant partie intégrante du
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Le changement
s'est fait parce qu'il nous semblait que ce bureau de l'analyse et de la
prévision avait une vocation beaucoup plus générale que
celle de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, qu'il touchait à
l'ensemble de l'activité économique du gouvernement et qu'il
s'appliquait tout aussi bien aux activités du ministère de
l'Énergie et des Ressources qu'à celles de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, enfin à tous les ministères
économiques. C'est la raison pour laquelle ces crédits se
retrouvent à l'élément 1 du programme 9, Conseil
exécutif.
Pour des raisons analogues et peut-être plus claires encore, le
Bureau de la statistique du Québec a été ramené
sous ma juridiction, donc au Conseil exécutif, parce que le Bureau de la
statistique du Québec est lui aussi visiblement un organisme central du
gouvernement. Si pour des raisons historiques, s'il avait rendu de grands
services en étant rattaché au ministère de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme, le temps était venu de l'orienter davantage
vers l'ensemble des ministères à vocation économique et
au-delà, puisque le Bureau de la statistique du Québec qui est un
des plus vieux bureau d'Amérique. Il a été fondé
plusieurs années avant que Statistique Canada n'existe et est en mesure
de fournir des données qui dépassent la stricte activité
économique et qui concernent tous les aspects de la vie collective, dans
la mesure où on peut les mettre en tableau statistique et les chiffrer.
Nous avons décidé d'en faire également un organisme
central et d'entreprendre une évolution dont nous ne sommes pas
prêts à parler encore, parce que ces événements sont
récents, mais qui devrait le mettre davantage au service de la
collectivité et des diverses clientèles et d'une part de
l'appareil gouvernemental d'autre part.
Ces divers éléments que j'ai mentionnés ont connu,
au cours de la précédente période, un point central pour
guider leur activité. Cela a été la préparation du
programme d'action économique 1982 à 1986, Le virage
technologique qui, comme vous le savez, a été rendu public il y a
quelques semaines et a été accueilli par les milieux d'affaires,
les milieux spécialisés, par la presque totalité des
intervenants québécois avec grande satisfaction. Les
commentaires, sauf ceux de l'Opposition, ils ressemblaient d'ailleurs
étrangement à ceux que l'Opposition avait tenus lors du lancement
de Bâtir le Québec, 1, ont marqué le contentement de voir
le gouvernement du Québec qui est un gouvernement provincial, certes,
mais un gros gouvernement provincial se donner une politique économique
complète, claire - il y a 200 actions concrètes qui sont
mentionnées dans Le virage technologique -de façon que les divers
agents, aussi bien les industriels que les syndicats, les banquiers que les
agences de l'État elles-mêmes puissent savoir avec un minimum de
certitude quelles étaient les grandes orientations que prendrait la
politique économique du gouvernement au cours des quatre prochaines
années.
D'ailleurs, cela a été très bien analysé par
l'Opposition, je n'en doute pas, qui l'a eu entre les mains un peu avant les
autres, mais déjà depuis un certain temps. Je ne veux pas
réanalyser les 250 pages de texte que comporte cette programmation, sauf
qu'il est peut-être bon de rappeler les voies de développement que
nous choisirons et les
principaux moyens d'action. Les voies de développement se
concentrent autour des grands projets industriels. Il y aura d'ici à
1990 pour 50 000 000 000 $ de projets de 100 000 000 $ et plus dans
l'économie du Québec. Si on veut raisonner par comparaison,
l'Alberta en aura pour 29 000 000 000 $. Encore que l'expérience des
derniers mois nous a démontré que ceux du Québec sont pas
mal plus solides -puisqu'ils sont décidés et que certains d'entre
eux sont en cours de réalisation - que ceux qui avaient
été prévus pour l'Alberta. Par exemple, on a
été obligé d'aller à l'imprimerie pratiquement la
nuit pour rayer de nos tableaux le projet Alsands, parce qu'entre notre
rédaction première et l'impression, vous savez que ce projet,
malheureusement, a dû être abandonné. Alors, 50 000 000 000
$ seront dépensés de toute façon d'ici à 1990, ce
qui veut dire des occasions d'affaires absolument faramineuses pour l'ensemble
de nos secteurs de production industrielle. Le bureau des grands projets qui
est en train d'être mis sur pied aura pour mission de maximiser les
retombées de ces montagnes d'argent, littéralement.
Deuxième secteur prioritaire, les opérations industrielles
majeures pour lesquelles le Québec a déjà une avance:
essentiellement l'aéronautique, 50% du potentiel canadien, le
matériel de transport, le matériel électrique lourd.
Troisièmement, le tertiaire moteur. Vous voyez d'ailleurs, M. le
Président, au fil de ce que je dis, que nous avons fondé cette
stratégie sur les points pour lesquels le Québec possédait
déjà une avance ou une force non négligeable. C'est le cas
pour le tertiaire moteur avec la présence à Montréal de
trois des dix plus grands bureaux de génie-conseil du monde et d'un
certain nombre de bureaux d'étude plus modestes, mais
spécialisés, qui ont également une vocation mondiale.
Quatrième voie de développement, les technologies
nouvelles. Nous en mentionnons plusieurs mais j'en rappelle deux.
L'informatique, en particulier par son aspect micro-électronique
où oeuvrent quelques douzaine de petites et moyennes entreprises
québécoises, s'ajoutant aux multinationales qui sont
déjà sur notre territoire. Je pense à IBM, à
Bromont, qui est en train de convertir son usine de machines à
écrire et son exploitation en fabrication de "chips" extrêmement
spécialisés pour exportation dans l'ensemble de la
planète.
Donc, un bon réseau de PME, un certain nombre de multinationales
qui déjà au Québec servent de créneaux de
micro-informatique qui sont des plus prometteurs et sur lesquels nous pouvons
fonder le développement des années qui viennent.
Autres technologies retenues dans les technologies nouvelles, entre
autres, j'en mentionne deux: les biotechnologies où le Québec
possède déjà, au moment où nous parlons, 100
chercheurs à l'oeuvre soit à l'Institut Armand-Frappier, à
Laval, un institut de réputation internationale, à
l'Université Laval de Québec ou à l'Université
McGill. Donc il y a déjà un substrat de recherche
considérable pour lequel notre stratégie consiste à
réaliser l'arrimage entre la recherche des laboratoires et l'industrie,
de façon que ces recherches pour lesquelles la collectivité
québécoise a déjà payé servent maintenant
à créer des emplois, à améliorer notre balance
commerciale et à monter le niveau de valeur ajoutée de nos
diverses productions.
Après avoir choisi ces voies de développement, nous avons
retenu, comme instrument principal pour provoquer ce développement et le
consolider, l'entreprise, qui est le coeur de l'activité industrielle et
de l'activité de transformation, par la dynamisation de l'entreprise en
particulier dans ses fonctions principales, l'innovation et la recherche, les
exportations, le financement.
Au chapitre de l'innovation et de la recherche, je donne quelques
exemples. Sur quatre ans, la SDI consacrera 50 000 000 $ à seconder
l'action des petites et moyennes entreprises qui, au sein de l'entreprise,
feront des activités d'innovation et de recherche. Sur les cinq
prochaines années, sur le modèle du Centre de recherche de la
SNA, qui a été un très grand succès, sept ou huit
centres de recherche sectorielle verront le jour dans les secteurs où
nous avons de bons avantages de situation ou une certaine avance. Le Centre de
recherche industrielle, le CRIQ, consacrera 85 000 000 $ aux mêmes fins
sur les cinq prochaines années. La SDI établira, comme
priorité, l'aide aux entreprises innovatrices. En particulier, trois
programmes seront annoncés dans les jours qui viennent. UNI-PME,
où l'État défraiera 50% du salaire d'universitaires qui
s'intégreront pour un an à la PME. Nous pensons ainsi
intégrer 1000 diplômés par an, en autant de PME, pendant
quatre ans. De même pour le développement de stratégies de
marketing dans les petites et moyennes entreprises innovatrices, le
gouvernement défraiera 50% des frais de conception de ces
stratégies de marketing, et nous pensons toucher 800 à 1000 PME
par an, pendant les quatre prochaines années. Je ne veux pas vous
énumérer toutes les mesures, mais voilà un certain nombre
de choses qui seront faites au niveau de l'entreprise pour vraiment induire
l'économie du Québec à prendre Le virage technologique.
Nous n'avons pas négligé, comme, dans Bâtir le
Québec, 1, les atouts naturels, mais nous avons donné une
coloration plus précise aux politiques énergétiques, aux
politiques d'agro-
alimentaire, dans la forêt, où l'on entreprendra la
deuxième phase du programme de modernisation des pâtes et papiers,
dans les mines où 30 000 000 $ seront dépensés en
exploration dans la fosse du Labrador, 35 000 000 $ dans les Appalaches. Le
programme contient également une vision plus intégrée et
plus globale du transport là où le ministère des
Transports déborde largement de son rôle conventionnel de
construction du réseau routier pour s'attaquer au transport maritime, au
transport des personnes, au transport aérien, le tout suivant une
stratégie de mobilisation des agents en particulier par la concertation
telle que nous l'avons entreprise depuis plusieurs années, la
participation des travailleurs au capital des firmes et à leur
développement, les incitations venant des divers programmes
gouvernementaux de même que du développement régional.
Au chapitre du développement régional, mon collègue
de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme est déjà en
tournée à travers le Québec pour l'établissement de
17 maisons régionales de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme; donc,
non seulement dans des régions administratives, mais dans des
sous-régions, de façon à permettre aux entrepreneurs et
aux agents économiques locaux de s'adresser à une porte pour
être mis en contact avec les divers programmes du gouvernement, les
divers programmes d'aide, soit financiers, soit techniques. Comme les journaux
ont déjà fait des analyses très élaborées et
que cela commence à faire partie du patrimoine connu, vitement
résumée, voilà ce à quoi l'action de concertation
des ministères économiques au sein du gouvernement nous a
conduits, en termes de conception de stratégie.
Au cours des douze mois qui viendront, l'une de mes
préoccupations principales sera de faire avec une équipe de
sous-ministres un suivi au jour le jour qui est déjà en marche,
de faire le suivi de ces énoncés de politique économique
de façon que le taux de réalisation soit atteint, comme il l'a
été pour Bâtir le Québec, 1, c'est-à-dire aux
environs de 90%. Il nous manquait quelques éléments, il y en a un
qui fait l'objet d'une loi présentement qui a été
déposée à la Chambre, le gage immobilier sans
dépossession, qu'on n'avait pas pu réaliser jusqu'à ce
jour parce que, sur le plan législatif, la mécanique
n'était pas prête, mais qui est maintenant en discussion devant
les parlementaires. Nous entendons poursuivre énergiquement la
réalisation du virage technologique.
La tournée que j'ai entreprise à travers le Québec,
qui me conduira dans 17 villes -je dois en avoir déjà fait un peu
plus du tiers - me démontre que c'est d'une façon enthousiaste
que les agents économiques de tous les niveaux, les grandes entreprises
comme les petites et les moyennes, accueillent Le virage technologique et
veulent le prendre, parce qu'elles font le même raisonnement que nous;
apparemment, c'est un choix; en vérité, ce n'est pas un choix,
simplement pour conserver les emplois que nous avons déjà en
raison de la vive concurrence qui va s'exercer dans l'économie du
Québec qui est une économie ouverte, 40% du PNB
québécois est déjà l'objet d'import-export, raison
de cette concurrence, il n'est question de nous laisser devancer d'aucune
manière au chapitre des secteurs les plus prometteurs, de ceux qui
connaissent la plus forte croissance, au chapitre, en d'autres termes, des
nouvelles technologies. Déjà, l'économie
nord-américaine a peut-être commis quelques négligences
à cet égard. Quand on voit l'impact des exportations orientales
et également de l'Europe de l'Ouest sur l'appareil économique
américain et canadien, il devient bien évident que le choix n'en
est pas un, c'est une nécessité et c'est à
réaliser, cette nécessité, avec l'ensemble des agents
économiques que nous allons nous appliquer dans les douze mois qui
viennent. En tout cas, on vous fera rapport à la prochaine étude
des crédits. (20 h 30)
Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le ministre. M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Reed Scowen
M. Scowen: Premièrement, je remercie le ministre de la
distribution qu'il nous a faite des activités de son ministère.
C'était très intéressant, et je le remercie
également de la distribution qu'il nous a faite de son document
Bâtir le Québec, 2. Comme il le sait déjà, nous ne
sommes pas en accord avec la conception, ni le contenu, ni les moyens de
réalisation de ce document. Nous avons une vision de la
société économique du Québec qui n'est pas celle du
ministre. Je pense que cette conception différente, nous avons
l'occasion de la véhiculer de jour en jour devant la population dans un
effort pour la persuader que la nôtre est meilleure que la sienne.
Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas réussi, il faut l'admettre,
mais on est encore au travail et, parce que je suis plus ou moins certain que
ce n'est pas ce soir que je vais persuader le ministre, ses collègues ou
ses proches collaborateurs d'accepter notre vision des choses, à moins
qu'il y ait d'autres de mes collègues qui veulent intervenir, je propose
qu'on passe immédiatement à l'étude des trois
éléments du programme 9.
Le Président (M. Rochefort): Cela va? M. Landry: Je
n'ai pas d'objection, à
moins que mes collègues...
Le Président (M. Rochefort): Vous êtes prêts
à passer au premier élément du programme 9? M. le
ministre, vous avez quelques commentaires?
Analyse et prévision économique
M. Landry: Le premier élément du programme 9, c'est
le Bureau d'analyse et de prévision économique. J'ai
déjà fait quelques commentaires à ce sujet. Je voudrais
vous dire que j'ai avec moi le directeur de cette équipe, M. Alain
Bardou, qui remplace ici à l'arrière. Il dirige une équipe
légère mais extrêmement efficace. C'est elle qui
présente et prépare en particulier la revue économique de
l'année, une tradition qui remonte à plusieurs années au
gouvernement, qui est présentée vers le mois de décembre.
Je qualifierais cette équipe d'équipe à faible
consommation et haut rendement. C'est un travail intellectuel qui, comme vous
le voyez, ne coûte pas très cher, mais permet à
l'Opposition, au gouvernement et aux hommes d'affaires de connaître le
pouls de l'économie du Québec dans ce grand instantané qui
est le rapport annuel sur l'état de l'économie. Elle prodigue
également au jour le jour des conseils au gouvernement et rend aussi
l'information disponible à l'Opposition sur demande. Vous savez que
c'est de la connaissance des chiffres et de l'accord qu'on peut faire sur
ceux-ci que sortent les travaux les plus fructueux d'un côté comme
de l'autre de la Chambre.
Comme les montants ne sont pas importants, je ne veux pas vous infliger
une discussion sur l'impact macroéconomique ou les finances publiques du
bureau d'analyse et de prévision; l'un et l'autre sont modestes.
M. Scowen: J'ai une seule question. Je pense qu'on prévoit
quand même une augmentation de 20% pour ce groupe cette année et,
parce que dans une période comme celle-ci il n'y a pas de petite
économie, toutes les économies sont importantes, je veux
simplement demander par quel moyen le ministre a persuadé son
collègue du Conseil du trésor d'accepter une augmentation qui
dépasse de loin l'augmentation moyenne pour l'Etat, qui est de soit 14%,
soit 16%, dépendant des chiffres que vous utilisez.
M. Landry: C'est le transfert mixte.
M. Scowen: Les crédits comme tels ne
révèlent pas le nombre d'employés permanents et partiels
qui étaient membres de ce groupe l'année passée. Y a-t-il
augmentation?
M. Landry: N'allez pas plus loin, M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, vous allez comprendre pourquoi. Je n'ai eu aucun
effort de persuasion à faire. Ce que vous voyez là est purement
mécanique, en ce sens qu'avant ils étaient au MICT. Le MICT leur
rendait certains services de soutien qu'il ne leur rend plus et qu'ils ont
eux-mêmes. La hausse excédant les ajustements purement
mécaniques que vous voyez là-dedans, elle est supportée
par une baisse équivalente du budget du ministère de l'Industrie,
du Commerce et du Tourisme.
M. Scowen: Adopté.
M. Landry: Comprenez-vous ce que je veux dire?
M. Scowen: Oui.
M. Landry: Ils sont venus d'ailleurs.
Le Président (M. Rochefort): L'élément 1
est-il adopté?
M. Scowen: Quant à moi, oui.
Le Président (M. Rochefort): Élément 2.
Bureau de la statistique du Québec
M. Landry: Je vous préviens, les éléments 2
et 3, c'est le Bureau de la statistique du Québec. J'ai ici
également à mes côtés le directeur de cet excellent
Bureau de la statistique, M. Yvon Fortin. Vous pouvez peut-être venir
prendre place avec moi.
M. Scowen: Bonsoir, Yvon.
M. Landry: Si vos questions allaient être trop techniques
pour mes modestes moyens, il pourrait m'aider à répondre. Ce que
j'ai dit pour le BAPE, à cause du changement d'affectation du BSQ, doit
également s'appliquer au moins partiellement à la hausse de vos
crédits.
M. Scowen: Bonsoir. M. Landry: Bonsoir.
M. Scowen: Comparé avec votre collègue qu'on vient
de rencontrer, vous avez une grosse boîte, 10Q personnes. Il y a encore
à l'élément cette même augmentation de 20%. Je ne
veux pas répéter les commentaires que j'ai faits sur les premiers
20%, mais je répète la question.
M. Landry: II y a une partie de la réponse qui est la
même. Eux aussi étaient rattachés au MICT, et, à la
même période, ils sont passés du MICT au Conseil
exécutif, et le MICT leur rendait certains services
généraux qu'il ne leur rend plus. Donc, il y a
une baisse équivalente dans les postes correspondants du MICT,
l'an dernier, et une hausse pour les services qu'ils se rendent maintenant
eux-mêmes et qui leur vient du Conseil exécutif.
M. Scowen: Quelle est l'autre partie de l'explication?
M. Landry: Les ajustements purement mécaniques, parce que
figurez-vous que ces gens aussi ont vu leurs salaires augmenter, contrairement
au vôtre et au mien. Ces personnels sont formés largement de
professionnels qui sont régis, pour la plupart, par la convention
collective des professionnels. Ils ont connu les mêmes ajustements
mécaniques que l'ensemble de la fonction publique. C'est surtout la
matière grise que vous consommez et vous n'êtes pas frappé
par d'autres genres d'augmentations que celle-là. Si vous tenez compte
de ce que j'ai dit précédemment, vous allez voir que le rythme de
hausse est tout à fait en ligne avec le rythme général de
hausse des dépenses du gouvernement.
M. Scowen: Puis-je demander au ministre ou à ses
directeurs si dernièrement quelqu'un a regardé de près les
activités et les études qui sont faites dans votre groupe pour
vérifier leur utilité? Je veux simplement vous dire que cela fait
maintenant sept ou huit ans que j'ai travaillé au sein du cabinet du
ministre de l'Industrie et du Commerce qui avait la responsabilité de ce
groupe et, à l'époque, j'avais l'impression, qui était un
peu partagée, qu'il y avait certaines personnes qui, pour au moins une
partie de leur temps, étaient très occupées dans des
activités qui ne rendaient pas de grands services à personne.
C'est un danger dans un groupe comme le vôtre, car il est difficile
d'évaluer le rendement, parce que vous donnez des services pour les
autres personnes. Les documents que vous préparez, les analyses que vous
préparez sortent du bureau et, souvent, vous espérez qu'ils sont
utiles aux autres, mais le "feedback", si vous voulez, est souvent difficile
à connaître, à réaliser. Moi, à
l'époque, j'avais l'impression que si j'étais là, je
devais exiger que...
M. Lachance: Je m'excuse auprès de mon collègue, le
député de Notre-Dame-de-Grâce, c'est un problème
technique: Est-ce que vous pourriez faire attention pour ne pas brasser votre
crayon dans les oreilles du technicien?
M. Scowen: Je m'excuse. C'est une bonne idée, surtout dans
une opération comme la vôtre, de faire sur une base
régulière une espèce d'analyse des
coûts-bénéfices de vos activités. Je me demande
simplement, si c'est un exercice qui a été fait récemment,
si vous êtes satisfait du rendement de vos activités, de vos
efforts, de vos travaux.
M. Landry: Je pense que la question du député est
extrêmement pertinente, tellement pertinente que le jour même
où cette agence gouvernementale est tombée sous ma juridiction,
j'ai fait entreprendre les travaux auxquels il vient de faire allusion, sous la
direction du secrétaire général associé du
gouvernement, M. Jean Vézina, dans une optique d'analyse, tel qu'il le
dit, mais une optique prévisionnelle pour voir ce qu'on pourrait faire
de mieux à l'avenir, non seulement en termes d'efficacité mais en
termes de réorganisation des organismes centraux d'analyses
économiques du gouvernement.
Ce rapport m'a été remis il y a quelques jours. Il est sur
mon bureau. Je n'en ai pas encore fait l'analyse et je me propose d'utiliser la
période estivale pour procéder à cette revue qu'il
suggère et présenter à l'Assemblée nationale
même des dispositions législatives de façon à
atteindre plus facilement les objectifs du gouvernement d'une part, et les
objectifs souhaités par le député de
Notre-Dame-de-Grâce, d'autre part. Sauf que - je m'excuse auprès
de lui, c'est une décision que j'ai prise après mûre
réflexion - comme cela comporte des éléments
spéculatifs pour savoir qui va aller où et ce qui va se passer et
qu'il y a du personnel d'impliqué, j'aimerais mieux, tant que mon
idée ne sera pas faite de façon définitive, ne pas lui
révéler le contenu de cette étude ni lui dire ce que j'ai
l'intention de faire, tant que je ne serai pas absolument fixé sur ma
propre doctrine et il comprend pourquoi. Je ne veux semer le désarroi
dans aucune agence du gouvernement. Je m'engage à le faire et je trouve
que la façon dont il aborde les choses - quand il était au
cabinet du ministre de l'Industrie et du Commerce, il n'aurait pas dû se
retenir pour tenir les mêmes propos - s'applique à toute l'action
du gouvernement et dans un organisme comme le Bureau de la statistique du
Québec, c'est là que c'est le plus difficile à appliquer
parce que comme vous l'avez souligné, les services énormes que
ces gens rendent, les prestations qu'ils fournissent à l'ensemble de la
collectivité de même qu'à l'Opposition et au gouvernement
sont très difficiles à comptabiliser.
Ils ont publié, par exemple, une analyse fort bien faite des
investissements, que vous avez peut-être eue entre vos mains, qui a
été l'objet de commentaires fouillés dans les journaux,
etc. Cela vaut quoi ça, pour vous-même, pour moi, pour les
éditorialistes et les chefs d'entreprises de savoir ce qui s'est
passé au chapitre des investissements dans les périodes
antérieures et dans les périodes récentes et les
projections?
II y a là - et vous deviez bien le concevoir vous-même
quand vous aviez le même problème sur votre table - une
difficulté réelle de faire une étude
bénéfices-coût serrée comme on pourrait le faire,
par exemple, dans une entreprise de production de biens ou de services. Alors,
ce sont ces notions qu'on essaie de discerner. Ce n'est pas facile.
Je dois dire que depuis que j'ai la responsabilité du Bureau de
la statistique, j'ai été visiter d'abord le personnel sur place,
j'ai eu de nombreuses consultations, de nombreuses discussions y compris avec
un certain nombre de mes amis qui travaillent à Statistique Canada et je
n'ai entendu que des éloges du Bureau de la statistique du Québec
quant au niveau scientifique des travaux de ces personnes, leur
honnêteté intellectuelle, leur dynamisme mais, évidemment,
rien n'est parfait et tout cela est difficile à chiffrer.
M. Scowen: Bon, je remercie le ministre pour cette information.
Je veux tout simplement dire que je n'ai pas mis en doute leur
honnêteté intellectuelle ou leur dévouement et que
j'accepte que les analyses coût et bénéfices sur un plan
strictement objectif sont difficiles dans ce domaine, mais il est quand
même possible, pour quelqu'un qui a un peu de jugement, de juger.
C'était la question que je posais: Est-ce qu'il y a quelqu'un qui essaie
de temps en temps de juger les valeurs de ce qui est fait? Et le ministre m'a
répondu qu'il le fait ou qu'il a l'intention de le faire pendant
l'été. Tant mieux. J'espère qu'il va poursuivre sa
démarche. (20 h 45)
Juste une question. Je ne sais si elle relève de
l'élément 2 du programme 9 mais c'est une question qui m'est
venue à l'esprit pendant que le ministre prenait la parole. Le
gouvernement a annoncé il y a quelques mois que, dorénavant,
chaque projet de loi soumis au Conseil des ministres sera accompagné
d'une espèce d'analyse du coût et des bénéfices
quant à la réglementation qui aura été
appliquée dans la réalisation, l'administration d'un projet de
loi et qu'aucun projet de loi ne pourrait être adopté... Le
ministre et même d'autres ministres ont utilisé cette
réalisation pour essayer de prouver que le gouvernement est vraiment
préoccupé du problème dont plusieurs hommes d'affaires ont
parlé assez souvent, le coût et les problèmes
associés à la réglementation excessive. Je pense que, si
le gouvernement est sérieux dans sa démarche, il doit accepter de
rendre publique, chaque fois qu'il déposera un projet de loi, cette
analyse coût et bénéfices parce qu'en
réalité, et je pense que si le ministre était de ce
côté-ci ou du côté de la population, il serait
très vite capable de comprendre qu'une analyse coût et
bénéfices qui est évaluée seulement par le
gouvernement n'est pas essentiellement un outil très pratique pour le
législateur, pour l'Assemblée nationale et même pour la
population. Le projet de loi est déposé, c'est débattu et,
moi, j'avais pensé et je pense encore que, si le gouvernement est
sérieux en ce qui concerne cette démarche dont il se vante, et
probablement avec raison, il ne doit pas s'opposer à ce que, pour chaque
projet de loi, les législateurs, l'Assemblée nationale, prennent
connaissance de cette étude et évaluent le projet de loi selon
l'analyse du coût et des bénéfices. Est-ce que le ministre
a objection à recommander cela à ses collègues?
M. Landry: D'abord, je voudrais préciser un peu. Cela peut
toujours se rattacher à l'élément 3 du programme 9 parce
que, pour faire des analyses des bénéfices et du coût, on a
besoin de statistiques qui viennent justement de là. Alors, ne soyons
pas chinois sur le rattachement. La correction que je veux faire, c'est que la
décision gouvernementale veut qu'aucun règlement ne soit
amené devant le Conseil des ministres sans une grille d'analyse
économique comportant l'étude des bénéfices et du
coût. Cela ne s'applique pas à la législation. Pourquoi?
Parce que la législation, quand elle vient devant l'Assemblée,
est l'objet de vifs débats contradictoires entre la majorité et
l'Opposition. Souvent, dans des commissions parlementaires, à la face du
public, toutes les questions, objections peuvent être posées au
ministre, les plus vibrants plaidoyers, et là le gouvernement, la
majorité et l'Opposition font leur travail.
Pour l'aspect réglementaire des choses, voici ce que je suis
prêt à faire. Nous avons conçu un guide à l'usage de
chacun des sous-ministres et des chefs d'agence qui ont à
présenter des règlements, guide qui leur indique comment faire
l'analyse économique de leurs propositions. Pourquoi est-ce que je ne
suis pas prêt à rendre publique l'analyse? J'ai eu à
réfléchir à cette question quand le conseil du patronat et
la chambre de commerce m'ont demandé exactement la même chose que
le député de Notre-Dame-de-Grâce avec beaucoup
d'à-propos. Et je leur ai démontré, en leur montrant une
grille réalisée d'analyse économique, qu'il y avait
là des éléments spéculatifs qui n'étaient
pas de l'intérêt public de communiquer à la population. Je
vous donne un exemple. Ce que j'ai montré à la chambre de
commerce, c'est l'analyse économique touchant le règlement sur la
qualité du poisson. L'analyse était à ce point
poussée qu'on y allait par entreprises et même par bateaux,
bateaux qui sont des entreprises privées et entreprises comme
Pêcheurs Unis qui est une entreprise privée.
Est-ce qu'il était bon, étant donné que
nous travaillons à l'exportation en grande partie, pour le
poisson, de faire connaître à nos concurrents de Boston ou de
Terre-Neuve une étude précise sur le compte d'exploitation de tel
bateau de la flotte privée de pêche du Québec? Voyez-vous
la difficulté? Vous ne la voyez pas? Vous faites signe que vous ne la
voyez pas.
M. Scowen: C'est cela.
M. Landry: Quand vous étiez chef d'entreprise, aviez-vous
l'habitude de tenir les moindres détails de votre entreprise au vu et su
de la concurrence? Vous vendiez du papier, autant que je me souvienne. Est-ce
que Scott Paper savait tout ce qui se passait chez vous, si par hasard Scott
Paper était votre concurrent?
M. Scowen: Absolument pas.
M. Landry: Bon. Alors, comment est-ce que moi, le ministre
d'État au Développement économique, je pourrais prendre la
responsabilité, quand je fais une analyse en profondeur de
bénéfices-coûts qui touche un bateau gaspésien de 55
pieds, d'étaler le compte d'exploitation de ce bateau au grand jour, au
vu et au su de la concurrence? Alors, la chambre de commerce...
M. Scowen: Est-ce que vous me posez une question?
M. Landry: Oui. Je finis ma phrase et je vous pose une question
en même temps. La chambre de commerce a paru se rendre à mes
arguments quand j'ai dit à certains de ses membres ce que je viens de
vous dire à vous. Si j'avais une réglementation qui frappait
votre usine par exemple et que j'avais besoin d'analyser en profondeur vos
comptes d'exploitation, voudriez-vous que votre concurrent le sache?
Réponse: "Non". Mais, si vous avez une meilleure réponse que cela
ou plus nuancée, j'aimerais l'entendre parce que je ne suis pas
rébarbatif, je suis un partisan de la plus grande information, dans le
sens de la loi sur l'information qui sera adoptée bientôt.
M. Scowen: Ce que je propose, M. le ministre, c'est que vous
donniez le mandat à quelques-uns de vos fonctionnaires d'établir
un système et de faire cette analyse d'une façon qui ne
révélerait pas les données confidentielles. C'est le
défi. Vous pouvez le noter sur une feuille de papier et vous leur
demanderez de trouver les moyens. On peut penser à plusieurs moyens. Un,
ce serait de regrouper quelques bateaux de pêche ensemble; un autre, si
c'est nécessaire, d'isoler chaque bateau pour les fins de cette analyse,
de ne pas identifier le bateau comme tel mais A, B, C, et D; un autre, ce
serait de trouver une autre conception pour une grille de
bénéfices pour les réglementations. Si vous ne pouvez pas
trouver un seul fonctionnaire au sein du secteur public ici, à
Québec, qui est capable d'accepter ce défi et de le
réaliser d'ici à un mois ou deux, donnez-moi l'occasion de vous
aider à trouver quelqu'un dans le secteur privé qui va accepter
le défi. Je suis persuadé qu'ensemble, on peut le
réaliser. Je pense qu'on commence avec la volonté de le faire et
de démontrer aux membres de l'Assemblée nationale et au public
que vous êtes sérieux dans ces démarches et que vous voulez
vraiment permettre à la population d'avoir une idée de ce que
vous faites. Après que vous aurez vraiment manifesté cette
volonté, on va se mettre au travail et on va le faire.
M. Landry: D'abord, on n'a pas seulement manifesté cette
volonté, on a commencé à le faire. Ce que je vais vous
envoyer demain, il faudrait que quelqu'un le note, c'est le guide pour la
constitution de la grille. Cela pourra vous aider à préciser
votre pensée. Il se peut que vous fassiez des suggestions que j'accepte
par la suite. Cette grille, je l'ai remise à la chambre de commerce.
Quant à la question de la confidentialité, cela ne me
persuade guère d'en faire une loi générale parce qu'il y a
des secteurs de l'économie du Québec qui comportent deux, trois
établissements. Si je faisais, par exemple, une réglementation
dans les millions d'activités gouvernementales possibles, de la collecte
des oeufs frais d'esturgeons, c'est une firme qui le fait, si je l'appelle la
firme A, tout le monde va savoir que c'est la firme de Mme Unetelle sur les
bords du lac Témiscamingue. C'est le cas extrême, me
direz-vous.
M. Scowen: Oui, c'est cela.
M. Landry: Deuxièmement, il y a aussi l'ennui de la
concurrence étrangère que vous ne réglez pas, que je parle
en termes de A, B, C, les pêcheurs de la côte du Maine et de Boston
vont savoir, par le menu, ce que les bateaux A, B, C au Québec ont comme
forme d'exploitation. Quand la concurrence devient vive, ils ont simplement
à leur faire une guerre de prix qui émet en bas de leur
coûtant et c'en est fait du bateau qui s'appelle A, B ou C.
Je voyais des difficultés majeures, je ne dis pas que je ne veux
pas approfondir cela. Vous verrez la grille que je vais vous envoyer demain. Si
vous avez des suggestions, je les accueillerai avec le plus grand
intérêt.
M. Scowen: Je dois vous dire que je
vais le faire, mais vous ne m'avez pas convaincu que cela est impossible
si vous voulez vraiment le faire. Je pense que, souvent, cette peur de donner
un avantage au concurrent, il y a des fois que c'est réel, mais des fois
c'est exagéré. Vous avez fait allusion à Scott Paper, j'ai
souvent pensé que si j'avais accès à tous les chiffres de
Scott Paper pendant une semaine, si, par la suite, je me retrouvais dans mon
bureau à Laval, je serais légèrement plus informé,
mais cela ne me donnerait certainement pas d'avantage marqué.
Je veux juste prendre un moment, M. le ministre et M. le
Président. Je me demande pourquoi vous n'acceptez pas de faire cette
analyse pour les projets de loi. Vous m'avez donné une réponse.
Vous m'avez dit que pendant le débat sur un projet de loi, tout le monde
peut dire n'importe quoi, que c'était étudié sur le plan
politique et administratif par tout le monde, même le public. Cependant,
après que le projet de loi est adopté dont les articles donnent
au gouvernement le pouvoir de réglementer, c'est fait. Après, ce
sont des modalités. Mais, l'occasion de donner à la population
telle ou telle loi, pour moi, doit comporter cette analyse. Peut-être que
ce n'est pas nécessaire que ce soit fait d'une façon aussi
détaillée, mais il me semble que l'utilité de cet
exercice, si vous êtes vraiment sérieux dans l'affaire... Parce
que je persiste à croire, jusqu'ici, que c'est une espèce de
décoration que vous avez mise sur votre arbre de Noël
économique et que ce n'est pas une chose dans laquelle vous êtes
vraiment sérieux. Si vous êtes vraiment sérieux, il me
semble que, premièrement, ces études
coût-bénéfices doivent être faites et
développées pour fins de discussion pendant l'étude d'un
projet de loi. Deuxièmement, le gouvernement doit établir
certains objectifs assez précis et quantifiés avec un
échéancier concernant les règlements qui existent
aujourd'hui.
Je reviens à cette question de projet de loi. Pourquoi ne pas
développer un système qui pourrait être appliqué
à l'étude des projets de loi?
M. Landry: C'est un bon élément de
réflexion. Les pressions des agents économiques ont toujours
parlé de réglementation jusqu'à ce jour. Je n'ai jamais
reçu de la part des manufacturiers canadiens, de la chambre de commerce,
du Conseil du patronat, du Conseil des gens d'affaires, de demande analogue
visant l'aspect législatif des choses. Vous me direz, évidemment,
que ce sont des corps intermédiaires puissants, qui savent obtenir des
commissions parlementaires, qui viennent ici et qui se font entendre. Quelles
que soient leurs raisons, leur obsession, comme à peu près celle
de tous les hommes d'affaires de l'Amérique du Nord depuis cinq ans,
c'est la réglementation. Le mauvais exemple a été
donné par les États-Unis d'Amérique et on a eu tendance,
au Canada comme au Québec, à s'ajuster souvent, parce que nous
sommes des Nord-Américains, à ce qui se faisait aux
États-Unis. (21 heures)
Or, en matière de règlements, il n'y a pas de
société où les juristes s'en sont donné le plus
à coeur joie que dans les Législatures des États
américains et au Capitole, à Washington, au point que l'industrie
américaine étouffait sous les règlements -les
règlements de la construction, aux États-Unis, à eux
seuls, remplissent une bibliothèque légale au complet. Je lisais
un article dernièrement où, sous un mode humoristique, on
décrivait les règlements du gouvernement américain
régissant la fabrication de échelles de bois. On précisait
qu'on ne peut pas mettre un barreau dans une échelle de bois à
une distance moindre de 3 pouces d'un noeud sur la face intérieure ou
extérieure du montant de l'échelle. C'était le cauchemar,
quoi! Donc, le grand mouvement de déréglementation est né
avec ce qu'on appelle, en français, les clauses crépusculaires,
traduction libre de "sunset clauses" et l'allégement des
réglementations sédimentaires, etc. Les Américains se sont
embarqués là-dedans avec un joyeux enthousiasme à un point
tel qu'ils ont quasiment jeté le bébé avec l'eau du
bain.
On regarde ce qui arrive dans le transport aérien, ils ont
déréglementé, ils sont en train de
déréqlementer Branitt et ils sont en train de
déréglementer Pan American; tellement déréglementer
qu'ils sont en train de les acculer à la failllite. Tout le monde s'est
acheté des avions et s'est mis à organiser des petits vols sur de
courtes distances.
Cela demande une certaine prudence, mais, de toute façon, cela
induit le mouvement analogue au gouvernement du Canada et au gouvernement du
Québec. On est en ligne à peu près avec ce qui se fait
dans le reste du continent. Pour la législation, vous me faites
très honnêtement la demande; je vais réfléchir
à cela, je vais en discuter avec mes collègues. Il se pourrait
très bien qu'en défendant sa loi, le ministre responsable ait,
d'une façon presque obligatoire, à présenter dans son
discours et dans les documents d'appui, une grille d'analyse économique.
L'idée n'est pas bête et mérite d'être
examinée.
M. Scowen: Merci. J'espère que je ne me suis pas mal
expliqué parce que ce ne sont pas les coûts de l'administration de
la loi comme tels que je vise dans l'analyse...
M. Landry: Non, non. C'est l'impact sur l'économie.
M. Scowen: Non, non, ce que je disais, c'est une analyse au
bénéfice des règlements. Comme vous le savez, tous les
règlements que nous avons découlent d'une ou l'autre de nos lois.
Au moment où l'on adopte une loi ou non, c'est le moment où l'on
prend l'engagement de permettre au gouvernement d'établir les
réglementations visées dans la loi. C'est le point de non retour
sur tous ces règlements. C'est, pour moi, le moment où on doit
être avisé quant aux coûts que ce projet de loi et ces
règlements vont comporter. Je me rappelle très bien le projet de
loi no 107 que j'ai étudié pendant 11 mois avec le ministre de
l'époque, M. Tardif. Sur les 350 articles, il y en avait plusieurs qui
donnaient le droit soit au gouvernement soit à la régie de
réglementer telle ou telle chose. Il y avait au moins une vingtaine
d'articles et, à l'époque, on riait des gens qui disaient: Ce
sera très lourd. D'autres disaient: Ah non! c'est rien. On ne le savait
pas. Aujourd'hui, je pense que même le ministre se rend compte que, de la
façon qu'il a choisi de faire cette affaire, cela a été un
peu lourd; je ne dis pas excessif, mais plus lourd qu'il l'avait prévu
à l'époque. C'est seulement un exemple. Je pense que si vous
êtes sérieux, si c'est vraiment un effort sérieux de faire
face à un problème que vous pensez être vraiment un
problème et le régler. Moi, j'aurais pensé que vous
pourriez réfléchir d'abord sur la possibilité de le faire
au moment de l'étude d'un projet de loi et, ensuite, de le rendre
public.
M. Landry: Pour le faire, encore une fois, je vous
réitère qu'il n'y a pas de problème, on le fait.
L'essentiel de notre débat porte sur le fait de le rendre public ou pas.
Je pense que je vous ai dit - et ce n'est pas nécessaire que je me
répète jusqu'à plus soif - que je suis prêt à
considérer cela, mais que j'y vois des objections.
M. Scowen: Je répète. Si vous voulez quelqu'un qui
peut vous aider à réaliser un système qui pourrait
être rendu public sans brimer la confidentialité, appelez-moi, je
vais vous aider à trouver quelqu'un.
M. Landry: Or, vous savez qu'on a toutes sortes d'organismes
à l'intérieur du gouvernement pour recruter notre personnel et
que...
M. Scowen: Tant mieux, alors vous n'avez pas besoin.
M. Landry: ... il n'est pas coutume pour les gouvernements de
consulter l'Opposition pour choisir les collaborateurs dont ils s'entourent. On
a une Commission de la fonction publique et aussi, on a certains pouvoirs
discrétionnaires dont nous usons à l'occasion. Je remercie le
député de son offre, mais je pense qu'on devrait pouvoir se
débrouiller.
M. Scowen: Tant mieux, cela est le défi que je veux que
vous acceptiez essentiellement.
Le 2, bureau de statistique. Le ministre m'a assuré que...
M. Landry: 2 et 3, M. le député, c'est le bureau de
la statistique.
M. Scowen: D'accord. Le ministre m'a assuré que les
augmentations dans les coûts sont, premièrement, dus aux
transferts d'un autre ministère plus les augmentations normales, les
augmentations prévues dans les contrats existants pour le moment. Pour
les personnes qui sont là, il n'y a aucune augmentation de personnel
à part les transferts et ces deux facteurs mentionnés plus
tôt expliquent les augmentations.
M. Landry: Avec ces deux facteurs, on a couvert
l'universalité de l'explication de la hausse; il n'y a pas
d'augmentation de personnel, cette année? M. le directeur du
BAPE, non plus? Il y a même réduction au bureau de la
statistique. Combien, M. le directeur, à la statistique? On a 4
personnes/année de moins à la statistique.
M. Scowen: Une dernière question qui est
intéressante. J'imagine que vous travaillez en proche collaboration avec
Statistique Canada; il n'y a pas de doublement de fonds?
M. Landry: On travaille mieux qu'eux premièrement, et,
deuxièmement, il n'y a pas de doublement d'efforts parce qu'on marche
par protocole d'entente signé. Eux sont des collecteurs de statistiques
sur une plus vaste échelle que nous pour les grandes statistiques
économiques et ils nous passent leur bande informatique; on ne peut pas
trouver d'efficacité plus grande. Et comme tout est informatisé
à la limite, on pourrait le faire avec un ministère
américain ou français sans coût supplémentaire, ni
doublement.
M. Scowen: Le fédéralisme rentable.
M. Landry: Si c'était le fédéralisme
continental nord-américain, il paraît que les banques de
données de Washington sont absolument fantastiques.
M. Scowen: Je parle essentiellement, sérieusement, est-ce
que... Je présume qu'il n'y a pas de chevauchement dans les
activités des deux ou est-ce que vous n'avez jamais posé cette
question ou c'est une question qui ne se pose même pas?
M. Landry: Non, c'est une excellente
question. Évidemment, pour certains fédéralistes
centralisateurs qui n'ont que peu de cas de l'activité des
entités provinciales, il y en a qui pourraient dire: On pourrait avoir
un grand bureau de statistique à Ottawa, puis vous irez vous abreuver
là, sauf que pour ceux qui croient en une certaine
décentralisation des pouvoirs, l'information et la connaissance, c'est
le pouvoir. La chose est tellement bien comprise que le bureau de la
statistique du Québec a été créé, je pense,
sous Louis-Alexandre Taschereau, et il a été le premier bureau de
statistique en Amérique; c'est un expert européen qui est venu le
mettre sur pied - le directeur adjoint de la statistique de la
République française - parce que les gouvernements et les
gouvernants québécois du temps avaient bien compris que celui qui
a l'information a le pouvoir. Dans cette optique, nous réduisons au
minimum les travaux matériels de collecte qui pourraient se faire avec
l'argent des mêmes contribuables, mais dans le traitement comme tel de
l'information et son interprétation, le fait d'avoir notre bureau de la
statistique n'est pas un doublement.
M. Scowen: Merci.
Le Président (M. Rochefort): Alors, les
éléments 2 et 3 sont-ils adoptés?
M. Scowen: Sur division.
Le Président (M. Rochefort): Sur division. Le programme 9,
éléments 1, 2 et 3 est adopté? Adopté. Alors, ceci
met fin aux travaux de notre commission.
M. Landry: Je vous remercie, M. le Président, ainsi que
tous nos chers collègues.
Le Président (M. Rochefort): La commission ajourne donc
ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 21 h 10)