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Version finale

32e législature, 3e session
(9 novembre 1981 au 10 mars 1983)

Le mercredi 10 novembre 1982 - Vol. 26 N° 193

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes relativement au livre vert sur le statut des travailleurs au pourboire du Québec


Journal des débats

 

(Dix heures cinq minutes)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente du revenu se réunit ce matin, afin d'entendre des personnes et des organismes en regard du livre vert sur la situation du travailleur au pourboire au Québec.

Sont membres de cette commission M. Blais (Terrebonne), M. Blank (Saint-Louis), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Desbiens (Dubuc), M. Dubois (Huntingdon), M. Fréchette (Sherbrooke), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Leduc (Saint-Laurent), M. Martel (Richelieu), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).

Les intervenants sont: M. Houde (Berthier), M. Lachance (Bellechasse), M. Lafrenière (Ungava), M. Lévesque

(Kamouraska-Témiscouata), M. Lincoln (Nelligan), M. Maciocia (Viger), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Perron (Duplessis), M. Vaugeois (Trois-Rivières).

Le rapporteur de cette commission hier était Mme la députée de Johnson.

Je vais vous donner l'ordre du jour de la journée. D'abord, ce matin nous entendrons l'Association des gens au pourboire...

M. French: On peut faire les substitutions, si nécessaire.

Le Président (M. Gagnon): Oui. Ce que je peux faire, c'est vous donner la liste d'hier pour voir si c'est exactement la même liste et, à ce moment-là, je pourrai faire la substitution.

M. French: La liste d'hier, cela va.

Le Président (M. Gagnon): Alors, cela va?

M. French: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Alors, cela veut dire que M. Dubois (Huntingdon) est remplacé par M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges); M. Fréchette (Sherbrooke) est remplacé par M. Marcoux (Rimouski); M. Leduc (Saint-Laurent) est remplacé par M. Rocheleau (Hull); M. Martel (Richelieu) est remplacé par Mme Marois (La Peltrie); M.

Ouellette (Beauce-Nord) est remplacé par M. Lachance (Bellechasse); M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce) est remplacé par M. Polak (Sainte-Anne).

Chez les intervenants, M. Lachance (Bellechasse) est remplacé par M. Paré (Shefford); M. Lincoln (Nelligan) est remplacé par M. French (Westmount); M. Paradis (Brome-Missisquoi) est remplacé par M. Bissonnet (Jeanne-Mance); M. Perron (Duplessis) est remplacé par M. Fréchette (Sherbrooke) et M. Vaugeois (Trois-Rivières) reste membre aujourd'hui, c'est cela?

Voici l'ordre du jour pour aujourd'hui. Nous allons entendre ce matin l'Association des gens au pourboire de Montréal, l'Association des consommateurs du Québec Inc., la Chambre de commerce de la province de Québec, l'Association des hôteliers, restaurateurs et propriétaires de bars, le Conseil central des syndicats nationaux de Québec et M. Gilles Jolin. C'est le programme pour la journée.

Je demanderais immédiatement à l'Association des gens au pourboire de Montréal de s'approcher, s'il vous plaîti

Mme Francine Nemeh et M. Marc Beneux, on vous souhaite la bienvenue à cette commission et, si vous voulez commencer à faire la lecture de votre mémoire, nous allons vous entendre.

Association des gens au pourboire de Montréal

Mme Nemeh (Francine): Le mémoire suivant fait état de la position des membres de l'Association des gens au pourboire, en vue de la commission parlementaire du ministère du Revenu. Nous aurions aimé développer l'aspect des conditions de travail dans les secteurs hôtellerie et restauration ainsi que les infractions massives à la Loi sur les normes de travail par les employeurs, mais ces problèmes ont déjà été traités et d'autres recherches viendront sûrement s'ajouter à ce dossier noir. Nous vous présenterons l'Association des gens au pourboire...

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse d'intervenir, mais j'aurais une suggestion à vous faire, peut-être de résumer le mémoire de façon que les membres de la commission aient plus de temps pour vous poser des questions.

Mme Nerneh: Cela n'est pas tellement long à lire et cela me semble important de le lire au complet.

Le Président (M. Gagnon): Oui. Peut-on passer à travers en 20 minutes environ?

Mme Nerneh: Oui, facilement. Suivra le contexte des événements qui nous ont amenés à nous regrouper et à demander l'arrêt des poursuites entreprises par le ministère du Revenu, ainsi que la révision de notre statut. Enfin, nous étudierons le livre vert du ministre. Nous avons retenu la première hypothèse: frais de services obligatoires, comme étant la seule susceptible d'apporter un changement positif à notre situation.

L'Association des gens au pourboire, fondée le 27 janvier 1982, regroupe aujourd'hui 600 travailleurs et travailleuses -on a augmenté de 100 membres depuis - de la région de Montréal. On retrouve parmi nos membres une majorité de non-syndiqués, à peu près 60%. Notre représentativité est incontestable, compte tenu de la terreur qui règne chez les travailleurs non syndiqués du secteur hôtelier quand il est question d'association. Une petite note: On utilise le masculin pour ne pas compliquer le langage.

Les menaces de congédiement se font de plus en plus fréquentes et adhérer à l'Association des gens au pourboire peut équivaloir, pour certains, à la perte de leur emploi. En cette période de chômage, le risque à courir est grand.

Le droit d'association prévu au Code du travail ne s'applique qu'aux associations qui ont pour but la négociation et l'application de conventions collectives. Nos membres non syndiqués ne jouissent d'aucune protection, si ce n'est celle de la Charte des droits et libertés de la personne. Quand on sait que, même avec la protection du Code du travail, les congédiements pour avoir exercé son droit d'association sont fréquents et souvent maintenus, faute de preuves, on peut comprendre pourquoi tant de non-syndiqués hésitent à faire valoir leurs droits collectivement.

C'est donc non seulement au nom de nos membres, mais au nom de tous ceux que vos poursuites visent que nous vous adressons ce mémoire. Hier, on demandait à l'ADEPE, de Sherbrooke, combien de membres ils étaient en comparaison avec le nombre d'employés au pourboire. C'est évident qu'à Montréal, probablement, il doit y avoir 30 000 travailleurs au pourboire et que nous sommes 600. Mais il nous semble important de dire que, d'abord, l'AGAP existe depuis le mois de janvier, que c'est très difficile, comme je le disais, à cause de toutes les difficultés de congédiement, de trouver des membres qui adhèrent, qui acceptent de s'afficher, et qu'on a eu des exemples précis de menaces de congédiement.

Les gouvernements vivent en ce moment des difficultés financières majeures. Pour parer à ces problèmes, le fédéral s'est lancé dans un projet visant à faire payer aux travailleurs au pourboire une partie de son déficit. Ce projet est en marche depuis bientôt deux ans et il a même été étendu à l'ensemble du pays. Nous voilà donc assurés de tous y passer tôt ou tard.

Le gouvernement provincial, par le biais de son ministère du Revenu, n'a rien trouvé de mieux que de se lancer avec avidité sur les mêmes proies. Entre ministères du Revenu, pas de conflit; au contraire, une solidarité sans merci règne sur les relations fédérales-provinciales. On se partage le territoire, chacun fait son enquête, on s'échange les dossiers et les factures se multiplient. Les deux ministères ont les mêmes tactiques, ils appliquent la loi à la lettre et se cachent derrière d'autres ministères fédéraux ou provinciaux lorsque nous demandons justice. Ce serait par souci d'équité fiscale envers les autres travailleurs que le ministre du Revenu dit agir, l'équité sociale n'étant pas de son ressort.

En parlant d'équité et de justice face aux autres travailleurs, le ministre sous-entend que les gens au pourboire sont responsables des hauts taux de taxation des particuliers. Sommes-nous aussi responsables des taux exceptionnellement bas réservés aux compagnies? Non. Assurément, nous pensons que la raison qui pousse le gouvernement à expédier et maintenir ses avis de cotisation n'a rien à voir avec l'équité. Il faudrait une étude pour chiffrer en dollars les économies en avantages sociaux que vous avez réalisées sur notre dos. Nous sommes convaincus que l'État, mis à part les employeurs, est endetté envers nous. À toute chose malheur est bon et les poursuites entreprises par les ministères ont eu pour effet d'éveiller les travailleurs au pourboire à leurs droits ou, plutôt, à leur faire prendre conscience qu'ils n'en avaient pas.

Des associations se sont formées un peu partout au Québec demandant l'arrêt des poursuites ou tout au moins un moratoire sur celles-ci en attendant de trouver une solution globale au problème. Par solution globale, on entendait impliquer toutes les instances concernées, soit les deux niveaux de gouvernement, les différents ministères: Travail, Revenu, Condition féminine, Immigration, Régie de l'assurance-automobile, CSST. À ce sujet, je tiens à souligner que nous sommes heureux de voir qu'il y a quand même certains ministères de représentés parmi ceux qu'on demandait. Mémoires, rencontres avec les ministres, manifestations et pétitions se sont succédé depuis. Les moyens de pression ont finalement abouti, au mois d'août, à la publication d'un livre vert et à la promesse d'une commission

parlementaire sur la question. Nous y voici.

Avant de passer à l'analyse du livre vert, nous voulons réitérer nos revendications premières, celles qui ont été le fil conducteur de tout ce mouvement de protestation et dont le livre vert ne fait même pas mention.

L'arrêt des poursuites. Nous pensons qu'on ne peut parler de solution juste en maintenant l'émission d'avis de cotisation entièrement ou même partiellement fondée sur l'arbitraire. (10 h 15)

Deuxième revendication: la normalisation de la situation des travailleurs au pourboire. Par normalisation, nous entendons: les mêmes avantages sociaux que les autres travailleurs et le même salaire minimum que les autres travailleurs.

Les poursuites doivent cesser. Nous tenons les gouvernements responsables de cette situation. Ils ont créé leur propre difficulté à percevoir de l'impôt en instituant, par voie de législation, une catégorie de travailleurs sous-payée. Ils ont permis ainsi au système des pourboires de se maintenir et de se développer. C'est en 1940 que le gouvernement québécois a établi, par la loi du salaire minimum, un taux horaire applicable à chaque zone, à chaque catégorie d'industries. Les travailleurs au pourboire se voyaient imposer un taux horaire plus bas que les autres travailleurs. Aujourd'hui encore, la Loi sur les normes de travail prévoit un taux horaire inférieur au salaire minimum pour ceux qui reçoivent des pourboires: 2,95 $ au lieu de 3,54 $ pour l'employé âgé de moins de 18 ans, 3,28 $ au lieu de 4 $ pour l'employé âgé de 18 ans et plus. En agissant ainsi, les gouvernements ont créé une couche de travailleurs marginaux dont le revenu minimum se situe en dessous du minimum vital assuré au reste de la population.

Notons en passant que, depuis 1975, le Québec reste la seule province au Canada à conserver cette politique salariale. Loin de parer à cette situation, le gouvernement du Parti québécois a participé à accentuer la marge qui sépare les gens au pourboire des autres. La différence entre les salaires était de 0,35$ en 1976, elle est aujourd'hui de 0,72$. Le sous-salaire a reculé de 40,2% en six ans par rapport à l'inflation.

Le travailleur au pourboire a toujours été conscient de sa marginalité. Son revenu précaire, son salaire sous-minimum, son manque total de sécurité étaient tout au moins compensés par une plus grande liberté dans la divulgation de son revenu. Il omettait donc parfois d'en déclarer une partie, celle-ci servant à parer aux coups durs comme le chômage, la maladie, la retraite. Nous n'avons jamais bénéficié de la sécurité sociale et des avantages sociaux sur la partie de nos revenus gagnée en pourboires et ce, même s'ils étaient déclarés. Les pourboires ne sont pas assurables pour les régimes de sécurité sociale: assurance-chômage, congés de maternité, accidents du travail, accidents de la route, la seule exception étant le Régime de rentes auquel nous pouvons contribuer comme un travailleur autonome, c'est-à-dire en payant aussi la part de l'employeur.

Les avantages sociaux comme les vacances annuelles, congés payés, assurances privées ne tiennent jamais compte de nos pourboires. Nous avons toujours assumé les risques du travail à même nos pourboires. Le gouvernement n'a, de son côté, jamais contesté nos déclarations de revenus, compensant ainsi l'absence d'avantages sociaux. Au dire du ministère du Revenu, une minorité d'employés déclarent des revenus à titre de pourboires. Le ministre ajoute que cette minorité ne déclare pas entièrement ses revenus. Nous avons beaucoup de difficulté à croire que le gouvernement vient tout juste de prendre conscience de cette situation. Nous pensons plutôt qu'il a toujours fermé les yeux, établissant ainsi un contrat tacite entre les parties.

Vous ne pourrez jamais nous donner rétroactivement les avantages sociaux et la sécurité sociale dont nous n'avons pas bénéficié. Vous avez vous-mêmes fait des économies à nos dépens et vous nous traitez aujourd'hui en fraudeurs. Puisque vous ne pouvez parer au manque de sécurité qui a été notre lot pendant des années, vous ne pouvez non plus rompre rétroactivement le contrat et nous faire payer au nom de la justice des services que nous n'avons pas eus. Ces poursuites nous apparaissent d'autant plus injustes que nous n'avons jamais été informés de notre double statut, salariés pour le salaire de base et autonomes pour les pourboires. Quand le ministre du Revenu, dans son livre vert, émet à chaque hypothèse de solution le voeu de renseigner les travailleurs au pourboire sur leurs droits et obligations, nous nous demandons sérieusement pourquoi il a tant attendu pour le faire.

Nous savons aussi que certaines compagnies jouissent de privilèges fiscaux qui leur permettent légalement de soustraire à l'impôt des sommes bien plus importantes que celles que vous venez chercher dans nos poches. Le ministre Parizeau disait même aux compagnies, lors du sommet économique de Montebello, de changer de comptable si elles payaient de l'impôt. Vous n'êtes pas sans savoir non plus qu'en cette période de crise, les plus touchés sont les femmes et les petits salariés. Les gens au pourboire comptent une majorité de femmes et de salariés si petits qu'ils ont même droit à un petit, petit sous-salaire minimum. Pensons aussi à ceux qui ont moins de 18 ans, qui travaillent généralement à des comptoirs de

"fast-food" où les pourboires sont dérisoires. Je dis que c'est 2,95 $ l'heure, mais je pense qu'il y a une erreur, ce serait 3,55 $.

En maintenant les poursuites. Vous nous faites prendre le plus court chemin vers la faillite. C'est pour toutes ces raisons que nous vous demandons de cesser d'émettre de nouveaux avis de cotisation. Le gouvernement devrait, à la suite de ces directives que nous souhaitons immédiates, prendre les mesures qui s'imposent afin de dédommager ceux et celles qui ont déjà payé depuis le commencement du projet pourboire. Cette mise au point étant faite, nous pouvons maintenant envisager l'avenir et, nous servant de l'expérience passée, trouver une solution globale au problème qui se pose.

La normalisation de la situation des travailleurs au pourboire. Qu'est-ce que normaliser signifie pour nous? Cela signifie que nous sommes prêts à payer de l'impôt sur la totalité de nos revenus à la condition d'obtenir, premièrement, la sécurité sociale et les avantages sociaux sur la totalité de nos revenus et ce, au même prix que les autres travailleurs; deuxièmement, le même salaire minimum que tous les autres travailleurs. Au risque de nous répéter, nous rappelons que jamais nos pourboires, même déclarés, n'ont compté pour l'assurance-chômage, les accidents du travail, les congés de maternité, les indemnisations corporelles en cas d'accident, les vacances annuelles, les primes et les fêtes légales, les régimes de rentes. Si ces pourboires ne sont pas admissibles aux différents régimes, ce n'est pas parce que les travailleurs au pourboire le veulent ainsi, mais parce que les gouvernements considèrent ces revenus comme des revenus de travailleurs autonomes.

La deuxième revendication mérite une explication. Le salaire minimum vise à assurer à tous un minimum décent. En nous votant un sous-salaire, le gouvernement part du principe que la différence entre ce sous-salaire et le salaire de 4 $ l'heure sera comblée par les pourboires. Le minimum décent devrait en principe être assuré. Ce n'est malheureusement pas toujours le cas. Les revenus en pourboires fluctuent en fonction des saisons et des horaires; ils ont tendance à diminuer en cette période de crise économique. Le consommateur coupe les pourboires puisqu'il ne peut pas couper les prix. Le sous-salaire est injustifié pour d'autres raisons. Nous accomplissons beaucoup de tâches pour lesquelles nous ne recevons pas de pourboire: caisse, ménage, cuisine, accueil, téléphone etc.

Le sous-salaire auquel nous avons droit a perdu depuis six ans 40% de son pouvoir d'achat. Ce salaire contribue à faire de nous du "cheap labour" et entraîne une économie considérable pour les employeurs. Le pourboire est aussi l'équivalent d'un salaire au rendement ou à la commission.

L'industrie hôtelière est la seule industrie où les travailleurs de cette catégorie ont droit à un sous-salaire minimum.

En abolissant le statut de travailleur autonome et en instaurant une seule catégorie de salaire minimum, le gouvernement ferait un pas important vers le rétablissement de l'équité. Comme nous le disions plus tôt, le Québec est la seule province canadienne à avoir conservé dans ses politiques salariales une mesure aussi rétrograde.

Qui sont les travailleurs au pourboire? Il n'y a pas d'étude sérieuse qui nous permette de donner le nombre précis de travailleurs au pourboire. Pourtant, ils sont facilement identifiables, ce sont tous ceux qui reçoivent le sous-salaire minimum prévu dans la Loi sur les normes de travail. Les chiffres avancés par le livre vert portent à confusion, ils laissent sous-entendre qu'il y aurait 210 976 employés au pourboire au Québec. Or, ce chiffre englobe tous les travailleurs du secteur, qu'ils reçoivent ou non des pourboires.

L'AGAP situe le nombre d'employés au pourboire autour de 70 000. Pour arriver à ce chiffre, nous avons procédé comme suit: II y a 48 000 employés sous les codes d'activités hébergement. Nous prenons comme hypothèse qu'un cinquième de ces emplois sont occupés par des employés au pourboire; c'est d'ailleurs la proportion dans plusieurs hôtels. Cela nous donne 9700 emplois.

Les autres codes d'activités regroupent les restaurants, bars, etc. Notre hypothèse est qu'il y a en moyenne cinq employés par établissement; pour 14 160 établissements, cela donne 70 800 emplois.

En tout, il y aurait donc 80 500 emplois. En tenant compte du fait que certains travailleurs font double emploi, le chiffre de 70 000 semble assez réaliste. Évidemment ce ne sont là que des hypothèses, il serait urgent de mener une enquête plus sérieuse sur la question.

Notre revenu. Le ministre s'inquiète dans son livre vert du fait que 93% d'entre nous déclarent des revenus imposables inférieurs à 10 000 $. Or, selon les chiffres de l'Association des restaurateurs, la moyenne d'heures de travail dans notre métier est de 27 heures par semaine; en multipliant ce chiffre par notre salaire horaire, cela nous donne 98 $ et 4428 $ par année. Au mieux, on double ce montant avec les pourboires, ce qui nous donne un revenu moyen de 8856 $ par année. Notre revenu moyen se situe donc bien au-dessous de 10 000 $ par année.

L'employeur. L'employeur de l'industrie de l'hôtellerie et de la restauration est le seul qui soit capable de se payer des employés à si bon compte, le sous-salaire minimum étant spécifique à ce secteur. N'y

a-t-il pas là discrimination face aux autres employeurs qui, eux, assument leur responsabilité sociale à part entière? L'employeur de la restauration s'insurge contre le fait d'avoir à assumer le coût social de ses travailleurs. N'avons-nous donc aucune valeur sociale? La vraie raison pour laquelle les restaurateurs s'opposent à la formule des frais de service automatiques réside probablement dans le fait qu'ils se verraient dans l'obligation de déclarer toutes leurs recettes. Il est de notoriété publique que les restaurateurs cachent une bonne partie de leur revenu au fisc. Qui d'entre nous n'a jamais reçu un bout de papier en guise de facture? Qu'advient-il des factures restantes en cas de faillite? N'est-il pas facile d'en faire imprimer des séries qui échappent à la vigilance des agents du fisc? Nous, qui sommes du métier, savons bien que ces pratiques sont courantes. Nous savons aussi que plusieurs restaurateurs transvident une partie de l'alcool vendu. Ils jouent ainsi avec les inventaires et se procurent des bouteilles à la régie sans payer la taxe qui leur incombe. En favorisant la solution 5.4, les restaurateurs ne font que demander le statu quo, position qui ne change rien au problème qui nous a amenés à cette commission.

Le consommateur. Le terme "consommateur" demeure assez vaste. En fait, le consommateur, c'est tout le monde, employé au pourboire y compris. Si les gens au pourboire sont aussi consommateurs n'ont-ils pas droit à l'indexation que le pourboire obligatoire leur procurerait et ce, afin qu'ils puissent aussi continuer à consommer? L'Association des consommateurs du Québec favorise la solution 5.2, le pourboire inscrit sur la facture. Son argument principal est celui de la liberté du client de donner un pourboire selon l'évaluation du service rendu. Nous aborderons cette question dans "la problématique". Qu'il nous suffise de rappeler qu'à ce sujet l'étude du CRDE nous dit que les deux variables qui influencent le plus le pourcentage du pourboire que le client donne sont la méthode de paiement et la taille du groupe servi. Une thèse de maîtrise de Mme Johanne May nous affirme que les données traditionnellement associées avec la vitesse et l'efficacité du service n'ont pas d'impact significatif sur les pourboires. Elle précise, de plus, qu'une serveuse attrayante recevra un pourboire moyen en pourcentage de 20,3%, tandis qu'une serveuse moins attrayante n'en recevra que 11,9%. Dans un secteur où la main-d'oeuvre féminine est majoritaire, nous ne pouvons raisonnablement ignorer de telles données. Il est évident, qu'il y a une certaine éducation à faire chez le consommateur. Le principe de liberté ne peut cautionner des attitudes aussi injustes. Un autre argument de l'ACQ, la hausse des prix. À ce sujet, nous demandons que la taxe de vente soit baissée à 5%. Cette revendication a spécifiquement pour but de ne pas pénaliser le client advenant l'imposition de frais de service obligatoires de 15%.

Le ministère du Revenu, quatrième intervenant dans le dossier. Il admet lui-même que les travailleurs au pourboire subissent une injustice étant donné l'absence de sécurité sociale et d'avantages sociaux. Le ministre du Revenu nous a rappelé à plusieurs reprises, lors de nos rencontres, que les aspects sociaux du problème relevaient de plusieurs autres ministères; nous n'en avons jamais douté.

On se demande pourquoi les ministères concernés ne sont pas présents, mais, comme je faisais remarquer, il y en a quelques-uns, et c'est bien.

Le ministère du Revenu tient un discours d'équité, qui, dans la pratique, trouve différentes applications, selon qu'il s'agit des travailleurs ou du patronat. D'autre part, il augmente le fardeau fiscal des travailleurs et en attribue la responsabilité à d'autres travailleurs déjà au pourboire. D'autre part, il baisse le taux de taxation des compagnies et tolère des infractions à la Loi sur les impôts de la part des restaurateurs et hôteliers; entre autres, le personnel des banquets pourrait déjà bénéficier de la formule des frais de service obligatoires. Ces frais sont appelés par le fédéral "gratifications contrôlées". Le bulletin d'interprétation CPPI du Régime de pensions du Canada considère les gratifications contrôlées comme un traitement ou un salaire. L'employeur dans de tels cas est tenu d'effectuer les retenues et de verser des contributions au Régime de pensions du Canada et à l'assurance-chômage. (10 h 30)

Au niveau provincial, le gouvernement dans sa pratique prend la même position, dans le cas des banquets, pour le Régime de rentes. Or, certains hôtels omettent d'effectuer les retenues prévues et vont jusqu'à négliger de fournir les formules T-4 et TP-4 concernant les pourboires contrôlés. En envoyant des avis de cotisation aux travailleurs, le gouvernement songe-t-il à exiger des employeurs qu'ils se conforment aussi à la loi? Il a sûrement fort à faire du côté patronal s'il veut être conséquent avec son souci d'équité.

La vérification. Sans revenir sur notre revendication concernant l'arrêt des poursuites, l'établissement des cotisations demeure fondamentalement arbitraire malgré les démentis des deux niveaux de gouvernement. À l'hôtel Méridien, le fédéral a expédié à au moins un individu une lettre contenant les pourboires supposément non déclarés pour 1979. Or, cette personne était hors du Canada l'année en question.

Les factures sont émises sans tenir compte des heures et des périodes

travaillées. Quelqu'un qui travaille quatre heures par jour fera moins en pourboires que quelqu'un qui en fait huit, ou vice-versa, le tout dépendant des conditions locales. La pratique consistant à prendre le chiffre d'affaires et à appliquer 10% ou même 15% puis à diviser ce chiffre entre les serveurs et les serveuses est donc des plus arbitraires.

Les méthodes dites "plus raffinées" de prendre le pourcentage des cartes de crédit et d'en déduire les pourboires au comptant ne sont guère plus valables. Qu'est-ce qui nous garantit sur la table 15%, 10% ou même rien du tout, comme c'est parfois le cas?

D'ailleurs, le ministre n'arrive pas à fixer son choix. Dans le livre vert, il part de 15% pour établir les cotisations et quand il s'agit de décréter des frais de service obligatoire, il dit que ceci augmentera la note. Or, ou nous avons déjà les 15%, ce qui ne changerait rien pour les consommateurs de l'écrire, ou nous ne les avons pas; alors, les méthodes du fisc sont ce qu'elles sont: arbitraires.

Concernant les recours, nous connaissons au moins deux cas dont le premier remonte à 1979 et le second à 1980 où, malgré des avis d'opposition en bonne et due forme, le ministère provincial n'a pas donné de réponse, alors que la section recouvrement poursuit ses pressions afin de récupérer l'argent. Il force ainsi les personnes concernées à se rendre en Cour provinciale, ce qui implique des frais judiciaires assez considérables. Comme nous l'avons dit plus haut, nous ne refusons pas de payer de l'impôt sur la totalité de nos revenus, à la condition toutefois de ne pas le faire rétroactivement et d'avoir les avantages sociaux en conséquence.

Nous préconisons aussi que le gouvernement fasse une vérification plus serrée du côté des restaurateurs. Afin de faciliter ces vérifications et une meilleure perception de la taxe de vente, nous sommes favorables à une formule de facture unique dans toute la province.

La problématique. Le quatrième chapitre du livre vert tentait de situer l'enjeu du problème. Le coeur du litige est lié à la notion du pourboire. Selon le ministre du Revenu, le pourboire serait une forme de rémunération provenant des rapports entre le client et l'employé et témoignerait de la qualité du service. Nous nous élevons contre cette conception. Pour nous, le pourboire n'est qu'un salaire déguisé. Le fait que ce soit le client qui le donne ne change rien au problème. Ce salaire spécial fluctue en fonction du nombre de clients et de ladite qualité du service, sur laquelle nous n'avons rien à dire. Nous ne choisissons pas de servir dix tables au lieu de vingt-cinq. Nous ne choisissons pas de servir du pain rance et des viandes mal apprêtées. Tout ça, c'est le patron qui nous l'impose pour économiser. Pourtant, on veut nous faire porter cette responsabilité directement en ajustant nos revenus à la pièce.

Le CRDE cite une variété de facteurs qui influencent le choix du consommateur. Ils relèvent bien plus souvent d'autres critères que de la qualité du service. Invoquer la liberté de choix du consommateur relève davantage d'une action publicitaire que d'une véritable liberté.

La restauration demeure le seul secteur économique où le pourboire est prépondérant au point de justifier un sous-salaire. Dans le domaine des services, les clients ont d'autres moyens d'apprécier le travail des vendeurs. Ils font des plaintes ou ils changent de pourvoyeurs. Quant aux patrons, ils ont comme toujours leurs droits de gérance. Ce n'est pas parce que les travailleurs des services ont un revenu minimum garanti que l'on peut parler d'absence de choix pour les consommateurs.

La problématique, c'est aussi tenir compte d'une façon plus réaliste des travailleurs de ce secteur. Dans le livre vert, en page 7, le ministre affirme que la grande mobilité dans le secteur est liée, semble-t-il, à la présence des femmes et au caractère saisonnier, faisant en sorte que le nombre d'employés syndiqués est très faible et qu'il n'y a pas de programme cohérent de sécurité sociale. Or, l'absence de représentation est directement liée au fait que la loi ne facilite pas la syndicalisation.

Les solutions. Le ministre du Revenu nous présente quatre solutions possibles. Nous les étudierons l'une après l'autre. Prenons la solution 5.4: Le pourboire est un revenu de travailleur autonome. Cette solution est la mieux articulée des quatre. Elle est, en fait, une copie conforme de ce qui se passe au niveau fédéral. Elle est partiellement appliquée au niveau du Régime de rentes, contribution supplémentaire volontaire. Cette situation, nous l'avons déjà dénoncée en réclamant l'abolition du statut de travailleur autonome. Pour nous, il s'agirait de payer un taux d'impôt supplémentaire en prévision des pourboires ou de faire des versements trimestriels.

Les seules personnes qui bénéficieront de ce système seront les employeurs, puisqu'il s'agit du statu quo. Les gouvernements ne seront pas assurés davantage que les déclarations périodiques seront exactes. De plus, ce système ne règle pas la fraude des restaurateurs. Les avantages sociaux dont le ministre parlait sont absents de cette solution, si ce n'est le Régime de rentes, avec des coûts additionnels. Rien pour l'assurance-chômage, rien pour la CSST, rien pour les vacances, etc. Pour nous, cette solution constitue une dégradation du statu quo, toujours aucun avantage et plus d'obligations. Elle est à

rejeter.

La solution 5.3: La déclaration périodique. Elle est inapplicable, puisque l'employeur n'a pas intérêt à ce que ses employés déclarent tout leur revenu. De ce fait, il verrait augmenter sa contribution aux différents régimes sociaux. Cette façon de procéder laisserait place au chantage. Les patrons pourraient exiger des déclarations minimales en échange de l'emploi. Le gouvernement n'aurait rien réglé concernant le problème de perception.

La solution 5.2: Le pourboire inscrit sur la facture par le client. Elle ne présente aucun avantage, ni pour le gouvernement, ni pour les employeurs, ni pour les travailleurs. Déjà, dans la série de désavantages, le ministre mentionne la possibilité que le client refuse d'inscrire ce qu'il laisse. Dans les faits, le problème de perception est inchangé. Rien ne nous garantit que nous ayons des avantages sociaux et la formulation ne dit pas si les employeurs devraient contribuer.

Nous avons déjà aborder la question de la liberté de choix du consommateur. Nous n'y croyons pas. Les établissements où un ruban de caisse est utilisé comme facture ne seront pas touchés par cette solution. Que se passera-t-il pour ces employés? Cette solution est à rejeter.

Solution 5.1: Les frais de service obligatoires. Nous proposons que ces frais soient de 15%, associés à une diminution de la taxe de vente à 5%. Compte tenu de tout ce que nous venons de dire et bien qu'elle ne remette pas en question le salaire au rendement, cette solution reste la plus adéquate à l'heure actuelle.

Nos pourboires deviendraient alors des gratifications contrôlées, c'est-à-dire l'équivalent d'un salaire et, de ce fait, nous aurions droit à l'ensemble des avantages sociaux, y compris le chômage, au fédéral. Les gouvernements y trouveraient leur compte à deux titres: Tous nos revenus seraient connus, ainsi que le chiffre d'affaires réel des restaurateurs.

Les désavantages présentés dans le livre vert peuvent se regrouper en trois blocs, le premier ayant trait à la liberté de choix des consommateurs, à la qualité du service et, finalement, à une dangereuse habitude que pourrait contracter le client en laissant des pourboires supplémentaires. Ce premier bloc d'arguments vise à faire porter la responsabilité de la qualité du service sur les épaules des travailleurs. Or, s'il est un domaine où nous ne sommes pas autonomes, c'est bien celui-là.

Le deuxième bloc d'inconvénients est relatif à une augmentation automatique du prix des repas et à la perte d'un avantage touristique pour le Québec. Notre revendication d'un 15% obligatoire tient compte de ces considérations.

Nous recevons en moyenne 10% de pourboire. Le gouvernement impose une taxe de 10%. Nous demandons une répartition différente de ces pourcentages: 15% au serveur et 5% au gouvernement. Le client n'aurait donc pas à subir d'augmentation. Ce fait établi, on voit mal comment le Québec perdrait un avantage. Plusieurs pays européens suivent ce système et cela ne nuit pas au tourisme.

Le dernier désavantage serait la discrimination face aux autres travailleurs. Cet argument nous semble des plus farfelus. À notre connaissance, quelqu'un qui travaille au rendement n'est pas pénalisé comme nous le sommes. Son salaire est au moins le minimum, les primes sont fixes et déterminées d'avance par l'employeur. Où est donc cette discrimination? Si cette hypothèse était retenue, il serait nécessaire d'amender la Loi sur les normes de travail afin de s'assurer que la totalité des frais de services reviennent au serveur. Ce dernier devrait avoir la possibilité de contrôler ses revenus. Par exemple, une copie de la facture lui reviendrait, lui permettant de vérifier s'il a bien reçu son dû de l'employeur. Les employés bénéficiant aujourd'hui du partage des pourboires (commis débarasseurs, maîtres d'hôtel, service au bar etc.) devraient obtenir des salaires décents sans avoir à dépendre du revenu d'un autre employé.

En conclusion, nous souhaitons que ce document vous permette de bien cerner les attentes des gens au pourboire. Nos propositions sont réalisables et la mise en application ne nuirait à personne. Le gouvernement aurait un contrôle sur les revenus. Les consommateurs ne subiront pas de préjudice. Les restaurateurs et hôteliers, bien qu'ils soient aujourd'hui opposés à la solution, verront bien vite que de meilleurs condition de travail entraînent nécessairement une amélioration du service. Et les travailleurs au pourboire seront enfin considérés comme des citoyens ordinaires et verront leur revenu indexé au coût de la vie.

Alors un rappel de nos propositions: l'arrêt des poursuites, et le remboursement à ceux qui ont déjà payé. Les mêmes avantages sociaux que les autres travailleurs, au même prix. Le même salaire minimum. 15% de frais de service sur la facture avec diminution de la taxe de vente à 5%. Une facture unique fournie par le gouvernement dont une copie reviendrait au travailleur au pourboire.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre.

M. Marcoux: Je remercie beaucoup les représentants de l'Association des gens au pourboire de Montréal d'avoir accepté de nous présenter un mémoire. Compte tenu de la densité du mémoire, je suis convaincu que

vous avez pris beaucoup de temps pour le concevoir. Vous pouvez être assurés qu'on va y accorder la même attention au niveau de l'analyse et des suites à y donner.

Comme je sais que vous avez participé à toutes les discussions hier, je vais essayer d'aborder de nouvelles questions qui n'ont pas nécessairement été abordées hier avec vous, dans des mémoires qui rejoignaient la même perspective. Je voudrais quand même faire certaines mises au point ou commentaires et vous poser quelques questions. Un premier commentaire. Vous affirmez, dans votre mémoire, que le ministre du Revenu, dans le livre vert ou dans ses déclarations, a dit que l'équité sociale n'était pas de son ressort. Je vous mets au défi de trouver une déclaration semblable ou même de trouver cette perspective-là dans le livre vert où nous affirmons explicitement l'inverse, c'est-à-dire que toute solution devrait tenir compte -comme ministre du Revenu j'ai l'impression de parler au nom du gouvernement et du ministère du Revenu - de l'équité sociale, de l'équité fiscale et de la protection de l'industrie touristique. À preuve, le ministre du Revenu administre de plus en plus, a de plus en plus un rôle de conseiller fiscal au gouvernement, à la fois dans une perspective de se servir des lois fiscales, et dans une politique de sécurité du revenu. On administre - ce qui est récent, depuis deux ou trois ans - plusieurs programmes sociaux tels que Logirente, l'allocation de disponibilité, d'autres programmes semblables auxquels nous participons. Je peux vous assurer que, à titre de ministre du Revnu et ministre du gouvernement, on tient compte de ce point de vue de l'équité sociale.

Vous parlez de l'économie des avantages sociaux. Vous dites: le gouvernement a fait des économies sur notre dos et les avis de cotisation rétroactifs qu'il émet sont profondément injustes. Je pense qu'il y a une nuance importante à faire sur cette affirmation de votre mémoire. Lorsque le ministère du Revenu fait des avis de cotisation pour des années où les travailleurs au pourboire n'ont pas payé d'impôt, n'ont pas révélé la totalité de leurs revenus de pourboires, il les cotise sur la base de l'impôt qu'ils auraient dû payer. Il ne les cotise pas pour le Régime de rentes du Québec de façon supplémentaire, obligatoire, à moins qu'ils ne désirent le faire, non plus que pour, d'autre part, l'employeur du côté de la CSST. Je pense que ces travailleurs au pourboire ont bénéficié des mêmes services des ministères, que ce soit les services de santé, les services éducatifs, les services culturels, que l'ensemble des citoyens, qui sont justifiés et que les impôts servent à payer. (10 h 45)

En ce sens, je ne pense pas que vous puissiez dire que, par rapport à l'ensemble des services qu'offre le gouvernement à partir des impôts, les travailleurs et travailleuses au pourboire ont pu être désavantagés et qu'on a fait des économies sur leur dos; par rapport aux programmes sociaux, comme ceux de la Régie des rentes du Québec, le programme des accidents du travail, la Régie de l'assurance automobile -je l'ai déjà précisé hier - c'est très clair dans le livre vert, je rejoins entièrement votre pensée.

Je voudrais apporter une nuance importante concernant une phrase qui était dans votre mémoire disant que le Québec était la seule province du Canada où il y avait un taux de salaire minimum différent pour les travailleurs et les travailleuses au pourboire. Vous avez dit: II y a une petite différence avec l'Ontario. En Ontario, ce ne sont pas l'ensemble des travailleurs et des travailleuses au pourboire, ce sont ceux des établissements où il y a une vente de boisson qui sont à 3 $ comme salaire minimum, alors qu'ici c'est 3,28 $ pour l'ensemble; le salaire minimum en Ontario est de 3,50 $, ici, il est à 4 $. Quand on parle de l'Ontario, on ne peut pas parler d'une petite différence parce que l'Ontario et le Québec représentent quand même à peu près, sauf erreur, les deux tiers de la population canadienne, et la concurrence qui existe entre les deux provinces fait que, sur le plan économique, toute décision qui est prise ici, dans un sens ou dans l'autre, a des conséquences énormes sur notre développement économique, pour l'ensemble de notre société.

Un autre point à la page 10. Vous indiquez qu'il y a eu une baisse du taux de taxation des compagnies durant les récentes années au Québec. Je pense qu'il y a là aussi une erreur; ce n'est pas un débat, c'est une erreur de fait. Il est vrai qu'il y a deux ans, le ministre des Finances a annoncé une réduction considérable des taux d'imposition sur le profit des compagnies, mais le même jour, il annonçait le doublement de la taxe de la Régie de l'assurance-maladie du Québec qui passait de 1,50 $ à 3 $. Vous savez pourquoi cela a été fait, c'était pour faire en sorte que des compagnies évitent de déclarer leurs profits dans d'autres provinces où le taux d'imposition des profits était moins élevé. Alors on a dit: On taxera directement la masse salariale, elle ne peut pas fuir, elle est existante. Mais il y a une chose - soyez calmes messieurs...

M. French: Les travailleuses ne sont pas calmes.

M. Marcoux: ... on était conscient alors que les entreprises où la masse salariale a une très grande importance - vous pouvez avoir une entreprise où la masse salariale

représente 20% de son coût de fonctionnement, une autre, 40%, 50% ou 60% auraient à supporter un poids plus élevé. Entre autres, au Québec, les petites et moyennes entreprises ont ordinairement une masse salariale qui est plus importante proportionnellement à l'ensemble de leurs dépenses. Si on prend le secteur de la restauration et de l'hôtellerie, c'est sûrement l'un des secteurs qui a été touché par cette réforme de la fiscalité des compagnies à cause de ce doublement. Alors je pense que par rapport à l'ensemble, il y a un autre élément qu'on doit indiquer, c'est que les hausses d'impôt des compagnies au Québec ont été de 40% dans les deux dernières années; ce qui fait que, jusqu'à il y a un an, un an et demi, la fiscalité des compagnies faisait que l'écart entre l'Ontario et le Québec était d'à peine 3% et qu'il est maintenant de 16%, exactement au même niveau que pour les particuliers. Un particulier au Québec paie 16% de plus d'impôt qu'en Ontario et les compagnies paient également, en moyenne, maintenant 16% de plus d'impôt qu'en Ontario. Je pense que c'est important de le comprendre; c'est important de connaître ces faits parce que lorsqu'on parle de masse salariale et des décisions que nous devrons prendre en rapport avec la solution à trouver, ils peuvent apporter des conséquences dans ce sens. C'est important de situer ces données dans la perspective des faits réels.

A la page 11, vous parlez des avis d'opposition, citant deux cas où des avis d'opposition ont été logés en 1979 et en 1980 et n'ont pas encore été entendus. Je dois reconnaître que sur ceci, le ministère du Revenu avait pris des retards considérables dans le traitement des avis d'opposition; cela prenait en moyenne entre deux et quatre ans avant qu'un avis d'opposition soit traité. Je peux vous dire que depuis six mois ou huit mois des efforts importants ont été faits de déplacement de personnel vers ce type de dossiers au ministère du Revenu. Maintenant, au lieu de quatre ans, nous sommes rendus à 18 mois et notre objectif, c'est que d'ici un an, nous ayons abaissé à six mois le délai entre un avis d'opposition et le jugement ou la décision suite à cet avis d'opposition. Je ne suis pas étonné que vous citiez ces cas, ils sont sûrement véridiques. Ce que je peux vous dire, c'est que déjà depuis quelques mois et pour l'année qui vient, cela constitue une des priorités et un objectif précis du ministère du Revenu que d'abaisser - on est déjà passé de quatre ans à peu près à dix-huit mois - de dix-huit mois à six mois le délai pour entendre les avis d'opposition.

À la page Il également, vous dites: "D'ailleurs, le ministre n'arrive pas à fixer son choix. Dans le livre vert, il part de 15% pour établir les cotisations et, quand il s'agit de décréter des frais de services obligatoires, il dit que ceci augmentera la note. Or, ou nous avons déjà les 15%, ce qui ne changerait rien pour les consommateurs de l'écrire, ou nous ne les avons pas et, alors, les méthodes du fisc sont ce qu'elles sont, arbitraires."

Il y a peut-être une autre mise au point que je n'ai pas eu l'occasion de faire hier, parce que je voulais d'abord laisser s'exprimer ceux qui nous rencontraient. Je pense qu'il est important de préciser ceci. Il est vrai que le ministère du Revenu part de 15%, mais, en pratique, les avis de cotisation que nous avons émis dans le passé se situaient autour de 8% ou 10%, ce qui était perçu. Nous tenions compte, comme nous l'indiquons dans le livre vert, des facteurs suivants, si le pourcentage de 15% est un point de départ: le partage des pourboires avec d'autres employés, la nature de l'établissement, le site, la clientèle, le secteur précis où travaille l'employé et la période de travail de l'employé. L'ensemble de ces facteurs est analysé, ce qui fait que les avis de cotisation finals, après analyse de chaque dossier ou de chaque individu, ne sont pas de 15%, mais bien de l'ordre de 8% ou 10%. Je crois qu'il est important que tout le monde sache que l'on tient compte de ces facteurs, c'est ce qui se passe dans la réalité, parce que c'est certain que ce ne sont pas tous les employés au pourboire qui ont 15% et il y a des restaurants où le pourboire est réparti entre plusieurs. Il y a des restaurants où la clientèle ne donne pas 15%, compte tenu du type de clientèle, etc.

Vous indiquez aussi dans votre mémoire - vous avez assité à la rencontre d'hier, peut-être que cela n'était pas public avant -et moi aussi j'ai indiqué hier ma surprise positive face à l'attitude de l'Association des restaurateurs. Dans votre mémoire, vous indiquez que les employeurs refusent de payer les avantages sociaux. Je crois que nous pouvons tous noter positivement le fait que l'Association des restaurateurs - je ne sais pas quelle était leur position dans le passé - a indiqué hier, dans son mémoire qu'elle était d'accord pour payer les avantages sociaux, au moins en ce qui concernait la CSST. À la suite d'une question que j'ai posée, demandant s'ils étaient d'accord pour appliquer l'esprit de la loi américaine, à partir du 1er janvier 1983, comprenant les autres avantages sociaux, l'Association des restaurateurs a répondu clairement que, oui, si nous choisissions d'aller dans cette voie elle accepterait la part de responsabilité sociale qu'impliquait, en somme, la plus grande contribution, la révélation des pourboires de la part des employés au pourboire. Je crois, qu'il n'y a pas de consensus complet encore, mais qu'il y a une démarche; cela m'apparaît plus positif, actuellement, que ce qu'on aurait pu

penser ou être porté à croire.

J'arrive à deux questions. À la page 8-A de l'annexe que vous avez ajoutée ce matin, vous évaluez le revenu des travailleurs et travailleuses au pourboire à moins de 10 000 $, à partir de différents calculs. J'ai un peu de difficulté à concilier ces calculs avec des éléments qui étaient contenus dans le mémoire présenté par la CSN, hier, qui indiquait, concernant l'assurance-chômage, qu'un employé bénéficiait d'environ 20% ou 25% de ce à quoi il avait droit, si on tenait compte de l'ensemble de ses pourboires et de d'autres éléments, d'autres chiffres contenus également dans ce mémoire. J'aimerais que vous nous disiez, sur quoi vous vous basez pour établir que le revenu des travailleurs et travailleuses au pourboire se situe autour de 8000 $ à 8900 $, pas davantage?

Mon autre question concerne la formule 5.3, dont vous parlez à la page 14, et je crois qu'il faut être bien conscient. Vous dites: "Cette façon de procéder - c'est-à-dire que l'employé révèle ses pourboires laisserait place au chantage. Les patrons pourraient exiger des déclarations minimales en échange de l'emploi. Les gouvernements n'auraient rien réglé concernant leurs problèmes de perception." Ne pensez-vous pas que, si on retenait la formule qui sera en oeuvre aux États-Unis le 1er janvier 1983, d'imposer un minimum, c'est-à-dire que chaque restaurant ou hôtel doit déclarer un minimum de 8% de revenus de pourboires, s'il y avait ce minimum, cela ne permettrait-il pas de réduire ou d'éliminer une partie du chantage dont, selon vous, vos membres pourraient être l'objet?

Mme Nerneh: Est-ce que je peux revenir sur les remarques que vous avez faites?

M. Marcoux: Bien sûr!

Mme Nemeh: Au début, quand on dit que l'équité sociale n'est pas du ressort du ministre du Revenu, nous sommes conscients du fait que, dans son livre vert, il y a une attitude positive de la part du ministère du Revenu, sauf que, lorsqu'il en était question dans nos avis d'opposition, dans nos rapports avec le ministère du Revenu, c'est la réponse qu'on recevait systématiquement des agents du ministère: Ce n'est pas notre affaire; nous, nous sommes là pour aller chercher de l'impôt. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on le disait.

Pour ce qui est des économies que vous avez faites sur notre dos, l'État a fait des économies dans le sens que, d'abord, nous n'avons pas bénéficié du salaire minimum; nous n'avons jamais bénéficié des avantages sociaux. Même si vous ne venez pas chercher la part que nous aurions dû payer sur l'assurance-chômage, ce sont des droits dont on n'a pas bénéficié et c'est aussi dans ce sens qu'on parle d'économie.

Pour ce qui est de la base du taux de taxation, j'avoue qu'on n'est pas très fort en économie, mais on était tombé sur une table de calcul des taux de taxation où on voyait, en dix ans, une augmentation du taux de taxation des particuliers et, contrairement, du côté des compagnies, on voyait une diminution. Alors, on s'est fié là-dessus pour amener cet argument.

Quand vous dites que le ministère du Revenu n'impose pas au niveau des avis de cotisation, qu'il ne parle pas des 15%...

M. Marcoux: C'est ce que je dis, il parle des 15%, mais il tient compte des cinq ou six facteurs dont j'ai parlé tantôt, ce qui fait que la cotisation réelle est autour de 8% ou 10%, en moyenne.

Mme Nemeh: Oui, sauf que nous avons vu des cas où il se situait à 13,5% et plus; on en a vu d'autres.

M. Marcoux: Je ne le nie pas. Il peut arriver qu'on parte de 15% quelque part et qu'en réalité, dans tel type d'hôtel ou de restaurant, il n'y ait pas de distribution des pourboires entre plusieurs. Il y a un type de clientèle et, se basant aussi sur les cartes de crédit, etc., il peut arriver qu'il y ait des travailleurs et travailleuses au pourboire qui aient en moyenne 12% ou 13%, mais il arrive qu'il y en a qui ont 6%, 7% ou 8%. En somme, on tient compte de chaque cas.

Mme Nemeh: Oui, mais, à notre connaissance, cela n'est pas fait aussi systématiquement. Dans tous les cas qu'on connaît, on ne tient pas compte du partage des pourboires dans l'imposition du pourcentage. C'est peut-être un...

M. Marcoux: Je dois vous informer qu'il y a des recours très précis au ministère, vous les connaissez. Même avant l'avis d'opposition, il y a des discussions qui peuvent être faites avec celui qui fait la cotisation, et il y a l'avis d'opposition. Je peux vous assurer que tous ces cas sont étudiés, à ce moment, cas par cas.

Mme Nemeh: D'accord. Vous disiez que l'Association des restaurateurs serait prête à payer la CSST. Nous l'avons remarqué. On pense que cela n'est pas assez. Quand ils ont dit qu'ils étaient prêts à payer leur part, c'est arrivé tout à fait à la fin. Tout le long de leur intervention...

M. Marcoux: C'est aussi à la commission parlementaire de faire faire une démarche à différents groupes pour essayer de voir des solutions possibles.

Mme Nerneh: D'accord.

M. Marcoux: Je ne vous ai pas reproché d'avoir dit cela dans le mémoire; je voulais qu'on constate ensemble qu'il y avait des changements. (11 heures)

Mme Nemeh: Autre question: Sur quoi nous basons-nous pour parler d'un revenu moyen en dessous de 10 000 $. La CSN a indiqué hier que c'était un peu plus de 10 000 $, le revenu moyen. Je me demande si eux ne se fient pas en partie à leurs employés syndiqués. C'est assez difficile d'être scientifique, il faut vraiment faire des études sur le secteur, mais on se fie à la majorité des non-syndiqués que nous connaissons et, à notre avis, doubler le salaire horaire en pourboire, c'est déjà beau dans beaucoup de cas, en moyenne, c'est cela qu'on gagne. Ce n'est peut-être pas très scientifique, notre affaire. Mais, de façon empirique, tout ce qu'on constate, c'est cela. Maintenant, il y aurait peut-être lieu, effectivement, de faire des études plus poussées là-dessus.

Votre deuxième, c'était: Est-ce qu'imposer un minimum de 8%...

M. Marcoux: Vous dites que, si on appliquait la solution 5.3, c'est-à-dire que l'employé révèle ses revenus à l'employeur, l'employeur est obligé de payer sa part des avantages sociaux et l'employé paie sa part aussi, cette solution 5.3 risquerait d'amener un chantage de la part des propriétaires face à leurs employés pour qu'ils diminuent le montant révélé pour ne pas avoir à payer davantage. Je vous ai demandé, à ce moment-là, si la solution américaine qui est d'imposer un minimum - eux autres, c'est 8% - de pourboire à révéler et, s'il n'est pas révélé, de le distribuer entre les travailleurs et les travailleuses au pourboire, ne serait pas un moyen de diminuer considérablement, sinon d'annuler ce chantage.

Mme Nemeh: Oui, c'est évident que cela annulerait ce chantage dont nous parlons, mais nous ne sommes pas du tout d'accord avec cette position et je vais vous expliquer pourquoi. D'une part, si on met 8% et que les consommateurs le savent, il y a de gros risques que les pourboires baissent à 8%. Deuxièmement, à supposer que les pourboires ne baissent pas, ils n'augmenteraient certainement pas et, à ce moment-là, on paierait de l'impôt; le revenu que nous recevons aujourd'hui diminuerait et on n'aurait aucune indexation.

M. Marcoux: Vous avez plus de 8%, actuellement?

Mme Nemeh: Cela dépend des cas. C'est assez arbitraire de dire 8% pour tout le monde.

M. Marcoux: C'est sûr que c'est arbitraire.

Mme Nemeh: Cela ne nous assure pas du tout l'indexation, une situation comme cela, parce que cela laisse le principe du pourboire aléatoire et cela laisse toute l'injustice fondamentale qu'on reproche au pourboire.

M. Marcoux: Disons que l'ensemble des motifs pour ou contre de votre option était très clair, mais c'était par rapport à votre objection fondamentale face à cette formule, une des deux, c'est-à-dire parce qu'il y en avait une autre, c'était la question du chantage.

Mme Nemeh: Oui, c'est évident.

M. Marcoux: Concrètement, je pense que c'est une objection recevable, très possible. En la lisant, je me disais: Est-ce qu'il y a des moyens pour éviter qu'il y ait ce type de pression de la part de l'employeur face à l'employé? C'est pour cela que j'ai fait le lien avec ce qu'on avait dit ce matin, en relisant votre mémoire.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Mademoiselle, je constate que, dans votre mémoire, à la page 6, vous parlez des comptoirs de "fast-food" où il n'y a pas de pourboire, où il y a des moins de 18 ans qui gagnent 2,95 $ l'heure. Hier soir, on a eu le propriétaire...

Mme Nemeh: J'ai fait certaines corrections, monsieur, là-dessus, en lisant le mémoire. J'ai dit que... Oui, verbalement, j'ai dit que c'était 3,55 $.

M. Blank: 3,55 $, d'accord. Je ne sais pas si vous étiez ici hier soir quand le monsieur qui a le restaurant à Trois-Rivières était ici avec sa femme?

Mme Nemeh: Non.

M. Blank: Parce qu'ici, dans votre mémoire additionnel, quand vous faites la description de l'employeur, après des questions de madame, hier soir, la femme de ce propriétaire, cela a l'air que vous parlez de cas exceptionnels au lieu de la majorité des cas. C'est dommage que vous n'étiez pas ici pour entendre cette femme, la femme d'un propriétaire de restaurant à Trois-Rivières, qui a appelé "exception" la description des employeurs dans ce domaine.

Mme Nemeh: Dans quel cas, monsieur,

les cas d'exception?

M. Blank: Vous dites, à la page 8, qu'ils ne déclarent pas tout, qu'ils ont deux sortes de livres et qu'ils mettent de côté des boissons, ils changent des étiquettes sur les bouteilles pour faire des "transvidages", vous accusez des propriétaires de toutes sortes de maux. Hier soir, on a eu un exemple d'un petit propriétaire qui était... Oui, un exemple, mais il représente beaucoup de personnes et je suis certain qu'il y a des lois, actuellement, pour vous protéger contre ces choses. Cela ne change rien d'en parler ici. Il y a des lois de la Régie des alcools où on peut avoir des sanctions pour changer des bouteilles. Je suis certain que le sous-ministre ne laisse pas les gens avoir deux sortes de livres. Il y a toutes sortes de façons aujourd'hui de vérifier cela avec les achats à la Société des Alcools du Québec. Je pense que c'est un peu d'exagération que d'accuser toute une industrie d'être des méchants.

Mme Nemeh: Monsieur, à notre avis, ce ne sont pas des cas d'exception. Si le restaurateur qui était ici hier était effectivement honnête, à notre avis, c'est lui qui constitue une exception. Moi, je travaille depuis dix ans dans la restauration et Marc Beneux qui est à côté de moi aussi, les gens qui sont en arrière. Ceux d'entre nous qui n'ont jamais transvidé une bouteille, qu'ils le disent. Ceux d'entre nous qui n'ont jamais eu à faire une fausse facture, il n'y en a pas beaucoup. C'est nous-mêmes qui exécutons, qui sommes complices sans le vouloir de ces...

M. Blank: Mais vous représentez 100 personnes sur 62 000.

Mme Nemeh: 600 personnes, monsieur. Compte tenu de toute la terreur dont je parlais tout à l'heure, de l'impossibilité pour les gens d'être protégés et cela s'est fait en l'espace de six à huit mois, nous pensons que c'est assez représentatif.

M. Blank: Une autre question, madame. Ici, dans votre mémoire, vous voulez la solution numéro un - cela veut dire un pourboire obligatoire de 15% - et vous demandez aussi l'augmentation du salaire minimum au salaire minimum moyen. Vous donnez comme exemple la France où on a ce système. Mettez de côté les autres arguments ou désavantages de ce système comme le manque d'efficacité, le manque de courtoisie ou de liberté d'expression du consommateur - mettez tout cela de côté -et parlez seulement de la question économique. On a eu hier l'exemple des restaurateurs qui ont dit qu'ils étaient prêts à payer une partie des avantages sociaux, mais il ne faut pas payer parce que cela ne fonctionne pas. Nous devrons augmenter le prix pour arriver et le restaurateur de Trois-Rivières, M. Poirier, était très honnête et disait: Moi, je veux, mais je ne peux pas. C'est une question de dollars. Quand vous donnez l'exemple de l'Europe, de la France où on a ce pourboire obligatoire, où il n'y a pas de salaire, est-ce que vous êtes prêts à donner votre salaire aux propriétaires pour payer ces avantages sociaux?

Mme Nemeh: En Belgique et en Suisse, ils ont un salaire de base.

M. Blank: Mais est-ce que c'est le même salaire de base qu'ici?

Mme Nemeh: C'est certainement un salaire minimum.

M. Blank: Est-ce que vous êtes prêts à contribuer afin d'aider les propriétaires à payer vos avantages sociaux?

Mme Nemeh: Monsieur, nous avons subventionné assez longtemps les propriétaires de restaurant, il me semble.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Westmount.

Mme Nemeh: L'Association des restaurateurs du Québec disait que cela augmenterait ses prix. Je pense que cela a été discuté assez souvent. C'est sûr que cela les augmenterait un petit peu, mais pas autant que l'Association des restaurateurs le dit.

M. Blank: Madame, on a essayé une chose, encore hier soir, avec la CSN et on arrivait à la même chose.

Mme Nemeh: Non. En tout cas, pas à ma connaissance.

M. Blank: Vous n'étiez pas ici, mademoiselle.

Mme Nemeh: La CSN a fait la preuve hier...

M. Marcoux: C'est peut-être l'espoir de faire le point. On n'arrivait pas à la même chose. Ce que l'Association des restaurateurs, ce que M. Moreau nous avait dit rapidement, c'est qu'il fallait qu'il augmente...

M. Blank: De 25%.

M. Marcoux: ... supposons, de 70 000 $ ses ventes pour en arriver à 7000 $ de profit de plus pour payer 7000 $ d'avantages sociaux. Le calcul qu'on a plutôt fait hier, c'est qu'il fallait qu'il augmente, en fait,

parce qu'il avait déjà des profits de 10 000 $ sur 300 000 $ de vente et qu'on... Les avantages sociaux coûtaient 7000 $ de plus, soit que son bénéfice tombait à 3000 $ ou il fallait qu'il augmente de 3%. Finalement, cela revenait à 3% la hausse du coût pour assurer les avantages sociaux en tenant compte de l'ensemble de ses frais. Une entreprise qui a un chiffre d'affaires de 300 000 $, si on lui imposait le 13% des avantages sociaux au complet - c'est-à-dire les 9% dont je parlais hier matin auxquels on ajoute les 4% de vacances, disons les 13% -cela signifierait une augmentation de ses coûts de 3%. C'est bien sûr que, quand une entreprise est à 0% de bénéfices ou à 3% ou à 5% ou à 7% de bénéfices, c'est presque la différence entre la vie et la mort. C'est cela qu'il faut évaluer. J'ai donné l'assurance à tout le monde qu'on l'évaluerait. Mais il ne faut pas dire qu'on s'est entendu sur les chiffres hier...

Le Président (M. Desbiens): M. le député de... À l'ordre!

M. Marcoux: Nous, on s'était entendu.

Le Président (M. Desbiens): M. de député de Westmount, s'il vous plaît!

M. French: Je voudrais, M. le Président, céder mon tour de parole à mon collègue de Vaudreuil-Soulanges.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président. J'aimerais peut-être, c'est une espèce d'ambition, faire descendre le niveau de contenu émotif du débat. On voit qu'on est en présence de la nature humaine, des transactions au comptant, dans la majorité des cas, et les accusations fusent. Des accusations sont de notorité publique: les restaurateurs cherchent à minimiser le montant des impôts qu'ils peuvent payer en ne déclarant pas leurs revenus. On est tous conscients qu'il y a de très grands restaurants dans certains cas qui ont du fermer leur porte depuis quelques années, à la suite de poursuites du ministère du Revenu, justement pour s'être livrés à cela. Je pense qu'il n'est pas exagéré de dire qu'il est de notoriété publique, vous le reconnaissez, que la plupart des employés au pourboire ne déclaraient pas eux non plus leurs revenus. Je ne vois pas comment cela fait avancer, dans le fond, la solution au problème d'échanger sur ces choses, sauf qu'il faut chercher une solution qui correspond à vos désirs d'améliorer vos conditions de travail. Ce qui fait qu'on peut légitimement se poser la question aujourd'hui, à savoir si les ministères n'avaient pas, à la suite d'enquêtes auprès de restaurants, découvert des trous immenses dans les recettes, d'une part, des restaurateurs et, d'autre part, des employés, chose certaine, on ne serait pas aujourd'hui devant les réclamations pour améliorer les conditions de travail des travailleurs au pourboire.

Ce qui m'amène à parler plus spécifiquement, si vous voulez, de la façon que les deux ministères concernés ont traité avec vous. Il y a plusieurs intervenants qui ont fait ressortir la façon inhumaine, extrêmement exagérée dans certains cas, avec laquelle les ministères ont agi. Je me demandais, simplement à titre de curiosité, selon les renseignements que j'ai pu glaner auprès des cotiseurs des deux différents ministères, auprès d'employés également qui ont des avis de cotisation - un du fédéral et un du Québec - qui ne se ressemblent pas du tout, qu'est-ce que vous avez perçu, comme sensibilité de la part des ministères, au fédéral et au Québec, dans les procédures de cotisation. Selon mes renseignements, au ministère fédéral, il y avait une enquête auprès de l'employeur. En général, on essayait de mettre les gens dans le coup, pour dire: Au point de vue des cartes de crédit, c'est facile de se documenter, c'est marqué sur les cartes de crédit et, pour ce qui est du montant comptant, on peut reconnaître que ce n'est pas nécessairement le même genre de clients qui utilisent les cartes de crédit, etc. Donc, on ne parle pas de 15% ou de 12%, j'ai cru comprendre qu'on parlait de 4% - une espèce de pot en petite monnaie qu'on a évalué à 4% -distribuables aux employés et qu'on reculait, au fédéral, de deux années...

Mme Nemeh: Au fédéral, dites-vous?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ...oui, c'est ce que j'ai cru comprendre, on reculait de deux années plus l'année courante, alors qu'à Québec, c'était plutôt autour de 12% d'abord, relativement, globalement, et on reculait en général de quatre années, plus l'année courante. Dans les deux cas, il y avait l'intérêt sur les impôts impayés des dernières années, mais dans le cas de Québec, en plus, il y avait les pénalités. Je me demandais si, selon votre expérience ou celle de votre association, cela correspond aux renseignements que j'ai eus.

Mme Nemeh: Je veux revenir pendant deux secondes sur le niveau émotif. C'est sûr qu'on est très émotif, parce qu'on se sent très brimé; c'est sûr aussi que la totalité de nos pourboires n'était pas déclarée entièrement. Sauf qu'on se demande pourquoi le gouvernement s'attaque d'abord aux petits salariés plutôt que de s'attaquer à l'autre fraude; c'est un peu cela qui nous révolte.

Pour ce qui est des poursuites, le

fédéral, selon les places, utilise beaucoup les cartes de crédit et puis déduit un pourcentage sur le comptant, sauf que le pourcentage est beaucoup plus élevé que 4%, il va jusqu'à 8%. Au provincial, cela dépend des cas, c'est de 8% à 12%. Pour ce qui est des deux ans ou des quatre ans, étant donné que les deux ministères du Revenu s'échangent les dossiers, si le fédéral commence ses poursuites à deux ans, le provincial utilisera la même recherche pour revenir sur la personne pour les mêmes deux années. Si le provincial remonte à quatre ans, le fédéral reviendra sur les mêmes quatre années qui ont été épluchées.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Au point de vue des initiatives, d'après ce que vous avez vu, est-ce que le gouvernement fédéral procédait plutôt par deux ans et Québec embottait le pas? Dans les cas où c'est Québec qui entreprenait la poursuite, il semblait commencer avec quatre ans et le fédéral embottait le pas.

Mme Nemeh: Ou trois ans, oui. Le Québec remonte plus loin, assurément.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Pour l'intérêt, c'est la même chose, comme on l'a dit. Pour les pénalités, c'est simplement le ministère du Revenu du Québec qui allait en chercher.

Mme Nemeh: Le fédéral en impose aussi.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Des pénalités?

Mme Nemeh: Oui.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre. (11 h 15)

M. Marcoux: ... décision qui ne contredit pas ce que vous venez de dire, mais qui ajoute la nuance importante suivante. C'est que le ministère du Revenu du Québec ne fait pas d'opération auprès de cette classe de travailleurs en disant: Je prends cette classe de travailleurs et je regarde les travailleurs, travailleuses au pourboire par rapport au fisc. Lorsque nous émettons des avis de cotisation, à l'initiative même de Revenu-Québec et non à la suite d'informations de Revenu Canada, c'est lorsque nous sommes appelés à faire des vérifications, admettons, dans tel restaurant ou tel hôtel pour d'autres motifs. Je crois que, comme approche, c'est fondamentalement différent. On ne dit pas: Pendant deux ou trois ans, on prend un médecin; durant deux ou trois ans, on prend des travailleurs de la construction, des choses comme celles-là. Ce n'est pas du tout notre approche de fonctionnement. Il y a des avis de cotisation qui sont émis auprès des travailleurs, travailleuses au pourboire, mais c'est à l'occasion de vérifications que nous devons faire dans tel secteur, selon les choix que nous faisons, selon les types d'entreprises ou des situations qui se passent, que j'ai décrites hier. Lorsqu'une entreprise, par exemple, ne rembourse pas les déductions à la source qu'elle fait auprès de ses employés, on est appelé à aller vérifier, et c'est à ces occasions que nous le faisons. Je crois que, comme approche, tout le monde le reconnaît, hier aussi, c'est assez différent.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

Monsieur...

Le Président (M. Desbiens): Oui.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): On pourrait dire qu'il y a une espèce de justice immanente, dans la mesure où c'est effectivement en vérifiant les rapports d'impôt des employeurs, qui automatiquement, à ce moment-là, sont salés, qu'on en profite pour voir si les employés, de leur côté, évidemment, déclaraient leur revenu. C'est comme cela qu'on le découvre. C'est cela que vous voulez dire.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Tout d'abord, je tiens à vous féliciter de la valeur de votre rapport, sachant pertinemment que vous avez fait ce rapport personnellement. Vous n'êtes pas une association qui a des rétributions, vous avez été obligé de couper sur votre temps, vous l'avez fait bénévolement. Je trouve que le rapport est très bien étoffé, surtout dans votre cas personnel face à ce rapport.

Je comprends aussi beaucoup de choses dans le contenu de votre rapport. Il y a ceci, c'est qu'on parle souvent des restaurateurs et de leurs moyens. C'est bien certain qu'il y a différents groupes de restaurateurs, et je comprends aussi que, dès qu'on demande quelque chose de supplémentaire à quelqu'un, c'est sûr que le bât blesse quelque part, dès qu'on demande de payer. Il y a différents groupes de restauration. Il y a beaucoup de petits snak-bars familiaux, une personne ou deux personnes tiennent cela, avec des prix minimes. Il y a aussi les "fast-foods". Il y a également les restaurants d'irréguliers, dans les termes populaires, des restaurants qui vendent des repas de 3,25 $ à 6 $ environ. Il y a tous les bars et les restaurants un peu plus huppés, sans parler des traiteurs et des

restaurants qui vendent au téléphone. Un steak haché peut se vendre 3,25 $ dans un restaurant et, trois portes plus loin, dans un autre restaurant régulier, se vendre 4,95 $; c'est le même steak haché et il y a autant de monde dans un restaurant que dans l'autre. C'est donc une différence d'au moins 50% entre les prix pour le même produit, et souvent il n'est pas meilleur à 4,95 $ qu'à 3,25 $. Dans certains bars, un cognac est à 3 $, et dans d'autres, il est à 4,50 $ et c'est le même cognac, de la même compagnie, que je sache, dans les bouteilles; c'est le même cognac qu'il y a dedans, de façon générale. C'est une augmentation de 50%. Je vais donner des noms: je vais aller au Biarritz à Québec, je vais payer 12 $ pour un steak au poivre et, si je vais dans un autre restaurant, je vais le payer 19 $. Vous parlez des repas un peu plus chers.

On sait pertinemment que, dans la restauration, les prix sont fixés par les propriétaires et que la variation peut aller du simple au double. Alors, lorsqu'on parle d'une augmentation de 2,75% pour un restaurateur, lorsqu'on regarde les factures et les prix des différents restaurants, puis dans les mêmes catégories et qu'on se défend avec acharnement pour une augmentation de 2,75% pour prendre des responsabilités sociales, quand je regarde votre rapport, j'ai tendance à vous donner tout le crédit qu'il mérite et à être également de votre côté. De notre côté, c'est une commission parlementaire de consultation, mais il y a parfois des frissons qui nous passent sur le corps lorsqu'on entend des lamentations de Jérémie sur une petite augmentation, en réalité, de 2,75%. On peut dire que c'est beaucoup sur un chiffre d'affaires, mais, lorsqu'on sait que le prix est fixé, qu'on peut aussi bien vendre 3 $ une petite pizza que la vendre 5 $, c'est à la discrétion du restaurateur... De fait, cela existe. Bien sûr, des restaurants ont une décoration plus chère que d'autres, l'exploitation est plus chère que d'autres, mais pas du simple au double. Tout ceci dit, les 2,75% pour les obligations sociales envers les restaurateurs, je trouve cela anodin dans le contexte de la restauration dans lequel nous vivons. Je vous félicite de votre rapport et je suis entièrement d'accord avec vous, du moins, du côté de la pensée.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Viger, en vous rappelant ainsi qu'à tout le monde qu'il est Il h 20 et qu'il faudrait passer à un autre mémoire. M. le député de Viger.

M. Maciocia: J'aurais une question à vous poser. À la page 12, vous parlez de la problématique et vous dites que, selon le ministère du Revenu, le pourboire serait une forme de rémunération provenant des rapports entre le client et l'employé et témoignerait de la qualité du service. Vous dites: "Nous ne choisissons pas de servir 10 ou 25 tables - je suis d'accord avec vous -nous ne choisissons pas de servir des viandes mal apprêtées ou d'autres choses; tout cela, c'est le patron qui nous l'impose pour économiser. Pourtant, on veut nous faire porter cette responsabilité directement en ajustant le revenu à la pièce." Je crois personnellement que c'est un mauvais exemple que vous donnez. Je crois que c'est plutôt le patron qui serait pénalisé parce que le client ne retournerait plus à son établissement. Ce n'est pas le serveur ou la serveuse qui en subit les conséquences. Probablement, pour la journée même, cela se peut que le client, au lieu de lui donner 15% de pourboire, donne 6%, 5% ou 8%. Je crois que c'est dans l'intérêt du propriétaire de l'établissement de ne pas se prêter à un jeu semblable parce que sa source de revenu, c'est quand même le client. Si c'est cela, je ne vois pas dans quel intérêt il le ferait.

Mme Nemeh: Cela se fait. C'est justement là qu'on trouve le principe du pourboire injuste; c'est qu'on nous remet tout sur le dos, quand on coupe du personnel, quand la cuisine n'est pas bonne, c'est de notre faute à nous. On dira: Le service n'était pas bon, je ne laisse pas 10% ou 15%, je laisse 5% ou 6%, cela nous revient. En voulant garder ce même principe, c'est qu'on nous met cette responsabilité sur le dos, c'est ce qu'on veut dire. Je suis d'accord avec vous que c'est le rôle de l'employeur - c'est ce qu'on dit aussi - donc, ce n'est pas à nous de porter cette responsabilité, c'est à l'employeur de la porter.

M. Maciocia: Je suis d'accord avec vous, mais je ne peux pas concevoir que, si j'étais propriétaire d'un restaurant, je puisse arriver au point de servir des plats mal apprêtés ou tout cela pour pénaliser le serveur ou la serveuse. C'est dans mon intérêt de servir de bons repas pour avoir les clients et pour qu'ils reviennent au restaurant; autrement, je serai obligé de fermer.

Mme Nemeh: C'est sûr, c'est sûr. Mais il arrive que vous demandiez votre steak saignant et qu'il arrive trop cuit, même si vous êtes un bon employeur. Pourquoi est-ce que ce serait notre faute à nous?

M. Maciocia: Je pense que le propriétaire devrait plutôt licencier le cuisinier parce qu'il n'a pas fait son devoir.

Mme Nemeh: Ce n'est pas cela qui arrive dans les faits.

Le Président (M. Desbiens): M. le député... Oui.

M. Maciocia: J'ai une autre question à vous poser. A la page 15, dans les désavanges, à b, vous dites: "Le deuxième bloc d'inconvénients est relatif à une augmentation automatique du prix des repas et à la perte d'un avantage touristique pour le Québec. Notre revendication des 15% obligatoires tient compte de ces considérations." Et vous dites: "Nous recevons en moyenne 10% de pourboire. Le gouvernement impose une taxe de 10%. Nous demandons une répartition différente de ce pourcentage: 15% au serveur et 5% au gouvernement. Le client n'aurait donc pas à subir d'augmentation." Est-ce que vous avez fait un calcul pour voir si, pour le gouvernement, cela revient au même?

Mme Nemeh: Non. M. Maciocia: Parfait.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Hull, pour terminer, s'il vous plaît.

M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Madame, je remarque que, dans votre mémoire et dans plusieurs mémoires qu'on nous a présentés hier, il y a un problème qui revient. Cela me donne l'impression que plusieurs associations ont probablement été formées dans le but de revendiquer auprès du gouvernement du Québec le fait qu'il y ait actuellement des poursuites chez les travailleurs de la restauration, les serveurs et les serveuses. Je remarque que vous y faites allusion à la page 4 de votre mémoire, à la page 6 ainsi qu'à la page 11. Actuellement, on peut souligner le fait que l'impôt, c'est un dû qui appartient au gouvernement, mais il n'en demeure pas moins qu'au cours des dernières années, il y a eu tolérance, c'est-à-dire que le gouvernement n'a jamais fait d'enquête approfondie. Il avait toujours établi une règle de jeu, considérant que les serveurs et serveuses ne bénéficiaient pas d'avantages sociaux accrus, comme l'assurance-chômage, le Régime de rentes, etc. Ils n'avaient pas ces avantages. Aujourd'hui, on tente de vous faire payer pour ce que - c'est ce qu'on dit - vous avez gagné antérieurement sans pour autant reconnaître les avantages que vous n'avez jamais eus.

C'est sûrement pour couvrir la mauvaise gestion du gouvernement actuel, parce que je vous avoue que ce n'est pas simplement dans le cas des serveurs et des serveuses. Le ministre du Revenu va même puiser dans les poches des contribuables du Québec jusqu'à douze et quatorze ans en arrière, alors qu'il n'a jamais servi d'avis aux citoyens avant, dans plusieurs cas, et on pourra en faire la preuve prochainement.

Je suis très sensible au fait que le statu quo n'est peut-être pas souhaitable, que des modifications doivent être apportées. Entre deux maux, on semble choisir le moindre. Il n'en demeure pas moins que, dans chacun des mémoires qui ont été présentés jusqu'à maintenant, on fait le reproche assez sévère au gouvernement de la façon arbitraire, unilatérale, aberrante et frustrante, auprès des employés de la restauration, avec laquelle on a tenté de récupérer des sommes d'argent. Je pense que le ministre du Revenu devra prendre note des revendications que vous faites et il devra sûrement présenter les compromis nécessaires dans le but de ne pas pénaliser une partie de la population qui est peut-être l'une des plus démunies au niveau des salariés, et ne pas aller chercher dans les poches de ces gens-là des montants allant jusqu'à 3000 $, 4000 $, 5000 $ et même plus.

C'est un commentaire que je voulais faire et vous le soulignez, à plusieurs reprises, dans votre mémoire.

Mme Nemeh: J'aimerais préciser, à la suite de ces commentaires, que les associations ont été mises sur pied pour faire face aux deux paliers de gouvernement, autant le fédéral que le provincial. Nous les trouvons aussi injustes et arbitraires l'un que l'autre, sauf que cette commission parlementaire nous a poussés à axer nos études sur le Québec.

Le Président (M. Desbiens): Une dernière intervention, M. le député de Vaudreuil-Soulanges, une rapide, une petite vite.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Une très rapide, M. le Président. De la façon que le débat s'engageait ou continue à s'engager, on dirait qu'on a ici en concurrence, pour le dollar du consommateur, les employeurs et les employés. Cela revient très souvent. On se demande, soi-disant chez les restaurateurs, comment on va arrêter l'érosion des marges de rentabilité, c'est-à-dire la rémunération de l'investissement et, du côté des travailleurs, on se demande comment améliorer les conditions de travail pour qu'ils aient un revenu stable qui reflète un peu plus le fait que c'est un emploi, que ce n'est pas juste intéressant de savoir qu'on va être rémunéré, si on fait des sourires ou si le steak est bon. Je me demande si ce n'est pas plutôt, dans le fond, dans le genre de marché qu'on connaît, une concurrence entre établissements qui est à l'avantage de tout le monde. Comment le propriétaire va-t-il véritablement y trouver son compte? Comment l'employé peut-il contribuer à s'assurer qu'il y aura une plus grande

clientèle qui va dépenser plus dans cet établissement? Quels que soient les modes de rémunération, n'est-ce pas à l'avantage du cuisinier de cuire de meilleurs steaks plutôt que de les faire cuire trop? N'est-ce pas à l'avantage du propriétaire de donner un service adéquat, d'avoir des lieux plus attrayants? Je comprends que cela peut coûter 7 $ de plus pour un steak à un endroit plutôt qu'à un autre, mais encore faudrait-il le visiter et voir la qualité des meubles, de la table et des tapis, tout ce que vous voulez, l'environnement, la climatisation.

Quant aux employés, comment, selon vous, peuvent-ils contribuer, dans une entreprise où tout le monde a le même intérêt, à ce qu'il y ait le plus d'achalandage possible, que les gens dépensent le plus possible et le plus souvent possible? Vous parlerez pour vous et les restaurateurs parleront pour eux, mais qu'est-ce que vous pouvez faire pour que l'établissement où vous travaillez devienne plus rentable, donc plus achalandé, donc une source de revenus additionnels pour vous? Ceci dit, est-ce que l'imposition des frais de service obligatoires à 15% s'inscrit dans la trame de la concurrence entre établissements?

Mme Nemeh: Qu'est-ce qu'on peut faire? C'est évident, à notre avis, que l'employeur a une grosse part là-dedans; c'est lui qui gère et on n'a pas tellement notre mot à dire. Quand on essaie d'intervenir, il nous dit que ce ne sont pas nos affaires. Pour notre part, nous faisons notre métier du mieux que nous pouvons. À notre avis, l'imposition de 15% ne changerait rien à cela; au contraire, c'est un peu comme une commission. Un vendeur a intérêt à garder ses clients, à les chouchouter. On va vendre plus de vin, plus de digestifs parce qu'on sait que le pourboire va en conséquense. Au contraire, on ne pense pas du tout que cela puisse diminuer, mais bien augmenter la qualité du service. (11 h 30)

Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions beaucoup de votre participation. M. le ministre.

M. Marcoux: Je voudrais simplement vous remercier, au nom du parti ministériel, de votre participation à cette commission. J'aimerais surtout souligner le climat positif des discussions que nous avons eues ce matin. Je pense que c'est à noter et c'est très heureux pour vous comme pour nous. Je vous remercie-Le Président (M. Desbiens): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Au nom de l'Opposition, nous vous remercions de cette bonne discussion que nous avons eue ici. On a apprécié votre travail pour la préparation de ce mémoire.

Le Président (M. Desbiens): J'inviterais maintenant les représentants de l'Association des consommateurs du Québec Inc. à se présenter à l'avant, s'il vous plaît!

À l'ordre, s'il vous plaît! Mesdames et messieurs! Les gens sont beaucoup plus sages dans la salle. Mme Boileau?

Mme Laliberté: Mme Laliberté.

Le Président (M. Desbiens): Mme Laliberté, si vous voulez nous présenter votre mémoire, s'il vous plaît!

Association des consommateurs du Québec

Mme Laliberté (Nicole): Oui. L'Association des consommateurs du Québec Inc., organisme à but non lucratif, incorporée selon la troisième partie de la Loi sur les compagnies du Québec, regroupe depuis 1948 des consommateurs désireux de prendre en main leur destinée. L'association rejoint directement au Québec, par l'intermédiaire de ses membres et de ses publications, plus de 20 000 personnes. Les membres de l'ACQ sont regroupés en onze sections locales, dans différentes villes à travers la province, et l'ACQ maintient en fonction huit centres d'information pour le consommateur.

Depuis plus de trente ans, vouée à la défense des intérêts du consommateur, l'association s'est fixé comme objectif de porter un regard critique sur la société de consommation, d'en analyser les tendances et leurs implications, d'informer et d'éduquer le consommateur, mais aussi de le représenter chaque fois que ses intérêts semblaient mis en cause.

L'Association des consommateurs du Québec souscrit à la problématique exposée dans le livre vert du ministère du Revenu qui vise à corriger l'injustice sociale à l'égard des travailleurs au pourboire et l'injustice fiscale à l'égard des autres contribuables. Quant aux questions envisagées pour y parvenir, nous en discuterons ci-après, mais, avant de ce faire, nous voulons souligner le fait qu'elles touchent surtout le secteur de la restauration et de l'hôtellerie. Nous croyons qu'elles pourraient être étendues à la coiffure, mais se révéleraient impraticables dans l'industrie du taxi.

Les solutions proposées. En analysant la situation des travailleurs au pourboire, nous nous retrouvons face à une difficulté de les intégrer dans notre système de législation du travail. Cette dernière admet un contrat entre l'employeur et l'employé, mais le pourboire n'est pas partie de ce contrat. Il faudrait plutôt le considérer comme un contrat tacite eu égard à la fourniture d'un

service. La solution 5.1, des frais de service obligatoires, incorporerait ce contrat au contrat de travail entre l'employeur et l'employé rendant ainsi facilement applicable toute la législation du travail, les programmes sociaux et la législation fiscale. Cette dernière, on le sait, considère le pourboire comme un revenu imposable. Dans ce cadre, telle solution paraît fort attrayante et met ces travailleurs et leurs employeurs sur le même pied que les autres, sauf que cette solution enfermerait le consommateur dans un contrat d'adhésion, si on peut s'exprimer ainsi.

Alors, le pourboire n'en est plus un. Il devient un coût de service ajouté au service rendu. Dans les secteurs où le pourboire n'existe pas, le consommateur est conscient de payer non seulement le coût réel du bien acheté, mais aussi un supplément qui couvre les frais généraux entourant la vente de ce bien.

Dans les secteurs qui font l'objet du livre vert, le consommateur sait aussi qu'il assume déjà ces coûts dans le prix qui lui est facturé. S'il laisse un pourboire, c'est pour la qualité du service rendu. Ce service variant d'un lieu à un autre, d'un travailleur à un autre, un pourcentage fixe et obligatoire viderait le pourboire de tout son sens et tendrait à modifier la qualité du service, le travailleur ayant moins d'intérêt à offrir un service plus particularisé.

La déclaration périodique des pourboires par l'employé ne règle, à notre avis, que partiellement la question. Puisque l'employeur devra encourir des frais de gestion et un système de comptabilité plus élaboré pour chacun de ses employés, il pourrait facilement y avoir collusion entre les parties de telle sorte que chacun y trouve son compte. L'évasion fiscale continuera dans une grande proportion. Les travailleurs ne seront pas tellement mieux protégés qu'en ce moment, leur accès aux divers régimes sociaux ne sera pas universel et l'employeur n'en supportera pas toute sa part.

Le pourboire: un revenu de travailleur autonome. Selon le livre vert, cette solution promet d'atteindre l'objectif d'équité fiscale que poursuit le ministère du Revenu du Québec à l'égard des contribuables salariés au Québec. Nous sommes loin d'être certain que ce soit le cas. C'est une mesure volontaire au sens où le travailleur les déclare ou non. Mais le ministère aura bien peu de moyens de contrôle ou à tout le moins de normes pour apprécier une déclaration de travailleur autonome à ce niveau.

Quels moyens et niveaux de preuve exigera-t-on du travailleur quant à la véracité des montants déclarés? Cette solution fait porter l'entier fardeau des régimes par le travailleur. Ce n'est sûrement pas là équité fiscale à l'égard des contribuables salariés au Québec. Nous voyons mal comment cette solution diffère sensiblement de la situation présente quant à ses effets, sauf qu'un train de mesures administratives permettrait à l'État de récupérer une partie des impôts qui lui échappent et aux travailleurs de bénéficier un peu plus de certains régimes sociaux.

Le pourboire inscrit sur la facture par le client. Nous avons gardé cette solution 5.2 pour la fin; elle est celle que nous avons rendue publique en novembre 1981. Le consommateur est le seul à pouvoir apprécier la qualité du service rendu. Ce faisant, il est le seul à pouvoir en quantifier la valeur. Un service, c'est plus que des normes, des méthodes et des règles. C'est une relation plus ou moins tangible et qui s'apprécie subjectivement plutôt qu'autrement.

Les désavantages avancés dans le livre vert ne sont pas tous égaux. Il peut y être remédié plutôt facilement. L'amendement à la loi relative aux normes du travail n'est sûrement pas ce qui cause le plus grand problème. Pour ce qui est des établissements où le coupon de caisse tient lieu de facture, qu'est-ce qui empêche que le pourboire y soit inscrit? Je dois faire une parenthèse ici, puisque les gens au pourboire ont parlé d'une facture universelle. Donc, à ce moment, il n'y aurait plus de problème, tous les restaurants utiliseraient le même genre de factures et le pourboire pourrait y être inscrit. Quant au fait que le client pourrait refuser d'inscrire le montant ou qu'il n'en inscrive qu'une partie, entraînant le risque d'un système parallèle, si on le met en balance avec le fait qu'une partie infime des pourboires est déclarée, cela devient un moindre mal.

Le fait que l'employeur devra établir une comptabilité plus élaborée entraînera des coûts qui, nous le reconnaissons, nous seront refilés, non seulement le coût du système en soi et sa gestion, mais les coûts indirects, c'est-à-dire la participation accrue de l'employeur aux régimes sociaux, sauf que nous pensons qu'il n'y aura pas exagération, la concurrence jouant son rôle et les établissements qui montreront un appétit trop grand se videront de leur clientèle.

Une autre solution est possible. Le livre vert n'a pas envisagé de faire des travailleurs et des travailleuses au pourboire des travailleurs avec les mêmes droits et obligations que tous les autres travailleurs au Québec. Il est un peu curieux que notre société entretienne diverses catégories de travailleurs et ne tente de remédier aux effets de cette situation que par une réforme administrative.

Nous croyons que ces travailleurs doivent devenir dans un avenir rapproché des travailleurs à part entière. Ils seraient alors rémunérés par la prestation de travail fourni et participeraient à tous les régimes en

place. Ainsi en serait-il de leur employeur. Il va sans dire que cela entraînerait la disparition du pourboire. Le niveau de qualité du service offert serait apprécié par la clientèle, qui ferait ses choix comme elle le fait quand elle achète tout autre bien.

D'ici à ce qu'une telle solution soit envisagée, l'ACQ réitère sa position de novembre 1981, c'est-à-dire qu'elle est favorable à un taux réduit d'imposition pour le pourboire. Au soutien de cette approche, nous croyons toujours que les travailleurs de ce secteur sont soumis, plus que d'autres à divers aléas et qu'ils en assument le risque: peu de clients, peu ou pas de pourboires, travail saisonnier, etc.

En conclusion, l'Association des consommateurs du Québec croit que, pour atteindre les objectifs définis dans la problématique du livre vert, à savoir corriger l'injustice sociale à l'égard des travailleurs au pourboire et l'injustice fiscale à l'égard des autres contribuables, et maintenir le libre arbitrage du consommateur, seul capable de qualifier et quantifier le service rendu, la seule solution acceptable est celle proposée à 5.2, c'est-à-dire que le client inscrive sur sa facture le montant du pourboire qu'il verse.

L'ACQ croit que, pour l'avenir, il devrait être envisagé de faire des travailleurs et travailleuses au pourboire au Québec des travailleurs à part entière, c'est-à-dire avec les mêmes droits et obligations que tous les autres travailleurs.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Marcoux: Je remercie l'Association des consommateurs du Québec d'avoir bien voulu présenter ce mémoire, puisqu'il permet aux membres de cette commission d'avoir son point de vue. On a eu hier le point de vue des propriétaires de restaurants et de l'hôtellerie, différents points de vue de travailleurs et de travailleuses au pourboire. Je pense qu'il était essentiel pour les membres de cette commission de connaître le point de vue des consommateurs. Pour engager le dialogue avec vous - comme j'ai eu l'occasion de l'expliquer hier - j'ai demandé à mes collègues de m'aider à préparer cette commission et j'ai l'intention de travailler avec eux dans la recherche et la découverte des meilleures solutions possible ou de la meilleure solution possible. Dans cet esprit, je demanderais à Mme la députée de Johnson d'engager le dialogue avec votre organisme.

Le Président (M. Desbiens): Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: Merci, M. le ministre, merci, M. le Président.

Au début de votre mémoire, dans la présentation - c'est seulement pour nous informer - vous dites que vous existez depuis 1948. Pourrait-on savoir vos sources de financement, comment cela fonctionne?

Mme Laliberté: Nous avons des subventions provinciales. Nous avons une carte de membre; évidemment, ce n'est pas la principale source de nos revenus. La principale source est vraiment la subvention provinciale. Nous essayons de nous subventionner le plus possible par nous-mêmes. Nous avons mis sur pied une fondation qui devrait fonctionner dans un avenir très rapproché. Nous publions des brochures, des revues que nous essayons de rendre rentables. Évidemment, comme la publicité est hors de question dans nos brochures et nos revues, c'est plutôt de l'information au public que nous faisons. Ce n'est pas là notre principale source de revenus.

Mme Juneau: Merci. Vous dites aussi que vous adhérez à la solution du livre vert, qui est le paragraphe 5.2. Croyez-vous que cela comporte plus d'avantages pour les consommateurs?

Mme Laliberté: Le consommateur se sent tellement réglementé de partout, de toutes parts, il a tellement l'impression qu'il peut à peine bouger sans en demander la permission à quelqu'un que je pense que la mentalité du consommateur est présentement telle qu'il a de la difficulté à se faire imposer une autre obligation. Il en a eu tellement depuis dix ans, on l'a tellement réglementé que, maintenant, il lui reste une liberté, celle d'apprécier un service et de le rémunérer selon ce qu'il pense et il est très difficile pour lui d'admettre qu'on va lui enlever une autre de ses libertés.

Mme Juneau: À la suite de cela, croyez-vous, en fait, que, si le consommateur inscrit sur la facture le montant du pourboire - on a entendu tellement de choses hier lors de la présentation des différents mémoires, par exemple que certains patrons faisaient signer le chèque de paie et le retiraient par après à l'employé, tout cela m'inquiète un peu - donc croyez-vous que le patron, l'employeur pourrait, à ce moment-là, dire à sa serveuse ou à son serveur: Tu as eu tant, mais je t'en donne tant, je garde l'autre part pour autre chose? Pensez-vous qu'une chose semblable pourrait être possible?

Mme Laliberté: Moi aussi, j'ai écouté les gens au pourboire et je sympathise beaucoup avec eux, avec leurs problèmes, mais, pour nous, les consommateurs, c'est beaucoup plus un problème de relations de

travail qu'un problème... En fait, cela nous regarde, parce que c'est nous qui en payons les coûts, mais il reste qu'on ne gère pas le restaurant en question, on n'est pas les gérants, on est les gens qui participent, qui ont un service et qui rémunèrent un service. Il y a des problèmes entre les employés, c'est pourquoi on a ajouté la solution que, si les pourboires étaient abolis et si on avait des travailleurs rémunérés, avec les obligations et les avantages que ça aurait pour eux, nous, en tant que consommateurs, on serait conscients qu'on paierait pour quelque chose, mais ça éliminerait tout à fait la notion du pourboire. (11 h 45)

Mme Juneau: Oui. À la page...

Mme Laliberté: Comme ça l'a éliminé, par exemple, dans les stations de service où il n'y a pratiquement plus de pourboires; les gens ne donnent plus de pourboires parce qu'on sait maintenant que ces gens sont mieux rémunérés.

Mme Juneau: À la page 6 de votre mémoire, vous dites que votre organisme est favorable à un taux réduit d'imposition pour le pourboire. Pourriez-vous expliciter davantage cette prise de position et nous dire, par exemple, quel pourcentage vous pourriez recommander?

Mme Laliberté: Là, vous me demandez d'entrer... On ne parle que du principe, parce qu'on se rend compte que les travailleurs au pourboire, ce sont des gens qui travaillent un certain temps, qui ne peuvent pas faire ça éternellement. Ce sont des gens qui travaillent plus souvent l'été, alors qu'il y a du tourisme. Donc, en fait, je ne peux pas dire plus que ce qu'on a dit. C'est dû au fait que ce sont des travailleurs soumis à divers aléas qui sont souvent hors de leur contrôle; quand il n'y a pas de client, il n'y a pas de client. Alors, ils n'ont pas un salaire garanti durant l'année. Ils peuvent avoir de très bonnes années et de très mauvaises années. Donc, si on avait une imposition qui s'ajustait à leur revenu - je ne suis pas fiscaliste, mais je puis peut-être vous dire ce que je pense en tant que consommateur; d'ailleurs, ce que je représente - on pourrait peut-être faire une moyenne pour cinq ans et établir un taux d'imposition sur ces années.

Mme Juneau: Iriez-vous jusqu'à recommander un salaire minimum fixé pour les employeurs?

Mme Laliberté: Le salaire minimum, c'est le seuil de la pauvreté pour à peu près tout le monde, donc je ne peux pas dire que je recommanderais le salaire minimum uniquement; il faudrait quand même qu'il y ait... Si je me situe bien...

Mme Juneau: Non, mais comme base de salaire?

Mme Laliberté: Comme base, il faudrait qu'il y ait autre chose que le salaire minimum. Mais, si je me comporte en tant que consommateur, je me dis que, dans l'industrie, je crois qu'il y a une formation qu'on donne aux gens. Il y a des gens qui étudient en hôtellerie. Alors, est-ce qu'on ne pourrait pas faire participer les restaurateurs, faire en sorte qu'il y ait une formation pour leur personnel et rémunérer les employés suivant des échelons?

Mme Juneau: Mais vous êtes bien au courant que, dans bien des endroits, ils n'ont même pas le salaire minimum. Cela existe.

Mme Laliberté: Je suis d'accord et je vous ai dit que nous pensons qu'il devrait y avoir plus de justice à l'égard des employés au pourboire.

Mme Juneau: Avez-vous une solution pour amener les travailleurs au pourboire à devenir des travailleurs à part entière, ce qui concilierait les intérêts respectifs de l'employeur, de l'employé et du client en même temps?

Mme Laliberté: Je ne pense pas posséder la solution miracle. C'est tout simplement une réflexion de consommateur. À voir et à entendre les problèmes qu'ont les gens au pourboire et les restaurateurs, je me dis: C'est beaucoup plus une question de relations de travail qui cause les problèmes actuels. Je pense que le consommateur est pas mal impuissant à régler les problèmes de relations de travail, ça demanderait une législation. Comme l'a dit la représentante des travailleurs au pourboire tout à l'heure, il faudrait peut-être des études plus approfondies et savoir comment on pourrait procéder.

Mme Juneau: Merci.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Westmount.

M. French: ...

Le Président (M. Desbiens): Vous n'avez pas demandé la parole?

M. French: Non.

Le Président (M. Desbiens): Excusez-moi. M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Madame, il semble que vous voulez suggérer la deuxième solution, soit

que le client marque la facture. Mme Laliberté: Oui.

M. Blank: J'aimerais faire une mise au point. Je pense que la description de la deuxième solution est que le consommateur paie le pourboire directement à la serveuse, mais marque sur la facture ce qu'il a donné...

Mme Laliberté: Les...

M. Blank: Cela veut dire que le patron ne contrôle pas ces fonds.

Mme Laliberté: Je ne pense pas que les modalités nous regardent. Ce que nous voulons c'est conserver le privilège de mettre le pourboire sur la facture, parce qu'on considère que c'est un privilège. Pour le moment, dans la situation présente, on a notre droit de parole, à savoir ce qu'on veut donner et ce qu'on ne veut pas donner. Les modalités, cela regarde le patron et les serveuses. Encore là, c'est une relation de travail.

M. Blank: Vous suggérez aussi que la situation idéale serait un salaire minimum à tous les employés au pourboire et sans pourboire. C'est ce que vous dites?

Mme Laliberté: Oui. Comme je vous dis, pour savoir comment appliquer cette chose, cela prendrait des études et des modifications un peu partout et une entente entre les employeurs et les employés. Je suis certaine que cela pourrait exister.

M. Blank: Cela veut dire qu'au lieu d'avoir un pourboire obligatoire sur l'addition, vous incluriez ce pourboire obligatoire dans le salaire minimum.

Mme Laliberté: En général, le consommateur paie pour les services qu'il reçoit. Quand il achète quelque chose dans un magasin, il sait qu'il y a des frais de service. Il sait qu'il paie pour le bien acquis, mais il sait qu'il paie aussi des frais d'administration et des frais de service. Donc, ce serait la même chose dans la restauration. On saurait qu'on paie des frais de service, excepté que la situation des gens au pourboire serait peut-être uniformisée.

M. Blank: La jeune dame qui était ici juste avant vous, Mme Nemeh, disait que, quand on donne ce pourboire obligatoire de 15%, c'est dans l'intérêt de la serveuse de donner un bon service pour inciter les clients à consommer plus, parce que cela lui donne une commission de 15%. Si on a un salaire minimum, est-ce qu'on va voir cette même initiative des ventes ou des services qu'avec un pourboire obligatoire sur l'addition, qui est vraiment une commission payable à la serveuse?

Mme Laliberté: Je ne comprends pas que vous me posiez cette question, parce qu'on n'a pas parlé de salaire minimum. La question du salaire minimum venait de madame, à savoir si on était d'accord sur un salaire minimum pour les gens au pourboire.

M. Blank: Excusez-moi, un salaire de base.

Mme Laliberté: Ah.' Un salaire de base, oui.

M. Blank: C'est-à-dire que la serveuse sache qu'à la fin de la semaine, elle va avoir tel montant. Avec le pourboire obligatoire, c'est une commission qui varie suivant son travail, dans le sens que, si on prend les remarques de Mme Nemeh, elle sera incitée à donner plus de services pour que le client consomme plus, parce qu'elle fera plus d'argent avec le pourboire.

Mme Laliberté: II y a la loi de la concurrence. Moi, en tant que consommatrice, si je vais dans un établissement où j'ai un mauvais service, je n'y retournerai plus. Donc, si la nourriture est mauvaise, je n'irai plus non plus. Il n'est pas dans l'intérêt de personne, dans la restauration, de donner une mauvaise qualité. Ce serait un très mauvais homme d'affaires s'il agissait de cette façon.

M. Blank: Merci, madame.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Marcoux: II y a un point qui est abordé dans votre mémoire, c'est la question d'une facture universelle, d'une facture imposée ou imprimée par le ministère. On a regardé cette possibilité. Je vais vous donner un peu les premières réactions que j'ai eues de mes collaborateurs qui indiquent que ce serait plus compliqué que simple. En fait, on dit que, s'il s'agissait d'une formule obligatoire et universelle, il faudrait prévoir des descriptions qui tiendraient compte des besoins des entreprises de toute nature, tels que l'enregistrement et le contrôle des transactions, la nature des transactions, les formules qui tiennent compte des commandes et des expéditions, les formules qui tiennent lieu de contrôle interne, le nombre de copies requises. Cela impliquerait un coût énorme. Il nous apparaît impensable et impraticable d'en arriver à fabriquer une telle formule.

Actuellement, plus du tiers de nos mandataires, c'est-à-dire ceux qui perçoivent pour nous, possèdent leurs propres formules

approuvées par le ministère, sans compter un grand nombre d'autres non identifiées par nous. De plus, dans l'ère électronique que nous vivons présentement, les formules disparaissent pour faire place à des transactions inscrites sur machine. Nous avons d'énormes difficultés à faire respecter les exigences de la loi à ce moment. On n'est pas pour imposer un deuxième type de facturation. Notre première réaction, c'est que cela compliquerait probablement plus le système que cela ne le simplifierait actuellement.

Mme Laliberté: Je ne suis pas d'accord parce que, présentement, quand vous payez avec une carte de crédit, vous inscrivez votre pourboire sur l'addition. Qu'est-ce qui ferait que ce serait plus compliqué si c'était universel?

M. Marcoux: Selon les besoins des restaurants ou des hôtels, il y a toutes sortes de types de factures que nous approuvons. Nous approuvons la conception de chaque type de facture élaborée. Par exemple, l'Auberge des Gouverneurs n'a pas nécessairement le même type de factures que le Méridien, etc. Nous approuvons leur type de factures pour identifier les besoins, si cela correspond à nos besoins. Mais compte tenu des multiples types de formules qui existent actuellement, arriver à un formulaire unique de la part du ministère du Revenu nous apparaît difficile. D'autant plus que la tendance est à remplacer les formulaires par un contrôle électronique. Si on prend, par exemple, les restaurants McDonald ou d'autres types de restaurants semblables, où tout est fait à l'électronique maintenant, cela nous apparaît plus difficile.

Mme Laliberté: Alors, en conservant les factures actuelles où on a un article pour la taxe, on peut facilement ajouter un article pour le pourboire. Même sur les coupons de caisse...

M. Marcoux: D'accord.

Mme Laliberté: ... il n'y a rien qui empêche la caissière de nous donner le petit coupon.

M. Marcoux: C'est une question différente. Changer la loi pour permettre d'ajouter partout l'article pourboire avec une taxe, ce n'est pas compliqué, il suffit de l'exiger.

Dans votre mémoire, j'avais cru comprendre qu'il y avait une suggestion afin d'uniformiser la facture, parce que d'autres mémoires ont suggéré cela hier et je n'avais pas eu le temps...

Mme Laliberté: Non. J'ai fait allusion aux autres mémoires qui avaient suggéré... M. Marcoux: D'accord. Mme Laliberté: ... la chose.

M. Marcoux: Pour revenir au choix essentiel que vous faites, vous êtes le premier groupe qui propose d'adopter la formule du pourboire inscrit sur la facture par le client, la formule 5.2. Un des arguments que vous invoquez, par exemple, pour rejeter... Celle qui est la plus proche de cela, c'est la formule 5.3 où il y a une révélation par l'employé de ses propres revenus de pourboires. Vous dites: "Concernant la formule 5.3, les travailleurs ne seront pas tellement mieux protégés qu'en ce moment, leur accès aux divers régimes sociaux ne sera pas universel et l'employeur n'en supportera pas toute sa part." Je ne vois pas comment vous pouvez invoquer cet argument-là puisque, dans la formule 5.3 que nous décrivons, l'employeur serait tenu de cotiser sa part des bénéfices sociaux. C'est la dernière phrase de la page 3 de votre mémoire.

Mme Laliberté: Oui.

M. Marcoux: De la formule 5.3, vous dites: "Les travailleurs ne seront pas tellement mieux protégés qu'en ce moment, leur accès aux divers régimes sociaux ne sera pas universel et l'employeur n'en supportera pas toute sa part." Je ne pense pas que cet argument puisse être retenu si on compare la formule 5.2 à la formule 5.3, c'est-à-dire la formule de la déclaration périodique des pourboires à la formule d'inscription du pourboire sur la facture par le client. Dans les deux cas, dès que les pourboires seraient révélés, l'employeur serait obligé de cotiser.

Mme Laliberté: II y a un autre principe qui entre en ligne de compte, dans notre choix de la formule 5.3, c'est la liberté. Nous n'avons pas dit que, automatiquement, ce serait 15%. Je pense que, présentement, imposer au consommateur 15%, avec les conditions actuelles que l'on vit, c'est beaucoup. Plus la taxe de 10%, plus les 15%. Je ne crois pas que la diminution de taxe soit quelque chose qu'on puisse retenir, qui serait possible, pour notre part, présentement.

M. Marcoux: Dans la déclaration périodique des pourboires, il n'y aurait pas de 15% obligatoire, ce serait le pourboire réel perçu, soit par carte de crédit, soit à la table, par le travailleur qui serait révélé. Je voulais simplement apporter cette précision pour la compréhension de cette formule-là.

Mme Laliberté: Cela suppose toutes sortes de contrôles, toutes sortes de paperasserie et des coûts administratifs beaucoup plus élevés, à notre avis, que le simple fait que le client écrive le pourboire sur la facture. C'est surtout le tralala des mesures administratives que cela entraîne.

M. Marcoux: D'accord. Je veux vous remercier, au nom des membres de la commission, de votre participation à cette commission. On analysera évidemment tous les arguments que vous avez invoqués. Je vous remercie.

M. Blank: Au nom de l'Opposition, je veux vous remercier, madame. C'est très bon d'avoir des personnes qui sont directement visées par les solutions qui seront apportées ici et d'avoir votre opinion sur cette affaire. Merci.

Mme Laliberté: Merci.

Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions.

J'invite maintenant les représentants de la Chambre de commerce de la province de Québec à s'approcher à l'avant, s'il vous plaît. (12 heures)

La Chambre de commerce de la province de Québec

J'aimerais savoir qui est le présentateur du mémoire.

M. Langlois (Charles): Oui, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): Vous êtes monsieur?

M. Langlois: Je suis Charles Langlois.

Le Président (M. Desbiens): M. Langlois, je vais vous demander, pour permettre à tout le monde de vous voir, de vous placer au centre de la table, s'il vous plaît, avant que quelqu'un attrape le torticolis! Ce n'est pas une bonne place pour la Chambre de commerce, à gauche.

M. Langlois, si vous voulez bien présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

M. Langlois: Oui, M. le Président. À ma gauche, M. Jean-Paul Létourneau, vice-président exécutif de la Chambre de commerce de la province de Québec; plus à gauche, M. Marcel Tardif, directeur général aux affaires publiques à la Chambre de commerce de la province de Québec; à ma droite, M. Pierre Lemieux, conseiller économique à la Chambre de commerce de la province de Québec.

M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs de la commission, la Chambre de commerce de la province de Québec était heureuse de confirmer sa participation à cette commission parlementaire et apprécie le fait d'être entendue à ce stade-ci.

Le mémoire de la chambre était essentiellement contenu dans une lettre qu'elle adressait au ministre du Revenu, M. Alain Marcoux, le 1er octobre dernier. À titre de présentation officielle, ce matin, j'en extrairai les principaux passages. De la sorte, on saisira mieux sans doute l'essence même du message que contenait notre communication initiale.

Enfin, je me permets de signaler pour mémoire que la chambre est une fédération de chambres locales et régionales, 200 au total dans tous les coins de la province, lesquelles chambres comptent près de 40 000 membres. La Chambre de commerce de la province de Québec, quant à elle, compte plus de 2900 membres corporatifs dont beaucoup sont impliqués dans le domaine qui nous intéresse ce matin, soit la restauration.

La position de la chambre, d'abord énoncée en novembre 1981, n'a pas foncièrement changé. Elle s'est sans doute mieux définie une fois l'analyse du livre vert faite. Voici donc les observations de la chambre concernant le livre vert sur la situation, au Québec, des travailleurs et des travailleuses au pourboire, publié par le ministère du Revenu en août 1982.

Cette question, de même que les solutions qui y sont suggérées, présente des aspects économiques importants en plus de soulever des questions de principe non négligeables. L'objet de cette intervention est d'analyser rapidement les divers aspects de la question et d'attirer votre attention sur leurs implications pour l'intérêt général de tous les Québécois.

Le pourboire obligatoire. Seulement 7% des employés au pourboire au Québec déclarent leurs revenus de pourboires et à peine plus de 4% de ces revenus gagnés au Québec sont déclarés au fisc. Nul doute qu'il y a là un symptôme d'un problème réel. Nous y reviendrons dans la quatrième partie de cette présentation.

Il ne fait pas de doute que la solution bureaucratique et syndicale qui consisterait à ajouter à toute facture du client un pourcentage fixe de frais de service obligatoires est inacceptable. Voyons-en les raisons d'ordre économique. Premièrement, l'imposition du pourboire obligatoire réduirait les incitations productives des employés au pourboire et diminuerait, par conséquent, l'efficacité et la qualité du service. La fonction économique du pourboire est de créer une incitation directe à donner un bon service aux clients. Songeons aux clients réguliers d'un restaurant. Ils achètent un bon

service avec leurs pourboires et l'existence de ceux-ci assure le propriétaire du restaurant que cette clientèle indispensable sera continuellement bien servie. Il y a certes un élément traditionnel dans le pourboire, mais si le pourboire ne jouait pas cette fonction d'incitation à l'efficacité, les établissements commerciaux où il se pratique l'auraient vite abandonné et remplacé par un prix officiel incluant (comme les autres prix dans l'économie) la rémunération salariale de ceux qui offrent le service.

Deuxièmement, étant donné cette fonction économique du pourboire, on peut s'attendre que l'ajout aux factures de frais de service obligatoires suscite le développement d'un système parallèle de pourboire. Ce pourboire additionnel aurait d'autant plus de valeur qu'il demeurerait, lui, à l'abri du fisc. On peut y penser.

Troisièmement, le pourboire obligatoire entraînerait sans doute une augmentation du prix réel des repas et services assimilés. Non seulement le phénomène décrit précédemment jouerait-il, mais il est possible que le pourcentage obligatoire de frais de service dépasserait le taux actuel moyen du pourboire. Dans son mémoire du 10 novembre 1981 sur le sujet, l'Association des restaurateurs du Québec estime le pourboire moyen à 10% ou 15% de la facture totale. Le taux obligatoire de 15%, que recommande l'Association des employés au pourboire de l'Estrie et que le ministère du Revenu semble d'ores et déjà utiliser pour le calcul de ses avis de cotisation, produirait une augmentation des pourboires et du prix des services en cause.

Quatrièmement, malgré les prétentions de maints groupes syndicaux, il n'est pas impossible que le pourboire obligatoire cause une réduction des revenus des employés au pourboire et ce, pour plusieurs raisons. D'abord, si le prix des repas augmente, la dépense totale des consommateurs pour l'achat de ce service diminuera si l'élasticité de la demande est plus grande que l'unité. Il s'ensuivra une diminution du montant total des pourboires à répartir entre les employés au pourboire. Une fois le fisc passé, le revenu net des employés au pourboire serait certainement diminué par rapport à ce qu'il est présentement. Enfin, les serveurs les plus efficaces et les plus appréciés de leurs clients pourraient voir leur taux de pourboire effectivement réduit par l'application obligatoire d'un taux uniforme.

Cinquièmement, le pourboire obligatoire créerait inévitablement du chômage parmi les employés au pourboire. En effet, il est assimilable à une augmentation du salaire minimum dans cette catégorie d'employés et toutes les études économiques sur le sujet ont démontré que l'effet économique principal de l'imposition d'un salaire minimum est d'obliger les employeurs à mettre à pied les employés les moins productifs et dont la productivité ne justifie pas le taux de salaire obligatoire. Une étude récente du Conseil économique du Canada réaffirme que "presque tout spécialiste sérieux du salaire minimum soutiendrait, en se fondant sur les données disponibles, que ce salaire a réduit l'emploi des travailleurs et surtout des adolescents qui, autrement, gagneraient des salaires peu élevés." Autrement dit, ils auraient gagné un salaire moins élevé, mais, au moins, ils auraient eu un salaire. La justification d'une mesure fiscale qui créerait encore plus de chômage, surtout dans la conjoncture actuelle, nous paraît inexistante.

Sixièmement, il s'ensuit que le pourboire obligatoire entraînerait des effets redistributifs dont la justification n'est pas évidente: le client qui payait auparavant des pourboires peu élevés, pour toutes sortes de raisons, subventionnerait indirectement le service des clients qui avaient l'habitude d'offrir des pourboires supérieurs à la moyenne; les consommateurs, en général, paieraient sans doute des prix plus élevés pour leurs repas; les employés au pourboire verraient leurs revenus diminuer alors que ceux du fisc augmenteraient; plus d'un employé au pourboire, parmi les moins productifs, perdrait son emploi et les employés les plus efficaces subventionneraient ceux qui sont les moins appréciés de leurs clients.

Septièmement, l'augmentation des prix et la réduction de la qualité du service qui s'ensuivraient ne pourraient que nuire à l'industrie touristique québécoise.

Huitièmement, un régime de pourboire obligatoire réduirait et la liberté des consommateurs et la liberté des entreprises de trouver sur le marché les meilleurs formules de coopération. Rien n'interdit présentement à un établissement commercial, s'il jugeait la formule efficace, de faire bande à part et d'adopter un pourcentage fixe de frais de service, alors que la proposition à l'étude interdit à quiconque d'adopter un régime autre que celui du pourboire obligatoire. A vrai dire, on parle beaucoup, de justice sociale et de justice fiscale dans le livre vert, mais pas assez de la liberté et de l'efficacité économique.

Pour toutes ces raisons, la formule d'un pourcentage obligatoire de frais de service nous paraît tout simplement inacceptable.

Les autres formules à l'étude. Le livre vert suggère trois hypothèses de solution, abstraction faite du pourboire obligatoire: premièrement, l'inscription par le client sur sa note du pourboire qu'il choisit de payer, l'employeur comptabilisant ensuite ce revenu additionnel à des fins fiscales; deuxièmement, la déclaration périodique des pourboires par l'employé à son employeur qui les ajoute au salaire de celui-ci et, troisièmement, le

traitement de l'employé au pourboire comme un travailleur autonome soumis à des versements périodiques d'impôt sur ses revenus de pourboires.

Bien que moins économiquement dommageables que la formule du pourboire obligatoire, les formules 1 et 2 nous paraissent inacceptables et ce, notamment, pour les raisons qui suivent. Premièrement, ces formules (celle de l'inscription par le client et deuxièmement la déclaration à l'employeur) imposeraient à l'employeur des coûts additionnels de perception non négligeables. Deuxièmement, en ce qui concerne la seconde hypothèse, comme le pourboire deviendrait une partie du salaire aux fins de l'impôt, l'employeur verrait à augmenter sa propre contribution aux divers régimes sociaux (assurance-chômage, CSST, RRQ, etc.).Troisièmement, les deux premières formules en cause poseraient des problèmes de conformité aux nouvelles obligations ainsi imposées. Dans le cas de la première formule, comme le note le livre vert, certains clients pourraient refuser d'inscrire un pourboire sur la facture, préférant donner à leur serveur préféré un pourboire non officiel et non imposable. Le problème de la deuxième formule se pose du côté des employés au pourboire qui pourraient continuer à ne pas déclarer une partie des pourboires reçus.

Le problème de l'équité sociale. Utilisant le terme équité sociale, le livre vert reprend le problème soulevé par certaines associations d'employés au pourboire concernant l'exclusion des revenus de pourboires dans le calcul des cotisations (y compris patronales) et des prestations d'assurance-chômage, d'assurance-accidents et du Régime de rentes du Québec, de même que l'exclusion des pourboires dans le calcul du revenu à être remplacé par les prestations de la Régie de l'assurance automobile du Québec. Ce problème comporte deux aspects: premièrement, dans la mesure où l'employé au pourboire choisit lui-même de ne pas déclarer ses revenus au fisc, il est malvenu de venir ensuite se plaindre qu'il ne jouit pas pleinement de certains régimes sociaux financés par l'impôt des autres. Il a tout simplement jugé que le coût de l'assurance offerte par le régime social est trop élevé pour les avantages qu'il pourrait éventuellement en retirer. Par exemple, tout employé au pourboire qui veut bénéficier pleinement de la protection salariale offerte par la Régie de l'assurance automobile n'a qu'à déclarer au fisc la totalité de ses revenus de pourboires.

Évidemment, on peut répliquer à cet argument que, dans le cas de l'assurance-chômage, de la CSST et du RRQ, l'employé qui déclare la totalité de ses pourboires ne bénéficiera pas toujours d'une contribution de son employeur en regard de ce genre de revenu qui n'est pas du salaire. C'est vrai, mais, même si la contribution de l'employeur s'ajoutait automatiquement à celle de l'employé au pourboire, il resterait toujours des employés, en plus petit nombre cependant, qui préféreraient se passer de la contribution de l'employeur et cacheraient des pourboires au fisc afin d'obtenir un revenu net immédiat plus important. D'autre part, les employés au pourboire ne peuvent pas et, en toute équité sociale, ne doivent pas avoir à la fois tous les avantages d'un travailleur indépendant et tous les avantages d'un salarié.

Il nous apparaît donc que, si on devait modifier le régime actuel et choisir une formule de rechange parmi celles que propose le livre vert, seule la dernière serait acceptable, à savoir que l'employé au pourboire soit traité par le fisc comme un travailleur autonome avec les avantages et les inconvénients que cela comporte. Selon le livre vert, du reste, le seul inconvénient (autre que d'avoir à déclarer ses revenus et à faire des chèques au fisc) de l'employé au pourboire consisterait alors à payer la cotisation patronale et salariale au RRQ, ainsi qu'à ne pas profiter d'une cotisation d'employeur à la CSST sur ses revenus de pourboires toujours. Hélas, on ne peut pas tout avoir. Au moins, cette solution n'aurait pas les inconvénients économiques majeurs des autres hypothèses proposées.

Le problème de l'équité fiscale. Il est bien clair que, dans ce dossier, le ministère du Revenu est avant tout préoccupé par la perception fiscale. La chambre n'est pas à l'aise avec la notion d'équité fiscale sous-jacente au livre vert. À son avis, l'équité fiscale consiste en ce que personne ne paie trop d'impôt et non pas en ce que tout le monde soit également étouffé par le fisc. Autrement dit, toute réforme fiscale doit viser à alléger les impôts et non pas à les alourdir.

Conclusion. La Chambre de commerce du Québec ne voit pas de raison économique ou philosophique qui justifierait une intervention accrue de l'État dans le marché libre des transactions au pourboire. La chambre recommande donc au gouvernement du Québec de rejeter l'hypothèse des frais de service obligatoires. Le régime actuel lui semble de loin préférable à toutes les hypothèses proposées, mais, s'il fallait modifier le régime actuel et adopter une des hypothèses de solution proposées dans le livre vert, la chambre croit que seule la dernière hypothèse serait acceptable, soit celle qui veut que l'on favorise le traitement des employés au pourboire comme travailleurs autonomes.

M. le Président, c'était là notre présentation. Nous serons heureux de répondre à vos questions, s'il y a lieu. Je vous remercie et vous allez me donner la

permission de diriger certaines de vos questions vers mes collaborateurs.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre. (12 h 15)

M. Marcoux: Je remercie, d'abord, la chambre de commerce d'avoir bien voulu nous présenter un mémoire sur ce sujet très important, je pense, pour de nombreuses entreprises au Québec et pour probablement les deux tiers des Québécois comme clients. Disons qu'avant d'entrer dans des éléments particuliers de votre mémoire, je pense qu'il y a une chose qui doit être soulignée. Parmi tous les mémoires que nous avons reçus, vous êtes le premier et le seul groupe à soutenir que la meilleure solution, c'est le statu quo. J'ai déjà indiqué, hier - je pense que c'est peut-être utile que je le répète aujourd'hui, puisque ce sont d'autres groupes qui sont ici pour participer à nos délibérations - qu'en ce qui me concerne comme ministre du Revenu la seule hypothèse que j'élimine, c'est le statu quo, parce qu'elle ne permet pas d'atteindre les trois objectifs fixés dans le livre vert, c'est-à-dire l'équité fiscale et l'équité sociale, l'essor de l'industrie touristique étant un autre point. Mais le statu quo ne permet pas d'atteindre l'équité fiscale et l'équité sociale. Je trouve que vous en mettez un peu dans le mémoire à certains moments, particulièrement à la page 7, quand vous indiquez au premier paragraphe en haut: "D'autre part, les employés au pourboire ne doivent pas avoir à la fois tous les avantages d'un travailleur indépendant et tous les avantages d'un salarié." Je pense que vous auriez dû ajouter trois mots "ni tous les inconvénients".

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre!

M. Marcoux: Je ne dis pas cela pour avoir des applaudissements, c'est une question par rapport à la situation. Je crois qu'il n'y a personne qui va contester le fait qu'il y a actuellement des inéquités que vivent ces travailleurs, à cause du système fiscal ou du système social que nous connaissons en comparaison à d'autres types de travailleurs. Plus loin - là, j'ai pris cela pour un mot d'humour; j'ai pensé que vous aviez écouté des dialogues d'Yvon Deschamps - vous dites: "À notre avis l'équité fiscale consiste à ce que personne ne paie trop d'impôt et non à ce que tout le monde soit également étouffé par le fisc." C'est bien sûr que c'est facile de faire de l'humour sur le fisc, etc. Dans tous les États, je suis convaincu que c'est comme cela. Je me serais attendu que, dans un mémoire de la chambre de commerce, on ait des propos plus réalistes sur le rôle du fisc dans n'importe quelle société moderne. En tout cas, je ne crois pas qu'il y ait un seul ministre du Revenu, dans un pays occidental, qui voie son mandat comme étant d'étouffer le contribuable, que ce soit le contribuable corporatif ou le contribuable citoyen. Cela dit, c'est plutôt une introduction. Si vous vous êtes permis de l'humour, j'ai cru bon m'en permettre aussi un peu.

Revenons à l'essentiel de votre mémoire; l'essentiel, c'est concernant la crainte que vous avez quant à un pourboire obligatoire ou à des frais de service obligatoires. Vous invoquez plusieurs arguments sur les conséquences négatives que pourraient avoir ces frais de service obligatoires et plusieurs de ces arguments ont été évoqués hier.

La première question est la suivante: Hier, l'Association des restaurateurs, dans son mémoire, nous a indiqué qu'elle était prête à collaborer pour percevoir les impôts que les travailleurs au pourboire auraient à verser normalement sur les pourboires qu'ils reçoivent qui sont considérés comme revenus. Même cette association disait: Nous serions prêts à payer, nous considérons de notre responsabilité sociale de payer pour les accidents de travail sur la part des pourboires.

Je sais que vous défendez plutôt le statu quo, c'est clair, et vous avez parfaitement le droit de le défendre. Si l'on regarde la complexité des intérêts en jeu et des solutions tellement opposées possibles, cela serait facile de dire: C'est le statu quo et cela continue comme cela. Si j'élimine l'hypothèse du statu quo, quelle est votre réaction face à cette attitude de l'Association des restaurateurs, qui disait qu'elle était prête à percevoir et à assumer la part des bénéfices sociaux de la CSST sur les pourboires?

M. Langlois: M. le ministre, à notre point de vue, c'est une prise de position par l'Association des restaurateurs qui est défendable, qui est logique et que nous soutenons, nous approuvons et nous appuyons. C'est un des moyens d'atteindre l'équité sociale dont on parle dans le livre vert. Tout le monde est bien d'accord. Vous avez attribué à l'humour vos remarques du début; je vais les prendre comme telles. Tout le monde comprend ou admet que les travailleurs au pourboire ne bénéficient pas des services sociaux ou des avantages dont bénéficient les autres travailleurs. Les moyens qui permettraient à ces travailleurs de profiter au moins de certains de ces services qui n'imposeront pas de contraintes, de nouvelles contraintes ou des obligations aux consommateurs - si les restaurateurs veulent faire leur part. Il est bien évident que les consommateurs s'attendent à payer un peu plus si les restaurateurs décident ou trouvent le moyen d'y contribuer, de participer. Je pense que cela fait partie des

règles du jeu.

Ce contre quoi nous en avons c'est l'obligation de verser un certain pourcentage de pourboires sur des factures ou sur des services qu'on achète. C'est cela qui est notre objection première. Je ne sais pas si M. Létourneau aurait quelque chose à ajouter.

M. Létourneau (Jean-Paul): M. le Président, il y les restaurateurs qui ont exercé leur libre choix lorsqu'ils sont venus ici. Il y a aussi beaucoup d'autres secteurs d'activité qui sont touchés. Je ne sais ce qu'en diront les hôteliers, et d'autres employeurs. Mais nous préconisons plutôt -comme il est écrit dans le mémoire, à la quatrième solution - la solution du travailleur autonome. Dans cette solution nous ne savons pas jusqu'où ira la définition de travailleur au pourboire. Il y a une définition qui existe présentement. Est-ce qu'elle sera élargie, est-ce qu'elle sera différente? Cela, nous ne le savons pas.

L'opinion que nous avons émise ici était en fonction de la perception que nous avions de la situation chez tous nos membres y incluant les restaurateurs. Lorsqu'ils ont débattu la question avec vous, ils ont convenu d'une solution. Ils ont convenu qu'ils étaient prêts à faire certaines concessions, mais nous ne savons pas dans quelle mesure les autres personnes concernées seraient prêtes à le faire. Nous essayons ici de représenter la position de l'ensemble de nos membres qui sont touchés par la question.

M. Marcoux: Quand vous parlez des possibilités de changement à la définition des travailleurs autonomes, vous entendez quoi?

M. Létourneau: Pas des travailleurs autonomes, des travailleurs au pourboire.

M. Marcoux: Oui. Les travailleurs au pourboire face à la formule des travailleurs autonomes. Qu'est-ce que vous vouliez indiquer?

M. Létourneau: II y a une définition qui semble être reconnue par le livre vert. On fait des limites, mais il y a beaucoup d'autres personnes que celles qui sont mentionnées là qui sont des travailleurs au pourboire. Ce n'est pas toujours officiel. Quand j'ai déposé mon paletot au vestiaire en rentrant ici, j'ai laissé un petit quelque chose. Je ne suis pas sûr que ces personnes déclarent des pourboires.

M. Langlois: Le portier de l'hôtel, celui qui transporte vos bagages à l'hôtel reçoit un pourboire.

M. Létourneau: Si le fisc se fait inquisiteur, il pourrait essayer de rejoindre tous ces gens-là. En fait, il nous semble qu'il y en a beaucoup plus que ceux qui sont identifiés dans le livre vert.

M. Marcoux: Une autre question. C'est un commentaire que je solliciterais de votre part. Il y a plusieurs groupes, autant des groupes de représentants d'employés que de propriétaires d'entreprises, qui nous ont dit qu'il ne serait pas mauvais, qu'il serait même probablement bon, qu'il y ait une élimination peut-être de 1000 ou 2000, 3000 établissements dans le secteur de la restauration et de l'hôtellerie. J'aimerais avoir votre réaction sur ce qui nous a été souligné hier dans cette perspective.

M. Létourneau: Nous croyons que, si c'est une bonne chose, le marché va s'en charger, c'est-à-dire que, si ces gens-là n'ont plus de place, s'ils sont de trop dans un marché, éventuellement ils vont disparaître. Il n'y a pas d'autre choix.

M. Marcoux: Je veux bien comprendre là. On ne demandait pas au gouvernement de les fermer mais on disait que si nous adoptions des mesures dont le coût financier serait trop élevé pour l'entreprise, ce serait la conséquence. Par exemple, on disait: Si le pourboire devient obligatoire, ce sera 15% automatiquement du chiffre d'affaires de plus pour l'entreprise, mais elle paie en conséquence des avantages sociaux. Il faut donc qu'elle augmente ses taux ou qu'elle en supporte une partie des coûts. Comme la marge bénéficiaire du secteur actuellement est très mince actuellement, il y aurait alors une élimination de peut-être 5%, 10%, 15% ou 20% des entreprises dans ce secteur. Autant des représentants syndicaux que des représentants de travailleurs au pourboire en association semblaient voir ça de façon positive, à l'exception d'un particulier, hier, qui nous a décrit de façon plutôt dramatique les effets que ça aurait.

M. Létourneau: M. le Président, nous ne pouvons pas accepter que la faillite ou l'obligation pour une entreprise de fermer ses portes soit une situation positive dans le marché lorsque ceci est attribuable à des charges fiscales. Pour d'autres raisons, on peut penser que ce serait utile, mais nous estimons que le meilleur juge de cette situation, c'est le consommateur qui vote avec ses pieds. Il y va ou il n'y va pas et, finalement, l'établissement survit ou ne survit pas, suivant la qualité de ce qu'il offre au consommateur, suivant l'appui qu'il a des consommateurs et suivant l'habileté de son dirigeant à gérer l'entreprise.

M. Marcoux: Ce sera ma dernière question. Si les travailleurs au pourboire bénéficiaient de l'ensemble des avantages

sociaux dont les autres travailleurs bénéficient sur la partie de leur revenu que constitue le pourboire, hier, on évaluait rapidement avec les gens impliqués que cela représenterait une hausse de 13% de leur contribution aux avantages sociaux, c'est-à-dire, l'assurance-chômage, la CSST, la Régie des rentes du Québec et que, par rapport au chiffre d'affaires, cela impliquerait une augmentation de 2% à 3% de leurs coûts globaux. Les 13%, c'est sur les salaires, mais par rapport aux coûts globaux, ce serait de 2% à 3%. Quelle est votre évaluation, en tant que familier du milieu des affaires en général, des effets actuels d'une décision possible en ce sens, qui impliquerait une hausse de 2% à 3% des coûts de fonctionnement de ce secteur?

M. Létourneau: M. le Président, dans les conditions actuelles, ce serait désastreux pour un très grand nombre d'entreprises parce que, comme on l'a dit, les marges bénéficiaires sont très minces et il y a même des gens qui continuent d'exploiter leur établissement strictement parce qu'ils avaient prévu les coûts et qu'ils sont dans une excellente situation de ratio dette-équité. Autrement dit, on continue les activités un peu avec le vieux gagné, pour employer une expression bien connue chez nous. Alors, c'est certainement absolument inopportun et ça l'est aussi dans d'autres secteurs que la restauration, dans plusieurs autres; ce serait peut-être encore pire dans d'autres secteurs que celui de la restauration.

Maintenant, M. le Président, c'est peut-être un peu humoristique, comme l'a souligné le ministre, cette remarque, mais au sujet du fardeau fiscal, depuis déjà un bon moment, nous répétons à l'appareil gouvernemental -ici, évidemment, ce n'est peut-être pas le meilleur endroit pour le dire parce que le ministre du Revenu a le mandat d'exécution; il n'a pas le mandat de décision au départ, à savoir ce qui est le fardeau fiscal - qu'il est tellement élevé maintenant que c'est pour ça que, s'il doit y avoir une réforme, c'est vers l'allégement du fardeau fiscal.

M. Marcoux: Sur ça, je suis entièrement d'accord.

M. Létourneau: Plus il s'élève, plus c'est difficile à supporter et plus ça devient aussi socialement difficile à supporter, plus ça favorise l'évasion fiscale, le travail au noir et toutes sortes de choses du genre.

M. Marcoux: Sur cette perspective globale par rapport au poids du fisc actuellement et à ce qu'il devrait être, je suis entièrement d'accord avec vos propos. C'était le contexte du paragraphe que j'ai lu qui disait, en somme: Laissez-leur donc la paix, vous étouffez assez de monde, par ailleurs. C'est à peu près ça.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Viger.

M. Maciocia: Merci, M. le Président. Si je comprends bien, dans votre mémoire, vous favorisez le maintien de la liberté de choix dans trois choses: premièrement, le lieu de consommation du client; deuxièmement, le lieu de travail du travailleur et, troisièmement, le prix fixé par le propriétaire de l'établissement. Comme deuxième question, je vous demanderais si vous avez fait une étude ou si vous savez quel impact aurait un pourboire obligatoire de 15% sur l'industrie touristique au Québec. (12 h 30)

M. Létourneau: M. le Président, je vois que le député a bien lu notre mémoire et en a saisi l'essentiel. C'est effectivement ces trois objectifs fondamentaux que nous favorisons.

Pour ce qui est de l'impact sur l'industrie touristique, nous n'avons pas d'étude chiffrée parce que, d'abord, les conditions changent pratiquement de jour en jour présentement. Par exemple, la situation d'occupation des établissements hôteliers, la situation du chiffre d'affaires des établissements de restauration étant en constante évolution, et malheureusement à la baisse ces temps-ci, font changer toutes sortes de ratios. Nous ne sommes pas en mesure - je pense que même un expert qui le ferait devrait se référer aux chiffres officiels qui datent déjà d'au moins un an, et les chiffres actuels sont complètement changés par rapport à ceux d'il y a un an -de dire plus que ceci: L'effet serait désastreux pour un très grand nombre d'entreprises dans le secteur de la restauration et de l'hôtellerie et, d'une façon générale, dans l'industrie touristique.

M. Langlois: Permettez-moi, M. le Président, une remarque d'ordre pratique. Je suis de ceux qui se déplacent régulièrement et qui ont, évidemment, à s'alimenter dans les restaurants. Évidemment, au retour des déplacements d'affaires, lorsqu'il faut faire le compte des dépenses et le soumettre au contrôleur pour approbation, on nous reproche ou on nous fait remarquer des frais de 15% de service sur les factures actuelles des restaurants, compte tenu du coût élevé des factures de restaurant. Les gens qui sont dans les services financiers de nos entreprises nous disent: Écoutez, soyez un peu plus discrets, soyez un peu plus économes; au lieu de 15%, allez-y à 12% parce que, justement, le montant des factures de restaurant est déjà très élevé. Il faut tenir compte du fait que l'imposition d'un pourcentage devient un facteur

d'indexation automatique à mesure que les coûts des factures de restaurant augmentent; c'est un facteur dont il faut tenir compte.

M. Marcoux: Vous confirmez les témoignages qu'on a eus hier à l'effet que le pourcentage des pourboires des clients diminue actuellement; c'est un autre indice que vous nous donnez de la véracité de cette affirmation.

M. Langlois: Absolument. C'est que, l'an passé, pour deux repas qui coûtaient 7,50 $ chacun, pour un total de 15 $, si on donnait 15%, cela faisait 2,25 $ si mon calcul est bon. Ces deux mêmes repas maintenant sont rendus probablement à 10 $ ou Il $, ce qui fait 22 $; alors 15% de 22 $... Alors, ce qu'on est obligé de faire, à cause justement de la situation économique actuelle, c'est de comprimer ce qu'on peut comprimer.

Le Président (M. Desbiens): Mme la ministre.

Mme Marois: Je suis un peu sidérée, je dois vous dire, en lisant votre mémoire quand vous dites: "On en reste au statu quo." Je pense que, comme représentants d'entreprise, vous devez aussi admettre qu'il y a une espèce de code d'éthique, généralement reconnu, dans le monde de l'entreprise, à savoir que pas seulement le gouvernement, pas seulement des associations, mais l'ensemble des partenaires d'une société a un certain nombre de responsabilités sociales vis-à-vis de cette société. Dans le cas d'une entreprise, évidemment, ce sont des responsabilités qui s'assurent par l'activité proprement économique de l'entreprise, mais aussi par une certaine équité vis-à-vis des travailleurs et des travailleuses de cette entreprise. Alors, votre mémoire m'étonne, en fait, pas un peu, mais beaucoup sous cet aspect. Plusieurs chefs d'entreprises, d'ailleurs, défendent cette philosophie et cette approche des responsabilités sociales. Je ne la retrouve pas beaucoup ici.

Dans le fond, ce qui m'agace, c'est qu'à la page 6, vraiment, vous refusez carrément d'arriver à participer à part égale aux régimes sociaux auxquels les employés voudraient eux-mêmes participer. Si vous dites qu'ils sont des travailleurs et qu'une partie du pourboire est une partie de la rémunération de leur travail, je me dis que l'employeur devrait donc reconnaître, lui aussi, une participation à part égale avec le travailleur. Mais, c'est complètement exclu de votre approche et pour tous les régimes, à ce que je comprends.

M. Langlois: M. le Président, il a été dit dans un mémoire qui a été présenté avant le nôtre que si les conditions de travail et de salaire des employés qui reçoivent des pourboires présentement étaient ajustées de façon que ces gens reçoivent un salaire qui leur permette de contribuer aux différents régimes sociaux gouvernementaux et aussi, par le fait même, que les employeurs contribuent à ces régimes - on contribue présentement en vertu du salaire minimum - les règles du jeu seraient établies. Ce qu'on semble oublier et ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que le pourboire a pris son origine dans un geste libre qui récompense le service et qui récompense l'affabilité de la personne qui donne le service à un client dans un établissement. On veut en faire maintenant une rémunération obligatoire. On est contre cela.

Mme Marois: II faut reconnaître aussi qu'à partir de cette législation, ce qu'on disait - à moins que je ne sois complètement dans les patates - c'est qu'il y avait une partie de salaire qu'on allait chercher, puisque justement on mettait le salaire différent du salaire minimum. Donc, il y a une partie de salaire dans cela. Il n'y a pas que l'amabilité et tout le reste des personnes qui font le service. Vous admettrez cela avec moi aussi. Non? Oui?

M. Létourneau: C'est-à-dire que non, pas selon la loi, Mme la ministre. Ce n'est pas notre perception. Notre perception, c'est que l'employé bénéficiant de cette gracieuseté du client, reçoit cette gracieuseté en fonction, comme notre président vient de l'exprimer, de son amabilité ou de son service, au-delà de ce qu'on espérerait si cela n'existait pas. Alors, le fait que vous ayez soulevé cette question vis-à-vis de la responsabilité sociale tombe fort à point, puisque notre organisme vient tout juste de rendre public, avant-hier, un rapport dans lequel justement nous parlons de la responsabilité sociale de l'entreprise. Nous disons, entre autres, qu'une des choses les plus importantes et fondamentales, c'est de respecter la loi. Nous ne sommes pas ici pour représenter ceux qui ne respectent pas la loi; nous sommes ici pour représenter ceux qui la respectent et pour promouvoir leurs intérêts.

Il y a une autre dimension que nous reconnaissons dans la responsabilité sociale de l'entreprise, c'est celle de participer au débat démocratique, c'est-à-dire d'exprimer les points de vue de ceux que nous représentons avant que la loi soit faite, c'est-à-dire de venir vous dire leur pensée, leurs observations vis-à-vis des projets gouvernementaux. C'est ce que nous faisons, ce matin, sur cette question.

Mme Marois: Je suis d'accord avec vous. Je crois que les principes que vous

avez énoncés sont justes, cependant ils peuvent être élargis aussi.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Westmount.

M. French: M. le Président, je voudrais poursuivre la question des problèmes d'ajustement qui suivraient l'imposition des frais de service obligatoires plus particulièrement, les problèmes d'ajustement du marché du travail. D'après ce que je dois croire, il y aurait une réduction significative du nombre d'établissements advenant que la solution de frais de service obligatoires soit retenue.

Hier, j'ai été frappé par la confiance relative des porte-parole des employés, à savoir que, malgré une certaine évolution quant aux établissements actuellement existants, à la fin, on aboutirait à un niveau d'emploi sensiblement pareil au niveau actuel, c'est-à-dire qu'il y aurait une rationalisation, mais que cette rationalisation affecterait uniquement les employeurs et n'affecterait pas tellement les employés. J'aimerais bien vous entendre sur ce processus d'ajustement qui suivrait. Comment cela se dessinerait-il? Quels seraient les changements dans la structure de la demande et, plus particulièrement, en termes microéconomiques pour le niveau d'emploi?

M. Létourneau: M. le Président, je pense que cette confiance qui a été exprimée dans le fait que cela ne diminuera pas le nombre d'emplois est sans doute à courte vue et beaucoup trop optimiste. Depuis quelques années, le salaire minimum -parce que, en fait, cela équivaudrait à remonter un salaire minimum - a été une cause de chômage et les conséquences, lorsqu'on le hausse, c'est de créer du chômage.

Nous avons l'avantage d'avoir avec nous ici un économiste qui connaît bien la question et je lui demanderais, s'il a quelques observations, d'ajouter des informations plus spécifiques sur ces données.

Le Président (M. Desbiens): M.

Lemieux.

M. Lemieux (Pierre): Ce que je peux ajouter tout simplement, c'est que tous les économistes qui ont étudié la question de l'impact du salaire minimum sur l'emploi, même ceux qui partaient de préjugés idéologiques différents, en sont arrivés à la conclusion que le salaire minimum créait du chômage parmi les gens dont la productivité, pour une raison ou pour une autre, ne justifie pas le paiement du salaire minimum imposé. Pierre Fortin lui-même, dans son étude publiée il y a deux ans, avait conclu qu'à peu près deux points du pourcentage du taux de chômage, sur les 8% ou 9% qui existaient à l'époque, étaient causés par le salaire minimum. Alors, il n'y a pas de doute que, si on adopte des mesures qui, parmi une catégorie d'employés comme les travailleurs au pourboire, augmentent en fait le salaire minimum, on va créer du chômage parmi ces gens-là; que les gens dont la productivité, à cause de l'endroit où ils travaillent ou à cause de toutes sortes de raisons, ne justifie pas cette rémunération se retrouveront à pied.

Le Président (M. Desbiens): Avez-vous terminé?

M. Lemieux: Oui.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Terrebonne.

M. Blais: À l'instar du ministre à ma gauche, je trouve le rapport assez modéré, bien sûr. Ce qui est curieux, c'est que, dans la situation des employés au pourboire, il faut qu'on accepte que, dans le pourboire, il y a une partie du salaire, que ce soit selon la loi ou pas. Cette commission parlementaire, en fait, est presque pour établir indirectement une convention collective. Il arrive ceci, c'est qu'on voit que, dans le patronat, chez les syndiqués et chez les employés au pourboire, il y a vraiment un affrontement direct et deux idées complètement différentes sur la situation. Bien sûr, parmi les employés au pourboire, il y a un groupe de privilégiés, très privilégiés, qui se font une petite fortune. Ils sont très peu nombreux, ces employés qui font une petite fortune en pourboires et qui ne le déclarent pas au fisc. Je suis d'accord avec cela, il y en a très peu. La plupart d'entre eux travaillent, vu que les pourboires descendent de plus en plus au prorata de la facture qui est présentée, à un salaire presque de famine dans le contexte actuel. C'est sûr aussi que, dans le contexte socio-économique que nous vivons, la restauration subit, elle aussi, la crise économique et les contrecoups du choc de la crise que nous subissons. Cependant, il ne faut tout de même pas penser que la remontée reviendra très vite. L'enrichissement collectif a doublé tous les 7 ans depuis les 42 dernières années. On prétend, selon les économistes, que cela prendra, dans l'avenir, entre 20 et 40 ans avant que nous doublions notre richesse. Si les employés dont nous parlons ici ont un salaire très bas actuellement, si on le compare aux autres, extrêmement bas, et qu'indirectement - ce n'est pas péjoratif, ce que je vais dire - ils subventionnent le patronat en ayant un salaire inférieur, ils se font payer une partie de leur salaire par leurs pourboires. On paie indirectement un

salaire à ces employés par nos pourboires. (12 h 45)

J'ai bien l'impression, qu'on le veuille ou non, qu'il va falloir qu'on trouve une solution. Je ne sais pas laquelle. Soit qu'on augmente les salaires, que le service qui est inclus dans les 15% tombe et qu'il ne reste que le pourboire réel qu'on rencontre en Europe, 2% ou 3%, dont le fisc ne s'occupe pas, soit qu'on s'entende ensemble pour une participation au pourboire direct sur les factures; sinon, je pense qu'on va rester dans une injustice sociale et dans des évasions fiscales des deux groupes concernés. Je ne sais pas ce que vous pensez de la situation.

M. Létourneau: M. le Président, nous avons fait le choix de vous proposer une solution qui n'augmenterait pas ou contribuerait le moins possible à augmenter le chômage. Nous l'avons dit tantôt et même les experts-conseils du gouvernement l'ont dit: N'augmentez pas le salaire minimum, en particulier dans les conditions actuelles. Nous admettons qu'il y a des gens à très bas salaires dans cette catégorie de travailleurs, mais c'est peut-être mieux qu'ils aient un tel emploi que de ne pas en avoir du tout. Nous vous disons que la solution de monter de 15%, automatiquement, comme cela, c'est susceptible d'accentuer la situation de chômage.

Le Président (M. Desbiens): Oui, M. Langlois.

M. Langlois: J'aurais juste un commentaire à faire. Il faut tenir compte qu'il y a différentes catégories dans le domaine de la restauration. Pour autant que nos membres sont concernés, c'est une préoccupation que nous avons. Il y a les grands restaurants des centre-ville où la pratique des 15% a déjà été courante; elle a peut-être tendance à diminuer maintenant à cause des conditions économiques, mais cela se situe entre 10% et 15%. Mais nous ne devrions pas oublier le petit restaurateur de quartier dans une ville moyenne de la province qui fait affaires avec la clientèle locale à tous les matins ou qui ramasse les travailleurs du secteur le midi pour le lunch. Ces gens peuvent contribuer de façon bien honnête, de façon bien volontaire à 7% ou 8% de pourboire à la serveuse ou au serveur qui leur rend service. Quel impact cela aurait-il sur ce petit entrepreneur, qui mène son restaurant probablement avec son épouse, d'imposer à sa clientèle 15% de pourboire sur la facture? Il faut penser à cela.

M. Blais: De quelle façon?

Le Président (M. Desbiens): Oui, sur la même question?

M. Blais: Une seconde, toute courte, toute courte. Si jamais le taux de 10% de taxe était abaissé et comptait dès le premier cent, quelle serait la réaction de la chambre de commerce? Si cela comptait dès le premier cent plutôt que de partir à 3,25 $ pour les 10% de taxe sur les factures, quelle serait votre réaction?

M. Létourneau: M. le Président, notre position actuelle, c'est plutôt d'indexer ce chiffre.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Westmount.

M. French: Très brièvement. J'ai pu déceler dans l'intervention de mon ami, le député de Terrebonne, une hypothèse ou une présomption qui, je crois, est trompeuse; c'est que les employés subventionnent le patronat. Je pense que les employés subventionnent le consommateur, actuellement. Le patron, c'est la viande dans le sandwich. On veut certainement améliorer la situation de l'employé, absolument.

M. Marcoux: L'important dans cela, c'est que c'est un sandwich, les trois sont liés.

M. French: Assurément, les trois sont liés. Je voudrais tout simplement souligner que la décision a été prise - soyons honnêtes - non pas à la suite de revendications des employés, revendications hautement justifiées, mais à la suite d'une sensibilisation de l'État envers une évasion fiscale à un moment où l'État est à court d'argent et qu'il y a une situation qu'il faut améliorer. Ce n'est pas en identifiant les bons et les mauvais, comme certains intervenants nous ont invités à le faire, qu'on va régler le problème. On ne va certainement pas servir les intérêts des employés en rationalisant une industrie extrêmement diverse, extrêmement précaire en plein milieu de la pire crise depuis les années trente. Cela, je pense que c'est important. Je n'endosse pas le ton du mémoire qu'on vient de recevoir, mais j'endosse presque tout l'arsenal économique qu'il y a là-dedans parce que je pense que ce n'est pas en faisant des discours d'un côté ou de l'autre, en créant des bons et des méchants, qu'on va réussir à voir clair et à trouver une solution qui va préserver autant d'emplois que possible et qui va régler les autres problèmes et les injustices sociales et fiscales.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Marcoux: Je vais commencer là où le député de Westmount a terminé. Il l'a précisément indiqué et, moi aussi, je veux

mettre entre parenthèses le ton du mémoire pour retenir l'essentiel de son contenu. Parce que, sur le ton, je partage la réaction des collègues un peu, fondamentalement. Avant que vous fassiez un commentaire, je vais peut-être poser une dernière question. Si ce n'était pas de la situation économique actuelle ou de la conjoncture dans laquelle cela se pose, sur la question de principe de la responsabilité sociale de l'entreprise face aux paiements de sa part des avantages sociaux, attachée au pourboire, quelle serait votre attitude?

M. Létourneau: M. le Président, il nous semble que le raisonnement que nous avons fait dans notre mémoire s'applique quelle que soit la situation économique. L'approche que nous avons faite est à partir de ce qui existe, de la nature du pourboire, de ce que c'est le pourboire et des conséquences de hausser le salaire minimum à toutes fins utiles. Les conséquences du chômage qui se vérifient même dans une conjoncture meilleure que celle que nous vivons présentement.

M. Marcoux: Je vous remercie. Cela répond à ma question. Le commentaire que je voulais faire, c'est un commentaire que j'ai déjà fait hier. Je pense que c'est important peut-être de le redire aujourd'hui. Vous pouvez être assuré qu'avant que je me décide à faire toute recommandation au Conseil des ministres, je vais m'assurer des conséquences profitables de l'expertise des autres ministères impliqués dans le dossier, en particulier du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Je vais m'assurer qu'on mesure bien les conséquences économiques de toute décision qui pourrait être prise.

M. Létourneau: Merci beaucoup.

M. Marcoux: Je peux vous assurer à ce sujet que j'ai la même préoccupation que vous avez face à la création ou à la sauvegarde d'emplois à la suite de toute décision qui pourrait être prise ou de toute solution qui pourrait être trouvée, et comme je l'ai indiqué hier, je sais que nous avons les moyens de déterminer en gros les conséquences économiques, sur un secteur industriel, de meures que nous pourrions prendre.

Évidemment, nous allons mesurer le reste des inconvénients. Je pense que toute solution qui pourrait être trouvée va certainement avoir des inconvénients pour certains groupes ou une partie des groupes, mais je reviendrai à la comparaison utilisée par le député de Westmount et je vais terminer sur ceci. C'est que c'est vraiment un sandwich en ce sens que dans un sandwich, il y a ordinairement deux tranches de pain et il y a quelque chose entre les deux; c'est dire que les trois sont liés. Et je pense que dans cela, il faut tenir compte de la perspective des employeurs, des travailleurs, du consommateur et je n'oublie pas non plus l'intérêt du ministère du Revenu. C'est quand même nous qui sommes à l'origine de ce débat actuellement. Par conséquent, puisqu'il n'y a pas eu révélation des revenus en totalité, vous pouvez être assuré qu'on est conscient de toutes les dimensions du problème.

Le Président (M. Desbiens): M.

Létourneau.

M. Létourneau: Je voudrais simplement dire que nous apprécions beaucoup les derniers propos de M. le ministre. Nous le remercions de bien vouloir - nous croyons que c'est très sage de sa part - faire les études qu'il mentionne. D'ailleurs, nous demandons cela depuis un bon moment, au stade de la préparation des lois et nous apprécierions beaucoup que le résultat de ces études soit rendu public au moment du dépôt de toute modification éventuelle à cette situation.

M. Marcoux: Vous feriez un bon député de l'Opposition. Parce que, hier, la même chose à été demandée. J'ai indiqué que dans la mesure où c'était d'intérêt public, je n'avais aucune objection à le faire, au contraire.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Westmount.

M. French: M. le Président, en remerciant la chambre de commerce, je voudrais aussi signaler au ministre et je vais le faire lorsqu'il écoutera, que son engagement hier c'était de rendre publique l'étude d'impact économique de la solution retenue, et il n'y avait pas de caveat par rapport à l'intérêt public.

M. Marcoux: Vous relirez le journal des Débats, M. le député de Westmount. On ne fera pas de débat sur cela.

M. French: Non, mais vous me direz tout de suite ce que sont les conditions de votre engagement, je suis prêt à écouter. Le caveat c'est quoi?

M. Marcoux: À moins que je juge que cela ne soit pas d'intérêt public. C'est cela que j'ai dit hier.

M. French: Bon. Comment? Dans quelles circonstances?

M. Marcoux: C'est exactement ce que prévoit le règlement de la Chambre.

M. French: Ce n'est pas une question de règlement de la Chambre, c'est une question de votre engagement.

M. Marcoux: L'engagement vous pourrez le relire.

M. French: Je ne vous le demande pas en Chambre, je vous le demande ici, après un engagement que vous avez fait.

M. Marcoux; L'essentiel, à part de faire cette petite discussion, c'est qu'hier j'ai indiqué, au moment où il a été discuté des conséquences possibles en termes de création ou de perte d'emplois, de toute mesure qui pourrait intervenir à cause des coûts sur l'entreprise et la situation actuelle, que je ne ferais aucune recommandation au Conseil des ministres sans avoir bien mesuré les conséquences économiques de toute décision qui pourrait être prise ou toute solution qui pourrait être trouvée. C'est cela l'engagement que j'ai pris et que je vais respecter.

M. French: À la suite de mon intervention, il me semble que vous avez pris un engagement un peu plus poussé.

M. Marcoux: Non. J'ai dit que, dans la mesure où cela serait d'intérêt public, je n'avais pas d'objection à rendre ces...

M. French: Dans quelles circonstances cela ne serait pas d'intérêt public? Dans quelles circonstances cela pourrait-il arriver que cela ne soit pas d'intérêt public? Je ne demande pas votre "briefing" au Conseil des ministres. Je vous demande une étude de l'impact économique.

M. Marcoux: Je pense que cela ne donne rien de répondre à une question hypothétique.

M. French: Quelle question hypothétique? La question que je vous ai posée quant aux conditions?

M. Marcoux: À savoir, si je jugerai que c'est d'intérêt public que ce soit rendu public ou non, c'est à ce moment que je déciderai.

M. Blank: Je veux simplement attirer l'attention du ministre et faire une comparaison. Ici on a un gouvernement transparent social-démocrate qui fait des caveat. En Ontario on a un gouvernement conservateur. Il y a un règlement à l'effet que toute étude qui donne suite à une décision du cabinet est rendue publique aux membres de l'Opposition.

M. Marcoux: La loi no 65 pourvoit ceci et bien avant les autres gouvernements, et elle va s'appliquer au fur et à mesure des délais prévus dans la loi.

Le Président (M. Desbiens): M. Langlois.

M. Blank: C'est une loi de la Législature: Que tout document, même du cabinet, qui donne suite à une décision soit rendu public.

M. Langlois: On va laisser un pourboire après le débat.

Le Président (M. Desbiens): M. Langlois.

M. Langlois: M. le Président, je voudrais tout simplement vous dire qu'au nom de mes collaborateurs et de l'organisme que je représente, nous vous remercions de nous avoir entendus ce matin. Nous faisons abstraction des commentaires quant au ton de notre mémoire et des autres qualificatifs. Tout simplement nous réitérons notre attachement au système démocratique qui nous permet de nous faire entendre.

Merci.

Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions de votre participation.

Après la période des questions, la commission élue permanente du revenu reprendra ses travaux, ici même, en cette salle 81-A, vers 16 heures.

La commission élue permanente du revenu suspend ses travaux.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise de la séance à 16 h 10)

Le Président (M. Gagnon): La commission élue permanente du revenu est réunie aux fins d'entendre des personnes et organismes en regard du livre vert sur la situation du travailleur au pourboire au Québec. Est-ce que j'ai besoin de refaire l'appel des membres? Ce sont les mêmes membres que ce matin, il n'y a pas de changement.

À la suspension des travaux, nous en étions rendus au mémoire de l'Association des hôteliers, restaurateurs et propriétaires de bars, le mémoire no 24. Je demanderais à M. Richard Blais ainsi qu'à son groupe de s'approcher, s'il vous plaît, à la table.

M. Richard Blais, je vous souhaite la bienvenue à cette commission. Si vous voulez nous faire la lecture ou le résumé de votre mémoire.

Association des hôteliers, restaurateurs et propriétaires de bars

M. Blais (Richard): Oui, avec plaisir et

je vous en remercie. M. le ministre, MM. et Mmes les membres de cette commission, M. le Président, la venue d'un livre vert sur la situation fiscale des travailleurs et travailleuses au pourboire au Québec a suscité diverses réactions de la part de cette catégorie de contribuables. Ici et là se sont formés des regroupements pour transmettre au ministre du Revenu du Québec des opinions et/ou des propositions relatives au dossier du pourboire.

Les propriétaires d'établissements hôteliers n'ont pas échappé à ce phénomène. C'est ainsi qu'à Rimouski un groupe d'hôteliers, de restaurateurs et de propriétaires de bars furent réunis par l'AHRB, l'Association des hôteliers, restaurateurs et propriétaires de bars, leur association, pour se pencher sur le sujet du pourboire et acheminer les orientations préconisées au ministère du Revenu. Voir en annexe la copie de la lettre adressée à M. Alain Marcoux, ministre du Revenu.

La situation que vivent les travailleurs au pourboire est très bien décrite dans le livre vert, à notre avis. Nous retenons principalement: premièrement, qu'elle a trait à tous les travailleurs au pourboire, que ceux-ci travaillent dans l'hôtellerie ou dans d'autres catégories; deuxièmement, que, l'employé au pourboire en général reconnaît qu'il doit déclarer ses pourboires, mais n'en déclare souvent qu'une partie et parfois pas du tout; troisièmement, que, du fait de la non-déclaration partielle ou totale de ses revenus de pourboire, ce contribuable enfreint les règlements fiscaux et fait entrave à l'équité fiscale envers tous les autres travailleurs; quatrièmement, que l'employé, en tant que travailleur autonome, éprouve certaines difficultés à dresser l'état de ses revenus de pourboire.

De l'analyse de la situation, il résulte deux constatations importantes, soit l'injustice sociale qui est faite à l'égard du travailleur au pourboire et l'injustice fiscale qui est faite aux contribuables des autres secteurs qui sont astreints à la déclaration de toute forme de revenus. Il faudra donc que la solution préconisée vise à éliminer ces injustices, tant sociales que fiscales, sans pour autant faire entrave aux libertés des divers intervenants concernés.

Les membres de notre association, l'AHRB, prônent la solution suivante: que le pourboire continue à être considéré comme un revenu de travailleur autonome et que la déclaration des pourboires par l'employé soit faite périodiquement.

Comme conséquences et/ou implications pour le client, le montant du pourboire continue comme dans le passé à être donné à la discrétion du client, et il n'a pas à divulguer par un écrit le montant versé. Donc, aucun changement n'intervient par rapport à la pratique actuelle.

Conséquences et/ou implications pour l'employé. Il conserve son statut de travailleur autonome en ce qui a trait à ses revenus de pourboire et il tient un registre journalier de la totalité des pourboires reçus. À une fréquence correspondant à celle de la paie reçue de son employeur, il doit transmettre à celui-ci le montant total de ses revenus de pourboire durant la période concernée. C'est à partir de ces montants déclarés que pourront être effectués les calculs de redevances à verser aux divers régimes sociaux en tant que travailleur autonome. Une formule d'autorisation pourrait être remise par l'employé à son employeur, mandatant ce dernier pour déduire de son salaire net à recevoir les montants à verser aux divers régimes et à les acheminer aux autorités concernées. (16 h 15)

Conséquences et/ou implications pour l'employeur. À partir des montants déclarés par l'employé en revenus de pourboire, l'employeur fait le calcul des diverses déductions et produit un rapport de celles-ci à l'employé. Les montants correspondant aux déductions sont soustraits du salaire net à verser à l'employé et transmis aux autorités concernées. À la fin de l'année, l'employeur produit à l'employé un rapport cumulé, dont copie est expédiée au ministre du Revenu.

Conséquences et/ou implications pour le ministère du Revenu. Le ministère fait les réajustements nécessaires aux cotisations des régimes sociaux, de façon à tenir compte du total des revenus du contribuable en salaire et pourboires. Il négocie les concordances avec son homologue fédéral; il voit à rendre efficace l'application de la déclaration libre de l'employé par un système de vérification adéquat qui ne serait pas à la charge de l'employeur; il tient compte, dans l'application de la loi, des secteurs d'activité, des catégories d'activité et des régions concernées; il exclut l'employeur d'un système où existeraient des pénalités dans le cas du non-respect de la règle obligeant l'employé à faire sa déclaration de revenus de pourboire.

Avantages de la solution préconisée. La solution envisagée plus haut nous permet d'aligner des avantages tant pour l'employé que pour l'employeur, ainsi que pour le ministère du Revenu.

Ainsi, le client conserve une liberté chère, celle de donner ses pourboires à sa seule et unique discrétion et il n'est pas astreint à des pratiques désagréables de déclaration.

D'autre part, l'employé effectue ses contributions sur une base régulière, évitant ainsi le paiement d'un solde trop élevé lors de la production de sa déclaration de revenus annuelle; il augmente sa participation aux divers régimes gouvernementaux et profite des avantages qui en découlent; il profite

pleinement des indemnisations en cas d'accident de travail, son employeur faisant état des montants des pourboires déclarés; il se situe en position d'équité face à tous les autres contribuables, sur le plan fiscal.

L'employeur, selon cette formule préconisée, est en mesure de mieux fournir des déclarations exactes concernant la totalité des revenus de l'employé, déclarations qu'il doit fournir en plusieurs circonstances; il ne subit pas d'augmentation de contributions aux différents régimes sociaux vu que les montants déclarés proviennent du travailleur autonome qu'est l'employé au pourboire.

Le ministère du Revenu y retire son compte en percevant, selon cette formule, de façon régulière, les montants d'impôt relatifs aux pourboires déclarés; il peut également mieux identifier les travailleurs au pourboire, mieux connaître leurs besoins et renseigner ces gens sur leurs droits et obligations; enfin, il élimine l'injustice sociale faite à l'égard des travailleurs au pourboire et dont il portait la responsabilité comme législateur; il uniformise la situation de tous les travailleurs au pourboire, étendant l'application de la réglementation à toutes les catégories.

Quelques rares désavantages, à première vue. La solution préconisée par notre association entraîne des obligations qui peuvent être jugées désagréables: l'employé se voit obligé de payer les contributions de l'employé et de l'employeur, comme travailleur autonome, pour certains régimes sociaux pour la partie de ses revenus de pourboire; d'autre part, l'employeur doit préparer un système de comptabilité plus détaillé pour chacun de ses employés.

En résumé, la solution préconisée dans ce mémoire est celle d'un groupe d'employeurs de l'hôtellerie qui vivent quotidiennement cette réalité où leurs clients remettent à leurs employés des pourboires pour signifier leur plus ou moins grande satisfaction pour le service reçu. Nous nous situons dans la perspective de ceux qui, avec nous, désirent ne pas nuire à l'industrie touristique tout en tenant compte de l'injustice sociale et fiscale à corriger. Nous nous situons également comme collaborateurs du ministère du Revenu dans l'application de sa réglementation. Enfin, dans une perspective humaine, nous proposons une formule qui vient changer le moins de choses possible, s'assurant ainsi la participation de tous les intervenants. L'esprit, proposé dans le livre vert par l'affirmation des trois principes, est alors conservé.

La formule préconisée représente un compromis que feront toutes les parties concernées, un terrain d'entente entre les obligations de l'employeur et celles de l'employé, tout en satisfaisant aux exigences du ministère du Revenu.

Nous adressons nos remerciements à M. le ministre et à tous les membres de cette commission de nous avoir permis d'exprimer notre opinion sur le sujet en question. Nos voeux de plein succès vous accompagnent tout au long de la préparation de cette loi sur les revenus de pourboire. Merci.

Le Président (M. Desbiens): Merci, M. Blais. M. le ministre.

M. Marcoux: Je remercie M. Blais d'avoir fait la démarche au nom de l'Association des hôteliers, restaurateurs et propriétaires de bars de Rimouski, d'avoir présenté ce mémoire. Dans le but, comme je l'ai déjà indiqué, de faire participer mes collègues aux travaux de cette commission et à la recherche de solutions réalistes aux problèmes que nous étudions, je veux les y associer le plus possible et j'inviterais mon collègue de Rivière-du-Loup à engager le dialogue avec M. Blais.

M. Boucher: Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Rivière-du-Loup...

M. Boucher: Merci, M. le Président. M. Blais, il me fait plaisir que la région dont je fais partie soit représentée à cette commission en ce qui concerne les hôteliers, les restaurateurs et les propriétaires de bars. Vous dites que votre association s'est formée à la suite de la présentation du livre vert; combien de restaurateurs, hôteliers et propriétaires de bars a-t-elle regroupés ou regroupe-t-elle actuellement?

M. Blais (Richard): Cette association ne s'est pas formée au moment de la sortie de ce livre vert, elle était déjà existante depuis plus d'un an auparavant. Elle a fait une assemblée réunissant les membres de l'association ainsi que les non-membres pour traiter, comme je l'ai mentionné, du livre vert.

M. Boucher: Cette association regroupe combien de propriétaires environ?

M. Blais (Richard): L'AHRB regroupe environ une trentaine de restaurateurs, hôteliers et propriétaires de bars, comme membres actifs. Dans cette réunion, disons qu'on avait quand même des sons de cloche qui venaient d'un plus grand nombre d'établissements concernés que cela.

M. Boucher: Merci. Si j'ai bien compris votre solution, vous faites un genre d'amalgame entre les hypothèses 5.3 et 5.4 qu'on retrouve dans le livre vert. Vous me corrigerez si j'ai mal interprété votre mémoire, dans le sens que vous recommandez

la déclaration périodique des pourboires par l'employé. Par contre, vous demandez aussi, ce qu'on pourrait appeler l'hypothèse 5.4, que l'on considère le travailleur au pourboire comme un travailleur autonome dans la partie qui relève du pourboire. En fait, en amalgamant ces deux hypothèses, vous prenez les désavantages de l'une et vous les donnez à l'autre, dans le sens que la formule de la déclaration périodique comporte le désavantage pour l'employeur de voir augmenter sa contribution aux différents régimes sociaux et il doit tenir compte d'une comptabilité plus complexe; c'est l'un des désavantages qu'on énumère à 5.3. Vous dites que vous n'acceptez pas ce désavantage. Vous le donnez au travailleur autonome, dans le sens que cette formule dit que l'employé se voit obligé de payer les contributions de l'employé et de l'employeur au Régime de rentes du Québec sur la partie de son revenu provenant de ses pourboires. Comment conciliez-vous que le travailleur à pourboire peut avoir deux chapeaux, c'est-à-dire être considéré comme travailleur autonome pour ce qui touche aux pourboires et, d'autre part, être considéré comme salarié lorsqu'il gagne son revenu de base du salaire minimum?

M. Blais (Richard): D'accord. Alors, nous avions comme vue, en traitant de ce sujet, des notions différentes, en l'occurrence la notion de salaire par opposition à la notion de revenu imposable. Autant le salaire que les pourboires, à notre avis, sont des sources de revenu sur lesquelles des impôts et des redevances à divers régimes sociaux doivent être payés; je pense que c'est un sujet sur lequel on doit faire une distinction. Même, dans des discussions antérieures, on essayait d'assimiler les pourboires avec une partie salaire et je ne sais quelle autre partie. En fait, le salaire et le pourboire sont deux sources de revenu, ce qui fait qu'en les mettant ensemble, si l'on veut, il y a possibilité de faire en sorte que des déductions suivent régulièrement et périodiquement au ministère du Revenu ainsi qu'aux divers régimes sociaux concernés. C'est pour cela qu'on propose cette solution.

M. Boucher: Cela deviendrait un seul revenu déclaré. Ce ne seraient pas deux revenus déclarés séparément.

M. Blais (Richard): Le salaire est une source de revenu; le pourboire, une autre; en fin de compte, tout cela additionné fait un revenu. Voilà.

M. Boucher: À partir de ce revenu, la participation aux programmes sociaux du travailleur au pourboire serait comprise sur l'ensemble de ce revenu.

M. Blais (Richard): Disons que cela serait des sources de revenu de régimes différents; en l'occurrence, le pourboire étant considéré comme un revenu de travailleur autonome et le salaire étant considéré comme un revenu de salarié ou un revenu de travailleur, tout simplement. Il y a possibilité, tout comme n'importe qui en travaillant pour un employeur, d'avoir son entreprise en à-côté, si on veut. Lorsqu'il en arrive à faire ses déclarations d'impôt ou n'importe quoi, il fait ses calculs parallèles dans l'un ou l'autre des sens concernés et, lorsqu'il arrive au bout, il sort son revenu imposable, tout simplement; les déductions qu'il a faites ou qu'il a à payer sont faites.

M. Boucher: Ce que j'arrive mal à comprendre, c'est que... Lorsque vous dites: Au moment où il calcule son revenu, c'est sur ce revenu qu'il va être imposé, c'est sur ce revenu qu'on va faire les déductions pour les bénéfices sociaux... Lorsqu'on va arriver aux bénéfices sociaux, il faudrait qu'il paie la part de l'employeur, à ce moment-là.

M. Blais (Richard): En considérant le revenu au pourboire comme un revenu de travailleur autonome, il paie ses redevances en conséquence et, sur la partie de revenu qui a trait à son salaire, il paie ses redevances en conséquence, également. Disons qu'il faut que cela soit traité comme deux choses différentes dans l'élaboration de ses rapports, si on veut.

M. Boucher: Cela voudrait dire que, dans son rapport d'impôt, il faudrait qu'il fasse les ajustements sur les deux. Évidemment, vous dites qu'en fait, il faut régler les difficultés. Actuellement, le livre vert dit: II y a une injustice sociale par rapport au travailleur au pourboire qui ne peut pas déclarer et bénéficier en même temps des avantages sociaux. D'autre part, le fisc dit: II y a une injustice fiscale par rapport aux déclarations. Comment pouvez-vous concilier cela actuellement, lorsque vous dites: L'employeur n'a pas la responsabilité, par rapport à l'employé au pourboire, d'enlever cette injustice sociale qu'on voudrait voir corriger?

M. Blais (Richard): À moins que je ne fasse erreur, j'aimerais que vous me corrigiez là-dessus, je crois que l'injustice fiscale provient tout simplement de revenus non déclarés sur lesquels ne sont payés ni impôt, ni contributions ou cotisations aux divers régimes sociaux. L'injustice sociale provient du fait qu'une partie de son revenu n'ayant pas été déclarée, il ne peut pas en recevoir autant d'avantages que si cela avait été fait. Face à cette lacune, disons que c'est un cercle vicieux, en fin de compte, tout cela. D'une part, tu ne donnes pas;

d'autre part, tu reçois moins. Disons que je considère quand même que c'est peut-être un peu malvenu de se plaindre de ne pas recevoir lorsque tu ne donnes pas ce que tu devrais donner ou que tu ne verses pas, en fait, ce que tu devrais verser.

M. Boucher: Dans l'entreprise ordinaire, le salarié comme tel a un statut de salarié et, à partir du moment où il est salarié, l'employeur remplit les obligations d'employeur face à ses bénéfices sociaux, dans le sens qu'il paie la quote-part. Vous, vous dites: Non, à ce moment-là, cela lui revient de payer cette quote-part, s'il déclare tous ses revenus.

M. Blais (Richard): Relativement à ses revenus de pourboire - je fais mention uniquement de ses revenus de pourboire -étant considéré comme travailleur autonome, à ce moment-là, il a à payer ses redevances en tant qu'employeur et employé.

Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie. Merci, M. le député. M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: M. le Président, j'ai seulement une question à poser à M. Blais. D'abord, je remarque que M. Blais vient de Rimouski, le comté du ministre, Je suis content de savoir que, dans la belle région de Rimouski, il y a une autre personne qui semble penser de temps en temps différemment du ministre, quand on lit le mémoire et lorsqu'on écoute le ministre donner son opinion. Je suis aussi content de savoir que tous les Blais ne pensent pas de la même manière.

Ma question est la suivante: À la page 3 de votre mémoire, vous dites, au troisième paragraphe: L'employé doit transmettre à l'employeur le montant total de ses revenus de pourboire durant la période concernée. Si on prend cela littéralement, cela voudrait dire que celui qui reçoit le pourboire doit donner cet argent à l'employeur. Mais cela n'est pas votre intention. J'imagine que vous voulez dire que la personne peut garder son pourboire, mais fasse un rapport, soit par semaine ou par jour, sur le montant reçu. (16 h 30)

M. Blais (Richard): Des montants reçus.

M. Polak: D'accord. Ensuite, vous dites qu'à la fin de la période l'employé va recevoir son argent, moins, comme déductions de son salaire net à recevoir, les montants à verser. Beaucoup de ces travailleurs et travailleuses - tout le monde est d'accord que cela va mal - ne gagnent pas de gros salaires et certainement pas de gros pourboires non plus. Quand la personne reçoit le pourboire, fait sa déclaration et, en fin de semaine, reçoit un chèque qui est encore plus petit qu'avant, cela ne peut-il pas créer des problèmes quant au montant net qui lui reste? Je comprends que vous pourriez répondre qu'après tout la personne a reçu des pourboires, donc, elle est mieux d'en mettre un peu de côté, de couvrir au moins ce qu'elle va recevoir à la fin de la semaine et par deux semaines. Mais, surtout quand on entend dire que des montants qui sont gagnés sont de temps en temps très minimes, elle n'est pas capable de vivre avec cela. Pourquoi voulez-vous en déduire plus?

M. Blais (Richard): Eh oui! Si les montants concernés étaient si minimes que des fois on peut le laisser prétendre parce que, des fois, j'ai cru remarquer qu'on était rendu dans la négative... Si les montants impliqués étaient si minimes que cela, je ne crois pas qu'on aurait fait une commission parlementaire sur le sujet. J'évalue tout de suite que si on le fait, c'est parce que ce sont des choses qui en valent la peine.

M. Polak: D'accord. C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Terrebonne.

M. Blais (Terrebonne): Merci, M. le Président. Je remercie le député de Sainte-Anne d'avoir dit que je pense. Cela nous change de ses interventions.

M. Polak: Continuez.

M. Blais (Terrebonne): Oui. C'est une question qui se veut en même temps une appréciation de définitions et je vais être très bref. Comme axiome, il existe à travers le monde une différence entre un pourboire "don" et ce qu'on appelle communément un pourboire "salaire-service". C'est à travers le monde que c'est reconnu. Même aux États-Unis, on vient de le reconnaître. Ici, au Québec, on s'apprête à le faire aussi. Il arrive ceci, c'est qu'à travers le monde, pour le fisc, le pourboire réel, le don, c'est impossible, mais strictement impossible de le taxer. C'est pourquoi même en France, en Europe, en Belgique, partout, il y a sur la facture une somme additionnée qui est "charge-service" qu'on appelle ici communément "pourboire". Mais c'est une part qu'on compte là-bas comme salaire et on l'appelle en fait "service". Si on mange chez Maxim's, quatre personnes pour 500 $ tout inclus, on laisse toujours quelque chose, peut-être 2 $, 3 $ ou 5 $; cela dépend. Le fisc ne court pas après ce montant parce que c'est infinitésimal et cela coûterait beaucoup plus cher de s'en occuper. C'est la même chose chez nous si je donne 0,50 $ à mon coiffeur quand il me fait les cheveux. Cette partie, c'est pour définir que pourboire

et pourboire dans la restauration sont deux choses différentes; il faut que le pourboire dans la restauration soit considéré comme une partie service qui est un salaire et une partie don que tout le monde, depuis l'homme des cavernes jusqu'à aujourd'hui, a toujours exécutée. Ce sont des gratifications, c'est entendu. Mais il demeure que la partie salaire qui est service ne doit pas être comprise et je crois que, dans ce rapport, les deux sont un peu mêlés. Je vais le poser comme axiome pour aider la discussion tout simplement. Comme question: L'interprétez-vous ainsi, contrairement à ce que je peux voir dans le rapport?

M. Blais (Richard): On ne s'est pas attardé à faire une distinction quelconque dans l'un ou l'autre des groupes, mettant la totalité de la gratification du pourboire, le considérant comme une source de revenu et non une partie comme un don reçu, si on veut, et une autre partie comme un salaire.

M. Blais (Terrebonne): Vous reconnaissez que c'est un service et un don. C'est cela que je voudrais bien savoir.

M. Blais (Richard): Au taux du salaire minimum, on parlait d'un taux applicable différemment. Il pourrait possiblement y avoir une partie qui serait considérée comme un service et une autre comme un don.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Viger.

M. Maciocia: Je voudrais seulement poser une question au député de Terrebonne pour m'éclairer un peu. Il disait tantôt que 0,50 $ ou, disons, 1 $ qu'on donne à un coiffeur, ce n'est pas la même chose que 1 $ donné à un serveur ou une serveuse. Cela veut dire que celui donné à un serveur ou une serveuse est imposable et que celui donné à coiffeur n'est pas imposable. C'est ce que vous avez dit tantôt? C'est ce que j'ai pu comprendre.

M. Blais (Terrebonne): Vous permettez que je...

M. Maciocia: C'est seulement pour me...

M. Blais (Terrebonne): D'accord, mais je vais être très bref, parce que c'est entre nous, excusez-nous. Il y a une différence entre ce qu'on appelle "pourboire" dans le sens large du mot et un pourboire réel. Un pourboire, dans son étymologie... Il y a quelqu'un qui nous a donné, dans une commission, deux définitions du Larousse, je pense que c'est M. Paparakis, hier soir, il a donné les deux définitions. Mais ici, on l'appelle toujours "pourboire"; il demeure quand même que la deuxième définition de "pourboire" comporte aussi, dans la restauration, une partie qui s'appelle "service". On ne donne pas 15% à son coiffeur, on ne donne pas 15% à un chauffeur de taxi, si on veut lui donner quelque chose. Le pourboire, dans son étymologie première, c'est vraiment une gratification. Tandis que, pour les gens de l'hôtellerie, cela comporte un service en même temps et c'est cette partie qui doit être considérée comme un salaire.

M. Maciocia: Mais c'est laquelle...

Le Président (M. Gagnon): Merci, vous aurez l'occasion, peut-être, de poursuivre votre...

M. Maciocia: Non, parce que c'est très important, je crois, M. le ministre, qu'on en discute.

Le Président (M. Gagnon): Normalement, en commission parlementaire, vous posez des questions au ministre ou à nos invités.

M. Maciocia: Je comprends très bien, mais c'est très important, je crois, que le ministre nous dise exactement comment il considère cet aspect de don et de pourboire qui sont différents, d'après le député de Terrebonne. L'enjeu est là. Je n'avais pas envisagé cet aspect, mais l'enjeu est là, parce que, si vraiment on peut considérer un pourboire avec une partie service et une partie don... Dans un autre domaine, il s'agit seulement de la partie don. Je ne vois pas comment le fisc peut encore courir derrière les gens au pourboire, des gens qui travaillent en tant que serveur et serveuse, car ces gens peuvent se défendre en disant: C'est un don que j'ai eu ou 60% étaient un don et 40% étaient le service. J'aimerais que vous m'éclairiez sur cela.

M. Marcoux: Pour être très clair, en fait, si on regarde les lois du revenu ici et dans la plupart des pays, toute gratification ou pourboire, quel que soit le nom, est considéré un revenu et, à cette fin, est imposable. Je comprends peut-être l'intention du député de Terrebonne qui dit qu'il y a peut-être une différence entre le fait de laisser 0,25 $ ou 0,50 $ et un montant qui pourrait être de 1 $, 2 $ ou 3 $, selon l'évaluation qu'on a fait d'un service qu'on a pu avoir. Mais, je suis convaincu que ce n'est pas une distinction. Même si je crois percevoir la finesse de la pensée qu'il y a sous cette distinction, je suis convaincu qu'en ce qui concerne les lois du revenu, cette distinction est inapplicable et elle ne correspond pas au sens des lois que nous avons et au sens des lois du revenu

généralement appliquées dans le monde occidental.

M. Maciocia: Dois-je comprendre que l'un et l'autre sont imposables. ...

M. Marcoux: II y en a un seul, il n'y a pas l'un et l'autre, il y en a un seul.

M. Maciocia: Alors, vous contredisez complètement le député de Terrebonne dans ce cas-ci.

M. Marcoux: Je m'excuse. M. Maciocia: C'est cela?

M. Marcoux: Je m'excuse. Je vais prendre une autre minute, je m'excuse.

M. Blais (Terrebonne): M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Terrebonne.

M. Blais (Terrebonne): M. le Président, il est bien sûr, que dans nos lois, toute gratification est imposable et, dans tous les pays du monde capitaliste, c'est la même chose et c'est normal. Il demeure cependant que la pratique veut qu'en Europe ou dans tous les autres pays, la partie qui est considérée comme service à l'hôtellerie est imposable et ce qu'on appelle les "peanuts" qu'on peut laisser sur la table après, jamais le fisc ne court après cela. C'est ce que je veux dire. Quelle que soit la méthode que nous prenions ici, si on décide de mettre 10%, 12% ou 15% de pourboire sur la facture, cela devient une loi et, si quelqu'un veut laisser un dollar après, je vous jure qu'il n'y a pas un système, quel que soit le gouvernement d'extrême droite ou social-démocrate ou de droite ou de centre ou de gauche qui courra pour essayer de trouver la piastre qu'on a laissée sur la table. C'est seulement dans ce sens.

M. Rocheleau: C'est changé.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre!

M. Blais (Terrebonne): Pardon?

M. Maciocia: Vous changez complètement de raisonnement.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Maciocia: Parce que vous avez dit qu'un don n'est pas imposable.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! M. Blais, vous aviez une réponse? Je sais que vous avez manifesté le désir d'intervenir tantôt. À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Blais (Richard:) Je demanderais confirmation à M. le ministre, s'il vous plaît! Après l'intervention de monsieur ici, je crois que tous ces revenus-là doivent quand même être déclarés.

M. Marcoux: Oui, point.

M. Blais (Richard): Et s'il y a des impôts à payer, cela est une autre partie dont on ne s'occupera pas aujourd'hui.

M. Marcoux: Ce que le député de Terrebonne dit et qui peut être vrai dans certains pays où il y a des frais - dans certaines parties de pays où il y a des frais de service obligatoires qui, évidemment, sont cotisés à la source - lorsqu'il se développe un système parallèle ou supplémentaire de pourboire qui, lui, peut être plus minime, même s'il est imposable, ce qu'il dit, c'est qu'en pratique, il n'y a pas d'opération systématique pour percevoir la part des impôts sur cela. Même dans les pays où il y a des frais de service perçus obligatoirement, tout pourboire ou gratification supplémentaire est considérée comme un revenu et est imposable aussi.

M. Blais (Richard): Elle doit être déclarée également.

M. Marcoux: Je pense qu'on cherche une discussion où il n'y en a pas.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, vous avez la parole.

M. Marcoux: La première question que j'adresse à M. Blais sera la suivante: Je voudrais savoir si, à votre avis, la qualité du service qui est offert est un des éléments qui jouent ou qui entraînent la rentabilité d'une entreprise de restauration ou d'hôtellerie.

M. Blais (Richard): Effectivement et en très grande partie, si on veut. Ce qui fait que cela a deux points de vue. Le premier, l'employé en mettant davantage de soin dans son travail se voit accorder un bon point à son égard, c'est-à-dire le pourboire que le client va lui laisser par la suite. Pour l'entreprise, ce même fait est un bon point également parce que c'est la renommée de l'entreprise qui est constamment en jeu.

M. Marcoux: Si la qualité du service est un des facteurs qui entraînent une plus grande rentabilité de l'entreprise, à ce moment-là, on peut considérer le pourboire -qui est une façon de rémunérer cette qualité du service - comme étant un des coûts

impliqués dans la rentabilité d'une entreprise. Si le pourboire est un des coûts impliqués dans la rentabilité d'une entreprise, ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi, lorsqu'on parle de rentabilité d'une entreprise, on parle aussi de la responsabilité sociale de l'entreprise. Pourquoi, à ce moment-là, n'assumez-vous pas logiquement ou ne voulez-vous pas assumer logiquement la part des avantages sociaux reliée aux revenus en pourboires? Je reprends, en gros... C'est clair?

M. Blais (Richard): C'est très clair. Je crois que c'est là une chose sur laquelle l'Association des restaurateurs, si je ne me trompe, s'est penchée hier. Et c'est peut-être à ce propos-là qu'on a répondu que l'employeur était prêt à collaborer, et peut-être même à payer sa part de certaines cotisations aux régimes sociaux. Mais dans les faits, si l'employeur absorbe, en plus des autres frais, ces frais-là, on sait ce que cela va produire. Des frais supplémentaires d'exploitation auront probablement comme aboutissement une retombée au niveau du prix exigé du client et, si on ne fait pas cela, les retombées vont se faire sentir au niveau de la rentabilité de l'entreprise. À une place ou à une autre, cela va retomber.

M. Marcoux: Je vous remercie. J'aurais simplement une petite information supplémentaire. Depuis combien d'années êtes-vous dans le secteur de la restauration, de l'hôtellerie, des bars?

M. Blais (Richard): Près de quatre ans.

M. Marcoux: Près de quatre ans. Je vous remercie d'avoir accepté de participer. Votre point de vue était un peu différent en ce qui vous concerne, c'est que votre association... On a rencontré les associations de restaurateurs et d'hôteliers, et vous êtes le premier groupe que nous rencontrons qui représente à la fois les restaurateurs, les hôteliers et les propriétaires de bars. Je pense qu'on peut dégager certaines voies de collaboration à partir de ce que vous avez indiqué. En tout cas, je prends comme étant un fait positif la collaboration que vous affirmez pouvoir donner au ministère du Revenu pour appliquer des solutions qui pourraient être décidées ou envisagées. Je vous remercie beaucoup. (16 h 45)

M. Blais (Richard): Nous restons également à la disposition de tout intervenant, soit pour expliciter davantage ce que nous préconisons, soit pour fournir des renseignements supplémentaires.

M. Marcoux: Je vous remercie au nom du groupe ministériel.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: M. Blais, est-ce qu'actuellement, vous exploitez un restaurant ou un hôtel? Actuellement, à ce moment-ci, est-ce que vous êtes propriétaire d'un hôtel ou d'un restaurant?

M. Blais (Richard): Je suis copropriétaire et gérant d'un restaurant, oui.

M. Blank: Avez-vous discuté de ce problème avec vos employés au pourboire?

M. Blais (Richard): Effectivement, oui. M. Blank: Et quelle est leur opinion?

M. Blais (Richard): Leur opinion, disons qu'à prime abord, c'était un petit peu ambigu de leur côté, mais, lorsqu'on finit par mieux comprendre et saisir le sujet, sa portée et ses obligations, on finit par être d'accord avec le point préconisé.

M. Blank: Merci. Au nom de l'Opposition, je vous remercie pour votre mémoire et vos opinions.

Le Président (M. Boucher): Alors, moi, au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie, M. Blais, pour la présentation de votre mémoire.

M. Blais (Richard): Merci.

Le Président (M. Boucher): J'appellerai maintenant le Conseil central des syndicats nationaux de Québec, représenté par Mme Brigitte Gagné, vice-présidente, M. Claude-Gilles Gagné, représentant régional, région de Québec, secteur hôtellerie-restauration.

Mme Gagné.

Conseil central des syndicats nationaux de Québec

Mme Gagné (Brigitte): Oui.

Le Président (M. Boucher): Voulez-vous vous identifier et identifier les gens qui vous accompagnent et procéder à la lecture de votre mémoire?

M. Gagné (Claude-Gilles): Si vous le voulez bien, je vais identifier les gens. D'abord, je voudrais, en mon nom personnel et au nom de tous mes collègues syndiqués, particulièrement les travailleurs au pourboire de la région de Québec, saluer de façon particulière des visages connus à la table de la commission, étant donné que, dans la région de Québec, on a souvent l'occasion de vous servir.

M. Marcoux: Cela, c'est dangereux! Ce sont les fleurs et le pot en même temps? C'est comme ça?

M. Gagné: Je n'ai pas dit si c'était avec plaisir ou pas.

M. Marcoux: C'est pour ça que je vous pose la question.

M. Gagné: Je vous présente d'abord Mme Brigitte Gagné, qui est première vice-présidente du Conseil des syndicats nationaux de la région de Québec, le Conseil central de Québec affilié à la CSN, et M. Ghislain Gagnon, qui est un travailleur au pourboire, vous le devinez sans doute par son uniforme, ainsi que Mme France Maës aussi travailleuse au pourboire, tous deux de la région de Québec.

D'abord, j'aimerais faire une petite mise au point. Le Conseil central de Québec, évidemment, embrasse le mémoire national. Nous n'avons pas l'intention de reprendre tout le mémoire national qui vous a été présenté hier. Cependant, nous avons l'intention de frapper - comme on dit en bon français - sur certains clous qui ont déjà été mentionnés; nous allons lire le mémoire et nous l'accompagnerons au fur et à mesure de certains commentaires.

Mme Gagné: Les travailleuses et travailleurs de l'hôtellerie et de la restauration, syndiqués CSN, de la région de Québec, adhèrent au mémoire national de la CSN tel qu'il vous a été présenté hier.

Malgré le fait que les deux tiers de l'activité hôtelière soient concentrés dans les régions de Montréal et de Québec, il n'en reste pas moins que cette activité est moins concentrée géographiquement que ne l'est la population du Québec.

M. Gagné: Bon, ici, ce qu'on veut souligner, c'est que la population est concentrée dans la région de Montréal, mais que, proportionnellement au per capita, cela a déjà été dit pendant cette commission, la région de Québec compte plus de restaurants et plus de grands hôtels. Disons que la concentration d'hôtels et de restaurants dans la région de Québec est la plus forte de toute la province. C'est ce qu'on veut dire ici pour que ce soit clair.

Mme Gagné: Donc, très conscients de notre réalité économique régionale, nous venons aujourd'hui vous exposer la situation qui prévaut pour les gens au pourboire dans notre région.

Nous devons souligner à la commission parlementaire que la majorité des gens au pourboire ne sont pas syndiqués. Ils travaillent isolés et réduits à l'arbitraire patronal, tant en ce qui concerne les critères à l'embauche, les conditions de travail qu'ils subissent que l'obligation à laquelle ils font face quant au partage obligatoire de leurs pourboires.

Ici, nous aimerions signaler à la commission parlementaire que, lorsque l'on parle des gens au pourboire, c'est à une majorité de femmes que l'on s'adresse, majorité historiquement et quotidiennement discriminée et exploitée.

Traditionnellement, on l'a dit, les travailleurs et travailleuses au pourboire ne déclaraient pas à l'impôt, ou si peu, cette partie de leur revenu que constitue le pourboire et ce, avec la complicité des ministères du Revenu fédéral et provincial, on l'a dit aussi.

Chaque partie acceptait, on l'a dit, les avantages et les inconvénients d'une telle situation jusqu'au jour où, en proie à la crise économique, les gouvernements devaient gratter tous leurs fonds de tiroir. C'est alors que des poursuites furent intentées contre les travailleuses et travailleurs au pourboire pour avoir violé, de connivence avec l'État, la Loi sur les impôts. Nous sommes alors en 1978-1979.

Signalons qu'avec ceux de l'Estrie, des travailleurs et travailleuses au pourboire de la région de Québec furent les premières victimes. Signalons aussi qu'un groupe de travailleurs et travailleuses au pourboire du Hilton de Québec viennent d'avoir gain de cause devant une commission de révision et se sont vu remettre 40% de la somme qu'ils avaient dû verser à la suite des poursuites dont nous venons de parler. Cette affaire fait actuellement jurisprudence.

Plusieurs de nos camarades au pourboire sont aux prises actuellement avec la récupération d'impôt que vous leur infligez. C'est donc à une population vulnérable, peu organisée et soumise aux différentes règles implicites imposées par l'employeur à laquelle vous vous attaquez.

Nous croyons qu'il est inadmissible de la part de nos gouvernants de décider unilatéralement de récupérer des impôts rétroactivement sur les pourboires lorsque les règles n'en sont même pas fixées.

Nous sommes d'avis que cette "opération récupération d'impôt" sur les pourboires doit immédiatement cesser. Quant aux règles à fixer, nous croyons qu'il est de votre devoir de tenir compte de la réalité vécue par ces travailleuses et travailleurs et donc de les fixer dans le sens de leurs revendications.

Nous vous présentons donc la situation de l'industrie de l'hôtellerie et de la restauration dans la région de Québec puis nous étudierons l'effet de la situation économique régionale en rapport avec les gens au pourboire.

La région de Québec se situe au second rang après Montréal sur le plan touristique.

Son rôle de capitale francophone d'Amérique, son aménagement, ses capacités récréatives, ses sites historiques reconnus mondialement en font une ville de choix sur le plan touristique.

Pour l'an dernier seulement, l'activité touristique de la région était évaluée à 21,5% de l'ensemble des revenus du Québec, avec tout près de 436 000 000 $ injectés directement par les touristes de toute provenance.

Cependant, les activités hivernales, tels le carnaval, qui perd de son attrait, et les stations de ski alpin qui n'arrivent plus à concurrencer les stations de la Nouvelle-Angleterre, n'aident guère à développer et à rentabiliser le secteur de l'hôtellerie et de la restauration dans la région.

Au début des années soixante-dix, l'industrie hôtelière dans la région de Québec s'est développée de façon fulgurante. À cette date, Québec ne comptait, pour ainsi dire dans ce qu'il est convenu d'appeler les grands hôtels que le Château Frontenac. Depuis ce temps, nous en comptons sept. Le Hilton, les Auberges des Gouverneurs, le Concorde, les Holiday Inn se sont implantés.

M. Gagné: Pour éclairer la commission, on a beaucoup parlé hier quand il était question des hôtels, du nombre de chambres. Quand on parle de grands hôtels, on parle d'hôtels qui ont à peu près 300 chambres et plus. On veut aussi signaler à la commission que ces grands hôtels, Auberges des Gouverneurs, Hilton, Concorde, Holiday Inn, etc. embauchent non pas un employé par chambre, comme le disait l'Association des hôteliers de la province de Québec, hier, mais il faudrait peut-être corriger et dire un par 2,5 ou un par 3 chambres. Il fut un temps où on pouvait calculer un employé par chambre, mais ce n'est plus vrai.

Il faut dire aussi que tous ces grands hôtels - vous remarquerez dans notre liste que ce sont toutes des chaînes - et l'Association des hôteliers de la province de Québec nous démontraient que tous ces employeurs faisaient preuve d'une solidarité exceptionnelle. En tant que syndiqués, je dois vous avouer que nous l'avions remarqué.

Mme Gagné: En même temps, des établissements de prestige dans la restauration ont aussi découvert la rentabilité touristique de notre région: le Kyoto, le Baron Rouge, Le Saint-Amour, le Jardin d'Italie, Chez Peppé, le Biarritz, pour ne nommer que ceux-là, d'autant plus qu'en même temps se développaient des restaurants à spécialités: les nombreuses boîtes et maisons de spaghetti, les spécialités exotiques: vietnamiennes, thaïlandaises, algériennes, grecques, bretonnes, les cafés européens. Les chaînes déjà en place prenaient aussi de l'expansion: Saint-Hubert,

Me Donald, A & W, Marie-Antoinette, Harvey's et on en passe.

M. Gagné: Hier, je ne sais pas si M. Baribeau, de la chaîne McDonald, a essayé de nous faire croire que McDonald n'était pas une multinationale, mais il a quand même signalé à la commission qu'il y avait des entreprises jusqu'à Hong Kong. Si ce n'est pas une multinationale, je me demande ce que c'est.

Quoi qu'il en soit, ce sur quoi je voulais insister surtout, c'est sur le fait que M. Baribeau a vraiment donné l'impression qu'il considérait les travailleurs des

McDonald... Ce pourquoi on les mentionne ici ce pourquoi on tient à ce que les travailleurs des "fast-foods" - on a aussi beaucoup parlé des "fast-foods" dans le mémoire national de la CSN - soient inclus dans un projet d'amendement à la Loi sur les impôts et à d'autres lois, c'est que M. Baribeau, entre autres, hier, essayait de nous faire croire, en tout cas... Non, il n'essayait pas de nous faire croire; il nous a prouvé que ces travailleurs, il les considérait comme des machines à vitesse, des jeunes qui relèvent le défi de la vitesse. C'est cela qui est important et c'est pour cela qu'on les paie. Point.

Mme Gagné: Donc, le développement fulgurant de l'industrie hôtelière de Québec s'est fait de façon plutôt anarchique.

M. Gagné: À ce niveau-ci, j'aimerais signaler que Christophe Auger, le vice-président de la CSN, a mentionné hier que le développement du nombre de restaurants, cette fois, s'était fait de façon aussi anarchique. Ici, on parle des hôtels. Alors, c'est donc vrai pour tout le secteur, hôtellerie et restauration.

Mme Gagné: Un des employeurs de cette industrie déclarait récemment, au cours d'une séance de négociation en vue du renouvellement de la convention collective de ses employés, que son hôtel comptait de 100 à 200 chambres de trop. De plus, tous les employeurs de la région s'accordent à dire que la région immédiate de Québec compte un grand hôtel de trop. Résultat: l'un d'entre eux avouait ne pas prévoir plus de 59% d'occupation pour toute l'année 1982.

Pour les salariés, cela signifie une augmentation du nombre de mises à pied, du nombre de postes à temps partiel, une menace généralisée pour leur emploi à cause de la sous-traitance et, pour la première fois, dans le milieu hôtelier, un employeur envisage le programme fédéral de travail partagé.

Les conditions pénibles de travail du secteur hôtelier portent les travailleuses et les travailleurs à considérer leur emploi dans

l'hôtellerie comme un emploi d'attente occupé temporairement en attendant une autre occasion d'emploi plus stable et mieux rémunéré.

M. Gagné: L'Association des consommateurs, ce matin, nous disait que les travailleurs et les travailleuses ne peuvent pas faire cela toute leur vie. Je pense que cela confirme bien que les emplois dans le domaine de l'hôtellerie et de la restauration sont généralement des emplois d'attente, d'autant plus que - cela préoccupait Mme la députée de Johnson, hier - l'on doit remettre le chèque de paie à son employeur dans certaines entreprises. Comment voulez-vous ne pas avoir envie de vous cherher un emploi ailleurs quand on n'est même pas capable de garder la totalité de son salaire?

Mme Gagné: Traditionnellement, le milieu de l'hôtellerie et de la restauration connaissait un taux de roulement fort élevé, atteignant, dans l'un des sept grands hôtels de la région, 45%. On peut dire qu'à cause de la crise ce taux a tendance à se stabiliser à la baisse, à 30% peut-être, par les temps qui courent. Or, ce chiffre magique de 30% représente précisément la proportion de travailleuses et travailleurs au pourboire dans l'ensemble des grands hôtels de la province.

M. Gagné: Ici, ce qu'on veut dire, c'est qu'il n'y a pas que les gens au pourboire qui ont un taux de roulement élevé. Cependant, le taux de roulement est plus élevé chez ces travailleurs-là. On dit qu'il y a 30% de travailleurs au pourboire dans l'ensemble de l'hôtellerie et de la restauration, des gens que nous représentons, en tout cas, et que ce taux de roulement élevé, c'est surtout en raison des travailleurs et travailleuses au pourboire.

Mme Gagné: En début d'année 1980, le gouvernement du Québec déclarait que l'hypothèse de croissance minimale équivalait à une situation d'emploi hôtelier constant entre 1979 et 1981 et que l'hypothèse de croissance maximale correspondait à des besoins annuels moyens de recrutement de 678 travailleurs et travailleuses pour l'ensemble du Québec. Les besoins de recrutement à cause de la croissance apparaissaient, à ce moment-là, minimes et le gouvernement affirmait qu'ils ne pouvaient être soumis à aucune tension sur le marché du travail hôtelier.

Cependant, depuis ce temps, la situation économique de la région ne s'est guère améliorée. En effet, selon les statistiques officielles, le taux de chômage pour l'ensemble de la région administrative est passé de 8,8% qu'il était en 1979 à 13,7% au premier trimestre de 1982. Pour le

Québec métropolitain, ce taux est passé de 9% à 12,8% de 1981 à 1982. Québec se voit donc acculer au dernier rang des quatre grandes villes du Québec. De janvier 1981 à janvier 1982, la région a ainsi perdu plus de 32 000 emplois, soit le tiers des pertes totales d'emplois du Québec.

Le nombre de sans-emploi a atteint 61 000, au dire des statistiques officielles, au premier trimestre de 1981, soit Il 300 de plus que l'an dernier. Notre région en est une de secteur tertiaire, ce qui représente 75% de l'emploi en 1980 comparativement à 67% pour l'ensemble du Québec.

En plus du secteur de l'hôtellerie et de la restauration, cette économie de services est causée principalement par le développement de la fonction publique, parapublique et péripublique de la région de Québec. À elle seule, la fonction publique regroupe plus de 34 000 personnes, impliquant une masse salariale de plus de 678 000 000 $ en 1980.

En ce qui a trait à la rémunération au pourboire, nous constatons à la pratique qu'une majorité de nos fonctionnaires demeurent très conservateurs. Les vérificateurs d'impôt, quant à eux, nous semblent très novateurs lorsqu'il s'agit de fixer les taux d'impôt de cette partie du revenu qu'est le pourboire.

M. Gagné: C'est ce qui explique que j'aie dit tout à l'heure, en réponse au ministre, que ce n'était pas nécessairement avec plaisir que nous recevions les fonctionnaires. (17 heures)

M. Marcoux: Je pensais que vous visiez d'abord les députés.

M. Gagné: Non, absolument pas, c'est l'ensemble de la fonction publique, les fonctionnaires de premier niveau comme de dernier niveau.

M. Blank: Après une consultation faite au Parlementaire, nous constatons qu'ils sont très satisfaits des pourboires. Ils ne veulent pas de pourboire à 15% parce qu'ils font plus.

M. Gagné: Mais ils ont une formule un peu différente, d'ailleurs, et ils n'ont pas le même employeur non plus.

M. Blank: On parle de pourboire. On ne parle pas de salaire, on parle de pourboire.

M. Marcoux: Ce ne sont pas des fonctionnaires.

M. Gagné: Je le sais.

M. Blank: Ce sont des députés.

M. Marcoux: Non, les employés du Parlementaire ne sont pas des fonctionnaires.

M. Blank: Je le sais, mais monsieur dit qu'il n'est pas tellement satisfait d'avoir des fonctionnaires comme clients parce qu'ils ne laissent pas assez de pourboire. Je lui dis qu'ici, au Parlementaire, les filles sont très satisfaites. Elles disent que 15%, ce n'est pas assez parce qu'elles gagnent plus que cela. C'est ce que j'ai dit.

Mme Gagné: Donc, de plus, la baisse des salaires envisagée par le gouvernement pour les salariés de la fonction publique et parapublique aurait, lors de sa mise en application, comme conséquence directe une perte d'au-delà de 100 000 000 $ en moins en circulation pour notre région et une augmentation de 38 000 chômeurs et chômeuses.

Bien sûr, cette perte nette se répercutera en premier lieu sur le revenu au pourboire des travailleuses et travailleurs de l'hôtellerie et de la restauration. En effet, c'est dans cette partie du budget familial que l'on commencera à récupérer le manque à gagner. Si cela est vrai pour les résidents de notre région, cela s'applique concrètement aussi aux touristes en visite dans notre région.

Tous les intervenants de l'industrie touristique se souviendront qu'ils s'accordaient pour dire, il y a quelques mois à peine, que ce secteur n'avait guère progressé et que la région n'avait pas mis en oeuvre tout ce qui était en son pouvoir pour exploiter au maximum son potentiel culturel et sa situation de capitale pour attirer et retenir le touriste.

La situation des travailleuses et travailleurs de l'hôtellerie et de la restauration, par conséquent, n'a pas progressé, elle s'est même détériorée. En ce qui concerne leurs conditions de travail, elles sont pires que jamais à cause, entre autres choses, de l'outil ultime de chantage actuel que constitue l'emploi. Si Québec compte autant de grands hôtels et de grands restaurants, autant d'établissements prestigieux, il va de soi que chacune de ces entreprises voudra se donner une image concordant à sa réputation. Cela vaut aussi pour son personnel qui devra subir des exigences qui n'ont parfois rien à voir avec l'emploi pour être embauché.

Par exemple, dans certaines discothèques huppées, il faut être jeune et belle et surtout bien faite; dans d'autres, il faut être jeune, beau et "sexy"; dans certaines salles à manger, on doit avoir l'air d'âge mûr, avec cette allure très distinguée nécessaire pour porter le smoking ou la jupe longue. Un certain nombre de handicapés réussissent à obtenir un emploi, mais les grands hôtels les cachent tous à la plonge, aux ordures ou dans les fonds de bureau; quant aux autochtones, nous les cherchons toujours. En ce qui concerne les immigrants et immigrantes, on les retrouve tous dans des ghettos d'emploi que constituent certains services.

Ces grands hôtels de la région de Québec doivent désormais fonctionner avec un syndicat. La situation de l'ensemble des entreprises de restauration, surtout, et celle de l'hôtellerie est cependant tout autre. C'est dire la vulnérabilité des travailleuses et travailleurs de ce secteur face à leur employeur qui, nous l'avons dit, utilise allègrement cet outil ultime de chantage qu'est l'emploi pour tuer dans l'oeuf tout projet de regroupement ou d'organisation pour revendiquer toute tentative de plainte devant la Commission des normes du travail et, évidemment, toute tentative de syndicalisation.

M. Gagné: À ce chapitre-ci, j'aimerais faire remarquer que la Commission des normes du travail n'aide pas les travailleurs et travailleuses de l'hôtellerie en ce qui concerne cette vulnérabilité. Mme la députée de L'Acadie nous demandait hier si on avait des statistiques en ce qui concerne le nombre d'enquêtes, le nombre de plaintes déposées devant la commission, etc. Je rappellerais à la commission qu'il y a quelques mois à peine, le secrétaire de la Commission des normes du travail déclarait que ça ne se faisait pas de remettre son chèque de paie à l'employeur. Si le secrétaire de la commission, M. Béliveau, affirme une telle chose, s'il ne sait pas que cela se fait, comment voulez-vous que nous ayons des statistiques? C'est très difficile, en ce qui nous concerne, d'aider le monde quand la commission dit: Cela ne se fait pas, on ne s'en mêle pas.

En ce qui concerne les tentatives de syndicalisation, hier et ce matin, on vous a donné le "membership" de l'ADEPE et de l'AGAP. Si les gens ne peuvent pas se syndiquer, le "membership" des associations de gens au pourboire est tout aussi difficile; c'est ce qui explique que l'ADEPE n'ait que 100 membres sur 2000 possibles, comme on l'a dit hier en commission, et que l'AGAP n'ait que 600 membres sur 3000 possibles.

Mme Gagné: Par exemple, au cours de la campagne de sensibilisation auprès des travailleuses et travailleurs au pourboire qui a précédé cette commission, les salariés de certains établissements de restauration ont refusé carrément de nous parler ou de signer la pétition que nous remettrons au ministre, de peur de perdre leur emploi si jamais ils étaient vus par leur employeur.

Dans certains autres établissements, c'est l'employeur lui-même qui mettait la main sur la documentation que nous nous

apprêtions à remettre à ses salariés. Inutile de vous dire quel chemin elle a pris. Là où nous réussissions à remettre notre brochure explicative sur la Loi actuelle des impôts, les travailleuses et travailleurs, dans la majorité des cas, la camouflaient soigneusement pour pouvoir plus tard la consulter en cachette. La majorité des travailleuses et travailleurs au pourboire connaissent très mal en effet leurs droits et obligations en ce qui a trait à l'impôt, et ce malgré que les ministres du Revenu fédéral et provincial nous affirment qu'il existe de nombreuses brochures explicatives et formulaires sur le sujet.

On a d'ailleurs tendance à confondre pourboire et gratification.

M. Gagné: Ici, je ne veux pas relancer le débat qui s'est fait tout à l'heure, mais j'aimerais signaler à la commission qu'hier le mémoire national de la CSN a constamment parlé de frais de service. D'accord? Nous sommes d'accord avec le député de Terrebonne qu'il faut absolument clarifier cela; et quand on parle de frais de service, c'est ce qu'on appelle encore le pourboire, mais c'est cette partie qui doit être considérée comme étant partie intégrante du salaire sur lequel nous acceptons d'être imposés et sur lequel nous exigeons des droits aux différents régimes sociaux gouvernementaux. En ce qui concerne la partie pourboire, les "peanuts" dont on parlait tout à l'heure, je pense qu'effectivement il n'y a pas de contrôle là-dessus. Quand on parle de pourboires, les poursuites dont on a fait abondamment état devant cette commission sont le résultat d'un manque de contrôle. D'accord? En imposant les frais de service, a-t-on dit quelque part, dans le livre vert, que cela n'empêcherait peut-être pas encore d'avoir quelques pourboires? Il n'y aura pas plus de contrôles.

Messieurs, M. le ministre, oubliez cela. S'il n'y a pas de contrôle possible, ni pour le ministère du Revenu ni pour nous, il faudrait peut-être l'oublier. En ce qui concerne les frais de service, qu'on les impose à 15%, et s'il y a des 0,25 $ qui sont malencontreusement échappés par le client sur certaines tables, n'essayons pas de les cotiser. D'ailleurs, le mot pourboire, en ce qui me concerne, si je prenais cela de façon un peu simpliste, les pourboires, c'est pour aller prendre un coup, pour aller prendre une bière après ma "job"; d'accord? Si je reçois un cadeau de ma mère à mon anniversaire, 10 $ pour faire un "party", j'espère que le ministère du Revenu ne viendra pas me l'imposer.

Mme Gagné: Mais on s'entend généralement pour dire que ni l'un ni l'autre n'est versé par l'employeur, que c'est surtout le lot des serveurs et barmen, serveuses et barmaids et que le client le verse pour un service qui lui a été rendu, au moins en principe. Or, de nombreuses tâches ne faisant pas partie du service sont rémunérées au taux du service au pourboire, 3,28 $ l'heure, sans que le salarié ne reçoive du client quelque gratification que ce soit. Citons en exemple le polissage des ustensiles avant le service, l'essuyage des verres, la cuisson des aliments dans certains casse-croûtes, le récurage des poêles, des planchers et des casseroles après le service.

Pour compléter le tableau, ces travailleuses et travailleurs ne touchent parfois qu'une partie de ces pourboires, gratifications ou frais de service. On a déjà parlé du partage des pourboires avec d'autres salariés et souvent avec l'employeur lui-même. Dans certains établissements, et non pas les moindres, c'est une pratique qui donne lieu à un tordage de bras éhonté pour forcer les travailleuses et travailleurs au pourboire à verser une partie du revenu d'autres salariés à la place de l'employeur.

C'est une pratique que nous dénonçons, qui devra être formellement interdite et punie formellement par la loi que nous vous demandons d'amender. Car non seulement ces travailleuses et travailleurs sont-ils amputés ainsi d'une partie de leurs revenus directs, mais ils sont aussi obligés de payer de l'impôt sur le salaire qu'ils versent à d'autres salariés, tout en étant privés d'une bonne partie des prestations potentielles des différents régimes sociaux gouvernementaux.

Ici, j'aimerais avertir la commission de corriger le sous-titre "avantages sociaux" pour régimes sociaux ou sécurité du revenu. Au chapitre des régimes sociaux, les travailleuses et travailleurs au pourboire sont particulièrement lésés. Qu'il s'agisse de mentionner seulement l'assurance-chômage. Signalons qu'à ce chapitre, en vertu de la loi de l'impôt au fédéral, Hilton-Canada se retrouve actuellement devant la Cour suprême, poursuivie par la Commission de l'assurance-chômage pour ne pas avoir prélevé ni versé de cotisations à ce régime pour des gratifications contrôlées qu'il a facturées à ses clients et remis à ses salariés.

Pour toutes ces raisons, les syndicats affiliés à la CSN de la grande région de Québec revendiquent auprès des autorités gouvernementales une meilleure protection des travailleuses et travailleurs au pourboire et des mécanismes assurant une qualité de la profession qui aurait pour effet de faire de ces travailleuses et travailleurs un des éléments importants de l'attrait touristique de la région.

M. Gagné: Un des éléments de l'attrait touristique de la région, croyons-nous, serait les travailleurs et les travailleuses au pourboire eux-mêmes. J'aimerais rappeler la position de l'Association des restaurateurs du

Québec qui voulait que nous soyons les plus compétents au monde. Si ce n'est pas un attrait touristique, je me demande ce que c'est.

Mme Gagné: Pour ce faire, l'hypothèse évoquée dans le livre vert du ministre du Revenu touchant les 15% de service obligatoires nous apparaît être une solution viable. Un employeur forcé de verser sa part de cotisation aux différents régimes sociaux gouvernementaux, une plus large part d'avantages sociaux, une rémunération plus juste à ses salariés au pourboire sera sans doute plus exigeant quant à la qualité du personnel qu'il embauche et quant à la formation qu'il leur donnera par la suite. Ces mêmes employés se verront, du même coup, octroyer une rémunération plus décente pour un travail davantage de qualité, un revenu qui aura la chance de dépasser le seuil de la pauvreté. En cas de cessation d'emploi pour une raison ou pour une autre, ils se verront soustraits à une partie de l'arbitraire patronal et de l'arbitraire de certaines pratiques du fisc. Les 15% de service obligatoires nous apparaissent non seulement une solution viable, mais la seule solution qu'il nous faille retenir.

M. Gagné: En conclusion de la conclusion, j'aimerais rappeler que la chambre de commerce disait aujourd'hui - en faisant un peu écho à d'autres intervenants -qu'elle n'avait pas d'études chiffrées, elle non plus, sur la situation des travailleurs et des travailleuses au pourboire, sur beaucoup d'éléments. Il ne faudrait pas que les suites de cette commission, à cause d'un manque d'études chiffrées ou d'un manque de chiffres, prennent des années. Je pense que la situation a assez duré et il faut que cela se fasse assez rapidement. Il faut aussi - et on l'a déjà signalé devant la commission -qu'il n'y ait pas que la Loi sur les impôts qui soit amendée. On a beaucoup parlé des conditions de travail. On a beaucoup parlé de la santé et de la sécurité. Il faudrait vraiment voir cela dans son ensemble et ce n'est pas uniquement la Loi sur les impôts que nous demandons d'amender, mais toutes les lois touchant les travailleurs et les travailleuses au pourboire.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le ministre.

M. Marcoux: M. et Mme les représentants de la CSN de la région de Québec, je vous remercie d'avoir bien voulu nous présenter votre mémoire. Je dois d'abord vous dire qu'en ce qui concerne votre préoccupation, j'ai indiqué, hier et aujourd'hui, qu'avant toute décision, on en vérifierait bien les conséquences économiques. Je peux vous assurer que ce n'est sûrement pas dans l'esprit de reculer indéfiniment, de prendre des années ou des dizaines de mois avant d'en arriver à une décision gouvernementale ou, en tout cas, pour que j'en arrive à une recommandation ou à des recommandations au Conseil des ministres. Je peux vous assurer que ma volonté est de procéder le plus rapidement possible. Je puis vous le certifier.

Deuxièmement, en ce qui concerne le fait de tenir compte du Régime de rentes du Québec et de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, mon intention - je l'ai dit à quelques occasions depuis le début -n'est pas d'arriver au Conseil des ministres avec un mémoire qui ne ferait écho qu'aux préoccupations du ministère du Revenu, mais d'arriver avec un mémoire qui ferait écho aux autres préoccupations concernant l'équité sociale également. C'est pourquoi, durant toute la commission, il y avait ici avec moi des représentants du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, de la Commission des normes du travail, ma collègue - elle est actuellement au Conseil des ministres et c'est pour cette raison qu'elle n'est pas avec nous - la ministre déléguée à la Condition féminine. Je peux vous assurer que nous voulons envisager le dossier dans sa globalité dans toute la mesure du possible pour engager...

M. Polak: Vous oubliez l'Opposition.

M. Marcoux: Ah! Bien sûr. Cette commission est précisément pour connaître également l'avis de l'Opposition...

M. Polak: Je l'espère.

M. Marcoux: ... soit au moment de la commission ou dans les mois et les semaines qui suivent. Je pense que le climat du déroulement de la commission indique aussi la volonté dans ce sens-là.

Pour engager le dialogue avec vous, j'inviterais mon collègue de Montmagny-L'Islet à vous poser des questions ou à faire ses commentaires.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. LeBlanc: Merci, M. le Président. Mme Gagné, vous avez présenté un mémoire qui a aussi été complété par votre compagnon et, dans l'ensemble, c'est la position adoptée par votre centrale hier. Nous avons longuement discuté avec elle. Dans la trame générale de votre rapport, vous décrivez aussi la situation des travailleurs au pourboire dans la région immédiate de Québec qui est probablement sensiblement la même dans tout le Québec, mais avec un aspect particulier pour Québec même et sa région immédiate, parce qu'il y

a une concentration - vous l'avez dit au début - des établissements hôteliers, dans la ville de Québec, qui est hors de proportion, par exemple, avec la ville de Montréal. (17 h 15)

Le danger qui a été évoqué, autant par l'Association des hôteliers que par la partie patronale et aussi par la CSN, hier, était que l'imposition des 15% obligatoires mettrait en péril le nombre d'établissements. Or, comme Québec en possède proportionnellement plus que d'autres régions du Québec, est-ce que ce ne serait pas une cause d'accélération de la disparition de certains établissements?

M. Gagné: Je ne sais pas si ce serait une cause d'accélération, mais je ne crois pas que ce soit la cause immédiate de la disparition d'un certain nombre d'établissements. Nous le disons dans notre mémoire, les employeurs eux-mêmes nous le disent, le nombre d'établissements est déjà trop grand. C'est déjà un état de fait, il y a disparition possible d'établissements hôteliers dans la région de Québec et ça n'a rien à voir, pour l'instant, avec les 15% obligatoires. Que les 15% obligatoires ajoutent à cela, je ne le crois pas non plus, mais, à tout le moins, ce ne serait pas la cause immédiate, c'est déjà la situation.

M. LeBlanc: Dans un autre ordre d'idées, vous avez décrit aussi la situation des travailleurs au pourboire comme n'étant pas des plus reluisantes. Je reviens à votre définition du pourboire: "pour boire", mais, d'après ce qu'on constate dans votre rapport, il n'en reste plus pour boire, c'est strictement pour manger.

M. Gagné: Exactement. Et pas du steak.

M. LeBlanc: Au niveau de la représentation, vous avez parlé au nom de tout le monde, de façon générale, mais vous avez dit que, sur le nombre total de travailleurs au pourboire, vous ne représentiez que très peu de ces gens; vous avez aussi parlé des difficultés que vous avez à recruter des gens dans votre groupe. Il y a un passage de votre rapport qui le mentionne. Par exemple, lorsque vous avez donné des informations par rapport à la Loi sur les impôts, vous avez eu beaucoup de difficultés. J'aimerais que vous développiez ce point.

Mme Gagné: La région de Québec englobe également Rimouski, pour les syndiqués CSN. On regroupe environ une quinzaine de syndicats qui totalisent environ 1500 travailleurs; ils ne sont pas tous au pourboire, il y a environ 30% de ce groupe de travailleurs et travailleuses qui sont au pourboire actuellement. La difficulté que l'on connaît...

M. LeBlanc: Quel pourcentage avez-vous dit?

Mme Gagné: C'est 30%. M. LeBlanc: D'accord.

Mme Gagné: Environ 30% ou 35%, on n'a pas les chiffres exacts, on les a sortis en vitesse, tout à l'heure.

M. LeBlanc: C'est bien.

Mme Gagné: Ensuite, la difficulté aussi qu'on connaît par rapport à la syndicalisation dans le milieu de l'hôtellerie et de la restauration est la même que dans tous les petits endroits où il y a très peu d'employés qui, souvent, n'ont pas de force pour être capables de réussir à se syndiquer et se font congédier à la moindre tentative de syndicalisation; c'est clair.

M. LeBlanc: Vous avez mentionné, dans votre mémoire, que vous êtes présents, avec les syndicats, dans les grands hôtels, mais qu'ailleurs vous êtes, à toutes fins utiles, absents.

Mme Gagné: Absents, oui.

M. Gagné: Quant à la difficulté qu'on a à donner de l'information à des travailleurs non syndiqués de l'hôtellerie et de la restauration, elle repose sur ce fait que l'ADEPE a mentionné au tout début de cette commission, concernant la qualité de la syndicalisation. Nous sommes allés dans des entreprises qui étaient syndiquées, mais c'est pire que si elles ne l'étaient pas; elles étaient syndiquées avec des organismes très près des employeurs.

M. LeBlanc: À la dernière page de votre rapport - à la conclusion - vous avez mentionné: "... une rémunération plus juste à ses salariés au pourboire sera sans doute plus exigeant quant à la qualité du personnel..." Je voudrais que vous me donniez un peu plus d'éclairage sur ce point. Vous voulez dire que la qualité du personnel devra forcément être meilleure avec l'imposition des 15% obligatoires. Je ne fais pas la relation.

M. Gagné: Nous sommes convaincus qu'un employeur qui engage un cuisinier qui lui coûte 8 $, 9$, 10$ ou 12$ l'heure actuellement, dans les grands hôtels - selon le nombre de fourchettes - surveille de très près la qualité de son cuisinier au prix qu'il le paie. À ce moment, le travailleur et la travailleuse au pourboire - nous l'avons dit souvent pendant cette commission - avec les

15% de service obligatoires, augmentent les frais pour l'employeur. Il devra désormais prendre la responsabilité de l'évaluation de son personnel, c'est-à-dire que ce ne sera plus le client qui se chargera de punir ou de récompenser le travailleur ou la travailleuse au pourboire; maintenant, le client s'adressera au patron pour se plaindre et celui-ci devra, par la suite, d'abord embaucher du personnel compétent, le former, s'il n'est pas tout à fait compétent, et entretenir la qualité de la profession, à toutes fins utiles.

Mme Gagné: En terminant, dans le livre Problèmes et Perspectives d'emploi dans le secteur hôtelier, le gouvernement du Québec avait justement fait la constatation que, lorsqu'il y avait embauche de personnel seulement au pourboire, il n'y avait presque aucun critère d'embauche comme tel et que c'était fait de façon très arbitraire. La qualité du personnel et sa formation n'avaient pas de suite après l'embauche de cette personne.

M. Gagné: D'autant plus que, comme nous l'avons dit, ce sont souvent des emplois d'attente. L'employeur peut donc - il y a des listes d'attente longues comme le bras pour deux ou trois emplois de disponibles dans un établissement - se permettre d'embaucher n'importe qui, n'importe quand, n'importe où, en n'importe quel nombre. Dès qu'on a deux jambes, deux bras et qu'on peut parler, on peut tenir un cabaret, donc, on peut être serveur, d'accord. Au prix qu'il nous paie, à 3,28 $ dans l'ensemble, pour les non-syndiqués surtout, l'employeur n'a pas une lourde punition, en ce qui concerne les coûts, en engageant un travailleur pour le bousculer ensuite et le mettre à porte s'il ne fait pas son affaire. Si son travailleur au pourboire lui coûte plus cher, il sera peut-être intéressé à avoir un personnel de meilleure qualité. D'autant plus que le consommateur s'adressera directement à lui pour discuter de la qualité de son personnel.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Westmount.

M. French: M. le Président, tout au long de la commission parlementaire, on a entendu parler des situations extrêmement pénibles que vivent les travailleuses et les travailleurs au pourboire, situations qui ne sont pas intrinsèques ou qui ne sont pas effectivement reliées au fisc québécois, mais plutôt reliées à tout un ensemble d'autres facteurs que plusieurs intervenants ont soulevés très efficacement devant nous. Je fais mention des ristournes de salaire faites au patron, du harcèlement, du chantage de toute sorte. Évidemment, de tels événements nous frappent et viennent colorer toute notre perception du problème.

Alors, je voudrais pour commencer essayer d'identifier plus précisément comment, M. et Mme Gagné, vous nous recommanderiez, en tant que législateurs, de nous attaquer à ce problème. Vous conviendrez avec moi que ce n'est pas -d'ailleurs, vous l'avez dit - le ministre du Revenu qui est vraiment en mesure de s'attaquer à ce problème, c'est important. Avez-vous d'autres suggestions, peut-être un peu plus précises que celles que vous avez évoquées ici? Si ces problèmes existent, ils devraient être réglés au plus vite.

Mme Gagné: II nous semble important de faire connaître l'ensemble, la globalité du problème des travailleuses et des travailleurs au pourboire. C'est clair que nous nous sommes attardés plus précisément au problème du fisc puisque cette commission parlementaire était convoquée là-dessus. Si jamais on parle de santé et de sécurité, si jamais on veut avoir des normes minimales, des normes de travail décentes pour les travailleuses et les travailleurs au pourboire, on verra à vous faire d'autres recommandations très précises. Pour le moment, il n'a pas été question de cela.

M. Gagné: Je pourrais peut-être vous donner un exemple précis de choses qu'il faudrait modifier. Dans la Loi sur les normes de travail, on dit que le pourboire doit être remis au salarié; c'est la propriété exclusive du salarié. On a parlé tout au long de la commission de répartition et de partage du pourboire entre les salariés. Un salarié, selon la Loi sur les normes de travail - nous le savons, nous nous sommes cogné le nez sur la porte - cela peut être le directeur général d'un grand hôtel. Si le directeur général du Hilton, du Concorde ou du Château Frontenac décide de participer au pourboire demain matin, le directeur général est un salarié de la compagnie. Je trouve cela assez scandaleux.

M. French: Je trouve cela scandaleux dans le sens que vous l'évoquez. Est-ce que cela arrive?

M. Gagné: Cela arrive. C'est arrivé hier. Cela arrive aujourd'hui. Cela arrivera demain. Mes collègues se font probablement prendre une partie de leur pourboire par un maître d'hôtel, par un employeur, par la gérante qui la mettent dans leurs poches pour la redistribuer. Le directeur du personnel... Enfin, tout le personnel de l'hôtel y passe, le personnel-cadre, le personnel de bureau, ainsi de suite.

M. French: Une des choses qu'on peut faire, ce serait d'améliorer les définitions dans la Loi sur les normes de travail.

M. Gagné: C'est un exemple d'amendement qu'il faudrait apporter à la loi sur les normes.

M. French: Tout ce que je peux vous dire, c'est que, des deux côtés, on serait très intéressé a avoir des suggestions aussi spécifiques que possible. J'ai beaucoup appris dans un domaine dans lequel j'étais tout à fait ignorant. C'est très difficile. On nous laisse avec l'impression qu'il y a des choses épouvantables qui se passent. On en est convaincu. Ce serait très utile d'avoir non seulement des exemples très concrets, mais aussi quelques suggestions quant aux solutions, parce que nous ne sommes pas en mesure, surtout dans le contexte fiscal dans lequel nous travaillons actuellement, de régler tous les problèmes à la fois, sauf que l'évocation de ces problèmes, comme je l'ai dit tantôt, a coloré toute notre perception du problème. Je voudrais vous inviter à nous en parler plus longuement à la prochaine occasion.

M. Gagné: Nous serions aussi très intéressés à transformer la couleur que vous avez, du sombre au plus pâle, au plus pastel.

M. French: Dans ce cas, je voudrais tout simplement vous dire qu'en tant qu'Opposition, nous serions très intéressés à vous entendre là-dessus. Je voudrais aussi parler de la situation économique du Québec. On a effleuré le sujet un petit peu avec le député de Montmagny-L'Islet. Au début, vous avez décrit de façon très complète une situation économique extrêmement sérieuse, mais je dois vous avouer qu'à part l'argument de la qualité du personnel qui découlerait, semble-t-il, des frais de service obligatoires, il n'y a pas eu d'autre pensée à poursuivre dans ce domaine. Évidemment, je ne vous demande pas un plan de développement économique pour le Québec. Y a-t-il possibilité d'une plus grande concertation entre les employés et les entreprises dans le domaine touristique, par exemple? Y a-t-il possibilité, avec le danger qui nous menace également, il me semble, pour les employés et les employeurs, de travailler plus efficacement ensemble?

Des voix: ...

M. Gravel: M. le Président, je n'arrive pas à comprendre pourquoi, des deux côtés de cette commission, nous ne sommes pas capables d'écouter nos intervenants et de parler sérieusement là-dessus. Au début, dès qu'ils ont arrêté, le député de Montmagny-L'Islet a commencé à poser des questions et nous n'avons plus eu que du bruit de ce côté. J'apprécierais beaucoup que mes collègues tiennent leur caucus à l'extérieur. Le sujet est important. Nos invités ont droit à avoir un peu plus d'attention de la part des législateurs.

Le Président (M. Boucher): Si vous en faites une question de règlement, M. le député de Westmount, je demanderai aux membres de la commission de bien vouloir observer le silence.

M. Polak: Pas d'une manière générale.

M. Blais: Commencez par le faire de votre côté, M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: J'écoute.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! Mme Gagné.

Mme Gagné: Pour répondre un peu, nous pensons effectivement que, par rapport au développement économique, surtout au niveau de l'hôtellerie et de la restauration, il devrait y avoir du moins une première concertation entre gouvernement et employeurs pour permettre un développement beaucoup plus intelligent du secteur hôtellerie-restauration. En ce concerne l'apport des employés, étant donné que c'est une main-d'oeuvre qui roule beaucoup, on a quelque peu de difficulté à voir la nécessité de leur apport comme tel, ce qui pourrait être fait...

M. French: C'est-à-dire que, vu le faible taux de syndicalisation, etc., les porte-parole accrédités de la part des employés ne sont pas très nombreux.

Mme Gagné: Aussi, mais, par rapport au taux de roulement des employés, des gens au pourboire, c'est énorme. Ce n'est pas comme dans une usine où des gens restent dix, quinze ou vingt ans. Ce n'est pas cela qui se passe dans l'hôtellerie actuellement. Donc, les gens arrivent pour un certain temps, travaillent dans l'hôtellerie et repartent, soit à cause des conditions de travail qui sont très pénibles, soit qu'ils ont trouvé des emplois beaucoup plus rémunérateurs, avec des conditions de travail bien meilleures. (17 h 30)

M. French: M. le Président, une dernière question. C'est la même que celle que j'ai posée à d'autres intervenants. Le député de Montmagny-L'Islet l'a soulevée. Advenant la solution de frais de service obligatoires de 15%, n'y aurait-il pas danger que, dans l'espèce de lutte pour la survivance qui s'ensuivrait inévitablement -je pense que tout le monde le constate -l'emploi total dans le secteur baisse de façon nette, ce qui, il me semble, créerait un certain problème, vu la conjoncture économique actuelle? Je vous avoue que je

suis totalement indifférent à payer 15% volontairement ou inévitablement sur l'addition. Cela ne m'affecte pas personnellement.

Je ne voudrais pas voir baisser l'emploi net dans le secteur, qui est intense au point de vue de l'emploi de main-d'oeuvre, le voir baisser de façon substantielle, et j'ai un peu peur. Personne ne m'a convaincu que cela n'arriverait pas. Je ne pense pas que cela serait rendre service aux employés au pourboire, en tant que législateurs, d'accepter de façon brusque la revendication de certains d'entre eux, ce qui ferait en sorte qu'il y en aurait beaucoup moins le lendemain.

Mme Gagné: Actuellement, les 15% de frais de service ne sont pas obligatoires et on connaît fermeture sur fermeture et réouverture sur réouverture. Dans la région de Québec, entre autres, un des restaurants sur le chemin Sainte-Foy, tout près de Chez Camille, si vous le connaissez, a fermé au moins cinq fois dans l'espace d'un an et demi et a rouvert quatre fois. C'est assez spécifique à la région. Étant donné que le développement s'est fait de façon tellement anarchique, qu'il y a tellement de restaurants et d'hôtels, la population qui réside à Québec n'a pas la capacité de faire vivre tous ces endroits. Je ne nomme qu'un seul restaurant, mais vous pourriez regarder et vous verriez que, surtout dans le quartier latin, il y en a eu beaucoup.

Pour vous parler de l'incidence économique que cela pourrait avoir, je pense qu'on pourrait se pencher un peu plus sur ce qui s'est passé en France et en Belgique quand il y a eu cette imposition de frais de service.

M. French: En France, c'était dans les années quarante, je crois; c'est-à-dire que je ne suis pas sûr que le parallèle va beaucoup nous aider.

Mme Gagné: En tout cas, je...

M. French: C'est un problème que je vous recommande d'étudier parce que, enfin, par exemple, des restaurateurs nous ont offert une solution. Tout ce qu'on à faire, c'est d'ériger des barrières financières à l'entrée. Evidemment, on entendait des restaurateurs d'une certaine richesse, d'entreprises d'une certaine grandeur. Aimeriez-vous mieux avoir moins d'employeurs, mais des employeurs un peu plus riches au début? Cela vous aiderait-il? L'État peut le faire. Je ne sais pas s'il veut le faire, mais l'État peut ériger toutes sortes de barrières financières à l'entrée de l'établissement.

M. Gagné: L'amélioration des conditions de travail et des conditions économiques des travailleurs et des travailleuses au pourboire et des travailleurs et des travailleuses de l'hôtellerie en général est évidemment notre premier objectif. Si les 15% de frais de service deviennent obligatoires - on l'a dit au cours de la commission, on ne vous a peut-être pas convaincu, M. le député de Westmount - nous croyons que cela va améliorer en même temps le chiffre d'affaires de nos employeurs. Cela a été dit. Si on améliore le chiffre d'affaires de nos employeurs, on élimine des risques de fermeture. D'autre part, quand vous dites que l'imposition des 15% de service obligatoires en Europe qui date des années quarante ne s'applique pas, je crois savoir qu'en Europe, en Belgique, malgré les frais de service obligatoires, il y a de nouveaux restaurants et de nouveaux hôtels qui ouvrent leurs portes en 1982.

M. French: Je m'excuse, mais vous avez mal compris. J'ai dit qu'étudier le parallèle de l'instauration, de l'implantation de cela en France ne nous aiderait pas tellement parce que cela a été fait il y a tellement longtemps. Je n'ai jamais dit que l'expérience française n'était pas pertinente.

M. Gagné: Maintenant que c'est fait en Europe depuis déjà 20 ans, cela n'empêche pas les ouvertures.

M. French: Je tiens absolument à souligner que ce sont justement les problèmes de transition qui me préoccupent. J'ai dit que, personnellement, cela ne me préoccupe pas du tout de payer d'une façon ou de l'autre. C'est la transition que je trouve menaçante, je vous le dis honnêtement. Peut-être que cela ne l'est pas. Je suis même ébranlé par la confiance que la plupart des représentants des employés ont dans la préservation du niveau total de l'emploi actuel advenant le cas d'une solution de frais de service obligatoires. Je suis très étonné et j'espère que vous avez raison.

M. Gagné: J'aimerais insister auprès du député de Westmount et auprès de la commission; on l'a dit et je pense qu'il faut insister là-dessus: On ne part pas de 0% à 15%, on donne déjà du pourboire.

M. French: Malheureusement, cette rationalité ne passe pas toujours dans l'esprit du client. Je peux vous le dire pour avoir été en affaires dans plusieurs secteurs, et le marketing, je le connais très bien. Vous avez beau nous passer le message, on le comprend parce qu'on en a discuté pendant deux jours. Mais je vous assure que dire à la population, tout de suite, que c'est 15%, cela va provoquer une réaction quelconque. Donc, advenant le cas de cette solution, il faudrait

que les syndicats, le gouvernement, les employeurs se mettent ensemble pour l'expliquer à la population. C'est très important. Même à cela, je vous souligne respectueusement qu'il est possible qu'il y ait un petit changement dans la structure de la demande pour les services de restauration qui ferait en sorte que vos membres perdraient partiellement leur emploi... Excusez-moi, pas vos membres, mais vos membres potentiels seraient diminués en nombre, parce qu'il y aurait d'autres solutions que les gens trouveraient, au moins à court terme, pour se nourrir. Je n'y tiens pas absolument, je veux bien être convaincu que ce n'est pas le cas. J'ai peur. Je ne crois pas, toutefois, que le ministre va être capable de mettre les 15% sur le "fast-food". Vous parliez d'un problème politique, voilà un problème politique extrêmement sérieux pour lui. Advenant le cas où le "fast-food" ne serait pas dans la "game", est-ce que vous voulez les 15% en tout état de cause?

M. Gagné: Je pense que le ministre, au moment d'un énoncé politique ou d'un projet de loi, consultera sans doute sur son énoncé politique ou son projet de loi, si cela arrive. Nous serons là à ce moment pour commenter et critiquer ce qui sera sur la table. Mme Gagné vient de vous dire qu'on était tous disponibles pour collaborer dans une consultation, dans une phase subséquente à une recherche de solutions à ce problème', je le répète.

M. French: Je vous demanderais, en terminant, de travailler un peu le scénario des 15% dans le "fast-food" là-dedans. Travaillez sur ce scénario au point de vue de l'emploi, ce serait intéressant d'avoir vos recommandations là-dessus.

Mme Gagné: Avant de terminer là-dessus, pour le "fast-food", il est clair que le mouvement syndical a toujours essayé de défendre les plus démunis. Actuellement, les tentatives de syndicalisation dans le "fast-food", que cela soit McDonald, que cela soit dans les autres chaînes - j'appellerai cela des chaînes d'alimentation. Ce sont particulièrement des jeunes, des étudiants, des émigrants, des femmes qui y sont représentés et, si on n'a pas le courage politique de se pencher sur ce problème, je trouve que c'est très difficile.

M. French: M. le Président, je ne vous ai pas demandé de renoncer à la possibilité de dénoncer le gouvernement, l'Assemblée nationale et l'Opposition officielle pour ne pas avoir adopté votre solution, je vous dis seulement que, s'ils n'ont pas ce courage, cela vaudrait la peine d'avoir une analyse de cette situation et de l'impact sur l'emploi dans le reste du secteur.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Sainte-Anne, vous pouvez dire tout haut ce que vous disiez tout bas tantôt.

M. Polak: Toujours, M. le Président. J'ai seulement une question. M. Gagné, quand on analyse tous les mémoires qu'on a eus, les gens qui ont parlé, cela varie énormément. Il y a votre syndicat et la CSN; ensuite, un autre syndicat qui est aussi très légitime qui représente des travailleurs, l'alliance des travailleurs du Québec, représentée par M. Côté, qui a un mémoire tout à fait différent du vôtre en ce qui concerne les conclusions. Évidemment, on a aussi les opinions des employeurs qui disent que, s'ils se font imposer les 15%, cela veut dire la ruine de l'industrie, qu'il ne resterait plus rien.

Donc, si quelqu'un est objectif - je pense que je suis objectif - où est-ce que la vérité se situe dans tout cela? Parce que cela varie énormément. Sachant que, et c'est malheureux, ces employés ne sont pas syndiqués - parce que le nombre qu'on représente n'est pas important par rapport au nombre total des employés dans toute la province de Québec - et pensant qu'il y a aussi des points de la part des employeurs qui disent que cela va ruiner leurs affaires, est-ce qu'il ne serait pas plus prudent, pour le moment, connaissant la situation économique actuelle, de ne pas prendre le risque que le pire arrive et de ne pas totalement accepter le statu quo, mais d'aller très lentement, certainement pas aussi loin que vous? Est-ce que vous seriez prêts à considérer cela en vue de la condition spéciale qui règne partout autour de nous? Je vous demande un peu la même chose que ce que M. Bérubé demande aux employés dans le secteur public: Serrez-vous la ceinture et souffrez avec tout le monde.

M. Gagné: Par les temps qui courent, pour tous les travailleurs au pourboire ou non de l'hôtellerie, pour tous les travailleurs de la sidérurgie - entre autres, il y a une commission parlementaire qui parle de SIDBEC aujourd'hui - pour tout le monde, enfin, il paraîtrait que cela ne va pas bien, nous a-t-on dit. Nous en savons quelque chose, nos membres nous en parlent tous les jours. Je me refuse à attendre trois ans pour voir à améliorer la situation des travailleurs avec qui je travaille, les travailleurs qui m'ont élu président du syndicat, les travailleurs qui m'ont fait confiance, les travailleuses qui se font, à cause de la situation de la crise, doublement harceler, etc. Je me refuse à attendre deux ou trois ans et à dire: Allons-y lentement, les employeurs ont quelque difficulté eux aussi. Mais je pense que nos employeurs, en règle générale, ont les reins un peu plus solides que les travailleuses et les travailleurs d'une

entreprise où le salaire moyen est de 6,10 $.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Viger.

M. Maciocia: Oui, j'aurais trois petites questions à vous poser. La première, c'est que j'ai cru comprendre tantôt que vous avez dit que les 15% obligatoires, ce n'est pas la cause principale de la fermeture d'établissements, mais cela pourrait être une cause; c'est ce que j'ai cru comprendre entre les lignes. Je ne peux comprendre qu'un syndicat comme le vôtre puisse être d'accord sur la mise à pied d'employés, dans un premier temps.

Ma deuxième question: J'ai entendu tantôt de votre bouche que les 15% obligatoires amélioreraient le chiffre d'affaires des propriétaires. Je voudrais savoir de quelle façon et comment cela pourrait améliorer le chiffre d'affaires des établissements ou des propriétaires.

Troisièmement, vous avez dit tantôt: Comment se fait-il qu'il y ait une liste d'attente aussi longue? Je vous crois, parce que je suis sûr moi aussi qu'il y a une très longue liste d'attente pour être serveur ou serveuse à l'intérieur d'établissements et, en même temps, on est maltraité à l'intérieur de ces établissements. Quelle est la cause des listes d'attente aussi longues et en même temps pourquoi les conditions de travail sont-elles si pénibles?

Je ne voudrais pas que vous me répondiez que c'est la situation économique actuelle parce que cela fait des années; cela fait des années qu'il existe des listes d'attente, des centaines et des milliers. Il doit y avoir d'autres causes dont je voudrais connaître les raisons. Je n'accepterai pas, je vous le dis d'avance, que vous me disiez que c'est à cause de la crise économique actuelle, parce que ce n'est pas cela.

M. Gagné: D'accord. Le premier volet de votre question: Est-ce que les 15% de service obligatoires pourraient être la première cause d'une fermeture...

M. Maciocia: Non, je n'ai pas dit la première, j'ai dit une des causes.

M. Gagné: Une des causes. Cela pourrait être une des causes si... Prenons l'exemple qui nous a été servi à cette commission: un restaurant avec un chiffre d'affaires moyen de 300 000 $. On a vu que, si on ajoutait 15% de service obligatoires, cela signifiait pour le restaurateur des frais, des coûts d'administration de l'ordre de 5200 $, je crois. Si sa marge de profit n'est plus que de 5200 $ et qu'on arrive avec les 15% en pourboires, cela se pourrait bien qu'il ferme parce qu'il ne lui restera plus de profits. Il ne tiendra pas longtemps. À ce moment, je pense qu'effectivement les 15% de service pourraient être une des causes de la fermeture, ce serait la cerise sur le gâteau. S'il fait seulement 5200 $ de profit par année, je pense qu'il y a eu bien d'autres causes avant cela qui ont fait que notre restaurateur n'a pas fait d'argent.

Quant à la deuxième partie de votre question, vous me demandez: Comment pouvons-nous être d'accord pour que des travailleurs et des travailleuses au pourboire perdent leur emploi? On ne peut pas être d'accord avec cela. Ce qu'on dit, c'est qu'actuellement le taux de roulement qui était très élevé jadis a tendance... Il reste très élevé, mais il a tendance à se stabiliser à la baisse. Les travailleurs et travailleuses au pourboire qui ont l'habitude de se promener d'une entreprise à l'autre... Les 210 000 du livre vert, en fait, on a dit que ce n'étaient pas 210 000 travailleurs, mais 210 000 emplois; cela pouvait comprendre trois fois le même travailleur. Le travailleur va prendre une place et va la garder. C'est à peu près ce qui se passe actuellement.

Au niveau des fermetures, s'il y en avait, cela ne changerait pas grand-chose à la situation actuelle. Nous l'avons dit dans notre mémoire, nous assistons actuellement à des fermetures, à un taux de roulement, à des mises à pied temporaires, à du temps partiel, etc., et les 15% obligatoires ne sont toujours pas là.

M. Maciocia: Quand vous dites 210 000 emplois, j'ai pu croire hier qu'il... (17 h 45)

M. Gagné: ... comprenant tout le secteur.

M. Maciocia:... qu'il n'y avait pas 210 000 employés au pourboire.

M. Gagné: Absolument pas.

M. Maciocia: II y en a seulement autour de 50 000 ou 60 000.

M. Marcoux: 70 000 environ.

M. Maciocia: On ne parle pas de 210 000.

M. Gagné: Quand je parlais de 210 000, c'était l'ensemble des emplois dans tout le secteur: hébergement, hôtellerie et restauration. La situation actuelle est qu'il y a des mises à pied, il y a du temps partiel, il y a à peu près toutes les conditions possibles et imaginables qu'on puisse retrouver. Il y a déjà des fermetures. Si les 15% de service obligatoires arrivaient dans le décor, cela n'empirerait pas les affaires, à moins que des employeurs ne soient déjà vraiment juste à la limite.

D'autre part, comment les 15% de

service obligatoires pourraient-ils faire en sorte qu'on augmente le chiffre d'affaires de l'employeur? Je crois qu'on en a fait la démonstration hier et aujourd'hui. Si les 15% de service obligatoires sont assurés sur la facture, quand vous viendrez me voir à la salle à manger, je vais vous offrir un deuxième et un troisième apéritif, je vais vous offrir une bouteille de vin et je ne vous offrirai pas la moins coûteuse. Je vais vous offrir, deux, trois, quatre ou cinq cognacs, si vous le désirez. Je vais souvent être rendu à votre table, et, chaque fois que je vais vous offrir un deuxième apéritif, je vais remplir votre verre d'eau, je vais vous épousseter votre table, etc.

M. Marcoux: Mais c'est comme actuellement. Vu que vous êtes rémunérés... Il y a une certaine proportion. Plus la facture est élevée, peut-être que la proportion diminue, mais actuellement vous avez intérêt à ce que le client...

Une voix: ... achète plus.

M. Marcoux: ... prenne le repas le plus copieux possible.

M. Gagné: Absolument pas, puisque, plus le repas va être copieux, plus la facture va être élevée, et on l'a dit, plus la facture est élevée, plus le pourboire diminue. On en a fait la preuve devant vous hier.

M. Marcoux: Ce n'est pas cela qui a été dit, c'est que le pourcentage diminuait.

M. Maciocia: Excusez. Quand vous dites que vous allez épousseter la table et remplir le verre d'eau, etc., je crois que vous allez le faire plus aujourd'hui pour avoir un plus gros pourboire que lorsque le pourboire est déjà établi d'avance. Soyons logiques. Je considère que c'est cela. Quand il y a une fille ou un homme qui va me remplir mon verre d'eau, qui va être toujours à côté de moi pour d'autres raisons, je crois qu'à ce moment je vais lui donner un pourboire beaucoup plus fort que celui déjà établi d'avance. Si le pourboire est établi d'avance, je ne vois pas la nécessité de faire cela.

Mme Maës (France): Excusez-moi de vous interrompre, mais je pense que, dans ces conditions, vous nous accusez de ne pas avoir de conscience professionnelle.

M. Maciocia: Non, c'est le contraire. Je dois dire que vous allez le faire seulement parce que vous recevez 15%, mais vous n'allez pas le faire, si vous n'avez pas 15%.

Mme Maës: On le fait déjà, mais on le fera encore de plus belle si...

M. Maciocia: C'est le contraire de ce que vous venez d'affirmer.

Mme Maës: Pas du tout, monsieur.

M. Gagné: Tout à l'heure, je vous ai dit que nous considérions les fonctionnaires comme très conservateurs quant au pourcentage de pourboire; j'affirme la même chose en ce qui concerne les chiffres absolus, le nombre de cents et le nombre de dollars sur la table.

Quand je sers des clients et que je sais que le pourboire ne sera pas très élevé, je ne me permettrai pas de faire augmenter le montant de la facture, sachant que les vérificateurs de M. le ministre vont venir calculer le montant de l'impôt que je vais devoir payer à partir de là.

Le Président (M. Boucher): Alors! M. Maciocia: La troisième question?

M. Gagné: Ah oui, excusez, j'avais oublié complètement l'autre question!

Comment se fait-il que, si l'on est si maltraité dans ce secteur, il y ait des listes d'attente si longues? On a parlé des "fast-foods" et on a dit qu'il y avait beaucoup de jeunes dans ce secteur. Pour des jeunes, c'est une porte d'entrée facile sur le marché du travail. C'est aussi une porte facile pour demeurer sur le marché du travail, éviter d'être en chômage. La personne qui pourrait perdre sa "job" à la Davie pourrait bien décider un jour que cela a l'air facile, ce travail-là, qu'il va y aller et s'engager. Je vous ai dit plus tôt que l'employeur, à un certain moment, pouvait engager à peu près n'importe qui. En tout cas, il y avait à tout le moins cette tentation. Il y a le fait aussi que les exigences d'embauche n'étaient pas très élevées, en ce qui a trait à la scolarité, au poids, à la couleur des yeux et tout le bazar. Par exemple, pour devenir policier, il faut mesurer tant et avoir tant de largeur d'épaules; dans l'hôtellerie, cela ne joue pas, ces choses. C'est donc une entrée facile sur le marché du travail, pour y entrer et pour y revenir aussi. Je pense, entre autres, à la femme qui a fini d'éduquer sa famille et qui désire sortir. Elle va facilement pouvoir entrer sur ce marché d'emploi qui est l'hôtellerie et la restauration à temps partiel ou, si elle est très chanceuse, à temps plein.

Mme Gagné: Cela vaut mieux que le chômage actuellement, de toute façon, pour l'ensemble des travailleurs et travailleuses de la région. C'est pour cela que les listes d'attente... C'est peut-être l'emploi où il est le plus facile d'avoir des débouchés étant donné les critères d'embauche très peu élevés déterminés par les employeurs.

M. Maciocia: Est-ce que, selon vous, je dois comprendre que les qualités ou, disons, les critères qu'on devrait avoir pour embaucher un serveur ou une serveuse devraient être tellement élevés que probablement de ceux qui travaillent dans ce domaine, il n'en resterait qu'une petite partie qui serait vraiment capable d'avoir cet emploi?

Mme Gagné: Pas nécessairement. Ce qu'on dit dans le fond, c'est que l'employeur devrait donner une formation quand l'employé ne répond pas aux critères. L'employeur devrait donner la formation nécessaire à l'employé.

M. Gagné: Et quand l'Association des restaurateurs du Québec dit que nous sommes les plus compétents, elle parle de ceux qui sont actuellement sur le marché.

M. Maciocia: Mais alors c'est en contradiction.

M. Gagné: Ce n'est pas nous qui sommes en contradiction, je vous ferai remarquer.

M. Maciocia: Merci.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Marcoux: Comme les quelques questions que j'aurais pu poser ont été abordées, je ferai simplement quelques commentaires très rapides. J'ai éprouvé un sentiment curieux à la lecture de votre mémoire. Je le dis le plus franchement possible. Peut-être que cela pourra susciter une réaction de votre part. Dans les neuf premières pages du document, vous décrivez une situation très difficile pour l'industrie hôtelière et la restauration de la région de Québec. On sent qu'il y a des difficultés économiques importantes et que les enjeux par rapport aux pertes d'emplois sont à la limite, en tout cas, on sent qu'il y a un point critique.

D'autre part, vous donnez un exemple qui dit que les 100 000 000 $ en réduction de salaires pour les mois de janvier, février et mars, par exemple, dans le secteur gouvernemental, cela va créer une perte de 38 000 emplois, temporaires ou permanents -temporaires, j'ai l'impression dans ce que vous signifiez. Vous voyez donc à peine 100 000 000 $ de moins en revenus durant une période donnée. Cela pourrait avoir des conséquences très graves sur la création d'emplois, sur le nombre de chômeurs.

Lorsque vous décrivez la question de ce qui arrive au Carnaval, au ski alpin, à la diminution de l'attirance touristique extérieure l'hiver, j'ai eu l'impression que la conclusion de votre mémoire aurait été de dire au gouvernement d'être très prudent et convaincu et que, quelle que soit la solution qui sera prise, qu'elle mette en danger le moins d'emplois possible, même si elle doit en mettre en danger, dans notre secteur, compte tenu que - c'est cela que je trouve intéressant dans votre mémoire - vous dites bien que la région de Québec vit une situation particulière par rapport à d'autres régions. Je pense que c'est clair qu'elle est particulière... Je m'attendais en somme à ce qu'il y ait des recommandations de prudence dans les choix, les moyens possibles pour régler les problèmes qui doivent être réglés de toute façon puisque, vous le savez, je suis absolument contre le statu quo par rapport à la situation actuelle.

Or, j'arrive à la dixième page et, là, j'ai l'impression qu'on indique des solutions qui ont été présentées par beaucoup d'autres groupes qui partagent le même point de vue que vous, mais j'ai senti comme un hiatus, un décalage, qu'il n'y avait pas de lien, jusqu'à un certain point, entre les neuf premières pages de votre mémoire et la dernière où vous faisiez vos recommandations. Je les situe par rapport aux mêmes préoccupations que vous présentiez.

Tantôt vous reconnaissiez vous-mêmes qu'il y a plusieurs restaurants - ce n'est pas seulement ici, mais peut-être plus à Québec et plusieurs hôtels qui sont dans une situation financière critique. Vous disiez qu'actuellement il y en a beaucoup qui ferment et que ce n'est pas à cause des pourboires obligatoires, il n'y en a pas de pourboires obligatoires. Ce sont d'autres facteurs. Vous avez raison de dire qu'il y a d'autres facteurs qui jouent, surtout depuis deux ans. Vous dites que, finalement, ce sera la cerise. Justement, je pense qu'il faut se poser la question: La cerise, est-ce qu'on décide de la mettre ou pas? Est-ce le moment de la mettre ou quelle sorte de cerise met-on sur le gâteau?

En tout cas, je vous livre mon impression parce qu'il est mieux qu'on ait un dialogue clair et franc par rapport à ce que vous présentez. Quant aux conclusions et aux recommandations, on a eu l'occasion d'en discuter, depuis deux jours, et on va continuer à le faire durant au moins une autre journée.

Un autre commentaire que je voudrais faire concerne la Commission des normes du travail. Ce que je peux vous dire - je ne parlerai peut-être pas comme ministre, mais je vais parler comme député que je suis depuis six ans - c'est que je partage vos préoccupations face, je dirais, au peu d'efficacité qu'a connu, depuis plusieurs années, la Commission des normes du travail. Je pense qu'on a eu d'autres exemples qui ont été donnés hier. Je peux vous assurer

par contre que, depuis quelques mois, il y a eu des changements d'orientation et de volonté. Je ne sais pas jusqu'où ça pourra aller ou jusqu'où ça pourra se concrétiser dans la volonté d'appliquer plus fermement, je crois, et plus concrètement la Loi sur les normes de travail. Je puis vous assurer, comme je l'ai dit à d'autres groupes, que, dans les recommandations, on va essayer de tenir compte de l'ensemble des aspects économiques et des aspects sociaux et des conditions de travail qui peuvent être concernés par cette loi.

Ma dernière remarque est la suivante: vous souhaitez une nouvelle consultation et j'ai dit hier à plusieurs groupes que, sur les modalités concrètes - lorsque je me serai fait une opinion et que le Conseil des ministres se sera fait une opinion - chemin faisant, je n'éliminais pas du tout, au contraire, la consultation avec les groupes impliqués. Le dernier groupe dont je me serais attendu qu'il souhaite une nouvelle consultation au sens général, vous l'avez indiqué, c'est le vôtre. Je pense que la mesure la plus dilatoire possible, c'est que si, à la fin de cette commission, j'annonçais que dans quelques mois, il y aura une nouvelle consultation, etc., vous pourriez m'accuser de ne pas vouloir agir.

M. Gagné: Une consultation sur autre chose, M. le ministre. Je serais peut-être un peu furieux si vous nous arriviez avec l'annonce d'une consultation sur un second livre vert, c'est ça que je veux dire.

M. Marcoux: Mais j'aurais le même type de remarque, si j'étais à votre place, si c'était un livre blanc. Je pense que, la prochaine fois, ça va être une consultation sur les moyens concrets et immédiats à mettre en oeuvre ou pas.

M. Gagné: Une fois que vous aurez déterminé l'hypothèse retenue.

M. Marcoux: Oui.

M. Gagné: Voilà, c'est ça. La première étape, c'est celle-là.

Mme Gagné: Dans le fond, je pense que l'espoir qu'on a, c'est d'avoir une consultation plus large en termes de globalité du problème qui se vit actuellement et, en termes de conditions de travail, de santé et de sécurité qui prévalent dans les institutions de l'hôtellerie et de la restauration.

M. Marcoux: Cela, je pense qu'il ne faut pas l'éliminer, parce qu'il y a toujours des choses à améliorer spécifiquement chez les travailleurs qui sont touchés par la Loi sur les normes de travail, etc., comme les travailleurs dont on se préoccupe actuellement. Je ne voudrais pas en prendre prétexte pour attendre d'avoir trouvé la solution globale pour agir par rapport à ce secteur. Bien sûr, vous allez dire: C'est votre préoccupation de ministre du Revenu, mais je puis vous assurer que ce n'est pas seulement cela. Il y a des choses qu'on peut régler, pas à long terme, mais à court ou moyen terme.

Le Président (M. Boucher): Merci.

M. Gagné: M. le Président, j'aimerais peut-être faire une petite annonce dans le sens que le député de Westmount nous disait tantôt vouloir voir d'autres couleurs de la part du monde de l'hôtellerie et de la restauration. Je pense que ce serait valable aussi pour les membres de cette commission. Le ministre vient de nous présenter un livre vert sur lequel on a réagi. De notre côté, on prépare aussi un livre - mais celui-là est noir - sur les conditions de travail faites aux travailleurs et travailleuses au pourboire et qui pourrait éventuellement servir à une consultation. Je pense qu'à ce moment-là nous allons essayer d'éclairer les membres de cette commission et le gouvernement, dans l'ensemble, de ce qui se passe dans ce domaine. Cela portera sur des points, des exemples très précis de ce qu'il faudrait corriger.

Le Président (M. Boucher): Merci. Au nom de tous les membres de la commission, je remercie les représentants du Conseil central des syndicats nationaux de Québec de la présentation de leur mémoire.

J'appelle à la table M. Gilles Jolin. Avant cela, est-ce que les membres de la commission sont d'accord pour poursuivre?

Des voix: Oui.

Le Président (M. Boucher): Pour entendre M. Jolin?

Des voix: Consentement.

Le Président (M. Boucher):

Consentement? M. Jolin, voulez-vous prendre place, à la table s'il vous plaît? Allez-y, M. Jolin, pour la présentation de votre mémoire. (18 heures)

M. Gilles Jolin

M. Jolin (Gilles): Je vous remercie de me donner la chance de m'exprimer devant vous. Je dois vous dire que je me présente simplement comme un garçon de table; je suis un de ceux qui ont été "poignes" dans le temps. J'ai vécu l'expérience, je la vis encore et j'aimerais exprimer mon opinion. Je pense qu'il y a beaucoup de personnes qui n'ont pas la chance d'être syndiquées et qui aimeraient être ici pour pouvoir dire ce qui

s'est passé.

Apparemment, mon papier a l'air agressif. C'est un papier que j'ai pris deux heures à faire parce que ça me prenait un papier, mais j'ai beaucoup plus confiance en ce que je vais vous dire. De toute façon, je l'ai fait en deux heures, parce qu'il fallait que je vous en présente un.

Après ce qui s'est passé, j'ai l'impression que dans mon cas, comme dans le cas de beaucoup de monde, c'est ma famille qui a été attaquée dans le temps, ma profession, et il faut trouver une solution le plus vite possible. Il y a la solution des 15% qui est très très intéressante et elle m'intéresse de plus en plus. J'ai cherché aussi d'autres moyens pour voir s'il n'y aurait pas une autre solution à côté. J'ai une suggestion que je vais tenter d'expliquer dans mes propres mots.

Je pense qu'il manque encore quelque chose à cette assemblée et il faudrait que je vous le dise; c'est simplement que je voudrais savoir qui est mon ministre. Je suis un employé au pourboire et je voudrais savoir qui est mon ministre. Je pense que c'est le ministère du Tourisme. Mais est-ce que le ministère du Tourisme a fait un travail depuis quelque temps, depuis un ou deux ans? Est-ce qu'il a sorti des papiers sur la vie du "waiter", sur la vie de l'employé au pourboire? Est-ce qu'il vous a dit ce qu'est un employé au pourboire, ce qu'il a vécu et ce qu'il vit maintenant?

M. Marcoux: Sur ce, je peux esquisser une réponse rapide. Comme travailleur au pourboire, c'est le ministre responsable de l'application de la Loi sur les normes de travail qui est responsable de l'aspect des conditions de travail. C'est donc le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Par rapport au développement de l'industrie hôtelière, de la restauration, du tourisme et des conditions favorisant le développement de ce type d'entreprise, c'est évident que c'est le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Jolin: En tant que simple garçon de table, le coup que j'ai eu et que les autres ont eu, et que d'autres reçoivent en ce moment, je suis une petite punaise qui a été assommée avec une masse de dix livres. Vous ne pouvez pas savoir la peur et la crainte que les gars ont vécues et qu'ils vivent encore. Je suis syndiqué, je peux le faire, mais il y a un paquet de gars qui aimeraient bien venir aujourd'hui et qui savent que, s'ils se présentent ici, ils perdent leur job carrément.

Tout à l'heure, on a parlé des causes de la baisse du pourboire. C'est justement à cause de la fameuse loi du Far West que le ministère du Revenu nous a faite - le fédéral en premier. Au lieu de chercher à régler le problème, ils ont tiré et ils ont posé des questions après.

Depuis que les clients savent que l'impôt est à nos trousses... La semaine passée, j'ai encore lu deux articles dans le journal; c'est le fédéral qui recommence des histoires. Pourtant, personnellement, j'ai tous mes dossiers, je suis prêt, mais je sais qu'ils vont encore revenir m'achaler. J'ai encore des clients qui me posent la question: Ils sont encore après toi, tu ne déclares pas de pourboires? J'ai nettement la conviction qu'il s'est passé des choses. On a passé pour des criminels. J'ai l'impression que je ne suis pas un criminel et je vais vous dire pourquoi. Avant ça, tout le monde savait qu'il y avait des pourboires, le client, le gouvernement, tout le monde. La preuve, il est même sorti un papier à un certain moment qui a donné la permission à l'employeur de donner 0,40 $ l'heure de moins aux "waiters" parce qu'ils font des pourboires. Tout le monde le savait. Et moi je prétends que le gars qui déclarait des pourboires il y a dix ans, personne ne les lui demandait, le ministère du Revenu le laissait aller. Je pense que ce n'était pas un bon citoyen, c'était simplement un stupide. Cela ne lui donnait absolument rien, personne n'était jamais venu lui demander quoi que ce soit. Une bonne journée cependant ils ont dit: Toi, tu vas payer. Un coup de marteau sur la tête! Maintenant, ce sont des arrérages, des menaces.

Il faudrait que vous alliez voir dans des bars, dans des tavernes, pour voir ce qui s'est passé à certaines places. Je l'ai vécu au fédéral. Dans des bureaux, je me suis fait carrément dire que j'étais un voleur et que, si ça ne fait pas mon affaire, on irait plus loin. Vous êtes des ci, vous êtes des ça. C'est ça qui est arrivé.

Si vous voulez, je vais essayer de lire ce mémoire-là et si vous avez des questions à me poser tout à l'heure... Je dois vous dire que je parle comme un simple citoyen, comme un gars qui a goûté à la médecine et je vous demande...

M. Marcoux: Vous n'êtes pas obligé de le lire. On peut le faire verser au journal des Débats. Si vous préférez continuer à le résumer comme vous le faites, vous pouvez le faire.

M. Jolin: De toute façon, c'est parce que j'avais une couple de petites patentes à changer là-dedans.

M. Marcoux: D'accord, comme vous préférez.

Le Président (M. Boucher): M. Jolin.

M. Jolin: ... pour être moins agressif. Le gouvernement a besoin d'argent. Tout le

monde le sait, je pense que le problème est là. S'il n'y avait pas eu tant d'histoires il y a quelques années, si l'inflation n'était pas arrivée, je pense qu'on serait tranquille.

Je voudrais maintenant remercier le ministère du Revenu parce que vous nous avez mis au monde, les "waiters". Avant ça, les seuls qui nous reconnaissaient, c'étaient encore ceux de la loi du salaire minimum. Les banquiers ne reconnaissaient pas le pourboire comme une garantie pour emprunter de l'argent, et les compagnies d'assurances exigeaient un taux supplémentaire. Cela est fort; je l'ai vécu et d'autres aussi. On payait 10% de plus et savez-vous pourquoi? Parce que je servais des gens qui étaient en boisson. C'est tout simplement cela qui nous arrivait et cela a été vécu.

Les employés au pourboire en veulent pour leur argent. À l'heure actuelle, il faudrait se rendre compte que les seuls à savoir combien on gagne, c'est nous. Si le pourboire obligatoire à 15% n'est pas appliqué, vous devriez, avec l'aide des employés au pourboire, chercher une solution qui nous intéresserait à en déclarer plus. C'est là-dessus que j'ai essayé de travailler mon mémoire et cela m'a pris deux heures.

Il est temps de cesser de faire croire que les employés au pourboire sont tous des criminels. D'ailleurs, hier, M. le ministre du Revenu, vous en avez parlé un peu. Vous avez tout simplement dit que vous ne croyiez plus que les employés au pourboire ne veulent plus en déclarer. Il y a encore un jeu qui se prépare. Je vous le dis, j'ai ici des papiers. Cela est encore sorti. Le fédéral - je pense que cela devient "monopolitique" -juste avant la commission parlementaire ici, sort des papiers indiquant qu'on est 1379 garçons de soupçonnés. Quand c'est marqué "soupçonné" dans les papiers, cela veut dire qu'on est déjà condamné. On est déjà des criminels et on en cache encore. C'est la solution pour arrêter cela. Les gars sont affreusement tannés. Vous savez, on veut vivre comme tout le monde. C'est pour cela que je viens vous en parler.

Les articles 5.2 et 5.3 du livre vert sur la situation des travailleurs et travailleuses au pourboire devraient être fusionnés. Il y a des choses qui existent là-dedans. Le gars qui a une carte de crédit signe déjà son pourboire. Je travaille dans un hôtel, au Château Frontenac. Le gars qui signe, pour sa chambre, il y a déjà un pourboire d'inscrit; il y a 15%. Heureusement, je fais des banquets depuis deux ans, parce que j'ai prévu que cela n'arrêterait pas tout de suite, cette histoire-là. Tous mes dossiers sont prêts. J'ai même une formule T-4 pour mes pourboires. Le gars qui a une formule T-4 comme moi, il a la paix.

De plus, je demanderais, au nom de gars que je connais qui travaillent dans d'autres domaines, d'obliger l'employeur à nous donner toutes les semaines le montant total des ventes que le gars a faites parce que, lors de la vérification de mes factures -car j'ai eu la chance de vérifier mes factures dans le temps, j'ai été chanceux -j'ai vu que le ministère fédéral du Revenu, dans ce temps-là, quand il y avait des factures dont il ignorait à qui elles appartenaient, il les mettait à mon nom ou à celui d'un autre. Il a fallu que je me batte. Quand je suis allé au ministère fédéral du Revenu, à un certain moment, - là, c'était beau en mosus - on m'a dit: Tu as raison. J'ai montré 127 factures. J'étais en vacances durant ce temps. J'ai dit: Mosus, laissez-moi tranquille! 127 factures. Ensuite, ils multipliaient par quatre et ils m'arrivaient avec des montants et des menaces. A un certain moment, j'ai dit: Écoutez! Je vais toujours bien me brasser un peu. Je suis allé voir un peu tout le monde et j'ai gagné à 50%.

Il faut s'entendre avec le gouvernement fédéral pour nous faire donner l'assurance-chômage. Je pense que cela commence à presser. Je connais des confrères de travail qui vont se ramasser avec 80 $ par semaine. Ils sont poursuivis par l'impôt et ils se ramassent à l'assurance-chômage. Je n'ai pas peur de vous, parce que j'ai confiance en vous. Je pense qu'il y en a un paquet, là-dedans, qui ont peur, qui sont vraiment stressés. C'est de montrer qu'il va se passer quelque chose.

Il serait souhaitable de former ou aider à assurer une assurance-salaire sur les pourboires. C'est un petit dont je rêve depuis longtemps. D'abord, à l'heure actuelle, je ne vois pas d'autre solution que le pourboire à 15%. Mais si jamais vous ne l'envisagez pas, je pense qu'il y aurait une solution très intéressante, c'est-à-dire que vous aidiez à partir les garçons de table. Plus tu en déclares, plus tu aurais d'assurance. Je suis allé voir des compagnies d'assurances. Je suis allé à la SSQ, à la Laurentienne. Ce serait un coût très minime.

M. Marcoux: Le point no 5, c'est l'assurance-salaire au lieu de l'assurance-maladie?

M. Jolin: C'est cela.

M. Marcoux: D'accord.

M. Jolin: C'est parce que...

M. Marcoux: Cela va. C'est juste pour...

M. Jolin: Je ne suis pas allé voir un avocat. Je ne suis allé voir personne. J'ai fait cela tout simplement de bonne foi.

M. Marcoux: C'était pour savoir si j'avais bien compris. D'accord.

M. Jolin: Dans ce métier, je pense même que le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme devrait s'impliquer et fouiller là-dedans avec le ministère du Travail. Je pense même qu'il devrait faire une carte de travail pour garçon de table, pour barman ou pour "waiter", de façon que, à un certain moment, les gars qui travaillent comme barman dans un club ou comme "waiter" ailleurs, même si le job n'est pas tout à fait le même, pourraient être identifiés ensemble. À ce moment-là, on aurait une certaine force auprès de vous. Je dis que le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme ne me représente pas. Il ne fait absolument rien pour moi comme travailleur. Je pense que cela manque à l'heure actuelle et je vous demande ce que vous en pensez.

Le Président (M. Boucher): Est-ce que vous avez terminé?

M. Jolin: Je crois que oui.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Marcoux: J'inviterais mon collègue de Bellechasse à engager le dialogue.

M. Lachance: Oui, M. le Président. M. Jolin, en lisant votre mémoire, la première impression qu'on a, c'est celle de quelqu'un qui, le moins qu'on puisse dire, est très mécontent, quelqu'un qui laisse échapper de la vapeur et aussi un peu d'agressivité à la suite - c'est bien évident - d'une mauvaise expérience vécue concrètement.

Je me pose une question. Si j'ai bien compris, vous faites partie d'une association syndicale ou d'un syndicat dans votre établissement?

M. Jolin: Là où je travaille, j'ai la chance d'être syndiqué et j'ai un bon syndicat. C'est ce qui nous a sauvés, nous, parce qu'on a eu la chance de faire vérifier nos factures, on a eu la chance d'être représentés et cela a bougé pas mal plus qu'ailleurs.

M. Lachance: Comme se fait-il, M. Jolin, si vous faites partie d'un syndicat, que vous ayez cru important de venir ici nous rencontrer personnellement au lieu de faire valoir vos revendications par l'intermédiaire de votre syndicat? Je veux bien que vous compreniez que ce n'est pas un reproche, c'est par simple curiosité.

M. Jolin: Je voulais que vous entendiez au moins un garçon de table qui a vécu une expérience. Je n'ai aucune agressivité envers vous autres, mais j'ai goûté à la patate chaude. Je vois des gars un peu partout. Quand je vois un gars qui travaille dans un petit restaurant, c'est un "waiter" comme moi; il n'a pas la chance de se présenter. Moi, j'aimerais vous dire, comme individu, ce que j'ai vécu, ce que ma famille a vécu et ce que tout le monde vit avec cela. Je pense qu'il va falloir trouver des solutions, mais les armes ont été pas mal trop fortes pour nous. Le coup de la matraque, avant 1976, vous savez... Avant de recevoir mon compte d'impôt... Cela a paru dans les journaux, on en a entendu parler à la radio, tout le monde était au courant, il y avait des montants astronomiques. Mais tout ce qui a été épargné, récupéré sur nous, cela n'a jamais repassé, ces histoires-là. Toutes les choses qu'on a réussi à déterrer, cela n'a jamais passé. Vous savez, nous ne sommes pas des criminels en puissance, nous ne sommes que des travailleurs comme n'importe qui et nous voudrions que cela arrête, ces histoires. Il y a sûrement une solution; si ce n'est pas celle des 15%, ce sera une autre, mais il faut arrêter cela.

Cela paraît bizarre, mais chaque fois que je vois un "waiter" quelque part, je lui demande: As-tu reçu ton compte d'impôt? C'est fatigant. Je suis dedans. Je parle avec mes mots. Je ne suis pas comptable ni avocat, mais je vis avec cela et je vous demande de l'enlever.

M. Lachance: Je trouve extrêmement intéressant que quelqu'un comme vous vienne rencontrer les membres de la commission pour les sensibiliser aux problèmes concrets que vous avez vécus. En passant, je pense bien que vous méritez d'être félicité du courage que vous avez parce que ce n'est certainement pas facile. Cependant, je ne voudrais pas être indiscret. Si vous jugez bon de ne pas répondre, il n'y a pas de problème.

En ce qui vous concerne, l'espèce de traitement de faveur dont vous avez été l'objet de la part du fisc canadien et du fisc québécois aussi, je présume... Est-ce que le Québec vous a aussi embêté?

M. Jolin: Le fédéral a commencé et, une fois que le montant a été établi, le provincial a suivi.

M. Lachance: En quelle année, M. Jolin?

M. Jolin: On a été poursuivi pour l'année 1976-1977. Je n'ai pas eu de faveurs du fédéral, absolument pas, malgré tout le travail que j'ai fait là-dedans. Je leur ai prouvé qu'il y avait au moins la moitié des factures qu'on m'imposait qui ne m'appartenaient pas. Je dois dire que la

plupart des employés au pourboire qui sont poursuivis à l'heure actuelle, qui sont recherchés, n'ont pas eu la chance de vérifier leurs factures comme je l'ai fait. Je l'ai fait avec mon épouse qui m'aidait, qui était enceinte, et vous ne pouvez pas savoir tout le travail qui s'est fait là-dessus. Les gars n'ont pas eu la chance de vérifier, ils ont été vraiment assommés. C'est un coup qui est venu par derrière et ils n'ont eu aucune chance de s'en sortir. À partir de maintenant - il faut oublier le passé - et pour l'avenir, si jamais des recherches sont faites, qu'on soit donc très explicite et qu'on donne au gars la chance de se défendre.

M. Lachance: Je vous ferai bien comprendre, M. Jolin, que, quand j'ai parlé de traitement de faveur, c'était dans un sens péjoratif; ce n'était certainement pas pour laisser entendre que des faveurs vous avaient été faites.

M. Jolin: Je comprends.

M. Lachance: En ce qui concerne les sommes qu'on vous a réclamées, est-ce que ce sont des sommes très importantes? Vous semblez en être sorti très traumatisé.

M. Jolin: Ce n'était pas seulement à cause du montant, c'était la peur qu'on me faisait et qu'on a faite à tout le monde aussi. Dans le temps, on a évalué cela à 1300 $. Dans ce temps-là, il y a une période pendant laquelle je n'ai pas travaillé. On m'a établi une base pour 1976 et, après cela, on a gardé le même montant pour 1977. À un certain moment, j'ai travaillé à des banquets et j'avais déclaré ce que j'avais fait aux banquets. J'ai aussi travaillé ailleurs, à l'extérieur du Château, sur une patinoire durant une période tranquille. Encore là, il a fallu que je me débatte avec eux. Vous ne savez pas à quel point cela peut devenir frustrant, tout ce qu'on m'a dit.

À un certain moment, je suis devant un gars qui est supposé être sérieux et qui me dit: Supposons que tu gagnes 200 $ par semaine, c'est facile. Le gars m'envoie ça comme ça, il multiplie par 52 semaines et il me fait un montant. Je lui demande: C'est quoi? Il me dit: C'est à peu près ce que tu fais. Je lui ai demandé: Sais-tu quelle est ma vie? Qu'est-ce que je suis? Un "waiter". Sais-tu que j'ai droit à des semaines de vacances et que, quand je suis en vacances, je n'ai pas de pourboires? Quand j'ai des journées statutaires - à l'heure actuelle, je pense qu'on est rendu à douze - je n'ai pas de pourboires. Quand il n'y a pas d'ouvrage, je n'ai pas de pourboires. Les pourboires sont tellement fluctuants d'un bord et de l'autre que le gars ne peut pas savoir. C'est pour cela que je prétends que, si une recherche un petit peu poussée avait été faite...

(18 h 15)

J'ai été traumatisé et il y en a beaucoup qui ont été traumatisés là-dedans, la famille a été traumatisée. Vous ne savez pas le calvaire que cela a été pour tout le monde, c'est affreux. Cette histoire aurait été évitée. C'est pour cela qu'il y a un paquet de "waiters" qui ne viendront pas aujourd'hui parce qu'ils n'ont pas grand confiance dans ce qui se passe; mais moi j'ai confiance en vous autres. Moi, je veux vous dire ce qui s'est passé.

M. Lachance: J'aurais une dernière question. Vous avez esquissé tantôt certains aperçus de ce que pourrait être la solution retenue. D'une façon très concrète, est-ce qu'à partir du livre vert vous vous êtes attardé à une des hypothèses en disant: C'est celle-là que je choisirais si c'était moi qui décidais? Est-ce que vous avez une préférence marquée pour quelque chose que vous nous recommandez?

M. Jolin: À l'heure actuelle, avec ce que je vous dis sur ce qui se passe, le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme n'est pas venu, le ministère du Travail n'a aucune documentation à nous donner. Avec ce qui s'est dit hier en arrière, que les pauvres restaurateurs qui ont 2000 restaurants et les quelques-uns qui ont fait un profit ont fait à peu près 5% de pourboires, moi, je ne vois pas la bonne foi de ce côté non plus. Je ne voudrais pas pénaliser le client, mais moi je suis pénalisé depuis le début. Si vous n'avez pas d'autres solutions, je n'en verrais pas d'autres que celle des 15%. On est pris. Pourtant, je suis le seul du groupe, le seul des "waiters" qui venaient, qui ne parlait pas des 15%. J'ai cherché la solution. Je vous dis et je vous répète encore: Savez-vous qu'est-ce que c'est qu'un "waiter"? Vous ne l'avez pas et ça devrait être fait. On a un métier tellement différent.

Vous savez, il y a deux sortes de "waiters" dans le même restaurant. Il y a le "waiter" qui travaille sur la qualité et celui qui travaille sur la quantité, et aujourd'hui le "waiter" qui essaie de travailler sur la qualité est pénalisé par son employeur parce qu'il ne fait pas assez de tables. Deuxièmement, il va payer de l'impôt de plus. C'est affreux. Ce qui s'est passé du côté des employeurs hier, il y a des arguments qu'eux autres auraient pu sortir que je connais qu'ils n'ont même pas sortis. On a un travail et vous ne savez pas ce qu'est un "waiter". C'est tout simplement cela que je trouve dommage et ça va prendre à certains moments quelqu'un qui rencontre des "waiters" au Château Frontenac ou ailleurs pour vous dire ce qui se passe là-dedans, et je suis de très bonne foi. On s'est attaqué à nous autres et il

faudrait à un certain moment nous aider, et je vous remercie, je sais que vous êtes là pour cela.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: M. Pilon... M. Jolin: Jolin.

M. Blank: Bon, excusez-moi. Je suis un habitué du Château Frontenac, je vous connais. Vous me dites que vous avez discuté cette affaire avec les autres "waiters" du Château Frontenac...

M. Jolin: Je n'en ai pas discuté seulement au Château Frontenac, j'en ai discuté pas mal partout ailleurs, surtout ailleurs.

M. Blank: Le consensus de ces discussions tombe sur quelle solution? Est-ce qu'on est pour ou contre ces 15% obligatoires?

M. Jolin: II y en a une bonne "gang", je devrais dire la plupart, qui vont dire: Je ne le sais pas. C'est ce qu'ils vont dire tout simplement parce qu'ils ne croient plus à grand-chose. Ils ne savent plus ce qui se passe, ils savent qu'un autre compte s'en vient.

M. Blank: Mais, vous, est-ce que vous vous trouvez des points positifs sur une imposition de pourboires obligatoires? Pensez-vous que cela pourrait nuire à votre commerce, à votre profession?

M. Jolin: Je ne le sais plus. Je ne le sais pas trop, je n'ai pas de documentation. Moi, je devrais dire que je sais que je ne paierais plus d'impôts sur un pourboire que je n'ai pas fait, et que, deuxièmement, j'aurais la paix avec vous autres, avec le ministère du Revenu. Je suis tanné d'avoir des lettres disant qu'on va faire des enquêtes, qu'on va fouiller un peu partout. Je vous dis que c'est drôlement plate. C'est ça qu'on vit. C'est tout simplement cela et je ne veux pas parler contre le gouvernement actuel; le fédéral, c'est lui qui a commencé la galère. Mais, imaginez-vous, l'avez-vous lu la semaine passée? Cela recommence cette affaire-là. Vous savez, tu parles avec ton beau-frère, n'importe qui va te parler de cela. Cela vient tannant. On veut vivre comme n'importe quel citoyen. Il faudrait un bon jour qu'on s'aperçoive qu'il n'y a que moi qui sais combien je fais. Cela a toujours été cette histoire.

Moi, je veux travailler encore sur la qualité. Sur la qualité, cela veut dire que le gars qui va venir, que ce soit un bûcheron, que ce soit M. Lévesque ou M. Trudeau, cela va être le même service. Mais, à l'heure actuelle, le vrai travailleur au pourboire, son métier est en danger. À l'heure actuelle, l'employeur, de la manière que j'ai pu le voir hier encore, ce n'est pas le "waiter" de qualité qu'il veut avoir, c'est le "waiter" de rapidité. Mieux que cela, contrairement à il y a dix ans, avant ça, le "waiter", c'était le gars qui servait l'eau et qui servait le client, la première qualification qu'on va demander au gars qui s'en vient, c'est: Sais-tu "poinçonner" sur une caisse électronique? C'est la première qualification d'un "waiter" aujourd'hui. C'est ça que je veux faire savoir et il faut défendre notre métier parce que, selon moi en tout cas, les clients, il y a deux ou trois manières de s'en servir. J'ai reçu des lettres d'étrangers et je peux dire que j'ai fait des choses parce que j'aimais mon travail. J'ai parlé de ma province, j'ai parlé de mon pays. À un certain moment, j'ai eu des journalistes japonais qui étaient au Château Frontenac. Ces gars, au bout de deux, trois jours, je suis devenu "chum" avec eux autres, cela n'avait pas d'allure. Les gars étaient "smart". Une journée de congé, j'ai dit: Les gars, je vais vous faire vivre quelque chose que vous n'avez jamais vécu, parce que les gars faisaient des recherches sur les sports d'hiver au Canada. Ils ont vu le mont Sainte-Anne, et patati et patata. Il y en a un qui était rendu à Vancouver. Finalement, je les ai amenés à la pêche aux poissons des chenaux. Vous allez trouver que n'est peut-être pas grand-chose, les poissons des chenaux, pour nous, mais pour les Japonais, c'est très intéressant, parce que pour eux, les poissons, c'est très important. C'est ce qu'ils mangent. Ils ne croyaient pas que cela se pêchait en dessous de la glace. J'ai pris mon automobile et je les ai amenés là, parce que non seulement cela faisait plaisir, mais je trouvais que c'était ma "job" comme Québécois, comme ambassadeur, de montrer que j'avais un beau coin de pays. À l'heure actuelle, on n'est reconnu absolument dans rien là-dedans. Rien! C'est tout simplement le gars qui va arriver et qui va dire au patron: J'ai vendu tant, et c'est tout. C'est ce que je vous demande.

M. Blank: Merci, M. Jolin. Je veux seulement faire une petite remarque. Depuis hier, on entend des groupes, mais on a entendu seulement deux individus, le restaurateur grec de Trois-Rivières et vous. Je pense qu'on a appris plus de vous deux que de tous les groupes qu'on a entendus.

M. Jolin: Si vous me le permettez, j'ai trouvé que l'intervenant d'hier soir avait bien de l'allure. J'ai trouvé que le gars avait - je vais sortir le terme - un grand ennemi, le groupe qui a comparu hier matin. Ils veulent le manger, parce que le gars est ici et qu'il

veut travailler. J'ai l'impression que ce gars-là, si j'allais travailler pour lui, on s'entendrait, parce que j'ai l'impression qu'il marche sur la qualité au lieu de marcher sur la quantité. La fameuse histoire qu'ils ont sortie, que le service va diminuer et patati et patata, le jeu n'est pas bon à la base... c'est tout simplement cela. Je pense que les dés sont pipés à certains moments. La profession est en danger. Le jour où vous allez manquer de bons serveurs d'expérience... Je ne suis pas un des meilleurs. J'en suis un bon, pas plus, mais c'est à la baisse, cette histoire, parce que le fait des choses, c'est ce qui se passe à l'heure actuelle. Je vous demande de sauver cela. Je vous demanderais encore - et je suis très sérieux - que le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et le ministère du Travail fassent des recherches, surtout si vous sortez un livre blanc bientôt, sur ce qu'est un garçon de table, et même, à un moment donné, que vous émettiez des cartes de compétence. Je pense que ce serait plus qu'urgent. Je vous remercie parce que vous nous avez mis au monde.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le ministre.

M. Marcoux: Je veux vous remercier d'avoir pris l'initiative de venir nous rencontrer. Je m'aperçois que souvent on se dit, au bout de quelques mémoires ou de quelques groupes qu'on a rencontrés dans une commission ou simplement à la lecture des mémoires: Cela va être une répétition au bout de quelques mémoires. Ce que je constate, depuis le début, c'est qu'à chaque mémoire qui s'ajoute, il y a une perspective nouvelle et, je dirais, un contenu vraiment nouveau qui s'ajoute. En fait, ce que je retiens de ce que vous avez dit, c'est que vous voudriez que, soit directement ou indirectement, il y ait une reconnaissance de votre statut professionnel comme garçon de table. Je ne parle pas légalement ou des choses comme cela comme d'autres groupes professionnels, mais vous voudriez, quelle qu'en soit la forme, que le groupe des travailleurs que vous représentez comme individu, comme garçon de table, que ce groupe ait une reconnaissance comme telle et que son rôle soit mieux reconnu.

M. Jolin: Cela va plus loin que cela, M. le ministre. J'ai suivi des cours d'hôtellerie. J'ai suivi des cours pendant quinze jours. Dans le temps, c'étaient des cours de recyclage. Je pense que j'ai même fait partie de la première classe où des cours de quinze jours ou trois semaines étaient donnés. Il y avait le professeur puis des gens du ministère du Tourisme et, dans ce temps-là, j'ai connu... il est décédé aujourd'hui... En tout cas, il travaillait pour mes gars dans le temps. Il nous a dit: Les gars, vous êtes des professionnels. C'est ce qu'on nous a dit. Le ministère du Tourisme a dit: Vous êtes des professionnels, mais on n'agit pas du tout, par exemple, comme si on était des professionnels. On a eu droit au coup de matraque, comme si on était des criminels. Je dis encore que le gars, il y a dix ans, qui déclarait ses pourboires était un imbécile. Cela ne lui donnait absolument rien.

M. Marcoux: En rapport avec le deuxième sujet que vous avez abordé et que M. le député de Saint-Louis a soulevé d'une autre façon en vous demandant ce que vos collègues de travail pensaient, ce que je comprends de ce que vous avez dit, c'est: Trouvez n'importe quelle solution, mais trouvez-en une pour qu'au niveau du revenu on soit des citoyens comme les autres, qu'on ait à payer des impôts, mais qu'on ne soit pas toujours dans la situation de se dire: Quand vont-ils m'attraper ou quand vont-ils se mettre à me poursuivre? En fait, ce que vous voulez, c'est qu'on trouve une méthode...

M. Jolin: Oui.

M. Marcoux: ... qui fasse que vous payiez des impôts comme tout le monde, mais que vous ayez la paix comme à peu près l'ensemble des citoyens face au Revenu.

M. Jolin: Coupable ou non coupable, on reçoit un compte et une lettre et il faut combattre.

M. Marcoux: Mais il y a quand même des discussions que j'ai pu avoir avec des travailleurs et des travailleuses à pourboire. C'est pour cette raison que je voulais savoir l'opinion un peu majoritaire d'après votre sentiment. Je vois qu'il y en a beaucoup qui disent: Que cela continue à peu près comme c'est actuellement... Il y en a plusieurs, à mon avis, qui préfèrent que ça continue comme c'est actuellement, c'est-à-dire qu'on passe l'éponge ou qu'on oublie la situation, plutôt que d'intervenir par n'importe quelle autre méthode qui ferait en sorte qu'il y ait une révélation des revenus à peu près complète. D'après le sentiment de vos collègues, de façon majoritaire, qu'est-ce que c'est? Ont-ils votre attitude ou plutôt l'attitude que plus on va attendre pour régler cette situation, mieux ce sera?

M. Jolin: Pour parler franchement, d'abord je travaille avec des collègues qui ont un an d'expérience et d'autres qui ont 35 ans d'expérience. J'ai vu des gars qui ont vécu la même chose que moi. Vous savez, quand on se fait dire: Si ça ne fait pas on va aller 20 ans en arrière, on a peur et on a raison d'avoir peur. Le gars qui est en avant,

lui... Moi, je n'en ai presque pas bénéficié, j'ai été poigne au début. C'est tout simplement qu'on ne sait plus ce qui va se passer, mais on veut avoir la paix. Est-ce que je réponds à votre question?

Deuxièmement, je reviens encore au ministère du Tourisme. Je pense que je suis quasiment parapublic et je me demande si ce n'est pas lui qui devrait payer pour mon timbre d'assurance-chômage et les autres avantages sociaux, pour ce qui est des pourboires.

M. Marcoux: Vous dites que votre épouse a compilé toutes les factures, etc.?

M. Jolin: Oui.

M. Marcoux: Cela signifie que vous avez eu la collaboration de votre employeur pour recueillir toutes les données pour vous défendre? Je vous pose la question parce que...

M. Jolin: J'ai eu une bonne collaboration de mon syndicat qui les a demandées à mon employeur, et je pense qu'on est les seuls à avoir eu ce service. Ma représentante syndicale a travaillé trois semaines sur mon cas et je vous assure que c'était de la paperasse. C'étaient des grosses caisses, les factures étaient mélangées; chaque restaurant, chaque bar, c'était tout mélangé, les noms étaient mélangés; ce n'était pas un cadeau!

En plus de ça, mon épouse, qui était enceinte et malade, à l'époque, est venue comptabiliser cela, alors que je faisais pratiquement une dépression. Je ne savais plus où j'allais, surtout quand j'ai découvert beaucoup d'anomalies dont je ne peux pas vous parler ici, parce que c'est encore plus loin. Le lendemain ma femme a été hospitalisée. J'ai tout eu. En plus j'ai failli perdre ma femme. Je vous le dis, on a vécu une expérience atroce, comme certains garçons de table en vivent. D'autres ont peur de la vivre. Il est vrai qu'il y en a qui jouent à l'autruche, j'ai joué à l'autruche; mais il vient un moment où il faut dire qu'on agit en homme et on se tient debout. Vous savez la matraque... Essayez ça, tenez une petite punaise entre vos doigts et frappez avec une masse de dix livres. Moi, imaginez-vous, je suis la punaise! On y a goûté!

M. Marcoux: II y a un autre point que je voudrais aborder rapidement, concernant l'assurance-chômage. Vous pouvez me dire qu'évidemment ça ne relève pas de notre juridiction, mais je crois que, de façon générale, il y a une harmonisation des lois fiscales entre le gouvernement canadien et le gouvernement québécois. Je ne vois pas pourquoi le même type de choses s'appliquerait, si nous sommes appelés à amender la loi pour faire en sorte que les travailleurs au pourboire contribuent et bénéficient pleinement du Régime de rentes du Québec, de la CSST. En tout cas, je peux vous assurer... Vous le savez, vous étiez là hier, il y a quelqu'un de Revenu Canada qui assiste à tous ces travaux et je suis convaincu qu'il prend des notes pertinentes sur votre intervention.

M. Jolin: C'est pour ça que j'en parle, parce que pour ce qui est de l'assurance-chômage, veux, veux pas, à l'heure actuelle, le ministère du Revenu fédéral doit être au courant de ce qui se passe ici. De toute façon, on marchait ensemble là-dessus, mais j'ai l'impression qu'il y a certaines solutions qu'il est facile de relier. Ensuite les enquêteurs pourront aller ailleurs que chez les travailleurs au pourboire; surtout dans le domaine de l'hôtellerie il y a tellement d'autres places pour enquêter. Qu'on laisse donc un peu les travailleurs et qu'on aille voir de l'autre côté!

M. Marcoux: Je vous remercie, M. Jolin, et je souhaite qu'on ne décevra pas la confiance que vous nous faites.

Le Président (M. Boucher): M. Jolin, au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie pour la présentation de votre mémoire.

C'est tout pour ce soir et la commission ajourne ses travaux à dix heures demain matin.

(Fin de la séance à 18 h 30)

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