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(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous
plaît! Mesdames et messieurs, à l'ordre, s'il vous plaît! La
commission parlementaire de la présidence du conseil et de la
constitution se réunit donc à Schefferville, ce matin et demain,
pour entendre des personnes ou des organismes afin d'étudier l'ensemble
de la situation de Schefferville et d'évaluer les actions qui pourraient
être prises en vue d'aider à la solution des problèmes de
cette municipalité. C'est l'objet de la commission, c'est le mandat de
la commission.
Les membres de notre commission, pour les deux journées, sont,
par ordre alphabétique: M. Chevrette (Joliette); M. Ciaccia
(Mont-Royal); M. Dauphin (Marquette); M. Dean (Prévost); M. Duhaime
(Saint-Maurice); M. Fallu (Groulx); M. Fortier (Outremont); M. Gendron
(Abitibi-Ouest); M. Kehoe (Cha-pleau); M. Lafrenière (Ungava); M. LeMay
(Gaspé); M. Marois (Marie-Victorin); M. Middlemiss (Pontiac); M. Perron
(Duplessis); M. Rocheleau (Hull); M. Sirros (Laurier).
Avant d'aller plus loin, je recevrai des propositions pour un rapporteur
de la commission qui devra faire rapport à l'Assemblée
nationale.
Une voix: Je propose M. Denis Perron.
Le Président (M. Bordeleau): Le député de
Duplessis est proposé. Cela va?
Des voix: Oui.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, le rapporteur de la
commission sera donc M. Denis Perron, député de Duplessis.
Avant de commencer nos travaux, comme il s'agit d'une première et
que notre exemple d'aujourd'hui, de déplacer une commission
parlementaire à l'extérieur des murs de l'Assemblée
nationale, sera probablement suivi et servira d'exemple, je voudrais
particulièrement demander, à la fois aux membres de la commission
et aux personnes qui assistent ou qui vont participer à nos
échanges leur meilleure collaboration pour que le tout se fasse dans les
meilleures règles possible qui permettront, justement, d'atteindre le
but que notre commission s'est fixé, soit celui d'entendre des
mémoires, des points de vue de groupes ou d'individus. Dans ce
sens-là, ma priorité, pour les deux prochains jours, sera
toujours que les personnes qui veulent se faire entendre puissent se faire
entendre. À ce moment-là, je demanderai donc la collaboration de
tous et de toutes dans la salle - comme la salle est très remplie - pour
que l'échange entre les membres de la commission et les intervenants
puisse se faire dans tout le calme possible avec le maximum de chances de
s'entendre, de se comprendre et de pouvoir échanger.
Comme vous avez pu vous en rendre compte aussi, nous avons un horaire
passablement chargé et je devrai sûrement, à l'occasion,
faire respecter la règle, la tradition, la coutume, par rapport au
dépôt de mémoires et respecter un horaire assez
précis. D'abord, les heures où, normalement, la commission
siégera - cela peut toujours être modifié à
l'occasion, mais je vais tenter quand même d'être assez strict -
sont: le matin, ouverture à 10 heures jusqu'à 13 jeures. On
suspend pour le dîner de 13 heures à 15 heures. On reprend
à 15 heures jusqu'à 18 heures. On suspend de nouveau entre 18
heures et 20 heures pour reprendre à 20 heures et normalement terminer
à 22 heures. Par contre, je pense que, avec le consentement des membres,
on peut aussi prolonger le soir après 22 heures et qu'il faudra
probablement le faire à l'occasion.
M. Chevrette: M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre du Loisir, de
la Chasse et de la Pêche.
M. Chevrette: Sur vos propos, M. le Président, est-ce
qu'on pourrait se garder une ouverture également quant aux heures des
repas dans l'éventualité d'une compression, advenant un
consentement de l'Opposition, vu qu'on a un buffet sur place et qu'on voudrait
terminer à des heures peut-être plus raisonnables? On pourrait
peut-être négocier une heure et quart, ou quelque chose du genre,
au lieu de deux heures pour le repas et ainsi entrer à
l'intérieur du cadre horaire?
Le Président (M. Bordeleau): Je ne vois pas de
problèmes à condition que les membres de la commission
s'entendent. C'est très facile de varier les heures. J'ai
simplement statué sur les heures normales de la commission pour
que tout le monde sache à quoi s'en tenir.
Pour arriver dans nos horaires qui existent toujours dans nos
commissions parlementaires, en termes de temps, on donne une heure par
mémoire, répartie comme suit: 20 minutes pour la
présentation du mémoire; 20 minutes pour le parti
ministériel et 20 minutes pour l'Opposition. Par contre, dans les deux
20 minutes des deux partis, c'est la loi de l'alternance qui joue normalement.
Après un intervenant du côté ministériel, on passe
à un intervenant du côté de l'Opposition.
Pour qu'on puisse respecter nos horaires, je devrai noter l'heure
d'assez près. Après les premières 20 minutes du
début du mémoire, je devrai indiquer que les 20 minutes sont
écoulées et que le temps pris de ce côté-là
est perdu ailleurs.
Ce sont les règles de départ que j'ai voulu expliquer.
Avant d'entreprendre la présentation des mémoires, je permettrai
de part et d'autre des discours préliminaires en commençant par
le ministre délégué à l'Aménagement et au
Développement régional.
M. le ministre.
Remarques préliminaires M. François
Gendron
M. Gendron: Citoyens et citoyennes de Schefferville, M. le
Président, membres de cette commission, messieurs de la presse,
mesdames, mesdemoiselles, messieurs, nous nous apprêtons à vivre
ensemble au cours des heures qui suivront une expérience qui constitue
un précédent dans l'histoire du parlementarisme
québécois.
C'est en effet, à ma connaissance, la première fois qu'une
commission parlementaire se tient en dehors de Québec et plus
spécialement dans la municipalité même dont elle doit
examiner l'ensemble du dossier. Il faut y voir le signe qu'une institution
aussi vénérable que l'Assemblée nationale est capable de
s'adapter aux exigences de la vie moderne, en tenant compte d'un objectif
partagé par un nombre de plus en plus grand de personnes, soit de
favoriser le plus possible le rapprochement entre l'État et les
citoyens.
À ce titre, je ne crois pas trahir l'opinion de mes
collègues en vous disant que nous sommes heureux d'être ici et que
les résultats de cette expérience seront sans doute
déterminants pour évaluer les mérites d'une semblable
initiative. Mais, en même temps, je me dois d'ajouter que nous sommes
attristés, car si nous sommes ici, ce n'est pas pour fêter un
événement heureux, mais à cause de la décision de
la minière IOC de fermer ses installations à Schefferville en
juillet 1983, avec toutes les conséquences que cela comporte.
Nous sommes venus écouter la minière IOC sur ses
intentions, ses propositions d'action concernant l'avenir de Schefferville et
aussi entendre tous ceux qui sont concernés par cette décision
aux conséquences très graves et qui ont bien voulu
présenter des mémoires devant cette commission.
Cette commission parlementaire sur l'avenir de Schefferville devrait
nous amener à développer ensemble de nombreux sujets et c'est
tant mieux. On dit que du choc des idées jaillit la lumière. Nous
en avons drôlement besoin dans le cas présent, ne serait-ce qu'en
raison de la complexité d'une telle situation.
En fait, nous sommes tous conscients des problèmes que vivent
présentement les citoyens et les citoyennes de Schefferville à la
suite de l'annonce par la compagnie IOC, le 3 novembre 1982, de la fermeture de
ses installations ici même à Schefferville. Une telle
décision a suscité dans le milieu même et aussi ailleurs
des inquiétudes nombreuses et certes justifiées dans les
circonstances.
Le gouvernement du Québec a réagi rapidement à
cette situation. Le ministre de l'Energie et des Ressources, mon
collègue M. Yves Duhaime, est venu à Schefferville avec son
équipe pour y rencontrer les personnes ou les groupes
intéressés à lui faire part de leurs appréhensions
relativement au sort réservé à cette ville et à ses
habitants.
La convocation d'une commission parlementaire à Schefferville
même s'inscrit dans cette préoccupation du gouvernement de faire
tout en son pouvoir pour que les citoyens de l'endroit aient la chance de se
faire entendre en priorité. Nous voulons avoir, en sortant d'ici, une
vision plus claire de ce qu'il convient de faire concrètement à
court terme et aussi, bien sûr, à long terme, pour dissiper le
climat d'incertitude qui règne présentement.
Quant à nous, il n'est pas question, comme l'appréhendait
M. Clément Godbout des Métallos - et je suis convaincu qu'il en
est de même de nos collègues de l'Opposition - de tenir une
commission parlementaire qui aurait un peu l'effet d'une opération
poudre aux yeux. Au contraire, on veut essayer de regarder ensemble, d'une
façon très claire, les possibilités d'avenir et analyser
la situation réelle. Car c'est bien de cela, en effet, qu'il s'agit au
premier abord puisqu'à partir du moment où on décide de
faire vivre Schefferville, il faut prendre les moyens pour y arriver, alors
qu'il suffit simplement de laisser aller les choses pour condamner cette
collectivité à une agonie plus ou moins rapide. Face à ce
choix et aux éventualités qu'il entraîne, le gouvernement
du Québec voudrait examiner avec vous un certain nombre de
possibilités que nous pourrons explorer davantage mes collègues
et
moi au fur et à mesure du déroulement de la commission. Je
voudrais, cependant, en premier lieu, faire quelques observations sur ce que
représente Schefferville à nos yeux.
Je ne surprendrai sûrement personne, j'en suis sûr, en
faisant état de la valeur symbolique de cette ville dans le
développement et le peuplement du Nord québécois.
Celle-ci, fondée voilà une trentaine d'années, affirme
clairement la volonté du Québec d'occuper son territoire. Il est
significatif, en effet, que Schefferville ait été
implantée à la hauteur du 55e parallèle et à
proximité d'une frontière mal définie que notre
gouvernement et tous ceux qui l'ont précédé n'ont jamais
accepté de reconnaître. En termes purement géographiques,
il est évident que Schefferville est le point le plus au nord où
une collectivité blanche et francophone a choisi de s'installer pour y
vivre pleinement.
D'autre part, l'importance que le gouvernement du Québec accorde
à Schefferville au plan géopolitique est également
basée sur une réalité bien concrète à savoir
que cette ville constitue un point central pour la mise en valeur des
ressources minérales de la fosse du Labrador et donc qu'elle demeure par
sa position un tremplin de choix dans toute stratégie de
développement nordique. Cet aspect de la question mérite
d'être prise en compte à plusieurs points de vue, car il explique
notamment l'enracinement de bon nombre des habitants de Schefferville surtout
ceux qui y sont nés et qui y ont grandi. Le sentiment d'appartenance
à un milieu de vie développé au cours des années
dans cette ville fait en sorte que plusieurs recherchent davantage aujourd'hui
des solutions pour rester que des moyens pour partir. D'ailleurs, le ton de la
plupart des mémoires que nous entendrons au cours de ces deux jours
l'indiquera.
Déjà, les deux communautés autochtones ont fait
savoir qu'elles entendaient demeurer à Schefferville et continuer
à s'y développer. Dès l'instant où cette
volonté est clairement affirmée, il est certain, surtout dans le
contexte des conventions de la Baie-James et du Nord-Est
québécois que le gouvernement doit assurer le maintien des
services nécessaires à la collectivité. Nous entendons
assumer cette responsabilité en tenant compte toutefois de la
nécessité d'ajuster les services en question: éducation,
santé, loisirs, etc., en fonction, bien sûr, de l'évolution
démographique du milieu. Il est en effet impossible d'évaluer,
à l'heure actuelle, le nombre de personnes surtout dans la population
autre qu'autochtone qui voudront partir ou qui décideront de rester.
C'est précisément pour aider à éclaircir ce dernier
point que le gouvernement s'est imposé comme critère la
règle de l'équité, face à tous les citoyens
concernés, de façon que chacun d'entre eux soit en mesure
d'effectuer un libre choix entre deux options clairement établies.
Autant il ne nous appartient pas, comme gouvernement, de mettre en place
ou de favoriser les mesures qui inciteraient les gens à quitter
Schefferville, puisqu'une importante saignée démographique
rendrait encore plus difficile le maintien des services dont j'ai parlé
tantôt, autant nous ne voulons pas, d'un autre côté, agir de
façon à garder de force à Schefferville des personnes qui
souhaiteraient s'en aller si une telle démarche leur était
possible, mais qui ne peuvent le faire, pour diverses raisons, en
bénéficiant de compensations accessibles à d'autres. En
toute justice, il convient que chacun des citoyens de cette ville puisse
décider par lui-même de son avenir immédiat sans que son
choix soit pratiquement déterminé d'avance par des facteurs
indépendants de sa volonté. Le gouvernement regardera
attentivement toutes les mesures qui pourraient être prises pour
respecter dans les faits ce souci d'équité à l'endroit de
l'ensemble des habitants de Schefferville. (10 h 30)
Par ailleurs, il va de soi que la mise en application de tout programme
conçu à cette fin impliquerait des négociations avec le
gouvernement fédéral, avec la minière IOC, avec les
élus locaux dans le cadre d'une responsabilité partagée
à l'égard de la communauté en cause. D'autant plus que
nous partageons, nous, comme gouvernement, la réflexion que faisait le
président de la minière IOC, M. Brian Mulroney, et je cite: "Nous
avons toujours cru que nos responsabilités vis-à-vis de nos
employés et vis-à-vis des citoyens et des citoyennes de
Schefferville devaient s'étendre bien au-delà des exigences de
toute loi existante ou de toute convention collective." Je ne m'étendrai
pas outre mesure sur ce sujet puisque nous aurons l'occasion de parler des
différentes formes d'aide retenues ou envisagées pour les
diverses catégories de citoyens, qu'il s'agisse du travail du
comité de reclassement, des programmes de mobilité ou de
formation professionnelle de la main-d'oeuvre, etc. D'ailleurs, mon
collègue de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu,
M. Pierre Marois, pourra sans doute apporter plus de précisions au cours
de nos débats de deux jours.
En effet, on peut tenir pour acquis qu'un nombre encore incertain de
personnes décideront de demeurer à Schefferville, même si
elles peuvent compter sur une aide financière quelconque pour
déménager à un autre endroit. De nombreuses mines ont
déjà fermé au Québec, ce qui n'a pas
empêché les villages miniers de continuer à exister dans
plusieurs cas. C'est d'ailleurs une réalité à laquelle
celui qui vous parle est assez sensibilisé, en tant que
député d'Abitibi-Ouest, puisque j'ai eu à vivre avec
le problème presque identique d'une petite communauté qui
s'est vue également devant un fait aussi difficile que celui de la
population de Schefferville doit vivre, et ici je parle de la ville de
Normétal, en Abitibi-Ouest qui, à un moment donné, a
dû, elle aussi, repenser son avenir à la suite de la fermeture de
la mine.
On peut affirmer sans se tromper que le choix de demeurer dans une
localité après l'épuisement ou la mise en veilleuse de sa
principale ressource est, en quelque sorte, un pari sur l'avenir. Il est en
effet impossible de déterminer dans l'immédiat, même avec
la meilleure volonté du monde, toutes les solutions à ce
problème bien particulier et encore moins de prédire avec
certitude leur impact réel au plan socio-économique. C'est
pourquoi il importe de faire fonctionner au maximum notre imagination
collective au cours des heures qui vont suivre de façon que l'option de
demeurer à Schefferville, malgré le fait qu'elle recèlera
toujours un certain nombre d'inconnues, offre quand même des perspectives
suffisantes pour se présenter comme solution valable à sa
contrepartie.
L'un des premiers objectifs visés doit être de conserver le
maximum d'emplois existants et, évidemment, d'en créer d'autres,
tout en sachant bien qu'on ne peut, de manière réaliste, penser
à combler immédiatement l'immense vide créé en ce
domaine par le départ de la minière IOC. Le succès d'une
telle opération passe à la fois par la consolidation et la
diversification, puisqu'il faudra trouver des moyens pour exploiter la vocation
minière reconnue de Schefferville, tout en se tournant vers d'autres
secteurs d'activités pour suppléer au ralentissement actuel. Dans
le premier cas, mon collègue de l'Énergie et des Ressources, M.
Yves Duhaime, sera en mesure de brosser un portrait assez
détaillé de la situation présente et des
possibilités futures concernant l'exploration et l'exploitation
minières dans la fosse du Labrador de façon à en
évaluer les retombées pour Schefferville. En second lieu, il faut
reconnaître que d'autres villes monoindustrielles ont su, dans le
passé, se relever d'une paralysie temporaire qui aurait pu,
malheureusement, devenir définitive, en profitant de l'occasion pour
diversifier leur économie, ce qu'elles avaient négligé de
faire dans bon nombre de cas. Un être humain qui vient au monde signe en
même temps son arrêt de mort. Il en va ainsi pour une mine puisque
le gisement même le plus considérable et prometteur vient
toujours, de toute façon, à s'épuiser. J'espère
d'ailleurs que les expériences malheureuses vécues à
divers endroits nous enseigneront désormais à prévoir
cette éventualité au début plutôt qu'à la fin
de la période d'exploitation d'une ressource qui s'éteint,
surtout si elle est non renouvelable.
Quoi qu'il en soit, Schefferville est rendue aujourd'hui à cette
étape cruciale de son avenir et nous sommes à même de
vérifier la véracité du proverbe ou du dicton selon lequel
la nécessité est la mère de l'invention. Les
mémoires qui ont été déposés devant cette
commission et que nous aurons l'occasion de fouiller davantage tantôt
contiennent des propositions fort variées et dans certains cas assez
originales pour créer des emplois dans des domaines vers lesquels on
n'aurait peut-être jamais pensé à se tourner avant les
événements qui nous amènent ici. L'exploitation de la
faune, en particulier. Le caribou et le développement d'activités
de pourvoirie sont deux des possibilités les plus souvent
évoquées par ceux qui se sont penchés sur la question. Il
est aisé de constater que la population locale dans son ensemble
pourrait, après consultation et concertation, bien sûr, y trouver
des débouchés intéressants en termes d'emplois et d'appui
à l'économie. Mon collègue du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche, M. Guy Chevrette, voudra certainement apporter un
éclairage supplémentaire à ce sujet. Il aura alors
l'occasion de préciser les mesures susceptibles d'être prises pour
adapter les programmes ou règlements existants en fonction des demandes
ou des propositions qui nous sont faites, compte tenu, évidemment, des
conventions signées avec les autochtones.
D'autre part, les membres de la commission parlementaire et tous ceux
qui s'y font entendre ont déjà abordé ou aborderont
différents problèmes qui doivent être résolus pour
assurer la poursuite d'un niveau de vie normal à Schefferville dont,
notamment, le maintien de moyens de transport adéquats et de services
municipaux suffisants. Ici encore, la concertation entre la ville, la
minière et le gouvernement sera requise. Nous sommes très
conscients des attentes des citoyens à cet égard et nous
examinerons certainement avec le plus grand soin toutes les possibilités
qui s'offrent pour y donner suite, conjointement avec la compagnie IOC et le
gouvernement fédéral, dans le cadre de responsabilités
partagées. Enfin, comme ministre responsable du développement
régional, je regarderai avec beaucoup d'attention tout projet qui pourra
m'être soumis par l'entremise de l'Office de planification et de
développement du Québec, qui d'ailleurs, je tiens à le
souligner, a été très associé à la
préparation de toute cette commission tout autant par ses intervenants
du milieu que par les intervenants à Québec. C'est avec
énormément de parcimonie qu'elle a voulu préparer les
interventions nécessaires, l'analyse des mémoires pour essayer,
effectivement, de faire ressortir davantage toute la problématique
régionale, toute la problématique nordique et toutes les
caractéristiques spécifiques que nous nous devons d'analyser.
J'ai évoqué au cours de ces quelques minutes les
interventions éventuelles de quelques-uns de mes collègues dans
des champs d'activité bien ponctuels parce qu'ils sont plus directement
touchés, mais c'est tout l'appareil gouvernemental qui, en fait, sera
appelé à travailler en concertation pour le succès de ce
que j'appellerais "l'opération Schefferville". Ce but, bien sûr,
ne sera atteint que si l'on retrouve chez tous les intervenants, en particulier
ceux du milieu concerné, un esprit de concertation aussi
développé. J'ai bon espoir, à en juger par le contenu des
mémoires et l'intérêt des citoyens de Schefferville pour
l'avenir de leur collectivité, que la présente commission
parlementaire aura d'heureux résultats. Merci et bons travaux.
J'indique tout de suite qu'après l'alternance, on aimerait avoir
la possibilité d'une courte intervention de présentation de mon
collègue, M. Denis Perron, député du comté de
Duplessis, avant d'entendre le premier mémoire. Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre.
M. le député d'Outremont.
M. Pierre-C. Fortier
M. Fortier: M. le Président, nous sommes heureux
d'être à Schefferville puisque cette visite nous donnera
l'occasion, dans les deux jours que nous serons ici, de rencontrer les citoyens
de cette ville et de rencontrer les ouvriers qui ont décidé, il y
a fort longtemps dans bien des cas, de travailler dans cette ville nordique. Ce
sont des gens qui sont fiers de leur métier et qui sont fiers de la
contribution qu'ils ont faite à l'économie du Québec.
C'est un honneur pour nous d'être ici présents.
Je tenterai, dans quelques remarques, d'être le plus court
possible puisque nous sommes venus ici pour entendre les gens de Schefferville.
Néanmoins, puisque le ministre a établi une certaine prise de
position de la part du gouvernement, je voudrais donner la position du Parti
libéral du Québec.
Je dirai tout d'abord que nous avons insisté et nous avons obtenu
que la commission parlementaire se tiendrait ici puisque le gouvernement avait
décidé qu'elle se tienne à Sept-Îles. Pourquoi
l'avons-nous fait? C'est qu'il s'agit de la fermeture d'une ville nordique, pas
n'importe quelle. De plus, comme il est question de fermeture de d'autres
villes nordiques, je crois qu'il est important pour les parlementaires de voir,
par expérience personnelle, de constater et de rencontrer les gens du
milieu et de comprendre les problèmes que vivent les gens de
Schefferville et, par conséquent, les problèmes des autres villes
nordiques qui, malheureusement, pourront être fermées dans
l'avenir.
Nous sommes certains que tous feront des contributions extrêmement
positives, que ce soit par la présentation de mémoires, que ce
soit par des questions et des propositions et que non seulement nous tenterons
de dégager des recommandations et des précisions pour assurer la
survie de la ville, mais également le développement futur de la
région.
Nous, du Parti libéral du Québec, nous sommes bien
préparés en étudiant nos dossiers. Nous sommes
présents à cette commission parlementaire pour rechercher
sérieusement et positivement des solutions aux problèmes auxquels
nous faisons face présentement. Nous sommes sûrs que le
gouvernement - je l'espère - et la compagnie minière Iron Ore en
particulier, auront des recommandations précises à nous faire
à court et à long terme.
Nous sommes donc fiers d'être ici et, au nom de la
députation libérale, j'ose espérer que les citoyens de
Schefferville nous permettront de les rencontrer dans leur intimité afin
de nous permettre de mieux comprendre leurs aspirations et leurs
problèmes.
Quels sont les genres de problèmes que nous allons discuter
durant cette commission parlementaire? Je crois que, dans un premier temps, il
y a des problèmes à court terme et ceux-ci sont extrêmement
importants; il y a les conditions qui seront faites aux employés et il y
a les conditions qui seront faites à tous les autres qui ne sont pas des
employés de l'Iron Ore; il y a les conditions et le financement qu'on
devra assurer à la ville de Schefferville, si on veut assurer sa survie.
M. le Président, je crois que mon collègue de Hull, M. Gilles
Rocheleau, qui a été maire et qui est responsable, dans notre
parti, de l'aménagement régional et des problèmes
municipaux, du moins à cette commission parlementaire, pourra faire des
recommandations tout à fait pertinentes dans ce sens.
Mais nous, du Parti libéral du Québec, sommes
déjà sensibilisés aux problèmes humains qui sont
créés par la fermeture de la mine et nous tenterons de collaborer
avec tous les intervenants qui feront des recommandations positives dans ce
sens. Cependant, ce que j'aimerais souligner, c'est qu'il est également
important d'assurer le développement à long terme de
Schefferville, des autres villes nordiques et de la Côte-Nord dans son
ensemble. Nous sommes convaincus que la Côte-Nord, les villes nordiques
et Schefferville en particulier ont un avenir et un avenir brillant, mais pour
l'assurer, il faut que le gouvernement, en collaboration avec tous les
intervenants, définisse des stratégies et des politiques, non pas
seulement de relance à court terme et non pas seulement de
création d'emplois à
court terme, mais des politiques et des stratégies qui vont
créer des emplois permanents. C'est réellement ce que les gens de
la Côte-Nord veulent et c'est ce que les gens de Schefferville, en
particulier désirent.
Les gens de Schefferville, des villes nordiques et de la Côte-Nord
veulent vivre dans leur milieu. Ils ont le droit de vivre dans le milieu qu'ils
ont choisi et ne désirent pas de cataplasme et d'emplois à court
terme.
Contrairement à ce que le gouvernement désire nous faire
croire, surtout par le ministère de l'Énergie et des Ressources
qui voudrait nous dire que la détérioration de l'industrie du
fer, surtout à Schefferville, date d'hier ou d'avant-hier, nous savons
tous que déjà, à l'été 1980, il y a eu des
indices très révélateurs qui permettaient de voir qu'il y
aurait des problèmes à Schefferville. La question qu'on doit se
poser est la suivante: Qu'a fait le gouvernement depuis cette date?
J'aimerais souligner un article paru sous la plume de Jean-Didier Fessou
dans le Soleil, qui notait justement que M. Robert Anderson, le
président du conseil d'administration de l'Iron Ore, et M. Georgio
Massobrio, de Québec-Cartier, avaient indiqué que la situation se
détériorait rapidement. En particulier, M. Anderson avait
dressé un sombre tableau du marché de l'acier aux
États-Unis et estimait que les expéditions de l'acier des usines
américaines n'attendraient que 80 000 000 à 85 000 000 de tonnes,
soit une diminution de 15% à 20% par rapport à 1979.
M. le Président, dans le Devoir du 7 octobre, une intervention de
Jean Gérin-Lajoie, qui était le dirigeant des métallos
à ce moment, réclamait l'intervention du gouvernement pour
examiner notamment la possibilité d'établir, conjointement avec
la compagnie et le syndicat, un programme de stabilisation et de planification
de la main-d'oeuvre. D'ailleurs cet article, sous la plume de Louis-Gilles
Francoeur, fait état des mises à pied temporaires qui ont
été de 149 en 1975, pour augmenter à 294 en 1977, pour
augmenter à 328 en 1979 et pour atteindre 497 en 1980.
Tout observateur qui s'intéresse au développement de
Schefferville et de la Côte-Nord, M. le Président, aurait compris
qu'il fallait faire quelque chose dès ce moment. Mais, tout à
fait par hasard, lors de la commission parlementaire de SIDBEC, au mois
d'octobre ou novembre dernier, si je me souviens bien, le ministère de
l'Énergie et des Ressources a sorti, en novembre 1982, une étude
qui s'intitule "L'industrie du minerai de fer au Québec-Labrador,
état de la situation", justement pour nous faire croire que ce programme
était tout à fait récent. Et je cite, à la page un,
ce qu'on y dit: "La détérioration qui ressort de la situation de
l'industrie du minerai de fer au Québec-Labrador a été
très rapide." Or, comme le ministre de l'Energie et des Ressources suit
depuis longtemps l'évolution de la situation de ce secteur important
pour l'économie minérale du Québec, il est apparu
souhaitable, voire essentiel de faire le point sur la situation afin
d'éclairer l'orientation des mesures correctives qui devront être
envisagées.
L'alerte est donnée au mois de juillet 1980 et le ministre
produit l'analyse en novembre 1982. Mais, ce n'est pas à dire, M. le
Président, que le gouvernement, dans son ensemble, n'a pas
étudié les problèmes. L'OPDQ, en particulier, a fait
beaucoup d'études à ce sujet et j'ai ici trois exemplaires
d'études qui ont paru depuis 1977 jusqu'à 1980, je crois:
"Orientation du développement de la Côte-Nord", document de
consultation; "L'industrie minière de la Côte-Nord", dossier
d'inventaire et d'analyse et "La problématique de la
Côte-Nord".
Des études, on en a fait et on en a fait beaucoup. Et je cite, en
particulier, cette analyse: "Le dossier d'inventaire et d'analyse de
l'industrie minière de la Côte-Nord" où on disait
justement, à la page 74, ceci... Et je dois vous faire remarquer que
cette étude, tel qu'indiqué en page préliminaire, a
été rédigée au mois d'août 1978 et
éditée au cours du deuxième trimestre de 1980. Et que
dit-on? Ceci: "Puisque le minerai de fer est la principale ressource de la
Côte-Nord, cette dernière devra appuyer son développement
économique sur cette matière de base. La transformation du
minerai pourrait devenir une éventualité à moyen ou
à long terme."
Et, un peu plus loin, on dit: "Un nouvel optimum d'exploitation tenant
compte d'un septième facteur qui consiste à élaborer une
stratégie de développement dans le secteur du minerai de fer
devra être défini. Il devra tenir compte des avantages comparatifs
de la Côte-Nord, de ses possibilités de développement
à long terme."
Alors déjà en 1978, l'OPDQ avait signalé la
nécessité d'établir des politiques et des
stratégies de développement pour assurer le développement
de la Côte-Nord. Qu'est-ce que le ministère a fait? Je crois que
c'est une question à laquelle le ministre devra bien
répondre.
Mais, il y a eu une analyse qui a été faite, tout à
fait pertinente. J'ai ici un document daté de mars 1981 et qui s'intule:
"Stratégie de développement du minerai de fer au Québec et
de la Côte-Nord en général", par M. Boucher. Tous, de la
CÔte-Nord, connaissent ce rapport. Tous savent que cette personne a fait
une étude très pertinente des difficultés et a
prévu ce qui nous arrive maintenant. Il a proposé des politiques
et des stratégies de développement qui auraient permis au
gouvernement d'inter-
venir.
Qu'a fait le gouvernement? Il a mis ce monsieur à la porte en
disant qu'il était incompétent. Alors, des études, on en a
fait. Des analyses, il y en a eu. Mais je demande au ministre qu'il nous dise,
une fois pour toutes, quelles sont les politiques d'intervention et quelles
sont les stratégies du gouvernement qu'il a mises en oeuvre dès
le moment, en 1980, où on lui a signalé, où on a
signalé à son prédécesseur, qu'il y avait des
difficultés à ce chapitre.
M. le Président, on ne doit pas se surprendre de cette critique
et j'ose espérer que cette critique ne sera pas considérée
comme étant partisane puisque, dans un document qui est une analyse
d'une réunion du cabinet de M. Landry dont on a fait état il y a
quelques mois déjà, M. Landry, dans la réunion du cabinet
qui a eu lieu au Lac Delage le 22 août 1980, on dit ceci en parlant de la
Côte-Nord: "Serge - je ne sais pas de quel Serge il s'agit - a
préparé un document dépeignant la situation. Les
ministères n'ont pas fait leur devoir. M. Landry exposera la situation
au Conseil des ministres spécial, les 10 et 11 septembre." Et ceci,
c'était, au mois d'août 1981, une critique de votre
collègue responsable du développement économique.
M. le Président, je crois que le ministre responsable de
l'aménagement régional a établi que nous avions des
difficultés, a établi qu'il y avait peut-être des solutions
à court terme. Nous nous inquiétons du fait que le gouvernement
n'a pas de politique, ni de stratégie à long terme pour nous
convaincre que l'avenir de la Côte-Nord et des villes minières
serait assuré.
Il faudrait aller plus loin. Je crois malheureusement que cette
commission parlementaire, qui a été convoquée un jeudi et
un vendredi, ne nous permettra pas d'aller dans beaucoup de détails et
d'étudier en profondeur tous les mémoires qui nous seront
présentés. J'ose espérer que nous aurons l'occasion de le
faire. Je peux vous assurer que la députation libérale
collaborera avec le gouvernement, soit pour couper nos lunchs, comme le
suggère le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, soit
pour siéger jusqu'à minuit s'il le faut, mais je doute que,
compte tenu de l'importance des mémoires, nous ayons le temps de les
étudier en profondeur. Je redoute également que, compte tenu des
problèmes à court terme, nous n'ayons pas l'occasion d'aller avec
assez de profondeur dans les problèmes à long terme, pour tenter
de dégager des politiques et des stratégies de
développement à long terme. J'espère que le ministre
prendra en considération les politiques minières et
énergétiques qui pourraient permettre la transformation de
différents minerais - et non seulement du minerai de fer - qui sont
présents dans les région.
Motion proposant la convocation
d'une commission pour entendre
tous les intervenants
de la Côte-Nord
En conséquence, M. le Président, j'aimerais faire la
motion suivante: Considérant qu'il est urgent de définir des
politiques et des stratégies de développement économique
à long terme, basées principalement sur les ressources
minérales;
Considérant que de nombreuses études ont
déjà été faites, permettant de définir
très rapidement des stratégies de développement
basées sur une diversification de l'exploitation des minéraux,
associée à une politique énergétique devant
favoriser sur la Côte-Nord et dans les villes nordiques la transformation
de ces mêmes minéraux;
Considérant qu'il est urgent de définir des
stratégies et des politiques, non seulement pour une ville en
particulier, mais pour l'ensemble des villes nordiques et de la
Côte-Nord;
Considérant que la présente commission parlementaire se
limitera à l'étude des problèmes de Schefferville en
particulier, et surtout des problèmes à court terme qui sont
extrêmement importants;
Qu'il soit résolu que les membres de cette commission
recommandent fortement au gouvernement la convocation dans les meilleurs
délais d'une commission parlementaire pour entendre tous les
intervenants intéressés à la mise au point d'une politique
et d'une stratégie minières devant assurer l'avenir de la
Côte-Nord.
Je puis vous assurer que, si le gouvernement convoque une telle
commission parlementaire, il nous fera plaisir d'y collaborer et que nous y
sommes déjà très bien préparés. Je vous
remercie.
J'aimerais tout simplement ajouter que comme nous ne voulons pas prendre
le temps de la commission immédiatement pour discuter de cette motion,
si les autres membres de la commission le désiraient, nous pourrons
discuter de la motion proprement dite à la fin de l'audition de tous les
mémoires.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le
député d'Outremont. Si effectivement on ne demande pas à
la présidence une décision immédiate sur la
recevabilité et sur la discussion de la motion, on peut avec l'accord
des membres - elle est déjà déposée de toute
façon - y revenir au moment où les membres le jugeront
opportun.
M. Fortier: M. le Président, je recommande qu'on y
revienne une fois que tous les mémoires auront été
entendus.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre
délégué à l'Aménagement et au
Développement regional.
M. Gendron: M. le Président, au nom de l'équipe
ministérielle...
M. Fortier: Est-ce que je dois comprendre que vous prenez le
temps de parole du député de Duplessis?
M. Gendron: Non, seulement un mot là-dessus pour dire
qu'effectivement, à ce moment-ci, on pourrait la recevoir pour
dépôt. C'est déjà fait. Nous aurons l'occasion
d'apprécier à la fin de l'audition des mémoires, tel que
le souhaite le responsable de l'Opposition. Nous aurons l'occasion de commenter
effectivement la recevabilité de cette motion.
Maintenant, je laisse la parole à M. Perron.
Le Président (M. Bordeleau): Tel qu'il avait
été entendu, M. le député de Duplessis.
M. Denis Perron
M. Perron: Merci, M. le Président. Je voudrais, dès
le début de mon court exposé, souhaiter la bienvenue à mes
collègues ministériels ici même à Schefferville,
dans le grand comté de Duplessis, et en même temps, sans
partisanerie politique, souhaiter aussi la bienvenue à mes
collègues de l'Opposition. Bien entendu, j'ajoute qu'il est important de
voir combien la population de Schefferville est intéressée
à cette commission parlementaire, puisque ce matin nous avons dans cette
salle beaucoup de gens intéressés à discuter et à
entendre ce que nous avons à dire sur l'avenir de Schefferville,
Quant à moi, contrairement au député d'Outremont,
je ne ferai aucune partisanerie politique dans ce que j'aurai à dire se
rapportant à la commission parlementaire sur Schefferville, sinon
clarifier un point, lequel d'ailleurs, j'ai clarifié lors de deux
assemblées publiques que j'ai tenues ici, à Schefferville, en
janvier dernier. C'est au sujet de cette commission parlementaire, quant
à sa tenue.
Pour le bénéfice du député d'Outremont et
pour les membres de l'Opposition, le 3 novembre 1982, la compagnie IOC
annonçait la fermeture de ses installations de Schefferville. Le 4
novembre, à la suite d'une discussion que j'avais eue avec mon
collègue, le ministre de l'Énergie et des Ressources, M. Duhaime,
nous décidions d'un commun accord de venir ici à Schefferville.
Nous y sommes venus, le 5 novembre, et nous avons rencontré la
population de Schefferville à ce moment-là.
Le 10 novembre, soit cinq jours après notre présence ici
même, à Schefferville, le Conseil des ministres décidait,
par une décision ministérielle, datée le 10 novembre 1982,
de tenir une commission parlementaire dans la région de Schefferville.
Le 15 décembre 1982, le gouvernement du Québec, par le biais
d'une décision ministérielle du Conseil des ministres,
déclarait que c'était le ministre Gendron, le ministre
responsable de l'Aménagement du territoire, qui avait la
responsabilité de cette commission et que c'était la Commission
permanente de la présidence du conseil qui avait la
responsabilité de son organisation.
M. le Président, je trouve heureux, dans un certain sens, que,
pour la première fois, une commission parlementaire se réunisse
à l'extérieur des murs de l'Assemblée nationale. Je suis
heureux que cela se tienne dans le comté de Duplessis. Cependant, je
suis malheureux en même temps de voir que cette population subit des
préjudices se rapportant à une décision d'une
multinationale qui s'appelle la minière IOC.
Il est à espérer que les membres de cette commission et
que le gouvernement du Québec en particulier tiendront compte, lors des
décisions qui seront prises éventuellement, de toutes les
personnes et de toutes les familles qui sont déjà parties de
Schefferville et qu'ils tiendront compte aussi de ceux et celles qui restent,
qu'ils tiendront compte aussi de la population syndiquée par le biais
des Métallos qui, dans un certain sens, a obtenu une partie des demandes
que les Métallos avaient faites, mais il faut aussi tenir compte de
toutes ces personnes qui sont dans l'entreprise privée et qui demeurent
toujours à Schefferville, mais qui ne sont pas syndiquées.
Tout comme le député d'Outremont, je suis parfaitement
d'accord que le gouvernement se doit de regarder attentivement,
premièrement, le court terme, deuxièmement, le moyen terme et
aussi le long terme. Pour ce faire, il est nécessaire que toutes les
parties se concertent, soit la minière IOC, soit le gouvernement du
Québec, le gouvernement d'Ottawa, les Métallos et tous les
organismes et toutes les personnes qui pourraient contribuer à l'avenir
de Schefferville.
Bien sûr, cette commission parlementaire, pour moi, est
très importante, puisque j'ai eu l'occasion de vivre, en novembre
dernier, la commission parlementaire sur SIDBEC-Normines, mais je crois
fermement que la décision de IOC est encore pire que celle qui pourrait
être prise en rapport avec SIDBEC-Normines qui touche les villes de
Gagnon et de Port-Cartier.
Les recommandations qui sortiront de cette commission seront, je pense,
un point d'appui sur le fait que nous devons garder vivante la ville de
Schefferville et garder aussi vivante cette population qui veut vraiment, en
bonne partie du moins, demeurer à Schefferville puisque plusieurs de
nos jeunes et des personnes qui y demeurent encore sont nés ici
même, il y a plusieurs années et même tout
dernièrement.
En terminant, M. le Président, mon plus grand souhait, et, encore
une fois au risque de me répéter, est que tous les membres de
cette commission, que le gouvernement et que toutes les instances se concertent
pour faire en sorte que Schefferville vive, qu'elle ne vive pas seulement pour
deux jours, mais vive pour le restant des temps. Merci. (11 heures)
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le
député de Duplessis. M. le député de
Mont-Royal.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: M. le Président, je suis conscient que nous
sommes ici pour entendre les mémoires des différents intervenants
pour voir les recommandations et essayer de trouver certaines solutions aux
problèmes de Schefferville aujourd'hui. Mais je me dois d'établir
un fait. Certains points ont été soulevés, soit par le
ministre délégué à l'Aménagement et au
Développement régional ou le député de Duplessis,
quant au but de cette commission et à la composition de celle-ci.
Quand le ministre dit que ce n'est pas de la poudre aux yeux, il
faudrait s'assurer que ce n'est vraiment pas une mise en scène. Si on
considère le mandat de cette commission, on voit qu'il consiste à
entendre les personnes et organismes afin d'étudier l'ensemble de la
situation de Schefferville et évaluer les actions qui pourraient
être prises en vue d'aider à la solution des problèmes de
cette municipalité. Conscients de ce mandat, comment pouvons-nous
arriver à certaines solutions, à certaines recommandations, si
nous n'avons pas les bons interlocuteurs à la commission parlementaire?
Je m'explique. Le Parti libéral a choisi les membres de cette commission
et la personne qui doit diriger, pour l'Opposition officielle, les travaux de
la commission en regard des problèmes qui existent à
Schefferville.
Je vais vous donner la liste des membres de l'Opposition officielle et
leur fonction pour cette commission. Il y a M. Gilles Rocheleau, qui s'occupe
des affaires municipales et de l'aménagement du territoire; il y a M.
Christos Sirros, député de Laurier, qui s'occupe de la
main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu; il y a M. Caude
Dauphin, qui s'occupe du dossier de la jeunesse, et, pour cette commission, du
dossier du loisir, de la chasse et de la pêche; M. Robert Middlemiss, qui
s'occupe du dossier des terres et forêts - parce que nous nous sommes
arrêtés à Port-Cartier pour voir l'ensemble du
problème de Rayonier - et aussi du dossier des transports; M. John
Kehoe, qui s'occupe du dossier des mines; en charge de la commission, pour
l'Opposition officielle, c'est le député d'Outremont, qui
s'occupe du dossier de l'énergie et des ressources. Le principal
problème qui nous préoccupe aujourd'hui, c'est le
développement de l'énergie et des ressources de la région
de Schefferville.
Sans vouloir faire de critiques personnelles contre le ministre
délégué à l'Aménagement et au
Développement régional, si vraiment le gouvernement veut mettre
ses priorités où elles doivent l'être, ce n'est pas un
problème d'aménagement du territoire auquel nous faisons face
aujourd'hui, ce n'est pas une question de zonage agricole ou
résidentiel, de MRC ou de planification au point de vue de
l'aménagement. Le problème que nous avons aujourd'hui, c'est le
développement des ressources, les investissements qui doivent se faire
à Schefferville. Je me demande pourquoi le ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme n'est pas présent à cette commission
parlementaire. Est-ce que le gouvernement a vraiment les véritables
priorités? Ou est-ce que c'est vraiment une mise en scène parce
que la ville de Schefferville, les citoyens de Schefferville, l'Opposition
officielle ont exigé que la commission parlementaire ait lieu à
Schefferville? Le gouvernement n'avait alors vraiment pas le choix et il s'est
vu obligé d'instituer cette commission. Mais il le fait de telle
façon que les vrais interlocuteurs ne sont pas ici pour répondre
à toutes les questions et écouter les représentations des
citoyens de Schefferville.
Pourquoi est-il important que le ministre de l'Industrie, du Commerce et
du Tourisme soit ici? Dans plusieurs de vos mémoires, vous faites des
recommandations concernant le tourisme. Le ministre de l'Industrie et du
Commerce, c'est le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Il
n'est pas ici pour vous donner sa réaction aux propositions qui seront
faites. Le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme est responsable
de la SDI. C'est cette société qui peut rendre disponibles les
fonds nécessaires pour investir dans la région, pour investir
à Schefferville, pour attirer des investissements des compagnies, des
sociétés privées qui peuvent développer la
région. C'est un de ses dossiers. Le ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme est responsable de la SGF, la Société
générale de fiancement. Eux aussi ont des fonds qui seraient
disponibles. Quelle serait leur politique? Quelle serait la réaction de
la SGF et du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme quant aux
représentations et quant aux solutions qui pourraient être
apportées à Schefferville?
Le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme est aussi
responsable de SIDBEC. On a mentionné - et là je com-
prends que des paroles ont peut-être dépassé un peu
la pensée du député de Duplessis quand il a dit que si
Iron Ore ferme à Schefferville, c'est pire que SIDBEC-Normines. Pour les
individus...
M. Perron: Vous interprétez cela de la façon que
vous voulez.
M. Ciaccia: D'accord, si ce n'est pas cela que vous avez
dit...
Pour les individus concernés, je pense que la fermeture d'une
usine, c'est une tragédie au point de vue économique mais, ce qui
est encore plus important, c'est une tragédie au point de vue humain et
social.
On aurait bien voulu voir la réaction du ministre de l'Industrie,
du Commerce et du Tourisme, qui dirigeait, pour le gouvernement, la commission
parlementaire sur SIDBEC. Il a vu les représentations qui ont
été faites par des gens de la Côte-Nord,
Action-Côte-Nord qui a été formée pour
répondre à certains problèmes qui existent. Je pense qu'on
aurait pu au moins s'attendre du gouvernement d'avoir les vrais interlocuteurs
présents à cette commission. On doit insister parce que si on n'a
pas les vrais interlocuteurs, vous n'aurez pas les vraies réponses.
Des fois, M. le Président, j'ai l'impression qu'on regarde un
film à reculons. Dans les années soixante et soixante-dix, il y
avait du développement sur la Côte-Nord, il y avait Iron Ore et
SIDBEC, mais il y avait l'implication du gouvernement, soit par des politiques,
soit par de l'aide financière, soit par toutes sortes de moyens et
d'aide technique. Qu'est-ce qui se produit aujourd'hui? On parle de fermer
SIDBEC-Normines et on annonce la fermeture de IOC à Schefferville.
Où est le gouvernement? C'est comme si on prenait ce film du
développement du Québec à reculons. Le dynamisme,
l'initiative, l'innovation qui existaient avec la participation des
élus, des hommes politiques, toutes ces choses-là disparaissent.
Où est le gouvernement?
Mon collègue le député d'Outremont a
souligné les recommandations, les documents et tout ce qui avait
été fait pour donner au gouvernement les outils
nécessaires. On a l'impression que ce gouvernement n'a pas agi. Il
regarde le bateau passer.
Le point qu'on doit souligner, c'est qu'il faut avoir du sérieux
à cette commission parlementaire et pour cela le gouvernement doit
démontrer, non seulement par de belles paroles d'accueil aux citoyens de
Schefferville, mais par des gestes concrets, par la présence des vrais
interlocuteurs, qu'il a la volonté politique de prendre les
décisions pour résoudre, dans l'immédiat et aussi à
long terme, les problèmes de Schefferville. Ceci ne peut être fait
qu'en posant les questions aux personnes responsables.
Ce n'est pas seulement le gouvernement, ce sont les politiques pour
attirer les investissements. Il faut attirer les investissements ici.
Plutôt que d'aller à Terre-Neuve ou en d'autres endroits, pourquoi
ne viennent-ils pas ici?
Le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme a dit en
conférence de presse qu'il veut attirer la "big business", les grosses
entreprises au Québec. Comment fera-t-il? Est-ce que les politiques
actuelles découragent les investissements? C'est à ces questions
que nous devons obtenir des réponses.
M. le Président, nous exigerons que cette commission
parlementaire ne soit pas une mise en scène pour donner l'impression
qu'on fait quelque chose. Nous exigerons que le gouvernement démontre le
sérieux de ses intentions et qu'il démontre la volonté
politique de trouver vraiment les solutions nécessaires pour les
citoyens de Schefferville.
M. Gendron: M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): Avant de vous donner la
parole, M. le ministre, j'avais cru comprendre au début qu'on
s'était entendu pour ouvrir avec, de chaque côté, deux
intervenants à raison de 20 minutes chacun, pour permettre le plus
d'échanges possible avec les intervenants qui viennent déposer
des mémoires. Si les gens de chaque côté me demandent la
parole, je vous avoue que je n'ai pas le choix et que je devrai la leur donner
en pratiquant la loi de l'alternance.
Réponse du ministre
M. Gendron: Rapidement, M. le Président, je voudrais
juste...
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Gendron: Effectivement, moi aussi, je croyais avoir
été passablement précis et objectif dans la
présentation que j'ai faite au tout début. Lorsque le
député de Mont-Royal commence à faire un discours sur le
caractère de représentativité de l'équipe
ministérielle, je vous avoue que c'est pour le moins saugrenu et
inapproprié; d'autant plus qu'on jugerait qu'il n'a jamais lu les
mémoires parce que, fondamentalement, dans la plupart des
mémoires qui nous ont été soumis, on parle de
problèmes de loisirs. Mon collègue aura l'occasion d'en parler
longuement des problèmes qui sont strictement de la
responsabilité du ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche. Quand on parle de chasse et quand on parle de problème de
caribou, ou quand on parle de prolonger la période et la couverture et
quand on connaît effectivement ce qu'est la population de
Schefferville à ce niveau, je pense que c'est sûrement un
représentant qui se devait d'être ici. Également, lorsque
je vois mon collègue de l'Énergie et des Ressources qui est ici
et qu'on sait que, fondamentalement, c'est un problème qui concerne
l'exploitation d'une ressource qui ne sera plus exploitée. Compte tenu
des problèmes qu'on connaît, quand on fait face à une
fermeture d'usine, on a également la présence de mon
collègue le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre. De toute
façon, c'est inconciliable qu'on dise à une population: On vient
ici entendre les gens, les mémoires et que le député de
Mont-Royal exige qu'on soit en séance du Conseil des ministres
plutôt qu'en commission parlementaire.
C'est une commission parlementaire et non une réunion du Conseil
des ministres. Nous devrons, nous, comme ministres responsables, faire rapport
au Conseil des ministres. Pourquoi la responsabilité a-t-elle
été dévolue à celui qui vous parle? C'est justement
exposé dans le premier mémoire que nous allons entendre. Si M.
Ciaccia, le député de Mont-Royal, avait eu l'occasion de le lire,
il verrait qu'un des problèmes fondamentaux auquel on fait face
aujourd'hui, c'est que Schefferville est une ville monoindustrielle où
le développement n'a pas été diversifié et quand le
développement n'est pas diversifié, il arrive qu'on a des
problèmes comme celui-là. Je tiens à vous dire,
effectivement, que ma responsabilité est également axée
sur le développement des régions du Québec, de l'ensemble
des régions du Québec. Nous sommes à travailler sur une
politique de développement régional.
Actuellement, l'Office de planification et de développement du
Québec analyse justement une politique de développement du Nord
et des villes économiques, particulièrement dans un contexte
nordique. Dans ce sens, je pense que l'équipe qui est venue entendre les
citoyens et les mémoires sera sûrement en mesure de faire les
recommandations qui s'imposent au gouvernement du Québec et nous, nous
tenions à venir écouter les citoyens, à venir
écouter ceux qui ont eu la délicatesse, le souci de
préparer une réflexion fouillée et qui veulent nous en
faire part, qui veulent qu'on discute avec certains porte-parole
gouvernementaux de ces positions. Nous sommes quatre ministres à cette
commission parlementaire. Je tiens à vous dire que de toute l'histoire
du parlementarisme, c'est probablement une des premières commissions
où quatre ministres siègent à une même commission
parce que, règle générale, il y a un répondant
ministériel et il y a des collègues du gouvernement de même
que de l'Opposition.
Nous sommes ici quatre pour regarder cela dans quatre secteurs
d'activité prépondérants qui avaient été
signalés par vous-mêmes dans vos mémoires et dans ce sens
je n'accepterai pas du tout qu'on commence à s'interroger sur la
représentativité parce qu'à ce moment, cela ne nous
mène nulle part de toute façon. Cela ne rejoint aucun des
objectifs qu'on a définis au départ et dans ce sens, je trouve
que le député de Mont-Royal avait une remarque tout à fait
inappropriée que je me devais de relever. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, je voudrais tout simplement
confirmer que la convention que nous avions était qu'il n'y aurait que
deux intervenants. Ce serait tellement facile de soulever un tas de questions.
Comment se fait-il que le ministre de l'Énergie et des Ressources qui
est venu ici pour annoncer une commission ministérielle ne soit pas le
porte-parole du gouvernement aujourd'hui et que le cabinet ait
décidé de nommer quelqu'un d'autre. Je crois qu'on doit donner la
parole à la ville de Schefferville et procéder dans les meilleurs
délais.
Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie. Avant de
procéder immédiatement avec la présentation de
mémoires, je voudrais rappeler et ce, à tous les intervenants,
pour une meilleure discussion, je pense, qu'il n'est pas nécessaire de
lire tous les mémoires, particulièrement les mémoires qui
sont volumineux et qu'il peut même être mieux, à l'occasion,
de résumer un mémoire pour permettre un meilleur échange
entre les membres de la commission et les intervenants. C'est une suggestion
que je veux faire à tous les intervenants avant de commencer.
J'appellerai immédiatement, donc, le premier groupe
d'intervenants qui est la ville de Schefferville. Je demanderais à M. le
maire de Schefferville ainsi qu'aux personnes qui l'accompagnent de se
présenter à la table en avant.
Auditions
Ville de Schefferville
M. Bégin (Charles): M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): Avant de vous laisser la
parole, M. Bégin, j'aimerais que vous nous présentiez les
personnes qui sont avec vous pour l'enregistrement des débats.
M. Bégin: Vous avez, à ma gauche, le conseiller
Jean-Pierre Lefebvre. Ensuite, Alain Dumont, qui est conseiller lui aussi.
À ma droite, le conseiller Alva Cummings, le gérant de notre
ville, Jean-Yves Truchon, qui est aussi greffier et trésorier ainsi que
juge
de paix, et moi-même, Charles Bégin. (11 h 15)
M. le Président, MM. les ministres et députés,
c'est au nom de la population en général et de mon conseil en
particulier que je tiens à remercier les parlementaires et les hauts
fonctionnaires présents pour avoir créé un
précédent en venant constater sur place la situation qui
prévaut à Schefferville, recevoir les différents
mémoires et écouter les interventions de tous ceux et celles qui
vont intervenir pour la survie et le nouveau dynamisme d'une ville
frontalière que l'on peut identifier comme le tremplin du
Nouveau-Québec. Ce mot de bienvenue s'adresse également aux
représentants du monde de l'industrie, de la recherche et de
l'information comme aux différents autres observateurs
intéressés par nos problèmes temporaires.
Préambule. C'est au début des années cinquante,
dans une vision basée sur le développement monoindustriel que le
premier ministre Duplessis et son gouvernement répondirent à
l'appel pressant des investisseurs américains. Au dire du gouvernement,
il ne fallait rien ménager afin de créer une ville modèle
dans le but évident d'attirer rapidement la main-d'oeuvre
nécessaire à l'exploitation du site minier de Schefferville.
C'est ainsi que plusieurs citoyens et citoyennes du Québec
délaissèrent leur milieu d'appartenance, attirés par
l'aventure du fer dans le Nord québécois. Pour la majorité
de ces gens, cela signifiait, un déracinement brutal, compte tenu des
conditions d'adaptation très difficiles pour l'épouse et les
enfants du travailleur minier dans un milieu nordique et isolé. En
effet, la réalité nordique, le choc du déracinement, le
rude climat et l'isolement créèrent rapidement un effet
démobilisant pour la famille, l'abondance des équipements
socioculturels et sportifs ayant peu d'effets sur l'impact de cette psychose.
Malgré tout, les gouvernements, le clergé et les investisseurs
américains n'y voyaient à l'époque que l'aspect de la
rentabilité du projet. Cette vision quasi euphorique du
développement minier au Québec n'avait pas la dimension d'un
développement diversifié. Elle était basée
uniquement sur l'exploitation en plus d'être centrée sur une seule
ressource, alors que l'on avait déjà un aperçu de
l'immensité des richesses du sous-sol québécois de la
fosse du Labrador. C'est donc dans une démarche de développement
trop limité, compte tenu des valeurs du territoire environnant qu'a
démarré l'aventure du fer à Schefferville. Ce manque de
planification diversifiée au départ nous a conduits au
désastre que nous connaissons en 1983, soit l'arrêt des
activités de la minière IOC.
Objectifs. Pour la ville de Schefferville, qui est présentement
dans l'incertitude la plus totale, nous anticipons, à la suite de la
tenue de cette commission parlementaire, que le gouvernement prenne
immédiatement les décisions qui s'imposent pour garantir une
continuité de vie économique, sociale et culturelle afin
d'assurer le maintien de la municipalité. La ville s'attend que le
gouvernement, d'une part, amène la minière IQC à
préciser immédiatement les modalités de son retrait du
milieu, particulièrement en regard de l'ensemble de ses immobilisations,
de ses obligations envers la ville, les citoyens et les commerçants.
D'autre part, la ville exige que le gouvernement analyse rapidement et se
prononce sur les avenues explorées par les intervenants à cette
commission parlementaire sans oublier de préciser ses propres choix de
développement qu'il réserve à la ville de Schefferville,
tout cela dans le but de ne pas laisser plus longtemps les citoyens aux prises
avec un stress qui devient de plus en plus collectif et une municipalité
qui se voit démunie dans un tel contexte.
Problématique: Le retrait de la IOC. Afin d'exploiter son
gisement minier, la compagnie se devait d'avoir en disponibilité une
main-d'oeuvre adéquate sur place. Son "lobbying" a amené le
gouvernement à accélérer la mise sur pied d'une
municipalité pouvant offrir les services qui sont normalement offerts
par ce genre de structure. C'est donc à ce moment que la compagnie a mis
en chantier la presque totalité des infrastructures et
équipements de toutes catégories permettant de répondre
aux besoins sociaux ou culturels de cette nouvelle population de travailleurs
miniers, de professionnels et de commerçants, répondant ainsi en
totalité aux exigences du développement de cette
époque.
Nous n'avons pas à discourir sur la relation de force et de
contrôle de la compagnie sur l'administration municipale. Que l'on pense
à la position dominante que la compagnie exerçait comme principal
employeur. Toutefois, il faut reconnaître qu'avec les années la
compagnie remettait de plus en plus de pouvoirs et d'équipements
à la municipalité et que ces transferts demeurent une charge
risquée lorsque le cycle budgétaire d'une municipalité est
relié au revenu provenant d'une exploitation monoindustrielle. C'est
pourquoi les édiles municipaux se demandent encore à l'heure
actuelle si cette façon de faire de la compagnie n'était pas une
stratégie de retrait graduel en prévision de la fin des
opérations minières à Schefferville, tout comme le conseil
de ville peut s'interroger sur le suivi qu'un gouvernement applique ou exerce
en s'associant à des multinationales par le biais de l'émission
de lettres patentes, de toutes catégories de décrets qui sont
nécessaires à l'"opérationnalisation" ou à la mise
en chantier d'une ville champignon de ce genre. Il suffit d'avoir
été associé de près à l'administration
municipale pour compren-
dre l'ensemble des problèmes auxquels nous avons eu à
faire face au cours des années et, particulièrement, au moment
où l'on vous parle.
Comme vous pouvez le constater, et cela malgré une perte de
population de près 75%, la municipalité doit maintenir la
même qualité de services que dans les bonnes années en plus
d'assumer de nouvelles charges très onéreuses posées par
le désengagement de la compagnie; je cite, par exemple, le transfert du
centre récréatif. Les infrastructures, étant ce qu'elles
sont, ne peuvent être réduites au rythme des départs; comme
nous venons de le mentionner, nous devons y maintenir le même
degré d'entretien qu'avant afin d'éviter d'avoir à subir
des travaux majeurs de réparation causés par un laisser-aller.
Comme gouvernement local, nous avons la responsabilité du service de la
dette. Nous avons réussi à refouler une situation
budgétaire précaire que nous ne voulons pas revoir de
sitôt. Cela a été évidemment possible grâce
à la collaboration du ministère des Affaires municipales et,
aussi, de la compagnie minière. Mais, avec le spectre de l'abandon des
opérations minières, nous sommes vraiment inquiets et
désireux aussi, de connaître quand, comment et par qui les
redevances seront assumées dans l'avenir. Le travailleur en
chômage et le commerçant au bord de la faillite ne peuvent
sûrement pas se porter garants de l'enveloppe de taxes que payait la
compagnie minière en pleine activité. L'assurance-chômage,
le bien-être social, le revenu des emplois temporaires ne permettent
même pas à une famille de survivre en attendant mieux, le
coût de la vie étant ce qu'il est ici. Comme la situation se
détériore de jour en jour, il en coûtera de plus en plus
cher pour s'approvisionner à tout point de vue. Prenons, par exemple, un
article banal: le Journal de Montréal se vendait, au début de
janvier, 1,10 $ et le commerçant le vendait à perte. Le
consommateur de nouvelles écrites doit aussi subir les avaries du
transport et accepter de lire son journal avec plusieurs jours de retard. Notre
municipalité constate avec une grande inquiétude que la
démobilisation s'accentue à tous les niveaux et que l'ensemble de
nos concitoyens est soumis à un harcèlement de plus en plus ardu
qui se répercute dans tous les secteurs d'activité.
Les assurances. Depuis l'annonce bien orchestrée de l'arrêt
des activités de la compagnie minière, même si la ville
continue d'offrir tous les services de protection publique, les compagnies
d'assurances refusent de couvrir les citoyens, même pour leur
renouvellement et, quand elles le font, c'est à des prix
prohibitifs.
Les institutions d'épargne et de crédit bancaire.
Plusieurs travailleurs, qui se fient sur la prime de séparation de la
compagnie minière pour organiser leur relocalisation, vont avoir la
surprise de leur vie quand ils sauront qu'il y a déjà des
centaines de saisies par jugement, pour défaut de paiement, prêtes
à être exécutées sur le montant que la compagnie
veut remettre comme prime de séparation. Cette situation est due au
nouveau statut de chômeur qui empêche l'ex-travailleur de respecter
toutes les obligations contractées avant l'annonce de la fermeture de la
compagnie minière.
Les caisses d'entraide économique. Après les pertes subies
auprès de certaines sociétés qui ont cessé leurs
activités, comme Champion Savings, voilà maintenant que plusieurs
milliers de travailleurs du Nouveau-Québec, tant à Gagnon
qu'à Fermont et Schefferville, ayant placé toutes leurs
économies dans les caisses économiques de Sept-Îles et de
Manicouagan, se retrouvent encore une fois dans une situation précaire.
Éloignés, isolés et coupés de l'information, ils
n'ont pu se présenter aux comptoirs et réclamer leurs biens comme
ceux du Sud ont pu le faire en 1981. Ils ont donc subi le gel total en plus de
ne recevoir aucun intérêt sur certaines catégories de
placements. Qui plus est, lorsqu'on examine le nouveau règlement
proposé dans la foulée du vote sur la loi 60, parrainée
par M. Parizeau en mai 1982, en vue de transformer les caisses d'entraide
économique en sociétés d'entraide, les épargnants
devront attendre encore au moins cinq autres années avant de voir la
couleur de 75% de leurs placements, si tout va bien pour les caisses
d'entraide.
Le travailleur du Nouveau-Québec, réduit au chômage
ou à l'incertitude de l'emploi permanent, ne peut même pas toucher
ses économies, qu'il a durement acquises, pour se réorganiser une
vie par ses propres moyens.
M. le Président, mes collègues des villes de Gagnon et de
Fermont qui sont présents ici et moi-même croyons qu'un amendement
doit être apporté à la loi 60, obligeant ainsi les
sociétés d'entraide à rembourser immédiatement 100%
des avoirs des gens du Nouveau-Québec qui en feront la demande.
Voilà une décision qui peut se prendre immédiatement afin
de réparer les torts causés involontairement aux travailleurs et
ex-travailleurs du Nouveau-Québec.
Les personnes forcées de subir une déportation ou un
nouveau déracinement devront le faire alors dans des conditions un peu
plus humaines, parce que le gouvernement aura compris qu'une loi peut comporter
des exceptions quand le contexte économique l'oblige, surtout lorsque
les travailleurs sont concernés.
Les commerces. Le commerçant établi en fonction d'une
activité économique florissante subit maintenant le contrecoup du
départ de 75% des consommateurs. Plusieurs
ont déjà fermé leur porte et d'autres n'auront plus
le choix bientôt. Pourtant, plusieurs devraient être
considérés comme services essentiels.
Le revenu des travailleurs miniers. La municipalité est
consciente que les travailleurs du Nouveau-Québec ont été
identifiés comme étant les plus hauts salariés au Canada.
Nous reconnaissons cette affirmation, mais nous tenons à préciser
que cette information n'est valable que pour le salaire brut. Lorsqu'un
travailleur avait déduit tous les coûts inhérents à
une ville nordique, il n'est pas faux d'affirmer qu'à ce moment il avait
un des revenus nets les plus bas au Canada. Est-il nécessaire d'ajouter
que ces travailleurs nordiques portent toujours les séquelles des
conditions de travail insupportables reliées aux conditions climatiques
difficilement tolérables?
Services sociaux et de santé. Il est inconcevable de voir
diminuer le nombre et la qualité de ces services au moment où la
population en a le plus besoin. La situation est très alarmante, surtout
lorsqu'on voit des familles déchirées par l'obligation de quitter
ou de rester dans l'inconnu. Par exemple, la présence permanente de
travailleurs sociaux s'avère une urgence et, d'autre part, il importe
d'être prêts à répondre à toute
éventualité par des services présents et disponibles. Il
est donc très important que, dans ce domaine, l'on
prévilégie sans réserve la condition qui prévaut.
(11 h 30)
Les communautés amérindiennes.
Présentement, il existe à Schefferville deux
communautés indiennes distinctes qui résident dans deux sites
différents à l'intérieur même du
périmètre d'urbanisation de la municipalité. Afin de
répondre aux demandes d'une de ces communautés, le
fédéral est en voie de réaliser une troisième
municipalité amérindienne des plus modernes, à une dizaine
de kilomètres de Schefferville. La ville et le provincial ont
également accepté d'offrir des services à ces
communautés. Malgré tout, un fait demeure: Les Montagnais et les
Naskapis considèrent l'abandon des opérations minières de
la compagnie IOC comme un danger actuellement présent, précurseur
de l'abandon et de la désuétude des services
considérés comme essentiels. Ces services sont: le chemin de fer,
l'avion, les services sociaux et de santé, l'éducation et
l'approvisionnement.
Voici quelques remarques, recommandations et suggestions que la ville
soumet au gouvernement. 1° Nous recommandons que le gouvernement du
Québec adopte une politique de ne plus favoriser la construction de
villes-champianons monoindustrielles. 2° Nous recommandons que, face au
développement d'une ressource non renouvenable, un fonds minier soit
établi pour pallier toute éventualité au terme du projet.
3° Nous recommandons que le gouvernement du Québec, et cela vaut
aussi pour le fédéral, qu'il y ait d'établie une
stratégie de développement diversifié pour le
Nouveau-Québec. 4° Nous recommandons que les gouvernements soient
à l'origine d'activités nouvelles pour garantir la
continuité de Schefferville. 5° Nous exigeons que la compagnie
minière IOC précise immédiatement, et dans les moindres
détails, les modalités de son retrait de Schefferville. 6°
Nous demandons que le gouvernement du Québec analyse rapidement les
propositions des intervenants à cette commission et qu'il agisse en
conséquence. 7° Nous exigeons que le gouvernement du Québec
fasse connaître à la population ses propres choix de
développement qu'il envisage réalisables pour la
continuité de Schefferville. 8° Nous recommandons que le
gouvernement du Québec tienne la compagnie minière IOC
responsable du service de la dette de la ville de Schefferville et qu'il en
exige le paiement entier. 9° Nous recommandons que, dû à
l'abandon des opérations de la compagnie minière, les
gouvernements haussent ou ajoutent une prime d'isolement aux allocations
d'assurance-chômage et de bien-être social, tant et aussi longtemps
que les ex-travailleurs seront sur place. 10° Nous croyons que le citoyen
n'a pas à subir les contrecoups du tapage publicitaire autour de
l'annonce de l'arrêt des opérations de la compagnie minière
et que le gouvernement du Québec doit prendre les mesures
nécessaires qui s'imposent pour corriger la situation de non-sens, la
non-protection - assurance - des biens de la population. 11° Nous
recommandons que le gouvernement du Québec modifie immédiatement
la loi 60 concernant la transformation des caisses d'entraide économique
en sociétés d'entraide. Cette modification comporterait une
clause de remboursement intégral et immédiat des économies
que les travailleurs de Schefferville, Fermont et Gagnon ont placées
dans ces institutions d'épargne et de crédit, rendant ainsi
accessibles leurs économies en réserve pour une
réorganisation de leur vie. 12° Nous recommandons que le
gouvernement du Québec amène la compagnie minière IOC
à considérer le commerçant et ses employés comme
faisant partie du groupe des travailleurs miniers et, ainsi, prévoir une
prime de séparation adéquate pour ces derniers. Il en est de
même pour tous ceux et celles reliés aux services sociaux et
éducationnels. 13° Nous recommandons que le gouvernement du
Québec prenne les dispositions nécessaires au remplacement
immédiat de professionnels de la santé, des services sociaux et
de l'éducation qui auraient à nous quitter à court et
moyen terme. 14° Nous recommandons que le gouvernement du Québec,
par le biais d'un protocole d'entente ou par l'intégration des effectifs
policiers, prenne en charge la sécurité publique à
Schefferville. 15° Nous recommandons que le gouvernement du Québec
prenne les mesures qui s'imposent afin que le service de transport ferroviaire
soit maintenu de façon régulière et permanente par la
société d'État qu'est le Canadien National ou dans des
normes minimales acceptables par la Commission des transports du Canada.
16° Compte tenu que des gisements de syénite à
néphéline desquels on peut extraire l'aluminium sont
situés à proximité de Schefferville, compte tenu qu'ils
peuvent être atteints par une voie d'accès déjà
existante, compte tenu que leurs exploitations peuvent nous conduire à
la mise en place d'une nouvelle aluminerie comme première phase d'un
développement diversifié, nous recommandons que le gouvernement
du Québec, avec le gouvernement fédéral et divers
promoteurs, accélère l'étude de ce dossier.
Suggestions: Premièrement, la municipalité de
Schefferville endosse la position du chef, Joseph Guanish, qui demande au nom
de sa propre communauté, que le gouvernement du Québec revoie le
projet de réalisation d'un centre de formation amérindien au lac
Hélène afin de l'intégrer à même les
équipements disponibles en ville.
Deuxièmement, la municipalité souhaite obtenir les
crédits nécessaires à la construction d'un parc industriel
et commercial capable d'attirer les grossistes intéressés par
l'approvisionnement de Schefferville et des municipalités du
Nouveau-Québec.
Troisièmement, la municipalité souhaite que le
gouvernement autorise la construction immédiate d'un entrepôt
frigorifique adéquat pour l'entreposage temporaire et l'emballage afin
que le produit de la chasse et de la pêche puisse se rendre à
destination sans danger de surchauffage ou tout simplement de contamination,
confirmant ainsi la renommée du caribou comme mets exceptionnel. Tous
les chasseurs et pêcheurs de l'extérieur devraient être
soumis à cette règle.
Quatrièmement, afin d'assurer une certaine continuité aux
voyages touristiques, nous demandons que le gouvernement ouvre et organise la
pêche d'hiver et aussi qu'il prolonge la période de chasse au
caribou tout en augmentant le nombre de prises par chasseur.
Cinquièmement, à cause d'une disponibilité
exceptionnelle de logements, la municipalité croit que les gouvernements
peuvent revoir la vocation première de Schefferville pour y
établir, à titre d'exemple, une base militaire permanente ou une
base d'entraînement au service civil volontaire.
Conclusion: Voilà ce que nous, de Schefferville, avions à
vous transmettre en vue de corriger la situation présente et d'aborder
quelques avenues de solutions pour maintenir en activité une ville
équipée pour desservir une population de quelque 5000 habitants.
Nous avons confiance en l'avenir. La cause du Labrador est là pour nous
le rappeler constamment. Nous sommes prêts à relever encore une
fois des défis et d'autres sont prêts à venir pour nous y
rejoindre à la condition que tous prennent leur responsabilité,
gouvernement et compagnies.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): Merci beaucoup, M.
Bégin.
Avant de donner la parole aux membres de la commission, je voudrais
rappeler à l'assemblée qu'on demande généralement
de ne pas intervenir par des applaudissements pour ne pas déranger les
travaux. Remarquez que je comprends qu'on puisse, à l'occasion, soulever
une certaine émotion et un certain enthousiasme, mais autant que
possible, je demanderais aux gens de réserver leurs applaudissements, ce
qui permettra d'enchaîner plus rapidement les travaux de la
commission.
M. le ministre délégué à
l'Aménagement et au Développement régional.
M. Gendron: M. le maire, M. Bégin, je voudrais d'abord
dans un premier temps, au nom de l'équipe ministérielle, vous
remercier de la présentation de ce mémoire. On sent que vous et
toute votre équipe avez mis beaucoup de coeur dans la défense de
certains droits, de certaines situations que vous trouvez nécessaire de
clarifier, afin que dans les meilleurs délais, on puisse rassurer vos
commettants.
Vous y êtes allé de plusieurs recommandations. Il va
être difficile à ce moment-ci de toutes les commenter, d'y
apporter toutes les réponses que vous souhaitez, même si je peux
tout de suite vous rassurer au nom du gouvernement que vous êtes en
droit, vous et vos citoyens, d'exiger effectivement que nous puissions, si on
n'a pas le temps de le faire immédiatement aujourd'hui, dans d'autres
moments et à d'autres paliers et dans les meilleurs délais, bien
sûr, apprécier
l'ensemble de vos recommandations.
Je voudrais, puisque j'ai des collègues qui veulent effectivement
intervenir sur votre mémoire, apporter uniquement quelques commentaires
et finir avec une ou deux questions, et par la suite, il y a deux autres
collègues qui interviendront sur votre mémoire.
Lorsque, d'une façon assez claire, vous faites ressortir toute la
problématique d'une ville monoindustrielle, je pense que vous balisez
bien ce que j'ai soulevé rapidement tantôt, à la suite des
commentaires du député de Mont-Royal. Il sera important dans
l'avenir, pour quelque gouvernement que ce soit, d'avoir une vue passablement
diversifiée sur le développement global de la
société québécoise, mais particulièrement de
villes où il sera intenable d'envisager l'avenir uniquement sur la base
d'un seul employeur important, quelle que soit sa taille, ou d'une seule
activité économique importante.
Dans ce sens-là, lorsque vous recommandez
précisément que le gouvernement du Québec adopte une
politique de ne plus favoriser la construction de "villes champignons" - c'est
votre appellation - ou de villes monoindustrielles, je pense, comme
équipe ministérielle, que nous sommes conscients de cela. Vous
savez que je vis en Abitibi-Témiscamingue, et, au-delà de
l'Abitibi, il y a tout le territoire de la Baie-James; effectivement, nous
avons dû, à quelques reprises, faire les représentations
d'usage pour éviter la création d'autres petites
communautés qui auraient eu peut-être le goût d'aller
s'installer dans des territoires très éloignés avec peu
d'assurance quant à l'avenir. Il me semble que cela est tout à
fait requis et souhaitable ce que vous nous dites, de prendre toutes les
mesures qui s'imposent et, dans les meilleurs délais également,
essayer d'avoir une réflexion beaucoup plus précise, beaucoup
plus détaillée quant à la façon dont le
gouvernement du Québec veut entrevoir l'avenir de ces communautés
éloignées. Dans ce sens-là, tout ce que je peux vous dire,
en réponse à votre recommandation, c'est que, bien sûr,
nous l'endossons, sauf qu'après avoir dit cela il faut convenir qu'il va
falloir préciser davantage et faire connaître à toutes et
à tous les citoyens du Québec quelles sont
précisément nos orientations quant aux nouvelles
communautés qui iraient s'installer dans des développements
à survenir. On sait que le Québec est, demeure et demeurera,
quant à moi, un immense territoire plein de richesses et, dans ce sens,
on peut être obligé, à court terme, à prendre des
décisions quant à l'implantation de services communautaires dans
d'autres endroits du Québec. Cela, il faut savoir comment nous le ferons
et aussi quelles conséquences cela pourrait avoir par rapport à
l'avenir.
Vous disiez également dans votre mémoire qu'il serait
urgent, dès aujourd'hui, de vous donner les garanties nécessaires
quant à la continuité des services, tant éducatifs que
sociaux, des services de santé et des services de loisirs. Bien
sûr, je n'ai peut-être pas eu l'occasion, dans l'exposé
d'introduction, d'être très volubile là-dessus, mais d'ores
et déjà je pense qu'on peut vous donner la confirmation qu'il
n'est pas dans l'intention du gouvernement du Québec de restreindre et
de ne pas vous donner ces garanties fondamentales en termes d'avenir. Ce sera
toujours important, à partir du moment où déjà on
sait que les autochtones vont demeurer. Il y a deux communautés
autochtones importantes ici. Il y a sûrement des citoyens et des
citoyennes de Scheffer-ville qui vont faire le choix d'y demeurer et, dans ce
sens-là, c'est une responsabilité minimale, pour le gouvernement
du Québec, de vous donner la garantie dès aujourd'hui qu'il devra
toujours y avoir une vie sociale, éducative, une vie entourant les
conditions de santé qui vous permettent à vous aussi, comme
citoyens et citoyennes du Québec, comme contribuables, d'avoir un
minimum de services en ce sens.
Quant aux autres recommandations précises, je vous rappelle que
d'autres collègues auront l'occasion d'intervenir. D'une façon
précise, vous recommandez que le gouvernement du Québec tienne la
compagnie minière IOC responsable du service de la dette de la ville de
Schefferville et qu'il en exige le paiement entier. Nous aurons l'occasion
d'entendre les représentants de la minière IOC tantôt, dans
la présentation de son mémoire. Mais, dès maintenant, je
peux vous dire qu'à partir de l'ouverture qui avait été
faite dans le communiqué de M. Brian Mulroney, président de la
compagnie, d'assumer effectivement une responsabilité qui dépasse
les travailleurs qui sont uniquement sur la feuille de paie de la compagnie,
nous croyons que vous êtes en droit d'exiger que la compagnie
minière regarde cela d'une façon tout à fait
particulière. Cela correspond en tous points également au point
de vue du gouvernement du Québec d'avoir des exigences très
précises. (11 h 45)
C'est ce que nous allons poser comme question tantôt, à
savoir comment la minière IOC entend précisément assumer
les responsabilités qui sont siennes eu égard à tous les
citoyens et citoyennes qui ont fait le choix de venir offrir et donner des
services à leurs travailleurs, ici même, à Schefferville.
Cela veut dire les commerçants et toutes les autres personnes qui ont
vécu à Schefferville, qui ont appris en même temps que les
travailleurs de la mine la nouvelle difficile de cette fermeture avec les
conséquences que cela comporte.
D'une façon très précise, j'aimerais -j'aurais une
couple de questions - que vous expliquiez peut-être davantage, en dehors
du mémoire, comment concrètement la compagnie assume le service
de la dette, compte tenu qu'elle a toujours, considérant ses valeurs
d'immobilisation, constitué à peu près 85%, selon les
renseignements que nous avons. J'aimerais que vous puissiez nous donner des
précisions sur la façon dont la minière IOC devrait
assumer cette responsabilité.
Le Président (M. Bordeleau): M. Bégin.
M. Bégin: Pour bien établir le contexte dans lequel
on vit, notre municipalité a été créée, en
fait, pour l'exploitation du minerai de fer. Lorsqu'on parle du service de la
dette, c'est en fonction des propriétés qu'elle possède ou
de sa valeur immobilière sur le territoire de la municipalité qui
est d'environ 85%. Ensuite, comme vous avez pu le constater, Schefferville est
située au 55e parallèle et nous sommes entourés par la
province de Terre-Neuve sur trois côtés. Contrairement aux villes
de Fermont et de Gagnon, qui ont pu agrandir leur territoire à
même l'exploitation des mines, que ce soit Mont-Wright pour Fermont ou
Fire-Lake pour Gagnon, Schefferville n'a jamais pu le faire parce que -
particulièrement dans les dernières années et avec la loi
57 sur le financement des municipalités, sur la fiscalité, c'est
ce qui est arrivé dans les deux autres ville nordiques - c'est à
peu près impossible, la plus grande partie de l'exploitation
n'était pas du côté du Québec et, naturellement, la
municipalité n'a pas le pouvoir d'exproprier Terre-Neuve, que je
sache.
Je voudrais toutefois éclaircir la question de la taxation.
Jusqu'à maintenant, j'ai eu l'occasion de rencontrer M. Jacques
Léonard, ministre des Affaires municipales. On nous a indiqué de
faire le budget pour l'année 1983 de la façon habituelle avec
comme conclusion la commission parlementaire. Je peux vous assurer que, en ce
qui concerne la taxation, nos rapports avec la compagnie, dans les
dernières années, ont été très bons puisque
les factures de taxes ont toujours été acquittées
promptement. Alors, lorsque je parle d'élargir le territoire ou de
revenus que nous ne pouvions pas avoir, c'est en fonction de la
frontière et non pas en fonction de la responsabilité de la
compagnie.
Je ne sais pas si cela éclaire la commission, mais c'est notre
position face au service de la dette.
M. Gendron: Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris un
aspect. Est-ce que, quant au pourcentage de l'évaluation, vous avez dit
86%?
M. Bégin: 85% de 37 000 000 $ d'évaluation.
M. Gendron: On aura l'avantage d'approfondir davantage d'autres
aspects, mais j'en ai une couple d'autres à toucher avant de passer la
parole à mes collègues.
M. Bégin: Voici un détail qui est très
important, en ce qui touche notre municipalité. En ce qui a trait
à la taxation et à la valeur foncière, si on prend des
chiffres comparatifs pour Fermont, Gagnon et Schefferville, voici le
phénomène que vous avez - je tiens à le préciser
à la commission parce que cela a des conséquences - c'est que, au
départ, l'imposition totale de la ville de Gagnon, avant d'annexer le
territoire de la mine de Fire Lake, était de 31 000 000 $. Avec
l'addition de l'exploitation minière de Fire-Lake, le total de 31 000
000 $ est monté à 111 000 000 $. Ensuite, pour la ville de
Fermont, au début il y avait 54 000 000 $ d'évaluation et avec
l'addition de l'exploitation du Mont Wright, le tout a monté à
280 000 000 $, alors qu'à Schefferville on est toujours demeuré
à 37 000 000 $. C'est un point très important et lorsque vous
aurez à décider sur Schefferville, je pense que vous comprendrez
que l'effort fiscal de tous était plus grand par rapport aux autres
villes nordiques.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Gendron: D'accord. Vous avez une autre recommandation que
j'aimerais commenter parce que j'ai eu l'occasion d'en discuter avec le
ministre responsable. Vous suggériez de modifier la loi 60 pour
permettre aux sociétaires de rembourser les fonds qu'ils ont mis dans
les caisses d'entraide qui sont devenues les sociétés
d'entraide.
Je suis obligé de vous dire honnêtement que c'est sûr
que c'est quelque chose qu'on se devra d'analyser plus en profondeur. Mais,
à prime abord, je suis en mesure de vous dire quand même que,
parce qu'il y a de vos travailleurs qui étaient membres de la
Société d'entraide de Sept-Îles et, également, de
celle de Manicouagan, pour ce qui est de la Société d'entraide de
Sept-îles, dès le début de janvier 1983, il est possible de
retirer les intérêts sur les fonds - je ne parle pas du capital -
et selon les informations qu'on a eues après vérification, il
sera également passible, pour tous les sociétaires, de retirer
les sommes de leur capital. Dès le mois de janvier 1984 on commencera
à autoriser les retraits par tranches. Pour tout de suite, c'est juste
une précision que je veux vous donner pour éviter que tout le
monde reste avec la crainte du
cinq ans. Vous disiez dans votre mémoire que d'ici cinq ans il
est absolument impossible de retirer quoi que ce soit. Ce n'est pas exact parce
que la loi comme telle permet, dépendamment des fonds de chacune des
caisses, de la situation particulière de chacune des caisses, d'avoir un
échéancier différent pour chacune des caisses. Dans ce
sens-là il est difficile d'envisager tout de suite une modification
à la loi 60 sans vérifier d'une façon fort précise
et fort exacte, quelles seront les possibilités pour les deux caisses
qui touchent vos travailleurs. Je tenais à vous dire cela pour ce qui
concerne celle de Schefferville.
Quant à vos travailleurs ou les citoyens et les citoyennes qui
auraient des fonds dans la caisse de Manicouagan, on est obligé encore
là d'être francs parce que, comme je l'ai mentionné
tantôt, on se dira ici les choses telles qu'elles sont, la situation est
un peu plus difficile, pour ne pas dire passablement plus pénible, parce
qu'il y a des difficultés financières à la
Société d'entraide de Manicouagan et dans ce sens-là il
faudra regarder jusqu'à quel point la Fédération des
caisses d'entraide est en mesure d'aider ou de soutenir ces difficultés
à la Caisse d'entraide de Manicouagan.
Je tiens quand même à vous dire que l'analyse
détaillée de votre demande, particulièrement sur cet
aspect-là, sera faite par le ministère des Finances et le
responsable, et nous aurons l'occasion de vous communiquer une réponse
définitive à ce sujet-là.
Vous aviez également une autre recommandation que je voudrais
commenter et finir par une question. Vous avez dit dans votre mémoire,
et je le partage - le gouvernement du Québec le partage aussi -qu'il
faut absolument envisager des mesures de compensation pour ce qu'on pourrait
appeler les activités commerciales de Schefferville. Tout le monde sait
que dans une décision comme celle qui a été prise, qui a
les conséquences que tout le monde connaît, il y a ce qu'on
appelle des pertes de commerce importantes. J'aimerais que vous puissiez nous
donner des précisions: dans votre réflexion et celle de vos
collaborateurs qui ont travaillé à la rédaction de votre
mémoire, comment voyez-vous l'espèce de critère de base
qu'on devrait essayer de trouver ensemble pour, en termes
d'équité, essayer de savoir quel type de compensation il y aurait
lieu de donner ou d'envisager de distribuer à vos commettants qui
étaient en situation commerciale ou industrielle, sans être
nécessairement des travailleurs comme tels de IOC, mais qui
étaient ici assurément pour dispenser des services à ces
travailleurs?
Le Président (M. Bordeleau): M. le maire.
M. Bégin: Voici! En ce qui concerne les commerces, je
pense que ce qu'il est important de se rappeler c'est que dans le contexte
isolé dans lequel se trouve la municipalité, les gens qui sont
dans le milieu de Schefferville qui donnent des services, que ce soit à
la buanderie, à la tabagie ou ailleurs à l'hôtel, c'est
sûr qu'ils n'ont aucune protection. On souhaiterait une formule pour que
les différents responsables et intervenants se rejoignent pour,
justement, égaliser la possibilité de compenser les pertes
énormes que ces gens ont à subir. Parce que, comme vous avez pu
le constater par la teneur de notre mémoire, à Schefferville,
cela devient très difficile de continuer à vivre et la raison
pour laquelle on exige des délais immédiats, c'est parce que,
après enquête auprès des commerçants, on
réalise que pour maintenir les services actuels en place, cela prend au
moins 3000 de population pour que cela soit valable.
Je pense que c'est une réalité; d'une part, si on veut
garder les commerces sur place il faut agir très rapidement et, d'autre
part, pour ceux qui veulent partir, eh bien, qu'ils soient au moins
compensés sur la même base que les autres.
M. Gendron: Cela ne fait aucun doute que sur le fond on se
comprend. Ce que j'aurais aimé savoir de votre part c'est si vous avez
fait une réflexion peut-être un petit plus poussée, non sur
la nécessité de rejoindre mutuellement ceux qui sont
concernés pour faire une évaluation mais si vous avez
abordé la formule ou les quelques critères sur lesquels on
pourrait apprécier une forme de compensation équitable pour ces
commerces en termes d'évaluation chiffrée. Est-ce que vous
êtes rendus là ou si cette étape n'est pas franchie?
M. Bégin: J'ai une réponse à ce sujet qui
devrait vous guider. C'est que le comité de citoyens de Schefferville,
dans son mémoire, a justement ces données et peut élaborer
beaucoup plus qu'on ne pourrait le faire. À l'intérieur de ce
comité, il y a au-delà de quatorze intervenants qui viennent de
différentes sections de notre population.
Ensuite, si vous me permettez, pour la caisse d'entraide, vous ne croyez
pas que le gouvernement pourrait au moins prêter l'argent aux
travailleurs qui ne peuvent pas le retirer de la caisse d'entraide? Parce que,
comme vous avez pu le constater tout à l'heure, dans le mémoire,
on a bien mentionné que ceux qui ont cessé de travailler pour la
compagnie se réveillent aujourd'hui avec un fait très brutal.
C'est que la compensation qui va être payée par la compagnie ou la
prime de séparation sera immédiatement saisie en fonction des
prêts qui ont été accordés antérieurement, au
moment où le travailleur avait son statut de
travailleur.
M. Bordeleau: M. le ministre.
M. Gendron: Oui, je pense que de toute façon, avec... Je
voudrais juste donner une précision sur le dernier commentaire que vous
venez de faire. Vous dites: Est-ce que vous ne croyez pas qu'on devrait
envisager la possibilité sous forme de prêt ou permettre, par une
modification législative, d'avoir une réponse un petit peu plus
ad hoc et particulière pour les sociétaires qui sont
concernés par ce que vous dites, c'est-à-dire qui sont dans une
situation d'endettement qui fait qu'immédiatement en touchant leur prime
de départ ou de séparation, peu importe le nom, elle sera
engloutie à d'autres fins que ce pour quoi elle devrait servir? Oui, je
pense que cela fera partie de l'analyse que le ministère des Finances
devrait faire. Mais, je ne suis pas sûr qu'automatiquement, tout de
suite, la solution c'est de modifier la loi 60 et dire que tous ceux qui
avaient des fonds ont l'autorisation de les retirer. Parce que ce ne sont pas
tous les mêmes travailleurs qui sont exactement dans la même
situation. On voudrait regarder une application plus concrète de ce que
cela va donner et c'est un peu l'évaluation que le ministère des
Finances voudrait faire avant d'être capable de dire: Oui, il n'y a pas
de problème, on va modifier la loi 60.
L'autre aspect et je pense que tout le monde va en convenir, vous le
savez, c'est que lorsqu'on a lancé les caisses d'entraide, tout le monde
était heureux de cela et particulièrement celui qui vous parle,
au nom du régionalisme et au nom d'une espèce de capital local
qui permettrait à nos communautés de se financer. Mais, à
la suite des difficultés vécues par la fédération,
il y a eu un premier coup dur. Il y a eu un deuxième coup dur quand on a
été obligé de prendre les votes par rapport à la
question: Est-ce qu'on reste société d'entraide ou si on se
regroupe avec d'autres mouvements? Et il est dangereux, avec une
troisième modification, de créer encore un climat
d'instabilité pour celles qui fonctionnent. Parce qu'il ne faut pas
penser... Je sais qu'ici, à Schefferville, il y a un problème
bien spécifique, c'est pourquoi on est ici. Mais il y a
également, dans les autres régions du Québec, avec la
crise économique que nous vivons, des situations pénibles et on
est loin d'être certain qu'on n'aurait pas passablement d'autres demandes
de même type venant d'autres régions du Québec où,
effectivement, les fonds sont également gelés. Alors, il faut
regarder le rythme de progression du "dégel" pour être en mesure
d'évaluer quelles sommes sont touchées par cela et, s'il ne reste
que quelques caisses où, d'après nos indications, cela va prendre
des années avant d'entrevoir la possibilité de retirer les fonds.
Il me semble qu'il va falloir avoir un souci particulier pour celles-là.
C'est pour cela que cela mérite une analyse plus en profondeur. (1Z
heures)
Le Président (M. Bordeleau): M. Bégin.
M. Bégin: Dans une de nos recommandations, on parle de
minerai possible à extraire pour former l'aluminium. J'ai ici une note
indiquant clairement qu'un projet est à la veille d'aboutir avec
Pechiney et le gouvernement, ce serait à Bécancour. Ne serait-il
pas possible, dans les projets futurs, de penser en fonction, non pas de
diminuer nos terres arables dans le Québec, mais penser en fonction du
Nord et en fonction du Nouveau-Québec? Je pense qu'on a la
possibilité d'épargner nos terres arables, justement en pensant
que ces choses peuvent se faire sur place, avec le minerai sur place, dans le
Nouveau-Québec.
M. Gendron: M. le Président, comme on me dit que le temps
file et que je veux donner l'occasion à au moins deux autres de mes
collègues de vous poser des questions sur votre mémoire, je vais
laisser la parole à l'Opposition.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: Je vais demander au député de Hull,
Gilles Rocheleau, qui a été maire de Hull, de représenter
notre formation politique et d'intervenir à ce moment-ci.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Hull.
M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Je tiens
premièrement à saluer le maire Bégin ainsi que les membres
du conseil municipal et le secrétaire-trésorier de la
municipalité. Je tiens aussi à souligner que l'Opposition est
très soucieuse des problèmes que connaît actuellement
Schefferville, mais aussi de l'ensemble des préoccupations que vit
actuellement la Côte-Nord.
Je pense qu'il est important de souligner que l'Opposition, depuis
déjà plusieurs années, est préoccupée par
les problèmes que connaît la Côte-Nord. Nous sommes d'autant
plus préoccupés aujourd'hui que les propos qui sont tenus... Je
relève un propos tenu par le ministre délégué
à l'Aménagement et au Développement régional il y a
quelques instants, alors qu'il dit qu'il est important dans l'avenir de
prévoir. Je trouve très malheureux qu'on pense prévoir
dans l'avenir, alors que les citoyens de Schefferville ont pensé
à l'avenir la journée où ils sont arrivés ici. Que
pour le gouvernement, aujourd'hui, on pense à
l'avenir ne plus répéter ce qui se produit actuellement ou
ce qui peut se répéter dans d'autres villes nordiques. Ce que je
trouve de très surprenant et de très malheureux du même
coup, c'est que plusieurs études ont été faites dans le
passé, entre autres, des études de l'Office de planification et
de développement du Québec, études qui ont
été déposées au cours des années 1978 et
1979 et dans lesquelles on avait fait des recommandations pertinentes au
ministre, tenant compte des orientations de développement que devait
prendre la Côte-Nord. On parle d'études qui ont été
faites il y a plus de quatre ans et, aujourd'hui, le gouvernement semble se
réveiller à la réalité, c'est-à-dire qu'une
population qui a déjà connu un départ - il y a quelque 75%
de votre population qui est déjà partie - et qu'on semble
aujourd'hui s'arrêter pour penser à l'avenir, alors qu'il faut
effectivement penser au présent. Il faut penser non seulement à
Schefferville, qui connaît des préoccupations immédiates,
mais l'Opposition a eu l'occasion de visiter, hier, à Port-Cartier,
Rayonier, qui est fermé depuis trois ans et qui employait 1500
travailleurs et travailleuses. À Port-Cartier également on a
visité SIDBEC-Normines, qui connaît actuellement des
problèmes très sérieux. Et, aujourd'hui, on se retrouve
avec la population de Schefferville, en présence de son conseil
municipal qui fait des recommandations très intéressantes et dont
l'Opposition devra tenir compte au cours des débats futurs. Ce qui me
préoccupe davantage, M. le maire, aujourd'hui, c'est la situation dans
laquelle est placée Schefferville, tenant compte d'un endettement qui
comprend environ 31% de votre dette obligataire. Si on tient compte des
municipalités ou des villes ou municipalités de Gagnon et de
Fermont, le pourcentage d'endettement est de beaucoup inférieur; entre
autres, Fermont, je crois, à moins de faire erreur, a 0,5% d'endettement
par rapport à la dette ou à l'évaluation actuelle. Ce qui
me préoccupe aussi, M. le maire, c'est la situation dans laquelle on se
retrouve. J'aimerais peut-être que vous puissiez répondre à
certaines des questions qui nous préoccupent. Malheureusement, je
regrette l'absence du ministre des Affaires municipales, car il est le patron
des municipalités. Vous êtes directement impliqué dans un
problème très particulier. Je comprends que son adjoint, le
député de Groulx, est ici présent et j'ose souhaiter qu'il
lui fera part des inconvénients que vous subissez. Il n'en demeure pas
moins que le père de la loi 125, le ministre des Affaires municipales
actuel, a été un des artisans du développement à
venir au Québec. Du même coup, M. le Président, j'aimerais
que le maire puisse nous éclairer, tenant compte du fait que l'on parle
des villes nordiques et qu'une MRC a été créée ici
dans la région, la MRC de Caniapiscau dont vous êtes le
préfet. J'aimerais savoir, tenant compte que la MRC comprend les villes
de Gagnon et de Fermont - comme premier mandat, vous aviez la
préparation d'un schéma d'aménagement - si le gouvernement
comme tel vous a inscrit des délais afin de déposer votre
schéma d'aménagement, tenant compte de votre MRC. J'aimerais
savoir aussi, d'autre part, les sommes d'argent qu'on a mises à votre
disposition pour tenir compte de la préparation de votre schéma
d'aménagement. Dans une première question peut-être...
Le Président (M. Bordeleau): M. le maire Bégin.
M. Bégin: Merci. Je peux vous dire en peu de mots que,
pour les travaux que nous avons eus, il a été possible de
manoeuvrer avec les sommes que nous avons. Lorsqu'on parle de tout le
territoire, il est impossible de le faire parce que, à
l'intérieur de notre territoire, de la municipalité
régionale de comté Caniapiscau, vous avez des espaces immenses
où il n'y a pas de cantons, pas d'organisation. Alors, c'est une
tâche à peu près impossible. Ce qu'on fait, on se propose,
dans les réunions à venir, de répartir les
responsabilités entre les trois villes avec des personnes clés
sur place pour l'émission des permis dans les alentours. Imaginez, on
part du 52e parallèle et nous nous rendons jusqu'au 55e parallèle
et, ensuite, le méridien 70 jusqu'à la frontière de
Terre-Neuve. C'est impossible, avec les moyens que nous avons, de tout
déceler dans le territoire. Ce qu'on fait, qu'actuellement: il y a une
firme qui travaille à cette chose et nous attendons les recommandations.
Probablement que nous aurons à statuer dans la semaine qui vient.
M. Rocheleau: Merci, M. le maire. Un commentaire que j'aimerais
faire, M. le Président, c'est que je considère, d'une part,
qu'actuellement nous sommes en train de créer une nouvelle bureaucratie
au Québec, soit par la mise en place des MRC. D'avoir établi une
MRC, tenant compte du territoire, des distances et des problèmes
particuliers que les villes nordiques vivent actuellement, je considère
que c'est tout simplement de la folie furieuse du gouvernement d'avoir
créé cette MRC qui semble être un faux-fuyant aux
problèmes que vous vivez et connaissez actuellement. D'autre part, j'ose
souhaiter que le gouvernement, dans les prochaines semaines ou dans les
prochains mois, tiendra compte davantage des problèmes que vivent les
municipalités nordiques, telle Schefferville, entre autres, qui
connaît des problèmes tout à fait particuliers. D'autres
points, M. le...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Hull, j'ai reconnu M. le maire...
M. Bégin: Simplement pour clarifier la situation de la
municipalité de Caniapiscau. Au départ, les trois villes
nordiques étaient d'accord pour la formation de la municipalité
dans sa forme actuelle. Où les jeux ont été
changés, c'est avec le retrait de la minière et les diminutions,
aussi, de production au niveau des villes de Gagnon et de Fermont. C'est
sûr qu'il va falloir réévaluer cette chose car cela devient
très difficile pour nous.
M. Rocheleau: Je comprends, M. le maire, votre
préoccupation, sûrement de la survie et de l'aménagement du
territoire. Je comprends aussi que le gouvernement du Québec a
pressé les municipalités à définir, sinon imposer
des MRC au Québec, mais il y a un point relativement important, tenant
compte du fait que la MRC de Caniapiscau a été
créée. J'aimerais peut-être vous entendre sur les
responsabilités éventuellement dévolues aux MRC à
l'exception du schéma d'aménagement. J'aimerais savoir si votre
MRC, avec l'aide de l'Union des conseils de comté ou l'Union des
municipalités, dépendamment des... Je pense que vous appartenez
à l'Union des conseils de comté, si...
M. Bégin: Nous chevauchons les deux. M. Rocheleau:
...en somme les deux.
M. Bégin: Je veux dire que ce n'est pas
clarifié.
M. Rocheleau: J'aimerais savoir si vous avez fait des
représentations auprès du gouvernement, à savoir les
responsabilités qui éventuellement seraient dévolues aux
MRC, tenant compte du schéma d'aménagement que vous devriez
implanter dans les mois qui suivent.
M. Bégin: Pour nous, on essaie de maintenir à
l'intérieur de la loi 125 ce qui a été prévu.
Assurément, pour ce qui est de cette formule, avant de prendre des
responsabilités additionnelles, il faudra que les montants soient
disponibles, parce que de plus en plus on s'en va vers une situation où
on sera de moins en moins capable de prendre ces responsabilités
additionnelles, à moins que des montants d'argent soient
disponibles.
M. Rocheleau: Maintenant, M. le maire, tenant compte du fait que
dans votre mémoire vous avez plusieurs recommandations et suggestions et
que vous demandez, entre autres, dans une de vos recommandations de tenir
responsable la compagnie minière de l'endettement que connaît
actuellement la ville de Scheffervil-le, avez-vous eu des rencontres avec la
compagnie, et depuis combien de temps, tenant compte du fait que le
problème que vous vivez aujourd'hui n'est quand même pas d'hier?
Cela fait déjà un bout de temps...
M. Bégin: Si vous me permettez, je vais parler des
dernières années d'exploitation. À la suite d'une
consultation avec la minière IOC, les autorités de la ville et
les Affaires municipales, on a finalement réussi à appliquer une
formule de financement à Schefferville où on a fonctionné
sans déficit et avec des surplus, particulièrement dans les trois
dernières années. Tout cela a pu se faire au préalable en
ayant des discussions avec la minière. C'est sûr que, la
minière IOC étant impliquée directement dans
l'évaluation foncière, il était impossible pour la
municipalité de statuer sur le budget sans la consulter. De ce point de
vue, on a toujours consulté la minière IOC. Aujourd'hui, en
fonction du budget 1983 - on a été aussi en consultation lors des
derniers budgets - on est toujours en consultation. Tous ont reconnu que notre
administration est une bonne administration. Pour le service de la dette, vu
l'implication de l'évaluation foncière à 85% de la part de
la minière IOC et l'impossibilité pour nous autres d'aller
chercher d'autres revenus à même les activités des mines,
c'est pour cela qu'on fait cette recommandation.
S'il y a des responsabilités autres que celles dévolues
à la minière IOC, je crois que les instances gouvernementales
avec la commission parlementaire devraient ajuster ces choses.
M. Rocheleau: Maintenant, M. le maire, vous avez perdu une partie
importante de vos citoyens; tantôt, vous avez mentionné que vous
aviez préparé votre budget pour l'année 1983
étalé sur douze mois comme si rien n'était et que vous
aviez rencontré le ministre des Affaires municipales pour en discuter
avec lui.
Tenant compte du fait que vous devez maintenir les services essentiels,
l'aqueduc, l'égout, la police et tous les services culturels et
d'aménagement, y a-t-il eu une entente de conclue avec le
ministère des Affaires municipales, à savoir s'il allait combler
le déficit possible ou le déficit qui pourrait être
encouru, tenant compte du fait que votre population a terriblement
diminué et que les services exigent quand même les mêmes
dépenses? (12 h 15)
M. Bégin: Au moment de la commission parlementaire sur
SIDBEC-Normines à laquelle j'ai assisté, je me suis rendu
rencontrer le ministre des Affaires
municipales. Je lui ai exposé nos problèmes. D'abord, la
question des départs, en ce qui concerne le conseil de ville, être
autorisé à faire des nominations s'il y a trop de départs
au conseil de ville, en supposant qu'on se réveille sans quorum.
Ensuite, j'ai abordé la question des commerçants qui ne sont plus
en mesure de payer leurs factures de services municipaux et de taxes. On m'a
dit à ce moment-là qu'il appartiendrait à la commission
parlementaire, justement, de régler ces problèmes. C'est cela qui
est notre réponse. On en est rendu là.
M. Rocheleau: C'est une façon de passer la balle à
quelqu'un d'autre, disons.
M. Bégin: Oui, d'accord, mais dans les faits je crois que
la commission parlementaire est là, justement, pour recevoir ces
problèmes auxquels nous aurons à faire face ou auxquels nous
faisons face actuellement.
M. Rocheleau: Mais, je pense, M. le maire, qu'il y a quand
même un problème qui existe actuellement; vous avez des
fermetures, des gens ont fait des investissements, des gens y ont mis leurs
économies et, actuellement, ces mêmes citoyens font face à
des pertes énormes qui sont évidentes et qui sont actuelles.
Est-ce que le ministre vous a donné, quand même, des indications
à savoir qu'il allait recommander au Conseil des ministres de prendre
des mesures immédiates et aussi rapides que possible pour, justement,
enlever cette préoccupation? Parce que vos citoyens sont sûrement
préoccupés par la situation qui existe.
M. Bégin: Ils sont très préoccupés.
Si vous me le permettez, M. le Président, disons que nous avons
parlé du service de la dette et du service municipal de police. Ces deux
postes étant entièrement éliminés au point de vue
des coûts, déjà on améliore nos finances
municipales. Ce qu'il faut trouver pour l'avenir, c'est un nouveau mode de
financement pour que Schefferville reste en vie. Je pense que c'est cela la
réponse. La minière n'étant plus là, d'accord,
cette année, on va pouvoir compléter nos choses. Demain, de
quelle façon cela va être fait? On veut le savoir et, d'ailleurs,
on l'exige dans le mémoire. On en parle de cette chose-là. C'est
le prochain problème que nous aurons à affronter. À ce
jour, on n'a pas de problèmes financiers, mais nous sommes toujours sous
le coup de la loi municipale. Étant sous cette loi, on est
obligé, comme corps public, de l'appliquer et cela devient très
injuste pour les commerçants qui ne sont plus en mesure d'absorber leurs
factures. Je pense qu'il va falloir se dépêcher de regarder et
d'analyser cette situation.
M. Rocheleau: M. le maire, tantôt, vous avez
mentionné que, lors de votre rencontre avec le ministre des Affaires
municipales, il vous avait dit, à toutes fins utiles, d'attendre la
commission parlementaire, qui prendrait une décision
là-dessus.
M. Bégin: Que cela se réglerait au moment de la
commission parlementaire.
M. Rocheleau: II faudrait peut-être penser à
rajouter à la résolution que nous avons déjà
déposée certains éléments nouveaux, à savoir
que la commission parlementaire devra prendre une décision pour le
ministre des Affaires municipales étant donné qu'il n'a pas
semblé en mesure de la prendre lui-même, tenant compte des
problèmes que vous aviez. Si vous le permettez, M. le Président,
je me réserverai quelques instants, tantôt, parce que j'aurais une
autre question à poser à M. le maire, étant donné
que je n'ai pas pris mes 20 minutes et que d'autres membres de la commission,
du côté ministériel, seraient sûrement
intéressés à prendre la parole.
Le Président (M. Bordeleau):
Effectivement, M. le député de Hull, vous n'avez pas pris
vos 20 minutes, mais vous en avez pris 18.
M. Rocheleau: J'en ai gardé deux.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Groulx et adjoint parlementaire aux Affaires municipales.
M. Fallu: M. le maire, j'ai été vraiment
étonné de votre mémoire parce que, de la part d'une
municipalité, de la part d'une ville, il indique des
préoccupations de nature sociale, économique, culturelle,
fiscale, de sorte que, comme vous le dites vous-même dans votre
mémoire, vous vous comportez comme un gouvernement local. J'aimerais
vous en féliciter parce que vous répondez à l'ensemble des
préoccupations de vos concitoyens et de vos concitoyennes.
On sait que la municipalité, par le passé, a connu
certains problèmes fiscaux -notamment en 1976-77 - qui ont
été réglés par une très bonne gestion. On
sait que vous avez été extrêmement prudent, d'abord, dans
la négociation que vous avez entreprise avec le gouvernement dans les
années passées à propos du service de police où
vous avez fait des acquis, d'ailleurs; ensuite, dans la préparation du
budget de cette année où vous avez pris certaines garanties et
vous avez même - c'est une des seules municipalités au
Québec qui l'a fait, d'un point de vue comptable - diminué votre
budget. Donc, vous avez géré d'une façon
extrêmement prudente. Vous avez également pris des
décisions de diminution de services qui ont également
allégé les imputations budgétaires.
J'ai des questions de deux natures. La première porte sur le
niveau de service qui serait à maintenir dans la municipalité
dans l'hypothèse - qui doit être celle qu'on doit envisager en
premier lieu - du maintien de ce qu'on pourrait appeler les services minimums.
Certes, il y a, au départ, du point de vue budgétaire, le service
de la dette et le service de la police, ceci exclu parce que nous y
reviendrons. Quels sont les services, pour la municipalité, que vous
jugez minimums ou services essentiels, compte tenu de la particularité
même de la ville de Schefferville, dans les coûts que ces
services-là amènent et quel serait également le niveau
budgétaire que vous voudriez maintenir notamment dans le domaine de
l'approvisionnement en eau, le secrétariat de la municipalité,
l'entretien général, la protection publique, le service
d'incendie, le service des loisirs?
M. Bégin: Depuis cinq à six ans nous avons
restreint les dépenses à un maximum en ce qui concerne le
fonctionnement de la municipalité. Cela a donné le
résultat que vous venez de mentionner. Les deux dernières
années, 1981-1982 ont été des années de surplus,
au-delà de 583 000 $, et pour l'année 1983, nous avons un budget
équilibré aussi. Quant aux services qu'on pourrait maintenir avec
un minimum de coût, il y a le service d'eau, des pompiers, l'entretien
des rues, des lumières, les services à donner à la
réserve indienne Matimekosh qui sont reliés avec les services
municipaux. Nous avons à maintenir un personnel en place pour desservir
les services qu'on donne soit au lac John qui est la deuxième
réserve, ou la troisième réserve au lac Matemace à
environ 10 kilomètres de Schefferville. Il y a une entente à cet
effet pour les six prochains mois.
Tout cela ensemble, nous considérons actuellement que ce que nous
avons en structures à la municipalité, ce sont des minimums.
Comme vous l'avez mentionné nous avons été très
prudents parce qu'on voulait justement et on avait à coeur de relever
nos finances afin de s'en sortir.
Ensuite, il y a la question du centre récréatif avec sa
vie sociale et culturelle qui est très importante pour les gens qui sont
ici. Au début des exploitations, dans les années soixante, la
minière IOC avait installé le centre récréatif avec
une aréna justement pour essayer de maintenir des services qui
intéresseraient le mineur et sa famille à rester sur place. Ces
services sont toujours là et je peux vous affirmer que c'est impossible
pour la municipalité de les exploiter, parce que c'est trop
onéreux. On ne peut tout de même pas exploiter un quart de piscine
ou un quart d'aréna ou un quart d'allées de quilles. Ou on
exploite ou on le ferme. C'est cela la situation de Schefferville.
On croit qu'avec la disparition du service de la dette comme obligation
et ensuite la disparition du coût pour maintenir le corps de police,
toutes les structures sont en place et on devrait certainement avoir des
formules pour nous permettre de maintenir les services que nous avons
actuellement. Je pense que c'est l'optique qu'il faut. Ce sont des services
essentiels.
M. Fallu: Merci. Ma deuxième question porte donc sur le
service de la dette et ce qui est relatif à l'évaluation
imposable. On sait trop - on est justement ici pour le savoir - qu'il y a un
certain nombre de maisons, dit-on, qui risquent d'être démolies.
On ne sait plus vraiment ce qui se passera à Schefferville.
Depuis le dépôt de votre mémoire, est-ce que vous
avez eu des contacts avec la minière pour savoir ce qui resterait
propriété de la minière notamment et ce qu'elle entend
faire avec l'ensemble de ses équipements parce que la fiscalité
municipale repose précisément sur ses équipements, d'une
part. D'autre part, quant au service de la dette, vous faites une proposition -
no 8 -à savoir de rendre responsable la minière du service de la
dette. J'imagine bien que c'est à 100%. Est-ce qu'il y a eu des contacts
auprès de la minière à ce propos?
M. Bégin: Sur cela particulièrement, non. Nous
avons négocié, par exemple, en fonction du budget ou du service
de la dette actuelle pour l'année, comme nous avons
négocié le rachat par anticipation d'obligations sur le parc de
roulottes. Cela est prévu à l'intérieur du budget actuel.
Nous avons été jusque là, mais sur le fait d'impliquer
directement la minière IOC concernant le service de la dette nous n'en
avons pas eu la possibilité jusqu'à maintenant. Je veux dire que
depuis l'annonce jusqu'à nos jours, les circonstances ne nous l'ont pas
permis. Nous avons négocié par exemple le budget 1983.
M. Fallu: Quant à la destruction éventuelle
d'équipements sur lesquels repose la fiscalité...
M. Bégin: Nous avons des bribes d'information dans le sens
que les maisons ont été offertes à 1 $. Évidemment,
cela implique toute la taxation municipale et scolaire et des services à
maintenir pour celui se trouvant en charge. Évidemment, là
encore, votre commission parlementaire aura à analyser cela parce que
pour nous, on ne peut pas affirmer qu'on connaît l'avenir. On
sait qu'il y a des choses qui s'en viennent. On a des bribes
d'information comme la minière qui a décidé de garder un
certain nombre de maisons, mais dans les autres détails, on ne peut pas
aller plus loin que cela.
M. Fallu: Donc, ce sont des questions que vous
télégraphiez via la commission à la minière
IOC.
M. Bégin: D'ailleurs, on le demande aussi dans notre
mémoire, comme vous avez pu le constater, que ces choses soient
définies. Cela représente pour nous une inquiétude et le
temps est très limité comme vous le savez et on a fait la
même demande aussi au gouvernement de considérer la situation
tragique que nous connaissons et qu'enfin on prenne des décisions.
M. Fallu: En ce qui a trait au service de police vous avez
déjà eu l'appui du ministère de la Justice.
M. Bégin: Oui, apparemment, il y a eu un accord de
principe et disons que nous n'avons pas les choses officielles, mais je sais
pertinemment que nous serons appelés à aller signer le prochain
contrat, les services d'entente avec le ministère dans les jours
à venir.
M. Fallu: Merci, M. le maire.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député de Laurier.
M. Sirros: Merci, M. le Président. M. Bégin,
j'aimerais profiter des deux minutes qui nous restent peut-être pour vous
apporter en tout cas mon appui et notre appui concernant au moins deux
recommandations spécifiques que vous faites au gouvernement, la
neuvième et la treizième. Vous recommandez qu'on ajoute une prime
d'isolement aux allocations d'aide sociale. Est-ce que vous êtes, d'une
part, en mesure de nous indiquer un peu le pourcentage de la population
à l'heure actuelle qui dépend ou qui dépendra
bientôt de l'aide sociale?
M. Bégin: Malheureusement, dans les chiffres, je ne sais
pas, mais je crois que dans les comités qui vont présenter les
mémoires qui vont suivre, vous pourriez poser la question comme, par
exemple, au comité de citoyens. Nous à la ville, on n'a pas les
détails au complet du nombre de personnes. Je peux vous dire, par
exemple, qu'il reste environ 25 employés à la compagnie
actuellement. Ce qui veut dire qu'à peu près tout le monde est en
chômage. Vous avez ceux qui ont été mis à pied il y
a deux ans qui sont sur l'aide sociale et vous avez ceux qui sont avec
l'assurance chômage et vous avez les gens pour qui dans le moment cela se
règle par la minière IOC avec leur pension anticipée et
une pension directement et les primes de séparation. C'est à peu
près la situation que nous avons actuellement. Évidemment, sur le
coût de la vie, je pense que l'exemple du journal de Montréal
à 1,10 $ et que le monsieur qui le vend ne rencontre même pas ses
coûts, c'est une réalité. Nous, quand on reçoit le
Soleil de Québec, on le reçoit trois ou quatre jours après
sa sortie. C'est comme cela. C'est un contexte comme cela. On peut aller
jusqu'à 30% à 40% plus cher qu'à Montréal, c'est
sûr. D'ailleurs, j'ai entendu dire que la commission parlementaire en se
déplaçant à Schefferville a trouvé que c'est
très onéreux de venir à Schefferville. Cela l'est aussi
pour les citoyens, je peux vous l'accorder.
M. Sirros: La troisième recommandation dont vous parlez,
les professionnels de la santé et services sociaux qui auraient à
quitter à court et moyen termes. Est-ce que vous pouvez dresser
rapidement le tableau de la situation actuelle et est-ce que vous avez
identifié les besoins minimaux en termes de personnel professionnel?
M. Bégin: Ce que nous voulons, c'est maintenir les
services que nous avons toujours eus et combler les postes qui peuvent
être libres. On se réfère particulièrement, mettons,
à une personne sur le service social parce que les problèmes
actuellement sont des problèmes difficiles, ce sont des problèmes
de gens qui étaient habitués d'avoir une vie
régulière et de pouvoir s'occuper. Actuellement, le
problème, c'est que ces services, il faut qu'ils restent en place
même si la population diminue. On ne veut pas surtout que Schefferville
soit traitée à même des normes. C'est cela qui est
important dans les différents ministères et on souhaite surtout
qu'une personne clé, qu'une personne avec pouvoirs multiples soit sur
place pour travailler avec nous autres pour aller ouvrir les portes dans les
différents ministères. C'est ce dont on a besoin
actuellement.
M. Sirros: Si je comprends bien, ces gens auront à quitter
à cause de l'application des mêmes normes en termes de... (12 h
30)
M. Bégin: C'est-à-dire que la population diminuant,
les normes ne sont plus rencontrées. C'est ce que je veux dire.
M. Sirros: Et on ne tient pas compte de la situation
particulière qui fait qu'il n'y a plus d'emplois qui existent. Il y a
quand même une population...
M. Bégin: Par exemple, ici on a besoin d'un corps
policier. Nous sommes en milieu
entièrement isolé. Si on réduit notre corps
policier à la réalité de Schefferville, on aurait un seul
policier, selon la tendance de la province de Québec. Je pense que c'est
un exemple à savoir dans quelle situation on se trouve. Si les
différents ministères appliquent des normes rigoureuses alors que
les populations ne sont plus là, bien sûr qu'on perd des
services.
M. Sirros: J'ai une dernière question. J'ai vu, je pense,
dans des documents que le coût minimal de l'électricité en
termes de chauffage se chiffre à peu près à 150 $ par
mois. Donc, on peut dire tout de suite qu'il y a là un pourcentage
immense du budget -surtout pour quelqu'un qui vit de l'aide sociale - qui est
grugé immédiatement au départ par des besoins qui ne sont
pas sous son contrôle.
M. Bégin: Vous avez parfaitement raison et, lorsque le
comité de citoyens se présentera devant vous, il aura des
détails. Ils ont fait des recherches dans ce sens et je crois que vous
allez rester surpris.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. J'ai une autre
demande, en indiquant à tous les membres de la commission que le temps
alloué est déjà dépassé de quelques minutes.
M. le député de Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Très
brièvement, j'aurais trois ou quatre questions à poser. Je pense
que les réponses peuvent aussi être brèves. À la
page 4 de votre mémoire, vous mentionnez que la ville s'attend que le
gouvernement, d'une part, amène la Compagnie minière IOC à
préciser immédiatement les modalités de son retrait du
milieu, particulièrement dans l'ensemble de ses immobilisations. Vous
avez expliqué une bonne partie de cela, mais moi, ce que je voudrais
toucher, c'est la dernière partie: "et de ses obligations envers la
ville, les citoyens et commerçants". Pourriez-vous expliquer davantage?
C'est la première question. La deuxième: Je sais, pour avoir
travaillé au dossier à quelques reprises, que le gouvernement du
Québec subventionne votre service de police pour la troisième
année, je crois. Est-ce que vous pourriez donner pour 1981, 1982 et 1983
les chiffres de la subvention que vous avez reçue là-dessus et
combien coûte le corps de police? Vous pouvez peut-être
répondre à ces deux questions et j'en aurais deux autres par la
suite.
Le Président (M. Bordeleau): M. Bégin.
M. Perron: La deuxième, c'est le corps de police.
M. Bégin: Voici ce qui arrive. Si vous me permettez, je
vais répondre en fonction du corps de police. C'est que la formule est
une formule de 50/50. À la suite des mises à pied que nous avons
eues en mai 1981, nous avons recommencé de nouvelles négociations
avec le ministère de la Justice afin d'augmenter la subvention, vu la
diminution de la population. Nous avons revendiqué le coût
complet, vu que nous étions moins de 5000 de population et qu'en plus
nous avions une population diminuée. Une formule a été
préconisée de réduire le corps policier et de
subventionner à environ 80%. Nous en sommes rendus là. Les
montants, ce sont les coûts directs et indirects. Nous avons eu environ
225 000 $ l'an passé. L'année antérieure, au-delà
de 200 000 $. Ce sont des chiffres assez réels. Les subventions, en
1980, 198 000 $, en 1981, 224 000 $ - c'est toujours la moitié du
coût - et, pour 1982, 256 000 $. Ce sont les coûts directs et
indirects, équipement et salaires, etc.
M. Perron: 1983, ce n'est pas encore réglé avec le
ministère en question.
M. Bégin: Non, mais on est appelé à
négocier. On nous a avisés.
M. Perron: Parfait, merci. Maintenant, à ma
première question que j'avais posée en rapport avec les
obligations de la minière IOC, que vous mentionnez à la
page...
M. Bégin: Là aussi, il faut se reporter au
début des activités ici à Schefferville. Il y avait, au
moment où les gens demeuraient en blockhaus, une buanderie
dirigée par la compagnie. Aujourd'hui, nous avons une buanderie dans le
centre-ville qui est dirigée par un particulier. Ce sont des services
comme celui-là qui, à un moment donné, ont
été transférés. Je peux donner comme
deuxième exemple une maison d'appartements qui a été
construite au moment où on avait une rareté de logements à
Schefferville. C'était en fonction des possibilités de production
pour les années à venir. Ces gens s'étaient basés
sur ces choses pour se lancer en affaires. La réalité
d'aujourd'hui, avec le retrait complet et la cessation, bien sûr que
c'est une chose qui est assez difficile à avaler et c'est pour cela
qu'on dit qu'il y a une responsabilité dans ce sens. Il y a eu certains
services qui ont été directement transférés aux
particuliers et c'étaient d'anciens employés de la compagnie.
M. Perron: Donc, même si je considère que la
compagnie IOC n'a pas traité assez bien ses employés
syndiqués en rapport avec les décisions qui ont été
prises antérieurement, soit il y a une quinzaine de jours ou trois
semaines, si je comprends bien, vous voudriez que la minière IOC prenne
aussi ses responsabilités - et je pense que
cela pourrait être conjoint à ce moment-là -face aux
autres personnes qui sont non syndiquées et qui sont dans l'entreprise
privée actuellement, incluant, bien entendu, les commerçants.
M. Bégin: On souhaite fortement que tous les intervenants
s'assoient à la même table, parce qu'il y a aussi ceux qui sont
dans le "socio" - je pense que je n'ai pas besoin de les définir - dans
l'éducation, ces choses-là. Tout ce monde n'est pas
rattaché directement à l'opération minière. C'est
ce qu'il faut rejoindre et aider.
M. Perron: J'ai une courte question maintenant. C'est ma
dernière, d'ailleurs. Savez-vous combien de personnes, ici à
Schefferville, sont liées à la société d'entraide
de Sept-Îles et combien sont liées à la
société d'entraide de Manicouagan?
M. Bégin: Je regrette, je ne peux pas répondre
à cette question, mais je sais pertinemment que, dans les bonnes
années, plusieurs vendeurs venaient nous visiter
régulièrement et c'était très populaire. Dans
l'histoire de Schefferville, antérieurement à la venue des
caisses d'entraide, nous avions des gens qui venaient vendre des fonds mutuels,
comme Champion Savings qui, comme vous le savez, a fait faillite. Pour la
population de Schefferville, c'est la deuxième expérience que
nous avons dans ce sens. C'est sûr que, quand un travailleur vient ici,
après quelques années, il ramasse de l'argent, il accumule de
l'argent. Il essaie de le faire fructifier pour ses jours futurs, mais,
actuellement, je pense que cette chose est complètement
faussée.
M. Perron: Je voudrais vous remercier, M. le maire...
M. Bégin: Merci.
M. Perron: ...ainsi que votre administration pour avoir
préparé un mémoire qui, pour moi, en tout cas, est
vraiment terre à terre et concerne assurément - et c'est
très important - la population de Schefferville elle-même, dans
l'ensemble. Je vous remercie.
M. Bégin: Je vous remercie.
Le Président (M. Bordeleau): Merci.
M. Bégin: Maintenant, M. le Président, si vous le
permettez...
Le Président (M. Bordeleau): M. le maire.
M. Bégin: ...nous voudrions savoir, comme question -
peut-être que ce sera le point final, je ne le sais pas quand le
gouvernement va nous remettre un rapport sur cette commission parlementaire,
parce que, pour nous, je pense que cela va être crucial de le savoir
assez vite.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre de
l'Énergie et des Ressources.
M. Duhaime: M. le Président, je vais laisser la
réponse à mon collègue, M. Gendron. Je pense devoir dire
à mes collègues que je n'ai pas abusé beaucoup du temps de
la commission depuis le début, puisque c'est la première fois que
je prends la parole. Je voudrais, cependant, poser une question qui
m'apparaît importante pour la bonne compréhension de ce dossier.
M. le maire, vous siégez au conseil de ville depuis quelques
années et, suivant mes informations, en 1979, alors que le niveau des
expéditions de la Compagnie minière IOC, à cette
époque, était, bien sûr, supérieur au niveau des
expéditions pour la moyenne de 1975- 1978 - l'année 1979 a vu 4
000 000 de tonnes d'expéditions - pourtant, votre conseil municipal,
dans une résolution du 11 juin 1979 qui porte le numéro 79-625 -
qu'on pourrait, bien sûr, déposer devant cette commission -
faisait part au gouvernement et à la Compagnie minière IOC,
à la suite d'articles de presse, de votre inquiétude quant
à l'avenir de la compagnie et surtout de ses activités et
l'avenir de Schefferville. Vous vous souvenez de cette période? À
la suite de cette résolution - et je le dis pour le
bénéfice de la commission - il y a eu des entretiens et des
rencontres. Il serait trop long d'élaborer là-dessus. Ma question
est la suivante: Après ces événements de juin 1979, au
cours de l'année 1980, 1981 ou 1982, à un moment, avez-vous eu
à prendre une résolution semblable qui reflétait à
nouveau votre état d'inquiétude ou de préoccupation ou si,
d'une manière ou d'une autre, vous auriez été
prévenu comme maire, comme premier citoyen, au cours des années
1980, 1981 ou 1982, des intentions de la Compagnie minière IOC telles
qu'elles ont été annoncées en conférence de presse
le 9 novembre 1982?
M. Bégin: Alors, voici. Étant travailleur
moi-même, au moment où on a senti qu'il y avait une restriction
dans le marché du fer et qu'on nous a assujettis à de petites
productions, alors pour l'information de la commission, lorsqu'il y a 10 000
000 de tonnes de production brute, pour nous, c'est la
prospérité, mais lorsqu'il y a 3 000 000 ou 3 500 000 de
production, c'est juste pour le maintien des activités. Alors, d'une
façon assez régulière, les employés de la
minière IOC et les intervenants locaux de la compagnie se rencontraient.
On nous rappelait que pour maintenir Schefferville en vie, il fallait diminuer
les coûts de la
production de la tonne. Alors, c'est dans cet esprit que nous avons
travaillé durant les dernières années. Pourquoi cela
a-t-il été un choc aussi difficile à avaler au mois de
novembre? C'est que, justement, nous nous étions conditionnés en
fonction d'une petite production.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Duhaime: Vous n'avez pas saisi le sens de ma question.
M. Bégin: Alors, je m'excuse, M. le ministre.
M. Duhaime: Vous dites qu'à un niveau de 3 000 000
à 3 500 000 tonnes d'expédition...
M. Bégin: C'est cela notre vie aussi.
M. Duhaime: ...on maintient à peu près les
activités. On aura l'occasion de revenir sur ces points. Ma question est
simple: En 1980, 1981 ou en 1982, est-ce que vous-même, comme maire et
votre conseil municipal avez été prévenus de façon
officielle, directement ou indirectement, des intentions de la Compagnie
minière IOC, qui ont été effectivement annoncées le
9 novembre 1982, c'est-à-dire la cessation des activités pour
juillet 1983?
M. Bégin: Nous avons été avisés de la
même façon que tout le monde: par les journaux.
M. Duhaime: Merci.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Hull.
M, Rocheleau: Merci, M. le Président. Simplement en
conclusion, je voudrais remercier M. le maire ainsi que les membres du conseil,
le secrétaire-trésorier, pour la présentation de leur
mémoire. Je pense que cela nous aidera sûrement à tenir
compte des revendications qui sont faites par la ville de Schefferville. Mais
je tiens à rappeler aussi, M. le maire, que les services que vous avez
offerts à vos citoyens ont été de première
qualité et je tiens à vous féliciter pour l'administration
que vous avez donnée à votre municipalité. Tenant compte
de la grande responsabilité que le gouvernement aurait dû prendre
à la suite du rapport qu'ils ont eu en 1978-1979, responsabilités
qu'il n'a pas prises, on fait face à la situation dans laquelle on vit
aujourd'hui. Je trouve cela déplorable. D'autre part, je tiens
simplement à vous souligner que nous ferons simplement notre travail et
nous sommes à votre entière disposition pour traiter de n'importe
quel des sujets que vous souhaiteriez, tenant compte que le gouvernement est
souvent là pour refuser, alors que l'Opposition est là pour
fouetter ce gouvernement à prendre action vis-à-vis de la
population de Schefferville.
M. Bégin: Je vous remercie.
Le Président (M. Bordeleau): Merci.
M. Bégin: Et M. le Président.
M. Gendron: Une simple phrase...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le ministre du
Développement régional.
M. Gendron: ...M. le maire, je pense que votre demande est
légitime. Quant à moi, au nom du gouvernement, je suis
obligé de vous dire que je sais bien que ce n'est pas le rapport ou la
transcription du procès-verbal, la tenue de la commission qui vous
intéresse, c'est un rapport plus détaillé quant aux
intentions du gouvernement pour donner suite aux décisions et,
également, aux éléments de solution qui se
dégageront. Je ne peux pas vous dire: lundi prochain, vous aurez une
réponse détaillée sur l'ensemble des questions qui seront
soulevées ici. Alors, en conclusion, tout ce que je vous dis, au nom du
gouvernement, c'est qu'on fera rapport. Le Conseil des ministres sera
obligé de prendre des décisions concernant des
éléments de recommandations qui nous seront faites par moult
citoyens ou intervenants intéressés par la question difficile
qu'on discute et, dans les meilleurs délais, on informera les
premières autorités de la ville de Schefferville.
M. Bégin: Je vous remercie et je remercie pour les bonnes
paroles de la part du côté gouvernemental et de l'Opposition. Je
vous remercie, messieurs. À présent, en ce qui concerne notre
muncipalité, Schefferville étant au Québec la plaque
tournante pour le Nouveau-Québec, je pense qu'il est important de vous
dire, messieurs, que tout ce qu'on veut, c'est que le drapeau du Québec
reste planté à Schefferville et nous voulons non pas pleurer,
comme on l'a fait sur le Labrador avec le Nouveau Québec, on veut que
cela marche. Ensuite, avec Action Côte-Nord, nous vous disons qu'on ne
veut pas perdre le nord. Je vous remercie. (12 h 45)
Le Président (M. Bordeleau): Merci à vous et aux
personnes qui vous ont accompagné au cours de cet entretien.
J'appellerais immédiatement le groupe suivant, qui est celui de la
Compagnie minière Iron Ore, à se présenter à la
table.
M. Chevrette: M. le Président, le temps de leur
présentation, est-ce que je peux
soulever un élément?
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le ministre du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche.
M. Chevrette: Je pense qu'on pourrait permettre l'exposé
complet des représentants de la compagnie avant d'aller prendre le
lunch. Le lunch pourrait être limité à 1 h 30. Je voudrais
aussi dire, pour le bénéfice de la salle, que, si on n'a pas
touché à l'ensemble des propositions à cause du temps
limité, on pourra revenir à ces recommandations lors de la
présentation d'autres mémoires. En particulier, je pense à
l'aspect loisirs, où le critique de l'Opposition et moi-même ne
sommes pas intervenus. Cela ne nous empêchera pas, quant aux autres
mémoires, d'intervenir sur le mémoire de la ville. Il faut bien
comprendre que, si on n'a pas parlé, c'est précisément
parce qu'il y avait trop de sujets.
Le Président (M. Bordeleau): Avec le nombre des
intervenants et le nombre des membres de la commission, il est tout à
fait normal que chaque membre ne puisse pas intervenir sur chacun des
mémoires. Justement, comme vous l'avez mentionné, M. le ministre,
si j'ai le consentement des membres, on permettrait l'exposé du
mémoire et aussi peut-être de continuer un petit peu après
13 heures. Comme il ne reste que 10 ou 12 minutes avant 13 heures, on pourrait
permettre immédiatement l'énoncé du mémoire avant
de suspendre pour aller dîner, quitte à aller dîner vers 13
h 15 ou quelque chose comme cela. On verra, selon l'heure, à quelle
heure nous pourrons reprendre. On pourrait peut-être même reprendre
à 14 h 30. Cela pourrait aller. Alors, M. Mulroney, à vous la
parole.
Compagnie minière Iron Ore
M. Mulroney: M. le Président, MM. les ministres, MM. les
députés. J'espère, M. le Président, que nous aurons
l'occasion de présenter rapidement un mémoire qui a
été sensiblement abrégé.
Le Président (M. Bordeleau): M.
Mulroney, pourriez-vous approcher votre microphone? Ou augmenter le
volume?
M. Mulroney: Oui.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va mieux.
M. Mulroney: C'est mieux? Très bien. J'ai
abrégé très sérieusement le mémoire.
J'aimerais, évidemment, qu'il soit déposé devant vous,
avec les documents connexes.
Avant de procéder, j'aimerais vous présenter mes
collègues du comité exécutif et de l'administration
senior. D'abord, à ma droite, M. Richard Geren, notre
vice-président exécutif, qui est arrivé ici comme
géologue pour la première fois en 1945. Il a été
gérant de nos installations et résident de Schefferville de 1952
à 1961. M. Valmont Grégoire, vice-président des
opérations de la Compagnie minière IOC. Il a commencé, ici
à Schefferville, avec la compagnie en 1948, à sa sortie de
l'Université Laval, et il est resté jusqu'en 1965. Entre-temps,
il était gérant de nos installations. Il y aussi M. Avit Ouellet,
directeur général des finances et de l'administration. Il a
commencé ici à Schefferville, en 1966, comme analyste financier.
M. Claude Falardeau est le directeur des opérations et gérant des
mines. Il a commencé à Schefferville en 1961, jusqu'en 1983. Il
est maintenant affecté, par le président de la compagnie,
à la responsabilité du développement de Strange Lake, dont
il sera question tantôt. M. Jack Galligan, qui est le
vice-président des relations humaines, est avec nous, ici dans le
Grand-Nord, depuis au-delà de 30 ans.
De façon très abrégée, M. le
Président, MM. les députés, voici notre mémoire. Au
cours des trois dernières décennies, la Compagnie minière
IOC a développé et mis en valeur une région du Canada qui,
auparavant, n'avait pas connu de croissance économique. L'historique
sera très bref mais je pense qu'il est important. M. le
Président, j'espère que vous allez me permettre de conclure la
présentation du mémoire, quitte à m'interroger, si vous le
voulez bien, après le lunch, n'est-ce-pas?
Le Président (M. Bordeleau): ...des membres de la
commission.
M. Mulroney: Très bien. La compagnie a été
une pionnière de ce nouveau territoire et, plus particulièrement,
elle a procuré du travail à des milliers d'employés qui,
pendant un quart de siècle, ont été parmi les mieux
payés au Canada. Mais, fait plus important encore, cette initiative de
la compagnie a permis à deux générations
d'employés, et à leurs familles, d'acquérir une formation
très solide et une expérience tout en jouissant d'une vie fort
agréable. Nous sommes très fiers de ces vrais pionniers.
Plusieurs sont ici avec nous aujourd'hui. Nous sommes très fiers de ce
que nous avons accompli ensemble. IOC reconnaît que les entreprises, en
commençant par nous-mêmes, ont une responsabilité sociale
très spéciale envers leurs employés et les
communautés où elles ont leurs installations. Cette
responsabilité nous nous en sommes toujours acquittés avec
fierté. Cependant, elle devient encore plus lourde et elle a une plus
grande portée lorsque notre environnement économique national
connaît de graves difficultés. La
reconnaissance de notre responsabilité sociale a
été - et demeure - l'une des préoccupations majeures de
notre compagnie et nous nous sommes toujours acquittés de cette
responsabilité envers nos employés -mon ami, le maire, vous en
parlera amplement et bien de ses collègues - ainsi qu'envers les
communautés et les provinces où nous avions des installations. On
a toujours essayé de le faire d'une façon raisonnable et
honorable.
Ce mémoire dépeint, de façon embryonnaire,
peut-être, les origines de la compagnie et décrit la
manière dont elle s'est acquittée de ses responsabilités,
mais il propose également - c'est peut-être plus important - pour
l'avenir les éléments d'un programme de relance économique
pour Schefferville. C'est le but de cette commission parlementaire et le but
principal de notre présence ici aujourd'hui. Sans aucune subvention des
gouvernements et sans aucune disposition particulière d'une loi fiscale,
la compagnie a fourni le total des capitaux requis, soit environ 313 000 000 $
US, afin d'expédier le minerai brut de Schefferville vers les
marchés. Par son action, la compagnie a créé des milliers
d'emplois pour les Québécois et les Terre-Neuviens et a
facilité l'accès à tout le monde à la
péninsule de l'Ungava, jetant ainsi les bases de la
prospérité économique sans précédent qu'ont
connue le Nouveau-Québec et le Labrador au cours des 25 dernières
années. La contribution faite par notre compagnie présente encore
de nombreuses possibilités et pour de nombreuses années,
même si les installations minières de Schefferville ont du
être fermées.
En 1958, après Schefferville, on a procédé à
une expansion au Labrador -c'étaient presque 400 000 000 $ - et,
ensuite, à une expansion massive au coût de 250 000 000 $ à
Sept-Îles. Donc, en 1970, la compagnie avait établi qu'il
était possible de produire du concentré de boulettes à
partir des réserves de minerai à basse teneur situées dans
cette région. La décision fut donc prise d'utiliser ce produit et
d'accroître les capacités d'enrichissement du minerai de la
compagnie afin de diversifier ses opérations et d'assurer la
rentabilité future du minerai de Schefferville. Il est important de
noter que, si cette décision n'avait pas été prise,
à savoir la décision de procéder à une expansion
des usines à Sept-îles, l'IOC aurait dû fermer ses
installations ici, à Schefferville, vers la fin des années
soixante-dix. Un nouveau complexe d'enrichissement du minerai de fer a
été effectivement construit avec les conséquences que l'on
connaît, des conséquences qui ont affligé notre compagnie,
SIDBEC-Normines, SIDBEC et j'en passe.
Au 31 décembre 1981, afin de vous donner, en deux mots, un
portrait des investissements, ainsi que la dette à long terme de la
compagnie, la compagnie avait investi un total de 1 256 000 000 $ US dans des
installations minières et des usines, ainsi que pour d'autres
immobilisations. De ce montant, 592 000 000 $ US ou 47% de la totalité
ont été directement reliés à l'extraction et
à l'enrichissement du minerai en provenance de Schefferville. Au cours
des douze dernières années, c'étaient des lendemains qui
se succédaient de façon très pénible et le
marché de l'acier international s'effritait avec un taux de croissance
qui était assez pénible pour tout le monde, mais très peu
d'événements ont été aussi néfastes que
l'action concertée des pays membres de l'OPEP, le 1er janvier 1974, pour
contrôler la demande et les prix du pétrole brut, lequel a eu pour
effet une escalable dramatique ou énergétique à travers le
monde. De 1973 jusqu'à l'heure actuelle, par exemple, les prix ont
grimpé chez nous de 425%. Le prix du combustible "bunker see" a
augmenté de 5,57 $ le baril à la fin de 1973 - cela se passe ici
- jusqu'à 29,25 $ à l'heure actuelle, avec une augmentation qui
est prévue de 4,20 $ qui s'en vient en vertu de la politique
fédérale négociée il y a quelque temps. Donc, le
coût total de cette dimension de l'activité, pour nous, a
passé de 18 000 000 $ annuellement, en 1973, à 82 000 000 $ en
1981. Cela vous donne une petite idée de l'escalade des coûts ici,
dans le Grand-Nord.
Il ne fait nul doute que le facteur qui a contribué le plus
à la saturation du marché des boulettes est l'échec de
l'industrie sidérurgique mondiale qui n'a pas réussi à
poursuivre sa croissance afin d'atteindre les taux de production prévus
par l'Institut international du fer et de l'acier dans son manifeste
publié en 1972. Dans cette étude, il était estimé
que la consommation apparente d'acier dans le monde augmenterait jusqu'à
939 000 000 de tonnes métriques en 1980 et, malheureusement, la
consommation d'acier à travers le monde a monté à 720 000
000 de tonnes, donc un "short fall" de l'ordre de 23%. Tout le monde s'est
garroché là-dedans, y compris nous-mêmes avec nos
installations à Sept-îles, le gouvernement du Québec
à Sidbec, une foule d'autres compagnies et États, avec les
conséquences d'un surplus de produits sur le marché. Lorsque
British Steel Corporation, qui est un actionnaire, ici sur la Côte-Nord a
mis la hache dans ses activités le 12 décembre 1980 et, d'un seul
coup, a éliminé 20 000 jobs, c'était un son d'alarme au
niveau européen et international. On le savait déjà. Tout
le monde savait. C'était un secret de polichinelle sur la
Côte-Nord. C'était un secret de polichinelle pour mon ami, le
maire, également que lorsque la production du minerai brut en provenance
de Schefferville baisse de 7 000 000 de tonnes
en 1979 à 2 500 000 de tonnes, il y a quelque chose qui ne
fonctionne pas.
D'autre part, lorsqu'en 1980-1981, on ferme des installations ou on
suspend l'activité des installations à Sept-Îles et que ces
mêmes usines sont alimentées à même le minerai de
Schefferville, il va sans dire que le marché international et notre
marché national sont dans un état extrêmement
périlleux; ce qui était notre cas. Les signes ont
été là pour tout le monde qui voulait écouter et
tout le monde qui voulait lire. Que ce soit sur le plan gouvernemental, sur le
plan de l'industrie, sur le plan syndical, on vit tous d'espoir bien sûr,
on a tous vécu d'espoir, parce qu'il le faut. C'est une dimension
humaine très importante, mais les réalités dures et
quotidiennes étaient devant nous et nous avons diffusé à
qui voulait s'arrêter pour nous écouter et nous croire. J'ai
mentionné moi-même dans un discours important à
Sept-Îles, le 6 novembre 1980, que le marché pour Sept-Îles
ainsi que Schefferville était extrêmement fragile.
Quel exemple plus remarquable que de fermer les récipiendaires du
produit en provenance de Schefferville? Tout cela a eu pour résultat une
demande beaucoup moins élevée pour les boulettes sur le
marché européen. Un marché s'est développé
dans lequel les ventes ne peuvent être faites qu'à des prix
réduits. Vous savez de quoi je parle. Un de nos concurrents, ici sur la
Côte-Nord, subventionné par tous les contribuables, est en train
de vendre ses boulettes à perte, des pertes de 12 $, 18 $ et 20 $ la
tonne sur le marché de l'Europe. Ce n'est pas une critique, c'est une
constatation. Sauf que moi, M. le Président, mon problème, c'est
que je ne peux pas me tourner vers M. Parizeau; je me tourne vers les banquiers
qui aiment un "bottom line" et qui connaissent cela. C'est une
responsabilité lourde, c'est une responsabilité
particulière que l'on rencontre dans l'entreprise privée. Je ne
mets nullement en doute le droit d'un gouvernement quelconque de se donner une
vocation dans un domaine quelconque et de le soutenir, mais je vous demande de
reconnaître que, comme président et chef de la direction de cette
entreprise, je n'ai peut-être pas les mêmes atouts que d'autres.
(13 heures)
En 1979, par exemple, pour vous citer un chiffre, la compagnie a produit
presque 15 000 000 de tonnes de boulettes, on a employé presque 7000
personnes, on a payé des salaires de 183 000 000 $ à nos
employés. Et, par coïncidence, nos achats, cette
année-là, étaient effectivement de 183 000 000 $ aussi. En
1979, on avait des dépenses de capital d'environ 30 000 000 $ et on a
payé 44 400 000 $ en impôts, y compris les taxes de vente, les
impôts miniers, ainsi que les taxes municipales et scolaires. Aucun
dividende n'a été payé en 1979 et aucun dividende n'avait
été payé depuis 1971. Cela faisait presque une
décennie que les actionnaires de cette compagnie n'avaient pas
reçu une "tôle" de l'investissement de 1 200 000 000 $.
Avec votre permission, j'y reviendrai dans quelques minutes, mais il y a
des questions à démystifier. Ou bien nous allons transiger avec
des chiffres à l'appui, des chiffres que les autorités
gouvernementales peuvent examiner à loisir, examiner attentivement et
nous contre-interroger là-dessus, ou bien nous allons traiter avec des
faits ou avec des mythes.
Avec votre collaboration, messieurs, dans quelques minutes, j'aimerais
participer à une petite opération afin de démystifier
certaines des notions profondément erronées qui ont
été colportées à gauche et à droite au sujet
d'une question que soulève mon ami, avec qui j'ai toujours eu des
relations fort amicales et civilisées, M. Perron, lorsqu'on parle des
multinationales; on va parler tantôt des multinationales.
Les actionnaires de HOC ont reçu, en fonds canadiens, au cours de
28 années, 498 000 000 $ sur un investissement de 1 200 000 000 $. Par
contraste, on a payé en impôts, aux municipalités, aux
autorités scolaires, aux provinces et au gouvernement
fédéral, un total d'environ 640 000 000 $ depuis 1955. De plus,
au cours des quinze dernières années - pas depuis le début
de l'exploitation, on va prendre simplement les quinze dernières
années - les impôts sur les revenus retenus à la source,
à même les salaires des employés, se sont chiffrés
à 445 000 000 $. Ces chiffres, bien qu'ils n'incluent pas toutes les
années d'exploitation, totalisent 1 100 000 000 $ qui sont partis de
cette compagnie et de ses employés pour aller directement dans les fonds
publics à Ottawa et à Québec. Alors, j'aurai des questions
à vous poser tout à l'heure: Est-ce que vous pouvez maintenant
nous aider, compte tenu du fait qu'il y a des montants si énormes qui
ont été générés par la compagnie et par nos
employés depuis 25 ans? Et je vais vous demander si ce ne serait pas le
temps peut-être, pour le gouvernement du Québec et pour le
gouvernement canadien, de penser non pas à nous, mais à cette
région et aux pionniers de cette région. Le gouvernement du
Québec, par exemple, a reçu 84 000 000 $ en paiements directs et
134 000 000 $ en impôts retenus sur les salaires des employés
simplement depuis 1967, tandis que les profits en provenance de notre
exploitation au Québec sont extrêmement modestes en comparaison et
je vous en donnerai une illustration tantôt.
Et de plus, MM. les députés, parce que c'est important
pour vous, plusieurs d'entre vous venez, comme moi, comme M. le ministre
Gendron, d'une région éloignée - on
sait ce que c'est, ce n'est pas du nouveau quand tu es né dans un
coin comme celui-ci - outre les montants que j'ai mentionnés, la
compagnie a payé des montants substantiels à la Commission
d'assurance-chômage. On n'a jamais retiré; les
bénéfices n'ont jamais été touchés par la
population locale sur la Côte-Nord. Grosso modo, on paie durant 30 ans
-et on ne retire rien - collectivement, aux régies des accidents du
travail, des programmes de santé et de bien-être, des
régimes de retraite du gouvernement. La compagnie a construit
elle-même et a fait don aux municipalités de nombreuses
institutions sociales, sinon la totalité, dans toutes les régions
où nous fonctionnons. Des hôpitaux, des centres
récréatifs, des hôtels de ville, des écoles, des
systèmes d'égout, des installations de distribution
d'énergie, des pentes de ski, des clubs de golf, et j'en passe.
Et, comme il se doit, à l'Université Laval, à
l'Université de Montréal, à l'Université du
Québec, etc., nous avons fait des dons de millions de dollars au nom de
nos employés à des universités, des organisations
culturelles et des oeuvres de charité.
Les années-hommes de travail directement engendrées au
cours des 20 dernières années ont fourni des traitements
d'environ 1 100 000 000 $ aux employés du Québec, soit à
peu près 60% du total des salaires payés par la compagnie durant
cette même période. Je vous demande de retenir ce chiffre. Il a
une importance capitale pour le gouvernement du Québec. Lui aussi a
reçu, a été directement bénéficiaire d'un
nombre substantiel d'années-hommes dans l'industrie de la construction,
grâce aux chemins de fer, aux installations minières, etc.
Seulement au cours des dix dernières années, la compagnie
a acheté, par le truchement de notre bureau d'achat à
Sept-Îles, sous la responsabilité de mon ami Ouellet, des
marchandises et des services d'une valeur de 2 900 000 000 $. De ce montant, 1
700 000 000 $, soit 57% du total, ont été dépensés
ici au Québec.
Je vous demande également de considérer qu'il y a des
produits très importants, comme le "bunker C" et le bentonite, qu'on ne
peut pas acheter au Québec. Nonobstant ces produits très
importants, 57% de tout notre argent a été dépensés
ici. Il va sans dire que toutes ces dépenses ont contribué
à créer des centaines et des centaines d'autres emplois dans la
petite et moyenne entreprise au Québec et nous en sommes fiers.
Nous croyons que nous avons effectivement - M. le Président, je
m'excuse, M. le ministre Gendron a cité certaines de mes paroles au
début avec raison - cette responsabilité sociale très
définie envers nos employés ainsi qu'envers une ville comme
Schefferville.
La plupart des industries minières possèdent des
installations dans des régions éloignées du Canada. Vous
mentionnez Normétal. J'ai eu le plaisir, M. le ministre, de plaider une
cause une fois à Normétal -cause que j'ai d'ailleurs perdue - et,
effectivement, c'est dans une région extrêmement
éloignée. Alors, la plupart des compagnies se trouvent dans des
régions semblables avec une seule industrie; telle est notre situation,
comme vous le savez, à Schefferville.
Par conséquent, nous sommes d'avis que nos responsabilités
vis-à-vis de nos employés et de la ville de Schefferville doivent
s'étendre bien au-delà des exigences de toute loi existante et de
toute convention collective. On s'acquitte de nos responsabilités. Le
programme suivant - je n'irai pas dans les détails - d'abord pour nos
employés, que j'ai eu l'honneur de mettre de l'avant le 26 janvier, a
reçu des commentaires très favorables de la part de M.
Clément Godbout, directeur pour le Québec du Syndicat des
métallos, ainsi que de plusieurs quotidiens importants du Québec.
Et j'en suis fier également. Parce que c'est une indication du climat et
des saines relations du travail qui, de peine et de misère, sont loin
d'être parfaites et qu'on est en train de développer et qui feront
en sorte que nous sommes en train d'entrer, messieurs les ministres, messieurs
les députés, nous entrons dans notre sixième année
sans avoir perdu une minute de production pour quelque raison que ce soit dans
le domaine des relations du travail. Nous avons avec nos employés, avec
nos syndicats, fait des pas de géant pour civiliser nos relations du
travail.
Ce qui est arrivé, c'est que le 3 novembre, nous avions au total
sur la liste de paie 5549 employés. On va mettre cela dans son contexte.
Le même jour, il y avait 167 employés de la compagnie au travail
à Schefferville. Un "payroll" de 5 500 employés et 167 ici
à Schefferville. De plus, il y avait 449 employés saisonniers qui
avaient été mis à pied depuis 1979, 1980 ou 1981 et, de ce
nombre, 254 avaient été mis à pied durant cette
période. Effectivement, comme M. le maire pourrait vous le dire
très facilement, plusieurs de nos employés saisonniers ont,
depuis belle lurette, élu domicile dans des régions autres que
Schefferville mais, nonobstant cela et nonobstant le fait qu'ils ne
travaillaient pas depuis des années, ils avaient des droits de rappel en
vertu de nos conventions collectives. Dans certains cas, ils ont eu droit
à des bénéfices en vertu de notre programme global
d'indemnité en faveur de tous nos employés.
Ce qu'on a fait d'abord pour les employés: prime de
séparation. 151 employés
qui travaillaient ont reçu une prime en moyenne de 16 400 $, les
autres, jusqu'à concurrence de 6000 $, ont reçu en plus, en
moyenne 2200 $ qui représentaient des bonis de service, etc. Les rentes
de retraite, un programme de logement que vous connaissez parce que
c'était un problème sérieux pour nos employés qui
voulaient rester ici. Que fait-on avec les maisons, avec les logements? Des
logements qu'on louait, disons 50 $ par mois. On a donné les maisons
à nos employés pour 1 $. Des frais de déménagement:
un autre problème sérieux. On s'est entendu avec le gouvernement
fédéral pour ceux qui voulaient, quoi qu'il en soit, quitter
Schef-ferville. Cela a été organisé. L'assurance, les
frais d'hospitalisation et médicaux, les subventions pour l'huile
à chauffage, le transport par l'avion de la compagnie - qui a toujours
été gratuit pour nos employés, selon certains
critères - maintenu jusqu'à la fin de nos activités,
l'assistance à l'emploi.
J'aimerais juste vous mentionner un fait. Retenez donc le montant que je
vous ai mentionné, le chiffre de 167. Mon ami, M. Marois, qui est
responsable pour ce programme, et qui est au courant du prochain point, va en
être fier. Concernant le programme d'assistance d'emploi pour nos
employés, voici ce qui est arrivé: on a fait l'annonce le 3
novembre, n'est-ce-pas? Le 4 février - on n'est pas des lâcheux,
on marche - le 4 février 1983, ici à Scheffer-ville, 417
curriculum vitae avaient été soumis au nom des employés de
Schefferville; 40 entrevues avaient été fixées et
déjà, 27 offres d'emploi avaient été reçues
et 25 formellement acceptées. Dans l'espace de trois ou quatre semaines!
C'est une indication de la grande qualité de notre main-d'oeuvre et
c'est le résultat d'un travail soutenu de la part et du syndicat et de
la compagnie. (13 h 15)
II y a également le comité de reclassement. Il y a des
gens au Québec qui ont tendance à passer sur ces choses bien
rapidement, pour qui des comités de reclassement, ce n'est pas tellement
important. Lorsque nous étions appelés à subir le
même problème à Sept-Îles, le gouvernement du
Québec a consenti à la nomination d'un homme superbe, M. Angelo
Forte, qui est un des grands manitous dans le domaine au Canada; c'est lui qui
a présidé notre comité à Sept-Îles. On a les
résultats. Ce n'était pas nécessairement une bonne
année. Le comité a trouvé des emplois pour 323
employés, sur un total de 476. Avant la fin de l'année 1981, 32
autres employés ont pu profiter des programmes du comité et sont
retournés aux études afin de parfaire leur éducation
technique ou professionnelle.
Il me semble qu'avec les comités qui sont en place et avec
certaines idées nous avons énormément de travail à
faire. Il est à noter que, même en 1980-1981, M. Forte disait que
les mesures financières, ainsi que la collaboration syndicale et
patronale étaient les meilleures qu'il ait jamais vues et que les
mesures financières qu'on avait proposées à
Sept-Îles pour ces employés mis à pied - c'est une citation
- "figurent de loin parmi les plus avantageuses jamais connues au Canada".
C'est comme cela qu'on s'acquitte de notre responsabilité sociale, en
l'absence totale d'une exigence d'une convention collective, d'une part, ou
d'une loi provinciale ou fédérale.
MM. du gouvernement, mes chers amis, nous sommes tous des
Québécois. On sait de plus en plus et depuis quelque temps qu'il
est extrêmement difficile, sinon impossible, de plaire à tous en
tout temps dans notre chère province, de nos jours. Cette compagnie a
essayé, d'une façon responsable, de mettre de l'avant pour ses
employés un programme global d'avantages sociaux que nous croyons
être utile, généreux et équitable.
Je vous souligne en passant un problème très
sérieux où vous pouvez nous être d'une utilité
remarquable. C'est la décision par le gouvernement
fédéral, le 2 décembre, d'imposer les
bénéfices dans les régions nordiques - M. le maire en a
parlé -les différents bénéfices que cela prend pour
attirer du bon monde ici et le garder ici. Le gouvernement
fédéral se propose de les taxer. Il y a un mémoire que
nous allons vous distribuer après, mais on a besoin de votre aide. Je le
dis sur une base strictement non partisane. On a besoin de l'aide de tout le
monde parce que c'est un instrument absolument indispensable pour nous tous
afin de continuer le programme de relance parce qu'il y a des
éléments importants qui s'en viennent là-dedans.
Je vous demande de lire notre mémoire supplémentaire que
nous allons vous soumettre sur cette question et d'intervenir au plus sacrant
avec nous et le Syndicat des métallos, avec qui nous avons toujours
collaboré là-dedans à cette fin.
Le Président (M. Bordeleau): M.
Mulroney, je veux vous indiquer que vous avez dépassé les
20 minutes. Je ne voulais pas vous interrompre au cours de votre
mémoire, mais je vous demanderais de conclure.
M. Mulroney: Mon Dieu! je m'enlignais pour les recommandations,
mais, si vous permettez, on va faire un règlement là-dedans. J'ai
quelques petits graphiques à vous montrer et je tombe directement dans
les conclusions. Est-ce que cela vous convient?
Le Président (M. Bordeleau): Y a-t-il consentement?
M. Mulroney: Ce sont des
recommandations importantes. Je vais passer rapidement sur cela, mais
c'est important pour tout le monde. Je vous demande de l'examiner et on va
également vous montrer... Avec votre permission, on va le disposer en
arrière pour que tout le monde puisse le voir. C'est le rendement sur un
investissement... de la compagnie pris le 31 décembre 1953.
Les investissements directs des actionnaires de la compagnie, c'est 427
000 000 $. La moyenne a toujours été, depuis le début, de
250 000 000 $. Les investissements des actionnaires, c'est le capital-actions,
les surplus versés, les bénéfices non répartis, les
débentures et avances de fonds au 31 décembre de chaque
année. Le rendement, d'après la définition
généralement acceptée, c'est les dividendes et
intérêts payés durant l'année, et le taux de
rendement, c'est le facteur normal.
Alors, le rendement sur l'investissement direct, l'avoir des
actionnaires de la compagnie, c'est le taux de rendement: 1%, 1%, 8%, 8%, 8%,
10%, moins que 1% en 1971, moins que 1%, 1%, 1%, 1%, 1%, 1%, 19% - c'est
à peu près à ce moment que je suis arrivé dans le
portrait - et 21%. On passe immédiatement à un autre tableau.
Jean-Pierre, si tu veux bien. J'aimerais vous le montrer. Nous avons les
feuilles dans le mémoire.
M. Fortier: Oui, merci.
Le Président (M. Bordeleau): L'annexe a déjà
été distribuée.
M. Mulroney: Maintenant, M. le Président, nous avons un
tableau qui indique le rendement sur l'ensemble des actifs. C'est non seulement
l'avoir des actionnaires, mais la dette à long terme qui a
été contractée. Quand on a bâti, par exemple,
à Sept-Îles, les 225 000 000 $ ou 250 000 000 $, c'était
une dette à long terme à part une fusion de capital. C'est ce qui
est arrivé dans la compagnie quant au rendement sur l'ensemble des
actifs. Vous voyez 9%, 4%, 1%, - 0,5%, - 0,1%, 2,2%, 4,9%, 0%, 10,3%, 9%, 11%.
Donc, le rendement moyen sur l'ensemble des actifs depuis 1954 est de 4,1%.
Maintenant, tout le monde ici sait fort bien qu'un tel rendement n'a jamais
rejoint même le taux d'inflation. Rares sont ceux, ici, qui auraient
gardé leur argent dans une compagnie avec un rendement si modeste. Les
actionnaires l'ont fait. Et ils ont fait bien plus que cela, comme nous allons
le voir avec le prochain tableau.
M. le Président, tout le monde aime cela parler des dividendes,
parce que les dividendes, c'est à ce moment-là que les
actionnaires retirent. M. le maire a parlé avec raison, tantôt, de
son inquiétude devant les avoirs de nos employés investis dans
la
Fédération des caisses d'entraide économique. C'est
important, pour quelqu'un qui travaille fort, que son argent puisse avoir un
retour; alors que le taux d'intérêt est de 12%, 13% ou 14%, qu'il
retire au moins cela dans un placement, ou des dividendes.
Voici les dividendes qui ont été payés aux
actionnaires de la compagnie. En 1954, 0; en 1955, 0; en 1956, 0; en 1957, 0;
en 1958, 0; en 1959, 0; zéro, zéro. On arrive en 1972, vous avez
une période de neuf ans où c'est zéro, zéro, et un
gros zéro. Or, cela fait 16 ans, dans l'histoire de la compagnie, que
les actionnaires n'ont pas reçu un cent de dividende.
Prenons l'exemple suivant: nous avons, ici, des amis qui, supposons, ont
5 actions de Provigo et 20 actions de la Banque Nationale; il me semble
qu'après une certaine période on dise: On aime bien Provigo, mais
Provigo ne paie pas. On va vendre nos actions. Cela, messieurs, c'est sur un
investissement de 1 200 000 000 $. On a commencé à faire de
l'argent - et M. le maire en sait quelque chose - lorsqu'on a commencé
à civiliser les relations du travail dans la compagnie qui avaient
été arrêtées 59 fois dans les neuf ans qui ont
précédé 1978.
Or, cela représente un retour d'à peu près 10% ou
11%. Vous voyez un portrait très peu reluisant. Je vous demande une
faveur, messieurs. Lorsque vous retournerez à Québec, au
Parlement et que vos collègues vous parleront des multinationales qui
ont saigné la Côte-Nord, demandez-leur donc si c'est un fait ou si
c'est un autre mythe qu'ils sont en train de propager. Si le gouvernement du
Québec veut attirer l'industrie et la création d'emplois il n'y a
qu'une façon de le faire, c'est d'être au courant des faits et de
créer un climat qui nous permettra à tous d'en profiter.
Un dernier point, avec votre permission. "Last ticket again". C'est
important surtout pour certains d'entre vous parce que nous sommes ici en
commission parlementaire, mais le problème est bien plus profond que
cela, il est extrêmement profond. Est-ce qu'on veut une politique de
cataplasme ou est-ce qu'on veut regarder le problème de façon
sérieuse?
Prenons notre meilleure année, 1981. Quand je suis arrivé,
j'avais fixé comme objectif pour la compagnie un retour de 10% sur
l'actif et pour la première fois, après trois ou quatre ans de
travail, on l'a rejoint en 1981 si je ne m'abuse. C'est ce que cela voulait
dire un profit net réel de l'IOC, des boulettes vendues au prix du Lake
Erie 104 000 000 $. Qu'est-ce qu'on a fait avec? D'abord on a réussi
l'objectif de 10% qui n'est pas abusif. J'ai pris un montant important
là-dessus pour le distribuer aux employés d'une foule de
façons, y compris des contributions directes parce que c'était le
première fois dans l'histoire de la
compagnie qu'on avait atteint cet objectif.
Ceci étant dit, messieurs les députés, voici les
faits. C'est une bonne année, je ne chiâle pas, je pense que tout
le monde était heureux. Mais d'où est réellement venu le
problème au Canada et au Québec? C'est d'une productivité
décroissante qui est en train de miner notre structure de base
économique. Chez nous aussi. Voici la dimension artificielle de nos
propres opérations.
On aura subi une perte nette pour cette même année, si on
n'avait pas été favorisé par le "lower Lake Erie price".
Si on avait été dans la même situation que SIDBEC-Normines
dans cette bonne année, on aurait perdu presque 12 000 000 $ au lieu de
cela.
Cela veut dire qu'en Amérique du Nord ils veulent payer le "lower
Lake Erie price", ce n'est pas moi qui leur dira de garder leur argent. On a
pris l'argent pour nos boulettes. La perte nette de la compagnie, dans notre
meilleure année, calculée sur les boulettes vendues au prix
mondial, avec le dollar canadien au pair, aurait été de 76 000
000 $.
Qu'est-ce qu'on fait ici, dans le Grand-Nord, si demain ou dans six mois
le dollar canadien monte à 100 cents la piastre? On est cuit parce que
nous vivons dans un monde artificiel où il n'y a aucun lien entre la
productivité accrue. C'est cela, M. le Président, je ne
blâme personne, tout le monde a travaillé fort, tout le monde a
pédalé là-dedans et cela a donné un bon
résultat. Mais le résultat réel était cela. Nous
avons une obligation collective, nous tous ici au Québec, en
commençant ici au Québec, de hausser notre productivité.
Sans cela, on en arrive où nous en sommes. (13 h 30)
Je ne veux pas, M. le Président, abuser de votre
hospitalilté. Mais vous me permettrez un commentaire, en terminant, sur
un "last shot". J'ai juste un petit diagramme à vous donner et je veux
vous le montrer. Écoutez, j'ai des gars qui ont travaillé sur
cela et, si je ne le montre pas, ils vont chiâler.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord, ce sera donc le
deuxième dernier, M. Mulroney.
M. Mulroney: Non, pas celui-là. Donnez-moi le dernier.
Vous voyez, on en enlève un. Mais celui-là va être le
dernier.
Je vous ai mentionné, M. le Président, que nous sommes une
compagnie qui fait affaires au Québec et au Labrador. Nous avons
relevé pour vous les chiffres et j'ai donné des directives
à notre service financier de faire la ségrégation des
profits par province. J'ai commencé en 1962 parce que c'est là
où le Labrador a commencé. Vous avez le portrait global et
précis des revenus de la Compagnie minière IOC: 515 000 000 $
qu'on a faits en 20 ans. On a fait 515 000 000 $; de ce montant, 493 000 000 $
ont été faits au Labrador, 22 650 000 $ ont été
faits ici au Québec. "There is a lesson for somebody somewhere." Il y a
quelque chose qui ne marche pas dans notre patente, n'est-ce-pas? C'est cela
qui est arrivé. J'attire votre attention juste sur une chose. Ajoutez,
M. le Président, au montant de 22 000 000 $ que vous voyez, un autre
montant de 24 000 000 $ juste ici; cela représente les profits au
Québec de 1954 à 1962 et vous avez un montant inférieur
à 50 000 000 $ de profits à même nos opérations
québécoises où nous avons investi 575 000 000 $, où
60% de nos achats sont faits et où 70% de nos employés restent.
Maintenant - je pense que c'est important - est-ce que, d'après vous,
c'est le comportement d'une soi-disant multinationale qui a abusé de qui
que ce soit ou d'un territoire quelconque ou de ses employés ou de ses
régions? J'espère que vous conviendrez avec moi, M. le
Président, que c'est un retour non seulement modeste -parce que cela
représente 4,7% depuis le début - c'est non seulement modeste,
mais c'est parfois gênant. Je n'ai pas... C'est la dernière
diapositive. J'aurai tout simplement quelques commentaires de conclusion, si
vous me le permettez.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, des recommandations?
Conclusions-recommandations?
M. Mulroney: Seulement des recommandations.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord. Est-ce que vous
pouvez faire cela en quelques minutes?
M. Mulroney: Est-ce que vous me donnez cinq minutes et je
termine?
Le Président (M. Bordeleau): D'accord pour cinq
minutes.
M. Mulroney: D'accord. D'abord on vous signale qu'on a entrepris
un programme d'exploration de minerai non ferreux dans la région avec un
succès très impressionnant. Ce sont des possibilités
importantes et M. Geren pourra vous en faire part de façon plus
précise. C'est à Strange Lake et ces gisements sont ceux qui
présentent le plus de promesses dans toutes nos opérations.
Depuis ce temps, on a dépensé 3,5 millions de dollars dans la
région de Strange Lake, y compris les forages, etc. De vastes
quantités de minerai à basse teneur ont été
identifiées et une très grande partie reste à
explorer.
Les métaux d'intérêt économique que
nous croyons pouvoir récupérer dans cette région
sont le columbium, le tantale, le zirconium, le béryllium, l'yttrium et
les terres rares. On les appelle généralement les métaux
stratégiques. Nous croyons que le gisement du lac Strange est
probablement l'une des plus vastes sources possibles d'yttrium et de zirconium
au monde. C'est de plus en plus important.
Nous allons dépenser cette année, M. le Président,
1 700 000 $ de plus pour finir le "firm up" de tout ce projet. Il y a deux
autres projets conjoints, non loin d'ici, avec la collaboration, très
généreuse d'ailleurs, du ministère de l'Énergie et
des Ressources du Québec. J'en parle dans le mémoire et je pense
que cela mérite votre attention.
Nous avons des recommandations précises et, dans tous les cas, il
y a un "back up" où je vous ai donné les communications
écrites avec Lalonde, MacEachen et tout le monde. Cela entre en ligne de
compte ici. Nous proposons l'établissement d'un centre
d'entraînement militaire pour les Forces armées canadiennes ou les
troupes de l'OTAN. On demande au ministère de la Justice du
Québec et au Solliciteur général d'examiner
l'établissement d'un centre de correction. On vous invite à
analyser la possibilité d'un centre de recherche nordique. C'est bien
important. J'ai communiqué avec l'ambassadeur russe et on a
rencontré des Russes. Ils ont des villes dans le nord de la Russie avec
250 000 et 300 000 habitants et toutes sortes de recherches et de
développements. Avec le virage technologique qui a été
mentionné, dans le volume de Bernard Landry, il me semble que ce serait
une possibilité extraordinaire pour nous d'avoir ce genre d'instrument
ici.
On voudrait que vous examiniez, chers amis, l'établissement d'un
institut de recherches sur les mines et métaux ici au Québec. Et
pour le tourisme, quelles opportunités extraordinairesl Tout le monde
à Montréal est en train de chialer parce qu'il n'y a pas de neige
au mont Tremblant. Les Américains sont rendus sur la rue Sherbrooke avec
leurs skis. Il n'y a pas de neige et nous avons de la neige qui nous sort par
les oreilles. Tout ce dont on a besoin, c'est de la collaboration
fédérale et provinciale, une grosse campagne de publicité
et les gens de Schefferville vont faire la passe, je vous le garantis. Des
skieurs, ça dépense de l'argent, comme les chasseurs. Il y a une
possibilité remarquable, ici, dans ce domaine.
M. Marois a signé avec son collègue, M. Axworthy, un
programme très important pour la formation de la main-d'oeuvre. Vous
êtes sur la bonne voie, M. le ministre. C'est cela, à mon avis, le
défi des années quatre-vingts. On vous demande ceci: Dans ce
vaste programme de formation de la main-d'oeuvre serait-il possible - on va
vous donner toutes les installations que nous avons ici; nous avons des
instructeurs qualifiés; on vous donne l'infrastructure - de
créer, pour les régions nordiques et toute cette vaste
région de la Côte-Nord, un centre de formation, ici, à
Schefferville? Il me semble que cela mérite peut-être votre
attention.
J'ai rencontré M. Mackenzie, le chef des Montagnais. Je l'ai vu
encore en arrière; on s'est parlé tantôt. M. Mackenzie a
des idées très intéressantes pour le développement
dans son domaine, qu'on vous demande d'examiner. Un parc national, mais c'est
de toute beauté comme possibilité! Vous allez convaincre vos
collègues à Ottawa de faire une désignation. Maintenant,
on appelle cela un "wilderness area" ou un parc national. Il y a des
possibilités vraiment attrayantes dans ce domaine.
Alors, je conclus de la façon suivante, M. le Président,
et je vous laisse là-dessus. Je pense que, pour cette commission, il y a
des principes de base qui devraient nous gouverner, nous les compagnies, et
tout le monde, et je m'explique. Les régions nordiques, ce n'est pas
facile. Le maire en a parlé avec sympathie, avec compréhension.
Voici certaines propositions que je vous demanderais d'examiner. À
l'avenir, il faudrait que l'employeur principal - parce qu'il y a des
programmes à moyen et à court termes qu'on peut régler
ensemble -s'engage envers le gouvernement à un certain degré de
diversification continue dès le début d'une exploitation.
Deuxièmement, il faudrait que les gouvernements s'engagent à
rendre à ces communautés un modeste pourcentage des revenus
d'impôts qu'ils en retirent, lequel serait utilisé pour promouvoir
le développement. Les sommes dépensées par le gouvernement
du Canada et celui du Québec dans la région de Schefferville au
cours du dernier quart de siècle sont absolument minimes, pour ne pas
dire dérisoires et ne semblent pas refléter un engagement
sérieux envers la région ou une compréhension des
problèmes des habitants.
Il nous faut des politiques fiscales humaines. On demande qu'elles
soient instituées envers des individus mais surtout envers
également la petite et moyenne entreprise qui est tout de même
l'épine dorsale d'une économie régionale
diversifiée, afin d'inciter des gars, des employés de talent
à venir et y demeurer.
Le point que je vous ai mentionné sur la fiscalité
tantôt, avec le budget qui s'en vient, vous pourriez encore nous
être d'une grande utilité là-dedans. Pour les questions
fondamentales de politique publique, telles que le transport,
l'éducation supérieure et les télécommunications,
on est toujours oublié, dans le Grand-Nord. Cela coûte 391 $,
Montréal-Schefferville, 1400 milles et cela coûte 60 $ de plus
pour faire l'aller et retour à Vancouver, 4700 milles. C'est cela
le problème. Le gouvernement prend l'argent. On est effectivement
oublié comme groupe ici. On demande votre compréhension. Je pense
que cela fera une loi de base, une loi qui permettra à tous les
employés, qui assurera que tous les employés soient
traités équitablement et qu'un avis soit exigé longtemps
à l'avance afin de minimiser les effets d'une fermeture.
Messieurs, j'ai été un peu trop long, je m'en excuse. Il y
a d'autres idées qui sont contenues dans les documents connexes. Je vous
remercie bien sincèrement de votre attention et soyez assurés de
la collaboration active de notre compagnie dans toutes vos initiatives. Merci
de votre présence et merci à vous tous.
Le Président (M. Bordeleau): Merci M. Mulroney. La
commission va suspendre ses travaux pour l'heure du dîner en continuant
avec une période de questions, un échange entre les
parlementaires. On suspendra donc jusqu'à 15 heures et j'espère
que vous pourrez de nouveau être avec nous à 15 heures. Merci.
(Suspension de la séance à 13 h 43)
(Reprise de la séance à 15 h 03)
Le Président (M. Bordeleau): Mesdames, messieurs, la
commission parlementaire de la présidence du conseil et de la
constitution reprend ses travaux. À la suspension, nous avions
commencé la période de questions, d'échanges avec les
représentants de l'Iron Ore et les parlementaires. Je voudrais rappeler
ceci à tous les gens; ce matin, il semble qu'on a eu des petits
problèmes d'audition vers le fond de la salle. Tous les gens qui veulent
prendre la parole voudront bien parler dans le micro, ce qui va faciliter la
tâche. Je rappelle aussi que le temps est toujours précieux. Alors
je demanderais à tout le monde d'être le plus concis possible dans
les questions et réponses. M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Duhaime: M. le Président, mes premiers mots seront pour
remercier le président de l'IOC pour j'allais dire la courte
présentation qui a été faite ce matin. Je vais, bien
sûr, avoir quelques questions à poser. Je voudrais faire,
cependant, quelques remarques préliminaires.
La première chose que je devrais dire, M. le Président,
c'est que nous avons entendu un long exposé, bien documenté c'est
certain, par quelqu'un qui très certainement a des talents
évidents pour devenir parlementaire.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Duhaime: Si cela peut en rassurer quelques-uns,
peut-être même le premier intéressé, j'ai une
réaction bien personnelle. Je dois ajouter, M. le Président, que
vous avez manifesté une complaisance, je dirais, quant au nombre de
minutes utilisées par le président de l'IOC, ce qui est contraire
aux règles normales de fonctionnement de notre commission.
Je voudrais, M. le Président...
M. Fortier: Sans faire de politique.
M. Duhaime: ...très brièvement dire que j'ai
personnellement écouté avec énormément d'attention
et beaucoup d'intérêt les chiffres qui ont été
avancés et, plus particulièrement, les tableaux. Je voudrais
peut-être, non pas que je sois mieux placé pour faire état
des niveaux d'expéditions de l'IOC des années passées,
mais peut-être, à partir d'une affirmation qui a été
faite par M. Mulroney ce matin, il se dégage de ma compréhension,
et de façon très claire, que de 1972 à 1978 inclusivement
il n'y a pas eu de dividendes ou de retour aux actionnaires d'IOC.
Par ailleurs, si on jette un bref regard sur les niveaux
d'expéditions pour les années 1975 à 1978 en moyenne, on
est autour de 3 500 000 tonnes de minerai. En 1979, un peu plus, 4 000 000. Je
ne parle pas de la production, bien sûr, je parle des expéditions.
On se situe ensuite, en 1980 et 1981, autour de 3 300 000, 3 200 000
respectivement.
C'est là-dessus que portera ma question à M. Mulroney.
Vous avez dit, dans votre intervention, que vous avez fait un effort sur le
plan de l'administration et de la gestion de votre compagnie; que vous
étiez, bien sûr, aussi satisfait de la réaction qui a
été constatée de la part des travailleurs de votre
compagnie, puisque sur des niveaux d'expéditions bien inférieurs
à ce qui avait été constaté dans les années
cinquante, soixante ou même au début de la décennie
soixante-dix, des profits se sont dégagés. Et, dans le même
temps, sur le plan nord-américain et sur le plan mondial, nous vivions
une détérioration du marché.
Votre production ayant été ralentie en 1979, 1980, 1981
et, bien sûr, 1982, mais, durant ces trois années, 1979, 1980 et
1981, il y a eu un retour sur l'investissement, il y a eu des profits, des
dividendes. Je dois avouer que c'est avec surprise que la décision de
votre compagnie a été reçue et avec surprise
également qu'elle a été annoncée, je crois. Je
voudrais vous entendre là-dessus de façon un peu plus
explicite.
Comme deuxième chose, je voudrais peut-être situer, M. le
Président, le cadre de travail que nous nous sommes fixé, du
moins de ce côté-ci, dans la poursuite des travaux de cette
commission parlementaire. Nous ne sommes pas ici pour faire le procès de
quiconque, nous ne sommes pas ici pour
tenter de porter un jugement. Je pense que nous sommes ici, dans un
premier temps - et c'était la première démarche que j'ai
faite moi-même en proposant au Conseil des ministres de tenir cette
commission parlementaire dès l'année dernière - pour
recevoir les points de vue de chacun. C'est très important pour
nous.
Je dirai que ce matin - je ne peux pas faire autrement que revenir
là-dessus - à l'ouverture des travaux de notre commission, nous
avons eu droit à ce que j'appellerais une charge de cavalerie du
côté libéral. J'aurais souhaité, bien sûr,
intervenir tout de suite. Mais je voudrais dire essentiellement ceci. Le Parti
libéral du Québec voudrait que l'on agisse très
rapidement, peut-être même avant les événements. Je
voudrais mettre deux dossiers sur la table pour sa propre réflexion.
Hier après-midi, nous étions à Port-Cartier, devant ce que
j'appellerais, le désastre national de ITT-Rayonier. Cela fait partie du
bilan libéral des années 1970.
Je pense aussi que, indirectement, M. Mulroney a touché à
ce problème, ce matin. Car on ne peut pas parler de la situation du
minerai de fer au Québec, du boulettage, sans parler de SIDBEC-Normines
et des décisions du Parti libéral d'engager des fonds publics
dans SIDBEC-Normines, pour un montant d'environ 300 000 000 $ et qui nous
coûte aujourd'hui, bon an mal an, en pure perte, avec des contrats mal
faits, mal foutus, n'importe quoi autour de 50 000 000 $ à 60 000 000 $
par année.
Ces gestes, derrière nous, au cours des années
récentes, nous ont amenés à être prudents dans nos
interventions. D'autant plus que notre gouvernement a été le
premier à écrire, noir sur blanc, dans un document qui
était un énoncé de politique économique.
Malgré tout ce qu'on pourra dire à l'Assemblée nationale
ou ailleurs, prétendant que nous sommes des lecteurs assidus de Karl
Marx ou autres disciples, c'est avec fierté, M. le Président, que
je m'identifie, moi-même, comme étant peut-être
d'avant-garde mais modestement social-démocrate.
Notre parti et notre gouvernement n'ont jamais eu l'intention de mettre
la main sur les moyens de production nationale. Quand des libéraux, qui
souscrivent à la thèse du libéralisme économique
sur ce continent, nous harcèlent et poussent notre gouvernement et notre
parti à intervenir dans les mines, à intervenir dans le secteur
manufacturier, à intervenir un peu partout, je me dis, ou bien je n'ai
pas lu le bon programme du côté libéral, ou bien il y a des
virages qui se font de l'autre côté.
Nous avons, comme attitude générale, et je la
répète aujourd'hui parce que cela pourrait être utile pour
la bonne compréhension de nos travaux, le soutien aux entreprises, le
soutien au développement économique, cela ne signifie pas "le
faire à la place de". La Papeterie d'Amos n'aurait jamais produit une
seule tonne de papier journal sans une association avec une de nos
sociétés d'État. Il est évident aussi que le groupe
de la Société générale de financement, qui fait des
profits, n'aurait pas pu aider les entreprises et beaucoup de nos
régions du Québec sans une décision politique.
Ce qui me frappe, M. le Président, puisqu'on en parle, la seule
société d'État, qui fait actuellement de lourdes pertes,
est SIDBEC. Les pertes de SIDBEC seraient beaucoup moins lourdes si nous
n'étions pas liés de la même manière que les
actionnaires d'IOC sont liés entre eux, sur un prix artificiel pour
payer le prix de la tonne de boulettes. Je pense que n'importe qui, qui
connaît l'ABC du dossier du fer au Québec, et de la boulette et de
SIDBEC, va être d'accord là-dessus.
Cela dit, M. le Président, ce sera peut-être le
deuxième volet d'une question que je voudrais adresser à M.
Mulroney. Je ne veux pas revenir, parce que cela m'est absolument impossible,
sur l'heure qui a été consacrée, ce matin, à
l'exposé, mais vous me permettrez, M. le président, de vous dire
que vous avez beaucoup parlé du passé. Vous avez brossé un
tableau financier qui fait état d'une situation de votre groupe. Je
serais très intéressé, et la population de Scheffer-ville
aussi, à vous entendre davantage nous parler de l'avenir. Vous avez
évoqué le développement de Strange Lake. Et là, je
vais répondre à l'appel du... Des projets de développement
auxquels notre gouvernement pourrait s'associer, mais dans une perspective de
développement et de création d'emplois.
Nous avons développé cette attitude de calculer nos
risques et d'investir aussi. Quand nous avons pris cette décision
d'aller de l'avant avec le groupe Pechiney Ugine Kuhlman pour implanter au
Québec une grande aluminerie de taille mondiale, nous sommes aussi, dans
ce dossier, en train d'évaluer les risques. Il est bien certain que nous
ne refuserons pas, je dirais, d'innover, ou encore, de briser avec certaines
traditions, comme nous l'avons fait dans le secteur de l'aluminium entre
autres, après de longues et de dures discussions avec le groupe
Reynolds, en venir à une entente qui, sur le plan d'une tarification
hydroélectrique et des garanties d'approvisionnements à long
terme et quant au prix, à inciter cette compagnie à
décider d'investir 500 000 000 $ à Baie-Comeau. C'est
peut-être sur ces actes que j'aimerais recevoir, de votre
côté, un éclairage portant essentiellement, non pas sur
l'avenir, en parlant de juin 1983, mais en parlant de l'avenir à moyen
et à long terme.
Et, enfin, une dernière question, M. le Président, si vous
me le permettez. Si mes
chiffres sont exacts, la production, ou plutôt le total des
expéditions de votre groupe en 1982, est descendu à un
échelon inférieur à 2 000 000 de tonnes: 1 700 000 pour
1982. Est-ce qu'il serait possible d'envisager et, est-ce que c'est
réaliste d'espérer encore, qu'un palier d'expédition de 3
000 000 de tonnes pourrait éventuellement être recouvré
d'ici un, deux, ou trois ans, en fonction de l'évolution du
marché? Parce que, si tel était le cas, à partir du moment
où les expéditions ont atteint 3 000 000 de tonnes - si je me
réfère aux chiffres de 1979, 1980 et 1981 - il y a un retour sur
l'investissement, toutes choses étant égales, bien sûr, il
y a des profits pour les actionnaires, etc. Et il y a de l'emploi pour tout le
monde. Cela serait ma dernière question.
Le Président (M. Bordeleau) Merci M. le ministre. M.
Mulroney.
M. Mulroney: M. le ministre, d'abord, je me dois de vous dire
avec respect que vous me placez dans une situation un peu délicate,
n'est-ce-pas? Il y a dans votre question des implications politiques et Dieu
sait que cela me gêne, des questions politiques. Mais, avec cette
réserve, en prenant votre dernière question en premier, oui, il y
a un avenir. Il y a des ventes très modestes, possiblement, pour le
minerai de Schefferville, surtout dans le bout de Sparrows Point aux
États-Unis et de la côte est des États-Unis. Très
modestes. Mais nous, on ne peut pas fonctionner et cela c'est une situation
dans un état de déclin constant.
Il se peut que ce qu'on appelle un "contract minor", un "jobbeur" dans
le domaine minier, qui prendrait les concessions sans nécessairement les
conventions collectives, parce qu'elles sont extrêmement lourdes, puisse
opérer "kif-kif". Mais nous ou n'importe quelle autre compagnie, on
croit sincèrement ne pas être en mesure de le faire. Et ceci, M.
le ministre, à cause d'un développement comme vous savez - parce
que je pense que vous connaissez ce phénomène - c'est le minerai
en provenance du Brésil. Le phénomène de 1965 à
1975, c'était la venue sur les marchés internationaux du
Brésil où, comme vous le savez, le gouvernement du Brésil
qui a maintenant une dette extérieure de 93 000 000 000 $
américains, se sert de ses richesses naturelles comme d'un instrument de
taux d'échance sur le marché international. Le gouvernement
brésilien peut développer et développe des gisements
absolument énormes à n'importe quel coût pour vendre le
minerai en Europe, en Chine, en Amérique du Nord, à travers le
monde pour obtenir des dollars américains coûte que coûte,
pour les réintégrer au pays pour ensuite payer pour une
importation pétrolière qui est à peu près 70% de
ses importations.
Face à une vocation gouvernementale brésilienne, c'est
là que Schefferville est directement frappée et terrassée,
par une concurrence... Lorsque nous étions étudiants en droit, on
nous soulignait des causes de ce qu'on appelait la concurrence déloyale.
C'est un peu cela en ce qui concerne ce point. Possiblement, un "contract
miner" pourrait sortir un million de tonnes et le "pedler" quelque part, mais
comme projet à long terme, je préfère retenir votre
première question, Strange Lake, ainsi que les deux autres points que
nous avons mentionnés comme possibilité directe dans notre
mémoire.
J'aime bien l'idée que vous mentionnez, d'examiner ensemble un
degré de collaboration entre le gouvernement et nous, ou d'autres, dans
cette région ici. Il y a trois points que nous avons soumis dans notre
mémoire. J'entrerais dans les détails, mais pourquoi le faire,
alors que j'ai à mes côtés Richard Geren, qui est un grand
géologue canadien, qui est avec la compagnie depuis ses débuts,
qui a commencé ici et qui a fait lui-même dans ses
premières années l'exploration, dans ce coin.
Avec votre permission, je demanderais à M. Geren de faire un tour
d'horizon sur les trois dimensions de ces possibilités de
développement minier, ainsi que les produits qui en
découlent.
Le Président (M. Bordeleau): M. Geren, en approchant le
micro.
M. Geren (Richard): Mr. Minister, to be sure I say things
correctly, I will have to speak in English.
Strange Lake is the manifestation of our company's preview or what was
going to happen at Schefferville back in 1979. At that time, we had done enough
other studies on the future of Schefferville to realize that it was a very
tenuous situation. Because we did not wish to walk away from any further
potential in the area, simply because of the vast amount of infrastructure that
had been invested to develop and exploit the Iron Ore deposits, we got the
company's permission to embark on an exploration program preferable to the
railway and preferable to Schefferville in hopes that that infrastructure would
serve some other projects. We were very fortunate that at same time, there were
certain works had been done by the Government of of New Foundland which
encouraged us to go into this area, 155 miles north-east of Schefferville and
look at the rocks in that area. We found a very unique assemblage of rocks
which there is nothing like it anywhere in the world. These rocks are generally
described as alkali intrusive rocks. They contained a great variety of metals,
many of which are assuming very great importance in
today's economy, particularly with respect to high technology and with
respect to defence. Beryllium in particular is one of the minerals that is in
extreme short supply and we are fortunate enough to have in Strange Lake a
mineral that has been only once discovered elsewhere in the world and
identified. Fortunately, that mineral is soluble in acid and we can recover the
beryllium from that mineral quite successfully today, at a concentration that
would allow us to sell that at 40 $ a pound.
Our work at Strange Lake, all of the money that Brian said we had spent
there, the 3 500 000 $ were spent in the field to prod up an ore reserve which
we estimate is adequate for 50 years of mining. What we have yet to do and
determine is the metallurgical results; we have to demonstrate what recoveries
we can obtain and what purity of the various outsides we can recover. But on a
conservative basis, we think that this deposit has a recoverable value. Just
the higher grade portion of it that we have out lined is in the order of 6 000
000 000 $. Naturally, we are anxious to complete our work and get on with it
because we think it has every chance of being a viable operation.
The other metals there, that are recoverable, are the zirconium -
undoubtedly, this is the largest known deposit of zirconium in the world -
yttrium, which is what they use a lot of in the phosphors in the fluorescent
lights. It is also probably on an order as large as anything in the world. So
this is a tremendous find and, more importantly, it shows the potential for
some of the areas out there that have not been adequately explored to date. In
our continued efforts to explore, we came up, on the West side of the trough,
with the discovery of three large masses of nepheline cyanite. Nepheline
cyanite, probably 50 years from now, will undoubtedly be the source of most of
the aluminium that Canada and any industrial nation would need.
Today, 100% of the aluminium that is manufactured, produced in Russia,
the Soviet Union, is produced from nepheline cyanite and it is produced because
they had the combination of cheap power and a lot of people and they have a big
industrial demand for the other products that they can produce as they produce
the aluminium. They can produce potash, which they need for their agriculture;
they can produce cement and they can produce soda ash. And all these have very
great and constant industrial use.
We have asked the Québec Government to look at this jointly with
us; we are quite willing to look at it because today there is a nepheline
cyanite deposit being worked above the Arctic Circle, in Norway, and it is a
viable proposition. I would question that this would be something that would be
viable today but with Bay James and the tremendous power potential there, I
think someone should at least sharpen the pencil and take a look at it. (15 h
30)
The third initiative that we are concerned with is also one that we have
been collaborating with the Québec Department of Mines, at the centre de
recherche, and this is the recovery of manganese. It is probably the most
strategic of metals that North America is void of. Virtually all the manganese
that is required for the steel industry is imported into the United States,
about 98%, from South Africa, Turkey and South America. We have vast quantities
of material here - we have known about it for years - that have probably, if we
are doing it selectively, in the range of 8% manganese along with the iron, and
we believe that under the conditions that exist now - this being such a
strategic metal from the standpoint of defense - we can work with the
provincial Government here to look at the possibility of discovering possibly
better grade manganese deposits or process the material that we have and
recover selectively the manganese in a form in which it can be used.
Now, we are carrying out our geological work in the area and there is no
question in my mind that there is a lot of potential out there. I believe you
people last year completed a very comprehensive geochemical reconnaissance type
survey extending from East of Schefferville right North to the Strange Lake ore
deposit and we are going to be very interested in seeing the results of that
work.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre de
l'Énergie et des Ressources.
M. Duhaime: Merci, M. Geren. Je ne veux pas revenir sur les
détails de chacun des trois projets. Je voudrais peut-être
revenir, cependant, sur la première ou la deuxième question que
j'adressais tantôt à M. Mulroney. J'ai retenu - si vous me
permettez quelques instants - de l'exposé général, du
moins de ce qui s'en dégageait ce matin, M. le président, dans
votre présentation, que de 1972 à 1978 vous avez vécu la
situation que vous avez décrite et vous avez fait un effort remarquable
de redressement durant les années 1979, 1980 et 1981. Pour ceux que
votre entreprise intéressait, il y avait lieu de croire, puisque la
production, même à un niveau inférieur à ce que
votre entreprise avait connu dix ans auparavant, était à un
niveau profitable et que les actionnaires, j'imagine, devaient être plus
contents de la performance de 1979 à 1981 que de 1972 à 1978...
Que s'est-il passé? Est-ce le marché qui est tombé tout
d'un coup? Est-ce un actionnaire, deux actionnaires ou trois
actionnaires du groupe qui ont décidé de ne pas suivre -
c'est là que j'avoue avoir de la difficulté à faire le
joint - ou est-ce essentiellement une question de détérioration
des prix sur les marchés?
Le Président (M. Bordeleau): M.
Mulroney.
M. Mulroney: Ce qui s'est passé, M. le ministre, c'est que
le 4 mars 1978 les marxistes-léninistes ont pris le contrôle du
local 5569 à Sept-Îles. C'est un fait reconnu. M. Lawrence
McBrearty qui est probablement ici l'a admis sur un "hot line" à
Sept-Îles. Nous avions un groupe de fauteurs de trouble, de voyous
intellectuels - une poignée au local 5569, dont le but était la
destruction de la compagnie et d'autres compagnies de la Côte-Nord, avec
le dossier que vous connaissez. Le 4 mars 1978, à 4 heures du matin,
alors que nous négociions de bonne foi avec les métallos, les
marxistes-léninistes du local 5569 ont dressé une ligne de
piquetage et déclenché une grève qui a frappé toute
l'industrie de la Côte-Nord, comme ça, illégalement et
à l'insu des dirigeants des métallos et, bien sûr, à
notre insu.
Le lendemain de cette grève illégale, une grève
sauvage déclenchée par une "gang" de pas bons qu'on connaît
et que j'ai identifiés moi-même au local 5569 - qui ne sont plus
avec nous, incidemment, M. le ministre - M. Geren, moi et d'autres que vous
voyez ici, avons dit: Nous allons d'abord civiliser au plus haut point nos
relations du travail pour la simple raison qu'il ne sera plus question de
permettre à une petite "gang" d'interrompre la vie de milliers et de
milliers de travailleurs honorables et honnêtes. Nous allons nous
comporter, nous comme gérants, avec des changements d'attitude, pour
être dignes du respect et de l'appui de nos employés. Nous allons
essayer de civiliser nos relations afin que le syndicat comprenne que nous
méritons également une transaction honorable. Et, primo, c'est ce
qui est arrivé.
En deuxième lieu, le comité exécutif de la
compagnie que je préside a entrepris une série de programmes, que
ce soit dans le domaine des coûts, que ce soit dans le domaine de
l'éducation, dans le domaine des communications, dans le domaine des
relations humaines, le tout basé sur le principe extrêmement
simple: "if you do not produce any iron ore, you do not make any money". C'est
ce qui est arrivé dans le passé, n'est-ce pas? Notre
problème est un problème foncièrement humain. Notre
réputation nous a précédés sur la Côte-Nord;
nous avons essayé collectivement de la corriger. Vers le milieu de 1979,
il faut bien l'avouer, nous étions favorisés dans une certaine
mesure par un marché qui semblait être en pleine expansion et nous
étions prêts à en profiter. Or, nous avons, il est vrai, de
1971 à 1979, commencé à faire de l'argent le lendemain de
cette grève. J'ai dit à nos gars, qui sont ici: II n'y aura plus
d'arrêts de travail dans la compagnie Iron Ore. Cela vient de
s'éteindre, il n'y en aura plus. Nous n'avons jamais eu une minute
d'arrêt de travail depuis parce que, de part et d'autre, grâce
à une excellente collaboration syndicale, à une
compréhension de nos employés et, je pense, à une
espèce de direction peut-être plus apte à reconnaître
les exigences légitimes des employés, nous avons corrigé
notre attitude et nous nous sommes embarqués dans une ère
nouvelle. Or, nous avons pris avantage d'un marché qui montait, notre
productivité s'est améliorée, même si elle
était très basse, les coûts ont été
comprimés, l'affaire a été administrée comme il se
doit et nous avons connu des bonnes années. De 1971 à 1979, pas
un dollar à nos actionnaires. Finalement, on a fait de l'argent et, pour
la première fois en neuf ans, on a distribué de l'argent a nos
actionnaires et, en 1981, M. le ministre, lorsque nous avons atteint l'objectif
no 1 qu'on s'était fixé, soit l'élimination de tout
arrêt de travail à la compagnie, la conséquence, c'est que,
à la fin de la troisième année de la mise en application
de cette politique constante que nous avons surveillée jour et nuit, de
même que les fins de semaine, nous avons obtenu un rendement de 10% sur
notre avoir. Nous avons distribué un certain pourcentage au-delà
des salaires à nos employés afin de les remercier pour cet
accomplissement et nous avons distribué, bien sûr, un montant
à nos actionnaires qui n'avaient pas eu un cent de dividendes pendant
une décennie.
Si vous me demandez les raisons qui ont fait en sorte que depuis six ans
cela fonctionne bien, c'est un concours de circonstances, une excellente
équipe, une nouvelle perception de la vie, une collaboration de nos
syndicats et la compréhension profonde de nos employés. Cela a
fonctionné au bénéfice de tous. C'est un peu ce qui est
arrivé. Et pas de marxistes dans la place, à 5569!
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le ministre.
M. Duhaime: Une dernière question, M. le
Président.
Le Président (M. Bordeleau): Oui.
M. Duhaime: Je vous dirai, M. le président - quand je
m'adresse au président de ce côté, je parle au
président d'IOC -que je ne suis pas tout à fait satisfait de la
réponse que vous formulez. Je vais essayer de me reprendre.
Je vais partir des chiffres que vous avez mentionnés ce matin sur
les tableaux. D'abord, disons une chose: II n'y a personne qui remet en cause
le fait qu'une compagnie, qu'elle soit multinationale ou transnationale
-Bombardier est devenue une multinationale -ait un rendement sur l'ensemble des
actifs de 10,3%, alors que le rendement sur l'avoir propre à
Hydro-Québec est au-dessus de 14% et qu'on paie 22% à nos caisses
populaires. Il n'y a personne qui blâmera quelqu'un d'envisager qu'un
niveau de 10,3% en 1979, 9% en 1980 et 11,8% en 1981, n'est pas excessif.
Cela étant dit, vous avez très bien expliqué les
raisons, sur un passé récent quand même. Mais ce qui me
frappe, c'est qu'à partir des événements que vous avez
décrits - chacun a sa perception d'un dossier - 1979, 1980, 1981, dans
mon esprit, j'appellerais cela un rétablissement sur le plan financier
des activités de l'IOC, ici. Dans le même temps, et suivant vos
propres dires, la situation s'est "civilisée" et il n'y a pas eu une
minute de perdue en heures de travail. Si j'étais un actionnaire, je
serais content, mais je serais plutôt tenté de dire: je veux
poursuivre mes activités. C'est là-dessus que j'aimerais vous
entendre. Qu'est-ce qui a fait qu'un jour au conseil d'administration, à
IOC, alors qu'en 1979 - je crois que c'était en juin - votre conseil
avait décidé de poursuivre les activités pour une
période indéfinie, c'était l'époque où il y
avait eu de l'incertitude... mais qu'est-ce qui s'est produit, parmi les
actionnaires ou à l'intérieur de l'IOC - même M. le maire
était surpris, et il reste et travaille ici; il l'a appris dans le
journal - mais qu'est-ce qui s'est passé?
M. Mulroney: Ce qui s'est passé, c'est ceci: le conseil
d'administration de la compagnie - M. Geren est membre du conseil ainsi que
votre humble serviteur - nous avons la responsabilité de gérer la
boîte directement. Or, vers la fin de 1980 ou au courant de 1980, on
voyait venir de façon inquiétante, mais pas certaine, cet
effritement du marché international. Exemple: je me rends moi-même
pour essayer de trouver de nouvelles possibilités pour le minerai de
Schefferville et de Labrador City, à Bucarest et je rencontre M.
Ceausescu, le président. Je suis invité chez lui et on se parle.
Il nous aime bien, il nous trouve bien fins, à Schefferville, et il aime
bien notre minerai, mais il n'a pas de comptant, comprenez-vous? Il veut faire
du "carter trade". Deux minutes après, les Brésiliens sont
là, disant: On est à 15%-20% de moins des prix de l'Iron Ore.
L'effritement commence, M. Geren, moi-même et deux autres
collègues du comité exécutif présentons un plan de
redressement qui prend effet le 9 janvier 1981. Le premier article,
c'était à Sept-Îles. Durant cette période, comme
vous avez vu, M. le ministre, la quasi-totalité de nos profits
provenaient du Labrador. Cela fonctionnait bien, mais pour des raisons
énumérées ici, les boulettes de Sept-Îles
étaient énormément plus dispendieuses, telles que les
boulettes de Port-Cartier. Alors, le plan redressement qu'on voyait s'en
venait. Quand je suis entré là-dedans, M. le ministre, comme
avocat, je pensais qu'il n'y avait rien de plus certain et de plus sûr
que le marché de l'acier. Je n'aurais jamais cru que c'était si
fragile. En 1982, cette compagnie, ici, a effectué durant l'année
exactement 24 "forecasts" financiers différents. De mois en mois, de
semaines en semaines, des clients nous disaient non, coupaient des contrats;
des usines d'acier fermaient leurs portes parce qu'en 1981, nous sommes
tombés dans le creux de la pire récession économique
depuis 50 ans. Or, d'un côté, les coûts concurrentiels, d'un
autre côté, une récession historique. On a pris les mesures
qui s'imposaient, et rapidement, afin de sauver la barque. (15 h 45)
Si, par exemple, M. le ministre, on n'avait pas, le 9 janvier 1981,
annoncé la fermeture, la suspension des activités à
Sept-îles qui a pris effet le 15 mai 1981, vous avez vu les
résultats de 1980, cela aurait été transformé,
après impôt, en une perte de 77 000 000 $. Nous étions en
chute libre dans le marché. On le voyait peut-être venir un peu
plus que d'autres, peut-être avions-nous plus peur de certaines
réalités et on a agi rapidement. Les conséquences sont
que, au moins, nous sommes encore en vie aujourd'hui et c'est là la
réponse.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. Cela va?
J'ai pris quelques notes et simplement pour vous souligner, en termes de
temps, que nous en sommes à 40 minutes pour le côté
ministériel, j'accorderai donc le même temps du côté
de l'Opposition et, question de complaisance, M. le ministre, je vous souligne
que votre première question a duré quinze minutes. M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, je comprends la
nervosité du ministre. Il essaie de faire dire des choses à un
vieux routier -j'allais dire de la politique - choses qu'il ne veut pas dire.
Mais il ne lit certainement pas les mêmes journaux que nous, parce que,
ce matin justement, j'ai cité M. Anderson -M. Mulroney me corrigera
si... - président du conseil d'administration de l'IOC, et c'est
très clair, c'était au mois d'août 1980. Justement, il
disait que l'American Iron Ore Association prévoit que la production
nord-américaine de tous les types de minerai de fer sera, cette
année, d'environ 118 000 000
de tonnes, soit une baisse de 20% par rapport à 1979. M.
Jean-Didier Fessou posait la question: "Que pensez-vous de l'Amérique du
Nord en général?" et M. Anderson a répondu: En ce qui
concerne plus spécifiquement les activités de l'Iron Ore of
Canada, je ne témoigne guère d'optimisme. Je peux vous faire
parvenir toutes les coupures de presse. C'est rendu maintenant que le ministre
demande aux maires des villes nordiques de suivre le marché du fer en
Amérique du Nord pour lui dire s'il y a des problèmes, alors
qu'il a tous les ingénieurs, tous les économistes et tous les
spécialistes, il attend que les maires de la Côte-Nord l'informent
sur les problèmes du minerai de fer sur la Côte-Nord. Franchement,
on est rendu à un point où M. le ministre suggérerait
peut-être que vous vouliez venir en politique; il y a peut-être des
gens qui devraient en sortir.
M. Mulroney: Moi, je ne tombe pas là-dedans!
M. Fortier: Non, je sais, M. Muironey, que vous ne voulez pas
faire de politique!
Mais ce qui est le pire, c'est que le ministre revient en arrière
et cite les projets que les libéraux ont mis de l'avant:
5IDBEC-Normines; ITT-Rayonier. C'est vrai, M. le Président, nous, nous
avons eu confiance dans la Côte-Nord et dans le développement du
Grand-Nord et si nous sommes coupables de quelque chose, je confesse que nous
sommes coupables et si nous reprenons le pouvoir, nous serons encore coupables
de lancer des projets pour créer de l'emploi sur la Côte-Nord et
dans le Grand-Nord québécois. Nous sommes coupables d'avoir voulu
faire la transformation du bois de la Côte-Nord sur la Côte-Nord,
nous sommes coupables d'avoir créé SIDBEC-Normines. Nous avons
visité l'usine, hier, c'est une usine qui marche bien, mais ces gens se
sentent délaissés complètement, le ministre responsable de
SIDBEC passe son temps à dire qu'on devrait fermer la boîte, M. le
ministre des Finances, lui, dit qu'il faudrait dégraisser l'affaire.
J'ai l'impression qu'il aurait avantage à visiter l'usine comme nous
l'avons fait.
En plus de cela, le ministre dit: Les libéraux nous poussent
à intervenir dans le domaine des mines; alors que nous lui disons depuis
trois ans: N'achetez pas Asbestos Corporation, ce sera un fiasco. Il a investi
100 000 000 $ là-dedans et maintenant il s'aperçoit que le
chômage est complet, que plus personne ne veut acheter d'amiante.
Maintenant, il nous dit que c'est nous qui l'avons incité à faire
cela.
De toute façon, ce qui m'intéressait, c'est que je me suis
demandé, M. Muironey, pour quelle raison vous faisiez cette
illustration, que vous nous donniez des éclaircissements sur la
performance financière de l'Iron Ore; je me suis dit: Mais qu'est-ce
qu'il veut prouver exactement? J'imagine que vous vouliez informer la
commission parlementaire, mais il m'est tombé sous la main une
déclaration - je ne sais pas si vous l'avez lue, mon recherchiste m'a
remis cette déclaration - du premier ministre du Québec,
déclaration datant du 28 décembre 1982, où il disait ceci:
"Tout le monde célébrait leur arrivée - il parlait de vous
autres - seulement on a un peu oublié que c'était des apatrides,
des gens qui n'ont pas de racines, qui s'en sacrent éventuellement et
qui sacrent leur camp aussi". Un peu plus loin il dit: "On va fermer
après avoir siphonné et exporté le plus de profits
possible, c'est ce que l'Iron Ore vient de faire récemment, d'exporter.
Ils disent -c'est peut-être vrai - qu'ils n'ont pas eu tellement de
profits au cours des années, mais depuis deux ou trois ans, ils ont
exporté tout ce qu'ils pouvaient."
La question que j'aimerais poser en deux temps deux mouvements, c'est:
Est-ce que ce jugement, vous l'acceptez et que votre présentation est un
peu pour donner un autre son de cloche sur ce jugement du premier ministre?
Compte tenu du fait que vous avez parlé des richesses qui existent de
l'autre côté - on va l'appeler la frontière pour meilleure
référence - d'une ligne qui est acceptée par certaines
personnes comme étant la frontière et par d'autres personnes
comme n'étant pas encore définitive, mais que, bien sûr,
d'autres multinationales ou d'autres compagnies voudraient venir ici dans la
région pour investir, j'aimerais vous demander, M. le président
de l'Iron Ore, si ce genre de déclaration peut inciter des compagnies
à venir investir sur la Côte-Nord?
Le Président (M. Bordeleau): M.
Muironey.
M. Muironey: En ce qui concerne la déclaration à
laquelle vous faites allusion, je pourrais peut-être vous répondre
de la façon suivante: libre à n'importe qui, y compris le premier
ministre du Québec, d'avoir ses opinions. Si ses opinions sont
basées sur des faits et si je ne partage pas son point de vue, je les
respecte. Lorsque des opinions mériteraient d'être
replacées dans un certain contexte, je pense que c'est important pour
tout le monde, en commençant par le premier ministre, d'être
prudent dans nos déclarations et je m'explique. La seule façon
dans la vie de se faire juger, c'est selon nos gestes.
On parle de l'Iron Ore comme étant, par exemple, une
multinationale. Les seules activités de la compagnie sont ici au Canada.
On n'oeuvre pas ailleurs, la compagnie Iron Ore produit ici. Nous sommes une
compagnie nationale ici au Canada et
nous ne produisons nulle part ailleurs au monde. Donc, nous ne sommes
pas une multinationale, quoique cela ne me gênerait pas de l'être,
cela ne m'effraie pas d'être une multinationale.
Il faut que nous soyons jugés selon nos gestes. Par exemple, j'ai
annoncé un programme dans un domaine. Vous avez tous nos chiffres, il
n'y a rien de secret. Je pense que je vous ai fourni honorablement et
honnêtement toute la documentation possible. Cependant, nous
n'étions tenus en vertu d'aucune loi ou d'aucune convention collective
de poser certains gestes, comme vous l'avez vu, qui nous ont coûté
près de 10 000 000 $ à 15 000 000 $ en faveur de nos
employés à Schefferville. C'est ce que nous avons fait. Ce n'est
pas un discours, c'est un fait.
Or, d'un côté vous avez ce geste. Prenons le cas ensemble
d'une bonne petite compagnie canadienne française catholique de chez
nous, la Fédération des caisses d'entraide économique
d'Alma. Qu'est-ce qu'ils ont fait avec leurs employés? Ils les ont
plantés sur un banc de neige à minuit, ils ont fait venir un
U-Haul et ils ont transporté le siège social à
Québec. Ce n'est pas une compagnie multinationale, c'est une bonne
société catholique de Baie-Comeau et d'Alma. J'ai connu cela en
grandissant à Baie-Comeau. Ce n'est pas une méchante General
Motors, c'est une compagnie avec des racines profondes au Québec. Et on
est fier de cela.
Qu'est-ce qu'ils ont fait à minuit lorsqu'ils ont dit aux
employés: Aie! les gars, vous voulez travailler? Allez vous ramasser
à 450 kilomètres d'ici, à Québec, demain matin. Ce
n'est pas un argument que j'emploie. Je dis simplement ceci: Vous êtes en
mesure, et je vous invite à poser un jugement de valeur sur notre
comportement, d'un côté, et je vous invite à poser un
jugement de valeur sur d'autres comportements. C'est votre
responsabilité et j'accepte volontiers la décision impartiale que
vous rendrez.
Donc, M. le député d'Outremont, ce ne sont pas les racines
d'une société qui sont importantes. C'est de savoir si cette
compagnie peut contribuer honorablement à la création d'emplois
et la possibilité d'offrir un avenir à des douzaines, des
centaines ou des milliers de Québécois. Si cette compagnie le
fait et après un certain temps se trouve dans l'impossibilité de
continuer, comment doit-elle se comporter lorsqu'elle dit à ses
employés qui ont si bien travaillé pour elle: Merci.
Le dossier de la compagnie minière IOC est devant vous en toutes
lettres. Je pense que ma réponse est que j'accepterai la décision
de cette commission ou de n'importe quel homme impartial au Québec en ce
qui concerne notre comportement. De façon générale,
attirer des investissements... Personne au monde ne peut obliger quiconque
à investir 1 $ et venir s'installer ici au lieu d'ailleurs. Un
investissement est attiré par un climat de confiance, un climat de "fair
play", un sens de respect pour le voisin, un sentiment que vous êtes les
bienvenus et que vous faites partie d'une communauté et vous pouvez
contribuer.
C'est la responsabilité de tout gouvernement, soit au niveau
provincial ou fédéral, surtout dans le climat économique
que nous connaissons, de créer un esprit de confiance pour investisseurs
étrangers, et canadiens et québécois, pour justement
s'assurer que des emplois se créent et que des occasions sont offertes
à nos travailleurs.
M. Fortier: Merci, M. le Président. J'aimerais avoir votre
opinion maintenant. J'ai parlé tout à l'heure de la
nécessité d'avoir des stratégies à long terme. J'ai
dit, bien sûr, qu'il y a des problèmes à court terme et il
faudrait avoir des politiques et des stratégies à long terme.
M. Geren faisait allusion au fait qu'en Russie, en particulier, ils ont
à peu près le même genre de minerai et ils l'exploitent
à cause du fait qu'ils ont des ressources énergétiques
à bon marché. Nous savons qu'ici à Schefferville nous
sommes à la frontière, ce qu'il est convenu d'appeler la
frontière. On n'est pas pour entrer dans un débat de juristes
même s'il y en a peut-être beaucoup autour de la table, mais pour
les gens qui veulent avoir des jobs et pour les gens qui pensent au
développement économique, il y a un problème, à mon
avis, qui me vient à l'esprit, c'est le fait que Terre-Neuve ou le
Labrador, comme le Québec, ont des richesses naturelles du genre de
celles auxquelles vous avez fait allusion et peut-être même que le
dépôt dont vous parlez est en grande partie au Labrador
plutôt qu'au Québec. Par ailleurs, le Labrador ou Terre-Neuve
aussi ont des ressources hydroélectriques. Donc, nous ne sommes pas les
seuls au Québec, malheureusement peut-être, à avoir ce
genre de possibilité de stratégie. Encore là je ne veux
pas entrer dans le débat avec mon collègue le ministre de
l'Énergie et des Ressources à savoir quel jugement la Cour
suprême pourrait rendre sur l'affaire de Churchill Falls - je sais que
c'est peut-être difficile à faire - mais mettant ce
problème de côté ou le litige qui existe
présentement entre Québec et Terre-Neuve, est-ce que dans
l'avenir une meilleure stratégie pour le Québec ne serait pas de
travailler en collaboration avec Terre-Neuve puisqu'on a, dans un sens, les
mêmes richesses naturelles, on a à peu près le même
genre de ressources hydroélectriques et que l'on pourrait mieux
travailler ensemble plutôt que d'entrer dans une concurrence où,
peut-être,
l'une ou l'autre pourrait y perdre grandement?
M. Mulroney: M. le député d'Outremont, c'est une
question très importante. Je peux vous dire que je suis devant vous
aujourd'hui comme un Canadien et un Québécois et je fais cette
affirmation sans aucune hésitation et sans gêne. Je ne me sens
nullement appauvri, je me sens enrichi d'avoir connu cette expérience
québécoise et canadienne.
Je m'entends avec mes collègues du gouvernement du Québec
comme le gouvernement de Terre-Neuve. Je respecte l'autorité en place,
l'autorité élue. Nous ferons ce que nous avons toujours fait,
c'est-à-dire collaborer loyalement avec les deux gouvernements. J'ai
déjà exprimé l'espoir, dans un discours que j'ai
prononcé dans ma ville natale de Baie-Comeau, devant la
Fédération des associations SERV-COM de la Côte-Nord, que
les deux gouvernements essaient de trouver une formule quelconque qui
débloquerait, si possible, une expansion énorme ici dans la
région nordique. (16 heures)
C'est une question politique. Je respecte intimement le dossier
politique et du gouvernement du Québec et du gouvernement de
Terre-Neuve, mais je vois ici... Je vous parle comme quelqu'un qui est
né ici. Mon père est venu ici il y a 47 ans. Il est un de ceux
qui ont bâti un nouveau pays, comme journalier et comme
électricien. J'ai vu, en grandissant, des possibilités
merveilleuses pour la Côte-Nord. J'en vois encore, tant de ce
côté de la frontière que de l'autre. Je souhaite qu'on
trouve une formule ultime qui va nous permettre de mettre en valeur toutes ces
possibilités énormes.
M. Fortier: M. le Président, est-ce que je pourrais passer
la parole à mon collègue de Mont-Royal pour le temps qui reste
à notre disposition?
Le Président (M. Bordeleau): Oui. M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Mulroney, comme
vous le voyez bien, d'après les mémoires qui sont
présentés devant cette commission et d'après certains
commentaires que nous faisons, fondamentalement, nous cherchons des solutions
et des contributions de toutes les parties, les deux paliers de gouvernement,
les compagnies impliquées; nous cherchons des solutions et des
contributions à apporter au problème très réel des
citoyens de Schefferville, aujourd'hui. C'est pour cela que nous demandons, que
nous essayons de prendre des dispositions pour que le gouvernement s'engage
dans les problèmes immédiats afin d'essayer d'apporter certaines
solutions aux problèmes vécus aujourd'hui. Cela concerne non
seulement les problèmes à long terme -parce qu'à long
terme, cela présente certains problèmes - mais il y a des
problèmes immédiats auxquels les citoyens de Schefferville
doivent faire face aujourd'hui.
Dans votre communiqué de presse, vous avez parlé d'un
programme d'indemnités de déplacement que vous avez
qualifié de généreux et complet pour les employés
concernés. Vous avez fait référence au directeur, pour le
Québec, du Syndicat des métallurgistes, M. Clément
Godbout, ainsi qu'au député fédéral. Est-ce que
vous pourriez nous dire si le gouvernement du Québec a apporté ou
a fait une contribution financière à un aspect de ce programme
d'indemnités, que ce soit au plan des déplacements ou autres?
Le Président (M. Bordeleau): M.
Mulroney.
M. Mulroney: II y a deux choses: d'abord, contribution directe,
peut-être que non, dans le sens que le gouvernement... M. Duhaime m'avait
prévenu que le gouvernement voulait attendre les séances de la
commission, ce que je trouvais tout à fait normal, avant d'analyser la
situation en profondeur. Le gouvernement du Québec, par une de ses
régies, la Régie des rentes du Québec, est intervenu pour
favoriser sensiblement nos travailleurs en vertu d'une décision qui nous
a permis, nonobstant certaines dispositions de la loi, de hausser de 25% les
pensions pour les gens de Schefferville. Pour nous, pour les gens de
Schefferville, c'est très important parce qu'à partir de ce
moment-là un grand nombre de ces individus ont pu procéder
immédiatement à l'intégration des pensions. Dans notre
mémoire, lorsque vous voyez un employé syndiqué qui va
recevoir 700 $, 800 $ ou 900 $ par mois, il a plus que cela. Il devient
immédiatement admissible à un plan fédéral qui
fonctionne pendant des années et qui fait en sorte que le total lui
donne 75% ou 80% de ses revenus antérieurs. Alors, le gouvernement du
Québec, par sa régie, a été extrêmement utile
pour nous permettre de rehausser les niveaux. Mais je voudrais bien, si
quelqu'un a une aide à nous offrir, nous l'apprécierions
énormément.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Quant à la question de taxation que vous avez
soulevée ce matin...
M. Mulroney: Oui.
M. Ciaccia: ...vous avez donné la possibilité,
à ceux qui veulent demeurer à Schefferville, d'acheter leur
maison pour 1 $.
Est-ce que vous avez discuté - en plus de cet aspect, il y a
aussi la prime de séparation - spécifiquement pour ceux qui vont
demeurer à Schefferville, avec les deux paliers de gouvernement, de la
possibilité ou de l'engagement par ces gouvernements de ne pas imposer
les avantages sociaux? Parce que si un individu achète une maison pour 1
$ et qu'elle vaut 30 000 $ ou plus, juridiquement il y a un
bénéfice de conféré à cet individu. Est-ce
que vous avez pu obtenir un engagement des deux niveaux de gouvernement que cet
aspect, au moins, ne sera pas taxé pour ceux qui vont rester à
Schefferville?
M. Mulroney: Ce que vous mentionnez, M. Ciaccia - c'est un peu le
thème du ministre Duhaime - est d'une importance tellement capitale. Je
sais que les questions fiscales ne sont pas tellement "glamorous" pour
certains. Je vais demander à mon collègue, M. Maltais, de vous
remettre, si vous me le permettez, un mémoire que j'ai
présenté au gouvernement fédéral ainsi qu'à
tous les parlementaires à Ottawa, l'année dernière,
à peu près à cette période-ci. C'était un
mémoire - nous avons travaillé étroitement avec Lawrence
McBrearty et Clément Godbout ainsi qu'avec les métallos -pour
essayer de convaincre le gouvernement fédéral, où l'impact
est plus direct. Il y a quelque chose de foncièrement
incompréhensible lorsque, d'un côté, on nous encourage
à procéder avec un programme de redressement économique
à Schefferville et que, d'autre part, on impose des taxes de nature
à empêcher la venue de nouvelles sociétés, primo,
et, en deuxième lieu, à empêcher ceux qui sont ici de
rester.
Un des services les plus utiles que vous tous, comme
Québécois, puissiez rendre dans tout le nord canadien, non
seulement à nous de Schefferville, serait de faire front commun - je
m'excuse du lapsus - sans aucune politique, et convaincre notre ami, M.
Lalonde, de changer ses intentions dans le domaine de la fiscalité pour
les villes et les régions nordiques. Ce faisant, vous apporteriez, M.
Ciaccia, ainsi que vos collègues et M. Duhaime, qui s'intéresse
à cela, un atout extraordinaire. Simplement le maintien du statu quo. Si
vous pouviez nous aider a obtenir cela, seulement cela, votre visite dans le
Grand-Nord aurait été payée des centaines et des centaines
de fois.
M. Ciaccia: M. Mulroney, je peux vous assurer, pour ma part, que
je ferai les représentations nécessaires - je crois que mes
collègues de l'Opposition feront de même - auprès du
gouvernement fédéral pour qu'il vienne en aide, justement, aux
gens qui sont affectés, spécialement à Schefferville. Mais
est-ce que vous avez un engagement? Là, on parle du gouvernement
fédéral qui n'est pas autour de cette table. Nous allons faire
ces représentations, nous sommes entièrement d'accord avec vous.
Je crois que c'est le moins, en termes d'aide, que nous puissions faire
aujourd'hui. Je parle spécialement des gens de Schefferville parce que
nous discutons ce problème aujourd'hui. Mais est-ce que vous avez un
engagement du gouvernement du Québec de ne pas taxer ces montants? On
est prêt à faire un front commun vis-à-vis du gouvernement
fédéral là-dessus, mais est-ce que le gouvernement du
Québec s'est engagé à ne pas taxer? Parce que, hier, nous
étions à Port-Cartier et concernant les primes de
séparation pour les gens de Port-Cartier le ministère du Revenu
du Québec leur court après pour aller chercher cet argent. Alors,
il ne faudrait pas que la même chose se produise à Schefferville.
Je pense que ce serait l'occasion idéale. C'est cela le but de cette
commission parlementaire: avoir un engagement, au moins, du gouvernement du
Québec et je me demande si vous l'avez eu. Vous semblez être en
discussion avec le ministre Duhaime. Est-ce que vous avez eu cet
engagement?
M. Mulroney: Non. Il n'y a personne qui nous a promis quoi que ce
soit, je veux être bien clair là-dessus, sauf que je peux vous
dire que cette idée, M. Ciaccia, que j'exprime encore aujourd'hui, j'en
ai discuté avec M. Duhaime à quelques occasions. Il voit, je
pense, d'un oeil sympathique le problème. Il nous a aidés, par le
passé, dans le dossier et j'espère qu'il va pouvoir nous aider
à l'avenir, parce que, là, c'est devenu un dossier
d'actualité. Et peut-être, M. Ciaccia, que le "timing" n'est pas
mauvais. Je m'explique. On nous dit que M. Lalonde prépare un budget
pour le mois de mars et... J'ai oublié, j'ai devant moi le
député provincial d'Outremont, et le ministre des Finances, c'est
fédéral, si je ne m'abuse. Après la messe dimanche
prochain, accroche-le et tu lui donneras cela. S'il fait cela pour nous, je ne
te dis pas que je vais voter libéral, mais je vais y penser.
M. Ciaccia: Je voudrais bien faire la même chose...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je voudrais bien faire la même chose
vis-à-vis du député fédéral de Mont-Royal,
mais je ne pense pas qu'il vienne à la messe à Mont-Royal.
M. Fortier: On va aller à la messe dimanche prochain tous
les deux.
M. Ciaccia: J'espère qu'avant la fin de cette commission
on pourra avoir...
Franchement, c'est vrai qu'en commission parlementaire, on ne peut pas
toujours éviter la partisanerie et on en fait un peu. On est
politiciens, il faut faire de temps en temps de la partisanerie, mais je crois,
en toute objectivité, j'ose espérer qu'avant la fin de la
commission parlementaire, nous aurons -je le dis pour le bénéfice
des gens qui sont affectés à Schefferville - une indication du
gouvernement du Québec quant à son intention sur ce point et, si
le gouvernement du Québec est prêt à se prononcer, je pense
que cela va rendre notre tâche à nous, députés
d'Outremont et de Mont-Royal, et à tous les autres collègues
beaucoup plus facile vis-à-vis de nos homologues fédéraux.
Deux autres petites questions, M. le Président. Est-ce que le service
ferroviaire entre Schefferville et Sept-Îles sera maintenu? Est-ce qu'il
y a un engagement de maintenu?
M. Mulroney: Un engagement formel que j'ai donné à
mon ami, M. le maire Bégin, et à d'autres. C'est une filiale
à part entière et nous allons la maintenir pour une
période de temps, bien sûr, indéfinie. Peut-être pas
au même rythme de croisière, mais on va la maintenir.
M. Ciaccia: Et une question finale, M. le Président. Je
sais que d'autres vous ont posé la question aussi. M. Mulroney, vous
avez fait des recommandations quant à l'avenir de Schefferville, vous
avez donné des exemples dans différents domaines: le domaine
touristique, les forces armées, le centre de recherche, le centre
nordique. Je voudrais vous poser cette question: Est-ce que ce sont vraiment -
et je ne veux pas minimiser, comprenez-moi, je ne veux pas minimiser les
possibilités de ces recommandations, l'impact sur la population, les
possibilités qu'elles puissent être mises en application - mais
est-ce que c'est la vraie solution pour Schefferville, ce genre de solution que
vous avez suggérée ou est-ce que ce ne serait pas plutôt...
Qu'est-ce que les gens de Schefferville aujourd'hui, ceux qui restent ici, ceux
qui ont décidé de ne pas partir, qu'est-ce qu'ils vont faire?
Est-ce que la solution serait plus d'engagement, soit de la part de la SGF,
soit de la part de la SDI, soit de la part du secteur privé, dans le
domaine industriel, le domaine minier? Vous avez parlé de climat
d'investissement. Vous y avez fait référence à plusieurs
reprises, et je crois que c'est un point très important. Est-ce que vous
avez quelques recommandations, quelques réflexions spécifiques?
Comment améliorer ce climat d'investissement pour nous assurer qu'on va
pouvoir attirer les investissements nécessaires, ici, à
Schefferville, dans la région de la Côte-Nord?
M. Mulroney: Votre question est excellente parce que vous avez
raison.
N'importe quelle des variables mentionnées dans mon document en
soi ne constitue pas une solution au problème. Elle constitue un
complément de solution. Je pense, je persiste à croire que
l'épine dorsale de toute expansion économique régionale
valable doit être l'entreprise privée. C'est le secteur
privé qui est le seul secteur créateur de richesses au
Québec. Il n'y en a pas deux. Il n'y a pas le gouvernement qui
crée des emplois. Le gouvernement n'a pas d'argent. C'est notre argent.
C'est l'argent des contribuables. Le gouvernement n'a pas une "tôle".
Cela vient de nous. La seule richesse qu'on puisse créer, comme
collectivité, c'est par une application à l'entreprise
privée, quoique je reconnaisse volontiers qu'un secteur mixte, une
économie mixte, peut et doit exister de façon
générale, mais pour le faire fonctionner, l'épine dorsale,
le coeur, le moteur, c'est l'entreprise privée. (16 h 15)
Donc, si j'étais dans la politique, j'aurais tendance à
croire que les hommes politiques auraient toutes les raisons au monde de
créer un climat de confiance qui rendrait cela de plus en plus
attrayant, par des commentaires, par des législations, par des gestes
positifs, par des lois qui reconnaissent, par exemple, la vocation
internationale d'une province comme celle de Québec, avec ses
responsabilités particulières dans le domaine de la francophonie
et j'en passe. Mais, à l'intérieur de tout cela, il faut que
l'entreprise privée se sente bienvenue; sans cela, elle ne viendra pas.
Ce que je verrais, M. Ciaccia, et surtout - je m'excuse, il ne viendra pas -
lorsqu'on est en pleine période de crise et là où il y a
un investissement, il y a peut-être quinze options, on peut cogner
à cette porte ou à cette autre... Je ne demande à personne
de trahir ses principes ou de changer sa philosophie politique, mais il me
semble que c'est clair comme de l'eau de roche que si vous voulez des jobs, ce
n'est pas en créant des postes de professeurs, nécessairement,
que vous les aurez. La seule richesse mise entre les mains de l'État
provient des contribuables qui travaillent et des compagnies qui prennent des
risques pour créer des jobs pour que des gars travaillent. Il n'y a pas
deux façons.
Si vous permettez, je conclus, M. le ministre. Or, quelques
idées; exemple: - je ne le propose pas en priorité, mais en
exemple - un centre de correction. Les gouvernements de différentes
sortes ont pris 250 000 000 $ ou 300 000 000 $ de Schefferville, de la
région nordique, depuis 25 ans. Est-ce que c'est trop demander que de
dire: Pour l'instant, cela va mal, on a besoin d'une période de "bridge
financing" qui nous permettra de voir dans quelques années si Strange
Lake fonctionnera? Pourquoi ne pas installer un pénitencier dans la
région,
quelque part, qui créera 200 ou 300 emplois permanents? Il me
semble que ce n'est pas déraisonnable que de demander cela au
gouvernement canadien ou au gouvernement du Québec. Après tout,
c'est le gouvernement qui a bénéficié des initiatives de
tous les citoyens nordiques et les compagnies qui ont versé
l'argent.
M. Ciaccia: Monsieur, j'ai juste une autre...
M. Mulroney: Oui.
M. Ciaccia: ...question très brève sur une usine
spécifique. Je voudrais demander à M. Mulroney si ceci est
réaliste pour Schef-ferville. Je ne suis pas un spécialiste dans
le domaine minier, je peux me tromper, alors vous pouriez me corriger. Un des
spécialistes dans les rapports que nous avons vus parle d'un produit,
carbure de silicium, et il parle d'une usine, un des gros producteurs, qui se
trouve à Niagara Falls, en Ontario. Cette usine a été
installée à Niagara Falls dans les années quanrante quand
l'électricité était à très bas prix en
Ontario. Maintenant, l'usine commence à être un peu vieille et
l'endroit commence à changer; cela devient un endroit touristique, ce
n'est vraiment pas un genre d'usine pour cet endroit. On parle de meules
abrasives, de papier sablé... Les produits de cette usine sont tous
importés, par exemple, le bauxite, qu'il serait plus facile d'apporter
à Sept-Îles qu'à Niagara Falls; l'électricité
est moins chère sur la Côte-Nord. Est-ce que ce genre de
proposition est réaliste? Est-ce que c'est réaliste de dire:
Voici quelque chose qui pourrait être implanté à
Scheffer-ville? Une usine qui peut prendre avantage de la main-d'oeuvre de
Schefferville, qui peut prendre avantage de l'énergie à meilleur
prix que dans les autres endroits, est-ce que c'est réaliste ou bien
s'il ne faut pas y penser?
M. Mulroney: Je pense que c'est réaliste. Aux grands maux,
les grands moyens. Le gouvernement a le pouvoir de créer une assiette
fiscale. La fiscalité, c'est un instrument de développement
économique. Pourquoi être lié par une loi fiscale tout
simplement parce que c'est un fonctionnaire qui a pensé à cela il
y a quinze ans? Si le gouvernement du Québec ou le gouvernement
canadien... M. le ministre de l'Énergie l'a dit, dans son domaine, on se
sert de l'énergie dorénavant pour la création d'emplois et
l'attrait des emplois. Je suis parfaitement d'accord. La Reynolds de
Baie-Comeau est un exemple classique. Cela a bien de l'allure, cette affaire.
Pourquoi ne pas changer, créer une espèce de zone, si vous
permettez, pour une période de temps, une zone fiscale favorisée.
Vous allez en attirer de ce genre d'industries, M. Ciaccia.
Vous allez voir que les entrepreneurs sont bel et bien vivants et
intéressés à un climat, à une population stable,
honnête et honorable qu'on retrouve dans cette région-ci.
M. Ciaccia: Merci, M. Mulroney.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.
M. Marois: M. le Président, je n'ai certainement pas
abusé du temps de cette commission depuis le début de nos
travaux. Ce n'est pas mon intention de le faire à ce moment-ci.
J'apprécie beaucoup les commentaires des uns et des autres sur des
déclarations, sur des climats, mais je crois fondamentalement qu'il nous
faut revenir au mandat de base de notre commission.
Si nous sommes réunis ici, c'est parce qu'il y a des faits qui se
sont produits, des réalités qui sont là et des humains qui
sont concernés. Nous avons comme mandat d'entendre les personnes, les
organismes pour étudier l'ensemble de la situation de Schefferville et
d'évaluer les actions qui pourraient être prises en vue d'aider
à la solution des problèmes de cette municipalité,
municipalité voulant dire l'ensemble de la communauté et
l'ensemble non seulement des faits, mais des problèmes accrochés
aux citoyens corporatifs comme aux citoyens et aux citoyennes, au monde en vie,
qui sont ici.
Je ne vous cacherai pas que je partage les commentaires de mon
collègue, M. Duhaime, le ministre de l'Énergie et des Ressources.
J'aurais apprécié - bien des personnes qui témoignent
devant nous le font de bonne foi, au meilleur de leurs connaissances, du mieux
qu'elles le peuvent -comme mon collègue l'avait suggéré,
une réponse peut-être plus précise à la question
qu'il a posée et qui, me semble-t-il, demeure entière. J'avoue
personnellement - encore une fois, ce n'est pas un jugement que je porte, je le
dis simplement, franchement, le plus clairement possible et le plus rapidement
que je peux le faire - ce que je pense. Je crois effectivement que la question
reste entière quant aux faits de ces trois années de production
à la baisse, de 1979 à 1981, correspondant par ailleurs à
des années de meilleure rentabilité, bien que ce ne soit pas
encore là une rentabilité - quand on parle de 10%, je suis
prêt à admettre cela... Enfin, il me semble que l'annonce qui est
survenue - on peut bien nous citer des journaux, nous citer des textes, nous
citer tout cela... Vous vous souviendrez très bien, M. le
président de la minière IOC, que nous avons eu l'occasion de nous
rencontrer à mon bureau en 1980 ou 1981, si ma mémoire est bonne,
en janvier 1981, au moment où il s'agissait d'un bloc de mises à
pied,
concernant particulièrement les travailleurs de Sept-Îles.
Je ne me souviens pas - je crois avoir une assez bonne mémoire -
qu'à ce moment, il ait été question certainement pas, j'en
aurais pris plus que bonne note, vous pouvez en être sûr - d'une
fermeture quelconque envisagée sur une courte période.
Donc, pour moi, cette question demeure entière. Cependant, ceci
étant dit, M. Mulroney, vous avez dit - je vous en remercie, ce n'est
pas tous les jours qu'on se le fait dire, je vais le prendre pendant que cela
passe - que j'étais sur une bonne voie en ce qui concerne la formation
professionnelle des adultes, la nouvelle entente négociée avec le
gouvernement canadien et j'ai déjà dit qu'on était fiers
de cette entente et qu'elle nous permettait d'ouvrir des possibilités
nouvelles qu'on n'avait pas eues par le passé. Je voudrais dire tout de
suite pour que ce soit très clair, en partant - d'ailleurs, cela revient
dans des recommandations, des suggestions et des demandes qui nous sont faites
- je veux dire très clairement, très simplement ceci: Dans le
cadre de l'accord, ce que j'ai appelé le traité convenu avec mon
collègue, M. Axworthy, sur la formation professionnelle des adultes, je
puis assurer la population que tout sera fait pour répondre aux besoins
nouveaux de formation de la main-d'oeuvre, ici, que les administrateurs de
cette entente ont prévu, c'est déjà prévu dans
l'entente, une réserve, et quand je dis une réserve je veux dire
des dollars pour pouvoir répondre rapidement à des besoins
spéciaux, extraordinaires et non prévus de formation et c'est le
cas, bien sûr, je pense bien, de Schefferville.
En tant que ministre responsable de l'administration de cette entente au
Québec, j'ai déjà demandé aux représentants
du Québec qui siègent au comité conjoint
Québec-Canada, de prendre immédiatement les mesures qui
s'imposaient pour que cette réserve budgétaire serve d'abord
à Scheffer-ville. Mais une fois que j'ai dit cela et que nous allons
faire cela, vous me dites que c'est une bonne voie. Vous me dites
également: C'est une bonne voie que l'entente conjointe avec le
gouvernement canadien pour la mise au point d'un nouveau programme de
création d'emplois, je prends bonne note de cela.
J'ai pris bonne note aussi de vos commentaires concernant un cadre
général et vous avez donné des indications
concrètes sur une loi sur les licenciements collectifs. Je me permets de
rappeler - c'est sûrement un personnage que vous connaissez, M. le
président de la Compagnie minière IOC - ce que M. Peter Drucker -
dans un jargon plus sain, on me dit qu'il est comme une espèce de gourou
américain du management - disait dans un article du Wall Street Journal,
le 25 septembre 1979, qu'il y avait un certain nombre d'approches en ce qui
concerne ce que les Américains appellent le "redundancy planning", cela
veut dire les perspectives qui impliquent éventuellement des mises
à pied, qui impliquent éventuellement des fermetures, des
licenciements, la nécessité absolue de prévoir les
coûts et la possibilité de prévoir ces coûts par
rapport à des approches plus traditionnelles. Il en citait trois. Il
disait: Il y a l'approche de l'assurance-chômage, cela en est une. Ce
n'est pas suffisant. Il y a d'autres types d'approches. Et il disait, à
l'époque, aux entreprises - ce qui était assez étonnant
venant d'une personne comme M. Drucker -qui s'opposaient à une
législation qui allait être présentée au
Congrès américain: Vous faites une erreur si vous vous opposez
à une législation qui permettrait d'ouvrir une perspective,
même pas de protection d'emploi, qui vise à ouvrir une perspective
recherchant le plein emploi, de prévoir les coûts, les coûts
humains, les coûts sociaux et de s'asseoir ensemble comme des gens
responsables, bien intentionnés, les citoyens corporatifs, ceux qui ont
des mandats démocratiques de représenter les travailleurs, ceux
qui sont des élus du peuple au niveau municipal, au niveau des
gouvernements, qu'ils soient provinciaux, qu'ils soient fédéraux,
peu importe, avec les groupes de citoyens concernés pour être
à même d'évaluer les morceaux prévoyant les
coûts.
M. Drucker disait dans les cas des grandes entreprises. Ces
activités sont généralement planifiées sur une
période de deux ans. Il citait des cas très précis. Il
donnait le cas de la Suède où, entre 1950 et 1970, sur 20 ans,
50% des travailleurs ont changé d'emploi tout en maintenant un indice de
chômage de 2%, qui n'a jamais excédé 3%. II y a eu un taux
de chômage qui est passé de 2% à 2,5% et le gouvernement a
été renversé parce qu'il s'était donné une
politique de plein emploi qui est une approche fondamentalement
différente. Mais déjà, vous ouvrez des perspectives dans
ce sens et je ne vous cacherai pas que je les reçois favorablement. Vous
pourrez sûrement nous donner un bon coup de main en en parlant à
vos collègues de l'Association des mines de métaux et à
vos collègues de l'Association des manufacturiers canadiens.
Peut-être aussi auriez-vous le temps de donner un coup de
téléphone à M. Ghislain Dufour du Conseil du patronat,
cela pourra toujours aider en plus. (16 h 30)
Je prends bonne note et je suis prêt à prendre les
blâmes qui nous reviennent, au gouvernement, c'est vrai que nous sommes
en retard, nous aurions dû agir plus vite. Mais ce n'est pas facile, ce
sera une première nord-américaine quand nous réussirons
à aboutir sur un projet qui va tenir compte des
réalités qui sont forcément différentes,
quand on parle d'une entreprise de grande taille, de secteur économique,
que d'entreprises de moyenne ou de petite taille. Drucker disait qu'en
général les opérations de ce genre se planifient sur une
période de deux ans dans les grandes entreprises.
Vous nous dites - et je le prends comme tel, parce que je
considère que c'est une ouverture extrêmement importante que vous
faites, dans le contexte de nos travaux; je voudrais la fouiller, la pousser et
vous poser un certain nombre de questions très précises et
très concrètes - que vous êtes prêts à prendre
et à assumer l'ensemble de vos responsabilités - je reprends
votre expression - sociales et morales. Dans le texte de votre mémoire -
je pense que ce sont les derniers mots de votre mémoire -vous nous
dites: II pourra souffler sur Schef-ferville un second souffle ou un nouveau
souffle, mais encore faut-il savoir quelle sera l'ampleur du souffle, quelle
sera la direction que prendra le souffle. En d'autres termes, quels sont les
projets concrets, possibles, à long terme, à moyen terme et,
forcément, les mesures à court terme aussi? Parce que c'est
à cette condition seulement que l'inquiétude des hommes et des
femmes pourra disparaître et qu'en toute équité et en toute
justice des choix pourront être faits, pour les uns et les unes, de
décider de quitter et pour les autres de décider de rester.
Je pense que vous l'admettez, pour faire cela, vous nous soumettez
vous-mêmes il y a peut-être une centaine de propositions, de
recommandations et de suggestions dans les mémoires qui nous sont soumis
- qu'il faut que ce soit évalué, regardé et serré.
Dans cette perspective, il est normal qu'il y ait des inquiétudes. Il y
a des gens qui, pour l'instant, ne savent pas ce qui va leur arriver. Vous avez
formulé des propositions d'avantages, de primes pour vos travailleurs.
Est-ce qu'ils sont tous couverts ou pas, tous traités
équitablement ou pas? Je n'ai pas eu le temps de regarder et d'analyser,
mais j'espère et je suis convaincu - je vous indique tout de suite que
c'est une question que je vous pose - compte tenu de l'attitude que vous nous
avez expliquée, que vous avez développée, de relations du
travail dans les dernières années, avec les efforts que vous nous
avez dit y avoir mis, je ne doute pas - c'est en même temps une question
que je me permets de formuler de façon positive - deux minutes que vous
accepteriez, si le syndicat vous en formulait la demande, de vous asseoir avec
lui pour regarder concrètement chacune de ces mesures qui concernent les
membres et les évaluer pour voir les ajustements possibles.
Je pense que M. Godbout, des métallos, a accueilli cela comme une
base valable - je crois que c'était à peu près son
expression - que je comprends comme voulant dire que cela permette d'ouvrir sur
des rencontres, des échanges et d'en arriver à des choses qui
paraissent équitables, faisables et responsables à la mesure de
la capacité de payer. C'est la réalité des faits et je
pense que, plus on vit une crise extrêmement difficile, plus les citoyens
et citoyennes sont capables de mesurer de plus en plus ce que le mot
"responsables" veut dire. Ce serait un geste extrêmement concret et
important. C'est en même temps ma première question, mais l'avenir
pour les citoyens dure longtemps. C'est une caractéristique de l'avenir.
Pour faire des choix sur l'avenir, encore faut-ii savoir ce qui va se produire
et quelles sont les perspectives pour cet avenir à long terme. Vous nous
avez indiqué qu'il y avait des travaux d'exploration. Mon
collègue a aussi expliqué un certain nombre de choses de ce
côté. Vous nous formulez des propositions et des projets
susceptibles, possiblement, de créer de l'emploi à court et
à moyen terme. D'autres groupes aussi nous en soumettent. Je tiens
à vous dire tout de suite que le gouvernement du Québec est
prêt à mettre des fonds.
Je voudrais savoir - c'est ma deuxième question très
concrète - si la compagnie envisagerait, elle aussi, la
possibilité, quitte à ce qu'on "pool" des ressources
financières dans un fonds... Mettons l'imagination au pouvoir.
Peut-être faut-il ajuster les critères de certains de nos
programmes. Peut-être faut-il plutôt "pooler" des ressources
financières ensemble dans un fonds permettant de débloquer, dans
certains cas, sur des choses qui seront temporaires, mais ouvrant sur de
l'avenir permanent dans la mesure où il y a d'autres projets, et on est
à même de les évaluer en se donnant le temps de les
évaluer comme il faut et de serrer rigoureusement. C'est ma
deuxième question.
Ma troisième question est la suivante: Dans cette perspective, la
minière accepterait-elle... Il y a des inquiétudes et les
délais viennent vite - vous connaissez bien mieux que moi la situation
des hommes et des femmes qui vivent ici; certains d'entre eux et d'entre elles
sont nés ici - il y a des échéances qui viennent vite dans
certaines des propositions que j'ai vues. Concernant le logement, les taux de
location vont demeurer en vigueur jusqu'au 31 juillet 1983, mais c'est jusqu'au
1er juin 1983 que les uns et les autres pourront décider s'ils
achètent une maison. Cela vient vite, le 1er juin 1983. Les frais de
déménagement avant le 1er août 1983, les
assurances, la subvention pour l'huile à chauffage jusqu'au 31 juillet
1983... Les anciens employeurs indépendants pourront continuer de
voyager jusqu'au 31 juillet 1983. Accepteriez-vous de considérer une
prolongation de ce délai de quelque chose qui pourrait
paraître
raisonnable? Quelque chose qui pourrait paraître raisonnable, me
semble-t-il, peut-être faut-il que cela varie selon ce dont on parle et
soit quelque part entre six mois et un an. C'est ma troisième
question.
Ma quatrième question est la suivante: Ce même délai
additionnel ne vous permettrait-il pas d'évaluer quelles sont les
possibilités... Et peut-être l'avez vous déjà
regardé, auquel cas je vous demande: Qu'entendez-vous faire? Les
questions nous sont posées et vous les avez entendues.
Déjà, M. le maire a commencé. Ceux qui ont eu le temps de
lire déjà quelques-uns des mémoires voient bien que les
questions reviennent. Cela ne sert à rien de les prolonger
indéfiniment. Qu'entendez-vous faire, précisément dans le
sens d'assumer des responsabilités sociales et morales envers les
citoyens, à l'égard des travailleurs qui ne sont pas
syndiqués, mais qui, pour bon nombre d'entre eux, vivent
accrochés au fait que la minière était là.
Comptez-vous leur offrir les mêmes bénéfices? Quoi,
exactement? Les gens du milieu des affaires de la communauté de
Schefferville sont inquiets, les commerçants, les petits hommes
d'affaires. Il y a certains projets qui nous sont soumis dans le cadre de
certains programmes qui visent à créer de l'emploi permanent, des
programmes de création d'emplois communautaires. Certains
hésitent face aux projets qui nous sont soumis en se disant: Oui, mais
je ne sais pas si je vais maintenir ma demande, qui pourrait être un
petit projet qui n'aurait pas la prétention, dans certains cas, de
créer 100 ou 150 emplois, mais qu'ils se disent, est-ce que je maintiens
ma demande d'un soutien financier de démarrage pour créer de
l'emploi permanent? Est-ce que vous, les commerçants, entendez, d'une
façon ou d'une autre, prolonger une partie des bénéfices
à ces citoyens corporatifs, aux commerçants du milieu? À
l'égard de la ville, qu'est-ce que vous entendez faire sur le plan de la
fiscalité de la ville? sur le plan des taxes? sur le plan de la dette?
sur le plan de l'électricité?
Une question additionnelle très précise qui concerne le
transport. Qu'est-ce qui arrive exactement du transport? Je crois comprendre
que dans les jours - c'était peut-être hier, c'était
peut-être avant-hier -forcément, nous étions à
Port-Cartier et malheureusement, je n'ai pas tous les renseignements de
dernière heure, mais on me dit que peut-être - il se peut que je
me trompe - une soixantaine de travailleurs sur le chemin de fer auraient
reçu un avis de licenciement. Est-ce que ces gens vont
bénéficier des mêmes avantages? Qu'est-ce qui va se
présenter aussi pour l'ensemble de la population concernant le transport
pour les commerçants? Et puis...
Je m'excuse, M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): Vous avez terminé?
M. Marois: Je ne veux pas abuser. J'achève. Est-ce que,
dans cette période d'un délai raisonnable, me semble-t-il, il
serait possible d'envisager, à votre avis, pour être très
concret, à partir des suggestions qui nous sont faites, provenant de
vous et de toute une série de groupes, provenant de questions, de
remarques, de commentaires et même de suggestions de l'Opposition, peu
importe, toutes les suggestions valables doivent être
évaluées et examinées à leur mérite, est-ce
qu'il serait possible, dans ce délai, qu'on puisse créer un "task
force" impliquant la compagnie minière, le syndicat, la ville - en ce
qui concerne le gouvernement du Québec, je vous le dis tout de suite,
oui, nous serions prêts à embarquer - le gouvernement
fédéral, les groupes qui représentent les citoyens pour
que, ensemble, avec les équipes et toutes nos ressources humaines - et
je vous le dis tout de suite, on est prêt à le faire - prenons
toutes nos ressources humaines, pendant ce délai qui se prolongerait, un
délai raisonnable pour que, ensemble, on prenne les projets, ceux qui
peuvent et qui doivent, sur lesquels il faut prendre des décisions
à court terme, les projets concrets et les suggestions sur lesquels il
faut que des décisions soient prises, mais qui ne pourront jamais -
qu'on ne se raconte pas d'histoire - être prises sauf sur une
période impliquant le moyen terme, se laissant raisonnablement,
ensemble, le temps aussi de peser à fond le long terme, pour poser les
bons gestes, ensemble.
J'aurais eu d'autres questions. Je ne veux pas abuser, M. le
Président. J'ai essayé d'être le plus précis, le
plus concret possible. Je crois, M. le président de la compagnie
minière, au reclassement, bien sûr. Le reclassement, soit dit en
passant à des collègues qui posaient des questions sur les fonds,
sur les comités de reclassement, bien oui, aussi le gouvernement du
Québec prend sa part de financement des travaux et des coûts de
reclassement, comme le gouvernement canadien, comme la compagnie
minière. Les travailleurs ont leurs représentants et ils y
mettent toujours aussi un coût à la mesure de leurs moyens
forcément plus limités.
Mais le reclassement, encore là, dans cette perspective, vous
nous avez cité des chiffres, M. Mulroney. Il faut mettre tous les faits
sur la table, je crois. Quand on regarde l'expérience du reclassement de
Sept-Îles, il est vrai, d'un certain côté, que c'est une
expérience remarquable. J'ai vu les rapports. Par ailleurs, parmi les -
je crois que vous avez dit 328, je ne m'en souviens plus mais peu importent les
chiffres - gens qui ont été reclassés, vous savez comme
moi qu'il y a un pourcentage relativement important des
gens reclassés qui l'ont été dans des
activités de la minière IOC et se trouvent aujourd'hui mis
à pied. En d'autres termes, loin de moi l'idée de dire: Mettons
de côté le reclassement. Pas du tout. Il faut continuer, pousser
au maximum, et vous pouvez compter sur notre collaboration la plus
entière de ce côté-là. Mais, le reclassement seul
n'est pas suffisant. Je crois, et vous allez être le premier à
l'admettre, néanmoins qu'il faut le faire et on va continuer à le
faire et à travailler ensemble. (16 h 45)
Voilà, M. le Président, j'espère ne pas avoir
abusé, mais il me semble qu'il faut aller au-delà des analyses de
climat, de déclarations, partir d'un fait qui est là devant nous,
de suggestions plus valables probablement les unes que les autres qui nous sont
faites et décider de quelle façon on va se mettre au travail
ensemble et est-ce que oui ou non on se donne le délai raisonnable pour
le faire. Ce qui implique des coûts. Je vous dis qu'on est prêt
à faire notre part. J'ai posé un certain nombre de questions
très précises auxquelles, je puis vous le dire tout de suite, il
serait extrêmement utile que la minière, aujourd'hui, nous donne
des réponses aussi précises que, j'espère, mes questions
ont pu l'être.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. Il ne
m'appartient pas nécessairement de juger s'il y a eu abus ou non. S'il y
a abus, il appartient plutôt aux membres de la commission et aux
personnes qui veulent présenter leur mémoire à leur tour
d'en juger. Maintenant que les questions sont reçues, M. Mulroney.
M. Mulroney: Le ministre a posé huit sous-questions et je
peux vous donner des éléments de réponse
immédiatement. D'abord, en ce qui concerne le "task force", nous
embarquons. Le 3 novembre, quand je suis venu ici, j'ai rencontré le
maire Bégin et on avait créé ce qu'on avait appelé
à ce moment-là, à défaut d'un meilleur terme, un
comité de développement économique dans le but de demander
au gouvernement du Québec et au gouvernement fédéral de
nous donner un sous-ministre senior de part et d'autre pour, justement, nous
aider dans le travail. Mais, un "task force", c'est peut-être mieux et on
embarque là-dedans.
Quant au transport, nous allons maintenir en vigueur le service QNSL. Il
n'y aura pas de changements majeurs sans consultation préalable.
Évidemment, c'est régi par la CCT et on ne peut pas le changer
même si on le voulait.
M. Marois: M. Mulroney.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Marois: Est-ce qu'il n'est pas exact qu'il y a
présentement une demande devant la Commission canadienne des
transports?
M. Mulroney: On a une série de demandes
régulièrement devant la commission. Il se peut qu'il y en ait
qui...
M. Marois: N'est-il pas exact qu'il y a présentement
devant la Commission canadienne des transports une demande provenant de votre
entreprise et qui pourrait affecter, notamment, Schefferville dans le domaine
de la marchandise?
M. Mulroney: Ah bien, mon dieu! Il y a un temps que...
M. Marois: Et qui pourrait aussi, peut-être
éventuellement, affecter le service au point de le faire cesser pour le
dernier tronçon?
M. Mulroney: Non. En réponse à la deuxième
partie de la question, la réponse est non et je vais vérifier
pour savoir où nous en sommes avec une foule de demandes. On est pris
avec la CCT où il faut faire des demandes pour une série de
choses bien à l'avance. Ce deuxième point-là, je vais le
vérifier. Mais, sur le fond, il n'y aura pas de changement. Au lieu de
deux voyages, il y en aura peut-être un par semaine mais QNSL va faire la
navette sur une base régulière. Je vous donne des réponses
au moment où on se parle. On peut se revoir. Je pense, d'ailleurs, que
c'est un peu la philosophie de vos observations. Je vous dis que rien n'est
coulé dans le béton. Vous mentionnez des dates? On a fixé
ces dates-là parce que c'était la fin de l'année scolaire
et, en donnant l'avis le 3 novembre, c'était un préavis
d'à peu près neuf mois. Alors, on s'est dit: Est-ce que c'est
raisonnable? La plupart des individus seront branchés vers le 1er
juillet. On a fixé le 1er juillet comme date limite. Le "task force"
nous suggère de changer cela à l'intérieur des
paramètres que vous nous suggérez. Pas de problème; on
s'entendra s'il y a une raison valable de le faire. D'accord. Nous
maintiendrons nos responsabilités auprès de la ville, sans
problème, compte tenu de l'intervention de M. Rocheleau ce matin; avec
une population décroissante, est-ce que vous avez besoin de sept ou huit
constables ici à Schefferville? Si vous appliquez les mêmes normes
dans la force constabulaire à la population de Sept-Îles, vous
auriez 105 policiers à Sept-Îles; avec 50, on prétend qu'il
y en a trop. Alors, il y a un travail à faire avec mon ami, M.
Bégin, pour regarder les budgets, pour savoir; mais nos obligations
vis-à-vis de Schefferville
seront respectées. Il n'y aura pas de décision draconienne
ou abrupte de nature à changer notre engagement vis-à-vis de
cela.
En ce qui concerne nos obligations envers les entrepreneurs, qu'est-ce
que vous avez ici? Vous avez des professeurs, des médecins, des
employés du gouvernement et j'en passe, mais vous avez également
la petite et moyenne entreprise; c'est un peu cela.
M. Marois: Et forcément leurs employés.
M. Mulroney: Et forcément leurs employés. Or,
où s'arrête l'obligation sociale et morale d'un employeur,
même d'un employeur dans une région comme celle-ci? Je m'explique.
Les entrepreneurs sont des hommes d'affaires, des preneurs de risques. Tous
ceux qui sont venus ici, qui ont travaillé avec nous, qui ont
signé des contrats avec nous, ont fait affaires avec nous avec une marge
de profit des plus confortables. Il est un fait notoire que le très
grand nombre des entrepreneurs qui ont fait affaires avec cette compagnie
depuis 28 ans, dans cette région, ont sorti leur argent depuis belle
lurette et sont, dans une grande majorité des cas, très à
l'aise. Il y a peut-être des exceptions. Vous me parliez de certains cas
exceptionnels et j'en suis. Je suis prêt à citer un exemple
peut-être, après étude, on regardera le tout, mais je
voulais vous dire ceci. Un preneur de risques est responsable pour
lui-même. C'est un entrepreneur, c'est un employeur; il est venu ici. Il
ne voulait pas venir travailler comme employé chez nous et la raison,
c'est qu'il pouvait faire plus d'argent et une carrière plus
intéressante pour lui, ailleurs. Donc, d'un côté, il n'a
pas la sécurité d'emploi et les avantages qui s'y rattachent;
d'autre part, les risques amènent des possibilités d'une vie plus
prospère. Si vous me permettez juste ce point, M. le ministre...
M. Marois: Je ne voulais pas vous interrompre. Je m'excuse M.
Mulroney, mais je pense que vous comprenez très bien. Vous connaissez
sûrement le coin beaucoup mieux que moi. Vous savez encore bien mieux que
moi qu'un certain nombre - je ne sais pas combien - de commerçants, par
exemple, sont d'anciens employés de la minière qui ont investi
dans ces petits ou moyens commerces, peu importe, une partie du pécule
qu'ils ont pu mettre de côté, avec les problèmes de
n'importe quelle petite entreprise ou petit commerce qui démarre, avec
les marges de crédit bancaire. Le banquier est ton meilleur "chum" tant
que les affaires vont bien, seulement, quand les affaires vont mal, je te jure
qu'un de ceux qui te rendent la vie dure, c'est souvent lui.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: S'il vous plaît, M. le ministre, ce que vous
dites est très intéressant, mais je pense que vous avez
posé une série de questions et le président tentait de
nous donner des réponses. Sans vouloir être importun et vous
interrompre, je pense bien qu'on aimerait avoir la réponse de l'Iron
Ore.
M. Marois: Moi aussi et je prends bonne note. Et je suis
très heureux des ouvertures que le président de la minière
est en train de faire. Très heureux.
Le Président (M. Bordeleau): M.
Mulroney, oui, vous pouvez continuer de répondre.
M. Mulroney: Très rapidement. Par exemple, M. le ministre,
l'exemple d'un entrepreneur qui a fait - et je vais taire son nom, c'est un
homme des plus honorables, qui est bien vu dans cette région - affaires
avec nous pendant des années. Il a très bien réussi. Il
nous écrit sur une question d'affaires et il nous demande
également: Écoutez, quelle est la situation à
Scheffer-ville? Là vous me donnez des contrats encore, mais quelle est
la situation pour Schefferville? M. Geren lui répond et je vous cite un
paragraphe de la réponse, d'accord? D'abord, M. Geren lui dit:
Écoutez, vous nous demandez un contrat, on vous donne le contrat avec la
marge de profit qui est convenable. Mais écoutez, M. le ministre,
celle-là: "The deterioration of business in Schefferville parallels the
decrease in the quantity of Schefferville ore which can be sold and the profit
which can be realized for such sales. This has dwindled as has the demand for
the ore to the point where it is now a very marginal operation. I, personnally
- un homme reconnu au Canada comme étant un des grands experts dans le
domaine - can see nothing in the near future which would change this picture
significantly." M. Geren conclut: "In closing, I would personnally recommend to
you that you do not suffer any unnecessary financial loss by hanging on to the
slim hope that conditions will somehow improve in the near future." La date de
la lettre? Le 30 octobre 1978.
Il s'adonne, M. le ministre, que ce même monsieur est parmi ceux
qui vont vous dire aujourd'hui qu'il était dans un état de choc
et surpris lorsque la décision a été annoncée le 3
novembre dernier. Je vous remettrai copie à vous tous, copie
confidentielle. C'est une lettre pas confidentielle. Je veux taire le nom. Vous
savez, cela est un des problèmes, n'est-ce pas? Or, nos
responsabilités, on a essayé de les assumer de façon
très honorable vis-à-vis
de nos employés. Écoutez, si vous me parlez d'un fonds de
dépannage pour un de nos anciens employés ou quelque chose qu'il
est lancé en affaires et qu'il est mal pris aujourd'hui, si vous mettez
du "cash" là-dedans, moi je vais en mettre du "cash", je vous le dis
tout de suite. Si c'est un fonds conjoint de dépannage pour aider les
gars qui sont mal pris à Schefferville, soyez sans crainte, on va
être de la partie.
Mais, il y a toute une marge entre cela et quelqu'un qui a fait beaucoup
plus d'argent que nos travailleurs en étant un entrepreneur dans la
petite et moyenne entreprise ici; là il arrive, ayant sorti son argent,
et il dit: Je suis surpris, donnez-moi de l'argent davantage. On en reparlera
de certains cas qui sont connus de tous. Tout le monde ici, et c'est un secret
de polichinelle, on les connaît tous. Je pense que... Maintenant, pour
les cas sympathiques et honorables de malchance, un fonds de dépannage,
j'embarque avec vous là-dedans. Il reste à voir les
modalités.
Vous mentionnez des dates. Ce n'est pas coulé dans le
béton. Si le "task force" vient me voir ou vient nous voir et dit: Le
1er juillet, écoute, est-ce qu'on peut remettre cela au 1er
décembre pour telle et telle raisons? On va regarder cela ensemble et on
va s'entendre, il n'y aura pas de problème là-dessus. (17
heures)
Vous parlez également d'une autre question et, si je ne m'abuse,
c'est la dernière, M. le ministre. C'est au sujet des
possibilités, - celles-là plus réelles, en mettant
ensemble notre paquet pour les employés, qu'il y ait eu des cas
d'exception, qu'il y ait peut-être même des erreurs commises par
inadvertance, qu'il y a peut-être eu des injustices et vous me demandez
si je serais prêt à revoir cela avec Clément Godbout. Bien
sûr, on pourra revoir cela. Dans tout programme global, il se glisse
toujours des erreurs et on va revoir cela avec Clément pour qu'il soit
bien assuré que tout le monde a été traité selon
des critères justes et équitables.
Ce que je retiens davantage, M. le ministre, c'est l'esprit de vos
questions. Vous abordez le problème comme certains de vos
collègues, M. Ciaccia et d'autres. C'est la dimension humaine qui semble
vous préoccuper, et avec raison. C'est aussi ma préoccupation. Je
ne suis point un gars de virgule. Je ne bloque jamais là-dessus. On a
essayé de bien faire vis-à-vis nos employés et la
municipalité. Si le "task force" nous propose des gestes raisonnables,
on va les regarder avec sympathie, parce que ce qui transpire de vos
commentaires, c'est un peu cette dimension humaine qui doit primer sur d'autres
considérations. Je prends vos questions et je vous invite à
prendre mes éléments de réponse dans le même esprit.
On serait de la partie.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. Marois: M.
le Président...
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Marois: ...je voudrais dire, en réponse aux
questions... Je comprends parfaitement bien que le président de la
minière ne puisse pas donner des réponses
détaillées à toutes et chacune des questions que j'ai
posées. Je prends bonne note de l'ouverture d'esprit que vous manifestez
et, partant de là, je pense qu'il est peut-être possible de faire
un bon bout de chemin sur l'ensemble des sujets qui ont été
évoqués. Je comprends que cela ouvre aussi sur toute la dimension
des travailleurs qui ne sont pas syndiqués et je pense que c'est
apprécié grandement.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Chapleau.
M. Kehoe: M. Mulroney, dans votre mémoire, vous avez
brossé en détail un tableau des différentes suggestions
faites après la fermeture de Schefferville, c'est-à-dire vos
activités à Schefferville. M. Geren a aussi brossé un
tableau concernant Strange Lake et, dans votre mémoire, vous avez aussi
brossé un tableau assez intéressant et assez encourageant
concernant la possibilité de découvrir certains minéraux
qui peuvent, dans les années à venir, relancer l'économie
de Schefferville. Vous avez mentionné aussi, à plusieurs
reprises, qu'il n'y a rien de coulé dans le ciment. Vous avez dit que
les paliers de gouvernement devraient peut-être implanter un centre de
correction et différents autres moyens possibles pour garder
Schefferville en vie. Je me demande si votre compagnie ne considérerait
pas la possibilité de retarder l'arrêt de ses activités ici
à Schefferville jusqu'à ce que les possibilités de
développement de Strange Lake soient complètement
étudiées et de voir s'il est possible, avec l'exploitation des
minéraux qui seraient là - d'après M. Geren, il y aurait
un volume assez important de minéraux - de retarder votre
décision finale en regard de l'arrêt de vos activités ici
jusqu'en 1984. Vous prévoyez dans votre mémoire qu'en 1984, vous
aurez eu votre "feasibility study", qu'elle sera complète et tout.
À ce moment-là, ne sera-t-il pas possible de continuer une
activité peut-être moins importante jusque-là pour voir
s'il y a une possibilité de garder en marche vos activités ici
à Schefferville?
M. Mulroney: Bien à regret, je me dois de vous dire non.
La décision a été
longuement étudiée et analysée, prise à
contre-coeur par nous tous ici et mise en application, et elle est finale.
M. Kehoe: II y a eu une découverte de minéraux
à Strange Lake; c'est très intéressant et très
encourageant. À ce moment, quel est l'avenir de Schefferville en ce qui
concerne l'exploitation de Strange Lake? Est-ce que ce sera fait au Labrador? Y
a-t-il une possibilité de faire la relance de l'économie de
Schefferville par ce moyen?
M. Mulroney: Je l'ignore, mais il y a les possibilités que
M. Geren a mentionnées au Québec et d'autres au Labrador, dans
cette région. Je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve. M.
Geren et ses collègues, côtés scientifique et
géologique, sont très confiants, ils voient cela avec optimisme;
pas un optimisme illimité, mais sérieux. On serait en mesure de
faire quelque chose.
C'est un peu pour ces raisons que nous avons exposé devant vous
des mesures de peut-être "medium and short term considerations", de
nature à permettre à cette population qui voudra rester ici de
passer cette période d'un an, de deux ans ou de trois ans, parce que la
base devra toujours rester une base industrielle. Dans "l'exchange of
correspondence documents", vous allez constater que je suis en pourparlers avec
tous les ministères, les différents ministres. Je ne vois pas
pourquoi, après tout l'argent qui est sorti d'ici, à
différents niveaux de gouvernement, on ne serait pas en mesure de se
retourner et de dire: D'accord, Schefferville, c'est à ton tour, tu as
besoin d'aide, tu l'as mérité, nous allons faire telle et telle
chose. Alors, nous, nous procédons avec nos exploitations
minières en collaboration avec le ministre, la Société de
la Baie-James et peut-être pourra-t-on retrouver ou définir cette
nouvelle vocation économique pour Schefferville, vocation que nous
souhaitons tous.
Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie, M.
Mulroney, ainsi que les personnes qui vous ont accompagné.
M. Fortier: Un instant.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. Mulroney, serez-vous présent avec nous
demain?
M. Mulroney: Oui.
M. Fortier: Oui, alors si jamais il y avait des
présentations qui suscitaient de nouvelles questions, peut-être
pourrait-on...
M. Mulroney: II y en a sans doute une qui s'en vient. Mon ami du
comité des citoyens aura sans doute des dimensions
intéressantes...
M. Fortier: Nous vous remercions.
Le Président (M. Bordeleau): J'appelle
immédiatement le groupe suivant qui est le Comité des citoyens de
Schefferville, dont le porte-parole est M. Denis Larouche. Je demande au groupe
de s'approcher. C'est le mémoire no 8M.
S'il vous plaît, j'aimerais bien qu'on puisse continuer, alors
est-ce que les gens du comité des citoyens voudraient bien se
présenter? M. le député du comté, s'il vous
plaît, également, à l'ordre!
M. Larouche, si vous voulez bien nous présenter les personnes qui
sont avec vous.
Comité des citoyens de Schefferville
M. Larouche (Denis): À la droite, Mme Dumas, qui
représente les gens de l'hôpital; immédiatement à ma
droite, M. Robichaud, qui représente les
syndicalistes-métallurgistes; immédiatement à ma gauche,
Mme Bravo, qui représente les commerçants et, à gauche
complètement, Daniel Leblanc qui représente les
non-syndiqués. Ce n'est pas le comité des citoyens au complet, il
en manque.
Avant de faire la lecture du mémoire que vous avez entre les
mains, le comité aimerait, pour le bénéfice des gens qui
ne peuvent pas voir Schefferville à cause du climat actuel,
présenter certaines images de Schefferville par un diaporama d'environ
dix minutes. Cela pose des problèmes techniques d'éclairage, mais
j'espère, après le diaporama, qu'on pourra reprendre normalement.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): Si vous me dites que votre
exposé audiovisuel est d'environ dix minutes, je vous demanderais quand
même, pour ne pas allonger indûment le temps, de tenter,
après, de résumer le plus possible votre mémoire.
Nous suspendons pour quelques minutes, le temps du diaporama.
(Suspension de la séance à 17 h 11)
(Reprise de la séance à 17 h 21)
Le Président (M. Bordeleau): Après ce petit
rafraîchissement photographique, sûrement que tout le monde est en
forme. On peut donc continuer immédiatement. Alors, M. Larouche, sans
vous sentir obligé de répéter ce que je vous ai dit
tantôt, je vous laisse nous livrer votre mémoire.
M. Larouche: Je voudrais souligner
d'abord au sujet du diaporama que les images et la musique sont de
Schefferville.
Bref historique du Comité des citoyens de Schefferville. Le
Comité des citoyens de Schefferville n'existe que depuis quelques mois.
De plus, un tel regroupement pour Schefferville constitue une première.
Notre mémoire, vous le devinez déjà sans doute, sera donc
entaché d'amateurisme. Le peu de temps dont nous avons disposé
nous a quand même permis d'identifier la plupart des attentes de la
population de Schefferville vis-à-vis de la nouvelle situation
socio-économique créée ici par la fermeture des
installations minières de l'IOC. Cette commission parlementaire pour
notre comité a donc une importance indéniable. Par elle, nous
acheminons vers les centres décisionnels les demandes de notre
population.
La représentativité du Comité des citoyens de
Schefferville. Le comité des citoyens est composé d'un
représentant de chacun des principaux groupes de travail de la
population. Ont été invités par ailleurs un
représentant des Montagnais, un représentant des Naskapis, un
membre du Conseil municipal et un assisté social représentant les
sans-emploi. Ces représentants nommés par leurs pairs se sont
réunis depuis l'annonce de la fermeture de la minière IOC,
à peu près une fois par semaine. Ce que vous lisez ici
résume les réflexions de ceux qui les ont mandatés.
Le comité des citoyens a de plus travaillé avec le conseil
municipal. Cette étroite collaboration a fait ressortir la convergence
des opinions de notre population. Certes, tous n'ont pas une réponse
identique à chacun des problèmes que nous rencontrons
actuellement. La démocratie cependant accepte les dissidences.
L'information. Les informations circulent relativement bien à
Schefferville. Encore faut-il cependant qu'elles s'y rendent. Or, le principal
intervenant, l'IOC, ne diffuse que ce qu'il veut bien. Il utilisera alors la
rumeur, le goutte-à-goutte, la fuite bien orchestrée ou encore
l'information biaisée. Les médias, quant à eux, ne
connaissent que très superficiellement Schefferville. L'actualité
a des exigences de despote fébrile. Il nous est donc apparu
nécessaire d'informer la population, celle de Schefferville et celle
d'en bas. Ce fut là le premier mandat confié au comité des
citoyens. Or, on n'écoute bien que ceux qui peuvent se faire entendre.
L'éloignement, l'isolement et l'importance relative de Schefferville en
font un interlocuteur presque inaudible. Le silence d'Ottawa, incidemment,
illustre bien ce que nous soulignons ici.
Le choix. En mettant fin à ses opérations minières
de Schefferville, l'IOC, d'emblée, enfermait la population de cette
ville dans un dilemme apparemment anodin: partir ou rester. L'IOC n'annonce
alors que la fermeture de ses installations. Les médias sous pression
concluent hâtivement à la disparition de la ville. Ailleurs au
pays, on téléphone à la parenté d'en haut pour
connaître la date de l'arrivée des millionnaires du Nord. Or, le
cas de Schefferville n'est malheureusement pas aussi simple. La
communauté humaine de Schefferville s'est vue subitement acculée.
Elle devait ou partir ou rester. Les implications sous-jacentes à ces
deux possibilités sont essentielles. Par elles s'explique le grave
malaise social que nous vivons. Tous, en effet, n'ont pas droit aux grasses
indemnisations de séparation ou de déménagement
annoncées par M. Mulroney. Tous, non plus, ne
bénéficieront pas d'une pleine pension. Certains, par ailleurs,
ne travaillaient à l'IOC que depuis quelques années. D'autres,
les employés non syndiqués, par exemple, se voient
littéralement coincés.
Ce choix, et on le constate ici quotidiennement, n'existe pas. Pour
celui qui veut rester, la diminution des services engendrée par
l'ensemble des départs a son importance. De même, ne part pas qui
veut mais qui peut. Les coûts de transport et d'installation font
réfléchir. Certains voudraient ainsi voir venir, attendre un peu.
D'autres s'étaient installés pour longtemps.
Le dilemme dans lequel nous emprisonne l'IOC a donc eu le
résultat attendu, celui de diviser la population. Au sein d'une
communauté humaine, les individus dépendent les uns des autres.
N'indemniser qu'une catégorie de travailleurs équivaut à
insulter les autres. La population de Schefferville étant un ensemble,
il convient, pour que s'exerce vraiment le choix de chacun, que tous aient les
moyens de choisir. Et, ici, nous parlons de respect humain.
Nos attentes. C'est la partie importante du mémoire. Les
problèmes que nous vous présentons dans les pages qui suivent ont
un dénominateur commun. Leur solution ne respecte pas les normes
existantes. Or, Schefferville, depuis toujours et ce à tous les points
de vue, est une ville anormale. Sans nier d'aucune façon l'importance
des lois, il nous semble, cependant, primordial, si quelque chose doit
être fait pour la population de Schefferville, de remettre en question
les divers règlements touchés par nos demandes. C'est là
la pierre d'achoppement de tout ce qui pourra être dit ici.
En définitive, il s'agit de normaliser Schefferville. Pour
certains, nos demandes apparaîtront extravagantes, irréalistes ou
ridicules. Ceux-là, nous les invitons à vivre pendant un an
à Schefferville avec leur famille.
Nos attentes immédiates. Pour quelques-uns de nos citoyens, la
situation a déjà dépassé le point critique. Ces cas
d'urgence sont prioritaires et exigent des
mesures spéciales immédiates dès la fin de cette
commission parlementaire, soit: la création d'un fonds d'urgence
substantiel, disponible sur place; la venue à Schefferville d'un haut
fonctionnaire de type plénipotentiaire dont le mandat serait
d'administrer cette enveloppe en collaboration avec le milieu et
d'accélérer le règlement des cas critiques; l'engagement
d'un travailleur social; le droit de retrait des fonds bloqués dans les
Caisses d'entraide économique; la légalisation, pour les
Scheffervillois, de la chasse d'hiver au caribou et de la pêche sur la
glace; la mise sur pied à Schefferville même d'un comité de
concertation chargé d'appliquer les décisions qui suivront cette
commission. Ce sont les demandes les plus importantes. Il y a certains
détails à ajouter.
Nos attentes à court terme. Sur le plan du logement et de
l'immobilier, l'IOC a demandé pour le mois de juin la libération
de ses logements. C'est trop vite. Nous demandons, pour ce qui est du logement
et de l'immobilier, que le gouvernement obtienne de l'IOC un délai d'au
moins six mois, pour ce qui est de l'occupation de ces logements. Nous
demandons que le gouvernement, entre-temps, envisage sérieusement les
possibilités lui permettant de devenir propriétaire desdits
logements ou de les remettre à la municipalité. Nous demandons
que le gouvernement étudie la formule de dédommagement
annexée et qu'il s'entende avec les propriétaires
concernés sur un mode d'indemnisation. Nous demandons que les
coûts actuels de logement soient gelés. (17 h 30)
Sur le plan de l'indemnisation de base pour tous, il n'appartient pas
à une multinationale étrangère d'hypothéquer le
devenir de toute une population québécoise. Il appartient
à l'IOC, toutefois, d'indemniser ceux et celles qui, pendant des
années lui ont permis d'accumuler et d'exporter des profits que d'aucuns
jugent scandaleux. Le gouvernement, sur ce point, a une responsabilité
morale et historique indéniable. Nous demandons donc que le gouvernement
exige de l'IOC que celle-ci assume le coût total de l'indemnisation de
base que nous proposons en annexe. Nous demandons que le gouvernement, en cas
de refus de l'IOC, entame les procédures légales ou
législatives nécessaires. Nous demandons que les services de
placement accordent une attention particulière aux demandes de
Schefferville.
Pour ce qui est de la survie, c'est-à-dire, ce qui va rester de
Schefferville après le départ de ceux qui veulent partir... Une
fois indemnisé, chacun sera alors vraiment en mesure de choisir.
Certains partiront et d'autres resteront. Pour ces derniers, la vie ne sera
guère facile. Il importe en ce sens de se pencher sérieusement
sur les conditions de vie qui prévaudront alors. De nombreux correctifs
doivent être envisagés. Des situations de monopoles dont jouissent
Provigo et Esso témoignent, à titre d'exemple, de la
nécessité d'agir. Nous demandons que les services publics
existant actuellement soient maintenus, considérant qu'ils constituent
déjà un minimum. Nous demandons que le gouvernement exerce un
contrôle relativement au coût et à la qualité de
l'alimentation. Nous demandons que le gouvernement exerce un contrôle
relativement au coût des produits pétroliers. Nous demandons que
la qualité des services aériens et ferroviaires soit
haussée d'une façon décente.
Nous demandons que les normes relatives aux salaires des projets de
travaux communautaires soient révisés afin d'offrir des salaires
adéquats au milieu. Nous demandons que la priorité d'emploi soit
accordée aux résidents de Schefferville lors de l'implantation
des projets à venir. Les entreprises et les commerces: L'IOC ayant
recruté pour au moins 100 ans, des gens sont venus. Les services
commerciaux quant à eux ont suivi, encouragés en cela par l'IOC
qui y voyait un facteur de stabilisation de sa main-d'oeuvre. La
responsabilité de l'IOC est globale. Elle s'étend à
l'ensemble de la réalité de Schefferville. La fermeture des
installations de l'IOC menace dangereusement les gens d'affaires de
Schefferville. Une trop forte baisse de la population entraînerait des
faillites et de nouvelles mises à pied. Des mesures spéciales
là encore s'imposent. Celles-ci, faut-il le préciser, permettront
peut-être aux employeurs locaux d'attendre la reprise de
l'activité économique de Schefferville car, nous n'en doutons
pas, il y aura reprise.
Nous demandons que soit décrétée une exemption de
cinq ans des taxes foncières et municipales pour les immeubles et
bâtiments commerciaux. Nous demandons que soient abolies les taxes sur
les produits pétroliers utilisés par les commerçants. Nous
demandons que les normes permettant aux employeurs locaux de
bénéficier de subventions d'emploi soient révisées
à leur avantage. Pour ce qui est des employés des secteurs public
et parapublic, les nombreux déménagements auxquels nous assistons
depuis plusieurs mois ont pour effet une baisse considérable des
clientèles hospitalières et scolaires. Cette diminution
entraîne à son tour une réduction des postes et par
conséquent des services offerts, ce qui cause de nouveaux départs
tant chez le personnel que dans la population.
Or, Schefferville n'a déjà pas droit, toujours
d'après les normes, à certains services. Notons à ce
propos sur le plan éducatif l'absence de la promotion par matière
et des cours professionnels. Les services à l'enfance en
difficulté
d'apprentissage, et c'est plus grave, sont pour leur part insuffisants.
Sur le plan médical, Schefferville n'a plus droit à son
travailleur social et encore moins à son anesthésiste. De
nombreuses évacuations d'urgence résultent de cette
dernière lacune. D'autres exemples pourraient s'ajouter ici. Certains
employés du gouvernement ont récemment subi des ponctions
salariales. Ceux d'entre eux qui habitent à Schefferville
n'échappent pas à ces coupures. On assiste alors à la
comédie suivante: Moins de personnel, une tâche plus lourde pour
ceux qui restent, des salaires réduits et encore moins de services
à la population. Certes, une partie des employés gouvernementaux
de Schefferville a droit à des avantages particuliers. Les clauses de
diverses conventions collectives n'accordent cependant pas ces compensations
à tous. Il y a ici une certaine incohérence. Une comparaison
sommaire des conventions en question fait ainsi ressortir certaines
absurdités. Les primes nordiques, à titre d'exemple,
diffèrent d'un travailleur à l'autre. Ils vivent cependant
à la même latitude. Les conditions de logement, quant à
elles, relèvent de l'arbitraire et de la discrimination. Le sort que
fait subir HOC à la population de Schefferville peut s'apparenter
à une prise d'otages. Le chantage socio-économique que cette
multinationale exerce ainsi auprès des pouvoirs publics ne doit en aucun
cas inspirer ces derniers.
Nous demandons donc, dans l'intérêt de toute notre
population, que soient définis, de concert, les services hospitaliers et
scolaires essentiels à Schefferville. Nous demandons que lesdits
services soient maintenus, et même augmentés si nécessaire.
Nous demandons que les clauses des conventions relatives aux avantages
nordiques des Schef-fervillois soient renégociées. Nous demandons
que des congés sans solde soient accordés pour fins de recherche
d'emploi et/ou de logement à l'extérieur de Schefferville. Nous
demandons que les clauses relatives aux primes de séparation soient
promptement renégociées afin de permettre à tous les
Scheffervillois concernés d'en profiter. Nous demandons que s'ajoutent
aux conventions actuelles des clauses de relocalisation volontaire afin de
permettre aux travailleurs de quitter leurs emplois lors de situations
analogues à celles que nous vivons ici.
Les sans-emploi, toujours dans les demandes à court terme - nous
entendons par là des demandes pour lesquelles nous attendons des
réponses avant au moins trois mois - cette catégorie de la
population de Schefferville est celle qui souffre le plus de la nouvelle
situation socio-économique que nous vivons. Il n'entre pas dans nos
intentions de rédiger une thèse sur le sort réservé
à cette fraction de nos concitoyens. Nous nous contenterons de
présenter ici le cas de l'individu, célibataire de moins de 30
ans, vivant de l'aide sociale. Ce tableau, sans être exhaustif, est assez
révélateur. Les revenus mensuels de la personne âgée
de moins de 30 ans qui vit de l'aide sociale sont de 144 $ par mois. Les
dépenses mensuelles minimales - je dis bien minimales, les chiffres que
nous citons ici sont des moyennes - sont de 350 $. Il est évident que ce
résumé n'illustre pas toutes les conditions de vie de tous les
sans-emploi. Certains cas, entre autres, ceux des pères de famille ou
ceux des propriétaires sans emploi sont plus dramatiques encore. Ajoutez
à cette sauce qu'une seule sortie par année à
l'extérieur de la ville coûterait, pour notre individu, 50 $ s'il
prend le train et un peu moins de 200 $ s'il choisit l'avion, sans compter le
retour.
Nous demandons donc qu'une étude du coût de la vie soit
immédiatement menée et que les montants alloués en aide
soient ajustés en conséquence. Nous demandons que l'une des
priorités retenues par cette commission soit de sortir les sans-emploi
de cette chausse-trappe socio-économique.
Nos attentes à moyen terme. Parmi les suggestions émises
lors de cette commission parlementaire, certains projets mériteront
peut-être une attention plus approfondie. Il est plausible que, d'ici
quelque temps, quelques-uns d'entre eux, après étude, se
révèlent rentables. De notre côté, il nous
apparaît réaliste pour l'instant de miser sur nos atouts actuels.
À Schefferville, le tourisme, à moyen terme, est appelé
à succéder au secteur minier comme générateur
d'emploi et de revenu. Actuellement, et c'est navrant, cet aspect important de
l'avenir de Schefferville est négligé. De graves lacunes, ainsi,
nuisent sérieusement à l'expansion de ce secteur lucratif. Les
multiples interventions possibles devront être axées, en tout
premier lieu, sur l'amélioration de l'infrastructure touristique
déjà en place.
Nous demandons la création d'emplois de type communautaire visant
la dépollution de l'environnement, visant également
l'amélioration des structures d'accueil et visant, de plus, l'expansion
du tourisme. Nous demandons un contrôle direct des ministères pour
ce qui est de la qualité et des prix des services offerts aux touristes.
Nous demandons une vaste campagne nationale et internationale de mise en
marché du produit touristique de Schefferville. Nous demandons, dans le
cadre de nos attentes à moyen terme, que les travaux d'exploration et
d'exploitation de la fosse du Labrador utilisent de la main-d'oeuvre
locale.
Nos attentes à long terme. Le triste état des
économies québécoises et canadiennes ne laisse
guère d'espoir face à ce qu'on appelle couramment un gros
chantier. Les mégaprojets ne sont, en effet, plus de mode. Il est permis
toutefois d'en
rêver. Pour Schefferville, la prolongation du chemin de fer en
direction de Fort Chimo, doublée de la construction d'un gazoduc,
résoudrait bien des problèmes tout en ouvrant la voie
d'accès au développement du Nord.
Un deuxième projet, moins ambitieux celui-là, pourrait
lier Schefferville au réseau routier national par la baie James.
Réalistes, nous demandons néanmoins, pour ce qui est du long
terme, que le gouvernement du Québec oblige l'IOC à respecter les
ententes passées en ce qui a trait au prolongement de la voie
ferrée. Nous demandons que les études se poursuivent relativement
au trajet québécois du gazoduc et que des pressions politiques
s'exercent si nécessaire.
La conclusion de notre mémoire - je ne lirai pas toutes les
annexes - la population de Schefferville ne se laissera pas endormir par une
averse de petits projets aux salaires dérisoires. Nous n'attendons pas
non plus de cadeaux. Ce que la population de Schefferville demande, en fait,
c'est réparation. Le mépris affiché de l'IOC est une
insulte à toute la collectivité québécoise. La
solidarité d'un peuple ne se calcule pas en subventions. Le gouvernement
québécois dans ce dossier aura ainsi à mesurer le poids
politique de Schefferville. Et ici nous ne parlons pas du poids
électoral. Nous parlons de frontière de l'occupation du
territoire, du passé et de l'avenir. Le Nouveau-Québec ne doit
pas subir le sort du Labrador. La population de Schefferville a droit à
une certaine reconnaissance. L'indemnisation de base peut aussi s'appeler prime
d'appartenance et cela ne se chiffre pas vraiment en dollars comme ce fut le
cas d'Uranium City. Nous vous avons parlé de dignité, ni plus ni
moins.
Le Président (M. Bordeleau): Je passerais
immédiatement à la période de questions. M. le ministre
d'État au Développement régional.
M. Gendron: M. le Président, très rapidement, je
voudrais remercier les membres du comité de citoyens de la
présentation de leur mémoire. Sans porter un jugement global sur
le mémoire, je pense que tout le monde va convenir qu'il s'agit d'un
mémoire qui - même si vous-mêmes l'avez qualifié de
souffrir d'un peu d'amateurisme -a le mérite d'être très
clair, très précis. Il parle un langage très accessible
à tous, mais vous en conviendrez avec moi, il fait état d'une
multitude de projets, de situations qu'il faut analyser, que ce soit à
court, à moyen ou à long terme. Je pense que dans le langage
courant chez nous, quelquefois, on parle d'une très longue liste
d'épicerie. Et, lorsqu'on a à l'analyser et à la chiffrer,
je ne suis pas sûr que le budget du Québec suffirait pour donner
suite à l'ensemble des considérations que vous donnez.
L'autre considération, parce que, dans une commission comme
celle-ci, il est important que nous nous comportions également en gens
responsables, nous reconnaissons que la situation ici à Schefferville
est difficile, très difficile. C'est pour cela qu'on y est venu tenir
une commission parlementaire. Il ne faut pas perdre de vue l'objectif, non
plus, que fondamentalement, il n'y aurait probablement personne ici si nous
n'avions pas appris, comme vous tous, la fermeture de la Compagnie
minière IOC. Et, fondamentalement, c'est à la suite de cette
décision qu'il faut analyser une certaine façon de rendre le plus
équitables possible les choix qui s'imposent à vos
commettants.
Il ne fait aucun doute qu'on n'aurait pas besoin de discuter longtemps
sur au moins une ligne de force qui se dégage de votre mémoire.
Vous mentionnez, à un moment donné - et je trouve que c'est
important de le rappeler parce que c'est un principe - vous dites: les
problèmes que nous vous présentons dans les pages qui suivent ont
un dénominateur commun. Leur solution ne respecte pas les normes
existantes. S'il y a quelque chose de très clair et que je pense que
tout le monde va accepter, c'est bien cela. Cependant, même si vous
continuez en disant qu'à tous les points de vue, Schefferville est une
ville anormale, compte tenu bien sûr de nos critères d'analyse, on
pourrait peut-être convenir qu'il y a d'autres villes du Québec,
petites communautés qui vivent des situations pour le moins anormales,
parce que ce n'est pas demain qu'on va avoir complètement réduit
toutes les inégalités sociales, les inégalités du
vécu tout court dans l'ensemble du Québec. Et, je ne suis pas
sûr que quels que soient les gouvernements qui se succéderont,
même si on doit toujours avoir cet objectif en tête, on puisse
réaliser à court terme une garantie fondamentale d'avoir
réussi à permettre à tous les citoyens et citoyennes du
Québec de bénéficier de tous les mêmes avantages.
(17 h 45)
Je pourrais prendre un à un vos points. Bien sûr, on n'a
pas le temps de le faire. De toute façon, vous seriez possiblement
déçus puisque, à certains égards, on pourrait
donner des réponses tout de suite. Vous-même, M. le
président du comité des citoyens, m'avez indiqué
tantôt que lorsque vous parlez de court terme, cela voudrait dire dans
une certaine mesure des réponses d'ici à trois mois. Il y a des
choses dans votre mémoire auxquelles, dans la présentation que
j'ai faite dès l'ouverture, ce matin, de cette commission parlementaire,
on a répondu; entre autres, lorsque vous parlez d'assurer un minimum de
services en termes de santé, d'éducation, de loisirs, cela ne
fait aucun doute. Si on regarde vos attentes immédiates, lorsque vous
parlez de la création d'un fonds d'urgence substantiel, M.
Marois, tantôt, a manifesté au nom du gouvernement, que
l'on était très ouvert à ce que l'ensemble des ressources
qui peuvent être mises dans un - permettez-moi l'expression - pot commun
puisse être fait dans les meilleurs délais.
Je pose une question précise et j'en aurai d'autres avant de
passer à mes collègues. Quand vous avez à apprécier
un fonds d'urgence, j'aimerais que vous me précisiez quels en seraient
les participants et le nombre de personnes visées pour le gérer
et l'administrer. Parlez-moi de sa composition et de son ampleur
pécuniaire. Quand vous dites dans une phrase que vous voulez un fonds
d'urgence substantiel, il nous est très difficile de repartir avec cela
et faire des évaluations, parce que si on se met à chiffrer
l'ensemble des données, on peut arriver avec des écarts
très disproportionnés.
J'aimerais que, dans un premier temps, vous puissiez préciser la
composition et évaluer l'ampleur pécuniaire de ce fonds
d'urgence.
Le Président (M. Bordclcau): M.
Larouche.
M. Larouche: Je voudrais rappeler, tout d'abord, que le
comité des citoyens a voulu présenter les attentes de la
population. Après plusieurs consultations, ce que vous avez là
est ce qu'on nous a demandé. Maintenant, il est évident que nous
aurions pu présenter d'une façon plus précise certaines
demandes.
Il y a beaucoup de choses dans ce document qui ont été
laissées de côté. Nous n'avons fait qu'un
résumé. Il a été discuté au comité au
niveau de l'argent que nous demandons -parce que nous sommes dans la position
de la personne qui tend la main - de chiffrer ces montants-là. La
réponse qui est sortie du comité de citoyens est celle-ci:
l'argent qu'on accordera à la population de Scheffer-ville sera
égal à la valeur que les élus accordent à la
population de Schefferville. C'est notre réponse.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Gendron: Je comprends bien cela en termes de mots, surtout
qu'à la fin de votre mémoire vous dites: En fait,
fondamentalement, ce dont il faut parler, c'est de dignité. J'ai de
sérieux problèmes avec le Conseil du trésor, dont je suis
membre, quand j'ai à évaluer en termes pécuniaires les
considérations strictement objectives. Le fait que nous ayons
donné suite à ce que nous croyons fondamental de venir
siéger ici pour entendre les mémoires, c'était
déjà une marque de considération envers la population. On
va devoir avoir des données plus précises si on veut faire des
évaluations chiffrées.
De toute façon, c'est là votre réponse. Voici la
deuxième question. Vous avez insisté à plusieurs reprises
sur un point. Je partage complètement votre point de vue. Je l'ai
indiqué dans mon discours d'introduction. Mes collègues ont eu
l'occasion de poser des questions à la minière, IOC. Nous sommes
toujours convaincus que lorsque M. Brian Mulroney, président de IOC,
mentionnait qu'il était important d'assumer certaines
responsabilités en dehors de toutes lois existantes, de toutes
conventions collectives, cela voulait dire, dans notre esprit, avoir une
attention particulière pour les citoyens et citoyennes qui vivent et qui
habitent encore à Schefferville parce que, quand même, ces
gens-là sont venus à n'importe quel titre, peu importe, offrir
des services aux travailleurs de l'IOC et, dans ce sens-là, par notion
d'équité, on pense qu'ils devraient se voir attribuer une
certaine compensation.
Vous avez parlé, vous, d'une indemnisation, d'une prime - je
m'excuse, je ne me rappelle pas votre terme, c'était une prime de...
À la fin, vous parliez d'une prime de quoi? - d'appartenance, peu
importe. Alors, je voudrais savoir si vous avez eu l'occasion de
réfléchir un peu, entre vous, sur les critères ou les
espèces balises, les paramètres dont on devrait se servir pour
essayer d'établir, avec le plus d'équité possible,
l'espèce d'indemnité qui serait nécessaire entre ceux qui
partent, qui feraient éventuellement le choix de partir, par rapport
à ceux qui feraient le choix de rester? En termes très clairs,
est-ce que vous croyez que la même indemnité devrait être
accordée, que les citoyens fassent le choix de partir ou que les
citoyens fassent le choix de demeurer? Et, connexe à cela -juste un
complément et je termine là-dessus - est-ce que d'après
vous ce serait la même indemnité quel que soit le fait que ces
gens aient déjà travaillé pour la minière ou
n'aient jamais travaillé pour elle? D'après vous, est-ce que ce
devrait être la même indemnité?
M. Larouche: Pour la première partie de votre question,
relativement aux paramètres, aux critères, nous avons
ébauché, à la fin, dans les annexes, deux séries de
critères: des critères relatifs à ce qu'on appelle
l'indemnisation de base pour tous et des critères relatifs à ce
qu'on appelle l'indemnisation pour le logement. Ces deux séries de
critères ne sont que des paramètres, comme vous le dites, ce sont
des balises. Il reste à définir, pour ces balises, pour ces
repères, au sein d'un comité de concertation que nous demandons
dans les demandes immédiates, le contenu exact de ces balises. C'est une
chose qu'on ne peut pas discuter en détail en commission parlementaire,
mais, pour la population de Schefferville, pour les gens qui ont
travaillé
au sein du comité de citoyens, ces deux séries de
repères constituent, si vous voulez, une base de pourparlers avec les
personnes qui viendront travailler.
Pour ce qui est de la deuxième partie de votre dernière
question, relativement aux gens qui sont partis ou aux gens qui ont l'intention
à plus ou moins court terme de s'en aller, il resterait encore à
définir, à l'intérieur du comité de concertation,
les modalités d'application des critères que nous allons
définir. Si vous voulez, on ne peut pas détailler, actuellement,
tout ce que nous demandons, d'autant plus que nous n'avons pas eu de
réponse à la première interrogation, notre première
demande, pour ce qui est de l'enveloppe substantielle.
M. Gendron: Une dernière petite question. Est-ce que vous
avez déjà eu l'occasion, comme comité de citoyens, d'avoir
une rencontre officielle ou formelle avec la minière IOC pour discuter
de ce que j'appellerais vos revendications pour lesquelles vous avez des
références précises quant au niveau de
responsabilité, selon vous, pour la minière IOC?
M. Larouche: Comme comité de citoyens, nous
représentons l'ensemble de la population. Nous ne sommes pas un
regroupement de travailleurs de l'IOC. Les discussions avec l'Iron Ore ont lieu
avec les métallos. Nous, nous discutons entre nous face à la
situation présente en collaboration avec à peu près tous
les intervenants de la ville. Les rencontres avec l'Iron Ore, ce que nous avons
de l'IOC c'est de l'information qui est publiée.
M. Gendron: Est-ce que les demandes du comité de citoyens
ont été véhiculées auprès des
métallos, puisque vous dites que c'est l'interlocuteur qui discute avec
les porte-parole de la minière.
M. Larouche: Nous avons, au sein du comité de citoyens,
deux représentants des métallos.
M. Gendron: Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député de Laurier.
M. Sirros: M. le Président, j'aimerais aussi remercier le
comité des citoyens pour le rapport. Il est vrai que le langage est
accessible à tous. Il y a des fois, peut-être, où la
qualité du langage est plus accessible à certains qu'à
d'autres, mais, abstraction faite de cela, j'aimerais revenir sur une de vos
recommandations précises, la deuxième, où vous parlez de
la nomination d'un haut fonctionnaire de type plénipotentiaire dont le
mandat serait d'administrer cette enveloppe.
Une chose qui me semble drôle dans cette histoire, c'est que
normalement, quand une ville connaît un désastre physique,
inondation ou quelque chose d'extraordinaire, une aide directe est
apportée par les différents paliers de gouvernement. Ici, on peut
dire que c'est un désastre humain dans le sens que, tout d'un coup, la
ville voit 75% de sa population partir. Il y en a peut-être qui
s'interrogent à savoir s'ils resteront ou s'ils partiront et
peut-être que cela diminuera encore.
Je vois, dans ce genre de recommandation, quelque chose que j'aimerais
vous entendre développer un peu. Comment voyez-vous ce mandat de ce haut
fonctionnaire? Quels seraient les pouvoirs que vous voulez lui voir accorder?
Est-ce que ce serait un apport direct que le gouvernement pourrait vous donner
en termes de vous soutenir plus concrètement que cela n'a
été fait jusqu'à maintenant? Pouvez-vous développer
un peu cet aspect-là?
M. Larouche: Ce tout puissant fonctionnaire, cet archange
miraculeux qui nous arriverait subitement est demandé en fonction d'une
urgence. La première chose importante, c'est qu'il arrive, qu'il
descende des nuages de Québec pour arriver à Schef-ferville
même. Lorsque nous aurons ce personnage entre les mains, nous
travaillerons avec lui de la même façon que nous avons
travaillé au comité des citoyens en définissant nos
mandats, en fixant nos objectifs prioritaires, etc. C'est de cette façon
qu'on travaillerait avec le personnage. Nous demandons cette présence
dans le cadre des demandes immédiates. C'est urgent, ce n'est pas
quelque chose que les instances décisionnelles mijoteront quelque temps,
quelques semaines ou quelques mois, c'est quelque chose qui presse. Il y a des
cas d'urgence, j'imagine qu'on a attendu assez longtemps, d'après ce que
j'ai entendu en ville. Il serait peut-être temps que,
concrètement, il se passe quelque chose pour ce qui est du fameux choix
avec lequel on a ouvert l'assemblée ce matin.
Il y a une question de choix, les personnes qui sont intervenues ce
matin l'ont mentionné, le choix est revenu dans le courant de la
journée. Il est temps que les gens qui ont à choisir puissent le
faire. Ensuite, nous regarderons le délai, nous regarderons ce qui se
discutera. Le fonctionnaire en question serait là justement pour
accélérer les procédures administratives qui
découleraient du choix.
M. Sirros: ...j'entends parler. Ai-je tort de dire que le
sentiment que vous véhiculez le plus semble être un sentiment de
frustration par rapport aux instances que... Vous sentez, en quelque sorte,
qu'on vous a laissé tomber dans toute cette affaire-là.
Vous vous débrouillez seuls, il n'y a aucune indication quelque
part qu'une autorité vient vous appuyer dans le règlement de ces
cas d'urgence ou même les perspectives à moyen terme des individus
qui y vivent. Finalement, vous faites appel au gouvernement afin qu'il nomme un
type, un archange, comme vous dites, qui descendra des nuages afin de s'occuper
des cas individuels des personnes qui sont ici. Il s'agit finalement d'un
problème des 900 ou 1000 personnes qui demeurent ici.
Ai-je raison de dire que c'est cela que vous véhiculez
finalement?
M. Larouche: Le mot n'est peut-être pas exact. Cela ne
recouvre qu'une partie de la population. Ce n'est pas un sentiment
exprimé uniquement vis-à-vis du pouvoir, le même sentiment
est aussi exprimé vis-à-vis de l'Opposition. Il s'exprime
également envers les médias. Depuis le début de la
commission parlementaire, depuis l'annonce de l'Iran Ore, on utilise la
population de Schefferville à toutes les sauces, on l'utilise pour tous
les arguments. Chacun y va de son petit cri d'alarme pour la population de
Schefferville, en faveur de la population de Schefferville. Entre-temps, chacun
passe son message et, en attendant, la population de Schefferville attend.
M. Sirros: Évidemment, il y a toujours le risque que
chacun essaiera de passer son message. Un message que j'aimerais passer ici,
c'est qu'il me semble que nous faisons face à une situation
extraordinaire et que, finalement, il faudrait agir avec des moyens un peu
extraordinaires parce que, même si on s'est déplacé de
Québec à ici, cela ne règle pas grand-chose dans
l'immédiat.
M. Larouche: ...beaucoup. (18 heures)
M. Sirros: Dans ce sens-là, j'aimerais voir la
présence du gouvernement. Nous avons quatre ministres ici aujourd'hui
qui pourraient peut-être prendre ce genre d'engagement. On a parlé
de la création d'un "task force" ce matin. Tout à l'heure, le
ministre Marois a soulevé ce point avec le président de l'IOC. Je
crains ce genre de comité. C'est beau en termes de possibilités
à long terme et à moyen terme, mais il y a - comme on le remarque
ici - des gens qui vivent des situations bien concrètes.
Je vois, dans la deuxième recommandation, un genre de position et
j'espère qu'aujourd'hui on pourra entendre le gouvernement dire qu'il y
aura quelqu'un qui sera dégagé, avec des pouvoirs
extraordinaires, pour faire face à cette situation, pour
l'étudier dans l'immédiat. Quand je dis l'immédiat, je
veux dire... Vous avez mentionné trois mois, mais à
l'intérieur de cette période il faudra pouvoir dire
concrètement ce qu'on peut faire et le faire. Dans la première
recommandation, ce serait peut-être une des choses que cette personne
pourrait établir avec le comité des citoyens, à savoir la
somme substantielle réaliste, et par la suite, les gens qui font face
à ce problème pourraient avoir au moins le sentiment qu'il y a
quelqu'un quelque part qui les appuie.
J'arrête ici. Je pense que c'est là l'essentiel de la
démarche que vous faites.
M. Larouche: Ce n'est pas au comité des citoyens à
fixer les budgets sociaux du gouvernement.
M. Sirros: Un des éléments du mandat du
plénipotentiaire que je verrais, ce serait de venir étudier avec
vous la situation et dire au gouvernement qu'on a besoin de tant. Par la suite,
il pourra administrer avec la collaboration des gens en place pour faire face
à ce genre de situation extraordinaire. Je rappelle à tous ceux
qui sont ici qu'encore une fois, quand il s'agit d'un désastre naturel,
personne ne se pose la question à savoir si on devrait assumer une
responsabilité comme État et comme société face
à ces gens-là. On le fait normalement. Pour ma part, il me semble
que c'est le même genre de situation qu'on vit avec la seule
différence que c'est, semble-t-il, le marché mondial du fer qui a
causé un désastre humain à Schefferville. Nous avons une
responsabilité comme société, comme État, d'agir de
la même façon, comme si c'était un désastre physique
naturel.
M. Larouche: Pour ce qui est des perspectives d'avenir
relativement au marché du fer, relativement à la population de
Schefferville, nous laissons cela à l'Opposition pour l'instant, afin
qu'elle prépare les perspectives d'avenir relativement à nos
demandes à moyen terme et à long terme. Lorsque l'Opposition sera
au pouvoir, elle nous présentera ses projets de relance. Pour l'instant,
nos interlocuteurs premiers se situent au niveau des élus. Il y a un
choix politique à faire. Ce choix doit se faire dans le gouvernement.
D'après les introductions et les apartés de la journée, le
gouvernement semblait être disposé à faire ce choix
politique, à reconnaître que nous avons aussi un choix à
faire. Il importe actuellement que la décision politique se fasse
très rapidement face à nos demandes immédiates.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre du Loisir, de
la Chasse et de la Pêche.
M. Chevrette: M. le Président, j'ai tenté, avant de
me rendre ici, de faire mes devoirs pour pouvoir donner certaines orientations,
tout au moins vous donner les
hypothèses sur lesquelles mon ministère travaille
présentement et qui correspondent assez bien à votre
mémoire, d'une certaine façon.
D'abord, j'ai le plaisir de vous annoncer qu'il y aura un petit fonds
spécial dans le domaine du loisir. Il vous sera communiqué
puisque votre député et M. Lévesque m'avaient
demandé de dégager des fonds à même certains
programmes et de faire les transferts nécessaires pour assurer le
maintien des équipements et permettre à la population de se
récréer, en tout cas, dans les moments difficiles que vous
traversez. Ce fonds a été trouvé et il vous sera
communiqué très prochainement.
Deuxièmement, mon ministère a été sensible
à différentes hypothèses de travail. J'ai même
écrit au comité conjoint qui discute des droits de chasse et de
pêche pour accorder, dès cet hiver, une chasse d'hiver.
Malheureusement, je n'ai pu obtenir la réunion du comité. On m'a
dit: Une réunion spéciale, non. La réunion
régulière aura lieu les 15 et 16 février prochain et ce
sera les 15 et 16 février qu'on discutera de votre demande
spécifique de la chasse d'hiver.
Nous avons également étudié des possibilités
- j'ai constaté avec plaisir que certains mémoires y touchent -
de la commercialisation du caribou. Vous en parlez, puisque vous parlez
spécifiquement, dans votre mémoire, dans les annexes, de la mise
en conserve de la viande de caribou. C'est vrai qu'on arrive à peu
près aux chiffres de la SDBJ. Lorsque les quatre cadres de la SDBJ nous
présenteront un mémoire, vous vous rendrez compte que cela
correspond à peu près à leurs chiffres. Je n'ose pas
avancer le nombre. Ils le sortiront eux-mêmes, mais, en ce qui regarde
les études du ministère, on les traitera à leur niveau.
Nos chiffres correspondent sensiblement aux chiffres qu'ils avancent. La
retombée économique dans le milieu peut être fort
intéressante allant d'au-delà de 10 000 000 $ à tout
près de 15 000 000 $. Cependant, j'ai des contraintes, vous le savez,
à cause de la Convention de la Baie-James; je devrai
nécessairement passer par les voies de la négociation à ce
niveau avant de donner un accord final. Je peux vous dire que mon
ministère est très sensible à cette avenue. Il l'a
étudiée et est prêt à soutenir les efforts des
négociations pour en arriver à une solution concrète, et
cela n'est pas du pelletage de nuage, ce n'est pas de la poudre aux yeux. Si
cela se concrétisait, ce serait véritablement de l'injection
d'argent sur le plan économique. Ce serait une retombée
économique. Ce serait générateur d'emplois
également.
Également, j'ai envisagé la possibilité d'ajouter
des pourvoiries. Il en existe présentement, mais, encore là, cela
fait partie de la négociation de la convention. Je peux vous dire que
les pourvoyeurs, ici, génèrent passablement d'activités
économiques et que nous avons treize demandes spécifiques en
suspens présentement, de sorte qu'on pourrait, dans un avenir pas si
éloigné, envisager des possibilités concrètes
d'assumer une certaine forme de retombées économiques en ajoutant
certaines pourvoiries. Je suis allé même jusqu'à imaginer
une coopérative qui utiliserait des logements vacants dans les
municipalités, qui gérerait certains établissements et qui
permettrait justement des chasses en accordant l'hébergement qu'il faut
et les guides, en assumant la fonction de guide, etc., ce qui créerait
encore une activité dans le milieu.
Donc, à ce point, mon ministère a travaillé. On a
plusieurs hypothèses et nous aurons sans doute à les discuter par
le SAGMAI et lors des négociations sur la Convention de la Baie-James,
des négociations qui doivent commencer très bientôt
d'ailleurs. Au comité conjoint, de toute façon, nous aurons des
rencontres dès les 15 et 16 février prochain. C'est un peu, dans
un premier temps, ce que je voulais vous dire de la part de mon
ministère. Il y en a un qui pourrait vous en parler beaucoup plus
longtemps que moi parce qu'il a été à l'origine de la
Convention de la Baie-James, M. le député de Mont-Royal. Si nous
travaillons ensemble, autant Opposition que gouvernement, dans ce secteur, avec
la compréhension des groupes des autochtones, nous pourrons
peut-être réaliser quelque chose de concret qui pourrait
être une preuve tangible de la volonté gouvernementale de
créer dans le milieu une activité économique basée
non pas sur une ressource qui s'épuise, mais sur une ressource
renouvelable, d'autant plus que notre cheptel de caribou représente
entre 35 000 et 50 000 têtes de trop présentement. Ce serait
extrêmement bon pour la régénération elle-même
de procéder à l'ensemble des activités que je vous ai
données dans mon exposé.
Je pourrais parler de chasse d'hiver. On pourrait parler de prolongation
de chasse. On pourrait parler de changement de quotas pour les prises. C'est
une foule de possibilités théoriques, du moins, qu'on a
présentement et j'espère pouvoir les concrétiser dans les
négociations avec le comité conjoint et ensuite dans le cadre des
négociations de la Convention de la Baie-James. Donc, je voudrais vous
rassurer de ce côté et vous dire qu'au moins on fera des efforts
soutenus pour poser des gestes concrets et personne ne pourra nous taxer de
jeter de la poudre aux yeux. Ce ne sont que des points de vue.
C'est-à-dire ce qui nous manque présentement, c'est la
compréhension. J'espère qu'on l'aura. Je ne peux pas
présumer qu'on ne l'aura pas, mais je peux
vous dire une chose, si on manifeste tous une volonté de voir
changer certaines conventions, j'ai l'impression qu'on peut y arriver et dans
le meilleur intérêt des gens de Schefferville. Je ne voudrais pas
que vous le preniez dans le sens que vous l'exprimiez tantôt, le petit
cri d'alarme pour dire: Pour la population de Schefferville, je veux vous
défendre. Non, ce sont des gestes théoriques très
précis que nous avons établis et qui peuvent se
concrétiser très facilement avec la bonne volonté de tout
le monde.
M. Larouche: Je voudrais d'abord préciser...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Larouche.
M. Larouche: ...ou corriger peut-être une impression que je
laisse d'après ce que vous venez de mentionner quant à une
certaine agressivité ou à certaines frustrations. Mettons cela
sur le dos de la nervosité.
M. Chevrette: Non, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire,
monsieur.
M. Larouche: ...
M. Chevrette: Je m'excuse. Ce n'est pas vous que je visais. Ce
sont ceux qui disaient ce matin qu'on s'en venait pour garrocher de la poudre
aux "oeufs", aux yeux. Non, excusez-moi, ce n'est pas la poule aux oeufs
d'or.
Une voix: C'est parfait.
M. Chevrette: Ils disaient qu'on n'avait rien fait. Je m'excuse,
mais on a déjà carrément des études en marche.
C'est sérieux et cela s'effectue, en plus.
M. Larouche: Je reviens néanmoins à nos attentes
immédiates pour lesquelles vous n'avez apporté qu'une seule
réponse. Il y en a six. Celle que vous avez mentionnée concerne
le caribou. Il en reste quand même cinq. On les a placées à
cet endroit du mémoire, parce qu'elles étaient importantes. J'ai
l'impression, dans l'ordre de priorité de ces cinq demandes, que la
question du caribou n'est pas la plus importante, même si elle se
négocie le 15 février. Nous sommes quand même
touchés qu'il y ait des démarches en ce sens.
M. Chevrette: J'ai voulu parler de mon secteur, bien
sûr.
M. Larouche: D'accord.
Je voudrais aller à nos attentes à court terme qui sont
très importantes, dans lesquelles attentes on mentionne l'idée de
choix. Cette idée de choix doit se traduire dans la
réalité par des faits concrets. Nous endossons M. Marois
lorsqu'il demande à l'IOC de prolonger, pour un certain temps, des
discussions valables au sein d'un comité "task force", etc., mais
entre-temps, les gens ont à choisir. Il ne faudrait pas prolonger
l'attente dans laquelle les gens se trouvent. La situation que nous vivons
depuis la fermeture est une situation d'attente. Nous attendions, nous, la
commission parlementaire pour pouvoir justement faire notre choix pour
permettre à ceux qui veulent partir de s'en aller et à ceux qui
veulent rester, de rester. C'est très important dans le sens qu'on ne
peut pas diviser la population de la même façon que toute remarque
ou toute considération relativement à tel ou tel groupe de la
population de Schefferville est une attaque directe à l'ensemble de la
population. Attaquer les commerçants, c'est diviser la population. Les
commerçants font partie de la population. Attaquer tel ou tel groupe de
la population, c'est une attaque. Plus l'attente dure, plus la population est
divisée, moins la concertation peut se faire et moins ii y a
unanimité. Prolonger encore l'attente de six mois ne donne absolument
rien. Les discussions qui pourraient avoir lieu pendant ces six mois
concerneront ceux qui auront décidé de rester. C'est pour cette
raison qu'il est important d'abord de laisser le choix et ce, très
rapidement. Nos attentes à court terme présentent des
possibilités et des repères pour permettre ce choix. Il s'agit de
les considérer et d'avoir une réponse très rapidement. Le
court terme, c'est deux ou trois mois au maximum. Encore deux mois d'attente
ici, une fois les retombées de la commission parlementaire
effacées ou une fois les souvenirs de la commission parlementaire
effacés, on se retrouve exactement dans la même situation qu'avant
la commission parlementaire, en état d'attente. Je pense que la
population commence à être fatiguée d'attendre, pour toutes
sortes de raisons. D'accord?
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député de Marquette.
M. Dauphin: Merci, M. le Président, je vais toucher deux
petits points qui, effectivement, se retrouvent dans votre mémoire
relativement aux attentes à court terme. J'avais l'intention, un peu
comme le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, de toucher au
caribou et tout cela, mais j'ai compris votre message et j'en parlerai avec
d'autres intervenants un peu plus tard.
Relativement à l'aide sociale pour les jeunes, je pense que c'est
une dimension qu'on n'a pas encore touchée ce matin. Ma première
question est la suivante: Approximativement, avec la population
restante au moment où on se parle, il y a combien de jeunes
à peu près dans la région soit Schefferville ou... On
parle plus spécifiquement de Schefferville, évidemment, avec la
commission que nous avons.
M. Larouche: Je ne peux pas vous donner le nombre exact de
jeunes. Les natifs qui viendront présenter un mémoire
ultérieurement pourront vous fournir ce chiffre. Pour ce qui est des
sans-emploi en bas de 30 ans - une catégorie de jeunes quand même
- il y a un minimum de 100 personnes touchées par cette situation, qui
sont dans la majeure partie des jeunes, des natifs qui n'ont pas d'emploi
après avoir étudié et être revenus sans emploi ici.
La place où ces jeunes reviennent, c'est Schefferville. C'est leur
place. Je ne peux pas vous dire exactement le nombre de jeunes. Je peux vous
dire, cependant, que durant le quart de siècle d'existence de
Schefferville, environ 1075 enfants sont venus au monde ici, sinon plus. (18 h
15)
M. Dauphin: D'accord. Justement, relativement à l'aide
sociale pour les célibataires de moins de 30 ans, nous avions la chance
d'avoir le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu avec nous, il va revenir un peu plus tard, j'en suis convaincu. Ce
serait probablement le temps que nous ayons un engagement voulant
qu'effectivement, surtout dans une région comme Schefferville, je pense
que c'est utopique de penser qu'un jeune célibataire en bas de 30 ans,
surtout s'il est à son compte, puisse vivre avec 144 $ par mois. Vous
n'avez pas encore reçu la Presse d'hier, mais il y avait un...
M. Larouche: Nous avons entendu la réponse de M. Marois
à ce sujet à la télévision hier.
M. Dauphin: Vous l'avez entendu à la
télévision hier? Ah, bon! C'est qu'il y avait également un
entrefilet dans la Presse également.
Ensuite, vous parlez de projets communautaires. Vous avez sûrement
eu vent ou pris connaissance d'un projet pilote d'un député
ministériel relativement à un service civil, ici à
Schefferville. Est-ce que le comité de citoyens qui, comme je le
remarquais au début, n'est pas constitué depuis fort longtemps, a
eu l'occasion de se pencher sur ledit projet, à savoir que des jeunes
viendraient à Schefferville avec différentes activités,
rémunérés entre 50 $ et 100 $ par semaine, selon ce que
j'ai vu dans les journaux? Avez-vous eu l'occasion jusqu'à maintenant de
vous pencher là-dessus?
M. Larouche: A priori, nous sommes en faveur de toute initiative
pouvant amener à Schefferville une population pour repeupler la ville,
rebâtir l'avenir; nous sommes tout à fait d'accord avec tous les
projets qui pourront être avancés. Il importe cependant de
préciser que cela ne donne pas nécessairement d'ouvrage aux
jeunes de Schefferville. Il y a peut-être une priorité dans ce
sens, peu importe le projet avancé par qui que ce soit de n'importe
où au Québec, avec les plus belles idées et
présenté de la meilleure façon, cela ne donne pas
d'ouvrage aux gens d'ici et encore moins aux jeunes.
Nous sommes pour tout projet qui apporte quelque chose à
Schefferville, mais nous voulons aussi que les gens qui auront
décidé de demeurer à Schefferville voient quelque chose
s'ouvrir devant eux et aient de l'emploi, du travail et des salaires
décents reliés à ces emplois permanents.
M. Dauphin: D'accord.
M. Larouche: Je ne sais pas si vous avez une autre question?
M. Dauphin: Non, c'est tout, continuez.
M. Larouche: Pour ce qui est des projets susceptibles de
créer de l'emploi à Schefferville, il y en a plusieurs qui ont
été avancés. Il y en a un qui a été
avancé de façon partielle par plusieurs intervenants et qui
aurait peut-être sa raison d'être, il implique plusieurs personnes.
Il s'agirait, puisque le gouvernement reconnaît - comme il l'a
mentionné ce matin - sa responsabilité vis-à-vis le
développement futur du Nord québécois, il semblerait
peut-être important de mettre en place à Schefferville même
les appareils administratifs touchés par les dossiers nordiques. C'est
une proposition qui circule depuis longtemps chez les fonctionnaires, c'est un
ensemble de propositions qui mériterait d'être appliqué
concrètement, pratiquement à Schefferville. Cette proposition
créerait plusieurs emplois. Je pense qu'il est important de le
mentionner ici en commission parlementaire. J'aurais des documents à
faire circuler parmi les membres de la commission parlementaire, documents qui
peut-être intéresseraient les membres.
Le Président (M. Bordeleau): Si vous pouvez remettre une
ou des copies à quelqu'un du secrétariat des commissions, on en
fera des copies pour les distribuer aux membres de la commission.
M. Larouche: Les copies sont faites.
Le Président (M. Bordeleau): Vous avez des copies? Alors,
on en fera la distribution dans les prochaines minutes.
M. Larouche: II s'agirait, avec ce projet, d'apporter, ici
à Schefferville, de nouveaux emplois, en définitive, il s'agirait
de donner à Schefferville le rôle, le titre, la fonction de
capitale administrative du Nouveau-Québec. Cette proposition est
déjà reprise de façon fragmentaire par plusieurs des
intervenants. Tous les organismes et ministères impliqués par la
gestion du Nouveau-Québec devraient se retrouver physiquement à
Schefferville même. Les documents, qui vont circuler entre les mains des
gens de la commission, ne sont qu'un résumé du dossier
préparé par des fonctionnaires. Ce résumé est
déjà connu par certains d'entre vous, mais il importe quand
même de globaliser une injection d'emplois à Schefferville,
puisque le gouvernement reconnaît sa responsabilité dans le Nord
québécois, élément très important. Ce qui ne
veut pas dire que notre priorité est d'amener d'autres personnes de
l'extérieur pour travailler ici, il y a déjà des gens qui
ont pris le train en pensant qu'à Schefferville, il y aurait des
emplois. Le nouveau Klondike de la misère est commencé. Ce n'est
pas le but de l'intervention du comité des citoyens. Le but premier
était d'informer la population; le deuxième mandat était
d'obtenir, pour la population, le choix. Nous en sommes à demander,
pendant cette commission parlementaire, une décision politique qui
pourrait survenir assez rapidement, c'est ce que nous demandons en
définitive. Je crois que c'est le message essentiel, à moins que
vous n'ayez des questions sur le document en question.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va. Un petit mot que le
député de Duplessis m'a demandé. Alors, M. le
député de Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Pour le
bénéfice des membres de la commission et de la population, j'ai
ici, en provenance du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, et datés du 1er février 1983,
en ce qui a trait à Schefferville même, les chiffres concernant
les personnes qui reçoivent des prestations d'aide sociale. Je ne
nommerai pas de noms parce que ce n'est pas normal de nommer des noms dans ces
cas. Il y a actuellement 34 dossiers d'aide sociale ici même à
Schefferville; sur les 34, il y a 18 chefs de famille masculins, 16 chefs de
famille féminins, un dossier où l'homme est conjoint et un
dossier où la femme est conjointe. La répartition de ces 34
dossiers se fait comme ceci: 19 personnes aptes et disponibles, de moins de 30
ans; 11 personnes inaptes, non disponibles, de moins de 30 ans; 1 personne
inapte non disponible, de plus de 55 ans; 1 personne inapte, non disponible
entre 30 et 55 ans et 4 personnes aptes et disponibles entre 30 et 55 ans. Je
pense que cela vous donne l'ordre de grandeur de ce qu'il y a ici actuellement
pour l'aide sociale. Cependant, je sais très bien, qu'à cause du
fait que certaines personnes reçoivent actuellement l'assurance
chômage, elles devront éventuellement, à cause des semaines
qui s'écoulent, dépendre de l'aide sociale. Je voudrais revenir
très brièvement sur deux questions. Pardon?
Le Président (M. Bordeleau): J'ai compris que vous vouliez
intervenir seulement pour donner une information.
M. Perron: Non, non. C'est pour clarifier...
Le Président (M. Bordeleau): Si on commence à poser
des questions...
M. Perron: Non, non, c'est juste pour clarifier, M. le
Président, une question.
Le Président (M. Bordeleau): Très rapidement.
M. Perron: Oui, très rapidement, si je peux parler, M. le
Président. Lorsque vous parlez de la création d'un fonds
d'urgence substantiel disponible sur place, est-ce que vous pourriez donner aux
membres de cette commission et aussi pour le bénéfice de la
population ce à quoi servirait ce fonds substantiel et
spécial.
M. Larouche: II y a présentement certaines personnes qui
sont en situation de faillite, certaines personnes pour qui une recherche
d'emploi ou de logement à l'extérieur sont une
nécessité urgente. Nous avons à définir d'abord
quels sont exactement les cas d'urgence au sein du comité dont nous
avons demandé la formation. Présentement, je ne peux pas vous
donner plus de détails sur l'utilisation future du fonds d'urgence en
question. Le fonctionnaire qui serait sur place pourrait répondre
à cela avec précision.
M. Perron: D'ailleurs le point no 2 a beaucoup d'importance avec
le point no 1, si je comprends bien et, de toute façon, ils sont
interreliés. Alors, à ce sujet, j'ai déjà
commencé, comme je vous l'avais déjà mentionné, des
interventions auprès du ministre concerné. Je continuerai
à travailler dans ce sens et j'espère que le gouvernement
lui-même par le biais de ce ministère prendra la décision
qui s'impose pour faire en sorte que dans les plus courts délais -cela
ne veut pas dire dans un mois, cela veut dire dans les jours qui viennent - il
y ait quelqu'un qui soit mandaté pour venir ici sur place et travailler
de concert avec vous. Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, je
vous remercie. Merci, M. Larouche, ainsi que les autres personnes qui
vous ont accompagné dans la préparation de votre
mémoire.
La commission suspendra donc ses travaux pour prendre un lunch pour
revenir pour 20 heures 30. Cela donne 2 heures; alors la commission suspend ses
travaux jusqu'à 20 heures 30.
(Suspension de la séance à 18 h 25)
(Reprise de la séance à 20 h 39)
Le Président (M. Bordeleau): Mesdames et Messieurs, s'il
vous plaît. La commission parlementaire de la présidence du
conseil de la constitution se réunit de nouveau pour continuer
l'étude des mémoires. À la suspension, nous avions
terminé le troisième mémoire. Nous en sommes donc au
quatrième, soit à l'exécutif du Parti
québécois de Duplessis.
Je demanderais donc au représentant, M. Valmont Vallée, je
crois, de se présenter et de nous présenter les personnes qui
seront avec lui et de procéder. Je vous souligne à tous, à
toutes, que pour passer à travers l'horaire de la soirée, il
faudra être très avare de temps. Je demanderais à tout le
monde de collaborer et de toujours résumer leur pensée autant que
passible, que ce soit dans les questions ou les réponses.
M. Fortier: M. le Président... est-ce qu'on peut demander
au président d'être plus sévère envers
nous-mêmes...
Le Président (M. Bordeleau): Envers vous-mêmes?
M. Fortier: ...pour qu'on puisse procéder d'une
façon plus diligente?
Le Président (M. Bordeleau): Je veux bien tenter
d'être plus vigilant sur le temps. Alors, si nous commencions dès
maintenant, M. Vallée, c'est à vous.
Parti québécois de Duplessis
M. Vallée (Valmont): M. le Président, messieurs les
membres de l'Assemblée nationale, mesdames et messieurs, ce
mémoire est présenté par l'exécutif du Parti
québécois de Duplessis en collaboration avec les membres du
comité local du Parti québécois de Schefferville.
Je voudrais vous présenter, à ma gauche, M. Serge
Monfette, M. Rodrigue Ross et, à ma droite, MM. Robert Crousset et
Clermont Lavoie.
Présentation: À la suite de l'annonce faite par le
gouvernement québécois qu'une commission parlementaire portant
sur l'avenir de Schefferville soit convoquée, l'exécutif du
Parti québécois de Duplessis et son comité local de
Schefferville ont décidé de présenter un mémoire
sur le sujet.
Nous croyons qu'il est aussi de notre responsabilité de prendre
officiellement position sur la question et de faire les recommandations qui
s'imposent sur la présente situation et sur l'avenir, à la suite
de l'annonce de la minière IOC de fermer ses exploitations,
décision que nous déplorons vivement puisqu'elle touche la
population de toute une ville et même d'une région.
Ce mémoire que nous vous présentons est à la mesure
de nos moyens techniques et financiers. Il se veut, de plus, une prise de
position de notre parti sur toute la question des fermetures d'usines et des
mises à pied massives. Il est de notre devoir de s'assurer que les
citoyens de Schefferville seront protégés face à ce qui
leur arrive. Il nous faut veiller à ce que la minière IOC et les
gouvernements provincial et fédéral prennent leurs
responsabilités dans cette affaire. C'est pourquoi les gouvernements
provincial et fédéral, la minière IOC, le conseil de ville
de Schefferville et leurs citoyens devront s'asseoir à une même
table pour discuter concrètement des intentions de chacun, quant
à la survie de Schefferville. Par exemple, qui devra payer pour les
services qu'il faudra conserver? Peut-on créer et maintenir suffisamment
d'emplois pour assurer la survie de Schefferville? Voilà le genre de
questions que la commission parlementaire devra débattre.
Nous voulons féliciter et remercier le gouvernement
québécois et l'Opposition pour la sage décision de tenir
cette commission parlementaire sur les lieux même de la ville de
Schefferville. Nous espérons que ce précédent se propagera
à tout le Québec. Il est à souhaiter que cette
démarche sera hautement appréciée par la population de
Schefferville et qu'elle sera suivie de décisions concrètes et
rapides de la part des parties impliquées. Nous tenons à
souligner que ce mémoire a été rendu possible grâce
à l'aide financière que nous a fournie le Parti
québécois de la région de la Côte-Nord.
Historique.
La ville de Schefferville, ainsi nommée en l'honneur de Mgr
Scheffer, fut incorporée en 1955 en vertu de la Loi sur l'organisation
municipale des villages miniers. Cette ville, sise à 54°
degrés de latitude nord et 66 degrés de latitude ouest, entre le
lac Knob et le lac Pearce, dans la province de Québec, est située
au centre de la région minière en exploitation. La construction
de cette ville fut commencée tard en 1953, mais c'est seulement au
printemps de 1954 que les travaux furent entrepris sur une grande
échelle. Le plan d'aménagement fut conçu par le service
technique de la minière IOC, avec l'aide du ministère des Mines
du Québec. En 1975, un programme fut lancé
pour l'agrandissement de la ville.
Au centre de la ville se dressent trois écoles et trois
églises modernes; un hôpital de 33 lits a été
ajouté à l'acquis de la ville. On a centralisé sous un
même toit toutes les installations récréatives et
sportives, soit l'aréna, le centre récréatif, le centre
culturel et le gymnase. L'aréna possède une glace artificielle
utilisable huit mois par année.
Schefferville a été reliée à Sept-Îles
en 1954 par la voie ferrée. Le dernier crampon, symbole de la fin des
travaux de la voie ferrée, a été enfoncé par M. J.
R. Timmins, le 13 février 1954. Le premier convoi de minerai de fer a
quitté la cour de triage de Silver Yard pour Sept-Îles le 31
juillet 1954. Dans les bonnes années, on pouvait compter 4500 personnes
à Schefferville.
Responsabilité de la minière IOC. Depuis 1953, la
minière IOC a amené sur place un grand nombre de travailleurs en
vue d'exploiter les mines de fer qui s'y trouvent. De là l'obligation
pour celle-ci de mettre sur pied les services communautaires nécessaires
à la population et de les maintenir tant et aussi longtemps que toutes
les solutions ne seront pas étudiées et les décisions
rendues.
Ces travailleurs ont quitté leur village, leur ville et leur
milieu de vie. Ils se sont donc déracinés pour s'établir
dans ce pays nordique. Ce déracinement a été très
douloureux pour beaucoup d'entre eux puisqu'il leur a fallu quitter
père, mère, frères, soeurs et, souvent même, leur
femme et leurs enfants. Ils ont aussi quitté beaucoup de leurs amis
d'enfance pour venir s'installer dans une ville très peu
organisée où ils ont dû s'intégrer dans un milieu
austère et exigeant. Cet effort physique et moral a été un
prix énorme à payer. Il ne faut surtout pas oublier que des
familles complètes sont nées à Schefferville et que ces
dernières ont un sentiment d'appartenance à cette région
isolée qu'elles considèrent comme la leur, en plus de la
connaître de fond en comble.
Si les travailleurs de Schefferville ont reçu beaucoup de la
minière IOC, ils ont également donné
énormément à cette même entreprise. Quand nous
disons qu'ils ont donné beaucoup à cette entreprise, nous voulons
dire qu'ils n'ont pas seulement travaillé durement sous des conditions
climatiques sibériennes, doublées d'un isolement
géographique et culturel.
Comparativement aux villes du sud ayant des populations
équivalentes, Schefferville ne possède pas, et de loin, les
mêmes avantages culturels comme des troupes de théâtre, des
films récents, des réseaux de télévision, des
journaux qu'il est possible de lire la même journée au lieu de
deux à trois jours plus tard, des postes de radio, etc.
Que l'on pense seulement au fait que cette ville est située au
55e parallèle dans la taïga, qu'il faut faire dix heures de train
pour se rendre à Sept-Îles pour rejoindre le réseau routier
de la province, qu'il en coûte presque aussi cher pour aller à
Sept-Îles en avion que pour se rendre de Montréal à Miami.
De plus, comme Schefferville ne peut se permettre des cégeps et des
universités, les étudiants et étudiantes doivent se
séparer de leur famille pour de longues périodes et les
coûts sociaux à payer sont énormes, dû au manque
d'intimité familiale causé par de trop longues
séparations, sans oublier les coûts financiers de transport et
d'hébergement imposés par l'éloignement des grands
centres. Depuis l'annonce de la fermeture de l'exploitation minière par
la compagnie IOC, les citoyens vivent dans un climat d'incertitude et de
désarroi. Cette incertitude, autant financière que
professionnelle, joue un grand rôle déstabilisateur dans le cercle
familial. La famille devient irritée et nerveuse, ce qui occasionne des
disputes et des désaccords qui n'arriveraient pas normalement. Cette
situation malheureuse doit être corrigée par la compagnie et par
les gouvernements en assurant l'avenir de ces familles, autant de celles qui
restent que de celles qui partent.
En développant des centres miniers au Nouveau-Québec et
dans le Labrador, la minière IOC s'est donné une
responsabilité morale très grande à l'endroit de ces
populations. Maintenant qu'elle annonce son retrait de Schefferville, il est de
sa responsabilité de s'assurer que les citoyens de cette ville soient
traités le plus humainement possible. Ce faisant, elle se doit de
prendre ses responsabilités pour corriger une situation qu'elle a
elle-même créée.
Certaines familles voudront quitter Schefferville. Ces dernières
ont accumulé des biens depuis plusieurs années. Il est normal
qu'elles veuillent les apporter avec elles, car ils font partie de leur
patrimoine. Même si elles veulent vendre leurs biens à
Schefferville, à un prix raisonnable, pourront-elles le faire? On a le
droit d'en douter si l'on tient compte du grand nombre de personnes qui sont
déjà sans emploi et qui n'ont pas encore décidé, si
oui ou non elles demeureront ou quitteront Schefferville.
Combien en coûte-t-il pour transporter un ménage de
Schefferville à Québec ou à Montréal? Un
transporteur de Sept-Îles, spécialisé dans le domaine, nous
donne les chiffres suivants: Pour un ménage de 6000 livres, soit un
ménage moyen pour une famille de deux adultes et de deux enfants, le
coût du transport de Schefferville à Québec est de 4524 $.
Pour le même ménage à Montréal, il est de 4719 $.
Comme vous pouvez le constater, il n'est pas facile de sortir de Schefferville.
Il en va de même pour les autres villes nordiques de Gagnon et de
Fermont.
II nous semble que ces familles doivent être aidées par
ceux qui ont bénéficié le plus de leur labeur depuis
nombre d'années. La minière IOC se doit d'aider
financièrement ceux qui désirent quitter Schefferville et se doit
de mettre gratuitement à leur disposition les moyens de transport
qu'elle possède pour qu'ils puissent déménager leur
famille et leurs biens dans des régions économiquement mieux
nanties.
D'autre part, la fermeture des installations minières de
Schefferville porte des préjudices graves à d'autres
travailleurs, si on analyse les impacts négatifs sur l'ensemble des
opérations de la minière IOC, autant au Labrador qu'à
Sept-Îles, et sur le chemin de fer, car cette décision comporte
des réductions d'activités dans le domaine ferroviaire, dans le
transbordement et aussi dans les services directs et indirects.
Les conséquences indirectes sont tragiques: mises à pied
dans tous les secteurs connexes, incertitude des travailleurs face à
leur réengagement, possibilité de perte d'avantages
pécuniaires. C'est pourquoi la minière IOC et sa filiale Q N S
& L R devraient intégrer ces travailleurs sur les listes
déjà déposées devant le comité de
reclassement, ce qui leur permettrait de bénéficier des primes de
séparation et de tous les autres avantages possibles, incluant les
primes de déménagement.
Gouvernement du Québec. Nous décelons une volonté
sérieuse, dans l'attitude du gouvernement du Québec, de nous
venir en aide et de contribuer à régler les problèmes des
citoyens et citoyennes de Schefferville, problèmes causés par la
décision de la minière IOC. Cette volonté politique est
ressentie par la présence des membres de la commission parlementaire.
Vous êtes ici en tant que représentants de l'Assemblée
nationale du Québec pour écouter et poser des questions, ce qui
vous permettra sûrement de mieux comprendre la situation et les besoins
du milieu. Nul doute que vos recommandations au gouvernement et aux autres
parties impliquées auront beaucoup d'importance et contribueront
à aider nos concitoyens et concitoyennes de Schefferville. À ce
moment-ci, nous voulons demander à la commission de recommander au
gouvernement le maintien de tous les services gouvernementaux actuels, selon
les besoins de la population, puisque c'est maintenant que se font sentir les
besoins réels. Le gouvernement doit aller aussi loin que de fournir des
services additionnels pour soutenir les familles qui veulent toujours demeurer
à Schefferville en aménageant un bureau provisoire regroupant
différents ministères pour aider ceux et celles qui
désirent se prévaloir des services gouvernementaux. Le
gouvernement doit aussi maintenir son aide financière à la ville
de Schefferville pour qu'elle puisse maintenir ses services à la
population, incluant les services de loisirs.
À la suite de ces énoncés qui sont des exemples -
on devrait lire "généraux" - nous demandons à la
commission de tenir compte, dans son rapport au gouvernement du Québec,
des sujets décrits dans les pages suivantes: A) Fonds minier; B) Fosse
du Labrador et planification du développement minier en milieu nordique;
C) Action des ministères; D) Table de concertation.
Fonds minier. Nous regrettons que le gouvernement n'ait pas
légiféré sur la création d'un fonds minier, ce qui
aurait été un outil fort utile pour réintégrer les
travailleurs miniers de Schefferville dans un milieu compatible avec leur mode
de vie.
Nous osons croire que nous vivons la première et dernière
fermeture d'une ville minière au Québec. Nous pressons le
gouvernement de préparer et de faire adopter à court terme une
loi-cadre sur le fonds minier. Nous espérons que la malheureuse
situation vécue par les citoyens de Schefferville sera un exemple qui
motivera le gouvernement à réagir sans plus de délai. En
l'absence d'une telle loi protectrice pour les citoyens des villes
minières, nous exigeons que le gouvernement du Québec applique
toutes les mesures de pression possibles sur les compagnies impliquées
afin qu'elles respectent les obligations morales envers les employés et
citoyens de Schefferville. Ces mesures de pression pourraient aller aussi loin
que l'abolition des droits miniers de toutes les compagnies qui ne respectent
pas la réglementation de l'État.
De plus, nous pressons le gouvernement du Québec de
légiférer le plus rapidement possible en votant une loi visant
à civiliser les entreprises qui pratiquent des mises à pied
massives et, donc, des fermetures d'usines. Cette loi devrait les obliger
à verser des compensations aux travailleurs touchés par de telles
décisions.
Nous demandons que le gouvernement du Québec en fasse une de ses
priorités, comme l'avait promis le premier ministre, René
Lévesque, lors de la dernière campagne électorale.
Fosse du Labrador et planification du développement minier en
milieu nordique. Nous demandons au gouvernement du Québec
d'établir, une fois pour toutes, une planification à court terme
et à moyen terme de l'exploitation minière, en particulier dans
la fosse du Labrador qui, selon des experts en la matière, demeure le
potentiel le plus intéressant de l'ensemble du Québec. En
passant, qu'il nous soit permis de déplorer que le seul minerai
exploité jusqu'à maintenant soit dans le domaine du fer, et nul
doute que la baisse de la demande ferreuse permettra d'accélérer
l'exploration, mais il sera nécessaire de pousser au
maximum les interventions afin de permettre cette
accélération.
Il est temps que le gouvernement du Québec s'implique, si
nécessaire, en faisant l'exploration conjointement avec les compagnies
minières car plus de fonds investis donneront naissance à plus de
recherches et permettront d'effectuer un inventaire exhaustif ayant pour
résultat la connaissance de gisements exploitables sur une base
rentable.
En somme l'action du gouvernement est essentielle dans cette
étude. Il ne faudrait pas que le développement de nos richesses
se fasse uniquement dans l'intérêt des compagnies. En plus d'y
trouver leur dieu, ces dernières développeront un sens civique
qui profitera au maximum aux citoyens du pays où elles
prélèvent des richesses qui génèrent des
profits.
Si un tel plan se réalise, il ne faudrait plus parler alors de
fermeture de villes minières mais bien d'ouvertures en plus de
rentabiliser les villes existantes. L'avenir du Québec est dans le nord,
et même si la conjoncture économique masque cette
réalité, il faut intensifier l'inventaire de nos richesses
minières.
Si vous le permettez, revenons maintenant à Schefferville qui
pour nous est la plaque tournante, le carrefour, le lieu de rencontre et la
voie d'accès aux richesses naturelles de toutes sortes que recèle
la côte du Labrador. Si Schefferville n'existait pas il faudrait
l'inventer. Schefferville est nécessaire pour une exploration plus
poussée des richesses minières de cette grande région
québécoise. Depuis les années 40, des équipes
d'explorateurs miniers ont établi leur quartier général
à Schefferville. Elles ont trouvé plus facile et plus
économique de faire de la recherche minière à partir de
Schefferville, que d'utilier des bases de ravitaillement sises ailleurs,
malgré que ces dernières soient souvent nécessaires,
dépendant du projet d'exploration.
Nous croyons que le gouvernement du Québec doit se doter d'un
programme de recherche spécifique pour la Côte-Nord, et
spécialement pour le nord de Schefferville, quitte à investir
conjointement avec l'entreprise privée. Par ces temps de crise, le
gouvernement du Québec, même si l'argent est rare, ne peut manquer
l'occasion de faire sentir sa présence à Schefferville par des
projets de création d'emplois dans le domaine de la recherche
minière.
Vous comprendrez que par le passé, on avait l'habitude de voir
arriver au printemps de nombreuses équipes de spécialistes
à la recherche de nouvelles ressources. Ces équipes quittaient
Sept-Îles par le train pour se rendre à Schefferville. De
là, elles continuaient leur route par avion vers des lieux plus au
nord.
Dans les cas d'implantation de nouvelles exploitations minières
dans les milieux nordiques, le gouvernement devrait obliger les entreprises
impliquées dans ces dits projets, à se rencontrer autour d'une
table ronde avec les représentants des syndicats
intéressés et le ministère responsable du dossier minier,
afin de déterminer les conditions de travail, les conditions de
fermeture, l'établissement de nouvelles villes, et l'agrandissement ou
encore le maintien d'une ville existante. Ceci dans le but d'éviter les
erreurs du passé dues à des projets de villes champignons et
où on entrevoit maintenant la possibilité que ces
dernières deviennent des villes fantômes découlant d'un
manque de planification et d'exploration.
Enfin, une telle concertation pourrait favoriser les compagnies, le
gouvernement et les travailleurs en évitant d'être pris pour
amener un soutien financier à ces dites localités qui se
créent naturellement autour de tel projet sans suffisamment de
planification.
Action des ministères. Nous demandons au gouvernement du
Québec de mandater différents ministères pour faire des
études de faisabilité et de rentabilité de projets qui
pourraient s'implanter dans la région de Schefferville, ce qui serait
possible et non pas de créer mais d'assurer sa survie. En plus de
maintenir les quelques emplois qui sont actuellement assurés par les
différentes instances et à titre d'exemple nous citons les
suivants: (21 heures)
Connaissant les atouts de la région pour la chasse et la
pêche, différents ministères concernés pourraient
aider à développer l'industrie touristique, et au maximum, en
coordination avec le ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche. Connaissant la capacité des infrastructures, il serait
intéressant d'établir un projet pilote pouvant créer des
emplois pour la jeunesse de l'endroit; le ministère de l'Environnement
pourrait établir un projet d'étude sur les effets causés
à la nature par le "débalancement" de l'écologie, sur la
flore, la faune et les cours d'eau.
Table de concertation. Nous demandons au gouvernement du Québec
de créer une table de concertation qui serait formée des
représentants des citoyens de Schefferville, de l'hôtel de ville,
du mouvement syndical, des représentants de la minière IOC, des
représentants des gouvernements, et que cette table de concertation ait
comme but d'évaluer les besoins immédiats de la population de
Schefferville et de veiller à ce que la population soit assurée
de pouvoir satisfaire ses besoins quotidiens en nourriture, en logement, en
services socio-récréatifs et de transports, etc; de
préparer, d'évaluer et de concrétiser tout projet
créateur d'emplois; de reclasser et de
recycler des travailleurs afin de les intégrer à la
population active de Schefferville ou encore ailleurs en province.
Les fonds nécessaires au fonctionnement de ce comité ainsi
que ceux destinés aux projets mis sur pied devraient être
assumés par la minière IOC et par tous les gouvernements, qui
doivent assurer le bien-être de tous les citoyens, et ce par respect pour
ces travailleurs et ces ex-travailleurs envers lesquels les parties ont des
obligations morales.
Nous croyons sincèrement que, face à la dure
réalité de la fermeture des installations minières et
à la situation de la ville de Schefferville, seuls les citoyens et les
citoyennes de cette ville peuvent décider de leur avenir et de celui de
leur ville. Les parties doivent fournir toutes les techniques
nécessaires.
Le gouvernement fédéral. Dans ce dossier, le gouvernement
fédéral doit assumer ses responsabilités
financières et morales à l'endroit de la population de cette
ville. Est-ce que le gouvernement fédéral a l'intention de donner
les mêmes services que ceux qu'il fournit présentement à la
suite de la fermeture de la mine? Nous pensons à des services tels que
les postes, l'aéroport et les affaires indiennes. Nous savons que la
minière IOC a réduit son service ferroviaire entre la jonction
Ross Bay et Schefferville et tente présentement d'obtenir du
gouvernement fédéral le droit de rendre permanent l'abandon d'un
train par semaine, alors qu'il y avait auparavant deux trains par semaine. La
population est en droit de savoir si la minière IOC a l'intention de
garder ouverte la ligne de chemin de fer entre la jonction Ross Bay et
Schefferville. Il est du devoir du gouvernement fédéral de
s'assurer que la population de Schefferville soit desservie le plus
adéquatement possible par le chemin de fer de la minière IOC. En
conséquence, le gouvernement fédéral doit refuser à
celle-ci de réduire son service de train entre la jonction Ross Bay et
Schefferville.
Conclusion. En conclusion de ce mémoire, nous voulons formuler
les commentaires suivants: La fermeture des installations minières de
Schefferville nous fournit l'occasion de rappeler au gouvernement du
Québec qu'il est urgent de se donner une législation
d'avant-garde qui protégera les populations aux prises avec des
fermetures de villes minières. Tout aussi importante sera la
création d'un fonds minier dont le besoin se fait sentir par les temps
qui courent, principalement sur la Côte-Nord. Nous pressons le
gouvernement québécois de faire plus en ce qui concerne la
planification à long terme, l'exploration et le développement de
la fosse du Labrador et de la Côte-Nord.
Nous voulons féliciter tous les intervenants présents
à cette commission parlementaire et nous osons croire que des actions
positives et ponctuelles en faveur de la population de Schefferville
découleront des discussions en cours. La population veut savoir ce qu'il
adviendra de sa ville. Il est du devoir de la commission de
l'éclairer.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre
délégué à l'Aménagement et au
Développement régional.
M. Gendron: M. le Président, je voudrais remercier
l'exécutif du Parti québécois du comté de Duplessis
et particulièrement le comité local du Parti
québécois de Schefferville, parce que, à la lecture du
mémoire, au moins on se rend compte qu'en associant le comité
local du Parti québécois de Schefferville... Ayant eu l'occasion,
avant de venir ici à Schefferville de rencontrer la population et
d'entendre les mémoires, d'en prendre connaissance, pour ceux qu'on
avait reçus, je reconnais que vous êtes sûrement très
près de la réalité vécue ici à
Schefferville, puisque, à plusieurs égards, vous avez des
suggestions similaires à celles qu'on retrouve dans la plupart des
mémoires. Dans ce sens-là, je pense que c'est la preuve que
l'exécutif du Parti québécois et, particulièrement
sa faction du comité local, sont sûrement actifs dans le milieu et
sûrement en contact régulier avec la communauté
scheffervilioise. Et dans ce sens-là, il est intéressant de
constater que vous aussi vous endossez certaines recommandations qui nous ont
été faites par la plupart des intervenants et qui, possiblement,
tout au cours de la journée, continueront de nous être
répétées, soit la question du maintien des services les
plus fondamentaux, soit la question d'essayer de se retourner rapidement comme
gouvernement et de prendre des décisions par rapport à la
nécessité d'offrir, dans les meilleurs délais, les
perspectives d'avenir les plus palpables.
Il n'y a pas, quant à moi, d'éléments très
discutables puisque le mémoire comme tel évoque des choses qui
ont déjà été évoquées. Mais
j'aimerais peut-être approfondir quelques orientations que vous voulez
donner à des sujets qui m'apparaissent d'importance et qui apparaissent
au gouvernement également de très grande importance.
Pour ce qui est d'une suggestion majeure, celle de créer une
table de concertation, je tiens à vous signaler qu'on retrouve à
peu près la même formule, quant à la composition à
savoir un représentant de chacun des deux paliers de gouvernement, les
citoyens bien sûr, votre communauté, la Compagnie minière
IOC, les syndicats; je pense qu'il y a un consensus assez clair sur la
composition de cette table de
concertation. Je voudrais peut-être juste avoir des
précisions de votre part puisque, si vous le suggérez et que vous
en faites une mention importante, cela signifie que vous vous êtes
arrêtés au rôle de cette table de concertation. J'aimerais
savoir de votre part, dans quel délai vous pensez que cette table de
concertation devrait se mettre au travail et quel devrait être - et c'est
surtout cela qui m'apparaît le plus important parce que, bien sûr,
le gouvernement devra faire ses devoirs et préciser quel type de mandat
il devrait confier à une telle table de concertation - si c'était
vous, l'exécutif du Parti québécois, qui aviez à
donner un mandat précis avec un échéancier à cette
table de concertation, quel serait à peu près le mandat que vous
lui confieriez?
M. Vallée: Je pense qu'il est important d'écouter
la population et d'inventorier les besoins de la population, les besoins
immédiats.. D'accord? S'assurer, par exemple, essayer de faire en sorte
de connaître les coûts de ces besoins, et comment on pourrait
justement défrayer ces coûts et qui devrait le faire. Est-ce le
gouvernement provincial, le gouvernement fédéral, la Compagnie
minière IOC? Je pense que les deux paliers de gouvernement, de
même que la minière IOC ont des responsabilités dans ce
dossier. Et je pense qu'il est important de s'assurer, au départ... Et
quand vous me dites: quand cette table devrait-elle être
créée? Je pense que ce doit être dans les meilleurs
délais, c'est-à-dire à la suite de cette ronde de
rencontres. Et pourquoi dans les meilleurs délais? Parce que la
population a besoin de savoir et ce n'est pas au mois de juin, ce n'est pas au
mois de juillet, c'est au mois de février, au mois de mars, au mois de
février au plus tard qu'on a besoin de savoir.
M. Gendron: D'accord. Dans votre mémoire, vous avez
insisté passablement sur la nécessité d'avoir ce que
j'appelle un plan d'intervention plus particulier pour ce qui est de
l'exploration minière dans la fosse du Labrador. Et, dans ce sens, je
pense que la préoccupation du gouvernement du Québec est
réelle. Le ministre de l'Énergie et des Ressources aura
l'occasion, je pense, au cours de la commission, de préciser un peu plus
quel type d'intervention. Mais si j'avais à vous demander le rôle
éventuel de certaines sociétés d'État, dans un tel
plan d'exploration minière, comment voyez-vous, entre autres, un mandat
particulier à SOQUEM?
M. Vallée: Nous pensons...
M. Gendron: Est-ce que vous croyez que les sociétés
d'État ont un rôle particulier dans l'exploration plus
poussée, plus accélérée de la fosse du
Labrador?
M. Vallée: Nous pensons que le gouvernement, en
collaboration avec les compagnies minières, devrait justement
intensifier la recherche minière dans la fosse du Labrador. Si le
gouvernement investit 5 000 000 $ et que les compagnies minières
investissent 5 000 000 $, cela fait 10 000 000 $. Par conséquent, cela
fait plus de recherche, on va mieux connaître ce que recèle la
fosse du Labrador, en ce qui concerne les richesses naturelles. Le gouvernement
pourra établir un meilleur plan de développement cohérent
de cette richesse, de façon qu'on puisse connaître un peu mieux
l'avenir.
Si cette exploration se fait uniquement par les compagnies
minières, il y a un risque que ce qu'elles découvriront comme
richesse naturelle, elles le garderont pour elles, c'est-à-dire s'il y a
du minerai, quelle en est la quantité et la qualité. Il se peut
très bien que le minerai soit là et soit exploitable dans des
délais raisonnables. Si la compagnie minière qui fait la
recherche garde pour elle ses secrets, il se peut très bien que cette
compagnie l'exploite seulement dans vingt ou vingt-cinq ans parce qu'il ne
serait pas dans son intérêt de le faire maintenant. C'est pourquoi
il est important que le gouvernement s'associe avec les compagnies
minières.
M. Gendron: Vous évoquez également la
nécessité pour le gouvernement du Québec de se doter, le
plus rapidement possible -j'emploie votre propre expression - d'une
législation d'avant-garde qui protégera les populations aux
prises avec des fermetures de villes minières. J'aimerais que vous nous
donniez des précisions ou votre propre conception d'une loi ou d'une
mesure législative d'avant-garde pour contrer et pour être mieux
préparés à faire face éventuellement à tous
les inconvénients que pose l'absence d'une loi dans une telle
perspective. En particulier, eu égard à certains délais,
j'aimerais que vous vous expliquiez. Vous vivez ici dans la communauté
locale. Vous avez des amis, vous avez des contacts fréquents. J'aimerais
que vous portiez un certain jugement sur les délais de fermeture de la
minière IOC. Cela a été évoqué par M.
Marois, ce matin. Il est arrivé, ailleurs au Canada ou dans la
société nord-américaine, que des compagnies
minières aient dû fermer leurs portes. C'est toujours le
même problème, un gisement minier cela s'épuise. J'aimerais
savoir si, selon vous, le délai que la minière IOC a
décidé d'appliquer dans le cas que nous connaissons vous
apparaît convenable ou si vous endossez également l'espèce
d'ouverture qui a été manifestée par M. Marois et -
à ma connaissance - confirmée par M. Brian Mulroney de voir
à prolonger ce délai pour permettre à vos citoyens une
plus grande
capacité réelle de faire un choix en toute connaissance de
cause, eu égard à des questions de logement, de primes de
séparation de quelque nature que ce soit. Quel est votre point de
vue?
M. Vallée: La minière IOC a déposé,
ce matin, son mémoire. Nous n'avons pas eu le temps de l'étudier
mais nous en avons pris connaissance à sa lecture. Je pense qu'il
appartient aux citoyens de Schefferville, aux travailleurs de Schefferville -
je ne pense pas uniquement aux travailleurs de la minière IOC, je pense
également à tous les travailleurs de Schefferville -
d'étudier en profondeur ce que leur offre la minière IOC pour
essayer de déterminer si cela est suffisant, si cela est correct. Je
pense qu'il est difficile, ce soir, de décider si cela est suffisant ou
non parce que cela implique énormément de questions techniques
auxquelles, personnellement, je ne connais pas la réponse.
En ce qui concerne les fermetures d'usine, quand on pense à une
société quelconque qui ne peut plus faire honneur à ses
obligations financières, elle dépose devant la cour ses biens et
le juge décide si elle sera déclarée en faillite ou non.
Si c'est le cas, toute une procédure s'établit, s'amorce. Cette
procédure a pour but de protéger les créanciers externes,
de protéger les propriétaires, de protéger la
société, de protéger les clients. Dans le cas d'une
société minière, s'il y avait un cadre de
référence, s'il y avait une loi lorsqu'une société
minière décide de fermer ses portes, les travailleurs seraient
mieux protégés puisqu'on saurait un peu à quoi s'en tenir.
Actuellement - je ne dis pas qu'on est pris au dépourvu mais c'est au
mois de février qu'on est ici à Schefferville - il n'existe pas
de loi, une vraie loi. Il n'y a pas de cadre de référence, par
conséquent, je pense que les populations seraient mieux
protégées. On connaîtrait à l'avance les fermetures
de villes minières et comment ces fermetures doivent s'articuler. Je
pense, par exemple, au fonds minier. Quand nous parlons du fonds minier, nous
disons, nous, que c'est une assurance, c'est un fonds qui est
créé, c'est une réserve financière et ce fonds
aurait pour but - sans que je sois un spécialiste de la question,
d'autres viendront après moi pour en discuter - le recyclage de la
main-d'oeuvre. Il pourrait avoir pour but le dédommagement des mineurs,
faciliter l'établissement de protocoles d'entente, le transfert des
fonds de retraite, ce qui serait très important. Ce fonds pourrait
être alimenté par les sociétés minières et
aussi par les travailleurs. Je pense qu'il est important et, profitant de
l'occasion, je demande à l'Opposition d'aider le gouvernement afin que
les travailleurs puissent avoir un fonds minier dans les meilleurs
délais.
M. Gendron: Une dernière question. Sur le fonds minier, M.
Vallée, c'est à dessein que je n'en ai pas parlé parce
que, demain, je sais que d'autres porte-parole, dont particulièrement le
groupe des métallos, voudront sûrement en parler et on aura
l'occasion peut-être d'expliciter davantage. Mon collègue, M.
Marois, donnera des précisions concernant le dossier toujours, à
mon avis, très important, particulièrement dans les
régions minières, du fonds minier.
Ma dernière question, je voudrais simplement la poser comme ceci:
Advenant le cas - et là ce n'est pas un voeu et ce n'est pas un souhait,
j'espère qu'il en sera tout autrement mais, je l'ai mentionné
lors de l'ouverture, je pense qu'il appartient aux citoyens en toute
connaissance de cause de décider de leur choix: demeurer ou partir, en
souhaitant que les perspectives d'avenir qu'on va leur offrir leur permettront
de faire le choix le plus réaliste possible - où les choses
n'arriveraient pas comme je viens de l'évoquer, c'est-à-dire
qu'il y aurait une saignée très importante de la population,
est-ce que votre conviction est que, de toute façon, les deux services
de transport qui existent à Schefferville, à savoir le service
aérien et le service ferroviaire, devraient être maintenus? Quel
est votre point de vue?
M. Vallée: Les services doivent être maintenus, les
coûts doivent être partagés par le gouvernement du
Québec, même si c'est une responsabilité du gouvernement
fédéral - je pense au service aérien, je pense à
l'aéroport, je pense au service par train -et également par la
minière IOC. Mais les services doivent être maintenus et la
population ne doit pas être inquiétée par une diminution
des services.
M. Gendron: Je vous remercie, M. Vallée, ainsi que toute
votre équipe.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député de Hull.
M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Je voudrais,
premièrement, remercier M. Valmont Vallée pour la
présentation de son mémoire. Vous allez comprendre, M.
Vallée, que mardi nous avons eu l'occasion de rencontrer l'association
libérale ainsi que son président, qui est avec nous ce soir, M.
Marcel Dupuis, et nous avons visité, entre autres, SIDBEC-Normines,
Rayonier et maintenant nous sommes ici à Schefferville. C'est un
problème qui affecte sûrement Schefferville, mais qui tient compte
de l'ensemble de la Côte-Nord qui est actuellement en
difficulté.
À la page 10, entre autres, vous traitez du gouvernement du
Québec. Vous
mentionnez: "Nous décelons une volonté sérieuse
dans l'attitude du gouvernement du Québec". Je diffère quelque
peu d'opinion avec la présentation de votre mémoire à cet
article. Nous avons, justement, accepté de nous déplacer à
Schefferville dans le but de déceler, en fait, cette volonté du
gouvernement parce que nous ne l'avons pas encore décelée, nous,
du côté de l'Opposition. Au contraire, nous constatons que le
gouvernement - il est au pouvoir depuis sept ans - a en main des études
importantes qui ont été déposées dans les
années 1978, 1979 et 198D par un organisme du gouvernement du
Québec, c'est-à-dire l'Office de planification et de
développement du Québec. Dans certains de ces rapports, on
retrouve des orientations intéressantes qui étaient
proposées par l'OPDQ que le gouvernement aurait pu appliquer
immédiatement en 1979. Malheureusement, nous sommes en 1983 et aucune de
ces recommandations n'a été appliquée. Nous assistons
actuellement à la fermeture d'une ville qui est sûrement
très importante et qui est encore beaucoup plus importante pour les
citoyens qui y résident.
Nous comprenons qu'une partie importante de votre population a
déjà quitté la ville mais il y a une partie de cette
population qui veut demeurer à Schefferville et qui veut voir cette
relance économique au sein de la Côte-Nord.
M. le Président, là où nous partageons l'opinion du
Parti québécois du comté de Duplessis, c'est à la
page 14 quand vous mentionnez: "Nous demandons au gouvernement du Québec
d'établir une fois pour toutes une planification à court terme et
à moyen terme..." Je pense qu'il est très important que le
gouvernement établisse une planification en tenant compte non seulement
des problèmes dans la conjoncture économique dans laquelle nous
vivons, mais une planification à court terme et à moyen terme
dans le but de sécuriser une population importante de la
Côte-Nord.
J'ose souhaiter, M. le Président, que ce gouvernement tiendra
compte des aspirations des citoyens, et tenant compte du fait que vous
êtes sûrement beaucoup plus près de ce gouvernement que nous
ne le sommes, étant donné que nous sommes là pour le
remplacer le jour où les Québécois et
Québécoises auront compris la défaillance totale de ce
gouvernement dans la gestion québécoise actuelle... je tiens
cependant à vous souligner qu'avant d'y arriver, nous souhaitons que ce
gouvernement pose des gestes importants et dans un avenir rapproché.
Comme dernier élément, au sujet des conclusions de la page
22, nous voulons féliciter tous les intervenants présents
à cette commission parlementaire. Nous osons croire que des actions
positives et ponctuelles en faveur de la population de
Schefferville découleront des discussions en cours. La population
veut savoir ce qu'il adviendra de sa ville et il est du devoir de la commission
de l'éclairer. Nous sommes très conscients que la commission a un
travail important à faire ici à Schefferville et nous souhaitons,
M. le Président, que le gouvernement sera en mesure, dans les prochains
mois, d'annoncer des politiques tenant compte du court terme, et de convoquer
aussi, à la suite de la proposition que mon collègue le
député d'Outremont faisait ce matin, une commission parlementaire
dans les plus brefs délais dans le but d'étudier à moyen
terme et à long terme les problèmes de l'ensemble de la
Côte-Nord. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie. Je vous
remercie également, M. Vallée, ainsi que les personnes qui
étaient avec vous, de vous êtes présentés devant
notre commission.
J'appelle immédiatement le groupe suivant, soit la nation des
Naskapis de Schefferville. Je demanderais au chef de la bande, M. Guanish, de
s'approcher.
Veuillez également identifier les personnes qui vous
accompagnent, s'il vous plaît!
Les Naskapis de Schefferville
M. Einish (Sampson): M. le Président, avant de commencer,
j'aimerais présenter la délégation des Naskapis. À
mes côtés, le chef des Naskapis, M. Joseph Guanish; un conseiller
spécial, M. Joney Mameamskum; un conseiller auprès des Naskapis,
M. Paul Wilkinson; un membre du conseil de bande et président par
intérim de la Société de relogement des Naskapis, M.
Elijah Einish; un conseiller spécial, Mme Denise Geoffroy; un membre du
conseil de bande des Naskapis, M. Joseph Peastitute; un membre du conseil
d'administration de la Société de développement des
Naskapis, Mme Louise Uniam. Je suis Sampson Einish, président de la
Société de développement des Naskapis.
Le chef des Naskapis présentera un prologue en naskapi, sans
traduction, ni en anglais ni en français. C'est un dialogue relié
à la présentation du sommaire de notre peuple de demain. C'est le
chef, M. Joseph Guanish, qui va le présenter en naskapi. C'est la
première page du prologue. (21 h 30)
Le Président (M. Bordeleau): D'accord.
M. Guanish (Joseph): S'exprime en naskapi.
M. Einish (Sampson): Puisque le prologue a été
présenté par le chef, une autre présentation sera faite
par M. Joney
Mameamskum, notre conseiller spécial, qui vous la lira en
anglais. Cette fois-là, ce sera en anglais, le langage mondial. Il y a
un mémoire supplémentaire que nous avons préparé.
Vous pouvez le lire. On a distribué le texte qui est devant vous.
M. Mameamskum (Joney): Thank you for the introduction, Sam Mr.
Chairman, honorable members of this commission, Chief Joe Guanish has asked me
to present a supplementary brief on his behalf and on behalf of the Naskaspi...
Band Council, and especially the Naskapi people of Schefferville. When we
prepared our briefing title, Our People Tomorrow, my people and I believed that
we would start moving into our new village, Kawawachikamach, on the 7th of
February 1983. We were aware of the fact that the village would not be totally
finished until early 1984, but we felt confident that it already offered safe
and comfortable shelter.
Our colleagues of the Naskapi Relocation Corporation had informed us of
certain problems with the road from Schefferville to Kawawachikamach. Basing
myself on this information, I had already written to the Government of
Québec, on the 11th of January 1983, refusing to accept the access road.
I append a copy of my letter to this brief.
As late as the 11th of January 1983, I was optimistic that our problem
relating to the road would be rapidly solved. Since then, however, there have
been two major developments. First, I have learned that the Ministry of Energy
and Resources of Québec has refused definitely to accept any
responsibility for maintaining the road that it has built. Secondly, I have
been informed that the Ministry of Transport of Québec refuses to accept
ownership of that part of the road situated on the land of Québec, that
it refuses to pay its full share of clearing the road in winter 1982 and 1983
and that it will make no commitment whatsoever to provide money for clearing
and maintaining the road after mid-1983.
As far as I can determine, no one in the Government of Québec is
prepared to correct the error of design in the road that I described in my
letter of the 11th of January 1983. Let me note that I have received
satisfactory assurances from the Government of Canada that it will assume
responsibility for full cost of clearing and maintaining that part of the
access road that falls under its jurisdiction.
Without a firm guarantee from the Government of Québec to correct
the error of design in the access road in summer 1983 and to maintain its part
of the road indefinitely thereafter, my councillors and I cannot take the
responsibility of instructing our people to begin moving to
Kawawachikamach. Consequently, I inform you today that the Naskapi
People refuse to move to Kawawachikamach until the Government of Québec
assumes its full responsibility for the access road.
I inform you also that we hold the Government of Québec entirely
responsible for all costs associated with our inability to move to
Kawawachikamach which I value at approximately 10 000 $ a month. The
ludicrousness, inconsistency and injustice of the position of the Government of
Québec in this matter is illustrated by the following. On one hand, the
Government of Québec refuses to pay its share of the cost of the Naskapi
school, thereby forcing our children to travel daily between Kawawachikamach
and Schefferville. On the other hand, that same Government refuses to clear the
snow from the very road along which those children must travel.
I thank you for your time, commission members. Thank you.
Le Président (M. Bordeleau): Merci.
Peut-on procéder maintenant avec le mémoire comme tel?
M. Einish: Oui. Je pense que vous avez tous lu le mémoire
qu'on présente. Il y a même une table des matières
où les solutions sont incluses, etc. Présentation... Tout est
supposé être à votre disposition. Je vais lire la table des
matières. Le prologue a déjà été lu par le
chef en naskapi, de même que l'introduction et les objectifs. En quoi les
Naskapis sont-ils concernés? Il y a même la position du peuple
naskapi. On a étudié une solution, soit d'avoir un centre de
formation, un usage accru du chemin de fer pour les touristes, la mine de
Schefferville, un musée industriel, un casino, un pénitencier,
l'exploitation de la tourbe, les pourvoiries, la chasse commerciale du caribou,
le lichen, un jardin zoologique nordique, un centre d'écologie nordique,
une école des arts et du spectacle, une ferme d'élevage d'animaux
à fourrure, un programme d'échange pour les étudiants, des
bureaux gouvernementaux à Schefferville et l'exploitation
d'hydroélectricité.
Ce sont les solutions qu'on a bien étudiées en
comité pour pouvoir les présenter. Aussi, il y a une autre
suggestion qui a été faite par le chef Guanish, hier;
c'était l'exploitation des ressources forestières, qui
n'était pas incluse dans ce rapport. Dans ce domaine, c'est presque dans
le sens d'une participation économique.
Je n'insisterai sur aucune des solutions, car elles sont bien
expliquées dans les documents que constitue notre présentation.
Peut-être avez-vous bien étudié cette documentation.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. On
peut donc procéder aux questions. Je donne la parole au ministre
du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.
M. Chevrette: M. le Président, dans un premier temps, je
voudrais remercier votre chef de ce message de solidarité envers les
autres groupes du milieu. Cela m'apparaît un modèle - en tout cas
en ce qui me concerne - de solidarité, de soutien mutuel entre les
groupes d'un même coin de pays. Je trouve cela passablement exemplaire et
je tiens à l'en féliciter.
Je voudrais également vous dire que vous avez une série de
points très intéressants sur lesquels on a déjà
certaines réflexions, et sur d'autres qui méritent sans doute
d'être étudiés.
Cet après-midi, j'ai eu la chance de disserter un peu sur la
commercialisation du caribou. Vous y faites allusion comme étant un
sujet à l'étude chez vous et je trouve cela très
intéressant. Si on en vient à conclure une entente, cela assurera
sans doute une retombée économique fort intéressante pour
l'ensemble des gens du milieu.
Également, vous...
Mme Geoffroy (Denise): ... M. Chevrette: Excusez.
Mme Geoffroy: ...une fois de temps à autre, je
m'excuse.
M. Chevrette: Je vais m'arrêter, madame. Si j'avais su, je
vous aurais rendu la tâche plus facile.
Le Président (M. Bordeleau): Je comprends que vous voulez
traduire.
Mme Geoffroy: C'est que, ici, dans le groupe, il y a seulement M.
Einish qui comprend le français. M. Guanish et le reste des autres
intervenants parlent l'anglais et le naskapi. C'est pour cela qu'il faut
traduire du français à l'anglais et de l'anglais au naskapi.
M. Einish: M. le Président, pourriez-vous permettre que
d'autres fassent leur présentation en anglais, parce que c'est notre
droit de parler en anglais comme en français? Il y aurait d'autres
personnes qui pourraient répondre aux questions si vous aviez la
politesse de les poser en anglais.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre. (21 h 45)
M. Chevrette: On a beau être poli, il faut avoir les
capacités! Je demanderai donc à mes collègues,
tantôt, de poser quelques questions en anglais. D'accord?
Je voudrais parler de la route, sujet que vous avez apporté en
supplément ce soir. Mon collègue de l'Énergie et des
Ressources vous fournira une réponse dès ce soir.
Maintenant...
M. Ciaccia: Je voudrais faire une suggestion, M. le
Président.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Si je peux faire une suggestion au ministre,
peut-être pourriez-vous faire vos interventions une à la fois afin
qu'on puisse traduire en naskapi, ainsi ils pourraient comprendre; autrement,
si vous parlez trop longtemps, il sera difficile pour eux de le traduire. Si
vous parlez clairement, cela aidera aussi.
M. Chevrette: II ne faudrait surtout pas que vous commenciez
à parler dans ce cas.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Chevrette: M. le Président, quant aux pourvoiries,
est-ce que les gens voient la possibilité d'un travail conjoint entre
votre communauté et les non-Indiens du territoire?
M. Fortier: Très bien.
M. Wilkinson (Paul): M. le ministre, je pense que les Naskapis
ont indiqué dans leur mémoire qu'ils s'intéressent
à la pourvoirie. Ils ont décrit les façons
d'élargir l'étendue des activités qui se déroulent
dans les pourvoiries. Do you want to translate, Sir?
M. Fortier: You coordinate with the Whites.
M. Wilkinson: II y a toujours danger, lors d'une commission
parlementaire, d'en profiter pour faire référence à tout
un paquet de problèmes qui ne relèvent pas nécessairement
de cette commission parlementaire. Je pense toutefois qu'il vaut la peine de
mentionner qu'il existe depuis quelque temps un problème entre les
autochtones, signataires des conventions et le gouvernement du Québec en
ce qui concerne l'interprétation du droit de premier refus
accordé aux Cris, aux Inuits et aux Naskapis. Tout ce qu'on peut dire
là-dessus aujourd'hui, c'est qu'on espère vivement que ce
problème sera réglé prochainement. On espère que le
gouvernement du Québec retirera son appel contre le jugement qui a
déjà été prononcé par la cour du
Québec en faveur des autochtones. Une fois cet obstacle enlevé,
je pense qu'on peut dire que les Naskapis sont bien prêts à
collaborer avec toutes les autres parties impliquées pour
améliorer la situation
des pourvoiries dans le Nord québécois, tant au profit des
non-autochtones que des autochtones.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Chevrette: M. le Président, je prends note de la
remarque de M. Wilkinson et nous verrons à clarifier ces choses dans les
meilleurs délais puisque, au niveau du jugement comme tel et de son
inscription en Cour d'appel, nous n'avons pas les réponses
précises à vous donner.
De toutes façons, je crois que le comité conjoint doit se
réunir les 15 et 16 février et j'ai bon espoir qu'on pourra
clarifier plusieurs points.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, vous pouvez
continuer.
M. Chevrette: Je vais passer la parole à mon
collègue de l'Énergie et des Ressources pour qu'il puisse
répondre à votre question concernant l'aspect routier.
Je vous remercie, en ce qui me concerne, d'avoir présenté
un message aussi clair. Je vous réitère mes félicitations
quant à votre esprit de solidarité envers l'ensemble des
communautés de Schefferville. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va? Une voix:
Oui.
Le Président (M. Bordeleau): M.
Wilkinson.
M. Wilkinson: La traduction est finie maintenant.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord. Le ministre de
l'Énergie et des Ressources.
M. Duhaime: M. le Président, je vais répondre d'une
façon très précise au nom du gouvernement sur la question
de la route de Schefferville - vous excuserez ma prononciation là-dessus
- qui donne accès au territoire et au lieu-dit Kawawachikamach. Pour ce
qui est des autres points du mémoire et, en particulier, la
dernière question soulevée au sujet de l'appel devant les
tribunaux, je voudrais vous dire que nous allons, bien sûr, revoir vos
propositions et en faire une analyse plus détaillée. Nous y
donnerons suite rapidement, mais je pourrais tout de suite répondre sur
la question de la route.
M. Einish: ...de la gentillesse à nous répondre
puisque cela a pas mal évolué à la Société
de relogement des Naskapis. Ils sont plus au courant de cette affaire
concernant la voie d'accès à Kawawachikamach. Je crois que ce
n'est pas la meilleure réponse, sur la voie d'accès.
M. Wilkinson: Je pense qu'on pourrait peut-être attendre la
pleine explication de M. Duhaime.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, je dois vous dire que le
problème est très récent. J'ai ici la dernière
correspondance de M. Gourdeau, du SAGMAI, qui date du 7 février 1983,
c'est à quelques jours de nous. Je voudrais rappeler que la construction
de cette route a été faite à même les budgets du
ministère de l'Énergie et des Ressources et que,
traditionnellement, les routes minières sont payées à
même des budgets du ministère de l'Énergie et des
Ressources et ensuite, pour des fins minières, administrées par
le ministère de l'Énergie et des Ressources.
Dans ce cas-ci, puisqu'il ne s'agit pas d'une route minière comme
telle, ou encore forestière, nous devions, suivant nos règles
budgétaires, transférer la responsabilité de cette route
au ministère des Transports qui vous a fait une proposition de prendre
l'engagement de l'entretenir pour une année, c'est-à-dire en
1982-1983. Je peux dire, ce soir, au nom du gouvernement, de façon
très claire, ceci: Que ce soit le ministère des Transports ou le
ministère de l'Énergie et des Ressources, le gouvernement du
Québec va prendre à sa charge l'entretien de cette route.
Une voix: C'est bien.
M. Wilkinson: Je pense que la première chose qu'on devrait
peut-être clarifier c'est que, de l'avis des Naskapis, le problème
n'est pas nouveau. Les Naskapis ont signé la convention du Nord-Est
québécois en janvier 1978. Entre 1978 et 1980, il y a eu des
études sur les possibilités de relogement. Lors de ces
études, nous avons - pas nous mais les experts-conseils embauchés
conjointement par le gouvernement et les Naskapis - étudié le
site au bord du lac Matemace. Même en ce moment - si je me rappelle bien,
c'était vers la fin de 1978 -M. Guanish les a avertis de la
possibilité d'un problème avec le déneigement en haut de
ce qu'on appelle ici Dolley Ridge. C'est basé sur les expériences
acquises, entre autres, par la Compagnie minière IOC. À ce
moment, le chef a suggéré aux ingénieurs un autre
tracé pour ce qu'on appelle la voie d'accès. Les deux
tracés ont été publiés dans le rapport de nos
ingénieurs-conseils.
M. Perron: Est-ce que vous parlez de la
route...
M. Wilkinson: Je pourrais peut-être finir.
M. Perron: Allez-y, oui.
M. Wilkinson: La deuxième étape a été
une visite à Schefferville faite par les ingénieurs du
ministère de l'Énergie et des Ressources du Québec. Lors
de cette première visite, le chef leur a expliqué à
nouveau ses craintes et ses inquiétudes. On leur a même
donné le nom de trois personnes qui étaient toujours à
l'emploi de la Compagnie minière IOC. On leur a conseillé d'aller
les voir, de vérifier les rapports du chef. À notre connaissance,
les ingénieurs responsables n'ont jamais rencontré les
responsables de l'IOC. Cela fait déjà deux ans que la voie
d'accès est ouverte. On a eu des problèmes l'hiver passé.
Au cours de l'été passé, nous avons organisé une
série de réunions avec les représentants du gouvernement
du Québec, avec les représentants du gouvernement
fédéral. Il a été question d'études, il a
été question de toutes sortes de choses. Finalement, on est en
plein hiver, cela fait déjà quatre mois que les Naskapis, par le
biais de leur Société de relogement des Naskapis, paient les
coûts du déneigement, ce qui représente 30 000 $
environ.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre de
l'Énergie et des Ressources.
M. Duhaime: II y a deux problèmes, M. le Président.
Il ne faudrait pas qu'on se transforme ici en ingénieurs-conseils,
spécialistes dans les questions de voirie. Il y a deux problèmes
au dossier. Il y a une question de tracé et il y a une question
d'entretien de la route durant l'hiver. Le ministère des Transports a
fait une proposition que vous avez refusée pour l'instant, offrant 25
000 $ pour l'année en cours. Vous l'avez refusée parce qu'il n'y
avait pas de problématique à long terme, d'une part, quant
à l'entretien.
Deuxièmement, vous voulez des corrections quant au tracé.
Ce que je vous disais tout à l'heure, sans pour autant vous dessiner ce
soir où serait un tracé qui pourrait vous satisfaire, je vous dis
tout de suite que pour ce qui est de l'entretien de la route et de son
déneigement à long terme le gouvernement du Québec va en
assumer la responsabilité.
Pour ce qui est du tracé, nous allons demander à nos
ingénieurs, tant au ministère de l'Énergie et des
Ressources qu'à vos ingénieurs-conseils, de se rencontrer dans
les meilleurs délais et voir comment, ensemble, ils pourraient nous
faire une suggestion. Pour autant que les coûts pourraient être
raisonnables, il y aurait peut-être moyen de régler le
problème.
Le Président (M. Bordeleau): On pourrait peut-être
laisser du temps pour la traduction. Cela va, M. Wilkinson. (22 heures)
M. Wilkinson: Je pense que les Naskapis se sentent obligés
de refuser, pour deux raisons: premièrement, on sait, à 100%, que
le montant de 25 000 $ sera insuffisant. Les Naskapis ne voulaient pas signer
un contrat qu'ils ne se savaient pas capables de respecter.
Deuxièmement, ils ne voulaient pas demander à leur population,
à la moitié de leurs membres, de déménager sans
pouvoir assurer leur sécurité, surtout en ce qui concerne les
écoliers qui devront voyager deux fois par jour, cinq jours par semaine
entre le nouveau village et Schefferville. Ce n'est pas qu'ils ont voulu
refuser. Les Naskapis veulent déménager. Ils ont de belles
maisons qui sont bien plus confortables, bien plus faciles à entretenir
que les maisons ici. Ils veulent déménager, mais ils n'ont pas
pu.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, premièrement, je
voudrais remercier M. Joseph Guanish et les Indiens naskapis pour le
mémoire qu'ils nous ont présenté. Les recommandations qui
sont contenues dans le mémoire vont au-delà des stricts besoins
des Naskapis. Surtout, je voudrais m'excuser auprès du chef Joseph
Guanish, parce que je veux faire des remarques en français. Je voudrais
faire certaines représentations, non seulement poser des questions aux
Naskapis, et je souhaite que cette commission parlementaire les prenne en
considération.
Alors, si vous me permettez de parler français, je pourrais
arrêter de temps à autre pour que vous puissiez faire la
traduction au chef Joseph Guanish.
M. Einish: M. le Président, comme Paul Wilkinson l'a
souligné, dans le domaine de l'éducation, c'est très
important que l'éducation soit un élément essentiel pour
les communautés et pour les jeunes. Tandis qu'avant, on avait toujours
eu de la difficulté à appliquer la section de la convention s.ur
l'éducation, soit dans les délais par un
secrétaire-trésorier...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je voudrais rappeler à cette commission
parlementaire l'attitude très raisonnable que les Naskapis ont prise
durant les négociations de la convention de la Baie James. Durant ces
négociations qui ont duré deux ans et auxquelles,
malheureusement, les Naskapis n'ont pu assister, sauf durant les
dernières étapes, le gouvernement du Québec a
été obligé, à cette époque, d'annuler tous
les droits des Naskapis dans le territoire concerné sans que les
Naskapis soient des signataires de l'entente. Alors, les Naskapis se sont vus
obligés de renoncer à leurs droits. Cependant, il y avait un
engagement du gouvernement du Québec de négocier avec eux. Mais
placez-vous dans la position d'un des premiers peuples du Québec, lequel
se voit enlever tous les droits qu'il avait depuis des temps
immémoriaux. Il a accepté cela à la suite de la bonne foi
du gouvernement de négocier avec eux. C'était une attitude
très responsable et très raisonnable de la part des Naskapis. Je
pourrais vous avouer, M. le Président, qu'à cette époque,
moi-même, je me sentais un peu nerveux d'avoir été dans
l'obligation de recommander cette procédure au gouvernement, mais on
avait d'autres intérêts pour les Cris et pour les Inuits, qui
voulaient signer absolument l'entente. On avait les contraintes de temps.
Alors, je voudrais premièrement souligner l'attitude très
responsable des Naskapis qui m'amène à faire des commentaires sur
la position actuelle des Naskapis, sur l'entente qu'ils ont
subséquemment signée avec le gouvernement du Québec.
Vous savez, si on veut le respect de nos coutumes, de notre langue, de
nos traditions, de notre culture, ce respect commence par le respect que nous
pouvons accorder, que nous devons reconnaître aux premiers peuples du
Québec: les peuples autochtones. Je crois que les représentations
que les Naskapis font ce soir, quant au respect de l'entente, devraient
être prises très au sérieux par le gouvernement. Je suis
surpris moi-même de voir qu'il y a des difficultés avec l'entente,
des difficultés qu'on vient de souligner ce soir, qu'on vient
d'apprendre, quant à la route d'accès au nouveau village des
Naskapis qui a été bâti, à Kawawachikamach, et qui
est près d'être occupée maintenant. Dans l'entente de la
Baie-James, il y avait une obligation, il y avait une option qui avait
été accordée aux Naskapis de se relocaliser. Le
gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada, la
Société de la Baie James, Hydro-Québec et tous les
intervenants, tous les signataires de l'entente ont accepté cette
option. Il ne faudrait pas que, aujourd'hui, par des moyens, même de
bonne foi, on mette des bâtons dans les roues des Naskapis en disant: On
a construit ce village, mais on va avoir des difficultés à s'y
rendre. C'est comme dire à un locataire: Je vous loue votre logement,
mais il faudra que vous me payiez un prix additionnel pour la clef du logement.
Je ne pense pas que ce soit l'intention, ce n'est certainement pas l'esprit de
l'entente. Je suis heureux de voir que le ministre s'est engagé ce soir
en disant: Nous allons, le gouvernement du Québec, respecter
l'engagement de payer le coût d'entretien.
Savez-vous que c'est par hasard que nous avons une commission
parlementaire ici ce soir? Que serait-il arrivé si on n'avait pas eu
cette commission parlementaire? Je voudrais souligner au gouvernement que vous
avez des problèmes très sérieux avec SAGMAI, avec la mise
en application de cette entente. Je ne pense pas qu'on puisse permettre que les
autochtones soient obligés de faire des représentations comme ils
le font devant une commission parlementaire qui a été
mandatée, non pas pour voir aux problèmes des autochtones, mais
pour regarder les problèmes des citoyens de Schefferville. Par hasard,
ils viennent nous faire ces représentations et le ministre s'engage.
Mais le mois prochain, l'année prochaine, s'il y a d'autres
problèmes avec l'entente de la Baie-James et le Nord
québécois, qu'allez-vous faire? Parce que si on ne peut pas
respecter le droit des autochtones, cela sera aussi difficile de respecter les
droits des citoyens de Schefferville. Je ne pense pas qu'on puisse se permettre
deux poids et deux mesures.
Je voudrais vous remercier, encore une fois, en disant que les
recommandations qui ont été faites par la bande des autochtones
naskapis ne touchent pas seulement les problèmes des Naskapis, mais que
cela va au-delà de leurs problèmes. Cela reconnaît une
réalité du territoire nordique et des peuples qui habitent ces
territoires, qu'ils soient Naskapis ou non.
Je voudrais poser quelques questions au chef Joseph Guanish. Quant
à la relocalisation, au nouveau village qui a été
construit, quel est le coût approximatif des installations dans ce
nouveau village?
M. Wilkinson: Je pourrais peut-être vous renvoyer à
l'annexe 8 de notre mémoire. On calcule de façon provisoire que
le nouveau village va coûter autour de 13 000 000 $.
M. Ciaccia: Ce nouveau village a été construit
d'après l'entente de la Convention de la Baie-Jame et du Nord-Est
québécois. C'était une option, si je comprends bien, que
les Naskapis avaient de se relocaliser. Le 1er décembre 1978, il y a eu
une lettre de M. Norman Hawkins, de Peat Marwick et Associés,
conseillers en administration, adressée à M. Paul Wilkinson,
secrétaire du groupe d'études socio-économiques. Cette
lettre faisait part de certaines informations que M. Hawkins avait obtenues de
la compagnie Iron Ore. Apparemment, il y avait eu un article dans le Soleil
disant que peut-être Iron Ore devrait terminer ses activités
à Schefferville. M. Hawkins a confirmé qu'il avait parlé
à un des représentants, un
assistant du président de Iron Ore à cette époque,
M. Halsey, qui lui avait confirmé que c'était vrai, qu'il y avait
un fondement à la rumeur voulant qu'Iron Ore étudie la
possibilité de cesser ses activités à Schefferville. Il
avait même donné une date pour la fin des activités,
c'est-à-dire avant 1985.
Le groupe d'étude pour la relocalisation du village des Naskapis
comprenait un membre du gouvernement du Canada, un membre du gouvernement du
Québec et un membre de la bande des autochtones naskapis. Ce que je ne
peux pas comprendre, c'est qu'il semble que tout le monde était au
courant que la IOC devait quitter Schefferville, excepté le gouvernement
du Québec. Puisqu'on n'a pas pu le confirmer, on a laissé
continuer les études et on a laissé, avec la participation du
gouvernement du Québec, construire ce nouveau village des Naskapis
à 10 ou 15 milles de Schefferville.
Je pourrais demander ceci: Si, à cette époque, vous aviez
eu la confirmation que la compagnie Iron Ore devait quitter
définitivement, cesser ses activités à Schefferville,
est-ce qu'il y aurait eu des possibilités à ce moment-là
de prendre d'autres décisions quant à la relocalisation du
village des Naskapis?
M. Wilkinson: C'est une question très intéressante,
mais il est assez difficile d'y répondre. Je pense que la
première chose qu'il faut comprendre, c'est que toutes les parties - je
parle maintenant des deux gouvernements et des Naskapis - étaient
liées par la convention. Le chapitre 20 de la convention du Nord-Est
québécois ne donnait, grosso modo, que deux possibilités
aux Naskapis, soit de se reloger, soit de rester sur la réserve
Matimekosh. La convention, au chapitre 20, allait même plus loin que
ça. Elle prévoyait que si les Naskapis ne votaient pas avant le
31 janvier 1980, c'est-à-dire deux ans après la signature de la
convention, ils perdaient toute possibilité de se reloger. Donc, je
pense que le groupe d'étude socio-économique ainsi que le
comité de relogement ont fait de leur mieux pour évaluer la
situation. Bref, si l'annonce qui était supposée être faite
au printemps 1979, soit l'annonce de la date de la fermeture. Si elle avait
été faite, je pense que les Naskapis seraient allés voir
les deux gouvernements afin de leur demander s'il serait possible de modifier
la convention. Cela aurait été très très difficile.
Il ne se serait pas agi de modifier tout simplement le chapitre 20 et,
probablement le chapitre 5 qui traite des terres, ainsi que le chapitre 15 qui
traite de la chasse et de la pêche. (22 h 15)
Donc, je n'ai pas vraiment répondu à votre question, mais
j'espère que j'ai expliqué pourquoi les parties impliquées
ont dû agir de la manière dont ils ont agi. Si on avait pu agir
autrement j'espère que oui, avec la bonne volonté des deux
gouvernements et des Naskapis, on aurait, j'en suis certain, réussi
à faire modifier la convention. Mais on ne l'a pas fait. On n'a pas
essayé.
M. Ciaccia: Je ne voulais pas blâmer les Naskapis.
Évidemment, vous étiez liés par l'entente. Vous ne pouviez
pas faire des modifications unilatéralement. Mais si le gouvernement,
qui faisait partie de votre groupe d'étude, avait pris les mêmes
informations que celles que vos représentants ont prises, ils auraient
pu retarder la prise de décision et, peut-être, éviter des
dépenses assez considérables pour la construction du village et
qui vont être encore plus considérables dans le maintien de la
route qui sera nécessairement à la charge du gouvernement. Je
pense que si le gouvernement avait fait ses devoirs... Les mêmes
informations que les représentants des Naskapis ont eues étaient
aussi disponibles au gouvernement.
Je voulais vous poser une autre question. Si Schefferville ferme, si on
espère qu'on va trouver les moyens nécessaires et les solutions
pour assurer la survie de Schefferville et, quant à nous, non seulement
la survie de Schefferville telle qu'elle existe aujourd'hui, mais s'il y avait
des investissements additionnels, on pourrait même espérer que
Schefferville pourrait avoir le même développement qu'elle a connu
dans le passé. C'est notre espoir que le gouvernement va pouvoir faire
cela, par l'entremise des représentations qui sont faites aujourd'hui,
par l'entremise des études et des recommandations qui ont
été faites. Mais, si cela ne se produit pas, est-ce que la
fermeture de Schefferville causerait des problèmes sérieux aux
Naskapis? Est-ce que cela irait à l'encontre de l'entente de la
Baie-James? Autrement dit, est-ce que le gouvernement peut permettre la
fermeture de Schefferville sans être en défaut envers la bande des
Naskapis par suite de l'entente sur la Baie-James et sur le Nord-Est
québécois?
M. Mameamskum: Mr. Ciaccia, as we said before, as a
Naskapi...
M. Ciaccia: May be, so that you can understand, I will ask this
question in English. If the Government allows Scheffer-ville's closure, will it
be in default under the agreement? In other words, is the Government obliged to
maintain the survival of Schefferville? If it is not, will it be in default
under the terms of the agreement it signed with you?
M. Mameamskum: As we said before, we are going to move with or
without
Schefferville's closure. The thing is, as we said, the Government of
Canada and the Government of Québec signed an agreement with the
Naskapis, the agreement is recognized by both governments and was signed by all
three parts and we will seriously consider a legal recourse if our agreement is
breached to the extent that we think it is breached.
M. Ciaccia: Breached if Schefferville closes down.
M. Mameamskum: But the thing is, as we say, we have to respect
the agreement. It says that we have to relocate it after the vote. As for your
question as such, I would refer it to my legal adviser.
M. Ciaccia: Pour les services de santé, comment le
gouvernement... Est-ce que vous pouvez avoir les services de santé, les
services d'éducation, si Schefferville ferme?
M. Perron: On a dit que cela ne fermait pas.
M. Ciaccia: Ah! Vous vous êtes engagés? Eh bien!
c'est cela que je veux entendre! C'est cela que je veux entendre. Le
député de Duplessis...
M. Einish: M. le Président, notre secrétaire, Mme
Denise Geoffroy va traduire la réponse, d'accord?
Mme Geoffroy: Pour le bénéfice des membres de la
commission qui ne parlent pas l'anglais, je vais vous traduire la
réponse de M. Mameamskum.
M. Mameamskum a dit: Que Schefferville ferme ou que Schefferville
reste, les Naskapis vont se reloger dans leur nouveau village. L'entente a
été signée par les deux gouvernements et par les Naskapis.
Cette entente comporte beaucoup de chapitres dans bien des domaines et les
Naskapis veulent que toute l'entente soit respectée, avec ou sans
Schefferville.
M. Ciaccia: Les services de santé, comment allez-vous
avoir les services de santé si Schefferville n'existe pas?
M. Wilkinson: Peut-être que je pourrais apporter deux
clarifications. Premièrement, même si je connais Joney, si on
travaille ensemble depuis huit ans, je ne suis pas son conseiller juridique,
mais juste son conseiller simple. Pour nous, il ne s'agit pas
nécessairement de discuter ou d'évaluer si la fermeture de
Schefferville sera une brèche ou une contravention à la
convention du Nord-Est québécois. Je pense que la nature de
l'engagement pris par le gouvernement du Québec était de fournir
certains services aux
Naskapis. Pour nous, la façon la plus logique, la plus juste, la
moins dispendieuse, la plus efficace de les fournir, c'est en assurant la
survie de Schefferville. Si, dans sa sagesse, le gouvernement juge autrement
et, à la condition que les services soient fournis au nouveau village,
je pense que le gouvernement aura respecté l'esprit de la
convention.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va?
M. Ciaccia: Je vous remercie. Mon temps est écoulé.
Nous avons d'autres mémoires à entendre. Je veux vous remercier
pour votre présentation et j'espère que le gouvernement va
prendre en considération non seulement les obligations auxquelles il
s'est engagé dans l'entente du Nord-Est québécois, mais
aussi les recommandations très valables qui ont été
portées à l'attention du gouvernement dans le mémoire des
Naskapis, des recommandations qui ne touchent pas seulement les Naskapis, mais
qui sont vraiment pour le bénéfice de toute la population de
Schefferville, incluant les Naskapis.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député de... Je pense que vous voulez... Non, cela va?
M. Einish: M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): Oui.
M. Einish: II faudrait savoir que les Naskapis ont
résidé ici depuis 1955, d'accord? Puisque les Naskapis ont des
liens économiques avec la ville de Schefferville, ils nous fournissent
soit les services légaux, soit le déblayage de la neige, par
exemple, à la réserve de Matimekosh. De même, aussi, nous
savons qu'on aura encore des services fournis par la ville de Schefferville.
Nous savons aussi qu'on reçoit des services et, même sur la base
économique, on sait qu'il y a des commerçants de la ville de
Schefferville, comme nous, qui bénéficient des services
essentiels de Schefferville. Cela ne veut pas dire qu'on marche
unilatéralement, on marche ensemble et cela, c'est un aspect
positif.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord, merci. J'avais
déjà reconnu M. le député d'Ungava.
M. Chevrette: J'avais une réponse. Je l'appporterai
tantôt.
M. Lafrenière: Je peux laisser la parole au ministre.
Le Président (M. Bordeleau): Non, cela va. M. le
député d'LJngava.
M. Lafrenière: J'aimerais revenir au contenu du
mémoire des Naskapis. J'aurais une question à poser sur la chasse
commerciale du caribou. Je vais essayer de la poser en anglais pour que vous
puissiez comprendre le sens de ma question: If we admit that there is a surplus
of caribous in the Northern Québec, how do the Naskapis feel about this
probability or this chance of doing commercial hunting? As we know, the SDBJ
made a study on that and it figured that there should be, at least, 200 jobs
created by that. The second question would be: Have you had any talks with the
Inuits farther North, concerning this caribou commercial hunting?
Le Président (M. Bordeleau): M.
Wilkinson.
M. Wilkinson: Les Naskapis exposent leur position en ce qui
concerne la chasse commerciale au caribou à la page 13 de la version
française de leur mémoire. Grosso modo, on peut dire que, sous
réserve de certaines conditions, ils appuient l'idée. Bien
sûr, la première chose qui serait nécessaire serait de
faire modifier la Loi sur la conservation de la faune. Il en a
déjà été question juste avant Noël quand on a
rencontré, entre autres, M. Chevrette, lors de la commission
parlementaire qui était en train, précisément,
d'évaluer les modifications qui pourraient être apportées
à cette loi.
L'autre condition qui est peut-être plus importante, c'est que la
chasse commerciale au caribou respecte les avantages accordés aux
autochtones par les deux conventions. On parle particulièrement de ce
qu'on appelle la priorité d'exploitation accordée aux
autochtones. Bien sûr, cela n'est pas une exclusivité. Je pense
qu'on ne veut pas que les non-autochtones soient exclus des emplois à
créer. L'exploitation commerciale du caribou demande peut-être une
certaine expérience qui n'existe encore que chez les autochtones. Les
autochtones devraient y jouer un rôle prépondérant.
Pour répondre au deuxième volet de votre question, oui,
nous avons rencontré les Inuits à plusieurs reprises afin de
discuter de la chasse commerciale au caribou. Ces discussions ont eu lieu,
entre autres, au sein du comité conjoint chasse, pêche et trappage
dans lequel sont représentés les trois groupes autochtones, les
deux gouvernements et même la Société de
développement de la Baie James en tant qu'observateur. Il y a aussi eu
des réunions privées entre les Cris, les Inuits et les Naskapis.
Bien sûr, si on parle de la chasse commerciale du troupeau de la
rivière George, cela impliquerait, en ce qui concerne les autochtones,
les Inuits et les Naskapis et probablement les Cris.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le ministre du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche.
M. Chevrette: II y a eu quelques questions soulevées
auxquelles je voudrais apporter des éléments de réponse.
La première est une affirmation. Tous les engagements pris par le
gouvernement du Québec vis-à-vis de votre communauté
seront respectés intégralement.
Je peux même affirmer, premièrement, que l'appel du
jugement dont on a parlé -puisque j'ai eu l'information - sera
retiré à la suite des négociations qui auront lieu ces
jours-ci. Ceci est en espérant, bien sûr, qu'on pourra conclure
une entente.
Deuxièmement, je voudrais également vous dire que dans la
déclaration d'ouverture du ministre délégué
à l'Aménagement et au Développement régional, il a
été clairement indiqué que les services
d'éducation, les services de santé et les services de loisirs
seront maintenus proportionnellement à la population restante.
M. Ciaccia: C'est une question d'information.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Est-ce qu'il est exact que dans l'entente, il y avait
une obligation de construire une école à laquelle le gouvernement
fédéral participerait à 75% et le gouvernement du
Québec à 25%? Est-ce que le gouvernement du Québec a
rempli cette obligation?
There is an obligation in the agreement to build a school for the
Naskapis where 75% would be paid by the federal Government and 25% by the
provincial Government. Has the provincial Government fulfilled its obligation?
(22 h 30)
M. Einish: M. le Président, c'est Joe, un autre membre,
qui va répondre à la question.
M. Peastitute (Joseph): That is what the agreement says.
M. Ciaccia: The provincial Government paid its share?
M. Peastitute: No problem.
M. Ciaccia: Is there any problems with the provincial Government?
Has it undertaken to pay its share?
M. Peastitute: Yes. We sure do have a lot of problems.
M. Ciaccia: You are having problems?
Well, since they are in a very receptive mood, maybe they can clear up
these problems right now?
M. Chevrette: M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Chevrette: D'ailleurs, si on m'avait adressé la
question, j'aurais pu répondre où en était le dossier.
C'est exactement l'explication que j'allais donner. Pour l'école, il y a
un engagement du gouvernement du Québec à 25%, c'est vrai. Le
dossier est rendu au Conseil du trésor, c'est vrai. Le Conseil du
trésor, je pense en agissant sagement, attendait purement et simplement
les résultats de la commission avant de décréter.
Point.
M. Ciaccia: Je ne ferai pas de débat là-dessus,
mais l'entente de la Baie-James n'a rien à voir avec la commission.
M. Chevrette: Non, mais il aurait pu...
Le Président (M. Bordeleau): Je m'excuse, on va donner
quelques minutes pour la traduction. Un à la fois.
M. Chevrette: Qui a la parole?
Le Président (M. Bordeleau): Là, c'est moi qui
l'ai. Je vais la donner à quelqu'un. Non, ce n'est pas fini. Alors, M.
le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.
M. Chevrette: Oui, M. le Président, il aurait fort bien pu
arriver, avec la situation actuelle et selon l'orientation, qu'on arrive ici
avec une décision très ferme de laisser la ville ouverte et
même de surenchérir concernant la poudre aux yeux en
lançant n'importe quel projet et les gens auraient pu tout aussi bien
venir nous dire ici, d'une façon catégorique: On ferme
carrément la ville. Cela aurait pu avoir des incidences. On aurait pu
être appelés à se rasseoir avec les Naskapis pour discuter
d'une formule qui tienne compte des circonstances. Je pense que c'est ce qu'on
appelle assumer ses responsabilités.
J'ajouterai également qu'il est vrai que le conseiller a dit
tantôt: Des modifications seront apportées à la Loi sur la
conservation de la faune. Le projet de loi devrait être
déposé à la fin de mars et, bien sûr, si on
réussi la conclusion d'ententes, les 15 et 16 février, on en
tiendra compte dans la loi, naturellement.
Le Président (M. Bordeleau): Merci.
M. Guanish: We have already asked M. Peastitute to answer. Canada
has largely authorized 75% of the costs at school and Québec has not.
The agreement does not specify that we have to wait for a Royal commission to
get that school set up first. It does not specify that we have to wait for a
Royal commission. It specifies that Québec has to pay 25%.
M. Chevrette: Je le reconnais, M. le Président. Je
reconnais que l'entente est spécifique, claire et précise; que le
gouvernement du Québec a pris un engagement de 25%; que le gouvernement
va respecter son engagement, mais que, sagement je pense, compte tenu qu'on ne
connaissait pas d'avance les résultats éventuels de cette
commission, cela aurait pu avoir une incidence quelconque et on aurait pu
être appelés à repenser le dossier avec votre conseil.
Dernier point. Je suis heureux également que vous
considériez maintenant qu'il serait valable pour l'ensemble des groupes
de la région de négocier une formule, quelle que soit la formule,
et on fera preuve d'imagination, pour que vous conserviez les avantages qui
vous sont dévolus de par l'entente, de par la convention de la
Baie-James, et qui permettra aussi, je l'espère, à l'ensemble des
communautés du territoire de bénéficier de la ressource
qui est renouvelable. Je vous remercie infiniment.
Le Président (M. Bordeleau): Merci.
Un complément de réponse que me demande le
député de Duplessis. Une clarification sur une question qui a
été posée antérieurement.
M. Perron: Oui, si vous permettez, M. le Président, je
m'adresserai en anglais aux Naskapis, pour leur compréhension, puisque
l'offre qui a été soulevée tout à l'heure par le
ministre de l'Énergie et des Ressources n'a pas été
comprise par les Naskapis.
If the members of the commission would permit, I would like to clarify a
situation in two points. The first one was raised by the Minister of Energy and
Resources concerning the maintenance of the road during this winter. The
Minister said -and he asked if it would be to your convenience - that the
Government will maintain the opening of the road during this winter with its
own funds, with its own money. Secondly, he said that some engineers from the
Department of Energy and Resources and the Department of Transport will be
coming over to see you shortly to see about the way to correct the road you
have right now in making... It is about the hill where you have a problem and
where the snow packs all over when there is a lot of wind. So, the correction
should be made in that section. Would that be satisfactory to
you?
Le Président (M. Bordeleau): M.
Wilkinson.
M. Wilkinson: M. le Président, je tiens à remercier
M. Perron. En tant que bon Irlandais, je fais de mon mieux pour me
débrouiller en français, mais même après huit ans au
Québec, il m'arrive de faire des erreurs et je m'en excuse. Je pense que
l'engagement qu'a pris M. Duhaime serait tout à fait satisfaisant pour
les Naskapis.
M. Perron: Merci beaucoup.
Le Président (M. Bordeleau): Merci.
M. Einish: M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, un petit mot en
conclusion?
M. Einish: Avant de finir notre discours j'aimerais faire la
présentation d'une autre personne qui est pas mal concernée par
nos affaires. J'aimerais dire aussi que les Naskapis ont déployé
beaucoup d'efforts depuis quatre ans pour assurer leur développement
économique, social et politique.
La signature de la convention du Nord-Est du Québec ne prenait
pas en considération quelque changement que ce soit dans le climat
économique ou social. La convention nous a assuré certains droits
et nous exigerons qu'ils soient respectés, puisque tout le monde a bien
compris nos représentations.
J'aimerais donc présenter Mme Alison Cowan. Si vous le permettez,
M. le Président, la révérende Alison Barnett Cowan
présentera son discours à votre commission.
Le Président (M. Rocheleau): Je m'excuse. On a posé
des questions sur le mémoire que vous avez présenté. Je
veux bien donner la parole à Mme Cowan pour quelques minutes, mais je ne
voudrais pas qu'on reprenne le débat sur l'ensemble du mémoire
tel qu'il a été présenté à la
commission.
M. Chevrette: M. le Président...
Le Président (M. Rocheleau): M. le ministre du Loisir, de
la Chasse et de la Pêche.
M. Chevrette: ...ayant lu le mémoire de madame, je sais
que c'est un court mémoire d'une page et demie qui se veut un appui au
mémoire des Naskapis. En ce qui me concerne, je suis prêt à
donner mon consentement pour qu'on règle le bloc.
Le Président (M. Rocheleau): D'accord. Une voix:
Nous aussi.
Le Président (M. Rocheleau): Vous pouvez y aller, Mme
Cowan.
Mme Cowan (Alison): M. le Président, mon mari et moi
sommes des prêtres anglicans des Naskapis et c'est à ce titre que
je vous parle.
L'Église anglicane n'avait pas préparé
d'intervention parce que nous savions que nos intérêts
étaient bien représentés par les interventions du
comité des citoyens et le conseil de bande des Naskapis. L'Église
anglicane de Schefferville comprend peut-être 100 Naskapis et à
peu près 30 familles de la ville dont quelques-unes désirent
rester ici sans aucun doute. L'Église restera ici parmi le peuple
naskapis car tous les Naskapis, sauf une dizaine qui sont mariés
à des catholiques romaines, sont anglicans. Un presbytère et une
nouvelle église seront bâtis à Kawawachikamach au printemps
prochain, je l'espère.
Nous désirons seulement appuyer la demande des Naskapis, à
savoir que le gouvernement respecte la convention du Nord-Est
québécois dans l'esprit et dans la lettre, que le gouvernement
assure la continuité des services essentiels pour la nouvelle
réserve et pour les résidents de Schefferville qui
désirent rester ici. Cela veut dire l'avion, le train, l'énergie,
l'électricité et l'huile à chauffage, les services sociaux
et médicaux ainsi que les autres services mentionnés dans le
mémoire présenté par les Naskapis.
De plus, nous demandons que le gouvernement assure aux Naskapis
l'apprentissage de métiers essentiels, tels la plomberie, le chauffage,
l'électricité, l'administration, et qu'ils puissent avoir les
services de travailleurs et de professionnels dans ces domaines jusqu'à
ce qu'ils soient autonomes.
Nous recommandons que le gouvernement du Québec étudie les
suggestions des Naskapis pour ce qui a trait au développement
économique de cette région et aide à leur
réalisation, sauf peut-être un casino.
Finalement, nous vous donnerons le texte des propositions
envoyées aux deux gouvernements par le Comité exécutif du
diocèse de Québec et le synode de la province
ecclésiastique du Canada. De plus, nous désirons souligner que le
Bureau national de l'Église anglicane s'intéresse beaucoup
à la situation de Schefferville et désire que tous ceux qui sont
affectés par la décision de la minière IOC soient
traités avec justice et équité.
Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de lire....
Le Président (M. Bordeleau): Merci beaucoup, Mme Cowan. Je
remercie les gens de la nation naskapie de s'être présentés
devant la commission.
M. Einish: M. le Président, le chef de bande voudrait vous
remercier en naskapi et je vais ensuite traduire.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord. En conclusion.
M. Guanish: S'exprime en naskapi.
M. Einish: Le chef de bande vous remercie d'avoir eu la politesse
d'entendre nos délibérations et nos présentations afin
d'en arriver à une sorte de solution fructueuse.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. La commission vous
remercie également.
J'appelle immédiatement la Société de
développement de la Baie James. Il ne s'agit peut-être pas de la
société elle-même, mais des cadres de la
Société de développement de la Baie James, dont le
porte-parole est M. Jacques Gauthier. (22 h 45)
M. Gauthier, avant de vous donner la parole, j'ai regardé votre
mémoire et il pourrait être lu. Par contre, à ce moment-ci
de la soirée, si vous pensez que cela peut être même plus
fructueux, de résumer au maximum le mémoire pour permettre un
échange plus élaboré... Je vois que vous avez des cartons
aussi, alors je vous demande de faire un choix dans votre présentation
pour vous en tenir autant que possible aux 20 minutes qu'on accorde en
général aux intervenants dans la présentation.
Cadres de la Société de
développement de la Baie James
M. Gauthier (Jacques): M. le Président, je
préférerais lire le mémoire, si vous n'avez pas
d'objection.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord. Si vous voulez me
présenter les personnes qui sont avec vous et procéder à
la lecture du mémoire.
M. Gauthier (Jacques): M. le Président, MM. les ministres,
MM. les députés, je vous présente les collègues qui
m'accompagnent. À ma droite, M. Gilles Dionne, directeur de
l'exploration minérale à la Société de
développement de la Baie James. À l'extrême droite, M.
René Gingras, directeur des opérations dans le territoire.
À ma gauche, M. Gérald Comeau, adjoint au président; M.
Louis Gilbert, qui est responsable des relations avec les autochtones; Mme
Françoise Gilbert, qui est rédactrice en chef de notre journal Le
Jamésien et qui a participé à la rédaction du
mémoire. C'est une équipe pluridisciplinaire que nous vous
présentons aujourd'hui, une équipe forte des connaissances, de
l'expérience et de la documentation accumulées au cours de onze
années de travail en milieu nordique. Avec ce bagage acquis dans le
Moyen-Nord, les cadres et les employés de la Société de
développement de la Baie James et de ses filiales ont pensé
apporter une contribution à l'effort commun destiné à
donner un nouvel essor à Scheffer-ville.
Il serait inconcevable de permettre la disparition de Schefferville.
Cela constituerait un recul considérable dans l'histoire du
Québec, dans son expansion démographique et sa dynamique
générale de développement économique. Ce serait
réduire à néant les années de labeur acharné
des pionniers du Nord qui ont consacré leurs énergies à
faire sortir le Québec septentrional de son oubli de froidure. Au beau
milieu d'une précédente crise économique qui secouait
fortement la Côte-Nord, Mgr Scheffer, premier évêque de la
région et dont la ville a pris le nom, disait avec sagesse: En face de
ce marasme économique qui n'a que trop duré, ne maudis pas la
noirceur, allume ta propre chandelle. Les gens de Schefferville ont
montré leur volonté de se battre pour ne pas laisser
s'éteindre la flamme. Nous sommes prêts à la ranimer avec
eux en mettant notre expérience et nos compétences au service de
la population régionale et du gouvernement du Québec afin de
trouver des solutions à court et à long terme à la crise
que vit présentement Schefferville.
Nous nous proposons d'apporter la contribution de notre
expérience et de notre compétence dans un groupe de travail qui
entreprendrait l'analyse et la réalisation des projets et suggestions
qui seront ou qui ont été mis de l'avant par nous-mêmes ou
par d'autres. Ce groupe de travail serait composé de résidents de
Schefferville et de représentants d'organismes susceptibles de
contribuer au renouveau de la ville. De notre côté, nous y
apporterions le concours de nos spécialistes dans des domaines aussi
différents que l'ingénierie, l'écologie, les mines, le
tourisme, les télécommunications et autres. Ce groupe de travail
aurait le mandat de mettre en oeuvre tous les moyens d'action destinés
à maintenir à court terme l'activité de la ville car
Schefferville a perdu, avec la fermeture des établissements de l'Iron
Ore, le moteur principal de son économie.
Il est donc vital de mettre en place dès maintenant de nouveaux
moteurs. Nous croyons que les éléments de survie sont là.
Il s'agit de les sortir de l'ombre. Nous sommes prêts à nous
mettre au travail
immédiatement si le gouvernement du Québec veut bien nous
en donner le mandat. Le rôle de développeur multisectoriel de la
SDBJ dans le territoire de la baie James nous a amenés à
considérer le potentiel économique des régions
limitrophes. Nous nous sommes donc penchés sur les ressources de
Schefferville et nous avons déjà envisagé quelques
éléments de solution aux problèmes que connaît
actuellement la ville.
Parmi les possibilités à court terme, il a
été proposé une entreprise commerciale de gestion du
troupeau de caribous de la rivière George. L'idée n'est pas
exactement nouvelle, mais il y a énormément à faire avant
de pouvoir la mettre en pratique. Depuis maintenant plus de deux ans, certains
d'entre nous travaillent à analyser les implications d'un tel projet.
C'est dire que nous avons déjà une bonne idée. Nos
études de préfaisabilité sont en bonne voie et le dossier
est assez avancé pour être mené à terme dans un laps
de temps relativement court, s'il nous est demandé de poursuivre nos
travaux dans ce sens.
Il ressort des études préliminaires que l'organisation
intensive de la chasse sportive et de la chasse commerciale des caribous est
rendue nécessaire par le fort taux de croissance du troupeau. En accord
avec les experts, nous croyons que ce troupeau est en train de surexploiter le
milieu végétal dont il dépend et que sa surpopulation
augmente le risque qu'il soit décimé par des causes
épidémiologiques ou par les prédateurs. En
conséquence, il perdrait toute valeur commerciale. On a
déjà vu ce phénomène se produire en Alaska et au
Yukon avec le troupeau Porcupine. Il serait donc avantageux, à la fois
pour l'économie et pour l'écologie, de stabiliser le troupeau de
la rivière George en prélevant annuellement, de façon
sélective, un pourcentage important de bêtes,
déterminé d'après le taux d'augmentation annuelle
établi par le ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche.
Nous avons, de plus, amorcé une réflexion sur les
problèmes légaux et logistiques reliés à
l'abattage, la manutention, la conservation et la commercialisation du caribou.
À notre avis, l'organisation de la chasse commerciale, de l'abattage, du
traitement et de l'expédition de la viande, le traitement de
sous-produits comme les bois et la peau, ainsi que leur commercialisation,
permettraient la création de plusieurs entreprises créant quelque
200 emplois directs, sans compter les contrats de services avec des entreprises
locales.
Dans un deuxième temps, nous souhaitons envisager avec le groupe
de travail de Schefferville une série de mesures destinées
à renforcer les activités de tourisme, de chasse et de
pêche. Le secteur du tourisme est une part importante de
l'économie du Québec, mais il faut bien dire que les attraits
pour le tourisme nordique se développent avec lenteur dans l'ensemble de
la clientèle touristique. La Société de tourisme de la
Baie-James, Sotour, a travaillé avec acharnement à la promotion
des produits nordiques. Nous en avons fait la promotion dans certaines foires
touristiques à Montréal, Cleveland, Dallas ainsi qu'en Europe.
Aucune entreprise locale ne peut assumer les coûts très
élevés d'un marketing de cette envergure, mais un organisme
à l'échelle de tous les territoires nordiques pourrait le
faire.
Cette année, des pages élogieuses ont été
consacrées au camp de chasse à l'oie de Grande-Île,
exploité par Sotour, dans des journaux aussi connus que le Devoir, les
revues Nord et Sentier ainsi que dans des périodiques internationaux,
car nous avons attiré non seulement un grand nombre de
Québécois, mais aussi des Américains, des Français,
des Italiens, des Allemands, des Autrichiens et autres. Il faut tabler
dès maintenant sur cette renommée naissante et profiter du climat
positif pour élargir l'éventail des produits offerts. Nous
assurons déjà la promotion de la pourvoirie locale Tuktu, par
l'intermédiaire de Nortour, firme associée à Sotour. Il
faut accenter encore cette campagne de promotion et l'étendre à
toutes les pourvoiries et autres organismes à vocation touristique.
L'intérêt pour le Nord commence à percer, ce n'est pas le
moment de relâcher nos efforts.
Nous nous proposons d'apporter au groupe de travail de Schefferville un
projet préparé par l'équipe de Sotour, il y a quelques
années, et qui combinerait la pêche au saumon, la chasse au
caribou et la descente de rivières en canot dans le secteur de la
rivière George. Appuyées solidement sur notre assistance
technique et des mécanismes adéquats de mise en marché,
des entreprises locales pourraient mettre le projet en branle dès cette
année.
Les projets que nous venons d'exposer sont destinés, dans
l'immédiat, à redonner vigueur à la région et
à lui permettre, dans le futur, de diversifier son économie. Il
apparaît cependant que ces projets ne peuvent, à long terme,
soutenir seuls une évolution dynamique. Schefferville, située
dans la zone précambrienne du bouclier canadien, est en bonne position
pour poursuivre et accentuer sa vocation initiale de ville minière. En
effet, le nord de la région, et particulièrement la fosse du
Labrador, sont reconnus comme étant des secteurs potentiels de
première importance en ce qui concerne les ressources minérales
du Québec. Nous citerons, à l'appui de cette affirmation, un
extrait du document intitulé Le virage technologique. Bâtir le
Québec, phase II, qui a été présenté dans
tout le Québec, au printemps dernier, par M.
Bernard Landry, ministre du Commerce extérieur, alors ministre
d'État au Développement économique.
Ce document officiel reflète donc la philosophie du gouvernement
en fait d'évolution économique au Québec. Il y est dit:
"La partie septentrionale de la fosse du Labrador et son extension nord en
direction de la zone Cap Smith-Maricourt présente un
intérêt certain, puisqu'elle constitue un bassin riche en
métaux variés tels l'uranium, le plomb, le zinc, l'or, le cuivre,
le nickel, etc. Malgré les efforts de quelques intervenants
privés et publics, l'absence de connaissances géoscientifiques du
potentiel de ce territoire en retarde considérablement le
développement. D'autre part, l'inexistence d'infrastructures
d'accès représente une grave contrainte pour la viabilité
des exploitations. Le développement de la fosse du Labrador requiert
donc une approche spécifique regroupant les interventions des secteurs
privé et public."
Nous souscrivons entièrement à cet énoncé de
la problématique de la fosse du Labrador, que nous avons d'ailleurs
commencé à analyser au cours des dernières années.
En conséquence, nous proposons au gouvernement du Québec de
mettre à contribution notre équipe d'exploration minérale
et sa longue expérience de travail sur les terres du Nord. Depuis sa
création, la SDBJ s'est intensivement attachée à
l'exploration minérale. Au cours des dix dernières années,
chaque fois qu'elle a mis 1 $ dans des projets en participation avec des
entreprises privées, la SDBJ a obtenu que ces dernières
investissent à leur tour plus de 2 $, soit un ratio de plus de deux pour
un.
Récemment, le ministre de l'Énergie et des Ressources du
Québec, M. Duhaime, annonçait que 50 000 000 $ devaient
être consacrés au développement des ressources de la fosse
du Labrador. En s'appuyant sur les résultats obtenus à la baie
James, l'équipe d'exploration minérale de la SDBJ se fait fort de
mettre, à côté des 50 000 000 $ gouvernementaux, 100 000
000 $ en provenance de ses associations actuelles et futures avec le secteur
privé. Car il est rationnel de penser que, si l'entreprise privée
s'est intéressée aux ressources hypothétiques de la zone
nord de la baie James, elle sera encore davantage attirée par les
richesses soupçonnées dans la fosse du Labrador et dont une
partie a déjà été mise à jour. De plus,
plusieurs de nos associations sont encore en vigueur avec d'importantes firmes
étrangères dont Uranerz, d'Allemagne, Séru
nucléaire et Serem, de France, ainsi qu'avec des compagnies de
l'intérieur du pays.
Cette action conjointe des secteurs public et privé,
souhaitée par nos dirigeants, injecterait quelque 150 000 000 $ dans le
développement minier de la région, avec les retombées
économiques que l'on peut imaginer pour Schefferville. (23 heures)
Depuis 1976, la SDBJ a installé des bureaux miniers à
Radisson, Matagami et Chibougamau où évoluait un personnel
permanent d'une vingtaine de géologues. Ces équipes de la SDBJ,
ainsi que celles de ses associés du secteur privé, se sont
adjoint, dans leurs travaux de terrain près de 700 étudiants
géologues, pour la plupart originaires du Québec. Dans le secteur
de Chibougamau, l'accroissement des investissements du groupe SDBJ et de ses
partenaires a été phénoménal depuis l'ouverture du
bureau. En effet, les sommes consacrées à l'exploration
minérale dans ce secteur géographique, qui se situaient entre 1
000 000 $ et 2 000 000 $ en 1976 et 1977, sont passées à 4 500
000 $ en 1980, pour atteindre une dizaine de millions en 1981 et en 1982.
Chargé de l'exploration de la fosse du Labrador, notre groupe
implanterait un bureau minier à Schefferville, avec une dizaine de
géologues permanents et tout le personnel de support nécessaire
aux opérations de prospection. Cette équipe aurait un double
mandat: d'une part, celui d'effectuer, à forfait ou autrement, et en
partie, le programme de reconnaissance et de cartographie que le
ministère de l'Énergie et des Ressources pourrait mettre de
l'avant dès 1983; d'autre part, celui d'effectuer un ensemble de travaux
de prospection plus immédiatement orientés vers la
découverte de dépôts économiques
polymétalliques ou de caractères diversifiés, tels le
cuivre, le plomb, le nickel, l'or, l'argent, l'uranium, et autres, s'il y a
lieu. Avec la collaboration du milieu et des ministères impliqués
et l'apport de nos associés, nous ne doutons pas que notre équipe
d'exploration minérale, déjà bien rodée, puisse
répéter dans la région de Schefferville le même
scénario que dans le secteur de Chapais-Chibougamau.
Déjà, en 1982, nous avons été fortement
sollicités par une nouvelle entreprise d'exploration désireuse de
s'implanter au Québec. Le projet, concernant la région de
Schefferville, prévoyait des investissements de 2 000 000 $ à 4
000 000 $ par année à partir de 1982. Avec l'accord des
autorités gouvernementales, nous pourrions poursuivre ces
négociations.
Si notre exposé s'attarde aussi longuement sur l'exploration
minérale, c'est parce que nous considérons qu'il s'agit là
d'un point capital, non seulement pour le développement futur de
Schefferville, mais pour l'économie du Québec dans son entier.
L'inventaire des ressources de la fosse du Labrador est loin d'être
établi et nous pouvons être l'outil du gouvernement du
Québec aux fins de le réaliser, comme nous l'avons
été à la baie James. Avant d'exploiter nos richesses, il
est indispensable d'en tracer l'inventaire.
Étant donné la situation d'urgence, ici, il nous
apparaît souhaitable et à l'avantage de Schefferville de confier
ce rôle à une équipe toute prête, familiarisée
depuis longtemps avec les caractéristiques et les conditions du milieu
nordique et dont la philosophie est orientée vers des travaux
exploratoires. Une société comme SOQUEM, par exemple, serait
obligée de modifier ses structures et ses objectifs de
rentabilité de façon à répondre à la
nécessité de répertorier les ressources méconnues
de la région. SOQUEM et nous sommes, en quelque sorte, des instruments
complémentaires au service de l'essor minier du Québec. Le
développement intégré des ressources du Nord
québécois constitue une entreprise considérable et
à long terme. Or, le contenu du virage technologique, que ce soit au
niveau des infrastructures de base, des développements miniers,
hydroélectriques, touristiques ou au niveau d'actions plus
spécifiques comme l'exploitation du gibier, traduit un
intérêt constant pour les régions éloignées
dont le Nouveau-Québec et les autres régions nordiques.
Le Président (M. Bordeleau): Je m'excuse de vous
interrompre. Je veux vous souligner qu'on en est à 22 minutes et vous en
avez encore un bon bout à lire. Est-ce que je pourrais vous
suggérer d'accélérer le débit, d'en couper des
bouts ou de résumer des choses?
M. Gauthier (Jacques): M. le Président, je ne peux pas
accélérer davantage. Si vous préférez qu'on
abandonne, on abandonnera, mais si on a permis aux autres de présenter
leur mémoire avec tout le temps dont ils avaient besoin, il me semble
que la commission devrait nous accorder ce même privilège.
Le Président (M. Bordeleau): J'essaie d'être
équitable pour tout le monde, sauf qu'il y a d'autres personnes encore
après votre groupe et tout le monde, finalement, devient
pénalisé à un moment donné. Ecoutez, je ne veux pas
être restrictif à la minute et à la seconde près,
mais je vous souligne que cela fait 23 minutes et j'aimerais que vous puissiez
terminer le plus rapidement possible l'exposé sur votre
mémoire.
M. Gauthier (Jacques): Je peux continuer? Oui? Merci. Il nous
apparaît qu'une suite logique et conséquente à ce document
- je parle du document Le virage technologique - en regard de ces
régions, serait la conception d'une série de mesures concernant
l'aménagement et le développement du Nord du Québec qui
pourrait être divisé en trois parties principales.
Tout d'abord, il s'agirait d'établir les paramètres de
l'aménagement et du développement du Nord du Québec. Dans
un deuxième temps, il serait justifié de prévoir la
création d'organismes locaux de développement administrés
par des citoyens des régions. Un premier geste dans ce sens pourrait
être la mise en place d'une société de développement
de Schefferville rayonnant sur la contrée environnante et qui, par la
compétence d'administrateurs locaux, sensibilisés aux
caractéristiques et aux besoins du milieu, saurait assurer efficacement
la réalisation des projets mis de l'avant pour la région.
Ce concept de société autonome de développement,
à rayonnement variable selon les régions, est également
applicable ailleurs dans les territoires nordiques et les régions
limitrophes, comme dans l'Abitibi-
Témiscamingue ou le secteur de Chapais-Chibougamau. Le concept de
société autonome de développement régional est tout
aussi applicable aux populations autochtones avec l'implantation de
sociétés consacrées au développement
économique des Montagnais et des Naskapis ainsi que des Inuits.
Relativement à ce dernier point, nous citerons l'exemple de la
Société de développement autochtone de la Baie-James:
SODAB. Cette filiale de la SDBJ, par ailleurs autonome au plan
décisionnel, a été créée en 1978.
Après un début modeste, la SODAB envisage, pour 1983, un chiffre
d'affaires de 4 300 000 $ et espère atteindre 7 000 000 $ en 1984.
Si la courbe ascendante se poursuit, il est permis de penser que le
chiffre d'affaires de la SODAB atteindra des sommes considérables d'ici
20 ans. Les sociétés autochtones de type correspondant à
la SODAB devraient, logiquement, suivre la même courbe d'évolution
positive. Nous croyons que l'expérience de l'équipe de la SDBJ
peut être de grande utilité pour la mise en place de ces
organismes.
Enfin, les employés et les cadres de la SDBJ et de ses filiales
proposent, dans un troisième temps, que le noyau actuel du groupe SDBJ
serve de base à la formation d'un organisme d'assistance au
développement du Nord du Québec au service des ministres et
ministères responsables de l'aménagement et du
développement du Nord et des sociétés autonomes de
développement régional.
Avec cet organisme que, pour simplifier l'exposé, nous
dénommerons DEVNORD, le gouvernement se doterait d'un solide instrument
qui saurait se pencher, à la fois sur la nécessité de
survie de Schefferville et sur les défis constants que représente
la mise en valeur des ressources de nos
territoires nordiques lesquels constituent, rappelons-le, les deux tiers
de la superficie du Québec. DEVNÛRD, organisme d'assistance au
développement à vocation québécoise, situé
entre la planification gouvernementale et l'exécution locale, servirait
de pilier de soutènement à toutes les sociétés de
développement à rayonnement régional ou local pour le Nord
du Québec.
Les mesures que nous préconisons présenteraient, pour la
région de Schefferville et pour l'ensemble du Québec nordique,
les avantages suivants: Premièrement, elles accorderaient aux
résidents des régions le rôle qui leur revient dans le
processus d'évolution de leur économie. Deuxièmement,
elles assureraient aux organismes régionaux les indispensables
structures de soutien à l'entreprise qui ont, de tout temps, fait
défaut en régions éloignées, entravant souvent la
réussite des initiatives locales. Troisièmement, elles
conserveraient, en les transférant à DEVNORD, certains
engagements majeurs actuellement assumés par la SDBJ.
Quatrièmement, elles élimineraient dans une proportion
appréciable les frais inutiles, en supprimant principalement les
dédoublements d'équipements et de services. Cinquièmement,
DEVNORD serait un lien entre les sociétés régionales,
l'entreprise privée, les organismes gouvernementaux et
paragouvernementaux et les forces économiques concentrées dans le
Sud, susceptibles de s'associer au développement nordique, comme elles
l'ont déjà fait auparavant.
Pourquoi notre équipe serait-elle un outil adéquat pour
appuyer l'aménagement et le développement du Nord du
Québec? Tout d'abord, parce que, depuis près de douze ans, les
spécialistes et les consultants de la SDBJ, en association avec des
ministères et autres entités gouvernementales, ont
accumulé un dossier d'études nordiques sans
précédent, couvrant une vingtaine de secteurs. Le centre de
documentation de notre société compte des centaines de documents
appuyés par quelque 504 thématiques. On peut donc dire, en
premier lieu, que DEVNORD bénéficierait de l'armature de
connaissances indispensables à tout développement du
Québec nordique et serait en mesure d'effectuer des études
d'ordre général, écologiques, minières,
économiques ou des recherches plus spécifiques, comme celle
concernant la gestion du troupeau de caribous.
Durant son mandat, la SDBJ a oeuvré en milieu nordique. C'est
elle qui a mis en place à la baie James la plupart des infrastructures
permanentes telles les routes, aéroports, villages permanents. À
cette époque, rappelons-le, il existait peu de choses concernant de
telles constructions en milieu subarctique. Bien des techniques
spécifiques ont dû être mises au point en cours de route par
la SDBJ et ses sous-traitants de l'entreprise privée. Ensemble, ils ont
développé une compétence peu commune dans la mise en place
de ponts de glace, ponceaux de type spécial, ponts à forte
capacité portante, chaussée en terrain meuble ou sur
pergélisol. Aucune école ne peut remplacer cette
expérience acquise sur le terrain. S'il devient nécessaire de
construire des chemins d'accès aux différents types
d'exploitation, nous sommes en mesure de le faire. Encore récemment,
d'ailleurs, le gouvernement du Québec nous a accordé sa confiance
en nous chargeant de la gérance de la construction du nouvel
aéroport régional de Chapais-Chibougamau, réalisé
par sous-contrat avec l'entreprise privée.
Enfin, nous sommes une équipe en place, appuyée sur des
structures fonctionnelles, des services de soutien et un équipement dont
une grande partie à usage nordique. Un organisme entièrement
nouveau devrait se structurer et s'équiper à neuf. La mise sur
pied de DEVNORD permettrait un gain appréciable de temps et
d'argent.
Nous sommes prêts à poursuivre nos efforts pour servir
d'instrument de développement du Nord du Québec qui constitue,
pensons-y, une énorme partie du patrimoine québécois.
Quand nous nous déclarons prêts, nous parlons au présent.
Si le gouvernement du Québec entérinait nos propositions, nous
n'aurions besoin d'aucun délai pour nous mettre à la tâche.
Étant donné la situation d'urgence à Schefferville, il est
indéniable qu'il s'agit là, croyons-nous, d'un avantage de poids.
Je vous remercie.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Gauthier.
M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.
M. Chevrette: Oui, M. le Président. Je voudrais tout
d'abord remercier cette équipe pluridisciplinaire, comme vous vous
êtes décrits vous-mêmes. Je sais que vous vous êtes
intéressés au dossier depuis plusieurs années. Je sais
également que vous êtes à l'origine de certaines demandes
de pourvoirie. Il y a des langues qui nous ont rapporté ces choses.
Il est assez intéressant de comparer nos études, puisqu'il
y a environ six mois les membres de mon ministère sont entrés en
communication avec vos représentants. Cet après-midi, vous avez
assisté sans doute à la présentation du mémoire du
comité des citoyens de la région. Je vous citais, d'une certaine
façon, puisque nos études arrivent à peu près aux
mêmes conclusions que les vôtres, à savoir la
création éventuelle de 200 emplois. Je pense qu'on vibre au
même diapason en ce qui regarde la perception de l'éventuelle
commercialisation du caribou, qui est une ressource renouvelable.
(23 h 15)
Cet après-midi, j'ai parlé de 35 000 à 50 000
caribous peut-être comme ressource annuelle. J'ai oublié d'ajouter
le mot "annuelle", mais cela pourrait être annuellement. Je pense que
cela a peut-être semé une certaine confusion chez certaines
personnes puisqu'on me disait: 50 000 caribous, on n'en aura pas pour
longtemps. Mais quand on sait qu'on a un cheptel de tout près de 400
000, eh bien, on peut imaginer que la reproduction actuelle est d'environ 13%
et que les prises sont d'environ 2% annuellement. De sorte qu'il y a un danger
à moyen et à long terme pour le cheptel lui-même.
Je vous remercie de la présentation. Je n'ai pas de commentaires
comme tels à ajouter, sauf celui de vous dire que nous étions
sans doute nous aussi sur la bonne voie puisque c'est confirmé. Si c'est
confirmé par une équipe pluridisciplinaire, c'est donc dire que
c'est valorisant pour l'équipe pluridisciplinaire de mon propre
ministère.
M. le Président, je voudrais cependant finir par une seule petite
question. Croyez-vous qu'il est essentiel de créer une structure au
niveau de la commercialisation du caribou en particulier et aussi, pour ajouter
à la dimension touristique de la région, ne pourrait-on pas
plutôt envisager -je vous pose la question et j'aimerais vous entendre
là-dessus - la prise en main par les gens du milieu de la
création d'une coopérative dans le milieu sous la surveillance de
nos biologistes qui connaissent fort bien, je crois, au niveau de mon
ministère, la gestion de la faune et, aussi, en collaboration avec le
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, créer cette
structure - puisqu'on a de plus en plus, vous le savez, des maisons du
Québec ici et là à travers le continent -assumer une
certaine promotion et faire en sorte que la région de Schefferville
connaisse les retombées économiques escomptées? J'aimerais
vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Bordeleau): M.
Gauthier ou quelqu'un d'autre.
M. Gauthier (Jacques): Dans notre mémoire, nous avons
suggéré que les autochtones se prennent en main, que des groupes
de travail et même des sociétés régionales de
développement soient mis sur pied. Donc je réponds oui à
ce que vous proposez, M. le ministre. Oui. Ce sont des groupes locaux qui
devraient prendre en main ce travail. Nous, quand nous avons proposé
notre groupe, c'était pour venir assister ces groupes locaux et pour
fournir des moyens qui ne sont pas toujours disponibles. Mais c'est toujours
dans le sens d'une assistance au développement.
Nous avons voulu reconnaître dans notre mémoire que la
planification du développement appartient aux autorités
gouvernementales. Ce n'est pas une société qui devrait la faire.
Mais pour réaliser ce développement, il faut des outils et tous
les gouvernements ont des ministères, des sociétés
d'État et des organismes paragouvernemen-taux.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Chevrette: M. le Président, ce qui se dégage
déjà de quelques mémoires, les gens qui veulent une
diversification au niveau industriel reconnaissent maintenant que la faune, une
ressource renouvelable, représente un élément important
dans tout ce rouage. Je crois que si on concluait, tout le monde ensemble, que
Schefferville doit vivre, doit survivre et doit se développer, je pense
que c'est là une des voies extrêmement importantes et mon
ministère entend assumer tout son leadership au niveau de ces secteurs
d'activité économique très importants.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre de
l'Énergie et des Ressources.
M. Duhaime: M. le Président, je voudrais, bien sûr,
remercier M. Gauthier pour la présentation qui a été
faite. Pour les fins des travaux de cette commission parlementaire, je voudrais
bien indiquer, pour que personne ne s'en offense, que ce mémoire est
présenté par les cadres de la Société de
développement de la Baie James, suivant son titre, et non pas par la
Société de développement de la Baie James comme telle qui,
comme tout le monde le sait, relève du ministère de
l'Énergie et des Ressources. C'est donc une contribution que vous faites
aux travaux de notre commission à titre personnel, cela va sans dire, et
je vous en remercie. Je n'aurai pas de question spécifique à
poser, je ferai seulement quelques commentaires et, l'heure avançant, je
tenterai d'être bref. Il est bien certain que nous allons
privilégier la voie qui est indiquée dans votre
présentation de nous appuyer sur des organismes locaux de
développement.
La grande région du Nord-Ouest, pendant plusieurs années,
s'est plainte de l'éloignement de la Société de
développement de la Baie James et de son siège social par rapport
à son lieu d'activité. Nous en sommes tous conscients. Je pense
que j'ai au moins deux collègues à ma gauche, M. le
Président de cette commission et mon collègue, M. le ministre
à l'Aménagement, qui endosseraient ce que je viens de dire assez
facilement. Cela, c'est certain.
La deuxième chose: nous n'avons pas de solution à
l'exclusivité d'autres pour l'instant,
c'est certain. Une nouvelle société qui serait mise sur
pied, qui recevrait un vaste mandat de fonctionnement dans tout le territoire,
au-delà de cette ligne qu'on pourrait tracer entre Schefferville et la
baie James, c'est presque un pays à administrer.
Je dirai, cependant, que dans les mois qui viennent, nous aurons bien
sûr l'occasion d'annoncer de façon très claire ce que nous
entendons faire sur le plan des organismes que nous souhaiterions mettre en
place. Je pense pouvoir dire tout de suite que nous allons très
certainement privilégier la voie d'une association avec l'entreprise
privée. Nous allons nous joindre à ses efforts et à ses
initiatives. C'est dans ce sens que j'ai eu l'occasion de m'adresser
moi-même à l'Institut canadien des mines et de la
métallurgie, le 14 septembre dernier à Sept-Îles. C'est
peut-être là qu'il y a eu un coefficient multiplicateur qui s'est
introduit quelque part dans votre mémoire, puisque vous parlez d'un
montant de 50 000 000 $ que j'aurais annoncé, alors que j'ai le texte
devant moi et que j'ai parlé d'un montant de 10 000 000 $ à 20
000 000 $. Il était entendu que ce montant étant la contribution
du gouvernement, avec l'effet multiplicateur que l'industrie privée
pouvait y apporter, on arriverait à peu près à ce montant.
Il est bien certain que si les budgets nous le permettaient, que, si on pouvait
y aller avec 50 000 000 $ de fonds publics, avec l'effet d'entraînement
du secteur privé pour arriver à ce chiffre que vous souhaiteriez
de 150 000 000 $ pour la fosse du Labrador, en particulier, toute la
région nordique, je pense que tout le monde sera d'accord ici pour dire
qu'on avancerait beaucoup plus rapidement. Il faut cependant tenir compte que
10 000 000 $, c'est beaucoup d'argent. Quand on considère - vous l'aviez
tantôt sur une carte géographique - la distance qu'il y a de
Schefferville vers le nord, le long du fossé du Labrador, avec l'absence
d'infrastructure sur ce territoire, on a des chances de ne pas aller tellement
loin. C'est dans ce sens que j'ai invité l'entreprise privée
à nous faire connaître ses intentions dès l'automne
dernier. Notre problématique s'appuie sur deux voies: les financements
à frais partagés sur des programmes d'exploration, et il est loin
d'être exclu que nous puissions envisager une entente avec le
gouvernement fédéral, de la même manière que nous
avons signé des ententes sur les infrastructures industrielles, par
exemple, sur les axes routiers prioritaires, etc. En second lieu, une approche
qui consisterait à aider l'entreprise privée, à financer
ses dépenses d'infrastructures en milieu nordique. Quant aux
modalités, quant aux mécanismes comme tels, je crois que nous
souhaiterions qu'ils soient le plus souples possible, qu'ils soient le moins
coûteux possible, de façon que le maximum d'efforts et d'argent
soit affecté non pas dans des structures, mais vraiment dans des
dépenses sur le terrain.
Je reçois, bien sûr avec plaisir, plusieurs des suggestions
qui sont faites. Vous avez raison de dire que la société
d'État SOQUEM est astreinte, comme toutes nos sociétés
d'État, à des contraintes axées sur un effort de
rentabilité, et qu'un travail ou un mandat de répertorier
essentiellement des richesses de notre sous-sol serait difficilement
conciliable avec des objectifs de rentabilité. Je pense que tout le
monde s'entend là-dessus, mais les deux choses ne sont pas en
opposition. Je dois vous dire, M. Gauthier, à vous et à votre
équipe qui avez travaillé ensemble, que sur certains points on se
rejoint. Il restera à voir quel est l'effort financier que nous pourrons
dégager. Déjà, dans la fosse du Labrador, des montants
d'argent ont été réaffectés pour l'année en
cours. Il restera à trouver de meilleurs véhicules.
Peut-être que c'est le ministère de l'Énergie et des
Ressources qui est le mieux placé pour administrer un pareil
programme.
Enfin, on est réceptif à des suggestions et c'est dans ce
sens-là que je reçois votre mémoire. Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: M. Gauthier, j'ai écouté avec plaisir
votre présentation. Si j'en ai bien compris le sens, il y avait trois
points principaux, je crois. D'une part, vous dites que: pour un territoire
aussi grand - et là je rejoins le ministre, mais peut-être
à l'envers, car il dit que c'est tellement grand qu'on doit y aller
à la pièce - tellement grand, cela prend une structure
particulière.
Votre deuxième point, c'est que les ministères planifient,
que les sociétés d'État, surtout SOQUEM tentent de
rentabiliser leurs opérations, et vous dites: Nous avons
l'expérience non seulement de nous appuyer sur une planification et
d'exécuter, mais de faire la promotion de ce genre de
choses-là.
Moi, ce que j'ai retenu dans votre présentation, c'est le mot
"promotion" parce que le ministre vient de dire qu'il attend des soumissions
qui viendraient de l'entreprise privée. Ce que j'ai retenu de votre
présentation c'est que vous, vous seriez plus actifs pour promouvoir,
aller chercher cette aide-là, comme vous l'avez fait à la baie
James.
Votre troisième point, c'est qu'il y a des ressources humaines
à la Société de développement de la Baie James qui
pourraient être mises en oeuvre. Il y a des gens chez vous qui ont
acquis, au cours des ans, au cours des dix dernières années, je
pense bien, une expérience très valable sur un territoire qui est
immense, qui est tout le Grand-Nord québécois.
J'aimerais que vous me disiez, selon
l'expérience que vous avez, quels efforts financiers seraient
nécessaires pour accomplir le genre de mission que vous venez de
définir ce soir. Je lisais dans le rapport annuel de la SDBJ, l'an
dernier, que vous aviez fait, peut-être avec une structure
différente, une recommandation semblable et différente - du moins
peut-être en ce qui concerne les structures, mais c'était toujours
la même équipe qui était en place - pour que la
Société de développement de la Baie James devienne une
société de développement du Nord québécois.
Oublions les structures, je crois que l'intention, l'objectif que vous
poursuivez est le même. Pourriez-vous nous dire dans quelle mesure il y a
eu une certaine évolution depuis l'an dernier par rapport à cette
recommandation-là? (23 h 30)
Pour réellement réaliser des choses, pas seulement
à Schefferville mais dans tout le Nord québécois, assurer
une présence de l'État québécois sur un territoire
qui est le nôtre, pour ne pas laisser cette présence à
d'autres gens, qu'ils soient du fédéral ou d'ailleurs, quels
seraient les moyens nécessaires pour assurer une présence, faire
du développement à Schefferville, faire du développement
sur l'ensemble du territoire dans le Grand-Nord québécois, du
moins, en ce qui concerne les domaines que vous avez mentionnés,
c'est-à-dire tout le domaine minier, l'exploration et la promotion
minières, le caribou, enfin toutes les autres activités que vous
avez mentionnées?
Est-ce que vous pourriez nous donner un ordre de grandeur pour que,
réellement, s'il y avait une volonté politique de réaliser
une présence et de faire du développement, compte tenu du fait
que quelqu'un me signalait que, pour trouver un filon, une mine, il faut
dépenser en moyenne quelque 36 000 000 $ à 40 000 000 $, si on va
dans la fosse du Labrador à coups de 10 000 000 $ ou 15 000 000 $, cela
va nous prendre quelques années, selon les statistiques, avant de
trouver une mine qui puisse être développée?
M. Gauthier (Jacques): D'abord, notre mémoire est
différent en quelques points de ce que la société de
développement déclarait dans son rapport annuel, parce qu'il
s'agit bien - nous n'avons pas essayé de le cacher - d'un mémoire
des cadres, ce soir. C'est d'ailleurs le titre sur la couverture de notre
document. Il est différent en ce sens que la société de
développement, dans son rapport annuel, proposait qu'elle soit
transformée en une société de développement du
nord. La société de développement a toujours eu comme
handicap le fait que sa loi en faisait un genre d'État dans
l'État. Quand on a une société de développement,
cela comporte un pouvoir décisionnel en matière de
développement. Dans notre mémoire, ici, nous avons voulu nous
détacher de cette position. Nous reconnaissons que ce n'est pas une
société qui peut avoir ce pouvoir décisionnel. Ce sont les
autorités gouvernementales. Alors, c'est une première
différence.
La deuxième différence est que, s'il n'y a pas une
société qui a le pouvoir décisionnel, il faut donc avoir
des sociétés régionales qui puissent prendre en main leur
propre développement. C'est ce que nous suggérons. Ces deux
points sont très importants. Ils constituent une nouvelle approche au
développement.
Pour ce qui est d'un ordre de grandeur, remarquez que, dans ce
mémoire, nous avons lancé des concepts. Nous ne sommes pas
arrivés avec une solution toute faite. Nous suggérons des voies
d'accès. On n'est certainement pas allé au-delà de cela.
D'ailleurs, pour pouvoir présenter des coûts, il faudrait
présenter un mémoire au nom de la société, parce
qu'il nous faudrait aller piger dans les chiffres, dans les budgets
passés et dans les livres de la société. On n'avait pas le
temps de le faire, premièrement. Si on avait voulu le faire, bien
sûr qu'il aurait fallu que ce mémoire fût officiellement
présenté par la société.
Mais, pour vous donner quand même un certain ordre de grandeur,
comme on a parlé de l'établissement d'un bureau à
Schefferville, je vais demander à M. Gilles Dionne, qui est directeur de
l'exploration minérale, de nous dire ce que cela comporterait.
M. Dionne (Gilles): Supposons qu'en 1983, nous voulons
établir un bureau minier à Schefferville, je pense que nous
aurions besoin de six géologues, de deux techniciens, d'une
secrétaire, d'un acheteur-répartiteur et d'un autre bonhomme,
peut-être, pour faire une équipe de dix ou onze personnes. Ces
gens seraient en permanence et demanderaient un budget de l'ordre de 500 000 $
à 650 000 $. Si nous voulons avoir des géologues, ce n'est pas
nécessairement pour travailler dans les bureaux, mais à cause du
climat d'ici, j'imagine très bien que ces géologues vont
être dans les bureaux pour une période de six mois. Ils vont
travailler sur le terrain pour une période de trois mois
l'été, probablement, et de deux mois l'hiver. Donc, une
période de cinq mois.
Pour faire des travaux d'exploration et de prospection, pour une
équipe semblable, en plus des étudiants pendant
l'été - il faut en profiter parce que la saison est très
courte - nous croyons que nous aurions besoin en plus d'environ 1 350 000 $,
pour tenir les six géologues occupés sur le terrain en plus d'un
autre groupe de six diplômés d'université, ainsi qu'un
certain nombre d'étudiants. Donc, pour l'ordre de grandeur
de 2 000 000 $ en 1983, nous voulions avoir au moins six équipes
qui travailleraient en permanence au bureau de Schefferville et sur le terrain
pendant une période de cinq mois.
Bien entendu, c'est la première année d'exploration sur le
terrain. Il n'y a pas de forage de prévu. Le forage est en
deuxième lieu. En 1984, on pourra avoir des accroissements de l'ordre de
500 000 $ ou 1 000 000 $, selon les résultats, et bâtir un budget
qui pourrait, pour une période de cinq ou six ans, passer de 2 000 000 $
à quelque chose comme 3 000 000 $ ou 4 000 000 $. Ce sont des travaux
que notre personnel pourrait faire. Si vous voulez maintenant qu'on fasse la
promotion pour aller chercher du capital des compagnies, à ce
moment-là, la plupart des compagnies, selon notre expérience,
veulent aussi gérer leur travail, être opérateurs. Voulant
être opérateurs, elles veulent aussi qu'on paie 50%. Si on veut
garder une équipe et participer à 50% dans un autre projet, il va
falloir un autre montant à côté pour les participations.
Cela dépend de la volonté du gouvernement, de la
possibilité des fonds pour nous donner des budgets pour avoir des
participations.
M. Fortier: Merci pour l'information, mais ma question
était celle-ci: Certains observateurs croient qu'on a des retards
à rattraper et que si on veut, comme le mentionnait mon collègue
de Mont-Royal, arriver avec des projets dans les meilleurs délais, pour
trouver de nouvelles mines et pour éventuellement les développer
et si on veut qu'éventuellement le rattrapage se fasse sur un nombre
d'années, pas d'ici 50 ans mais d'ici une dizaine d'années, quel
serait l'ordre de grandeur? Je comprends bien ce que vous me dites; vous me
dites ceci: Si vous me donnez 2 000 000 $ ou 3 000 000 $ par année,
voici comment on va les dépenser. Ce que je vous demande, c'est ceci: Si
on veut arriver à des résultats plutôt rapidement, afin de
faire en sorte que d'ici quelques années il y ait des résultats
dans la région de Schefferville, quel genre de budget serait requis pour
arriver à un résultat dans les meilleurs délais?
M. Dionne: Je crois qu'il y a une certaine vitesse de
croisière qu'une compagnie d'exploration peut avoir pour optimiser ses
découvertes et l'argent qu'elle reçoit de l'ordre de grandeur de
6 000 000 $ à 7 000 000 $. Je pense que lorsqu'on dépasse 6 000
000 $ de budget d'exploration pour soi-même on est à la limite du
contrôle de la perfection, de la qualité de l'ouvrage. C'est
à peu près cela qu'un groupe peut faire.
M. Fortier: Vous dites qu'il pourrait y avoir plusieurs
équipes, s'il y avait d'autres promoteurs.
M. Dionne: S'il y avait d'autres organisations, d'autres
compagnies, d'autres groupes, mais pour une entité corporative, une
entité quelconque, je pense que sa limite est, pour optimiser, aux
environs de 6 000 000 $ ou 7 000 000 $. Au-delà de 7 000 000 $, je pense
qu'on perd le contrôle, on perd la qualité.
M. Fortier: Maintenant, une question m'intéresse beaucoup.
Indépendamment des structures, indépendamment de la façon
dont le gouvernement va juger bon de donner priorité à ce
développement minier ou de donner priorité à d'autre
chose, selon son bon désir, il reste qu'au Québec vous avez
formé des ressources humaines qui sont à l'intérieur de la
SDBJ et, sans vouloir vous entraîner dans un débat politique que
nous aurons, j'en suis sûr, très bientôt sur le sujet, je
lis les journaux et je vois qu'il paraîtrait que le gouvernement a
décidé de démanteler la SDBJ. Je lis dans les journaux que
des individus qui ont des formations particulières à la SDBJ ont
quitté la SDBJ. J'aimerais que vous me disiez finalement combien il vous
reste de gens qui ont cette expérience-là à la SDBJ?
Quelles que soient les décisions que prendra le gouvernement, est-ce
agir dans le meilleur intérêt du Québec que de laisser se
dissiper ces expertises à gauche et à droite, au lieu de prendre
les décisions qui seraient dans le meilleur intérêt du
Québec et d'expliquer clairement aux cadres et aux employés de la
SDBJ ce que sont les véritables intentions du gouvernement et où
ils se retrouveront éventuellement? Je sais que le gouvernement a dit
qu'éventuellement ces gens-là se retrouveraient à SOQUEM
ou ailleurs, mais je lis dans les journaux que le conseil de la SDBJ ne peut se
réunir à cause d'un problème légal - c'est
complètement farfelu, mais en tout cas - et, pendant ce temps-là,
les employés de la SDBJ se demandent où ils s'en vont et
plusieurs quittent l'emploi de la compagnie.
M. Gauthier (Jacques): D'abord, M. le député, nous
aussi nous lisons les journaux et c'est comme cela que nous sommes quelquefois
au courant de certains détails. C'est vrai que nous avons une
équipe et qu'on aimerait bien qu'elle serve. Nous avons, ce soir,
lancé des idées que le gouvernement peut prendre ou laisser
tomber, mais je pense qu'il y a quand même quelque chose de bon dans ces
idées. Nous aimerions qu'après avoir acquis cette
expérience... Le gouvernement a quand même investi beaucoup
d'argent dans notre société au cours des 12 dernières
années. On ne voudrait pas que ce capital soit perdu; on aimerait que,
quelle que soit la formule qu'on adopte, notre groupe puisse continuer de
servir les intérêts du Québec. Pour
répondre plus spécifiquement à votre question,
c'est vrai que nous avons dû faire des mises à pied il y a quelque
temps. Il y a des membres de nos équipes qui présentement
retirent de l'assurance chômage ou sont en attente, qu'on pourrait
récupérer si on avait des travaux immédiats à
faire. Je demanderai à M. Gérald Comeau de vous donner des
chiffres tout à fait récents de nos effectifs.
M. Gilbert (Louis): À la SDBJ, il y a plusieurs
entités affiliées. Globalement, les effectifs permanents et
réguliers, pour l'année qui s'en vient, 1983, se totalisent
à 295. Maintenant, si on les répartit selon les
différentes fonctions, on peut dire qu'à la Direction
générale et administration il y a un total de 44; à la
Direction du développement des infrastructures, il y en a 42; au
développement minéral, il y en a 8; à la
municipalité de la Baie-James, incluant les services de
sécurité publique, il y en a 16; au service de
sécurité publique, 132; à la filiale Sotel, 35; à
la filiale Sotour, 8; à la filiale Sodab, environ 10; pour un grand
total de 295. C'est quand même un groupe assez diversifié que nous
avons. Maintenant, il y a aussi des employés temporaires et on peut dire
que, pour l'année 1983, nous anticipons avoir 636 personnes-mois. Donc,
c'est une autre cinquantaine d'employés pour une année
complète.
M. Fortier: En terminant, tout ce qui...
M. Gilbert: J'aimerais ajouter que la grande majorité de
ces employés sont sur le territoire de la baie James. En fin de compte,
80% sont affectés sur le territoire même, dans les trois
pôles de croissance: Matagami, Chapais-Chibougamau et Radisson.
M. Fortier: Écoutez, M. Gauthier, en terminant, pour ma
part, je crois que vous avez apporté des idées
intéressantes et j'ose espérer que, très prochainement, le
gouvernement vous fera connaître ses décisions. Je crois qu'on
doit vous remercier de cet apport aux travaux de notre commission
parlementaire, en espérant que les inquiétudes des cadres et des
employés puissent être levées éventuellement pour
que, finalement, vous sachiez exactement quel est l'avenir de la
société et quel est l'avenir des employés qui la
composent.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. Un petit mot de la
fin, M. le ministre délégué à l'Aménagement
et au Développement régional?
M. Gendron: Je voudrais quand même, au nom du gouvernement,
vous remercier et dire simplement une phrase ou deux. Effectivement, dans le
contenu de votre mémoire, vous avez répété à
trois ou quatre reprises qu'il y avait là des choses
intéressantes. Suivant les responsabilités qui sont miennes comme
ministre d'État à l'Aménagement, et
particulièrement au Développement régional, je dirai que
oui, vous avez des suggestions qui peuvent être très
intéressantes dans la perspective d'une réflexion qu'on est en
train de mener chez nous dans le sens d'avoir le plus rapidement possible des
structures plus décentralisées où le et les milieux, dans
l'ensemble du Québec, sont davantage impliqués. Je pense que
c'est dans ce sens que vous avez plusieurs bonnes suggestions que je voudrais
regarder au cours de la réflexion que je poursuis. Dans ce sens, je vous
remercie beaucoup.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Gauthier, ainsi que
les personnes qui étaient avec vous. Je demanderais donc maintenant au
représentant du Conseil régional de développement de la
Côte-Nord de se présenter. (23 h 45)
Question d'heure. Je suis à la disposition des membres de la
commission. On a jusqu'à maintenant par le consentement des membres
tenté de respecter notre ordre du jour et, actuellement, il nous reste
trois mémoires à entendre pour boucler notre horaire. Et, tant
que j'aurai le consentement des membres, je continuerai. Alors, c'est M. Yvon
Sirois, je présume. M. Sirois, vous pouvez y aller.
CRD de la Côte-Nord
M. Sirois (Yvon): Le président de la commission
étant extrêmement conscient, en vertu d'un proverbe, d'un dicton
appris sur les bancs de l'église, que l'esprit peut difficilement
absorber plus que la partie foncière peut endurer, je vais essayer de
résumer. Je vous remercie.
D'abord, je saute les premières citations qui pourraient
être lues mais qui peuvent indiquer un peu le ton du rapport. Je passe
immédiatement au fondement de développement des régions.
Le conseil ici est peut-être le seul organisme qui va plutôt
chercher à cerner un peu la dynamique régionale plutôt que
de se borner uniquement à Schefferville, c'est-à-dire Gagnon,
Fermont, Sept-Îles, Port-Cartier.
Pour démarrer uniquement, quatre principes tirés d'un
texte préparé sous la responsabilité du ministre à
l'Aménagement et au Développement régional, des principes
de base qui n'ont pas encore été officiellement discutés
et qui ont été exposés, soit: Le développement
régional - premier principe - est global en ce sens qu'il est d'ordre
économique, social, culturel, éducatif et politique. Donc, on ne
peut pas uniquement le regarder avec une facette.
Deuxième principe: Dans le développement des
régions, le gouvernement est responsable des grandes orientations
d'ensemble visant à assurer l'équilibre des régions. Donc
là, également, en vertu de ce principe, les régions
doivent attendre du gouvernement certaines balises générales.
Troisième principe: Le développement des régions
doit se fonder sur les dynamismes locaux et régionaux. C'est un peu ce
que la commission est venue chercher à Schefferville: un dynamisme local
et identifier également le dynamisme de la sous-région.
Le quatrième principe: Que le développement des
régions relève à la fois de l'État et des
régions.
Partant de là, en introduction, on insistait sur le fait que le
but de la commission ce n'était pas de chercher certains boucs
émissaires pour expliquer la détérioration
économique. On souscrit à ce principe. On sait pertinemment - et
cela, je le lis - "Nulle question également de chercher à
présenter une étude exhaustive de la situation, alors que des
dizaines de fonctionnaires provinciaux se sont déjà
penchés sur le problème." Alors, c'est évident que tous
les fonctionnaires provinciaux en région et des fonctionnaires
provinciaux à Québec ont eu comme mandat de fournir à
l'équipe ministérielle un paquet de données. On ne s'est
pas arrêté à cet aspect.
De fait, le Conseil régional de développement de la
Côte-Nord se contente de traduire, dans son intervention, des
préoccupations concernant l'économie régionale de la
Côte-Nord entièrement, davantage à la fois à la MRC
de Sept-Îles et de Caniapiscau.
En quelques caractéristiques régionales, ce qu'on voudrait
mentionner, ce qu'on pourrait oublier, à l'heure actuelle: la
région administrative 09, qui part de Tadoussac à Blanc-Sablon et
qui comprend les villes nordiques, compte sur la présence au
gouvernement d'un seul député; parce qu'il n'y en a que deux pour
la région, alors c'est M. Perron qui doit assumer à la fois cet
immense territoire pour traduire auprès du gouvernement toutes les
préoccupations. Cela, il faut accepter que c'est spécial. Et cela
demande largement à un bonhomme.
Il faut vous dire qu'au fédéral ce n'est pas beaucoup
mieux parce qu'on a un député et demi. Cette fois-là, on
part pratiquement de Québec. Cela aussi, au point de vue force
politique, représente des bonshommes et cela prend des surhommes pour
faire la tâche. Il faut quand même le reconnaître. Dans une
région, pour le député fédéral, qui a 1000
milles de long, quand on dit au député: Peut-être que c'est
un peu différent dans notre région, peut-être qu'on a un
peu raison.
Chez nous, messieurs les membres de la commission, il faudra retenir
également que la répétition de réunions exige des
efforts surhumains de la part des leaders locaux. C'est-à-dire
qu'à ce moment il y a des déplacements absolument fantastiques
pour se rendre à Québec pour SIDBEC-Normines, siéger ici,
le cas par exemple d'ITT, etc., le cas de la Basse-Côte-Nord. Il faut
être conscient que c'est une autre dimension qui exige des solutions
particulières.
Dans une région, en quelque sorte hors critère, il est
devenu indispensable que l'autorité gouvernementale, que la compagnie et
que la population puissent conjointement et solidairement dégager un
plan d'action qui permettra, d'abord, de sauver les meubles et, après,
d'assurer la relance économique.
Dans le deuxième cas, on parlait des cas d'espèce. Je
pourrais citer une dizaine de mémoires, ou une grande commission comme
la commission Payne, le mémoire de la commission sur SIDBEC-Normines,
ITT également, le paquet d'études; Roche et Associés qui
ont fait une étude d'ensemble, pas une, une étude en trois,
quatre volets sur les pêches sur tout le territoire, qui ont erré
un peu parce qu'ils avaient oublié de venir sur le territoire; le
rapport Berthiaume sur les pêches, qui n'est pas disponible, mais qui
orienterait l'industrie des pêches. Le rapport Boucher dont on a
parlé; mais je ne retiens qu'un autre rapport, celui-là et je
lis: Parce qu'il donnait déjà, en 1979, une certaine indication
au gouvernement dans quelle voie s'orienter. Une autre étude, cette
fois-là portant sur la stabilité de la main-d'oeuvre - et quand
on parle de la stabilité de la main-d'oeuvre, on soulève les
préoccupations économiques de la région -dans le
Moyen-Nord québécois, réalisée par la firme P.S.
Ross et Associés, a été déposée au
gouvernement en mai 1979.
Qu'est-il advenu de l'application de la soixantaine de recommandations
que formulait ledit rapport? Citons entre autres, et je n'en ai cité que
quatre, cinq, mais elles traduisent les préoccupations que le rapport
recommandait et c'était déjà là - la commission
pourrait très bien tirer une série de recommandations à
peu près identiques à la suite de ses travaux: "Que soit
préparée une politique de développement économique
de chaque localité." Quatre ans après, on peut demander: Est-ce
commencé? Quatre localités comprenaient également dans le
secteur de Chapais toutes les villes... "Que soit explicitée une
politique de mise en place des infrastructures et des services essentiels dont
l'échéancier d'implantation soit cohérent avec
l'échéancier de développement des investissements
privés." Alors, à ce moment-là, cela obligeait à la
fois le gouvernement à identifier ses développements ou
l'établissement de ses infrastructures futures et cela aurait
également obligé les compagnies minières du secteur
à identifier
exactement leur développement futur. Peut-être qu'on aurait
su où on s'en allait. "Que soit définie une politique de
peuplement de territoire - encore là, c'est très
spécifique - aboutissant à la réduction de
l'éparpillement de la population et l'accroissement de la taille des
villes." Des recommandations du genre, il y en avait 60 faites par une firme
spécialisée en consultation. C'est clair que le CRD ne pouvait
pas reprendre ces études. Je ne continue pas, mais les citations - et je
suis rendu à la page 5... Je ne prendrai pas plus que quinze minutes, M.
le Président. Le Conseil régional de développement de la
Côte-Nord fait remarquer aux membres de la commission que nous traitons
à nouveau d'un cas d'espèce. Alors qu'aucune politique globale
gouvernementale n'est susceptible de fournir, tant aux autorités
municipales qu'aux travailleurs, aux compagnies et à la population en
général, des guides éprouvés leur permettant de
préparer des solutions de rechange. On est pris à créer de
toutes pièces. Il est évident que les chefs de file, tant de
Schefferville que de Fermont, de Gagnon, de Port-Cartier et de Sept-Îles,
manqueront de souffle s'ils doivent constamment innover dans la recherche de
solutions aux problèmes socio-économiques de cette vaste
sous-région de la Côte-Nord, sans pouvoir faire appel à des
règles de jeu généralement tragiquement absentes à
l'heure actuelle au sein de nos gouvernements, on pourrait dire au
fédéral ou au provincial.
Les coûts socio-économiques. Je me contente de souligner
que dans ce rapport, dans la question du chapitre des coûts
socio-économiques, qu'il est important de trouver quels sont, en vertu
d'une étude, les effets négatifs de fermeture, de semi-fermeture,
d'annonces de suspension d'activités, comme, par exemple, celles qui ont
été véhiculées sur la SIDBEC-Normines.
Qu'arrive-t-il en fin de compte sinon un désengagement global des gens
mis en cause? On dit: Où s'en va-t-on? Je rappellerai également
aux membres de la commission que, lorsque sont arrivés les
problèmes de Sept-Îles et de Port-Cartier, le
fédéral a voté 120 000 000 $. On a dit: C'est la grande
offensive. Évidemment, on ne reclasse pas dans des villes
monoindustrielles, 1500 employés du jour au lendemain et on ne relance
pas des entreprises dans deux ans. Le comité des 120 000 000 $ qui
devait faire des suggestions avait deux ans. Dans deux ans, on avait seulement
commencé à planifier. Mais c'était impossible. Il n'en
demeure pas moins que l'échéance est arrivée. Dans
d'autres endroits, on aura dépensé 20 000 000 $, 22 000 000 $, 24
000 000 $, comme dans la région de Windsor. Dans la région de la
Côte-Nord, sur les 120 000 000 $, pas beaucoup. Pourquoi? Parce que cela
n'était pas possible, dans le mandat confié, d'atteindre,
à l'intérieur des échéances, les objectifs
fixés. Cela ne l'était pas, humainement.
Philosophie de la compagnie IOC, au chapitre de la page 9. Je voudrais
seulement mentionner, je le disais dans le paragraphe, je connais bien le
président de la minière: Parfait, un excellent plan. Je pense que
le président de la compagnie, M. Mulroney, s'est chargé, par le
biais des médias d'information, tant électroniques
qu'écrits, de vanter à bon droit ses primes, sa
générosité. Mais on peut mentionner, par exemple, quelque
chose qui avait chatouillé le Conseil régional de
développement de la Côte-Nord, quand la minière intervenait
à Sept-Îles à pleine page d'annonces pour dire: La ville
devrait peut-être baisser ses taxes. La ville avait assumé des
coûts en vertu même de certaines exigences de la minière.
Cela, c'était de la publicité tapageuse à mauvais escient.
Je suis prêt à lui donner une bonne tape sur l'épaule et
à dire: La IOC, vous êtes généreuse. Mais, dans
certains cas, on se demande si la publicité n'est pas à la fois
trompeuse et fautive. C'est tout ce que je résume. Le texte est
très clair.
Je conclus ce chapitre en disant: Le Conseil régional de
développement de la Côte-Nord invite donc la minière IOC
à arrêter, de concert avec les autorités gouvernementales
et la population concernée, les modalités d'un programme d'action
qui renfermera des mesures à concrétiser pour réduire au
minimum les impacts négatifs occasionnés par le licenciement
massif de travailleurs; des mesures qui devront à la fois satisfaire ces
ex-employés et les populations locales. La ville de Sept-Îles a
assumé des emprunts, par exemple, pour son usine de traitement des eaux
et avant qu'elle ne soit inaugurée, la minière a dit: On n'a plus
besoin d'eau. L'usine est construite. Tu ne peux pas la rouler et la mettre
dans des boules à mites, cela n'est pas possible. Ces mesures devront
à la fois satisfaire ces ex-employés et les populations locales
qui ont sérieusement misé sur le sérieux et la
présence à très long terme de la compagnie IOC dans des
municipalités telles que Schefferville et Sept-Îles. En vertu de
ce qui a été dit avant, en vertu des annonces dans les journaux,
etc., il ne m'apparaît pas si clair que cela, aux yeux de la population
et des gens qui oeuvrent à l'extérieur de la compagnie, que la
compagnie allait fermer. Ce n'était pas si clair que cela. Cela pouvait
se lire en filigrane: On ferme, on ne ferme pas, on réduit, on ne
réduit pas. Mais ce n'était pas deux et deux font quatre.
Les règles de croissance et de relance économique. Vous
pourrez les lire. J'ai arrêté là. Chose certaine: C'est
impossible de relancer l'économie de toute la sous-région
concernée, Sept-Îles, Port-Cartier, Schefferville, Fermont,
Gagnon, tant qu'on n'a pas arrêté la décroissance. Si on
veut partir en
avant, il faut d'abord arrêter de reculer. C'est la même
chose pour une automobile, tant que tu n'as pas arrêté de reculer,
tu ne pars pas de l'avant. Il n'y a pas de miracle là-dedans.
Là aussi, il y a un paragraphe qui résume tout, je le
saute. Je pense que je rends service à la commission.
Avenue de solutions et recommandations. Le Conseil régional de
développement de la Côte-Nord ne juge pas nécessaire de
dissocier ces deux volets, avenue de solutions et recommandations, qui se
rattachent au principal objectif endossé par notre organisme - je
mentionne, pour le bénéfice des membres de la commission, que
notre conseil d'administration comprend 22 membres. Il n'y a personne à
côté de moi, parce qu'il y a le maire Bégin qui a
déjà parlé, qui siège à notre conseil
d'administration, il ne veut pas être en conflit d'intérêts.
Il y en a un autre qui représente la ville de Fermont, lui aussi, il ne
veut pas être en conflit d'intérêts. Il y en a un autre qui
représente... Ils sont membres de notre conseil d'administration. Il y a
22 membres répartis de Tadoussac à Blanc-Sablon, il nous en
coûte cher pour voyager, on a moins d'employés, parce qu'on ne
peut pas engager les employés, c'est pour cela que je suis tout seul ce
soir - soit celui du maintien du maximum d'activités
socio-écomiques à Schefferville. Cela, c'est endossé
globalement par le Conseil régional de développement de la
Côte-Nord. Un tel objectif présuppose à priori qu'il y aura
de la part du gouvernement une volonté ferme de procéder à
l'identification des voies possibles de diversification de l'économie de
la localité. Que le gouvernement s'assoie et on dit vraiment qu'est-ce
qu'on peut faire? En cela, on peut procéder assez vite;
premièrement. (Minuit)
Deuxièmement, de la part des autorités municipales une
volonté non moins ferme de se battre pour la survie de la
localité, c'est-à-dire que si toutes les autorités de la
ville de Schefferville commençaient à hésiter, eh bien!
là à ce moment-là, ça ne va pas bien. Si je
rappelle une anecdote qui s'est passée à Duparquet. Duparquet
c'est quand même une ville minière de l'Abitibi. Un bon jour, au
mois de janvier, j'arrive en automobile à une chambre de commerce
à Duparquet et la minière est fermée. En plein centre du
village, juste en face d'un garage, le feu dans ledevant de mon
véhicule. Vite ouvre le capot, ferme l'alimentation électrique,
les fils sont brûlés, l'éventail a touché à
tout cela. Je fais touer mon véhicule jusqu'en face du garage. J'y
entre. Il y a un petit bonhomme de 12 ans. Je lui dis: penses-tu que ton
père peut me réparer cela? Moi, dit-il, je ne connais pas cela la
mécanique. Écoutez monsieur, si mon père ne pouvait pas
réparer cela, cela ferait longtemps que l'on aurait fermé le
garage.
Je pense que si le gouvernement ne pouvait pas, puis la minière
non plus, réparer la situation à Schefferville, cela ferait
longtemps que le tout serait fermé.
Donc une volonté non moins ferme de s'abattre
méthodiquement pour la survie de la localité. De la part des
citoyens en place, un désir évident de prendre en main leur
destinée, et ça ce n'est pas facile. Le type qui a toujours vu
son compte d'électricité, etc., payé par la compagnie,
puis demain matin il se dit qu'est-ce que ça fait là, ce bon Dieu
de compte-là. Bien, évidemment qu'il est déplacé un
peu dans sa façon de penser, dans sa mentalité. Cela c'est
important pour les gens de se battre.
De la part de la minière, il faudrait aussi une décision
non ambiguë de rendre public son programme d'activité. Que cela ne
soit pas un patinage de fantaisie. Que ce soit: c'est là qu'on s'en va,
c'est là qu'on s'en va, c'est là qu'on s'en va. Cela c'est
nécessaire. Exemple, dans le milieu, en même temps que son
désir véritable de maintenir son service ferroviaire, on le
maintient selon un horaire qui favorise les déplacements de la
population. Alors voilà, et que l'on pense des solutions applicables
à court, moyen et long terme. Il me reste deux pages.
Étant de notoriété publique, que les fonctionnaires
provinciaux ont dressé un bilan le plus complet possible de l'ensemble
du portrait, c'est clair que le gouvernement l'a. Il y a des pages
d'accumulées là-dessus. Que ces mêmes fonctionnaires ont
certainement fourni aux autorités gouvernementales des avenues possibles
de solutions. C'est évident, parce que ce sont des bons fonctionnaires
qu'on a dans la région, ça il n'y a pas d'erreur. Que des
directives fortement incitatives ont pu être données. Là,
j'ai dit: "auront été données", mais je vais amoindrir mon
affirmation: "auront pu être données" pour ne pas trop
élargir la fourchette de solutions parce que cela coûte de
l'argent. C'est évident que les ministres ont pu dire, bien allez-y pas
trop large parce que notre budget est limité. J'ai tenu cela pour
acquis, parce que c'est normal en période d'austérité.
Moi, je dis cela à mes employés, je n'en ai pas beaucoup, mais je
leur dis pareil: Que le président de la minière IOC a
déjà rendu publics des indices confirmant les intentions de la
compagnie de continuer quelque chose, l'exploration, etc. Qu'un editorial de la
Presse paru le 27 janvier 1983, là il résume les projets, je ne
les ai pas en écrits, parce que j'ai tenu pour acquis qu'il avait pris
cela dans un texte, que des groupes de citoyens ont traité de projets
portant sur la pêche et la chasse. Que les autorités municipales
envisageaient certaines améliorations.
Le conseil arrive avec ses
recommandations: 1° , que le gouvernement provincial rende
disponible, à la fois si possible, évidemment les textes
ça va bien ils sont là; 2° , les minutes cela va aller assez
vite, et 3°, certaines balises si c'était possible de les rendre
à la pièce, sans être à attendre et de dire, eh
bienl on a le chapitre final, il y a 1012 pages on est prêt à vous
revoir de nouveau. Il peut y avoir des orientations, mais je pense qu'on en a
déjà donné. Alors, qu'on donne cela le plus tôt
possible surtout dans les projets à court terme.
Que les gouvernements provincial et fédéral, je dis bien
les deux, commandent ou commanditent une étude axée sur les
impacts sociaux-économiques négatifs qui sont engendrés
par des fermetures ou des semi-fermetures. Sept-Îles est passée de
38 000 de population à 26 000. Sept-Îles ce n'est pas
fermé, mais il y a des impacts négatifs. Port-Cartier de 13 000
à à peu près 8000 ou 7500, ce n'est pas fermé, mais
il y a des impacts négatifs.
Que les gouvernements provincial et fédéral implantent un
comité spécial à mandat prolongé pour guider les
municipalités, les travailleurs, les groupes organisés du
territoire concerné dans la préparation de projets, de documents,
d'études qui permettent d'accéder à des programmes
spéciaux.
Encore dernièrement, je suis allé à Gagnonville. Il
y a un comité sur pied, mais ils ne savent même pas ce qu'est une
zone désignée. Il est évident qu'ils ont besoin d'aide. On
dit au gouvernement qu'il pourrait peut-être financer un comité
itinérant, lequel va aider spécialement les gens à dire:
dites donc à notre gouvernement que ce n'est pas comme cela qu'on
marche. Il faudrait marcher plutôt comme cela. Même si ce
comité faisait cela, il ferait sa tâche. Mais il faut aider ces
gens-là, parce qu'il n'y en a pas beaucoup en région qui peuvent
le faire. Donc, ce serait un comité permanent, itinérant,
composé de cinq ou six personnes. Il couvrirait les villes
concernées et favoriserait la compréhension et la
préparation des projets pour avoir accès aux subventions
spéciales.
Que le gouvernement fédéral fasse connaître son
intention d'étudier en priorité toute demande de soutien
financier aux entreprises de transport aérien et ferroviaire. Si le
gouvernement fédéral peut dépenser 16 000 000 000 $ pour
se rendre à Vancouver par un deuxième chemin, il peut
peut-être aider les gens, ici, quant au transport. Je dis
"peut-être". Surtout, quand on a une compagnie de transport aérien
dont on ne connaît pas les grandes balises de l'avenir, mais on sait
qu'elle est encore là et qu'elle fait des voyages de temps en temps.
Que le gouvernement provincial mandate sa société
d'État, Hydro-Québec, de tracer un plan d'intervention dans le
secteur, lequel plan devrait faire état des possibilités de
transférer les tâches administratives ou de préparation ou
d'entretien à Schefferville, ou encore, quand elle entreprendra les
dernières phases de LG 4, etc. Est-ce qu'il y aura possibilité
d'y avoir accès, de commencer une route pour aller vers la baie James?
En tout cas, c'est à étudier.
Que les gouvernements se penchent avec célérité sur
l'étude des projets qui vont être instaurés ici.
C'est-à-dire qu'il y ait une forme de priorité au gouvernement et
que cela ne suive pas un canal qui dise: Vous êtes arrivés les
73e, vous allez finir par monter sur la pile.
Que le gouvernement provincial reprenne son intention - et tout le monde
en a parlé - de créer un fonds minier.
Que les gouvernements, les compagnies minières et les
autorités municipales adoptent une attitude commune concernant l'avenir
desdites localités afin de rompre la psychose de l'incertitude. Ce qui
embête les gens, que ce soit noir ou blanc, cela n'est pas
compliqué à comprendre, mais quand c'est gris, on ne sait pas si
c'est gris-blanc ou gris-noir. C'est cela qui embête tout le monde.
En dernier ressort - c'est une demande au ministre
délégué à l'Aménagement et au
Développement régional - que le ministre responsable du
développement accélère son processus mis en branle pour
établir une politique du développement des régions.
Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Sirois. Vous avez
effectivement réussi à faire cela dans les vingt minutes. Alors,
M. le ministre délégué à l'Aménagement et au
Développement régional.
M. Gendron: M. Sirois, je voudrais tout simplement commencer avec
votre pensée d'introduction, lorsque vous mentionniez que l'esprit ne
peut en prendre plus que le siège qui le supporte. J'aurais aimé
observer à quel endroit vous étiez assis, parce que, si je
considère tout le dynamisme avec lequel vous avez rendu votre
mémoire, vous deviez sûrement avoir un très bon
siège. Je vous remercie également d'avoir réveillé
quelques-uns de mes collègues - je vais jusque-là - et,
sûrement, aussi mes collègues de l'Opposition, avec toute la
fermeté, la fierté également et le dynamisme dont vous
avez fait preuve en rendant votre mémoire.
Par contre, j'ai un petit problème avec vous, parce que je vais
probablement être obligé de vous ajouter à la liste des
personnes suspectes, à mon cabinet, qui sont ces
spécialités des fuites, parce que, dans votre document, pour les
quatre ou cinq premières pages, j'ai reconnu pas mal de choses que je
prétends avoir lues et, pour
certaines, même avoir rédigées. Quand vous parlez,
entre autres, des fondements mêmes de la politique du
développement régional...
M. Sirois: C'est quasiment ce qui a paru dans le Devoir.
M. Gendron: Ah bon! Pour être plus sérieux, je
pense, effectivement, lorsque vous touchiez ces points, qu'on va s'entendre
très rapidement, puisque j'ai travaillé, comme président
du comité ministériel sur la décentralisation, à
une réflexion qui, je l'espère, nous conduira effectivement, dans
les meilleurs délais, à l'ébauche ou, au moins, aux
grandes balises - parce que j'ai toujours parlé en ces termes - de
l'élaboration d'une politique de développement régional.
Cependant, on est toujours conscient qu'on ne peut pas à la fois
prétendre à la nécessité d'une politique de
développement régional et acheter la conviction qu'il appartient
à l'État québécois de la définir parce que,
là, il y aurait une contradiction fondamentale. Si on est tous
convaincus que, de plus en plus, quel que soit le gouvernement, le nôtre
ou les autres qui succéderont au Québec, l'avenir est dans les
régions fortes, à condition qu'on fasse davantage confiance aux
régionaux, qu'on les implique davantage dans les décisions et
là, on pourra peut-être parler un peu mieux de véritable
concertation.
Il y a un préalable à la concertation: c'est l'implication
et la participation. Les régionaux ont été
sollicités pendant de nombreuses années pour s'impliquer,
être consultés dans une multitude de dossiers, dans de nombreuses
études et il me semble que cette étape doit absolument être
franchie. C'est dans ce sens que j'essaie de réfléchir le mieux
possible avec mes équipes supports, avec mes collaborateurs
immédiats pour arriver à ce que vous souhaitez dans votre
dernière recommandation - j'y reviendrai peut-être un peu plus
précisément tantôt - quand vous dites que le ministre
délégué à l'Aménagement et au
Développement régional accélère le processus
mis en branle pour établir une politique de développement des
régions. Je suis content que vous l'ayez rappelé parce que deux
collègues ministériels sont ici présents et
j'espère qu'ils m'aideront à franchir les étapes
nécessaires à l'adoption des grandes lignes puisque je m'y suis
engagé dans une consultation. Je veux mettre les citoyens de tout le
Québec dans le coup de l'élaboration de cette politique de
développement régional.
Alors, pour tous ces aspects auxquels vous faisiez des
références quant au développement des régions,
l'implication des régionaux, avoir de meilleures structures de
concertation, je pense que je serai très court puisque vous aviez un
discours peut-être plus énergique que le mien, mais au moins sur
le fond, on a exactement les mêmes points de vue.
Le CRD de la Côte-Nord, comme dans les autres régions du
Québec, est un organisme qui a tenté d'être présent
aux différents dossiers qui ont été ouverts par le milieu.
Cela a été sa première responsabilité. Dans ce
sens, vous avez, comme structure, pas nécessairement de concertation
unique, mais comme organisme d'intervention, fait des suggestions qui sont
intéressantes, qui reprennent également, pour le problème
que nous regardons depuis ce matin et que nous continuerons d'approfondir
demain, des suggestions qui, tout compte fait... Encore là, c'est tout a
fait normal que des gens d'un même milieu, devant un même
problème, aient souvent les mêmes approches et les mêmes
suggestions. Je pourrais reprendre vos six ou sept propositions et vous
indiquer des éléments de réponse et je ne suis pas
sûr qu'à ce moment, vous seriez particulièrement satisfaits
parce qu'on est obligé quand même de tenir compte d'une plus
grande appréciation de certaines implications. Quant à moi, si
vous voulez avoir le compte rendu des délibérations le plus vite
possible, je vous répondrai: Bien sûr qu'on est d'accord et on va
tout faire pour que le comité favorisant l'accès aux programmes
fédéraux-provinciaux soit aussi accessible par rapport aux gens
des régions éloignées. Je pense qu'il est important de
tout mettre en oeuvre pour que vous ayez droit à cette information. Le
plan d'intervention d'Hydro-Québec que vous proposez, la demande sera
transmise à Hydro-Québec. Je pense que c'est une demande
importante que vous avez faite.
Célérité des gouvernements à appuyer les
solutions et les projets. Habituellement, quand le milieu nous présente,
avec certains projets, des solutions pour les réaliser, on peut
être un peu plus rapides dans nos décisions. Le problème,
c'est que souvent les milieux - c'est normal - selon leur dynamisme, leur
volonté, identifient plusieurs projets et il n'est pas toujours facile
de cadrer cela par rapport à des problématiques d'ensemble, par
rapport à des politiques de développement.
Le fonds minier, j'ai eu l'occasion de le dire à deux reprises,
demain, il en sera sûrement question, puisqu'on a un mémoire des
métallos sur le sujet, et mon collègue, M. Marois, aura
l'occasion d'expliquer davantage où nous en sommes rendus.
Je voudrais, avant de passer la parole à quelques
collègues, peut-être commenter deux questions de façon plus
précise. À un endroit, dans votre mémoire, vous dites que
le CRD préconise une nouvelle façon de penser qui permettra
d'assurer la concertation de tous les agents de développement
économique. J'aimerais cela que vous précisiez davantage quelle
serait
cette nouvelle approche, mais surtout, puisque vous êtes un
porte-parole du CRD, quel serait exactement le râle d'un CRD à
l'intérieur d'une telle approche de concertation plus large que celle
qu'on a toujours connue.
M. Sirois: Sur la question de la concertation, le problème
dans la région, c'est d'avoir une concertation régionale et de
réunir les gens parce que c'est un coût énorme. On peut
vous dire que c'est le problème rencontré par n'importe qui. Si
on tient un conseil d'administration, c'est 5000 $ à 6000 $. Alors, ce
problème se posait. D'ailleurs, la concertation a été
prévue dans certains documents. Évidemment, cela comprendrait
strictement des gens de l'entreprise privée d'une part; par exemple, des
commerçants, des industriels. Quant aux structures municipales, comme
les nouvelles MRC par exemple, à l'intérieur d'une région,
elles pourraient y avoir un ou deux mandataires à un conseil
d'administration régional, cela est possible. Également, il y a
les organismes qui sont strictement régionaux, comme le conseil
régional des loisirs, le CRSSS; il y en a quatre dans la région,
alors, un représentant. À ce moment-là, on peut avoir un
conseil qui serait représentatif à l'intérieur de la
région, mais qui nécessite, dans le cadre de la Côte-Nord,
un budget spécial. Ce pourrait être un CRD renouvelé, comme
il en a été question souvent dans les journaux, ou une
conférence d'orientation au développement, mais qui, à ce
moment-là, regroupe quand même des représentants de
municipalités, qui représentent les messages
véhiculés là, les industriels, les commissaires
industriels, les chambres de commerce et les organismes régionaux, en
termes de structures régionales. (0 h 15)
Le problème dans une région comme la nôtre, c'est
que le phénomène d'appartenance n'existe pas, c'est-à-dire
que les gens de Toudassac ne sont pas préoccupés tellement par la
commission parlementaire d'aujourd'hui. Parce que ce n'est pas le même
style qu'en Gaspésie. Cela amène les permanents à se
déplacer plutôt que ce soit les populations qui se
réunissent régulièrement en comité. C'est quand
même, à l'intérieur d'une région comme la
nôtre, une particularité, mais vraiment exceptionnelle. Vous allez
dans la Basse-Côte-Nord, mais vous ne demandez pas les gens de
Blanc-Sablon. Nous, on les fait venir trois fois par année. Alors, cela
c'est toute une particularité. C'est pour cela qu'était
amenée la dernière recommandation au ministre, à savoir
que le ministre accélère sa consultation, parce qu'à ce
moment les organismes régionaux de la Côte-Nord, en vertu de ces
quelques balises, pourraient dire: Voici, pour la région de la
Côte-Nord, un organisme qui se veut régional pourrait
répondre à telle ou telle balise. Sur ce point, il y a un
document en préparation. Je vous dirai, M. le ministre, que, dans un
premier temps, à l'heure actuelle, notre organisme s'est regroupé
avec le CERL à l'intérieur de locaux où les trois salles
principales sont occupées en commun pour faciliter la consultation. On
prévoit que les autres organismes régionaux pourraient se
regrouper et, à ce moment-là, les salles de conférence, la
reprographie, les comités et certains services seraient conjoints.
Mais l'important pour la Côte-Nord, c'est que l'organisme puisse
siéger et cela posera un problème de budget, d'une part, à
cause des distances et, d'autre part, un problème de personnel: il
faudrait être un peu fou pour travailler dans un territoire qui va de
Tadoussac jusqu'à Blanc-Sablon, qu'il faut desservir en totalité.
C'est un peu ce que fait un de vos députés à l'heure
actuelle; alors, il peut en parler.
M. Gendron: Rapidement, cela va être une tout autre
question. Est-ce que vous croyez que c'est rêver en couleur d'envisager
une seule structure de concertation, une structure unique de concertation pour
tout le territoire de la Côte-Nord? Est-ce que quelqu'un qui
préconise une telle structure fait fausse route, d'après
vous?
M. Sirois: D'après moi, non, pour la raison suivante. Si
vous ne faites que deux structures, à ce moment-là, vous allez
vous réveiller avec une des structures qui ne comportera probablement
qu'un demi-député fédéral. Là, cela va
être difficile de le consulter. On ne saura jamais dans quelle partie. Ce
que je veux dire, c'est qu'il n'y a pas de densité de population et que,
deuxièmement, la Côte-Nord est un développement
linéaire. Il n'y a pas d'arrière-pays. Dans n'importe quelle
région au Québec, il y a de l'arrière-pays. Ici, on n'en a
pas. Alors, la consultation est linéaire. Il y a trois choses en commun:
le fleuve Saint-Laurent, les lignes d'Hydro-Québec et un bout de la 138
qui ne finit pas!
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Gendron: Merci, M. Sirois. Juste une seconde. À propos
de l'une des recommandations que vous faisiez concernant le comité
d'action-chômage, M. Marois voudrait dire juste un mot là-dessus,
avant de passer la parole à un autre.
M. Marois: Oui, M. le Président, très rapidement.
M. Sirois, vous évoquez dans votre mémoire, à la page 8,
le soutien que vous apportez au Comité action Côte-Nord qui a
été mis sur pied, qui est présidé par
M. le maire de Fermont, M. Ménard, et qui regroupe des
représentants, effectivement, des villes de Schefferville, Gagnon,
Fermont, bien sûr, Port-Cartier, Sept-Îles. Vous dites qu'ils
auront besoin de fonds pour mener à bonne fin certaines études
dont l'une devrait cerner les coûts socio-économiques de la
fermeture et puis élaborer des stratégies ou, à tout le
moins, une stratégie de relance pour la Côte-Nord. Vous posez la
question: Est-ce que le gouvernement du Québec est prêt à
épauler l'action du Comité action Côte-Nord?
Effectivement, vous êtes au courant, bien sûr, puisque je
comprends que c'est par ce biais que vous l'introduisez, que le Comité
action Côte-Nord a fait parvenir au premier ministre, M. Lévesque,
un télégramme le 4 février dernier - et m'a fait parvenir
une copie de ce télégramme -faisant état de cette
étude dans laquelle les municipalités concernées sont
impliquées financièrement pour un montant de 25 000 $, et
demandant au gouvernement du Québec de les épauler pour un
montant de 40 000 $ pour leur permettre de terminer cette étude
extrêmement importante.
Comme vous le savez, nous sommes passés à Port-Cartier.
Nous avons eu l'occasion de rencontrer les gens du Comité action
Côte-Nord. M. le maire Bégin, je ne sais pas s'il est encore parmi
nous, en fait partie. Il nous avait été dit: Nous comptons en
reparler lors de la commission parlementaire par le biais de votre
intervention. M. le maire de Fermont nous avait demandé de
réserver pour ici ce que je vais maintenant vous dire: Le gouvernement
répond favorablement à cette demande. Je peux vous annoncer
officiellement, à tous les membres du Comité action
Côte-Nord, que le gouvernement du Québec versera le montant
demandé de 40 000 $ pour permettre de terminer cette étude.
M. Sirois: M. le ministre, disons, d'abord, que je n'étais
pas informé. L'inspiration, on l'a formulée. Disons que, par
l'intermédiaire de commissaires industriels, le FRIC, qui est le fonds
régional d'initiative à la concertation, en collaboration avec
les municipalités également dans les autres projets qui seraient
émis - le FRIC administré par le CRD - était prêt
à investir dans le Comité action Côte-Nord la somme de 10
000 $, enjambant sur cette année et l'an prochain, dans des projets de
concertation autres que l'étude.
M. Marois: Parfait.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va? Alors, M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais remercier M.
Sirois pour son mémoire. En plus des recommandations très
positives, je pense que votre présentation a redonné un peu de
vie à nos délibérations, spécialement si tôt
le matin.
Vous parlez de coûts socio-économiques. Je crois que c'est
un élément très important. À la commission
parlementaire sur SIDBEC-Normines à laquelle vous avez
référé, on avait parlé des coûts
socio-économiques parce qu'en évaluant les décisions qu'un
gouvernement doit prendre, que ce soit à Schefferville ou à
Gagnon, un gouvernement doit prendre en considération les coûts
socio-économiques, les coûts pour le gouvernement, pour les
citoyens concernés. À cette commission parlementaire où le
député de Duplessis était présent, on avait fait la
suggestion - non, je ne référerai pas au fait que vous vous
êtes partis à deux heures et demie du matin pour ne pas
répondre à notre motion qu'on avait faite en bonne et due forme -
au gouvernement d'effectuer une étude sur les coûts
socio-économiques avant de prendre une décision. Je pense qu'on
n'a pas besoin d'avoir la tête à Papineau pour faire une telle
suggestion. Je pense que c'est élémentaire. Mais on avait quand
même demandé au gouvernement de prendre l'engagement de faire
cette étude. Je voudrais vous poser deux questions: Puisque vous faites
partie du Comité action Côte-Nord et que vous faites partie de
toutes les activités quant au développement potentiel pour
essayer de trouver des solutions pour la Côte-Nord, êtes-vous au
courant si une telle étude a été commencée par le
gouvernement?
M. Sirois: Non, absolument pas. D'abord, d'une part, je ne
siège pas comme membre au sein du comité qui regroupe cinq
localités parce que, en fait, j'agis sur l'ensemble du territoire et,
d'autre part, je ne sais absolument pas si le... Mais, comme le ministre vient
de l'annoncer, en fin de compte, il y aurait un montant prévu pour
entreprendre, de concert avec le Comité action Côte-Nord, une
telle étude.
M. Ciaccia: Je trouve que ce serait important que le gouvernement
fasse une telle étude avant de prendre une décision, soit sur
SIDBEC-Normines ou, même, avant de prendre certaines décisions ici
à Schefferville. Je parle d'une étude socio-économique
pour chaque endroit concerné.
M. Sirois: Je répondrais de la façon suivante:
Évidemment, quand le feu est à la bâtisse, tu éteins
l'incendie et tu regardes après. Tu te dis: Là, on rebâtit,
on agrandit, on raccourcit, on n'a pas le choix. C'est clair que, dans les cas
qui représentent toute la sous-région qui regroupe deux MRC,
c'est-à-dire Port-Cartier, Sept-Îles et les villes nordiques, il y
a quand même des solutions
d'urgence qui ne peuvent pas attendre une étude exhaustive sur
l'ensemble des problèmes ou sur les impacts négatifs.
L'étude est urgente, elle est nécessaire, mais elle ne devrait
pas justifier le gouvernement de dire: Là, on attend une étude;
on retarde telle solution. On est pris dans ce dilemme. Ce qui est important,
c'est que les deux choses se fassent parallèlement. On aborde tout un
"kit" - en bon canadien - de dépannage et en même temps qu'on fait
le dépannage, on dit: Maintenant, on va essayer de s'y prendre pour
qu'à l'avenir cela ne se reproduise pas. C'est comme cela que je verrais
la solution. Est-ce l'oeuf ou la poule qui est avant? Je ne le sais pas.
M. Ciaccia: Je comprends ce que vous dites. C'est
entièrement raisonnable s'il y a des décisions d'urgence à
prendre pour arriver à aider les gens d'une certaine localité.
Mais, par exemple, avant de prendre une décision sur une fermeture, je
pense que vous serez d'accord qu'il faudra au moins avoir cette étude
socio-économique.
M. Sirois: C'est certain que le gouvernement, aussi bien au sujet
de Schef-ferville, de Gagnon et, on ne sait jamais, de Fermont ou - une autre
mine qui n'est pas ici ce soir - de Fer et Titane à Havre-Saint-Pierre,
une autre localité où il y a des minières, devrait
procéder à des études sur l'impact négatif,
l'impact en coût, l'impact social, assurance-chômage,
déplacement, j'irais aussi loin que le suicide ou n'importe quoi, afin
d'avoir un certain pattern qui permettrait au gouvernement de dire: À
cause des impacts négatifs, on prend telle solution plutôt que
telle autre. Dans le cas d'une fermeture comme celle de SIDBEC-Normines, par
exemple, qui a une implication absolument astronomique, cela serait bon que le
gouvernement procède au moins à une partie préliminaire de
cette étude.
M. Ciaccia: Peut-être que le gouvernement pourrait nous
informer s'il a commencé une telle étude ou s'il en
possède une. Vous avez référé aussi à
certains rapports qui étaient disponibles au gouvernement. Est-ce que
vous avez l'impression qu'on procède un peu par improvisation? Par
exemple, on annonce, une journée, que SIDBEC-Normines perdra 150 000 000
$. On convoque tous les gens. On fait une commission parlementaire sur
SIDBEC-Normines. À un autre moment, Iron Ore envoie un avis disant
qu'elle cesse ses opérations à Schefferville. On convoque une
autre commission parlementaire. Trouvez-vous que c'est de cette façon
que nous devrions procéder? Remarquez bien que je ne suis pas contre; je
pense que, dans les circonstances, c'est important d'avoir l'avis des citoyens.
Mais est-ce que vous trouvez que c'est suffisant? Est-ce que vous trouvez que
c'est un peu improviser les choses que d'arriver à la dernière
minute avec une commission parlementaire sans avoir vraiment apporté
d'autres solutions de planification, spécialement quand les
études, les rapports -vous avez fait référence au rapport
Boucher - étaient disponibles?
M. Sirois: Évidemment, c'est très difficile de le
dire. D'abord, je n'ai pas de jugement à porter sur la façon dont
le gouvernement procède. Je sais que l'Opposition est beaucoup mieux
informée que moi de toutes les tractations gouvernementales et de la
façon dont cela fonctionne. Ce n'est certainement pas mon rôle de
dire si le gouvernement procède correctement ou pas. Cela, je ne le sais
pas. Mais je sais que notre mémoire préconise certaines
recommandations au ministre qui, elles, tiennent compte de nos connaissances et
du mandat qu'on reçoit, nous, de recommander des choses et non pas de
juger l'action gouvernemetale. Quelquefois, on dit: Tel rapport aurait pu
être appliqué ou bien peut-être que le gouvernement aurait
pu débloquer un petit peu plus de fonds. À ce sujet, on a des
présomptions parce qu'il y a des projets. Quant à l'action
globale du gouvernement, je ne pense pas que ce serait mon rôle ce soir
de l'évaluer.
M. Ciaccia: C'est parce que j'avais vu dans votre mémoire
"cas d'espèce versus politiques globales". Vous avez dit, à la
page 3: "Dans le cas de SIDBEC-Normines, une commission parlementaire a
siégé après que furent étalés dans les
journaux les problèmes rencontrés dans la société
d'État. À première vue, il est apparu que le gouvernement
n'a procédé à aucune politique précise pour traiter
ce cas d'espèce."
M. Sirois: Ce cas d'espèce, je dis bien.
M. Ciaccia: Je me demande si c'est la même...
M. Sirois: Alors, c'est pour cela que le chapitre dit au
gouvernement: On aurait besoin d'un programme d'ensemble, parce qu'assez
souvent - on a des rapports ou autre chose - cela ne semble pas s'inscrire dans
un programme d'ensemble. Mais cela ne présuppose pas un jugement global
sur l'action gouvernementale. (0 h 30)
M. Ciaccia: Quand vous demandez, dans vos recommandations, que le
gouvernement provincial rende disponible le plus tôt possible le compte
rendu de l'ensemble des délibérations de la présente
commission, qu'avez-vous vraiment à l'esprit?
M. Sirois: Nous avons à l'esprit - je l'ai, d'ailleurs,
exprimé tantôt, j'en ai donné
une clarification - premièrement, d'avoir les minutes de
l'assemblée, etc. Cela va bien. Les rapports, c'est une chose. D'autre
part, quand l'équipe ministérielle va en discuter, il y a des
alignements. On va s'aligner de telle ou telle façon. C'est probablement
possible, pour l'équipe ministérielle, de dire, comme l'ont
laissé soupçonner certains ministres aujourd'hui, tel le ministre
du Loisir, de la Chasse et la Pêche: Nous autres, on s'en va là et
voici, il y a déjà un volet là-dedans, sans que ce soit le
plan d'ensemble global. Mais on pourrait, dans une grande tête de
chapitre, par exemple, chasse et pêche, ou main-d'oeuvre, ou
développement régional, dire qu'on a une orientation. C'est ce
dont on aurait besoin le plus tôt possible.
M. Ciaccia: Finalement, à la page 15, vous faites une
autre recommandation ou vous vous fixez un objectif, "celui du maintien du
maximum d'activités socio-économiques à Schefferville." Je
comprends que cela présuppose de votre part une confiance dans l'avenir
de Schefferville. Je présume que vous voudriez bien - nous le souhaitons
bien, nous aussi, de ce côté-ci -que le gouvernement
démontre aussi la même confiance que vous avez
démontrée par cette affirmation.
M. Sirois: Oui, parce que pour nous, c'est une plaque tournante
au point de vue économique, au point de vue du développement et
de la mise en valeur. Puis, on dit qu'on a confiance. Nous souhaitons que
Schefferville demeure et puisse, à un moment donné, une fois
qu'on a arrêté le recul, repartir en avant.
M. Ciaccia: Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que vous auriez une
conclusion ou une question? M. le député de Gaspé.
M. LeMay: Merci, M. le Président. Il y a quelque chose qui
m'inquiète un peu dans votre mémoire, M. Sirois. C'est que vous
parlez d'un certain comité pour guider les municipalités. On a
parlé, ce matin, de concertation, c'est-à-dire au plan
fédéral, provincial, municipal, ainsi qu'avec la compagnie
minière. On parle aussi de subventionner substantiellement le
Comité action Côte-Nord. Par contre, tout à l'heure, vous
étiez favorable à n'avoir qu'une seule structure. Ne trouvez-vous
pas que cela commence à faire pas mal de monde et pas mal de cas?
M. Sirois: II faut bien comprendre une chose. Si vous prenez le
Comité action Côte-Nord, qui couvre cinq municipalités et
qui s'oriente vers des travaux d'importance, je pense, tels que superviser et
suivre une étude d'impact socio-économique, c'est une
tâche. Je parle d'une structure de concertation pour le Comité
action Côte-Nord, qui part de Blanc-Sablon jusqu'à Tadoussac et
qui se demande: Est-ce qu'il y aura un programme pour la continuation de la
route 138, qu'est-ce qu'on fera, par exemple, dans le domaine des pêches
où il y a eu un plan quinquennal de fait et où le conseil a
proposé plusieurs recommandations parce que la Côte-Nord
commençait seulement à s'éveiller à la pêche
industrielle et commerciale et, en tenant compte de cela, était
largement en retard et déficiente face à la Gaspésie et
à la rive sud? Eh bien, à ce moment-là, on faisait des
recommandations territoriales globales. Tandis que vous pouvez avoir un
comité de citoyens qui siège ici et un représentant qui va
siéger au Comité action Côte-Nord. Le Comité action
Côte-Nord, qui s'occupe de cinq localités quand il y en a 40 sur
la Côte-Nord, va demander au gouvernement, quant au transport
aérien, qu'il y ait une table de concertation; quant à la mise en
valeur de la forêt sur la Côte-Nord, où dans un coin du
territoire elle est surexploitée, en danger de rupture de stock, tandis
qu'à l'Est, elle est sous-exploitée parce qu'une compagnie est
fermée, eh bien, il y a une politique régionale pour y faire
face. Il y en a d'autres qui sont territoriales et sous-régionales. Si
vous divisez une région de 800 milles de long en comités
sous-régionaux, vous allez être obligés de procéder
ainsi sur la Côte-Nord et d'avoir soit des fédérations,
conférences d'orientation ou autres, mais ce sera nécessaire sur
la Côte-Nord. C'est un des défis de la Côte-Nord, que les
gens de Baie-Comeau, qui semblent bien s'orienter au point de vue
économique, se préoccupent également de l'avenir des
villes minières, selon le bon vieux principe canadien, "quand il pleut
sur le curé, cela dégoutte sur le bedeau".
M. LeMay: M. Sirois...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Gaspé.
M. LeMay: ...tout à l'heure, vous parliez de structures
plus élaborées, mais vous parliez d'études faites par le
gouvernement pour le développement de la Côte-Nord. Vous sembliez
dire que ce seraient des fonctionnaires qui viendraient de Québec faire
une étude ou le gouvernement. Est-ce que vous ne verriez pas plus des
gens de la Côte-Nord, quitte à les subventionner, plutôt que
de prendre des gens qui viennent de l'extérieur?
M. Sirois: Je souscris pleinement à la suggestion. Cela
posera le défi que les gens de la Côte-Nord s'impliquent
davantage. Cela
pose le phénomène des défis quand vous demandez
à quelqu'un qui siège bénévolement de partir de
Havre-Saint-Pierre et de s'en venir à Baie-Comeau; il va faire 300
milles et il retourne le lendemain, mais il est encore à 400 milles de
Blanc-Sablon. C'est nécessaire, aussi bien pour les gens des villes
nordiques et les gens de Sept-Îles, de se créer ce genre
d'habitude qui créera une cohésion entre les décideurs
régionaux et, à l'heure actuelle, cela n'existe pas sur la
Côte-Nord. Baie-Comeau ne se préoccupe pas d'ici et pas tellement
Havre-Saint-Pierre parce que c'est le problème de Sept-Îles.
Juste pour vous montrer que cela n'existe pas, quand la compagnie Iron
Ore a annoncé qu'elle fermait ses portes ou le concentrateur à
Sept-Îles, il y a quand même un maire qui a dit: Ce sera une bonne
chose pour nous. Lui, il était dans la misère et il s'est dit:
S'il y en a un deuxième qui a de la misère, on va être
deux. Cela s'est dit dans les journaux. Il n'y a peut-être pas un
phénomène de cohésion; c'est en train de se créer
et c'est absolument essentiel sur la Côte-Nord. C'est peut-être la
seule région au Québec - on va parler de la Gaspésie, on
parle du miracle de la Beauce - la Côte-Nord, où, quand il y a un
problème à Sept-Îles, ils coupent les marges de
crédit à Baie-Comeau parce que le gérant de banque ou le
vice-président n'a jamais compris les distances. Cela est
déjà arrivé et c'est cela, la Côte-Nord. C'est
nécessaire qu'il y ait une cohésion régionale et cela
demande un effort particulier pour que les gens disent, à un moment
donné: Sur le plan régional, on se bat pour cela. Il faut vous
dire qu'avec deux députés cela fait du pain sur la planche.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Sirois. M. le
député de Pontiac.
M. Middlemiss: Merci, le Président. M. Sirois, votre
mémoire est le troisième qui déplore les modes de
transport sur la Côte-Nord. Je pense que le ministre vous a ouvert la
porte en disant: Lorsque les gens sont dynamiques et font des propositions
concrètes... Est-ce que, par hasard, vous auriez formulé des
recommandations dans le domaine du transport, soit à court ou long
terme? Ce serait peut-être le temps de les présenter ce soir.
M. Sirois: Disons qu'au mois de mars à peu près on
a fait une table de concertation sur le transport aérien sur la
Côte-Nord -c'est une brochure, quand même, d'une centaine de pages
- qui regroupait des intervenants à partir de Blanc-Sablon
jusqu'à Tadoussac. Il y avait quand même 80 intervenants à
Sept-Îles et on en fait une autre sur un autre sujet au mois de mars
prochain. Là, il y a une série de recommandations qui ont
été formulées tant à l'égard des compagnies
qu'à l'égard des gouvernements fédéral et
provincial. Le mémoire a été envoyé au
ministère des Transports.
Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie beaucoup, M.
Sirois, de vous être présenté. Le prochain intervenant, il
s'agit du représentant des départements d'urbanisme et de
géographie de l'Université McGill, M. Marc Bouffard. Vous pouvez
procéder. Je vous fais la même recommandation qu'aux autres,
d'être aussi concis que possible et, s'il est possible, de tourner les
coins ronds à l'occasion.
Départements d'urbanisme et de
géographie de l'Université McGill
M. Bouffard (Marc): Depuis trois ans maintenant, l'École
d'urbanisme et le département de géographie de
l'Université McGill s'intéressent aux conditions de vie dans les
communautés minières du Moyen-Nord québécois et du
Labrador. Durant les périodes estivales, notre groupe de recherche a
ainsi eu la possibilité de séjourner à Gagnon, Fermont,
Labrador City, Wabush et Schefferville. Dans chaque communauté, nous
avons rencontré plus d'une centaine de ménages avec lesquels nous
avons discuté de leur mode de vie et de leurs aspirations face à
l'existence particulière qui se présente à eux. Nous avons
également rencontré les différentes autorités
locales dont les administrations municipales, les compagnies minières,
les syndicats, les groupes communautaires, les travailleurs sociaux et j'en
passe. C'est ainsi que nous avons pu constituer une banque de données
considérable et des dossiers qui sont disponibles aux chercheurs et
à toute personne intéressée. Jusqu'à maintenant,
plusieurs ouvrages ont été publiés sous différents
thèmes. Ce projet était supervisé par les professeurs John
Bradbury et Jeanne Wolfe, respectivement du département de
géographie et de l'École d'urbanisme de l'Université
McGill.
Mon nom est Marc Bouffard et je suis étudiant en urbanisme. C'est
au nom du groupe entier que je présente ce mémoire.
L'annonce de la fermeture de Schefferville a soulevé
d'importantes questions concernant les politiques nationales et provinciales en
matière de mines et de planification régionale à long
terme. Malgré un fort degré d'optimisme au cours des 30
dernières années, la compagnie minière et ses
employés ont graduellement fait face à une diminution des
opérations pour aboutir finalement à la fermeture de la ville.
Personne, incluant la compagnie minière, la municipalité, le
gouvernement provincial et la communauté entière, n'était
vraiment préparé à cette situation. Il y avait bien eu
quelques rumeurs et signes précurseurs, mais ceci n'avait jamais
été sérieusement considéré comme les signaux
d'une véritable fermeture.
L'annonce de la fermeture, en novembre dernier, a
révélé l'absence de vision à long terme au niveau
des politiques minières. Des études plus poussées sur les
stratégies d'établissement, sur les politiques minières et
sur la nature des relations entre la compagnie minière et le
gouvernement provincial ont encore besoin d'être approfondies.
Formuler des réponses aux problèmes du déclin et de
la fermeture des mines est très complexe. Certains problèmes
pourront être réglés par le biais de politiques à
court terme ou à long terme pour d'autres. La fluctuation des prix sur
le marché du minerai de fer, la main basse de certaines compagnies sur
l'industrie de l'exploitation du minerai fer et la présente crise
tombent sous la juridiction et le contrôle du gouvernement provincial.
Mais qu'existe-t-il en termes de politiques relatives aux modes de
propriété dans l'habitation, aux fermetures des villes, au
recyclage des travailleurs et à leur transfert, à l'information
préalable et au dévoilement des projets futurs de la compagnie en
ce qui touche la communauté, des fonds de secours et j'en passe?
Deux types de politiques peuvent être développées.
Premièrement, il y a les politiques à court terme qui veulent
minimiser les effets de la crise actuelle sur la communauté et surtout
éviter tout mouvement de panique. Ce sont des solutions qui cherchent
plutôt à réparer et non à préparer le futur:
support financier, assurance-chômage, bien-être social. À
long terme, ces politiques se doivent de reconnaître la nature instable
inhérente au secteur des mines, les cycles économiques des
industries et l'instabilité de la structure sociale dans les
communautés minières.
Pour une politique du logement et des services à la
communauté. La plupart des villes-ressources du Québec et du
Canada peuvent être qualifiées de villes nouvelles en ce sens que
celles-ci ont été planifiées et construites globalement
avant de voir une population s'y établir dans un seul mouvement. Dans
ces villes construites par des corporations privées désirant
exploiter nos ressources naturelles, viendra s'installer une population de
plusieurs milliers d'individus qui désirent y retrouver les avantages de
la vie urbaine à la mode sudiste. Pour attirer cette main-d'oeuvre et
également la maintenir en place, la compagnie se doit de bâtir une
ville de très haute qualité afin de compenser
particulièrement pour les conditions géoclimatiques que l'on y
retrouve.
Ces avantages, on les retrouve notamment dans une politique d'habitation
qui se doit de tenir compte du caractère particulier de ces
communautés. Il en va de même pour certains services qui doivent
être fournis par la compagnie elle-même. En fait, la
présence de la compagnie à l'intérieur de la
communauté est telle qu'en langue anglaise on utilise le terme "company
town" pour décrire ce type de relation.
En conséquence, lorsque la compagnie décide de cesser ses
opérations, c'est la communauté entière qui s'en retrouve
affectée comme en fait foi la nécessité de tenir une
commission parlementaire sur l'avenir de Schefferville.
Généralement, à l'intérieur d'une ville
mono-industrielle, il existe différents types d'habitations qui varient
entre la maison unifamiliale et la garçonnière, en passant par
les maisons en rangées, jumelées, etc. C'est un marché qui
est contrôlé par la compagnie et ceci se répercute sur
l'attribution des unités de logement et ce, en fonction du statut au
travail. Il en va de même pour les non-employés de la compagnie
qui, dans l'impossibilité d'obtenir un logement à partir du stock
de la compagnie, doivent recourir à un marché parallèle
qui offre généralement des logements de moins bonne
qualité, exemple, la maison mobile. Cette situation se répercute
également au niveau des services offerts dans la ville alors que, par
exemple, les commerçants ne sont pas incités à venir s'y
établir. Pour les employés du secteur public, cette situation
oblige l'État à s'impliquer financièrement par des
subventions afin que ses travailleurs puissent disposer de logements
adéquats.
Les villes mono-industrielles se caractérisent donc par l'absence
d'un marché libre pour l'habitation. En conséquence, nous croyons
que les organismes publics reliés à l'habitation, tels la SCHL,
la SHQ, devraient s'impliquer davantage et mettre en branle un marché
secondaire destiné aux ménages, non employés par la
compagnie et qui ont droit aux mêmes avantages au niveau du logement. (0
h 45)
II existe également différents modes d'attribution des
logements qui varient généralement entre le marché locatif
et celui de la vente avec ou sans clause de rachat. Comme chacun possède
ses avantages et ses désavantages, il ne nous est pas permis de
recommander un type particulier, en ce sens que ce choix doit se faire en
fonction de la communauté à implanter: durée d'existence,
revenus de la population, préférences des ménages, etc.
Néammoins, il nous est apparu que la compagnie IOC avait quelque peu
modifié sa politique et ce, en fonction de ses intérêts
particuliers. En fait, c'est une situation qui est caractéristique
à plusieurs villes mono-industrielles.
En conséquence, nous demandons que cesse dorénavant une
telle pratique et que les compagnies s'engagent formellement
envers le gouvernement et la communauté à ne modifier
leurs politiques d'habitation que si les conditions sont avantageuses pour
chaque partie.
Il existe un type de marché pour l'habitation qui, jusqu'à
maintenant, a été peu considéré à
l'intérieur des villes mono-industrielles. Il s'agit du marché
coopératif dans lequel s'impliqueraient les gouvernements par le biais
de la SCHL et de la SHQ. Nous recommandons donc que ce type de marché
soit examiné de plus près et ce, d'autant plus qu'il peut
représenter un type de logements avantageux pour les non-employés
des compagnies.
Deuxièmement, nous croyons également que les villes du
Moyen-Nord devraient offrir un stock de logements diversifié tant en
type d'habitation qu'en mode d'attribution, location ou vente. En fait, chaque
ménage devrait pouvoir passer par un logement locatif, le temps de se
faire une idée juste des types d'existences qui l'attendent.
Troisièmement, les maisons mobiles, de même que les
"bunkhouses" devraient être découragées dans les
villes-ressources, car ceux qui les habitent ont tendance à vivre en
marge de la communauté. De plus, la maison préfabriquée
semble tout indiquée pour plusieurs raisons. Elle peut être
déménagée, car démontable, et ce, en fonction des
besoins de la compagnie. Elle peut offrir une meilleure qualité et des
coûts réduits de construction.
Les subventions et la clause de rachat. Construire dans les
régions sub arctiques coûte cher et cette situation se traduit par
la nécessité que la compagnie subventionne le prix ou le loyer
des habitations.
En conséquence, nous estimons qu'il est normal que la compagnie
s'adjoigne une clause de rachat afin de maintenir un stock convenable.
Cependant, si la compagnie opte pour ce type de marché, la clause doit
être maintenue durant toute l'existence de la communauté.
Cela a plusieurs raisons. Parmi les plus importantes, il faut
éviter de créer un marché qui serait inévitablement
déséquilibré. Ainsi, les premières maisons qui
seront disponibles à travers le marché libre atteindront des prix
exorbitants.
En conséquence, nous estimons que la clause de rachat est valable
pour autant que celle-ci protège le propriétaire et ce,
particulièrement à partir du moment où l'existence de la
communauté tire à sa fin, d'où l'absence d'un
marché immobilier. Nous estimons également qu'il est du devoir de
la compagnie de racheter les maisons des propriétaires qui
désirent quitter Scheffervil-le.
Nous croyons que la présence des banques sur le marché
immobilier - prêts hypothécaires - est à
déconseiller, et ce, en prévision de la disparition du
marché, et que les banques exigeront un remboursement intégral du
prêt. Habituellement, ces banques se retireront d'elles-mêmes au
moindre signe d'incertitude, ce qui en fait une source de financement peu
fiable.
Malgré la clause de rachat, nous croyons que chaque
propriétaire devrait recevoir une plus-value intéressante sur ses
versements et sur les améliorations apportées à la maison.
Sinon, afin d'éviter une dégradation et certains conflits
à travers la communauté, un marché locatif devrait
être instauré.
Troisièmement, finalement, nous croyons que le service
d'habitation devrait fonctionner le plus possible en marge de la compagnie. En
particulier, ce service aura la qualité de séparer questions de
travail et habitation.
Services à la communauté. En réponse à la
cessation des activités minières et à un exode massif de
la population, il sera nécessaire de restructurer la plupart des
services, tant privés que publics, offerts à la
communauté. La plupart subiront une baisse de leur clientèle et,
dans beaucoup de cas, il faudra abandonner tout simplement les affaires. Nous
recommandons donc que soit entreprise au plus tôt une étude devant
conduire à l'élaboration d'une liste des services minimums, de
leur réorganisation et de l'aide à leur apporter, et ce, en
fonction, premièrement, d'un miminum d'activités dans la
communauté ou d'une disparition totale des activités, quoiqu'une
disparition totale soit peu probable.
En effet, à moins que tous ces services ne soient
relocalisés à l'intérieur de la réserve indienne,
il faut présager que cette population autochtone ne cessera pas
d'utiliser les services offerts par la communauté de Schefferville.
Déjà, une question de taille se pose: Qui prendra en charge le
service ferroviaire jusqu'alors assuré par la compagnie minière?
Ce service, qui doit notamment assurer le transport des passagers à bon
compte, est vital pour ravitailler l'agglomération de Schefferville et
de la réserve indienne.
En conséquence, nous croyons que divers programmes devront
être mis en branle, particulièrement afin de maintenir une
qualité et un niveau adéquat de services dans la
municipalité, d'assurer un lien de communication adéquat avec les
régions du sud, de venir en aide aux commerçants acculés
à la faillite.
La communauté et la municipalité. Les communautés
minières sont particulières en ce sens qu'elles sont des
créatures des compagnies et que ces dernières vont financer la
construction de la ville tout entière ou presque. Même si le
gouvernement provincial a voulu éviter un contrôle direct de la
compagnie sur les affaires municipales et communautaires par le biais de la Loi
sur
les villes minières, il n'en demeure pas moins que celle-ci en sa
qualité de principal payeur de taxes est directement responsable de la
santé financière de la municipalité et, le cas
échéant, de sa survie.
La législation actuelle, principalement la Loi sur les villes
minières qui se rapporte à l'administration municipale, est peu
explicite quant au rôle et aux obligations des divers intervenants et ce,
à travers les diverses phases que sont l'établissement, le
fonctionnement et le déclin des communautés minières du
Québec. Comme il ne fait nul doute que la compagnie a besoin de la
communauté pour fonctionner et vice versa, la compagnie mère
devrait, selon toute logique, être responsable de la santé
financière de la municipalité. En fait, la mise en tutelle de
Schefferville en 1978 doit être considérée comme un acte
isolé et une telle situation ne devrait pas se
répéter.
Comme si la compagnie Iron Ore avait voulu assurer sa
prospérité au début, et sa survie à la fin,
certains faits montrent que l'implication financière de celle-ci s'est
faite de moins en moins importante, exception faite des quelques années
qui ont suivi la mise en tutelle.
En conséquence, nous estimons que la Loi sur les villes
minières devrait être révisée et rendue plus
explicite, notamment sur les obligations des diverses parties en
présence et sur ce qui concerne le financement municipal, la mise en
place des services publics et leur financement, la fermeture de la ville, s'il
y a lieu, et les responsabilités des diverses parties. Il nous
apparaît également raisonnable que toute compagnie mère
soit responsable de la santé financière de sa communauté
et qu'en conséquence celle-ci compense pour le manque à gagner de
la municipalité et ce, après que cette dernière a
fixé un taux de taxe acceptable autant pour la compagnie que pour les
propriétaires.
La cessation des activités minières. En termes de revenus
pour la municipalité, la compagnie IOC contribue pour près de
80%, ce qui correspond à sa valeur inscrite sur le rôle de
l'évaluation foncière. On comprendra que plusieurs
s'inquiètent de l'avenir de la municipalité advenant que la
compagnie cesse ses activités et qu'elle ne soit plus tenue de payer ces
taxes. En réponse aux services rendus, nous croyons légitime de
demander à la compagnie Iron Ore de s'engager envers la
municipalité à verser une certaine portion de ses taxes et ce,
durant quelque temps encore. Une étude plus détaillée
permettra de mieux évaluer l'importance de cette aide qui pourrait
également prendre l'aspect de subvention.
Il est également nécessaire que la municipalité de
Schefferville voie à réduire au maximum ses coûts
d'opération. Entre autres options, nous croyons qu'il serait possible de
fermer certains quartiers et de relocaliser la communauté restante dans
certains secteurs. Cette restructuration aurait pour effet de réduire
les dépenses d'opération et d'entretien, de déneigement,
d'aqueduc, de police et de favoriser la création de nouveaux noyaux qui
faciliteront l'émergence d'une nouvelle communauté. Nous
espérons donc que l'offre de vente des maisons à 1 $ s'appliquera
aux ménages qui seront localisés à l'intérieur de
ce programme.
Le troisième point: une économie à diversifier. La
situation actuelle, dans laquelle sont plongées les communautés
du Moyen-Nord québécois, ne fait que confirmer l'importance qu'il
y aura à l'avenir de favoriser l'éclosion de véritables
communautés régionales qui desserviront plusieurs industries. Ce
type de communauté est donc l'antithèse de ce qu'est une ville
mono-industrielle. Le principe même qui régit ce type de
communauté est celui de la diversité économique et ce,
tant à l'intérieur de celle-ci qu'au niveau de son hinterland.
Chaque centre régional dessert donc plusieurs mines, chantiers, etc.
Cette diversification économique assure une certaine stabilité en
ce sens que les secteurs qui composent la communauté économique
sont non seulement différents, mais souvent complémentaires. Au
point de vue communautaire, ces centres régionaux offrent un cadre de
vie plus intéressant parce que plus diversifié et cela, en termes
de centre de distribution de biens et services. Au point de vue financier, ces
communautés sont particulièrement intéressantes pour les
compagnies et les corporations municipales: investissements partagés,
économies d'échelle, stabilité de la main-d'oeuvre.
On est malheureusement forcé de reconnaître aujourd'hui que
l'absence de politiques ou de stratégies à l'échelle du
Moyen-Nord n'a pas favorisé l'implantation de telles communautés
régionales, de même que le développement ou la survie des
communautés en place. Ce développement, laissé aux mains
des compagnies seules, n'a favorisé l'expansion que d'une seule
richesse, le fer.
Il serait grand temps d'élaborer enfin une politique globale pour
le développement à l'échelle régionale. C'est au
travers des MRC récemment constituées que ce développement
pourrait se faire. Considérant que ces entités régionales
seront éventuellement amenées à jouer un rôle de
plus en plus important quant à leur développement, on peut se
demander s'il ne serait pas préférable de fusionner en une seule
MRC celles de Caniapiscau et des Sept-Rivières. Après tout,
quelques-uns des principes fondamentaux régissant le découpage
des MRC ne sont-ils pas justement ceux de la région d'appartenance et
de
l'entité économique?
Considérant le fait que ces MRC partagent non seulement la
même base économique, le fer, mais également les
mêmes compagnies maîtresses et que le minerai de l'une est
exporté vers l'autre et qu'en conséquence le développement
de l'une ne peut se faire sans celui de l'autre, il nous semble
approprié de recommander que les élus locaux envisagent
sérieusement la possibilité d'un fusionnement entre les deux MRC,
car une véritable politique à l'échelle régionale
ne peut se faire si on sépare le Moyen-Nord québécois (MRC
de Caniapiscau) du reste de la Côte-Nord (MRC des
Sept-Rivières).
Quant à la formulation de certaines solutions de rechange pour
venir en aide à la communauté de Schefferville, il faut prendre
conscience que celle-ci est géographiquement isolée et qu'il sera
difficile d'y ramener le plein emploi à moins qu'une industrie majeure
ne vienne s'y implanter à nouveau. Il faut également ajouter que
tout programme élaboré en période de crise ne peut avoir
autant de chances de réussite que ceux planifiés avec soin et mis
en application longtemps avant l'annonce de la fermeture. Pressés par
les événements, plusieurs seront amenés à
élaborer des programmes qui n'auront, en fait, que peu d'impacts quant
aux chances de survie de la communauté. Malgré les diverses
pressions qui font en sorte que ces programmes de diversification doivent
être opérationnels le plus tôt possible, il n'en demeure pas
moins que ceux-ci devront être soigneusement préparés et
examinés, notamment en ce qui touche aux programmes à long
terme.
Quant à ces programmes à long terme, nous recommandons que
soient examinées soigneusement certaines expériences
étrangères dans lesquelles les villes mono-industrielles ont
déjà vécu ce genre de situation et qui ont su ramener la
prospérité à l'intérieur de leur communauté,
particulièrement en Suède, en URSS et en Australie. Ce besoin de
connaissances est d'autant plus important que la situation actuelle qui
prévaut à Schefferville risque de s'étendre dans un
certain avenir à plusieurs villes mono-industrielles du
Québec.
Pour ce qui est des programmes à court terme, ces programmes
n'ont d'intérêt que dans la mesure où ils assurent un
certain niveau d'activités dans la communauté, et ce en attendant
une reprise normale des activités économiques. L'avantage de la
plupart de ces programmes est qu'ils peuvent être mis en branle dans un
laps de temps relativement court après l'annonce de la fermeture
définitive de la mine.
Le Président (M. Bordeleau): Vous m'excuserez, mais cela
fait déjà 20 minutes. Je vais donc vous demander de conclure.
M. Bouffard: Il me reste environ cinq pages, cinq minutes.
Le Président (M. Bordeleau): C'est beaucoup. On vous
demanderait d'abréger, s'il vous plaît!
M. Bouffard: Parmi les programmes à court terme, on n'a
pas élaboré trop, trop.
Le Président (M. Bordeleau): Ce n'est pas parce que ce
n'est pas intéressant...
M. Bouffard: Non, j'espère.
Le Président (M. Bordeleau): ...c'est parce que les
règles de la commission le veulent ainsi.
M. Bouffard: Les règles sont ce qu'elles sont. On a un
point qu'on voudrait quand même souligner, c'est l'information à
la communauté. Je veux simplement lire ce passage-là. À la
fin de janvier 1983, la compagnie Iron Ore annonce la création d'un plan
d'indemnité et de relance de plusieurs millions pour la
communauté de Schefferville. La volonté de la compagnie de venir
en aide à ses employés est très louable. Cependant, il
faut considérer que l'annonce de cette aide survient près de
trois mois après celle de la fermeture. Durant plusieurs semaines, des
dizaines de familles ont vécu dans l'incertitude et surtout des moments
pénibles. C'est alors qu'on annonce à ces gens que leur
communauté, "que l'on croyait condamnée à
disparaître, pourra renaître grâce à une nouvelle
vocation que l'Iron Ore et d'autres institutions tentent actuellement de
définir."
En conséquence, nous croyons qu'il est nécessaire que soit
développée une politique qui fera en sorte que la compagnie soit
tenue de rendre public tout projet qui concerne l'existence de la
communauté. Lorsqu'il est question d'une fermeture permanente ou
temporaire, une telle décision se doit d'être accompagnée
d'une période de préavis. Actuellement, il existe quand
même certaines périodes de préavis au niveau de la loi du
travail pour certaines compagnies, mais ces périodes nous apparaissent
inadéquates compte tenu du caractère particulier des
communautés minières du Moyen-Nord dans lesquelles les
possibilités d'emploi sont rares. Nous recommandons donc que cette
période de préavis soit révisée en
conséquence.
On a aussi parlé des programmes d'aide aux communautés en
détresse. Il existe actuellement de nombreux programmes gouvernementaux,
fédéraux et provinciaux, pour venir en aide aux
communautés en difficulté. Certains s'adressent
spécifiquement aux communautés minières et nordiques alors
que d'autres, ayant une portée beaucoup plus
générale, ne les concernent qu'indirectement. Notre groupe
de recherche sur les villes minières du Moyen-Nord du Québec et
du Labrador, de même que le groupe de travail
fédéral-provincial sur les communautés minières ont
déjà répertorié plusieurs de ces programmes.
Certains ont déjà fait leurs preuves dans certaines provinces. (1
heure)
En conséquence, nous croyons qu'un groupe de recherche devrait
être constitué afin d'étudier la validité de
certains programmes étrangers ici, dans le contexte du Moyen-Nord
québécois et, ensuite, de regrouper les plus pertinents à
l'intérieur de ce qui pourrait devenir une véritable politique
québécoise en matière de communautés
minières. Par la suite, ce groupe verrait à coordonner la mise en
application. Ensuite, un peu comme tout le monde, on encourage la
création d'un fonds de mine, mais qui devrait regrouper quand même
plusieurs types de mines et non pas seulement les mines de fer.
Le Président (M. LeMay): C'est bien, M. Bouffard. Je donne
la parole immédiatement au ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Duhaime: M. le Président, je voudrais d'abord dire
à M. Bouffard que, pour ma part, j'ai lu avec beaucoup d'attention ce
mémoire. Je dois dire que je retiens ce mémoire comme en
étant un d'une grande qualité qui a été
présenté devant cette commission. Si ce n'était l'heure
tardive - nous passons maintenant 1 heure du matin - ce mémoire aurait
mérité une bonne heure de discussion.
Je voudrais simplement évoquer quelques points. Le premier, c'est
que ce mémoire nous est présenté modestement, mais par des
spécialistes, sur un problème que doit vivre aujourd'hui la
communauté de Schefferville. Au tout début de votre
mémoire et en l'ouvrant, vous nous dites, en nous avisant presque de ne
pas nous illusionner, nous tous, sur les solutions et les remèdes: "Des
études plus poussées sur les stratégies
d'établissement, sur les politiques minières et sur la nature des
relations entre la compagnie minière et le gouvernement provincial ont
encore besoin d'être approfondies. Formuler des réponses aux
problèmes du déclin et de la fermeture des mines est très
complexe." C'est vrai que nous ne sommes pas en face d'une situation à
laquelle nous pourrions répondre par un oui ou par un non. Je voudrais
simplement vous demander si c'est conciliable une vocation mono-industrielle
que reçoit une communauté, une ville, au moment du
démarrage d'une entreprise minière et une problématique de
vie à long terme dans un contexte socio-économique normal. Vous
formulez, dans votre mémoire, une proposition et je la reçois
très favorablement. Vous nous indiquez que vous êtes prêts
à mettre sur pied un groupe de recherche sur les communautés en
détresse. Je sais l'accueil que pareille proposition a reçu, pour
l'instant en tout cas - souhaitons que la décision sera corrigée
-au gouvernement fédéral. Pour notre part, nous accueillerions
très favorablement cette proposition; nous serions même
prêts à la soutenir et à voir comment nous pourrions
recevoir une expertise et des propositions concrètes.
Je voudrais aussi souligner le fait que vous, comme beaucoup d'autres,
avez été frappés - vous le soulignez avec éloquence
à la page 18 de votre mémoire - par la nécessité
d'informer la communauté. Vous avez en quelque sorte, dans vos propres
mots, résumé ce que j'évoquais moi-même aujourd'hui
devant cette commission. À la page 18, vous dites: "Même si tous
s'y attendaient à un moment donné, l'annonce brutale de la
fermeture a pris tout le monde par surprise." Je pense, comme vous, que nous
aurons à établir ce que j'appellerais un cadre de fonctionnement,
principalement lorsqu'il s'agit d'activités minières
mono-industrielles. Tout le monde conviendra que la cessation des
activités d'une telle entreprise a un impact brutal, direct et subit sur
une communauté. En ce sens, je partage entièrement votre point de
vue.
Je pourrais peut-être, M. le Président, m'arrêter
ici, puis voir si, dans la première question - le reste étant des
commentaires que je formulais - comment vous pourriez réagir à
cette espèce d'harmonisation que vous souhaiteriez entre une
problématique de développement minier à long terme et des
évocations mono-industrielles. Est-ce conciliable?
M. Bouffard: Notre groupe en était arrivé à
la conclusion qu'il faut éviter autant que possible la mise en place de
communautés mono-industrielles. On prône le développement
de communautés régionales.
M. Duhaime: Je vais vous demander bien simplement: Est-ce que
votre groupe est prêt à aller aussi loin qu'à recommander
de ne pas entreprendre un développement qui déboucherait sur une
activité mono-industrielle?
M. Bouffard: Autant que possible, oui. M. Duhaime:
Pardon?
M. Bouffard: Autant que possible, oui. Comme tout le monde le
fait remarquer aujourd'hui, toute ville mono-industrielle est vouée
inévitablement à une fin. Il n'y a pas d'autre choix.
M. Duhaime: Êtes-vous prêt à prendre le risque
de faire une recommandation comme cela?
M. Bouffard: Non. Excusez-moi, je suis un peu nerveux. On a
vraiment recommandé, à l'intérieur de toutes les
études qu'on a faites, de tous les rapports qu'on a publiés, la
création de villes desservant plusieurs compagnies, autant que possible
elles-mêmes diversifiées, différentes mines,
différentes économies et on a découragé les villes
uniquement mono-industrielles.
M. Duhaime: Je vous remercie.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. Cela va? M. le
député de Hull.
M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Je tiens,
premièrement, à vous remercier pour le dépôt du
mémoire à cette commission. J'aurais sûrement plusieurs
questions à poser. Par contre, étant donné l'heure
tardive, je vais tenter de me limiter à quelques questions.
À la page 14, vous mentionnez, entre autres: "II nous semble
approprié de recommander que les élus locaux envisagent
sérieusement la possibilité d'un fusionnement entre les deux MRC,
soit celle de Caniapiscau et celle des Sept-Rivières." Étant
donné que, ce matin, on en a discuté très peu et qu'on a
considéré le fait que Caniapiscau, actuellement, qui retient les
municipalités de Fermont, Gagnon et Schef-ferville à
l'intérieur de l'aménagement du territoire et d'un schéma
d'aménagement préparé, est-ce que vous pourriez expliciter
votre pensée sur le fait que ces deux municipalités
régionales de comté viennent à peine d'être
créées et déjà des interventions se font sentir
à savoir qu'il devrait y avoir des fusions au niveau de certaines
MRC?
M. Bouffard: Depuis le début, on a essayé de
comprendre pour quelles raisons les villes nordiques avaient choisi de se
regrouper sur elles-mêmes. Il ne semble pas y avoir d'autre choix comme
on le dit dans le mémoire, puisque l'ensemble de la Côte-Nord, si
on parle des villes nordiques, de Sept-Îles et de Port-Cartier, partage
la même industrie, les mêmes compagnies, les mêmes
installations. C'est inconcevable, en fin de compte, que les décisions
de l'une n'aillent pas dans le même sens que celles de l'autre quand on
parle de développement régional et d'identité où
les MRC sont vouées à jouer un rôle éventuellement.
Toute décision prise, comme la fermeture de Schefferville, va
automatiquement se répercuter sur ce qui se passe à
Sept-Îles. On aborde la recommandation dans ce sens qu'en partant il nous
semble inconcevable qu'il y ait eu deux MRC constituées; même si
cela ne fait pas longtemps qu'elles ont été constituées,
on demande que soit examinée sérieusement la possibilité
d'un fusionnement entre les deux. Ce n'est pas parce qu'on trouve que les deux
fonctionnent mal, mais c'est plutôt à cause du besoin d'une
politique régionale, comme plusieurs en ont parlé aujourd'hui, si
cela doit se faire au niveau des MRC.
M. Rocheleau: M. le Président, tenant compte du fait que
ce sont des urbanistes qui ont préparé ce mémoire, tenant
compte du fait que l'ensemble du territoire que représente la
Côte-Nord comporte des problèmes très particuliers à
une industrie en particulier, l'industrie minière, tenant compte que des
études ont été faites antérieurement, les
études de l'OPDQ en 1978-1979 et de P.S. Ross et Associés en
1978, qui comportaient, d'une part, des recommandations très
importantes, est-ce qu'on n'aurait pas dû appliquer à ce
moment-là certaines recommandations plutôt que de tenter de
refaire aujourd'hui un ensemble de nouvelles études pour
démontrer qu'il y a des problèmes effectivement très
présents, tellement présents qu'on est sur le point de vider une
municipalité de toute sa population?
M. Bouffard: Vous savez, quand on parle de MRC, on parle de
villes monoindustrielles, pas mono-industrielles, mais monoéconomiques,
ayant une seule économie, le fer. Trois villes à
l'intérieur d'une MRC telle que Caniapiscau. Comme on voit que
Schefferville est en voie de disparition, si une MRC a deux
municipalités, cela va à l'encontre du sens même d'une MRC.
On ne peut pas parler de MRC alors qu'il y a deux municipalités à
l'intérieur et une municipalité au nord qui est beaucoup plus
faible que les autres.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le ministre de la
Main-d'Oeuvre.
M. Marois: Très rapidement, compte tenu de l'heure, je
voudrais formuler un commentaire et poser une question. Le commentaire que je
veux formuler est le suivant: Je partage entièrement l'opinion de mon
collègue, le ministre de l'Énergie et des Ressources, et je sais
que mes collègues ministériels la partagent aussi. Je crois qu'il
est malheureux qu'il soit 1 h 15 du matin. Je crois que c'est un des
mémoires remarquables que nous avons eus, particulièrement sur le
plan de l'analyse. Je regrette que les médias ne soient plus là
à cette heure-ci.
Sur le plan de l'analyse, particulièrement, je pourrais relever
un seul point pour l'instant. À la page 18 de votre mémoire, je
crois que vous mettez le doigt sur une des
questions clés que mon collègue de l'Énergie et des
Ressources a posées ce matin au président de la minière
IOC, sur laquelle je suis revenu immédiatement après et à
laquelle mon collègue et moi maintenons que nous n'avons pas obtenu une
réponse satisfaisante et valable, c'est-à-dire: Qu'est-ce qui
explique qu'après trois années de bonne performance
économique de rendement, avec un niveau de production à la baisse
de tonnes, subitement, on ferme? Tellement subitement que vous dites: "II faut
considérer que l'annonce de cette aide - vous parlez du plan
d'indemnité de plusieurs millions annoncé par la compagnie en
janvier survient près de trois mois après celle de la fermeture."
Pourquoi? Pourquoi trois mois après la fermeture, l'annonce d'un plan
d'indemnité? Sans compter les conséquences que vous
évoquez pour la population. C'est pour cela que j'ai insisté pour
obtenir du président de la minière IOC une prolongation du
délai. Il y a eu une ouverture de faite. Cela ne restera pas là.
On va y revenir. Sur cette question aussi, cela ne restera pas là. Les
travaux de cette commission ne sont pas terminés. On va y revenir parce
que la question demeure entière: Pourquoi trois mois après
l'annonce de la fermeture, uniquement trois mois après, annonce-t-on un
plan d'indemnité? On y reviendra. Mais je pense que vous touchez le
coeur d'un problème fondamental en ce qui concerne ce qui s'est
passé, ce qui se passe ici et aussi la leçon à retenir
pour l'avenir. (1 h 15)
Ma question sera très courte. Je ne veux pas ouvrir, ce soir, un
débat sur le fonds minier. Vous l'évoquez à la page 22
où vous faites allusion au projet de loi no 3 qui avait
été déposé par le gouvernement à
l'Assemblée nationale. Vous nous dites que ce "projet de loi no 3 sur le
fonds minier révisé, doit être adopté le plus
rapidement possible et, surtout, il devra s'appliquer également aux
mines de fer." Vous dites "révisé". Voici ma question: Est-ce que
je comprends bien que vous dites "révisé" parce que - vous dites
plus haut: "Cependant, cette loi peut amener certains problèmes" - vous
craignez certains problèmes? Pourriez-vous, le plus concrètement
possible, me dire quel type de problèmes et en quoi vous craignez ces
problèmes?
M. Bouffard: Justement, le mot "révisé" fait
allusion au fait que, dans le projet de loi, les mines de fer étaient
exclues, c'est le premier terme. Parmi les autres problèmes, on n'a pas
étudié le projet de loi comme le fera le syndicat demain, mais on
peut a priori, au niveau de l'ancienneté en tout cas, du transfert, de
la sauvegarde de l'ancienneté à l'intérieur d'une autre
communauté, envisager que la communauté réceptrice ne
verra pas la venue de travailleurs de Schefferville, par exemple, d'une
façon favorable si ses travailleurs doivent perdre leur
ancienneté à cause de ces travailleurs-là. On ne voulait
pas développer ce type de problème; on voulait tout juste le
soulever.
M. Marois: En d'autres termes, que ce ne soit pas des
déplacements qui, au moment où ils se font, ont pour effet
d'enlever des emplois à d'autres qui les ont déjà.
M. Bouffard: Ne pas enlever leurs emplois, mais surtout ne pas
enlever les avantages qu'ils ont accumulés à cette
époque.
M. Marois: D'accord.
M. Bouffard: Que cela soit assez clair dans cette loi.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Bouffard,
d'être venu présenter un mémoire devant notre commission.
J'appellerais le dernier mémoire à être
présenté ce soir -l'autre mémoire sera
déposé seulement - il s'agit de la Station de recherche
subarctique de McGill, avec M. Paul Wilkinson que la commission connaît
déjà. Vous pouvez y aller dès maintenant, M.
Wilkinson.
Station de recherche subarctique de McGill
M. Wilkinson (Paul): Merci, M. le Président. Je voudrais
seulement expliquer que je porte un deuxième chapeau maintenant. Je vous
parle en tant que directeur adjoint du Centre d'étude et de recherche
nordique de McGill. Je veux vous présenter très brièvement
un mémoire qui a été préparé, pas par moi,
mais par le professeur Tim Moore, du département de géographie
à McGill, qui est directeur de recherche de notre station ici, en
collaboration avec M. Douglas Barr, qui est le gérant de la station. Je
veux seulement vous donner le résumé de ce mémoire.
Brièvement, la Station de recherche subarctique de McGill est ici
à Schefferville depuis 1954, presque depuis le début. Les projets
de recherche que la station a soit entrepris, soit parrainés, impliquent
toutes la gamme des possibilités à partir des sciences naturelles
jusqu'aux sciences sociales, à des projets de nature très
appliquée et à des projets de recherche de nature très
théorique. La station a toujours bien collaboré avec les
autorités municipales de Schefferville, avec les citoyens et avec la
Compagnie minière IOC. En bref, le but de notre mémoire est
d'appuyer la plupart des mémoires qui ont déjà
été soumis.
On peut peut-être lire une couple de paragraphes à la page
2: En dépit de
l'annonce de la fermeture de la compagnie Iron Ore du Canada, la Station
de recherche subarctique de McGill a pleinement l'intention de demeurer
à Schefferville. Pour le centre et l'ensemble des résidents qui
choisiront de demeurer dans la ville, il est essentiel que certains services
minimaux soient maintenus. On en a fait la liste: des services adéquats
pour les passagers et les marchandises entre Sept-Îles et Schefferville;
le maintien d'un service aérien régulier; le maintien des
services municipaux; le maintien des services de santé et
d'éducation, récréatifs et autres.
Je veux juste ajouter un commentaire, quelque chose qui n'est pas
compris dans ce mémoire. Quelque chose qui m'a impressionné au
cours de la journée, c'est que presque tout le monde est d'accord qu'il
y a un besoin de certaines études portant sur le Nord
québécois. Mon commentaire est que, jusqu'à l'année
dernière, le Québec connaissait un certain leadership sur le plan
mondial en ce qui concerne les recherches nordiques. Ici, au Québec, on
avait quatre centres de recherche nordique. Je parle du Centre d'études
nordiques à Laval, du Centre d'ingénierie nordique de
l'École polytechnique de Montréal, du Centre de recherche sur le
Moyen-Nord à Chicoutimi et, bien sûr, de notre Centre
d'étude et de recherche nordique à McGill. Tout d'un coup,
malheureusement, cela a changé juste à un moment où le
besoin de telles sortes d'études devient très très clair,
très très urgent. Pour des raisons que je ne veux pas expliquer
parce qu'il est trop tard, le conseil de l'université, l'année
dernière a tout à fait changé de politique en coupant les
subventions de base à trois de nos quatre centres. La subvention de
notre centre à McGill a été réduite à
zéro, la subvention au Centre d'études nordiques à Lavai
réduite à zéro. La même chose pour le Centre de
recherche sur le Moyen-Nord à l'Université du Québec
à Chicoutimi. Le Centre d'ingénierie nordique de l'École
polytechnique a reçu la troisième tranche d'une subvention de
trois années. Je ne suis aucunement mandaté par les autres
centres de recherche nordique au Québec, mais les responsables des
quatre centres se réunissent régulièrement. Donc,
certainement au nom de McGill et, en toute probabilité, des autres
centres de recherche nordique, on vous demande de regarder de nouveau ce
dossier, de voir si le moment n'est pas venu d'augmenter les subventions qui
sont accordées aux recherches nordiques ici au Québec, parce que
ceci serait conforme à la recommandation qui a été faite
au gouvernement par le comité qui a été
créé, il y a deux ans, pour étudier la recherche nordique
au Québec. Les recommandations de ce comité sont contenues dans
un rapport soumis au gouvernement qui s'intitule Les défis de la
recherche nordique au Québec. Je vous remercie.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre
délégué à l'Aménagement et au
Développement régional.
M. Gendron: Oui, toujours pour les mêmes raisons, je ne
voudrais pas être trop long. Première question rapidement parce
que votre commentaire est très clair. L'esprit est là, vous
formulez certaines demandes. Je pense que vous avez un perception qui est
sûrement exacte. Depuis l'annonce de la fermeture, je pense
qu'immanquablement le nombre de services a été réduit, il
y a sûrement une réduction de services. Il y a des gens qui sont
inquiets. Surtout quand on met trois mois entre le moment où l'on dit
qu'on arrête les activités et le moment où on annonce les
compensations, cela crée une période difficile.
Première question. Puisque vous parlez d'augmenter l'aide
financière à la recherche subarctique, les subventions, etc.,
cela signifie probablement que vous en avez, actuellement, mais que vous ne les
trouvez pas suffisantes?
M Wilkinson: On en a très peu. Ce qu'on a perdu, ce sont
les subventions de base pour les centres de recherche nordique. Les
départements continuent à recevoir des subventions pour des
projets précis, mais les subventions de base pour les centres ont
été abolies dans trois cas sur quatre.
M. Gendron: Un commentaire et une question à la fois. On
ne voit pas cela dans votre mémoire, mais c'est l'espèce de
conclusion rapide que vous faites en disant: Si demain matin le gouvernement du
Québec avait l'occasion d'augmenter et d'accroître la recherche -
là, vous ne dites pas cela de même - moi, je perçois comme
cela - les effets seraient presque automatiques sur un impact
socio-économique beaucoup plus appréciable. Le texte
intégral dit: Cela pourrait avoir, mais dans le mémoire, ce n'est
pas tellement "pourrait"; c'est presque une conclusion, presque une certitude,
selon ce que vous exprimez, d'impact socio-économique appréciable
pour la région. J'aimerais que vous creusiez cela un peu plus compte
tenu, justement, que c'est un domaine où on a un certain niveau de
recherche d'atteint. Mais - je pense que c'est un collègue de
l'Opposition qui invoquait cela - surtout si on va uniquement au volet de
l'exploration, on peut dépenser beaucoup d'argent avant d'être en
mesure d'avoir quelque chose de véritablement concret et palpable. Cela
a été un peu le problème de la Société de
développement de la Baie-James. On n'a pas eu l'occasion d'interviewer
la société, mais elle a mis
beaucoup d'argent sur l'exploration. Sauf que si on lui avait
demandé combien de développement de mines cela a donné
concrètement, on aurait eu des surprises. C'est un peu normal. C'est un
peu dans le même sens pour vous. J'aimerais savoir rapidement sur quoi
vous vous basez pour conclure que, à très court terme, l'impact
socio-économique serait mesurable, observable.
M. Wilkinson: Quand les universitaires parlent de beaucoup
d'argent, pour eux, cela implique peut-être 50 0D0 $, 60 000 $, 75 000 $
ou 100 000 $. On ne parle pas de 2 000 000 $, 3 000 000 $ ou 6 000 000 $ par
année. Il y a des projets qui donneraient des résultats
très rapides et très intéressants. Je pense, entre autres,
à la possibilité d'étudier le rôle que pourraient
jouer les tourbières de la région de Schefferville, soit pour la
production d'énergie, soit pour l'exportation à des fins
d'horticulture. Je pense que, d'ici 18 mois, on verrait quelque chose dans la
région de Schefferville. Le projet de recherche coûterait
peut-être 100 000 $, 120 000 $, mais pas plus que cela. Ici, sous peu, on
verrait des résultats.
M. Gendron: Est-ce que la station de recherche de Schefferville
est très fréquentée par des chercheurs
étrangers?
M. Wilkinson: En été, on reçoit normalement
entre 25 et 40 chercheurs, surtout des chercheurs québécois, non
seulement de l'Université McGill mais aussi des autres
universités québécoises. De temps à autre, on a des
groupes d'étrangers. Il y a deux ans, je pense, on a reçu
peut-être 15 chercheurs de la Finlande. Mais c'est surtout une station de
recherche qui s'intéresse au Nord québécois.
M. Gendron: Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député de Laurier.
M. Sirros: II y a quelque chose que je n'ai pas compris. C'est
peut-être à cause de l'heure tardive. Vous dites, d'une part, que
la station de recherche va demeurer à Schefferville. D'autre part, vous
dites que la subvention de base à la station de recherche a
été réduite à zéro. Comment allez-vous faire
pour rester?
M. Wilkinson: D'accord. Il faut toujours faire la distinction
entre le Centre d'étude et de recherche nordique, qui est
localisé à l'Université McGill, à Montréal,
et la station de recherche subarctique qui est ici à Schefferville. Le
centre, à Montréal, jusqu'ici, a obtenu surtout des subventions
provenant du programme FCAC du gouvernement du
Québec. La station de recherche subarctique, ici à
Schefferville, est subventionnée à même le budget, le "base
budget" de l'Université McGill. Donc, il n'y a aucun lien entre les
deux.
M. Sirros: Le "base budget" continue de s'appliquer?
M. Wilkinson: Cela va en diminuant, mais je pense, il y a deux
ans, que l'Université McGill a été en mesure de nous
donner environ 65 000 $ par année. Cette année, on recevra
peut-être 52 000 $. Avec le taux d'inflation que l'on connaît, la
vie commence à être pénible, mais on est presque certain de
pouvoir rester.
M. Sirros: Je ne sais pas si c'est une question que je peux vous
poser, mais êtes-vous au courant des budgets dont disposent les trois
autres centres? Les autres centres n'ont pas de station sur place? Est-ce la
seule station sur place?
M. Wilkinson: Non. Le Centre d'études nordiques de
l'Université Laval a un laboratoire à Poste-de-la-Baleine et
également, si je me rappelle bien, à Kuujjuaq, anciennement
Fort-Chimo. Mais notre station est la plus grande.
M. Sirros: Et tous et chacun se maintiennent dans l'ordre de
grandeur des universités en termes d'argent? Finalement, on ne parle pas
de millions?
M. Wilkinson: Je pense que non. M. Sirros: Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, merci, M. Wilkinson.
Il reste un autre mémoire, le numéro 18M, soit l'Association des
pourvoyeurs du nord de Schefferville, mais ils ont indiqué qu'ils
voulaient seulement le déposer. Il sera disponible au secrétariat
des commissions.
M. Chevrette: C'est un excellent mémoire auquel je
répondrai personnellement, par écrit, aux
intéressés. Cela m'intéresserait, oui.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, la commission ajourne
ses travaux à ce matin, dix heures.
(Fin de la séance à 1 h 30)