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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le jeudi 24 novembre 1983 - Vol. 27 N° 168

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes autochtones sur les droits et les besoins fondamentaux des Amérindiens et des Inuits


Journal des débats

 

(Dix heures dix-sept minutes)

Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous ouvrons aujourd'hui la séance du 24 novembre 1983 de la commission élue permanente de la présidence du conseil et de la constitution qui a pour mandat d'entendre les représentations des autochtones et des divers groupes et organismes autochtones sur les droits et les besoins fondamentaux des Amérindiens et des Inuits.

Les membres de notre commission aujourd'hui sont: M. Perron (Duplessis), M. Brouillet (Chauveau), M. Chevrette (Joliette), M. Lazure (Bertrand), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Lévesque (Taillon), M. Lafrenière (Ungava), M. Marx (D'Arcy McGee), M. Morin (Sauvé), M. Lincoln (Nelligan), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie).

Les intervenants: M. Bisaillon (Sainte-Marie), Mme Lachapelle (Dorion), M. Gauthier (Roberval), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Gratton (Gatineau), M. Rivest (Jean-Talon), M. LeMay (Gaspé), M. Maciocia (Viger).

Selon notre ordre du jour d'aujourd'hui, à 10 heures - on s'excuse, il est un peu plus tard - le Conseil attikamek-montagnais suivi par les Naskapis de Schefferville. Nous allons commencer tout de suite par le Conseil attikamek-montagnais. Donc, M. le président Gaston McKenzie, si vous voulez vous identifier et présenter aussi ceux qui vous accompagnent.

Conseil attikamek-montagnais

M. McKenzie (Gaston): Merci. Je voudrais dire qu'il y a quelques changements sur la liste de noms de ceux qui m'accompagnent. Le chef de la Réserve Weymontachie, M. Marcel Boivin, est retenu dans sa réserve, il avait autre chose à faire. Il y a aussi M. Ernest Ottawa, vice-président de notre organisation, qui est à l'hôpital. Donc, les membres qui m'accompagnent aujourd'hui sont: M. René Simon, à ma droite, chef de bande de Betsiamites et M. Armand Germain, chef de Pointe-Bleue, qui est vice-président de notre organisation.

Le Président (M. Rancourt): Nous vous écoutons, M. McKenzie.

M. McKenzie: Mesdames, messieurs, membres de la commission, nous commencerons notre présentation en situant, pour votre bénéfice, ce que notre organisation représente.

Le Conseil attikamek-montagnais est le porte-parole élu par 11 communautés amérindiennes par rapport aux 39 que compte le Québec, soit les 3 communautés attikameks de Haute-Mauricie que l'on nomme Manouane, Weymontachie et Obedjiwan ainsi que 8 communautés montagnaises que l'on nomme Pointe-Bleue, Les Escoumins, Betsiamites, Mingan, Natashquan, La Romaine, Saint-Augustin, Schefferville.

Notre population compte environ 12 000 habitants, soit un tiers des Indiens statués du Québec. Les territoires sur lesquels nous vivons s'étendent sur 250 000 milles carrés, soit plus d'un tiers de l'étendue géographique de la province.

Nous sommes donc au Québec le plus important groupe d'Amérindiens en tant que nombre, mais aussi celui qui vit depuis des temps immémoriaux sur la partie la plus étendue de cette province.

D'autre part, nous sommes actuellement le seul groupe autochtone du Québec qui avons engagé un processus de négociations officielles par la voie de négociations tant avec le gouvernement de cette province qu'avec le gouvernement fédéral et cela, depuis que la Convention de la Baie James a été conclue avec le groupe des Indiens Cris, Naskapis et Inuits.

Lors de cette entente, soit dit en passant, votre gouvernement a exigé que le gouvernement fédéral éteigne sans compensation ni négociation nos droits sur ce territoire.

Cela dit et concernant la présente audience que vous avez organisée pour entendre les divers groupes autochtones sur ce qu'ils pensent de leurs droits, nous, Attikameks et Montagnais, nous nous interrogeons tout d'abord sur l'attitude du gouvernement du Québec parallèlement aux conférences constitutionnelles d'Ottawa qui traitent du même sujet. En effet, comment expliquez-vous le fait que vous vous dites prêts à reconnaître nos droits dans les lois du Québec alors que votre gouvernement bloque le processus de conférences constitutionnelles qui doit inscrire nos droits dans la constitution canadienne?

Ce que nous entendons par nos droits, nous en avons déjà parlé lors d'autres présentations à des comités spéciaux ou à des commissions parlementaires, qu'ils soient fédéraux ou provinciaux, que ce soit pour parler de chasse, de pêche, de trappe, d'énergie, de nos territoires, de notre autonomie politique et de bien d'autres sujets.

Notre dernière représentation sur ce genre de débat ne remonte qu'au mois de mai dernier, où nous avons eu à déposer un mémoire et à témoigner devant un comité spécial de la Chambre des communes du Canada, concernant notre conception de notre autonomie.

Ce comité a fait part de ses recommandations il y a quelques jours et vous connaissez déjà sans doute l'essence de ses recommandations. Comme celles-ci correspondent à la présentation que nous lui avions faite et qu'elles sont conformes à peu de choses près à ce que l'ensemble des groupes amérindiens du Canada avaient déclaré, nous n'aurons donc pas à vous faire un exercice tellement nouveau.

Nos droits se résument à ce qui suit: Que les Attikameks et les Montagnais ont un territoire clairement identifié sur lequel ils vivaient des millénaires avant que vous arriviez;

Que ces territoires, dont vous vous êtes emparés au fur et à mesure du temps, nous ne vous les avons jamais cédés. Vous avez essayé d'imposer vos lois et vos principes jusqu'à y inverser les rôles.

Par conséquent, ce que nous exigeons comme principe fondamental, c'est que vous reconnaissiez que ces territoires nous appartiennent et qu'ils sont sous notre juridiction.

Nous considérons que toutes les exploitations et appropriations que vous avez pratiquées sur ces territoires ont été faites sans autorisation de notre part, que cela demande une réparation et que, dans l'avenir, des ententes seront nécessaires entre votre société et la nôtre pour en déterminer l'utilisation.

Il en découle qu'à l'avenir et sur les territoires que nous considérons nôtres, toutes les exploitations qui auront lieu, qu'elles concernent les ressources fauniques, naturelles renouvelables ou non, qu'elles soient industrielles ou touristiques, nécessiteront d'autres règles du jeu entre vous et nous.

Nous prétendons également avoir le droit de conserver notre propre identité d'Amérindien et, partant de cette base, nous voulons avoir notre propre autodétermination, c'est-à-dire que, sur nos territoires, nous voulons établir notre propre système politique, juridique, économique, social, administratif, éducatif et culturel. Par contre, une fois ce principe reconnu, nous pourrons, avec votre gouvernement, établir d'autres formes de relations sur un principe d'égal à égal et entre partenaires capables de trouver des solutions et des accords acceptables pour nos deux sociétés.

Nous ne prétendons pas arrêter le progrès auquel nous voulons participer, mais nous ne voulons pas que, pour autant, il doive nous détruire. Nous ne voulons pas non plus faire un État dans l'État, ni ériger des barrières ou des frontières entre ce que nous considérons notre territoire et le vôtre, mais nous voulons, par contre, arrêter votre propension à croire que, dès que vous touchez quelque chose ou que vous mettez le pied dessus, cela vous appartient, vos lois s'y appliquent et tout le monde doit s'y soumettre.

Ce que nous n'acceptons toujours pas, nous Indiens, et que ni nos ancêtres ni même nos pères n'ont eu les moyens de vous dire parce qu'ils ne parlaient pas votre langue, parce qu'ils ne comprenaient pas votre système et parce qu'ils avaient confiance en vous, c'est qu'au fil des années de votre présence ici, vous vous êtes emparés de tout ce que nous possédions et que vous avez imposé partout où nous vivions toutes vos juridictions par la loi du plus fort, jusqu'à même nous considérer plus bas que le plus minoritaire des immigrants.

Votre assimilation, nous n'en voulons pas. Nous avons résisté pacifiquement, depuis que vous êtes arrivés ici, à votre volonté de nous intégrer, que ce soit par votre langue, votre éducation, vos us et coutumes ou en nous parquant sur des réserves parce que nous dérangions vos développements. Mais, nous sommes toujours là; nous circulons toujours sur nos territoires malgré les tracasseries que vous nous y imposez un peu plus chaque jour. Malgré tout, notre culture, notre langue, nos moeurs et nos habitudes existent encore et subsisteront encore demain.

C'est pourquoi nous n'avons aucune gêne à prétendre vouloir sauvegarder certaines valeurs comme celle de rester Indiens et non de devenir des Québécois ou des Euro-Canadiens. Ce droit et cette volonté de rester Indiens étant essentiellement basés sur le contrôle de nos territoires et sur les formes de juridiction que nous voulons y étendre, nécessiteront donc des relations différentes entre votre société et la nôtre.

Par contre, si vous n'en comprenez pas la nécessité à l'avenir, si vous continuez de vous conduire comme en pays conquis et au mépris du respect auquel nous avons droit de votre part en tant qu'originaires de ce pays, alors vous aurez passé à côté du véritable problème et nous pourrons penser que l'avenir ne sera pas rose pour nos deux sociétés. Vous avez sans doute encore aujourd'hui le moyen de pallier cet état de

choses et de rétablir les erreurs du passé par une réflexion qui a manqué à vos prédécesseurs; à vous d'y réfléchir.

Ce que nous savons, par contre, c'est que nous sommes déterminés, avec ou sans cette commission, à faire valoir nos droits. Nous sommes présentement en négociation avec votre gouvernement, comme avec celui d'Ottawa, et nous n'abandonnerons jamais notre volonté de faire reconnaître les droits que nous avons sur nos territoires d'origine, ni celui d'exister, ni celui de vivre différemment de vous.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens.

(10 h 30)

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux d'abord remercier M. McKenzie et ses amis qui l'accompagnent. Je veux les assurer tout de suite de notre intention d'écouter avec une oreille très attentive les représentations de leur groupe. Comme vous l'avez vous-même noté au tout début, votre groupe est un des plus importants au Québec. Je voudrais tout d'abord relever une certaine confusion qui existe parce que vous avez envoyé une première version du mémoire qui a circulé un peu partout et ce que vous nous lisez aujourd'hui, c'est une deuxième version du mémoire.

Je voudrais, ne serait-ce que pour le journal des Débats, que vous nous indiquiez lequel des deux... Aux fins du débat d'aujourd'hui, si je comprends bien, c'est celui-ci qu'on doit suivre et discuter. Il y a eu effectivement un autre mémoire qui a été envoyé plus tôt, n'est-ce pas?

M. McKenzie: Oui, un autre mémoire a été envoyé au début. Ce que nous voulons discuter, c'est le mémoire que nous présentons ici.

M. Lazure: Bon, d'accord. La deuxième question concerne votre présence et le rôle de notre gouvernement dans la discussion actuelle qui se tient à Ottawa depuis mars 1983, c'est-à-dire la discussion constitutionnelle concernant les droits des autochtones.

Je dois répéter ce qui a été dit depuis deux jours par le premier ministre et par les membres de notre commission. Contrairement à ce que vous affirmez dans le mémoire, nous n'avons pas tenté de bloquer le processus actuel de négociations. Au contraire, nous avons dit, dès le début, que nous allions offrir aux autochtones du Québec le maximum de collaboration, même si nous n'endossions pas, nous ne partagions pas, comme vous le savez, le contenu de la constitution de 1982.

En d'autres mots, nous n'avons toujours pas l'intention de signer la déclaration, l'accord de mars 1983 qui a découlé de la conférence constitutionnelle fédérale-provinciale sur les droits des autochtones, mais, comme le premier ministre l'a affirmé depuis deux jours, nous avons l'intention de présenter à l'Assemblée nationale une résolution qui contiendra au moins autant de substance que vous en retrouvez dans l'accord de mars 1983.

Alors, je voudrais que cela soit très clair: Nous n'avons pas bloqué et nous n'avons pas l'intention de bloquer ces discussions-là. Nous avons participé. Nous y avons prêté ou, si vous voulez, mis à la disposition des autochtones qui le désiraient un siège pour qu'ils expriment leurs propres opinions à cette conférence fédérale-provinciale. D'ailleurs, en mars 1983, et c'est la deuxième question que je vous pose: Est-ce que votre collègue, M. Ottawa, n'était pas présent à la conférence fédérale-provinciale?

Le Président (M. Rancourt): M. McKenzie.

M. McKenzie: Oui, il était présent.

M. Lazure: Il était présent. Alors, je pense qu'il y a un peu de malentendu au départ. Donc, vous avez participé et M. Ottawa, qui est retenu - vous nous l'avez dit plus tôt - mais qui est quand même vice-président du conseil, a participé à la conférence fédérale-provinciale. Pour nous, cela devrait être clair une fois pour toutes: vous êtes les bienvenus chaque fois que vous voulez - comme d'autres autochtones du Québec l'ont fait - utiliser les sièges que nous mettons à la disposition des groupes autochtones.

Une troisième remarque concerne aussi une affirmation que vous faites vers la fin de votre mémoire, lorsque vous parlez de "notre" assimilation. Je pense que la meilleure façon de vous rassurer à cet égard, la meilleure façon de bien démontrer que, même si cela fut le cas dans le passé dans notre société québécoise - et cela n'est pas une question de parti ou de gouvernement... Je pense que tout le monde va reconnaître qu'il y a eu, tant de la part de la société qui était représentée par le gouvernement fédéral que de la société qui était représentée par les gouvernements du Québec, il y a certainement eu, dans le passé, des tentatives plus ou moins directes, plus ou moins avouées d'assimilation. Mais nous n'avons certainement pas l'intention de continuer dans cette direction. Vous connaissez les quinze principes qui vous ont été communiqués par le premier ministre du Québec. Et, précisément, l'un de ces principes, c'est la reconnaissance du droit aux nations autochtones de se développer selon leurs propres critères, selon leurs

propres croyances et selon leurs propres aspirations.

Ceci étant établi, M. le Président, pour essayer de clarifier et d'améliorer le climat dans le dialogue, il reste que nous avons des problèmes. Les négociations sont commencées avec vous; vous l'avez dit vous-mêmes, sinon dans ce mémoire-ci, dans l'autre mémoire. Il y a déjà eu plusieurs rencontres et les négociations, quant à nous, sont tout à fait justifiées. Dans l'actuelle Convention de la Baie James, à l'article 2.14, il est dit: "Le Québec s'engage à négocier, avec les autres Indiens ou Inuits, toute revendication qu'ils peuvent avoir relativement au territoire." Nous savons pertinemment que le territoire du Nouveau-Québec a été traditionnellement pour vous un territoire de chasse. Cela, nous le savons. Et, à cause de toutes ces données historiques, sur la base de l'article 2.14 de la Convention de la Baie James que nous voulons toujours respecter, nous avons entamé des négociations avec vous. Il y a eu un certain nombre de réunions. La dernière remonte au 12 octobre 1983. On me dit que les deux parties, à ce moment-là, ont convenu de ne plus tenir de réunions pour un certain temps afin de permettre au Conseil attikamek-montagnais de compléter la préparation de certains dossiers.

En résumé, je voudrais assurer M. McKenzie de notre bonne foi, de notre désir de négocier sur la base de l'article 2.14 de la Convention de la Baie James. Nous disons: Continuons les rencontres. Aussitôt que vous nous ferez signe, aussitôt que vous aurez complété certains dossiers particuliers, nous reprendrons ces réunions qui seront tenues de façon assez régulière. Merci.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Mont-Royal, si vous voulez...

M. Ciaccia: Est-ce que je peux faire un commentaire?

Le Président (M. Rancourt): Des commentaires au départ et peut-être des questions par la suite.

M. Ciaccia: Très bien. M. le Président, je veux souhaiter la bienvenue au Conseil attikamek-montagnais et le remercier de son mémoire. Nous sommes très sympathiques, nous comprenons les problèmes de négociations, les positions que vous avez prises et les difficultés que vos communautés connaissent.

Le ministre a soulevé la question constitutionnelle, le fait que le gouvernement, le premier ministre s'était engagé à faire adopter par l'Assemblée nationale une résolution qui, en somme, aurait le même contenu, contiendrait les termes et les conditions de l'accord de 1983. Autrement dit, le Québec ferait adopter comme loi ou comme résolution à l'Assemblée nationale l'entente constitutionnelle de 1983.

Mme Lavoie-Roux: Et même un peu plus.

M. Ciaccia: Oui, le premier ministre a dit: "même un peu plus". Vous savez, il faudrait comprendre que cela n'a pas la même valeur que si le Québec avait adopté formellement et avait signé l'accord, parce qu'une résolution de l'Assemblée nationale... Premièrement, si c'est une résolution, c'est symbolique et cela n'a pas un effet législatif. Si c'est une loi, si cela va plus loin qu'une résolution et que c'est adopté comme une loi, cela n'a pas le même effet que si ces droits sont enchâssés dans la constitution canadienne. Une loi de l'Assemblée nationale peut être changée ou modifiée par une autre loi de l'Assemblée nationale par une simple majorité des membres élus à l'Assemblée nationale, autrement dit par le gouvernement.

Il faudrait donc comprendre exactement les engagements que le gouvernement prend envers vous. Il ne faudrait pas que, parce qu'il y a des problèmes constitutionnels entre ce gouvernement et le gouvernement fédéral, cela soit au détriment des Amérindiens et des droits des Amérindiens. D'après nous, c'est la loi constitutionnelle, c'est la constitution du Canada qui est la loi du pays et nous sommes d'accord que, pour que vos droits soient vraiment protégés, il n'est pas suffisant que l'Assemblée nationale adopte une loi. Il faut que ces droits soient enchâssés dans la constitution canadienne afin qu'ils ne puissent être changés unilatéralement ni par le gouvernement fédéral, ni par une des provinces. Cela prendrait un amendement à la constitution avec les protections qui ont été incluses dans l'accord de 1983, indiquant qu'ils doivent vous consulter, que vous devez participer, tout le processus constitutionnel qui garantirait vos droits.

Je pense qu'il faut établir ce point clairement et que le gouvernement ne devrait pas essayer de donner l'impression que c'est le gouvernement du Québec qui va protéger les droits de la même façon qu'ils sont protégés dans la constitution canadienne. On apprécie l'intention du gouvernement de s'assurer que, au Québec, vos droits sont protégés, mais la protection n'est pas la même. Elle est plutôt symbolique et cela fut amorcé non par le gouvernement du Québec, mais par les groupes autochtones. Ils ont demandé à toutes les provinces de s'assurer que leurs droits sont protégés dans la constitution. Les efforts - on doit l'admettre - sont venus de la part des autochtones; nous les appuyons et nous espérons qu'ils porteront fruit parce que c'est une chose de dire que les droits sont protégés dans la constitution,

mais il faut aussi définir les droits. C'est à ce niveau que je trouve que le gouvernement du Québec ne va pas tout à fait assez loin parce qu'il est d'accord pour dire que vos droits seront protégés, mais il faudrait qu'il négocie et qu'il explicite ces droits; non seulement le gouvernement du Québec, mais aussi le gouvernement fédéral. C'est une remarque que je voulais faire en ce qui concerne l'aspect constitutionnel, les discussions constitutionnelles et la protection dans la constitution des droits aborigènes.

Deuxième remarque qui concerne les négociations auxquelles vous vous référez dans votre mémoire. Nous étions à une commission parlementaire à Schefferville - je crois que le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche était avec nous - et vous avez fait une présentation où vous faisiez valoir que vous étiez en négociation. Pourriez-vous nous dire à quelle étape vous en êtes dans cette négociation? Est-ce une négociation tripartite? Est-ce que cela implique le gouvernement fédéral, le gouvernement du Québec et vos communautés? Est-ce qu'il y a eu du progrès dans les négociations depuis que nous nous sommes rencontrés à Schefferville?

Le Président (M. Rancourt): M. McKenzie. (10 h 45)

M. McKenzie: Je pourrais peut-être répondre que, s'il y a eu du progrès dans les négociations, nous pensons... Souvent on pose la question, à savoir si votre gouvernement veut négocier avec nous. De la façon dont se déroulent les négociations, souvent on arrête et on dit: Écoutez, est-ce que le gouvernement est vraiment sérieux dans son désir de négocier avec nous? Le gouvernement n'est peut-être pas prêt. Je ne le sais pas. C'est ce qu'on dit souvent. Dans les négociations, cela ne fonctionne pas comme cela devrait fonctionner à ce jour.

M. Ciaccia: Si je comprends bien, vous dites que vous avez commencé des négociations, mais que, dans votre esprit, vous doutez du désir du gouvernement de vouloir vraiment en arriver à compléter ou à conclure ces négociations. Si je vous comprends, il ne semble pas y avoir de progrès dans les négociations avec le gouvernement. Est-ce exact?

Le Président (M. Rancourt): M.

McKenzie.

M. Simon (René): Je peux répondre à la question qui a été posée. En tant qu'ex-président du Conseil attikamek-montagnais, j'ai participé assez étroitement à toute l'élaboration du processus de négociation avec les deux gouvernenements. C'est une négociation tripartite. Sans faire l'historique au complet de tout ce processus qui a été mis en marche, on pourrait dire que les démarches ont été amorcées lors de la présentation qu'on a soumise au Comité permanent des Affaires indiennes sur le bill C-9. À la suite de cela, le ministère des Affaires indiennes, notamment le gouvernement du Canada, a perçu le mémoire comme étant très positif, en ce sens que, d'après la présentation que nous avions faite, il y avait des droits attikamègues-montagnais qui avaient été éteints et que nous étions en plein droit de pouvoir amorcer des négociations. Ce qui arrive, lorsqu'on parle du processus de négociation du côté fédéral, c'est-à-dire de la politique qui est mise de l'avant à l'heure actuelle, c'est qu'on dit aux Indiens: Prouvez que, dans tel territoire, vous avez des droits. Prouvez que, dans tel territoire, il y a une occupation effective des Attikameks et des Montagnais. Cela est peut-être un point négatif pour nous en tant que nation indienne. Nous avons toujours le fardeau de la preuve, c'est-à-dire qu'il faut toujours prouver que nous avons été les premiers habitants.

La politique du ministère des Affaires indiennes reste la même à l'heure actuelle, même avec tout le contexte des pourparlers en ce qui concerne la constitution. On demande aux Indiens de bien vouloir prouver précisément qu'ils ont des droits. Le but final de tout le processus de négociation -cela est une politique du gouvernement fédéral qui n'est pas encore changée - c'est purement et simplement l'extinction des droits. Nous nous sommes dit: Étant donné qu'il y a un processus de négociation... Le Québec est assez familier avec le dossier. Lorsqu'on a décidé d'amorcer le processus de négociation, il y avait un certain bon vouloir de notre côté et il y avait aussi une certaine confiance à l'égard du gouvernement du Québec, surtout avec toutes les allégations du premier ministre et des ministres à l'endroit des autochtones. Pour nous, c'était de bon augure d'aller nous asseoir avec le gouvernement du Québec et d'essayer d'éclaircir la notion de droit des Attikameks-Montagnais.

Je sais aussi pertinemment que le gouvernement du Québec nous a dit que, pour la négociation avec les Attikamègues-Montagnais, il était prêt, peut-être pas à éliminer d'une façon totale la question de l'extinction de droits, mais peut-être à l'aborder d'une autre façon et à prendre une autre approche.

Le point fondamental dans cela, c'est toujours le fédéral, qui a le gros bout du bâton et qui ne veut pas changer sa politique. On parle présentement d'enchâsser des droits autochtones dans la constitution alors que la politique demeure la même. À ce sujet, il y a un rapport qui vient d'être présenté en ce qui concerne les Affaires

indiennes et qui est assez positif, à mon sens, si le rapport est adopté. Cela concerne l'autonomie politique des Indiens au Canada. Sur ce sujet, je crois qu'il y a une recommandation qui spécifie très clairement que le fédéral devrait changer sa politique quand on parle des négociations, notamment en ce qui concerne tout l'aspect de l'extinction de droits. Quand on regarde toute la bataille que les Indiens livrent actuellement et ont livrée dans le passé à l'égard des gouvernements, qu'il s'agisse des gouvernements provinciaux ou fédéral, il a toujours été question de la notion de reconnaissance de droits et non de revendications dans le sens négatif, dans le sens: On négocie, mais c'est afin d'éteindre les droits.

Dans cette commission, beaucoup de mémoires ont été présentés dans ce sens, notamment par les Inuits et aussi par d'autres groupes. Si les négociations amorcées avec le gouvernement du Québec semblent avancer à pas très lourds, c'est dans ce contexte, car on est prêt, en suivant la politique des Affaires indiennes, à éclaircir, clarifier et identifier des droits. Mais que l'on ne vienne pas nous dire: D'accord, on est prêt à discuter d'éducation. Que voulez-vous en matière d'éducation? On est prêt à discuter des services sociaux. On est prêt à discuter de la santé. Pour nous, ce sont des choses acquises sur le plan de la constitution, quand on regarde l'article 91.24 de la constitution de 1867 où le gouvernement fédéral est mandataire en tant que gouvernement auprès des Indiens et des terres réservées aux Indiens. Alors, pour nous, ce ne sont pas des choses négociables. Ce sont des acquis pour tout citoyen québécois, canadien-français ou indien. C'est un élément essentiel pour nous.

On ne voulait pas embarquer dans un processus de négociation à caractère sectoriel. On a toujours misé sur une négociation à caractère de droits, comme la politique des Affaires indiennes. On est toujours dans cette vague de négociations.

Tout à l'heure, on a parlé de l'article 2.14 de la Convention de la Baie James. On l'a soulevé à une séance de négociation. Le gouvernement du Québec nous a dit un peu ce que M. Lazure nous disait tout à l'heure: C'est une obligation du gouvernement du Québec de négocier cette partie de la Convention de la Baie James, si effectivement les Attikameks-Montagnais ont des droits. Mais, pour nous, c'est une obligation morale et non pas une obligation juridique.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, si le processus de négociations ne se révèle pas totalement négatif, il y a toujours un conflit, il y a tout le processus constitutionnel qui est mis en marche à l'heure actuelle afin d'identifier ces droits et de les enchâsser au niveau de la nouvelle constitution. D'un autre côté, on essaie d'identifier ces mêmes droits par le processus de négociations mis de l'avant par le gouvernement fédéral, entériné peut-être d'une certaine façon par le gouvernement du Québec et qui vise l'extinction de droits. Alors, c'est tout ce contexte qui fait qu'on se pose pas mal de questions quand on parle de négociations.

M. Ciaccia: M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je pourrais faire une suggestion au gouvernement, en me fondant sur ce qu'on a vécu dans l'entente de la Baie James. Je pense que l'initiative des négociations... Je comprends que la juridiction des Indiens est de juridiction fédérale, mais, si on s'en tient strictement à la question de juridiction, la question juridique, on n'arrivera jamais... Si on avait adopté cette attitude dans la Convention de la Baie James, on n'en serait jamais arrivé à une entente finale. Je suggérerais au gouvernement de prendre l'initiative. Même si, de fait, la constitution prévoit que c'est le gouvernement fédéral qui a juridiction sur les Indiens en matière des affaires indiennes, le fait est que les Indiens du Québec demeurent au Québec. Si le gouvernement prenait l'initiative dans ces négociations sans attendre le ministère des Affaires indiennes et sans s'immiscer dans les questions constitutionnelles... Car il serait trop facile pour des fins politiques de dire: Voici un autre exemple où le fédéralisme ne fonctionne pas. On ne peut même pas en arriver à des ententes avec les peuples autochtones.

Il y a un engagement moral et on devrait le voir au niveau de l'engagement moral en prenant l'initiative de négocier avec vous vos droits, de la part du gouvernement du Québec. Si le gouvernement fédéral veut embarquer par la suite, il le fera. Moralement, il sera obligé de le faire, mais, si personne ici n'en prend l'initiative, ces négociations peuvent traîner et n'aboutiront pas dans notre génération; cela va continuer d'une génération à l'autre et on aura toujours le problème fédéral-provincial. Alors, je fais la suggestion au gouvernement d'oublier les querelles constitutionnelles, de s'asseoir avec vous et d'entamer les négociations concernant vos droits, afin de résoudre les problèmes que vous vivez dans vos communautés.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens.

M. Lazure: M. le Président. Je suis content des précisions que M. Simon a apportées en disant que, si les négociations

amorcées entre le Québec et le Conseil attikamek-montagnais ne progressent pas plus vite, c'est à cause, en bonne partie, de l'autre processus qui est aussi en cours.

Je vais revenir à la suggestion. M. le député de Mont-Royal est bien généreux. Il essaie d'aider le gouvernement et on le remercie. Sur cette question, le gouvernement n'a pas attendu les suggestions du député de Mont-Royal. Le 24 septembre 1980, en réponse au mémoire que vous aviez soumis au gouvernement en janvier 1980, ce dernier soumettait sa position officielle. C'est depuis ce temps-là qu'il y a des négociations. Dans la position officielle du gouvernement du Québec, en 1980 - je ne lirai pas tout le texte, mais un paragraphe, car vous y avez fait allusion tout à l'heure dans votre mémoire - on dit: "Le gouvernement ne fait pas de l'extinction des droits une condition préalable aux ententes qui pourraient être élaborées et conclues entre le gouvernement du Québec et les Attikamègues-Montagnais." On n'en fait pas une condition préalable de l'extinction des droits. On est d'accord pour faire ce que le député de Mont-Royal suggère un peu à retardement. Si je compte l'ensemble des réunions de négociation, il y a eu trois rencontres avec le premier ministre, en juin et en septembre 1980, ensuite, en avril 1982. Au cours de la dernière période, soit d'avril 1983 à aujourd'hui, il y a eu sept réunions. On veut accélérer.

Voici une des questions que j'allais vous poser: Est-ce que vous êtes intéressés à accélérer le rythme de la négociation? On est disposé à le faire. Je vous renvoie la même question que celle que vous m'avez posée tout à l'heure.

Le Président (M. Rancourt): M.

Mckenzie.

M. Mckenzie: Peut-être que je vais vous poser la question d'une autre façon. J'aurais peut-être dû dire: Si vous êtes prêts à accepter le territoire que nous réclamons, à nous reconnaître comme gouvernement indien, nous sommes prêts à recommencer à n'importe quel temps. On pourra discuter d'égal à égal, d'un gouvernement à l'autre.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je pense que vous étiez ici hier quand le premier ministre - j'y ai fait allusion tout à l'heure -a dit que nous allions, d'ici la fin de l'année 1983, soit par une résolution de l'Assemblée nationale, par un projet de loi, ou encore par le biais de la Charte des droits et libertés de la personne - la formule exacte reste à trouver - exprimer de façon très claire la volonté du Québec d'accorder une autonomie.

Bien sûr que cette autonomie doit tenir compte du fait que vous vivez dans un territoire qui relève du gouvernement du Québec. Par conséquent, la réponse que je donne à votre question est positive quant à ce volet de l'autonomie.

Quant à l'autre volet, le territoire, les délimitations exactes du territoire, il faut continuer les discussions. Je constate que vous êtes intéressés à accélérer. Nous allons faire l'impossible pour que les réunions se tiennent de façon plus fréquente encore. (11 heures)

Si vous me permettez, je ferai une dernière série de remarques en réaction aux propos du député de Mont-Royal. Le député de Mont-Royal a parlé longuement, en s'adressant aux Attikameks-Montagnais, de l'importance de voir leurs droits enchâssés dans la constitution du Canada où, selon lui, cette sécurité que vous recherchez serait plus solide qu'une affirmation législative de notre Assemblée.

Le député de Mont-Royal disait: Ce n'est pas parce que ce gouvernement-ci au Québec a des problèmes avec le gouvernement fédéral qu'il faut vous empêcher d'avoir cette sécurité. Premièrement, je lui rappelle que, lorsque le gouvernement du Québec a adopté une résolution à l'Assemblée nationale dénonçant la constitution canadienne dans son état actuel, l'Opposition - son parti, sauf neuf députés - a voté avec nous. Cette résolution stipulait de façon très claire à quelles conditions nous serions prêts à reconnaître la constitution du Canada à la suite du rapatriement. Son parti a été solidaire de cela et je le lui rappelle. Mais le plus important, c'est de lui rappeler aussi que le Québec, contrairement à ce qu'il laisse entendre, ne s'est pas opposé au processus de discussions constitutionnelles qui se tiennent actuellement à Ottawa. Nous y participons de façon active avec les autochtones et, parce que nous ne nous sommes pas opposés, l'accord de 1983 fait maintenant partie de la constitution du Canada, pour l'information du député de Mont-Royal.

Vous avez donc la protection dont parlait le député de Mont-Royal et, si vous l'avez, c'est parce que le Québec ne s'est pas opposé à ce que cela soit enchâssé. On a beau rire, mais si on se donne la peine de suivre le dossier - un dossier qui est très complexe - on va reconnaître que c'est la vérité. C'est pour cela que nous allons continuer à participer à ces discussions fédérales-provinciales.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je voudrais relever deux points du ministre qui ne sont pas tout à fait exacts.

Mme Lavoie-Roux: Ce ne sera pas la première fois.

M. Ciaccia: Ma collègue de L'Acadie dit que ce ne sera pas la première fois.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Ciaccia: Premièrement, c'est vrai que le gouvernement du Parti québécois a fait adopter par l'Assemblée nationale une résolution s'opposant au processus par lequel le gouvernement fédéral se proposait d'adopter une nouvelle constitution canadienne. Il y a eu neuf membres du Parti libéral... Parce que nous sommes un parti assez démocratique, on respecte...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Ciaccia: ...la liberté de conscience de chacun de nous. Quatre de ces neufs sont assis à cette commission parlementaire.

M. Lazure: Quatre sur six...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Ciaccia: Mais ce que le ministre a oublié de vous dire...

M. Lazure: ...ce n'est pas très représentatif.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Ciaccia: C'est de cela qu'on parle quand on parle de demi-vérité. Il faut dire la vérité, toute la vérité, pas seulement la moitié. Ce que le ministre a oublié de vous dire, c'est qu'une fois que la constitution canadienne a été adoptée par le gouvernement fédéral l'Opposition l'a acceptée comme la loi du pays. Cela se peut et c'est vrai que l'Opposition avait certaines réticences, certaines questions à soulever quant à l'implication du gouvernement du Québec. Mais, une fois qu'elle a été adoptée, nous l'avons acceptée comme la loi du pays, contrairement à ce que nos amis à côté de nous font. C'est pour cela qu'une fois qu'on l'accepte comme la loi du pays cela protège vos droits.

L'autre demi-vérité - je pense qu'il faut lui pardonner parce qu'il n'est peut-être pas tout à fait au courant du processus constitutionnel - c'est de dire: Parce que nous ne nous sommes pas opposés à l'accord 1983, vous avez ces droits. Ils auraient pu s'y opposer autant qu'ils le voulaient mais, une fois que sept provinces acceptaient la formule, cela devenait un amendement constitutionnel, même s'ils s'opposaient à cela. Ce que le ministre veut dire, c'est que le Québec a le droit de retrait; c'est cela qu'il veut dire. Il pourrait exercer un droit de retrait quant à cet amendement. Si le gouvernement du Québec exerçait ce droit de retrait, cela voudrait dire qu'il n'accepterait pas la protection de vos droits dans la constitution. Je pense que vos droits seraient protégés quand même parce que c'est de juridiction fédérale.

Alors, ce que le ministre vient de nous dire, c'est que le Québec n'exercera pas le droit de retrait. Et pour démontrer concrètement qu'il ne l'exerce pas, ce droit de retrait, il va faire adopter, je présume, une résolution à l'Assemblée nationale confirmant qu'il accepte l'accord de 1983.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. Je voudrais, tout d'abord, souhaiter la bienvenue aux Attikamègues-Montagnais, en particulier à M. McKenzie qui est le président du conseil.

J'aurais trois points à soulever quant à votre mémoire. À la page 1, vous faites mention des communautés attikamègues qui font partie du conseil, soit celles de Haute-Mauricie que l'on nomme Manouane, Weymontachie et Obedjiwan, ainsi que de huit communautés montagnaises que l'on nomme Pointe-Bleue, Les Escoumins, Betsiamites, Mingan, Natashquan, La Romaine, Saint-Augustin et Schefferville.

Je remarque que le nom de la bande Sept-Îles Malioténam n'est pas inclus à l'intérieur du Conseil Attikamègues-Montagnais. Est-ce que vous pourriez nous donner les raisons qui font que la bande Sept-îles Malioténam ne fait pas encore partie ou s'est retirée, plutôt du Conseil Attikamègues-Montagnais?

Le Président (M. Rancourt): M.

McKenzie.

M. McKenzie: Ce qui est arrivé, c'est que ces gens de Sept-îles se sont retirés du conseil attikamèque. Je pense qu'ils se sont retirés pour bien des affaires. Étant donné que vous êtes dans ce comté-là, que vous êtes plus souvent à Sept-îles que moi, probablement que vous pouvez demander au Conseil de bande de Sept-îles pourquoi il s'est retiré, pourquoi il ne fait pas partie de notre organisation. Nous, ces gens nous ont dit qu'ils se retiraient. C'est à eux de décider; ce n'est pas à nous de décider pour la bande de Sept-îles.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Duplessis.

M. Perron: M. McKenzie, je comprends très bien; je m'attendais, d'ailleurs, à une telle réponse. Je pensais que vous étiez informé des raisons fondamentales pour lesquelles la bande Malioténam ne faisait pas partie du conseil. De toute façon, je vais poser la question au chef de la bande Sept-Îles Malioténam et, à ce moment-là, j'aurai sûrement une réponse adéquate. Mais je comprends très bien que vous ne pouvez pas la donner parce qu'eux aussi ont le droit de retrait et d'engagement.

Maintenant, M. le Président, au bas de la page 1, vous dites: "Lors de cette entente, soit dit en passant, votre gouvernement a exigé que le gouvernement fédéral éteigne, sans compensation ni négociation, nos droits sur ce territoire." Si je comprends bien, ce sont les droits qui auraient été donnés aux Inuits et aux Cris ou encore aux Naskapis de Schefferville. Si je comprends bien aussi, vous faites allusion à l'entente qui a été signée le 11 novembre 1975 par l'ancien gouvernement. Là, vous comprendrez pourquoi j'apporte une correction. Lorsque vous parlez de "votre gouvernement", je voudrais plutôt spécifier que c'est le gouvernement du temps parce que nous n'étions pas présents lors de la signature de la Convention de la Baie James, malgré qu'elle ait été endossée par le parti que je représente.

Ma question a deux volets et concerne ce à quoi vous vous opposez en rapport avec l'entente de la Baie James et du Nord québécois; elle a deux volets, parce que je voudrais avoir une réponse dans les deux sens. Est-ce que le gouvernement du temps, c'est-à-dire le gouvernement libéral de M. Bourassa, vous a approchés sur cette question, lors des négociations avec les Inuits et les Cris? Ma deuxième question va dans l'autre sens. Est-ce que le Conseil Attikamègues-Montagnais, ou les Montagnais, ou les Attikamèques, ont approché le gouvernement du temps, c'est-à-dire le gouvernement de M. Bourassa, pour faire valoir leurs propres positions quant au territoire et quant aux besoins?

Le Président (M. Rancourt): M.

McKenzie.

M. McKenzie: Quand on parle de l'entente signée entre les Cris, les Naskapis et les Inuits, sur le territoire, on avait des droits qu'on a toujours malgré la signature de l'entente. Donc, on a toujours des droits sur le territoire. Vous demandez s'il y a eu des approches. Il y a eu des discussions entre le gouvernement fédéral et nous, du Conseil de bande de Schefferville, au moment où le CAM n'existait pas encore. On avait fait valoir ces droits et, dans le temps, les gouvernements disaient... Pour nous, l'ancien gouvernement ou le gouvernement actuel, c'est le gouvernement québécois.

M. Perron: Mais pas pour moi.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît:

M. McKenzie: Quand on discute avec le Québec, on discute avec le Québec; il n'y a pas de différence. Ce qui est arrivé, c'est que, dans le temps, on a eu la chance de discuter avec l'ancien gouvernement - si vous voulez des précisions - et on a eu la chance de discuter avec les membres du gouvernement actuel dans ce temps-là. Et les deux disaient la même chose. Ils disaient: Vous ne savez même pas si vous êtes touchés par l'entente, parce que l'entente n'est pas signée. Une fois que l'entente a été signée, on est revenu pour parler avec le nouveau gouvernement et il a dit: Si vous voulez faire valoir vos droits, il s'agit simplement de vous asseoir à la table comme les autres l'ont fait. Mais la façon dont ils voulaient procéder alors n'a pas changé aujourd'hui. Nous, on n'est pas d'accord sur la façon dont le gouvernement veut négocier.

M. Perron: Ma dernière question se rapporte aux négociations qu'il y a entre le gouvernement du Québec et le Conseil Attikamègues-Montagnais. Nous sommes présentement en négociations avec votre gouvernement, c'est-à-dire celui qui est en place actuellement. Vous avez mentionné que les négociations n'allaient pas selon votre goût. De mémoire, M. Simon a dit devant les membres de cette commission qu'il y avait deux conditions préalables - et vous me corrigerez, M. Simon, si ce n'est pas le cas - à ce que des négociations positives soient entreprises entre le gouvernement du Québec et le Conseil Attikamègues-Montagnais. Les deux conditions étaient les suivantes: premièrement, la reconnaissance du territoire que vous convoitez; deuxièmement, la reconnaissance d'un gouvernement autonome. M. le ministre Lazure a répondu à la question du gouvernement autonome en rapportant les paroles du premier ministre, M. Lévesque. Est-ce que la question du territoire - donc, la première que j'ai soulevée - est vraiment une question de fond pour les Attikameks-Montagnais, pour que les négociations aillent de l'avant plus vite, ou encore que vous vous assoyiez à la table pour négocier l'ensemble d'une entente possible?

Le Président (M. Rancourt): M. Simon.

M. Simon: Je ne voudrais pas revenir sur tout le contexte des négociations qui sont en cours entre le CAM et le gouvernement du Québec. Mais je sais que, de mémoire - et je pense que le gouvernement

du Québec est au courant et le gouvernement fédéral aussi - on a essayé, dans la mesure du possible, d'assister à toutes les commissions parlementaires, aux commissions permanentes, etc. On a présenté une série de mémoires. Si on avait voulu vous présenter tous les mémoires qui ont suivi, on en aurait eu pour toute la journée à discuter des positions qu'on a prises à différentes instances. Même là, je pense que la position officielle qui est ressortie, justement avant le début d'une amorce de négociation, c'est qu'il y a eu une consultation au niveau des bandes sur la position à véhiculer et à prôner si jamais une négociation était entreprise. (11 h 15)

Le point fondamental, je pense que vous l'avez touché. Deux conditions ont été posées aux deux niveaux de gouvernement et cela nous l'avons fait aussi au niveau du Tribunal Russell, étant donné que le Québec fait partie du gouvernement canadien. Deux conditions préalables ont été posées pour l'amorce des négociations, deux conditions que nous mettons de l'avant en tant que groupe afin que de vraies négociations s'amorcent. Nous exigeons que des droits soient reconnus aux nations attikamègues-montagnaises. À ce moment-là, nous avions demandé que ces droits soient inscrits dans la constitution avant le rapatriement.

Les deux notions de droit, c'est le droit à l'autodétermination, c'est-à-dire le droit de déterminer en toute liberté notre statut politique et d'assurer notre développement économique, social et culturel. Je pense qu'il y a, d'ailleurs des articles de la loi, des articles de convention, d'entente entre divers pays dont justement le Canada fait partie. Je ne mentionnerai pas les ententes. Je peux vous mentionner la charte de l'Organisation des Nations Unies, la Convention internationale sur les droits économiques, sociaux et culturels, etc. Il y a donc le droit à l'autodétermination. Le deuxième point est le droit de propriété sur nos terres, y compris les richesses et les ressources naturelles qui s'y trouvent, ainsi que le droit de les conserver.

Quand on parle d'amorce des négociations, ce sont des points qui sont constamment revenus sur la table. Il n'y a jamais eu de position officielle des gouvernements en cette matière. De la façon dont on a commencé les négociations on se demande si les gouvernements sont sérieux dans le processus de négociations. Au Québec, on regarde la mise en place d'une structure qui s'appelle le SAGMAI et qui vise essentiellement à la normalisation des services. Cela signifie que, si les Indiens, les Attikameks-Montagnais veulent avoir des services du gouvernement du Québec, ils doivent se plier à la juridiction provinciale. C'est un point qui nous semble très négatif puisqu'on dit qu'on veut déterminer, en toute liberté, notre statut politique et tous les développements qui s'y rattachent. Ce sont des points qui, pour nous, sont primordiaux.

Pour revenir à un point qui me semble important - c'est la question que nous nous posons depuis l'ouverture d'une telle commission sur la recherche d'une définition de droits - la question qu'on pourrait poser au gouvernement, peu importe le parti au pouvoir, que ce soit le Parti libéral, le Parti québécois ou même le Parti rhinocéros, c'est: Le gouvernement est-il sérieux dans ses approches à l'endroit des Indiens lorsqu'il parle de redonner peut-être la place qui revient aux Indiens à l'intérieur de la société québécoise et à l'intérieur de la société canadienne? C'est la question primordiale qu'on se pose.

L'autre point est la position que le gouvernement du Québec prône actuellement à l'endroit de la constitution, c'est-à-dire que, si ma mémoire est fidèle, lors des délibérations sur la constitution, le premier ministre a spécifié que le Québec suivrait le processus pour autant que les droits et pouvoirs du gouvernement du Québec ne seraient pas touchés. Est-ce que, dans ces droits et pouvoirs du gouvernement du Québec, les droits indiens sont exclus ou s'ils sont pris de façon séparée? C'est la question qu'on se pose. Une commission comme celle tenue ce matin nous laisse pas mal perplexes et dans une situation assez douteuse.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Duplessis.

M. Perron: M. le Président, seulement un commentaire, puis, par la suite, je demanderais au ministre de bien vouloir répondre aux deux questions que vous avez posées. Voici le commentaire que j'aimerais faire. Si j'ai bien compris, les deux gouvernements ne semblent pas vouloir reconnaître vos demandes et cela vaut autant pour le gouvernement du Québec que pour le gouvernement fédéral, malgré que le gouvernement fédéral ait beaucoup à dire en ce qui concerne le territoire.

Un autre commentaire. Il faut reconnaître que cette commission parlementaire a permis à plusieurs groupes de se faire entendre, autant les Attikameks-Montagnais que les Iroquois, les Cris les Inuits et d'autres. Il faut aussi souligner une chose très importante, c'est que non seulement moi-même et d'autres membres de cette commission avons beaucoup appris lors des représentations qui ont été faites, mais il y a aussi le fait que la population du Québec sera sûrement mieux informée de la situation des autochtones au Québec. C'est là un bon point.

Merci à M. McKenzie et à son groupe.

Le Président (M. Rancourt): En complément de réponse, M. le ministre.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je reviens à une question soulevée par M. Simon, qui a dit: Quand le Québec dit qu'il est présent dans la discussion constitutionnelle concernant nos droits, il y est en particulier pour veiller aux droits du Québec. Lorsque vous nous demandez si cela inclut vos droits, la réponse, c'est un oui, avec nuance. Dans la mesure où le gouvernement du Québec reconnaît de plus en plus, dans ses propres lois - je pense, notamment, à la douzaine de lois qui ont découlé de la Convention de la Baie James à l'adresse des Cris et des Inuits - certains droits découlant de discussions, découlant de négociations, des droits que vous avez réclamés et qui sont reconnus officiellement, c'est oui, quand nous parlons des droits du Québec, nous incluons vos droits. Au fur et à mesure que d'autres - on espère que cela va se multiplier -conventions pourront être signées, comme celle de la Baie James, comme celle avec les Naskapis, notre législation devient une législation de coexistence, si j'ose dire, avec la toute première société qui était ici bien avant que nos ancêtres, les Européens, arrivent. Vos ancêtres y étaient depuis très longtemps. Notre législation devient une législation de coexistence pacifique.

Je reviens à l'autre question fondamentale, celle du territoire. Je voudrais enchaîner avec ce que le député de Duplessis disait tantôt, en parlant du côté pédagogique de cette commission parlementaire. Il faut se rendre compte que, pour plusieurs de nos concitoyens et de nos concitoyennes qui suivent les débats télévisés, comme pour nous, les députés, c'est une leçon. C'est une occasion pour nous de bien prendre conscience de certaines particularités non seulement de votre histoire, mais de vos conditions de vie.

Parlons du territoire. Vous dites qu'il y a deux conditions fondamentales: l'autonomie et les limites territoriales. Le gouvernement du Québec dans la négociation - je suis sûr que c'est la même chose pour le gouvernement fédéral - ne refuse pas d'envisager votre droit territorial. Il faut bien comprendre l'ampleur du territoire qui est en cause ici. Quand on regarde la carte du Québec, le territoire que le Conseil Attikameks-Montagnais réclame comme étant le sien traditionnellement, c'est au moins la moitié du territoire du Québec, ou presque: à l'est, jusqu'à Blanc-Sablon, jusqu'au Labrador, à toutes fins utiles, y compris toute la Côte-Nord et, en allant vers l'ouest, jusqu'à Senneterre-Val-d'Or; cela inclut Schefferville et tout ce qu'il y a au coeur même du sud du Nouveau-Québec. C'est un territoire considérable. Vous dites: Historiquement, c'est notre territoire de chasse et de vie. On veut bien partir de cette donnée historique, comme vous l'interprétez, mais je pense que vous allez trouver raisonnable qu'une discussion qui part de cette base soit assez longue.

Alors, en concluant, je répète que nous sommes disposés à accélérer les négociations avec le conseil. Nous sommes aussi bien disposés à continuer de participer activement au processus en cours dans les conférences fédérales-provinciales qui concernent vos droits.

Je reviens sur le cas de Sept-Îles pour poser une dernière question. Je ne demanderai pas ce qui a causé la rupture, mais, d'après vous, y a-t-il des chances que le conseil de Sept-îles revienne dans votre groupement? Sinon, serait-il utile ou acceptable pour vous que le conseil de Sept-îles - parce qu'il y a quand même 1500 personnes à Sept-îles par rapport à 8000 ou 9000 - revienne à la même table de négociations?

Le Président (M. Rancourt): M. Simon.

M. Simon: Pour revenir à la question de Sept-îles, naturellement, cela serait souhaitable que Sept-îles fasse partie de l'organisation que l'on représente à l'heure actuelle, mais il faut répéter ce que M. Perron disait tout à l'heure: II faut respecter aussi l'idéologie d'une bande, à savoir si elle adhère à une organisation ou pas. De plus, je sais qu'il y a un processus qui a été amorcé à Sept-îles, c'est-à-dire qu'il y a quelques mois, quand j'étais président, le chef m'a appelé pour me dire qu'il y avait une consultation qui avait été faite ou qui était en cours à l'heure actuelle pour ramener les gens de Sept-îles à l'intérieur de l'organisation.

M. le Président, pour poursuivre, j'aimerais commenter ce que M. Lazure vient de dire au sujet des territoires. Effectivement, c'est le territoire qui a été occupé historiquement par les Attikameks-Montagnais, surtout quand on parle du sud du Québec. Peut-être que le territoire est très grand comme tel et c'est effectivement le cas. Actuellement, on a des problèmes avec le gouvernement de Terre-Neuve sur la question de la chasse et de la pêche. Cela fait quatre ans que l'on a soumis le dossier au gouvernement fédéral et il n'y a rien de réglé. C'est pour vous montrer l'ampleur du territoire qui a été occupé et qui est occupé effectivement par les Attikameks-Montagnais.

Pour revenir à la question de la commission, je ne voulais pas mettre en doute la validité d'une telle commission. Les mémoires qui ont été présentés, je pense, sensibilisent la population du Québec qui, à mon sens, n'est pas très familière - pour ne pas dire ignorante de cela - avec le fait

indien au Québec. Quand on regarde l'historique des Indiens au Québec, quand il y a eu la signature de la Convention de la Baie James, on aurait dit qu'on venait d'éliminer les Indiens du Québec sous prétexte qu'il y a eu une ou deux nations qui ont signé l'entente, et on a oublié les sept autres qui existaient.

Pour en venir à la question des négociations, je sais que, lorsque l'on parle de territoires, l'approche prônée par le gouvernement du Québec et par le gouvernement fédéral à l'heure actuelle se limite strictement à la notion de réserves indiennes. On dit aux Indiens: Les terres réservées aux Indiens, ce sont les réserves indiennes." Nous, ce n'est pas l'interprétation que l'on fait. Le territoire indien représente effectivement ce que M. Lazure vient de nous montrer sur la carte, c'est-à-dire le territoire qui était traditionnellement occupé et ce sont nos droits ancestraux qui sont là. Ce sont les droits territoriaux quand on parle d'une négociation aussi.

Pour toucher un point que M. Lazure vient de soulever, quand le gouvernement du Québec nous dit qu'il est disposé à discuter -je pense que c'est aussi la position du gouvernement fédéral - c'est toujours la même question que l'on se pose: Jusqu'où le gouvernement du Québec est-il disposé à discuter avec la partie autochtone? Quand on regarde la tenue d'une telle commission, on n'a jamais dévoilé - et je pense qu'il y a un manque d'honnêteté au départ - quelle était la position du gouvernement du Québec face aux droits indiens. Je ne veux pas impliquer les autres nations, mais, quand on parle strictement des droits territoriaux et de droits ancestraux, quelle est la position du gouvernement du Québec face aux Mohawks, aux Hurons, aux Micmacs, aux Abénakis? Je pense que c'est une question primordiale qui nous revient à l'idée. (11 h 30)

La position du gouvernement fédéral est, justement, basée sur des textes de loi comme la Proclamation royale. Disons que je ne veux pas entériner la position du gouvernement fédéral. Quand on parle de droits en tant que nation, je pense qu'il y a des droits historiques, une occupation historique qui a été faite soit par les Attikameks, soit par les Montagnais. Je pense que là-dessus il y a une position qui est prônée par le gouvernement du Québec. On parle justement d'informer la population québécoise sur la perception des Indiens qu'a le gouvernement du Québec.

L'autre point qui me vient à l'idée: quand on dit que le gouvernement du Québec est disposé à entreprendre des pourparlers avec des groupes autochtones, je pense qu'il faut être franc au départ. Quand on parle du droit à l'autodétermination en tant que groupe autochtone, du droit à la propriété des terres et aux ressources naturelles, je pense que c'est une demande qui est très légitime en tant que groupe, car à l'heure actuelle on n'a aucune assise économique ou financière pour se développer en tant que groupe. La seule assise que l'on a, ce sont les terres que l'on occupait historiquement. Je pense qu'on essaye d'éviter de discuter de ces points. Comme je le disais tout à l'heure, pour être franc, quand on parle de négociations en tant que groupe attikamek-montagnais, notre position c'est la position que le gouvernement du Québec a à l'heure actuelle face à la société canadienne c'est-à-dire que l'on prône la souveraineté-association en tant que groupe autochtone. Je pense que c'est un point fondamental pour nous.

Le Président (M. Rancourt): Merci. M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, quand M. Simon dit: Le gouvernement du Québec est prêt à négocier, mais jusqu'où et jusqu'à quand, la réponse, c'est jusqu'à entente. Sur la base historique, que ce soit avec l'ancien gouvernement ou avec le nôtre, des ententes ont été conclues, vous le reconnaissez. Donc, il y a eu des discussions qui sont arrivées à un résultat: non seulement la Convention de la Baie James qui touchait les Cris et les Inuits, mais aussi l'entente avec les Naskapis.

Alors, je répète que nous avons situé le cadre de la discussion, de la négociation, dans le document qui vous a été envoyé le 24 septembre 1980 - j'en ai lu un extrait tout à l'heure - et dans le document que vous avez aussi reçu en février 1983 à la suite des demandes des autochtones du Québec. Il y a là les 15 principes du gouvernement du Québec qui ont ensuite été déposés à Ottawa dans le cadre des discussions fédérales-provinciales. Je pense qu'il faut aussi dire que le Québec a été la seule province, dans le cadre de ces discussions fédérales-provinciales sur vos droits, à déposer une prise de position officielle. D'autres l'ont dit hier et avant-hier et je pense que le gouvernement du Québec n'a rien à envier aux autres gouvernements en matière de reconnaissance de droits et de relations avec les autochtones.

C'est le cadre de la négociation: la prise de position très détaillée que vous avez reçue en septembre 1980 et qui a fait démarrer les négociations; ensuite, le cadre plus général qui s'applique à tous les autochtones dans la déclaration de février 1983. Je vous répète qu'en dépit de toutes les complications et de la lenteur que nous déplorons nous-mêmes parfois, de notre côté nous sommes prêts à accélérer.

Le Président (M. Rancourt): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je vais être très brève, car je sais qu'il y a un collègue qui veut poser des questions. Ce sont deux courtes questions assez concrètes. À la page 5, vous faites allusion à votre assimilation surtout par, j'imagine, notre système d'éducation. La première question: Est-ce que tous vos enfants fréquentent les écoles des Blancs ou s'il y a des endroits où vous avez vos propres écoles?

Le Président (M. Rancourt): M.

McKenzie.

M. McKenzie: Tous les enfants vont à l'école des Blancs. Je voudrais l'expliquer. Les programmes sont ceux du Québec, mais la façon dont sont gérées certaines écoles diffère. Il y en a qui décident vraiment ce qu'ils veulent avec la prise en charge; il y en a d'autres qui vont à l'école provinciale. Les programmes sont toujours ceux du Québec.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que, dans les écoles où vous avez un plus grand regroupement d'enfants - cela dépend du nombre d'enfants qui vivent dans chaque réserve - on vous permet une certaine initiative quant aux programmes? Il reste que vous parlez d'assimilation de la culture et l'éducation est quand même un outil important - d'ailleurs, on parle beaucoup ici, au Parlement - pour la protection de la culture. Est-ce qu'il y a des endroits où on va vous laisser, même à l'intérieur des écoles des Blancs, une certaine initiative du point de vue des programmes qui permettraient justement de protéger votre culture ou d'aider à sa conservation?

Le Président (M. Rancourt): M. McKenzie.

M. McKenzie: La seule façon de faire un changement dans l'école - on pourra faire des changements comme conseil de bande -est que le gouvernement nous reconnaisse vraiment comme gouvernement indien. Là, on pourra faire des changements sur toute la ligne. Quand on fait des changements dans le moment, c'est juste par groupes et cela n'a pas tellement de force, parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, ce sont les programmes du gouvernement du Québec.

Mme Lavoie-Roux: Je demanderai peut-être au ministre tout à l'heure de voir si, concrètement, il y a des choses qui tiennent compte de la présence de vos enfants à l'intérieur des écoles.

Ma deuxième question. Vous dites: On nous a parqués sur des réserves, et nous le savons fort bien. On sait que - cela a, d'ailleurs, déjà été exprimé par la nation huronne - les réserves ne permettent plus même aux membres d'une nation de rester à l'intérieur de la réserve, compte tenu des superficies restreintes. On sait que, dans l'Ouest canadien, les réserves explosent parce qu'il y a trop de monde et, finalement, cela fait que les conditions de vie sont difficiles ou encore que les gens sont obligés de sortir et de s'en aller alors que certains désireraient rester à l'intérieur des réserves. Est-ce que c'est le cas dans vos réserves?

Le Président (M. Rancourt): M. Simon.

M. Simon: Je pense que, lorsqu'on parle de réserves, effectivement, si je me réfère aux dires des chefs de bande, nos réserves diminuent d'année en année à la suite d'arpentages. Je ne veux pas critiquer le ministère de l'Énergie et des Ressources, mais c'est l'affirmation qu'on a de certains conseils de bande. Les réserves deviennent de plus en plus petites à cause de l'accroissement de la population. Au Québec, il y a encore des groupes d'Indiens, notamment des Montagnais, qui n'ont pas de réserve. Quand on demande une réserve, il faut toujours passer par la législation fédérale et, ensuite, c'est ramené au provincial qui décide de la portion de terrain à allouer. Quand on parle justement de cette nation-là, je me réfère à l'exemple de Saint-Augustin, qui fait des demandes répétées - il y a d'autres bandes qui demandent des agrandissements - et on nous dit toujours: Ce sera difficile. C'est encore de la négociation. C'est toujours le problème qui revient.

Mme Lavoie-Roux: Ce que j'ai de la difficulté à saisir, M. Simon, c'est que, selon l'action que peut prendre le ministère de l'Énergie et des Ressources, il semble qu'on joue avec vos limites. Est-ce que vous pourriez me dire si vos titres sont clairs? Une fois qu'on vous a accordé des titres clairs, je vois difficilement comment on pourrait jouer avec vos limites. Il semble y avoir un problème là.

Le Président (M. Rancourt): M. Simon.

M. Simon: Il y a effectivement un problème. Je ne suis pas très familier avec la notion de réserve. Je sais qu'il y a trois statuts de réserves, selon justement les périodes où elles ont été créées. Il y a des problèmes de délimitation. C'est la seule réponse que je peux vous donner.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que les mesures du ministère de l'Énergie et des Ressources auxquelles vous avez fait allusion vont toujours dans le sens d'un rétrécissement de vos limites? Parfois, cela va-t-il dans le sens de l'augmentation de vos limites? Puisqu'on joue avec cela, cela pourrait aller dans les deux sens.

M. Simon: Disons qu'il y a plusieurs causes qui sont en instance et sur le point d'être présentées en tant que revendications particulières au gouvernement d'Ottawa, étant donné qu'il y a deux sortes de revendications: revendications globales et particulières. Je pense que la diminution des réserves indiennes, telles qu'elles ont été érigées d'après les périodes auxquelles je peux me référer, disons dans les périodes de 1850, 1851, 1861, cela fait justement partie d'une des demandes, d'une des revendications formulées. Je peux me référer à d'autres périodes dans les années 1900 où d'autres réserves ont été créées et, effectivement, il y a des pertes de territoires, de terrains pour plusieurs réserves au Québec.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.

Le Président (M. Rancourt): M.

McKenzie.

M. McKenzie: Peut-être que je voudrais ajouter un mot là-dessus. Ce qu'on voulait dire en parlant des réserves, c'est que le gouvernement reconnaît qu'on est des Indiens seulement quand on est dans une réserve. Ce que nous voulons ici, c'est qu'on soit des Indiens partout où on est, qu'on puisse avoir les mêmes services, qu'on soit dans une réserve ou à l'extérieur. C'est ce qu'on voulait préciser.

Mme Lavoie-Roux: Oui, j'ai saisi cette dimension, M. McKenzie. Mais il y a aussi l'autre problème qui, je sais, existe à cause de l'exiguïté des réserves, ce qui fait que, finalement, les bandes, les membres des communautés sont obligés de se diviser ou de se disperser et cela a un effet sur la survie de vos communautés ou de votre culture, je pense, à long terme. Je vous remercie.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Saguenay, j'ai un petit problème. Avant de vous autoriser à prendre la parole, comme vous n'étiez pas inscrit sur la liste des intervenants de ce matin, j'aurai à demander le consentement de la commission.

M. Lazure: Consentement.

Le Président (M. Rancourt): Donc, il y a consentement. J'ajouterai donc votre nom comme intervenant à la liste. M. le député de Saguenay, vous avez la parole.

M. Maltais: Merci, M. le Président. Merci aux gens d'en face de me donner le droit de parole. Moi aussi, j'aimerais souhaiter particulièrement la bienvenue au Conseil attikamek-montagnais. Dans mon comté, j'ai des gens de la réserve des Escoumins et de Betsiamites. Je suis très heureux que vous ayez l'occasion, pour une fois, de venir vous exprimer devant cette commission parlementaire.

Il y a bien des points qui ont été relevés par le ministre et les intervenants du Parti libéral. Dans ce qu'on a pu écouter depuis le début de la commission, je pense que tous les groupes qui sont intervenus ici nous ont dit une chose et le gouvernement a dit une autre chose. Le gouvernement a dit: Nous sommes prêts à négocier certains droits alors qu'eux nous disent, dans tous les mémoires qu'on a reçus: Nos droits ne sont pas négociables. Je pense que c'est assez clair.

Cependant, pour ne pas enchaîner un long débat là-dessus, au niveau des territoires et des réserves, je sais particulièrement qu'il y a des problèmes chez nous, dans notre comté. Ces problèmes ont été créés avec l'arrivée des ZEC. Par le passé, on a connu l'attitude, hélas, trop provocatrice de l'ancien ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. Ces problèmes ont finalement abouti à ce que beaucoup de mes concitoyens, particulièrement les gens de Betsiamites et des Escoumins, sont aux prises avec les tribunaux.

Connaissant la nouvelle attitude beaucoup plus conciliante et l'ouverture d'esprit que le premier ministre a manifestées au début de cette commission, l'attitude que le ministre délégué aux Relations avec les citoyens a affichée ici ce matin et hier, et connaissant aussi la nouvelle attitude du ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, je me demande si cela ne serait pas une occasion de rapprochement envers nos frères indiens que d'améliorer ou de prévoir un mécanisme de négociation avec eux lorsqu'on doit faire passer des ZEC dans leurs réserves.

Peut-être serait-ce aussi l'occasion, M. le ministre, dans cet esprit d'ouverture, de laisser tomber les dizaines de procédures judiciaires que certains de mes commettants dans mon comté ont présentement sur les bras, particulièrement à cause de l'imbroglio concernant les lois de la chasse et aussi de la pêche. Peut-être que M. le ministre, dans un esprit de grande ouverture, serait prêt à nous donner cela ce matin.

Le Président (M. Rancourt): J'ai compris que la question était posée au ministre du Loisir, de la Chasse et de la pêche. (11 h 45)

M. Chevrette: Comme j'avais demandé la parole, M. le Président, cela tombe bien.

Tout d'abord, je voudrais vous dire, M. le député, que je suis heureux que vous m'invitiez. C'est déjà fait, la rencontre avec le vice-président du Conseil attikamek-montagnais, M. Ottawa, qui est chef de bande de la Manouane. Cela s'est fait dans mon propre bureau de comté. Ils rencontrent

eux aussi... Il n'y a pas seulement dans votre circonscription électorale... Je pense que, dans certaines ZEC, du côté de La Tuque en particulier, il y a des difficultés, il y a même eu des actes plus ou moins répréhensibles: bris de ponceaux, barrages de routes. J'ai personnellement fait faire une enquête. Au moment où on se parle, il y a eu des rencontres avec les dirigeants des ZEC en question. J'aurai à rendre publique une position très claire, très précise là-dessus, parce que j'ai aussi l'intention de rencontrer la fédération des gestionnaires de ZEC pour qu'on adopte une attitude uniforme face aux droits des Amérindiens, d'autant plus que certains découpages de ZEC empiètent sur le territoire sous décret pour la réserve à castors. Cela crée un problème additionnel parce que l'exclusivité de trappe est accordée, à ce moment-là, aux Amérindiens et c'est l'une des difficultés majeures que l'on rencontre. J'aurai à statuer là-dessus très prochainement.

Quant aux prodécures judiciaires, je rencontrerai également M. Gourdeau, représentant du SAGMAI. C'est possible qu'on mette sur pied un comité chargé d'étudier le portrait global. On me dit que cela pourrait atteindre, dans tout le Québec, 300 à 400 dossiers. Je n'ai pas de chiffres précis à vous donner. On va regarder la nature de ces dossiers et, si jamais on peut faire des recommandations... Vous savez qu'on ne peut quand même pas trop s'immiscer dans le processus judiciaire, sauf que, d'un commun accord entre le SAGMAI et notre ministère, on peut faire des recommandations, je pense, au ministre de la Justice qui en fera ce qu'il voudra. Mais on pourrait peut-être au moins alléger. Cela se fait dans les tribunaux d'arbitrage: quand on arrive avec un trop grand nombre de griefs, on s'assoit et on dit: Cette centaine de cas qui se ressemblent, on les règle de telle ou telle façon. Cela diminue le nombre de causes en suspens et les frais de dépenses, sur le plan administratif, pour nos agents de conservation, etc.

L'autre point que je voudrais souligner, c'est la notion de négociation. Il m'apparaît qu'on ne s'entend pas tellement sur le mot "négociation". Hier, j'ai écouté avec beaucoup de plaisir. J'ai très peu parlé jusqu'ici. Depuis le début, c'est vrai qu'il n'y a pas de contradiction dans les demandes de tous les groupes; je reconnais cela, moi aussi. Mais il y a un groupe, hier, je ne me souviens pas lequel - je m'excuse, la mémoire me fait défaut - qui disait: Nous sommes les résidents, vous êtes nos invités. Le problème, c'est que le nombre d'invités a tellement grandi qu'il y a un problème de logement. Et le problème de logement de ces chers invités... Il faut qu'on les fasse manger. Je pense qu'il nous faut, avec quelque groupe que ce soit, que ce soit le gouvernement, que ce soit le Conseil attikamek-montagnais ou n'importe quelle nation, aborder maintenant la situation avec réalisme, en ce sens qu'on doit plutôt négocier la notion de partage, de partage de la ressource, de partage de coins de terre. Il faut bien vivre. On a accepté que ces invités viennent, ou ils sont venus de force, mais je ne veux pas déterrer l'histoire. Ce que je veux dire, c'est que, si on aborde cela avec cette notion de partage, je pense que les négociations avancent beaucoup plus vite qu'avec la notion de préalable.

Si on arrive en disant: Voici le territoire, si tu ne veux pas discuter en dehors de ce territoire, je ne négocie pas, c'est bien sûr que la négociation ne se fera pas. Mais, si on disait: Ecoutez, nos besoins, nos droits et notre notion de partage, c'est discutable. On a des droits fondamentaux, on les reconnaît; sur le plan social, sur le plan économique, sur le plan éducationnel dont vous avez parlé tantôt, d'accord; sur le plan politique, d'accord. Maintenant, comment peut-on s'entendre pour partager ce coin de terre qui nous appartient? Je pense que ce serait une approche beaucoup plus positive que celle voulant que, de part et d'autre, on soit obligé ou tenu de poser des préalables. C'est un peu ce que je déplore du débat jusqu'à midi moins dix aujourd'hui. Il m'apparaît que c'est toujours ce sous-entendu de préalable qui fige des positions de départ. En négociation - pour en avoir fait pendant 17 ans - il faut, à un moment donné, mettre, de part et d'autre, un peu d'eau dans son vin pour en arriver à un modus vivendi, à une façon de vivre intéressante. C'est un peu ce que j'essaie de faire au niveau des ententes ponctuelles, quand j'en ai le pouvoir - du moins, j'essaie - et il m'apparaît que, si de part et d'autre cette attitude se dégageait clairement, on pourrait en arriver à des ententes vraiment intéressantes pour tout le monde.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Brièvement, M. le Président. Cela s'adresserait à M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens.

Depuis le début, je pense que vous avez remarqué la même chose, et vous l'avez dit à quelques reprises, M. le ministre: dans le préambule de chacun des mémoires, on retrouve une condition sine qua non. C'est que la majorité de nos frères Indiens veulent que les droits soient inscrits dans la constitution canadienne. Est-ce que, à partir de l'ouverture du premier ministre qui veut, lui, par une résolution ou une motion quelconque, par une loi de l'Assemblée nationale, les inscrire dans la charte québécoise, est-ce que, M. le ministre, il ne serait pas important de voir jusqu'à quel point le gouvernement est prêt à aller pour

aider nos frères à faire inscrire leurs droits dans la constitution canadienne? Tout à l'heure, vous avez dit: On ne s'est pas opposé. D'accord, mais vous n'y étiez pas. Alors, cela voulait dire un consentement plus ou moins de bon gré. Mais je pense que ce préambule, on le retrouve dans chacun des mémoires et cela m'inquiète de voir... J'aimerais savoir jusqu'à quel point le gouvernement est prêt à faire un effort vis-à-vis de cette demande.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens.

M. Lazure: M. le Président, je comprends que le député de Saguenay soulève la question. C'est normal puisqu'il n'a pas participé à tous les débats de la commission. Nous avons répondu à plusieurs reprises, le premier ministre et moi-même, à cette question.

D'abord, je répète ce que je disais plus tôt ce matin: L'accord qui a été conclu entre les parties autochtones, d'une part, et, d'autre part, le gouvernement fédéral et les provinces, sauf le Québec, fait maintenant partie de la constitution du Canada. Il en fait partie, c'est un amendement à la constitution du Canada. Donc, les autochtones ont cette protection qu'ils voulaient et, en dépit de la nuance légaliste de M. le député de Mont-Royal, on dit la même chose: Le Québec ne s'est pas retiré ou ne s'est pas opposé. Plus que cela, le Québec a participé activement - je le répète - à la conférence des premiers ministres en 1983. J'ai moi-même participé, il y a à peine un mois, à une autre conférence fédérale-provinciale, qui prépare la prochaine conférence des premiers ministres en mars 1984.

Alors, nous avons l'intention d'être là très activement. Les représentants du Conseil attikamek-montagnais y étaient, avec la délégation du Québec, en mars 1983. Ils sont toujours invités. Cela devrait, une fois pour toutes, rassurer les craintes des groupes autochtones quant à la participation du Québec dans le processus de révision des droits des autochtones, dans un contexte fédéral-provincial.

Dans le contexte de l'Assemblée nationale du Québec, j'ai dit aussi ce matin que le premier ministre s'y était engagé d'ici à la fin de l'année 1983 - la formule exacte n'est pas trouvée - soit par une résolution qui serait votée par l'ensemble de l'Assemblée nationale, soit par une loi, soit par un ajout à la Charte des droits et libertés de la personne; il reste à trouver la formule exacte. Mais on s'est engagé à rendre officielle, dans un document de l'Assemblée nationale, au moins autant de reconnaissance que celle que contenait l'accord fédéral-provincial de mars 1983, que l'on retrouve maintenant comme amendement à la constitution, comme ajout à la constitution du Canada.

En d'autres termes, d'une part, on a fait le maximum pour que les autochtones aient ces droits inscrits dans la constitution. D'autre part, nous, on va faire le maximum, dans le cadre de nos pouvoirs à l'Assemblée nationale, pour qu'il y ait aussi la même protection, la même reconnaissance officielle de leurs droits.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je veux remercier le Conseil attikamek-montagnais. Je veux seulement dire ceci au ministre en ce qui concerne les négociations. Le ministre semble être étonné que les Montagnais réclament des droits sur le territoire du Québec, ce qui représente, d'après le ministre, à peu près la moitié...

M. Lazure: En gros, la moitié. M. Ciaccia: ...du Québec.

M. Lazure: Je ne suis pas étonné, j'ai dit que cela est impressionnant.

M. Ciaccia: C'est impressionnant. Ne soyez pas impressionné ni étonné. Les Inuits et les Cris ont réclamé des droits sur 423 000 milles carrés, ce qui représente les deux tiers du Québec. Nous avons pu en arriver à une entente avec ces gens qui représentaient approximativement une population de 11 000 habitants. Les Montagnais représentent approximativement 12 000 habitants, pour la moitié du Québec. Cela ne devrait pas être un obstacle à la négociation. Quand le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche parle d'attitude, de préalable, je crois que c'est le gouvernement qui semble créer des attitudes, des préalables. On devrait l'accepter, c'est la réclamation qu'ils font. Assoyez-vous avec eux et négociez.

Quant à la question des réserves, voilà un autre gros problème. Même la commission Dorion a recommandé au gouvernement d'établir un titre clair. En ce qui concerne les réserves spécialement pour les Montagnais, les titres ne sont pas clairs. Ce sont encore des terres de la couronne provinciale. C'est pour cela qu'on peut enlever, ajouter - on n'ajoute pas, mais on le peut - pour des fins de ressources naturelles ou de richesses naturelles, etc.

Encore une fois, je vous remercie. J'espère que les négociations seront vraiment faites de bonne foi de la part du gouvernement.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Lazure: Je veux remercier les dirigeants du Conseil attikamek-montagnais et les assurer, encore une fois, que le gouvernement est prêt à accélérer les négociations et les rencontres. Nous nous attendons que vous nous fassiez signe. Merci.

Le Président (M. Rancourt): M. McKenzie, en conclusion.

M. McKenzie: Je remercie les membres de la commission d'avoir bien voulu nous entendre.

Le Président (M. Rancourt): D'accord. Ce qui conclut la présentation du mémoire du Conseil attikamek-montagnais.

Nous demandons maintenant au groupe les Naskapis de Schefferville de bien vouloir se présenter. Nous accueillons maintenant les Naskapis de Schefferville, représentés par M. Joseph Guanish. M. Guanish, si vous voulez présenter ceux qui vous accompagnent.

Naskapis de Schefferville

M. Mameamskum (John): I have to make some corrections on that.

Le Président (M. Rancourt): Yes.

M. Mameamskum: First of all, I would like to introduce some people who are with me. On my right is Chief Joseph Guanish and, on my left, is Mr. Paul Wilkinson, an adviser for the Naskapis. My name is John Mameamskum and I represent the Naskapis. Before we start...

Le Président (M. Rancourt): Please, will you repeat your name. We cannot hear.

M. Mameamskum: My name is John Mameamskum. To my right is chief Joseph Guanish and to my left is Paul Willrinson, our adviser. Before 1 start reading the brief, I would like to have the chief say a few words to the committee members. (12 heures)

Le Président (M. Rancourt): Will you speak louder, please?

M. Guanish (Joseph): (S'exprime dans sa langue).

M. Mameamskum: The chief said that when the Naskapis want to present briefs in relation to their Agreement, it takes time and money.

M. Guanish: (S'exprime dans sa langue). M. Mameamskum: It is the implementation of the Agreement. He does not take into account spending money for purposes other than for the benefit of Naskapis.

M. Guanish: (S'exprime dans sa langue).

M. Mameamskum: The chief welcomes the committee members and is waiting for the presentation to be heard. So, I will start with our brief which is titled: Nine facts, two projects, one comment and four questions.

We, the Naskapis Nation, are no strangers to parliamentary commissions. This year only, we have already appeared before three parliamentary commissions: la commission élue permanente de la présidence du conseil et de la constitution in Schefferville, in February; the standing committee on Indian Affairs and Northern Development; the sub-committee on Indian self-government in Roberval, in May, and the special committee on the participation of the visible minorities in the Canadian society in Montréal, in October.

When we make presentations to parliamentary commissions, they are usually lengthy, well documented and highly specific. We describe our history and our present situation with particular reference to the North-Eastern Québec Agreement. We identify our hopes and aspirations. We make recommendations and requests.

The approach has sometimes given us good results and has invariably won us praises. We have decided to take a very different approach today. However, those of you who want to know more about us may consult the numerous documents that we have tabled. The only thing that we want to do today is to submit a brief list of facts, projections and questions about our society and economy. After that, we want to hear your reactions and your proposals.

Our population is approximately 400 persons of whom roughly one half today are aged less than 21 years old and one third are of working age.

Unemployment among our work force is approximately 80% in 1983. Approximately, 75% of employment among our people in 1983 were provided by the Naskapi Construction Corporation and the Naskapis Relocation Corporation.

The Naskapi Construction Corporation will employ few or no person after 1983, because there is little prospects that any forestry contracts will be awarded in the area where it operates.

The Naskapi Relocation Corporation will no longer exist at the latest by mid 1985, when it will have completed its mandate of building our new village: Kawawachikamach.

Every Naskapi who was employed in 1983 was employed in the service sector of

the economy. There is no primary sector employer in Schefferville. The only serious prospect that a primary sector employer will establish itself in Schefferville is the Iron Ore Company of Canada. It will develop the ore deposits at lac Brisson and will base its employees and primer ore treatment facilities in Schefferville.

Up to 150 jobs might be created if this development proceeds. They might become avalaible by 1987. Given the technical nature of many of these jobs, criteria for membership of trade unions and other factors, it is impossible that Naskapis would obtain more than 25 of these jobs.

Unemployment among our people will exceed 90% in 1986. Even if the Iron Ore Company of Canada develops a deposit of ore at Lake Brisson and even if, according to our optimistic projections, some 25 Naskapis obtain full-time jobs as result of this development, unemployment among our people will still be approximately 75% after 1987.

Our comment. The Northeast Québec Agreement was not designed to solve the type of problem that we described above and it is not going to do so.

Do you believe that our rights, as Naskapis and as Canadian citizens of Québec, include the same rights to a dignified, satisfying and useful life, individually and collectively, as that of the majority of the citizens of Québec?

Do you think that rates of unemployment of up to 90% are acceptable?

What are you going to do about the situation that we have described? How will you help us to help ourselves?

In closing, the Naskapis of Québec support the creation of a permanent parliamentary commission as an ongoing dialogue between the Government of Québec and the Native Peoples of Québec. We urge the members of this commission to recommend to the Government of Québec to respect agreements that it has signed or is about to sign with the Native Peoples to the intent and extent legally and politically if it wants a trust of Native Peoples that is last. Reviews are not enough. Respect for these agreements is better. Thank you very much.

Le Président (M. Rancourt): Thank you, Mr. Mameamskum. M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens.

M. Lazure: M. le Président, je voudrais d'abord féliciter les représentants du Conseil de bande des Naskapis pour cette présentation tout à fait originale. C'est une innovation. Non seulement vous avez contribué à économiser du papier, mais aussi vous nous permettez peut-être d'avoir un échange plus long, plus fructueux dans la discussion.

Deuxième remarque. Je voudrais aussi souligner, pour ceux et celles qui ne le sauraient pas, que nous avons conclu en 1978 une entente avec les Naskapis. J'aurai l'occasion un peu plus tard de faire état de certaines clauses de cette entente. Nous nous réjouissons de la collaboration avec la bande des Naskapis qui a amené cette entente. Nous voulons travailler à la réalisation de cette entente le mieux possible.

J'ai quelques questions. La première: quand vous parlez d'un taux de chômage de 80% ou 90%, est-ce que les statistiques du chômage - que ce soit 80% ou 90%, parce que vous utilisez les deux chiffres - incluent vos chasseurs et trappeurs?

M. Mameamskum: We do not include the Naskapis hunters in these figures.

M. Lazure: They are not included.

M. Mameamskum: Mr. Wilkinson will probably go further on to present his views on this.

Le Président (M. Rancourt): M.

Wilkinson.

M. Wilkinson (Paul): For the purposes of this calculation, we have treated Naskapis hunters as if they were unemployed persons.

M. Lazure: Et ils sont donc considérés comme chômeurs, je pense.

M. Wilkinson: On a traité les chasseurs comme s'ils étaient des personnes sans emploi.

M. Lazure: Ils sont donc considérés comme chômeurs.

M. Wilkinson: Oui.

M. Lazure: Bon. Je pense qu'il faut quand même faire une nuance. Je laisserai mon collègue, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la pêche, tantôt, faire certains commentaires sur une entente qui existe actuellement par laquelle vous recevez une subvention de 90000 $ ou 100 000 $, pour vos besoins de chasse et de pêche. Il n'est peut-être pas tout à fait exact de considérer vos chasseurs et vos trappeurs comme des personnes en chômage.

Deuxième remarque, j'arrive à l'entente. C'est une suggestion qui se veut constructive puisque vous posez la question: "Qu'est-ce que le gouvernement peut faire pour nous aider?" Dans l'entente, l'article 18.8 dit: "Aux fins du programme, il est institué un comité de coordination du développement de la main-d'oeuvre naskapie. Ce comité est composé de trois membres: un représentant du Canada, du Québec et des

Naskapis". On dit plus loin: Le comité exerce ses activités jusqu'à sept ans. D'abord, je veux savoir de vous ce que vous pensez de ce comité. Est-ce qu'il fonctionne bien?

L'article suivant 18.9 prévoyait que la partie autochtone naskapie embauche un agent de développement. On aimerait que vous nous donniez votre perception de ce comité et, deuxièmement, votre réaction à l'hypothèse que nous reconduisions plus longtemps ce comité de main-d'oeuvre qui en principe devrait cesser en 1985. Si cela fonctionne bien, nous serions disposés à continuer le financement de ce comité pour une période plus prolongée.

Le Président (M. Rancourt): M.

Mameamskum.

M. Mameamskum: As you may see in the section 20 of the Agreement which deals with the relocation of Naskapis outside of Schefferville, the reason why we created that section was to train Naskapis to take over the services that the town now provides, so we would have a self sufficient community. But in terms of the committee itself I think it should do more than meet. It should tackle the economic revival in the new community and within the area of Schefferville.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Lazure: Perhaps to...

M. Mameamskum: M. Wilkinson wishes to add something.

Le Président (M. Rancourt): M.

Wilkinson.

M. Wilkinson: Merci, la convention a été signée en janvier 1978, le comité a été formé en juin 1978. Je pense qu'on peut dire que, depuis ce temps, le comité a énormément accompli de choses. Le comité a toujours bien travaillé. Le comité continue de bien travailler. Je peux même dire que, en suggérant que le mandat du comité soit possiblement prolongé, vous nous avez devancés. C'est une demande qu'on avait possiblement réservée pour l'an prochain. Je pense que tous les Naskapis sont d'accord que c'est nécessaire et que c'est souhaitable. Donc, on ne veut aucunement critiquer le comité, ni les responsables des deux gouvernements qui en sont membres.

À l'article 3.1.1, nous avons souligné un point qui pour nous est très important: que la Convention du Nord-Est québécois n'a pas été conçue en vue de régler certaines catégories de problèmes. Le mandat du comité créé par le chapitre 18 est, de façon générale, de promouvoir la formation, l'éducation chez les Naskapis. Le comité le fait très bien en utilisant, entre autres choses, les ressources à Lucky Land. Le problème de base, c'est que les Naskapis qui reçoivent cette formation reviennent à Schefferville, mais que, malheureusement, il n'y a plus d'économie de base; il n'y a aucun espoir d'utiliser la formation qu'ils ont reçue. Bien sûr, la Convention du Nord-Est québécois n'a jamais eu comme objet de créer une base économique, ni pour Schefferville, ni pour les Naskapis. (12 h 15)

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je me réjouis des commentaires du représentant des Naskapis. Nous nous entendons donc pour dire qu'en principe ce comité devra voir son existence prolongée. On pourra entamer des discussions, des pourparlers sur les modalités de ce prolongement. C'est certain que le problème de chômage excessif qui nous est exposé ce matin par les Naskapis découle en grande partie de l'arrêt des activités de l'entreprise Iron Ore. C'est un peu le problème des villes qui ont une seule vocation industrielle, des villes monoindustrielles. Comme vous le savez, nous sommes à la recherche de solutions de rechange pour permettre non seulement aux Naskapis, mais à l'ensemble de la population de Schefferville de pouvoir reprendre une activité économique un peu plus normale.

M. le Président, je n'ai pas d'autres commentaires pour le moment, sauf pour me réjouir que ce comité tripartite Canada, Québec et Naskapis fonctionne bien. Pour l'ensemble du problème de la main-d'oeuvre, je peux simplement assurer nos amis les Naskapis que nous allons, avec les ministres concernés - mon collègue le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche pourra vous en parler tantôt puisqu'il a participé avec d'autres de nos collègues ministres à Schefferville à des séances auxquelles vous avez participé - tenter de trouver des solutions de rechange pour la vie économique de Schefferville.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. I want to thank the Naskapis of Schefferville for their brief. I certainly sympathize with the approach that you have used. You are telling us that you have been to so many parliamentary committees that you have hardly received the answers from governments resulting from these committees. So, rather than receiving other pats on the back for having presented a wonderful brief, etc., you have decided to be a little more realistic and say: Well, we

have problems and we are going to ask the government what they are going to do about our problems. I think it is a very down to earth and realistic approach and I certainly hope that the government can respond to the very real problems that the Naskapis have.

They have certainly been added to by the close of the Schefferville operations of Iron Ore Company and if you recall the parliamentary committee that we had in Schefferville - maybe today's approach is a result of your last exercise in Schefferville -I remember that you did present a brief and told the committee all about the Naskapis and the problems they were going through and were meeting. You actually raised one specific problem about the relocation of the village of Naskapis outside Schefferville. At that time, there was a question on the road and the maintenance of that road. I think that the road was or had been constructed but there were problems with respect to the undertakings by the government to maintain that road. Could you tell us if that problem has been resolved?

M. Mameamskum: I will get to your first point, first of all. Ever since the last some of the committee members here had been to Schefferville and since you came up in February, two thirds of the population that were present are gone now, still waiting for your recommendations that were made six months ago.

The problem that we had on the access road has been rectified. The ridge has been levelled and extended where it does not accumulate. We foresee some problems, but not as many as we have foreseen before.

M. Ciaccia: Who is responsible for the maintenance of that road now?

M. Mameamskum: It is the ministère des Transports.

M. Ciaccia: Ministère des Transports. And does the maintenance provide some employment for the people there?

M. Mameamskum: The maintenance of it: There was a tender that was opened to competitors and we tried to bid on this contract and to get some financial backing both from the Provincial and Federal Governments, and the Naskapis' backing too. But the competitor in Schefferville got it, which is Schefferville Excavation. They built the road and they say that they know the road more than anyone. But we have to live with the road. They do not have to live with the road themselves.

M. Ciaccia: I remember that committee and, of course, parliamentary committees, one of their functions is to hear what the people who present briefs to them have to say. It should normally be followed up by action on the part of the government, although in the case of Schefferville, it is a very difficult situation. But another purpose of parliamentary committees is also for you to inform the public and inform the committee of your particular problems.

Well, first of all, I am pleased to know that the Naskapi Agreement was signed and that it is being put into application. I hope that you do not have the same problems of application that the Crees and the Inuits had, because they were obliged to take legal proceedings. And I know that, in your closing remarks, you did point out to the government that, if it wants the trust of the Native Peoples, it must respect its agreements. And I hope that it takes that advice. I will let one of my colleagues ask other questions, because the time is going on. But, I want to thank you for your brief and I hope that it will be applied in accordance with the wishes of the Naskapi People.

M. Mameamskum: Thank you for your kind comments. But to go further on that, I know we do not have the same problems as the Crees and the Inuits. I think the reason they have problems is that they are in an isolated area and we have accessing facilities where we are now. Maybe the real test of the Agreement will be once Schefferville closes. Will the government respect the Agreement signed with the Nakaspis? There are a lot of "if" and we want to prepare and to make aware of our intention, the public and the government. Mr. Wilkinson has something else to add to that.

Le Président (M. Rancourt): M.

Wilkinson.

M. Wilkinson: Just on the general topic of the implementation of the Agreement, I think that where the Naskapis are perhaps experiencing difficulties is not with the implementation of what is in the Agreement; by and large, the people involved are working hard to implement it properly. Where the Naskapis are experiencing difficulty is with what is not in the Agreement or with what, even with good faith, could not be foreseen. This is the point that the chief was touching on in his introduction, that nobody - it was no one's fault - was able, for example, to anticipate how expensive, for the Natives and, no doubt, for the government, the administration, the implementation of Northeastern Québec Agreement would be.

We have just come back from a meeting of the board of directors of the Naskapi Development Corporation, the body that receives and administers the

compensation that is paid to the Naskapis under the Agreement. The Development Corporation is finding that so much money, so much of the interest on the compensation is having to be used to administer and supervise the implementation that it is leaving every year less and less money to be spent on community projects and other things for the Naskapis. And I know that the Naskapi Development Corporation did ask us to urge upon you the necessity, perhaps in a very near future, of reconsidering this aspect of the Northeastern Québec Agreement.

Le Président (M. Rancourt): Sur le même sujet, M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. First of all, I would like to welcome the Naskapis and also Mr. Wilkinson with whom I have the chance to work once in a while. By the way, I would like to congratulate you for all the work you are doing for the Naskapis, especially the nice report you have made for 1982 which I had a chance to read.

There is only one question I would like to ask to Mr. Mameamskum. The member from Mont-Royal talked about the access road to the new site. Could you tell me and tell the members of this committee what was done on the road? Because I know you had a problem around the hill where there was a lot of snow getting in the area. Was that corrected conveniently for the requests of the Naskapis?

M. Mameamskum: The hill itself was lowered. Therefore, both sides were higher than the actual level of the road. It has been levelled to a 45° angle, but it is premature to judge if it would be sufficient, because we have known Schefferville, and up in the hills, snow accumulates sooner or later, whether it is level or not.

M. Perron: Thank you very much.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. le député de Duplessis avait une question complémentaire à la vôtre concernant la route. C'est la raison pour laquelle je lui ai donné la parole.

M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. À la suite de la commission parlementaire sur Schefferville, il y a des comités interministériels qui ont siégé et il y a eu des décisions prises quant au maintien de certains services de base, en particulier pour la corporation à laquelle vous faisiez allusion tantôt. Également, au niveau de mon ministère, on m'a demandé des efforts additionnels pour maintenir certains services de loisir. Mais la solution n'est sans doute pas exclusivement au niveau du maintien de certains services, quoique cela soit essentiel. Je pense que, pour l'économie future de votre communauté, il nous faut envisager autre chose. Comme vous le soulignez, l'exploration minière est une infime partie de vos besoins par rapport au potentiel de main-d'oeuvre que vous avez à offrir.

J'avais avancé à Schefferville - j'y crois toujours, en ce qui me concerne, et j'ai un comité de travail qui oeuvre sur ce sujet - l'éventuelle commercialisation du caribou. Je sais que cela a été contesté par certains, admis par d'autres, mais, avec les statistiques que nous avons et le fort potentiel de caribou que nous possédons - il y a eu même un surcroît - par rapport au danger que cela peut comporter pour l'espèce elle-même, je pense que c'est vers ces pistes qu'il faudra s'orienter à l'avenir, à partir des richesses du milieu comme tel.

Je pense, par exemple, aussi à l'établissement de pourvoiries additionnelles. C'est sans doute possible de délimiter certains territoires et d'en offrir la gestion, ce qui crée des emplois pour le milieu à partir des ressources du milieu. Je pense au tourisme nordique comme à une autre piste qu'on pourrait explorer ensemble. Là-dessus, je peux vous dire que mon ministère est totalement ouvert à ces pistes d'avenir qui pourraient être permanentes. (12 h 30)

Entre-temps, même si le gouvernement a mis de côté, d'une certaine façon, des programmes de création d'emploi à court terme au profit d'une restructuration de soutien aux sans-travail, je pense qu'à court terme il y a possibilité, à partir des programmes du type de PECEC ou de Chantier-Québec, de venir soutenir les efforts que vous faites. Je comprends que la situation est très dramatique: 80% de chômeurs, cela ne se retrouve pas partout et vous avez raison de vous en inquiéter drôlement. D'autant plus que, comme collectivité, le fait que vous y soyez déjà extrêmement sensibles démontre toute l'importance que vous voyez pour votre communauté de maintenir un maximum d'emplois disponibles. Je vous offre un peu cette disponibilité. Déjà, nos comités de travail n'ont pas cessé depuis qu'on y est allé et on peut, sur le plan technique, je pense, avec les gens du milieu, envisager des territoires de pourvoiries, comme je vous le disais, et continuer nos pourparlers, tant au comité conjoint qu'avec le gouvernement de Terre-Neuve, en ce qui regarde les plans de gestion pour le caribou. J'ai déjà fait des démarches. Je dois rencontrer M. Simms de Terre-Neuve, le 2 décembre, je crois. Il nous faudra signer, bien sûr, des ententes, parce que le caribou, ce n'est pas sédendaire, cela

se déplace. Je pense que ce sont là les pistes d'avenir. Si vous en convenez comme moi, je pense qu'on pourrait peut-être faire du travail qui n'aura pas la rapidité qu'on voudrait de part et d'autre, mais qui, au moins, augure bien pour l'avenir. Je ne sais pas ce que vous pensez de ce type de suggestion, mais c'est à peu près ce que, de mon côté, je peux vous offrir comme possibilité.

Le Président (M. Rancourt): M. John Mameamskum.

M. Mameamskum: We welcome your proposal and the Naskapis will definitely study it in depth and, as for commercial hunting of caribou, we would like to keep our options opened because other Native people might be interested in and some might be opposed to it. But in the talks with the Provincial Government of Labrador, we would like to have some sort of safe in the management of caribou in that area, because that area is where the Naskapis hunted traditionally. Mr. Wilkinson would like to add something.

Le Président (M. Rancourt): M.

Wilkinson.

M. Wilkinson: L'un des résultats de la commission parlementaire qui s'est réunie à Schefferville, au mois de février, a été la mise sur pied de ce qu'on appelle le groupe de travail sur l'avenir de Schefferville. Je veux vous souligner que, depuis sa création, les Naskapis ont été représentés au sein de ce groupe de travail. Ils ont fait tout leur possible pour contribuer à la réalisation de ce mandat. En soulignant dans notre mémoire les problèmes du chômage, on ne veut aucunement ni critiquer ni préjuger des résultats du groupe de travail sur l'avenir de Schefferville. Ce groupe a beaucoup travaillé. Nous sommes très contents de ce groupe de travail et de tous ses membres.

Entre autres choses, le groupe de travail a traité de la commercialisation du caribou, des pourvoiries, du tourisme d'aventure, du tourisme nordique. Le problème pour les Naskapis, c'est que nous ne voyons pas comment, même si tous ces projets s'avèrent rentables, cela va régler le problème fondamental des Naskapis. C'est peu probable que la commercialisation du caribou soit localisée à Schefferville. Cela, c'est loin d'être certain, cela pourrait être à Kuujjuaq, à Fort-Chimo, et les carcasses pourraient être sorties par LG 4, on n'en a aucune idée. Et même si c'était localisé à Schefferville, à mon avis, c'est peu probable que cela va créer plus de dix emplois à temps plein ou l'équivalent de dix emplois à temps plein pour les Naskapis.

Je pense, M. Chevrette, que je devrais peut-être faire référence à nos problèmes en ce qui concerne nos pourvoiries, parce qu'on en a discuté au mois de février. Je peux vous dire que j'ai reçu à mon bureau, mardi de cette semaine, la proposition du MLCP visant un règlement hors cour. Malheureusement, j'étais à Schefferville, mais la première chose que je vais faire, cet après-midi, en rentrant à mon bureau, ce sera d'étudier ce document qu'on attend depuis longtemps.

Disons que, si tout va bien, il est peu probable que les pourvoiries naskapies vont créer plus de 10 ou 12 emplois à temps plein pour des Naskapis. Cela va ainsi pour le tourisme nordique, c'est une projection optimiste de 10 à 12 emplois. Donc, d'ici deux ans environ, nous aurons environ 200 Naskapis aptes au travail dont l'âge se situera entre 19 et 60-65 ans. Nous avons identifié ici l'équivalent de 30 emplois à temps plein. On pourrait ajouter à cela 25 emplois, si tout va bien avec les plans de la compagnie minière Iron Ore au lac Brisson. Mais, cela représente un taux de chômage de 75% chez les Naskapis. C'est la projection la plus optimiste qui soit. Donc, bien sûr, le groupe de travail sur l'avenir de Schefferville va faire des recommandations utiles et valables à M. Gendron et au gouvernement. Le groupe de travail aura fait son possible, mais on sait, à cent pour cent, que cela ne peut pas régler plus qu'une petite partie des problèmes auxquels les Naskapis font face et auxquels les Naskapis vont continuer de faire face. Et c'est cela qui nous inquiète. Ce n'est pas un manque de bonne volonté, mais un manque de solution à long terme.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Mameamskum: Excuse me, I have something to add...

Le Président (M. Rancourt): Yes.

M. Mameamskum (John): ...about the committee that was formed on Section 18. If I may, we might go as far as amending the section on economic development to further give a better mandate to the committee to look at these problems at the grassroots level to take care of the economic situation of the Naskapis, not only the Naskapis but the economic situation of Schefferville.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens.

M. Lazure: Concernant la question qui est soulevée par le porte-parole des Naskapis, j'allais justement, dans ma conclusion, ajouter un autre volet à la

proposition que je vous ai présentée plus tôt, à savoir reconduire le mandat du comité de main-d'oeuvre qui s'appelle le Comité de coordination du développement de la main-d'oeuvre naskapie.

D'une part, on pourrait le reconduire, mais, d'autre part, on pourrait aussi modifier son mandat - justement pour enchaîner avec ce que le porte-parole vient de nous dire -de manière que ce comité qui fonctionne bien puisse aussi examiner les possibilités de création de petites entreprises.

Il est pensable que, à l'intérieur de votre communauté, l'on puisse imaginer des entreprises modestes de 5 ou de 10 employés, peu importe, mais des PME comme on en retrouve dans l'ensemble du Québec. Par conséquent, pour rejoindre les commentaires de M. Wilkinson sur ses prévisions, je partage aussi votre pessimisme. C'est bien sûr que, malgré tous les programmes que vous pourrez mettre en marche avec le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, il reste que la solution véritable et fondamentale, c'est plutôt du côté des entreprises qu'il faut aller la chercher.

En conclusion, nous vous proposons de modifier le mandat du comité. Puisqu'il marche bien, au lieu de créer un autre comité pour les petites entreprises - parce que vous avez déploré une certaine bureaucratie plus tôt dans l'application de la convention - nous pourrions greffer cette nouvelle vocation au comité de main-d'oeuvre et faire en sorte qu'on puisse, ensemble, trouver des projets qui mettraient au monde de nouvelles petites entreprises naskapies.

Le Président (M. Rancourt): M.

Mameamskum.

M. Mameamskum: When the Lucky Land training Center was established for the Crees, the Naskapis and Inuits, we suggested to Minister Marois that one possible way to help the Naskapis to be economically self-sufficient would be to extend the mandate of the committee even after 1985. Because all the jobs that would be created through the training program will not be finished by 1985. So, that is a fatter way of looking at it and the Naskapis will surely study that proposal.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Mameamskum: Mr. Wilkinson.

Le Président (M. Rancourt): M.

Wilkinson.

M. Wilkinson: Je trouve que ce serait une bonne chose à faire que d'élargir le mandat de ce comité. Je me demande si cela est possible d'aller même un peu plus loin et de demander au gouvernement d'étudier les mécanismes qui pourraient être identifiés pour rendre le Nord - et pour nous de la région de Schefferville - plus attirant et plus intéressant pour les entreprises existantes. On pourrait facilement suggérer que le gouvernement puisse offrir des avantages sur le plan des taxes aux entreprises prêtes à s'installer à Schefferville, prêtes à s'engager à offrir un certain nombre d'emplois, peut-être certains programmes de formation, aux autochtones de Schefferville. Les Naskapis seraient bien prêts à ce que le mandat du comité créé par le chapitre 18 soit élargi; les Naskapis, de leur côté, seraient prêts à se dégager de leur responsabilité, mais on demande au gouvernement d'ajouter un autre volet, soit au travail de ce comité, soit à un autre organisme, pour que les deux puissent aller ensemble.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: I would like to ask Mr. Mameamskum just a few brief questions to set my mind about your particular problem. About 200 people are of working age there, from what you are saying, and, because most of them are of the younger working age, the number is going to increase in proportion to the overall population, I guess. It is about 200? So, from what Mr. Wilkinson was saying, even if the option of the Iron Ore project comes true, even if the various projects that the Minister was talking about are realized, you are still talking about maybe 50 people who will find employment. You are still talking about 150 or most of 150 that would have to find work someplace. Is it that?

M. Mameamskum: Yes. We are not restricting investments to private business, we could ask the government to invest in that area too. We could make a joint development project for the Naskapis.

M. Lincoln: What I was trying to find out is how many people need to find jobs, all in all, taking into account that the Government projects du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, plus the annual projects, will come true. You are still talking about 150, plus or minus, people that would have to find work. Is that right? In the meanwhile, today, what are these people doing day by day? Are they - some of them, especially the younger ones - going to some kind of schooling or training or retraining programs either in Schefferville or somewhere else? Or are they just sitting idle and doing nothing?

M. Mameamskum: I do not think you should look at that way because...

M. Lincoln: No, no. I am just asking the question because I realize that there is no work.

M. Mameamskum: Some of them are going to school in Lucky Land related to the area there. They are anxious in such as heavy equipment outfitting... We have some people going to Mistassini Lake taking outfitting courses and how to run outfitting camps. So, we hope, with proper training, Naskapis will eventually be self-sufficient as long as we have the cooperation of the government.

M. Lincoln: Would not the time to start those training or retraining programs be right now in anticipation on the economy when the whole area will be starting new projects? Is there any project for training or retraining at the moment? Or either are they just waiting for something to happen? (12 h 45)

M. Mameamskum: There is training right now. As I said, there is a training center in Lucky Land where the Crees and Naskapis go and Mistassini for... But we envisage more training programs in relation to the relocation that we have.

M. Lincoln: Can you tell me how...

M. Mameamskum: Dr. Wilkinson wants to add something.

Le Président (M. Rancourt): Dr.

Wilkinson.

M. Wilkinson: Thank you. Our approximate figure is that, since the agreement was signed in 1978 and as a direct result of the Agreement, approximately 140 Naskapis - that is almost every member of the existing work force -have successfully completed either a program of adult education or a program of job related training of some sort or another. What is happening now, of course, is that the Naskapis successfully complete these programs, they come back saying: Well, they used to say Naskapis were not qualified to do anything; now, I have a certificate saying I can do this or I can do that; here I am qualified and I expect now to get a job. Of course, the jobs are not there. There are less jobs now than in 1978 because of the closing of IOC. On the daily basis, unfortunately many Naskapis, and particularly the younger people, have really no alternative other than to sit at home all day or visit or look for in the hope of finding a job. This, obviously and not surprisingly, leads to problems of alcohol and drugs, and boredom and discouragement.

M. Lincoln: Which is extremely sad. Is there any - not possibility, because I do not think that should be considered a possibility or even a wish - position or situation where the younger people get so dejected that they go and find work elsewhere, that they go to Montréal, Baie-Comeau or Sept-Îles? Or do they tend to want to stay where they are?

M. Mameamskum: As I said before, we are in a transition of relocating now. Once the relocation is finished, we will see how many jobs we can...

M. Lincoln: Generate.

M. Mameamskum: ...generate within our community. Maybe it will not be as much a problem once we get cooperation from the government.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Mont-Royal, comme conclusion.

M. Ciaccia: Comme conclusion, M. le Président... I want to thank the Naskapis of Schefferville, Mr. Mameamskum, Chief Joseph Guanish and Mr. Wilkinson. I hope that... I know that the situation there is very difficult. I sometimes wondered, when we were in Schefferville, whether you would have relocated the village, had you known or had the government informed you that Schefferville would have closed. It did create additionnali problems. In any event, that was a decision of the Naskapis in accordance with the Agreement. But I certainly hope that the government, with your participation and yourselves, will be able to find solutions to the problems you raised here. I certainly hope, as you pointed out, that the true test of the Agreement will come now that Schefferville is closed. I hope that the government will respect its obligations towards you in that Agreement and that both together you will be able to find adequate programs and solutions to the serious problems that exist in that area. Thank you.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens.

M. Lazure: M. le Président, je veux remercier le chef Guanish, M. Mameamskum et M. Wilkinson, encore une fois, pour l'originalité de leur présentation. Je veux aussi les remercier pour la somme énorme de travail qui a été consacrée par les Naskapis à ce comité conjoint, à ce comité tripartite de la main-d'oeuvre.

Ce que nous avons entendu ce matin est un témoignange éloquent. Si les parties en cause dans ce cas-ci - il s'agit de trois

parties: Québec, Ottawa et les Naskapis -s'en donnent la peine, on peut avoir un fonctionnement positif. On nous a dit que pratiquement toute la main-d'oeuvre des Naskapis a reçu une formation adéquate. Il reste maintenant - et c'est là une tâche énorme - à trouver des débouchés pour cette main-d'oeuvre qui est maintenant qualifiée. Je suis heureux de voir que les Naskapis acceptent cette ouverture que nous faisons ce matin, cette proposition d'élargir, de modifier le mandat du comité de la main-d'oeuvre, de manière qu'on puisse peut-être en arriver à la création de certaines petites entreprises qui seraient tout à fait conformes aux désirs du peuple naskapi. Alors, merci beaucoup et bonne chance.

Le Président (M. Rancourt): Some reaction?

M. Mameamskum: Thank you very much.

Le Président (M. Rancourt): Ceci termine la présentation du mémoire des Naskapis de Schefferville et nos travaux sont suspendus jusqu'à environ quinze heures.

(Suspension de la séance à 12 h 51)

(Reprise de la séance à 16 h 10)

Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous reprenons la séance de la commission élue permanente de la présidence du conseil et de la constitution pour entendre les représentations des autochtones et des divers groupes et organismes autochtones sur les droits et les besoins fondamentaux des Amérindiens et des Inuits.

Nous avons été avisés que la Bande amérindienne de la rivière Désert (tvianiwaki) dépose son document tout simplement, ce qui est fait et agréé.

Nous allons passer directement à l'Association des Métis et Indiens hors réserves du Québec Inc. Si ces gens veulent bien s'approcher de la table, s'il vous plaît.

Association des Métis et Indiens hors réserves du Québec Inc.

Le Président (M. Rancourt): Donc, M. le président, vous pouvez vous présenter et présenter aussi ceux qui vous accompagnent.

M. Paradis (Paul): Tout d'abord, il y a Jean-Guy Petiquy, agent de liaison, Rémi Néron, agent de liaison, Mario Paradis, secrétaire, Paul Paradis, président.

J'invite M. Mario Paradis à commencer tout de suite la lecture du mémoire. Je lui cède la parole.

Le Président (M. Rancourt): M. Mario Paradis.

M. Paradis (Mario): M. le Président. On va laisser de côté le préambule et on va commencer tout de suite.

Le chômage, l'aide sociale, le manque de scolarité, la drogue, l'alcool et les gestes discriminatoires sont l'apanage d'une minorité. Les Métis n'échappent pas à cette règle. Comment cette minorité peut-elle s'en sortir en plein XXe siècle, ère de progrès tant social, culturel, qu'économique? À notre avis, une telle situation ne peut avoir sa raison d'être.

Il nous apparaît évident que le gouvernement, par cette commission, démontre une attitude encourageante. Nous savons aussi qu'à court terme, malgré la bonne volonté de tous et de chacun, cela n'apportera pas de solution définitive, mais, la discussion engagée, il nous apparaît essentiel d'y aller à fond.

Discussion. Afin d'améliorer une situation qui se détériore depuis trop longtemps, nous vous présentons ici non pas des solutions immédiates, mais plutôt des suggestions concernant, entre autres, trois besoins qui, selon nous, s'avèrent fondamentaux pour les Métis: l'habitation, l'aide à l'emploi, le retour aux études. D'autres droits qui, d'après nous, sont discriminatoires envers la femme autochtone métisse et ses descendants: les droits ancestraux.

L'habitation. Un des grands problèmes faisant foi d'une minorité est celui du logement. Peu ou à peu près pas de conditions saines, l'étroitesse et/ou le manque de locaux mis à sa disposition font du Métis un camarade, bien malgré lui, de la pauvreté. Pourquoi, en 1983, existe-t-il encore des gens vivant dans un genre de cabane, pour ne pas dire un taudis? Peut-être direz-vous que c'est ainsi aussi chez les Blancs ou chez toute autre communauté, mais, en ce qui concerne les Métis, pourquoi un aussi grand pourcentage?

Pour les questions d'ordre technique, nous avons ici un livre bleu - si vous avez des questions - que nous remettrons à la commission ensuite, si elle le veut.

Il est beau et bien en vue de posséder une maison, mais il est encore mieux de bien s'en occuper, de pouvoir s'en servir comme un chez-soi et non comme un endroit où l'on se déprime à se dire que l'on n'a rien. Attendu que l'habitation est un problème général, l'association suggère un programme de rénovation bien appliqué, c'est-à-dire non pas par la simple mise en disponibilité du matériel, mais par l'application d'une structure solide allant de l'explication (le pourquoi) à l'application (le comment). Car, vous le savez, il reste tout à faire en ce qui concerne les Métis.

L'aide à l'emploi. Attendu que la

moyenne des sans-emploi chez les Métis et les Indiens hors réserves est supérieure à celle des Blancs au Québec, proportionnellement à la population, l'Association des Métis et Indiens hors réserves du Québec Inc., suggère donc qu'affecter une aide supplémentaire à l'emploi d'agents de main-d'oeuvre ou de personnes spécialisées, comme il y en a déjà quelques-uns jusqu'à maintenant, aiderait ou, à tout le moins, faciliterait l'entrée provinciale des travailleurs indiens et métis hors réserves à ces mêmes centres de main-d'oeuvre qui sont peu ou à peu près pas connus des autochtones.

Même en donnant des cours de pré-emploi au besoin, on abaisserait par le fait même le nombre de personnes retirant de l'aide sociale en leur fournissant un moyen de sortir de la médiocrité sociale dans laquelle elles pataugent depuis des années.

Bien entendu, plusieurs facteurs entrent en ligne de compte lorsqu'il s'agit de l'emploi, dont l'un, bien important, est le bas niveau de scolarité chez les Métis et Indiens hors réserves.

Lorsque l'on sait que maintenant "un secondaire" suffit à peine à prouver que l'on a été aux études, dans une ère où tout est presque entièrement spécialisé, on se rend compte du retard considérable du Métis et de l'Indien moyen d'aujourd'hui sur tout ce qui l'entoure. De nature plutôt renfermée, son manque de scolarité agit sur lui comme un compresseur dans son monde déjà de plus en plus petit. Vu cet état de choses, l'association suggère différentes bourses d'études guidées vers un plus grand éventail de candidats afin non pas d'obliger, mais d'encourager le Métis et l'Indien à poursuivre leur apprentissage technique et scolaire en les rendant plus autonomes et plus maîtres d'eux.

D'un autre côté, l'aide qui pourrait être accordée pour l'étude aiderait aussi grandement ou, à tout le moins, profiterait au Métis et à l'Indien lorsqu'apparaîtrait le moment de se trouver un travail. C'est ainsi que deux secteurs critiques pourraient être grandement améliorés.

Pour ce qui est des droits ancestraux, une femme indienne qui marie un Blanc perd ses droits aborigènes, alors qu'un Indien qui marie une Blanche lui transmet ses droits, à elle et à ses enfants. Voici, en résumé, le gros problème du Métis. Pourquoi, dans cette société qu'on dit civilisée, évoluée, existe-t-il pareille absurdité? Comme discrimination, on peut difficilement faire mieux. Qu'on se rappelle le cas Lavelle, cette Indienne qui s'est rendue jusqu'au plus haut tribunal du pays pour finalement se retrouver devant rien.

Depuis des années, cette question est soulevée un peu partout. Depuis des années, on se dit ou on entend dire que cela va changer. Depuis des années, c'est du pareil au même. À Ottawa, on endort le monde avec des promesses que, finalement, on ne tient pas. Par amour pour un Blanc, l'Indienne perd sa dignité d'Indienne. Pour son coeur, elle doit tout reprendre à zéro.

Attendu que tout gouvernement ou toute association qui se respecte doit voir par cet acte une faute à entraver, à abolir, pour le bien des deux parties, tout problème de négociation ayant pour point de départ cette discrimination, l'Association des Métis et Indiens hors réserves du Québec Inc., demande la reconnaissance des droits et privilèges rattachés au statut d'Indien pour les Métis, c'est-à-dire la femme indienne mariée à un Blanc et tous ses descendants, que ce soit pour la chasse, les études et surtout que ce soit envers la succession, où les Indiennes mariées à des Blancs doivent refuser ou se font refuser tout accès, toute possession léguée sur réserve par leurs parents défunts ou autres parce qu'elles ne sont plus considérées comme indiennes. C'est quand même de son propre sang qu'il s'agit. Cherchez d'autres minorités ethniques qui, grâce à une loi qu'elles ont, elles aussi, négociée, rejettent une soeur, leur soeur, aussi cavalièrement.

Comme conclusion, mesdames et messieurs, on est venu en amis, comme on l'a toujours été, d'une société appelée à changer et qui, grâce à l'accomplissement de ce travail à peine commencé, sera plus vivable pour nous et pour vous.

Dans plusieurs régions du Québec, encore beaucoup de Métis crient à l'aide. Que ce soit à Caughnawaga, à Senneterre, à Parent où tout reste à faire, ils sont des milliers dans l'attente qu'il se passe quelque chose. Érigeons une base solide pour qu'un nombre à tout le moins égal de générations futures à toutes celles qui ont attendu dans le passé puisse contempler dans l'allégresse et la joie au coeur la fin du travail que nous commençons ici présentement. Merci.

Le Président (M. Rancourt): Merci beaucoup, M. Mario Paradis. M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. Paradis, messieurs, je voudrais, d'abord, vous remercier de nous avoir présenté un mémoire extrêmement concret qui touche des problèmes vraiment cruciaux. Je dois vous dire qu'on est d'accord sur les quatre premiers points, en ce qui concerne la situation socio-économique, l'adoption d'un programme de rénovation des maisons. D'ailleurs, ce serait l'extension d'une chose qu'on a annoncée, mais qui demanderait peut-être un volet spécial. Du côté des conseillers autochtones, pour que les gens se sentent vraiment reçus comme chez eux parce qu'ils sont chez eux. Dans les centres

de main-d'oeuvre, il y a déjà un programme en marche. Vous dites qu'il faudrait l'accélérer, l'accentuer, on est absolument d'accord. En ce qui concerne un programme spécial de bourses d'études, cela correspond aussi à une chose qui devrait s'appliquer de façon générale. Sur ces quatre points-là vous demandez qu'en fonction de leur situation particulière, qui est, hélas, très dégradée, on mette l'accent sur les Métis et les Indiens hors réserves. Je peux m'engager à ce qu'on en tienne compte, surtout en employant le document d'appui que vous allez nous remettre, dites-vous.

Pour ce qui est du dernier point, la fin de la discrimination envers les femmes qui sont dans la situation que vous décrivez, pour autant que le Québec est concerné, c'est un engagement qu'on a pris depuis un bon bout de temps et qu'on va tenir. C'est déjà officiellement la politique qu'on a adoptée ici au Québec pour autant qu'on peut l'appliquer. Là où on a juridiction, je pense que c'est déjà en train de s'appliquer. Évidemment, il y a certaines dimensions de ce problème qui ne nous appartiennent pas, comme vous le savez, dans le régime dans lequel nous sommes, mais on va continuer, comme on l'a, d'ailleurs, déjà fait, à pousser dans ce sens-là et à essayer d'amener tout le monde à accepter ce qui est le bon sens et un minimum de justice.

Encore une fois, on est d'accord avec l'essentiel de votre présentation. Là où on peut agir, on va le faire le mieux possible, le plus vite possible. Merci beaucoup de ce tableau très concret dont, je vous assure, on tiendra compte.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je voudrais, à mon tour, remercier l'Association des Métis et Indiens hors réserves du Québec de son mémoire qui est concis, qui touche vraiment les problèmes fondamentaux que vous voyez. Sans aller dans tous les détails, vous touchez vraiment les vrais problèmes qui existent dans votre milieu.

Je ne peux pas comprendre pourquoi on n'a pas apporté amendements à cette loi qui crée tellement de discrimination au niveau que vous avez souligné dans votre dernier point, d'une femme indienne qui marie un Blanc et vice versa. Il me semble que cela ne peut pas durer tellement plus longtemps. Il va falloir que les gouvernements et plus spécialement le gouvernement fédéral - la Loi sur les Indiens est de sa responsabilité -apportent un amendement. Je ne peux pas concevoir qu'il y ait une charte des droits permettant une situation qui crée de la discrimination. Dans mon esprit, cela semble être une contradiction.

Je présume que les programmes qui existent au niveau du Québec sont applicables aux Métis. Si je comprends bien -je crois que c'est ce qui devrait être fait -ces programmes devraient être adaptés, modifiés ou augmentés pour répondre aux besoins des Métis. Une source du problème a été la loi fédérale qui, d'une certaine façon, a restreint la définition du mot "Indien". Par cette définition et par d'autres choses, on a maintenant la définition de Métis. Est-ce que vous avez considéré la possibilité de créer un comité tripartite qui inclurait le Québec, les membres de votre association et le gouvernement fédéral parce qu'il a une responsabilité non seulement dans l'ensemble du problème, mais dans certains sujets particuliers? Est-ce qu'on a essayé de créer un tel comité pour essayer de répondre spécifiquement aux problèmes que vous avez soulevés dans votre mémoire?

Une voix: Je vais laisser la parole au président.

M. Paradis (Paul): II y a eu plusieurs contacts avec les différents secrétariats d'État, les députés fédéraux. Ils ne bougent pas tellement. Ils s'en tiennent à la loi. Ils promettent toujours des amendements, des changements, mais il y a déjà dix ans qu'on les exige et il n'y en a pas tellement de fait jusqu'à maintenant. Cela va lentement.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je pense qu'on va appuyer vos demandes auprès du gouvernement. On espère, comme l'a indiqué le premier ministre, que le gouvernement pourra répondre aux problèmes très spécifiques que vous soulignez en accélérant ou en changeant certains programmes qui existent présentement. On espère aussi qu'il sera possible d'avoir un comité tripartite, parce qu'il y a aussi la responsabilité de l'autre niveau de gouvernement. Il ne peut pas s'en laver les mains. La responsabilité est là et il devrait faire quelque chose pour remplir cette responsabilité. Merci.

Le Président (M. Rancourt): Donc, il n'y a aucun autre intervenant. Vous vouiez ajouter autre chose? Pas du tout. Cela va.

M. Paradis (Paul): D'abord, nous remercions tous les membres de la commission qui ont bien voulu nous permettre de nous exprimer et d'être entendus. Je tiens à dire que nous serions bien d'accord pour une commission permanente. En un mot, merci.

Le Président (M. Rancourt): Nous vous remercions beaucoup, messieurs les membres de l'Association des Métis et Indiens hors

reserves du Québec Inc.

Nous allons maintenant demander au Conseil national des autochtones du Canada de bien vouloir s'approcher. Nous accueillons maintenant le Conseil national des autochtones du Canada, représenté par M. Louis Bruyère, président. M. Bruyère.

Conseil national des autochtones du Canada

M. Bruyère (Louis): Thank you, Mr. Chairman. It is indeed an honour and a pleasure to appear before this committee today.

In terms of what I have to say, we are appearing before you today in support of Mr. Fern Chalifoux, president of Native Alliance of Québec, which is affiliated with our national organization, and to present to you, from a national perspective, the concerns of our constituents.

For those of you who may not be familiar with our organization, the Native Council of Canada represents upwards of one million Aboriginal People in Canada. These include Metis people across Canada and those people who identify themselves as Indians, but who are not recognized as such under the Indian Act. Most of you are probably aware that we represent this constituency in relation to Aboriginal rights and the Constitutional Act. It is in this context that we intend to present most of our remarks today.

As president of the organization which represents the numerical majority of Aboriginal People in Canada, I come to you with very mixed feelings about the role that the province of Québec is playing at the constitutional conferences. On the one hand, we very much appreciate the empathetic stand the Québec representatives have taken in the most recent round of talks which have just gotten underway. The bilateral initiatives of the Québec Government are a beacon we hope other provinces will follow. However, on the other hand, we are faced with the sad fact that Québec is not a signatory to the accord that was developed at the last conference. As people who have been excluded from Confederation from the beginning, we can well understand the position of the Québec Government. Certainly, the French experience in Canada has many parallels in the Aboriginal community and plays a large role in the empathy demonstrated by Québec delegates to the conference. But that empathy is impotent when its value is subtracted from the final result: an accord to entrench Aboriginal rights in the highest law in the land.

Some of the most cynical conference participants suppose that the Québec delegation can speak as it does because it does not have to sign on the dotted line. As extreme as that point of view might be, there have been instances where expression of the Québec delegation have seriously eroded the NCC position at the table in the eyes of the other provincial delegations. At the meetings in Winnipeg last week, Québec spokespersons denied the existence of Metis in Québec. Given that somewhere between 50% and 82% of people in Québec have Aboriginal ancestry, this position of . the Québec delegation is completely untenable. The meeting was further misinformed that the Québec Provincial Government, by recognizing the status of all Indian women, had effectively dealt with the aspirations of non-status Indians in the province. I am sure Mr. Chalifoux will address these issues in some detail later today. (16 h 30)

It is true that constitutional recognition of Aboriginal People in Canada: Indians, Inuits and Metis, has created a new situation for our non-status Indian constituents. As far as we can tell so far, all of the people in Canada who identify themselves as Indians will be recognized by the Constitution. But this does not change their status under the Indian Act. They are still excluded from federal programs designed to serve Indians recognized under the Indian Act. The fact that the Government of Québec has taken the welcome initiative of recognizing Indian women who have been excluded from eligibility under the Indian Act by section 12(l)b (the marrying clause) addresses only a few of the concerns of non-status Indian people and does absolutely nothing in terms of re-establishing status under the Indian Act. Even if a relationship to the Indian Act were established, that would only be one small step on the much longer journey towards a just accommodation of non-status Indian people.

The simple reality of our situation is that the majority of non-status Indian people in Canada and in Québec cannot or will not repatriate to existing Indian bands. It is dangerously short-sighted to assume that by solving status Indian problems, all Canada's Indians will be accommodated. It is simply not true.

The majority of Aboriginal People in Canada now recognized under the Constitution as Indians are not now, and most will never be, members of existing Indian bands. A rule-of-thumb developed over the last decade of interaction between governments and the NCC indicates that there are at least three non-status Indians to every status Indian in Canada. Current indications are that as few as a third, and certainly no more than half of that number can or will repatriate to existing bands.

It is our responsibility to see that the concerns of the Indian people not protected

by the Indian Act are fully addressed in every forum designed to accommodate Indian people, including the constitutional forum and including this committee. It is critically important that this committee take the concerns of non-status Indians - the numerical majority of Indian people in Québec - into account in all deliberations. To do anything less is to guarantee further decades of misunderstanding and depriveation of the rights of the majority of Indian people in Québec.

I will leave the details of those concerns to Mr. Chalifoux's presentation later today, but I can tell you that non-status Indians - whether or not they repatriate to existing bands - have a constitutional right to existence and recognition as a distinct Aboriginal People and that is a reality that cannot be avoided.

Recent research has revealed that more than two dozen terms have been applied to mixed blood people in various parts of Canada and in different historical periods. Given the policy of the French Crown to encourage intermarriage between French and Indian in the New World, it is hardly surprising that many of those terms were French, including the word "voyageur" which is so closely identified with Québec in every school text book.

It may well be that, at the time of Confederation, many Quebecers chose to identify with their French ancestors rather than with their Indian heritage. Certainly that is their right, and we support them in their choice. But we cannot extend that support to include the deliberate and unilateral exclusion of those Aboriginal people in Québec who do honour their Aboriginal heritage and identify themselves as Metis.

We can serve notice that, if the Québec delegation insists on maintaining its current position that there is no Metis in the province of Québec at the constitutional conference, we will have no choice but to consider the current Government of Québec a major obstacle to the just aspirations of our constituents in Québec.

I hope you can understand the very difficult that we, as the reprensative of the majority of Aboriginal People in Canada, are placed in by the aforementioned expressions of Québec policy. On the one hand, and in defence of its own best constitutional interests, Québec refuses to participate in the signing of an accord. We can understand that. However, when the Québec delegation makes , statements that seriously undermine the position that the NCC has been mandated to take to the constitutional table, then a situation arises where your support is diluted by your non-participation. On the other hand, when statements are made in opposition, and where their opposition may well sway provincial delegations who are signees to future accords, you can well understand our concern.

In summary, I would leave this committee with a few recommendations. 1. If this committee intends to have a supportive and realistic impact on the development of relationship between Aboriginal People and the majority population in Québec, it must address the concerns of those Indian people who are not protected by legislation or treaty. 2. Contrary to present Québec policy, there are significant numbers of Aboriginal People in Québec who identify themselves as Métis people and who must be accommodated in any policy this committee might propose for Aboriginal people in Québec. 3. Finally, we would propose that this committee seriously reconsiders the policy Québec is now following at the constitutional talks. We would certainly urge that Québec becomes full participant in the context of Aboriginal rights and sign future accords without prejudice to their position regarding recognition of the Constitution Act itself. If that is not possible, we would urge the Québec delegation be instructed to remain silent on issues which it cannot support or promote the interests of Aboriginal People.

Thank you for your attention. I am now open for questions if you have any. Thank you.

Le Président (M. Rancourt): Thank you, Mr. Bruyère. M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. Bruyère, I want to thank you very much for coming and, in fact, I think, basically, lending support, in a well reserved way, on a very delicate question. You have to admit it is a complex issue. Thank you very much for coming and lending that kind of eloquent support to Mr. Chalifoux's group, l'Alliance autochtone du Québec Inc., who are going to follow you in a few moment, I suppose.

I think, basically, what we should do is to take some moments to reflect on what you have brought from a sort of pancanadian basis as far as Métis people are concerned and then bring it down because, if anything can affect our position, it will come out of the discussions based on the memo by the Québec group led by Mr. Chalifoux. In a sense, I would rather not have questions. We will use this as a sort of background that comes let us say from a Canadian picture in order to have a better chance to assess what Mr. Chalifoux and his organization will have to say a little later. Thanks again.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: I think my colleague, the

member for Jacques-Cartier, would have a question to ask, but, before she does, perhaps, if I can, I would just like to thank you, Mr. Bruyère, for your brief and for the representation you are making on behalf of Native people.

Could the Premier confirm or explain very briefly whether, in fact, he is aware that the persons who spoke for the Québec representation denied that there were Métis in Québec?

Le Président (M. Rancourt): M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): I the sense broad. That is what I said because I will not go into the details of the examination of the question for the moment. I think the basic thing is this: From any kind of study of Canadian history, the Métis who had a land and who were recognized as a people with a land were in Manitoba essentially, were in the West. They were the authentic Métis.

On the other hand, there are, by extension of that notion, a lot of people with mixed blood, specially tied to the question of women's rights which we already have addressed and will be addressing sometime this evening. Because the mixed blood emanates from this, that, or the other nation or band and becomes a sort of extension outside, non status. I think the main argument of the "general Métis" population here in Québec as elsewere is that they constitute a distinct nation and that is something which, for the moment, we do not think is acceptable, except when, with general agreements, for instance in the Northern Québec and James Bay Agreement, I think non-status and Métis or mixed blood people who are involved in a territory are also beneficiaries.

So, maybe that is a direction that we should be looking forward to. Between that and saying that we accept the idea - for the moment anyway - that there is another nation in the sense of Métis nation, we still have quite a few questions to answer in our own minds.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Perhaps we can explore that question a little further with the next brief, Alliance autochtone du Québec.

M. Lévesque (Taillon): I am sure it comes down to the same.

M. Ciaccia: But I just sort of raise the issue because it seemed to be an important issue that Mr. Bruyère was raising in his brief.

Le Président (M. Rancourt): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Thank you very much for your presentation. First of all, a comment and then a question. You represent 1 000 000 people non-status...

M. Bruyère: Non-status.

Mme Dougherty: It seems to me we have heard a lot from other groups of various status and who see themselves as having or that should have a different status. My impression - I hope that you undertstand me - is that the needs that have been expressed here at this commission are fundamental human needs, that all human beings require: good health, good education, a sensitivity on the part of governments to respect people's origins, which is true for all people and we have people in our country of many origins. I think, at the bottom line, it comes down to that. My impression is that some of the demands, some of the positions we are hearing are maybe based a little bit much on trying to obtain legal status, of one kind or another, rather than getting down to brass tacks and solve the human problems. Some people have more problems than others. What is your reaction to that kind of a statement?

Le Président (M. Rancourt): M. Bruyère.

M. Bruyère: Thank you for your statement even if you were not very well informed in terms of what the Aboriginal People of this country and in Québec are looking for. They are looking for the just recognition of their rights as Aboriginal People. You say that they want the same things everybody else want. When the non-Native people came to this country, the Indian people had their own sort of self-government set up where they looked after all the same issues as you are talking about. When the non-Native people started taking over the country, they took upon themselves to do this in a better way which came not from these shores and it was better for them but it really ruined and made a farce of the old system in Canada here, as we now know Canada. That is why I say: Maybe you are not very briefed in terms of where the Indian people were in this country, in terms of their own social background, their own political structures and everything else. They had all this in place at the time and they were practicing those things.

All of a sudden, non-Native came in and said: Well, listen. At one point of time, the policy for reserves was starting in this country because the Indians were dying off. The first government said: Well, we will put them back over in the bush over in there and

we will not have to watch them die. But the big thing that happened there was that the Indians people started marrying within themselves and started coming back as more of a nation than they were in the sense that they were more together on the issues of What they were actually after.

Le Président (M. Rancourt): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: I do not deny that people have special needs. They have pride in their own culture and language. I think that the Canadian Government has shown itself not to be very sensitive to these things. I think that the Québec Government -and 1 am thinking no more about education and some other programs - is showing a certain enlightenment about needs of people of different cultures, different languages and different backgrounds, and perhaps more so than the Federal Government. I think that it would be a good idea to capitalize on that openness and that sensitivity, because I think that the problems we are hearing about are often at the level of the implementation of programs, rather than the principles. (16 h 45)

I really think that the principle of difference, the principle of special needs, special status, whatever you want to call it, is recognized, and I think that the Indian people, the Métis people and all people would make more progress if we could get down to brass tacks and discuss the needs at the human and at the practical level. I think that this is what I am saying. I do not deny the other needs, but I do not think that they are first and foremost.

Le Président (M. Rancourt): Mr.

Bruyère.

M. Bruyère: That is what we are trying to do when we say that we are dealing with the Constitution and that we are trying to get our rights entrenched in the Constitution. One thing that you must realize is that the Indian Act does not give you rights. The Indian Act gives you benefits. What we want is our rights entrenched in the Constitution. Then, we can go after the legislation, federal and provincial, in order to put the mechanisms in place so that we can implement those rights at the community level, regional level, national level, provincial level, whichever level you may want to talk about.

But you first must have your rights recognized in the Constitution. This is what you are arguing about right now as a government in this province. You want your rights recognized in the Constitution? We do too, so that we can fight for the legislation and put the legislation into effect which will then, in turn, make sure that things happen at the community level where it is most felt and beneficial. That is all we are saying.

Le Président (M. Rancourt): Nous vous remercions beaucoup, M. Bruyère, du Conseil national des autochtones du Canada.

Nous demandons maintenant à l'Alliance autochtone du Québec Inc., de bien vouloir se présenter. Accueillons maintenant l'Alliance autochtone du Québec Inc. Je demanderais à son président, M. Fernand Chalifoux, de bien vouloir présenter son mémoire et aussi ceux qui l'accompagnent.

Alliance autochtone du Québec Inc.

M. Chalifoux (Fernand): M. le Président, j'aimerais vous informer, tout d'abord, que notre présentation sera peut-être passablement longue, d'une durée d'environ une heure et demie à une heure et trois quarts. Avant de passer à la présentation de tout le monde, je vous demanderais de vous joindre à nous dans une courte prière qui, espérons-le, guidera nos débats et nos pensées. "Nous demandons humblement à notre Être suprême de guider nos paroles, nos gestes, nos émotions au cours de ce partage afin que nous agissions pour le mieux-être de l'ensemble de nos peuples, et nous remercions notre Être suprême pour tous les bienfaits dont il nous gratifie d'instant en instant, de jour en jour."

À ma gauche, Mme Suzy Haché, secrétaire-trésorière de notre association, M. Claude Riel-Lachapelle, coordonnateur dans le domaine, de la trappe, de la chasse, de la pêche et de l'éducation, M. Marc Simon, vice-président pour la région de Montréal, M. Gilles Mercier, vice-président par intérim pour l'Abitibi-Témiscamingue, M. Yves Landry, membre.

À ma droite, M. André Boudrias, vice-président provincial de l'Alliance autochtone du Québec, M. Gilles Couture, notre recherchiste, M. Pierre-Paul Charland, directeur de la région de la Côte-Nord, Mme Monique Veilleux, directrice de la région Abitibi-Témiscamingue et M. Gilles Bérubé, directeur gérant général de la Corporation Waskahegen.

Le Président (M. Rancourt): Voulez-vous répéter? Nous n'avons pas compris votre dernière phrase, M. Chalifoux.

M. Chalifoux: Le dernier nom? Le Président (M. Rancourt): Oui.

M. Chalifoux: M. Gilles Bérubé, directeur...

Le Président (M. Rancourt): ...directeur de?

M. Chalifoux: ...général de la Corporation Waskahegen, notre corporation du logement.

Le Président (M. Rancourt): Merci.

M. Chalifoux: Avant de débuter, j'aimerais remercier les membres de la commission et M. le premier ministre d'avoir donné cette occasion, finalement, aux Métis et Indiens sans statut du Québec, de venir se présenter devant cette commission et de tenter de sensibiliser le gouvernement du Québec, ainsi que la population du Québec en général sur ce que sont les Métis et Indiens sans statut, sur ce que nous estimons être nos droits, nos aspirations et surtout de nous permettre de faire quelques recommandations au gouvernement sur des moyens possibles de résoudre certains de nos problèmes dans l'immédiat.

Ce n'est pas notre intention de faire une récapitulation de ce que nous estimons être nos droits aborigènes fondamentaux; nous avons fait cela mardi matin lors de la présentation du groupe de travail des peuples aborigènes. Nous n'avons pas l'intention, non plus, de vous servir une leçon en ce qui a trait à la culture et aux traditions autochtones. Je pense que vous avez été très bien servis dans ce sens-là par nos frères les Mohawks de Kahnawake.

J'espère qu'au cours des trois dernières journées que vous avez passées ici si patiemment à écouter les revendications de tous les peuples autochtones qui ont défilé devant vous, ces présentations de tous les groupes, auront servi à vraiment vous exposer ce que nous sommes et ce que nous recherchons.

Nous avons entendu beaucoup d'engagements assez formels de la part du premier ministre et des ministres qui sont ici. Nous espérons que ces discussions, ces promesses, ces engagements iront beaucoup plus loin, qu'ils iront à une table de négociation formelle qui sera établie entre les peuples autochtones de cette province, de ce pays et le gouvernement du Québec.

J'aimerais commencer ici mon exposé. Au cours de l'assemblée annuelle de notre association, tenue à Duchesnay au début du mois d'août 1983, l'ensemble des délégués ont confié au conseil de direction de l'Alliance autochtone du Québec le mandat de présenter à la commission parlementaire de la présidence du conseil et de la constitution un mémoire décrivant les principales préoccupations de notre peuple. C'est donc au nom des 25 000 Métis membres de l'Alliance autochtone du Québec que nous de l'exécutif, Fernand Chalifoux, président, André Boudrias, vice-président, et les personnes qui sont assises ici, avons reçu le mandat de présenter ce mémoire à la commission parlementaire.

Nous aimerions profiter de cette occasion pour remercier toutes les personnes qui ont collaboré de près ou de loin à la réalisation de ce mémoire et plus particulièrement les membres de notre association, les cadres et les personnes-ressources de la Corporation Waskahegen, Claude Riel-Lachapelle, coordonnateur du dossier sur la trappe, la chasse et la pêche; Rhéal Boudrias et Diane Joannette, étude sur les besoins en communication; Gilles Couture, qui a effectué les recherches et travaux préliminaires de rédaction; Sylvie Picard qui a dactylographié et corrigé les textes. Signalons également aussi la participation indirecte, quoique très importante, de Lawrence Boudrias, Lionel Lacroix, Yves Landry, Fernande Bourassa, Anita Godard, Larry Dubé, Dorothée Dawson, Micheline Morisset et D. John Turner. En passant, ce n'est pas l'ancien ministre libéral!

J'aimerais vous citer comme prologue à cette présentation un extrait d'un livre de notre président fondateur, M. Kermot A. Moore, qui a trait à la constitution canadienne. "Les problèmes qui nous assaillent proviennent des attitudes inhérentes au caractère agressif et exploiteur des peuples colonisateurs qui ont usurpé ce territoire. Le cadre de tout échange sur la constitution doit tenir compte de toute la gamme allant de la justice au génocide, afin d'arriver à une vision plus nette et à des conclusions qui reconnaissent et comprennent la réalité des droits de la personne pour les peuples autochtones. "Je suis convaincu que l'usurpation des droits des premiers peuples ne provient pas tant d'un vice des lois que du système de subterfuges qui permet aux politiciens, aux bureaucrates et aux autres agents du gouvernement de contourner les lois. Si cette situation n'est pas dénoncée, si aucune mesure n'est inscrite dans la constitution pour prévenir ces artifices, la première loi du pays deviendra une consécration du subterfuge plutôt que de la justice fondamentale."

Nous allons nous partager, M. le Président, la présentation de ce mémoire et nous allons faire la présentation complètement en français, malgré le fait que la majorité de nous sommes autodidactes et que beaucoup de nous furent instruits en anglais. Nous allons faire notre possible pour présenter l'ensemble du mémoire en français. J'espère que vous tiendrez compte lors de vos questions du fait que nous sommes autodidactes, que nous n'avons pas une batterie d'avocats et de consultants derrière nous, pour ne pas tenter de nous embarquer dans des questions techniques et juridiques.

Cela parle très mal avec un morceau de glace dans la bouche.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Chalifoux: M. le Président, nous vous adressons le présent mémoire non seulement au nom des membres actuels de l'Alliance autochtone du Québec, mais aussi et surtout au nom de nos enfants et de leurs enfants, au nom des générations futures qui devront vivre et composer avec l'impact des décisions qui seront prises par votre gouvernement et des lois qui seront sanctionnées au cours des prochains mois et des prochaines années.

Nous savons que le gouvernement actuel du Québec ne pourra, malgré toute sa bonne volonté, rectifier du jour au lendemain les graves injustices perpétrées contre notre peuple depuis quatre siècles. Nous savons aussi que le gouvernement actuel peut poser des jalons, prendre certaines mesures et décisions susceptibles de permettre une amélioration progressive de nos conditions de vie individuelles et collectives. Le vrai travail, toutefois, la vraie transformation ne pourra être effectuée que par l'ensemble des citoyens de ce pays. L'ethnocide dont nous sommes les victimes doit être stoppé. Cette responsabilité incombe non seulement au gouvernement du Québec, mais d'abord et principalement à tous et à chacun d'entre nous.

Il va falloir nous défaire de nos nombreux préjugés et oser lever le voile de l'ignorance qui empêche plusieurs d'entre nous de retracer de façon plus objective et plus juste l'histoire des autochtones de ce pays. Nous devrons reconnaître la vraie nature des relations qui ont existé entre les autochtones et les colons européens et leurs descendants depuis le XVIe siècle.

Il est important ici de clarifier pourquoi les Métis et Amérindiens sans statut du Québec en sont venus à prendre la décision de s'identifier en tant que peuple et nation autochtone distincte des neuf autres nations autochtones du Québec qui regroupent nos frères et soeurs statués, c'est-à-dire reconnu comme Indiens par une loi fédérale, l'"Indian Act".

Dès 1791, les gouvernements coloniaux ont commencé à établir des législations concernant "les sauvages" et leurs terres. En ce qui concerne notre peuple au Québec, de 1791 à 1979, il y a eu 93 de ces lois - y compris la Loi sur les indiens - qui ont eu un effet néfaste sur la vie de notre peuple. Ces lois (voir la liste dans le document, les peuples autochtones et l'État canadien, déposé en annexe du présent mémoire) avaient pour seul but l'élimination des peuples autochtones et leur assimilation dans la société dite canadienne.

Tout particulièrement, à partir des lois de 1850, le gouvernement fédéral, ses fonctionnaires et technocrates ont procédé, et ce, pendant une période de 133 ans, à une catégorisation et à une tentative d'élimination systématique des Amérindiens. Il y a eu, d'abord, la création des réserves et leurs conditions de vie déplorables. Il y a eu ensuite les fameuses listes d'enregistrement établies par des non-autochtones, évidemment. Sur ces listes, les non-autochtones inscrivaient uniquement le nom des Amérindiens qui se trouvaient sur place au moment où l'agent procédait à l'enregistrement. Ceux qui, à ce moment-là, se trouvaient en forêt ou en ville pour fins d'approvisionnement ou de vente de fourrures n'étaient pas inscrits. Autrement dit, quiconque était absent de la réserve ce jour-là n'était pas inscrit sur la fameuse liste. Certains Amérindiens inscrits lors d'un enregistrement se sont vus exclus de ce registre lors de révisions subséquentes des listes, simplement parce qu'ils étaient absents lors de cette révision. (17 heures)

II y a eu aussi la section 12.1 B de la Loi sur les Indiens et la politique d'affranchissement du ministre McCreman dans les années quarante, etc. Il est évident que toutes ces lois, ainsi que les actions et politiques qui en ont résulté n'ont pas réussi à assimiler, ni à éliminer les peuples autochtones du Québec et du Canada. La preuve vivante de ce que j'affirme, la preuve vivante de l'échec de cette tentative de génocide a été faite lors de la Conférence constitutionnelle sur les droits des autochtones, en mars 1982, à Ottawa, et je suis certain que cette preuve sera aussi évidente lors des audiences de la présente commission parlementaire.

Nous, Métis et Amérindiens sans statut du Québec, sommes un peuple. Notre peuple est le fruit des lois et politiques conçues par des gouvernements coloniaux depuis plus d'un siècle.

Les représentants de notre peuple, réunis en assemblée générale annuelle à la station forestière de Duchesnay, au mois d'août 1983, ont adopté à l'unanimité une résolution selon laquelle, dorénavant, les Métis et Amérindiens sans statut du Québec se considèrent un peuple et une nation autochtone distincte au Québec et nous réaffirmons nos droits autochtones en tant que peuple et nation autochtone. Ce droit fondamental nous est reconnu par la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies, comme le souligne notre fondateur, feu Kermot A. Moore, dans son livre: La volonté de survivre.

Certains hauts fonctionnaires, conseillers principaux du gouvernement du Québec en ce qui touche la question amérindienne, suggèrent malheureusement aux membres du gouvernement de ne pas reconnaître les Métis et Amérindiens non inscrits (ou sans statut) du Québec en tant

que peuple autochtone distinct. Ils disent que nos membres appartiennent aux neuf autres nations autochtones (avec statut) du Québec. Il est vrai que plusieurs de nos membres se rattachent historiquement aux autres nations autochtones composées d'Indiens statues selon les définitions de la loi fédérale sur les Indiens (Indian Act). Mais cette appartenance a été brûlée par une série de lois imposées depuis plus de cent ans par les gouvernements fédéraux et provinciaux non autochtones. Les affirmations et les conseils de ces hauts fonctionnaires ne tiennent tout simplement pas compte de l'histoire réelle de notre peuple, ils ignorent la situation passée, la situation présente et la situation qui continuera de prévaloir pendant encore de nombreuses années. Cette situation se résume en quelques mots: vos lois et vos décisions nous ont séparés et aliénés de nos frères et soeurs autochtones statués. Et, dans bien des cas, vos lois et vos gestes ont même divisé nos familles.

Il est possible qu'au cours des prochaines années, les peuples autochtones du Québec choisissent eux-mêmes de s'unir de nouveau. Mais une telle union doit s'exprimer et sera exprimée et bâtie par nos peuples respectifs et non en réaction à des pressions et exigences venant des gouvernements fédéral et/ou provinciaux.

Les vieux préjugés et les types de mentalité qui prévalaient chez les anciens fonctionnaires du ministère fédéral des Affaires indiennes n'ont plus leur place dans le contexte actuel, contexte dans lequel le gouvernement du Québec semble véritablement désirer un rapprochement et un dialogue qui pourraient porter fruit et guider nos peuples vers une entente équitable qui pourrait avoir une incidence bénéfique sur la vie des peuples aborigènes du Québec, d'une part, et l'ensemble de la société québécoise, d'autre part.

Une des stratégies insidieuses utilisées par le gouvernement du Québec et ses représentants, au cours des dernières années, envers le regroupement des Métis et Indiens non inscrits du Québec consistait, jusqu'en 1976, à nier notre existence. Depuis 1977, plutôt que d'engager un vrai dialogue et de faire face à leurs propres responsabilités à notre égard, fonctionnaires et technocrates nous posaient constamment la question: Qui êtes-vous, combien êtes-vous et où êtes-vous? Ils espéraient ainsi nous ébranler et mettre en échec notre volonté de survivre. Ils espéraient ainsi mettre en doute et ridiculiser nos efforts vers l'unification de notre peuple et la reconnaissance de nos droits les plus fondamentaux.

En posant ces questions, ils en connaissaient la réponse. Ils savaient, comme nous savons, qu'il y a, au Québec, au niveau génétique et sanguin, quelques centaines de milliers de Métis. (Voir, à cet effet, le rapport Laurendeau sur le bilinguisme et le biculturalisme.) Ils savaient également, et nous savons aussi, que la plupart de ces Métis ne reconnaissent pas ou choisissent d'ignorer leur descendance autochtone. Ils s'indentifient plutôt comme Canadiens et comme Québécois et nous respectons leur choix. C'est leur droit le plus fondamental et ce droit leur est reconnu explicitement dans la Charte universelle des droits de l'homme des Nations Unies.

Nous demandons seulement à l'ensemble des Canadiens et à l'ensemble des Québécois d'accepter et de reconnaître le fait qu'un certain nombre d'entre nous chérissons notre descendance autochtone et refusons de renoncer à notre identité d'Amérindiens. Soyez rassurés, notre organisme ne représente pas des centaines de milliers de personnes. Selon les travaux de Danielle Gauvreau, Francine Bernèche et Juan A. Fernandez, du département de démographie de l'Université de Montréal, l'effectif des Métis et Indiens sans statut du Québec qui s'identifiaient comme tels, en 1975, était estimé entre 23 000 et 50 000. Il n'y a pas là de quoi menacer la société dominante de 6 000 000 de Québécois!

Je vais maintenant donner la parole à M. André Boudrias, qui va poursuivre la lecture.

M. Boudrias (André): Merci. Nous voulons, au départ, souligner que nous sommes heureux de l'initiative prise par le gouvernement du Québec d'instituer la présente commission parlementaire. Nous reconnaissons que le gouvernement actuel du Québec est un des gouvernements qui a le mieux démontré sa bonne volonté en vue d'une amélioration des relations entre lui et les autochtones au cours des dernières années. Malgré les difficultés de parcours, le gouvernement du Québec et les groupes autochtones du pays ont su amorcer un dialogue fructueux, particulièrement au cours de la dernière année.

Nous sommes conscients qu'une partie du contenu de notre mémoire est présentée dans une rhétorique accusatrice. Ce langage est celui d'une minorité qui a été horriblement exploitée et subtilement opprimée au cours des cent dernières années. Notre peuple a toujours eu une grande patience, une grande tolérance et une grande endurance, mais nous avons aujourd'hui atteint le point critique où nos conditions de vie doivent changer si nous voulons assurer la survie et le mieux-être de la génération actuelle et des générations futures des Métis et Amérindiens sans statut du Québec. C'est ce qui explique le ton de nos propos. Il demeure que notre peuple a fondamentalement le souci d'établir des relations saines et positives avec votre gouvernement. Nous voulons, autant que faire se peut, participer

à la préparation, la mise au point et l'implantation d'une politique qui serait avantageuse pour les deux parties.

Nous sommes très conscients que nous ne sommes pas les seuls citoyens du Québec qui soient démunis actuellement. Mais nous savons très bien, et les statistiques le démontrent, que nous sommes parmi les plus défavorisés. C'est cette caractéristique de notre condition que nous voulons changer.

Il serait un peu long de retracer, dans cette introduction, l'histoire de notre peuple selon une perspective autochtone. Cette tâche, néanmoins, est tellement essentielle que nous ne pouvons pas nous permettre de l'escamoter. Nous avons, comme je le disais plus tôt, tous et chacun la responsabilité de revoir l'histoire de ce pays avec un esprit ouvert. Nous avons la responsabilité de brûler le tissu de mensonges et de préjugés qui nous empêche depuis si longtemps d'engager un vrai dialogue.

J'invite donc tous les membres de cette commission à prendre le temps nécessaire pour lire attentivement les documents suivants, déposés en annexe au présent mémoire - deux de ces ouvrages ont été rédigés par notre président-fondateur peu de temps avant son décès en décembre 1982: 1) La volonté de survivre, par Kermot A. Moore; 2) Kipawa, Portrait of a People, par Kermot A. Moore; 3) Rapport de recherche sur les droits aborigènes (sous la direction de Robert Laplante); 4) Les Métis et les Indiens sans statut - Entre l'écorce et l'arbre; 5) Les Peuples autochtones et l'État canadien, Histoire d'un ethnocide raté, par Jean-René Proulx et Rémi Savard; 6) Les Algonguins, par Yvon Couture; 7) Mémoire de l'Alliance laurentienne des Métis et des Indiens sans statut présenté à la commission parlementaire du loisir, de la chasse et de la pêche le 17 novembre 1982; 8) Création d'un cours de niveau secondaire sur les activités traditionnelles, destiné aux élèves métis et indiens sans statut; 9) La Commission de révision constitutionnelle des Métis et des Indiens sans statut; 10) La Proclamation royale de 1763.

Comme nous l'affirmons dans un mémoire antérieur, en tant que peuple, nous voulons renforcer, enrichir et partager notre culture, nos valeurs, nos vues et nos idées avec vous et l'ensemble de la société québécoise et canadienne.

En résumé, nous réclamons la mise en place de moyens qui permettraient la correction de nombreuses injustices et qui permettraient aux générations futures des Métis et des Amérindiens sans statut de bénéficier d'une certaine équité au sein de la société québécoise.

Les injustices d'hier et le cours de l'histoire nous ont refoulés hors du courant principal de la société québécoise. Mais ces injustices n'ont pas réussi à nous faire disparaître. Nous sommes toujours là en tant qu'entité distincte et nous voulons tenter d'assurer notre mieux-être présent et futur. Nous osons croire que le gouvernement du Québec et la société québécoise comprendront notre désir et endosseront notre objectif.

L'aspect historique de notre association. Les Métis et les Indiens sans statut du Québec sont d'ascendance amérindienne et se considèrent comme des autochtones à part entière. Ce droit humain fondamental leur est reconnu par la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies, la Déclaration canadienne des droits et la Commission des droits de la personne du Québec.

Le terme "Métis" a pour synonyme "sang mêlé": ce n'est un secret pour personne. Nous n'avons pas seulement partagé notre terre et ses ressources avec vous; nous avons aussi partagé notre sang. Le terme "sans statut" désigne ceux et celles d'entre nous qui, de par les lois du gouvernement fédéral, non les nôtres, n'ont jamais été reconnus ou ont perdu leur identité autochtone dans les méandres administratifs gouvernementaux, sans parler des milliers de cas de femmes autochtones qui perdaient leur statut en mariant des non-Amérindiens ou des Amérindiens sans statut, tels que définis par l'Indian Act.

Il est de notoriété publique que, à mesure que se développait le ministère fédéral des Affaires indiennes, de nombreux Amérindiens et Amérindiennes n'ont pas été enregistrés en tant que tels par les agents de la couronne, soit par négligence, soit par oubli.

Depuis le début du siècle, de nombreux Amérindiens ont été contraints d'abandonner leur statut amérindien pour pouvoir acquérir le droit de vote, le droit à la propriété et le droit d'envoyer leurs enfants à l'école de leur choix, ce qui leur était refusé par la loi et la politique tant qu'ils restaient enregistrés en tant qu'Indiens auprès de l'administration du gouvernement fédéral. En voulant profiter de certains droits humains fondamentaux, ils ont été forcés de nier leur propre identité, leur propre origine ethnique, leur propre nationalité.

Tout en dépouillant les nôtres de leur identité propre et de leur nationalité, les gouvernements du Canada et du Québec, et la société dominante qu'ils représentent, nous ont, de diverses façons, interdit l'accès à la culture dominante et son économie. Les documents déposés en annexe du présent mémoire décrivent clairement cette violation de nos droits humains fondamentaux.

Face à cette situation de génocide, nous devions agir. Les Métis et Indiens sans statut, tout comme les autres peuples autochtones du Québec, se sont donné des structures politiques et administratives pour tenter d'améliorer leur condition collective

et protéger leurs droits.

Kermot A. Moore et les cofondateurs de l'Alliance laurentienne des Métis et Indiens sans statut du Québec ont perçu les dangers qui guettaient une grande partie de la population autochtone du Québec et ont su tisser un réseau de solidarité afin de faire face à ces dangers.

L'alliance a pris naissance graduellement, expliquait un jour Kermot Moore: "Étant issu d'une famille et d'une communauté métissées, j'avais le sentiment profond que nous avions été mis à part de la société dominante, de sa culture, de sa vie économique et politique. "Je me suis enrôlé dans l'armée de l'air, j'y ai travaillé pendant 20 ans, au Canada ainsi qu'en Europe, sans toutefois oublier mes racines autochtones. C'est à Chibougamau, dans le nord du Québec, que j'ai réalisé que je pouvais et devais faire quelque chose pour les miens. J'y ai vu comment on maltraitait les Indiens de la réserve située à proximité de la ville. Ils n'avaient aucune protection de la police, ils ne pouvaient même pas bénéficier des installations électriques de la mine même si cette dernière était localisée sur les territoires de piégeage des Indiens."

Kermot décide d'agir. Il quitte l'armée de l'air, retourne dans son village natal de Kipawa, au coeur du territoire algonquin en Abitibi-Témiscamingue, et forme un noyau de personnes qui deviendront les cofondateurs de l'alliance. Dans ce groupe initial, on retrouve, entre autres, Francis Robinson, Frank Stacey, Wayne Robinson, Ron Larivière, Don Jackson et Fernand Chalifoux.

Un conseil provisoire de direction est mis sur pied en 1971, et les premiers membres de l'alliance parcourent d'abord le Nord-Ouest, puis l'ensemble du Québec, visitant les communautés de Métis et Indiens sans statut et organisant des locaux. La majorité des Métis se trouvent dans les petites villes et les villages, à proximité des réserves indiennes et dans certains endroits isolés.

Un ancien président de l'Alliance laurentienne, Rhéal Boudrias, raconte, dans le rapport d'une de ses premières enquêtes effectuées par l'organisme: "Quand nous arrivions dans une ville ou dans un local où nous n'avions que le nom des responsables, la meilleure façon de trouver les Métis et Indiens sans statut était de chercher les maisons les plus délabrées du coin. Aussi étrange que cela puisse paraître, on se trompait rarement."

Un autre membre raconte: "Dans bien des endroits, les Métis n'ont jamais possédé de terrains légalement. Ils allaient là où il était possible de vivre. C'est pourquoi nous en retrouvons partout, en petits groupes, vivant sur toutes sortes de terrains: des terrains miniers, sur la terre du beau-frère et ailleurs. Dans certains endroits, ils vivent sur de petites fermes. Les gens s'installent plus ou moins en squatters."

En moins de trois ans, une cinquantaine de locaux de l'alliance ont été mis sur pied à travers le Québec, depuis le Nord-Ouest québécois et le territoire de la Baie-James jusqu'à la Côte-Nord, en passant par le Lac-Saint-Jean et le Saguenay, sans oublier l'Outaouais, les Laurentides et certaines agglomérations autochtones, près de Montréal et Québec. (17 h 15)

L'habitation fut vite identifiée comme un des besoins prioritaires des familles métisses et indiennes sans statut, comme l'indique cet extrait d'un mémoire que présentait l'alliance au gouvernement du Québec en mars 1975: "Les cabanes dans lesquelles notre peuple habite ne sont rien de plus que des bombes à retardement et pièges à incendie... Dans un certain village, plus de 80% des Métis et Indiens sans statut habitent dans des cabanes sans isolation ni eau courante. Dans la plupart de leurs logements, on ne peut installer l'électricité."

Dès ses débuts, l'Alliance laurentienne prend avantage du programme fédéral de réparations d'urgence et un coordonnateur en habitation, Frank Seamont, planifie les activités dans ce domaine. Cette initiative donnera naissance plus tard à la Corporation d'habitation Waskahegen que dirigera Fernand Chalifoux et qui embauchera de nombreux travailleurs sur le terrain dont Norman Young, Armand Roussy, Roland Normandeau, Denis Dufour, Andy Boudrias, Ubald Moderey, Armand Chalifoux, Réal Leblanc, Henri Vincent, Robert Young et Gilles Bérubé.

L'alliance aménage son siège social à Montréal peu après son incorporation en tant qu'organisme à but non lucratif en 1972. Le bureau provincial déménagera à Val-d'Or en 1977 et à Hull en 1980. Les conseils de direction de l'alliance se succèdent: Kermot Moore, président; Gail Stacey-Moore, vice-président, et Margaret Horn, secrétaire-trésorière, en 1972. Kermot Moore, président; Carl Larivière, vice-président, et Margaret Horn, secrétaire-trésorière, en 1973. Cari Larivière, président; Rhéal Boudrias, vice-président, et Denise Dufour, secrétaire-trésorière, en 1974. Audrey McLaren, secrétaire-trésorier, en 1975. Rhéal Boudrias, président; Norman Young, vice-président, et Jimmy Boudrias, secrétaire-trésorier, en 1977. Rhéal Boudrias, président; Norman Young, vice-président, et Fernand Chalifoux, secrétaire-trésorier, en 1978. Rhéal Boudrias, président; Norman Young, vice-président, et Gail Stacey-Moore, secrétaire-trésorière, en 1979. Fernand Chalifoux, président; Nelson Amos, vice-président, et Gail Stacey-Moore, secrétaire-trésorière, en 1980. Fernand Chalifoux, président; Nelson Amos, vice-président, et Marc Dufour, secrétaire-

trésorier, en 1981. Fernand Chalifoux, président; Michelle Sarrazin, vice-présidente, et Marc Dufour, secrétaire-trésorier, en 1982. Fernand Chalifoux, président; André Boudrias, vice-président, et Suzy Haché, secrétaire-trésorière, en 1983.

Diane Joannette, d'abord recherchiste de programmes et projets au sein de l'organisme, accède au poste de directeur exécutif de l'alliance, en 1976. L'association s'implique alors dans de nombreux domaines d'activité, depuis l'éducation - mise sur pied de la Fondation Phyllis Monette - jusqu'à la recherche sur les droits aborigènes.

En 1978, Robert Laplante dirige une équipe de chercheurs qui, pendant deux ans, dépouille les archives et parcourt diverses régions du Québec afin de retracer l'histoire des Métis et Indiens sans statut et d'esquisser la nature de leur droits en ce qui concerne les territoires traditionnels, les ressources naturelles, la chasse, la pêche et le piégeage des animaux.

Depuis ses débuts, l'Alliance lau-rentienne parraine des centrales de projets communautaires en milieu autochtone à travers le Québec, créant de nombreux emplois et offrant à plusieurs Métis et Indiens l'occasion d'une formation précieuse sur le terrain, tout en répondant à des besoins précis dans diverses communautés autochtones.

L'organisme fonde son propre organe d'information, le Journal l'Alliance, dès 1972. Ce mensuel publié en anglais et en français rejoint les milliers de membres de l'alliance et assure une communication efficace entre l'exécutif provincial et le "membership" à travers le pays. Kermot Moore d'abord, puis Eddy Gardner, Hermance Filion, Thomas Mercer-Hawkes, Laura Moses, Gilles Couture et Marie-Anne Boulay y assumeront le rôle de rédacteur en chef.

Au cours de la dernière décennie, l'Alliance laurentienne et ses membres sont intervenus dans un grand nombre de dossiers et de champs d'activité aussi divers que l'éducation, la santé, l'habitation, le développement socio-économique, la justice, la prévention des abus de drogues et d'alcool, la main-d'oeuvre et l'emploi, la protection de l'environnement, le piégeage, la chasse et la pêche, les droits autochtones et la constitution canadienne.

M. le Président, M. le premier ministre, MM. les membres de la commission, Pierre-Paul Charland continuera la lecture.

Le Président (M. Rancourt): M. Pierre-Paul Charland.

M. Charland (Pierre-Paul): M. le Président, M. le premier ministre, MM. les membres de la commission, mesdames et messieurs, le développement socio-économique et nos droits territoriaux.

En mars 1975, notre organisme présentait un premier mémoire au gouvernement du Québec. Ni aujourd'hui, ni à cette époque, n'aurions-nous approché le gouvernement si notre peuple possédait les outils nécessaires pour s'épanouir culturellement, si la majorité des familles de Métis et d'Indiens sans statut du Québec habitaient dans des maisons convenables, si nos familles bénéficiaient d'un revenu moyen pour assurer leur subsistance, si nos droits ancestraux étaient clairement reconnus par votre gouvernement.

Nous avons été et sommes encore un peuple trop souvent mis à l'écart des différentes sphères d'activité autant sociales, économiques que culturelles du Québec. Nous sommes ici non seulement pour vous signifier cette lacune et souligner les injustices dont nous avons fait l'objet, mais aussi et surtout pour réaffirmer notre volonté de survivre et notre intention de développer une présence dynamique et pertinente dans le Québec.

Aujourd'hui, comme en 1975 lorsque nous avons pour la première fois présenté un mémoire au gouvernement du Québec, le problème le plus crucial que nous devons confronter est celui de notre situation relative à nos droits territoriaux. Lorsque nos familles et nos membres ont été privés de leur statut d'Amérindien par une loi injuste et discriminatoire, c'est-à-dire l'Indian Act, nous nous sommes vus dépossédés de nos terres. Nous vivions ainsi en squatters sur nos propres terres. Du jour au lendemain, nous pouvons être menacés d'expulsion soit par quelque compagnie privée ou publique, soit par quelque spéculateur foncier sans scrupule, comme cela s'est vu dernièrement à Kipawa et comme cela se voit encore aujourd'hui à Clova et ailleurs dans la province de Québec.

Pour mieux vous faire comprendre le dilemme devant lequel nous nous retrouvons, nous aimerions citer quelques pages du livre que publiait en 1982 notre fondateur, feu Kermot A. Moore, sous le titre: Kipawa, Portrait of a People. "Autrefois, une étendue bien délimitée de terres était habituellement considérée comme le domaine privé d'une famille. Cela ne signifiait pas que les familles étaient propriétaires de ces terres, mais plutôt que chaque famille avait la garde de son territoire de chasse, génération après génération. La famille avait le devoir sacré de conserver la faune et de transmettre aux enfants le mode de vie ancestral. Les groupes familiaux se composaient habituellement des soeurs et des frères et, s'ils étaient mariés, de leurs maris et de leurs épouses. C'est ce qu'on appelle habituellement la grande famille. Elle vivait et chassait dans un secteur déterminé de son territoire, et elle se déplaçait chaque année afin de ne pas en tarir les ressources.

"Chaque lac, étang, cours d'eau, colline et vallée abritait sa propre faune. On savait ce qu'on pouvait en tirer et on en prenait soin. À certains endroits, il y avait des baies et différentes herbes; dans d'autres régions, des plantes et des arbres produisaient des thés et des médicaments d'une meilleure qualité qu'ailleurs. Les enfants savaient dans quelles îles les orignaux et les chevreuils mettaient bas, ils savaient où le poisson frayait et quand il y avait des nouveau-nés dans les étangs de castors. La nature était leur guide. Les castors et les marmottes étaient les animaux favoris les plus communs, mais il y en avait également d'autres qu'on pouvait apprivoiser. "La famille indigène était chez elle dans son territoire. Elle n'avait pas besoin d'entrepôt ni de réfrigérateur. La terre lui fournissait toujours des aliments frais. La famille indigène comptait sur son territoire pour vivre. Elle savait que les générations futures pourraient également compter sur la nature. La vie était harmonisée au rythme des saisons. C'est pourquoi, ultérieurement, les autochtones furent peu enclins à devenir des salariés. Il est difficile d'oublier qu'on a vécu, pendant des millénaires, en étroite relation avec la nature. "Le commerce des fourrures, les missions et l'exploitation forestière étaient tous des facteurs très importants dans les changements qui étaient en train de s'opérer, graduellement d'abord, puis plus rapidement au début du XXe siècle. Les mariages entre les Indiens et les Européens furent plus fréquents en raison de deux facteurs: premièrement, la population autochtone avait été décimée par plusieurs épidémies entre 1890 et 1910, ce qui laissait souvent les mères et les enfants seuls pour pourvoir à leurs besoins; deuxièmement, les opérations forestières se développaient de plus en plus et attiraient un grand nombre de bûcherons. Les survivants des familles qui pratiquaient la chasse traditionnelle continuèrent de leur mieux à vivre selon le mode de vie qu'ils connaissaient. Ils se cramponnèrent à leurs terres. C'était pour eux une question de vie ou de mort car, en réalité, ils ne pouvaient envisager une autre existence. Comprendre ce sentiment, c'est aussi comprendre la spiritualité des autochtones. L'Indien se sentait partie intégrante de la nature, comme le sont les arbres, les lacs, les cours d'eau, les montagnes, les vallées et toutes les créatures vivantes. Pour lui, le Grand Esprit était partout, dans toute vie sacrée. "Comparons cette attitude avec celle des gouvernements coloniaux qui clamaient qu'ils possédaient toutes les terres, qu'ils avaient le droit de déclarer nos terres "terres publiques" et de les vendre comme une vulgaire marchandise, des terres qu'ils pouvaient exploiter pour n'importe quelle raison. Cette façon de voir les choses fait fi de toutes les conventions humaines élémentaires et c'est le fruit de la cupidité de l'homme. Les colonisateurs usurpent les droits des autochtones en déclarant qu'ils sont propriétaires du peuple et de ses terres ou qu'il s'agit de terres publiques ouvertes à la colonisation. Ils tentent alors de justifier leurs actes en créant tout un éventail de lois nébuleuses. Pour l'Indien, il n'y avait pas de terres publiques. Elles faisaient toutes partie de quelque territoire familial traditionnel et elles représentaient leur foyer, leurs moyens de subsistance, leur vie spirituelle et leur identité. "Un autre facteur qui affaiblit la structure de la chasse familiale fut le mariage des autochtones avec les Européens. Les sangs mêlés étaient moins enclins à rester dans le bois la majeure partie de l'année. Les Métis aimaient davantage l'agriculture que les Indiens. Les Européens qui se sont unis avec les autochtones de Kipawa venaient de divers pays. Il y avait des Écossais, des Français, des Irlandais, des Anglais et des Norvégiens. Ce mélange était plus qu'un simple mélange de sang, il regroupait des cultures et des idées sociales différentes. Il a été en grande partie responsable de l'ouverture d'écoles et d'églises, et il a intégré la vie en forêt à celle des villages. "Les familles pouvaient rester dans les villages pendant que les hommes s'occupaient du piégeage. Avec le temps, l'organisation de ces communautés permit aux hommes de travailler plus loin comme guides, gardes-forestiers, bûcherons, constructeurs de barrages, prospecteurs, et à exercer d'autres métiers qui exigeaient une bonne connaissance de la forêt. Les villages devinrent les centres névralgiques de leurs régions respectives. Cependant, les légumes, les troupeaux et les emplois à temps partiel n'étaient jamais tout à fait suffisants. Les fourrures procuraient un revenu stable, tandis que le gibier et le poisson étaient les principales sources de protéines. "Les villageois et les familles qui pratiquaient la chasse entretenaient d'étroites relations, car en fait chacune de ces familles avait des parents dans les villages. Et c'étaient en partie ces relations qui amenaient un grand nombre de ceux qui vivaient de la chasse à s'établir dans les villages. L'Église et l'école persuadaient les gens de se regrouper à un seul endroit. Avec le temps, les familles qui vivaient de la chasse venaient habiter le village. La tradition de la famille de chasseurs se termina vers 1942, lorsque les Pien-ose quittèrent Ogascanan pour aller habiter à Hunters-Point. Ce fut la dernière famille à chasser en groupe. Là où des familles avaient partagé ensemble lesjoies, les émerveillements et les tragédies de la

nature, les hommes piégeaient maintenant seuls. "Finalement, c'est en 1947 que les terrains de chasse familiaux furent officiellement abolis par le gouvernement. Cette année-là, on commença à accorder des permis donnant droit à des terrains de chasse. Ce fut le début d'un système qui divisait le territoire de Kipawa en de nombreuses lignes de trappe ou de piégeage, dont la majorité furent attribuées à des gens de l'extérieur du territoire."

Nous ne venons pas quémander ici des terrains. Nous venons plutôt attirer votre attention sur le fait que notre peuple, l'ensemble des Métis et des Amérindiens sans statut du Québec, a été illégalement dépossédé de ses territoires et de ses ressources au cours du siècle dernier. (17 h 30)

Nous venons vous inciter à retracer plus objectivement l'histoire du Canada et à relire la Proclamation royale de 1763 (voir annexe). Nous venons attirer votre attention sur le fait qu'une série de gouvernements de cette province ont successivement omis de tenir compte de ce document qui possède encore toute sa valeur au niveau du droit international. Le Québec, en agrandissant à plusieurs reprises son territoire, a omis, malgré le fait qu'il était légalement tenu de le faire, de consulter les peuples autochtones vivant sur ce territoire, d'établir avec ces peuples une entente équitable et de compenser d'une façon ou d'une autre la dépossession de leurs territoires et de leurs ressources. Cela ne s'est jamais fait au Québec, à l'exception de l'entente intervenue en 1975 entre les populations cris, naskapis et inuits vivant sur le territoire de la Baie-James et du Nouveau Québec.

Comme le reconnaissait il y a quelques années la commission d'étude sur l'intégrité du territoire du Québec (rapport Le domaine indien, 1971) une grande partie du Québec a toujours été et demeure encore aujourd'hui un territoire indien. Et cela, en dépit du fait que les gouvernements fédéral et provincial ont tenté de se décharger de leurs responsabilités vis-à-vis des peuples autochtones, en instituant le système des réserves, en étouffant la pratique de nos activités économiques traditionnelles par une série de lois discriminatoires à notre égard, en confinant les Indiens avec statut dans de minuscules réserves, en essayant de tuer notre héritage culturel de maintes façons, en nous empêchant de pratiquer notre propre spiritualité, en nous empêchant de parler notre propre langue, en créant une série de distinctions arbitraires et de politiques nocives qui ont eu pour résultat la division de notre peuple et l'affaiblissement progressif de notre peuple.

Ce n'est pas notre intention dans ce mémoire de dresser l'inventaire des injustices que nous avons subies aux mains des gouvernements coloniaux depuis 1534. Des historiens et des ethnographes beaucoup plus compétents que nous l'ont fait et continueront de le faire.

Comme je le disais plus tôt, nous ne sommes pas ici pour quémander des terres. Nous sommes ici pour vous demander d'avoir assez de justice et de respect envers les êtres humains que nous sommes pour nous laisser quelques miettes du gâteau territorial que vous avez volé et consommé devant nos yeux depuis quatre cents ans.

Nous ne sommes pas ici pour annoncer que nous reprenons possession du Québec, nous sommes ici pour attirer l'attention du monde sur le fait que notre peuple ne peut survivre économiquement, culturellement, politiquement, s'il n'a pas une base territoriale, pas plus qu'une famille de castors ne peut survivre dans la salle de bain d'une chambre du Château Frontenac.

Pour nos ancêtres, la terre était sacrée. La tradition orale, les instructions originelles nous recommandent d'exprimer un grand respect pour notre Mère la Terre et d'être reconnaissants envers le Grand Esprit qui crée et soutient toute forme de vie: le monde végétal, le monde animal, les êtres humains. Notre attachement à la terre, comme l'explique si clairement notre président-fondateur, Kermot Moore, dans Kipawa, Portrait of a People, fait partie de notre relation spirituelle avec l'univers. La plupart des autochtones se considèrent les gardiens de la terre et de ses ressources. Nos droits ancestraux découlent de nos rapports avec la terre.

Nous aimerions rappeler aux membres de la commission que la plus grande partie du Québec demeure une terre indienne puisque les autochtones n'ont jamais vendu, cédé ou abandonné de quelque façon que ce soit leur titre ancestral aux territoires qu'ils occupent depuis des millénaires, exception faite de l'entente intervenue entre les gouvernements du Québec et du Canada et les Cris, Naskapis et Inuits en 1975. Nous référons les membres de la commission au rapport de la commission d'étude sur l'intégrité du territoire du Québec pour une explication plus détaillée du problème.

Nos ancêtres croyaient que le créateur nous avait légué assez de territoires et assez de ressources pour assurer le bien-être de tous ceux qui se retrouveraient sur cette terre. Ce n'était pas une question de diviser les terres ou de les vendre. Nos ancêtres comprenaient que, sans territoire où évoluer, la vie était impossible.

Nous comprenons cela aujourd'hui et nous voulons que vous compreniez que nous serons presque toujours des citoyens de troisième classe si on continue de nous refuser l'accès à au moins une partie des terres sur lesquelles nous avons vécu depuis

des millénaires.

Certains d'entre vous nous répondront: Vous n'êtes aucunement lésés, le territoire du Québec appartient à tous les Québécois et vous êtes Québécois. Mais, dans les faits, la terre a été accaparée par une minorité. Partout au Québec, les Métis et les Amérindiens inscrits et non inscrits, reconnus ou non par le gouvernement fédéral, sont harcelés par les gardes-chasse, les gardes-pêche, les agents de sécurité des compagnies forestières et des compagnies minières, les trois paliers de police (fédérale, provinciale et municipale), les spéculateurs fonciers, etc. Ceux qui doutent de ces affirmations peuvent consulter le dossier de Kipawa où des spéculateurs sans vergogne ont voulu évincer une trentaine de familles de Métis et d'Amérindiens sans statut en 1979. Le problème est partiellement réglé aujourd'hui. Le gouvernement du Québec s'est impliqué et a promis de protéger notre droit à la terre. Mais, il n'a pas osé régler le problème en invoquant nos droits territoriaux. Il a plutôt voulu jouer les règles du jeu des spéculateurs en achetant d'eux lesdits terrains et en les revendant aux familles métisses et amérindiennes sans statut, pour une somme minimale.

Aujourd'hui, nous voulons discuter avec vous la façon dont les Métis et les Amérindiens sans statut du Québec pourront de nouveau avoir accès à une partie des territoires dont ils ont été dépossédés au cours du siècle dernier.

Nous voulons explorer avec vous la façon dont nous pourrions disposer de terres communautaires à divers endroits du Québec. Ces terres ne seraient pas sujettes à la spéculation. Elles ne pourraient être vendues à des particuliers, comme ce fut le cas pour des morceaux de nombreuses réserves indiennes au Québec depuis 1850. Elles constitueraient une base territoriale où une économie autochtone pourrait se développer, où pourraient vivre la génération actuelle et les générations futures de Métis et d'Amérindiens sans statut du Québec.

Les nôtres pourraient, sur ces terres communautaires, construire leurs maisons, pratiquer l'agriculture, mettre sur pied des commerces et des petites entreprises en utilisant les ressources renouvelables et non renouvelables disponibles.

Cela est dans le domaine du possible. Vous l'avez fait pour d'autres. Vous avez créé de grands parcs provinciaux afin de protéger le gibier et les poissons pour le bon plaisir des chasseurs et pêcheurs sportifs. Vous avez octroyé de vastes territoires aux compagnies forestières. Vous avez permis aux compagnies minières de creuser partout où elles le voulaient, d'extraire tout le minerai disponible et de déverser dans notre environnement leurs déchets toxiques.

Nous vous demandons simplement aujourd'hui de nous allouer une infime partie de ces terres où nos ancêtres ont vécu depuis des millénaires, une petite partie des terres et des ressources dont ils ont été dépossédés depuis 1534. Nous voulons, de concert avec le gouvernement du Québec, mettre au point des mécanismes par lesquels nous pourrons participer au contrôle et à la gestion de certaines terres et de leurs ressources, en favorisant un régime de coexistence.

Première recommandation. Que le gouvernement du Québec reconnaisse qu'en tant qu'autochtones à part entière, les Métis et les Amérindiens sans statut du Québec ont des droits aborigènes concernant certaines réclamations territoriales.

Deuxième recommandation. Que le gouvernement du Québec reconnaisse la nécessité d'amorcer un processus de discussions et de négociations afin d'assurer une base territoriale aux Métis et Amérindiens sans statut du Québec.

Troisième recommandation. Que les Métis et les Amérindiens sans statut du Québec déterminent, de concert avec le gouvernement du Québec, les mécanismes de gestion de ces terres et de leurs ressources renouvelables et non renouvelables.

Quatrième recommandation. Que le gouvernement du Québec reconnaisse aux Métis et aux Amérindiens sans statut du Québec un titre de propriété collective sur certaines terres dont la location géographique et la superficie seront déterminées par le biais d'un processus de négociations.

M. le Président, j'aimerais maintenant faire continuer le rapport par Mme Suzy Haché, secrétaire-trésorière de Alliance autochtone du Québec Inc.

Le Président (M. Rancourt): Mme Suzy Haché.

Mme Haché (Suzy): M. le Président, M. le premier ministre, membres de la commission, mesdames et messieurs.

Deuxième point. Stratégies de développement économique. La plupart de nos membres vivent dans les régions du Québec qui présentent des problèmes socio-économiques chroniques, c'est-à-dire l'est du Québec, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, l'Abitibi-Témiscamingue et la Côte-Nord. Ces régions périphériques accusent un taux de chômage constamment supérieur à la moyenne provinciale et un bilan migratoire de population défavorable. Trois de ces régions ont le taux d'activité manufacturière le plus faible du Québec.

Pourtant, ces régions sont considérées comme les régions-ressources du Québec. Les activités de production dans ces régions se retrouvent dans le secteur primaire: forêts, mines, agriculture et pêche. Ce sont précisément ces ressources naturelles du

secteur primaire que l'on a rapidement et plus ou moins illégalement enlevées aux Amérindiens. Je dis bien illégalement puisque les gouvernements fédéral et provincial ont fait fi de la Proclamation royale de 1763. Ils n'ont pas consulté les autochtones vivant dans ces régions avant de les déposséder totalement, ou presque, des ressources ci-haut mentionnées. Ils n'ont pas osé négocier un traité ou une entente, si ce n'est l'Entente de la Baie James intervenue entre le gouvernement et les Cris, Naskapis et Inuits en 1975.

Lorsque nous parlons de développement économique, nous parlons de l'exercice par les Métis et Amérindiens sans statut d'un contrôle réel sur les ressources, les institutions, les territoires qui touchent directement notre vie. Cela suppose le contrôle d'une base de ressources suffisantes pour répondre à nos besoins matériels et un contrôle du processus de développement sur ces territoires communautaires métis et amérindiens sans statut. Sans ces acquis de base, le développement économique de nos communautés est impossible et voué à l'échec dès le départ. Nous en avons fait l'expérience à maintes reprises au cours des dernières années. Nos membres sont condamnés au cercle vicieux: emploi temporaire, chômage, assistance sociale, emploi temporaire. Ce cycle est tellement inhumain que plusieurs des nôtres sombrent dans l'alcoolisme, la maladie, la mort prématurée et le suicide. Les statistiques sont là pour le prouver.

Les Métis et Amérindiens sans statut doivent pouvoir planifier et mettre en oeuvre des entreprises économiques dans leurs collectivités, dans leurs communautés. Ces initiatives peuvent revêtir de nombreuses formes: construction de maisons et autres bâtiments, exploitation de petits commerces, établissement de pourvoyeurs, agriculture, manufactures de canoës et autres produits, moulins à scie, coupe et vente de bois de chauffage, etc.

Nous devons être libres d'établir sur ces terres communautaires, ces terres collectives, des conseils de développement économique, des sociétés ou des organismes qui utiliseront les fonds disponibles pour favoriser le développement économique.

Au cours des douze dernières années, l'Alliance autochtone du Québec a contribué au développement socio-économique en milieu amérindien sans statut, en mettant sur pied, par exemple, de nombreux projets de création d'emplois et en formant plusieurs des nôtres aux techniques administratives et de comptabilité. Ces efforts étaient malheureusement voués à l'échec, à plus ou moins courte échéance, et ce, simplement parce que nous n'avions, d'une part, aucune base territoriale où implanter et soutenir notre développement économique, et, d'autre part, nous ne disposions d'aucun fonds où nous aurions pu puiser les sommes nécessaires à la création de petites et de moyennes entreprises.

Il semble se dégager, d'après les recherches et analyses effectuées au cours des douze dernières années, trois axes de développement économique en milieu métis et amérindien sans statut: a) le développement socio-économique rattaché à la pratique des activités traditionnelles (cueillette, chasse, trappe et pêche et, par extension, les activités reliées à la protection de l'environnement); b) le développement économique pouvant être implanté sur un territoire contrôlé et géré par les Métis et Amérindiens sans statut; c) le développement économique assumé par des entrepreneurs autochtones au sein de l'économie québécoise et selon les règles du jeu, potentielles et contraintes de cette économie.

Fonds spécial de développement. Comme nous le mentionnions plus tôt, ce qui empêche un développement économique efficace en milieu métis et amérindien sans statut, c'est l'absence d'un fonds spécial de développement, ou, si vous voulez, de capital de risque. Les institutions financières actuelles et leurs critères privent la plupart des autochtones des sommes dont ils ont besoin, si ce n'est que pour l'achat de biens de consommation et d'habitations. Rares sont les entrepreneurs autochtones qui peuvent facilement emprunter les sommes requises pour lancer une nouvelle entreprise ou mettre sur pied un commerce.

Nous souhaitons l'aide du gouvernement du Québec pour nous aider à trouver des méthodes innovatrices de financement, premièrement, pour protéger notre base territoriale éventuelle et, deuxièmement, pour permettre à nos entreprises de trouver les capitaux nécessaires.

Actuellement, au Québec, les Métis et les Amérindiens sans statut n'ont pas accès à un fonds global qui pourrait être consacré à l'amélioration de leur situation économique. Une façon de résoudre ce problème serait la mise sur pied d'une banque spéciale dont la participation et les fonctions bancaires seraient limitées. Le gouvernement du Québec et d'autres groupes d'intérêt pourraient être représentés au conseil d'administration de ce fonds spécial, de cette banque de développement, mais les Métis et Amérindiens sans statut engagés dans l'entreprise en assumeraient eux-mêmes la direction. Ce serait une option possible. Il y en a d'autres, nous en sommes convaincus. Ce qu'il faut, au départ, c'est une bonne volonté de part et d'autre et le désir de travailler ensemble à la résolution du problème qui nous préoccupe, soit le développement économique en milieu métis et amérindien sans statut.

(17 h 45)

II nous apparaît évident qu'avant d'entreprendre une activité de développement économique dans une région quelconque du Québec, les propriétaires de petites entreprises et/ou les entrepreneurs autochtones auraient intérêt à bien connaître les différents facteurs externes à leur entreprise, les facteurs de l'environnement sur lesquels ils n'ont aucun contrôle direct. Parmi ces facteurs, notons: les politiques et pratiques gouvernementales, les lois, les règlements fiscaux, etc.; le système économique, l'offre et la demande, le marché des capitaux, les coûts, etc.; les agents économiques qui représentent une compétition pour les mêmes ressources, les mêmes clients, etc.; les attitudes sociales du milieu, l'attitude envers les autochtones, la mentalité des travailleurs, celle des gérants de banque et autres institutions financières, l'attitude des fonctionnaires, etc.; le genre et le niveau d'instruction, les institutions d'enseignement et de formation, leur ouverture ou manque d'ouverture envers la population autochtone; les ressources naturelles disponibles, les moyens de transport et de communication, etc.

Dans ce genre d'analyse, l'aide de vos fonctionnaires et experts-conseils serait précieuse. Nous savons que le gouvernement du Québec se penche avec sérieux sur le problème du développement économique depuis de nombreuses années et nous avons parcouru avec intérêt les nombreux documents de la collection Études et recherches éditée par l'Office de planification et de développement du Québec.

Nous expliquions plus tôt que la plupart des mesures mises de l'avant par différents paliers de gouvernement afin de favoriser le développement économique en milieu autochtone étaient vouées à l'échec dès le départ. Créer de petits emplois communautaires à court terme peut soulager temporairement quelques individus et leur famille dans le besoin, mais ce n'est certainement pas de cette façon que l'on pourra assurer un développement socio-économique sain et continu dans notre milieu.

Une des voies possibles que nous pourrions emprunter, avec votre aide, serait la création d'un fonds de promotion économique des Métis et Amérindiens sans statut du Québec. Ce fonds serait en fait un programme d'aide financière et technique visant à favoriser la mise sur pied, par les Métis et Amérindiens sans statut eux-mêmes, d'entreprises commerciales, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des territoires qui seront sous leur contrôle.

Le fonds tel que nous l'envisageons pourrait mettre des sommes d'argent à la disposition d'entrepreneurs autochtones et de compagnies composées d'autochtones qui ont conçu un projet sérieux pouvant stimuler le développement économique dans leur milieu. Ces sommes peuvent prendre la forme de prêts directs, de garanties de prêts consentis par des institutions prêteuses - caisses populaires, banques à charte ou sociétés de fiducie - ainsi que des subventions, contributions, stimulants spéciaux à l'industrie et conseils techniques. Un tel fonds pourrait aider une foule d'entreprises autochtones: petites initiatives privées, entreprises moyennes, motels, camps de chasse et de pourvoirie, magasins, scieries, centres commerciaux, exploitations agricoles, manufactures, entreprises de transport, etc.

Ce fonds pourrait également aider à favoriser la planification, le paiement des frais de lancement d'une nouvelle entreprise ou l'établissement d'un fonds supplémentaire de roulement. Le fonds pourrait aussi aider les Métis et Amérindiens sans statut à devenir copropriétaires d'entreprises déjà établies.

En garantissant certains prêts, le fonds aiderait les hommes et femmes d'affaires autochtones à mettre sur pied des entreprises et à établir des relations bancaires avec le monde de l'industrie et du commerce.

Le fonds pourrait aussi comporter un programme de stimulants à l'industrie, visant les sociétés désireuses d'aménager, d'agrandir ou de moderniser des installations de fabrication ou de transformation.

Les petites entreprises autochtones, actuelles et potentielles, ne sont pas à l'abri des problèmes et des difficultés qu'éprouve toute nouvelle entreprise, où qu'elle se trouve. C'est pourquoi l'un des éléments du fonds de promotion économique proposé serait de mettre à la disposition de sa clientèle des services consultatifs de gestion. À cette fin, le fonds pourrait faire appel à certains ministères du gouvernement du Québec ainsi qu'aux universités québécoises et à d'autres organismes.

Les autochtones du Québec et les politiques d'emploi. Une facette importante du développement socio-économique en milieu autochtone est le potentiel de notre main-d'oeuvre. Tout en stimulant le développement au moyen d'un fonds de développement économique tel que mentionné plus tôt, nous aurions intérêt à travailler ensemble vers un objectif à long terme: réaliser le plein potentiel de la main-d'oeuvre autochtone tout en appuyant les initiatives des travailleurs et collectivités autochtones pour trouver des emplois qui leur permettent de combler leurs besoins économiques et, d'une manière plus générale, qui conviennent à leurs aspirations.

Une trop grande partie de la population métisse et amérindienne sans statut du Québec est en chômage. La presque totalité de certaines collectivités, particulièrement dans des régions périphériques éloignées, n'ont presque jamais de travail rémunéré.

Les prestations d'assurance-chômage et les allocations d'aide sociale deviennent alors un mode de vie.

Les pertes que subit la société québécoise chaque fois que de telles conditions existent sont incalculables. Elles comprennent non seulement la valeur de la productivité à laquelle les autochtones en chômage n'ont pas contribué ainsi que la valeur des allocations versées, mais, aussi et surtout, l'effroyable coût social et médical encouru par les individus privés de leur dignité humaine et poussés vers l'auto destruction sous toutes ses formes, depuis l'alcoolisme jusqu'au suicide.

C'est un problème vaste et complexe, une autre facette de nos conditions de vie qui ne peuvent facilement être améliorées du jour au lendemain. Et pourtant, certaines stratégies pourraient être mises en place par votre gouvernement. Mentionnons, entre autres: augmenter le nombre de conseillers à l'emploi autochtone; offrir des services de "counselling" après le placement; tenir compte du taux élevé de chômage autochtone dans la distribution des crédits de formation et de création d'emplois; exploiter au profit des collectivités métisses et amérindiennes sans statut les possibilités d'emploi créées par de nouveaux grands complexes industriels comme, par exemple, le développement hydroélectrique de la Baie-James; offrir des contributions aux collectivités métisses et amérindiennes sans statut désireuses d'évaluer le fonctionnement du marché du travail dans leur région; mettre sur pied un groupe de travail - "task force" - ou comité d'emploi autochtone dont la première tâche serait la mise au point de stratégies visant à diminuer le chômage des autochtones.

Un tel groupe de travail pourrait en outre voir la façon d'accroître l'efficacité des services que les centres de main-d'oeuvre du Québec offrent aux autochtones; il pourrait aussi voir à augmenter le nombre d'autochtones embauchés dans la fonction publique du Québec.

Les jeunes Métis et Amérindiens sans statut et le marché du travail. Le développement économique tel que nous le concevons ne pourra s'implanter du jour au lendemain dans nos communautés. Il sera le résultat d'efforts soutenus, de concertation et de coordination entre notre milieu et votre gouvernement. Entre-temps, nous devons nous pencher sur le problème aigu des jeunes Métis et Amérindiens sans statut qui ne possèdent pas d'emploi et dont les chances d'obtenir un emploi sont minces en période de récession comme celle que nous connaissons en Amérique du Nord depuis trois ou quatre ans.

C'est pourquoi nous nous intéressons vivement au programme Action jeunes volontaires tel que décrit dans un document récent du Secrétariat à la jeunesse. Nous savons que votre gouvernement veut mettre l'accent sur les programmes de création d'emplois destinés aux jeunes et aux assistés sociaux. Nous savons également que le programme Jeunes Volontaires se situe à la périphérie d'autres mesures envisagées par votre gouvernement.

Les Métis et les Amérindiens sans statut, tout comme les autres jeunes Québécois, sont confrontés quotidiennement à leur difficulté de prendre des décisions et des initiatives et de s'insérer dans le marché du travail tel que présentement structuré. Selon les informations obtenues jusqu'à maintenant, il semble que le programme Jeunes Volontaires vise à satisfaire les besoins nouveaux créés par une situation d'attente entre l'école et le marché du travail. Les jeunes y sont invités à organiser, avec l'appui nécessaire, des échanges avec les autres jeunes et la société.

Nous saluons cette initiative du gouvernement du Québec et souhaitons que des rencontres d'information puissent avoir lieu sans délai entre notre association et divers organismes gouvernementaux afin de voir comment ce programme pourrait être instauré en milieu autochtone. Puisque le programme Jeunes Volontaires n'est pas un programme d'emploi, mais plutôt un programme pour soutenir et encourager les projets et les initiatives des jeunes dans leur milieu, les jeunes membres de notre association peuvent mieux que tout autre évaluer leurs besoins en ce domaine, ainsi que les besoins et ressources dans leur propre milieu. Ce programme pourrait, d'une part, leur apporter une expérience de travail et, d'autre part, leur permettre d'acquérir des connaissances et des aptitudes utiles et pratiques en tant que Métis et Amérindiens sans statut.

Donc, dans le cadre de ce programme novateur, nous aimerions voir comment des modules jeunesse autochtone pourraient être mis sur pied dans divers centres de travail du Québec.

M. le Président, M. le premier ministre, MM. les membres de la commission, mesdames et messieurs, j'aimerais maintenant passer la parole à Gilles Bérubé.

Le Président (M. Rancourt): M. Bérubé.

M. Bérubé (Gilles): M. le Président, M. le premier ministre, MM. les membres de la commission, mesdames et messieurs. L'habitation. Comme nous l'avons mentionné ailleurs dans le présent mémoire, les besoins prioritaires des familles métisses et amérindiennes sans statut, lors de la fondation de l'alliance, se situaient dans le domaine de l'habitation. C'est pourquoi notre organisme s'est donné, dès le début des années soixante-dix, une institution autonome, capable de répondre aux besoins prioritaires.

II serait superflu de reprendre dans le présent mémoire tout le contenu du plan d'intervention de la Corporation Waskahegen pour l'année 1984. Nous référerons plutôt les membres de la commission au texte de ce plan, ainsi qu'à la demande de fonds adressée récemment à la Société d'habitation du Québec par le gérant général de la Waskahegen, Gilles Bérubé.

Recommandations relatives à l'habitation. Que le gouvernement du Québec et les ministères concernés appuient les Métis et les Amérindiens sans statut du Québec dans leurs efforts de se doter d'habitations et de logements convenables; que cet appui se concrétise au moyen d'une aide financière et technique en provenance de la Société d'habitation du Québec et autres organismes concernés, que la Société d'habitation du Québec accrédite un groupe de ressources techniques pour les autochtones; que la Société d'habitation du Québec consente à ce que la Corporation Waskahegen devienne l'agence de livraison des programmes offerts par la SHQ pour les autochtones.

Le tourisme et les autochtones. Une composante de plus en plus importante de l'économie de n'importe quel pays, y compris le Canada et le Québec, est le tourisme. Parce que nous vivons de plus en plus dans une société mondiale et ce que certains appellent un village planétaire, le nombre de visiteurs et de touristes étrangers visitant toutes les régions du Québec connaîtra probablement une croissance phénoménale au cours des prochaines années.

Nous croyons qu'un des attraits touristiques du Québec est le fait que les peuples autochtones, leurs cultures, leurs langues et leur patrimoine ont survécu (malgré d'indescriptibles difficultés et douleurs) à l'invasion des colonisateurs et qu'ils constituent une richesse indéniable dans le monde moderne.

Plusieurs des nôtres, au cours de leurs voyages à l'étranger, ont pu découvrir l'intérêt, la curiosité, la fascination et souvent l'admiration des peuples étrangers pour les cultures autochtones du Québec. Nous pensons que, de plus en plus, les visiteurs et touristes étrangers tenteront de prendre contact avec notre peuple lors de leurs séjours au Québec. Nous pensons qu'ils seront intéressés à connaître la façon dont nous vivions traditionnellement et aussi comment nous nous sommes adaptés à la société et à la vie moderne.

Nous croyons que cet intérêt peut se traduire en un facteur de développement économique pour notre peuple aussi bien que pour l'ensemble des Québécois. Nous croyons que notre peuple et les Québécois devraient se donner les infrastructures pour orienter ce développement économique dans le domaine du tourisme. Et nous sommes convaincus que ce développement peut se faire sans porter atteinte a notre culture, sans la dégrader, mais plutôt en démontrant sa valeur indéniable et le rôle que cette culture et ses valeurs traditionnelles peuvent jouer dans le monde actuel.

Il nous faudra donc travailler ensemble à sortir la culture métisse et amérindienne sans statut des musées et démontrer qu'elle est toujours vivante et utile. Tout comme aujourd'hui, les gens visitent des parcs écologiques, comme celui qui a été aménagé au Lac-Saint-Jean, ils pourront demain visiter peut-être un village ancien amérindien et métis, ou encore un poste de traite de fourrures reconstitué. Le potentiel est très vaste: nous pensons, par exemple, au sport de la randonnée pédestre en forêt qui connaît une grande vogue aujourd'hui dans presque tous les pays du monde. Nos gens sont bien placés pour travailler à l'aménagement et à l'entretien de sentiers de randonnée dans les régions du Québec. (18 heures)

Nous pensons également aux petites entreprises spécialisées dans le canotage à travers les rapides, "white water canoeing", qui connaît une grande pupularité un peu partout en Amérique du Nord. Les nôtres ont souvent travaillé comme guides de chasse et de pêche. Aujourd'hui, toutefois, beaucoup de nos jeunes n'ont pu vivre l'expérience de la vie en forêt comme leurs parents et grands-parents. Pourquoi ne pas mettre sur pied des stages de formation à leur intention? Nos anciens seraient d'excellents enseignants dans ce domaine et pourraient également profiter de l'occasion pour transmettre d'autres dimensions de la culture autochtone.

Pour ce faire, nous aurons évidemment besoin de l'aide du gouvernement du Québec et d'autres groupes d'intérêt. Nous ne pouvons assumer cette forme de développement économique de façon isolée.

Nous aurons besoin de votre aide dans des domaines tels: l'aménagement des équipements touristiques; la création d'emplois dans ce secteur d'activité économique; la stimulation de nouveaux projets commerciaux et l'agrandissement d'établissements commerciaux en milieu autochtone; la construction, l'amélioration et l'entretien de routes d'accès; aider les petites entreprises métisses et amérindiennes sans statut à obtenir des prêts à des fins d'amélioration; attirer les investissements en milieux métis et amérindien sans statut; aider la population autochtone à mettre sur pied des entreprises de développement économique en leur fournissant des services de gestion financière et administrative; encourager la mise en place d'installations publiques pour les gens qui utilisent des embarcations de plaisance, surtout ceux et celles qui entrent dans la catégorie des touristes; favoriser l'établissement d'un

réseau hôtelier ou d'hébergement en milieux métis et amérindien sans statut ou dans les centres d'attraits touristiques propres au milieu; promouvoir le marketing de nos entreprises axées sur le développement touristique en milieu autochtone, par exemple, en amorçant la distribution de films et dépliants touristiques à l'étranger, pour encourager les voyages au Québec et en milieu autochtone; mettre sur pied des stages de formation pour les autochtones qui travailleront dans le domaine du tourisme.

M. le Président, j'aimerais donner la place à Claude Riel-Lachapelle.

M. Riel-Lachapelle (Claude): M. le Président, M. le premier ministre, membres de la commission. Si vous le permettez, je vais poursuivre la lecture.

La protection de l'environnement. "L'humanité peuple la terre depuis des centaines de milliers d'années. Mais, depuis un siècle, au nom du progrès qui faisait la spécificité et la fierté des hommes, a commencé la plus gigantesque entreprise de destruction qu'une espèce n'ait jamais menée contre le milieu qui soutient sa vie et contre la vie elle-même. "La terre est en danger. Elle a été mise en danger notamment par le développement de la civilisation industrielle occidentale. C'est ce qu'on appelle le péril blanc. Océans pollués, terres stérilisées, atmosphère empoisonnée, tissu social disloqué, civilisations tribales écrasées, la plus spectaculaire des opérations-suicides."

Certains objecteront peut-être que la qualité de l'environnement et la protection de l'environnement n'ont rien à voir avec une commission parlementaire de la présidence du conseil et de la constitution. Nous leur répondrons que, si aucune mesure n'est adoptée pour stopper le désastre écologique et la dégradation de l'environnement que connaît le Québec depuis quelques années, la survie et le mieux-être des humains sur ce territoire - qu'ils soient autochtones ou non - seront impossibles. Nous en sommes rendus au point critique où nous devons remettre en question certaines formes d'exploitation des ressources et du territoire, sans quoi nous nous acheminons vers un désastre certain. Déjà, des milliers de lacs du Québec sont meurtris par les pluies acides. Nous n'avons pas besoin de lire les rapports des scientifiques canadiens et américains pour nous alerter; nous voyons les poissons morts flotter sur les eaux de nos lacs et rivières, nous voyons la végétation brûlée par des substances toxiques charriées par vents et nuages. Nous ne pouvons plus boire directement l'eau de nos lacs et rivières, comme nous le faisions il y a 20 ans. Si nous le faisons, nous risquons de tomber malades. Certains d'entre nous en sont morts. Le Grand Conseil des Cris, par exemple, pourra vous décrire les problèmes de santé causés par la pollution des eaux sur le territoire de la Baie-James: plusieurs enfants cris en sont morts.

Nous n'avons pas l'intention, dans le cadre de ce mémoire, de décrire tous les problèmes causés par la pollution des eaux, du sol, de l'atmosphère et des denrées alimentaires. Des spécialistes l'ont fait et leurs informations sont recueillies dans de gros rapports et documents qui dorment sur les tablettes du ministère de l'Environnement, dans les centres de documentation d'Hydro-Québec et dans plusieurs autres lieux.

Nous aimerions plutôt rappeler le fait que le temps n'est plus au diagnostic. Il faut agir: les pollueurs sont identifiés depuis longtemps. Il nous faut collectivement les inciter à cesser de tuer les différentes composantes des écosystèmes dans lesquels nous vivons. Nous ne pourrons survivre bien longtemps si nous continuons d'assassiner la biosphère qui nous soutient. Le Québec s'est donné une loi pouvant assurer la protection de l'environnement en 1972. Il s'agit maintenant de faire respecter cette loi, de lui donner une "épine dorsale". Cela fait dix ans que les études d'impact et l'évaluation des dégâts se multiplient. Il est trop tard pour continuer d'essayer de parler gentiment aux grands pollueurs qui ne recherchent que leurs seuls profits au détriment de l'ensemble de la collectivité.

Nous nous joignons donc aux écologistes et aux citoyens concernés du Québec pour lancer un cri d'alarme. Il faut stopper le désastre écologique qui sévit au Québec, le paradis terrestre des pollueurs nord-américains.

Nous invitons tous les organismes autochtones du Québec à se joindre à nous afin de mettre sur pied un comité permanent autochtone sur l'environnement.

Le Québec s'est doté d'une armée de gardes-chasse et de gardes-pêche. Essayons de voir ensemble si le Québec peut se donner quelques gardiens voués à la protection de la qualité de notre environnement collectif. Pouvons-nous assurer aux êtres humains la même protection que celle que nous voulons donner à la faune de cette province?

Nous pourrions peut-être ensemble voir à former des techniciens de l'environnement. Il est probable que certains autochtones -jeunes et moins jeunes - inadaptés aux milieux urbains seraient fort heureux d'entreprendre une telle formation et de parcourir leurs territoires traditionnels dans le but de protéger les qualités naturelles de ces mêmes territoires.

Rappelons que le gouvernement du Québec n'a pas créé comme à Ottawa un véritable ministère de l'Environnement, mais a plutôt mandaté un ministre responsable

pour élaborer une politique de protection de l'environnement, aidé en cela d'un Conseil consultatif de l'environnement et d'un directeur des services de l'environnement. Rien dans la loi n'oblige le ministre à demander l'avis de ce conseil dans la détermination des seuils de pollution permis. Ainsi, le Québec se retrouve dans une position semblable à celle où on regarderait un malade mourir en prenant sa pression sanguine, en analysant ses urines, etc., mais en ne posant aucun geste susceptible de guérir son mal et de le guider vers la santé.

Nous recommandons donc que des représentants des organismes autochtones du Québec, leurs personnes-ressources et conseillers éventuels en matière d'écologie et de protection de l'environnement siègent au Conseil consultatif de l'environnement.

La plupart des autochtones du Québec sont conscients que la question dramatique de la dégradation de l'environnement est étroitement liée aux problèmes fondamentaux de la société dominante. Le problème environnemental est directement relié à notre économie actuelle, ainsi qu'à notre système politique, et sa solution exigera des transformations en profondeur. Il est probable que les valeurs traditionnelles des autochtones, celles-là mêmes qui ont aidé nos ancêtres à vivre en harmonie avec la nature pendant plusieurs millénaires avant l'arrivée des Européens, pourront aider la société québécoise à s'orienter vers un développement qui ne soit pas suicidaire, qui ne détruise pas les écosystèmes, supports essentiels à toute forme de vie.

Les activités traditionnelles de trappe, chasse et pêche. Une composante essentielle de notre développement socio-économique est la poursuite de nos activités traditionnelles, soit la trappe, la chasse, la pêche et la cueillette. La poursuite de ces activités a même une incidence culturelle certaine dans notre milieu.

C'est au cours de l'été et de l'automne 1982, par échanges et ententes, que le président de l'Alliance laurentienne des Métis et Amérindiens sans statut, Fernand Chalifoux, ainsi que Claude Riel-Lachapelle, se sont sensibilisés au problème crucial existant dans nos communautés au niveau de la trappe, de la chasse et de la pêche.

Il devient urgent de mettre en place des structures permettant la libre circulation sur nos terres, puisque le mode de vie dont nous avons retiré notre identité et notre conscience en tant que peuple est menacé d'extinction.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le seul moyen de parvenir à vivre selon le mode de vie traditionnel serait de vivre dans l'illégalité. Cette conjoncture répréhensible devrait disparaître pour faire place à la reconnaissance de nos droits autochtones et cela, en tant que peuple.

Sans entrer dans le vif des conférences constitutionnelles sur les droits des autochtones, nous nous sommes entendus pour choisir certains mécanismes, retenir les plus concrets et les faire commencer dans un cadre permettant une action à moyen terme.

Entre-temps, il y a eu la présentation du mémoire de l'Alliance laurentienne des Métis et Indiens sans statut du Québec à la commission parlementaire du loisir, de la chasse et de la pêche, en novembre 1982, au salon rouge de l'Assemblée nationale à Québec. Cela a été le début d'une démarche de revendication, dans un contexte englobant les politiques sur les droits des autochtones à travers le pays.

L'activité de trappe, que pratiquent les Métis et Amérindiens sans statut, est sensiblement la même que celle que pratiquent les non-autochtones. En effet, les Métis et Amérindiens sans statut se sont vu nier ce droit particulier en tant qu'autochtones et n'ont pas accès aux réserves à castors. Ainsi, nous sommes contraints de participer au système des terrains de trappe enregistrés établi en 1947. Mais ce régime nous a continuellement défavorisés collectivement car, nous ayant dépossédés de nos terres ancestrales, la société dominante nous a mis à profit.

Il se pratique trois types de chasse au Québec, soit la chasse sportive - récréative -la chasse commerciale et, chez les autochtones, la chasse de subsistance. En ce qui a trait à la chasse sportive, cette activité a regroupé, en 1980, environ 520 000 individus. Ces chasseurs québécois non autochtones lui ont consacré 3 800 000 jours, dont 1 300 000 à la poursuite du gros gibier.

Sans contredit, le gros gibier le plus recherché par cette population de chasseurs est l'orignal. Cette année, il y a eu au-delà de 100 000 adeptes qui se sont procuré un permis pour cette chasse et il y a eu une récolte totale d'environ 12 000 spécimens. Pour ce qui est des autres gros gibiers, nous pouvons citer, sans ordre d'importance toutefois, le caribou, le cerf de Virginie ainsi que l'ours noir.

Si nous regardons sommairement la pratique de la chasse à la faune ailée, nous notons que le nombre d'adeptes s'élève au Québec à 65 000 individus. Ils consacrent environ 600 000 jours à la pratique de ce sport, pour atteindre une récolte annuelle de 123 000 oiseaux migrateurs.

Enfin, les chasseurs non autochtones pratiquent la chasse au petit gibier pour un total de 2 500 000 jours de récréation. Cet effort de chasse produit une récolte annuelle de 2 200 000 lièvres et de 1 200 000 perdrix.

Pour ce qui est de la chasse de subsistance pratiquée par les autochtones, il serait assez difficile d'obtenir des données

quantitatives propres à cette activité. Une des caractéristiques de cette chasse est la grande variété d'espèces animales convoitées. Il n'en demeure pas moins évident que les autochtones ont, en pratiquant librement la chasse et la pêche de subsistance, le droit d'assurer pleinement leur santé physique et leur identité propre.

Assez similaire à la chasse, la pêche se concentre sur deux plans, soit la pêche commerciale et la pêche récréative. Il est intéressant de constater que le prélèvement annuel de la ressource ichtyologique dans les eaux québécoises se chiffre par plus de 77 000 tonnes métriques. Signalons qu'à elle seule la pêche sportive a pour sa part un prélèvement de 13 634 tonnes métriques de poissons.

En ce qui a trait à la pêche de subsistance, elle est estimée à 1808 tonnes métriques de poissons et elle se pratique de façon traditionnelle à l'aide de filets maillants.

L'ampleur du problème, en ce qui touche nos activités traditionnelles, a été soulevée de façon très claire par un ancien vice-président de l'alliance, feu Nelson Amos, lors d'audiences publiques tenues au Château Frontenac de Québec le 7 mars 1981, et je cite: "Les droits qui nous ont été niés dans les faits, depuis la soi-disant fondation de ce pays, nous ont relégués a des citoyens de seconde classe, sans base économique et sans moyen politique pour se prendre en main. "Les terres que nos ancêtres ont trappées et chassées sont propriété de compagnies souvent étrangères; pour ne citer qu'un exemple, notre région des Rapides-des-Joachims, considérée au début du siècle - et reconnue comme telle dans le rapport Dorion sur l'intégrité du territoire québécois comme territoire indien, est aujourd'hui louée par le gouvernement du Québec à l'Ontario Hydro. Les autochtones qui y vivent depuis des générations paient maintenant des frais de location de terrain à cette même compagnie. Pour nous, cette situation est inacceptable et démontre clairement notre situation de squatters sur nos propres terres. "Aujourd'hui, dans notre région, les activités qui ont été la base de notre économie ancestrale nous sont interdites. Jour après jour, les Métis de notre région perdent leurs terrains de trappe, terrains de trappe qu'ils avaient été forcés d'obtenir en se résignant à faire la demande d'un terrain comme tous les autres citoyens non autochtones du Québec. Ils sont continuellement victimes de harcèlement pour respecter les quotas imposés et victimes des rapports des biologistes faits à partir de données incomplètes, recueillies à partir de photos aériennes. Comment pouvons-nous faire respecter nos droits dans un tel système?"

Exemptions fiscales. Une mesure qui ne pourrait que favoriser le développement économique dans notre milieu est l'exemption fiscale.

(18 h 15)

Les Métis et les Amérindiens sans statut, en tant qu'autochtones à part entière, doivent bénéficier d'exemptions fiscales. Celles-ci peuvent être considérées non seulement comme découlant de nos droits ancestraux, mais aussi, répétons-le, comme moyen d'épauler notre développement économique.

Un peuple qui a été si brutalement dépossédé de ses terres et de ses ressources ne devrait pas avoir en plus à payer des impôts sur le revenu et des taxes de vente. Nous payons les plus grosses taxes qui soient depuis plus d'un siècle, nous payons les taxes d'un peuple mis à l'écart de la société dominante québécoise et de son économie depuis l'arrivée des Européens.

La première économie de la Nouvelle-France, le commerce des fourrures, n'aurait pu être implantée au pays sans le concours des Amérindiens et des Métis. Il n'est jamais venu à nos ancêtres l'idée de percevoir une taxe sur chacune des fourrures acquises par les commerçants européens. Il n'est jamais venu à l'idée de percevoir taxes ou rançons pour l'utilisation des autoroutes de l'époque, les voies d'eau du Québec. C'est pourquoi nous sommes ébahis de voir qu'aujourd'hui notre désir de bénéficier d'exemptions fiscales semble poser un problème à votre gouvernement.

Recommandations concernant notre développement socio-économique.

Recommandation 1: Que le gouvernement du Québec et les ministères concernés offrent une aide technique et financière à l'Alliance autochtone du Québec dans le but de préparer un plan global de développement socio-économique dans notre milieu;

Recommandation 2: Que le gouvernement du Québec explore avec l'Alliance autochtone du Québec la façon de mettre sur pied un fonds spécial de développement économique en milieux métis et amérindien sans statut;

Recommandation 3: Que le gouvernement du Québec accorde, sous forme de subventions, une aide financière à l'Alliance autochtone du Québec, afin de permettre des recherches plus approfondies concernant le potentiel du développement touristique dans notre milieu;

Recommandation 4: Que le gouvernement du Québec reconnaisse la trappe, la chasse et la pêche comme une composante essentielle de notre économie et qu'il protège dans le cadre d'une loi notre droit de pratiquer ces activités traditionnelles de subsistance;

Recommandation 5: Que le gouvernement du Québec invite l'Alliance autochtone du Québec et les autres groupes

autochtones du Québec à faire partie du Conseil consultatif sur l'environnement;

Recommandation 6: Que le gouvernement du Québec accorde son appui technique et financier à la création d'un comité autochtone permanent sur l'environnement;

Recommandation 7: Que le gouvernement du Québec favorise l'entrée des Métis et des Amérindiens sans statut sur le marché du travail en embauchant autant que possible des personnes de descendance autochtone pour combler dans la fonction publique les différents postes nécessitant un contact étroit avec le milieu autochtone;

Recommandation 8: Qu'un groupe de travail composé de représentants du gouvernement et de ses ministères concernés, d'une part, et de l'Alliance autochtone du Québec, d'autre part, soit mis sur pied le plus tôt possible afin que le programme Jeunes Volontaires soit implanté en milieu autochtone. Nous recommandons, en outre, la formation, dans le cadre de ce programme novateur, de "modules jeunesse autochtone" dans divers centres de travail du Québec;

Recommandation 9: Que le gouvernement du Québec reconnaisse pour notre peuple la nécessité de bénéficier de programmes de formation susceptibles d'améliorer notre situation économique, et que le gouvernement du Québec nous donne tout l'appui nécessaire auprès du ministère de la Main-d'Oeuvre pour développer des programmes de prolongement et de formation pour les Métis et les Amérindiens sans statut;

Recommandation 10: Que la législation du Québec prévoie présentement des exemptions fiscales pour les Métis et les Amérindiens sans statut, en reconnaissant que ces exemptions découlent de nos droits ancestraux fondamentaux et qu'elles auraient pour effet d'épauler notre développement économique.

M. le Président, si vous me le permettez, j'inviterais M. Gilles Couture à poursuivre la lecture.

Le Président (M. Rancourt): M. Gilles Couture.

M. Couture (Gilles): M. le Président, mesdames et messieurs de la commission. La santé. Nous n'avons pas l'intention dans ce mémoire de décrire de façon exhaustive les problèmes de santé qui se posent dans notre milieu. Ils sont fort semblables à ceux que connaissent les couches les plus défavorisées de la société québécoise.

Il n'est pas de notre compétence non plus d'indiquer au gouvernement du Québec, et plus particulièrement au ministère des Affaires sociales, la façon dont on pourrait améliorer l'organisation des soins à la santé.

Nous voulons seulement attirer votre attention sur le fait que, pour nous, la santé dépasse la seule préoccupation des soins aux malades. La santé, ce n'est pas seulement une lutte contre la maladie; la santé est fortement affectée par les influences environnementales, les facteurs économiques et les influences sociales.

Nous savons qu'en principe Métis et Indiens sans statut ont droit comme tous les Québécois aux soins à la santé qui comprennent la pratique médicale, les soins infirmiers, les hôpitaux, les établissements de soins à long terme, les médicaments, les services d'hygiène publique et de santé communautaire, y compris les services ambulanciers, les soins dentaires et autres soins tels que l'optométrie, la podiatrie, etc.

Cependant, pour nous, le concept de santé déborde cette optique. Pour nous, la santé est dépendante en grande partie de notre environnement, de nos habitudes de vie et de notre culture. Nous oserions même dire qu'elle est dépendante de notre attitude spirituelle envers la nature et les autres formes de vie qui nous entourent. Elle est évidemment dépendante des conditions socio-économiques dans lesquelles nous nous retrouvons.

L'environnement, pour nous, englobe tous les facteurs externes au corps humain qui ont une incidence sur la santé. Un environnement sain exige, par exemple, que les aliments, l'eau potable, l'air que nous respirons, etc., soient sans danger et non contaminés. Un environnement sain implique que le milieu social et ses perturbations n'aient pas de répercussions néfastes sur la santé.

Certains d'entre nous sommes conscients que nos habitudes de vie ont une incidence des plus importantes sur notre santé. Refoulés en marge de la société dominante, trop souvent exclus de l'économie québécoise et du marché du travail, beaucoup des nôtres ont développé des comportements et des habitudes de vie qui nuisent à leur santé. Cela va de la mauvaise alimentation, du manque d'exercice jusqu'à la surconsommation d'alcool et de drogues.

Des efforts de prévention des maladies et de promotion de la santé devraient être appuyés en milieu autochtone. À long terme, cela serait peut-être plus bénéfique que simplement se pencher sur l'organisation des soins à la santé. Nous pensons, par exemple, à des infrastructures telles le "Montréal Diet Dispensary" où l'on aide les femmes enceintes à bien se nourrir et à éviter les facteurs qui pourraient nuire à la gestation, la naissance et la croissance de l'enfant. Ce genre d'initiative serait des plus bénéfiques en milieu autochtone.

Recommandations relatives a la santé: 1. Que le ministère des Affaires sociales étudie de façon sérieuse les problèmes de santé propres au milieu des

Métis et Amérindiens sans statut du Québec; 2. Que le ministère des Affaires sociales, de concert avec l'Alliance autochtone du Québec, élabore et implante des mécanismes pour favoriser la prévention des maladies et la promotion de la santé en milieu métis et amérindien sans statut. La diffusion d'informations pertinentes dans notre milieu serait une priorité. Mentionnons, à titre d'exemple, des sessions d'information sur l'alimentation, les dangers de la surconsommation d'alcool et de drogues, les cours prénataux, etc.; 3. Que le ministère des Affaires sociales explore la façon dont des approches de santé préventive, comme le "Montréal Diet Dispensary", pourraient être utilisées dans le milieu des Métis et Amérindiens sans statut.

Le développement culturel. Lorsque nous réfléchissons au développement de la culture dans notre milieu, nous rejoignons les principes qu'énonçait le gouvernement du Québec en 1978, dans un livre blanc intitulé: Politique québécoise du développement culturel, à savoir: 1. Nous ne permettrons par que les gouvernements définissent pour nous notre avenir. Il revient à nos propres communautés de décider de leur propre développement à tous les niveaux; 2. Si les gouvernements nous abandonnent à nos seules ressources - qui sont aujourd'hui inadéquates - il en résultera une mort plus ou moins rapide de notre culture et de notre potentiel économique; 3. Nous, Métis et Amérindiens sans statut, avons la responsabilité d'inventer nos propres institutions et d'amorcer les stratégies qui conviennent à notre propre développement.

L'Alliance autochtone du Québec doit assumer une responsabilité envers la protection et le développement de la culture autochtone d'environ 25 000 Métis et Amérindiens sans statut. Comme nous l'avons répété antérieurement, une loi fédérale, l'Indian Act, sème depuis un siècle au moins la division au sein des peuples autochtones du Québec en privant des milliers d'entre nous de notre appartenance et de notre héritage autochtone.

Malheureusement, une attitude semblable est entretenue par le gouvernement du Québec, même s'il affirme ne pas effectuer de discrimination entre les Amérindiens sans statut et les Amérindiens avec statut. Le Québec exige qu'un autochtone démontre son affiliation à une communauté établie sur une réserve et accentue, dans toutes ses politiques, le rôle intégrateur de la réserve. Cette pratique est discriminatoire à l'égard des Métis et Amérindiens sans statut. Le gouvernement du Québec et le SAGMAI savent très bien que nos membres vivent, pour la plupart, en marge des réserves, puisqu'une loi fédérale leur interdit de vivre sur ces dernières. De plus, les ressources et services au sein des réserves sont nettement insuffisantes pour assurer même le mieux-être des Amérindiens inscrits et officiellement reconnus par Ottawa.

Nous sommes ainsi pénalisés sur toute la ligne par la politique du gouvernement du Québec envers les autochtones. Le développement culturel, comme vous le savez, est intimement relié aux moyens de communication dans notre milieu. Chez nous, les besoins et priorités sont influencés par de nombreux facteurs. Par exemple, l'alliance regroupe des membres appartenant à des groupes autochtones culturellement et lin-guistiquement différents, comme les Algonquins, les Hurons, les Attikameks, les Montagnais, les Cris, les Mohawks, les Micmacs, les Abénakis. La plupart de nos communications, réunions et publications se font en anglais et en français. Toutefois, nous souhaiterions, au cours des prochains mois et des prochaines années, favoriser l'enseignement des langues vernaculaires dans les communautés métisses et amérindiennes sans statut qui en expriment le désir. À ce niveau, les besoins les plus urgents ont été exprimés dans les milieux algonquin et montagnais.

En ce qui touche les autres dimensions de la culture autochtone, nous sommes d'avis qu'elles doivent être nourries et soutenues au niveau de la famille et de la communauté locale. La redécouverte du patrimoine, par exemple, et la renaissance de la tradition orale doivent être encouragées. Mais ce ne sont pas des choses qui peuvent s'enseigner. Une culture doit se vivre. Ce que vous pouvez faire pour nous et ce que peut faire la société dominante en général consiste à éliminer ou tout au moins à réduire les obstacles à la survie et au développement de notre culture.

Nous voulons encore une fois souligner le fait que la survie de la culture autochtone est irrévocablement liée à nos territoires. Un gouvernement qui prétend vouloir nous donner les outils nécessaires pour améliorer notre condition sociale, économique et culturelle devra permettre que nous retrouvions accès à une partie de nos territoires traditionnels. Il devra aussi avoir le courage de mettre sur pied avec notre peuple des mécanismes nous permettant d'administrer ces territoires et leurs ressources renouvelables et non renouvelables. Tout le monde semble d'accord pour appuyer un développement éducatif et culturel qui respecte les valeurs autochtones. Mais nous croyons qu'à la base d'un tel effort, nous devrons ensemble nous pencher sur le développement économique des Métis et des Amérindiens non inscrits sur le registre fédéral de l'Indian Act.

Nous avons depuis des temps

immémoriaux entretenu avec la terre et ses ressources des relations étroites et soutenues. C'est pourquoi le droit de chasser, de trapper, de pêcher et de cueillir nous apparaît si fondamental. Mais cela va plus loin. Si les obstacles qui nous empêchent de pratiquer ce droit fondamental étaient éliminés, cela stimulerait, d'une part, notre économie familiale et communautaire et, d'autre part, cela contribuerait à faire revivre un des aspects les plus importants de notre culture.

En résumé, le droit au développement culturel des autochtones ne peut être dissocié de nos droits territoriaux, aborigènes ou ancestraux. Appelez-les comme vous voulez, pour autant que vous êtes d'accord avec la définition offerte par n'importe quel bon dictionnaire: les droits aborigènes comprennent tous les droits dévolus à un peuple avant l'arrivée des colonisateurs. Pour nous, cela signifie les droits linguistiques, le droit d'accès aux ressources, les droits culturels, les droits sociaux, les droits politiques, les droits religieux. Et ces droits sont interreliés, interdépendants. Il serait absurde de vouloir nous aider à développer notre culture si vous nous empêchez d'avoir accès à un territoire et de pratiquer nos activités traditionnelles. (18 h 30)

Comme le faisait remarquer récemment Jeanne McDonald dans un texte intitulé Nous marchons dans les traces de nos ancêtres, au milieu des confusions, des incertitudes et des définitions de qui est amérindien, il n'y a au fond qu'une question, et celle-ci relève de la personne concernée. 'Pour moi, la réponse est devenue un mode de vie, un fait de vivre et de croire aux valeurs et traditions de la culture autochtone."

Notre appartenance est reliée à nos premiers souvenirs d'enfance, où l'admiration et l'amour de la terre prirent racine grâce aux enseignements de nos parents. "Avec le temps, il devient de plus en plus clair combien sont importantes nos relations avec la famille, avec nos grands-mères et nos grands-pères, et avec la terre où notre peuple a vécu depuis des générations. Ce sont des relations qui unissent la terre et le ciel, où ceux qui nous ont enseigné notre passé nous confient le soin de protéger la terre qui nous soutient et nous donnent l'ardeur de poursuivre ce voyage vers le futur."

Depuis la fondation de notre association, l'un de nos objectifs a été de faire connaître notre culture à l'ensemble de la société québécoise. Malgré nos faibles ressources, nous avons accompli une tâche énorme dans ce domaine: nous avons appuyé et parrainé des douzaines d'événements culturels depuis l'organisation d'un festival de musique autochtone jusqu'à la publication d'ouvrages historiques, en passant par la mise sur pied de projets d'art et d'artisanat autochtone, de collecte de photos anciennes et d'enregistrement de légendes et enseignements de sages de plusieurs peuples autochtones du Québec.

L'alliance a aussi soutenu de façon active la mise sur pied de plusieurs centres d'amitié autochtone à travers le Québec. Ces centres constituent un lieu de rencontre pour les diverses populations autochtones d'une région, Amérindiens, Inuits et Métis. De nombreuses activités au sein de ces centres ont permis aussi d'établir un dialogue avec la population non autochtone. Ces centres nous donnent aussi l'occasion de découvrir et de mieux faire connaître aux autres plusieurs aspects de notre vie sociale, économique et culturelle.

Parallèlement à ces activités, l'alliance s'est impliquée dans ce que l'on pourrait appeler la recherche historique. Nous cherchons, par exemple, à diffuser de façon plus importante des ouvrages comme Kipawa, portrait d'un peuple, et La volonté de survivre écrits par feu Kermot Moore, le fondateur de l'alliance.

Plusieurs membres et leaders de l'alliance répondent depuis douze ans à de nombreuses invitations lancées par les mass media, les écoles, universités et autres organismes et tentent par leur présence et leur travail de mieux faire connaître la culture métisse et amérindienne au Québec. C'est un travail de longue haleine: pendant des générations, notre culture a été dévalorisée, dégradée, ridiculisée. Nos jeunes, à l'école, se sont fait traiter de "sauvages" et nos pères, au travail, de "paresseux". Nous avons été élevés dans ce contexte où on nous disait jour après jour que nous étions des gens inutiles et que nos ancêtres avaient massacré les représentants de l'Église et les ancêtres européens.

Aujourd'hui, nous sommes de plus en plus conscients que la société dominante nous traite de cette façon pour se donner bonne conscience: elle n'ose pas regarder en face la façon dont elle a privé des peuples entiers de leurs héritages spirituels, économiques, sociaux, politiques et culturels. Elle n'ose pas regarder en face la façon dont elle a dépossédé les aborigènes de ce pays de leurs territoires et de leurs ressources en ne respectant pas ses propres traités et promesses et en allant à l'encontre, bien souvent, du droit international.

C'est pourquoi nous reconnaissons notre responsabilité de lutter sans répit contre le racisme et la discrimination dont nous sommes les victimes depuis plusieurs siècles. Notre culture a été agressée et violentée, mais elle n'est pas morte. Elle reprend vie et nous, Métis et Amérindiens sans statut, voulons être présents comme une des forces sociales et culturelles du Québec. Nous osons espérer que le gouvernement du Québec et la

société québécoise dans son ensemble nous aideront à reprendre la place qui nous revient dans cette société multiculturelle et multiethnique.

Recommandations relatives à notre développement culturel: 1. Que le gouvernement du Québec reconnaisse les Métis et Amérindiens sans statut du Québec comme autochtones à part entière, ayant une identité et une vie culturelle spécifiques au sein de la société québécoise; 2. Que le gouvernement du Québec reconnaisse la nécessité de doter notre peuple d'une base territoriale de façon à assurer la survie de notre culture aujourd'hui et dans l'avenir; 3. Que le gouvernement du Québec reconnaisse que la pratique des activités traditionnelles de chasse, trappe, pêche et cueillette sont une composante essentielle de notre culture autochtone et qu'il consente à lever les obstacles qui nous empêchent actuellement de pratiquer ces activités de façon régulière; 4. Que le gouvernement favorise la mise sur pied de projets éducatifs pour mieux faire connaître la culture métisse et autochtone au Québec et qu'il intervienne pour empêcher la diffusion de stéréotypes dévalorisants et de propagande raciste dans les mass media; 5. Que le gouvernement du Québec encourage et appuie de diverses façons notre participation aux activités et à la vie culturelle de la société québécoise, tout en reconnaissant notre spécificité et notre droit à la différence.

M. le Président, j'aimerais passer la parole à M. Claude Riel-Lachapelle.

Le Président (M. Rancourt): M.

Lachapelle.

M. Riel-Lachapelle: M. le Président et membres de la commission, je poursuis.

L'éducation. Traditionnellement, l'éducation des Amérindiens était de type organique, c'est-à-dire que ce n'était pas une activité spécialisée et détachée de la vie de la communauté comme c'est le cas aujourd'hui, mais bien une activité totalement intégrée à la vie de la famille et du clan. L'éducation était un processus continu: les enfants suivaient d'abord leur mère et assumaient diverses tâches utiles à la famille entière. Ils allaient puiser l'eau à la rivière, ils portaient de petites provisions de bois, proportionnées à leur taille. Ils apprenaient, dès la tendre enfance, ce que l'on appelle aujourd'hui l'écologie, c'est-à-dire la relation qui existe entre l'être humain et son milieu environnant: la terre, les plantes et les arbres, les êtres à quatre pattes, les oiseaux, les poissons, les lacs, les rivières, la neige, les astres et le cycle des saisons. Ils héritaient aussi d'une spiritualité qui marquait profondément chacun des gestes posés au cours d'une journée.

Ce type d'éducation totalement intégrée à la vie de la famille et du clan mettait l'emphase sur la tradition, la continuité culturelle et spirituelle, le courage et l'endurance, la générosité et le partage, et les aptitudes manuelles. L'éducation amérindienne traditionnelle n'utilisait jamais les punitions corporelles. L'enfant grandissait dans la communauté qui lui enseignait progressivement ses rôles futurs et les aptitudes et qualités requises pour assumer ces rôles.

Le contact entre les Amérindiens et les missionnaires français engendra un nouveau modèle d'éducation, modèle qui s'est perpétué jusqu'à aujourd'hui. En 1634, le jésuite Paul Le Jeune élaborait un modèle pour convertir les Amérindiens. Selon les termes mêmes de Le Jeune, le projet mettait en branle "les moyens d'acquérir cet ascendant par-dessus nos sauvages". Le Jeune développa un modèle d'institution qui entraîna la séparation des jeunes Amérindiens d'avec leurs parents, leur parenté et leur communauté.

Elle visait à leur inculquer un système de valeurs chrétien et la loyauté envers le gouvernement colonial, sans être dérangés par l'ingérence des parents. Ce nouveau modèle était paternaliste et centralisateur. Le Jeune explique ainsi pourquoi cette centralisation était importante: "La raison pourquoi je ne voudrais pas prendre les enfants du pays dans le pays même, mais en un autre endroit, c'est pour autant que ces barbares ne peuvent supporter qu'on châtie leurs enfants non pas même de paroles, ne pouvant rien refuser à un enfant qui pleure, si bien qu'à la moindre fantaisie ils nous les enlèveraient avant qu'ils fussent instruits; mais si on tient ici les petits Hurons, ou les enfants des peuples plus éloignés, il en arrivera plusieurs biens: car nous ne serons pas importunés ni détournés des pères en l'instruction des enfants; cela obligera ces peuples à bien traiter, ou du moins à ne faire aucun tort aux Français qui seront en leur pays..."

Cette stratégie a survécu jusqu'à nos jours. Plusieurs des nôtres, vivant dans le Moyen-Nord et le Nord du Québec, pourront vous raconter comment ils ont été enlevés à leur famille et placés dans des écoles résidentielles, communément appelées "pensionnats indiens", où on leur interdisait, sous peine de sévices corporels, de parler leur langue maternelle. Là, on leur enseignait tout ce qu'il faut pour être un bon Canadien et un bon Québécois et rejeter le mode de vie, la culture, la langue et la spiritualité de leur propre famille et de leur propre peuple. Je ne vous raconte pas là des incidents de 1634, mais bien le genre d'éducation auquel

nous avons été soumis jusqu'à tout récemment.

Nous savons que notre culture et notre mode de vie en ont pris un coup depuis quatre siècles. Nous ne vivons plus de la même façon que nos ancêtres, c'est bien évident, mais nous osons prétendre que certaines des valeurs qui guidaient nos ancêtres, ainsi que leur attitude devant les diverses formes de vie qui composent notre environnement sont précisément celles dont nous avons besoin pour survivre aujourd'hui. Les valeurs que les colons et leurs descendants ont voulu nous inculquer, celles de la compétitivité entre humains, plutôt qu'entraide et partage, celle de la domination et de l'exploitation de tout ce qui se trouve dans l'environnement, plutôt que la coexistence respectant l'équilibre et l'interdépendance qui doivent régner entre chaque forme de vie, sont meurtrières et suicidaires. Nous n'avons qu'à lire les manchettes de vos journaux pour nous en convaincre.

Il est évident que nous ne voulons pas couper tous les liens avec le monde moderne, reprendre les arcs et les flèches de nos ancêtres et retourner vivre en forêt. D'ailleurs, nous en serions bien incapables la plupart de nos forêts ont été coupées à blanc, la plupart de nos lacs et rivières ont été pollués au mercure et autres produits toxiques, vos lois nous interdisent de chasser le gibier, préférant l'offrir aux chasseurs et trappeurs sportifs du Québec et de l'étranger.

Ce que nous voulons, c'est vivre dans le monde et la société d'aujourd'hui en tant que Métis et Amérindiens sans statut avec une identité propre et un héritage bien à nous. Nous ne voulons pas renier et abandonner nos racines amérindiennes, pas plus que vous ne voulez renier vos racines françaises et votre culture francophone.

Cela implique un nouveau projet éducatif en ce qui concerne les Métis et Amérindiens sans statut du Québec. Nous avons, d'ailleurs, souvent de façon exploratoire et plus ou moins efficace, avec les maigres moyens dont nous disposons, devancé le ministère de l'Éducation du Québec dans cette tâche en multipliant les activités éducatives au sens large dans chacun de nos locaux, dans chacune de nos régions, aussi souvent que nous le pouvions depuis la mise sur pied de notre organisme.

Ce travail éducatif a pris diverses formes au cours des douze dernières années: séances d'information et de sensibilisation auprès de nos membres, organisation et participation à divers colloques et conférences, rédaction et publication de plusieurs livres et documents, organisation d'événements culturels de toutes sortes, participation à des émissions de radio et de télévision, création de documents audiovisuels, publication et diffusion du journal Alliance, production d'émissions pour les radios communautaires, projets de recherche sur le patrimoine autochtone, etc.

Un de nos efforts les plus récents en ce domaine est la création d'un cours de niveau secondaire sur les activités traditionnelles destiné aux élèves métis et indiens sans statut du Québec rédigé en août 1983 par Claude Riel-Lachapelle et récemment présenté au ministère de l'Éducation du Québec.

Après douze ans d'existence, l'Alliance autochtone du Québec envisage de mettre en place des structures concrètes pour la réalisation d'un objectif primordial, soit d'acquérir des mécanismes d'action directe dans le domaine scolaire.

Rappelons encore une fois que l'histoire démontre que les nations autochtones ont toujours été défavorisées par comparaison à la société dominante. Nous sommes très conscients, nous, Métis et Indiens sans statut du Québec, que les législateurs de cette société dominante ont mis en place et créé leurs lois, leurs institutions, se sont protégés et ont privilégié les leurs en écartant une population déjà sur place, les autochtones.

Il est inquiétant de constater - en excluant l'entente de la Baie James - qu'il n'existe aucun moyen propre à favoriser la scolarisation des Métis et Indiens sans statut du Québec, si ce n'est l'assimilation directe dans un bassin de culture et de comportement non autochtones. (18 h 45)

Nous nous méfions donc de toute politique gouvernementale, peu en importe la source: fédérale, provinciale, commissions scolaires, etc., si cette politique n'admet pas et n'accorde pas une pleine autonomie aux Métis et Indiens sans statut dans les mécanismes d'éducation des jeunes de leurs communautés. Les politiques antérieures de ces législateurs et hommes politiques de la société dominante ne sont que les manifestations d'une politique assimilatrice et génocidaire. Nous croyons que le temps est venu pour ces gouvernements d'entrevoir autre chose que l'ethnocide et de découvrir enfin la dignité des peuples aborigènes en s'engageant à maintenir avec eux des liens moins colonisateurs et à baser les rapports futurs sur le respect mutuel de nos peuples.

Dernièrement, il nous a semblé percevoir une volonté d'agir du ministère de l'Éducation du Québec à l'égard des Métis et Indiens sans statut dans le sens dont nous venons de parler. En effet, l'Alliance laurentienne des Métis et Indiens sans statut a soumis au mois de janvier 1983 une demande afin que le ministère de l'Éducation du Québec puisse fournir des fonds qui seraient consacrés à la préparation et à la mise en place d'un cours axé sur la culture traditionnelle.

Jusqu'à maintenant, les anthropologues, les spécialistes en éducation et autres spécialistes du milieu universitaire qui s'intéressent au milieu autochtone se sont penchés exclusivement sur le phénomène de l'éducation chez les Amérindiens vivant dans les réserves indiennes et en milieu inuit.

La documentation pertinente ayant trait au problème des Métis et Indiens sans statut ou qui pourrait présenter un intérêt à cet égard est à l'heure actuelle extrêmement mince, pour ne pas dire inexistante. La documentation disponible, tout comme les données actuelles ne se retrouvent que dans un contexte bien défini par l'Indian Act. Il est relativement facile aux administrateurs publics de décrire une certaine population et de budgétiser des programmes concernant les Indiens enregistrés et les Inuits, car ces administrateurs possèdent et contrôlent des mécanismes nationaux et savent assumer efficacement un paternalisme farouche à l'égard de ces deux peuples.

À titre d'information, au Québec, de tous les enfants qui entrent dans le système scolaire, environ 60% obtiennent le diplôme de la 5e année du secondaire dans les délais normaux. Chez les Amérindiens et les Inuits, cette proportion est à peine de 30%. On peut se demander quelles sont les raisons d'un pareil décalage. On pourrait énumérer longuement les facteurs directs et indirects responsables du manque d'intérêt des jeunes Métis et Indiens sans statut pour la participation au système scolaire actuel. Nous savons, cependant, qu'un régime pédagogique étranger, qui a une mentalité qui lui est propre, en est un facteur primordial. Les jeunes Métis et Amérindiens sans statut sont imprégnés de valeurs et de traditions différentes qui leur sont léguées par les générations antérieures et qui entrent constamment en contradiction avec le système et les valeurs véhiculées par le régime pédagogique de la société dominante. Les jeunes de nos communautés n'ont plus l'occasion de se référer au pattern de vie traditionnelle de nos parents.

Le plus malheureux dans tout cela est que n'importe quel groupe ethnique qui participe à la vie culturelle et sociale du Québec peut vivre et s'identifier comme tel, mais les Métis et les Amérindiens sans statut, qui sont pourtant les premiers habitants de ce continent, ne le peuvent pas et cela, en raison des structures existantes qui limitent leurs possibilités.

Sans vouloir calquer le modèle scolaire qui prévaut à l'intérieur des réserves indiennes, les Métis et les Amérindiens sans statut n'en demeurent pas moins, sur le plan scolaire, une entité réelle, n'ayant aucune structure distinctive. Aussi, est-il très difficile, pour ne pas dire impensable, dans les cadres scolaires actuels de rassembler cette clientèle scolaire et de l'éduquer avec du matériel didactique et un guide pédagogique propres à la culture métisse et amérindienne.

Nos enfants ont, contrairement à ceux d'une bande amérindienne implantée dans une réserve, une notion plus "assimilée" du monde. Aussi, en se voyant refuser l'accès aux réserves et cela, par l'Indian Act, cette clientèle scolaire se retrouve au même titre que n'importe quelle clientèle scolaire québécoise, assise devant un instituteur non préparé à la vision autochtone.

Il est donc logique de croire qu'une telle structure décourage au départ le jeune qui n'a alors d'autre choix que d'abandonner ses études en cours de route. Il serait intéressant de pouvoir étudier plus à fond le phénomène de "drop out" chez les jeunes Métis et Amérindiens sans statut, quoique ce phénomène soit également répandu chez la clientèle autochtone vivant sur les réserves. Nous croyons urgent que des énergies soient consacrées à étudier cette situation qui pénalise gravement les générations présentes et futures.

Nous ne voulons pas faire ici de procès, ni porter de jugement sur le peu d'attention dont témoignent les commissions scolaires à l'endroit des nations autochtones du Québec. Nous voulons seulement suggérer qu'il serait sage d'approfondir le sujet par le truchement d'études sérieuses, car les Métis et les Amérindiens sans statut ne possèdent ni système scolaire ni aucun espoir d'en avoir un dans la conjoncture actuelle. Sans changement, le pas vers une assimilation totale sera vite franchi!

Si l'on demandait aux autochtones pourquoi ils aimeraient avoir plus d'instruction, ils répondraient probablement comme le font les autres Québécois: Pour obtenir un emploi, pour accroître mes chances d'adaptation et d'avancement dans la société, parce que l'éducation est utile partout, pour ma satisfaction personnelle, pour obtenir un meilleur salaire, pour faciliter mes relations sociales ou bien pour améliorer le bien-être de ma famille.

Chez les nôtres comme ailleurs au sein de la société québécoise, les raisons les plus souvent évoquées en faveur de l'éducation sont d'ordre économique et reflètent donc une conception utilitaire de l'éducation. L'instruction sert à améliorer le niveau de vie, le statut social et aide aussi à s'adapter aux exigences du marché du travail. Ce sont là des évidences et des lieux communs.

Il y a aussi une autre motivation chez certains de nos membres, jeunes et moins jeunes. Ils perçoivent qu'il leur faut accroître leur bagage de connaissances dans tous les domaines s'ils veulent mieux comprendre la société québécoise et travailler au mieux-être de leur collectivité au sein de cette même société. Plusieurs des nôtres, par exemple, n'auraient pu participer

au débat actuel sur les droits des autochtones s'ils n'avaient pas acquis un certain savoir sur les enjeux de ce débat, sur le genre de langage spécialisé utilisé par les représentants du gouvernement et les avocats qui façonnent, ici et là, les projets de loi qui ont un impact direct sur notre mode de vie et nos chances de survie en tant qu'entité culturelle et politique distincte au Québec. De plus en plus de nos jeunes sont articulés et reconnaissent la valeur de leur héritage autochtone.

Rappelons que l'écart prononcé qui existe entre les jeunes générations et les générations plus anciennes semble résulter en grande partie d'une dégradation continuelle des valeurs et de l'enseignement du mode de vie traditionnel dans une société postindustrielle.

Nous devons tenter de motiver les jeunes Métis et Indiens sans statut à terminer un minimum de scolarisation et cela dans leur propre environnement où pourrait se refléter la culture métisse et indienne. La première tentative en ce sens sera axée sur les activités dites traditionnelles, soit la trappe, la chasse et la pêche et cela, pour les raisons décrites plus haut.

En terminant, rappelons que l'Alliance autochtone du Québec a mis sur pied il y a quelques années la Fondation Phyllis Monette dans le but d'aider les étudiants métis et amérindiens sans statut à poursuivre leurs études lorsque les revenus de leur famille sont insuffisants.

Recommandations relatives à l'éducation: 1. Que le ministère de l'Éducation du Québec fourrasse les fonds nécessaires à la préparation et à l'implantation d'un cours axé sur les cultures et les activités autochtones traditionnelles, cours qui pourrait être offert aux étudiants métis et amérindiens sans statut dans diverses régions du Québec; 2. Que le ministère de l'Éducation du Québec fournisse une aide technique et financière à l'Alliance autochtone du Québec afin que nous nous dirigions vers une prise en charge complète de l'éducation des nôtres au niveau des études primaires et secondaires; 3. Que le ministère de l'Éducation favorise la mise sur pied d'un comité consultatif où siégeraient les représentants de l'Alliance autochtone du Québec et dont le mandat serait d'examiner les problèmes de notre peuple relativement à l'éducation; 4. Que le gouvernement du Québec et les ministères concernés, de concert avec notre association, organisent dans nos communautés des sessions d'information sur les besoins et ressources du milieu, les possibilités de formation et d'accès au marché du travail; 5. Que le gouvernement du Québec, en collaboration avec le ministère de l'Éducation, alloue des fonds à notre organisme afin que nous puissions entreprendre des recherches sérieuses sur les besoins et problèmes spécifiques de notre peuple dans chacune des régions en ce qui concerne l'éducation; 6. Que le gouvernement du Québec favorise la création d'un matériel pédagogique adapté à notre culture et aux besoins de nos étudiants; 7. Que le gouvernement du Québec encourage de diverses façons l'enseignement des langues vernaculaires autochtones dans les régions où ce besoin est exprimé; 8. Que le gouvernement et les ministères concernés offrent une aide technique et financière à la Fondation Phyllis Monette dont l'objectif est d'aider les jeunes Métis et Amérindiens sans statut à poursuivre leurs études au moyen de bourses et autres formes d'aide.

M. le Président, si vous me le permettez, j'inviterais M. Gilles Couture à poursuivre la lecture.

Le Président (M. Rancourt): M.

Couture.

M. Couture: Les communications. Il nous paraît évident que le développement des communications dans notre milieu est un facteur essentiel dans notre développement socio-économique et culturel. Il suffit de jeter un coup d'oeil sur la carte du Québec, jointe dans le présent document, pour s'apercevoir que les Métis et Amérindiens sans statut sont répartis sur l'ensemble du territoire du Québec. Nous sommes présents dans chacune des régions, allant de la Côte-Nord à l'extrémité sud-ouest du Québec, ainsi qu'en Abitibi-Témiscamingue et dans ce que certains appellent aujourd'hui le Nouveau-Québec.

Nos membres sont historiquement et génétiquement rattachés à plusieurs peuples autochtones. Fiers de leurs racines autochtones, ils tiennent à leur identité propre et savent que cela est possible, même en étant actifs dans un monde en transformation constante. Comme nous le précisions plus tôt, l'alliance représente un potentiel de 22 000 à 50 000 Métis et Amérindiens sans statut répartis dans cinq régions administratives et 60 localités dans tout le Québec.

Dans un tel contexte, les outils de communication sont d'une nécessité absolue. Ce n'est qu'avec une volonté politique ferme soutenue par un engagement de la base et des outils efficaces de communication que nous pourrons empêcher l'érosion de notre culture et refuser l'assimilation pure et simple de notre peuple à la société québécoise. Nous assistons, impuissants, à l'érosion de notre qualité de vie

traditionnelle, de notre économie traditionnelle, de notre culture, de notre spiritualité et de nos formes de gouvernement traditionnelles, et ce, depuis 400 ans. Mais cette tentative de génocide a raté. Nous sommes toujours là, nous sommes toujours vivants. Les communications pour nous, c'est pouvoir nous dire que nous sommes encore là et que nous voulons continuer de vivre en tant que peuple autochtone.

Depuis sa fondation, notre organisme a surtout privilégié la presse écrite comme moyen de communication. Depuis dix ans, le journal Alliance a été publié de façon constante, assurant à tous les mois une liaison efficace entre l'ensemble de notre membership et le conseil de direction. Lorsque les conditions financières étaient insuffisantes, nous assurions tout de même la publication du journal, au moins tous les deux mois. Quiconque se penche sur le contenu de ce journal depuis sa fondation reconnaîtra le souci d'informer les Métis et Amérindiens sans statut du Québec sur toutes les facettes de la vie autochtone, depuis les relations avec les divers paliers de gouvernement jusqu'aux activités socio-économiques et culturelles, dans chacune de nos régions. Dans un souci de rejoindre tous nos membres, nous avons publié la plupart des articles en français et en anglais, et parfois même dans une langue vernaculaire.

Au cours des années soixante-dix, plusieurs de nos localités ont publié des journaux locaux et régionaux, sous forme de bulletins d'information. Aujourd'hui, avec la récession que l'on connaît, ces outils de communication sont morts pour la plupart et il faut nous serrer la ceinture pour pouvoir assurer la survie de notre journal national.

Lorsque nous prenons connaissance de l'approche privilégiée par le ministère des Communications du Québec à notre égard, nous nous demandons pendant combien de temps nous pourrons encore tenir le coup. On parle, dans la version préliminaire du Plan de développement des moyens de communication en milieu autochtone (août 1982), de la nécessité de cesser les interventions à la pièce comportant le risque d'un développement anarchique. Il semble que verser une subvention adéquate à notre organisme au chapitre des communications soit considéré comme une "intervention à la pièce" inacceptable. Demandez au ministère des Communications quel montant a été versé à l'Alliance autochtone du Québec depuis 1980.

La fonction publique du gouvernement fédéral publie à l'occasion dans notre journal des annonces publicitaires relatives aux postes vacants que pourraient postuler les autochtones. Cette publicité représente pour nous une source de revenus qui nous aide à assumer les frais de production, d'impression et de distribution de notre journal. Nous avons amorcé certaines démarches avec le Québec dans le but d'obtenir quelques miettes de la publicité accordée aux médias non autochtones du Québec. Ces démarches se sont avérées infructueuses à ce jour. Pourtant, nous sommes d'avis que les Métis et Amérindiens sans statut du Québec ont droit, comme tout autre citoyen, à l'information pertinente en ce qui concerne les nombreux programmes et services offerts par votre gouvernement, que ce soit dans le domaine des affaires sociales, de la justice, du développement économique, de la main-d'oeuvre, de la culture, etc. (19 heures)

Cette publicité dans notre organe d'information représenterait un investissement très minime de la part du Conseil du trésor du Québec ou des différents ministères, mais, pour nous, ces sommes peuvent faire la différence entre la vie ou la mort de notre journal.

Permettez-nous de douter de vos bonnes intentions lorsque vous parlez de "justice distributive", de "rattrapage" ou "d'accélération" du processus d'émancipation communautaire en milieu autochtone? Les faits démontrent que l'Alliance autochtone du Québec a été pénalisée par diverses politiques du gouvernement du Québec depuis la fondation de notre organisme.

Ceci dit, l'alliance a bien voulu répondre à la demande du ministère des Communications du Québec en effectuant, de décembre 1980 à mai 1981 une enquête sur la situation des moyens de communication dans notre milieu. Ainsi, Rhéal Boudrias et Diane Jeannette enquêtèrent dans chacune des cinq régions que représente notre association, sur la base d'un échantillonnage sélectif. Un questionnaire adapté aux diverses réalités a été préparé et soumis aux communautés et localités de façon à mieux connaître leurs propres besoins. Le Questionnaire fut complété par plusieurs entrevues.

Cette enquête, dont les grandes lignes ont été reprises dans le Plan de développement des moyens de communication en milieu autochtone, révèle que tous les membres souhaitent la continuité et le renforcement de notre organe officiel, le journal Alliance. Les membres de toutes les régions sont d'avis que ce journal doit offrir, si possible dans chacun de ses numéros, des articles concernant les activités locales et régionales, d'une part, et des articles sur les activités provinciales de l'alliance, d'autre part. La rédaction, depuis 1981, s'efforce de suivre assidûment cette politique et réussit à renforcer les liens et à améliorer les communications entre chacune des régions et leurs locaux, ainsi qu'avec le conseil de direction de l'alliance. Ces efforts, répétons-le, sont tentés dans un contexte de

financement nettement insuffisant de la part des deux paliers de gouvernement, fédéral et provincial.

Il est donc urgent que le gouvernement du Québec nous aide à assumer les frais de production, d'impression et de distribution du journal.

Nous souhaitons également, dans un avenir proche, mettre sur pied un programme de formation pour jeunes journalistes métis et amérindiens sans statut dans toutes les régions. Ces journalistes pigistes pourraient alimenter en articles et en photo-reportages le journal Alliance ou mettre sur pied dans leurs propres régions des bulletins régionaux d'information. D'ailleurs, le plan de développement du ministère québécois des Communications tient compte de cette hypothèse de réalisation dans notre milieu.

Une seconde recommandation formulée dans notre mémoire touche la production audiovisuelle. L'alliance souhaite s'équiper d'un matériel audiovisuel, tel un équipement de base de vidéocassettes, ainsi que des projecteurs de type diaporama, avec bande sonore. Des vidéocassettes et présentations de diapositives pourraient être produites. Elles pourraient ensuite être transmises aux communautés locales. Elles serviraient de support efficace dans les discussions et les réunions locales portant sur les différents dossiers prioritaires de l'alliance, tels que les droits autochtones, la poursuite des activités traditionnelles, etc. À la limite, l'utilisation de ces équipements pourrait faire l'objet d'un cours de formation qui pourrait être donné par des consultants prêtés par le ministère des Communications.

Au cours des prochains mois et des prochaines années, l'Alliance autochtone du Québec veut également se pencher sur les façons d'améliorer sa liaison avec les médias non autochtones du Québec. Il nous apparaît important de travailler à mieux faire connaître les Métis et Amérindiens non inscrits à ces différents médias allochtones. Cela pourrait se faire de diverses façons: par exemple: faire parvenir régulièrement aux médias des communiqués de presse concernant nos activités; être plus présents dans le cadre d'émissions d'intérêt public; produire de brefs messages que peuvent diffuser gratuitement les stations de radio et de télévision à diverses occasions dans le cadre de leur grille de programmation; participer à la production d'émissions pour les radios communautaires autochtones et non autochtones; participer à certaines productions de Radio-Québec.

En terminant, nous voulons rappeler qu'un besoin fondamental dans le domaine des communications en milieu métis et amérindien sans statut est celui d'assurer la traduction de nos journaux, rapports, lettres, documents et communications de tout genre en langues anglaise et française. Encore là, depuis quelques années, les deux paliers de gouvernement, fédéral et provincial, n'ont pas su assumer leurs responsabilités, avec le résultat que l'ensemble de notre membership a été pénalisé. Il nous faudrait embaucher, de toute évidence, un traducteur à temps plein.

Recommandations relatives aux communications:

Que le gouvernement du Québec et le ministère des Communications interviennent dans notre millieu afin de nous aider à développer et à consolider notre réseau de communications entre nos membres et la direction provinciale de l'alliance, et à renforcer les échanges et les liens entre chacune de nos localités et chacune de nos régions. Cette intervention pourrait prendre la forme d'une aide fiancière soutenue à notre organe officiel, le journal Alliance, ainsi que l'aide nécessaire à la publication de cinq bulletins régionaux d'information.

Que le ministère des Communications appuie la préparation et la mise sur pied d'un cours de formation en journalisme pour les Métis et les Amérindiens sans statut;

Que le gouvernement du Québec, en collaboration avec le ministère des Communications, nous aide à faire l'acquisition d'outils de communication, tels un équipement de base de vidéocassettes, des projecteurs, des diapositives, etc;

Que le gouvernement du Québec appuie, aux niveaux technique et financier, nos efforts afin d'assurer une meilleure liaison avec les médias non autochtones et la production de certaines émissions pour les radios communautaires, par exemple, et d'autres médias.

M. le Président, j'aimerais maintenant laisser la parole à notre président, M. Fernand Chalifoux.

Le Président (M. Rancourt): M. Fernand Chalifoux.

M. Chalifoux: M. le Président, messieurs et mesdames les membres de la commission, nous avons esquissé dans le présent document la situation réelle des Métis et des Amérindiens sans statut du Québec et les divers problèmes auxquels nous sommes confrontés. Nous traçons de façon sommaire l'orientation que l'Alliance autochtone du Québec Inc., veut se donner au cours des prochains mois et le type de relations que nous souhaitons établir avec le gouvernement du Québec. Notre analyse, certes, est très incomplète. Nous souhaitons, dans un avenir prochain, disposer de plus de ressources afin d'approfondir cette analyse et de conseiller, dans la mesure du possible, le gouvernement du Québec dans l'élaboration de sa politique à l'égard de notre peuple.

Plusieurs des problèmes énoncés dans le présent document résultent de facteurs

historiques qui ont contribué à garder notre peuple à l'écart du développement économique, social et culturel du Québec. Autant nous avons été isolés et oubliés dans le passé, autant nous voulons aujourd'hui assurer notre présence dynamique et active au Québec. Nous voulons participer à l'évolution du Québec et avoir un droit de regard sur les décisions qui affectent notre vie quotidienne et collective en tant qu'autochtones à part entière. Nous désirons occuper la place qui nous revient et léguer aux générations futures des Métis et Amérindiens sans statut une culture vivante basée sur l'occupation d'un territoire précis, la gestion de ressources et le maintien d'une économie propres à notre peuple. Voilà ce que représente pour nous l'expression "autodétermination".

Nous sommes convaincus que la longue lutte que nous avons menée pour survivre collectivement nous conduira à l'égalité et c'est dans ce sens que nous continuerons de travailler. Nous osons croire que le gouvernement du Québec sera, dans la réalisation de notre projet collectif, un allié, donc un partenaire, et non un ennemi.

J'aimerais ajouter, M. le Président, que je m'excuse auprès des membres de la commission pour le temps que nous avons pris à présenter notre mémoire. Malheureusement, nous croyions que la seule manière de communiquer adéquatement à ce moment-ci, qui représente pour nous une première occasion, était de lire le mémoire au complet, au lieu de nous limiter à présenter les recommandations en courant le risque que le reste demeure sur les tablettes. Nous vous remercions, M. le Président, ainsi que les membres de la commission.

Le Président (M. Rancourt): Merci beaucoup, M. Chalifoux.

Nous allons suspendre la séance jusqu'à 20 heures et nous reviendrons pour entendre des commentaires ou des questions éventuelles. Vous serez présents à 20 heures? Nous voudrions commencer à 20 heures précises.

M. Chalifoux: C'est bien, nous serons ici.

Le Président (M. Rancourt): D'accord. Nos travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 19 h 10)

(Reprise de la séance à 20 h 11)

Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous reprenons la séance de la commission permanente de la présidence du conseil et de la constitution qui a pour mandat d'entendre les représentations des autochtones et des divers groupes et organismes autochtones sur les droits et les besoins fondamentaux des Amérindiens et des Inuits.

Avant la période du dîner, nous avons entendu le groupe Alliance autochtone du Québec Inc., qui a fini de lire son mémoire. Maintenant, je vais passer la parole à M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): D'abord, je voudrais m'excuser d'avoir manqué la dernière partie du mémoire. On l'avait lu bien sûr, mais j'ai manqué la partie où vous terminiez la lecture de votre mémoire, parce que cela arrive qu'on soit obligé de s'éloigner.

Pour ce qui est du fond de la question, je diviserais cela en deux parties simples. Je veux juste voir votre réaction. D'une part, -c'était, d'ailleurs, le cas aussi à propos d'autres mémoires - sur le plan humain, sur le plan de la vie des gens - par exemple, le cas de Kipawa qu'il y a eu récemment; il y a eu des exemples aussi dans le parc de La Vérendrye, je pense qu'on le rappelait - là, il s'agit vraiment du sort de personnes, de familles que leur statut, si l'on veut, de sang-mêlé, essentiellement, très souvent condamne, comme vous l'avez dit si éloquemment dans votre mémoire d'ailleurs, à être marginales et à se sentir presque poignées entre deux mondes, n'appartenant ni à l'un ni à l'autre. Cela, c'est sûr que non seulement on en est conscient, vous nous en avez rendus encore plus conscients, mais je pense que ce sont des choses qu'il faut qu'on mette un gros effort à corriger, sûrement. Je ne pense pas qu'on ait fait tout ce qu'on aurait dû faire ou tout ce qu'on aurait pu faire ces dernières années, ni les gouvernements qui nous ont précédés. Enfin, on essaie d'accélérer ce qui pourrait être, d'une certaine façon, la correction d'injustices qui sont indiscutables. Autrement dit, on est d'accord là-dessus. Je crois qu'on doit absolument travailler très fort pour continuer et même, dans bien des cas, accélérer bien plus qu'on ne l'a fait la correction de tout ce qui est inéquitable dans ce qui vous arrive, à vous et à ceux que vous représentez.

Le problème se pose - et c'est récent, cela, parce que c'est quand même une sorte de réorientation qui est arrivée depuis, je ne le sais pas, deux ou trois ans, probablement à la suite des pourparlers constitutionnels -quand on commence à dire: Bon, désormais, ici comme ailleurs, partout - M. Bruyère était venu aujourd'hui pour nous en parler aussi - il faut définir, disons, une nation métisse ou un peuple métis avec également une sorte de définition d'assises territoriales. C'est difficile. On va écouter, tout à l'heure, les femmes autochtones. On a eu déjà des

échos de ce qui pourrait être dit. Moi, je prends simplement un passage de ce que disait Rhéal Boudrias, qui a été, je crois, le président de votre association pendant quelques années, avant que M. Chalifoux le devienne. Juste une question et une réponse, parce que c'était dans la petite revue Rencontre, qui essaie de rejoindre le plus possible les intérêts des autochtones, et je pense qu'elle est bien faite. En tout cas, là, c'était vraiment ce qu'il disait, lui. Alors, on posait la question à M. Boudrias: Qui sont les membres de l'alliance que vous représentez? Des Métis? Des Indiens? La réponse de M. Boudrias était celle-ci - cela, c'était en avril 1980: La définition d'un membre de l'alliance: nous avons toujours recruté nos membres autour des réserves, là où vivaient des Indiens non statués." Je pense que c'est très précisément le cas de Kipawa, par exemple. "Les enfants des non statués sont des Métis puisqu'ils sont issus, dans la plupart des cas, du mariage d'une Indienne et d'un Blanc." À cause de toute cette injustice fondamentale que les "maususses" de lois qu'il faut éliminer avaient créée. "Donc, la plupart des cas sont issus du mariage d'une Indienne et d'un Blanc. Un Métis, c'est donc souvent un Indien sans statut, mais c'est aussi un autochtone à part entière même s'il n'est pas reconnu comme tel par la Loi sur les Indiens. Dans l'Ouest, par contre, et c'est M. Boudrias qui parlait, les Métis se perçoivent comme une nation autochtone disctincte. Notre association a d'abord fait des recherches près des réserves puisque l'identification des Indiens et de leurs descendants y était plus facile. Elle a, cependant, par la suite tenté de couvrir tout le Québec." C'est ce que vous nous avez aussi raconté dans votre mémoire et que vous avez couvert très rapidement à part ça.

Alors, je vous pose une question simple, qui est celle-ci. D'une part, sur le plan des personnes, le plan des familles, quant à ce danger de dépossession ou d'être expulsé, etc., je crois, qu'on doit - on a essayé, quand même, depuis quelques années - faire plus que ce qu'on a fait, mais, un peu dans le même sens, accentuer la défense du droit d'exister là où elles sont, de leur donner le maximum de chances de se développer aussi, c'est sûr, mais cela s'applique à tout le monde, en ce qui concerne le plan humain, c'est-à-dire le plan familial, le plan personnel.

Sur l'autre plan, qui est celui de l'identité, cette idée d'un peuple de Métis -à cause de la diversité incroyable qu'il peut y avoir; vous savez, il y en a au nord, il y en a au sud, il en a qui parlent anglais ou qui parlent français; l'histoire les a "barouettés" d'une façon ou de l'autre mais, en général, ils sont quand même ceux qui se reconnaissent comme Métis, si l'on veut - en général, ils sont reliés à l'une ou l'autre des bandes ou des nations qui sont au Québec.

Je soulignais, cet après-midi, que, dans le cas de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, les bénéficiaires ont été - même les sans-statut, etc. - intégrés dans les bénéfices de la convention. Si c'est cela qui devient le "pattern" un peu, c'est-à-dire l'idée générale ou le modèle d'entente, parce qu'on a beaucoup parlé de cela, avec les nations ou avec les bandes indiennes qui représentent des identités différentes, est-ce que - c'est la seule question que je voudrais vous poser, parce que vous nous forcez à faire pas mal de réflexions; je laisse de côté le premier plan, car, nous allons continuer à y travailler ensemble, soit la promotion individuelle, familiale et communautaire des groupes que vous avez ici et là au Québec -pour ce qui est de résoudre ce problème d'appartenance, cela ne pourrait pas être une solution d'étendre, aussitôt qu'on le pourra, cette idée que des ententes ne doivent pas oublier de couvrir ceux qui sont reliés directement, en général, par le sang et aussi par des mariages, à telle ou telle bande ou à telle nation? Est-ce que cela pourrait être un élément de solution, plutôt que d'essayer de généraliser quelque chose qui est très difficile à concevoir?

Le Président (M. Rancourt): M.

Chalifoux.

M. Chalifoux: M. le premier ministre, je ne peux pas répondre simplement à la dernière question de votre intervention. Il faut que j'aille un peu plus avant. Premièrement, lorsque vous citez les paroles d'un de mes prédécesseurs, M. Rhéal Boudrias, si vous regardez ma lettre d'ouverture, les miennes ne sont pas tellement différentes, sauf que, dans ma description, je ne me limite pas simplement à ceux qui ont perdu un statut artificiel qui avait été accordé par une loi fédérale. Ce n'était pas une définition d'Indien, c'était une définition de Blanc pour les Indiens. J'appelle cela un statut artificiel qui a été accordé à certains Indiens par une loi fédérale.

Comme je vous le dis, je vais beaucoup plus loin que cela et je regarde - je l'explique très clairement dans mon discours d'ouverture - tout ce qui a fait qu'il y a tellement de Métis et d'Indiens sans statut, pour employer des termes couramment employés sans aller au fond de la question immédiatement. Si on regarde les raisons pour lesquelles il y a tellement de Métis et d'Indiens sans statut au Québec et au Canada, il est évident que, lorsque M. Boudrias a donné son explication, il l'a restreinte à son expérience personnelle. Les parents de M. Boudrias sont des ressortissants d'une réserve, tout comme l'est mon père. Je suis peut-être un peu plus

objectif, je regarde l'ensemble de la situation, ce que peut être notre peuple. Je ne regarde pas seulement ma propre situation.

Premièrement, "métis" est un terme importé pour identifier les autochtones du Québec. Avant 1972, avant la formation de notre association qui s'est appelée à ce moment, selon ce qui existait déjà, le Conseil national des autochtones qui représentait les Métis et les Indiens sans statut, on avait le nom d'Alliance laurentienne des Métis et Indiens sans statut du Québec. Donc, le terme "métis", on l'a importé. Dans vos lois, au Québec, vous dites par exemple, dans plusieurs de vos déclarations personnelles - reconnaître comme Indiens les personnes d'ascendance indienne. Si on regarde le dictionnaire, "métis" veut dire sang-mêlé, donc d'ascendance indienne. Je ne veux pas qu'on s'accroche sur la terminologie de la chose, ni sur le terme "métis".

Le Président (M. Rancourt): M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): D'autant plus, M. Chalifoux - je m'excuse, on ne fera pas une longue discussion - qu'autant qu'on le sache, on pourrait dire qu'entre 60% et 75% des Québécois ont quelque chose de Métis. Vous le dites d'une autre façon vous-même dans votre texte, en disant que, s'il fallait aller chercher tous ceux qui ont du sang indien...

M. Chalifoux: Ils pourraient être au pouvoir.

M. Lévesque (Taillon): C'est cela. Il s'agit de cerner un peu de quoi il s'agit.

M. Chalifoux: Là, c'est vous qui auriez des difficultés.

M. Lévesque (Taillon): Autrement dit, vous êtes déjà au pouvoir d'une certaine façon.

M. Chalifoux: Pour aller un peu plus loin dans ce qu'on vous présente, quand on dit qu'on est une nation autochtone, un peuple distinct, disons qu'on prend un peu l'exemple du Québec. Le Québec est composé de 100, 125, 150 nationalités différentes. Vous dites que le peuple francophone québécois est une nation distincte. Remarquez que l'idée n'est pas nouvelle; elle n'existe pas seulement depuis que je suis là, depuis 1980-1981. L'idée est très vieille dans notre association. Cela fait longtemps que je véhicule cette idée qu'on s'identifie finalement comme un peuple. Si le Québec peut s'identifier comme un peuple distinct francophone composé de 100 à 125 nations, pour quelle raison les Métis et les Indiens sans statut, pour employer le terme qui roule depuis longtemps, ne pourraient-ils pas, à partir de ressortissants de neuf nations, s'identifier comme un peuple et comme une nation distincte?

Le Président (M. Rancourt): M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Vous avez alimenté un peu notre réflexion, c'est le moins que je puisse dire. Encore une fois, on est d'accord sur toute la partie, où sur le plan humain, vous décrivez la situation; dans beaucoup de cas, vous rejoignez des préoccupations qu'on a aussi pour l'ensemble de la société. Souvent, les gens que vous représentez sont parmi ceux qui sont les plus démunis, les plus "maganés" par la vie et souvent aussi par l'attitude de la société. Là-dessus, on se rejoint et nous continuerons à travailler avec vous, si vous le voulez bien, chaque fois que cela paraîtra utile que nous vous donnions un coup de main ou qu'on se donne un coup de main mutuellement pour régler ces cas.

Mais sur l'autre partie, permettez-vous que l'on continue notre réflexion, parce que j'avoue humblement que j'ai de la misère? Il ne s'agit pas de saboter votre façon de concevoir un peuple différent et distinct à partir de ces sang-mêlé que vous représentez. On peut se tromper, mais on a l'impression que, si on règle le cas - et on a essayé de le faire à l'échelle du Québec, il faudrait le faire aussi dans les lois canadiennes - des droits des femmes et que l'on cesse d'avoir cette ignominie qui est le rejet des femmes qui ont le malheur de se marier en dehors de la bande ou de la tribu et de littéralement les boycotter, on réglerait une grande partie de la question.

Je ne veux pas aller plus loin. Disons que vous nous permettrez de réfléchir. Je vous remercie de nous avoir donné une bonne occasion de réfléchir là-dessus.

Le Président (M. Rancourt): M. Chalifoux.

M. Chalifoux: Je voudrais compléter ma réponse à la fin de votre question qui était: Si on emploie le modèle de l'entente de la Baie James, est-ce que cela ne réglerait pas quelque peu notre problème?

M. Lévesque (Taillon): Est-ce que cela ne serait pas une bonne étape, en tout cas?

M. Chalifoux: Je dis clairement dans mon mémoire que c'est possible, dans un avenir rapproché ou éloigné, que les peuples autochtones du Québec décident de se regrouper, mais que cela doit venir d'une intiative qui sera prise par les autochtones

eux-mêmes et que cela ne se ferait pas aujourd'hui. Vous employez le modèle de l'entente de la Baie James pour les Indiens non inscrits de la Baie James et les personnes d'ascendance crie. Lorsqu'on dit que toutes les personnes d'ascendance crie sont bénéficiaires à un point ou à un autre de l'entente de la Baie James, il faut bien réaliser la raison pour laquelle cela a été mis là. Ce n'était pas parce que c'était une bonne chose pour les Indiens et les personnes d'ascendance crie d'être inclus. Si on regarde le fin fond de la question, c'était plutôt pour s'assurer, à ce moment-là, que des personnes d'ascendance crie, autres que les Cris statues de la Baie James, ne puissent pas revenir et faire une revendication contre le gouvernement du Québec. C'était peut-être une entente beaucoup plus accommodante pour le gouvernement que pour les autochtones du Québec dans l'ensemble.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Lévesque (Taillon): Non, je l'ai dit, mais ce n'est pas péjoratif: On a hérité de la convention. Elle a ses défauts et ses qualités. On s'est fait parler des deux depuis quelques jours. Mais M. Ciaccia, le député de Mont-Royal, qui était directement mêlé à cela, pourrait peut-être plus vous aider ou, enfin, vous pourriez peut-être vous aider mutuellement à préciser cette partie. Ce qui nous a frappés, avant de lui passer la parole, si le président est d'accord, c'est qu'il semblait qu'il y avait une sorte de matrice ou de modèle possible pour d'autres ententes qui essaieraient d'inclure, à partir des neuf nations que vous mentionnez, au moins le maximum de gens qui pourraient être couverts de façon utile et être reconnus à cause de cela par des ententes nouvelles. Vous dites que c'était pour faire ceci ou cela; moi, je ne le sais pas. J'aimerais mieux, si vous le permettez, que le député de Mont-Royal prenne le relais.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Mont-Royal m'a effectivement demandé la parole.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président et M. le premier ministre. Premièrement, je veux m'excuser d'avoir manqué une certaine partie de votre présentation, mais vous pouvez être assuré que je l'ai lue complètement. Je la trouve très globale, elle couvre beaucoup des problèmes qui existent dans vos communautés.

Avant de répondre à la question que vous avez soulevée et à laquelle le premier ministre m'a invité à répondre, je voudrais vous dire ceci: Quand j'étais à Ottawa, comme sous-ministre adjoint des Affaires indiennes, selon les conditions que vous décrivez à la page 13 de votre mémoire, le gouvernement fédéral avait obligé, par le biais de certaines conditions, les Indiens à devenir des Indiens sans statut. (20 h 30)

À la page 13, vous rappelez aux membres de cette commission que de nombreux Amérindiens ont été contraints d'abandonner leur statut amérindien pour pouvoir acquérir des droits de vote et de propriété. C'est évident que c'était une politique du gouvernement fédéral, du ministère des Affaires indiennes à cette époque. Cela m'avait frappé comme vraiment une des plus grandes injustices, selon moi, qu'un gouvernement puisse mettre en pratique. C'était une forme de chantage, c'était vouloir forcer l'assimilation des Indiens et des Inuits. On va les éparpiller dans la société blanche et on n'aura plus à s'occuper d'eux. Ce ne seront plus les problèmes du ministère des Affaires indiennes avec les budgets et tous les problèmes que cela créait à ce moment et que cela crée encore d'une façon un peu moindre. Je trouvais que c'était vraiment injuste d'avoir pratiqué cette politique; je n'en donnerai pas les raisons. Il y a là matière à réfléchir pour nous aujourd'hui et peut-être est-ce une leçon pour nous.

C'est une des raisons pour lesquelles je crois que le Québec - parce que le Québec est minoritaire en Amérique du Nord - peut et devrait avoir une politique un peu plus ouverte et qui comprenne un peu plus les problèmes que d'autres minorités, que d'autres peuples ont subis. Car les minorités peuvent réagir de deux façons: elles peuvent devenir plus intolérantes parce qu'elles ont subi certaines difficultés ou elles peuvent s'ouvrir et, après avoir réalisé le genre de difficultés qu'on subit, essayer de comprendre les problèmes. Je crois que, dans la question des peuples autochtones, le Québec est franchement beaucoup plus ouvert, comprend plus, est prêt à dialoguer et à reconnaître beaucoup plus les problèmes des peuples amérindiens.

Pour revenir au sujet que le premier ministre a soulevé, dans l'entente de la Baie James la raison pour laquelle on a inclus les sans-statut n'est pas celle que vous avez mentionnée. Moi, personnellement, je trouvais que c'était vraiment inhumain et injuste de dire: On va négocier pour M. X, Y, Z, mais l'autre personne qui habite là, parce qu'elle n'a pas un statut d'Indien, on va l'exclure. Ce n'était pas seulement mon point de vue, c'était aussi le point de vue des Cris de la baie James, de Billy Diamond, de ceux qui négociaient pour les Cris. Curieusement, c'est le point de vue que nous avons adopté malgré le gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral n'était pas trop heureux de voir qu'on voulait inclure comme Indiens les sans-statut, les Indiens qui avaient perdu leur

statut. C'était contre la politique du gouvernement fédéral à cette époque.

La raison pour laquelle nous les avons inclus, c'était, premièrement, pour répondre au désir des peuples cris. C'était une question de simple justice. Comment pouvions-nous répéter les erreurs du passé et exclure des gens qui avaient perdu leur statut, pas par leur faute, mais parce qu'il y avait eu des lois faites par des non-Indiens qui les avaient forcés à perdre leur statut malgré leur intention, malgré les conditions dans lesquelles ils se trouvaient?

Peut-être ce serait une solution. Je ne sais pas si, de la façon dont le premier ministre a soulevé la question, la suggestion qu'il a faite ne serait pas une façon d'arriver à certaines solutions afin de travailler avec les Indiens du Québec. Je pense que cela peut créer beaucoup plus de problèmes pour vous que cela n'en a créé dans le Grand-Nord. Dans le Grand-Nord, c'était pas mal limité; ils vivaient tous ensemble, ils faisaient partie de la même communauté. Mais je pense que, dans le cas de l'alliance et des gens qu'elle représente, ce ne sont pas tout à fait les mêmes conditions. Ils sont plus éparpillés, ils ne sont pas tous dans les communautés indiennes. Ils sont dans les villes, dans les autres villages. Cela peut devenir un problème beaucoup plus difficile.

Le Président (M. Rancourt): M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Vous me suggérez une question. Combien de membres avez-vous? À peu près 25 000?

M. Chalifoux: Présentement, nous en représentons 25 000.

M. Lévesque (Taillon): Je sais que les régions traditionnelles sont, évidemment, le Nord, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, l'Abitibi et peut-être un peu la Mauricie, je ne sais pas. Dans les agglomérations plus urbanisées du sud, les régions métropolitaines, est-ce que vous avez une sorte de répartition régionale de votre membership?

Le Président (M. Rancourt): M. Chalifoux.

M. Chalifoux: Oui.

M. Lévesque (Taillon): C'est juste pour notre information.

M. Chalifoux: La répartition régionale est incluse dans notre mémoire. Remarquez bien que ce n'est pas complet, car, à un moment donné, on a cessé pour une raison ou une autre... On ne tente pas d'évaluer les raisons. On ne tente pas de s'excuser. Nous aussi, on a fait des erreurs. Par exemple, à la fin de 1973 ou au début de 1974, on a cessé l'organisation des communautés. Donc, il y a des groupes qui ont été oubliés, tel que je le mentionnais dans mon mémoire, à Clova, entre autres, et à d'autres endroits.

Pour répondre plus clairement à la question que vous m'avez posée des deux côtés: Comme l'a souligné cet après-midi M. Bruyère dans son court mémoire du conseil national, la reconnaissance des femmes autochtones et les changements éventuels qui pourraient être apportés à la loi sur les Indiens, par exemple, ne régleraient qu'une infime partie du problème. Dans l'ensemble du Canada, si vous prenez les chiffres du ministère des Affaires indiennes, cela réglerait en tout et partout le cas d'un maximum de 105 000 personnes quand on estime la population, dans l'ensemble du Canada, de Métis et d'Indiens sans statut, à près de 1 000 000 ou plus. Le nombre exact est très difficile à identifier. C'est en excluant, comme je le disais tout à l'heure, les quelques centaines de milliers qu'il y a au Québec. C'est en tenant compte seulement du nombre de ceux qui s'identifient actuellement comme tels. Mis à part les chiffres de Statistique Canada, je suis d'accord avec vous, M. le premier ministre et M. Ciaccia - les femmes autochtones vont vous le dire elles-mêmes tout à l'heure - que cela réglerait une partie des problèmes. Cela réglerait définitivement les problèmes des femmes "statuées" qui, depuis peut-être les 25, 30 ou 35 dernières années, ont effectivement perdu le statut artificiel qui leur avait été accordé. Ceux qui toujours été oubliés en cours de route -je peux vous en citer plusieurs, soit les McKenzie dans l'Abitibi, les Dewachie à Maniwaki, les Chaussé à Maniwaki et beaucoup d'autres. Il y en a énormément à travers le Québec qui n'ont jamais été enregistrés comme Indiens justement par oubli ou par le fait qu'ils ont choisi de ne jamais aller demeurer dans une réserve ou une communuté indienne organisée - leur cas ne serait absolument pas touché et absolument pas réglé.

C'est pour cela que je vous dis: Lorsque je regarde l'association, on regarde le problème dans son ensemble et non en partie. On ne regarde pas seulement le retour à la réserve. On regarde le problème dans son ensemble.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je suis entièrement d'accord avec vous sur le fait que régler la question du statut ne réglerait qu'une petite partie, même pas une grande partie des problèmes. C'est seulement un aspect de tout le problème. Cela ne règle pas les problèmes

sociaux, les problèmes économiques et autres que vous avez soulevés dans votre mémoire. Cela m'amène à vous poser la question suivante. Vous avez fait une série de recommandations dans presque tous les domaines, soit l'habitation, le développement économique, la question culturelle. Pour un gouvernement, comment coordonner une réponse ou comment pourriez-vous demander et obtenir la coordination d'un gouvernement dans tous ces problèmes, parce que cela affecte tous les ministères? Cela ne touche pas seulement un ministère. Ce n'est pas seulement la question du premier ministre, mais cela affecte le fonctionnement et la mise en application de tous les programmes du gouvernement. Comment arriver à une solution quand c'est tellement vaste?

Peut-être en allant dans le même ligne de pensée que le premier ministre, mais d'une façon un peu différente: Est-ce que la façon de le faire ne serait pas d'essayer de vous allier avec d'autres groupes amérindiens qui ont le statut d'Indiens? Je ne veux pas m'immiscer dans la façon dont vous voyez les problèmes, mais est-ce que cela ne donnerait pas une plus grande force à vos revendications? Est-ce que vous ne pourriez pas faire un front commun et coordonner vos problèmes? Vous avez des problèmes en commun, quoique j'admette que certains de vos problèmes soient très différents. Aller dans les centres urbains, aller en dehors des réserves présente des problèmes totalement différents que les problèmes des Indiens de Fort-George, les problèmes des Abénakis et les problèmes des Indiens de Pointe-Bleue. Est-ce qu'il n'y aurait pas une façon de coordonner vos efforts, de faire front commun pour certains aspects de vos revendications face au gouvernement, afin de permettre au gouvernement d'y répondre plus facilement? La nature humaine étant ce qu'elle est, quand vous divisez vos efforts, c'est plus difficile pour le gouvernement, étant donné les nombreux ministères, de répondre. Est-ce que ce ne serait pas une façon de procéder pour obtenir du gouvernement des réponses plus concrètes à vos besoins?

Le Président (M. Rancourt): M.

Chalifoux.

M. Chalifoux: Premièrement, pour vous mettre à jour un peu - ce n'est peut-être pas dans le sens où vous l'entendez quand vous parlez de front commun - il existe déjà une sorte de front commun d'une partie des peuples aborigènes du Québec. On s'est regroupé, justement, pour faire front commun et pour discuter plus facilement avec le gouvernement. Cela ne règle pas les problèmes dans leur ensemble, en étant regroupé. Si vous avez écouté attentivement tous les mémoires qui ont été présentés au cours de ces trois jours, les Indiens statués, nos frères statués, nos frères inuits, à l'exception de ceux qui ont déjà des mécanismes et qui ont signé des ententes, soulèvent les mêmes problèmes que nous vous soulignons. Si vous regardez l'ensemble de nos recommandations, elles se retrouvent dans des domaines que nous jugeons immédiats et pour lesquels le gouvernement du Québec peut agir presque immédiatement. Nous nous en sommes tenus, dans notre mémoire, à ces domaines-là.

Si vous remarquez une chose, la majeure partie de nos recommandations se rattache à la nécessité d'une base territoriale quelconque. Cela ne veut pas dire que nous voulons avoir une partie des terrains de notre ami Billy Diamond, une partie des terrains des Inuits, des Montagnais ou de quiconque. Comme je vous l'ai souligné dans notre mémoire, la raison pour laquelle nos ancêtres ont souhaité la bienvenue aux Européens qui sont arrivés ici, c'est parce qu'ils croyaient que la terre était suffisante pour y accueillir tout le monde qui voulait y vivre. Nous vous demandons de nous en retourner une partie. C'est ce que nous demandons, parce que la majorité des solutions aux problèmes que nous soulignons et des recommandations que nous faisons sont reliées à une base.

Le Président (M. Rancourt): M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Justement, cela revient un peu à ce que disait le député de Mont-Royal. On retrouve, d'ailleurs, les mêmes arguments - et Dieu sait qu'ils sont basés sur la même réalité et qu'elle n'est pas acceptable - dans la plupart des mémoires. Le vôtre correspond, à beaucoup de points de vue, à ceux qu'on a entendus parce que c'est le même damné problème. Je sais qu'il y a des fronts communs. Par exemple, on me rappelait les centres d'amitié autochtone. Les Indiens statués et les non-statués, ou les Métis, travaillent ensemble. Pourquoi n'y aurait-il pas moyen de développer cette dimension de solidarité comme la perspective la meilleure pour l'avenir, au moins dans les quelques années qui viennent? Cela nous aiderait à voir clair, c'est sûr. On ne demande pas mieux que d'aller plus loin et de faire le mieux possible. Si on a un interlocuteur qui dit: J'ai "une" voix, parce qu'on a les mêmes problèmes, finalement, on se reconnaît ensemble - les centres d'amitié l'ont prouvé - pourquoi cela ne serait-il pas possible?

Le Président (M. Rancourt): M.

Chalifoux. (20 h 45)

M. Chalifoux: Pour répondre à cela, M. le premier ministre, quand on mentionne que

les relations entre les non-statués et les statués ont été brûlées au cours des années, peut-être que, dans le fin fond de nous-mêmes, tous, statués et non-statués, on souhaite ce rapprochement. C'est un peu comme la religion, M. le premier ministre. Lorsqu'on a été évangélisé pendant 133 ans à être un groupe limité, un groupe restreint à l'intérieur des réserves, c'est difficile de se convaincre, tous et chacun, qu'effectivement, peut-être, on serait mieux d'être tous ensemble. Je vais vous donner un exemple très vivant: mon vieux père qui a aujourd'hui 85 ans, qui est né indien statué - moi aussi, je suis né indien statué - et qui est un descendant d'une grande lignée d'Indiens statués. Depuis l'existence de l'"Indian Act", mes ancêtres ont tous été des Indiens statués. À un moment donné - j'avais cinq ans - mon père a perdu son statut par le biais d'une disposition de l'"Indian Act", car mon père se battait avec M. Sioui dans le temps de la conscription des Indiens dans les Forces armées canadiennes. Pour cette implication, un agent des Indiens a convaincu le conseil de bande de la réserve de Maniwaki de demander la radiation de mon père des listes de bande, ainsi que de quelques autres membres de la bande qui étaient impliqués dans la même revendication.

Pour vous souligner ce que je voulais dire tout à l'heure par évangélisation, mon vieux père aujourd'hui a 85 ans et savez-vous ce qu'il m'a dit? Croyez-le ou non: Mon fils, si tu veux que les Métis et les Indiens sans statut survivent au Québec, au Canada, défends le vieil "Indian Act". Il n'est plus indien statué depuis 1942. Il me dit aujourd'hui, défends le vieil "Indian Act". C'est pour cela que je parle d'évangélisation. Ce n'est pas parce qu'on croit nécessairement que c'est vraiment bon, mais on croit que c'est la seule chose jusqu'à maintenant qui a protégé le peu qu'on avait. C'est dans ce sens que je parle d'évangélisation. Je ne parle pas en mal de mes frères statués inuits.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Un des éléments qui militent contre un front commun, c'est, justement, le vieil "Indian Act" et le présent "Indian Act". En effet, quand les Indiens qui ont le statut voient qu'ils ont tous les bénéfices supposément que l'"Indian Act" leur donne: un statut spécial, des programmes d'habitation, des centres communautaires et tout le reste, ce sont ces politiques du gouvernement qui font que c'est plus difficile pour eux de travailler avec vous parce qu'ils ne veulent pas perdre le peu qu'ils ont. Ils n'en ont pas beaucoup, mais ce qu'ils ont, ils ne veulent pas le perdre. S'ils vont s'associer avec vous, le risque pour eux, c'est de perdre ces avantages que le gouvernement leur a donné par l'"Indian Act". Cela rend beaucoup plus difficile, je le comprends, mentalement, psychologiquement pour eux, et même du point de vue des conséquences, de faire un front commun avec vous parce qu'ils considèrent qu'avec l'"Indian Act" ils ont certains bénéfices. C'est pour cela que la solution serait d'essayer de changer les conséquences de l'"Indian Act". C'est peut-être dans cette direction que le comité fédéral devrait aller en mettant un peu de côté les études qu'il a faites parce que cela perpétue un peu cette mentalité et cela rend beaucoup plus difficile de répondre à vos revendications.

M. Chalifoux: Je suis d'accord sur l'explication que vous donnez, M. Ciaccia. Il est vrai que nos frères statués ont peut être peur de perdre ce qu'ils ont. Je ne les blâme pas du tout et c'est la raison pour laquelle nous ne leur demandons absolument rien. Ils n'en ont pas assez pour eux-mêmes. Si vous regardez la condition de la majorité des réserves du Québec, je la connais très bien, on n'aurait pas le front, on n'aurait pas l'audace d'aller leur demander la plus infime partie de ce qu'ils ont.

Par contre, il y a une chose qui milite en faveur du front commun que nous avons présentement. C'est qu'à l'intérieur de ce front commun, la raison pour laquelle cela fonctionne, c'est qu'on se respecte, tous et chacun des leaders assis autour de cette table. On se respecte tous et chacun en tant que peuples. C'est la raison pour laquelle notre front commun jusqu'à ce jour a assez bien fonctionné; il nous a permis de rencontrer à maintes reprises le premier ministre du Québec et même de l'amener à s'asseoir à la table constitutionnelle à Ottawa, un processus que je ne pense pas exagérer en disant qu'il le déteste. Il a quand même accepté d'aller s'asseoir là. Donc, je pense que c'est au moins une chose qui milite en faveur de notre front commun, le fait qu'on puisse se respecter comme peuples.

Maintenant, il nous reste à convaincre le gouvernement du Québec - dans le cas présent - à nous apporter la même reconnaissance, en tant que Métis et Indiens sans statut, le même respect que nous avons à l'intérieur du groupe de travail des peuples aborigènes du Québec. Il nous reste à acquérir cela.

Le Président (M. Rancourt): M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je suis bien content que vous ayez participé non seulement à cette coalition ou à ce front commun, mais également, si je vous

comprends bien, à nous convaincre de faire certains pas. Nous ne les regrettons pas et nous allons continuer à les faire dans les limites que nous nous sommes fixées.

Je voudrais simplement vous dire, encore une fois, que, pour ce qui est de tout ce qui, dans le front commun, signifie l'amélioration des conditions de vie et la réparation de conditions vraiment injustes, vous pouvez compter sur nous, nous allons continuer de notre mieux à vous aider à ce point de vue, parce qu'au fond nous nous aidons mutuellement dans ce cas.

Pour ce qui est de l'autre question, plus délicate, de reconnaissance, etc., voulez-vous nous laisser réfléchir? Vous nous forcez à réfléchir, donnez-nous une chance.

M. Chalifoux: D'accord.

M. Lévesque (Taillon): Merci encore.

Le Président (M. Rancourt): Nous remercions l'Alliance autochtone du Québec Inc., d'avoir participé à cette commission et nous demandons à l'Association des femmes autochtones du Québec de bien vouloir se présenter.

Nous accueillons maintenant l'Association des femmes autochtones du Québec. Je demanderais à la porte-parole de bien vouloir s'identifier et d'identifier celles qui l'accompagnent.

Association des femmes autochtones du Québec

Mme Stacey-Moore (Gail): I am Gail Stacey-Moore, first vice-president of Québec Native Women. On my right is Marthe Gill, who has been a member of our association since its conception; on my left is Jocelyne McHugh-Gros-Louis, she has also been a member since its conception. On the extreme left is Anne Saint-Onge, she is the second vice-president. We shall be sharing the responsibility of reading the brief. It should take approximately 20 minutes and, after that, we would be willing to field the questions.

Mme Saint-Onge (Anne): Je voudrais, avant que l'on commence la lecture du mémoire, que nous fassions la lecture de la lettre de présentation en montagnais et en français. Je ferai la lecture en montagnais et Jocelyne fera la lecture en français pour que ce soit bien clair.

Le Président (M. Rancourt): Mme Saint-Onge.

Mme Saint-Onge: Anne Saint-Onge. (S'exprime dans sa langue).

Mme Gros-Louis-McHugh (Jocelyne); M. le premier ministre, Mmes et MM. les députés, c'est avec beaucoup de respect et de confiance que nous vous transmettons aujourd'hui les préoccupations fondamentales qui sont les nôtres. C'est avec le même respect que nous avons pour vous, les non-Indiens francophones, qui défendez avec autant d'aptitude, de verve et de volonté la culture qui vous est propre, que nous avons l'intention de défendre la nôtre avec la même ouverture d'esprit qui est la vôtre à l'endroit des groupes minoritaires de cette partie de nos terres.

Mme Saint-Onge: (S'exprime dans sa langue).

Mme Gros-Louis-McHugh: Nous vous savons capables, même si nos langues nous séparent, de faire que nos objectifs nous unissent: la défense de nos cultures respectives et de leur respect par les groupes qui nous entourent, soient-ils majoritaires. Pas plus que vous nous n'avons l'intention d'être assimilés, que nos cultures soient dénaturées, que nous soyons contraints à abandonner aussi bien nos langues que nos coutumes.

Mme Saint-Onge: (S'exprime dans sa langue).

Mme Gros-Louis-McHugh: Vous vous êtes toujours fait le porte-étendard des droits des minorités et nous comptons que vous continuerez de le faire. Nous tenons particulièrement à ce que soit rétabli le respect de nos droits originaux et cela, aussi bien à tous les paliers de gouvernement.

Mme Saint-Onge: (S'exprime dans sa langue).

Mme Gros-Louis-McHugh: Comme preuve de la confiance que nous vous témoignons, nous tenons à vous rappeler que, lors d'une déclaration du 11 octobre 1980, vous nous affirmiez que les femmes indiennes du Québec, qu'elles soient ou non inscrites en vertu de la Loi sur les Indiens, continueraient d'être reconnues par le gouvernement du Québec comme Indiennes du fait de leur ascendance et de leur appartenance au milieu amérindien.

Mme Saint-Onge: (S'exprime dans sa langue).

Mme Gros-Louis-McHugh: Nous vous surprendrons peut-être en vous confirmant la solidarité hors de toute partisanerie politique que nous offrent plus d'une vingtaine de femmes activement impliquées en politique fédérale, aussi bien à titre de députées que de sénateurs et cela, en date de la déclaration de solidarité des parlementaires

canadiennes quant à la reconnaissance de droits égaux pour les femmes, en juillet 1980.

Mme Saint-Onge: (S'exprime dans sa langue). (21 heures)

Mme Gros-Louis-McHugh: Confiantes que vous saurez nous aider malgré toutes les difficultés qui pourraient survenir, avec une honnêteté que nous savons être vôtre, nous vous remercions de le faire.

Nous allons lire l'introduction. Tout pays devrait être fier de posséder une charte des droits qui rende impossible l'établissement de groupes de citoyennes de second ordre. Le développement social exige l'abolition de toute discrimination, que ce soit par la race, la religion, la couleur et le sexe.

Nonobstant les mutations sociales qui ont su imposer à nos sociétés cet équilibre fondamental, seules les femmes autochtones en sont exclues. Il est fondamental, pour une société jugée évoluée, de ne pas permettre que, soit dans ses chartes ou dans sa législation, apparaissent des zones grises qui fabriquent, à rencontre de leur volonté propre, des groupes qui sont privés des droits fondamentaux auxquels tout citoyen peut aspirer et ce, de façon justifiée et inéluctable.

Malheureusement, c'est le cas de la charte des droits québécoise et de celle du Canada. En effet, comment une liberté individuelle aussi fondamentale que celle de pouvoir contracter mariage peut-elle priver une femme autochtone de ses droits les plus essentiels et, a contrario, le mariage d'une femme non indienne avec un Indien les lui accorder sans autre exigence? Il en va de même pour la filiation. Une femme qui se marie à un non-Indien s'émancipe; on a fleuri cette image. Qui peut oser prétendre qu'une femme perdant son statut d'Indienne s'émancipe? N'est-ce pas trahir le sens profond de ce qu'est l'émancipation, c'est-à-dire le choix, en toute possession de son libre arbitre, de l'orientation de ses obligations, droits et devoirs, mais cela, seulement en vertu de lois où existe l'équilibre essentiel pour ce faire?

De plus, il serait peut-être à propos de souligner que le seul groupe - je dis bien le seul groupe - minoritaire dont les droits ne sont pas fondamentalement reconnus par les chartes et confirmés au niveau de la législation qu'elles sous-tendent, ce sont les femmes autochtones. La loi sur les Indiens ne respecte pas les nations indiennes en généralisant pour tous les Indiens et en ne respectant pas la différenciation des nations, des cultures. Chaque nation avait ses propres façons d'agir, de vivre et la loi sur les Indiens a ignoré toutes ces différences.

Il serait aussi impensable d'établir une loi supramondiale qui puisse satisfaire aux exigences socioculturelles de toutes les populations, aussi bien africaines que nordiques, que d'établir une loi qui ne tienne pas compte des us et coutumes de chacune des nations qui composent la famille autochtone. La loi engendre, du fait de son existence, un génocide des nations autochtones par les sociétés non indiennes.

L'odieux de la législation existante provoque chez la femme autochtone un profond sentiment de rejet de sa nation même. À preuve, le législateur n'a pas eu cette perception éminemment nécessaire sur le plan social, la reconnaissance des différenciations entre chacune des cultures des nations autochtones. Il en a effectué le lissage éhonté en les soumettant à l'odieux d'une même législation sans tenir compte des différences fondamentales de culture qui ont toujours existé entre les différentes nations qui composent les peuples propriétaires originaux de ces terres.

Mme Stacey-Moore: Historique de notre association. L'Association des femmes autochtones du Québec a été créée en juillet 1974. L'AFAQ est une association non discriminatoire et représente toutes les femmes autochtones du Québec: attikameks, algonquines, abénakis, cries, huronnes, micmacs, montagnaises, naskapies, mohawks et inuites, qu'elles soient avec statut, sans statut ou métisses.

La province a été divisée en six zones géographiques. Le conseil de direction est composé de deux femmes de chaque zone. L'exécutif comprend une présidente, deux vice-présidentes, une secrétaire et une trésorière. Le conseil des directeurs et l'exécutif sont élus annuellement par les déléguées présentes à l'assemblée annuelle, et un comité d'aînées a été formé pour les femmes de 65 ans et plus qui reçoivent une carte de membre régulier.

Il s'agit d'une association exclusivement féminine, parce que les besoins considérés comme primordiaux par les hommes et les femmes sont souvent très différents. L'association est donc un excellent moyen pour chaque femme autochtone de la province de se faire entendre.

Depuis sa fondation, il y a plus de neuf ans, l'Association des femmes autochtones du Québec s'est employée à mieux connaître les besoins des femmes dans les différentes régions, à faire connaître leurs droits et les instruire sur tout ce qui pouvait leur être utile. À partir de 1976, des projets ont été mis sur pied pour mieux connaître les aspirations de la population desservie et mieux y répondre. Face aux gouvernements fédéral et provincial, des résolutions ont été soumises pour la défense des droits des femmes autochtones.

I would just like to add that, attached

in the appendix, is the contitution of the Québec Native Women and also that we were incorporated as a non profit organization in 1977.

Le Président (M. Rancourt): D'accord. Mme Dufour.

Mme Gros-Louis-McHugh: L'aspect socio-économique des femmes autochtones: les droits territoriaux. Quant aux droits vis-à-vis de nos terres, il serait plus qu'indécent d'essayer d'établir quelles sont celles qui nous appartiennent. Nous sommes les habitants originaires et il serait plus logique et plus équitable que ceux qui vinrent de façon postérieure à notre occupation naturelle puissent nous prouver que ces terres sont bien les leurs. Au nom de quelles assises, qu'elles soient issues de la loi naturelle ou de la logique, les occupants ultérieurs peuvent-ils prétendre en détenir la propriété ne serait-ce que de la moindre parcelle? Non seulement les non-Indiens se sont-ils emparés de notre patrimoine, mais ils ont poussé l'odieux jusqu'à faire des lois qui régissent nos lois.

Mme Gill-Dufour (Marthe): L'éducation. Plusieurs femmes autochtones du Québec ont dû quitter l'école très jeunes pour trouver un emploi servile, afin d'aider leurs familles à survivre et leurs parents à élever les plus petits. Lorsque l'une d'elles désire poursuivre ses études, il se révèle souvent impossible pour elle d'avoir droit aux programmes d'éducation offerts aux Indiens, soit parce qu'elle a épousé un non-Indien ou parce qu'elle ne réside plus dans la réserve.

La politique des services d'éducation désavantage la femme autochtone encore plus que tous les Indiens, parce qu'un grand nombre d'entre elles, par choix ou par obligation, ont dû quitter la communauté indienne. Certaines femmes autochtones non inscrites subissent encore les injustices de la loi sur les Indiens vis-à-vis de l'application des services. Si elles résident encore à la réserve, doivent-elles être plus pauvres, plus démunies, plus nécessiteuses que leurs frères et être dans l'obligation de le déclarer officiellement pour qu'elles et leurs enfants aient droit à l'éducation?

Les femmes autochtones du Québec n'ont pas entièrement réussi à s'intégrer au réseau de l'éducation et à profiter des services de formation et de scolarisation déjà établis. Nous savons que des efforts sont entrepris par les gouvernements pour améliorer le service d'éducation. Les femmes autochtones enregistrent un retard considérable dans ce domaine à cause de l'injustice qu'elles subissent à cause de la loi sur les Indiens. L'éducation ne semble pas conçue à partir des caractéristiques des cultures. Les politiques d'éducation sont trop rigides pour les besoins de certains milieux et les programmes de recyclage ou de formation aux populations adultes dans nos différentes communautés ne répondent pas toujours à la réalité présente. Nous constatons que nos enfants, souvent à cause du manque de formation des parents, ont de la difficulté à trouver la motivation suffisante à la poursuite de leurs études. De plus, en tant que mère, la femme autochtone est en mesure de constater l'impact de l'éducation sur ses enfants et considère comme urgent l'enseignement de la culture autochtone dans les maisons d'enseignement du Québec.

Emploi et développement économique. Les femmes autochtones sont exclues de la vie économique de leur milieu, soit par des articles discriminatoires ou le milieu économique. Le problème de l'emploi ne provient pas uniquement du comportement d'un seul individu ou d'un unique secteur de la population; il résulte de l'interaction au cours des siècles de facteurs économiques, sociaux et culturels très complexes. À cause de sa race, la femme autochtone doit souvent faire face à la discrimination. Elle doit parfois s'exiler et accepter des conditions de travail extrêmement difficiles.

Afin de permettre aux femmes autochtones de participer pleinement à la vie économique et à l'essor de leur milieu de vie, nous recommandons, premièrement, que les programmes de création d'emplois, tant fédéraux que provinciaux, soient coordonnés avec des programmes de développement économique spécialement conçus pour les femmes autochtones, incluant des allocations spéciales de formation, et, deuxièmement, l'élaboration d'un processus de consultation de groupes visés, afin que des cours de formation conçus en fonction de la mentalité et du mode de vie autochtone soient développés.

Lois et services juridiques. Pour la femme autochtone, les effets de l'application des articles discriminatoires contenus dans la loi sur les Indiens se font sentir de son mariage jusqu'à sa mort, lors d'un éventuel mariage avec un non-Indien. Elle est bannie du foyer de ses parents et de sa réserve et elle n'a pas le droit de posséder de terres. Elle doit donc disposer des terres qu'elle possédait au moment du mariage ou reçues par héritage. On peut également lui refuser le droit d'hériter des terres que ses parents lui auraient léguées. Elle ne peut plus participer aux affaires de la bande. Ses enfants ne sont pas reconnus comme Indiens. On leur refuse le droit aux avantages culturels et sociaux de la communauté indienne. Ce qui est encore plus pénible, elle peut se voir refuser la permission de retourner vivre avec sa famille dans la réserve, même si elle est réduite à la mendicité ou au veuvage, ou encore si elle

est divorcée. Enfin, on peut lui refuser le droit même d'être enterrée près de ses ancêtres.

La femme autochtone du Québec est admissible aux mêmes programmes juridiques que la Québécoise en général. Connaît-elle l'existence de ces programmes? Peut-elle espérer y retrouver une solution valable aux problèmes spécifiques auxquels elle a à faire face? Elle affronte des barrières bien établies entre "elle" et les services. Ces barrières invisibles, mais pourtant omniprésentes, sont d'ordre tantôt racial, tantôt d'ordre sexuellement discriminatoire. Il s'en dégage un fort sentiment d'infériorité pour ces femmes qui n'osent demander assistance.

Qu'existe-t-il, au point de vue de la prévention, contre les situations violentes en milieu autochtone? Présentement, on retrouve surtout des mesures punitives ou, s'il y a prévention, c'est au niveau de l'incarcération pour prévenir la violence. C'est sûrement une situation que d'autres sociétés ne pourraient accepter.

Des études sont faites concernant les problèmes de drogue et d'alcoolisme. En ce qui concerne la femme en particulier, les problèmes de violence à son égard sont "résolus" temporairement, mais il n'y a pas d'étude, de recherche dans le but d'améliorer le sort des femmes autochtones dans les milieux des réserves en particulier.

La revalorisation de la personne elle-même, des activités d'intérêt social, une amélioration sensible des conditions présentement défavorables dans le milieu, la recherche collective d'un but, soit celui de se retrouver comme nation solidaire, autonome, fière, ce devrait être l'objectif visé par des programmes spécifiques.

Il faudrait augmenter la diffusion de l'information juridique auprès des femmes autochtones, comme, par exemple, sur la Loi sur la protection du consommateur, les rapports de police, les problèmes juridiques à l'intérieur de la vie du couple, les domaines de la drogue, de l'alcool, du droit de la famille, etc. (21 h 15)

Mme Saint-Onge: Santé et services sociaux. Dans la plupart des régions du Québec, que ce soit en milieu urbain ou éloigné des grands centres, les besoins dans le domaine de la santé et des services sociaux à la population autochtone sont aussi nombreux que variés; cependant, très peu sont offerts.

Premièrement, les services médicaux. Dans plusieurs réserves, aucun médecin n'est présent et les autochtones de ces communautés doivent couvrir de grandes distances afin d'être traités adéquatement. Dans les principales villes des régions, un médecin est désigné d'office pour s'occuper de la population autochtone. Le choix du médecin, spécialiste ou généraliste, est inexistant. Il existe aussi un manque d'information. Comment les femmes peuvent-elles prévenir la maladie lorsqu'elles ne connaissent pas les différents moyens qui pourraient améliorer leur état de santé?

Deuxièmement, les services médicaux donnés par les hôpitaux et les dispensaires. Le transport est inadéquat pour les cas d'urgence en région éloignée lorsque le traitement en dispensaire n'est pas possible. Il y a discrimination dans les hôpitaux régionaux. L'équipement médical est inadéquat dans plusieurs dispensaires situés dans les réserves. Il y a un manque de médicaments dans plusieurs dispensaires, une mauvaise communication entre les services, des problèmes de traduction, c'est-à-dire un manque d'interprètes, et un manque de prévention à cause du surplus de travail des infirmières et des travailleurs sociaux.

Troisièmement, les centres d'accueil et les familles d'accueil. Plus de 4% des enfants autochtones inscrits et plus de 3,5% de tous les enfants autochtones et identifiés comme tels sont dans des familles d'accueil, comparativement à 1,33% de tous les enfants canadiens. Nous rencontrons beaucoup de difficultés avec la Loi sur la protection de la jeunesse. Dans plusieurs cas, cette loi cause plus de problèmes qu'elle n'en règle. Il y a une absence complète d'information en ce qui concerne les enfants d'Indiens ou d'Indiennes n'ayant plus leur statut et un manque de cohésion entre les différents intervenants sociaux, c'est-à-dire les conseils de bande, les groupes de citoyens, les centres de services sociaux, etc. Le manque de compréhension des méthodes et des politiques des centres de services sociaux est l'un des principaux facteurs de la faible participation des parents aux décisions affectant les enfants et aux programmes destinés à les aider. Il y a une paperasse excessive à tous les niveaux, et un manque de développement des services tels les services aux jeunes mères, les services de garderie, les programmes de loisirs culturels et sportifs, les programmes de prévention sur l'alcoolisme et les drogues, sur la contraception.

Quatrièmement, l'adoption. Il y a un besoin relativement important d'information sur la question de l'adoption et son implication juridique; le statut de l'enfant adopté dans une réserve indienne n'est pas assez clair; le manque de ressources financières de beaucoup de femmes les oblige à faire adopter leurs enfants et ne leur permet pas d'en adopter.

Si beaucoup de problèmes existent en ce qui concerne les services de santé et les services sociaux dans les communautés indiennes au Québec, ces mêmes problèmes se multiplient lorsqu'une femme autochtone se fait "émanciper" par l'application de l'une

des dispositions de la loi sur les Indiens. En effet, elle ne peut plus bénéficier des services d'ordre général qui sont offerts aux autres citoyens autochtones "non émancipés", c'est-à-dire les soins dentaires pour tous, la gratuité des verres, la gratuité des médicaments, les prothèses pour handicapés, etc.

Mme Gros-Louis-McHugh: Recommandations. Discrimination. Nous demandons l'abrogation et ce, rétroactivement, de tous les articles jugés discriminatoires qui sont contenus dans la loi sur les Indiens.

Nous demandons que le Parlement, ou l'Assemblée nationale, affecte suffisamment de fonds de transition afin de permettre que les personnes rétablies dans leurs droits puissent bénéficier de tous les services et programmes actuellement offerts aux Indiens inscrits.

Clause d'égalité. Nous demandons le droit à l'égalité entre hommes et femmes. Nous demandons que ce droit à l'égalité soit inscrit dans toute charte des droits et libertés. Nous demandons que tous les droits qui seront garantis par ces chartes le soient en tenant compte des principes suivants: Premièrement, le droit à l'égalité entre hommes et femmes; deuxièmement, le droit à l'égalité en relation avec les droits législatifs ou tous autres droits, et ce, pour tous les autochtones du Québec et du Canada; troisièmement, l'abrogation complète de toute loi provinciale ou fédérale qui ne respecte pas le principe de ce droit à l'égalité.

Revendications. Traditionnellement, comme les hommes, les femmes avaient le droit de participer à l'administration de la tribu. Elles pouvaient choisir les chefs et discuter avec eux; les hommes devaient approuver leur choix et pouvaient aussi conseiller les chefs. Leurs voix et leurs responsabilités étaient d'égale valeur. La philosophie européenne préconisée par les nouveaux arrivants ne pouvait tolérer que la femme ait les mêmes pouvoirs que l'homme et se refusait à admettre l'existence d'une entité indienne propre. Pour eux, priver l'Indien de ses droits et le maintenir dans son état de tutelle jusqu'à ce qu'il ait progressé suffisamment pour devenir un citoyen à part entière, c'est-à-dire émancipé, était considéré comme nécessaire.

L'Église et le gouvernement entreprirent donc d'imposer à la population autochtone leur conception de la supériorité de l'homme. Ils ont réussi. Notre problème aujourd'hui vient de là. Des siècles plus tard, le monde moderne en est venu à admettre l'égale importance des femmes par rapport aux hommes dans la société. Lentement et inexorablement, le Canada se voit contraint à réviser sa législation et son attitude pour corriger une erreur perpétuée depuis des siècles.

Les sociétés et les gouvernements reconnaissent enfin que la femme n'est pas inférieure à l'homme. Maintenant que le reste du monde s'est rangé au point de vue des Indiens du XVIlIe siècle, il est strictement ironique de constater que les Indiens d'aujourd'hui semblent s'accrocher au système absurde qui leur a été imposé. Nous savons tous que le mur de la discrimination est en train de s'écrouler et que, d'une manière ou d'une autre, les mesures d'exceptions à la loi sur les Indiens seront abrogées au cours des deux prochaines années. L'opinion publique et une attitude nouvelle forceront le gouvernement à modifier la loi de façon arbitraire sans attendre le consentement de notre peuple. Si certaines populations indiennes, voire dans une seule province, consentent à appuyer une solution juste et équitable, nous saurons du moins que ces changements découlent de notre volonté.

L'Association des femmes autochtones du Québec sanctionne les principes qui suivent et est d'avis que tous les Indiens devraient les approuver pour mettre fin définitivement à la discrimination à l'égard des femmes autochtones et pour que les droits des autochtones en général soient maintenus pour ceux qui sont d'ascendance indienne.

Que, pour s'assurer que le statut et le droit d'appartenance à une bande ne dépendent pas du statut ou de l'appartenance du mari ou du père, l'Association des femmes autochtones du Québec demande l'abrogation de l'article 10 de la loi sur les Indiens;

Que, en supprimant les termes discriminatoires inclus à l'article 11.1c de la loi sur les Indiens, cela permettrait une filiation tant masculine que féminine;

Que, pour les Indiens, traditionnellement, il n'y a pas d'enfants légitimes et illégitimes, qu'il n'y a pas de catégories. Tous sont égaux par le sang. Les articles 11.ld et e, 12.2 de la loi sur les Indiens doivent être abrogés immédiatement;

Que personne ne devrait devenir Indien par le simple fait du mariage. L'article 11.1f de la loi sur les Indiens doit être abrogé, car il suffit que la bande accorde le droit de résidence au conjoint autre qu'Indien. Pour ce qui est des droits de succession, ils devront être établis par règlement fait par la bande;

Que l'article 12.1a de la loi sur les Indiens enlève le statut aux personnes de 21 ans dont la mère et la grand-mère maternelle ne sont pas des Indiens inscrits de naissance, mais qui ont acquis le statut d'Indiens du fait de leur mariage. Cette disposition doit être abrogée dans le plus bref délai et ce, rétroactivement;

Que chaque bande établisse, au niveau de la bande ou de la nation, les critères de la bande ou de la nation en ce qui concerne le degré de sang indien que doivent posséder les personnes susceptibles d'être inscrites, c'est-à-dire les nouveaux nés, les enfants placés en adoption, les personnes transférées, etc. Le Parlement devra affecter suffisamment de fonds pour que les personnes rétablies dans leurs droits puissent bénéficier de tous les services et programmes actuellement offerts aux Indiens inscrits et verser des fonds de transition; au besoin, d'autres ressources, y compris des terres, des subventions à l'expansion économique, etc. L'abrogation de l'article 12.1b de la loi sur les Indiens doit être faite dans les plus brefs délais;

Que l'obligation qui est faite à la femme de cesser de faire partie de sa bande en certaines circonstances prévues par la loi est une disposition discriminatoire tant envers les femmes qu'envers les hommes, car il y a empiétement sur le droit d'une bande à décider de sa propre composition;

Que l'article 109 de la loi sur les Indiens soit abrogé car l'émancipation, de par la loi sur les Indiens, est une notion colonialiste. Le concept tout entier de l'émancipation doit être éliminé de la loi sur les Indiens ou de toute autre loi présente ou future.

Nous, les femmes autochtones du Québec, sommes convaincues que notre proposition est juste et équitable. Elle demande le rétablissement des femmes autochtones dans leurs droits, vise à protéger les droits éventuels des Indiens, hommes ou femmes, et fait en sorte que ces droits ne puissent être acquis par des conjoints non Indiens, à moins que n'en décident autrement les autochtones eux-mêmes.

Le Président (M. Rancourt): Nous vous remercions. Je donne maintenant la parole au premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je vais être bref et tout simplement souligner que c'est un des mémoires les plus remarquablement éloquents qu'on ait eus depuis le début de la commission. Je crois qu'on sera tous d'accord sur cela. Il y a même un certain humour noir qui, en même temps, est marqué au coin de l'espoir. Cela m'a frappé quand vous dites que, maintenant que le reste du monde s'est rangé au point de vue des Indiens du XVIIIe siècle, il est tristement ironique de constater que les Indiens d'aujourd'hui semblent s'accrocher au système absurde qui leur a été imposé.

C'est vrai, en ce qui concerne les droits que vous évoquez avec beaucoup d'éloquence, les peuples amérindiens, inuits aussi probablement - j'en suis sûr même -étaient sans doute très en avance, au XVIIIe siècle, sur les Européens qui venaient les coloniser. Malheureusement, il s'est établi une relation de société dominante et certains vices des sociétés impérialistes ont été transmis comme cela et, aujourd'hui, restent à corriger.

On a tout de même fait beaucoup de chemin, je crois que vous le dites aussi. Il en reste beaucoup à faire, mais je me sentirais gêné si je ne cédais pas très vite la parole, pour d'autres commentaires ou des questions, aux parlementaires, à nos collègues féminines qui sont ici. Vous avez très bien évoqué qu'il y a une solidarité qui s'établit de ce côté. Je vais m'effacer rapidement, sauf pour rappeler ceci. Si j'ai bonne mémoire, Mme Gill-Dufour et Mme Gros-Louis-McHugh ont été les déclencheurs d'une position que notre gouvernement a prise en ce qui concerne les droits des femmes indiennes en - j'essaie de retrouver la date...

Une voix: 1980.

M. Lévesque (Taillon): 1980. Je me permettrai simplement de lire un paragraphe de la fin d'une lettre que j'expédiais une fois qu'on a été bien convaincus. On a été fidèles à cet engagement, je crois. "Je tiens à assurer les femmes indiennes du Québec, qu'elles soient ou non inscrites en vertu de la loi sur les Indiens et particulièrement celles qui ont perdu ou qui perdront leur statut par suite de leur mariage avec un non-Indien, que le gouvernement du Québec les reconnaît toujours comme Indiennes du fait de leur ascendance et de leur appartenance au milieu amérindien." (21 h 30)

Quant à nous, sur le plan québécois, c'est une chose qui est faite et, pour autant qu'on peut l'appliquer, je pense qu'on le fait. Mais je comprends aussi qu'on doit donner le plus d'appui possible à ces changements qui sont nécessaires dans les lois fédérales. On l'a fait, je crois, de notre mieux - même si on ne pouvait pas signer certaines choses -quand il y a eu la conférence fédérale-provinciale au printemps. Je peux vous assurer - je termine là-dessus - qu'on va continuer à le faire et on va peser de tout le poids qu'on peut avoir pour que ce soit réglé une fois pour toutes, cette absurdité qui traîne encore dans le paysage.

Cela étant dit, en vous remerciant beaucoup, je voudrais céder la parole maintenant à nos collègues du sexe fort. Est-ce que vous avez des questions, Mme LeBlanc?

Mme LeBlanc-Bantey: Non, je vais laisser Mme Lavoie-Roux...

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Mont-Royal.

Mme Lavoie-Roux: II veut seulement souhaiter la bienvenue à ces gens.

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais souhaiter la bienvenue à l'Association des femmes autochtones du Québec et dire à ces femmes que j'appuie entièrement les représentations qu'elles nous font ce soir, qui sont contenues dans leur mémoire. Et les abus qu'elles ont soulignés en ce qui concerne la loi sur les Indiens, c'est véritablement un fait, ce sont des abus. Moi, je n'ai jamais pu comprendre ou accepter l'explication qu'on nous a toujours donnée, même quand j'administrais cette loi, qu'on ne pouvait pas faire des changements à certains articles de la loi, mais qu'on voulait plutôt que les autochtones, que les peuples indiens s'entendent sur tous les changements à la loi des Indiens avant de faire certains changements, particulièrement celui que vous demandez. Je sais que cela a causé beaucoup d'abus, beaucoup d'injustices et j'ose croire que le temps est venu, comme vous l'avez dit. Je crois que le gouvernement fédéral ne devrait plus prendre de délai, ne devrait plus utiliser ces raisons pour ne pas amender cet aspect de la loi sur les Indiens. Si on ne peut pas s'entendre sur les autres, bien, on attendra. Mais celui-là, je crois qu'il est impératif qu'il soit amendé le plus tôt possible et, comme vous le dites, peut-être rétroactivement, parce que cela a causé trop de difficultés et trop d'abus sans aucune raison valable.

Alors, je laisserais ma collègue, la députée de L'Acadie, peut-être vous poser quelques questions sur le mémoire que vous nous avez présenté.

Le Président (M. Rancourt): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux également remercier l'Association des femmes autochtones du Québec. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que j'ai l'occasion de prendre connaissance d'un de ses mémoires. Il y en a un autre auquel déjà je me suis référée à l'Assemblée nationale et j'y reviendrai tantôt pour faire le lien avec les représentations que vous faites aujourd'hui.

Je pense qu'il y a un consensus facile autour de cette table quant à la nécessité que la loi canadienne soit modifiée pour enlever cet élément absolument discriminatoire et j'ignorais qu'il avait été... À un moment donné, il était là pour les femmes et les hommes amérindiens et, ensuite, on ne l'a remis que pour les femmes indiennes, d'après le mémoire. J'ignorais ce détail-là.

Le premier ministre a parlé, au cours des audiences que nous avons eues ici depuis deux ou trois jours, d'un projet de résolution qu'il doit présenter à l'Assemblée nationale et il a indiqué qu'il irait même au-delà de ce qui était contenu dans la charte constitutionnelle. À ce moment-là, je suis convaincue qu'il va au moins, je ne sais pas dans quelle mesure, faire allusion au statut particulier des femmes indiennes. Il peut compter sur notre appui.

Le premier ministre nous a remis -d'ailleurs, vous l'avez incluse dans votre mémoire - la lettre qu'il vous adressait le 11 octobre 1980, à laquelle nous souscrivons tout à fait, sauf que, comme on l'a dit à plusieurs reprises ici, la résolution que l'Assemblée nationale adoptera touchant les Amérindiens et une lettre comme celle-ci, au niveau des principes, c'est excellent. Il faudrait quand même inviter l'Assemblée nationale à faire des pressions auprès du gouvernement fédéral. On pourrait joindre nos efforts sans difficulté pour demander, dans le même sens que les femmes à la Chambre des communes et les femmes au Sénat l'ont fait, que la loi soit modifiée comme vous l'indiquez.

Il y a une question que j'aimerais vous poser: Du côté des Indiens, dans cette modification à la loi en ce qui touche les femmes indiennes, y a-t-il également une volonté de leur part que celle-ci soit modifiée dans le sens que vous le demandez?

Do you want me to ask the question in English?

Mme Stacey-Moore: Please, this is...

Mme Lavoie-Roux: Yes. I said: Referring to this will of the Indian women to have the law modified in the sense that you indicate in your brief, is there also the same will and consensus among the men in the community that this be also modified in the way you are indicating us?

Le Président (M. Rancourt): Mme

Stacey-Moore.

Mme Lavoie-Roux: Because sometimes here the women want something but the men do not necessarily want it, even in terms of legislation, let us face it.

Mme Stacey-Moore: That is certainly true, but I think that it has been sometime that the Québec Native women Association has been working towards changing those attitudes. Attitudes are basically changed by providing information and by discussions with those reserves or bands concerned. Attitudes are changing and we are finding that we have a lot more support.

Le Président (M. Rancourt): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Cela n'est pas

encore une volonté aussi complète de la part des hommes que cela l'est déjà chez les femmes.

It is not so unanimous with the men...

Mme Stacey-Moore: There are still some men who fear the fact that we could be equal, but I think that it is just a matter of information and a matter of trying to soothe some of the fears and some of the misconceptions that the bands have about the women wanting to go back to the reserves and the women wanting to... They are also afraid because of the limited resources that they have. They are afraid that there is going to be this mass of influx of women on the reserve, while, in many cases, the women who have lost status have set up outside that community and have their own home, and there are many who do not see themselves returning to the reserve in terms of more land and a more financial strain on the reserve. There are however, and it is not a fact that we are going to hide, a great deal of women who do wish to return to the reserve. So, the situation is not so bad as most people seem to think it is.

Le Président (M. Rancourt): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Tout à l'heure, je faisais référence au mémoire que vous aviez présenté au ministère de la Santé et du Bien-Être social le 20 août 1980: Les services de santé, un problème crucial chez la population autochtone du Québec. Aujourd'hui, dans votre mémoire, vous y faites encore allusion, mais d'une façon beaucoup plus succincte. J'aimerais vous demander si, à votre connaissance, les statistiques étant quand même très accablantes quant au taux de mortalité infantils et à la longévité des femmes, vous avez de nouvelles statistiques. Avez-vous des modifications? Est-ce qu'il y a eu des améliorations?

Le Président (M. Rancourt): Mme Saint-Onge.

Mme Saint-Onge: Oui. Nous n'avons pas fait de nouvelles études sur la situation des femmes en ce qui concerne la santé. Cependant, nous savons que le problème est toujours le même, que les femmes ont toujours un niveau de vie très difficile et que nous devons offrir à ces femmes - nos soeurs, en fait - de l'aide et de l'information.

Quant aux statistiques, je ne sais pas si elles ont changé. Je pense que cela peut être vérifié, tant au niveau de la santé des femmes que du taux de mortalité des enfants. Ceci peut être vérifié, mais je ne sais pas si les statistiques ont vraiment changé ou s'il y a amélioration.

Le Président (M. Rancourt): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Un problème que vous souleviez à ce moment et qui était assez aigu, c'était le problème des services d'interprétation qui étaient mis à la disposition des femmes ou des familles, quand elles se présentaient au dispensaire, à l'hôpital, et qui faisait qu'on pouvait même subir des interventions chirurgicales sans être adéquatement informé de ce qui allait arriver. Il y a même eu en certaines occasions des interventions qui n'auraient peut-être pas été faites si les femmes avaient été mieux informées ou si on avait donné des services d'interprétation plus satisfaisants. Est-ce que cette situation a été corrigée? C'était l'objet d'une bonne partie de votre mémoire et cela remonte quand même à seulement trois ans.

Mme Saint-Onge: Le problème est encore le même. Je sais qu'au niveau des dispensaires, dans les réserves, il y a toujours quelqu'un pour accompagner les malades, autant les femmes que les hommes, mais surtout les personnes âgées. Le problème peut être corrigé parce qu'il y a toujours des personnes bilingues qui peuvent les accompagner.

Le problème se situe au niveau des personnes qui sont obligées d'aller dans les hôpitaux, en milieu urbain la plupart du temps, et qui se retrouvent dans des centres comme Québec ou Montréal, ou d'autres villes; elles se retrouvent vraiment seules. C'est vrai qu'il y a des services de traduction et d'interprète, mais l'interprète ne reste pas 24 heures avec la personne dans les hôpitaux. Quand une personne âgée, malade, unilingue, se retrouve à l'hôpital sans moyen de communiquer avec les personnes qui la soignent et qui l'aident, le problème est très difficile autant pour elle que pour les personnes qui la soignent. Étant donné qu'il n'y a aucun moyen de communiquer, comment demander à une personne âgée ce qu'elle veut? Si elle préfère du thé ou -du café, elle ne pourra pas le dire.

C'est là seulement un détail de confort. Quand ces problèmes se situent au niveau de la santé et des interventions, comment expliquer à une personne âgée unilingue quelle sorte d'intervention elle va avoir ou de quelle façon prendre des médicaments, ou quoi que ce soit? Elle ne peut comprendre et on ne peut le lui expliquer. Pour une personne âgée - toujours unilingue - qui se trouve à l'hôpital déjà coupée de son milieu, déracinée, les chances de - j'allais dire de survie, mais ce serait peut-être un peu fort - bien-être et de retour à la santé sont plus

difficiles. Je pense qu'il y a des situations que l'on peut retrouver qui sont très difficiles pour les personnes unilingues.

Le Président (M. Rancourt): Mme la députée de L'Acadie. (21 h 45)

Mme Lavoie-Roux: II y a également un grand nombre d'autres problèmes que vous soulevez, mais je ne veux pas les reprendre. Je veux simplement vous dire que ces données que nous avions reçues par le truchement de votre mémoire nous avaient été très utiles pour essayer de faire des représentations en votre nom à l'Assemblée nationale. Je pense qu'au moins les contacts que vous pouvez garder sur une base plus régulière avec tous les membres de l'Assemblée nationale... Disons que les femmes font peut-être un meilleur suivi. Cela peut être utile dans le sens de demander une action qui autrement serait beaucoup plus lente. Vous mentionnez dans votre mémoire, par exemple, certaines lois comme la Loi sur l'adoption, en particulier. Vous parlez de la Loi sur la protection de la jeunesse - je pense que j'y ai fait référence hier après-midi - des lacunes au point de vue des services dans la langue de la famille, des mesures qui sont prises pour la protection de l'enfant ou, si c'est un enfant qui est "délinquant", des mesures de réinsertion sociale qui sont souvent très mal adaptées à la réalité de la vie de vos communautés.

Il y a eu des recommandations de faites dans ce sens-là. Hier, nous rappelions au gouvernement d'agir dans le sens des recommandations qui étaient dans le rapport de la commission spéciale sur la protection de la jeunesse. Justement, je vois un des membres de la commission qui est ici ce soir, M. le député de Rousseau. Je pense qu'à toutes ces représentations que vous pouvez faire, nous essayons ici d'y donner un suivi.

En terminant, je voudrais vous dire combien nous sommes sensibles à vos représentations. Peut-être que déjà nous-mêmes, nous faisons des représentations pour l'ensemble des femmes du Québec. Je ne pense pas aux femmes qui sont à l'Assemblée nationale; celles-là ont peut-être des problèmes, mais ce ne sont pas vraiment des femmes avec des problèmes majeurs. Dans l'ensemble du Québec, il y a beaucoup de femmes qui connaissent des problèmes très sérieux. Je suis sûr que les vôtres sont probablement juste un peu plus sérieux et un peu plus graves. Je mets de côté les problèmes de discrimination dont on a parlé et qui vous touchent d'une façon toute particulière. Je sais que ces problèmes se répètent de la même façon chez vous, mais souvent d'une façon plus grave. Dans ce sens-là, je puis vous assurer que vous trouverez ici, chez les femmes de l'Assemblée nationale - je ne ferai pas de discrimination - et chez l'ensemble des collègues de l'Assemblée nationale, un désir d'essayer de contribuer à trouver des solutions.

Je voyais des suggestions que vous faisiez du côté de l'emploi, du recyclage ou de la formation des femmes. C'est déjà difficile pour l'ensemble des femmes du Québec et les solutions ne sont pas toujours faciles. Je pense que c'est un problème très réel auquel on doit continuer de s'appliquer à trouver des solutions, peut-être en étant plus sensible aux situations parfois beaucoup plus difficiles que les femmes de votre communauté vivent. Je vous remercie.

Le Président (M. Rancourt): Avez-vous une réaction? Mme Dufour.

Mme Gill-Dufoun J'aimerais peut-être réagir aux propos de Mme la députée. Quand elle mentionne qu'il y a beaucoup de difficultés, de discrimination au niveau de la femme québécoise, je partage son idée. Ce que la femme autochtone subit comme discrimination...

Mme Lavoie-Roux: C'est beaucoup plus grave.

Mme Gill-Dufour: ...je pense que c'est le double. Ce n'est pas seulement au niveau du sexe, mais aussi au niveau racial. Il y a double discrimination. Je pense qu'il n'y a pas une femme au monde - au monde, je dis bien - qui est dans la même situation que la femme autochtone du Québec. J'aimerais peut-être ajouter cela pour ceux qui ne connaissent pas la double discrimination. Souvent on va faire des comparaisons. Je pense que c'est doublement discriminatoire. C'est pour cette raison qu'on réagit. Merci.

Mme Lavoie-Roux: D'accord, merci.

Le Président (M. Rancourt): Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine, avant de vous donner la parole, je suis sûr que j'aurai le consentement des membres de cette commission pour que vous soyez officiellement inscrite comme intervenante à cette commission. Est-ce qu'il y a consentement?

Mme Lavoie-Roux: Oui. Nous sommes honorés de sa visite, d'ailleurs.

Le Président (M. Rancourt): Donc, Mme Denise LeBlanc-Bantey des Îles-de-la-Madeleine est inscrite comme intervenante. Mme la ministre de la Fonction publique.

Mme LeBlanc-Bantey: Merci, M. le Président. Je remercie mes collègues de leur générosité...

Mme Lavoie-Roux: De notre accueil, pas de notre générosité.

Mme LeBlanc-Bantey: ...de leur accueil. Bonsoir, mesdames. Je dois vous dire que c'est la première fois que j'ai l'honneur de vous rencontrer. J'ai certainement, à cet égard, moins de spécialité dans le dossier que ma collègue de L'Acadie. J'aimerais cependant faire un certain nombre de commentaires. Je dois vous dire que j'ai trouvé votre mémoire extrêmement troublant, même émouvant. C'est encore le genre de termes que les femmes se sentent à l'aise d'utiliser. Je ne dirai pas que je l'ai trouvé convaincant - je ne crois pas que vous ayez à être convaincues - mais s'il y en a encore dans cette salle qui avaient besoin d'être convaincus, j'espère qu'ils l'ont été parce que votre mémoire était extrêmement bien articulé et convaincant.

Je voudrais particulièrement revenir sur l'aspect de la discrimination chez les femmes indiennes qui se marient avec des non-Indiens. C'est peut-être - comme vous l'avez souligné - une discrimination qui est beaucoup plus vexatoire que l'ensemble des discriminations qu'ont à subir la majorité des Québécoises. Je lisais votre mémoire et je vous écoutais et je me disais que les femmes au Québec - M. Lévesque le rappelait lui-même - ont encore un long chemin à parcourir. On a fait un certain nombre de progrès et il nous reste des batailles à continuer régulièrement, mais j'avais l'impression que, pour les femmes de ma génération, vous partiez de beaucoup plus loin que moi et d'autres femmes au Québec avons eu à partir pour tenter de faire reconnaître une certaine égalité entre l'homme et la femme, que ce soit la reconnaissance sur le marché du travail ou d'autres droits que les Québécoises ont tenté de revendiquer au cours des années. Tout au moins, il me semble que nous n'avons jamais eu à vivre ce genre de discrimination.

Mme la députée de L'Acadie vous a posé une question à la suite de la reconnaissance par le gouvernement du Québec que les Indiennes demeuraient Indiennes peu importe le genre de mariage qu'elles contractaient. On a fait allusion à la charte québécoise, on a fait allusion à la charte canadienne et Mme la députée de L'Acadie vous disait que, finalement, votre sort est entre les mains des leaders des communautés auxquelles vous appartenez, ces leaders qui sont - je ne sais pas si c'est complètement unisexe - certainement en très grande majorité masculine. Vous avez répondu en disant que, dans le fond, vos hommes - de la même façon que les nôtres -ont progressé tranquillement; ils s'habituent peut-être à l'idée que les femmes indiennes ne sont pas discriminées quand elles marient un non-Indien par rapport à un Indien qui marierait une blanche. Vous avez répondu en disant qu'ils craignent ou que ce qui les inquiète, c'est le nombre de femmes qui pourraient être concernées par une mesure qui abolirait la discrimination. C'est l'aspect économique.

Sur le plan des mentalités psychologiques ou sur le plan des préjugés, est-ce que vous, en tant que femmes qui êtes visées par cette discrimination, vous avez espoir de la même façon que nous, les femmes de la majorité québécoise, avons espoir qu'un jour nos vis-à-vis de l'autre sexe comprendront spontanément certaines réalités? Est-ce que vous avez espoir que vos hommes, spontanément, un jour et à court terme ou à moyen terme, seront à côté de vous pour demander des changements aux lois qui provoquent dans les faits cette discrimination? Est-ce que vous sentez qu'ils évoluent assez rapidement pour permettre aux femmes de votre génération de voir le changement se réaliser, et venant des hommes, ou si vous pensez que la façon de régler le problème serait de leur imposer ces changements?

Mme Gros-Louis-McHugh: Je vais répondre à madame. Je pense que le changement se fait lentement, mais il se fait. Nous avons eu un geste qui a été fait par des leaders indiens lors de la rencontre avec le "task force" qui a été formé, le groupe de leaders indiens et d'associations qui se sont réunis pour la préparation de la conférence constitutionnelle qui a eu lieu à Ottawa. Il y a eu une prise de position favorable à la clause de l'égalité parmi les chefs indiens qui étaient à ces assemblées; ils ont accepté d'inclure la clause de l'égalité. Alors, en principe, ils acceptent qu'il y ait un changement; on ne le leur impose pas. Ils sont d'accord avec le principe de la clause. Il y a encore beaucoup de travail à faire, car certains chefs un peu plus radicaux n'acceptent pas tout à fait que les femmes reprennent leur statut, celles qui l'ont perdu, mais on pourra sûrement réussir à les convaincre par la force des choses.

Mme LeBlanc-Bantey: Si je comprends bien, vous avez espoir que l'ensemble de vos chefs ou dirigeants accepterait finalement l'égalité des hommes et des femmes dans vos lois avant qu'une charte quelconque vienne le leur imposer.

Mme Gros-Louis-McHugh: Cela s'est fait, Mme la députée; il y a justement quelques bandes indiennes qui l'ont fait. Elles ont demandé la suspension de l'article 12.1b, ce qui s'est fait dans certaines communautés indiennes du Canada. Entre autres, au Québec, il y a des chefs qui l'ont fait.

Mme LeBlanc-Bantey: Quand vous

parlez de certaines bandes indiennes, proportionnellement à l'ensemble - je ne sais pas si je devrais poser la question - sont-elles majoritaires? En fait, quel est le rapport de forces entre...

Mme Gros-Louis-McHugh: Dans tout le Canada, 75 bandes indiennes ont demandé la suspension de l'article 12.1b de la loi.

Mme LeBlanc-Bantey: Sur combien?

Mme Stacey-Moore: How many Indian Bands?

Mme Gros-Louis-McHugh: Yes.

Mme Stacey-Moore: There are 588 Indian Bands and 75 have asked for exemption.

M. Lévesque (Taillon): Cela avance! Une voix: Tranquillement, pas vite!

Mme LeBlanc-Bantey: J'ai envie de vous demander...

Une Voix: 12%!

Mme LeBlanc-Bantey: ...de quelle façon on pourrait vous aider. Est-ce que nos groupes de femmes pourraient vous aider à faire progresser la cause rapidement? Je ne le pense pas. En tout cas, cela s'en vient, si je comprends bien. Je dirais presque que votre espoir est proportionnel à celui de l'égalité en emploi complète dans la fonction publique québécoise. On évalue, au rythme où nous allons...

Une voix: ...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

Mme LeBlanc-Bantey: ...non, non, on va voir si cela se mesure.

Si on regarde l'historique, des fois, ce n'est pas si mal. On évalue que cela va nous prendre, à nous les femmes, dans la fonction publique québécoise, au rythme où nous sommes parties - j'espère qu'on va réussir à l'accélérer - environ 40 à 45 ans pour atteindre l'égalité parfaite.

Est-ce que votre espoir est plus rapide que celui-là?

Une voix: Oui.

Mme Gros-Louis-McHugh: Oui, on espère que cela se fera dans un temps beaucoup plus court, parce que notre population vieillit aussi.

Mme LeBlanc-Bantey: Alors, si je comprends bien, si nous ne réussissons pas avant vous, nous aurons besoin de vous pour nous aider à accélérer les événements dans le secteur de l'égalité en emploi au Québec.

Ma deuxième question est la suivante. Cela m'a un peu surpris; actuellement, si j'ai bien compris encore une fois, si un Indien se marie avec une Blanche, la Blanche acquiert le statut d'Indienne, ce qui n'est pas le cas pour les femmes. Vous recommandez que ni l'un ni l'autre des conjoints n'acquiert le statut d'Indien, à moins que la bande n'en décide autrement. Est-ce qu'il y a une raison pour suggérer cela? On s'attendrait naturellement non pas que ceux qui ont le statut le perdent, mais que les femmes l'obtiennent, alors que vous, vous dites que personne ne devrait l'avoir et la bande décidera. Est-ce qu'il y a une raison à cela?

Mme Gros-Louis-McHugh: Oui.

Le Président (M. Rancourt): Mme

Jocelyne Gros-Louis-McHugh.

Mme Gros-Louis-McHugh: Je pense qu'il est important que le statut d'Indien ne soit pas accordé à des gens comme ça, qui arrivent, qui veulent faire partie d'une population. Si on l'a fait dans le passé, ce n'est peut-être pas à la demande des Indiens, mais parce qu'il y avait des lois. Si on veut en décider autrement, ce sera la population autochtone, les membres des nations, des bandes indiennes qui le feront à leur demande. Mais on ne veut plus que ce geste se répète parce qu'on nous l'a imposé par une loi. Nous voulons simplement garder la population indienne comme telle. Nous ne demandons pas qu'on nous accorde un statut spécial. (22 heures)

Le Président (M. Rancourt): Mme la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: Qu'arrive-t-il dans le cas des enfants nés de ces mariages entre Indiens et non-Indiens? Est-ce que les enfants ont automatiquement le statut d'Indien selon vos revendications?

Mme Gros-Louis-McHugh: Oui, selon les revendications des femmes autochtones, nous demandons que le statut se transmette aux enfants, qu'ils soient de père indien ou de mère indienne.

Mme LeBlanc-Bantey: Ma dernière question est la suivante. Le gouvernement du Québec, par la voix du premier ministre, en 1980, a reconnu finalement l'égalité des hommes et des femmes en ce qui a trait au mariage avec des non-Indiens. Il y a la charte québécoise qui établit l'égalité des droits, en tout cas tout au moins en théorie, entre les hommes et les femmes. Dans les

faits, nous aurons à continuer à nous battre pour être bien sûres que cela se réalise, mais quand même la charte établit le principe.

Sur le plan de la discrimination dont vous êtes victimes - là, je n'engage pas le premier ministre, on verra, on fera nos batailles après - est-ce qu'il y a encore des gestes que peut poser le gouvernement du Québec dans ce sens? Parce que, quand on lit votre mémoire, on a l'impression que vous êtes finalement très satisfaites de la position qu'a prise le gouvernement du Québec depuis un certain nombre d'années sur ce point, qui finalement est un des thèmes majeurs de votre mémoire. Est-ce qu'il nous reste encore des gestes à poser ou est-ce qu'on peut vous aider d'une façon quelconque à faire progresser le dossier?

Le Président (M. Rancourt): Mme Gail Stacey-Moore.

Mme Stacey-Moore: As far as the equality clause and the support that we can look for from the Québec Government, a part of the problem that we are now having with the present accord, is that the wording that was used in this accord - the March 1983 accord, in Ottawa - did not go far enough in that it refers to existing treaty and aboriginal rights and does not include legislative or other rights, so, when the Québec Government puts a resolution forth to the National Assembly for acceptance, I would like to see a clarification in that area.

Le Président (M. Rancourt): M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Would you spell it out a little bit more? What kind of clarification, you know, thinking out loud, let us say?

Mme Stacey-Moore: Pardon me?

M. Lévesque (Taillon): What kind of clarification or spelling out would you see?

Mme Stacey-Moore: You mean in terms of the exact wording?

M. Lévesque (Taillon): Yes, more or less.

Mme Stacey-Moore: I think we can negotiate that from now until the end of December. The idea is to include... When you spoke, you said: The minimum that you would be willing to look at was an accord that was similar to the one in Ottawa, but also that you would perhaps... or maybe there would be more. So, I am addressing the "more" right now. What I would like to see is the inclusion of legislative and other rights very clearly in the resolution that is going to be put forth and that covers the equality clause as well as any aboriginal treaty.

M. Lévesque (Taillon): It is agreed already that we will consult on that. At least, we will consult, so we will see if we can satisfy the request you are making. Okay?

Mme Stacey-Moore: Okay.

Le Président (M. Rancourt): Mme Gill Dufour a tout à l'heure demandé la parole.

Mme Gill-Dufour: J'aimerais peut-être réagir à la première question que Mme la députée a posée tout à l'heure, lorsqu'elle a demandé ce que nous pensions de la position de nos leaders indiens. Je pense que, du fait que les leaders indiens ont fait comme nous pendant ces derniers jours, c'est-à-dire se déplacer pour venir ici à Québec, l'autorité et le pouvoir ne sont pas que dans les mains de nos leaders indiens, parce que je pense qu'il y aurait peut-être déjà des choses d'améliorées ou de changées. Souvent, on leur dit: Qu'est-ce que vous attendez pour faire quelque chose, pour faire des pressions? Cela fait des années et même un siècle que nous vivons cela. Et souvent, on nous répond: Ce n'est pas nous qui avons cassé les pots. Je pense que la loi sur les Indiens n'a pas été écrite par les Indiens eux-mêmes et toutes les lois que nous retrouvons au Québec, à ma connaissance, on n'a pas eu tellement de choses à dire et nous n'avons même pas eu un mot à ajouter dans ce qui se passait pour nous. Je vous repose la question: Est-ce que prendre position relève seulement de nos leaders indiens? Je pense que, tout de suite, vous allez me donner la réponse: Non, c'est l'autorité ou les gouvernements qui doivent appuyer et créer des mécanismes pour que les leaders indiens prennent position afin de régler cela ou de donner justice à la femme autochtone du Québec.

Le Président (M. Rancourt): Mme la ministre de la Fonction publique.

Mme LeBlanc-Bantey: Je voudrais seulement terminer en disant que je posais ma question dans le sens suivant: C'est vrai que cela ne dépend pas que de vous ou des leaders indiens, sauf que, quand il y a une solidarité très forte entre les groupes, cela aide très souvent les gouvernements à agir, quels qu'ils soient. Je voudrais terminer en vous disant que je suis très heureuse d'avoir pu participer ce soir à cette rencontre. Il est clair qu'à l'instar de ma collègue qui a parlé, nous aurons beaucoup de sensibilité et nous essaierons - ma collègue nous y a

invitées...

Mme Lavoie-Roux: À faire un petit front commun.

Mme LeBlanc-Bantey: ...de faire un petit front commun à l'Assemblée nationale en ayant l'espoir que les hommes, à l'instar des femmes, dans ce dossier seront comme la situation le commande, au-dessus de toute partisanerie politique.

Le Président (M. Rancourt): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci. I would like to ask you a couple of questions around your section on education. At the bottom of the first page on education, you have insisted that: "L'éducation ne semble pas être conçue à partir des caractéristiques de cultures." I think that you' are facing a dilemma. I am trying to find out exactly what you are asking here in terms of an education appropriate to your children that reflects your values and your culture and I noticed, in the previous brief that we received from the Alliance, that in his recommendations around education, she was asking really a complete control of education and perhaps, although it was not explicitly mentioned, a separate system of education to reflect the values of your culture. What do you see in this regard? Do you think that you might take the existing curriculum in Québec schools and superimpose or add another dimension which reflects your culture and your values? Is it possible or is there too much of a conflict, a fundamental conflict in values so that, in another words, you would be ending up with the least common denominator or is it possible that some sort of a combination or an addition to the present curriculum could allow you to end up with the best of both worlds? Do you understand what I am saying? Are you demanding your own schools in which you conceive and develop your own curriculum or is it possible to find a modus operandi starting with the present curriculum and adapting it to your needs?

I would just like to add that I think that this same question is being asked by many peoples in Québec. It is the same question that the Greek People are asking, that many Jewish People are asking, that Italian People are asking and even I could tell you, as an English person in Québec, that we have - not to the same degree, perhaps - a feeling, a sensitivity to what you are talking about because very often we, English, receive a translation of a curriculum that has been developped for Franco-Québécois values.

We know, we understand the problems that other people, other cultures, people of other backgrounds are feeling. So, I just want to know what you see in this regard. What is the answer?

Le Président (M. Rancourt): Mme Marthe Gill-Dufour.

Mme Gill-Dufour: J'aimerais répondre à cette question, étant donné que je travaille dans les dossiers de l'éducation depuis plus de vingt ans, aux Affaires indiennes, près des Amérindiens. J'ai pu voir les résultats qu'ont donnés les écoles québécoises. Je pense qu'on n'est pas ici pour se faire des compliments, on est ici pour se dire la vérité. Alors, c'est un échec total. Pourquoi? Je pense que tout peuple ne peut accepter de se faire imposer des valeurs ou quoi que ce soit par une nation autre que la sienne. J'ai toujours pensé qu'il y a un grand principe en pédagogie: II faut partir des choses connues pour aller vers l'inconnu. On a fait l'inverse chez les Amérindiens. On a essayé de leur inculquer nos belles théories sans même les consulter et on est peut-être même allé au-delà de leurs aspirations. Je pense que c'est un système erroné.

Si on veut une société forte, un peuple avec une éducation selon son modèle, il faut lui laisser le pouvoir et les moyens de décider de son propre programme d'éducation. C'est d'ailleurs ce qui se passe dans plusieurs réserves du Québec présentement: elles ont leur propre programme. Je suis convaincue à l'avance que les résultats ne peuvent être pires qu'ils l'ont été il y a quelques années. Je suis confiante, je trouve cela très normal et très humain. L'éducation, c'est la base fondamentale d'un peuple. On transmet les choses qu'on a et non pas les choses qui nous sont transmises par d'autres. S'il y a survie d'un people, c'est l'éducation qui sera sa planche de salut, à mon avis.

Le Président (M. Rancourt): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Vous envisagez un système créé, conçu par les Indiens, basé sur vos valeurs et votre culture. Vous croyez qu'un système qui essaie d'ajouter une dimension autochtone à un autre, que les deux valeurs ne sont pas conciliables. Est-ce là votre conception?

Mme Gill-Dufour: À la base, aux cours primaire et secondaire, je crois primordial que ce soient les valeurs uniques du peuple autochtone, parce qu'il y a beaucoup de choses à communiquer à notre jeune génération: les coutumes, les traditions. Si quelqu'un s'intéressait à la possibilité de concilier les deux programmes vers des études plus avancées, aux niveaux collégial et universitaire, il y aurait certainement des

chances de succès, étant donné le côté financier. L'idéal, en toute honnêteté, serait d'implanter un système indien tout au long de la formation de nos jeunes. Ce serait vraiment le secret de la survie de notre peuple autochtone.

Mme Dougherty: Avez-vous fait des représentations, avez-vous eu des contacts avec le ministère de l'Éducation à cet égard?

Mme Gill-Dufour: Jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu d'échanges. Il y a actuellement des études qui sont faites, il y a des Indiens des réserves du Québec qui ont leur propre système d'éducation; ils sont maîtres de leur éducation. Il faudra peut-être attendre un peu pour connaître les résultats. Le vrai système devrait être un système fait par les Indiens et pour les Amérindiens.

Mme Dougherty: Merci.

Le Président (M. Rancourt): Mme la députée de Jacques-Cartier. (22 h 15)

Mme Dougherty: Deuxième question. Dans votre mémoire, vous avez dit: Les politiques d'éducation sont trop rigides pour les besoins de certains milieux et les programmes de recyclage et de formation aux populations adultes dans nos différentes communautés souvent ne répondent pas toujours à la réalité présente. Pourriez-vous expliciter un peu cette rigidité dont vous parlez?

Mme Gill-Dufour: Je peux prendre seulement un exemple pour ne pas non plus prendre trop de temps pour répondre. Prenons seulement la norme, le ratio, chez les Amérindiens présentement. On exige soi-disant 1-20, et les enfants sont d'une langue seconde; on doit leur enseigner en français. Vous imaginez que, déjà au départ, il y a de grosses frustrations quant au niveau ratio-élèves, parce que le contexte n'est pas celui de toutes les écoles du Québec. On a affaire à des populations dont la langue maternelle est une langue algonquine ou différents dialectes. Il faut maintenir à la base que c'est un ratio, et il faut l'appliquer pour avoir le nombre d'enseignants voulu. C'est un exemple, et je pourrais en citer plusieurs autres.

Le Président (M. Rancourt): Mme la député de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Mais vous avez parlé aussi des programmes de recyclage et de formation des adultes.

Mme Gill-Dufour: Quand on parle de programme de recyclage pour les adultes, il faudrait encore que ce soit adapté aux populations, parce qu'un programme de recyclage en milieu non-indien est différent de celui en milieu amérindien. Les modèles qu'on nous présente dans le moment sont inadéquats pour les populations autochtones.

Le Président (M. Rancourt): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Êtes-vous d'accord? Appuyez-vous les recommandations faites par l'Alliance? Elle a recommandé ceci: Que le gouvernement du Québec et les ministères concernés, de concert avec notre association, organisent dans les communautés des sessions d'information sur les besoins et ressources du milieu, les possibilités de formation et d'accès au marché du travail. Cette recommandation va-t-elle dans le sens que vous avez indiqué?

Mme Gill-Dufour: Je pense que oui en ce qui concerne le début de la recommandation. Pour la fin, je ne sais trop, je n'ai pas trop saisi de quoi il est question en ce qui concerne le marché du travail. Pour la première partie, je pense que oui, il doit y avoir des consultations, de l'information pour savoir ce que les gens veulent, afin de répondre à leurs besoins et non pas apporter les besoins de l'extérieur.

Mme Dougherty: Merci.

Le Président (M. Rancourt): Ce qui termine, je crois, l'audience sur le mémoire. Je crois que M. le député de Mont-Royal veut intervenir.

M. Ciaccia: Oui.

Le Président (M. Rancourt): C est terminé. Nous sommes rendus aux remerciements.

M. Ciaccia: Je voudrais remercier l'Association des femmes autochtones du Québec pour son mémoire. Je crois que nous faisons l'unanimité à cette commission parlementaire sur les revendications que vous nous avez soumises.

Nous sommes prêts à vous appuyer dans vos démarches. Cependant, il faut réaliser, quand on dit qu'il y a seulement 75 bandes qui ont approuvé votre position sur environ 580 dans tout le Canada qui représentent 2200 réserves aussi dans tout le Canada, que les mentalités ont été forcées par le gouvernement par les avantages que les programmes du ministère des Affaires indiennes donnent aux réserves. Il y a une crainte évidemment qu'en augmentant remarquez bien que cela ne justifie pas la position prise dans la loi, la clause dans la loi - les bénéficiaires, cela va réduire les

avantages pour d'autres. Il faudrait que cette mentalité et les politiques du ministère soient changées aussi, en plus de s'assurer que vos droits d'égalité sont assurés dans la charte.

Le Président (M. Rancourt): Mme Gail Stacey-Moore.

Mme Stacey-Moore: Yes, I would just like to add the fact that 75 bands have applied for exemption does not mean that they are the remainder of the bands that have not applied. People on that reserve do not support the fact that article 12.1b should be removed.

Le Président (M. Rancourt): Cela va, M. le député de Mont-Royal?

M. Ciaccia: I am glad that you make that precision. Thank you.

Le Président (M. Rancourt): Mme Gill-Dufour, vous aviez fait signe que vous vouliez...

Mme Gill-Dufour: Si vous me permettez, avant de terminer, j'aimerais peut-être partager avec vous et surtout les gens qui sont dans les communications, qui transmettent cette information à tout l'ensemble de la société québécoise, les quelques lignes qui vont suivre. Cent ans d'existence, neuf ans de regroupement en association, nos grand-mères, nos mères, nos filles tiennent encore le coup et sont encore les piliers des nations autochtones. Malgré toutes les injustices qui leur sont causées, nos grand-mères sont la source de notre inspiration, notre premier guide dans la vie. C'est d'elles que nous apprenons notre culture. Elles ont maintenu l'unité et le courage jusqu'à ce jour. Si nous continuons de fermer les yeux sur leurs problèmes, que deviendra notre société autochtone?

Il faut éliminer toute division inutile entre nous car nos petits-enfants devront le faire et on peut se demander si nous mériterons alors à leurs yeux l'honneur et le respect qui doivent aller aux anciens. Nous demandons donc à nos frères indiens de poser un geste d'appui concret afin que cesse pour toujours ce génocide de notre nation, car, en éliminant la femme, on élimine son enfant, donc, le peuple autochtone en général.

Avant de terminer, j'aimerais demander à tous les gens dans cette salle de réfléchir quelques instants sur la situation que nous vivons chaque jour depuis un siècle: le rejet. Est-il possible qu'une société éduquée puisse tolérer davantage cette indignation causée à la femme autochtone vivant dans leur société? Aucune nation n'a à subir les injustices que nous vivons chaque jour et cela ne se fait pas sans peine et sans tristesse, croyez-moi. Mais le courage de nos anciens nous a protégés jusqu'à ce jour du désespoir. Notre battement de coeur est fort car nous avons continué d'aimer, de nourrir, de soigner, de guider et d'éduquer les enfants malgré tous les déchirements émotionnels que nous avons eus à vivre. Mais le temps passe et nous vieillissons, comme disait Jocelyne, tout à l'heure. Nous sommes inquiètes et confiantes, en même temps, que nos autorités gouvernementales inscrivent dans leurs lois et chartes, en gros caractères, l'égalité, sur tous les aspects pour les autochtones sans tenir compte du sexe.

Merci, M. le premier ministre de nous redonner notre place au soleil, comme au début de notre existence. Par ce moyen, avec toutes nos soeurs autochtones du Canada, nous pourrons travailler au développement complet de notre société. J'aimerais demander à ma compagne, Gail, de peut-être vous lire la résolution que nous voudrions vous laisser à la commission parlementaire. Merci.

Le Président (M. Rancourt): Mme Gail Stacey-Moore.

Mme Stacey-Moore: There is just one other thing that I would like to add, before I go into the resolution. We have participated fully with the Québec task force and have been a part of it since its inception, and we fully endorse the position paper that was tabled here at this commission at the beginning of the hearings. I will go on by reading the resolution. As Québec Native women, we fully endorse the aspirations and steps taken by the Québec task force, be resolved that furthermore the Government of Québec support the inclusion of a clause in their resolution to the National Assembly of Québec to the effect that in regard to Aboriginal rights to be included in the Canadian Constitution, it be conceived in such a way that it will habilitate and bind the different levels of Government, federal, provincial, territorial and other, to meet their obligations and to answer the needs past, present and future of the Native women of Québec.

Le Président (M. Rancourt): M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): I will just repeat what was said unanimously here. We all agree on a basic requirements that your resolution sets out.

De nouveau, on vous remercie beaucoup. On va faire tout ce qui est possible pour prolonger au-delà du Québec... Au Québec, on peut vous donner notre engagement, on l'a déjà donné, à savoir qu'à l'intérieur des pouvoirs dont on dispose on va

réaliser cette égalité que vous demandez. Mais je sais que cela déborde le cadre des juridictions québécoises et, comme nous l'avons fait au mois de mars à Ottawa, je peux vous promettre une chose, c'est qu'on va continuer à pousser activement dans la suite de ces conférences pour que se réalise l'objectif que vous poursuivez.

J'ajoute, en vous remerciant encore une fois, que, dans la résolution qu'on va présenter à l'Assemblée nationale, on va trouver le moyen, j'espère, après vous avoir consultés, d'aller plus loin que ce qui avait été dit à Ottawa, de façon plus spécifique et plus claire, si possible.

Mme Stacey-Moore, Mme Saint-Onge, Mme Gros-Louis-McHugh et Mme Gill-Dufour, vous représentez - et je crois qu'à cause des horaires d'avion, un bon nombre des autres porte-parole principaux du groupe de travail, du "task force", ont dû repartir avant la fin de la séance... Si vous voulez endurer la fin, on va conclure en votre présence, parce que c'est la fin de cette commission, de cette étape, la séance de la commission parlementaire de ce soir. On vous inviterait à nous écouter, à nous endurer et à nous donner vos réactions après, avant de quitter, parce que vous êtes vraiment, je crois, les représentants principaux, ici dans cette salle, du front commun et du groupe de travail.

Le Président (M. Rancourt): Ceci termine la présentation du mémoire de l'Association des femmes autochtones du Québec.

Avant d'en arriver aux conclusions de ces trois journées d'audiences, je donne la parole au député de Mont-Royal qui me l'a demandée.

Conclusions M. John Ciaccia

M. Ciaccia: M. le Président, c'est la troisième journée que nous entendons les mémoires des différentes nations autochtones du Québec. Je crois que nous avons été éclairés - non seulement les membres de cette commission, mais la population en général - sur les vrais problèmes qui existent dans ces communautés. De quoi les autochtones nous ont-ils parlé? Ils nous ont parlé de leurs droits aborigènes. Ils nous ont parlé des problèmes que notre société leur a créés. Ils nous ont dit qu'ils veulent maintenir leurs traditions, leur culture, leur identité.

Je crois que le message fondamental qu'ils nous ont livré, c'est qu'ils veulent la reconnaissance de leurs droits. Or, en plus de cette reconnaissance théorique et de l'enchâssement de leurs droits dans les constitutions, ils veulent eux-mêmes apporter les solutions à leurs problèmes. Pour ce faire, ils doivent avoir la collaboration des gouvernements, du gouvernement du Québec; ils doivent avoir aussi les ressources nécessaires, particulièrement les ressources financières.

Ils ont porté à notre attention plusieurs problèmes. Nous avons parlé, ce soir, des problèmes d'égalité, des abus et des injustices qui ont été créées, je dirais, par nos lois. Il y a aussi les problèmes de chômage, de santé et des services sociaux qui manquent beaucoup dans ces communautés. Ils nous ont présenté le problème constitutionnel qui est l'enchâssement de leurs droits. Ils veulent que ces droits soient protégés dans une constitution qui ne pourrait être changée unilatéralement par un gouvernement ou un autre.

Je voudrais rappeler au premier ministre les engagements qu'il a pris. Auparavant, j'aimerais parler des représentations des autochtones de la Baie-James. Évidemment, ils ont certains problèmes dans l'application de leurs ententes. Cela crée des inquiétudes parmi eux, mais cela crée des inquiétudes aussi chez les autres groupes et cela crée - on l'a entendu dire par un groupe - un certain esprit de méfiance, parce que l'impression qui demeure, c'est que cette entente n'est pas entièrement respectée. Ils ont porté à notre attention les problèmes spécifiques dans les services de santé et dans le développement économique. Ils nous ont parlé du rôle de SAGMAI et du fait qu'ils ne sont pas satisfaits de la façon dont l'entente est mise en application. Il faudrait absolument que des mesures soient prises par le gouvernement pour s'assurer que l'entente soit mise en application, pour qu'elle soit respectée intégralement non seulement dans sa lettre, mais aussi dans son esprit. (22 h 3D)

Je voudrais rappeler au premier ministre - il pourrait peut-être faire des commentaires - les engagements qu'il a pris sur la question, de faire adopter une résolution par l'Assemblée nationale quant aux droits constitutionnels que les autochtones ont pu obtenir dans l'accord de 1983, l'amendement à la constitution. Ils sont inquiets car ils ne veulent pas que le Québec se retire de cette entente. Ils veulent que ces droits soient protégés au Québec.

Deuxièmement, le premier ministre s'est aussi engagé - je' pense qu'il nous en a informés - à apporter un changement à la loi 57, à la demande des Inuits du Nord québécois, pour faciliter la mobilité des Inuits du Labrador et du territoire du Nord-Ouest Québécois. Je crois que le premier ministre nous a informés qu'un amendement avait déjà été préparé à cet effet et qu'il serait apporté à la loi 57.

M. le Président, le premier ministre, à

la suite d'un mémoire qui a été présenté par les Inuits et les dissidents qui n'ont pas tout à fait accepté tous les termes de l'entente, s'est aussi engagé à négocier avec eux - je cite le premier ministre lui-même au journal des Débats - "un gouvernement autonome sous la juridiction du Québec". Autrement dit, le premier ministre a dit et je le cite: "Si l'unité revient chez les Inuits dans le sens d'une autonomie à l'intérieur du Québec qui leur permettrait mieux d'administrer leurs affaires, de faire les lois dans les domaines qui les concernent directement, d'organiser leur vie, nous serions immédiatement prêts à en parler avec eux et à accepter immédiatement la perspective, et on pourrait négocier sur cette base quand ils le voudront".

Je crois que ce sont trois engagements assez importants pour les autochtones qui seront affectés et qui ont demandé certaines garanties ou certains changements au premier ministre. En ce qui concerne spécialement la question de l'autonomie à l'intérieur du Québec, je pense que les structures existent déjà, dans l'entente de la Baie James. Il reste seulement au gouvernement à leur donner effet pour assurer cette autonomie.

En terminant, je voudrais seulement suggérer au gouvernement certaines mesures qui devraient être prises par le gouvernement du Québec pour répondre aux demandes, aux problèmes qui existent dans les communautés autochtones.

Premièrement, il faudrait que le gouvernement élabore une politique sur les droits des autochtones, une politique qui aurait pour but de fournir les services et de définir la position du Québec vis-à-vis de toutes les communautés autochtones au Québec. Concernant les 15 principes qui ont été énoncés par le gouvernement en réponse aux demandes des autochtones, je crois qu'il faudrait aller un peu plus loin et les préciser pour arriver véritablement à une politique pour les peuples autochtones.

Deuxièmement, à la demande aussi des autochtones de la Baie James, je crois qu'il faudrait créer un mécanisme avec les pouvoirs de mettre l'entente en application. Ils ne sont pas satisfaits des pouvoirs de SAGMAI, du rôle de SAGMAI. Il faudrait qu'il y ait une coordination et un mécanisme qui pourrait agir au nom du gouvernement et qui pourrait inclure des représentants des autochtones.

Troisièmement, nous avons entendu tellement de mémoires de tous les différents groupes au Québec qu'il semble clair qu'il faudrait créer un mécanisme - que ce soit une commission ou autre - qui recevrait les représentations des autochtones pour, premièrement, faire une révision des lois pouvant les affecter; deuxièmement, qui pourrait fournir des sommes aux autochtones pour qu'ils s'organisent afin d'être en mesure de négocier avec le gouvernement; troisièmement, cette commission, ou tout autre organisme, pourrait négocier, parce qu'il faut absolument arriver à une entente finale avec tous les groupes, tous les peuples autochtones au Québec. Il faudrait avoir des ententes-cadres avec chaque nation qui pourraient établir avec les autochtones des relations différentes de celles qui ont existé jusqu'à présent. Nous devons aller dans la direction d'une plus grande autonomie des autochtones au Québec.

M. le Président, en terminant, je dis ceci: II faut avoir parfois un changement de mentalité dans notre approche des autochtones, un changement de mentalité des non-autochtones envers ces communautés. Le premier endroit où ce changement doit se produire est l'exemple que le gouvernement peut donner, soit de vraiment s'assurer qu'il y ait des changements, des amendements aux lois qui affectent les autochtones. À l'Assemblée nationale, nous adoptons des lois pour notre société et elles s'appliquent à tout le Québec. Nous ne faisons pas d'exception pour les différentes communautés parce que nous avons tous les mêmes traditions de base, la même culture occidentale. Mais, pour les autochtones, cela crée des problèmes. Je ne suggère pas qu'il faille faire des changements radicaux, mais certaines de nos lois les affectent très sérieusement.

La meilleure façon d'encourager le changement de mentalité de la population envers ces peuples est que le gouvernement s'assure de faire une révision des lois et que, lorsqu'est adoptée à l'Assemblée nationale une loi qui peut affecter les communautés autochtones, les changements qui s'imposent pour prendre en considération les mentalités et les coutumes des autochtones, soient faits.

Je suis persuadé que nous aurons des retombées très positives de cette commission parlementaire. C'est une première au Québec d'avoir entendu tous les groupes autochtones. Dans le passé, nous avons entendu certains groupes sur des problèmes spécifiques: l'entente de la Baie James et les lois pour y donner effet. Ces trois derniers jours, nous avons entendu non seulement les problèmes globaux de tous les coins du Québec, mais nous avons aussi entendu les haudenosaunis, la "Six Nations Iroquois Confederacy" qui représente même les autochtones du nord-est américain et du Canada, venir faire leurs représentations sur les droits qu'ils réclamaient, sur leur souveraineté. Cela nous a donné différentes perspectives.

Je veux être très positif et non partisan, car je ne crois pas qu'on doit être partisan dans ces matières; c'est trop important, ce sont des questions de traditions de ces peuples, de justice. J'ose espérer que le gouvernement agira d'une façon très positive afin de répondre aux représentations

qui ont été faites ici et qu'il apportera des mesures concrètes pour essayer d'aider à résoudre ces problèmes. Merci.

Le Président (M. Rancourt): M. le premier ministre.

M. René Lévesque

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, le député de Mont-Royal parlait tout à l'heure d'un changement de mentalité dont on se rend compte qu'on a besoin. Cela ne se fait pas du jour au lendemain, on le sait. J'espère que ces trois jours auront fourni un meilleur éclairage - on a tous trouvé cela instructif - non seulement aux membres de la commission, mais également à un grand nombre de nos concitoyens qui ont pu suivre à la télévision les travaux de la commission. On aura tous remarqué qu'il y avait deux fils conducteurs; j'en trouve deux. Le premier a été mentionné par M. Ciaccia tout à l'heure, c'est-à-dire qu'on a eu un tableau - il faut en tenir compte - sans ménagement de la vie que, trop longtemps, on a faite à nos concitoyens autochtones. Aussi, on a eu une perception très claire du fait que, contrairement à ce que parfois on pense superficiellement, ils tiennent beaucoup à leurs droits, ils y tiennent profondément parce que ces droits sont accrochés à leur identité; ils n'ont pas envie de disparaître et là encore, contrairement à certaines illusions qui ont été véhiculées dans notre société trop longtemps. Ils sont accrochés à leur identité et ils veulent la garder.

En même temps, il y a un autre fil conducteur qui est plein d'espoir. Pour autant que j'ai pu suivre - je m'excuse d'en avoir manqué une partie par devoir d'État, mais quand même j'ai suivi tout ce que j'ai pu, j'ai lu les mémoires, comme chacun d'entre vous - à travers ces représentations qui ont été faites devant la commission parlementaire, représentations écrites ou représentations orales, il me semble qu'il y a une aspiration aussi de nos concitoyens autochtones à vivre en coexistence, le plus harmonieusement possible, avec la société qui les entoure, ici, au Québec, et avec laquelle, hélas, sauf exception, ils ont eu, jusqu'à tout récemment en tout cas, des relations qui étaient celles du groupe dominant par rapport au groupe dominé. Malgré cela -heureusement, à cause de l'évolution, c'est en train de changer - l'impression qui nous reste, c'est qu'il y a quand même un désir profond chez nos concitoyens autochtones de trouver une façon, mais d'égal à égal cette fois, de bâtir ensemble des relations de coexistence plus que pacifique, de coexistence harmonieuse.

J'ai dit que, sauf exception, cela avait été comme ça dans le passé parce que, depuis une vingtaine d'années, il y a eu un progrès réel. Cela prend toujours du temps avant de changer des choses qui durent depuis trop longtemps, justement. Je dois dire, d'ailleurs, que ces changements, tels qu'on les a sentis, cela a été dû, d'abord, à l'éveil collectif, à l'éveil politique même -on peut le dire - des groupes autochtones eux-mêmes. Ce sont eux qui ont été le ferment du changement, et un peu partout, d'ailleurs, à travers toute l'Amérique du Nord. On notait cela déjà en 1978. C'est moi qui prononçais ces paroles-là, mais je pense que ça nous ramène, tout de même, à un phénomène qui est continental. On disait ceci: "L'effort de redressement qui s'opère un peu partout en Amérique du Nord est d'abord dû aux autochtones eux-mêmes qui s'organisent politiquement et qui font entendre la voix de la raison et la voix du bon sens. Si les réponses se faisaient cependant trop attendre, cette voix deviendrait impatiente et irritée, et pourrait engendrer des situations explosives." D'ailleurs, on a eu certains cas où cela a engendré des situations de ce genre-là.

Alors, je dois dire qu'on a, dans l'ensemble, été chanceux au Québec. C'est peut-être parce que la majorité au Québec se sent elle-même une minorité qu'on a plus de chance de comprendre ce qui se passe, mais je crois qu'il y a eu beaucoup de progrès depuis vingt ans. Cela ne veut pas dire qu'il ne nous reste pas un sacré chemin à faire. Je crois aussi qu'on peut dire que la tenue de cette commission parlementaire est une manifestation de plus, et assez éclatante - c'est une première parlementaire pour nous - de cette réalité politique à laquelle on est en train de s'adapter, cette réalité de l'évolution.

Les ententes qui ont déjà été signées -et c'est seulement au Québec que c'est arrivé quand même - entre les nations cries, inuites et naskapies, ont marqué une étape importante de notre évolution en ce qu'elles représentent en quelque sorte des traités fondés maintenant sur des droits formellement reconnus et qui, à cause de cela, ne peuvent pas être modifiés sans le consentement des signataires. Ils peuvent l'être à leur requête. C'est ce qui est en train de se passer.

Le député de Mont-Royal soulignait que l'application de ces conventions qui ont été signées, qui sont en quelque sorte des traités avec nos concitoyens autochtones du Nouveau-Québec enfin, du nord du Québec n'a pas toujours été satisfaisante. Je pense que c'est absolument inévitable, surtout dans les premières années parce qu'on revient de loin. Il ne suffit pas de signer quelque chose sur le papier, il faut l'appliquer, et l'appliquer implique aussi qu'on passe à travers toutes sortes de barrières qui ont été créées par l'isolement et, du côté de la société majoritaire, par des générations et

des générations souvent d'incompréhension et même, admettons-le, d'exploitation aussi. Cela ne se fait donc pas en criant ciseau et je trouve - je me permets de le dire parce qu'il y a déjà une révision qui a été demandée, qui est en cours depuis des mois, qui est accompagnée par des représentants du gouvernement qui sont l'équipe de SAGMAI - qu'on est souvent injuste vis-à-vis de SAGMAI parce qu'eux sont pris entre l'écorce et l'arbre. Je dois dire que, dans cette petite équipe du Secrétariat aux affaires amérindiennes et inuites, il y a beaucoup de compétences, beaucoup de dévouement aussi et ils jouent ce rôle difficile, que peu de gens auraient pu jouer aussi bien, je pense, d'établir des ponts continuellement et d'aider, à l'intérieur de l'administration publique qui en avait besoin, à changer les mentalités. (22 h 45)

Quand on parle de changer les mentalités, cela ne se fait pas du jour au lendemain. Il ne faudrait pas être injuste; au contraire, il faudrait reconnaître les mérites constants de l'équipe de SAGMAI. Cela ne veut pas dire qu'elle ne fait pas d'erreurs, tout le monde fait des erreurs à l'occasion, mais une chose est certaine, c'est que, si on n'avait pas eu une équipe comme celle-là, je vous jure que l'application de la convention que vous nous avez léguée en quittant le gouvernement il y a quelques années aurait été à peu près impossible.

Dans le même sens, parce qu'on en apprend tout le long du chemin, je n'ai pas besoin de vous dire que nous tiendrons sérieusement et concrètement compte autant que possible de toutes les observations qui ont été faites devant cette commission parlementaire. Mais ce qui me semble significatif, c'est que même les nations autochtones du Québec, qui ne sont pas signataires de ces conventions du Nord, ont accepté pour la plupart d'en recommander l'enchâssement comme des traités, c'est-à-dire de considérer que, quand même, il y avait là une matrice, une sorte de modèle pour l'avenir pour tous les autres, étant donné que les nations bénéficiaires - il y a, évidemment, des dissidents et je crois que l'on doit respecter aussi leur position -jugent que ces conventions sont respectueuses dans l'ensemble de leurs droits fondamentaux et de leur désir en même temps de coexistence avec la majorité. C'est peut-être là que l'on trouve le début d'un modèle d'autonomie - parce que c'est le mot qui a été beaucoup employé ces derniers jours -dont l'ensemble de nos concitoyens amérindiens ont besoin.

Plusieurs sont venus ici nous expliquer les conditions qu'ils jugent comme un minimum pour réaliser cette coexistence. On peut résumer ces conditions sur trois plans: le plan territorial, le plan socioculturel et, forcément, le plan économique. Ils doivent pouvoir avoir non seulement le droit, mais la possibilité d'exister et de se développer selon leurs aspirations. Il faut que sur ces trois plans existe une autonomie politique suffisante pour leur permettre de se développer, à l'intérieur du Québec, bien sûr, comme des nations distinctes qui ont leur identité propre et qui ont leur base d'opérations. C'est un engagement que l'on a pris et qui se reflétera d'ici quelque temps, je l'espère, avant la fin de la session, dans la résolution que l'on doit présenter à l'Assemblée nationale.

Pour revenir à ces engagements que l'on avait pris, eh bien, je vais les résumer rapidement. C'est là que je rejoins la remarque que je faisais tout à l'heure devant des porte-parole autorisés du groupe de travail puisque les dames de l'association que vous représentez ont fait partie de ce groupe de travail. Certains des autres porte-parole et certains des autres principaux représentants ont dû quitter à cause des horaires d'avions qui les ramenaient dans le nord. Cela a été mentionné pendant les travaux de la commission et nous nous y sommes engagés. Une réunion comme celle-ci a beau être historique et très importante puisque c'est une première de ce genre, ce n'est pas cela qui va résoudre toutes les questions que posent nos relations avec nos concitoyens autochtones. C'est pourquoi on a retenu - et, si l'Opposition continue d'être d'accord, on va l'appliquer - une suggestion qui a été faite d'établir un forum parlementaire permanent et non pas simplement une commission qui arrive une fois et qui ne revient pas.

Un forum parlementaire permanent n'est pas la solution à tous les problèmes, mais cela nous aide à faire ce genre d'évolution qu'il faut pour continuer, avec un maximum d'harmonie et surtout un maximum de compréhension, à faire le point régulièrement, à voir si on a avancé, à voir aussi où se trouvent les obstacles et nous aide sans partisanerie - c'est un des cas où on pourrait faire cela et il n'y en a pas tellement - à faire avancer les choses; sans compter, évidemment, parce qu'il ne suffit pas des commissions parlementaires, toutes les rencontres qui, d'ailleurs, se multiplient et tous les pourparlers qui n'ont pas ce côté formel et public et qui, parce que c'est comme cela qu'on les a engagés et c'est comme cela que cela marche depuis un certain temps, doivent toujours se tenir d'égal à égal. C'est-à-dire qu'on n'est pas là pour imposer des choses; on est là simplement pour voir si on peut s'entendre sur la façon dont les autochtones eux-mêmes veulent qu'on aide à leur développement ou à corriger les choses qui doivent être corrigées.

Une chose aussi à laquelle on s'est

engagé - je veux le répéter en terminant -c'est qu'on va continuer à participer, j'espère utilement, aux conférences fédérales-provinciales et offrir, par ce mécanisme, l'occasion - parce que je pense que cela a été utile la dernière fois, au mois de mars 1983 - aux porte-parole des autochtones du Québec qui désirent le faire de venir avec nous pour s'exprimer librement. En aucune façon il n'est question de leur dire: Vous allez refléter les positions du gouvernement. Il s'agit simplement pour eux de prendre leur place dans nos délégations de façon qu'ils puissent avoir droit de parole au coeur même des conférences qui concernent leur avenir.

On va demander également - je ne peux pas avoir de texte ce soir, on n'a pas eu la chance de se consulter suffisamment, mais d'ici quelques jours ce sera fait - à l'Assemblée nationale d'approuver une résolution qui retiendra parmi les demandes fondamentales qui ont été faites ici celles auxquelles nous trouvons légitime que l'Assemblée nationale souscrive. Bien sûr, cela inclurait tous les points majeurs, en substance en tout cas, de l'accord de 1983. J'ai retenu aussi que cela pourrait peut-être aller plus loin en ce qui concerne la clause d'égalité. On verra. Mais, là-dessus aussi, il y aura des consultations si vous le voulez bien pour qu'on voie si on peut s'entendre. Aussi - je vous le répète parce que cela avait déjà été dit - en ce qui concerne la loi 57, c'est-à-dire les correctifs qu'on apporte à la loi 101, je pense que l'amendement qui a été évoqué est préparé et sera introduit, comme on dit en Chambre, avant la fin des procédures parlementaires.

En terminant, je rappelle simplement ceci - on a eu l'occasion de le dire devant la commission - concernant le "Canada Bill" ou le "Canada Act", appelez-le comme vous voudrez. Chacun sait que nous n'en acceptons pas la validité; nous ne pouvons l'accepter tant que ne seront pas remplies les conditions que l'Assemblée nationale elle-même a posées. En attendant, il faut bien vivre avec et profiter de ce qu'on nous a laissé comme moyens pour limiter les dégâts. Une des possibilités devant ce "Canada Bill", c'est d'utiliser sur certaines questions notre droit de retrait, ce qu'on appelle en anglais le "opting out".

Je répète ici ce que j'ai déjà dit pendant les trois jours: Dans les cas où il s'agira d'enchâsser dans ce "Canada Bill" des mesures favorables aux autochtones pour améliorer leur statut et leur situation sans diminuer l'autorité de l'Assemblée nationale, nous n'exercerons absolument pas ce droit de retrait. Il n'est pas question là qu'on commence à bloquer les choses. On a déjà dit spécifiquement, d'ailleurs, dans le cas de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et sûrement que cela pourrait être le cas pour des mesures du même genre, c'est-à-dire qu'on ne sera pas, comme on dit en anglais, un "roadblock" là-dessus.

Là-dessus, il me reste simplement, au nom de notre équipe, à remercier tous les participants qui sont venus nous éclairer, à remercier les collègues du côté ministériel et les membres de l'Opposition qui ont travaillé avec nous. Ensemble, on a l'impression d'avoir vécu une étape assez importante, une étape marquante, en fait, dans notre évolution. Je crois que, si on tient compte des résultats qui me semblent suffisamment concrets, on peut se dire avec confiance que c'est plutôt au revoir et que ce n'est pas la fin. Merci.

Le Président (M. Rancourt): Merci. Avant de terminer cette séance, je dois indiquer que le député de Duplessis, qui a été désigné comme rapporteur par la commission, fera rapport à l'Assemblée nationale dans les meilleurs délais.

La commission de la présidence du conseil de la constitution, qui avait pour mandat d'entendre les représentations des autochtones et des divers groupes et organismes autochtones sur les droits et les besoins fondamentaux des Amérindiens et des Inuits, a accompli sa mission. Elle a siégé au-delà de 28 heures.

La commission est ajournée sine die.

(Fin de la séance à 22 h 54)

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