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Version finale

32e législature, 3e session
(9 novembre 1981 au 10 mars 1983)

Le jeudi 3 juin 1982 - Vol. 26 N° 127

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Conseil exécutif, volet Analyse économique et services statistiques


Journal des débats

 

(Vingt heures neuf minutes)

Le Président (M. Rochefort): La commission permanente de la présidence du conseil et de la constitution reprend ses travaux aux fins d'étudier les crédits du Conseil exécutif. Nous en sommes aux crédits du ministre d'État au Développement économique et les membres de la commission pour ce soir sont les suivants: M. Blais (Terrebonne), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Gravel (Limoilou), M. Lachance (Bellechasse), M. Paquette (Rosemont), M. Landry (Laval-des-Rapides) -vous m'excuserez, je ne les ai pas en note -M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce). Cela va, c'est conforme?

Est-ce que nous devons nommer un rapporteur? Oui. Qui est proposé pour agir à titre de rapporteur? On me suggère le député de Bellechasse. Cela va?

M. Scowen: Excellente idée. Bravo!

Le Président (M. Rochefort): Alors, M. le député de Bellechasse est nommé rapporteur de la commission. Pour quelques commentaires d'introduction, M. le ministre d'État au Développement économique.

M. Landry: Je présume, vu que l'Opposition aligne ici une équipe considérable, que nous allons prendre les quatre heures qui sont à notre disposition puisque nos travaux sont fixés jusqu'à épuisement.

Suivant que l'Opposition a l'intention d'utiliser toute la période ou non, je pourrai ajuster mes remarques initiales. Si on travaille très longtemps, je pourrai développer davantage pour donner à l'Opposition la chance d'avoir un survol plus considérable. Si le représentant de l'Opposition me disait que, non, la séance n'ira pas jusqu'à minuit ou jusqu'à onze heures, bien, j'abrégerai mes remarques pour lui donner plus de chance de poser des questions.

Le Président (M. Rochefort): On peut essayer de convenir de la gestion du temps avant d'aborder l'étude des crédits, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, sur cette question.

M. Landry: Mais cela ne m'importe aucunement. Je me mets à la disposition de l'Opposition.

M. Scowen: Quels sont les programmes qu'il faut adopter?

M. Landry: Le programme 9, les éléments 1, 2, et 3. L'élément 1, c'est le Bureau d'analyse et de prévision économiques, et les éléments 2 et 3 sont ceux qui concernent le Bureau de la statistique du Québec.

M. Scowen: Mais on est devant uniquement le programme 9, c'est cela?

M. Landry: Oui.

M. Scowen: II y en avait d'autres qui avaient des éléments économiques mais, si je comprends, ils ont été adoptés par les autres.

M. Landry: Oui, bien sûr, il y a des éléments économiques répandus dans l'ensemble du livre des crédits mais au sein du Conseil exécutif où se trouvent mes propres crédits, comme le premier ministre a défendu les crédits des ministres d'État en général, moi, j'ai la responsabilité du programme 9.

M. Scowen: Je propose que le ministre fasse l'intervention qu'il veut faire et je vais faire mon intervention. Après, nous passerons à l'analyse des trois éléments et par la suite, on va retourner chez nous.

Exposés généraux M. Bernard Landry

M. Landry: Bon, très bien; alors, je retiens de ce message que vous ne voulez pas que je fasse une très longue introduction. De toute façon, je n'en ferai pas une très longue.

Comme vous le savez, la structure actuelle du gouvernement comporte des ministres qui ont des responsabilités horizontales: ce sont les ministres d'État. Le ministre du Développement économique a la responsabilité de coordonner l'action économique du gouvernement, ce qu'il fait à travers un outil majeur, le comité ministériel permanent du développement

économique qui se réunit deux fois par mois et qui regroupe tous les ministres en charge de ministère à vocation économique, en tout ou en partie. Il est également des responsabilités du ministre du Développement économique de concevoir des programmes à long terme, ce qui n'est pas courant pour les gouvernements nord-américains; moyen terme ou long terme. En fait, le gouvernement du Québec a publié récemment le deuxième volet de Bâtir le Québec, phase 2, qui est un programme d'action économique de 1982 à 1986, qui couvre donc un horizon beaucoup plus long que Bâtir le Québec, 1, qui, lui, était plutôt un programme de 12, 15, 18 mois. Il est également de la responsabilité du ministre d'État au Développement économique d'organiser la concertation entre les divers agents par la tenue de sommets et de mini-sommets; il y en a eu une vingtaine qui ont eu lieu au cours des dernières années et dans la période qui nous concerne, il y a eu en particulier le sommet de Québec, le grand sommet national qui faisait suite à celui de Pointe-au-Pic et à celui de Montebello.

Également, il est de la responsabilité du ministre d'État au Développement économique de faire la concertation de l'action du gouvernement à l'étranger, dans ses rapports avec les États étrangers et de fournir le contenu économique de ce qui, par ailleurs, est géré quotidiennement par le ministère des Affaires intergouvernementales. Les priorités des derniers mois, comme vous le savez, ont été centrées vers les relations avec les États-Unis d'Amérique, la France, la Belgique et les deux communautés qui l'habitent. C'est surtout avec des représentants de ces entités économiques privées ou publiques que nos relations économiques internationales ont été menées.

Ces responsabilités ont amené, au cours du précédent exercice budgétaire, des changements dans l'affectation de deux agences de l'État qui ne sont pas égales en importance, ni budgétaire ni de personnel, mais qui ont toutes les deux une importance considérable. Il s'agit du Bureau de l'analyse et de la prévision qui était auparavant partie intégrante du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Le changement s'est fait parce qu'il nous semblait que ce bureau de l'analyse et de la prévision avait une vocation beaucoup plus générale que celle de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, qu'il touchait à l'ensemble de l'activité économique du gouvernement et qu'il s'appliquait tout aussi bien aux activités du ministère de l'Énergie et des Ressources qu'à celles de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, enfin à tous les ministères économiques. C'est la raison pour laquelle ces crédits se retrouvent à l'élément 1 du programme 9, Conseil exécutif.

Pour des raisons analogues et peut-être plus claires encore, le Bureau de la statistique du Québec a été ramené sous ma juridiction, donc au Conseil exécutif, parce que le Bureau de la statistique du Québec est lui aussi visiblement un organisme central du gouvernement. Si pour des raisons historiques, s'il avait rendu de grands services en étant rattaché au ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, le temps était venu de l'orienter davantage vers l'ensemble des ministères à vocation économique et au-delà, puisque le Bureau de la statistique du Québec qui est un des plus vieux bureau d'Amérique. Il a été fondé plusieurs années avant que Statistique Canada n'existe et est en mesure de fournir des données qui dépassent la stricte activité économique et qui concernent tous les aspects de la vie collective, dans la mesure où on peut les mettre en tableau statistique et les chiffrer. Nous avons décidé d'en faire également un organisme central et d'entreprendre une évolution dont nous ne sommes pas prêts à parler encore, parce que ces événements sont récents, mais qui devrait le mettre davantage au service de la collectivité et des diverses clientèles et d'une part de l'appareil gouvernemental d'autre part.

Ces divers éléments que j'ai mentionnés ont connu, au cours de la précédente période, un point central pour guider leur activité. Cela a été la préparation du programme d'action économique 1982 à 1986, Le virage technologique qui, comme vous le savez, a été rendu public il y a quelques semaines et a été accueilli par les milieux d'affaires, les milieux spécialisés, par la presque totalité des intervenants québécois avec grande satisfaction. Les commentaires, sauf ceux de l'Opposition, ils ressemblaient d'ailleurs étrangement à ceux que l'Opposition avait tenus lors du lancement de Bâtir le Québec, 1, ont marqué le contentement de voir le gouvernement du Québec qui est un gouvernement provincial, certes, mais un gros gouvernement provincial se donner une politique économique complète, claire - il y a 200 actions concrètes qui sont mentionnées dans Le virage technologique -de façon que les divers agents, aussi bien les industriels que les syndicats, les banquiers que les agences de l'État elles-mêmes puissent savoir avec un minimum de certitude quelles étaient les grandes orientations que prendrait la politique économique du gouvernement au cours des quatre prochaines années.

D'ailleurs, cela a été très bien analysé par l'Opposition, je n'en doute pas, qui l'a eu entre les mains un peu avant les autres, mais déjà depuis un certain temps. Je ne veux pas réanalyser les 250 pages de texte que comporte cette programmation, sauf qu'il est peut-être bon de rappeler les voies de développement que nous choisirons et les

principaux moyens d'action. Les voies de développement se concentrent autour des grands projets industriels. Il y aura d'ici à 1990 pour 50 000 000 000 $ de projets de 100 000 000 $ et plus dans l'économie du Québec. Si on veut raisonner par comparaison, l'Alberta en aura pour 29 000 000 000 $. Encore que l'expérience des derniers mois nous a démontré que ceux du Québec sont pas mal plus solides -puisqu'ils sont décidés et que certains d'entre eux sont en cours de réalisation - que ceux qui avaient été prévus pour l'Alberta. Par exemple, on a été obligé d'aller à l'imprimerie pratiquement la nuit pour rayer de nos tableaux le projet Alsands, parce qu'entre notre rédaction première et l'impression, vous savez que ce projet, malheureusement, a dû être abandonné. Alors, 50 000 000 000 $ seront dépensés de toute façon d'ici à 1990, ce qui veut dire des occasions d'affaires absolument faramineuses pour l'ensemble de nos secteurs de production industrielle. Le bureau des grands projets qui est en train d'être mis sur pied aura pour mission de maximiser les retombées de ces montagnes d'argent, littéralement.

Deuxième secteur prioritaire, les opérations industrielles majeures pour lesquelles le Québec a déjà une avance: essentiellement l'aéronautique, 50% du potentiel canadien, le matériel de transport, le matériel électrique lourd.

Troisièmement, le tertiaire moteur. Vous voyez d'ailleurs, M. le Président, au fil de ce que je dis, que nous avons fondé cette stratégie sur les points pour lesquels le Québec possédait déjà une avance ou une force non négligeable. C'est le cas pour le tertiaire moteur avec la présence à Montréal de trois des dix plus grands bureaux de génie-conseil du monde et d'un certain nombre de bureaux d'étude plus modestes, mais spécialisés, qui ont également une vocation mondiale.

Quatrième voie de développement, les technologies nouvelles. Nous en mentionnons plusieurs mais j'en rappelle deux. L'informatique, en particulier par son aspect micro-électronique où oeuvrent quelques douzaine de petites et moyennes entreprises québécoises, s'ajoutant aux multinationales qui sont déjà sur notre territoire. Je pense à IBM, à Bromont, qui est en train de convertir son usine de machines à écrire et son exploitation en fabrication de "chips" extrêmement spécialisés pour exportation dans l'ensemble de la planète.

Donc, un bon réseau de PME, un certain nombre de multinationales qui déjà au Québec servent de créneaux de micro-informatique qui sont des plus prometteurs et sur lesquels nous pouvons fonder le développement des années qui viennent.

Autres technologies retenues dans les technologies nouvelles, entre autres, j'en mentionne deux: les biotechnologies où le Québec possède déjà, au moment où nous parlons, 100 chercheurs à l'oeuvre soit à l'Institut Armand-Frappier, à Laval, un institut de réputation internationale, à l'Université Laval de Québec ou à l'Université McGill. Donc il y a déjà un substrat de recherche considérable pour lequel notre stratégie consiste à réaliser l'arrimage entre la recherche des laboratoires et l'industrie, de façon que ces recherches pour lesquelles la collectivité québécoise a déjà payé servent maintenant à créer des emplois, à améliorer notre balance commerciale et à monter le niveau de valeur ajoutée de nos diverses productions.

Après avoir choisi ces voies de développement, nous avons retenu, comme instrument principal pour provoquer ce développement et le consolider, l'entreprise, qui est le coeur de l'activité industrielle et de l'activité de transformation, par la dynamisation de l'entreprise en particulier dans ses fonctions principales, l'innovation et la recherche, les exportations, le financement.

Au chapitre de l'innovation et de la recherche, je donne quelques exemples. Sur quatre ans, la SDI consacrera 50 000 000 $ à seconder l'action des petites et moyennes entreprises qui, au sein de l'entreprise, feront des activités d'innovation et de recherche. Sur les cinq prochaines années, sur le modèle du Centre de recherche de la SNA, qui a été un très grand succès, sept ou huit centres de recherche sectorielle verront le jour dans les secteurs où nous avons de bons avantages de situation ou une certaine avance. Le Centre de recherche industrielle, le CRIQ, consacrera 85 000 000 $ aux mêmes fins sur les cinq prochaines années. La SDI établira, comme priorité, l'aide aux entreprises innovatrices. En particulier, trois programmes seront annoncés dans les jours qui viennent. UNI-PME, où l'État défraiera 50% du salaire d'universitaires qui s'intégreront pour un an à la PME. Nous pensons ainsi intégrer 1000 diplômés par an, en autant de PME, pendant quatre ans. De même pour le développement de stratégies de marketing dans les petites et moyennes entreprises innovatrices, le gouvernement défraiera 50% des frais de conception de ces stratégies de marketing, et nous pensons toucher 800 à 1000 PME par an, pendant les quatre prochaines années. Je ne veux pas vous énumérer toutes les mesures, mais voilà un certain nombre de choses qui seront faites au niveau de l'entreprise pour vraiment induire l'économie du Québec à prendre Le virage technologique. Nous n'avons pas négligé, comme, dans Bâtir le Québec, 1, les atouts naturels, mais nous avons donné une coloration plus précise aux politiques énergétiques, aux politiques d'agro-

alimentaire, dans la forêt, où l'on entreprendra la deuxième phase du programme de modernisation des pâtes et papiers, dans les mines où 30 000 000 $ seront dépensés en exploration dans la fosse du Labrador, 35 000 000 $ dans les Appalaches. Le programme contient également une vision plus intégrée et plus globale du transport là où le ministère des Transports déborde largement de son rôle conventionnel de construction du réseau routier pour s'attaquer au transport maritime, au transport des personnes, au transport aérien, le tout suivant une stratégie de mobilisation des agents en particulier par la concertation telle que nous l'avons entreprise depuis plusieurs années, la participation des travailleurs au capital des firmes et à leur développement, les incitations venant des divers programmes gouvernementaux de même que du développement régional.

Au chapitre du développement régional, mon collègue de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme est déjà en tournée à travers le Québec pour l'établissement de 17 maisons régionales de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme; donc, non seulement dans des régions administratives, mais dans des sous-régions, de façon à permettre aux entrepreneurs et aux agents économiques locaux de s'adresser à une porte pour être mis en contact avec les divers programmes du gouvernement, les divers programmes d'aide, soit financiers, soit techniques. Comme les journaux ont déjà fait des analyses très élaborées et que cela commence à faire partie du patrimoine connu, vitement résumée, voilà ce à quoi l'action de concertation des ministères économiques au sein du gouvernement nous a conduits, en termes de conception de stratégie.

Au cours des douze mois qui viendront, l'une de mes préoccupations principales sera de faire avec une équipe de sous-ministres un suivi au jour le jour qui est déjà en marche, de faire le suivi de ces énoncés de politique économique de façon que le taux de réalisation soit atteint, comme il l'a été pour Bâtir le Québec, 1, c'est-à-dire aux environs de 90%. Il nous manquait quelques éléments, il y en a un qui fait l'objet d'une loi présentement qui a été déposée à la Chambre, le gage immobilier sans dépossession, qu'on n'avait pas pu réaliser jusqu'à ce jour parce que, sur le plan législatif, la mécanique n'était pas prête, mais qui est maintenant en discussion devant les parlementaires. Nous entendons poursuivre énergiquement la réalisation du virage technologique.

La tournée que j'ai entreprise à travers le Québec, qui me conduira dans 17 villes -je dois en avoir déjà fait un peu plus du tiers - me démontre que c'est d'une façon enthousiaste que les agents économiques de tous les niveaux, les grandes entreprises comme les petites et les moyennes, accueillent Le virage technologique et veulent le prendre, parce qu'elles font le même raisonnement que nous; apparemment, c'est un choix; en vérité, ce n'est pas un choix, simplement pour conserver les emplois que nous avons déjà en raison de la vive concurrence qui va s'exercer dans l'économie du Québec qui est une économie ouverte, 40% du PNB québécois est déjà l'objet d'import-export, raison de cette concurrence, il n'est question de nous laisser devancer d'aucune manière au chapitre des secteurs les plus prometteurs, de ceux qui connaissent la plus forte croissance, au chapitre, en d'autres termes, des nouvelles technologies. Déjà, l'économie nord-américaine a peut-être commis quelques négligences à cet égard. Quand on voit l'impact des exportations orientales et également de l'Europe de l'Ouest sur l'appareil économique américain et canadien, il devient bien évident que le choix n'en est pas un, c'est une nécessité et c'est à réaliser, cette nécessité, avec l'ensemble des agents économiques que nous allons nous appliquer dans les douze mois qui viennent. En tout cas, on vous fera rapport à la prochaine étude des crédits. (20 h 30)

Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le ministre. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Reed Scowen

M. Scowen: Premièrement, je remercie le ministre de la distribution qu'il nous a faite des activités de son ministère. C'était très intéressant, et je le remercie également de la distribution qu'il nous a faite de son document Bâtir le Québec, 2. Comme il le sait déjà, nous ne sommes pas en accord avec la conception, ni le contenu, ni les moyens de réalisation de ce document. Nous avons une vision de la société économique du Québec qui n'est pas celle du ministre. Je pense que cette conception différente, nous avons l'occasion de la véhiculer de jour en jour devant la population dans un effort pour la persuader que la nôtre est meilleure que la sienne. Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas réussi, il faut l'admettre, mais on est encore au travail et, parce que je suis plus ou moins certain que ce n'est pas ce soir que je vais persuader le ministre, ses collègues ou ses proches collaborateurs d'accepter notre vision des choses, à moins qu'il y ait d'autres de mes collègues qui veulent intervenir, je propose qu'on passe immédiatement à l'étude des trois éléments du programme 9.

Le Président (M. Rochefort): Cela va? M. Landry: Je n'ai pas d'objection, à

moins que mes collègues...

Le Président (M. Rochefort): Vous êtes prêts à passer au premier élément du programme 9? M. le ministre, vous avez quelques commentaires?

Analyse et prévision économique

M. Landry: Le premier élément du programme 9, c'est le Bureau d'analyse et de prévision économique. J'ai déjà fait quelques commentaires à ce sujet. Je voudrais vous dire que j'ai avec moi le directeur de cette équipe, M. Alain Bardou, qui remplace ici à l'arrière. Il dirige une équipe légère mais extrêmement efficace. C'est elle qui présente et prépare en particulier la revue économique de l'année, une tradition qui remonte à plusieurs années au gouvernement, qui est présentée vers le mois de décembre. Je qualifierais cette équipe d'équipe à faible consommation et haut rendement. C'est un travail intellectuel qui, comme vous le voyez, ne coûte pas très cher, mais permet à l'Opposition, au gouvernement et aux hommes d'affaires de connaître le pouls de l'économie du Québec dans ce grand instantané qui est le rapport annuel sur l'état de l'économie. Elle prodigue également au jour le jour des conseils au gouvernement et rend aussi l'information disponible à l'Opposition sur demande. Vous savez que c'est de la connaissance des chiffres et de l'accord qu'on peut faire sur ceux-ci que sortent les travaux les plus fructueux d'un côté comme de l'autre de la Chambre.

Comme les montants ne sont pas importants, je ne veux pas vous infliger une discussion sur l'impact macroéconomique ou les finances publiques du bureau d'analyse et de prévision; l'un et l'autre sont modestes.

M. Scowen: J'ai une seule question. Je pense qu'on prévoit quand même une augmentation de 20% pour ce groupe cette année et, parce que dans une période comme celle-ci il n'y a pas de petite économie, toutes les économies sont importantes, je veux simplement demander par quel moyen le ministre a persuadé son collègue du Conseil du trésor d'accepter une augmentation qui dépasse de loin l'augmentation moyenne pour l'Etat, qui est de soit 14%, soit 16%, dépendant des chiffres que vous utilisez.

M. Landry: C'est le transfert mixte.

M. Scowen: Les crédits comme tels ne révèlent pas le nombre d'employés permanents et partiels qui étaient membres de ce groupe l'année passée. Y a-t-il augmentation?

M. Landry: N'allez pas plus loin, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous allez comprendre pourquoi. Je n'ai eu aucun effort de persuasion à faire. Ce que vous voyez là est purement mécanique, en ce sens qu'avant ils étaient au MICT. Le MICT leur rendait certains services de soutien qu'il ne leur rend plus et qu'ils ont eux-mêmes. La hausse excédant les ajustements purement mécaniques que vous voyez là-dedans, elle est supportée par une baisse équivalente du budget du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Scowen: Adopté.

M. Landry: Comprenez-vous ce que je veux dire?

M. Scowen: Oui.

M. Landry: Ils sont venus d'ailleurs.

Le Président (M. Rochefort): L'élément 1 est-il adopté?

M. Scowen: Quant à moi, oui.

Le Président (M. Rochefort): Élément 2.

Bureau de la statistique du Québec

M. Landry: Je vous préviens, les éléments 2 et 3, c'est le Bureau de la statistique du Québec. J'ai ici également à mes côtés le directeur de cet excellent Bureau de la statistique, M. Yvon Fortin. Vous pouvez peut-être venir prendre place avec moi.

M. Scowen: Bonsoir, Yvon.

M. Landry: Si vos questions allaient être trop techniques pour mes modestes moyens, il pourrait m'aider à répondre. Ce que j'ai dit pour le BAPE, à cause du changement d'affectation du BSQ, doit également s'appliquer au moins partiellement à la hausse de vos crédits.

M. Scowen: Bonsoir. M. Landry: Bonsoir.

M. Scowen: Comparé avec votre collègue qu'on vient de rencontrer, vous avez une grosse boîte, 10Q personnes. Il y a encore à l'élément cette même augmentation de 20%. Je ne veux pas répéter les commentaires que j'ai faits sur les premiers 20%, mais je répète la question.

M. Landry: II y a une partie de la réponse qui est la même. Eux aussi étaient rattachés au MICT, et, à la même période, ils sont passés du MICT au Conseil exécutif, et le MICT leur rendait certains services généraux qu'il ne leur rend plus. Donc, il y a

une baisse équivalente dans les postes correspondants du MICT, l'an dernier, et une hausse pour les services qu'ils se rendent maintenant eux-mêmes et qui leur vient du Conseil exécutif.

M. Scowen: Quelle est l'autre partie de l'explication?

M. Landry: Les ajustements purement mécaniques, parce que figurez-vous que ces gens aussi ont vu leurs salaires augmenter, contrairement au vôtre et au mien. Ces personnels sont formés largement de professionnels qui sont régis, pour la plupart, par la convention collective des professionnels. Ils ont connu les mêmes ajustements mécaniques que l'ensemble de la fonction publique. C'est surtout la matière grise que vous consommez et vous n'êtes pas frappé par d'autres genres d'augmentations que celle-là. Si vous tenez compte de ce que j'ai dit précédemment, vous allez voir que le rythme de hausse est tout à fait en ligne avec le rythme général de hausse des dépenses du gouvernement.

M. Scowen: Puis-je demander au ministre ou à ses directeurs si dernièrement quelqu'un a regardé de près les activités et les études qui sont faites dans votre groupe pour vérifier leur utilité? Je veux simplement vous dire que cela fait maintenant sept ou huit ans que j'ai travaillé au sein du cabinet du ministre de l'Industrie et du Commerce qui avait la responsabilité de ce groupe et, à l'époque, j'avais l'impression, qui était un peu partagée, qu'il y avait certaines personnes qui, pour au moins une partie de leur temps, étaient très occupées dans des activités qui ne rendaient pas de grands services à personne. C'est un danger dans un groupe comme le vôtre, car il est difficile d'évaluer le rendement, parce que vous donnez des services pour les autres personnes. Les documents que vous préparez, les analyses que vous préparez sortent du bureau et, souvent, vous espérez qu'ils sont utiles aux autres, mais le "feedback", si vous voulez, est souvent difficile à connaître, à réaliser. Moi, à l'époque, j'avais l'impression que si j'étais là, je devais exiger que...

M. Lachance: Je m'excuse auprès de mon collègue, le député de Notre-Dame-de-Grâce, c'est un problème technique: Est-ce que vous pourriez faire attention pour ne pas brasser votre crayon dans les oreilles du technicien?

M. Scowen: Je m'excuse. C'est une bonne idée, surtout dans une opération comme la vôtre, de faire sur une base régulière une espèce d'analyse des coûts-bénéfices de vos activités. Je me demande simplement, si c'est un exercice qui a été fait récemment, si vous êtes satisfait du rendement de vos activités, de vos efforts, de vos travaux.

M. Landry: Je pense que la question du député est extrêmement pertinente, tellement pertinente que le jour même où cette agence gouvernementale est tombée sous ma juridiction, j'ai fait entreprendre les travaux auxquels il vient de faire allusion, sous la direction du secrétaire général associé du gouvernement, M. Jean Vézina, dans une optique d'analyse, tel qu'il le dit, mais une optique prévisionnelle pour voir ce qu'on pourrait faire de mieux à l'avenir, non seulement en termes d'efficacité mais en termes de réorganisation des organismes centraux d'analyses économiques du gouvernement.

Ce rapport m'a été remis il y a quelques jours. Il est sur mon bureau. Je n'en ai pas encore fait l'analyse et je me propose d'utiliser la période estivale pour procéder à cette revue qu'il suggère et présenter à l'Assemblée nationale même des dispositions législatives de façon à atteindre plus facilement les objectifs du gouvernement d'une part, et les objectifs souhaités par le député de Notre-Dame-de-Grâce, d'autre part. Sauf que - je m'excuse auprès de lui, c'est une décision que j'ai prise après mûre réflexion - comme cela comporte des éléments spéculatifs pour savoir qui va aller où et ce qui va se passer et qu'il y a du personnel d'impliqué, j'aimerais mieux, tant que mon idée ne sera pas faite de façon définitive, ne pas lui révéler le contenu de cette étude ni lui dire ce que j'ai l'intention de faire, tant que je ne serai pas absolument fixé sur ma propre doctrine et il comprend pourquoi. Je ne veux semer le désarroi dans aucune agence du gouvernement. Je m'engage à le faire et je trouve que la façon dont il aborde les choses - quand il était au cabinet du ministre de l'Industrie et du Commerce, il n'aurait pas dû se retenir pour tenir les mêmes propos - s'applique à toute l'action du gouvernement et dans un organisme comme le Bureau de la statistique du Québec, c'est là que c'est le plus difficile à appliquer parce que comme vous l'avez souligné, les services énormes que ces gens rendent, les prestations qu'ils fournissent à l'ensemble de la collectivité de même qu'à l'Opposition et au gouvernement sont très difficiles à comptabiliser.

Ils ont publié, par exemple, une analyse fort bien faite des investissements, que vous avez peut-être eue entre vos mains, qui a été l'objet de commentaires fouillés dans les journaux, etc. Cela vaut quoi ça, pour vous-même, pour moi, pour les éditorialistes et les chefs d'entreprises de savoir ce qui s'est passé au chapitre des investissements dans les périodes antérieures et dans les périodes récentes et les projections?

II y a là - et vous deviez bien le concevoir vous-même quand vous aviez le même problème sur votre table - une difficulté réelle de faire une étude bénéfices-coût serrée comme on pourrait le faire, par exemple, dans une entreprise de production de biens ou de services. Alors, ce sont ces notions qu'on essaie de discerner. Ce n'est pas facile.

Je dois dire que depuis que j'ai la responsabilité du Bureau de la statistique, j'ai été visiter d'abord le personnel sur place, j'ai eu de nombreuses consultations, de nombreuses discussions y compris avec un certain nombre de mes amis qui travaillent à Statistique Canada et je n'ai entendu que des éloges du Bureau de la statistique du Québec quant au niveau scientifique des travaux de ces personnes, leur honnêteté intellectuelle, leur dynamisme mais, évidemment, rien n'est parfait et tout cela est difficile à chiffrer.

M. Scowen: Bon, je remercie le ministre pour cette information. Je veux tout simplement dire que je n'ai pas mis en doute leur honnêteté intellectuelle ou leur dévouement et que j'accepte que les analyses coût et bénéfices sur un plan strictement objectif sont difficiles dans ce domaine, mais il est quand même possible, pour quelqu'un qui a un peu de jugement, de juger. C'était la question que je posais: Est-ce qu'il y a quelqu'un qui essaie de temps en temps de juger les valeurs de ce qui est fait? Et le ministre m'a répondu qu'il le fait ou qu'il a l'intention de le faire pendant l'été. Tant mieux. J'espère qu'il va poursuivre sa démarche. (20 h 45)

Juste une question. Je ne sais si elle relève de l'élément 2 du programme 9 mais c'est une question qui m'est venue à l'esprit pendant que le ministre prenait la parole. Le gouvernement a annoncé il y a quelques mois que, dorénavant, chaque projet de loi soumis au Conseil des ministres sera accompagné d'une espèce d'analyse du coût et des bénéfices quant à la réglementation qui aura été appliquée dans la réalisation, l'administration d'un projet de loi et qu'aucun projet de loi ne pourrait être adopté... Le ministre et même d'autres ministres ont utilisé cette réalisation pour essayer de prouver que le gouvernement est vraiment préoccupé du problème dont plusieurs hommes d'affaires ont parlé assez souvent, le coût et les problèmes associés à la réglementation excessive. Je pense que, si le gouvernement est sérieux dans sa démarche, il doit accepter de rendre publique, chaque fois qu'il déposera un projet de loi, cette analyse coût et bénéfices parce qu'en réalité, et je pense que si le ministre était de ce côté-ci ou du côté de la population, il serait très vite capable de comprendre qu'une analyse coût et bénéfices qui est évaluée seulement par le gouvernement n'est pas essentiellement un outil très pratique pour le législateur, pour l'Assemblée nationale et même pour la population. Le projet de loi est déposé, c'est débattu et, moi, j'avais pensé et je pense encore que, si le gouvernement est sérieux en ce qui concerne cette démarche dont il se vante, et probablement avec raison, il ne doit pas s'opposer à ce que, pour chaque projet de loi, les législateurs, l'Assemblée nationale, prennent connaissance de cette étude et évaluent le projet de loi selon l'analyse du coût et des bénéfices. Est-ce que le ministre a objection à recommander cela à ses collègues?

M. Landry: D'abord, je voudrais préciser un peu. Cela peut toujours se rattacher à l'élément 3 du programme 9 parce que, pour faire des analyses des bénéfices et du coût, on a besoin de statistiques qui viennent justement de là. Alors, ne soyons pas chinois sur le rattachement. La correction que je veux faire, c'est que la décision gouvernementale veut qu'aucun règlement ne soit amené devant le Conseil des ministres sans une grille d'analyse économique comportant l'étude des bénéfices et du coût. Cela ne s'applique pas à la législation. Pourquoi? Parce que la législation, quand elle vient devant l'Assemblée, est l'objet de vifs débats contradictoires entre la majorité et l'Opposition. Souvent, dans des commissions parlementaires, à la face du public, toutes les questions, objections peuvent être posées au ministre, les plus vibrants plaidoyers, et là le gouvernement, la majorité et l'Opposition font leur travail.

Pour l'aspect réglementaire des choses, voici ce que je suis prêt à faire. Nous avons conçu un guide à l'usage de chacun des sous-ministres et des chefs d'agence qui ont à présenter des règlements, guide qui leur indique comment faire l'analyse économique de leurs propositions. Pourquoi est-ce que je ne suis pas prêt à rendre publique l'analyse? J'ai eu à réfléchir à cette question quand le conseil du patronat et la chambre de commerce m'ont demandé exactement la même chose que le député de Notre-Dame-de-Grâce avec beaucoup d'à-propos. Et je leur ai démontré, en leur montrant une grille réalisée d'analyse économique, qu'il y avait là des éléments spéculatifs qui n'étaient pas de l'intérêt public de communiquer à la population. Je vous donne un exemple. Ce que j'ai montré à la chambre de commerce, c'est l'analyse économique touchant le règlement sur la qualité du poisson. L'analyse était à ce point poussée qu'on y allait par entreprises et même par bateaux, bateaux qui sont des entreprises privées et entreprises comme Pêcheurs Unis qui est une entreprise privée.

Est-ce qu'il était bon, étant donné que

nous travaillons à l'exportation en grande partie, pour le poisson, de faire connaître à nos concurrents de Boston ou de Terre-Neuve une étude précise sur le compte d'exploitation de tel bateau de la flotte privée de pêche du Québec? Voyez-vous la difficulté? Vous ne la voyez pas? Vous faites signe que vous ne la voyez pas.

M. Scowen: C'est cela.

M. Landry: Quand vous étiez chef d'entreprise, aviez-vous l'habitude de tenir les moindres détails de votre entreprise au vu et su de la concurrence? Vous vendiez du papier, autant que je me souvienne. Est-ce que Scott Paper savait tout ce qui se passait chez vous, si par hasard Scott Paper était votre concurrent?

M. Scowen: Absolument pas.

M. Landry: Bon. Alors, comment est-ce que moi, le ministre d'État au Développement économique, je pourrais prendre la responsabilité, quand je fais une analyse en profondeur de bénéfices-coûts qui touche un bateau gaspésien de 55 pieds, d'étaler le compte d'exploitation de ce bateau au grand jour, au vu et au su de la concurrence? Alors, la chambre de commerce...

M. Scowen: Est-ce que vous me posez une question?

M. Landry: Oui. Je finis ma phrase et je vous pose une question en même temps. La chambre de commerce a paru se rendre à mes arguments quand j'ai dit à certains de ses membres ce que je viens de vous dire à vous. Si j'avais une réglementation qui frappait votre usine par exemple et que j'avais besoin d'analyser en profondeur vos comptes d'exploitation, voudriez-vous que votre concurrent le sache? Réponse: "Non". Mais, si vous avez une meilleure réponse que cela ou plus nuancée, j'aimerais l'entendre parce que je ne suis pas rébarbatif, je suis un partisan de la plus grande information, dans le sens de la loi sur l'information qui sera adoptée bientôt.

M. Scowen: Ce que je propose, M. le ministre, c'est que vous donniez le mandat à quelques-uns de vos fonctionnaires d'établir un système et de faire cette analyse d'une façon qui ne révélerait pas les données confidentielles. C'est le défi. Vous pouvez le noter sur une feuille de papier et vous leur demanderez de trouver les moyens. On peut penser à plusieurs moyens. Un, ce serait de regrouper quelques bateaux de pêche ensemble; un autre, si c'est nécessaire, d'isoler chaque bateau pour les fins de cette analyse, de ne pas identifier le bateau comme tel mais A, B, C, et D; un autre, ce serait de trouver une autre conception pour une grille de bénéfices pour les réglementations. Si vous ne pouvez pas trouver un seul fonctionnaire au sein du secteur public ici, à Québec, qui est capable d'accepter ce défi et de le réaliser d'ici à un mois ou deux, donnez-moi l'occasion de vous aider à trouver quelqu'un dans le secteur privé qui va accepter le défi. Je suis persuadé qu'ensemble, on peut le réaliser. Je pense qu'on commence avec la volonté de le faire et de démontrer aux membres de l'Assemblée nationale et au public que vous êtes sérieux dans ces démarches et que vous voulez vraiment permettre à la population d'avoir une idée de ce que vous faites. Après que vous aurez vraiment manifesté cette volonté, on va se mettre au travail et on va le faire.

M. Landry: D'abord, on n'a pas seulement manifesté cette volonté, on a commencé à le faire. Ce que je vais vous envoyer demain, il faudrait que quelqu'un le note, c'est le guide pour la constitution de la grille. Cela pourra vous aider à préciser votre pensée. Il se peut que vous fassiez des suggestions que j'accepte par la suite. Cette grille, je l'ai remise à la chambre de commerce.

Quant à la question de la confidentialité, cela ne me persuade guère d'en faire une loi générale parce qu'il y a des secteurs de l'économie du Québec qui comportent deux, trois établissements. Si je faisais, par exemple, une réglementation dans les millions d'activités gouvernementales possibles, de la collecte des oeufs frais d'esturgeons, c'est une firme qui le fait, si je l'appelle la firme A, tout le monde va savoir que c'est la firme de Mme Unetelle sur les bords du lac Témiscamingue. C'est le cas extrême, me direz-vous.

M. Scowen: Oui, c'est cela.

M. Landry: Deuxièmement, il y a aussi l'ennui de la concurrence étrangère que vous ne réglez pas, que je parle en termes de A, B, C, les pêcheurs de la côte du Maine et de Boston vont savoir, par le menu, ce que les bateaux A, B, C au Québec ont comme forme d'exploitation. Quand la concurrence devient vive, ils ont simplement à leur faire une guerre de prix qui émet en bas de leur coûtant et c'en est fait du bateau qui s'appelle A, B ou C.

Je voyais des difficultés majeures, je ne dis pas que je ne veux pas approfondir cela. Vous verrez la grille que je vais vous envoyer demain. Si vous avez des suggestions, je les accueillerai avec le plus grand intérêt.

M. Scowen: Je dois vous dire que je

vais le faire, mais vous ne m'avez pas convaincu que cela est impossible si vous voulez vraiment le faire. Je pense que, souvent, cette peur de donner un avantage au concurrent, il y a des fois que c'est réel, mais des fois c'est exagéré. Vous avez fait allusion à Scott Paper, j'ai souvent pensé que si j'avais accès à tous les chiffres de Scott Paper pendant une semaine, si, par la suite, je me retrouvais dans mon bureau à Laval, je serais légèrement plus informé, mais cela ne me donnerait certainement pas d'avantage marqué.

Je veux juste prendre un moment, M. le ministre et M. le Président. Je me demande pourquoi vous n'acceptez pas de faire cette analyse pour les projets de loi. Vous m'avez donné une réponse. Vous m'avez dit que pendant le débat sur un projet de loi, tout le monde peut dire n'importe quoi, que c'était étudié sur le plan politique et administratif par tout le monde, même le public. Cependant, après que le projet de loi est adopté dont les articles donnent au gouvernement le pouvoir de réglementer, c'est fait. Après, ce sont des modalités. Mais, l'occasion de donner à la population telle ou telle loi, pour moi, doit comporter cette analyse. Peut-être que ce n'est pas nécessaire que ce soit fait d'une façon aussi détaillée, mais il me semble que l'utilité de cet exercice, si vous êtes vraiment sérieux dans l'affaire... Parce que je persiste à croire, jusqu'ici, que c'est une espèce de décoration que vous avez mise sur votre arbre de Noël économique et que ce n'est pas une chose dans laquelle vous êtes vraiment sérieux. Si vous êtes vraiment sérieux, il me semble que, premièrement, ces études coût-bénéfices doivent être faites et développées pour fins de discussion pendant l'étude d'un projet de loi. Deuxièmement, le gouvernement doit établir certains objectifs assez précis et quantifiés avec un échéancier concernant les règlements qui existent aujourd'hui.

Je reviens à cette question de projet de loi. Pourquoi ne pas développer un système qui pourrait être appliqué à l'étude des projets de loi?

M. Landry: C'est un bon élément de réflexion. Les pressions des agents économiques ont toujours parlé de réglementation jusqu'à ce jour. Je n'ai jamais reçu de la part des manufacturiers canadiens, de la chambre de commerce, du Conseil du patronat, du Conseil des gens d'affaires, de demande analogue visant l'aspect législatif des choses. Vous me direz, évidemment, que ce sont des corps intermédiaires puissants, qui savent obtenir des commissions parlementaires, qui viennent ici et qui se font entendre. Quelles que soient leurs raisons, leur obsession, comme à peu près celle de tous les hommes d'affaires de l'Amérique du Nord depuis cinq ans, c'est la réglementation. Le mauvais exemple a été donné par les États-Unis d'Amérique et on a eu tendance, au Canada comme au Québec, à s'ajuster souvent, parce que nous sommes des Nord-Américains, à ce qui se faisait aux États-Unis. (21 heures)

Or, en matière de règlements, il n'y a pas de société où les juristes s'en sont donné le plus à coeur joie que dans les Législatures des États américains et au Capitole, à Washington, au point que l'industrie américaine étouffait sous les règlements -les règlements de la construction, aux États-Unis, à eux seuls, remplissent une bibliothèque légale au complet. Je lisais un article dernièrement où, sous un mode humoristique, on décrivait les règlements du gouvernement américain régissant la fabrication de échelles de bois. On précisait qu'on ne peut pas mettre un barreau dans une échelle de bois à une distance moindre de 3 pouces d'un noeud sur la face intérieure ou extérieure du montant de l'échelle. C'était le cauchemar, quoi! Donc, le grand mouvement de déréglementation est né avec ce qu'on appelle, en français, les clauses crépusculaires, traduction libre de "sunset clauses" et l'allégement des réglementations sédimentaires, etc. Les Américains se sont embarqués là-dedans avec un joyeux enthousiasme à un point tel qu'ils ont quasiment jeté le bébé avec l'eau du bain.

On regarde ce qui arrive dans le transport aérien, ils ont déréglementé, ils sont en train de déréqlementer Branitt et ils sont en train de déréglementer Pan American; tellement déréglementer qu'ils sont en train de les acculer à la failllite. Tout le monde s'est acheté des avions et s'est mis à organiser des petits vols sur de courtes distances.

Cela demande une certaine prudence, mais, de toute façon, cela induit le mouvement analogue au gouvernement du Canada et au gouvernement du Québec. On est en ligne à peu près avec ce qui se fait dans le reste du continent. Pour la législation, vous me faites très honnêtement la demande; je vais réfléchir à cela, je vais en discuter avec mes collègues. Il se pourrait très bien qu'en défendant sa loi, le ministre responsable ait, d'une façon presque obligatoire, à présenter dans son discours et dans les documents d'appui, une grille d'analyse économique. L'idée n'est pas bête et mérite d'être examinée.

M. Scowen: Merci. J'espère que je ne me suis pas mal expliqué parce que ce ne sont pas les coûts de l'administration de la loi comme tels que je vise dans l'analyse...

M. Landry: Non, non. C'est l'impact sur l'économie.

M. Scowen: Non, non, ce que je disais, c'est une analyse au bénéfice des règlements. Comme vous le savez, tous les règlements que nous avons découlent d'une ou l'autre de nos lois. Au moment où l'on adopte une loi ou non, c'est le moment où l'on prend l'engagement de permettre au gouvernement d'établir les réglementations visées dans la loi. C'est le point de non retour sur tous ces règlements. C'est, pour moi, le moment où on doit être avisé quant aux coûts que ce projet de loi et ces règlements vont comporter. Je me rappelle très bien le projet de loi no 107 que j'ai étudié pendant 11 mois avec le ministre de l'époque, M. Tardif. Sur les 350 articles, il y en avait plusieurs qui donnaient le droit soit au gouvernement soit à la régie de réglementer telle ou telle chose. Il y avait au moins une vingtaine d'articles et, à l'époque, on riait des gens qui disaient: Ce sera très lourd. D'autres disaient: Ah non! c'est rien. On ne le savait pas. Aujourd'hui, je pense que même le ministre se rend compte que, de la façon qu'il a choisi de faire cette affaire, cela a été un peu lourd; je ne dis pas excessif, mais plus lourd qu'il l'avait prévu à l'époque. C'est seulement un exemple. Je pense que si vous êtes sérieux, si c'est vraiment un effort sérieux de faire face à un problème que vous pensez être vraiment un problème et le régler. Moi, j'aurais pensé que vous pourriez réfléchir d'abord sur la possibilité de le faire au moment de l'étude d'un projet de loi et, ensuite, de le rendre public.

M. Landry: Pour le faire, encore une fois, je vous réitère qu'il n'y a pas de problème, on le fait. L'essentiel de notre débat porte sur le fait de le rendre public ou pas. Je pense que je vous ai dit - et ce n'est pas nécessaire que je me répète jusqu'à plus soif - que je suis prêt à considérer cela, mais que j'y vois des objections.

M. Scowen: Je répète. Si vous voulez quelqu'un qui peut vous aider à réaliser un système qui pourrait être rendu public sans brimer la confidentialité, appelez-moi, je vais vous aider à trouver quelqu'un.

M. Landry: Or, vous savez qu'on a toutes sortes d'organismes à l'intérieur du gouvernement pour recruter notre personnel et que...

M. Scowen: Tant mieux, alors vous n'avez pas besoin.

M. Landry: ... il n'est pas coutume pour les gouvernements de consulter l'Opposition pour choisir les collaborateurs dont ils s'entourent. On a une Commission de la fonction publique et aussi, on a certains pouvoirs discrétionnaires dont nous usons à l'occasion. Je remercie le député de son offre, mais je pense qu'on devrait pouvoir se débrouiller.

M. Scowen: Tant mieux, cela est le défi que je veux que vous acceptiez essentiellement.

Le 2, bureau de statistique. Le ministre m'a assuré que...

M. Landry: 2 et 3, M. le député, c'est le bureau de la statistique.

M. Scowen: D'accord. Le ministre m'a assuré que les augmentations dans les coûts sont, premièrement, dus aux transferts d'un autre ministère plus les augmentations normales, les augmentations prévues dans les contrats existants pour le moment. Pour les personnes qui sont là, il n'y a aucune augmentation de personnel à part les transferts et ces deux facteurs mentionnés plus tôt expliquent les augmentations.

M. Landry: Avec ces deux facteurs, on a couvert l'universalité de l'explication de la hausse; il n'y a pas d'augmentation de personnel, cette année? M. le directeur du

BAPE, non plus? Il y a même réduction au bureau de la statistique. Combien, M. le directeur, à la statistique? On a 4 personnes/année de moins à la statistique.

M. Scowen: Une dernière question qui est intéressante. J'imagine que vous travaillez en proche collaboration avec Statistique Canada; il n'y a pas de doublement de fonds?

M. Landry: On travaille mieux qu'eux premièrement, et, deuxièmement, il n'y a pas de doublement d'efforts parce qu'on marche par protocole d'entente signé. Eux sont des collecteurs de statistiques sur une plus vaste échelle que nous pour les grandes statistiques économiques et ils nous passent leur bande informatique; on ne peut pas trouver d'efficacité plus grande. Et comme tout est informatisé à la limite, on pourrait le faire avec un ministère américain ou français sans coût supplémentaire, ni doublement.

M. Scowen: Le fédéralisme rentable.

M. Landry: Si c'était le fédéralisme continental nord-américain, il paraît que les banques de données de Washington sont absolument fantastiques.

M. Scowen: Je parle essentiellement, sérieusement, est-ce que... Je présume qu'il n'y a pas de chevauchement dans les activités des deux ou est-ce que vous n'avez jamais posé cette question ou c'est une question qui ne se pose même pas?

M. Landry: Non, c'est une excellente

question. Évidemment, pour certains fédéralistes centralisateurs qui n'ont que peu de cas de l'activité des entités provinciales, il y en a qui pourraient dire: On pourrait avoir un grand bureau de statistique à Ottawa, puis vous irez vous abreuver là, sauf que pour ceux qui croient en une certaine décentralisation des pouvoirs, l'information et la connaissance, c'est le pouvoir. La chose est tellement bien comprise que le bureau de la statistique du Québec a été créé, je pense, sous Louis-Alexandre Taschereau, et il a été le premier bureau de statistique en Amérique; c'est un expert européen qui est venu le mettre sur pied - le directeur adjoint de la statistique de la République française - parce que les gouvernements et les gouvernants québécois du temps avaient bien compris que celui qui a l'information a le pouvoir. Dans cette optique, nous réduisons au minimum les travaux matériels de collecte qui pourraient se faire avec l'argent des mêmes contribuables, mais dans le traitement comme tel de l'information et son interprétation, le fait d'avoir notre bureau de la statistique n'est pas un doublement.

M. Scowen: Merci.

Le Président (M. Rochefort): Alors, les éléments 2 et 3 sont-ils adoptés?

M. Scowen: Sur division.

Le Président (M. Rochefort): Sur division. Le programme 9, éléments 1, 2 et 3 est adopté? Adopté. Alors, ceci met fin aux travaux de notre commission.

M. Landry: Je vous remercie, M. le Président, ainsi que tous nos chers collègues.

Le Président (M. Rochefort): La commission ajourne donc ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 21 h 10)

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