Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Onze heures trente-neuf minutes)
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre! La
commission élue permanente de la présidence du conseil et de la
constitution est réunie pour l'étude des crédits 1982-1983
du programme 2 du Conseil exécutif.
Les membres de la commission sont: M. Bédard (Chicoutimi); M.
Lachance (Bellechasse) remplace M. Gendron (Abitibi-Ouest); M. Landry
(Laval-des-Rapides); M. Paré (Shefford) remplace M. Lazure (Bertrand);
M. Levesque (Bonaventure); M. Roche fort (Gouin) remplace M. Levesque
(Taillon); Mme Marois (La Peltrie), M. Marx (D'arcy McGee), M. Morin
(Sauvé); M. Pagé (Portneuf) remplace M. Ryan (Argenteuil); M.
Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).
M. Bédard: À la place de qui?
M. Pagé: À la place de M. Ryan. Qui mieux que moi
peut le remplacer autour de cette table?
Le Président (M. Desbiens): Les intervenants sont: MM.
Brouillet (Chauveau), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Doyon
(Louis-Hébert), Dussault (Châteauguay), Gratton (Gatineau), Guay
(Taschereau), Mmes Harel (Maisonneuve), Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Paquette
(Rosemont), Payne (Vachon) et Rivest (Jean-Talon).
Il serait dans l'ordre de nommer un rapporteur de la commission.
M. Bédard: M. Rochefort (Gouin).
Le Président (M. Desbiens): M.
Rochefort (Gouin) agirait comme rapporteur. Alors, il ne s'agit que d'un
seul programme. M. le ministre, pour les remarques préliminaires.
Exposés généraux M.
Marc-André Bédard
M. Bédard: M. le Président, avant d'engager la
discussion, vous me permettrez de tracer le bilan des activités de
l'année écoulée et peut-être de dégager les
principales orientations pour les prochains mois.
J'ai déposé cette semaine, comme vous le savez, le projet
de loi no 66 qui modifie certaines dispositions législatives en
matière de financement des partis politiques. Ces modifications - je
crois qu'il est bon de le rappeler - ont reçu l'assentiment unanime des
membres du conseil consultatif. La traduction législative des consensus
élaborés au sein du conseil constitue non seulement une
reconnaissance du rôle positif joué par les partis politiques dans
l'application de la loi, mais aussi, je pense, la meilleure preuve de
l'efficacité d'un tel conseil. Je n'ai pas l'intention - d'ailleurs, ce
n'est pas l'endroit - de détailler les modifications majeures de ce
projet, comme la production de véritables états financiers par
les partis, la constitution d'un fonds électoral, etc. Ce qu'il faut
retenir, c'est que les modifications viennent consolider les principes qui
sous-tendent la loi.
Vous me permettrez cependant de souligner qu'une des possibilités
d'intervention que j'ai invoquée lors des crédits de l'an
dernier, soit le plafond des dépenses électorales, a fait l'objet
d'un consensus. En révisant dans un objectif de simplification mais
aussi compte tenu qu'il avait été fixé à son niveau
actuel en 1963, le plafond des dépenses permises à un candidat,
les membres du conseil ont pris soin de faire porter la plus grande partie du
fardeau financier supplémentaire par les membres des partis politiques.
Je pense qu'il est important de souligner cette attitude responsable.
Le projet de loi no 66, dans sa partie municipale, constitue un premier
pas vers l'harmonisation des régimes électoraux. En plus du
chapitre II de ce projet relatif au financement politique au plan municipal,
une volonté interministérielle commune Affaires
municipales-Réforme électorale a permis, en collaboration
étroite avec la Direction générale des élections,
d'étendre au scrutin municipal quatre mesures contenues dans la Loi
électorale: la forme du bulletin de vote, la façon de le marquer,
le vote par anticipation et la possibilité de voter pour les personnes
déjà présentes sur les lieux de la votation lors de la
fermeture des bureaux.
Je pense qu'il est important de souligner que c'est un premier pas qui
va dans le sens des préoccupations véhiculées par le
député de Hull, M. Rocheleau, lors de l'étude des derniers
crédits, à savoir d'essayer d'harmoniser le plus possible nos
régimes électoraux, tant au point de vue municipal que
provincial. J'aurai l'occasion
tout à l'heure, en parlant des orientations, de revenir
peut-être sur l'harmonisation des régimes électoraux.
Concernant ce dossier du mode de scrutin, vous pourrez constater,
à la lecture de la dizaine de documents que nous allons déposer -
et nous en avons fait parvenir déjà une copie à
l'Opposition - que nous n'avons ménagé aucun effort pour
approfondir les multiples aspects reliés à la mise en place d'un
système électoral qui pourrait refléter plus
fidèlement la volonté des électeurs.
Deux hypothèses que le document no 2 présente d'une
façon schématique ont été approfondies: la
représentation proportionnelle régionale modérée,
et le système de compensation des monopoles régionaux. Une
analyse comparative des modes de scrutin en vigueur dans plusieurs pays
européens a été également effectuée; vous
verrez cela dans le document no 3. Vous pourrez constater que nous avons
axé plus particulièrement les recherches sur une de ces
hypothèses, soit la représentation proportionnelle
régionale modérée. Le fait que cette dernière
entraîne des changements substantiels en ce qui concerne les modes de
scrutin actuels explique cette orientation.
C'est ainsi que des études exhaustives ont été
réalisées sur les circonscriptions électorales
régionales, sur les candidats, leur choix et leur ordre sur les listes.
De plus, le Secrétariat à la réforme électorale a
dégagé les interrelations entre cette hypothèse de scrutin
de liste et certaines préoccupations majeures de notre vie
démocratique et du vécu collectif.
Je fais référence aux réflexions sur la
représentation des femmes à l'Assemblée nationale qui
pourrait être de beaucoup facilitée, le développement
régional et également les fonctions du député.
Toutes ces réflexions se retrouvent dans les documents 7, 8 et 9.
Enfin, le document de consultation constitue un véritable guide
de réflexions qui reprend, sous une forme appropriée, les
diverses facettes explorées. Je suis convaincu que le dépôt
de ces documents aura des effets bénéfiques puisqu'ils
permettront d'alimenter la réflexion, tant de l'Opposition que des
députés ministériels que de l'ensemble des citoyens. Il
s'agit là d'un geste conséquent avec ce que j'ai
déjà exprimé, à savoir que la recherche d'un
consensus des deux côtés de la Chambre sur ce dossier est
fondamentale, comme sur tous les autres projets touchant le domaine
électoral. Je pense que je l'ai déjà dit, la recherche
d'un consensus de tous les partis me semble essentielle, puisque, à ce
moment-là, on discute de principes fondamentaux de fonctionnement au
niveau du fonctionnement de la démocratie.
C'est également, M. le Président, sur la base de ces
informations ou de ces réflexions que j'inviterais mes collègues
du Conseil des ministres et du caucus à finaliser leur discussion sur ce
dossier. L'Opposition a tout en main pour en faire autant de son
côté, si elle le juge à propos. Je suis convaincu qu'elle
le jugera à propos. J'ai également demandé que les mesures
soient prises pour que les présents documents qui constituent un
approfondissement substantiel du dossier soient distribués en nombre
suffisant pour élargir et mener à terme une consultation qui, en
réalité, a débuté déjà avec la
publication du livre vert. Nous sommes disposé; à rencontrer les
groupes de citoyens qui en exprimeront le besoin. J'invite également les
citoyens, institutions et organismes à me faire connaître leur
point de vue par les moyens qu'ils jugeront appropriés.
M. le Président, dans un autre ordre d'idées. Il est
évident que le découpage de la carte électorale
découle directement du mode de scrutin qu'on utilise. C'est pourquoi
nous avons suspendu les travaux que la loi 10 impose à la commission de
la représentation électorale, jusqu'à ce que le
gouvernement ait arrêté sa décision sur le mode de scrutin.
Cette solution a évité à la commission un travail et des
coûts inutiles de plusieurs millions de dollars, des coûts qui
auraient été afférents, nécessairement, si on
n'avait pas eu à procéder au redécoupage de la carte
électorale.
Concernant le recensement de l'automne 1982 dans une période
budgétaire difficile, nous avons décidé de suspendre le
recensement prévu pour l'automne 1982. Le projet de loi
déposé cette semaine à cet effet permettra des
économies de l'ordre de 20 000 000 $; des motifs de cohérence,
aussi, sent à la base de cette décision.
En fonction des orientations 1982-1983, notre gouvernement a
manifesté, depuis le début, son intention de regrouper dans un
cadre commun l'application des lois électorales au sens large au
Québec. Un certain nombre de contraintes avaient empêché,
jusqu'ici, ce travail d'harmonisation. Il me semble maintenant que le moment
est venu et est propice pour réactualiser ce projet. La recherche d'une
plus grande efficacité, de même que l'amélioration des
services aux électeurs constituent des objectifs fondamentaux
poursuivis. De plus, une analyse sommaire de la situation nous permet
d'envisager des économies dont l'ordre de grandeur ne peut être
fixé à ce moment-ci.
Cependant, je crois qu'il faut être conscient que les institutions
qui appliquent les lois électorales interviennent à diverses
étapes d'un même processus démocratique dont le centre
d'attention est l'électeur. Pour favoriser cette orientation, j'ai
décidé de constituer un comité technique dont le mandat
général consistera à m'assister dans
le cheminement du projet. Les travaux que le comité entreprendra
prochainement... Je suis en mesure de dire à l'heure actuelle,
déjà, que M. le Directeur général des
élections qui est ici présent avec nous, de même que le
Directeur général du financement des partis politiques et de la
représentation électorale, m'ont donné par écrit ou
de vive voix leur assentiment à travailler en collaboration aux travaux
de ce comité.
Alors, le comité va entreprendre prochainement ses travaux, aura
comme objectif la rationalisation du système électoral au moyen
d'une intégration des institutions et organismes actuellement
impliqués dans le processus électoral, à savoir le
Directeur général des élections, le Directeur
général du financement des partis politiques et la commission de
la représentation électorale. J'ai adressé une lettre aux
trois directeurs généraux impliqués les informant de cette
intention et les invitant à me désigner un représentant
à ce comité, ce qui sera fait. L'implication des institutions
concernées est essentielle pour mener à terme ce projet. J'ai
également demandé aux trois directeurs généraux de
me soumettre, s'ils le jugent à propos, toute suggestion ou
hypothèse de regroupement. Le comité technique sera
constitué, en plus des représentants des directeurs
généraux, de personnes issues de mon cabinet, du
secrétaire général à la réforme
électorale et du Conseil du trésor. M. Jacques Laliberté,
directeur de l'administration du Conseil exécutif, a accepté la
présidence de ce comité. Un premier pas a été
franchi, M. le Président, avec l'application, au niveau municipal, de
quatre mesures de la loi électorale québécoise. Au cours
des prochains mois, j'ai l'intention de poursuivre des efforts dans ce sens en
étroite collaboration avec mon collègue, le ministre des Affaires
municipales, M. Jacques Léonard, qui est en relation constante avec les
élus municipaux et leurs officiers.
Cette collaboration a déjà donné lieu à la
mise sur pied d'un groupe de travail interministériel. D'autres
réformes électorales, affaires municipales, dont la
première tâche est de nous soumettre des recommandations quant aux
orientations de base reliées aux diverses facettes de l'harmonisation de
nos régimes électoraux. Ce groupe interministériel
coordonnera, tout au long du processus, les efforts des deux ministères
dans l'atteinte de cet objectif. De plus, mon collègue et moi avons
convenu d'orienter prioritairement nos efforts au cours des mois qui viennent
pour que les listes découlant du prochain recensement au niveau
québécois puissent servir efficacement lors des élections
municipales. Il semble clair que le problème le plus urgent pour les
municipalités se situe surtout au niveau de la confection des listes.
Des énergies et des coûts énormes découlent de
l'impossibilité pour les municipalités d'utiliser efficacement
les listes québécoises.
Pour atteindre cet objectif d'utiliser les listes du recensement au
niveau municipal, nous espérons déposer des amendements
législatifs appropriés au cours de la prochaine session en tenant
compte des résultats des travaux du groupe de travail interne
formé par le ministère des Affaires municipales comprenant des
élus et des officiers municipaux. En tout état de cause, je crois
que la recherche d'une harmonisation maximale du cens électoral
constitue la clé de voûte pour aboutir à une solution
efficace sur ce dossier. Je pense que les divers intervenants reliés au
processus d'harmonisation devraient orienter leurs efforts pour aboutir
à une loi électorale pour toutes les municipalités
analogues dans toute la mesure du possible et en tenant compte des
particularités du monde municipal et à la loi électorale
québécoise.
Concernant le registre des électeurs, le Directeur
général des élections a déposé, comme on le
sait, devant l'Assemblée nationale, au cours du mois de mai, son rapport
sur le projet d'implantation d'un registre des électeurs. M.
Côté y fait des recommandations sur les suites à donner
à ce dossier. Pour le Directeur général des
élections, la mise en application de ces recommandations ne peut se
faire sans l'expression d'un consensus de l'Assemblée nationale. En
termes de suggestions, il pourrait y avoir la tenue d'une première
rencontre exploratoire entre le Directeur général des
élections et des personnes désignées par les chefs des
partis représentés à l'Assemblée nationale dans le
but de discuter des recommandations du Directeur général des
élections et de leurs modalités d'application. Si cette
première rencontre se révélait positive, ce que je
souhaite, dans un deuxième temps, des élus pourraient s'adjoindre
au groupe.
Nous devrons entreprendre cette démarche en tenant compte,
premièrement, du désir de plus en plus clair du milieu municipal
de tendre vers l'harmonisation de régimes électoraux et,
deuxièmement, dans ce contexte de tenir compte des avantages que
pourraient amener pour elle l'existence de listes permanentes basées sur
un registre des électeurs. Je pense que nous devons poursuivre
conjointement la réflexion au moyen de la rencontre que j'ai
suggérée tout à l'heure en tenant compte de ce
désir maintenant clairement exprimé par le monde municipal et de
la nécessité de définir clairement le lien
national-municipal d'un registre des électeurs.
M. le Président, comme vous avez pu le constater, le travail
accompli au cours de l'année permet d'envisager avec optimisme la
concrétisation de projets qui permettront de consolider la
réforme de notre système électoral. La poursuite du
travail s'effectue avec la préoccupation constante de procéder
à ces changements sur la base d'un consensus des deux côtés
de la Chambre. Ce serait les remarques préliminaires que j'aurais
à faire.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Portneuf.
M. Michel Pagé
M. Pagé: Merci, M. le Président. Au nom de
l'Opposition officielle, nous sommes heureux de saluer cordialement M.
Côté, M. Boucher, du financement des partis politiques, et M.
Lemieux de la représentation, de la carte électorale, ainsi que
M. Larocque, sous-ministre à la réforme électorale.
Il va de soi que c'est avec beaucoup d'intérêt que nous
attendions l'étude des crédits de cette partie du budget qui
touche la réforme électorale et qui est de la
responsabilité, comme "side line", du ministre de la Justice. M. le
Président, c'est assez intéressant ce que le ministre vient de
nous dire ce matin. Il y a des réponses à plusieurs des
questions, des interrogations qu'on se posait, surtout en termes de
dépôts de documents.
La réforme électorale, le mode de scrutin au
Québec, même si ce n'est pas un sujet sur lequel on a l'occasion
de lire ou de voir des réflexions tous les jours, c'est quand même
l'assise sur laquelle notre démocratie s'appuie au Québec, c'est
quand même le sujet qui est à la fois le plus délicat
à l'égard des objectifs à rechercher dans cette
démocratie et le plus important, je crois. Si on ne pouvait s'appuyer
sur un mode de scrutin qui est vraiment franc, qui s'inspire de la
loyauté, qui s'inspire de règles du jeu précises et bien
établies entre les partis politiques au Québec, rien n'irait
plus.
Nous évoluons dans un mode de scrutin qui, au cours des
années, a présenté certaines distorsions que le
législateur a voulu par différentes mesures législatives
corriger. Qu'on se rappelle les lois qui ont été adoptées
depuis 1964: une première loi sur le financement des campagnes
électorales en 1964, l'abolition des comtés
protégés en 1971, des mesures législatives qui sont venues
et qui ont exprimé, je pense, la volonté de tous les partis
politiques au Québec qui ont formé le gouvernement à un
moment ou à un autre de l'histoire politique. Je pense que tous les
gouvernements ont été inspirés, au moins depuis 1960, par
une volonté bien identifiée et bien arrêtée
d'établir des règles du jeu qui soient les plus vivables pour
tout le monde, les plus honnêtes et les plus ouvertes.
Je vais toucher dans un premier temps le mode de scrutin comme tel parce
que c'est de lui que dépend tout le reste. Ce mode de scrutin,
malgré les nombreux amendements qu'on a apportés, présente
tout de même certaines distorsions aujourd'hui. Le mode uninominal
à un tour a des avantages et des désavantages. Vous avez
été à même, comme formation politique, le Parti
québécois a été à même de vivre les
désavantages et les avantages, et nous aussi. Le ministre d'État
à la Réforme électorale, M. le député de
Maisonneuve, qui a siégé ici de 1970 à 1978 ou 1979,
celui-ci, je pense, non seulement par ses interventions à
l'Assemblée nationale, mais aussi par ses travaux a contribué de
façon non seulement nécessaire mais utile à l'avancement
de la réflexicn des deux partis sur ce dossier.
Aujourd'hui, le ministre dépose des documents officiellement dont
il nous invite à prencre connaissance; il nous invite aussi à un
processus de consultation. Il va de soi qu'on va s'associer comme formation
politique à cette démarche. Tout d'abord, il faut prendre
connaissance de ces documents, on en prend connaissance officiellement
aujourd'hui, j'entends. Il faut bien les analyser et bien voir les objectifs
qui sont poursuivis par les différentes possibilités qui sont
offertes. Les commentaires et les prises de position de l'Opposition à
l'Assemblée nationale iront, j'en suis convaincu, et je peux donner
cette assurance au ministre, dans le sens d'une contribution qui sera
très palpable et très visible.
Le mode de scrutin proportionnel, pour nous, sans présumer
évidemment de la façon et du mode spécifique qu'on
retiendra, parce qu'il y a différentes possibilités qui sont
offertes, cela nous paraît très intéressant au
départ. Nous sommes franchement intéressés à nous
associer à une démarche qui viserait ultimement à des
modifications sensibles et en profondeur de notre mode de scrutin au
Québec. (12 heures)
Je suis convaincu que dans les documents qui sont déposés
par le ministre il y a de nombreux arguments, de nombreux
éléments qui sont invoqués. Il y a différents types
de scrutin proportionnel. Sans parler pour la formation politique que je
représente ce matin, je dois dire que, si le gouvernement doit choisir
la voie d'un mode de scrutin proportionnel, je ne crois pas qu'il serait
opportun qu'on embarque dans ce processus de façon mitigée et
limitée, avec comme objectif de couvrir seulement certaines
régions. Remarquez que je ne veux pas engager mon parti à cet
égard, je donne mon opinion personnelle et je pense que cette opinion
personnelle que je vous donne ce matin traduit vraiment la contribution qu'on
veut apporter à ce débat. Je me dis qu'à proportionnel, il
faudra y aller ou ne pas y aller. Ce sera l'un ou l'autre et si on
y va, il faudra vivre avec les écueils que ça pourra
représenter et les changements que ça pourrait impliquer pour
chacun de nous. J'ai cru comprendre dans vos documents, parce que je n'ai pas
eu l'occasion de les lire tous ce matin depuis quelques minutes,
évidemment, qu'il y avait différents types, dont la
possibilité de 24 ou 25 grands comtés au Québec où
il y aurait quatre ou cinq députés dans les régions.
Je trouve cela intéressant au niveau des régions, comme
pour la région de Québec, qu'on ait une région où
il y aurait cinq députés élus selon le pourcentage de
votes retenus. C'est certainement valable d'envisager la possibilité que
des électeurs de la région de Québec qui ont voté -
et peu importe l'ancien comté d'où ils viennent, que ces gens
soient libéraux, péquistes, unionistes ou peu importe leur
allégeance politique -aient finalement dans la représentation
qu'ils ont en termes de députés, un député qui les
représente, qu'il vienne de la partie est, ouest ou peu importe.
Personnellement, c'est avec beaucoup d'ouverture que je prendrai connaissance
de ces informations, cela va assurément enclencher chez nous un
débat très intéressant et par la suite, on pourra vous
donner des prises de position.
Le mode de scrutin, c'est évident qu'il y a les règles du
jeu sur le mode comme tel. Ce mode de scrutin appelle évidemment un
contrôle et ce contrôle s'appuie sur d'une part, l'identification
des électeurs: ceux qui ont le droit de vote, ceux qui n'ont pas le
droit de vote, qui a le droit de vote et à quel endroit ils peuvent
voter. Cela, ça veut dire le registre. Cela veut dire la carte
d'électeur, possiblement. Et j'aimerais que le ministre de la Justice
nous donne ce matin des informations plus précises. Je comprends que son
intervention du début est toujours générale, mais
j'aimerais qu'il nous indique le degré d'avancement de l'étude du
dossier du registre des électeurs. Où est-ce que c'est rendu tout
ça?
On se rappellera que le ministre nous a déjà
indiqué qu'il n'y avait aucun rapport ou étude qui était
finalisé à l'égard du registre des électeurs, dans
le document qu'il nous faisait parvenir: le ministère du Conseil
exécutif, défense des crédits 1982-1983, demande de
renseignements de l'Opposition officielle. À la question qu'on posait,
copie de tous les rapports ou études concernant la réforme du
mode du scrutin et du registre des électeurs, la réponse que nous
recevrons aujourd'hui - et c'est le ministre qui parle -aucun rapport ou
étude.
M. Bédard: C'est un engagement dans ce sens. Je voudrais
juste rappeler à mon collègue que lors des derniers
crédits, il avait été convenu qu'il n'y aurait aucune
dépense qui serait faite en termes d'études en fonction du
registre des électeurs, que nous nous en tiendrions en termes de
cheminement à recevoir dans un premier temps le rapport de M. le
Directeur général des élections et une fois ce rapport
déposé, qu'à ce moment-là, nous entreprendrions
ensemble une réflexion sur l'application des recommandations qui
pourraient être faites. Alors, je m'en suis tenu à cette entente
qui me semblait, d'ailleurs, dans les circonstances, très
appropriée.
M. Pagé: M. le Président, j'évoquais cela
tout à l'heure et j'allais terminer mon propos parce que je pose des
questions, j'ai toute une série de questions à poser. Autant je
disais tout à l'heure que le mode de scrutin proportionnel,
l'intéressement de l'Opposition, on sait qu'au cours des
années... Quand on parle de réforme électorale, à
quelque chapitre que ce soit, il doit y avoir un commun dénominateur
pour que l'opération d'une part réussisse et pour que d'autre
part, on atteigne vraiment les objectifs qu'on doit poursuivre par la
réforme électorale. Et un de ces communs dénominateurs,
c'est le fair play. Le fair play, cela, c'est bien important. J'ai
demandé au ministre par les questions qu'on a posées avant
l'étude des crédits s'il pouvait déposer rapport ou
étude sur le registre des électeurs. Je reçois comme
réponse: aucun rapport ou étude. Je vais aller plus loin. Il y en
a des études et des rapports ou il n'y en a pas. Le ministre pourrait-il
fouiller un peu plus dans ses tiroirs ou dans les tiroirs de ses officiers pour
voir s'il n'y aurait pas un rapport datant du 9 novembre 1981. La couverture
est orange à part cela, apparemment. Il y en a un autre datant de
janvier 1982. Je veux bien qu'on s'associe à des démarches de
réforme électorale, de comité consultatif, d'analyse, de
contribution bipartite, etc. Je voudrais bien qu'on établisse les
règles du jeu dès le départ. Quand on demande des
rapports, s'il y en a, qu'on le dise et qu'on les dépose ou si on ne
veut pas les déposer, qu'on nous le dise, qu'on invoque et qu'on
s'appuie sur des motifs justifiés.
Je vais continuer, M. le Président. La carte électorale en
termes de contrôle pour toute cette question du mode de scrutin est
évidemment un élément important. Le ministre nous a
indiqué, ce matin, qu'il avait suspendu la révision et qu'il
avait mis fin au processus qui est normalement enclenché dès le
lendemain d'un scrutin où la carte doit être revue, si ma
mémoire est fidèle, cela compte tenu de la possibilité que
d'ici à quelques mois ou quelques années, l'ensemble du mode de
scrutin soit révisé et qu'ainsi la carte qui aurait pu être
élaborée après le scrutin de 1981 devienne caduque. Nous
sommes d'accord avec cela et il n'y a aucun problème, je pense que c'est
tout indiqué de le faire.
Le ministre fait référence au financement des partis
politiques. On se rappellera qu'on vit sous l'égide de la loi 2 portant
sur le financement des partis politiques, qui a été
adoptée en 1977, si ma mémoire est fidèle. Nous avons
vécu l'expérience de cette loi, nous avons comme parti politique
des échanges réguliers, des questions à poser, des
réponses qu'on obtient aussi de nos officiers du financement des partis
politiques, que ce soit M. Boucher ou ses adjoints. Je dois dire que,
jusqu'à maintenant, l'expérience du comité consultatif,
qui a un statut particulier au sens de la loi, a été une
expérience utile.
Je crois que le résultat de nos délibérations, de
nos échanges d'expérience et de nos points de vue, même si
les membres du comité consultatif, par la force des choses, ne sont
formés que des représentants du Parti libéral du
Québec et du Parti québécois, je peux affirmer, ce matin,
que les membres des partis politiques au comité consultatif ne se sont
pas limités à rechercher l'intérêt ou à
privilégier l'intérêt de nos deux formations politiques. Je
pense qu'on a tenté d'être le plus objectif et le plus
honnête possible et ceci toujours sous l'égide du principe du
fair-play dans ces questions, pour que les chances soient favorables et
égales pour tout le monde, que ce soit les candidats indépendants
ou les tiers-partis qui n'ont pas le privilège d'être
représentés à l'Assemblée nationale à ce
moment-ci.
D'ailleurs, nos fréquentes rencontres au comité
consultatif nous conduisent au projet de loi 66 qui a été
déposé, dont la très grande majorité des articles
qui seront d'ailleurs étudiés la semaine prochaine
reflètent des consensus obtenus au comité consultatif. Il y aura
peut-être certaines propositions d'amendement qu'on présentera sur
lesquelles on ne s'entendra pas, mais, encore là, je pense que le
gouvernement sera jugé par les positions qu'il adoptera. Je tiens
à vous dire tout de suite, M. le ministre, que nous aurons des
amendements mineurs, évidemment, mais nous aurons quant à nous un
amendement substantiel qui touche, encore une fois, un objectif bien
identifié: le fair-play et les règles du jeu qui sont
équitables pour tous les partis.
Vous pouvez être assurés qu'on ne fera peut-être pas
un "filibuster", mais vous pouvez être assurés que, dans le cadre
de ce débat, nos interventions seront virulentes, nos interventions
seront franchement déclarées. On se prépare une bonne
guerre et une bonne lutte en règle et on ose espérer que la
justesse des arguments qu'on invoquera, vous permettra - peut-être pas
à vous parce que si vous n'avez pas jugé opportun d'inclure cet
élément dans la loi, mais probablement la majorité des
députés d'accepter les amendements qu'on présentera et
qui, essentiellement pour votre bénéfice, se résumeront
à ceci: C'est-à-dire que le gouvernement du Québec soit
soumis à la loi sur le financement des partis politiques. Cela veut
cire, M. le ministre, comme c'est le cas dans d'autres législatures du
Canada, aucune dépense électorale de la part du gouvernement du
Québec à compter de l'émission du bref électoral et
jusqu'au rapport du bref. On va se battre ferme là-dessus. Si on veut
parler de démocratie, d'équité, d'honnêteté,
de justice et de fair-play, on va voir à quelle enseigne vous logez
à cet égard.
M. le Président, vous allez peut-être trouver que je
reviens souvent avec cette question du fair-play. C'est que toute cette
approche exige une consultation; je pense qu'à cet égard on est
consulté; je n'ai pas un mot à dire. Cela exige aussi une
certaine continuité, c'est-à-dire qu'on ne peut pas bousculer
beaucoup de choses et il ne faut pas bousculer trop de choses trop vite.
À cet égard-là, je pense que le ministre de la Justice est
un homme qui a la renommée d'être prudent. Oui, c'est Mme Payette
qui parlait de cela, justement. De cette stabilité dépendent les
consensus. Les consensus, c'est que nos lois prévoient la formation de
comités consultatifs et c'est beaucoup plus facile, je pense, à
l'intérieur de ces comités, de dégager des consensus
qu'autour d'une table en commission parlementaire, évidemment.
Un autre élément sur lequel je reviens souvent, c'est le
fair-play et le fair-play, ça appelle à une chose que je veux
porter à l'attention du ministre ce matin. J'ai eu l'intention, à
un moment donné, de le porter de façon régulière,
mais quotidienne au ministre; c'est le dossier des présidents
d'élection dans nos comtés. J'ai eu envie de le faire à la
période de questions, mais le ministre m'aurait taxé de ne pas
être correct, le ministre m'aurait taxé de vouloir faire de la
partisanerie politique sur le dos des présidents d'élection. Le
ministre, comme le premier ministre lorsqu'on lui parle de prime ce
séparation, se serait peut-être fâché. Alors, j'ai
préféré prendre tout mon dossier et arriver avec cela ce
matin.
M. le Président, le dossier des présidents
d'élection. Nous avons un président-directeur
général des élections, M. Côté, qui peut
être certain ce matin qu'il a toute la confiance de l'Opposition. Il a
des adjoints qui font un travail à son bureau. Il a aussi des directeurs
de scrutin, ce qu'on appelle, nous, des présidents d'élection
dans nos comtés. Quand je parlais de stabilité tantôt, Un
des éléments qui témoignent de cette stabilité dans
notre régime politique du Québec a toujours été nos
présidents d'élection dans nos comtés. Je pense qu'autant
les partis politiques ici à l'Assemblée nationale se doivent
d'avoir le
plus de respect à l'égard du président-directeur
général des élections, M. Côté, autant
celui-ci doit amener chez nous de l'autorité, autant, je pense, la
relation entre un ou des candidats et le directeur du scrutin dans le
comté doit être au même titre, je pense, que la relation
qu'on a comme parti politique avec le directeur général du
scrutin.
Ce que je veux dire, c'est que pendant des années, les
présidents d'élection étaient là, les
présidents et les directeurs de scrutin faisaient leur travail. Je vous
dis que, quel que soit le parti politique dans le temps, quand un parti
politique décidait de changer un président d'élection,
c'était pour juste motif et bonne et valable cause; c'étaient les
règles du jeu, c'était le fair-play dont je vous parle. Moi, dans
mon comté...
M. Bédard: Le fair-play dans la partisanerie.
M. Pagé: Attendez un peu. Dans plusieurs comtés au
Québec, les présidents d'élection qui ont
présidé, qui ont administré la Loi électorale en
1970, en 1973, étaient directeurs du scrutin ou présidents
d'élection pour un comté depuis les années 1955, 1956,
1958, 1960, 1962, peu importe, 1966, 1967, 1968 et un changement de
gouvernement n'impliquait pas des changements de toute la structure des
présidents d'élection. Cela s'inspirait encore une fois du
fair-play. (12 h 15)
Or, voici que le Parti québécois et le gouvernement du
Parti québécois ont brisé cette tradition de respect de
l'autorité conférée au directeur de scrutin dans nos
comtés. Mais, habiles comme ils le sont, ils n'ont pas osé le
faire ouvertement. La transparence a pris le chemin des concours. Aujourd'hui,
je conviens qu'il y a eu des concours mais, encore une fois, des concours, il
faut en prendre et en laisser. Il y a parfois de curieux concours de
circonstances dans ces concours. On a procédé à quelques
mois du scrutin référendaire de mai 1980, à quelques mois
du scrutin d'avril 1981 et même après le scrutin d'avril 1981.
Aujourd'hui, on a eu les résultats d'un processus nouveau
d'élection ou de nomination des présidents d'élection. Je
voudrais que le ministre prenne acte ce matin des inquiétudes du Parti
libéral du Québec, qui forme l'Opposition à
l'Assemblée nationale, au sujet de toute cette procédure; d'autre
part, surtout qu'il prenne acte des résultats qui nous amènent
à conclure qu'il y a des concours de circonstances dans plusieurs des
cas, à moins que le ministre m'indique le contraire.
Est-ce un concours de circonstances que, dans le comté de
Bourget, M. Donat Champagne, membre actif du Parti québécois et
trésorier de l'association de ce comté en 1975, a
été désigné président? Dans le comté
de Lafontaine, M. Réal Théroux, membre actif du Parti
québécois, organisateur péquiste, candidat à
l'échevinage de Montréal-Est, identifié à M. Marcel
Léger, ministre de l'Environnement, est-ce un concours de circonstances
qu'il ait été désigné président
d'élection? Est-ce un concours de circonstances que M. André
Boucher, du comté de Gouin, membre actif du PQ, ancien président
de l'association du comté, agent officiel du candidat péquiste,
M. Rochefort, en avril 1981 ait été désigné
président d'élection? Est-un concours de circonstances que M.
Pierre Gagnon, de La Peltrie, organisateur en chef du oui en mai 1980 et ancien
président de l'association péquiste de Chauveau, ait
été désigné président d'élection?
Est-ce encore un concours de circonstances que M. Jacques Maheux,
péquiste reconnu dans le comté de Limoilou et qui habite le
comté de Charlesbourg, ait été désigné comme
président d'élection? La même chose pour M. Serge Roy, de
Beauce-Sud, M. Raynald Gagnon de Bellechasse, un péquiste très
actif à la dernière élection. M. Clarence Boulanger, on le
connaît dans le coin, militant péquiste très actif à
l'élection de 1981, candidat, président d'élection,
directeur du scrutin du comté de Matane. Mme Francine Roy-Cotton,
renouvellement de son mandat, partisane du Parti québécois dans
le comté de Gaspé. M. Réal Gauthier, est-ce un concours de
circonstances, lui qui était conseiller juridique du Parti
québécois et du candidat péquiste, M. Perron, qu'il ait
été nommé directeur du scrutin du comté de
Duplessis? Est-ce un concours de circonstances que Mme Jeannine Labonté,
militante péquiste active, ait été désignée
présidente dans le comté de Lotbinière? Mlle Nicole
Campeau, dans le comté de Chambly, membre actif et organisateur
péquiste en 1981. L'organisateur en chef du PQ aux dernières
élections dans le comté de Châteauguay, M. Michel
Robitaille, se retrouve après le scrutin président et directeur
du scrutin du comté de Châteauguay. M. Jacques Ethier, dans le
comté de Laprairie, organisateur en chef du Parti
québécois pour la ville de Candiac, qui a occupé pendant
un certain temps selon mes informations un poste bénévole
à la permanence du PQ, se retrouve par un concours de circonstances
président et directeur du scrutin dans le comté de Laprairie. M.
Joachim Trottier, conseiller juridique du PQ aux polls avancés en avril
1981, organisateur du comité du oui et aussi organisateur à
l'occasion des dernières élections en avril 1981,
ex-président de l'association péquiste, M. Joachim Trottier,
dis-je, du comté de Saint-Jean se retrouve directeur du scrutin. M.
Jean-Roland Petit, candidat du Parti québécois en 1976,
concours de circonstances, président et directeur du scrutin dans
le comté de Shefford. M. André Corneau, agent officiel du PQ
déjà, président d'élection, comté de Viau.
Alain Coutreau, organisateur bien identifié à M. Bernard Landry,
président et directeur du scrutin à Laval-des-Rapides. Mme Denise
Plouffe, épouse d'un membre de l'exécutif du Parti
québécois du comté d'Argenteuil, présidente et
directrice du scrutin, comté de Jeanne-Mance. Mme Anita Cantin-Roy,
ancienne présidente qui a d'ailleurs passé la journée avec
le candidat péquiste, M. Henri Laberge, à faire le tour des polls
- probablement que ça lui a permis de découvrir le travail
combien important d'un président et directeur de scrutin - a
été nommée directrice, probablement par un concours, mais
est-ce un concours de circonstances? Comté de Bonaventure, M. Michel
Poirier, un partisan péquiste, président du scrutin; Anjou, un
militant péquiste, M. Lucien Déraspe; Crémazie, M. Roland
Lapointe; d'ailleurs, M. Lapointe, c'est probablement, un concours de
circonstances, quoiqu'il n'ait peut-être pas milité à des
postes d'exécutif, mais sa maison était quand même
tapissée d'affiches du Parti québécois aux
dernières élections.
M. le Président, je me dis que la tradition a toujours
établi les règles du jeu, ici, à l'Assemblée
nationale du Québec, à l'égard de toute législation
touchant le mode de scrutin, la réforme électorale, etc. Le
ministre, ce matin, à la fin de son propos, nous invite, à juste
titre, à nous associer encore une fois à la démarche
gouvernementale visant à nous concerter et à en arriver
éventuellement à des conclusions appropriées sur le mode
de scrutin. Nous sommes prêts à jouer à cela, à
jouer le jeu, inspirés que nous sommes par une volonté de
contribuer à l'avancement et à la bonification de toutes les
questions touchant la réforme du scrutin et la réforme
électorale au Québec, mais on veut savoir avant, par exemple, sur
quoi vous vous appuyez. Je vous ai bien dit tantôt que, pour que
fonctionne cette opération, pour que nos résultats soient
concluants, il nous faut la stabilité, il nous faut la
continuité, il nous faut de la consultation, de la concertation, des
concensus et surtout du fair-play.
Je demande au ministre de prendre acte, ce matin, de nos
inquiétudes et j'essaie de le faire de la façon la moins
partisane possible. Comment voulez-vous qu'on n'en arrive pas à des
inquiétudes? La tradition a toujours voulu que le poste de
président-directeur général du scrutin dans nos
comtés appelle de l'autorité, du respect. Comment voulez-vous
que, par un concours de circonstances dans ces comtés, être
candidat péquiste, M. "Right and Left", ce soit presque un
critère pour être président d'élection dans certains
comtés? Je vous dis:
Un instant! Si vous voulez changer les règles du jeu, dites-le,
on va les changer, faites votre lit, pas de consultation, pas de concertation,
pas de dialogue, mais je ne crois pas que cette approche soit utile pour le
contribuable du Québec qui attend de nous, et c'est là notre
responsabilité, de faciliter le plus possible la démocratie au
Québec et de la faciliter face à toutes ces questions.
M. Bédard: M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
Réponse du ministre
M. Bédard: Je pense bien que c'est votre cuestion
principale, parce qu'on est en train de répéter le même
numéro qu'on a essayé de faire lors de l'étude des
crédits du premier ministre qui, comme on le sait, a la
responsabilité également, au Conseil des ministres, de
procéder à ces nominations. Tout le monde a remarqué que
le député de Portneuf n'avait pas parlé très
longtemps sur le mode de nomination qui prévalait et sur le mode de
fair-play qui existait avant que nous décidions d'opérer une
réforme dans le domaine de la nomination des présidents
d'élection, parce qu'il aurait été obligé de
conclure que ceci se faisait sur une base uniquement partisane et vous le savez
très bien.
M. Pagé: Bon!
M. Bédard: Vous le savez très bien.
M. Pagé: M. le Président, j'ai une brève
question là-dessus.
M. Bédard: Je ne vous ai pas interrompu...
M. Pagé: Tantôt une petite question. Allez!
M. Bédard: Je vous comprends de ne pas l'avoir fait, parce
que je pense que l'ancien mode de nomination faisait en quelque sorte honte
à tout le monde et à tous les partis politiques. Il y avait
nécessité, justement, d'opérer une réforme
là-dedans, même si elle n'est pas parfaite, c'est fort possible.
La perfection n'est quand même pas de ce monde, mais de là, par
exemple, à y aller d'insinuations, d'inquiétudes, mais des
inquiétudes traduites sous forme d'insituations qui, en fin de compte,
et le député en est conscient, contribueront justement à
attaquer la crédibilité et le respect vis-à-vis des
personnes qu'il a mentionnées au niveau des travaux de cette commission,
respect qui est
nécessaire pour la bonne marche d'un scrutin dans tous les
comtés qui sont concernés, je pense que, dans ce sens, le
député de Portneuf sait très bien que, grâce
à cette réforme, pour la première fois dans notre histoire
électorale, notre gouvernement a basé la sélection de ces
personnes sur un concours public qui assure la compétence des directeurs
du scrutin. C'est bien beau d'y aller d'une grande déclaration de
confiance en M. le directeur général des élections, il
faudrait tout de même avoir la logique de ses affirmations. Je rappelle
que c'est sous la responsabilité du directeur général des
élections, dont l'intégrité ou l'impartialié n'est
en aucune façon mise en doute par qui que ce soit ici, y compris du
côté de l'Opposition, que se sont tenus ces concours concernant la
nomination de présidents d'élection. Il y a eu des avis publics,
cela ne s'est pas fait en cachette, toutes les personnes qui voulaient
soumettre une demande pouvaient le faire. Un jury a été
constitué et il a fait l'analyse de toutes les candidatures.
Vous avez beau sourire, M. le député de Portneuf, vous
avez beau y aller d'inquiétudes mais vous allez être obligé
de convenir que le système que nous avons...
M. Pagé: II y aurait de quoi pleurer!
M. Bédard: ... mis en place représente pas mal plus
de garanties que le système partisan qui existait auparavant concernant
la nomination des présidents d'élection.
Si vous y êtes allé de la nomination de 25 ou 30 personnes
qui selon vous, il n'y a pas de cachette dans cela, peuvent avoir des
allégeances politiques péquistes, qu'en est-il? Il y a 122
directeurs du scrutin. Est-ce que les autres sont tous des libéraux?
M. Pagé: Non.
M. Bédard: Cela ne m'inquiète pas qu'ils soient
libéraux ou péquistes. Ce qui m'intéresse, c'est que le
personnes compétentes aient été choisies. Ce qui
m'intéresse, c'est que des concours aient été tenus sous
la responsabilité du directeur général des
élections dont l'impartialité n'est mise en doute par personne
ici, et que leur mérite ait été évalué par
des jurys constitués. Ce n'était pas ainsi que cela fonctionnait
du tout dans le passé. Ce qui m'intéresse, c'est qu'on en soit
arrivé à la nomination des directeurs de scrutin dans tous les
comtés du Québec tel que nous le savons.
Est-ce que les remarques du député de Portneuf indiquent
que parce que quelqu'un est d'allégeance péquiste la
compétence ne peut exister? Je ne pense pas qu'elle soit discriminatoire
à ce point. Est-ce qu'il veut essayer de nous faire croire que n'est
compétent que ce qui est libéral?
M. Pagé: Ah! Ce n'est pas fort, ce n'est pas fort.
M. Bédard: Ce n'est pas sérieux votre affaire. Ce
n'est pas sérieux. Vous dites qu'il y a une vingtaine de nominations. Au
niveau de la population il y a près de 50% de la population qui a
voté pour le Parti québécois, vous voudriez que ces 50% de
personnes se cachent dans les tiroirs. Que lorsqu'il y a des concours elles ne
puissent s'y inscrire comme des libéraux. Je pourrais vous en nommer des
libéraux qui ont assumé la direction de ce poste et qui ont
été choisis en fonction de concours. Je vais vous nommer mon
comté et je suis en très bons termes avec celle qui était
auparavant présidente des élections qui a fait un très bon
travail, comme un péquiste peut faire un très bon travail, et qui
était libérale. On évalue le monde non pas à partir
d'un nom ou d'une allégeance mais à partir du travail.
M. Pagé: Est-ce qu'elle est encore là?
M. Bédard: Voulez-vous savoir son âge en même
temps? Soyez donc un peu délicat, cela va vous aider. Cela ne tient pas
debout, votre patente. Au contraire, je trouve cela irresponsable. Vous parlez
sans aucune raison, sauf celle de dire qu'une personne qui est
d'allégeance péquiste, alors qu'on sait très bien qu'il y
a des directeurs du scrutin d'allégeance libérale qui ont
été choisis, simplement avec ce critère. Vous essayez, par
votre opération de ce matin, de porter atteinte à la
crédibilité de l'institution et de porter atteinte à la
réputation de personnes dont la compétence est assurée par
les modalités de sélection qui ont été
déterminées non pas par le gouvernement mais par le directeur
général des élections, par des jurys bien
constitués qui ont fait l'analyse de chacune de ces candidatures.
Je pense qu'au contraire, le député devrait se
réjouir. Si à un moment donné il y avait des cas où
un président choisi, qu'il soit libéral ou péquiste ou de
quelque allégeance qu'on voudra, pose des gestes qui ne sont pas
acceptables, dans chacun de ces cas, je pense que de part et d'autre on devrait
sévir, mais ce n'est pas le cas du tout. On ne nous dit pas que ces
personnes qui ont été nommées ont fait des choses qui ne
sont pas correctes, on essaie de leur reprocher simplement leur nomination du
fait qu'elles sont d'allégeance péquiste alors que bien d'autres
directeurs du scrutin qui sont d'allégeance libérale et qui, je
l'espère, comme ceux qui sont d'allégeance péquiste, vont
essayer de faire leur travail le plus correctement possible en étant
respectueux du poste, de la responsabilité qu'ils occupent, de la
nécessité d'avoir une crédibilité très
importante au niveau de leur charge, lorsqu'il y a élection et
dans tout l'ensemble du travail qu'ils ont à faire. (12 h 30)
Pour la première fois dans notre histoire électorale, je
le redis, notre gouvernement a basé la sélection de ces personnes
sur un concours public qui assure la compétence des directeurs de
scrutin. Les listes transmises au gouvernement par le directeur
général des élections peuvent être
considérées comme analogues à des listes
d'admissibilité qui ne sont pas normalement rendues publiques;
cependant, nous avons décidé des les déposer, compte tenu
de la nature particulière du concours. Qu'est-ce qu'on veut de plus en
termes de transparence?
Si vous avez des choses pas correctes, soyez donc responsable, M. le
député de Portneuf, lorsque vous portez des accusations ou que
vous exprimez des inquiétudes qui sont, en définitive, des
insinuations. Vous le savez très bien, quand on nomme quelqu'un et qu'on
a à alléguer seulement son allégeance pour essayer de
faire croire qu'il pourrait ne pas être compétent ou ne pas
être apte à remplir le poste, moi, j'appelle cela de la
démagogie très basse, ce n'est pas une manière de
valoriser le processus électoral. Vous parlez de valorisation, et vous
demandez qu'il y ait des règles du jeu et qu'on se comprenne, ce n'est
pas une attitude comme celle que vous adoptez ce matin, je vous le jure, qui va
contribuer à valoriser ce système électoral. Vous avez
convenu vous-même que nous avons contribué à valoriser
beaucoup...
M. Pagé: Comme tous les partis.
M. Bédard: ... le système, comme tous les partis
politiques. Ayez donc la responsabilité de ce que vous affirmez et
arrêtez de poser des gestes qui, à mon sens, ne tiennent pas
debout parce qu'on n'a pas de leçon à recevoir ni du Parti
libéral ou ni d'autres qui nous ont précédés,
considérant le bilan de réforme apporté à notre
système électoral, et surtout considérant le peu de
volonté de changement manifesté dans ce domaine par nos amis d'en
face lorsqu'ils assumaient ce même pouvoir. De part et d'autre, il y a eu
des gestes positifs qui ont été posés...
M. le Président, alors qu'on parle de choses aussi
sérieuses que de la possibilité de réforme du mode de
scrutin, que d'un registre des électeurs, que de l'harmonisation de nos
lois, tant électorales que du point de vue municipal, du point de vue
provincial, de sujets aussi importants que le registre des électeurs, et
le financement des partis politiques, qu'est-ce que nous véhicule
l'Opposition? Y a-t-il quelque chose de moins sérieux et de plus
irresponsable que de venir nous faire la liste de gens qui ont
été choisis à la suite d'un concours comme directeurs de
scrutin et qui sont reconnus pour avoir des affinités politiques avec le
Parti québécois? On ne nous amène pas la liste de ceux,
par exemple, et de celles qui peuvent avoir des affinités avec le Parti
libéral; ce que je trouve irresponsable, c'est que, par ce
procédé, on attaque carrément la crédibilité
des personnes mentionnées. Vous n'êtes pas sérieux, il y a
bien autre chose qu'on aurait dû discuter ce matin et de bien plus
important pour les citoyens...
M. Pagé: M. le Président, je vous ai demancé
des rapports...
M. Bédard: Que les niaiseries sans fondement
concernant...
M. Pagé: Attendez un peu, je vais poser une autre question
là-dessus.
M. Bédard: Je vais répondre à vos questions,
j'en ai une.
La nomination des présidents
d'élection
M. Pagé: M. le Président, le ministre a eu droit,
à un certain temps pour parler, pour répondre aux questions, aux
inquiétudes que j'ai, je pense, de façon tout à faite
légitime, formulées ce matin.
M. Bédard: Des constatations...
M. Pagé: Le ministre dit: On se rappelle comment la
nomination des directeurs ou des présidents d'élection se faisait
dans les comtés auparavant. Je dirai au ministre: Nous, au moins, avons
été assez francs, assez directs, pour les nommer par le Conseil
des ministres. Laissez-moi compléter.
M. Bédard: Une bonne...
M. Pagé: Premièrement, n'allez pas croire...
M. Bédard: Je prends note de la confession.
M. Pagé: C'est comme cela que ça fonctionnait.
Attendez un petit peu, laissez-moi compléter, le ministre m'a
répondu...
M. Bédard: C'est une confession
générale.
M. Pagé: C'est comme cela que ça se nommait, mais
lorsqu'on nommait un président d'élection dans le temps et pour
ça, remontez des années et des années, monsieur, il
fallait désigner une personne qui recevait l'appui de tous les
intervenants dans
le comté.
M. Bédard: Oui.
M. Pagé: Oui, parce que ça n'aurait pas pu
fonctionner...
M. Bédard: ...
M. Pagé: Le ministre veut-il nous écouter ce matin?
Est-ce qu'il veut nous laisser parler? Vous avez eu droit à votre
commentaire, je peux faire le mien. Là, le PQ, ce qu'il fait ce matin,
on le sait, dans sa grande transparence, c'est un comité; il prend le
comité et il dit au directeur du scrutin: Vous allez ouvrir un concours,
vous allez inviter des personnes, elles vont passer un examen, vous allez en
retenir trois, et nous, on va en nommer une des trois. Cela, c'est
l'établissement d'un mécanisme, d'une structure pour vous laver
encore une fois les mains - pour le bénéfice du journal des
Débats - vous laver les mains. Après, vous arrivez et vous dites:
"Cela s'est fait de façon ouverte, de façon honnête, de
façon démocratique". Quand on regarde des coïncidences comme
celles-là il y a vraiment lieu de s'inquiéter. Pourquoi n'est-ce
pas le président-directeur général des élections
qui conduit ce concours? Pourquoi, à la lumière des
résultats, ne désigne-t-il pas le directeur du scrutin dans un
comté? Entre parenthèses, dans les documents qu'on nous a remis,
nous avons la liste de tous les comtés où s'est tenu un concours
avec la liste des trois personnes qui ont été recommandées
par le président-directeur général des élections
après que les concours se soient tenus. C'est donc dire que pour les
comtés de Beauce-Sud, Arthabaska etc., nous avons les trois candidatures
retenues après les concours dans ces comtés. Comment expliquer
cela? Est-ce une erreur que, seulement pour le comté d'Arthabaska, on
ait les résultats des notes à l'écrit et des notes
à l'oral, et que pour les autres, on ne les ait pas?
M. Bédard: M. le directeur général des
élections est avec nous, et comme c'est lui qui est reponsable de ce
travail...
M. Pagé: J'aimerais compléter ma question, si vous
me le permettez. J'ai, pour le comté de Laporte, les trois candidats,
pour le comté de Joliette, les trois candidats, et seulement pour un
comté j'ai les trois candidats: notes à l'écrit sur 135
points, et notes à l'oral sur 165 points, et le total des points de ces
trois candidats est sur 300 points. Je dois vous indiquer que pour la
circonscription d'Arthabaska, la seule ventilation de points que j'ai c'est le
candidat ayant obtenu le plus de points qui a été nommé.
Mais pour tous les autres?
M. Bédard: Dites-nous s'il y a des choses de pas
correctes?
M. Pagé: Je veux le savoir.
M. Bédard: Dites-le donc? Arrêtez donc vos
insinuations qui ne veulent rien dire.
M. Pagé: Comment expliquer que dans le document que vous
nous transmettez... je vous le dis ce ne sont pas des insinuations. Le
document: ministère du Conseil exécutif, défense des
crédits 1982-1983, demandes de renseignements de l'Opposition
officielle. Ce ne sont pas des insinuations. On a ici les documents. On a la
liste des comtés où il y a eu des concours et les trois candidats
retenus. Il y a eu trois candidats qui se sont qualifiés. Je termine ma
question brièvement.
M. Bédard: Une seconde, on peut peut-être donner une
réponse. Vous en voulez?
M. Pagé: Comment expliquer que c'est seulement pour le
comté d'Arthabaska qu'on ait la ventilation des points? Je dois vous
dire, pour votre bénéfice et le bénéfice de ceux
qui nous écoutent, qu'en ce qui concerne le comté d'Arthabaska il
y avait trois candidats, et c'est celui qui a eu le plus grand nombre de points
à l'examen écrit et à l'examen oral qui a
été retenu. Comment se fait-il que je n'aie pas les autres? Je ne
les ai pas.
M. Bédard: Essayez d'être sérieux. M.
Pagé: C'est sérieux.
M. Bédard: Vous n'êtes pas sérieux. Vous
faites toujours des affirmations...
M. Pagé: Quand on ne dit pas ce qui fait l'affaire du PQ
ici on est des irresponsables.
M. Bédard: Qu'est-ce que cela? Non, ah! non. Je vous l'ai
dit...
M. Pagé: Vous allez comprendre avec moi que c'est
légitime...
M. Bédard: ... à quelques reprises.
M. Pagé: ... que je pose cette question. Pourquoi donner
la ventilation des points pour un comté et non pour les autres?
M. Bédard: Je vous ai qualifié d'irresponsable
à très peu d'occasions depuis que je suis à
l'Assemblée nationale, à très peu d'occasions. Chaque fois
que je l'ai fait, j'ai bien pesé mes mots.
M. Pagé: Cela, libre à vous.
M. Bédard: Je vous dis ce matin que vous n'êtes pas
responsable. Avec des nominations, vous contribuez...
M. Pagé: II ne faudrait pas dire un mot.
M. Bédard: ... à diminuer... Ce n'est pas cela. Ce
n'est pas de ne pas dire un mot, c'est d'essayer de faire croire que ce sont...
Qu'est-ce qui est important pour notre système? C'est que des personnes
compétentes soient en place.
M. Pagé: C'est le vieux disque 78 tours qui tourne depuis
le temps de Taschereau et de Godbout.
M. Bédard: Sauf que la différence, par
exemple,...
M. Pagé: Les personnes les plus compétentes. Le
vieux disque 78 tours. Ne vous rabattez pas sur cela.
M. Bédard: Un vieux disque avec lequel vous étiez
d'accord puisque vous n'avez jamais proposé de réforme. Nous, on
en a proposé une.
M. Pagé: Comme membre de la chorale, vous le chantez vous
aussi, continuez.
M. Bédard: Oui. Non, non, on ne fait pas que chanter, on
pose des gestes qui vont dans le sens de l'air que nous avançons. Nous
avons quelque chose que vous n'avez jamais eue dans votre temps, à
savoir une politique de nominations publiques où il y a des
jurés, sous la responsabilité d'un homme, dont vous ne mettez pas
en doute l'impartialité, la sincérité...
M. Pagé: Ou tout. Laissez-le les nommer.
M. Bédard: ... l'honnêteté et
l'intégrité, M. Côté. Nous avons suivi exactement le
processus qui avait été mis au point, à savoir qu'il y
aurait des jurys qui feraient l'évaluation des candidats, qu'il y aurait
une latitude de la part du gouvernement aux fins des nominations, que des
recommandations seraient faites, et qu'il y aurait un choix parmi ces
personnes, non pas un choix uniquement discrétionnaire comme
c'était le cas auparavant, un choix qui s'exerce sur trois candidats qui
peuvent être soumis à l'attention du premier ministre. Pas
n'importe quels trois candidats, trois candidats qui ont passé par un
jury dont la compétence a été analysée. Si vous
n'êtes pas capable de voir l'amélioration du système, vous
avez les yeux bouchés.
M. le Directeur général des élections peut
peut-être, sur un cas particulier, répondre à une
interrogation que vous avez.
M. le député, au sujet de la circonscription d'Arthabaska,
je suis vraiment désagréablement surpris de voir qu'on vous a
remis cette feuille, cette liste des noms transmis au gouvernement. Je vous dis
que c'est une erreur de ma part. Jamais, dans aucun cas, je n'ai transmis au
gouvernement des résultats d'examen avec les notations; c'est une erreur
qui s'est glissée. J'ai établi les listes chez nous, mais jamais
je ne les ai transmises au gouvernement, je vous donne ma parcle
là-dessus. Ce que j'ai transmis au gouvernement, c'est ce que vous avez
sur toutes les autres feuilles. Alors, j'assume cette erreur. Je regrette
qu'elle se soit produite, parce que je considère que le résultat
des examens - un avis public, un examen écrit et un examen oral - le
résultat des examens est très confidentiel et je n'ai pas
à le communiquer à qui que ce soit. Dans le cas de la
circonscription d'Arthabaska, je m'en excuse auprès de vous-mêmes
et des personnes qui peuvent être visées, mais c'est une erreur
qui s'est glissée.
M. Pagé: Cela veut donc dire, M. le
Président...
M. Bédard: La raison pour laquelle, M. le
Président, vous ne mettiez pas les notations? Je pense qu'il y a une
raison fondamentale quand même.
La raison de base, c'est que les examens ont été tenus,
par analogie, de la même façon qu'ils sont tenus dans la fonction
publique. On a demandé conseil à l'office de recrutement, on a
demandé de l'aide pour que notre examen soit tenu de la façon la
plus professionnelle possible, et l'examen écrit et l'examen oral.
L'examen écrit a duré plusieurs heures, les 1000 candidats ont
subi cet examen et les 500 qui ont été convoqués aux
examens oraux, cela s'est fait, à partir d'une grille
d'évaluation qui, elle aussi, a été
déterminée de la façon la plus scientifique possible. La
constitution du jury qui a vu les candidats s'est faite à partir du
personnel de mon bureau qui était membre de ce jury; il était
également constitué d'autres personnes compétentes qui
étaient capables d'évaluer si des candidatures valaient a peine
d'être retenues ou non, et en conséquence, de donner une
notation.
À ma connaissance, je le répète, il ne se produit
pas qu'on rende publics les résultats d'un examen écrit ou d'un
examen oral. Quitte à répéter ce que j'ai dit tout
à l'heure, je suis fort peiné de voir que c'est une feuille qui
s'est glissée. Je ne dis pas que cette feuille n'existe pas, je pense
que vous avez la feuille réelle. Mais, normalement, ce registre doit
rester à mon bureau.
M. Pagé: Alors, M. le Président, je remercie, M.
Côté de la réponse qu'il nous donne. Je comprends que si,
dans nos documents pour le comté d'Arthabaska, nous avons la liste des
trois candidats retenus et proposés au premier ministre, avec leur
notation chiffrée témoignant du résultat de l'examen oral
et écrit, c'est une erreur de votre bureau. Dans ce cas, le candidat qui
a été retenu pour occuper le poste de directeur du scrutin dans
le comté d'Arthabaska est celui qui a obtenu le plus grand nombre de
points à l'examen. Je trouve très intéressant, ce matin,
je note que ce processus de concours comporte un examen oral et un examen
écrit, donc une évalutation du candidat suivant les
paramètres suggérés par l'Office de recrutement et de
sélection du personnel de la fonction publique, ce qui est très
bien, jusqu'à maintenant. Je retiens que ces résultats ne sont
pas divulges au premier ministre avant qu'il désigne le directeur de
scrutin pour un comté. C'est donc dire que la notation, le
résultat des examens auxquels on convie tout ce beau monde, n'est pas le
critère ultime sur lequel s'appuie le premier ministre pour
désigner la personne. Donc sur quel critère?
M. Bédard: Sur le critère de la compétence.
Il n'y a de recommandé que les personnes...
M. Pagé: Trois.
M. Bédard: ... trois personnes. La même chose qu'au
niveau judiciaire...
M. Pagé: Oui, continuez, c'est intéressant. (12 h
45)
M. Bédard: ... il y a trois personnes. Ce que vise le
système, c'est que des personnes compétentes soient
nommées. Les concours ont lieu en vue de déterminer quelles sont
les personnes qui pourraient être compétentes à occuper le
poste déterminé et on retient les trois personnes les plus
compétentes. À ce moment, la décision est prise, comme
vous le savez, par le premier ministre et par le Conseil des ministres. Vous
avez l'assurance que ce sont des personnes compétentes qui sont
nommées.
M. Pagé: D'accord. Maintenant, est-ce que le ministre de
la Justice et ministre d'État à la Réforme
électorale pourrait m'indiquer, compte tenu que la notation exacte, les
résultats concrets, comme dans le cas d'Arthabaska ici, ne sont pas
connus par le premier ministre et le Conseil des ministres, sur quels
critères ceux-ci s'appuient pour choisir parmi ces trois personnes?
M. Bédard: À partir de ce moment, c'est le choix du
premier ministre et du Conseil des ministres. Mais il y a une assurance que
nous n'avions pas auparavant, c'est que c'est choisi parmi des personnes
jugées compétentes non pas par le gouvernement, mais par des
concours sous la responsabilité non pas du gouvernement, mais du
Directeur général des élections. L'appréciation est
faite non pas par le gouvernement, mais par un jury constitué
spécialement à cet effet. C'est le genre de garantie que n'a
jamais donnée aucun système; d'ailleurs, ce système
était inexistant auparavant.
M. Pagé: Je reviens à la question, le ministre n'y
a pas répondu. Trois personnes sont choisies comme étant les plus
compétentes à la suite d'un concours donné et il y a une
notation sur 300 points. Supposons - je vous donne un exemple -qu'un candidat a
280 points, l'autre 240 points et un autre 210 points. Cette notation
spécifique pour chacune des personnes qui évalue non seulement la
compétence, mais le degré de compétence n'est pas connue
par le Conseil exécutif et le premier ministre. Sur quels
critères vous appuyez-vous pour déterminer celui qui, parmi les
trois, va occuper le poste? C'est ce que je vous demande.
M. Bédard: Vous avez un critère d'assuré au
départ, la compétence. Le reste, c'est la décision.
M. Pagé: Oui. Sur quels critères appuyez-vous votre
décision?
M. Bédard: Je m'excuse, cela ne peut pas être ma
décision.
M. Pagé: La décision du premier ministre.
M. Bédard: Le premier ministre choisit parmi les trois
personnes recommandées - c'est ce qui est important - comme on s'y est
engagé.
M. Pagé: M. le Président, le ministre ne veut pas
répondre à la question. C'est donc dire que, compte tenu que le
ministre...
M. Bédard: Vous cherchez simplement...
M. Pagé: Non, laissez-moi compléter. Le ministre
s'appuie sur une structure qu'il a mise en place et il m'indique - d'ailleurs,
on le constate ce matin - que la notation spécifique à chacun des
candidats n'est pas contenue dans le document transmis au Conseil des
ministres; donc, le premier ministre s'appuie nécessairement sur un
autre critère. Il ne joue pas à pile ou face. Il ne
choisit pas entre a, b et c. Il s'appuie sur un critère
donné. C'est ce critère que je demande au ministre de la Justice.
Le ministre de la Justice et ministre d'État à la Réforme
électorale me dit: Je ne le donne pas, c'est une décision qui
appartient au premier ministre. Compte tenu que je ne peux pas avoir ce matin
le critère ultime sur lequel on s'appuie pour désigner le
président des élections, il va comprendre que j'étais tout
à fait justifié de m'inquiéter.
M. Bédard: Au contraire. N'essayez pas de vous
justifier.
M. Pagé: Vous ne voulez pas me confirmer le
critère.
M. Bédard: Vous êtes arrivé avec une liste de
noms - vous changez de discours, je m'en aperçois, vous opérez le
virage. Vous vous étiez très mal engagé. Vous êtes
arrivé simplement en essayant, à partir d'une liste, de faire
croire que c'étaient des nominations basées sur des
critères politiques. Le critère, c'est la compétence,
c'est ça.
M. Pagé: S'ils sont compétents tous les trois?
M. Bédard: Ensuite, au niveau de la nomination, je pense
que c'est tout à fait normal que les considérations du premier
ministre lui appartiennent. Ce qui est important, c'est que ces
considérations s'exercent à l'endroit de personnes jugées
compétentes par un système contre lequel vous n'avez rien
à redire. C'est ça que je remarque ce matin.
M. Pagé: Merci. C'est ce que je voulais vous entendre
dire, le vieux disque de 78 tours. Pas de critère ultime.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Gouin. À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bédard: C'est vous qui recommencez le vieux disque.
M. Rochefort: Ce matin, à l'occasion de l'étude des
crédits du ministre d'État à la Réforme
électorale, alors qu'on avait demandé de déposer un
certain nombre de documents fort importants qui concernent le mode de scrutin,
les intentions du ministre quant à un code électoral à
venir ou à l'office des électeurs et tout cela, je m'attendais
vraiment qu'on discute de choses aussi fondamentales et qui auront autant de
conséquences pour l'avenir des institutions politiques au
Québec.
Toutefois, M. le Président, à partir du moment où
on décide de discuter de cette question - vous êtes au courant
qu'il y a des discussions, des réflexions qui se font sur cette question
depuis longtemps et j'espère que vous aussi en avez, on aurait
peut-être pu mettre en commun ces réflexions ce matin à
cette occasion - à partir du moment où le député de
Portneuf décide, au nom de l'Opposition, de baser l'essentiel de son
intervention à l'occasion de l'étude des crédits du
ministre d'État à la Réforme électorale sur la
nomination des directeurs de scrutin. Je tiens moi aussi à en parler
parce que je crois qu'il est essentiel que cette discussion se termine
correctement et que chacune des allégations qui ont été
avancées soit corrigée de façon à éviter
qu'on remette en question toute la crédibilité de nos
institutions politiques parce qu'il faut voir qu'à partir du moment
où le gouvernement émet un décret électoral, toute
notre loi électorale, notre régime électoral porte sur la
responsabilité, donc la crédibilité, des 122 directeurs de
scrutin chapeautés par le Directeur général des
élections et aussi sur celle du Directeur général du
financement.
J'aimerais bien qu'on discute de la nomination des directeurs de scrutin
qui se fait, selon la loi qui a été adoptée par
l'Assemblée nationale, par rapport à la situation que nous
connaissions auparavant. Il faut se rappeler qu'auparavant, avant que cette loi
ne soit mise en application, les directeurs de scrutin qu'on appelait les
présidents d'élection constituaient essentiellement et
uniquement, et je ne me cacherai jamais pour l'affirmer, des nominations
politiques pour lesquelles aucun critère l'a jamais été
révélé par qui que ce soit, et je mets au défi le
député de Portneuf de nous indiquer quels étaient les
critères que son gouvernement appliquait lorsqu'il nommait les
directeurs de scrutin dans quelque comté que ce soit. Je le mets aussi
au défi de nous indiquer quelles étaient les informations, de
quelle façon son gouvernement faisait connaître à
l'ensemble de la population qu'il y avait un poste de directeur du scrutin
d'ouvert dans une circonscription électorale, de quelle façon on
permettait à quelqu'un de s'inscrire et de quelle façon on
considérait les différentes candidatures à des postes de
directeurs de scrutin. Si vous voulez qu'on fasse le débat
là-dessus, on est capable de ressortir la liste des nominations de
directeurs de scrutin qui ont été faites depuis 1970 ou 1960 et
ça me fera plaisir de faire la discussion sur cette question.
Comment les directeurs du scrutin sont-ils nommés maintenant?
Première des choses, une loi a été adoptée non pas
par le Parti québécois; ou par le gouvernement, mais par
l'Assemblée nationale du Québec qui prévoit de A à
Z le processus de nomination des directeurs de scrutin, et j'aimerais bien que
vous me disiez d'ailleurs si vous avez voté pour ou contre la loi no 9
à l'Assemblée
nationale du Québec qui contenait des dispositions quant aux
nominations des directeurs de scrutin. Ce que la loi prévoit, c'est ce
qui suit: Pour la première fois au Québec, il y a un concours
public ouvert, comme pour n'importe quelle autre nomination dans la fonction
publique du Québec, avec publication dans les journaux à plus
d'une reprise, avec un délai qui est donné à chaque
personne intéressée pour poser sa candidature.
Déjà, il faut voir que c'est un changement radical parce que cela
a ouvert le poste de directeur du scrutin à tous les
Québécois qui étaient en âge de voter; cela est une
première. D'ailleurs, le Directeur général des
élections pourrait nous indiquer combien il y a eu de citoyens qui ont
posé leur candidature à travers le Québec pour ce poste,
pour montrer jusqu'à quel point l'ouverture, l'accès au public en
général est une réforme qui était souhaitée,
qui était attendue.
À la suite de cela, le directeur général, à
partir de critères qui lui ont été soumis par l'Office de
recrutement de la fonction publique, donc un organisme qui est habitué
à travailler au niveau du recrutement de personnel, tient un concours
écrit et fait ensuite des entrevues à partir de personnes qui
connaissent le travail de directeur de scrutin tout en suivant les
critères qui ont été élaborés par le
Directeur général des élections en collaboration avec
l'Office de recrutement du personnel de la fonction publique. Ce qui fait que
les recommandations qui sont faites par le Directeur général des
élections au gouvernement nous assurent que pour les 122
circonscriptions électorales le nom des trois individus qui se
retrouvent sur la feuille représente les trois individus les plus
intéressés et, parmi les plus intéressés, les plus
compétents pour effectuer le travail de directeur du scrutin, et
ça aussi c'est un changement radical. Ce qu'on avait reproché aux
directeurs du scrutin dans le passé, c'était non pas tellement
leur allégeance politique, mais bien plus leur compétence qui
était absolument absente dans plusieurs cas et moi aussi je serais en
mesure de parler de cas très précis.
Alors, aujourd'hui, l'assurance qu'on a, c'est que les trois noms qui
sont soumis au Conseil des ministres, et non seulement au premier ministre,
représentent les trois personnes les plus compétentes à
partir de toutes les personnes intéressées dans chaque
circonscription électorale pour effectuer le travail de directeur du
scrutin; ensuite, on nomme des gens.
Que vous me disiez qu'il y a des gens qui ont fait de la politique dans
cela, qui ont été nommés, rien de plus normal parce que,
sauf erreur, au Québec il n'y a aucune université, aucun
cégep, aucune école secondaire qui donne des cours sur la Loi
électorale et sur la façon de faire les élections au
Québec. Si on veut aller chercher des gens compétents, il est
essentiel... Vous avez beau rire, mais les scrutateurs que vous proposez, les
greffiers que vous proposez, les représentants de candidats que vous
proposez et les réviseurs que vous proposez, où les
choisissez-vous, vous autres, quand vous avez à faire des
recommandations au directeur du scrutin? Parmi des gens qui n'ont jamais fait
de politique ou parmi des gens qui ont déjà fait de la politique?
C'est reconnu dans tout le Québec; la seule façon d'obtenir une
certaine compétence quant à la gestion et quant à
l'application de la Loi électorale au Québec, c'est d'avoir
déjà fait de la politique, de façon à être en
mesure de savoir vraiment comment cela fonctionne. Que vous me disiez qu'il y
en a un certain nombre qui sont du Parti québécois, rien de plus
normal, parce que, effectivement, les gens du Parti québécois ont
aussi le droit d'obtenir des postes à partir du moment où ils
prouvent leur compétence. Ce n'est certainement pas parce que quelqu'un
a fait de la politique avec le Parti québécois qu'on va le priver
de mettre à contribution sa compétence pour l'ensemble de la
collectivité.
Je conclus sur une chose: Je regrette, alors que ces gens ont
été nommés il y a environ un an et n'ont pas eu à
assumer de responsabilités jusqu'à maintenant puisqu'il n'y a pas
eu de recensement l'automne dernier et qu'il n'y en aura pas l'automne
prochain, ni d'élection générale, avant même que ces
gens aient été appelés à poser des gestes, à
appliquer la Loi électorale pour laquelle ils ont été
engagés, je regrette qu'on mette en doute leur
crédibilité. Vous avez une responsabilité à porter
à cet égard vis-à-vis de l'ensemble du collège
électoral que constituent les 4 000 000 d'électeurs du
Québec qui mettront peut-être en doute la
crédibilité de leur institution à partir des
déclarations que vous avez faites. On s'en reparlera quand viendra le
temps.
M. Bédard: Je voudrais simplement ajouter, M. le
Président, qu'il y a eu la loi 9. Elle a été
adoptée à l'unanimité de l'Assemblée nationale. Il
y a été prévu un mode de nomination de directeurs de
scrutin et je mets l'Opposition au défi de nous affirmer, de quelque
façon que ce soit, que la loi n'a pas été respectée
intégralement, loi, encore une fois, adoptée à
l'unanimité de l'Assemblée nationale. Dans tous les cas, il y a
eu un concours et des recommandations -ce qui n'était pas le cas
auparavant - du Directeur général des élections sous la
responsabilité duquel se faisaient ces concours. Cette loi, c'est nous
qui nous la sommes donnée. C'est nous qui devons essayer d'y donner la
meilleure des crédibilités. Elle a été
respectée
intégralement par le gouvernement et quand vous aurez des choses
plus sérieuses... Regardez donc un peu votre loi et si un des individus
nommés pose des gestes partisans, on sait que la loi prévoit que
le Directeur général des élections peut destituer un
directeur du scrutin qui a une action partisane. Je pense qu'elle est
là, notre garantie. D'une part, nous avons la garantie de la
compétence et d'autre part - et la loi est spécifique - la
garantie aussi non seulement de la compétence, mais de
l'impartialité dans le travail. Je pense que ce sont des
éléments très importants lorsqu'on parle de
crédibilité du mode de scrutin, beaucoup plus importants que les
inquiétudes sous forme d'insinuations du député de
Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, pour terminer...
M. Bédard: Quand il nous dira les allégeances des
122...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: ... sur le sujet, je tiens à... M.
Bédard: II y en a 122.
M. Pagé: Ah, le fédéral là-dedans.
Pauvre petit gars! Pauvre petit gars!
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Portneuf, vous avez la parole.
M. Bédard: Cela ne vaut même pas la peine.
M. Pagé: M. le Président, j'ai écouté
avec beaucoup d'attention le député de Gouin. Celui-ci soutient
que, finalement, il faut avoir de l'expérience politique pour occuper
une fonction qui appelle l'analyse et le vécu quotidien de la Loi
électorale. J'en conviens, pas de problèmes, sauf...
M. Rochefort: ... d'accord avec notre Loi électorale.
M. Pagé: ... que le député de Gouin a le
lancement du défi facile. On souscrit à cela. On a souscrit
à la loi 9, mais on va aller plus loin maintenant. La bonification des
lois, je pense que cela doit être un objectif constant du
législateur. Si le gouvernement est prêt à rouvrir la loi 9
pour s'assurer que dans le mécanisme d'examens, ce sera la personne la
plus compétente, selon les résultats, qui va être
nommée et ce, par le directeur général du scrutin...
Une voix: Des élections.
M. Pagé: ... le Directeur général des
élections, on serait prêt, parce que l'inquiétude que j'ai,
moi, ce matin - et le ministre aura beau me dire que c'est irresponsable et que
cela affecte la crédibilité de ces gens - c'est qu'il y a...
M. Bédard: Ce n'est pas là-dessus. Ne mêlez
pas les problèmes. (13 heures)
M. Pagé: ... trois personnes qui sont retenues, M. le
Président, et le ministre n'a pas pu m'indiquer les critères sur
lesquels s'appuyait le premier ministre pour choisir le directeur du scrutin,
ultimement. Je trouve un peu téméraire que le
député de Gouin soit celui qui se lance dans le plus vibrant des
plaidoyers quand, dans son comté, celui qui a été
désigné... Est-ce à dire que dans son comté
c'était M. André Boucher, malgré tout membre actif du
Parti québécois, ancien président de l'association du
Parti québécois et en plus de cela agent officiel?
M. Bédard: II est compétent celui-là.
M. Pagé: Compétent retenu parmi les trois.
M. Bédard: Et recommandé.
M. Pagé: Et recommandé parmi les trois. Quel
était le dernier critère sur lequel s'est appuyé le
premier ministre pour dire: Plutôt que M. X ou M. Y, ce sera M. Boucher.
Qu'on me dise: Ce n'est pas parce qu'ils sont péquistes, qu'ils ne sont
pas compétents. C'est le vieux disque.
M. Bédard: Vous poserez vos questions à qui de
droit.
M. Pagé: Les gouvernements libéraux disaient et il
faut être ouverts: Est-ce parce qu'ils sont libéraux qu'ils n'ont
pas le droit de postuler des postes et d'avoir des fonctions? M. Duplessis, que
je n'ai pas connu, malheureusement, disait probablement: Est-ce parce qu'ils
sont de l'Union Nationale qu'ils n'ont pas le droit d'occuper des postes?
M. Bédard: Oui, mais personne ne vérifiait la
compétence, par exemple.
M. Rochefort: Même qu'ils n'avaient pas besoin de
postuler.
M. Pagé: Je m'excuse M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bédard: II n'y avait pas de mécanisme.
M. Pagé: Je m'excuse M. le Président, je termine
là-dessus pour 30 secondes. Cela, c'est un vieux disque. Si vous voulez
jouer franc, transparent, bien, allez-y, mais allez-y jusqu'au bout; que le
directeur du scrutin -et pour cela, on est prêt à modifier la loi
-soit désigné suite à d'autres concours qui viendront
éventuellement par le Directeur général des
élections ou encore les critères de la fonction publique. Si on
veut aller jusqu'au bout de la démarche.
M. Bédard: La seule chose qu'oublie de dire le
député de Portneuf, c'est qu'avant, il n'y avait aucun
mécanisme pour vérifier la compétence.
M. Pagé: Oui, mais ces gens-là traversaient...
M. Bédard: Alors que maintenant, il y en a un.
M. Pagé: ... quand même les gouvernements, il
fallait qu'ils soient assez crédibles.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre! A
l'ordre!
M. Bédard: Maintenant qu'il y en a un qui est en
place...
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre! À
l'ordre!
M. Bédard: ... il y a également une loi qui est en
place et il n'y a aucun exemple qui a été donné, aucun
exemple qui a été soulevé par les députés de
l'Opposition selon lequel la loi n'aurait pas été
respectée. Au contraire, je pense que vous assumez et même que
vous reconnaissez que la loi a été intégralement suivie,
loi adoptée à l'unanimité par l'Assemblée
nationale. C'est une loi qui sera en vigueur. On peut quand même laisser
le mécanisme agir, voir ce que...
M. Pagé: Ils n'ont pas encore commencé à
travailler.
M. Bédard: Bon! Alors, arrêtez donc de...
M. Pagé: On ne peut pas porter de jugement sur leur
compétence. Ils n'ont pas encore commencé à
travailler.
M. Bédard: C'est tout ce que je vous dis: Soyez donc
responsables, arrêtez de les destituer avant même qu'ils n'aient
fait...
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre! À
l'ordre!
M. Pagé: On s'est inquiété. Dites-leur qu'on
va les avoir à l'oeil.
M. Bédard: On connaît les inquiétudes du
député de Portneuf, il ne m'apprendra rien.
M. Rochefort: Si j'avais seulement le consentement des membres de
la commission pour que j'intervienne.
M. Bédard: Deux secondes. C'est une loi; elle sera en
vigueur. Nous allons avoir les résultats. On était tous d'accord
là-dessus, comme n'importe quelle loi. C'est toujours susceptible
d'amélioration, on verra avec le temps.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce qu'il y a consentement
pour l'intervention de M. le député de Gouin.
M. Rochefort: Sûrement, M. le Président, qu'il y a
consentement pour que j'intervienne deux minutes.
Le Président (M. Desbiens): Dernière intervention
du député de Gouin.
M. Rochefort: Sur la dernière intervention du
député de Portneuf, je dirai une seule chose. Je connais
personnellement les trois personnes qui ont été
recommandées par le Directeur général des élections
au gouvernement dans le cas de mon comté et je lui conseille...
M. Pagé: Est-ce qu'ils sont là dans le
document?
M. Rochefort: Oui, je viens de les voir, je l'ai demandé
au directeur et j'ai pris la peine d'aller vérifier sur ma liste. Je lui
conseille d'aller vérifier la compétence et l'expérience
au plan politique et au plan personnel de ces trois individus et j'ai la
certitude qu'il en arrivera à la même conclusion que celle
à laquelle le gouvernement est arrivée: Que M. Boucher
était la personne la mieux placée pour occuper ces fonctions.
Avant de le destituer dans votre tête, laissez-le donc appliquer la Loi
électorale et on viendra s'en reparler avec vos propres militants de
comté.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que
l'élément un est adopté?
M. Bédard: C'est l'ensemble du programme...
M. Pagé: Avant de terminer, il y avait d'autres questions
que je voulais aborder...
Le Président (M. Desbiens): Je regrette, on est rendu
à 13 heures.
M. Bédard: Je devais répondre à deux autres
questions. Cela m'aurait fait plaisir, mais...
Le Président (M. Desbiens): Â l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Rochefort: II y avait des questions que j'aurais aimé
adresser, sauf qu'on a parlé d'autre chose.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre! Alors, il
est treize heures...
M. Pagé: M. le Président, très
brièvement, 30 secondes, pour que je lance au moins le sujet. J'ai
donné mon consentement pour que le député de Gouin
intervienne.
Le Président (M. Desbiens): II faut qu'il y ait un
consentement. J'ai demandé un consentement pour une dernière
intervention et c'est ce que vous avez accordé. Alors, je...
M. Bédard: M. le Président, je voudrais
répondre sur la carte d'électeur qui a fait l'objet d'une
question de la part du député.
M. Pagé: II y a consentement pour lui, mais pas pour
moi.
M. Bédard: Non, non. Ce que je veux dire, soyons de bon
compte. Je n'ai pas de...
Le Président (M. Desbiens): Un instant: Un instant! On va
s'entendre avant.
M. Pagé: Donnez vos réponses, je vais faire un
commentaire pour terminer.
Le Président (M. Desbiens): Alors, la commission de la
présidence du conseil...
M. Pagé: On l'a notre consentement, allez-y.
Le Président (M. Desbiens): Un instant! Est-ce que c'est
pour une question?
M. Pagé: Non, non, une réponse.
Le Président (M. Desbiens): Une question et une
réponse.
Registre des électeurs
M. Bédard: D'abord, M. le Président, concernant le
registre des électeurs, le député de Portneuf a
parlé de rapport, il a évoqué la couleur des pages du
rapport; je dois lui dire très honnêtement qu'à ma
connaissance il n'y a pas d'autres rapports qui ont été produits
concernant le registre des électeurs. Nous nous en sommes tenus à
l'entente.
M. Pagé: Est-ce qu'il y a des rapports internes?
M. Bédard: Nous en avions eu lors de l'étude des
crédits l'an passé. Maintenant, M. le Directeur
général des élections a déposé son rapport.
On aura sûrement l'occasion d'échanger là-dessus. Je peux
faire une derniers vérification s'il y a des éléments
spéciaux...
M. Pagé: Je ne parlais pas de rapport officiel parce que
pour que le rapport devienne officiel, il faut qu'il soit déposé,
je présume. Mais est-ce qu'il y a des rapports internes, l'un en date du
9 novembre 1981 et l'autre en janvier 1982, qui ont été produits
sur les deux sujets que j'ai mentionnés? J'ai même donné la
couleur d'un des documents, celui du 9 novembre 1981.
M. Bédard: Je pourrai faire la vérification. Il me
fera plaisir de donner les précisions au député.
La carte d'électeur
Concernant la carte d'électeur, très rapiderrent, une
évaluation sommaire nous a amenés à constater que la mise
en place d'une carte d'électeur représenterait une dépense
de presque 20 000 000 $. Je pense qu'il va de soi que, dans le contexte actuel,
nos réflexions se sont arrêtées brusquement
là-dessus.
M.. Pagé: Est-ce parce que vous êtes en
désaccord avec le principe ou si c'est une question
monétaire?
M. Bédard: Personnellement, je dois vous le dire, je suis
loin d'être chaud concernant la mise en place d'une carte
d'électeur.
M. Pagé: Vous êtes chaud ou froid au principe?
M. Bédard: Non, non. Vous me connaissez assez; quand je
dis ça, cela veut dire ce que cela veut dire. On nous a dit que cela
pourrait coûter un montant de l'ordre de 20 000 000 $. Il faudrait aussi
compter le prix d'une infrastructure de contrôle, du renouvellement des
cartes endommagées ou perdues et des nouvelles émissions. Il
faudrait amener l'électorat presque au complet chez le photographe.
C'est là que nous en sommes rendus. La qualité des listes
électorales actuelles, les mécanismes prévus de
révision, l'excellente formation du personnel électoral, la
vigilance des représentants des partis politiques ont, à mon
avis, marginalisé la fraude électorale et
nous assurent du caractère vraiment démocratique de notre
processus électoral.
La carte électorale
Pour ce qui est de la commission de la carte électorale,
j'informe les membres de la commission que, d'ici à quelques semaines,
sera rendu public l'ensemble du travail qui a été fait par les
membres de la commission, un excellent travail concernant la
délimitation des secteurs électoraux. Je pense que ceci nous
permettra de voir et de vérifier le travail très positif qui a
été fait dans le sens du respect de l'orientation de la loi que
nous avions adoptée. Le tout devra être en vigueur à partir
du 1er juillet et rendu public auparavant. Je pense que c'étaient les
seules questions.
M. Pagé: M. le Président, très
brièvement, je voudrais, moi aussi, ajouter ma voix à celle du
ministre pour rendre hommage au groupe responsable de la carte
électorale, M. Lemieux et, évidemment, les autres intervenants,
M. Côté, etc. Je dois dire qu'il s'est fait du travail très
concluant et très valable à l'égard de toute la question
des secteurs électoraux, qui est de nature, encore une fois, à
atteindre ce grand objectif d'une meilleure participation.
Un dernier élément que je voudrais porter à
l'attention du ministre. Cela aurait été bien intéressant,
je pense, si nous avions pu avoir un peu plus de temps. Dans le cadre de la
réforme du mode de scrutin, est-il possible que le ministre
d'État à la Réforme électorale et ses adjoints se
penchent sur la possibilité, lorsqu'on aura fait notre lit et qu'on
modifiera de façon législative notre mode de scrutin au
Québec, d'élargir les objets de la consultation lors d'un
scrutin? Je m'explique: On sait que dans quelques États
américains on profite du scrutin, qui est à date fixe, pour
consulter la population sur des sujets; qu'il ne suffise de vous
référer à l'expérience californienne dans ce sens.
J'ai été à même de prendre connaissance du
système de consultation là-bas en Californie; j'ai trouvé
cela très intéressant. D'ailleurs, j'ai proposé qu'une
mission du Commonwealth Parliamentary Association se rende là-bas pour
étudier toute cette question.
Le ministre me dira qu'on a une Loi sur la consultation populaire au
Québec. On a eu une seule expérience, évidemment, avec
cette loi; cela a été le référendum sur la question
constitutionnelle. Mais tous les jours, je pense que les députés
de cette Assemblée, de quelque côté de la Chambre qu'ils
soient, ont à se prononcer ou à donner une opinion, soit en leur
âme et conscience ou encore selon l'opinion des électeurs qu'ils
représentent, sur des sujets qui ne reçoivent pas
nécessairement des réponses dans les programmes politiques des
partis. Je pense que le plus bel exemple qu'on vit en ce moment, c'est la
question des casinos. Le ministre du Revenu, M. Fréchette, et le
ministre de Finances sont à étudier cette question, cette
possibilité que le Québec soit doté de casinos
éventuellement. Si, au cours d'un scrutin général, on
dépense des millions et des millions de dollars pour élire la
Législature du Québec, on ne peut certainement pas exclure la
possibilité que des modifications à nos lois soient faites de
manière qu'on profite de cette journée de scrutin pour consulter
la population sur d'autres sujets.
M. Bédard: II y a déjà une réflexion
qui est commencée au ministère sur ce sujet particulier; elle
n'est pas terminée. On aura sûrement l'occasion d'en
rediscuter.
M. Pagé: Encore une fois, comme dans tout le reste, M. le
Président, le ministre d'État à la Réforme
électorale peut compter sur la contribution utile de l'Opposition.
M. Bédard: Si l'on pouvait donc compter sur sa
contribution sur tous les sujets sérieux.
Le Président (M. Desbiens): La commission de la
présidence du conseil et de la constitution, ayant maintenant
terminé ses travaux, déclare adoptés tous les
crédits de tous les programmes du Conseil exécutif. La commission
ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 13 h 13)