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(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission élue permanente du revenu se réunit ce
matin aux fins d'entendre des personnes et des organismes en regard du livre
vert sur la situation du travailleur au pourboire au Québec.
Sont membres de cette commission: MM. Blais (Terrebonne), Blank
(Saint-Louis), Boucher (Rivière-du-Loup), Desbiens (Dubuc), Johnson
(Vaudreuil-Soulanges), Marcoux (Rimouski), LeBlanc (Montmagny-L'Islet),
Rocheleau (Hull), Mme Marois (La Peltrie), MM. Lachance (Bellechasse), Polak
(Sainte-Anne).
Les intervenants sont les suivants - je vous demanderais si c'est M.
Assad (Papineau) ou Mme Thérèse Lavoie-Roux (L'Acadie) à
titre d'intervenant - MM. Assad (Papineau), Paré (Shefford),
Lafrenière (Ungava), Lévesque (Kamouraska-Témiscouata),
French (Westmount), Maciocia (Viger), Bissonnet (Jeanne-Mance),
Fréchette (Sherbrooke), Mme Juneau (Johnson).
Le rapporteur de cette commission est toujours Mme la
députée de Johnson.
Ce matin, à l'ordre du jour, nous recevons en tout premier lieu
l'Association des employés au pourboire de la Mauricie.
Oui, M. le député de Westmount.
M. French: Puis-je ajouter quelque chose très
brièvement?
Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. French: Notre dernier témoin hier, M. Jolin, m'a
demandé de vous passer un message qu'il avait oublié. Tout le
monde constate le manque de renseignements dans le milieu pour les
travailleurs. Il nous demande de réfléchir sur la
nécessité qu'à l'avenir cette information contienne non
seulement des renseignements sur les responsabilités fiscales des
travailleurs, mais que dans le même document et dans la même
dissémination de renseignements on informe les travailleuses et les
travailleurs de leurs droits face à certains programmes
fédéraux et provinciaux.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Je continue la
nomenclature de l'ordre du jour: le Conseil régional de
développement de l'Estrie, l'Association touristique régionale de
Lanaudière, la Fédération des travailleurs du
Québec, la Fédération nationale des associations de
consommateurs du Québec, le Regroupement des associations
d'employés au pourboire du Québec, le Parti
québécois Montréal-Centre, l'Association de
cosmétologie du Québec Inc., l'Association canadienne des
franchisseurs, l'Association des petites et moyennes entreprises et le Conseil
du patronat du Québec.
Il me fait plaisir d'inviter l'Association des employés au
pourboire de la Mauricie à prendre place, s'il vous plaît, pour
nous livrer son témoignage. M. Marcouiller, je vous cède la
parole en vous souhaitant une bienvenue spéciale à cette
commission, particulièrement parce que vous êtes de ma
région. J'aimerais vous inviter à présenter les gens qui
vous accompagnent.
Auditions
Association des employés au pourboire de la
Mauricie
M. Marcouiller (Claude): Merci, M. le Président. Je
voudrais saluer M. le ministre, MM. les députés et aussi
présenter mes collègues qui m'accompagnent. À ma gauche,
Lorraine Olivier, de Gentilly-Bécancour; Mme Thérèse
Bédard, de Trois-Rivières; Mme Lucille Vadeboncoeur, de
Trois-Rivières; Mme Lise Marchand, de Trois-Rivières, toutes de
l'Association des employés au pourboire de la Mauricie.
En mon nom et au nom de mes collègues, je voudrais profiter de
l'occasion pour dire merci à la commission parlementaire de nous avoir
permis de nous exprimer. Dieu merci, il existe encore dans notre
société une démocratie, un sens des valeurs et des
conventions encore profondes qui nous permettent, justement, de dire ce que
l'on pense. Sans plus tarder, je commence.
Comme prémisse au mémoire de l'ADEP-Mauricie, il serait
bon de remémorer quelques objectifs à atteindre. D'abord, ces
quelques lignes permettront de recueillir un supplément d'informations
utiles à la compréhension du problème. Qui visent-elles?
Les différentes associations, le public en général, mais
surtout les législateurs, les membres du gouvernement en place et
surtout l'Assemblée nationale qui, ne
l'oublions pas, a besoin d'entendre les individus et les organismes
avant que le projet de loi soit rédigé.
Donc, ce mémoire est un bref exposé qui définit
clairement la position du comité exécutif de l'ADEP-Mauricie et
surtout des quelque 400 membres qu'elle représente. Nous sommes
intéressés à présenter devant la commission
parlementaire notre point de vue à l'égard de l'avant-projet de
loi qui suivra le livre vert.
La problématique. Nous n'avons nullement insisté sur
l'historique du pourboire, ni sur une description des conditions de travail du
travailleur au pourboire; ceci expressément, car suffisamment
décrits ont eu lieu à ce sujet. D'ailleurs, le livre vert
résume en partie la position du travailleur au pourboire au
Québec. Ce premier ayant été rédigé avec
l'aide des différents mémoires présentés au
gouvernement.
Pourtant, deux choses ont retenu notre attention dans le livre vert.
Nous avons consacré un chapitre sur chacun de ces points pour
déboucher sur une conclusion qui se veut une série de
recommandations intenses de la part de notre organisme et de nos membres. En
premier lieu, l'arrêt des poursuites pour les années
antérieures par le ministère du Revenu pour les travailleurs au
pourboire. Chapitre 2, réglementation quant à la perception de
ces sommes d'argent.
L'arrêt des poursuites. "Bien qu'il ne soit pas régi par
des règles fixes et statutaires comme le salaire, le pourboire,
généralement payé en espèces, fait partie des
revenus imposables. Le pourboire fait intégralement partie des revenus
personnels et n'échappe pas à l'impôt sur le revenu des
particuliers." J'ai cité intégralement le livre vert sur la
situation au Québec des travailleurs au pourboire, page 11, paragraphe
5.4. Nous ne nions pas ces lignes. Un des points sur lesquels nous ne sommes
pas d'accord, c'est le montant quantifié par le ministère du
Revenu quant à ces pourboires supposément non
déclarés. Nous reviendrons dans le chapitre 2 à ce
sujet.
Premièrement, nous demandons catégoriquement le rejet et
l'arrêt des poursuites pour les années antérieures, pour
deux raisons. D'abord, tel qu'il est cité plus haut par le
ministère du Revenu dans le livre vert: "Bien qu'il ne soit pas
régi par des règles fixes et statutaires comme le salaire, le
pourboire..." - ces quelques lignes parlent par elles-mêmes - il n'y a
pas de règles fixes et statutaires de régie; le ministère
l'admettant lui-même dans le livre vert.
Permettez-moi d'ouvrir ici une parenthèse. On entend souvent
parler de conventions. On a eu les cas de conventions et de statu quo. Tout le
monde connaît bien le mot convention. On pensait qu'on avait des droits
par convention; c'est dans ce sens que je précise le mot convention.
Bien sûr, les conventions peuvent être brisées, je ne le nie
pas. Depuis les 15 dernières années, plusieurs travailleurs au
pourboire ont recouru aux services de personnes compétentes - les
comptables - pour ce qui a trait aux lois sur l'impôt; un comptable, qui
connaît les lois fiscales, connaît la Loi sur l'impôt
certainement mieux qu'un individu. Alors, ces gens, de bonne foi, vont voir ces
personnes, payent pour des services. Depuis 15 ans, on dit que le comptable
suggère, par convention, au travailleur au pourboire - ce qui s'est fait
jusqu'à maintenant et ce qui est toujours accepté, c'est toujours
toléré - de déclarer 10% ou 15% de ses revenus; je dis
bien des revenus et non pas les factures.
La situation, on dit qu'elle est tolérée par convention
depuis plus de 15 ans. Par qui? Par le ministère du Revenu, par les
comptables et par le grand public. La preuve? Le comptable dit aux clients:
Vous placez 15% de vos revenus bruts en pourboires, vous déclarez des
pourboires, vous présentez cela comme déclaration d'impôt
et, si le ministère du Revenu juge que vous n'en avez pas assez
déclaré, il va vous envoyer un avis de cotisation. Pendant 15
ans, on n'a jamais reçu d'avis de cotisation. À un bon moment
donné, le ministère du Revenu juge qu'il doit envoyer des avis de
cotisation. On n'a rien contre le fait qu'il envoie des avis de cotisation,
c'est simplement sur la manière de quantifier les montants et les
années antérieures qu'il va chercher. Par convention, il n'en
avait pas été question pendant les années
antérieures.
Nous disons que, dans le domaine fiscal, c'est le comptable qui a
toujours renseigné le client; le travailleur au pourboire a fait ses
déclarations d'impôt et, par convention depuis 15 ans, la
situation est tolérée par le ministère du Revenu. Une
preuve? Depuis 15 ans, il n'y avait pas d'avis de cotisation d'envoyés.
Je présume que cela marchait comme cela.
Pour bien illustrer mon exemple, j'ai un fait vécu à vous
présenter et je vais ouvrir une autre parenthèse sur un autre
fait qui peut peut-être donner matière à comparaison.
Analysons ce que les législateurs ont fait lorsqu'ils ont voulu
comptabiliser, recenser, cataloguer et inventorier les armes à feu au
Québec. Qu'ont fait les gouvernements à cette époque?
D'abord, décréter des lois et des règlements,
c'est-à-dire établir noir sur blanc des normes qui
définissaient et réglementaient les usagers d'armes à feu.
Ils ne toléreraient plus les armes non déclarées. C'est un
peu ce que le ministère fait aujourd'hui; il ne tolérera plus
certaines choses au niveau des travailleurs au pourboire. Mais, pour en arriver
à recenser ces armes, il a fallu déclarer une amnistie,
une période de temps, arrêt de poursuites, où les
propriétaires d'armes non enregistrées pouvaient le faire sans
pénalité. Parce qu'ils voulaient recenser, comptabiliser et
inventorier, ils ont pris les moyens nécessaires.
Nous en avons un autre exemple actuellement avec ce qu'on appelle les
squatters, les gens qui ont des propriétés ou chalets ou camps en
forêt. On leur dit: On veux vous taxer sur ces propriétés;
on vous donne une période pendant laquelle vous pouvez déclarer
ces propriétés. Après ce temps, vous ne le pourrez plus
et, si vous ne l'avez pas fait, vous allez être pénalisés.
C'est un peu ce que les ministères font actuellement pour changer, si on
veut, les conventions.
Nous avons pris cela comme exemple en pensant que les conventions
fiscales entre les comptables, les travailleurs au pourboire et le
ministère du Revenu avaient toujours fonctionné dans ce sens. On
dit: Si vous voulez briser les conventions, votez des lois parce qu'il n'y en a
pas. Nous disons que c'est la même chose pour le pourboire. Si vous
voulez comptabiliser, recenser et recueillir ces sommes d'argent, vous devez
légiférer, définir, réglementer, en plus de
décréter une amnistie pour les années antérieures
puisque les mêmes législateurs admettent que ces sommes en
pourboire sont un revenu imposable, mais qu'elles ne sont pas régies par
des règles fixes et statutaires comme le salaire, d'où la perte
pour les travailleurs au pourboire des avantages sociaux que nous connaissons.
Je n'en ferai pas la liste; tout le monde l'a faite. Le but de ce premier volet
était de démontrer deux façons de voir ou de tenter, par
une explication, de comprendre les agissements antérieurs des
gouvernants face aux différents problèmes.
Dans un deuxième temps, la réglementation quant à
la perception de cet argent. "En raison de la nature même du pourboire et
des modalités de paiement, il est difficile d'évaluer
l'évasion fiscale découlant de cette pratique et d'en quantifier
les montants." C'est écrit textuellement dans le livre vert, à la
page 11, paragraphe 3.4. Un peu plus loin : "De cette analyse du
problème ressortent deux constatations importantes: l'injustice sociale
à l'égard des travailleurs au pourboire et l'injustice fiscale
à l'égard des autres contribuables." Ce sont les constatations du
livre vert.
D'abord, disons tout de suite que ces deux constatations sont
peut-être un peu contradictoires, mais elles sont néanmoins la
preuve d'un grand malaise et du grand manque de réglementation chez les
travailleurs au pourboire. Je parle toujours du point de vue de la
fiscalité. Il y aura peut-être d'autres moments où on
pourra parler des conditions de travail, mais on parle présentement de
la fiscalité. Elles sont contradictoires en ce sens qu'elles admettent
le manque des avantages sociaux tels que l'assurance-chômage injuste et
toutes sortes de choses qui ne sont pas reconnues aux travailleurs au
pourboire, mais qu'elles n'admettent pas qu'il n'y a pas de justice fiscale aux
yeux des autres travailleurs quant aux impôts à payer.
Une fois pour toutes, appelons les choses par leur nom. Si le pourboire
est réellement un salaire parallèle - pourboire ou frais de
service, comme il a été mentionné hier, c'est l'une des
réglementations qu'on pourrait peut-être faire, soit
définir ce que peut être un frais de service ou un pourboire - il
est grand temps d'aller chercher les avantages sociaux qui y sont
reliés. Si le pourboire est un salaire parallèle et imposable,
par le fait même, il faut au moins aller chercher les avantages sociaux
qui y sont reliés, d'où l'importance que soit faite, dans les
plus brefs délais, l'implantation d'une réglementation ou d'une
législation quant à la perception de cet argent. On ne nie pas et
on ne doute pas que le ministère du Revenu veuille percevoir cet argent;
on le comprend très bien. C'est simplement la façon dont il le
fait actuellement qu'on trouve tout à fait injuste.
On va apporter un témoignage humain, émotionnel
peut-être, tantôt, un peu comme celui de M. Jolin, hier, qui vous a
quand même sensibilisés en apportant du vécu. J'aimerais
que vous teniez compte du vécu qu'on va aussi apporter.
Maintenant, quelle serait la forme de la réglementation?
Certainement pas celle que le ministère du Revenu a trouvée pour
envoyer les avis de cotisation aux travailleurs au pourboire. La méthode
dite d'échantillonnage sur des pourboires laissés sur des cartes
de crédit pour en conclure à un taux de 15% applicable sur toutes
les factures nous apparaît des plus farfelues. Nous serions prêts
à nous soumettre au jugement de n'importe quel jury que ce soit quant
à l'affirmation que tous les clients laissent 15% de pourboire. Non, la
réalité est tout autre, puisque, dans bien des cas, un client sur
deux ne laisse presque rien. Je lance l'invitation à tous les gens de
venir s'asseoir pendant une heure dans un restaurant pour constater qu'il y a
encore des gens qui ne laissent rien. Si on fait un calcul rapide, cela ne fait
plus 15% pour deux personnes, mais 6% ou 7% par client dans plusieurs cas. 15%,
si vous l'appliquez pour tout le monde, d'accord, mais 15%, si vous l'appliquez
pour deux, ce n'est plus 15%, c'est 6% ou 7% dans bien des cas. On lance
l'invitation. Vous pourrez faire la preuve par votre propre témoignage
humain en vous assoyant et en regardant. S'il vous plaît, ne prenez pas
comme référence le
restaurant qui existe sur la colline parlementaire.
Des voix: Ah!
M. Marcouiller: On voit clairement que la méthode
établie par le ministère vaut ce qu'elle vaut et on comprend
très bien qu'il y ait tant d'avis d'opposition déposés au
ministère relativement à cette méthode. J'aimerais savoir
combien il peut y avoir d'avis d'opposition sur la table. Je ne sais pas si, M.
le ministre, vous pouvez me répondre. Les avis d'opposition sur la table
actuellement, pouvez-vous me dire combien il peut y en avoir? (10 h 30)
M. Marcoux: Je peux vous l'indiquer tout de suite. J'ai
déjà indiqué qu'à partir de juillet 1979, provenant
du ministère du Revenu du Québec, à partir des
enquêtes de vérification que nous faisons, nous avons émis
environ 900 avis de cotisation. En plus, entre 1350 et 1500 avis de cotisation
ont été émis à la suite d'échanges
d'information avec Revenu Canada.
M. Marcouiller: Vous parlez des avis de cotisation; moi, je vous
demande les avis d'opposition. Simplement, la machine bureaucratique peut-elle
vous dire: II y a 600 avis d'opposition sur la table?
M. Marcoux: Je crois avoir le renseignement. Je vais essayer de
le vérifier et, tantôt, je vais vous le donner.
M. Marcouiller: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Si vous voulez bien continuer la
lecture de votre mémoire, par la suite, on engagera le dialogue avec les
membres de la commission.
M. Marcouiller: Merci, M. le Président, je m'excuse. Mais,
nous direz-vous, plusieurs ont déjà payé, d'où
l'admission d'avoir touché ces 15%. Ce qui s'en vient peut être
intéressant. Oui, certains ont déjà payé, et je
vais vous dire pourquoi: à cause du "trafiquage" de peur, de saisie,
d'hypothèque judiciaire sur leur maison et de toutes sortes d'histoires
abracadabrantes racontées par certains fonctionnaires peu soucieux du
bien-être des travailleurs au pourboire. Quand on te
téléphone et qu'on te dit: Si tu ne paies pas, on sait que ta
maison est payée, on lève une hypothèque judiciaire de
8000 $ sur ta maison comme le gars n'a pas d'information, qu'il est plus ou
moins instruit, il est pris de panique. Il se retourne, il emprunte et il vous
paie.
Nous, on vous dit que ce n'est pas la reconnaissance d'avoir
touché ces gains; c'est bien plus le tordage de bras et la panique, pour
avoir la paix, un peu comme ce que M.
Jolin a dit hier. Ce n'est pas une situation vivable que de savoir que
tu dois 5000 $ ou 6000 $. Certains des gars qui t'appellent -je ne dis pas que
c'est M. le ministre qui appelle, mais les fonctionnaires - abusent de leurs
fonctions. Ils abusent peut-être de l'ignorance de ces gens qui ne sont
pas capables de se défendre et qui disent: Pour avoir la paix, je vais
l'emprunter et le payer. Peut-être que le ministère peut
interpréter ces paiements comme une reconnaissance d'avoir fait ces 15%.
Moi, je vous dis que c'est le contraire.
J'en profite ici pour laisser la parole à Mme Lucille
Vadeboncoeur, qui fait partie de l'ADEP de la Mauricie, qui est membre de notre
comité et qui va faire un témoignage un peu dans le sens de celui
de M. Jolin, hier soir, qui a ému quand même les gens de la
commission. Je pense que le témoignage de Mme Vadeboncoeur peut aussi
vous sensibiliser parce que c'est un fait vécu. Je laisse la parole
à Lucille.
Mme Vadeboncoeur (Lucille): Bonjour à tout le monde. Je ne
veux pas que personne pleure sur mon sort. Je viens ici seulement pour faire un
témoignage de mon vécu. L'an passé, en juillet, alors que
je revenais d'une opération, j'ai reçu un avis de cotisation du
gouvernement provincial de - je vais vous donner le montant - 6898,69 $, pour
quatre années antérieures. Alors, je regarde cela, je me dis:
Qu'est-ce que cela? Je me fous de cela, c'est impossible, cela ne se peut pas,
où va-t-il? Je me dis: Quand je serai bien revenue, je vais consulter
quelqu'un et je vais m'informer. Je suis tellement certaine que c'est une
erreur, je l'oublie. À un moment donné, je reçois une
saisie de salaire. Heureusement que j'ai à ma charge six enfants, la
saisie de salaire a été de 5,60 $ par semaine que je dois verser.
Cela, je me dis: Ce n'est pas pire, cela ne paie même pas un dîner.
Maintenant, en novembre, un bon midi, on dîne, mes six enfants et moi, on
cogne à ma porte. C'est un huissier. On me réclame 7200 $. J'ai
dit: Monsieur, si j'avais les 7200 $, je vous emmènerais en voyage.
Qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse? Je ne veux pas qu'on me pose
des questions, je veux qu'on pense à une chose: Est-ce que moi, si je
vivais aux crochets de la société, si on m'apportait mon
chèque dans la boîte à malle, avec un timbre, que je n'aie
même pas besoin de me déplacer, cela me donnerait peut-être
le même salaire que je gagne aujourd'hui, parce qu'avec six enfants on a
une aide assez bien proportionnée. Avec les allocations, cela me
donnerait peut-être 250 $ par semaine. Est-ce que ce serait mieux que je
sois aux crochets de la société, qu'on me fasse vivre, au lieu de
prendre ces cotisations que je dois payer? Quand le fédéral
arrivera, je vais
faire quoi? Je me le demande. Je vais faire une faillite personnelle,
parce que les 800 $, je ne les ai pas. Je me demande aujourd'hui si ce ne
serait pas plus avantageux, quand tout sera réglé et qu'on aura
une loi, si je dois réellement payer cela, de vivre aux crochets de la
société, qu'on me fasse vivre. Je n'ai pas cet argent. On va me
dire: Ce sont des pourboires qui ne sont pas déclarés.
Peut-être que je ne suis pas d'accord avec les montants qu'on vient me
réclamer, des 1000 $ et des 2000 $ par année d'impôt, cela
doit faire un bon montant de pourboires, quand vous faites votre
déclaration d'impôt. Vous avez déjà six enfants
à votre charge. Je vous dis que, si vous faites le calcul, on doit en
donner, des pourboires, dans le restaurant où je travaille. À
vous de conclure. Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Marcouiller: C'est un peu dans ce sens qu'on a dit
tantôt pourquoi certains ont payé, pourquoi il y en a qui
paniquent et pourquoi il y en a qui pensent même à faire une
faillite personnelle. C'est bien beau qu'on ait entendu des gens qui pourraient
peut-être aussi être acculés à la faillite face
à des demandes, mais on vous démontre qu'il y a deux
côtés à la médaille et, dans les solutions qu'on
propose, on essaie quand même de tenir compte du fait que tout le monde
doit manger la part du gâteau.
Mme Vadeboncoeur a fait son témoignage face aux poursuites qui -
une fois encore, je le répète - sont faites, mais basées
sur rien, puisque c'est bien mentionné dans le livre vert que le
pourboire n'est régi par aucune loi, ni aucune règle statutaire.
La méthode que le gouvernement, que le ministère du Revenu impose
à la suite d'une enquête sur un échantillonnage de cartes
de crédit qui ont laissé 15%, on vous dit que c'est faux. Quant
à ceux qui ont payé - on m'a posé la question avant de
partir de Trois-Rivières - moi, j'ai payé, parce que, justement,
j'ai eu peur. J'ai payé 1300 $. Qu'arrive-t-il si jamais ils cassaient
les poursuites et nous donnaient une chance? Cela peut être fait sous
forme de crédit d'impôt, ces choses-là. Ce serait à
voir. Ce serait peut-être dans une autre consultation avec le
ministère du Revenu, comment établir ces choses. Tout ce qu'on
dit, c'est qu'actuellement, par convention, depuis des années, avec les
comptables et les gens, tout cela avait été toléré
par le gouvernement, par le ministère du Revenu et, du jour au
lendemain, que ce ne soit plus toléré, on n'est pas contre cela.
C'est pour les années antérieures qu'on est contre. Lorsque les
conventions sont brisées, on repart à zéro. On refait une
loi et on fonctionne à partir de cela.
Nous disons tout de suite que la méthode utilisée par le
ministère du Revenu n'est pas la bonne et nous prendrons tous les moyens
légaux mis à notre disposition pour la combattre. Voilà
pourquoi apparaît, de façon claire, l'importance d'une
réglementation quant à la perception de ces sommes d'argent, si
on ne veut pas se retrouver devant les tribunaux et admettre ainsi qu'il y ait,
de part et d'autre, d'immenses pertes de temps, d'énergie et d'argent.
Par la perception de ces montants, je parle de la définition des frais
de service ou du pourboire, qui a été mentionnée tout au
long de la commission.
En conclusion du mémoire, des deux chapitres dont on vient de
parler et des solutions hypothétiques publiées dans le livre
vert, nous, de l'Association des travailleurs au pourboire de la Mauricie,
ADEP-Mauricie, recommandons ce qui suit: premièrement, que soit
instauré par une loi dans les plus brefs délais que le pourboire
ou frais de service soit fixé à 15%, réglant ainsi le
problème de comptabiliser ces sommes d'argent. Quand on dit "le
problème de comptabiliser ces sommes d'argent", si le "reading" ou la
lecture de "cash" donne 400 $ pour une facturation totale pour un
employé au pourboire, c'est 15% de cette somme et tout le monde sait
où l'on s'en va. Le ministère du Revenu trouve la part qui lui
revient, le travailleur au pourboire trouve la part de ses avantages sociaux.
Jusqu'à maintenant lorsqu'il se présentait au bureau de
l'assurance-chômage, on lui disait: Les deux tiers de ton salaire, les
deux tiers de 3,28 $. Vous savez ce que cela donne, par semaine, les deux tiers
de 3,28 $ multipliés par 40; je ne le compterai pas. Nous comprenons que
cette Législature va en contradiction avec l'Association des
consommateurs, mais nous nous apercevons aussi que la demande de hausser le
salaire des travailleurs au pourboire à un niveau raisonnable: 7 $
l'heure - je pense qu'on peut s'entendre sur la définition de
raisonnable à 7 $ - sans pourboire, irait, elle aussi, à
l'encontre de l'Association des restaurateurs.
Comprenant très bien la situation dite de tamponnage dans
laquelle nous, travailleurs au pourboire, nous nous retrouvons, nous abondons
un peu dans le sens de la récente recommandation de l'Association des
restaurateurs qui demandait de réduire la taxe de vente sur les repas
à 5%, réduisant ainsi, par le fait même, la pression
monétaire exercée sur le consommateur. Je pense que cela dit ce
qu'on veut dire. Le client qui va au restaurant paie 5% de moins en taxes; le
gouvernement récupère ainsi 5% sur toutes les factures et non
seulement sur celles de plus de 3,25 $. Cette réglementation
apporterait, du même coup, les avantages sociaux aux travailleurs au
pourboire, ainsi que leur juste part d'impôt à payer face aux
autres
contribuables, répondant ainsi à deux constatations du
livre vert: d'un côté, l'équité, la justice sociale
qui dit que tout le monde doit payer ses impôts et, de l'autre,
l'injustice sociale qui dit que tu as droit aux deux tiers de 3,28 $.
Dans un premier temps, je pense que la réglementation dans un
projet de loi pourrait être faite dans ce sens. Nous disons qu'il n'y a
rien de réglementé là-dessus, c'est pour cela qu'on
demande l'arrêt des poursuites; le pourboire n'ayant jamais fait l'objet
de statuts ni de règlements dans aucune loi, simplement dans la Loi sur
l'impôt qui dit que nous devons déclarer nos pourboires.
Personnellement, cela fait cinq ans que je fais la déclaration
d'impôt de ma femme, j'ai toujours mis de 15% à 20% du salaire
brut en pourboires. Cela a toujours été toléré par
le ministère du Revenu. Je pense que si cela n'avait pas
été toléré, j'aurais reçu des avis de
cotisation avant; maintenant, j'en reçois, d'accord. On veut modifier la
loi, on veut percevoir et quantifier ces montants; on n'a rien contre. On a
dit: Ne brisez pas la convention et ne reculez pas de cinq ans. Vous avez un
exemple avec les armes à feu; vous avez un exemple avec les squatters;
vous avez des tas d'exemples.
Pour en arriver à faire quelque chose, à un moment
donné, il faut dire: D'accord, à partir d'un point zéro,
on fait une loi, on réglemente; à partir de là, les
règles du jeu seront celles-là, messieurs. Vous irez chercher
ceux qui ne les déclarent pas, vous aurez la loi de votre
côté. Mais de la façon dont vous avez quantifié ces
pourboires, nous vous disons que nous constesterons cette méthode parce
que vous, du ministère du Revenu, admettez vous-mêmes que le
pourboire n'est pas réglementé ni statué par des
règles fixes.
Cette réglementation apporterait, du même coup, les
avantages sociaux aux travailleurs au pourboire ainsi que leur juste part
d'impôt à payer. Deuxièmement, elle arrête les
poursuites de la part du ministère pour les années
antérieures. Nous ne sommes pas contre le fait que le ministère
perçoive de l'argent - encore une fois je le répète -mais
contre la façon dont il l'a fait; se basant unilatéralement -
c'est un mot qu'on a entendu ces derniers mois - sur une méthode qui ne
repose sur aucune règle fixe et statutaire régie, comme il
l'admet lui-même, dans le livre vert. Je parle toujours du
ministère du Revenu. (10 h 45)
En conclusion, nous ne voulons pas partir en guerre contre qui que ce
soit. Nous désirons traiter d'égal à égal - encore
une chose que j'ai déjà entendue - avec toutes les associations
existantes ainsi que les législateurs qui font nos lois. Nous tenons
à préciser que, dans un avenir prochain, nous défendrons
non seulement nos droits, mais qu'en plus nous prônerons un code
d'éthique qui aura pour but de rehausser le statut du travailleur au
pourboire en une profession respectée, avec tout ce que cela peut
entraîner pour l'essor de l'industrie touristique
québécoise.
Bibliographie. Le mémoire a été
rédigée à partir des mémoires de l'ADEP-Mauricie,
de l'ADEP-Estrie, de l'AGAP-Montréal, de l'Association des restaurateurs
du Québec, de l'Association de consommateurs du Québec et, enfin,
du livre vert du gouvernement du Québec. Je vous remercie de votre
attention, messieurs.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.
M. Marcoux: Je remercie les représentants de l'Association
des employés au pourboire de la Mauricie. Comme j'ai eu l'occasion de
l'indiquer hier et avant-hier, dans ce travail concernant la préparation
du livre vert, de la commission parlementaire et des solutions qui pourraient
être trouvées, j'ai voulu m'associer au maximum à mes
collègues du parti ministériel. C'est pourquoi j'inviterais le
député de Montmagny-L'Islet à engager le dialogue avec
vous sur le mémoire. Je reviendrai tantôt pour des questions et
des commentaires.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député de Montmagny-L'Islet.
M. LeBlanc: Merci, M. le Président. Je salue la
délégation de la Mauricie, mesdames qui êtes en très
grand nombre dans cette délégation et monsieur qui avez fait la
lecture du mémoire et l'avez commenté. Je pense que le
mémoire par lui-même ne suscite pas tellement de questions parce
qu'il a été assez explicite sur ce sujet qui est en rapport, en
parallèle avec le livre vert et qui traite spécifiquement des
avis de cotisation.
Vous avez tout de même mentionné à
l'intérieur de votre mémoire que vous étiez, comme les
autres groupes auxquels vous faites référence dans la
bibliographie qui a servi à la préparation de votre rapport,
solidaires des 15% obligatoires, comme les autres organismes qui ont
été dans le même sens que vous.
Ce problème soulevé, la commission vous permet, justement,
aujourd'hui, en même temps qu'elle vous demande votre avis sur le
système de réglementation du pourboire, de faire la
représentation que vous faites sur un problème qui vous touche,
comme madame l'a expliqué, très particulièrement. Les
témoignages individuels, comme celui de madame, comme celui de M. Jolin
hier soir, donnent justement la preuve que cette commission est une tribune
qui
vous permet d'exprimer cela.
Je n'ai pas tellement de questions se rapportant directement à ce
que vous avez énoncé. C'est relié directement au
fonctionnement du ministère du Revenu. Pour en revenir à des
questions qui ont été discutées hier et qui feront encore
l'objet aujourd'hui de la discussion, n'avez-vous pas des craintes, vous aussi,
que ces 15% obligatoires affectent justement l'entreprise au Québec
qu'est la restauration et l'hôtellerie, qui est dans une situation assez
difficile? On a signalé un nombre de membres assez élevé
dans cette entreprise.
Je vous pose une question seulement sur un point. Vous parlez de la
réduction de la taxe à 5%. J'aimerais que vous puissez
préciser un peu là-dessus, par exemple, si la réduction
à 5% pourrait avoir une influence, d'après vous, qui compenserait
pour l'augmentation aux consommateurs. Est-ce dans ce sens que vous le
prenez?
M. Marcouiller: Oui, effectivement, c'est dans ce sens. Vous
savez que cela ne prend rien pour alarmer le consommateur. Du jour au
lendemain, si une loi était adoptée et disait que les 15% sont
obligatoires, il prendrait panique. C'est comme s'il partait de zéro et
qu'il montait à 15%. L'Association des restaurateurs a demandé de
baisser la taxe de vente un peu pour permettre aux consommateurs d'avoir une
moindre grande pression pécuniaire et peut-être même de
dépenser plus dans un restaurant parce que cela coûterait moins
cher. C'est peut-être la mentalité. On abonde dans ce sens. Comme
vous le dites, les 5% seraient pour diminuer le fardeau du consommateur.
M. LeBlanc: Je constate dans les premières phrases de
votre réponse - c'est presque une admission - que vous êtes
conscient du risque que les 15% vont alarmer le consommateur.
M. Marcouiller: Pas nécessairement. Je disais tantôt
que cela ne prend rien pour alarmer le consommateur. Quand vous dites qu'hier
il a été question d'entreprises qui pourraient être
acculées à des difficultés financières, s'il y
avait un pourboire de 15% d'établi, je vous dis tout de suite que, par
conviction, nous n'y croyons pas. Je pense que la commission nous donne la
permission de dire nos convictions. Chaque personne qui s'est fait entendre
ici, dans les trois jours, est venue donner ses convictions. C'est un peu dans
ce sens. On donne nos convictions et on ne croit pas que cela puisse affecter
l'entreprise.
M. LeBlanc: Je pense que ce qu'on fait actuellement, c'est une
recherche de la meilleure formule. Quand j'évoque cette
possibilité, ce danger d'alarmer une clientèle et de compromettre
peut-être aussi la survie de certains établissements, je le fais
en fonction de ce que cela peut provoquer de chômage parmi les
employés au pourboire.
M. Marcouiller: D'accord. Maintenant, en commission, ici, on a
parlé beaucoup de l'impact des 15% sur les restaurateurs. Il ne faut pas
perdre de vue que je présente un mémoire d'une association de
travailleurs au pourboire. Ce travailleur, il est certain que ses
premières priorités, un peu comme Mme Vadeboncoeur le disait, ce
sont les siennes. Je comprends que pour l'Association des restaurateurs, c'est
légitime de lancer que cela va la mettre en péril mais, hier, je
pense qu'on a très bien mentionné que des commerces avaient
fermé bien avant l'apparition dans le décor des 15% obligatoires.
Encore une fois, je répète que nous sommes convaincus que ce
n'est pas la cause.
M. LeBlanc: Mais, spécifiquement en fonction d'une
augmentation éventuelle du chômage parmi vos membres, on a
évoqué dans les premiers mémoires qui ont
été soumis par les groupes syndiqués qu'il se fera un
recyclage et que les établissements restants auront une augmentation de
personnel. À la fin de l'opération et dans la période de
transition, de disparition de certains établissements, est-ce qu'il ne
restera pas des gens sur le carreau, sans emploi?
M. Marcouiller: Non, je ne le pense pas. Tous les organismes qui
ont présenté des mémoires ici ont tenu à leurs
convictions. C'est un peu dans ce sens que je dis, moi aussi, que je ne le
pense pas. Vous savez, à un moment donné, j'ai entendu dire qu'en
France cela se faisait. On avait boudé, on avait chialé, on avait
critiqué pendant un mois, puis tout était revenu à la
normale. Je ne sais pas ce qui pourrait arriver au Québec si, demain
matin, les 15% étaient obligatoires. Nous le proposons comme une
solution face au ministère du Revenu parce que, durant une
Législature, on a des chiffres noir sur blanc, le ministère peut
comptabiliser, percevoir les sommes qui lui sont dues. Le chiffre de 15% a
été avancé par toutes les associations. On lance 15%, on
tient à 15%. C'est certain que l'Association des restaurateurs, vous
seriez très étonnés vous-mêmes, messieurs de la
commission, si elle abondait dans ce sens. C'est la preuve qu'elle va
défendre ses droits, un peu comme nous aussi, on va défendre nos
droits.
Les implications que cela peut avoir, on les analyse ensemble et on est
même prêts à faire partie d'une autre commission pour
analyser encore plus profondément avec le ministère du Revenu
toutes les implications.
Mais, dans un premier temps, on vous dit au moins de
légiférer et qu'on ait un plancher. À partir de là,
on pourra se rasseoir et ensemble, toutes les associations, essayer de
s'entendre. Mais il est certain que chaque association revendique ses droits.
Je ne peux pas appuyer l'Association des restaurateurs, elle ne nous appuiera
pas.
M. LeBlanc: Je vous remercie, monsieur, et je remercie
particulièrement madame qui nous a exposé son cas individuel. Je
laisse la parole à d'autres, s'il y a d'autres commentaires.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Sainte-Anne.
M. Polak: Dans votre mémoire, vous accordez beaucoup de
temps à cette question de poursuites et je vous en félicite,
parce que cela a été mentionné par d'autres, mais vous
êtes allés beaucoup plus en détail. Je n'aurai que quelques
questions là-dessus.
Dans le livre vert, à la page 11, le ministère explique le
processus de vérification. Pourriez-vous me clarifier quelques points?
Je trouve ce système aberrant et inhumain; pourriez-vous me confirmer si
mon opinion est correcte? Ils disent ici: "À partir du montant total des
ventes déclarées dans un établissement, la contribution de
chaque employé est fixée selon les heures de travail." Cela veut
dire, selon moi, que tu peux avoir un employé qui vend très bien,
qui attire la clientèle, tandis que, pour un autre, cela ne fonctionne
pas bien, mais il a travaillé autant d'heures. Donc, le pauvre paie
vraiment pour celui qui travaille bien. C'est notre première perception.
Vous pourrez y répondre plus tard. Ensuite, on dit: On estime le taux de
pourboire à 15%, tandis que tout le monde sait... Même moi, je
suis un bon "tipper", mais je ne donne pas 15%. Je donne d'habitude 12% sur le
total, la taxe comprise. Cela donne peut-être 15% net.
M. Marcouiller: Merci, M. le député.
M. Polak: Ce que je ne comprends pas, c'est que le gouvernement
fixe obligatoirement 15% sur le total. Le fardeau de la preuve repose donc
entièrement sur les épaules de la pauvre employée qui va
dire: Écoutez, il y en a qui ne m'ont rien donné.
Évidemment, nous ne sommes pas capables de prouver cela parce qu'il y a
beaucoup de ventes qui se font en argent. C'est impossible d'établir
cela. Si le ministère disait: On est d'accord avec l'Opposition, ce
système est aberrant et inhumain et on veut faire quelque chose. D'un
côté, on ne peut pas retirer ces poursuites carrément,
parce que, tout de même, il faut qu'on paie des impôts sur le
revenu. D'un autre côté, on est d'accord sur le fait que ce
système ne fonctionne pas du tout, c'est un scandale. S'il disait: On va
fixer cela, en tout et partout, pas à 15%, mais à 5%, on prend le
bon et le mauvais, est-ce que ce serait acceptable, comme formule?
Dernière question: Jusqu'à quel moment va-t-il retourner
en arrière? L'aspect rétroactif, je trouve cela un peu aberrant.
Mme Vadeboncoeur a parlé de 6600 $. Cela couvre quelle période?
Est-il retourné en arrière de trois, quatre ou cinq ans? Quelle
est la ligne de conduite? Pouvez-vous rapidement répondre à ces
questions?
M. Marcouiller: D'abord, dans votre première intervention,
vous avez apporté vous-même la réponse. Le ministère
a quantifié des montants. La dame disait justement: Je ne les ai pas
faits. Vous avez apporté un élément de réponse.
Dans un deuxième temps, vous parlez de 5%. Entre gens civilisés,
il ne faudrait pas prendre les gens en face de soi pour des idiots. Vous avez
vous-même dit que vous laissiez du pourboire. Ce serait bien stupide de
dire que personne ne laisse de pourboire.
Quand on parle des poursuites des années antérieures, cela
va jusqu'en 1976. On dit que c'est par convention. Les déclarations
d'impôts sont faites depuis des dizaines d'années avec l'aide de
comptables qui te disent: C'est toléré par le ministère.
As-tu reçu un avis de cotisation l'an passé? Non. Alors, cela a
passé. C'est indiqué: serveuse à tel restaurant. Le
ministère est bien conscient que tu es un travailleur au pourboire. S'il
avait voulu te cotiser, il aurait envoyé un avis de cotisation. En 1979,
il décide d'envoyer des avis de cotisation. Je le répète,
nous ne sommes pas contre le fait que vous vouliez percevoir des montants.
C'est sur la méthode que le ministère a prise.
Je vous donne l'expérience de Trois-Rivières. Ils sont
arrivés dans un restaurant. Ils ont pris les caisses de factures dans la
cave, un peu dans la poussière et dans l'huile, et ils ont sorti un
chiffre. Ils ont dit: II y a 500 000 $ de chiffre d'affaires. Il y a huit
filles, chacune est imposable pour 60 000 $ de facturation par année. On
établit cela a 15%, parce qu'on a relevé, pendant trois mois, sur
des échantillonnages de cartes de crédit, que le pourboire de 15%
était laissé. On va être bon prince. On m'a dit au
téléphone: On va peut-être descendre cela à 12%, 12%
de 60 000 $, voici le chiffre, c'est ce que vous devez payer pour les
années antérieures. C'est là qu'on dit que c'est par
convention, parce que le ministère du Revenu a, pendant des
années, toléré cette situation. Les comptables, ce sont
eux qui sont le plus à l'affût de tout ce qui sort du
côté de la fiscalité, beaucoup de travailleurs au pourboire
font faire leur
déclaration d'impôt par ces comptables et les paient en
toute confiance. En plus, le comptable te dit: S'il y a quelque chose, ne
t'inquiète pas, le gouvernement va te rejoindre et va te cotiser. Cela
ne s'est pas fait. Du jour au lendemain, on veut cotiser. On n'est pas contre
cela, mais contre le fait qu'il dise: On te cotise et, en plus, on va chercher
les années antérieures, les années qu'on a
tolérées, on ne les tolère plus. Si on peut reculer comme
cela dans bien des secteurs, je ne pense pas qu'il y ait une évolution
sociale au Québec. On va reculer au lieu d'avancer. Si on veut avancer,
il faut dire: On s'assoit, on constate qu'on perd de l'argent. C'est
légitime, de la part du ministère du Revenu, d'admettre qu'il
perd de l'argent en ne légiférant pas. Légiférons,
traçons des règles, peut-être un tableau, un plancher, on
va avoir de quoi discuter et le travailleur au pourboire ne pourra même
pas discuter; ça va être la loi. (11 heures)
M. Polak: D'accord, merci bien.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Terrebonne.
M. Blais Merci, M. le Président. C'est très
difficile de séparer le rôle d'un député
ministériel de positions, de faits ou de perceptions comme
celles-là sans s'autocritiquer, parce qu'on fait partie d'un
gouvernement. C'est sûr que vous faites ressortir là-dedans le
côté un peu inhumain de la façon dont on perçoit ces
cotisations. La politique fiscale des deux gouvernements, qui était de
ne pas réclamer, c'était une tradition, et vous vous appuyez sur
une tradition de non-perception pour faire vos revendications. J'y trouve une
justification dans la base même de votre mémoire aujourd'hui,
parce que le gouvernement, dites-vous, n'a pas de base fiable de
répartition des pourboires antérieurs et que toute
répartition serait faite presque, comme on pourrait dire entre nous, au
pifomètre. Je comprends bien ce problème. Je suis content que
vous nous disiez de regarder ça. On n'est pas placés pour prendre
des positions; on est en période de consultation, bien sûr. On a
tous des tendances personnelles, qui que l'on soit, autour de la table.
Quant à l'affaire du crédit futur, j'ai l'impression que
le crédit d'impôt futur pour ceux qui ont déjà eu
des perceptions me sourirait à moi, personnellement, en tant que
député. Aussi, je suis surpris de m'avoir encore vu dans aucun
des mémoires des gens au pourboire une demande pour un essai d'entente
avec Ottawa en vue d'arrêter les perceptions et d'essayer d'attendre, de
marquer un temps d'arrêt avant d'envoyer d'autres avis de cotisation pour
tenter de s'entendre entre les deux gouvernements. Je pense que ce serait une
bonne proposition à nous faire aussi.
Je pense que tout le monde ici, des deux côtés de la table,
nous comprenons la situation de ceux qui ont des poursuites et nous trouvons
ça humainement intolérable et malheureux. Là-dessus, je
suis persuadé que tout le monde s'entend. Le ministre du Revenu aussi
s'entend là-dessus avec nous, j'en suis persuadé.
Mais ce n'est pas là-dessus que j'en aurais. J'aurais une
question beaucoup plus directe à vous poser. Nous sommes ici un peu
comme "juges" à cette commission, indirectement et entre guillemets
toujours -je ne veux pas m'approprier des titres que je n'ai pas - et nous
entendons les patrons, nous entendons les employés. Dans les deux, il y
a de bonnes choses; dans les deux, il y a de mauvaises choses. Mais ce
mémoire-ci, vu que vous le braquez sur la situation des poursuites -
à toutes fins utiles, il n'est braqué que sur ça - peut
laisser croire - et je me demande si c'est ça que vous voulez nous dire
par ce mémoire - que, les gens au pourboire étaient
extrêmement heureux avant, que leur situation était très
belle et que, si ces poursuites étaient toutes levées, la
situation serait très belle et qu'on vit bien au Québec dans le
monde au pourboire. Est-ce que c'est ça?
M. Marcouiller: Je ne peux pas approuver une chose comme
ça, loin de là. Les gens au pourboire - je pense que la
façon dont ils ont été cotisés individuellement le
prouve, - n'avaient pas de ressources, n'étaient pas unis. Ils
subissaient un métier, ils subissaient des lois - 3,28 $ l'heure au lieu
de 4 $ parce que toi, tu as du pourboire - ils ne s'étaient jamais assis
et dit: On va revendiquer des choses; maudit, on a droit à avoir des
choses! Dans un sens, le ministère du Revenu a réveillé
beaucoup de choses. Il y a quelqu'un hier qui a dit: Vous nous avez mis au
monde. En un sens, sûrement que vous nous avez fait prendre conscience de
beaucoup de choses. Mais ça fait longtemps que, aux normes du travail ou
à l'assurance-chômage, on revendique les droits du pourboire. On
dit les deux tiers du salaire. Savez-vous ce qu'on nous répond à
l'assurance-chômage? Prouvez-le et apportez des attestations de votre
employeur. Connaissez-vous la collaboration qui existe? Il n'y en a pas. Alors,
la personne se présente au bureau et elle accepte les deux tiers de
rien. Je comprends que vous disiez -peut-être sur un point - est-ce que
ça allait bien avant ça? Non, ça n'allait pas bien.
C'était loin de bien aller.
Maintenant, vous dites que nous avons braqué le mémoire
sur les poursuites. Je suis content qu'on l'ait fait. Mais je vous
précise qu'il a été fait en deux volets: une partie
où on est contre les poursuites. On dit même pourquoi on est
contre. Deuxièmement, on
vous dit qu'il est grand temps de légiférer et on vous
apporte un élément de solution. Je ne voudrais pas que vous
disiez que nous avons braqué le mémoire simplement sur les
poursuites. Cela a peut-être été, dans un premier temps,
les poursuites, mais, dans un deuxième temps, je pense qu'on propose des
choses concrètes qui ont même été
revendiquées par d'autres associations.
M. Blais: Une deuxième brève question sur le
même sujet. On entend aussi que, dans l'ensemble, exception faite des
poursuites, les travailleurs au pourboire ne sont pas si malheureux parce que
plusieurs ont des bonnes places, c'est très rentable et ils sont
très contents du système actuel. Deuxièmement, il y en a
qui sont syndiqués et ont des salaires beaucoup plus
élevés que le taux de 3,28 $. Troisièmement, dans toutes
les entreprises familiales, les gens ont une vie très heureuse dans les
restaurants. Il reste les autres, vous allez me dire. Mais, toutes proportions
gardées, si on fait la somme de tout cela, est-ce que l'ensemble des
employés au pourboire est malheureux dans le système actuel?
M. Marcouiller: Oui, c'est ce que j'ai précisé
tantôt. Il ne faut pas croire, parce qu'il n'y avait pas d'associations,
de regroupements ou de revendications, que tout allait bien dans ce
sens-là. Cela a peut-être été
l'élément pour partir, "starter", comme on dit, le mouvement, les
avis de cotisation, pour simplement s'apercevoir, finalement, comme je l'ai
entendu souvent: Maudit, je suis tanné de payer; on nous réclame
toujours et on n'a rien à la fin. C'est un peu dans ce sens-là.
Le travailleur au pourboire était conscient qu'il n'avait rien. Je pense
que les avis de cotisation, pour les années antérieures en plus,
cela a été la goutte qui a fait déborder le vase.
M. Blais: Je vous remercie. Je nous souhaite bonne chance vers
une législation.
M. Marcouiller: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Westmount.
M. French: M. le Président, je veux remercier M.
Marcouiller - cela va dans le même sens, ce sont les mêmes
réactions que mon collègue de Terrebonne - pour avoir axé
son intervention, celle de l'Association des employés au pourboire de la
Mauricie, résolument, au début du moins, sur les problèmes
humains des travailleurs et travailleuses au pourboire.
Il est, pour ma part, extrêmement difficile de concevoir, en toute
justice, le changement des règles du jeu implicites traditionnellement
sanctionnées par les ministres du Revenu successifs et que, du jour au
lendemain, on mette en branle la machine du fisc fédéral et la
machine du fisc québécois sur le dos d'une classe de travailleurs
qui non seulement ne gagnent pas beaucoup d'argent, mais le gagnent dans des
circonstances, dans des situations extrêmement difficiles. Donc,
l'intervention a le grand avantage de nous forcer à faire face à
ce problème et de ne pas s'attarder à d'autres problèmes
très importants qui ont été soulevés par d'autres
intervenants, parce que c'était une tribune dont ils voulaient profiter,
qu'ils voulaient utiliser.
Je n'arrive pas à imaginer que l'analyse
coûts-bénéfices de l'exercice soit, en termes fiscaux,
très positive pour le trésor public. C'est-à-dire que je
me demande si ce qu'on paie en salaires, en services de contentieux, etc., aux
employés du ministère du Revenu pour poursuivre l'étude du
dossier des pourboires n'arrive pas sensiblement à totaliser le
même montant d'argent qu'ils vont réussir, finalement, à
récupérer de la classe des travailleurs en question. En tout cas,
il ne s'agit que d'une goutte dans le contexte fiscal
général.
Maintenant, le petit montant, c'est une chose. Parlons donc du principe.
Si on impose des pénalités, si on exige des
intérêts, si on veut revenir en arrière, c'est parce qu'on
croit qu'il y a eu consciemment, sciemment une entrave à la justice, une
désobéissance de la part d'un individu dans un contexte où
on devrait raisonnablement imaginer qu'il aurait fait autrement. Or, la
situation n'est pas celle-là. La situation me semble être qu'il y
a une pratique courante qui a été sanctionnée
implicitement, successivement sur toutes les déclarations de revenus
faites par à peu près tous les travailleurs dans le domaine.
Donc, pour rectifier une pratique courante dont toute la société
a profité, on commence un par un à poursuivre les travailleurs et
les individus et on les prend un peu comme les pommes d'un arbre. On ne sait
jamais quelle pomme va être prise par quel niveau du gouvernement.
Les principes de responsabilité personnelle sous-jacents à
notre système d'impôt me sont très chers. Je les
opposerais, d'ailleurs, aux principes existant dans certains pays
européens où il est présumé que c'est une
espèce de jeu qui se joue entre le contribuable et le fisc et
qu'à peu près tous les subterfuges possibles sont
justifiés. Ce n'est pas notre système et je ne voudrais pas que
cela le devienne. Mais si on veut que tous les citoyens respectent le
système, encore faut-il que le système les informe de leurs
obligations et responsabilités de façon systématique.
Quant à moi, je ne suis pas en mesure de prendre position sur
l'avenir de la politique dans ce domaine, sur l'avenir pratiquement d'un
contrat de travail décrété
par le gouvernement dans le domaine de la restauration. Voilà un
sujet extrêmement complexe. Mais, pour ce qui est des poursuites, je
demande au ministre d'arrêter cette espèce de harcèlement
d'un travailleur après l'autre et je demande de geler la
rétroactivité et de suggérer la même chose à
son homologue fédéral. Je suis convaincu que le processus de
sensibilisation parmi ces travailleurs s'est fait. C'est peut-être une
bonne chose, malgré, encore une fois, que ce n'est qu'un petit nombre de
personnes qui portent le fardeau par leurs problèmes personnels d'une
prise de conscience qui aurait dû être faite de façon
systématique par tous les intervenants du dossier, le législateur
et le ministre les premiers.
J'imagine mal comment on va réussir à créer une
situation susceptible d'améliorer les lieux de travail en question, les
conditions de travail en question lorsque quelques individus paient un prix
extrêmement élevé pour poursuivre certains principes qui,
en toute honnêteté, ne peuvent pas s'appliquer à eux parce
qu'ils n'ont pas été informés efficacement par
l'État.
M. Marcouiller: M. le député, je vous remercie. Je
pense que votre intervention se fait surtout vis-à-vis des
députés en place. On a glissé, tantôt, un mot sur la
proposition entre Québec et Ottawa. Tout ce qu'on a constaté,
nous autres, c'est que, quand c'était le temps de se chamailler, ils
étaient l'un contre l'autre; quand c'était le temps de percevoir
de l'argent, ils se tenaient ensemble. Le principe de
désobéissance auquel M. le député a
référé tantôt, je veux bien le préciser
encore. La personne, par convention, établissait son pourboire à
15% ou à 20% de son salaire brut et le mettait dans sa
déclaration d'impôt et ceci était toléré. On
en a la preuve que c'était toléré. Je ne vois pas
là une désobéissance, ni une évasion fiscale de la
part du contribuable. Je vois juste un manque de précision flagrant dans
la réglementation pour la perception de cet argent.
Hier, on a débattu le terme frais de service et le terme
pourboire. On a dit qu'il y avait des "peanuts". On a dit qu'il y avait d'autre
argent. C'est dans ce sens qu'on vous dit: Légiférez pour qu'il y
ait des définitions pour que tout le monde puisse prendre un document,
avoir des lignes noir sur blanc et savoir qu'on va partir d'un plancher pour
qu'on puisse éventuellement évoluer ensemble, toutes les
associations existantes. Merci. (11 h 15)
M. French: M. le Président, seulement pour conclure
là-dessus, mon collègue, le député de
Maskinongé, m'a fait comprendre qu'il n'y a pas de principe fondamental
mis en jeu par le moratoire qui est nécessaire. Il lui semble
évident que, dans la mesure où les renseignements
nécessaires n'étaient pas diffusés,
disséminés dans le milieu, il ne s'agit pas d'une
désobéissance consciente. Il s'agit de coutumes que nous avons
tous utilisées à notre avantage, parce que, chaque fois qu'on
entre dans un restaurant, on sait que les prix sont en fonction des coûts
de l'employeur, et le coût de travail est, évidemment, un des plus
importants dans ce domaine. Si on veut, à l'avenir, changer cet
équilibre entre le consommateur, le restaurateur et les employés,
qu'on le fasse devant tout le monde avec une approche qui est claire pour le
tout le monde, qui va être débattue comme telle, et qu'on n'essaie
pas de la rajuster rétroactivement d'une façon tout à fait
répugnante comme on le fait actuellement.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Marcoux: M. Marcouiller, je vous remercie à nouveau de
la présentation de votre mémoire. Je vais, d'abord,
répondre à la question que vous avez posée tantôt
concernant le nombre d'avis d'opposition. Sur les 900 avis de cotisation
émis depuis 1979 ou à peu près, il y a eu 250 oppositions
de logées et, pour ces 250 oppositions, il y a environ 80% à 85%
des cas qui sont réglés, c'est-à-dire soit qu'il y a eu
une entente ou que l'opposition ait été réglée, ce
qui fait environ 20% de cas qui restent à régler sur les 250 avis
d'opposition.
Pour revenir aux questions fondamentales qui viennent d'être
soulevées par votre mémoire, depuis deux jours, on a surtout
parlé des solutions possibles pour l'avenir. Votre mémoire nous
permet, ce matin, de discuter plus longuement du passé. En fait, c'est
sûr que la situation est très difficile et qu'entre
l'équité fiscale, l'arbitraire, l'humanité possible et le
respect des lois, le jugement doit, évidemment, intervenir.
Je vais reprendre des choses que j'ai déjà dites mardi,
mais, évidemment, comme les groupes varient, il y a peut-être une
première chose à clarifier de façon très
précise en ce qui concerne le ministère du Revenu du
Québec. Cela n'excuse rien, mais je pense que cela situe le
débat. À lire des déclarations ou des mémoires, on
peut avoir l'impression que, depuis trois ou quatre ans, le ministère du
Revenu du Québec a fait ce qu'on pourrait appeler une chasse
systématique aux travailleurs et aux travailleuses au pourboire. Je ne
crois pas qu'on puisse soutenir une perspective semblable. Comme je l'ai dit
tantôt, nous avons émis environ 900 avis de cotisation et, comme
on s'entendait à peu près sur le fait qu'il y a environ 60 000
à 70 000 travailleurs et travailleuses au pourboire et qu'il y a une
très grande mobilité, même si
on parle d'une base annuelle de ce type de personnel, on ne peut pas
soutenir - je le pense, en tout cas - qu'il y a eu une opération
systématique entreprise auprès d'eux. J'ai dit que c'était
à l'occasion de vérifications qui sont faites dans des
restaurants et des hôtels donnés, pour d'autres motifs, qu'on
vérifie l'ensemble de l'application des lois fiscales, ce qui est
différent - je le donne juste comme information, sans
arrière-pensée politique -de l'attitude de Revenu Canada qui
procède différemment dans ses vérifications et qui
établit des secteurs de population où il fait des
vérifications durant quelques années, ce qui a conduit à
la situation que vous savez.
En ce qui concerne les pénalités, je pense qu'il y a une
chose qui doit être très claire. Lorsque le ministère du
Revenu impose des pénalités, il n'indique pas par là qu'il
y a eu fraude; il indique par là qu'il y a eu négligence. Lorsque
le ministère est convaincu qu'il y a eu fraude, il entreprend des
poursuites judiciaires et là, ce sont les tribunaux qui décident
si le ministère a eu raison de juger qu'il y avait eu fraude. Si tel est
le cas, le juge doit imposer une pénalité de 125% ou quelque
chose comme cela, mais c'est au niveau judiciaire. Il n'y a eu, en ce qui
concerne les travailleurs et les travailleuses au pourboire, aucune poursuite
judiciaire d'intentée par le ministère du Revenu pour motif de
fraude. Il y eu des pénalités dont vous avez parlé, comme
pour l'ensemble des autres citoyens ou contribuables qui sont en défaut
de payer leur impôt et qui se voient imposer une pénalité
supplémentaire en intérêt.
En ce qui concerne la possibilité d'annuler - vous avez
suggéré que la façon de rembourser pourrait être
sous forme de crédit d'impôt - des avis de cotisation
déjà émis, je serai très clair, comme je l'ai
été mardi. Je me dois de le dire à nouveau: C'est
sûr que la situation des travailleurs et des travailleuses au pourboire
qui ont reçu ces avis de cotisation peut être difficile ou est
difficile dans certains cas, j'ai reçu moi aussi des témoignages
personnellement, mais il serait tout aussi arbitraire, face à l'ensemble
des autres travailleurs du Québec - il y en a environ 600 000 qui sont
près du salaire minimum et d'autres qui gagnent un peu plus que le
salaire minimum, mais qui sont aussi des bas salariés - de dire: Pour un
certain groupe de ces travailleurs, nous allons annuler ou oublier les avis de
cotisation qui ont été émis à la suite
d'enquêtes que le ministère du Revenu a faites. Je crois que cela
deviendrait complètement arbitraire par rapport à d'autres avis
de cotisation qui ont été émis à l'endroit d'autres
travailleurs au Québec.
Il y a une chose qui doit être indiquée, c'est qu'avant que
l'avis de cotisation soit émis, de façon normale, il y a une
enquête de faite, il y a des discussions sur la base des données
que nous avons. L'avis de cotisation peut être contesté. La loi
prévoit une opposition possible. J'indiquais tantôt qu'environ le
quart des personnes impliquées s'en sont prévalus, ce qui indique
qu'il y a des recours. Lorsque la révision, à la suite de l'avis
d'opposition, ne satisfait pas le citoyen, la contestation au niveau judiciaire
est possible; ces moyens de recours existent.
Quant à l'arbitraire - on a parlé longuement des 15% -
c'est le point de départ à partir duquel le gouvernement ou
Revenu Québec fixe un montant possible d'avis de cotisation, mais ce
n'est pas un point absolu et fixe, en ce sens qu'on tient compte d'autres
facteurs qui font que, dans la plupart des cas, la moyenne des avis de
cotisation émis correspondait à environ 8% ou 10% plutôt
que 15% par rapport, disons, au chiffre d'affaires ou par rapport aux autres
pourboires perçus. On tient compte du partage des pourboires; lorsque,
dans une institution, il y a un partage des pourboires entre les
différents employés, on en tient compte. On tient compte du type
d'établissement; il y a des établissements où l'on sait
que le pourboire, compte tenu de la nature des repas et de la clientèle,
est plus élevé; pour d'autres, moins élevé. On
tient compte de la nature de la clientèle. On tient compte du secteur
où l'employé travaille. Les pourboires dans un bar et les
pourboires dans un casse-croûte où on va dîner le midi sont
différents. On tient compte de la période de travail de
l'employé, etc. Donc, même si on part avec 15% et qu'on fait les
déductions, en pratique, les avis de cotisation émis par Revenu
Québec sont autour de 8% ou 10% plutôt que de 15%. Cela montre, en
fait, qu'on tient compte d'une certaine réalité. J'ai
indiqué tantôt les recours possibles.
Ce ne sont pas des situations faciles parce que si, aujourd'hui, nous
sommes en commission parlementaire, s'il y a eu un livre vert, c'est parce
qu'il y avait des problèmes importants, des problèmes, d'abord,
pour les travailleuses et les travailleurs impliqués, mais pour le
ministère du Revenu aussi. Si on est là, c'est pour essayer de
trouver une ou des solutions pour l'avenir. Ce dont je peux vous assurer, c'est
que vous nous avez demandé d'agir. Je me suis engagé, au
début de cette commission, à agir. Vous pouvez être
assurés que j'ai la volonté ferme d'arriver avec des
recommandations au Conseil des ministres, parce que le seul engagement que j'ai
pris depuis le début de la commission, c'est que le statu quo ne dure
plus, parce que le statu quo perpétue l'inéquité fiscale
et l'inéquité sociale. C'est peut-être facile de dire cela,
mais je peux vous assurer qu'à la lecture de l'ensemble des
mémoires et à la suite des contacts que j'ai pu établir
depuis un mois
ou un mois et demi que je suis responsable de ce dossier, il pourrait
être tout aussi facile de s'enfarger dans des études
subséquentes, dans des consultations perpétuelles, dans le
non-consensus des solutions proposées pour justifier le statu quo.
Je suis convaincu que, pas simplement parmi mes collègues, mais
parmi la population, parmi les consommateurs, parmi même les travailleurs
et travailleuses au pourboire, il peut y avoir une large proportion de gens qui
peuvent favoriser le statu quo. Je peux vous assurer qu'en ce qui me concerne
cela ne dépendra pas de moi si on en demeure au statu quo et qu'il y a
une volonté d'agir le plus rapidement possible. Même si les
consultations doivent se poursuivre entre nous et vous sur les modalités
d'une solution ou de solutions qui pourraient être recommandées,
je n'ai pas l'intention de prendre prétexte de ces consultations que
nous devrons maintenir pour ne pas agir. Quant aux questions qui étaient
soulevées dans votre mémoire, elles ont été
posées par mes collègues. Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): M.
Marcouiller.
M. Marcouiller: Merci, M. le ministre. Je voudrais terminer en
disant que, concernant les avis de cotisation que vous avez totalisés
autour de 900, et 250 pour les avis d'opposition qui approchent les 30% de
mécontentement, vous êtes conscient que la petite boule de neige
est partie de cela. Peut-être que, dans six mois, ce sera 30% ou 40% de
tous les travailleurs au pourboire qui vont faire des avis d'opposition. Un peu
comme M. le député le disait tantôt, on voit à un
moment donné apparaître dans le décor une grosse machine
administrative, bureaucratique pour peut-être voir la
récupération finalement de quatre trente sous pour une piastre.
Dans le sens qu'on disait, par convention, cela avait toujours
été toléré, les 10% ou 15% déclarés
en pourboires sur le revenu. C'est pour cela qu'on dit que le gouvernement, en
envoyant des avis pour les années antérieures, brise une
convention existante. Nous ne sommes pas contre le fait, encore une fois, que
vous envoyiez des avis de cotisation lorsque vous croyez que les gens ont
fraudé. Nous sommes d'abord contre la méthode qui a
été employée et sur le principe de dire: On recule pour
les six années antérieures. Je vais vous demander à ce
moment de reculer pour vingt années, parce que cela fait 50 ans que le
métier existe.
Nos revendications contre le bris des conventions existantes, on
s'accroche à cela, parce que beaucoup de gens se sont accrochés
aussi à l'importance des conventions existantes. J'en ai fait mention
tantôt dans les politiques entre Québec et Ottawa. On a vu ce
qu'on faisait avec les conventions. On ne voudrait pas, non plus, se faire
passer la même chose, dans le sens qu'on cotise et qu'on recule six
années en arrière. Je termine en disant en mon nom et au nom de
mes collègues, merci à cette commission pour nous avoir permis
d'exprimer notre point de vue. Vous pouvez être assurés de notre
collaboration pour tous les gestes conséquents de la commission. Je vous
remercie messieurs les députés, messieurs les ministres. (11 h
30)
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Marcoux: M. Marcouiller, j'aimerais ajouter un
élément d'information concernant précisément
l'information. Vous dites comme il n'y a pas eu suffisamment d'information dans
le passé sur la nécessité, l'aspect de la loi...
M. Marcouiller: Ce n'est pas moi qui ai insisté sur le
manque d'information, c'est M. le député. J'ai dit que par
convention, il y avait des choses établies. C'est M. le
député qui a parlé du manque d'information.
M. Marcoux: En tout cas.
Le Président (M. Gagnon): On va laisser la parole au
ministre.
M. Marcoux: Je n'ai pas d'objection à ce qu'il
intervienne. C'est justement, je voulais avoir sa version. Dans les formulaires
d'impôt de Revenu Québec, comme dans les documents d'information,
on a toujours eu cette information depuis des années à l'effet
que le pourboire et les gratifications font partie des revenus imposables. Plus
récemment, depuis déjà trois ou quatre ans, c'est un
débat public. Je crois qu'on ne peut pas dire maintenant qu'il y ait
beaucoup de travailleurs et travailleuses au pourboire qui ignorent le fait que
la totalité de leurs revenus de pourboire est imposable. Et pourtant,
pour l'année d'imposition 1981, il y a 18 000 travailleurs et
travailleuses au pourboire sur environ 65 000, 70 000, qui ont
révélé des revenus de pourboires pour environ 14 000 000
$, ce qui est 2 700 000 000 $ selon nos évaluations des chiffres
d'affaires de ce secteur. Si on enlève 700 000 000 $ pour les
"fast-foods", etc. disons environ 2 000 000 000 $. Cela est nettement
inférieur en comparaison aux revenus de pourboires. Même dans des
mémoires, hier, on indiquait qu'il n'y aurait pas de problème
à décréter un 15% obligatoire sur la facture en abaissant
la taxe de vente à 5%, puisque de toute façon, cela ferait
simplement une augmentation de 10%, reconnaissant clairement, à ce
moment,
entre autres - c'était le mémoire de la région de
Québec de la C5N - même pas implicitement, qu'il y avait un
pourboire d'environ 10%. Le pourboire est environ à 10% actuellement.
C'est peut-être mon troisième motif pour dire que le statu quo,
vous pouvez en être assuré, j'ai la conviction qu'il doit cesser,
parce que malgré l'information qu'il a pu y avoir, indépendamment
du ministère du Revenu, mais sur l'ensemble de la question qui est
étudiée depuis deux ou trois ans, le nombre de travailleurs au
pourboire qui révèlent leur revenu de pourboires comme la
proportion des revenus révélés est vraiment
différente de ce qu'elle devrait être normalement.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: M. le ministre, depuis qu'on est ici, avant-hier hier,
et aujourd'hui, ce problème des poursuites, des cotisations vient dans
presque chaque mémoire, des deux côtés, même des
hôteliers. Cela veut dire que c'est un gros problème. Vous, ce
matin, vous m'expliquiez qu'il y avait 900 cotisations à Québec
et 250 oppositions.
M. Marcoux: Dont 80% des oppositions réglées.
M. Blank: Je suis étonné qu'il y ait même 250
oppositions c'est un peu illusoire. Pour commencer, on doit payer avant et cela
prend trois, quatre ans avant d'aller en cour. On doit engager des avocats, des
comptables. Comme M. Jolin l'a dit, hier soir, son affaire était de 7300
$. Ce n'est peut-être pas une fortune pour le ministre mais pour lui,
c'en est une. S'il doit engager un avocat ou un comptable, cela va lui
coûter plus que 7300 $ pour régler son affaire. Et dans toutes les
remarques des intervenants, on a noté qu'il y avait quelque chose qui ne
marchait pas dans cette affaire. On parle de 10%, et 15%. Le contribuable
était en vacances quand on est venu le cotiser pour des factures qu'on
ne trouvait pas. C'est très difficile pour ces gens de faire la preuve.
Mais on est ici, devant 900 personnes, sur un cas d'espèce.
Je ferais une suggestion. Je suis d'accord avec le ministre. On ne peut
pas annuler les cotisations parce que cela serait un précédent.
Il y a d'autres travailleurs qui ont des problèmes de cotisation, mais
si on avait un groupe bien identifié... Vous dites que le
fédéral les identifie pour suivre un groupe. Dans certains
secteurs, comme les médecins ou autres, vous avez un groupe de 900
personnes. Pourquoi ne suspendrait-on pas les procédures en donnant
l'étude des cas à une ou deux personnes indépendantes? Pas
à des fonctionnaires du ministère parce qu'il y a toujours cette
possibilité qu'on ne veut pas se déranger mutuellement, etc. Il
s'agirait de nommer un ombudsman fiscal dont la tâche consisterait
à étudier ces cas avec un esprit large pour constater s'il n'y a
vraiment pas quelque chose qui ne marche pas dans cette affaire. Cela
coûterait moins cher que de poursuivre ces oppositions à la cour.
Cela ne donne peut-être pas raison, mais cela donne au moins satisfaction
à ces personnes.
M. Marcoux: Sur les avis d'opposition, on dit qu'il y en a eu 900
d'émis par Revenu Québec, qu'il y en a eu 250 en avis
d'opposition, cela veut dire qu'en partant, il y en a eu 650 cas où il y
a eu des ententes de paiement ou des paiements et que sur les 250 en avis
d'opposition, il y en a déjà 80% de réglés, soit,
encore là, en paiement ou en entente sur paiement. Ce que je peux dire
et, je l'avais déjà indiqué mardi, l'engagement que je
peux prendre est que -évidemment, il n'y a pas une infinité de
cas, au point de vue des ententes sur paiement -le ministère du Revenu
doit agir de la façon la plus humanitaire possible en protégeant
quand même le principe que tout citoyen qui doit des impôts est
dans l'obligation de les payer. L'engagement que j'ai pris, mardi, je suis
prêt à le renouveler et, en ce sens, je pense qu'il y a des
attitudes importantes qui peuvent être prises.
M. Blank: M. le ministre, je pense que nous ne sommes pas sur la
même longueur d'onde. Vous parlez d'ententes, de règlements. Si
vous parlez des ententes sur un règlement pour payer le montant
demandé, moi et ces messieurs parlons d'autre chose. Doit-il le montant
pour faire une entente? Parce que si le monsieur ne peut se défendre, si
on avait toute la pression du ministre du Revenu avec ses fonctionnaires,
etc.
M. Marcoux: Non. Vous êtes très clair...
M. Blank: ... c'est facile de forcer une entente sur paiement,
mais je pars du fond de l'affaire. L'argent est-il dû?
M. Marcoux: Sur les montants dus, il y a des discussions entre
les fonctionnaires de Revenu Québec et les personnes qui
reçoivent des avis de cotisation. Il est fréquent qu'il y ait des
modifications à l'avis de cotisation émis à la suite des
représentations qui nous sont faites. Lorsque j'ai dit qu'on part de 15%
et que la moyenne réelle au niveau des cotisations est de 8% ou 10%,
c'est parce qu'on tient compte des représentations qui nous sont faites
indiquant la période travaillée, par exemple, par
l'employé, l'ensemble des facteurs dont il faut tenir compte, le type de
clientèle, etc.
M. Blank: Seulement une dernière
remarque. Il semble que le ministre est satisfait des ces arrangements,
mais il semble qu'il y ait des clients de l'autre côté de la barre
qui ne le sont pas.
M. Marcoux: M. le député de Saint-Louis, je
comprends humainement que les personnes qui sont ici... D'ailleurs, je l'ai dit
dès le début de mon intervention, tantôt, s'il y a une
commission, s'il y a 25 groupes et des individus qui sont venus nous
présenter des mémoires, ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de
problème. Je pense que le livre vert reconnaît qu'il y a des
problèmes importants que vivent des personnes et un groupe de
travailleurs. Alors, je pense qu'on n'a pas nié les problèmes qui
existent.
Le Président (M. Gagnon): M.
Marcouiller, avant de vous laisser la parole, si vous me le permettez,
je passerais au député de Viger. Vous pourrez réagir
peut-être à deux ou trois interventions. M. le
député de Viger.
M. Maciocia: Seulement deux petites précisions que je
voudrais obtenir de la part du ministre. Vous avez dit tantôt qu'il y a
eu 250 avis d'opposition et que 80% de ces avis sont réglés. Ma
première question est la suivante: Combien de ces 80% ont
été réglés à la satisfaction des
contribuables? Deuxièmement, combien y a-t-il de fonctionnaires au
ministère du Revenu travaillant sur ce dossier des gens au pourboire
actuellement?
M. Marcoux: Sur le dossier des travailleurs au pourboire?
M. Maciocia: C'est cela.
M. Marcoux: Alors, je vais essayer d'obtenir les renseignements
précis que vous me demandez et de vous les donner au cours de la
journée.
Le Président (M. Gagnon): M.
Marcouiller.
M. Marcouiller: Merci, M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): Excusez-moi. M. le
député de Viger.
M. Marcoux: Vous me demandez sur les 80% d'avis d'opposition qui
sont réglés, combien l'ont été par entente et
combien par décision du comité de révision? Votre
deuxième question est la suivante: quelle est le nombre de personnes qui
y travaillent? En fait, sur 4500 fonctionnaires, il y en a plusieurs qui
travaillent à la vérification dans le domaine... Ce que je vais
plutôt vous donner comme renseignement, c'est le nombre de personnes qui
travaillent dans la vérification dans le domaine de la restauration,
parce qu'on n'a pas d'employés qui travaillent uniquement à la
vérification des travailleurs au pourboire. Il n'y a pas de secteur au
ministère pour fouiller les dossiers des travailleurs au pourboire. Il y
a un secteur de vérification, entre autres, dans le domaine de la
restauration. Il arrive que nous vérifions des institutions
d'hôtellerie et de restauration et, à cette occasion, on regarde
le chiffre d'affaires et les revenus révélés en
pourboires. Disons que ce deuxième chiffre va certainement être
beaucoup plus vague et imprécis parce que nous n'avons pas de section
spécialisée pour les travailleurs et travailleuses au pourboire.
Nous avons une section spécialisée à la
vérification dans le secteur de la restauration et de
l'hôtellerie.
Le Président (M. Gagnon): M.
Marcouiller, là, vous avez la parole.
M. Marcouiller: Merci, M. le Président. Je suis content du
débat qui s'engage ici à la table, parce que ça promet
d'être bon à l'Assemblée nationale. Vous pouvez être
assurés qu'on va suivre le dossier de très près.
M. Marcoux: On vous fait confiance.
M. Marcouiller: Pardon?
M. Marcoux: On vous fait confiance.
M. Marcouiller: Les 18 000 employés au pourboire qui ont
déclaré des pourboires -dans votre intervention tantôt, M.
le ministre - je suis conscient qu'il y en a plus que les autres années
qui ont déclaré des pourboires à l'impôt et je pense
que le mouvement est amorcé. Mais on est là aussi pour demander
ce que ces 18 000 employés au pourboire, qui en ont
déclaré, ont reçu en retour actuellement. Pas grand-chose
encore une fois. Et c'est à cela que je voudrais qu'on s'attache
beaucoup.
M. Marcoux: D'accord, si vous le permettez, même si on
prend beaucoup de temps pour votre mémoire, je pense que vous attendez
des questions de fond qui vont être utiles pour le reste de la
journée. J'ai reconnu, et le gouvernement le reconnaît, qu'en ce
qui concerne les avantages sociaux, la Régie des rentes du
Québec, les accidents du travail, l'assurance automobile, vous
n'êtes pas traités actuellement comme l'ensemble des autres
travailleurs du Québec et vous n'êtes pas cotisés comme
l'ensemble de ces autres travailleurs. Mais par rapport à l'impôt
sur le revenu des particuliers, jusqu'à maintenant, vous avez
payé de l'impôt sur le revenu sur la base du salaire minimum
et
des pourboires révélés. Par contre, comme tous les
autres citoyens du Québec, vous avez eu les mêmes services de
l'ensemble du secteur de la santé et du secteur de l'éducation.
Par rapport à l'impôt sur le revenu, il y a un aspect
d'inéquité fiscale parce que, comme citoyens, vous avez eu droit
à l'ensemble de ces services. Par rapport aux avantages sociaux, je suis
entièrement d'accord avec vous pour dire qu'il y a un traitement
d'inéquité entre vous et les autres travailleurs du
Québec.
M. Marcouiller: Merci, M. le ministre, et je termine en disant
encore merci à la commission.
Le Président (M. Gagnon): Vous n'avez pas encore
terminé parce qu'il y a d'autres questions qui vont venir.
M. Marcouiller: Ah bon!
Le Président (M. Gagnon): J'ai des intervenants.
M. Marcouiller: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Alors, M. le
député de Hull.
M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Je tiens compte que
dans la majorité des mémoires présentés
jusqu'à maintenant il y a deux points qui ressortent constamment, celui
qui touche les avantages sociaux des emloyés, serveurs et serveuses dans
l'hôtellerie et dans la restauration, et la question qui revient
toujours, soit celle des cotisations.
Quand on mentionne, M. le Président, qu'il n'y a pas de
précédent pour tenir compte que les impôts dus doivent
être payés, c'est un fait. Mais il n'en reste pas moins qu'il y a
eu des conventions, des tolérances jusqu'au moment où le
ministère a décidé d'accaparer des revenus additionnels
par l'entremise des travailleurs au pourboire, serveurs et serveuses.
Quand je dis "précédent", M. le Président, c'est
qu'en 1958, alors qu'il y avait une taxe de vente au Québec d'environ 2%
et que la majeure partie des petits marchands et des petits commerçants
ne faisaient pas leur rapport ou leur remise, on avait utilisé un peu le
même procédé. Les marchands avaient été
envahis par des inspecteurs, on avait envoyé des avis de cotisation et
je me souviens qu'à ce moment-là des ententes avaient
été faites à l'amiable: on a oublié en partie le
passé, il y a eu des cotisations symboliques de faites et on a averti
qu'à compter de telle date le ministère serait très
vigilant quant à la récupération de ces taxes. On sait, M.
le Président, qu'à ce moment-là la majeure partie des
provinces canadiennes n'avaient pas de taxe de vente, qu'une taxe de vente
existait uniquement au Québec. C'est un peu le même
procédé qu'on emploie aujourd'hui. (11 h 45)
J'irai un peu plus loin que mon collègue quand, tantôt, il
demandait le nombre de personnes affectées à la recherche ou
à l'émission des avis de cotisation dans le domaine de
l'hôtellerie. Nous traitons d'un aspect tout à fait particulier,
ce matin, mais le même ministère du Revenu, actuellement, remonte
à dix, douze et quatorze ans en arrière pour réclamer de
l'argent des citoyens du Québec qui n'ont reçu aucun avis de
cotisation au cours des dix ou douze dernières années.
M. le Président, cela ne touche pas uniquement les serveurs et
les serveuses dans la restauration; cela touche les citoyens, globalement, au
Québec. J'aimerais savoir, parce que je l'ai lu, à titre
d'information -M. le ministre, cela reste à confirmer - s'il est vrai
qu'on a affecté 500 "tablettés", c'est-à-dire des
fonctionnaires de différents ministères qu'on a envoyés
à votre ministère, simplement pour faire de la perception. Tenant
compte que les négociations dans les secteurs public et parapublic,
actuellement, sont plutôt à l'état chaud, n'y a-t-il pas un
abus de vos fonctionnaires quant aux avis de cotisation et aux appels
téléphoniques qui sont faits? Dans plusieurs cas, je vous avoue
que c'est une inquiétude pour celui qu'on appelle. Comme l'a
laissé entendre M. Jolin, hier soir, pour quelqu'un qui n'est pas
habitué à se faire traiter de tous les noms et qui se fait
appeler subitement pour se faire dire qu'il doit 2000 $ ou 2500 $ au fisc, pour
un petit travailleur, c'est énormément d'argent dans le contexte
économique actuel où il doit aller emprunter à 15%, 16%,
18% et 20%, si ce n'est pas plus. M. le Président, j'aimerais que le
ministre du Revenu nous informe du nombre de fonctionnaires de tous les
services du gouvernement qui ont été affectés à son
service pour faire de la perception.
D'une part, je souhaiterais énormément que ce qui se
passait dans le passé, la tolérance dont on a toujours fait
preuve... Vous mentionniez qu'il y a un certain nombre de serveurs et de
serveuses qui faisaient certaines déclarations. Mais on n'a pas tenu
compte, M. le ministre, d'aspects importants dans les avis de cotisation que
vous envoyez, des dépenses qu'auraient pu réclamer les serveurs
et les serveuses, normalement, relativement à l'habillement, aux
chaussures, aux vêtements ainsi qu'aux frais de déplacement. Pour
quel montant de ces services ont-ils été cotisés alors
qu'ils n'ont pas pu déclarer une dépense ou baisser les revenus
comme tels? Ces mêmes serveurs et serveuses n'ont pas reçu
d'avantages sociaux sur les montants pour lesquels vous les
cotisez aujourd'hui. S'il y en a qui ont été malades ou
qui ont été chômeurs, à l'époque, ces
derniers n'ont pu bénéficier de montants additionnels. Le
ministère du Revenu, sans pour autant créer une évasion
à la fiscalité ou au fisc, devrait sûrement conclure des
ententes à l'amiable en tenant compte des montant symboliques pour
montrer qu'il est sérieux et qu'à l'avenir tout le monde paiera
ses impôts. Pour la façon dont vous le faites actuellement, M. le
ministre, ce n'est pas vous que je blâme personnellement, parce que le
ministre Fréchette, qui a commencé le ravage, est parti. C'est
vous qui restez avec le pot. Je vous dis qu'on vous a passé la "canne"
à vers et c'est vous qui êtes pris avec. Effectivement, il y a des
façons de traiter le problème et je pense qu'il faut
arrêter de harceler le petit contribuable, au Québec, celui qui
est peut-être le moins bien nanti.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, M. le
député de Sainte-Anne a une question à vous poser et vous
pourrez répondre en même temps. M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: M. le ministre, je veux simplement ajouter à ce
que le député de Hull a dit. Je ne comprends pas cet aspect
rétroactif à 1976. Pourquoi 1976 comme année magique? Je
ne voudrais pas me moquer de vous autres en disant qu'avant 1976, cela allait
bien. C'est l'année de l'arrivée du régime
péquiste, mais là on remonte à six ans...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Sainte-Anne, je voudrais vous dire aussi que le mandat de la commission, c'est
surtout d'entendre les témoins et, actuellement, on est en train de
faire une discussion entre les membres de la commission, discussion qu'on
pourrait faire en d'autres temps. Plusieurs témoins voudraient se faire
entendre.
M. Polak: La seule chose que je veux ajouter, M. le
Président, c'est l'aspect rétroactif à 1976 quand on sait
que ces gens-là ne sont même pas en mesure de faire la preuve de
la cotisation. C'est presque impossible. Tout le monde le sait très
bien. Nous n'avons plus de documents d'il y a six ans.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Dernière
réaction à ce mémoire parce qu'il va falloir y mettre fin
très bientôt.
M. Marcoux: C'est surtout par rapport aux questions qui ont
été soulevées. Concernant l'opération de perception
entreprise au ministère du Revenu depuis quelques mois, je dois
confirmer - je pense que c'était déjà connu, mais, en tout
cas, si ce n'était pas suffisamment connu, on n'a aucune objection
à le faire connaître - qu'au printemps dernier le ministère
du Revenu s'est employé à mettre en oeuvre, en place, une
équipe pour la perception des comptes dus au ministère du Revenu.
C'étaient des comptes qui pouvaient remonter à quelques
années ou à plusieurs années, c'est-à-dire des
impôts qui étaient dus. Je peux vous assurer de deux choses:
d'abord, par rapport à la quantité de personnes
impliquées, la façon dont cela s'est déroulé, on a
demandé à tous les ministères qui avaient du personnel
qu'ils voulaient mettre en disponibilité de les référer au
ministère du Revenu et il y a environ 110 à 120 fonctionnaires
qui sont venus d'autres ministères et qui ont été
affectés à cette opération et en plus, nous avons
gardé environ 300 à 350 occasionnels pour cette
opération.
Concrètement, cela a commencé en juin, juillet et,
jusqu'à maintenant, 50 000 000 $ environ ont été
payés par des gens - il y a des cas d'il y a quatre ans, cinq ans,
d'autres de trois ans, d'autres de deux ans - qui avaient déjà eu
des avis de cotisation du ministère du Revenu qu'ils n'avaient pas
payés. Je me dis une chose: Je n'ai pas ici la quantité de
citoyens que cela peut impliquer, mais si un bon nombre de citoyens ont
versé 50 000 000 $ sur des avis de cotisation qu'ils avaient
déjà eus dans le passé, mais qu'ils avaient omis de payer,
je pense que cela indique que nous avions raison de mettre, en somme, de
l'ordre dans nos comptes de perception.
Quant à la question que vous soulevez par rapport aux
dépenses que doivent faire les travailleurs et travailleuses au
pourboire en termes de vêtements, etc., cela peut être
regardé, mais, actuellement, il y a une mesure qui est appliquée
pour l'ensemble des travailleurs au Québec qui fait que, pour tout gain
de travail, on peut déduire jusqu'à 3%, avec un maximum de 500 $
par année, pour des dépenses impliquées par le gain de
travail. Cela, c'est sans preuves, évidemment. C'est automatique,
quelqu'un qui gagne 10 000 $ peut déduire 300 $ de son revenu imposable,
cette somme étant supposément des dépenses pour un gain de
travail. Les travailleurs et travailleuses au pourboire sont admissibles
parfaitement à cette déduction générale face au
gain de travail pour l'ensemble des travailleurs. Je crois avoir touché
les principaux points.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Le dernier mot, je vous
le laisse, M. Marcouiller.
M. Marcouiller: Pour la troisième fois, je vous dis merci
encore de votre attention.
M. Marcoux: Je vais vous dire une
chose: C'est souvent dur pour les députés d'écouter
durant trois jours. J'ai l'impression que nos collègues voulaient
échanger ce matin.
Le Président (M. Gagnon): Rapidement, M. Marcouiller.
M. Marcouiller: Quatrième fois, merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci infiniment de votre
présence et de votre témoignage devant cette commission. J'invite
maintenant le Conseil régional de développement de l'Estrie.
M. Lachance: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Bellechasse.
M. Lachance: ... ce n'est pas du tout pour essayer de
bâillonner de quelque façon que ce soit ni les membres de
l'Opposition, ni les membres du parti ministériel, ni encore moins les
gens que nous entendons, mais si je regarde l'ordre du jour que nous avons
aujourd'hui, il resterait sept groupes sans doute très
intéressants à entendre. Moi, je vous ferais la suggestion, M. le
Président, de demander au porte-parole de l'Opposition et
peut-être au ministre s'il y avait possibilité durant trois ou
quatre minutes de se réunir pour essayer de faire une espèce de
partage équitable du temps. Autrement, on risque d'escamoter, ce qui
serait malheureux, les derniers mémoires qui doivent être entendus
aujourd'hui.
Le Président (M. Gagnon): Absolument. D'ailleurs, M. le
député de Bellechasse, je dois vous dire que j'entends être
un peu plus sévère sur les prochains mémoires pour qu'on
ne se parle pas entre nous, mais qu'on interroge surtout nos témoins. M.
le député de Westmount, aviez-vous quelque chose à ajouter
là-dessus?
M. French: J'ai une suggestion pour mon collègue de
Bellechasse, c'est que le Parti québécois fasse ses consultations
en privé, plutôt que de gaspiller le temps de la commission en
venant témoigner comme avec le mémoire no 7.
Une voix: Ce n'est pas gentil.
M. French: Oui, c'est cela. C'est ma suggestion.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! M. le
ministre, aviez-vous demandé la parole là-dessus? M. le
ministre.
M. Marcoux: Deux remarques. Je pense que l'intention du
député de Bellechasse est saine, sauf qu'il est bon que dans une
commission semblable on prenne, à un moment donné, une demi-heure
ou trois quarts d'heure pour faire le point sur une question. Souvent, cela
nous permet d'aller plus vite pour les autres mémoires qui, la plupart
du temps, touchent les mêmes sujets. Je ne pense pas qu'on ait perdu les
trois quarts d'heure ou l'heure supplémentaire qu'on a consacrée
ce matin à ce mémoire. Je pense qu'il pouvait rejoindre les
préoccupations des dix autres mémoires qu'on a déjà
entendus et de ceux qui vont venir.
Quant à la remarque du député de Westmount,
à moins qu'on ne décrète que les membres du Parti
québécois ne sont plus des citoyens comme les autres au
Québec et qu'ils ne peuvent plus se faire entendre, je ne crois pas que
c'est le mémoire présenté par un groupe de la
région de Montréal-centre qui fera que le temps de cette
commission soit mal consacré. Franchement, c'est un peu
déplacé.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Rendu à ce
moment-ci, avant de donner la parole aux gens de l'Estrie, je me demande si on
doit suspendre à midi, compte tenu que l'Assemblée...
Une voix: ...
Le Président (M. Gagnon): On se rend à 12 h 30? On
m'a mentionné que le Parti libéral avait un caucus.
M. Blank: II est à 13 heures.
Le Président (M. Gagnon): À 13 heures?
M. Marcoux: Ne mangez-vous pas avant?
M. Polak: II faut manger quelque chose et après, les
questions au ministre.
M. Marcoux: Parce que vous ne vous mangez pas entre vous
autres?
Une voix: Nous autres, on mange au caucus.
M. Blank: On pourrait dire 12 h 15. On se donne 20 minutes.
Le Président (M. Gagnon): On pourrait entendre le
mémoire et, par la suite, vous pourriez revenir pour les questions.
M. Blank: Ils pourraient peut-être en faire le
résumé.
Le Président (M. Gagnon): Mme Estelle Gobeil, je vous
demanderais de présenter les gens qui vous accompagnent - je vous
souhaite d'abord la bienvenue à cette
commission - et de faire la lecture ou le résumé de votre
mémoire, ce qui veut dire que vous auriez environ quinze minutes pour le
faire.
Conseil régional de développement de
l'Estrie
Mme Gobeil (Estelle): M. le Président, M. le ministre, Mme
la députée, MM. les députés, d'abord, je vous
remercie de certaines remarques que vous avez faites entre vous. Je vous dirai
ceci: Je suis levée depuis 4 heures ce matin pour présenter un
mémoire qui concerne toute une collectivité et je vous avouerai
franchement que vous auriez avantage à vous brancher un peu. En plus du
travail qu'on a fait - depuis le mois de mai qu'on travaille là-dessus -
s'il faut écourter notre mémoire, vous admettrez, là
aussi, que c'est assez pénible. De toute façon, c'est la vie. Je
commence immédiatement. Mes collègues sont le directeur
général, M. Roch Fortin et le professionnel, M. Myroslav
Smereka.
Brièvement, je vais aussi, parce qu'en vous écoutant j'ai
compris une chose; il fallait que quelqu'un fasse une synthèse et je
vais la faire.
Des voix: Ah! Ah!
Mme Gobeil: Le Conseil régional de développement de
l'Estrie désire remercier le ministère du Revenu de l'occasion
qui lui est offerte aujourd'hui de présenter ses réflexions et
commentaires sur le livre vert sur la situation au Québec des
travailleurs et des travailleuses au pourboire.
Avant de passer à notre exposé comme tel, permettez-moi,
M. le Président, de vous présenter brièvement le Conseil
régional de développement de l'Estrie. Créé et
incorporé sous la loi québécoise en 1967, le conseil a
reçu le mandat de travailler en concertation au développement
socio-économique de la région administrative 05. Le conseil
régional est animé par un conseil d'administration de 32 membres
et il dessert une population de plus de 229 600 personnes réparties dans
les 105 municipalités des 6 comtés municipaux de l'Estrie,
à savoir, Compton, Frontenac, Richmond, Sherbrooke, Stanstead et
Wolfe.
Aux fins d'atteindre son objectif, le conseil régional promouvoit
les études et interventions nécessaires portant sur les
problèmes et réalités qui concernent plus d'un secteur
socio-économique. De plus, il administre, au bénéfice des
Estriens, différentes campagnes d'information relatives aux sujets
traités. Déjà, M. le Président, le
Il mai dernier, le conseil publiait un document intitulé "La
question du pourboire: un défi pour la concertation", dans lequel le
conseil abordait les questions du marché de la restauration, du
marché du travail du secteur de l'hôtellerie-restauration, de la
motivation derrière la pratique du pourboire ainsi que quelques
réflexions sur l'ensemble de la problématique du pourboire.
Notre conclusion était que "la solution recherchée risque
d'être fort complexe et, en conséquence, toute décision
discrétionnaire et unilatérale s'y rapportant n'engendrerait que
de nouveaux problèmes. Le conseil recommandait également un
éventuel projet élargi de concertation sur la question du
pourboire. Le livre vert a alimenté la réflexion sur la question,
et la tenue de la commission parlementaire manifeste concrètement la
volonté de concertation qui doit animer dans ce cas la prise de
décision. (12 heures)
Le Conseil régional de développement de l'Estrie souhaite
saisir la commission parlementaire des trois dimensions de la
problématique du pourboire qui nous amèneraient à rejeter
à long terme - je dis bien à long terme, et j'insiste sur cela
-pour faciliter vos questions et votre compréhension - à cause de
leur caractère partiel, les quatre hypothèses du travail du livre
vert. Ces trois dimensions sont les suivantes: 1. Le pourboire, pivot ou
bouc-émissaire des relations entre employeurs et employés, entre
les consommateurs et le gouvernement; 2. Les employés au pourboire dans
la petite entreprise de la restauration et de l'hôtellerie versus la
grande entreprise; 3. L'Association des restaurateurs du Québec et le
contrôle du marché de la restauration.
Même si vous avez beaucoup de travail, je tiens pour acquis que
vous avez lu le mémoire. Je passe donc les pages 2 et 3, parce que c'est
le contenu du livre vert que vous devez connaître. Je reviens à la
page 4 où je situe le pourboire.
Le Président (M. Gagnon): Si vous me donnez 30 secondes,
je voudrais vous mettre parfaitement à l'aise. Même si je vous ai
dit d'essayer de résumer en 15 minutes, vous avez aussi le droit de vous
faire entendre, alors, allez-y, prenez le temps qu'il faut.
Mme Gobeil: Je vous remercie, M. le Président.
À la page 4, au dernier paragraphe, je situe le pourboire. Il
faut donc s'arrêter sur le lien existant entre le salaire de base que
reçoit le travailleur au pourboire et le pourboire en tant que tel.
Selon le livre vert, les travailleurs au pourboire reçoivent un salaire
minimum légal inférieur à celui légalement
reçu par les autres travailleurs: 3,28 $ versus 4 $, en raison de
l'existence d'une deuxième source de revenu: le pourboire. Voir à
la page 8.
Cependant, cette déclaration n'est aucunement expliquée et
il faudrait tenter de saisir la véritable dimension de cette question
précise. Dans une étude intitulée
"Tipping Practices in Ontario in their Relationship in the Minimum Way",
publiée en 1973, le ministère du Travail de l'Ontario affirmait
ce qui suit: "La législation qui réduit les gains potentiels d'un
individu en partie à cause de sa plus grande efficacité est
difficile à justifier". D'autre part, l'Association des consommateurs du
Québec acheminait, le 7 décembre 1981, la recommandation suivante
au gouvernement du Québec: "de déduire l'imposition des
pourboires, de n'en imposer que la moitié peut-être, car selon
elle, les employés qui vivent des pourboires peuvent être
comparés à de petites entreprises puisqu'ils assument des
risques: celui d'avoir peu ou pas de pourboire de certaines personnes, d'avoir
peu de clients et enfin, le risque le plus grand, celui de ne pouvoir
espérer raisonnablement d'effectuer un tel travail jusqu'à 65
ans." La référence est dans le Journal de Montréal du 7
décembre 1981.
Selon ces observations, le pourboire dépendrait donc en partie de
l'efficacité du travailleur ou de la travailleuse au pourboire, de
même que d'un élément de risque. Ces deux
éléments, de nature d'"entrepreneurship" sont toutefois
difficilement utilisables pour discriminer entre diverses catégories de
travailleurs et de travailleuses au salaire minimum. Il est évident que
le fardeau fiscal doit être partagé entre tous les partenaires,
mais dans le cas des employés au pourboire, en regard desquels le
gouvernement recherche leur contribution fiscale, ceux-ci sont en quelque sorte
pénalisés, car ils subissent déjà une
première ponction monétaire attribuable à la
différence qui existe entre leur salaire minimum légal et celui
des autres travailleurs. Cette différence, comme on le voit,
bénéficie à l'employeur, puisque celui-ci n'a pas à
payer le salaire minimum généralement légal et qu'il
profite en conséquence d'un transfert fiscal que le gouvernement cherche
à combler d'autre part.
Le pourboire, comme deuxième source de revenu, ne saurait donc
être la cause fondamentale d'un différentiel salarial et ce,
d'autant plus que la province de Québec est la seule au Canada à
avoir un salaire minimum pour les travailleurs au pourboire qui soit
inférieur au salaire minimum général, comme le
démontre le tableau ci-dessous.
On voit donc que non seulement le Québec fait exception -
là, il aurait un statut particulier - sur la question du salaire minimum
de la restauration-hôtellerie (outre le cas restrictif de l'Ontario) mais
que la province du Nouveau-Brunswick de même que le territoire du Yukon
ont statué un salaire identique pour tous, jeunes ou vieux,
employés au pourboire ou non.
Le Québec doit donc justifier son statut particulier en
matière de salaire minimum et les quatre hypothèses de travail du
livre vert évacuent cette question de fond.
Les pages 6A, 6B et 6C concrétisent ce que je viens d'avancer
dans la lecture que je viens de faire. Vous remarquerez, à la page 6B,
le cas typique de l'Ontario, c'est spécifique pour les étudiants.
Ce sont, pour aller vite, les employés qui servent la boisson, en
Ontario.
La page 7 qu'on retrouve dans votre livre vert, je la passe donc, ainsi
que la page 8, et je vais à la page 9 immédiatement, après
les statistiques dont le titre est: Hôtels, restaurants et tavernes,
février 1982, versus manufactures.
Il faut également noter que de tous les secteurs traités
dans les statistiques officielles sur l'emploi, gain et durée du travail
des grandes entreprises de 20 employés et plus, le secteur hôtels,
restaurants et tavernes connaît la plus faible rémunération
hebdomadaire moyenne (c'est-à-dire, 159,14 $ en février 1982)
soit 42,2% de la moyenne de l'ensemble des industries (376,72 $ en
février 1982), et le moins d'heures hebdomadaires moyennes
(c'est-à-dire 26,9 en février 1982, comparativement à 38,4
pour les industries manufacturières). Il est à noter qu'en 1968,
les heures hebdomadaires moyennes dans le secteur hôtels, restaurants et
tavernes étaient de l'ordre de 37,1 et que depuis lors, elles ont
diminué d'année en année (c'est-à-dire en 1971,
35,4; 33 en 1973, 30,1 en 1976, 28,1 en 1978, et 27,7 en 1980).
En résumé, les grandes entreprises de la restauration ont
les traits suivants: 1. les emplois ont plus que doublé en 20 ans,
tandis que ceux des industries manufacturières sont demeurés
stationnaires. 2. Le pourcentage des emplois occupés par des femmes est
près du double de celui que l'on observe dans l'industrie
manufacturière. 3. La rémunération hebdomadaire moyenne
des salariés est la plus faible de toutes les catégories de
salariés. 4. La semaine de travail moyenne dans la restauration est
équivalente à 70% de celle de l'industrie manufacturière
et elle présente donc de plus en plus la caractéristique d'un
travail à temps partiel.
Si les conditions d'emploi dans les grandes entreprises
présentent tant de différence en comparaison de celles des autres
secteurs d'activité économique, que dire alors des petites
entreprises qui emploient plus de la moitié des travailleurs et
travailleuses de ce secteur mais en regard desquels on connaît si peu ou
rien?
Cette ignorance des conditions de travail de la petite et moyenne
entreprise de la restauration et le statut particulier, en termes de
rémunération hebdomadaire moyenne dans la grande entreprise de la
restauration nous amène à conclure au rejet à long terme
des quatre hypothèses de
travail formulées dans le livre vert, car il est impossible
actuellement d'en saisir l'impact sur le secteur que nous étudions.
Je laisse tomber les deux premiers paragraphes du sous-titre de
l'Association des restaurateurs du Québec et du contrôle du
marché de la restauration, pour prendre le dernier paragraphe. Donc,
l'Association des restaurateurs du Québec reconnaît, malgré
son désir de défendre le système de libre entreprise, la
nécessité d'un certain contrôle ou réglementation et
cela s'explique du fait que celle-ci veuille assurer la valeur morale et
financière des restaurateurs dans une province où quiconque peut
ouvrir un établissement de restauration. La fragilité du secteur
et le désir du contrôle de l'Association des restaurateurs du
Québec militent à notre avis en faveur du rejet à long
terme des quatre hypothèses de travail du livre vert, car une solution
fiscale n'est pas nécessairement le meilleur outil de contrôle de
ce secteur fragile.
Recommandations du Conseil régional de développement de
l'Estrie. Les trois dimensions soulevées par notre conseil indiquent que
la situation des travailleurs et des travailleuses au pourboire ne constitue
pas qu'une question d'injustice relative à la fiscalité et aux
avantages sociaux; la situation se présente beaucoup plus sous la forme
d'une problématique sociale, industrielle et économique dont les
facteurs ne peuvent être sérieusement envisagés que dans
une perspective à long terme.
Au Québec, le débat sur cette question est né de
l'intention gouvernementale visant à enrayer l'évasion fiscale et
que le gouvernement lui-même a si longtemps tolérée.
L'intervention gouvernementale souleva immédiatement cet autre aspect de
la problématique qui marquait l'impossibilité pour les
travailleurs et travailleuses de bénéficier des avantages sociaux
qui devraient normalement découler de la comptabilisation des revenus de
pourboires. Puisque la situation ne pourrait pas réellement
s'améliorer qu'en référence à ces deux aspects, le
Conseil régional de développement de l'Estrie recommande donc ce
qui suit au ministère du Revenu: 1 - Qu'à court terme, la
solution du livre vert demandant l'inscription par le client du pourboire sur
la facture soit retenue, mais qu'en même temps on puisse assurer aux
employés que le calcul de leurs avantages sociaux prenne en compte ce
nouvel ensemble de revenus; 2 - Que soit créé un comité
interministériel sur la restauration et l'hébergement
composé des ministres du Travail; de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme; de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu: du
Revenu, ainsi que de la Condition féminine, de façon que des
solutions à long terme soient étudiées - vous voyez que
c'est complet -; 3 - Que soit créé un comité d'adaptation
de la main-d'oeuvre, de la restauration et de l'hébergement
composé de représentants des secteurs de l'hôtellerie, de
la restauration, des travailleurs et travailleuses syndiqués, des
employés au pourboire, de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie
du Québec, du ministère du Travail du Québec et du
ministère de l'Emploi et de l'Immigration Canada, de façon que
les intervenants sectoriels soient engagés dans la recherche des
solutions; 4 - Qu'une campagne de sensibilisation de la population sur
l'industrie de la restauration et de l'hôtellerie de même que sur
les employés au pourboire soit envisagée dans les plus brefs
délais.
(12 h 15)
Avant de donner la conclusion, M. le Président, M. le ministre,
madame et messieurs, j'aimerais vous dire qu'il est bien certain que notre
mémoire ne peut apporter de solutions miracles. Nous avons vraiment
réfléchi et creusé tous les aspects que comporte le
problème qui a été apporté par ce que le
ministère du Revenu a appliqué d'une façon draconnienne.
Il ne nous est pas permis d'apporter de solutions magiques parce trop de monde,
pendant trop longtemps, ne s'est pas parlé.
Ce qui, à notre avis, est important, c'est que les amis, pas
seulement ceux d'en face mais de tous les côtés, se parlent,
s'écoutent et cherchent vraiment des solutions. À notre humble
avis, le problème est beaucoup plus sérieux que vous ne le
pensez. La solution à court terme peut être envisagée, mais
c'est une solution à laquelle tôt ou tard vous aurez à
revenir; vous aurez à chercher avec le monde les véritables ou la
véritable solution. Et j'insiste sur ça. Vous aurez
sûrement notre collaboration. C'est pourquoi les solutions que nous avons
mises là ne plairont pas à tout le monde, c'est bien sûr,
et le temps qui nous est alloué ne nous permet pas non plus de vouloir
justifier... D'ailleurs, tous les gens qui ont eu raison sont morts quand
même. Qu'on ait raison ou tort, on meurt tous un jour.
Alors, l'important, ce n'est pas nécessairement d'avoir raison,
c'est de favoriser la réflexion et aujourd'hui c'est surtout ça.
Nous n'avons rien à défendre en particulier. Je pense que vous
nous reconnaissez comme des intervenants d'une belle et grande région et
nous n'avons rien de spécifique à défendre, sauf que nous
avons à défendre d'une façon dégagée, sans
émotivité, toute une catégorie d'employés sur
laquelle on ne s'est jamais penché et dont on n'a jamais pensé
surtout à valoriser le rôle.
J'espère que notre intervention vous permettra de nous poser
toutes les questions. Je vais vous avertir tout de suite que j'ai deux beaux
hommes près de moi, je suis bien
encadrée, et je vais les inviter à répondre, non
pas que je sois incapable de répondre mais parce qu'il y a des questions
techniques et je ne veux pas courir de risques, je ne veux pas vous faire
perdre de temps. Ces personnes sont compétentes et habilitées. Je
vais donc les inviter à vous répondre.
Je conclus, M. le Président, en disant que nous désirons
remercier le ministère d'avoir choisi de tenir cette commission
parlementaire, dont les résultats permettent déjà de
mesurer l'importance de la concertation nécessaire au renforcement de
l'industrie de la restauration ainsi qu'à l'amélioration des
conditions de travail des employés.
Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme Gobeil. Maintenant,
étant donné l'entente qui est intervenue tantôt, je me
permets de suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, vers 15
heures, alors que vous serez à la même table et qu'on entreprendra
de vous poser des questions sur votre mémoire. Merci, beaucoup.
M. Blank: Cela va vous donner la chance de monter dans les
galeries pour voir comment on se parle en Chambre.
Le Président (M. Gagnon): Merci. (Suspension de la
séance à 12 h 19)
(Reprise de la séance à 15 h 51)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente du revenu est réunie aux
fins d'entendre des personnes et des organismes en regard du livre vert sur la
situation des travailleurs au pourboire au Québec. Vous allez me passer
l'obligation d'énumérer de nouveau les membres de la commission.
Je pense que ce sont les mêmes que dans la matinée. Lorsque nous
avons suspendu nos travaux, nous avions terminé la lecture du
mémoire du Conseil régional de développement de l'Estrie
et nous en étions rendus à la période de questions. Alors,
je cède immédiatement la parole à M. le ministre.
M. Marcoux: Je voudrais remercier le Conseil régional de
développement de l'Estrie de nous avoir préparé ce
mémoire, d'y avoir consacré certainement beaucoup
d'énergie et je remercie de sa présentation la présidente,
Mme Gobeil.
La première question que j'aimerais poser, c'est pour nous
resituer dans votre mémoire. Vous dites à deux ou trois reprises:
On n'est pas d'accord à long terme avec les quatre solutions que vous
proposez. Donc, il y a une autre solution possible à long terme, je
suppose, à laquelle vous avez peut-être pensé, mais qui
n'est pas formulée. En tout cas, je ne me souviens pas de l'avoir lue
dans le rapport ou de l'avoir saisie. Par contre, dans vos quatre
recommandations finales, vous indiquez clairement que, à court terme,
vous soutenez la position soutenue par un organisme de consommateurs hier, que
c'est plutôt la formule 5.2, c'est-à-dire la formule où le
client inscrirait le montant du pourboire sur sa facture, que vous retiendriez
parce qu'elle permet, en somme, aux travailleurs et travailleuses au pourboire
d'avoir les avantages sociaux impliqués puisque l'employeur cotiserait
dans la même proportion que les pourboires
révélés.
Je voudrais que vous me resituiez par rapport à ça. Vous
répétez à plusieurs reprises: À long terme, on
n'est pas d'accord avec les quatre solutions. Par contre, à court terme,
c'est ce que vous choisissez clairement, et vous l'indiquez, comme l'ont fait
hier plusieurs groupes, mais entre autres un groupe de consommateurs.
Mme Gobeil: M. le ministre, tout d'abord, je vais vous donner un
élément de réponse et, comme je vous l'ai dit ce matin, je
me suis fait accompagner et j'ai bien l'intention que mon professionnel gagne
son salaire. Alors, je vais l'inviter à compléter ma
réponse.
D'abord, la question du long terme et du court terme. À court
terme, il y a un problème qu'il est urgent de régler. Nous avons
étudié le cas en profondeur; on nous a présenté
différents éléments au conseil d'administration et le
conseil d'administration a retenu majoritairement comme court terme la solution
5.2. Pourquoi? C'est que, quand même, on se disait que ces
employés sont pénalisés au point de vue des avantages
marginaux. Il faut essayer de trouver une solution. Par contre, on sait que
dans l'industrie de la restauration et de l'hôtellerie, il y a aussi des
problèmes. C'est une industrie très fragile. Alors, on s'est dit
que ce n'était pas la solution idéale mais, à court terme,
vu qu'il y a un problème, il faut faire quelque chose, et nous sommes
prêts à embarquer dans ça.
Cependant, nous sommes conscients que, vis-à-vis des
employés au pourboire, et je tiens à le dire, ce n'est pas la
solution idéale, mais on veut qu'ils aient au moins les avantages
sociaux. C'est pour cette raison que notre prétention est que la
véritable solution est à long terme. C'est vrai qu'on n'est pas
arrivé avec quelque chose de précis. Ce qu'il y a cependant de
plus précis dans la recommandation, c'est la formation des
comités.
M. Marcoux: D'accord. Je vais y revenir et je vais y
répondre.
Mme Gobeil: C'est surtout cela quant au long terme.
M. Marcoux: D'accord. Concernant la question du long terme, on
s'est bien compris en disant qu'il n'y a pas dans votre texte une orientation
précise à ce sujet.
Pour revenir maintenant à vos quatre recommandations, je peux
vous dire que la première, ce sera une des hypothèses sur
lesquelles on va continuer de réfléchir ensemble jusqu'à
ce soir et dans les jours et les semaines qui vont venir. Quant à la
deuxième, la création d'un comité interministériel,
je peux vous assurer que je soulèverai cette question dans les rapports
que j'aurai à faire des discussions qu'on a tenues ici comme
étant une suggestion intéressante de mise en commun. De toute
façon, cela a été souligné tout au long de la
commission: On souhaite la participation des autres ministères
impliqués dans la découverte de solutions à court terme
comme de solutions globales ou à long terme.
Pour ce qui concerne la création du comité d'adaptation de
la main-d'oeuvre, de la restauration et de l'hébergement, je peux vous
assurer que j'ai fait faire les recherches au ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et on a trouvé
le rapport. En somme, ce comité avait été formé en
1975. Il avait remis son rapport en 1976, mais il ne semble pas, en tout cas -
je ne sais pas si c'était avant qu'on arrive - qu'il y ait eu un accent
de mis ou que quelqu'un ait retrouvé ou donné une suite
quelconque à ce rapport. On m'assure, au ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, qu'on va examiner les
conclusions et tout ce que contient ce rapport. S'il y a lieu d'y donner suite
dans le sens que vous proposez, en tout cas, ce sera examiné de
façon positive. On m'a indiqué, au ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, que cette
recommandation s'inscrit dans un esprit de prévention et que, dans ce
sens-là, elle est très positive comme approche et probablement
aussi dans le sens d'une revalorisation du statut professionnel de ce genre de
travailleurs.
Je peux vous assurer que votre mémoire sera l'occasion de
déterrer un rapport qui était sur une tablette probablement
depuis 1976 et, à partir de là, on verra les possibilités
d'aller plus de l'avant. Certainement que l'esprit de cette proposition, qui
est celle de prévenir plutôt que de guérir, nous
agrée.
Dans votre mémoire, vous indiquez trois dimensions concernant les
travailleurs au pourboire, la situation de ce genre de petite entreprise et
l'opinion de l'Association des restaurateurs du Québec et sa vision des
choses. Vous avez dit tantôt qu'au conseil d'administration, de votre
CRD, vous aviez discuté des différentes hypothèses. Les
CRD doivent jouer un rôle de concertation. C'est un des mécanismes
de concertation dans notre société. Quand vous avez
discuté de cette question, est-ce qu'il y avait des restaurateurs, des
hôteliers, des travailleurs et travailleuses au pourboire? Qu'est-ce qui
a présidé aux démarches? Je sais que vous êtes
impliqués dans ce dossier depuis déjà plusieurs mois, un
an et demi, deux ans peut-être. Je voudrais connaître les
démarches qui ont précédé la prise de position du
CRD.
M. Smereka (Myroslav): Pour vous répondre, M. le ministre,
il faut se situer dans le temps. Au mois d'avril 1982, nous avions reçu
au conseil régional une lettre de l'Association des employés au
pourboire de l'Estrie nous demandant de prendre position concernant cette
question. À ce moment-là, la réaction du conseil
d'administration et du comité exécutif a été la
suivante: Écoutez, avant qu'on se prononce sur un tel sujet, il faudrait
recueillir de l'information. Alors, on m'a demandé, à ce
moment-là - j'ai été mandaté par le comité
exécutif - de recueillir de l'information. Au mois de mai, on a sorti ce
premier document auquel on se réfère et auquel le livre vert se
réfère également en bibliographie: Le défi pour la
concertation. (16 heures)
À la suite de cela, on a tout simplement attendu les
événements puisqu'on s'attendait à la publication d'un
livre par le gouvernement, soit un livre blanc - on le croyait originalement -
ou finalement, un livre vert. Lorsque ce livre vert est sorti, on a donc repris
le dossier et il faut avouer que, pendant les mois d'été aussi,
on n'a pas cessé de continuer la cueillette de l'information puisque
cela a été, évidemment, le problème no 1.
Personnellement, j'a contacté même les centrales syndicales, entre
autres la CSN, et elles n'avaient rien comme information ou presque rien.
M. Marcoux: La CSN de votre région ou la CSN...
M. Smereka: Non, le bureau de recherche de la CSN, entre autres,
M. Peter Bakvis.
M. Marcoux: Je n'ai pas eu l'impression, lors des auditions, que
la CSN venait à peine de se mêler du dossier. J'avais plutôt
l'impression que cela faisait déjà plusieurs mois qu'elle...
M. Smereka: Je peux vous garantir qu'à l'époque, au
mois de mars et avril, il y avait peu de recherche. Elle venait à peine
d'affecter quelqu'un au dossier.
Donc, à ce moment-là, au cours de
l'été, on a continué. J'ai aussi contacté
l'Association des restaurateurs du Québec, le Conseil du patronat, etc.
Lorsque, cet automne, est arrivée la question du livre vert, nous avons
procédé à la rédaction d'un premier document qui
pourrait, en somme, être une première ébauche de document
pour cet avis, qui serait la suite logique de cette idée de
concertation, puisqu'on s'est aperçu que personne, vraiment, ne se
prêtait à un dialogue avec ses partenaires autour de la question.
Les restaurateurs, les employés au pourboire, c'était - on
pourrait quasiment le dire - à couteaux tirés. Nous avons un peu
servi d'élément neutre, on dirait quasiment d'extrême
centre, ce qui, parfois, est très pénible.
Une fois rédigée une ébauche, on a réuni -
cela a été tout de même pour la région un
événement particulier l'Association des restaurateurs du
Québec et son représentant dans l'Estrie, M. Roberge, les
employés au pourboire de l'Estrie et une association culturelle
touristique de l'Estrie représentant les hôteliers. Dans un
premier temps, on a demandé leur opinion en général, leur
position, et on a présenté notre document ébauche, notre
premier document ébauche, avant qu'il ne soit soumis au conseil
d'administration. La réaction a été très favorable
en général. Évidemment, certains points spécifiques
pour certains des groupes intéressés ont été
soulevés, à savoir qu'il allait falloir dénoncer plus fort
le gouvernement sur toute la question de la rétroactivité. On
n'avait pas tellement insisté là-dessus. On a essayé
d'avoir une espèce d'ouverture à des solutions. Règle
générale, la séance a été très
enrichissante parce que c'était la première fois qu'en
région, les représentants des divers organismes abordaient ce
sujet à une même table. On avait réussi cela.
M. Marcoux: Si je comprends bien, vous avez eu une commission
parlementaire et votre conclusion, c'est la solution 5.2.
M. Smereka: Vous croyez peut-être qu'on aura failli faire
notre livre vert régional, oui. Mais c'est, semble-t-il, le droit d'un
autre palier.
Lorsque cette consultation a été faite, on l'a ensuite
soumise au conseil d'administration qui, à ce moment-là,
était composé de représentants de divers organismes. C'est
un organisme très sectoriel. On a donc des représentants du monde
municipal, des industriels, des représentants du monde syndical, etc.
Dans le cadre de cette discussion, cette hypothèse 5.2 est ressortie
majoritairement. C'est donc une nécessité pour notre organisme,
puisqu'il en est un de concertation, d'intégrer la volonté du
conseil d'administration à l'intérieur d'une vision globale que
contient ce document.
Je voudrais répondre, pour compléter la réponse de
Mme Gobeil, concernant la distinction de long terme et court terme. Nous devons
accepter le fait qu'en 1982, il existe un équilibre entre le salaire et
le pourboire comme étant deux formes de rémunération pour
un certain travail qu'est le service de la restauration. On ne peut pas, du
jour au lendemain, dire que tout cela ne vaut plus rien et qu'on prend quelque
chose de nouveau. On est pris dans un cadre, dans une espèce de terrain
de jeux et le livre vert nous a également mis dans ce même terrain
de jeux. La logique de votre document, que l'on résume par le
schéma no 1 de la page 3, dit bien que les revenus du travailleur au
pourboire viennent d'abord des employeurs pour une somme de travail et des
consommateurs selon la qualité du service, la
générosité du client et le genre de clientèle. Le
terrain de jeux est là, c'est-à-dire que le Québec,
à travers les années, a dit que le travailleur au pourboire avait
finalement deux patrons, un patron pour la quantité de travail, un
patron pour la qualité du travail.
II n'est pas sûr qu'à long terme cette solution soit la
meilleure et la seule façon de procéder à un
réaménagement, c'est de mettre en branle des mécanismes
comme des comités interministériels et des comités
d'adaptation en vue, justement, de poser un nouvel équilibre entre ces
deux entités. Mais à court terme, cependant, la
réalité est là. Il y a, par exemple, comme on le disait
dans notre premier document du mois de mai, des organismes aux
États-Unis, des représentants de ces organismes au Canada, comme
Tippers International, qui, au nom des consommateurs, laissent des cartes sur
leurs tables lorsqu'ils sont servis, notant le client. Il y a donc un certain
mouvement des consommateurs à l'égard de cette chose qu'est le
pourboire.
On s'est dit, tenant compte qu'on ne peut pas tout chambarder et dire
tout simplement: II n'y a rien de bon dans ce livre vert: il y a deux paliers
de discussion. Le premier, c'est à partir de ce qu'on nous donne comme,
disons, os dont on va grignoter le meilleur morceau possible. Dans l'optique du
Conseil régional de développement...
M. Marcoux: Pour bien comprendre, l'association que vous avez
mentionnée, c'est Tippers Association?
M. Smereka: International.
M. Marcoux: Son attitude face aux pourboires, quelle est-elle?
C'est juste pour me situer.
M. Smereka: Si vous voulez...
M. Marcoux: C'est une association qui lutte contre le fait de
donner des pourboires ou quoi?
M. Smereka: Que ce soit obligatoire. M. Marcoux: D'accord. Cela
va.
M. Smereka: C'est dans le premier document qu'on vous a
déjà soumis, qui est dans la bibliographie du livre vert.
Donc, dans cette optique, on s'est dit qu'il y a tout de même le
fait qu'il faut arriver à un équilibre donné à
l'intérieur des forces qui jouent actuellement pour les règles du
jeu qui existent, mais nous sommes très conscients qu'en fin de compte,
la viabilité à la fois de l'industrie de la restauration et de
l'hôtellerie touristique est menacée par cet équilibre,
mais il est là. On essaie, à court terme, de l'arranger et de
mettre en branle le mécanisme qui puisse à long terme
l'améliorer.
C'est donc une ouverture et non une limite de ce travail... La peur no 1
était que cette commission se limite au court terme. Le problème
en est viscéralement un de long terme.
M. Marcoux: Simplement, une remarque concernant le salaire
minimum qui est différent au Québec par rapport aux autres. En
fait, vous avez assisté à la commission aussi. Il y a des nuances
à apporter à ce que vous dites à la page 6, mais je ne
peux pas y revenir longuement. On ne peut pas dire que le cas de l'Ontario soit
un cas marginal. Quand on parle du Québec et de l'Ontario, je sais bien
que le salaire minimum de 3 $ pour les travailleurs et travailleuses au
pourboire qui travaillent dans des endroits où il y a des débits
de boisson, c'est-à-dire au service des boissons, ce n'est pas pour
l'ensemble, mais c'est quand même, quand on parle de l'Ontario, 3 $
là-bas, 3,28 $ ici. On ne parle pas de quelque chose de marginal par
rapport au choix qu'on a à faire, vous qui savez les liens
économiques entre les deux.
Je vous remercie. Je peux vous assurer d'une chose: c'est que le corps
de votre document sur la description de la petite entreprise, etc., et le
portrait général que vous en dégagez à la fin,
c'est quelque chose que nous notons pour nos réflexions.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Smereka: Est-ce que je pourrais donner une petite
réponse à ce que M. le ministre a dit?
Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. Smereka: Concernant la comparaison entre l'Ontario et le
Québec si on prend jus- tement le document du comité d'adaptation
de la main-d'oeuvre qui a été fait en 1975-1976, on peut voir
qu'en 1976, au Québec, 68% des établissements étaient sans
permis et 32% avaient le permis. Donc, on peut dire qu'un tiers a un permis
pour servir de la boisson. Si on met ceci au niveau de la province de
l'Ontario, cela veut dire que la fameuse différence de salaire ne
s'applique qu'à environ un tiers des établissements, si on
compare les deux provinces. Cela veut dire que pour deux tiers des travailleurs
au pourboire dans la province de l'Ontario, le salaire minimum est de 3,50 $
l'heure, le taux général.
M. Marcoux: Vous avez bien dit "les deux tiers des
établissements"?
M. Smereka: C'est cela.
M. Marcoux: Vous avez dit, par la suite, "les deux tiers des
travailleurs"?
M. Smereka: Oui, en termes de proportion.
M. Marcoux: On regardera... M. Smereka: Oui.
M. Marcoux: Oui, mais, parfois, c'est plus compliqué que
cela.
M. Smereka: Je suis d'accord.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: Madame, je vous remercie pour votre présentation
et pour votre mémoire très bien préparé.
Je constate que vous avez dit à cette commission parlementaire
que votre consensus était axé sur la solution no 2. Y a-t-il des
raisons particulières pour lesquelles vous avez mis de côté
celle qui est le plus prêchée ici, la solution 1? Je constate
aussi, d'après le nom des comtés de votre région, qu'ils
sont presque tous frontaliers, qu'ils touchent à la frontière
américaine. La concurrence américaine a-t-elle quelque chose
à voir avec votre choix?
Mme Corbeil: Absolument pas. C'est clair. Je peux vous
répondre vite que c'est non.
M. Blank: Y a-t-il des raisons particulières pour
lesquelles vos gens ne veulent pas de la solution no 1 ou de la solution 4, qui
est à l'autre bout?
M. Smereka: En ce qui concerne la solution no 1, le taux
obligatoire, je pense que les gens concevaient le monde de la
restauration exactement comme le livre vert l'avait
présenté. Nous vous référons à la page 3
où il est dit que l'employeur détermine la quantité de
travail et que le consommateur évalue la qualité. C'est, en
filigrane, le consensus qui a joué en faveur de cela, à savoir
que le fait de rendre le pourboire obligatoire modifiait des règles du
jeu d'aujourd'hui d'une façon unilatérale, que cela était
inacceptable, et qu'il fallait procéder, s'il devait y avoir un
changement à travers le temps, en réglant à la fois les
problèmes de l'industrie et des employés au pourboire ensemble,
mais non pas par une décision à court terme qui serait tout
simplement déposée et ensuite imposée.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Blank: On vous remercie beaucoup, au nom de l'Opposition,
d'être venus ici aujourd'hui.
Le Président (M. Gagnon): Je remercie le Conseil
régional de développement de l'Estrie de son mémoire et de
sa participation à cette commission.
J'appellerais maintenant l'Association touristique régionale de
Lanaudière.
Association touristique régionale de
Lanaudière
M. Redmond et M. Boulanger, c'est cela?
M. Redmond (Jonh A.): Oui, M. Redmond.
Le Président (M. Gagnon): Oui, Redmond. Je vous laisse la
parole.
M. Redmond: M. le ministre, MM. les députés,
d'abord, on remercie le système et M. le ministre d'avoir
organisé cette commission; nous sommes très heureux...
M. Paradis: On va retrouver nos documents. Cela va prendre deux
secondes.
M. Marcoux: C'est la première fois que j'entends cela,
remercier le système. Elle est bonne. Je la note. Il a dit: Je remercie
le système d'avoir organisé cette commission. Vous n'aviez jamais
entendu cela...
Une voix: Non.
M. Marcoux: ... même en commission parlementaire?
M. Redmond: M. le ministre, d'abord, je voudrais vous dire que
ces trois pages sont le fruit d'un comité bipartite, c'est-à-dire
des employés au pourboire et des propriétaires
d'établissements. Comme vous avez pu le constater, il y a très
peu de squelette et beaucoup de viande. Je vais le lire et on pourra en
discuter après, si vous voulez. (16 h 15)
Opinion émise par les travailleurs au pourboire du comité.
Dans les cas de repas peu dispendieux comme les déjeuners, le pourboire
obligatoire de 15% pénaliserait les employés au pourboire qui,
ordinairement, reçoivent plus de 15%. Pensons à un pourboire de
15% sur un café de 0,75 $. Il s'ensuivrait un problème de
personnel pour le service aux comptoirs lunch et hors des moments de pointe que
constituent les dîners et les soupers.
La rémunération que constitue le pourboire libre permet
l'émergence d'un professionnalisme dans le métier. Un nivelage
à 15% obligatoire réduirait la motivation des serveurs et
serveuses et, par le fait même, la qualité du service. De plus,
l'expérience dans le métier ne serait plus une dimension
essentielle puisque gens de métier ou pas recevraient les mêmes
pourboires. Le pourboire obligatoire n'est pas dans les moeurs des
Québécois. L'imposition du pourboire obligatoire sur les factures
risque d'être perçue par les clients comme une taxe
supplémentaire et éliminerait toute la gratuité du geste
qui limiterait automatiquement pour les serveurs et serveuses toute
possibilité de pourboires supplémentaires.
Toute majoration du prix aux clients, ou perçue comme telle par
les clients, risque de déplacer les habitudes de consommation des
entreprises de restauration et d'hôtellerie vers les dépanneurs,
la livraison à domicile, la livraison au comptoir, etc., et de
réduire en définitive, par le fait même, la demande de
serveurs et de serveuses dans les entreprises traditionnelles de
restauration.
Seulement les employés au pourboire de l'hôtellerie et de
la restauration, majoritairement des femmes, sont visés dans la
consultation présente, alors que d'autres classes de travailleurs sont
rémunérées par des pourboires telles que les chauffeurs de
taxis, les livreurs de tous genres, les garagistes, etc.
Opinions émises par les entrepreneurs de l'hôtellerie et de
la restauration du comité. Il ne peut être question d'imposer une
charge fiscale supplémentaire aux entrepreneurs dans le secteur de la
restauration qui constitue en soi un secteur peu rentable. Toute charge
administrative supplémentaire imposée par la mise en place et
l'opération de contrôles nécessaires, inhérents au
pourboire obligatoire, ainsi qu'une hausse de la contribution automatique des
employeurs aux différents programmes sociaux, entraînerait en
définitive une hausse du coût des repas qui, à
l'époque actuelle, risque de se traduire par une baisse de
l'achalandage des entreprises. Le repas passerait de 4 $ à 5,10
$.
Le prix des forfaits touristiques incluant entre autres les coûts
de l'hébergement et/ou de la restauration seront automatiquement
majorés si le pourboire de 15% devient obligatoire. Ceci rendrait encore
moins concurrentielle la destination québécoise ou
intraquébécoise, déjà chère, et affecterait
toute l'économie touristique provinciale. Toute imposition obligatoire
du pourboire dans les entreprises de restauration rendra non concurrentielles
ces entreprises dans le secteur de la traitance des banquets, des mariages, des
réunions d'affaires qui constituent un chiffre d'affaires important pour
plusieurs entreprises et ce, au profit d'autres entreprises non assujetties au
pourboire obligatoire telles que les salles de location, les écoles, les
cabanes à sucre.
Les restaurateurs et hôteliers n'ont pas à jouer
auprès de leurs employés un rôle de contrôleur
fiscal, ce qui risquerait de tendre les relations. La responsabilité de
la déclaration du revenu revient avant tout aux travailleurs. Le travail
du travailleur au pourboire s'apparente davantage dans son essence à
l'activité du travailleur autonome plutôt qu'à celui d'un
travailleur salarié.
Recommandation du comité. Le comité croit que le pourboire
doit être considéré comme le revenu d'un travailleur
autonome. Le travailleur au pourboire doit donc jouir des avantages et
responsabilités inhérentes à un statut de travailleur
autonome. Par cette mesure, l'activité économique que
sous-tendent la restauration et l'hôtellerie ne sera pas affectée
ni par une hausse des prix, ni par une perte d'activité ou de
marché, ni par une perception négative du public ou des
travailleurs eux-mêmes.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Marcoux: Je vous remercie beaucoup, monsieur, d'avoir
présenté ce mémoire et je demanderais au
député du comté de Bellechasse d'engager le dialogue avec
votre organisme.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Bellechasse.
M. Lachance: Merci, M. le Président. Ce qui me frappe dans
ce mémoire, c'est la très grande parenté qui semble
exister entre votre position, votre recommandation, et celle d'associations
patronales qu'on a entendues ici depuis trois jours. Cela m'amène, M.
Redmond, à vous poser une question concernant la façon dont vous
en êtes venus à ces conclusions.
Premièrement, j'aimerais savoir de quel secteur vous-même
et votre collègue provenez? Est-ce du côté patronal ou
plutôt du côté des employés? En fait quelle est votre
représentativité?
M. Redmond: D'abord, l'Association touristique régionale,
que je sache, M. le député, représente l'entreprise
privée au Québec.
M. Lachance: Donc, vous êtes du côté
patronal?
M. Redmond: Ou côté patronal. M. Lachance: Est-ce
que...
M. Redmond: Si vous remarquez bien, M. le député,
ce court document est le fruit du travail et d'employés au pourboire et
de propriétaires dans la restauration et l'hôtellerie.
M. Lachance: Vous me permettrez de vous demander, M. Redmond, la
forme de consultation que vous avez prise pour avoir l'opinion, d'une part, des
employés au pourboire et, d'autre part, des employeurs.
M. Redmond: Lors de la visite du ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme, M. Biron, dans Joliette, accompagné du ministre
du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, M. Chevrette, on a réuni
les employés au pourboire et certains propriétaires
d'hôtels et de restaurants, on nous a demandé de former un
comité et d'émettre un avis sur le livre vert qui circulait
déjà et c'est ce que nous avons fait.
M. Lachance: Vous m'excuserez d'insister, mais j'aimerais savoir
le nombre d'employés qui ont été consultés pour que
vous en arriviez à la position retenue qui, si je comprends bien, est
celle de l'hypothèse 5.4 du livre vert.
M. Redmond: Vous avez en annexe 1, M. le député,
quatre employés au pourboire qui ont fait partie du comité. Nous
n'avons pas fait une consultation, nous avons travaillé en
comité.
M. Lachance: D'accord, je vous remercie. À la page 2, au
dernier paragraphe, vous mentionnez que les restaurateurs et les
hôteliers n'ont pas à jouer auprès de leurs employés
un rôle de contrôleur fiscal. J'aimerais que vous m'expliquiez le
sens de ces paroles ou de ces mots, compte tenu du fait que, si je ne me
trompe, les employeurs ont déjà à émettre, pour les
ministères du gouvernement fédéral et du gouvernement du
Québec, des T4 et des TP4.
M. Redmond: C'est exact. Mais, dans
votre question sur les hypothèses que vous émettez, il va
falloir que les restaurateurs ou les hôteliers aient une
comptabilité à part pour ressortir chacun des pourboires et, sur
plusieurs milliers de transactions, vous pouvez vous imaginer ce que cela
amènera comme fardeau pour les propriétaires, mais aussi tout le
découpage de ces pourboires. Comme vous savez, tous les restaurants et
hôtels ne sont pas à l'ère électronique. Comment
arriver à la fin de la journée à comptabiliser toutes les
petites ou grosses transactions, à en faire l'addition le soir, à
en faire rapport à l'employeur et ensuite, à faire les
remises?
M. Lachance: Dans votre recommandation, vous semblez faire
allusion au fait que si le service obligatoire de 15%, par exemple,
était adopté, cette mesure aurait comme conséquence de
pénaliser les employés au pourboire. En tout cas, c'est ce que je
sens et j'aimerais savoir si ma perception est bonne.
M. Redmond: C'est exact.
M. Lachance: Est-ce que vous pourriez...?
M. Redmond: Nous croyons qu'avec l'imposition du pourboire, il y
aura hors de tout doute une baisse d'achalandage, donc un manque d'emploi pour
les employés au pourboire dans la restauration et dans
l'hôtellerie. À la page 2, je dis qu'un repas de 4 $ passera
à 5,10 $. Vous savez qu'en publicité et en promotion, qu'il soit
pris globalement ou pas, tout prix qu'on regarde est celui qui nous est
donné. Donc, dans les forfaits, dans tous les "packages", vous serez
obligé de faire paraître cela pour les simples repas à 4 $
comme à 5,10 $. Donc, immédiatement, cela paraîtra
très dispendieux.
M. Lachance: Est-ce que vous, M. Redmond, reconnaissez qu'il
existe présentement un problème assez sérieux quant aux
employés au pourboire, parce que, finalement, le fait d'adopter...
M. Redmond: Je vous dirais oui, mais explicitez votre
question.
M. Lachance: Oui, parce que le fait de préconiser
l'hypothèse de travailleurs autonomes, ni plus, ni moins, en tout cas
dans mon esprit, cela ressemble beaucoup au statu quo.
M. Redmond: Non, du tout. Pour la première fois, les
employés au pourboire pourraient être traités justement par
la société, parce que ces employés, qui n'ont jamais pu
calculer - je pense aux femmes - les frais de coiffure, les souliers, tout ce
qui est inhérent à leur travail, du fait de devenir travailleurs
autonomes, comme n'importe quel consultant ou n'importe quel travailleur
autonome, ils pourraient bénéficier de tous ces avantages dans
leur rapport d'impôt. Je crois qu'ils seraient bien plus
encouragés à le faire équitablement.
M. Lachance: Cela ne revient-il pas à dire à ces
gens que, s'ils veulent des améliorations de leurs conditions de vie,
qu'ils se les paient?
M. Redmond: II y a deux choses qu'il faut regarder. La
première des choses, c'est: Est-ce qu'on veut continuer de maintenir nos
emplois vis-à-vis de cette activité économique ou est-ce
que tout ce qui est important, c'est la charge sociale? Si c'est plus important
la charge sociale, on va aller dans le sens du pourboire obligatoire; sinon, on
donnera aux employés au pourboire un statut selon lequel ils vont
pouvoir bénéficier de tous les avantages sociaux qui sont offerts
à tous les autres citoyens et ils vont être heureux.
Je pense que l'on déplace la question, lorsqu'on veut jouer sur
les dos d'une équité sociale à cette commission et qu'on
arrive avec les propositions qui existent dans le livre vert, surtout les
propositions 1, 2 et 3. En réalité, à mon sens, tout ce
qu'on dit, c'est que les employés au pourboire, dans le passé,
n'ont pas déclaré tous leurs revenus et, nous, comme ministre du
Revenu, on veut récupérer cet argent. À mon sens, c'est la
seule chose recherchée dans tout le beau système qu'on a ici.
C'est tout ce qu'on fait.
M. Lachance: Est-ce qu'en même temps vous n'oubliez pas une
partie importante, qui serait d'avoir un meilleur contrôle sur les
déclarations des employeurs?
M. Redmond: Des employeurs? M. Lachance: Oui.
M. Redmond: Où se trouve la question des employeurs
là-dedans?
M. Lachance: Si on imposait, par exemple, les frais de services
obligatoires, à ce moment-là, il est bien évident que cela
permettrait au gouvernement de savoir le chiffre d'affaires exact des
employeurs.
M. Redmond: Mais avez-vous l'impression que vous ne l'avez pas,
le vrai chiffre d'affaires?
M. Lachance: Je pose la question.
M. Redmond: Je pense que les études qui existent, M. le
député, montrent que les
restaurants du Québec sont actuellement dans une situation
lamentable. Une augmentation du prix ne viendra pas changer la situation, parce
que si on regarde cela à peu près depuis 1978-1979, l'achalandage
dans toute la restauration a baissé dans une mesure d'environ 45%. Je
crois que ce que l'on recherche ici, c'est de satisfaire deux parties; la
première partie, c'est le ministre du Revenu et la deuxième
partie, c'est les employés au pourboire.
Je crois, et notre comité de même, qu'en fin de compte il
faut donner aux employés au pourboire les outils nécessaires pour
avoir droit à tous les avantages sociaux, parce que c'est ce qu'ils
demandent en contrepartie de la déclaration pleine et entière de
leurs revenus. Tout le monde va être content, mais qu'on aille augmenter
actuellement les prix de toute la restauration et de l'hôtellerie au
Québec... On est déjà non concurrentiels avec nos voisins
de l'Est, de gauche et du Sud, je vois mal que le gouvernement actuel accentue
les sommes d'argent investies dans la promotion du Québec si on a un
produit qui va être complètement "outpriced". (16 h 30)
M. Lachance: Peut-être une dernière question, M.
Redmond. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance de la loi
sanctionnée par la président Reagan en septembre dernier - c'est
très récent - il y a deux mois, qui va faire qu'aux
États-Unis, à partir du 1er janvier 1983, les employés au
pourboire feront une déclaration périodique de leurs revenus sous
forme de pourboires.
Une voix: L'hypothèse no 3.
M. Lachance: Oui, cela s'apparente beaucoup à
l'hypothèse 5.3 du livre vert. J'aimerais savoir si vous en avez pris
connaissance et ce que vous en pensez, parce qu'on se réfère
souvent à nos voisins et ce sont nos voisins du sud.
M. Redmond: Je crois que dans la proposition Reagan - il faut la
connaître un peu - ce qu'on exige, c'est de remettre 8%. Quant à
la question de faire des rapports périodiques, si je ne m'abuse, les
travailleurs autonomes au Québec ont le devoir de faire des rapports
tous les trois mois. Donc, dans la proposition sur les travailleurs autonomes,
on retrouve les trois mois et, dans la proposition Reagan de 7%, si on dit que
tout le monde, que les employés au pourboire vont chercher 9%, 10% ou
12%, je pense qu'avec une proposition de 7% ou 8%, ils sont encore
gagnants.
M. Lachance: Cela vous apparaît-il une position mitoyenne
entre celle d'avoir des frais de service obligatoire et l'autre, à
l'autre extrémité - qui est la vôtre - de statut de
travailleur autonome?
M. Redmond: Ce que je crois voir dans la proposition Reagan,
c'est qu'on officialise ce qu'on va demander aux employés au pourboire.
Je pense que la grosse plainte des employés au pourboire, c'est que pour
les cotisations qui ont été faites, jusqu'à ce jour, on
est parti à 15% et on a rétrogradé. Mais si on officialise
que c'est tel pourcentage, je ne sais pas si 7% ou 8% est justifiable. Je n'ai
pas de dossier pour pouvoir analyser cela, mais cela pourrait s'y apparenter et
tout le monde serait encore heureux. Avec cette proposition, je crois que les
employés au pourboire sauraient exactement à quoi s'en tenir.
M. Lachance: Je vous remercie, M. Redmond et je voudrais bien que
vous n'interprétiez pas mes propos comme étant agressifs envers
votre groupe. Loin de là. Ce qui m'avait frappé, c'est que vous
aviez des affinités très marquées par rapport à ce
que nous avons vu au cours des trois dernières journées et je
m'excuse si j'ai semblé être un peu dur. Ce n'était pas du
tout ma volonté.
M. Redmond: J'en suis fort heureux, parce que je suis venu ici
pour frapper.
Des voix: Ah! Ah!
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. Merci, M. Redmond.
M. le député de Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président.
M. Redmond, l'argument de la hausse des prix dans les restaurants à la
suite de l'imposition de frais de service obligatoires de 15% a
été invoquée à plusieurs reprises. Vous en parlez
en termes généraux ici. Vous avez mentionné par ailleurs
dans votre témoignage que le prix d'un repas passerait, à titre
d'exemple, de 4 $ à 5,10 $. J'ai eu personnellement l'impression que
cette augmentation de l'ordre de 25% avait été contredite. Une
démonstration qui m'a satisfait, en tout cas, a été
soumise ici. J'ai essayé de voir, dans votre cas, comment vous aviez
fait ces calculs.
M. Redmond: D'abord, on est parti d'un repas de 4 $. Avec la taxe
de 10%, cela fait 4,40 $. Avec les 15% obligatoires, 0,60 $, cela fait 5 $.
Après, il y a 0,10 $ de charge sociale et 0.10 $ de frais
d'administration. Donc, en prenant un restaurant dont le chiffre d'affaires
serait de 1 000 000 $, les 15% feraient 150 000 $ et la charge sociale - entre
12% et 13% -ferait 18 000 $. Donc, on devrait reporter ces 18 000 $ sur la
facture totale. Je
prévoyais un comptable à tiers temps pour faire la
comptabilisation de toutes ces factures et calculer le total dû à
chacun des employés, ce qui me faisait penser que cela pourrait se
chiffrer à environ 0,10 $. On arrive donc à une facture totale de
5,10 $. Encore là, les 5,10 $ affichés par rapport au
"fast-food", je pense que vous pouvez déduire vous-même...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, écoutez, je pense
que si l'on prend un repas de 4 $ et que le seul coût additionnel direct
que l'imposition d'un service de 15% vous fait encourir comme restaurateur
m'apparaît être les coûts sociaux sur les 15% de plus...
M. Redmond: Oui.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): qu'on a chiffrées
à 13%; on s'est promené autour de 13%, 14%, quelque chose comme
cela. 13% de 0,60 $, sauf erreur, cela fait 0,08 $ ou à peu
près.
M. Redmond: Oui.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Alors, les coûts
additionnels sur un repas de 4 $ sont de 0,08 $, excluons le comptable à
tiers temps pour le moment. Si vous avez un menu 4 $ qui vous laisse un profit
X, j'aurais pensé que le prix du repas de 4,08 $ vous permettait de
récupérer votre profit, ce qui correspond, selon mes calculs,
à une augmentation d'à peu près 2%. Ceci dit, je peux
comprendre également qu'au-delà de ce calcul...
Vous dites que la perception du public -vous le mettez entre
parenthèses, mais c'est ce qui m'apparaît important; la
véritable augmentation de coût, d'après moi, n'est pas de
25%, elle est de 2% ou 3% - vous dites entre parenthèses: la perception
que pourraient avoir le public, les gens, les consommateurs d'une hausse
vertigineuse des prix à la suite de l'imposition des 15%, agmentation
des prix qui serait au moins de 15%, manifestement, plus les frais directs que
vous encourez que, légitimement, vous essayez de
récupérer.
Ne pensez-vous pas qu'il y a des moyens de faire comprendre aux gens
qu'ils n'auront pas de service à payer une fois qu'ils seront
entrés dans le restaurant, une fois qu'ils auront vu le prix du menu? Je
suis sûr que vous êtes déjà allé dans des
restaurants où le service était compris dans le menu. Il y a le
prix et vous savez que c'est un menu, service compris. Donc, vous ne paierez
pas les 4%, comme disent beaucoup de serveuses, les 12%, comme dit le
ministère, ou les 15%, comme on le suggère. Dans ce sens, il me
semble que c'est beaucoup plus une question de sensibilisation des
consommateurs. Vous pouvez me répondre et c'est là-dessus que je
voudrais vous entendre. Vous évoquez qu'en Amérique, l'habitude
de payer pour des services en se faisant imposer un frais de service
obligatoire est loin d'être acquise et n'est pas à la veille de
l'être par voie législative. J'aimerais savoir, selon votre
raisonnement, ce que vous retenez comme étant le facteur le plus
important, le plus déterminant, dans la perception qu'ont les
consommateurs du véritable prix d'un repas.
M. Redmond: M. le député, j'ai nettement
l'impression que, d'abord, dans les endroits où le service est
déjà compris -vous y êtes probablement déjà
allé vous-même - si vous voulez un bon service, vous êtes
mieux de faire savoir que vous avez autre chose à ajouter, et j'en reste
convaincu. Deuxièment, il y a encore le service qui en souffrira et
notre produit touristique québécois est basé sur tout
cela, sur tout ce qu'on est, sur notre cuisine, notre service, notre accueil.
À partir de ce moment, il n'y a plus d'intérêt à
donner un bon service et un bon accueil, et c'est cela qui est important.
Vous dites que la vraie augmentation est de 2%, mais en termes de vente
- M. le député, je suis convaincu que vous avez travaillé
avec des personnes en publicité et en marketing - ce n'est pas ce qui se
passe. Il serait bien plus intéressant si le prix du repas pouvait
commencer à 1 $, comme le style cafétéria, et après
cela vous ajoutez votre verre de lait, votre coke, votre tarte, vos petits
biscuits et vos sodas. C'était un repas à 1 $, mais ce n'est plus
cela. L'apparence est la première chose, c'est celle qu'on retient.
C'est bien sûr qu'après cela on vide ses poches du petit change,
mais c'est comme si cela avait coûté juste 4 $ ou 4,40 $. Le plus
important est la question de la compétition sur le marché
touristique, à moins qu'on veuille l'oublier.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je vous remercie de cet aspect,
je vais revenir à la fin de votre réponse tout à l'heure.
Je vous demanderais d'abord comment vous réagissez à l'opinion
que des serveurs et serveuses selon lesquels, effectivement, il irait de leur
intérêt de donner un meilleur service étant donné
qu'ils vont être rémunérés carrément selon le
volume. J'ai fait ressortir, hier, qu'il y a de la concurrence entre
établissements. On n'est pas, j'espère, dans un contexte de
concurrence entre les serveurs, les restaurateurs et le consommateur, en
réalité. Mais il est dans l'intérêt de tous les gens
qui sont dans l'hôtellerie et la restauration d'attirer la plus grosse
clientèle possible, d'avoir du "repeat business" de
préférence et de s'assurer que les gens vont acheter plus que
moins, quand ils vont entrer dans
l'établissement. Si on a des frais de service de 15% et que
là, c'est carrément de la vente à pourcentage, tu marches
à la commission, ce serait plutôt un incitatif à une
amélioration du service.
M. Redmond: Moi, je ne crois pas, M. le député, la
nature humaine étant ce qu'elle est. Le plus bel exemple, ce sont les
vendeurs. Si vous avez des vendeurs, est-ce que demain matin, vous leur offrez
100 000 $ ou si vous vous tournez le dos et vous leur donnez une base de 25 000
$ et vous leur dites: Va chercher les ventes et tu as la possibilité
d'aller te faire 100 000 $.
Je reste convaincu que si le 15% est acquis, il est acquis. Parce que,
à mon sens, c'est déjà plus que ce que les employés
font actuellement.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est ressorti aussi de la
plupart des témoignages, chose certaine. Mais indépendamment de
cela, si c'est 15% d'un volume, il me semble que l'intérêt du
vendeur, c'est de faire du volume.
M. Redmond: Ils ne sont pas vendeurs.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
Vendeur, enfin... on a entendu d'autres témoignages, je pense
même que vous reconnaissez que si on parle d'accueil, d'empressement, de
chaleur, etc. un tas de qualités que les Québécois
auraient, non pas en exclusivité, j'en suis sûr quand
même...
M. Redmond: Non pas qu'on aurait, qu'on a!
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Qu'on a, oui, qu'on aurait,
dans votre discours. Ce sont tous des attraits, ce sont toutes des choses
positives. Si ce ne sont pas des qualités de vente que de faire preuve
d'accueil dans la restauration, je cherche l'alternative. On laisse cela en
plan, si je comprends bien. Vous n'avez pas de réaction
particulière à cela.
M. Redmond: Non.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le deuxième aspect que
vous avez fait valoir tout à l'heure, c'était du
côté apparence, du côté marketing. Vous avez dit que
pour la clientèle, la perception immédiate qu'elle a du
coût d'un produit peut être déterminante dans l'achat de ce
produit. Vous voyez un repas à 1,29 $ quelque part, vous entrez
là et rendu au bout de la ligne, les biscuits soda n'étaient pas
compris ni le carré de beurre, et on se ramasse avec une facture de 2,26
$. C'est là que j'aimerais vos commentaires. Au-delà de cette
réalité, il y a le fait qu'elle n'est pas applicable dans tous
les cas.
Je pense qu'il y a une telle variété
d'établissements dans l'hôtellerie et la restauration que ce que
vous faites valoir ne vaut peut-être effectivement que pour l'exemple que
vous avez employé, la cafétéria où on achète
à la pièce, où il y a une espèce de soi-disant menu
complet que la plupart des gens assimilent à quatre ou cinq articles. Et
rendu à la caisse, ils se sont aperçus qu'il y en avait deux qui
n'étaient pas compris dans le prix du menu complet. J'essaie de voir
dans quelle ampleur d'établissement on est en train de prétendre
que le marketing, au point de vue du prix, est immédiatement
perçu par le consommateur et si c'est un facteur. Parce que vous
admettrez que ce n'est pas un facteur au Château.
M. Boulanger (Charles): Si vous me permettez de répondre.
Je vais prendre l'exemple qui va être accepté de tous. Prenons le
forfait touristique. Supposons un congrès X, une réunion
d'affaires X ou un forfait carrément touristique pour groupes ou
individus, le coût de l'hébergement et le coût de la
restauration sont des facteurs énormes en plus du transport et d'autres
facteurs.
Vous comme moi, lorsqu'on choisit une destination touristique, que ce
soit par affaires dans le sens des congrès ou que ce soit vraiment par
plaisir, on se présente dans une agence de voyages et on regarde le prix
total de la facture. Il est sûr que lorsqu'on va dans le Sud, en Europe
ou ailleurs, il y a toujours des extras qui sont inclus, mais parmi les
facteurs déterminants d'un choix, le prix compte
énormément. Il faut le voir peut-être au niveau du touriste
mais il faut le voir aussi au niveau du grossiste qui, lui aussi, lorsqu'il
choisit des destinations, va arriver à un moment donné où
il connaît son marché et il sait que s'il passe de 699 $ pour deux
semaines à 735 $, par rapport à des concurrents, automatiquement,
il va perdre du marché, il le sait d'avance. Pourtant, la
différence dans certains cas n'est peut-être pas énorme,
mais le visiteur est prêt à économiser 50 $ et à
changer de destination. (16 h 45)
II y a un magasinage effrayant qui se fait dans ce domaine. À ce
niveau, je pense qu'on serait carrément perdants, les grossistes nous
disant souvent que le prix de la facture totale au Québec est
très cher. On peut égaler le service. Le service y est. Lorsqu'on
est en France, lorsqu'on est aux États-Unis ou lorsqu'on est ailleurs et
qu'on choisit, par exemple, un très grand congrès, une
destination, le prix de la facture finale, avec 15% additionnels, peut
être très significatif pour l'orientation d'une partie du
marché de congrès, mais aussi une partie des
visiteurs individuels ou de groupes en autobus.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Est-ce qu'on est en train de
présumer que la divulgation des éléments de prix d'un
forfait n'est pas égale d'un grossiste à l'autre ou d'une
occasion à l'autre? Par exemple, comme consommateur, je me demande
où je vais aller en vacances; j'ai deux dépliants, les prix ne
sont pas semblables, il y en a un où c'est écrit "boissons non
comprises", l'autre "vin à tous les repas", l'autre "service non
compris" et l'autre "service compris". Il me semble que tout le monde peut
faire ces calculs. Dans le fond, on en est peut-être à se promener
autour du taux de 15% que vous trouvez élevé ou simplement du
principe même de dire que les gens sont simplement et bêtement
affectés par un prix qui est plus gros que les autres, qui est en rouge,
qui est souligné avec des rayons de soleil autour.
M. Boulanger: Exactement. Les gens choisissent de cette
façon. Les gens qui font une recherche telle que vous la décrivez
sont des gens assez exceptionnels en général.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Si on évoquait la tenue
de grands congrès, on ne peut pas les accuser d'être des amateurs
et de faire cela vite et de se laisser embarquer par des grossistes quand ils
vont envoyer 17 000 membres des clubs Lions à quelque part.
M. Boulanger: À ce niveau, il serait peut-être
intéressant de demander l'opinion de quelqu'un comme M. Jean
Labonté, qui sera au Palais des congrès à Montréal.
Il vous donnerait un éclairage qui serait peut-être plus
documenté que le nôtre. J'ai envie énormément de
présumer de sa réponse. J'aime autant le laisser à
John.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
Qu'est-ce que ce serait d'après vous? Vous pouvez lui
téléphoner.
M. Marcoux: Je retiens la suggestion. J'aurai sûrement
l'occasion de le rencontrer lors de l'inauguration du Palais des congrès
en juin. On va s'arranger pour communiquer ensemble avant cela, parce que je
voudrais bien régler le problème avant.
M. Blank: J'espère qu'on va m'inviter dans mon propre
comté.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Terrebonne, après je reviendrai à vous,
M. le député de Hull.
M. Blais: Je vais être très bref. Je tenais au moins
à prendre la parole sur ce mémoire, parce que c'est le
mémoire sur la situation des travailleurs et travailleuses au pourboire
de la région qui est la mienne. Vous savez bien parce qu'on s'est
rencontré, que l'association des restaurateurs m'a fait l'honneur de
venir en entier dans mon comté il y a à peu près trois
semaines. On s'est consulté pendant plusieurs heures à ce sujet.
Je me souviens de votre présence d'ailleurs. Je trouvais que
c'était de mon devoir en tant que député de consulter
autant les patrons que les syndicats. J'ai consulté un grand nombre de
syndicats et de représentants d'associations au pourboire aussi pour me
préparer à cette commission parlementaire. J'y ai mis beaucoup
d'heures. Malgré cette consultation que je me devais de faire comme
député avant de venir à cette commission parlementaire -
je me devais de la faire, et je trouve que c'est très peu ce que j'ai
fait, malgré que j'ai fait une consultation assez forte auprès de
beaucoup de restaurateurs, de l'association des restaurateurs, de plusieurs
syndicats, de plusieurs associations au pourboire - je n'ai pas de position
définitive non plus. C'est une consultation. Cela demeure quand
même que cela me peine comme député de la région que
je doive dire que ceci représente le statu quo. J'en ai horreur et je
suis contre de façon totale et absolue.
Je voudrais poser une question qui sous-tend la consultation. Vous nous
dites au tout début que vous n'avez pas consulté, mais que vous
avez formé un comité. Est-ce que j'ai bien entendu? On regarde
les villes d'où proviennent les personnes consultées. Elles
semblent venir à peu près toutes de la même ville. Ai-je
mal compris ou si c'est votre idée personnelle, la même que vous
m'aviez dite lorsque je vous ai consultés, qui est transmise dans ce
rapport?
M. Redmond: Non, non.
M. Blais: Non quoi? Non, vous n'avez pas consulté ou
non... ?
M. Redmond: On n'a pas consulté. On a formé un
comité que vous avez en annexe.
M. Blais: De quelle façon?
M. Redmond: De quelle façon? Des personnes qui avaient
été invitées par le ministre Biron et le ministre
Chevrette à une réunion qui s'est tenue à Joliette.
M. Blais: Sur quel sujet?
M. Redmond: Sur le pourboire.
M. Blais: Alors, c'est la consultation que vous avez faite?
M. Redmond: C'est le comité que nous avons formé.
Ne me faites pas dire que c'est
de la consultation, j'ai dit que je n'en avais pas fait.
M. Blais: Ah, bon! C'est ce que je voulais vous entendre
dire.
M. Redmond: On a formé un comité. M. Blais:
Je vous remercie.
M. Redmond: Mais, M. le député, quand vous dites
que c'est le statu quo, je regrette infiniment. Que les employés au
pourboire deviennent des travailleurs autonomes, à mon sens, ce n'est
pas le statu quo. Vous me permettrez moi aussi de différer d'opinion
avec vous là-dessus.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Hull.
M. Rocheleau: Merci M. le Président. Je veux simplement
faire remarquer au député de Terrebonne que mardi il mentionnait
qu'il rejetait toutes les options que retenait le livre vert. De prime abord,
il y a sûrement d'autres options que le député de
Terrebonne va nous suggérer éventuellement en commission
parlementaire ou ailleurs.
M. Polak: Mais il ne l'avait pas lu.
M. Rocheleau: J'aimerais poser une question à
l'association touristique. Est-ce qu'on retrouve des associations touristiques
dans toutes les régions du Québec actuellement?
M. Redmond: Oui, M. le député.
M. Rocheleau: II serait intéressant, étant
donné que l'on constate, malheureusement, et cela a été
mentionné dans le mémoire précédent du Conseil
régional de développement de l'Estrie où on reconmandait
la création d'un comité interministériel qui regrouperait,
entre autres, les ministres du Travail, de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ainsi
que la ministre déléguée à la Condition
féminine...
Il est malheureux de constater que le ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme n'est pas présent à cette commission
parlementaire, étant donné qu'il représente un aspect fort
important de l'industrie touristique au Québec. À moins que je ne
fasse erreur, et je voudrais que M. le Président m'en informe... Comment
se finance l'Association touristique régionale de Lanaudière ou
de toutes les autres régions du Québec? Tantôt le
député de Bellechasse faisait allusion au fait que vous
représentiez le côté patronal mais vous avez
été créées sur les instances de qui et vous
êtes subventionnées par qui?
M. Redmond: On a été créé à
l'instance du gouvernement actuel, en 1977, et nous sommes financés
à 50% de nos activités. Nous devons faire la contrepartie:
exemple, 1,00 $ pour 1,00 $. Donc, l'autre dollar, on va le chercher des
intervenants en prestations touristiques, restaurateurs, pourvoyeurs et tous
les autres de nos régions.
M. Rocheleau: Alors, M. le Président, est-ce qu'on
pourrait prétendre, concernant les affirmations ou les recommandations
que vous faites aujourd'hui, que si le ministre de l'Industrie, du Commerce et
du Tourisme était ici, il aurait sensiblement les mêmes opinions
que vous, étant donné que vous relevez partiellement de ce
ministère comme potentiel régional au point de vue...?
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le
député de Hull. Vous aurez sûrement l'occasion de poser
directement cette question au ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme.
M. Rocheleau: J'ai d'autres questions à poser.
Le Président (M. Gagnon): Ah, bon! Vous pouvez poser
d'autres questions mais celle-là...
M. Rocheleau: Je me posais...
M. Redmond: Je ne voulais pas présumer mais j'oserais
croire que oui.
M. Rocheleau: M. le Président, si vous permettez que je
continue.
M. Redmond: II faudrait qu'il se dissocie du gouvernement.
M. Rocheleau: J'aimerais continuer parce que j'ai assisté,
entre autres, M. le Président, au lancement de l'ATRO, dans l'Outaouais,
sur les instances du ministre Biron, à l'époque. Le ministre
Biron semblait très enchanté de voir naître au
Québec l'Association touristique régionale qui regroupait en
somme tout l'aspect touristique québécois, au point de vue
commercial, l'hôtellerie, la restauration.
Il est quand même assez regrettable, M. le Président, qu'on
n'ait pas eu l'occasion, durant cette commission parlementaire, d'avoir avec
nous un ministre qui est tout à fait responsable de l'industrie
touristique au Québec et, plus particulièrement, de ce qui traite
du domaine hôtelier et de celui de la restauration. Nous avons eu
l'occasion d'avoir Mme la ministre
déléguée à la Condition féminine, le
ministre du Revenu, bien entendu, qui actuellement a créé de
toutes pièces cette commission afin de se permettre une mesure
échappatoire au vrai problème qui est celui d'aller percevoir des
impôts d'une façon peut-être frustrante auprès de
plusieurs serveurs et serveuses.
M. Marcoux: Question de règlement.
Le Président (M. Gagnon): Sur une question de
règlement, M. le ministre.
M. Marcoux: Ce matin, des groupes ont indiqué que la
commission n'était pas un lieu pour faire des discours de la part des
intervenants. Le député de Hull peut continuer comme cela, mais
je constate qu'il y a peut-être des gens qui attendent pour nous
présenter leur opinion, d'autres souhaiteraient la connaître, mais
chacun des députés ici aura largement l'occasion dans les mois
qui vont venir de faire connaître son attitude personnelle ou l'attitude
aussi de son parti.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Effectivement, sur...
M. Rocheleau: Je n'ai pas terminé, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Non, vous n'avez pas
terminé, mais j'accepte la question de règlement, parce que le
mandat de la commission, c'est d'interroger des gens sur la situation des
travailleurs au pourboire au Québec. Cela fait je ne sais pas combien de
fois, que je répète que le mandat de la commission est
d'interroger ces gens. C'est la dernière journée et il y a encore
beaucoup de témoins. Je voudrais que les reproches que vous aurez
à faire au gouvernement, peu importe la situation, vous les fassiez
à d'autres occasions. J'aimerais que vous profitiez de votre droit de
parole pour interroger les gens sur cette situation.
M. Rocheleau: M. le Président, c'est tout à fait
à l'intérieur des questions et des réponses qu'on se donne
depuis mardi. À toutes fins utiles, je répète que je
regrette l'absence d'un ministre fort important à cette commission
parlementaire, qui est directement impliqué. On semble depuis mardi
être en négociation tenant compte du salaire des employés
de restaurant, ainsi que des avantages sociaux. Il est sûr qu'il y a un
problème là qu'il faut régler. Il est sûr que le
statu quo n'est probablement pas souhaitable, mais il n'en demeure pas moins
que l'Association touristique régionale de Lanaudière nous fait
valoir un point important au niveau des coûts, des augmentations de
coûts, alors que l'industrie connaît actuellement une perte de
vitesse importante au Québec depuis quelques années. Dans ce
même contexte, j'aimerais savoir de la part de l'Association touristique
régionale de Lanaudière si - elle n'a pas fait des consultations
populaires - elle a fait une certaine consultation avec les autres associations
touristiques en province tenant compte du même sujet.
M. Redmond: Non, malheureusement, nous ne l'avons pas fait. Je
crois qu'il serait intéressant de le faire, mais, vu que nous sommes
impliqués dans ce dossier depuis à peine une trentaine de jours,
ce n'était pas possible.
M. Rocheleau: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.
M. Marcoux: Une première remarque. S'il y en a qui
doutaient de l'intérêt de la question pour le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, ils ont eu leur réponse dans
les propos même de M. Redmond qui dit que c'est à l'initiative du
député de Joliette et du ministre de l'Industrie, du Commerce et
du Tourisme qu'il y a eu une première rencontre pour lancer le
débat dans l'Association touristique régionale de
Lanaudière pour pouvoir émettre un avis et avoir une
première discussion.
Je peux ajouter, comme pour mes autres collègues qui n'ont pu
être ici pour la durée de la commission, que le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme a délégué un
membre de son cabinet qui a assisté à toutes nos rencontres,
à toutes les discussions depuis deux jours et demi et que
l'intérêt du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme
pour la question est manifeste. Vous en avez témoigné
vous-même. Je vous remercie d'avoir pris l'initiative de venir nous
présenter un mémoire parce qu'il ajoute un point de vue nouveau
que nous n'avions pas entendu depuis le début, c'est-à-dire le
point de vue d'une association touristique. Cela aurait peut-être
été utile que d'autres associations touristiques le fassent,
mais, en tout cas, vous avez pris l'initiative de le faire. Même si vous
n'avez pas eu le temps de consulter des dizaines et des centaines de personnes,
vous avez quand même pris le temps, à six ou à sept
personnes, de vous réunir, de vous rencontrer et d'arriver à
quelque chose de précis. (17 heures)
Ce qui m'a intéressé dans votre mémoire, c'est que,
pour employer une expression populaire, j'ai l'impression qu'il nous a
ramenés sur le terrain des vaches, sur le terrain concret. Vous dites
des choses précises que j'ai entendues dans les
discussions avec les travailleurs et travailleuses au pourboire qu'aucun
autre mémoire ne signifiait. Par exemple, un petit paragraphe indiquait
que les travailleurs et travailleuses au pourboire dans des casse-croûte,
qui servent beaucoup de café, des rôties, un léger
dîner, etc., disent: "Si vous nous imposez les 15%, cela n'est pas
compliqué, nos revenus viennent de tomber de façon importante."
Vous l'indiquez et aucun autre mémoire, à ma souvenance, ne
l'avait indiqué. Vous l'indiquez en une phrase, mais c'est très
clair; c'est tout aussi percutant, à mon sens, que si vous l'aviez dit
en plusieurs pages-Un autre fait que vous soulignez et dont il faut tenir
compte dans l'analyse de toute solution, c'est les conséquences sur les
relations, si l'hypothèse du frais de service obligatoire était
choisie, l'espèce d'équilibre stable ou instable entre le
réseau des services donnés dans les écoles, dans les
cabanes à sucre et tous ces réseaux parallèles de
banquets, etc., qui actuellement concurrencent déjà, on le sait,
l'industrie de la restauration, l'industrie hôtelière et qui,
souvent, ont des comportements économiques en marge des institutions qui
donnent ce type de services. Je sais bien que, comme député
peut-être davantage que comme ministre, j'ai eu des
représentations dans le passé sur le type de problèmes que
pouvait soulever cette concurrence existante. Je peux vous assurer, quant au
point que vous soulevez, même si vous le faites brièvement, que je
vais réfléchir à cette question de l'équilibre que
je pourrais qualifier de fragile actuellement entre ces différentes
institutions.
Ce serait pareil s'il y avait une augmentation des prix trop importante
dans le secteur de la restauration et de l'hôtellerie - cela avait
déjà été souligné par d'autres - cela aurait
certainement des conséquences sur le genre de services demandés
par les clients, soit en termes de livraison à domicile ou de livraison
au comptoir, par rapport à la restauration ou à
l'hôtellerie qui exige des services. En ce sens, vos descriptions
concrètes de certains phénomènes ou de certaines
situations, même s'il n'y a pas de longues analyses et de longues
explications ou de longues hypothèses sur tout ce qui pourrait arriver
ou ne pas arriver, je peux vous assurer que ces évocations ne resteront
pas lettres mortes.
Un autre point que je voudrais ajouter et qui n'est pas sous forme de
question, c'est plutôt pour continuer l'analyse qu'on a faite des
conséquences économiques. Le député de
Vaudreuil-Soulanges indiquait tantôt que l'augmentation des coûts
serait d'environ 2% ou 3%, si on tient compte des avantages sociaux. Je crois
que la discussion qu'on a eue depuis deux jours, deux jours et demi - on a pris
des exemples précis - cela s'applique clairement, c'est clair et net. Si
on choisissait les formules 2 et 3, où le travailleur au pourboire doit
révéler l'ensemble de ses revenus de pourboires tandis que
l'employeur doit payer ses cotisations sur l'ensemble des avantages sociaux,
assurance-chômage et tout, ces 13% représentent environ 2%
à 3% d'augmentation des coûts sur le chiffre d'affaires.
L'analyse qui n'est pas encore faite et qui doit être faite, c'est
ceci. Si on pense aux frais de service obligatoires, là, il y a deux
facteurs dont il faut tenir compte: l'augmentation des avantages sociaux, mais
aussi l'effet, par rapport au chiffre d'affaires global, de l'augmentation de
10% à 15% ajoutés sur la facture qui est perçue non pas
seulement par rapport au salaire, mais qui s'ajoute à l'ensemble du
chiffre d'affaires. Quand vous recevez une facture de 4 $, cela inclut une
partie du salaire minimum. Cela inclut l'alimentation et tous les autres
services, comme les coûts d'hypothèque de l'entreprise, etc. Les
15% ou les 10% seraient ajoutés à la globalité. Or, si la
solution 5.1 était choisie, avant de faire une analyse, je ne pourrais
pas affirmer aujourd'hui que l'augmentation des coûts serait seulement de
2% ou 3%, tandis que selon l'hypothèse 2 ou 3 on peut affirmer
clairement que l'augmentation des coûts risque d'être de 2% ou 3%
globalement.
Ma seule question sera la suivante: Vous dites que le travailleur au
pourboire s'apparente davantage dans son essence au travailleur autonome qu'au
salarié. Sur ce, j'ai une question de fond, parce que, c'est au coeur de
la conception qu'on a en somme de... Est-ce que le travailleur ou la
travailleuse au pourboire est un salarié ou si c'est clairement comme
quelqu'un qui a une épicerie à son compte, qui, à ce
moment-là, est défini comme travailleur autonome? Je regarde
l'ensemble de nos lois ou de nos habitudes, puis même de notre conception
du rôle du travailleur autonome et j'ai bien l'impression que l'ensemble
de la société le perçoit davantage comme un travailleur
salarié que comme un travailleur autonome. Ce qui m'amène
à la question de la responsabilité sociale. Si le travailleur au
pourboire n'est pas un travailleur autonome, dans la réalité,
comme dans la conception qu'on peut s'en faire, pourquoi l'entreprise
n'aurait-elle pas à assumer sa part des responsabilités sociales
par rapport au travailleur autonome, donc, accepter de payer sa part des
avantages sociaux?
Le Président (M. Gagnon): M. Redmond.
M. Redmond: Je crois en réalité, qu'actuellement,
malgré qu'il y a une partie du salaire des employés au pourboire,
qui est fixe et que l'autre, dépende du service, le pourboire, lorsque
vous posez la question à savoir: Qu'est-ce qui apparente cela à
un
travailleur autonome? Je dis: c'est la qualité de service, la
façon dont il va répondre à ses clients, qui fait,
à mon sens, qu'il est un travailleur autonome.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Marcoux: Alors, disons, que je vais réfléchir
sur votre réponse. Je vous remercie à nouveau de votre
mémoire. Si, vous avez l'occasion de rencontrer d'autres associations
touristiques dans les semaines qui viennent, je serais heureux de prendre
connaissance des analyses qu'ils pourraient en faire.
M. Redmond: Comme mot de la fin, à mon sens, l'analyse en
regardant tout cela, c'est qu'actuellement la restauration et
l'hôtellerie ne peuvent pas supporter une augmentation. Je demeure
convaincu que ce n'est pas parce qu'on ne veut pas...
M. Marcoux: D'accord. Je vais vous poser une brève
question. Si, la conjoncture était bonne - admettons, que l'on accepte
que la conjoncture soit mauvaise - est-ce que, comme employeur, vous
accepteriez que ce qui s'applique pour le salaire minimum, comme contribution
des employeurs aux avantages sociaux, s'applique également aux
pourboires révélés par le travailleur au pourboire?
M. Redmond: Je ne crois que cela soit une question de
conjoncture, M. le ministre. Il faut encore se dire que c'est un produit qu'on
offre dans l'Amérique.
M. Marcoux: Non, c'est parce que vous avez dit: La conjoncture
n'est pas bonne. Je veux vous poser la question: Si la conjoncture était
bonne?
M. Redmond: Si, j'ai dit: la conjoncture, c'est que tout
dépend des comparaisons qu'on veut faire. Le salaire minimum dans les
États du Sud est plus bas qu'ici; il est de 1,67 $.
M. Marcoux: D'accord.
M. Redmond: Si on regarde à côté, vous avez 3
$. Si on regarde sur le plan pan-canadien, actuellement, dans l'industrie
touristique, la restauration, et l'hôtellerie, nous allons chercher
à peine 2 000 000 000 $, alors que l'industrie totale au Canada est de
18 000 000 000 $. C'est dire qu'on ne va chercher ici, malgré qu'on soit
26% ou 27% de la population, que 12% de toute l'entrée de fonds
touristiques au Canada. Allez donc dire: On n'est déjà pas
concurrentiels, nous ne pouvons pas surcharger encore cette industrie.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, simplement, pour
remercier, au nom de l'Opposition, M. Redmond, et son collègue
d'être venus ici. Je crois que c'est avec beaucoup de vigueur que vous
avez défendu le point de vue du comité régional, à
la suite d'une technique d'interrogation - que j'ai peut-être
empruntée - qui vous a poussé dans vos derniers retranchements,
pour faire ressortir, avec beaucoup plus de clarté, et beaucoup de
variétés dans la restauration et l'hôtellerie, qu'il y a
des secteurs où les effets sont forts différents à
comparer à ceux d'autres secteurs. Tout l'aspect de l'habitude... Oui,
je dirais, la convention qui existe ici, depuis longtemps, comme partout en
Amérique, de laisser le client choisir et apprécier. Il faudrait
voir, si, dans les exemples que vous avez donnés - je pense que c'est
utile que vous l'ayez mentionné -effectivement, tout cet aspect de
perception que le client a d'un changement qui serait fait va tellement
influencer les déplacements, va tellement influencer ce genre
d'entreprise. Il faudrait y repenser extrêmement sérieusement pour
se conformer au troisième critère de décision qui est dans
le livre vert, c'est-à-dire qu'il ne faut pas s'arranger pour que
l'industrie touristique se détériore à la suite de quelque
décision que ce soit, dans ce dossier. Je vous remercie beaucoup,
Messieurs.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Redmond, M. Boulanger
et l'Association touristique régionale de Lanaudière.
Maintenant, j'inviterais la Fédération des travailleurs du
Québec, M. Fernand Daoust.
M. Daoust, si vous voulez nous présenter celui qui vous
accompagne.
Fédération des travailleurs du
Québec
M. Daoust: Je suis accompagné de Me Louis Duval, de
l'Union des employés de service. Mon nom est Fernand Daoust,
secrétaire général de la FTQ.
M. le Président, messieurs les ministres, la FTQ
représente quelques milliers de travailleurs et travailleuses au
pourboire dans les secteurs de l'hôtellerie et de la restauration du
Québec, par l'intermédiaire de trois de ses syndicats: l'Union
des employés de commerce, la Fraternité canadienne des cheminots
et l'Union des employés de service.
Au-delà de ces membres, la FTQ se préoccupe vivement du
sort de ces dizaines de milliers de travailleurs et travailleuses qui subissent
des conditions de travail peu enviables et ne jouissent qu'en très
faible
proportion d'une protection syndicale. Le mémoire qui suit
constitue donc notre réaction aux propositions de travail
énoncées dans le livre vert, en même temps qu'il propose
notre lecture de la situation pénible vécue par cette
catégorie de travailleurs et de travailleuses et des moyens
privilégiés d'améliorer leur condition.
Premier point, les travailleurs et les travailleuses au pourboire, une
main-d'oeuvre vulnérable et sous-syndiquée. Les travailleurs et
les travailleuses du secteur de la restauration et de l'hôtellerie du
Québec font partie de ce marché du travail
périphérique qui se caractérise par l'ensemble des
conditions suivantes: majorité féminine, présence d'une
proportion importante de Néo-Québécois peu informés
de leurs droits, caractère en grande partie saisonnier de l'industrie
d'où fluctuation du volume de l'emploi, mobilité des
travailleurs, instabilité patronale, sous-syndicalisation,
piètres salaires, avantages sociaux et conditions de travail en
général. Une bonne partie des travailleurs à l'oeuvre dans
ce secteur ont aussi la particularité d'être assujettis à
la règle du pourboire, en vertu de laquelle leur revenu réel est
soumis non seulement aux aléas de la conjoncture économique mais
aussi à la qualité d'ensemble du service, lequel ne dépend
pas que du travail personnel de l'employé, ainsi qu'aux humeurs de la
clientèle.
Cette iniquité engendre également des différences
objectives entre employés, qui créent et entretiennent à
leur tour des divisions et une compétition peu propice à
l'éclosion d'une solidarité face à l'employeur.
Si le problème de l'évasion fiscale chez cette
catégorie de travailleurs est réel et doit être
effectivement pris en compte, il reste que pour notre centrale les conditions
de travail de ces travailleurs constituent notre première
préoccupation. Ces conditions sont mauvaises et l'institution du
pourboire constitue une survivance archaïque qui a pour effet de saper la
dignité individuelle et collective des employés
concernés.
Le lot des travailleurs non syndiqués est celui de ceux qui sont
laissés sans défense face à des employeurs qui exercent
sans partage et dans tous les domaines les droits de la direction. Ils sont
isolés et confrontés individuellement à leur employeur;
rapport de forces donc inégal et faux. Ils sont dépourvus de
droits réels, les droits qui leur sont consentis en vertu des lois
à portée universelle étant peu ou pas applicables en
l'absence d'un rapport de forces digne de ce nom. Ils connaissent un
décalage estimé par le Conseil du statut de la femme à 18%
dans leurs conditions de travail, lorsqu'elles sont comparées à
celles de collègues syndiqués. La pratique du pourboire ouvre la
porte aux tentatives de division et d'exploitation des préjugés
raciaux et sexuels auxquels se livrent facilement les employeurs et prive ces
travailleurs d'une couverture sociale minimale, comme plusieurs intervenants
l'ont abondamment expliqué. Ajoutons à ce sujet qu'en
matière de couverture sociale le problème réside non
seulement dans l'application des lois, mais aussi dans la négociation
par les syndicats de régimes d'avantages sociaux.
La FTQ, qui réclame depuis tant d'années
déjà la syndicalisation multipatronale, voit en effet dans le
secteur de la restauration et de l'hôtellerie un secteur type où
l'accréditation unipatronale rend virtuellement impossible la
syndicalisation d'une partie significative de travailleurs. D'après les
statistiques, environ 7,2% seulement de la main-d'oeuvre de ce secteur
étaient syndiqués en 1976. La concurrence farouche entre
employeurs, l'instabilité du volume d'emploi et la mobilité de la
main-d'oeuvre, le caractère précaire des emplois sont autant de
facteurs pour que les syndicats essuient des échecs dans leurs
tentatives de syndicalisation.
Or, pour les travailleurs, la possibilité concrète de se
syndiquer constitue un facteur d'équité. C'est pourquoi nous ne
pouvions intervenir sur le problème des travailleurs et travailleuses au
pourboire de ces secteurs sans rappeler qu'à nos yeux, en plus des
améliorations concrètes que nous suggérons, la
dignité et l'amélioration significative des conditions de travail
et de vie de ces travailleurs passent par la syndicalisation; une
syndicalisation que la législation actuelle contrarie largement et qui
ne pourrait être assurée que par une formule
d'accréditation multipatronale et d'autres amendements de nature
à faciliter l'accès à la syndicalisation.
Choix d'une hypothèse: frais de service obligatoires. Nous sommes
conscients que le critère majeur, qui a jusqu'ici probablement
guidé le gouvernement dans son approche du problème des
travailleurs au pourboire, est celui de l'équité fiscale. C'est
là un critère valable que nul ne saurait contester même si
nous ne croyons pas que cette catégorie de travailleurs aux revenus en
moyenne fort modestes constitue la principale source d'évasion fiscale
chez nous. Critère valable, donc, mais largement insuffisant.
La question de la qualité de la protection sociale assurée
à cette main-d'oeuvre nous apparaît un critère prioritaire.
Le livre vert présente de façon adéquate la situation en
regard de ce problème et nous n'insisterons pas. Nous ajouterions
à ces critères de fiscalité et de protection sociale un
troisième critère relatif à l'équité et
à la dignité auxquelles ont droit ces travailleurs et ces
travailleuses.
Compte tenu de l'ensemble de ces critères, c'est
l'hypothèse no 1: frais de service obligatoires, qui nous apparaît
non seulement la plus juste, mais, en fait, selon
nous, la seule digne de considération. Toutes les autres
hypothèses constituent soit des solutions partielles, soit des
déguisements du statu quo.
En regard de nos trois critères, l'imposition de frais de service
obligatoires est, en effet, la seule solution adéquate. Par rapport
à la question de la fiscalité, elle garantit l'officialisation de
l'ensemble des revenus des travailleurs actuellement au pourboire dans
l'industrie. Cette formule bloque au départ toute possibilité de
collusion patron-employé ou, plus plausiblement, toute intimidation
patronale. La fixation de ces frais de service à 15%, norme implicite,
mais non respectée à l'heure actuelle, découragerait en
outre les clients de recourir au pourboire parallèle. Il est, d'autre
part, très important que le gouvernement légifère pour
rendre obligatoires ces frais de service. Cela ne doit pas être une
suggestion qui laisserait les employeurs libres de fonctionner à leur
guise. Ainsi, nous rapporte-t-on que, dans certains grands hôtels
où nous avons des membres, la règle veut que les groupes
réservant des salles pour des banquets doivent en principe payer 15% en
frais de service. Il est, cependant, de pratique courante que des groupes
négocient l'abolition de ces frais de service avec les directions
d'hôtel. Disparition donc des 15% qui devaient être répartis
entre les employés. L'hôtel ne perd pas un cent; les
invités ou participants ne payent pas le service et les employés
sont les grands perdants de cette opération.
Le critère de la protection sociale de ces travailleurs suit de
près la question de la fiscalité. Il va de soi que la formule
garantissant le mieux l'officialisation de l'ensemble des revenus se trouve
automatiquement à garantir le mieux la protection sociale, en regard de
l'ensemble des régimes avec ou sans cotisations patronales et
individuelles, de cette catégorie de la main-d'oeuvre. Ces deux
critères sont, en fait, liés et, malgré un
préjugé courant, les travailleurs de ce secteur ne s'y trompent
pas. C'est particulièrement le cas, bien entendu, pour les travailleurs
qui font carrière dans ce secteur et qui ont forcément des
préoccupations par rapport à la légitimité de leur
revenu et bien entendu, également, par rapport à l'ensemble de la
protection sociale, terriblement déficitaire en ce qui les concerne. Les
travailleurs permanents de ce secteur ne veulent plus être des
travailleurs de seconde zone; ils veulent gagner leur vie au grand jour et
jouir en retour des droits correspondants, au même titre que leurs
camarades oeuvrant dans d'autres secteurs d'activité.
L'imposition de frais de service obligatoires nous apparaît enfin
la seule solution compatible avec ces principes d'équité et de
dignité qui nous apparaissent si fondamentaux. Cette formule est la
seule à mettre un terme au caractère discrétionnaire du
pourboire, qui est absolument incompatible avec ces principes. En rapport avec
l'équité, le montant des pourboires peut varier actuellement
selon une foule de facteurs: selon les caractéristiques personnelles des
employés qui n'ont strictement rien à voir avec leur
compétence objective, à commencer, bien sûr, nous le savons
tous, par l'attrait physique; selon les dispositions, attitudes ou moyens
financiers des clients plus ou moins généreux, plus ou moins
portés à faire subir à l'employé les
conséquences de leur insatisfaction; enfin, selon des facteurs
reliés à l'organisation du travail (attribution des tables,
horaires différents) ou à la qualité de la gestion
partronale (repas de mauvaise qualité, nombre insuffisant de serveurs et
de serveuses et le reste). En somme, la fraction du pourboire qui, à
l'heure actuelle, évalue réellement le service fourni par
l'employé est minime et est calculée de toute manière de
façon inéquitable.
Au-delà de ces considérations, nous ne croyons pas
compatible avec le droit à la dignité de ces travailleurs et de
ces travailleuses de laisser à la discrétion et au bon jugement
du client la détermination d'une fraction significative de leur revenu.
Nous croyons que les facteurs d'iniquité qui pourraient subsister en
dépit de l'imposition uniforme des 15%, le montant total des factures
variant forcément sans que l'employé n'y soit pour quelque chose,
de même que le temps d'occupation des tables par les clients, etc., sont
de ceux qui peuvent être pris en charge adéquatement par les
organisations syndicales.
La FTQ se prononce donc pour des frais de service obligatoires de 15% et
nous avons la conviction que les autres hypothèses sont
inadéquates, selon nos critères d'analyse. La formule du
pourboire discrétionnaire inscrit par le client sur la facture ne bloque
pas la possibilité d'un pourboire parallèle, d'où une
possible évasion fiscale, des enquêtes du fisc et insuffisante
protection sociale. Cette formule fait également bon marché de la
dignité et de l'équité auxquelles ces travailleurs et ces
travailleuses ont droit.
La déclaration périodique des pourboires ne garantit pas
non plus l'"officialisation" des revenus, impose des corvées
paperassières aux travailleurs et aux employeurs et rend incertaine la
protection sociale. Elle ne modifie en rien le caractère humiliant et
inéquitable de la pratique du pourboire.
Quant à l'octroi d'un statut de travailleur autonome, c'est une
solution qui n'en est pas une et qui vise à institutionnaliser les pires
aspects des conditions actuelles de travail des travailleurs et travailleuses
au pourboire.
Quand on ne choisit pas ses heures de travail et qu'on a un pouvoir
très limité sur la qualité du service rendu (exemple:
qualité de la nourriture, rapidité du service qui est
reliée au nombre d'employés en fonction) on est tout, sauf un
travailleur autonome.
Recommandations complémentaires. Au règlement du
problème fiscal et social actuellement vécu par les travailleurs
au pourboire de la restauration et de l'hôtellerie se rattachent d'autres
questions que nous examinerons maintenant fort brièvement.
Les poursuites du fisc à l'endroit de certains travailleurs et de
certaines travailleuses au pourboire ont fait couler beaucoup d'encre et
suscité à juste titre des regroupements d'employés au
pourboire. Cette heureuse conséquence, les regroupements,
n'enlève pas cependant le caractère discriminatoire des
démarches gouvernementales; discimination entre les employés,
d'une part, puisque tous ne sont pas touchés de la même
façon; discrimination subie par l'ensemble de cette catégorie de
travailleurs et de travailleuses, en second lieu, par rapport aux autres
contribuables. La négligence passée du gouvernement dans ce
dossier, l'incertitude sur le statut de ces revenus de pourboire, certaines
caractéristiques sociales de cette main-d'oeuvre (faible
scolarité, forte proportion de Néo-Québécois) sont
autant de facteurs qui rendent les démarches du gouvernement ou des
gouvernements passablement odieuses. Nous croyons, à la FTQ, que le
gouvernement devrait interrompre immédiatement ses poursuites et faire
pression sur le fédéral pour qu'il l'imite en cette
matière.
La différence existant entre les salaires minimums des
employés au pourboire et ceux des autres employés, s'appuyait
vraisemblablement sur l'existence de revenus parallèles: les pourboires.
Nous croyons que la différence n'a jamais vraiment eu sa raison
d'être et que les seules justifications qu'on pouvait invoquer
concernaient précisément l'évasion fiscale. L'imposition
de frais de service obligatoires mettrait un terme à ce problème.
La FTQ réclame donc la disparition d'un taux de salaire minimum
différencié pour les travailleurs au pourboire, ce en quoi le
Québec se rallierait à la vaste majorité, sinon -
peut-être ici une correction - à la totalité des provinces
canadiennes.
Le taux actuel du salaire minimum est déjà terriblement
bas. Il est bien loin de suivre le coût de la vie depuis que son
indexation a été supprimée. Les travailleurs et les
travailleuses de la restauration et de l'hôtellerie n'ont pas à
subventionner leurs employeurs grâce au maintien d'un taux aussi bas de
salaire minimum, à 3,28 $ l'heure. Nous croyons qu'il sera avantageux
pour l'ensemble de cette industrie et, pour les travailleurs qui y oeuvrent,
que s'établissent des conditions de travail décentes. Une
amélioration des conditions de travail entraînera une plus grande
stabilité patronale et ouvrière et donc, une hausse de
qualité pour le plus grand bien de l'économie
québécoise.
Nous nous préoccupons également de l'impact que
l'imposition de frais de service obligatoires peut avoir sur le consommateur et
par extension, sur le volume global de la consommation et donc, sur la
santé de l'industrie. Nous ne partageons certainement pas les craintes
de ceux qui croient que l'industrie touristique pourrait être
significativement affectée par les 15% de frais de service obligatoires.
La santé de l'industrie touristique au Québec est tributaire de
mesures d'envergure et bien plus déterminantes que 15% de plus sur les
factures. Toutefois, pour permettre une transition en douceur et en pensant,
d'ailleurs, essentiellement au petit consommateur québécois, la
FTQ serait favorable à une réduction proportionnelle de la taxe
de vente pour que le montant total des factures ne subisse pas une trop grosse
augmentation. Les sommes perdues à ce poste par le gouvernement seraient
largement compensées par les impôts perçus sur les 15%.
Les recommandations, rapidement: La FTQ demande au gouvernement de
permettre un accès réel à la syndicalisation pour ces
travailleurs, tout particulièrement par l'instauration de
l'accréditation multipatronale. La FTQ recommande que le gouvernement
solutionne l'actuel problème fiscal et social confrontant les
travailleurs et les travailleuses au pourboire en imposant des frais de service
obligatoires de 15% sur les factures. La FTQ recommande en outre que la taxe de
vente soit réduite en proportion, qu'un moratoire - et notre demande est
faite aux deux gouvernements -sur les poursuites fiscales à l'endroit de
ces travailleurs et de ces travailleuses soit décrété et,
enfin, que la pratique d'un taux différent de salaire minimum pour les
travailleurs et les travailleuses au pourboire soit abolie, et que ces derniers
et ces dernières voient, en conséquence, leur salaire de base
haussé à 4 $.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Daoust. M. le
ministre.
M. Marcoux: Je remercie beaucoup la FTQ d'avoir accepté de
présenter un mémoire à cette commission sur la situation
des travailleurs et des travailleuses au pourboire. En fait, je crois que vous
avez reconnu que le livre vert, même s'il n'apporte peut-être pas
toutes les solutions ou la solution globale, veut quand même se
préoccuper des différentes dimensions qui peuvent impliquer les
travailleurs et les
travailleuses au pourboire.
Ma première question. Vous dites qu'à
l'équité fiscale, il faut ajouter un troisième principe ou
objectif: l'équité et la dignité des travailleurs. Vous le
reprenez peut-être en filigrane tout le long du texte; j'aimerais que
vous précisiez. Lorsqu'on a parlé d'équité fiscale,
évidemment, on parlait du paiement des impôts par rapport aux
autres travailleurs. L'équité sociale, c'est que les travailleurs
et les travailleuses au pourboire aient droit à l'ensemble des avantages
sociaux auxquels ont droit les autres travailleurs; et que le patron, comme
l'employé, y cotise dans la même proportion. J'aimerais un peu que
vous me précisiez le contenu de ce concept d'équité et de
dignité des travailleurs en le rattachant à certains points
précis. J'admets qu'il y en a dans votre mémoire. C'est ma
première question. Je reviendrai avec une autre question par la
suite.
Le Président (M. Gagnon): M. Daoust. (17 h 30)
M. Daoust: Ce troisième principe nous apparaît
fondamental. Ceux qui oeuvrent dans le milieu vivent quotidiennement des
situations épouvantables qui ont été, sans aucun doute,
décrites à l'occasion, et peut-être même devant votre
commission. Le pourboire constitue une partie du revenu qui a tout de
même une certaine importance. Il est essentiellement lié, comme on
le mentionne dans notre mémoire, à toutes sortes de
considérations. On parle, entre autres, des caractéristiques
personnelles des employés. C'est un peu à la tête du
serveur et de le serveuse que le client va décider -c'est une des
considérations qui passent dans la tête des clients - de la
dimension du pourboire qu'il donnera. Il n'est pas nécessaire de faire
de longs exposés là-dessus.
On connaît les problèmes de harcèlement sexuel que
connaissent les serveuses de la part des clients et bien souvent de la part des
employeurs. De la part des employeurs, c'est peut-être un peu le
même phénomène qu'on retrouve dans tous les milieux de
travail. En ce sens, les serveuses ne sont pas l'objet d'une plus grande
discrimination. Ce sont toutes les femmes qui sont l'objet de
harcèlement sexuel en milieu de travail.
Vous connaissez les préoccupations de ces dernières, du
mouvement syndical et de tous les groupes qui se penchent sur ce
problème dans notre société depuis quelques années.
Mais là, il y a une double discrimination à l'égard tout
au moins du harcèlement sexuel, et c'est le client qui la fait subir
à la serveuse. Indépendamment de cet aspect, on mentionne que
c'est lié à des caractéristiques personnelles de ceux et
de celles qui donnent le service. C'est donc tout le problème de la
dignité de la personne qui fait un certain travail qui est en jeu.
Le deuxième aspect qu'on souligne, ce sont les dispositions, les
attitudes, les moyens financiers, les comportements des clients, qui varient
énormément. On a tous des exemples multiples qu'on pourrait
donner. On les a tous vécus dans notre milieu; il suffit de s'ouvrir les
yeux pour le constater. Il y a des gens d'une mesquinerie incroyable comme il y
en a qui sont d'une générosité peut-être un peu
désinvolte, peut-être pour la première raison que j'ai
mentionnée, mais de toute façon, cela n'est pas lié
à la prestation du service comme tel, mais au comportement et à
la philosophie du client.
L'autre raison que nous mentionnons, c'est que souvent la qualité
de la prestation du service ou tout au moins de tout ce qui entoure le service
ne dépend absolument pas du serveur ou de la serveuse. On parle de
l'attribution des tables, des horaires, de la qualité de la nourriture,
de l'environnement. Les travailleurs et les travailleuses de l'hôtellerie
et de la restauration n'y sont pour rien. Ce sont plus ou moins des
décisions et des prérogatives patronales. Le pourboire est donc
lié à ces trois espèces de grandes considérations.
Il y en a d'autres, sans aucun doute. On estime que de lier le salaire, sur des
conditions terriblement subjectives, à une prestation de service qui
dépend de toutes sortes de facteurs, abîme les gens qui
travaillent dans le milieu sur le plan de leur dignité personnelle.
C'est archaïque. Je ne sais pas si anciennement il y avait des pourboires,
mais je pense que cela va contre le sens de toutes les orientations de tous
ceux qui se penchent sur la dignité des travailleurs et des
travailleuses.
Il ne nous vient pas à l'idée qu'il faille donner un
pourboire au préposé au bénéficiaire dans un
hôpital ou à quelque personne qui nous donne un service ou qui
nous rend un service dans les secteurs public ou parapublic ou dans le secteur
privé, parce que ce n'est pas seulement dans les secteurs public et
parapublic. Cela ne nous vient pas à l'idée d'avoir toujours 2 $
ou 5 $ pour l'employé de Bell Canada qui vient réparer votre
téléphone. En tout cas, cela dépasse l'entendement que
cela se fasse, et ceux qui le font ne le font pas pour des raisons de
prestation de service; ils le font peut-être pour d'autres
considérations. Alors, tous ceux qui sont dans le domaine de la
restauration subissent ce phénomène. Il y a des pays qui ont
réussi à éliminer les pourboires. Écoutez! Je veux
faire bien attention. Je ne veux pas nécessairement prendre des
modèles et être mal cité, mais il y a certains endroits
où cela n'existe pas. Peut-être que c'est utopique de penser -
certains l'ont mentionné - qu'un de ces jour, les sociétés
et la société qui est la nôtre élimineront
complètement le pourboire parce que, somme toute, c'est toujours
le consommateur qui paie, quel qu'il soit. C'est peut-être la solution
idéale lointaine. On n'est pas rendu là. On veut procéder
par étapes. Dans un premier temps, on dit: Tout le monde sur le
même pied, tous les clients sur le même pied et le pourboire
obligatoire.
M. Marcoux: Je vais vous poser une question relative à la
représentativité. La FTQ est largement représentative des
préoccupations des travailleurs syndiqués au Québec et
largement représentative des préoccupations de l'ensemble des
travailleurs puisque, pour reprendre l'expression qui n'est plus tellement
à la mode, vous agissez constamment sur le deuxième front
également. Ma question est la suivante. Vous nous présentez
aujourd'hui l'opinion d'une centrale syndicale concernant les travailleurs et
les travailleuses au pourboire. Nous avons eu, au cours de cette commission,
l'occasion d'entendre d'autres représentants d'employés
syndiqués du même secteur, entre autres, l'Alliance des
travailleurs du Québec, qui est surtout centrée dans la
région de Québec et un peu dans les autres régions, qui a
défendu un autre point de vue. J'ai posé la question puisqu'il y
avait eu des sous-entendus: Est-ce que vous êtes un syndicat de boutique,
oui ou non? C'était aussi direct que cela. On a dit: Non, on obtient des
services; on a une entente de services avec la Fédération des
travailleurs du Québec. Ce que je voudrais savoir, c'est ceci: À
la Fédération des travailleurs du Québec, est-ce que vous
avez actuellement une fédération? Combien de syndicats sont
directement liés, pas à la fédération parce que
votre fonctionnement, c'est qu'ils sont reliés non pas à une
sous-centrale, mais à un conseil spécialisé... Combien de
membres avez-vous qui proviennent du secteur de la restauration et de
l'hôtellerie?
Le Président (M. Gagnon): Juste avant de vous laisser la
parole, j'apprécierais qu'on trouve le moyen de raccourcir les questions
et les réponses de façon que...
Une voix: Parfait.
M. Marcoux: J'en aurai une autre ensuite. Ce sera tout.
Le Président (M. Gagnon): ... les membres de la commission
puissent vous poser d'autres questions.
M. Duval (Louis): Pour ce qui est du nombre, quelques milliers,
nous le mentionnons, 2000 ou 3000 dans trois syndicats: le commerce, les
employés de service et les employés de chemins de fer surtout
dans les hôtels des grands réseaux ferroviaires.
M. Marcoux: Ce qui signifie environ 35% ou 40% au pourboire parmi
ces 3000 employés. Si vous représentez un restaurant ou un
hôtel, il y a peut-être 35% ou 40% des employés qui sont au
pourboire.
M. Duval: Possiblement. Je n'ai pas de données fort
précises. Pour ce qui est de la représentativité, notre
façon de procéder a été de réunir des
travailleurs au pourboire avec des porte-parole syndicaux, de procéder
à des tables rondes sur l'ensemble des phénomènes, de
soumettre le mémoire au bureau de direction de la FTQ et à son
conseil général qui se réunissait à
Jonquière, il y a deux jours, de provoquer un échange de vues
chez l'ensemble des syndiqués de la FTQ par leurs représentants
qui siègent au conseil général afin de dégager la
position qui est devant vous. C'est pour la représentativité.
C'est donc 2000 à 3000.
M. Marcoux: Cela va.
M. Duval: Le taux de syndicalisation, je ne veux pas allonger ma
réponse...
M. Marcoux: Vous l'avez indiqué tantôt. M. Duval:
... est terriblement bas.
M. Marcoux: C'est cela. On a dit 2% ou 3% à cette
commission.
M. Duval: Vous le savez.
M. Marcoux: J'ai une autre question d'ordre général
concernant la possibilité de perte d'emplois. Il y a eu, on dirait,
presque un accord au sein de cette commission entre les grandes associations
d'hôtellerie et de restauration et les représentants des centrales
syndicales ou des grands syndicats, à savoir que ce ne serait
peut-être pas la fin du monde si disparaissaient du décor 1000,
1500, 2000, 2500 entreprises dans le secteur de la restauration et de
l'hôtellerie, parce que les autres entreprises seraient plus stables,
pourraient peut-être donner de meilleures conditions de travail en
étant plus solides, etc. On a eu aussi le point de vue de particuliers,
d'individus qui, dans un cas, celui d'une petite entreprise familiale, nous ont
dit: Aujourd'hui (c'était un mardi soir), vous avez entendu le point de
vue de ceux qui sont mieux installés dans le système, qui
représentent les mieux installés; je voudrais vous faire entendre
le point de vue des petits. J'en suis un petit, qui a investi 500 000 $...
M. Blank: C'est pas drôle quand tu viens de la banque.
M. Marcoux: Cela fait rire mais, en tout cas, c'est ce que j'ai
compris à ce moment. Si je me souviens bien, c'était 400 000 $
d'emprunt, sur un investissement d'environ 500 000 $. Peut-être que
j'erre dans les chiffres, je ne me souviens plus trop de ce qu'on me disait,
mais j'ai compris que cela représentait de 20 à 25 emplois,
quelque chose du genre, ou une quinzaine d'emplois. Il disait: Moi, je n'ai pas
eu l'impression d'être entendu aujourd'hui, je n'ai pas eu l'impression
que ma voix a pu s'exprimer à travers des organismes établis.
Cela revenait à dire: Je voudrais bien que vous teniez compte de tous
ceux qui sont petits dans le système. Face à ce problème -
et je ne le développe pas davantage, je sais que des gens étaient
ici, vous représentant durant ces trois jours - quelle est votre
réaction, votre perception des choses?
M. Duval: II ne nous semble pas à nous - on le mentionne
dans notre mémoire - que l'imposition obligatoire d'un montant sous
forme de pourcentage, comme celui qu'on suggère, créerait des
commotions économiques à l'intérieur de l'industrie. La
santé de l'industrie dépend de multiples facteurs, on le sait
tous. Je vous rappelle que nous avons tenu, nous, c'est-à-dire le
gouvernement et les partenaires, une conférence à
l'intérieur des mini-sommets économiques sur le tourisme, il y a
déjà quelques années, et nous avions à ce moment
fait le tour de tous les problèmes qui affectent l'industrie touristique
au Québec. Je ne me souviens pas que le problème des pourboires
obligatoires ou le phénomène du pourboire obligatoire ait
été mentionné comme un facteur dangereux au point de vue
de la santé économique.
Il y a un volume donné à l'intérieur du
Québec, il y a une demande de services dans ce domaine qui ne subirait
pas, selon nous et selon ce que nous connaissons du milieu, de fluctuation
imposante, déterminante, si on retenait la proposition qui est la
nôtre et qui est celle de bien des groupes. Nous mentionnons que de
multiples facteurs assurent une santé économique de l'industrie
touristique au Québec et Dieu sait qu'on a tout entendu dans le domaine.
Je vous rappellerai que certains ont même prétendu, à un
moment donné, que la loi 101 pouvait être un facteur de mauvaise
santé économique de l'industrie touristique au Québec. Il
y a des aberrations de ce type qui circulent et je ne vise personne en
particulier, mais cela a circulé au moment où il en a
été question.
Nous ne le croyons pas. Écoutez, il y a des milliers
d'entreprises sans aucun doute. Nous estimons que, selon cette formule, qu'il y
ait des changements ici et là, cela peut arriver, mais cela
n'affecterait pas. Il n'y a pas une corrélation, il n'y a pas une
incidence entre une formule comme celle-là et un déclin de
l'activité économique pour ce qui est de la restauration et de
l'hôtellerie.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Merci, M. le ministre. M. Daoust, je suis
peut-être un peu naïf, mais je pense que je suis aussi objectif et
je suis venu ici - je ne suis même pas membre de la commission - parce
que le problème m'intéresse énormément et,
là, j'ai écouté tous ces mémoires. Donc, seulement
du côté syndical officiel, j'ai classé cela un peu. On a eu
le point de vue de l'Alliance des travailleurs du Québec
représenté par M. Côté, ensuite, le mémoire
de la CSN et, finalement, celui de la FTQ. (17 h 45)
Ce que je ne comprends pas, c'est que, quand on prend la page 4 de votre
mémoire, vous dites - et c'est votre ligne de conduite - que les frais
de service obligatoires, c'est la seule option digne de considération.
Ce n'est pas cela que l'Alliance des travailleurs a dit, elle qui d'ailleurs
semble avoir ici à Québec, dans la ville de Québec et les
environs, même plus de serveurs et de serveuses qui sont membres de leur
syndicat; ils sont venus pour en parler. M. Côté a dit avec
fierté, et je suis bien content d'entendre cela, qu'il est
affilié à votre syndicat et pas avec la CSN. Je vois qu'à
la page 9 de votre mémoire, vous dites: "Disparition d'un taux de
salaire minimum différencié". Vous demandez de l'augmenter de
3,28$ à 4 $ et là vous avez encore mieux que la CSN. J'ai
classé cela dans ma tête comme les syndicats 1, 2 et 3. Je me
demande en toute sincérité s'il y a peut-être une sorte de
motif pour rechercher la clientèle parce que moi, ce qui
m'intéresse beaucoup, c'est d'essayer de résoudre le
problème. Il y a un problème qui existe, tout le monde est
d'accord là-dessus. J'aime beaucoup l'approche d'une objectivité
modérée pour essayer de trouver une solution. J'ai l'impression
qu'on demande le ciel et qu'on va régler pour un peu moins. Pouvez-vous
donner des commentaires là-dessus? Je ne veux pas dire que vous
êtes le plus dur syndicat à ce point de vue, mais les statistiques
semblent indiquer que, dans ce dossier, vous promettez
énormément.
Le Président (M. Gagnon): M. Daoust.
M. Daoust: Quand on dit que cette hypothèse est la seule
digne de considération, c'est notre conviction profonde que d'autres ne
partagent pas ce point de vue et que, par ailleurs, ils sont relativement
près de nous sur bien des plans; c'est leur droit le plus strict. Je
pense qu'il faut s'incliner devant des divergences de vues. Plusieurs
s'expriment au nom des travailleurs et des travailleuses du milieu avec
leur connaissance d'un secteur professionnel fort complexe et avec des
échéanciers qui ne sont pas nécessairement les
mêmes. Cela me semble sain, cela vous rend peut-être la tâche
plus difficile, mais cela prouve qu'il n'y a pas nécessairement
unanimité de pensée à l'égard des façons de
résoudre des problèmes aussi complexes que ceux qui sont devant
nous à ce moment-ci. Ce n'est pas un mémoire complaisant à
l'égard des travailleurs et des travailleuses au pourboire. Ce n'est pas
cela qui va accentuer les chances de syndicalisation. Ce sont des changements
beaucoup plus fondamentaux qu'une prise de position sur le type du pourboire,
le montant ou telle hypothèse. On ne cesse de le répéter,
c'est par des changements profonds et fondamentaux au Code du travail que l'on
va permettre aux travailleurs, ceux-là entre autres et d'autres aussi,
d'avoir véritablement accès au syndicalisme. Je ne veux pas en
parler trop longtemps, parce que je risquerais de dépasser le temps qui
nous est consacré, mais c'est vraiment dans ce sens et fondamentalement
je pense qu'on l'a dit: qu'on permette à ces travailleurs de se donner
une voix, et, pour nous, la voix la plus normale c'est la voix syndicale, par
des changements profonds au Code du travail. On aura ainsi résolu je ne
dis pas l'ensemble des problèmes, mais une bonne partie de ceux-ci. Sur
le problème du pourboire, il y a peut-être des divergences de vue,
tant mieux ou tant pis, mais elles sont là.
Pour ce qui est de l'Alliance des travailleurs du Québec, je
comprends que M. Côté vous ait dit qu'il avait beaucoup
d'amitié pour la FTQ. Certains de ces groupes ont des contrats de
service avec certains syndicats de la FTQ, mais le groupe des travailleurs au
pourboire de M. Côté, techniquement parlant, vous m'obligez
à vous le dire...
M. Marcoux: Ils sont encore indépendants.
M. Daoust: ... est toujours indépendant, mais on
espère bien réussir à convaincre les travailleurs et les
travailleuses membres du syndicat dont M. Côté est le porte-parole
du bien-fondé de notre solution.
M. Marcoux: On nous a dit qu'il y avait une entente de votre part
pour ne pas faire de maraudage dans leur syndicat. On est allé loin,
n'est-ce pas?
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Sainte-Anne, c'est terminé?
M. Polak: Je remercie M. Daoust pour la réponse.
Le Président (M. Gagnon): Alors, M. le ministre.
M. Marcoux: Je désire remercier sincèrement M.
Daoust pour la qualité du contenu du mémoire. Je peux vous
assurer que l'essentiel de ce que j'ai compris dans votre mémoire, c'est
qu'il y a des objectifs que vous nous fixez. Des objectifs par rapport aux
conditions de vie, de travail des travailleurs et travailleuses au
pourboire.
Je suis convaincu que comme votre centrale a participé
régulièrement à ce qu'on pourrait appeler des
débuts d'efforts de concertation - vous avez parlé des
mini-sommets, vous avez parlé des grands sommets - vous comprendrez
peut-être qu'il y a des étapes qu'il faut franchir pour arriver
à ces solutions idéales. Je peux vous assurer qu'en ce qui nous
concerne, je ne prendrai pas le fait qu'il y ait des divergences d'opinions
entre à peu près tous les groupes qui sont venus nous rencontrer
pour nous plonger, comme gouvernement ou comme ministre du Revenu, dans
l'inaction par rapport à ce problème. Je ne peux pas assurer que
nous pourrons trouver la meilleure solution, la solution idéale ou les
solutions idéales, mais je peux vous assurer qu'au moins nous allons
trouver une ou des solutions concrètes.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: M. le Président, au nom de l'Opposition, je
voudrais également remercier, M. Daoust. Savez-vous, M. Daoust,
jusqu'à récemment j'ai toujours pensé que les
libéraux ne comprenaient rien du monde syndical, mais les temps
changent, savez-vous. Je ne parle pas de la loi no 70, pas du tout.
Vous avez peut-être remarqué, ce matin, la manière
dont on a posé les questions. Je prends, par exemple, le sujet de la
poursuite où je crois que nous sommes beaucoup plus proches du
problème du travailleur, pour le comprendre, que le gouvernement.
J'espère qu'ils vont agir selon nos recommandations, qui sont les
vôtres. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Daoust: Merci. Je vais faire un dernier commentaire et vous
m'en donnez l'occasion; c'est là-dessus que je voulais insister. Nous
parlons de gestes odieux de la part du gouvernement et nous le croyons
profondément. Il nous semble, que d'autres l'ont dit... J'ai
écouté les témoignages de ces gens de la Mauricie, je
crois, et il y a eu le témoignage de cette personne qui subit le
harcèlement des enquêteurs du ministère du Revenu. Je ne
reviendrai pas là-dessus,
mais il nous semble qu'il appartient au ministre, en temps et lieu - on
souhaite que ce soit le plus rapidement possible - de tourner la page.
Il y a 900 travailleurs au Québec, puis je ne sais pas combien
d'autres qui se sentent menacés; il y a là une forme de
discrimination et de harcèlement qui nous semble, à nous, tout
à fait inacceptable. Écoutez, sur l'évasion fiscale au
Québec, les abris fiscaux, mon Dieu, qu'on peut vous citer des exemples
à la centaine! Cela ne sera pas du côté des plus mal pris,
de ceux que M. René Lévesque appelle les plus fragiles dans notre
société, qu'on pourrait vous les donner. C'est chez ceux qui sont
les plus nantis, les mieux organisés, les mieux équipés et
qui connaissent à fond toutes les règles, tous les subterfuges -
comme quelqu'un l'a mentionné de votre côté, le mot a
été employé ce matin - et ces gens se tirent
formidablement bien de tout le système. Alors, cela nous fait mal dans
une société de voir que des gens démunis sur tous les
plans - on l'a signalé dans notre mémoire - soient, à ce
moment-ci, l'objet d'une espèce de chasse. Je reprends le mot que vous
avez peut-être employé vous-même, je ne sais pas si c'est
vous qui l'avez employé, mais quelqu'un a parlé d'une
espèce de chasse. C'est peut-être le ministre. C'est le ministre.
Mon Dieu! Peut-être que cela indique que, comme le temps de la chasse est
fini, on nous annoncera de bonnes nouvelles, mais on voudrait tant que ce
problème soit surmonté! Pour l'avenir, il y a un accord, je
crois, généralisé, mais pour le passé, qu'on les
laisse donc en paix et qu'on pourchasse d'autres personnes qui, abondamment,
s'alimentent à même tous les problèmes d'évasion
fiscale, puis d'abris fiscaux.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Daoust. M. le
député de Viger.
M. Maciocia: J'aurais seulement une petite question à M.
Daoust. Vous avez dit tantôt: Je viens d'arriver. J'ai cru comprendre que
vous aviez dit qu'il y avait des gens qui allaient aussi loin que dire que la
loi no 101 empêchait quasiment le tourisme ici, au Québec.
Croyez-vous, comme quelqu'un au ministère de l'Industrie, du Commerce et
du Tourisme qui s'est prononcé à ce sujet il y a environ deux ou
trois mois, que la loi 101 a un attrait touristique?
M. Daoust: Est quoi?
M. Maciocia: Un attrait touristique.
M. Daoust: Fondamentalement, je pense que oui.
M. Maciocia: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Daoust, et merci
à la FTQ.
Avant de suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir, je
voudrais dire que le prochain groupe qui sera entendu est la
Fédération nationale des associations de consommateurs du
Québec. Les travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 56)
(Reprise de la séance à 20 h 13)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Avant de donner la parole à nos prochains invités, je
voudrais souligner le fait que, mardi soir, nous avons eu un monsieur de
Trois-Rivières, M. Papirakis, qui est venu témoigner devant la
commission et à qui le ministre avait demandé de lui fournir des
explications additionnelles, je crois, sur les informations qu'il nous donnait.
Il a eu la gentillesse de revenir de Trois-Rivières, il est ici ce soir
et on vous passe présentement les informations que M. Papirakis ajoute
à son mémoire. Merci.
J'invite maintenant à la table la Fédération
nationale des associations de consommateurs du Québec. D'abord, je vous
souhaite la bienvenue. Vous êtes déjà à la table.
J'invite Mme Désilets à nous présenter celui qui est avec
elle et à nous faire lecture de son mémoire.
Fédération nationale des associations de
consommateurs
M. Clavet (Bertrand): Tout d'abord, je dois apporter une
correction à la présentation des personnes qui
représentent notre organisme. La personne qui est à ma gauche est
Mme Louise Larocque, qui remplace Mme Désilets, qui a dû
s'absenter pour des circonstances indépendantes de sa
volonté.
Le Président (M. Gagnon): Et vous êtes,
Monsieur?
M. Clavet: Bertrand Clavet, secrétaire de la
Fédération nationale des associations de consommateurs.
Le Président (M. Gagnon): Mme Louise Larocque...
M. Clavet: Mme Louise Larocque.
Le Président (M. Gagnon): ... et M.
Clavet. Alors, allez-y!
M. Clavet: Alors, on va parcourir notre mémoire d'une
certaine façon, mais sans nécessairement le lire d'une
façon
exhaustive. On sait que la question du pourboire, c'est une convention
sociale qui est établie depuis longtemps au Québec, notamment
dans les secteurs de la restauration et de l'hôtellerie. Cette convention
sociale veut que le consommateur verse un pourboire au personnel pour souligner
sa satisfaction relativement aux services rendus. Pour d'aucuns, le fait que
des employés de ce secteur reçoivent un pourboire doit être
considéré comme un privilège et vient justifier un salaire
minimum aussi bas que 3,28 $ l'heure. Mais, quand on y regarde de plus
près, ce privilège est à la base de bien des injustices.
On retrouve ces injustices dans plusieurs domaines: le domaine fiscal, le
domaine social et aussi dans les conditions de travail. On peut penser
simplement aux avantages sociaux et à l'impôt; je pense que
plusieurs intervenants vous ont fait valoir des injustices qui étaient
flagrantes dans ces domaines et aussi pour la perception de l'impôt.
Quant aux conditions de travail, on sait que les secteurs de la
restauration et de l'hôtellerie sont ceux où les travailleurs
subissent les conditions de travail les plus dures. L'absence de
représentation et un accès presque impossible à la
syndicalisation n'ont pas favorisé, en tout cas, l'amélioration
de ces conditions. Partout les employés au pourboire, et surtout les
femmes, sont la cible d'injustices flagrantes. On voit leurs droits constamment
bafoués par leurs employeurs. Dans notre mémoire, on en
évoque quelques-uns, par exemple, le partage des pourboires avec
d'autres employés qui sont souvent déjà payés plus
cher l'heure que 3,28 $, les jours de maladie non payés, des employeurs
qui jouent avec l'horaire des employés pour esquiver le paiement des
congés fériés, le paiement des factures
égarées ou non payées par le client, des bouteilles de vin
refusées, de la vaisselle cassée, etc., sans parler
évidemment du harcèlement sexuel et aussi des
congédiements injustifiés.
L'instabilité économique que l'on connaît dans le
secteur de la restauration et aussi la situation créée par
l'insécurité financière précaire que vivent les
employés au pourboire y font naître une espèce de climat de
terreur qui rende impossible aussi l'application des normes minimales du
travail, qui sont censées protéger les employés non
syndiqués. Il y a des lacunes de ce côté. De toute
façon, la recommandation qu'on fait là-dedans concerne moins le
ministère du Revenu et peut-être plus le ministère du
Travail, mais, dans un esprit de sensibilisation, on voulait quand même
la rendre publique lors de cette commission.
Dans le livre vert, il y a des hypothèses de solutions au moins
pour répondre à la question des injustices fiscales et sociales.
Parmi les solutions qui sont présentées, la
Fédération nationale des associations de consommateurs du
Québec prévilégie la solution 5.1, qui vient en fin de
compte consacrer l'imposition de frais de service inclus sur la facture
émise au consommateur.
Cela aurait plusieurs avantages évidemment, surtout pour les
employés au pourboire comme, par exemple, de les assurer de
bénéficier des avantages sociaux qui sont redevables sur les
pourboires. Aussi, cela leur permettrait une indexation, d'une certaine
façon, un salaire qui deviendrait indexé au coût de la vie;
chaque fois que les coûts de production des repas augmenteraient, il y
aurait 15% qui viendraient ajuster leur salaire en conséquence. On y
voit des avantages. Évidemment, il y a certaines objections qui
circulent dans certains milieux, notamment dans les milieux de l'industrie de
la restauration comme quoi cela serait une mesure susceptible d'augmenter
considérablement les coûts. Il y a d'autres objections dans
d'autres milieux, notamment dans le milieu des groupes de consommateurs, une
objection, évidemment, qu'on ne partage pas, qui veut que ça
puisse amener une détérioration du service ou même encore
priver le consommateur de sa liberté de choix d'accorder un pourboire
selon l'évaluation de la qualité du service qui est rendu.
Ce sont des objections, évidemment, que l'on conteste. On peut
recommencer, par exemple, par la question de l'augmentation des coûts.
Peut-être que je pourrais laisser ma collègue donner nos
idées là-dessus.
Mme Larocque (Louise): Pour pallier l'augmentation des
coûts encourus par l'inclusion des frais de service sur l'addition, la
FNACQ propose de diminuer la taxe de vente et d'appliquer la taxe de vente
à tous les repas y compris ceux de moins de 3,25 $. On a aussi dit, on
l'a aussi entendu au cours de cette dernière commission, qu'une
augmentation des coûts mettrait en danger l'industrie de
l'hôtellerie et de la restauration déjà dans une position
précaire. Or, à la FNACQ, on croit que l'exigence première
des consommateurs qui est de payer le meilleur prix possible pour un bien de
consommation ne doit pas nous conduire à sanctionner et à appuyer
des entreprises qui vont être portées à sous-payer leurs
employés. Nos associations ne sont pas prêtes à aller
jusque-là, d'autant plus que ces travailleurs de la restauration sont
des consommateurs dont les conditions salariales et de travail n'ont pas
été bien protégées par les lois antérieures.
C'est un lieu où la syndicalisation est quasiment absente, sauf dans
quelques grandes entreprises, et on sait
à quel régime de terreur se sont parfois heurtés
ces travailleurs. De plus, ces consommateurs sont, dans une part importante,
des consommateurs à faible revenu qui viennent consulter nos
associations de défense et qui sont des utilisateurs des services que
nous offrons, la consultation budgétaire, puisque, on le sait, dans la
conjoncture actuelle, les pourboires consentis aux travailleurs au pourboire
baissent; leur pouvoir d'achat en est donc diminué et leur
capacité de payer réduite. Finalement, les restaurateurs et
hôteliers reconnaissent eux-mêmes la trop grande quantité
d'établissements commerciaux de ce genre. On invoque le
développement anarchique des années soixante-dix.
Nous reconnaissons que l'offre est excédentaire par rapport
à la demande, mais les consommateurs, et plus particulièrement
les travailleurs au pourboire, ne sont pas responsables de ce type de
développement. Cela aurait été le rôle de
l'Association des restaurateurs du Québec de planifier et de
rationaliser davantage le développement de l'industrie
hôtelière et de la restauration. Les employés n'ont pas
à payer pour un type de développement dont ils ne sont pas
responsables. De plus, s'il devait survenir des faillites attribuables
partiellement à une loi qui irait dans le sens que nous souhaitons, on
se gardera bien d'accuser les travailleurs au pourboire d'être les
responsables de la faillite de certains établissements qui ne pourraient
survivre à la concurrence. Des conditions de travail et des conditions
salariales inadéquates ne sauraient justifier quoi que ce soit.
Il y a une deuxième objection dans le livre vert: la
liberté de choix des consommateurs se verrait réduite par
l'imposition d'un pourcentage fixe.
M. Clavet: On invoque dans certains milieux, notamment, une
association de consommateurs dit que cela porterait atteinte à la
liberté de choix du consommateur que d'imposer des frais de service
obligatoires. Le consommateur perdrait son privilège d'évaluer le
service reçu et de le récompenser par une gratification librement
consentie, dit-on. Mais il y a un fait qu'il faut considérer: les
employés au pourboire ont un salaire minimum de 3,28 $ l'heure. Les
pourboires que nous, consommateurs, leur consentons viennent redresser
substantiellement ce sous-salaire, parce qu'on peut parler d'un sous-salaire.
On trouve, par contre, inconcevable qu'une grosse partie du revenu des
employés au pourboire soit à la merci du jugement personnel et
subjectif des consommateurs sur la qualité du service reçu, parce
que la subjectivité, on peut en parler.
Par exemple, dans un document de réflexion produit par le Conseil
régional de développement de l'Estrie, on fait
référence à une étude de Mme Johanne M. May, "A
study of factors affecting tipping behavior". On parle des facteurs qui
influencent le comportement des consommateurs quand ils donnent des pourboires,
et on y dit que les données traditionnellement associées à
la vitesse et à l'efficacité du service n'ont pas d'impact
significatif sur le pourboire. Les serveuses qui ont été
évaluées comme donnant un service excellent étaient des
serveuses très attrayantes qui recevaient un pourboire moyen de 17,3%,
tandis que les serveuses moins attrayantes ne recevaient que 14,9%. De plus, on
observera que lorsque les serveuses fournissaient un service médiocre,
les serveuses les plus attrayantes recevaient quand même un pourboire
moyen de 20%, tandis que les serveuses moins attrayantes ne recevaient que
11,9%.
Donc, les résultats suggèrent que toute chose étant
égale, les serveuses moins attrayantes rendant un service excellent
peuvent recevoir un pourboire inférieur aux serveuses très
attrayantes donnant un service médiocre. Des études comme
celle-là nous portent à croire, en fin de compte, que ce ne sont
pas des critères objectifs qui motivent le consommateur à la
prestation d'un pourboire. Ce sont des critères bien subjectifs. Il y a
d'autres intervenants également qui, auparavant, ont fait valoir la
même objection.
Notre opinion, c'est que l'intérêt du consommateur ne
repose pas nécessairement sur le principe de la liberté de choix,
c'est-à-dire son bon plaisir d'accorder ou non un pourboire. C'est
plutôt celui d'obtenir un bon service et des repas de qualité. Si
on n'obtient pas satisfaction, c'est de bon droit, en tant que consommateur,
que de porter plainte auprès du patron, auprès de l'employeur.
Mais, selon notre association, il ne devrait pas revenir à nous,
consommateurs, le privilège de pénaliser nous-mêmes les
employés sous le couvert de la sacro-sainte liberté de choix, le
sacro-saint principe de la liberté de choix. C'est la réponse
qu'on a à cette objection.
L'objection de la détérioration du service. Avec des frais
de service inclus dans la facture, des frais de service obligatoires, si,
à la suite de cette mesure, l'employeur est obligé de verser des
contributions d'employeur au chapitre du Régime de rentes, de
l'assurance-maladie et de l'assurance-chômage, il va probablement devenir
beaucoup plus exigeant sur la qualité du personnel qu'il va embaucher et
il va être porté à lui offrir une formation beaucoup plus
adéquate. On pense que cela va occasionner plutôt une hausse de la
qualité du service.
De plus - d'ailleurs les employés au pourboire l'ont dit par la
voie de leurs associations - ils sont conscients que si, à
cause d'un mauvais service, le chiffre d'affaires des
établissements diminue, le pourboire de 15% va également
diminuer.
En conclusion, ce qu'on recommande, c'est tout cela, les frais de
service inclus dans la facture et, pour contrer l'augmentation des coûts
qui s'ensuivraient, au moins une diminution de la taxe de vente sur l'ensemble
des repas.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.
M. Marcoux: Je remercie les représentants de la
Fédération nationale des associations de consommateurs du
Québec d'avoir bien voulu nous présenter ce mémoire.
J'inviterais mon collègue, le député de Terrebonne,
à engager le dialogue avec vous.
M. Blais: Merci, M. le ministre. Les explications ont
été assez bonnes dans votre rapport. Je n'aurai pas beaucoup de
questions à vous poser, peut-être une et demie.
Des voix: Ah!
M. Blais: D'abord, il y a un regroupement, l'Association des
consommateurs du Québec. Est-ce qu'elle est membre de votre
fédération?
M. Clavet: Non, parce qu'elle-même forme une
fédération qui regroupe des unités locales partout au
Québec.
M. Blais: Combien votre fédération
représente-t-elle d'associations?
M. Clavet: À ce jour, nous avons cinq associations de
membres qui sont... Je peux vous les nommer, si vous voulez.
M. Blais: Non, c'est le nombre de personnes.
M. Clavet: Cela ne se calcule pas par le nombre de personnes,
c'est-à-dire que notre structure est la suivante: Nous regroupons des
groupes de consommateurs qui, eux-mêmes, ont un "membership" qui est
mixte, c'est-à-dire des individus et des organismes.
M. Blais: Merci.
M. Clavet: Alors, cela représente un bassin de population
assez grand.
M. Blais: Vous ne suggérez pas de taux, mais vous dites
qu'il devrait y avoir un taux de frais de service. Cela me fait plaisir que
vous fassiez la différence entre les frais de service sur une facture et
les pourboires, comme on l'entend de façon assez classique dans la
population. Vous dites aussi que la taxe de vente devrait diminuer. Je me
faisais dire par M. le député de Hull que je n'avais pas de
position réelle. Je n'ai pas de position arrêtée
complètement, même si j'ai dit que j'étais contre les
positions du livre vert et que j'étais contre le statu quo. Il arrive
que je serais tenté de penser à une diminution de la taxe de
vente et à une imposition de frais de service qui seraient
complètement à part, une conciliation entre la position patronale
et la position du livre vert, disons, ou des syndicats plus
précisément; j'ai bien l'impression que c'est entre les deux. Ce
serait peut-être vers là que ma zone serait la moins grise, sans
prendre position parce que c'est une commission de consultations. J'ai bien
l'impression qu'entre les deux, si jamais c'était possible qu'il y ait
diminution des exigences syndicales concernant les 15%, si jamais - je ne suis
pas autorisé à le dire -une baisse de la taxe de vente par le
gouvernement se produisait, une conciliation entre les deux pourrait faire
l'affaire et votre association, je crois, semble tendre vers cette
solution.
M. Clavet: C'est cela. De toute façon, on ne
suggère pas de chiffre, c'est-à-dire les 15% qui sont
généralement reconnus ou encore la diminution de 10% à 5%
de la taxe de vente. On ne voulait pas s'embarquer dans une bataille de
chiffres. En fin de compte, c'est aux experts à évaluer les
impacts de ces mesures, à savoir si ce sera 7%, 6% ou 5% pour la
diminution de la taxe, ou encore 10%, 12% ou 15% pour les frais de service. Ce
sera justement aux économistes de faire cela. Mais, évidemment,
ces taux seront à fixer en tenant compte des intérêts de
tout le monde, y compris ceux des employés au pourboire. (20 h 30)
M. Blais: Pour moi, c'est tout, c'est très clair, je vous
remercie.
Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup.
M. le député de Saint-Louis.
M. Blank: J'ai seulement une question à poser. Depuis
quand votre groupe est-il formé?
M. Clavet: Notre association est formée depuis 1978.
M. Blank: Vous êtes dans la région de l'Estrie, de
Sherbrooke?
M. Clavet: Non, nous ne sommes pas seulement dans la
région de Sherbrooke. Nous regroupons des organismes de la région
de Montréal, de l'Estrie, de la région de Québec, de
Granby, de Charlesbourg. Sans
être membres, il y a un tas d'organismes indépendants qui
sont non affiliés à une fédération, qui participent
avec notre fédération à des dossiers que nous menons sur
le plan provincial. Il y a quand même une collaboration qui est
menée avec la FNACQ au sujet de certains dossiers.
M. Blank: Quelle sorte de consultation avez-vous faite pour
arriver à ce mémoire?
M. Clavet: La consultation qui s'est faite, c'est par le
processus démocratique de nos structures, à savoir par notre
conseil d'administration. Dans notre conseil d'administration, il y a des
délégués de chacun des organismes membres qui se
prononcent sur les questions. Évidemment, quand on est invité
à donner notre opinion sur une question d'actualité ou qui
concerne l'intérêt public ou les consommateurs surtout...
M. Blank: La raison pour laquelle je pose cette question, c'est
parce qu'on a déjà eu un groupe de consommateurs qui est venu ici
et qui avait une attitude complètement différente de la
vôtre. Franchement, comme consommateur, j'aimerais mieux voir l'autre
groupe me protéger que votre groupe.
M. Clavet: C'est votre opinion.
M. Blank: Quand quelqu'un vient ici pour demander une
augmentation de taxes de 5%, de 0,01 $ à 3,26 $, cela ne protège
pas le consommateur.
M. Clavet: Oui, mais, dans l'ensemble des consommateurs, il y a
différentes analyses, selon les intérêts qu'on veut
défendre ou pas.
M. Blank: C'est exactement cela. M. Clavet:
Voilà.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Marcoux: J'aimerais que vous m'identifiiez les cinq membres de
votre fédération pour un peu connaître leurs origines
régionales. Indiquez simplement le nom et l'endroit.
M. Clavet: D'accord. En tout premier lieu, il y a l'Association
coopérative d'économie familiale de Québec, l'Association
coopérative d'économie familiale de l'Estrie, celle de Granby,
celle de la rive sud de Montréal, il y a les quatre associations et il y
a le service d'information et de recherche en consommation de Charlesbourg. Ce
sont les membres en règle.
M. Marcoux: Vos principaux membres, c'est ce qu'on appelait
autrefois les ACEF.
M. Clavet: II faut préciser qu'il y a d'autres ACEF qui
sont membres, elles, de la Fédération des ACEF, qui est
différente de la nôtre.
M. Marcoux: D'accord.
M. Clavet: II y a des conditions historiques qui ont
amené...
M. Marcoux: Non, cela va, cela me situe par rapport aux noms. Je
tiens à vous remercier au nom de notre groupe ministériel de
votre participation à cette commission. Merci.
M. Blank: Moi aussi, au nom de notre groupe, je vous remercie,
nonobstant que je ne vous engagerais pas comme défenseur.
Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme Larocque et M.
Clavet, de votre participation à cette commission. J'invite maintenant
le Regroupement des associations d'employés au pourboire du
Québec.
À l'ordre, s'il vous plaît;
Regroupement des associations d'employés au
pourboire
Mme Manon Vaillancourt, je vous souhaite la bienvenue à cette
commission. Je voudrais que vous nous présentiez les gens qui vous
accompagnent.
M. Blank: Je ne comprends pas, M. le ministre. On a
déjà eu des mémoires individuels de ce même groupe
ici, et, maintenant, il fait un autre mémoire pour nous redire la
même chose.
Mme Vaillancourt (Manon): Non, monsieur.
M. Blank: Qu'est-ce qu'il y a de nouveau dans votre
mémoire?
Le Président (M. Gagnon): On va le voir. Voulez-vous
présenter votre groupe?
Mme Vaillancourt: On est ici depuis mercredi matin. On a suivi
les débats attentivement. On est fier de revenir vous dire, après
tout ce qui s'est dit ici, ce que le regroupement en pense. Au nom du
regroupement, je vais vous présenter les gens qui sont ici: II y a
Bernard Saint-Pierre, qui représente PRO-RESTEL Québec; il y a
Francine, qui représente AGAP Montréal; il y a Rita Baillargeon
qui va représenter le regroupement; il y a moi, ADEP Estrie; il y a Lise
qui va représenter ADEP Drummondville et il y a Claude qui va
représenter ADEP Mauricie.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous voulez
commencer? Compte tenu qu'on a eu l'occasion d'entendre un certain nombre
d'arguments, y aurait-il possibilité de résumer votre
mémoire? Après, on passerait aux questions.
Mme Vaillancourt: Quant aux mémoires, Lise va commencer.
Juste une petite remarque... Avec M. Fréchette, on a constaté
qu'à l'AGAP, l'ADEP Mauricie et l'ADEP Estrie, on a demandé de
résumer les mémoires et on a constaté qu'à certains
intervenants on ne demandait pas de résumer les mémoires. C'est
juste une petite observation sur ce qu'on a pu constater.
Le Président (M. Gagnon): Si je vous ai demandé
cela, c'est tout simplement qu'on est rendu à une heure assez tardive et
chacun d'entre vous, si je ne m'abuse, a eu l'occasion de vous adresser
à la commission, c'est tout simplement cela.
Mme Vaillancourt: Le mémoire conjoint est très
court.
Le Président (M. Gagnon): C'est bien. Mme Vaillancourt:
D'accord?
Mme Tétreault (Lise): M. le ministre, madame et messieurs
les députés, au nom du Regroupement des associations
d'employés au pourboire du Québec, nous voulons vous remercier de
nous avoir mis au monde. Pour un premier né, l'accouchement fut quelque
peu difficile et les cours prénatals absents. C'est la claque fiscale
qui nous a fait lâcher notre cri primal. Il faut dire que nous sommes
sortis de l'incubateur grâce à cette énergie
inépuisable que les parents constatent chez le nouveau-né. Nous
serons forts et tenaces.
Mme Vaillancourt: Dans le cadre de cette commission
parlementaire, le
Regroupement des associations d'employés au pourboire du
Québec a tenu à présenter ce mémoire conjoint pour
affirmer ainsi la solidarité de toutes les associations
créées dans le but de faire valoir les droits de l'employé
au pourboire au Québec. Pour tracer un bref historique, rappelons
qu'à Sherbrooke, en octobre 1979, les ministères du Revenu
fédéral et provincial ont commencé à harceler les
employés au pourboire pour des problèmes d'impôt. En effet,
deux restaurants venaient d'être la première cible du projet
pourboire amorcé. Soit dit en passant, Sherbrooke a toujours
été considérée comme ville pilote; elle a
été devant la même situation face à l'impôt.
En effet, une serveuse, entre autres, apprenait à ce moment qu'elle
venait de frauder le gouvernement de 10 000 $ sans même avoir
été informée par les vérificateurs de ses droits et
recours. Ils évaluaient de façon totalement arbitraire et injuste
les cotisations à payer en y ajoutant en plus l'intérêt de
16% des années passées et l'amende de 25% la considérant
comme fraudeuse.
On s'est servi de l'ignorance de ces employées pour les manipuler
et faire du marchandage avec elles. On s'explique: Ici à Sherbrooke,
c'est la première fois que cela nous tombait sur la tête. Les gens
n'étaient vraiment pas au courant, on ne savait pas ce qui se passait.
Quand je dis de l'ignorance, c'était vraiment de l'ignorance. Il n'y
avait aucune association pour aider techniquement les gens à se
défendre à ce moment. Dans le même restaurant, les taux de
cotisation n'étaient pas les mêmes pour tout le monde. On
évaluait cela à 14,2% et 12%, dans le même restaurant. Les
vérificateurs faisaient pression et menaçaient même les
serveuses si elles refusaient de faire une déclaration volontaire; les
méthodes d'évaluation variaient d'une place à l'autre.
Là, il y a eu des méthodes d'évaluation. On parlait des
cartes de crédit, on parlait du chiffre d'affaires. On ajoute même
que dans des bars, entre autres, en Beauce, on n'avait même pas de carte
de crédit ni de chiffre d'affaires. À ce moment, on a
évalué cela, par exemple, à 10 $ par jour
rétroactifs pendant deux ans de temps. On y allait.
Ajoutons aussi que le gouvernement ayant toujours toléré
jusqu'à ce moment que les employés ne déclarent qu'une
partie de leurs revenus faute d'avantages sociaux, cette dernière se
croyait dans la plus pure des légalités. C'est ce climat de
confusion et de révolte qui provoqua le Regroupement des employés
au pourboire de Sherbrooke. L'Association des employés au pourboire de
l'Estrie vit le jour en février 1980. Par la suite, plusieurs autres
associations furent créées: l'ADEP Drummondville, en octobre
1981, PRO-RESTEL Québec, en septembre 1981. On a dit que PRO-RESTEL a
été formée en 1979, je dis ici en septembre 1981, car
PRO-RESTEL a alors repris avec le regroupement; donc, c'est en septembre 1981;
l'AGAP de Montréal, en janvier 1982; l'ADEP de la Mauricie en mars 1982
et l'ADEP de Granby en juin 1982.
Le regroupement travaille à élargir encore plus son champ
d'action et à rejoindre éventuellement toutes les régions
du Québec, car les régions isolées comme l'Abitibi et les
Îles-de-la-Madeleine se feront pincer elles aussi par l'impôt et,
éventuellement, ce seront toujours ces régions
défavorisées. On songe éventuellement à faire
quelque chose pour ces employés de là-bas aussi.
Les représentants des diverses
associations voyaient l'illogisme de nous demander de payer de
l'impôt sur des montants non gagnés ou qui ne nous donnaient aucun
avantage social. Plusieurs mémoires furent alors présentés
aux instances politiques concernées, qui demandaient entre autres
l'arrêt des poursuites et une solution à court terme pour
régler les problèmes de l'impôt.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! On chuchote tout autour de la table et on a de la
difficulté à comprendre. Vous pouvez continuer.
M. Polak: Pas tout le tour.
Le Président (M. Gagnon): D'accord, pas tout le tour, vous
venez d'arrêter.
M. Polak: C'est lui qui critiquait hier.
Le Président (M. Gagnon): Je pense qu'il y en a qui me
comprennent.
Madame, vous pouvez continuer.
Mme Vaillancourt: Alors, je...
Le Président (M. Gagnon): De chaque côté.
Mme Vaillancourt: Alors, si j'ai l'attention de messieurs de la
commission, je continue.
Les associations étaient aussi conscientes qu'elles s'attaquaient
à toute une problématique qui débordait même le
problème de l'impôt: congédiements abusifs et arbitraires,
non-respect des normes minimales de travail, surexploitation des
immigrés, harcèlement sexuel, discrimination des femmes, etc.,
etc. Il serait long ici de faire la liste exhaustive des conditions
déplorables qui sévissent dans ce milieu de travail. Des copies
du mémoire ont été remises, de toute façon; si
messieurs de la commission n'ont pas tout reçu, on se fera un plaisir de
le leur faire parvenir. Devant l'urgence de parer aux poursuites qui
commençaient à affluer de partout, les associations entreprirent
d'aller aider et d'encourager d'autres noyaux à se former dans la
province. Depuis février 1982, le Regroupement des associations
d'employés au pourboire du Québec coordonne les efforts et fait
pression sur les gouvernements fédéral et provincial pour faire
reconnaître les travailleurs et travailleuses de ce milieu et
sensibiliser l'opinion publique sur les problèmes qu'ils vivent.
Ajoutons aussi que, pour la première fois, les employés au
pourboire prenaient conscience ensemble des conditions d'âge de pierre et
de l'injustice flagrante qu'ils subissent dans leur milieu de travail. Les
représentants du regroupement n'ont pu jusqu'à présent
consacrer assez d'énergie pour élaborer à fond toute la
problématique de ce secteur de travail. Ils devaient avant tout informer
les employés au pourboire et les guider techniquement face au
problème de l'impôt, ce qui demandait beaucoup de temps et de
mobilisation. Nous sommes donc devant l'obligation de présenter des
propositions de solutions qui demeurent, à notre avis, partielles,
puisqu'elles ne règlent en fait qu'un aspect du problème. Nous
tenons pourtant à dénoncer les conditions de travail qui sont le
lot des travailleurs et des travailleuses de toute l'industrie de la
restauration et de l'hôtellerie du Québec. Il nous apparaît
urgent que le gouvernement - et plus particulièrement, le
ministère du Travail - se penche sérieusement sur la question.
Nous proposons donc une commission d'étude subséquente à
celle-ci et à laquelle nous serons très heureux de
travailler.
La problématique du pourboire. Le regroupement aimerait ici
amener le gouvernement à se pencher sur toute la problématique
qu'engendre la pratique du pourboire au Québec. L'étude du CRD de
l'Estrie faite en mai dernier en élabore plusieurs aspects, mais il en
est un qui n'a pas été soulevé: l'opinion du client face
au pourboire. Le pourboire au Québec est très mal perçu
par le client. Toute la mentalité est à changer. Les associations
ont mis beaucoup d'énergie à sensibiliser les consommateurs sur
la réalité de nos conditions de vie, réalité qu'ils
ignorent généralement. Les gens croient que les employés
au pourboire font plein d'argent. Ils ne savent pas que notre salaire horaire
est en dessous du salaire minimum et que c'est avec le pourboire que serveurs,
serveuses réussissent à survivre en 1982. Ce que le client semble
ignorer, lorsqu'il vient manger au restaurant, c'est que le montant qu'il paie
sur sa facture ne sert qu'à couvrir le coût de son repas; donc, il
va au restaurateur. Ce qu'il laisse sur la table paie le service qu'il a
reçu de l'employé au pourboire. Ici, on fait la différence
entre frais de service et pourboires. (20 h 45)
Nous sommes dans un système économique où tout
service se paie. Ainsi, le consommateur ne choisit pas le montant qu'il aura
à payer pour son compte de téléphone. Lorsqu'on parle de
la liberté de choix du client, c'est alimenter le mythe que
l'employé au pourboire est un quémandeur. C'est clairi Pour nous,
sa liberté réside dans le fait qu'il décide ou non d'aller
manger dans un restaurant et non dans l'évaluation du professionnalisme
et de l'efficacité du travail de l'employé au pourboire. Cet
aspect relève de l'employeur. On est d'accord avec ce que la
fédération des consommateurs vient justement de dire
là-dessus.
Le regroupement ne comprend pas que
dans le livre vert on ait omis de traiter de cet aspect très
important de la question. Au contraire, le ministre du Revenu, en
considérant la liberté de choix du consommateur comme un avantage
dans le point 5.2, perpétue ainsi ce mythe de quémandeur dont
nous parlions. On n'est pas des toutous qui attendent un morceau de chocolat.
On fait une profession, on veut que cela soit très clair pour ces
messieurs de la commission.
Nous souhaitons que ce mince exposé sensibilise le gouvernement
à cette question et l'influence dans ses décisions finales.
Nos revendications. Ce mémoire ne vise pas à reprendre les
exposés que les associations ont faits. Nous voulons tout simplement
vous faire prendre conscience de l'uniformité de plusieurs de nos
revendications: arrêt des poursuites, mêmes avantages sociaux que
tous les autres travailleurs, indexation au coût de la vie, abolition du
statut de travailleur autonome, salaire minimum égal aux autres
travailleurs. C'est pourquoi toutes les associations sont unanimes à
dire que la seule solution du livre vert pouvant répondre à
certaines de nos revendications demeure la solution 5.1, les frais de services
obligtoires. Nous voudrions ces frais établis au taux de 15%. De plus,
pour ne pas pénaliser le consommateur, nous proposons une
réduction de la taxe de vente de 5% qui pourrait s'appliquer à
partir de 0,01 $.
Cette solution donnerait ainsi une reconnaissance et une dignité
aux travailleurs et travailleuses au pourboire du Québec perçus
aujourd'hui comme des mendiants. Elle réglerait de plus les
problèmes des avantages sociaux, du double statut et de l'indexation au
coût de la vie.
Conclusion. Nous souhaitons qu'à l'issue de cette commission
parlementaire, le gouvernement, éclairé par nos analyses, rende
justice aux 60 000 travailleurs et travailleuses au pourboire de la
province.
Dans un message publicitaire du gouvernement du Québec, ce
dernier déclarait que dans l'intérêt de tout le monde le
temps était venu de poser un geste qui démontre clairement que la
protection des bas salariés est prioritaire pour lui. Nous sommes donc
confiants qu'il sera conséquent avec ses affirmations, les
employés au pourboire étant la catégorie de travailleurs
et travailleuses la moins payée au Québec. Le temps presse,
réglons maintenant!
Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup.
Mme Nemeh (Francine): J'aimerais ajouter quelque chose. On a
voulu prendre position sur la question de la solution américaine, ce
sera très bref.
Le regroupement s'est penché sur cette question et nos
discussions nous amèment à la rejeter vigoureusement.
Décider d'un pourcentage arbitraire, par exemple 8% de nos ventes, sur
lequel nous serions imposés équivaudrait pour nous à
signer un chèque en blanc. Rien ne nous garantit que nous recevrons
effectivement ces 8% ou 7%. Avec la crise et ses conséquences sur les
pourboires, nous pouvons très bien être obligés aujourd'hui
de déclarer 8% et n'en recevoir que 7%. Dans cinq ans, si la situation
économique ne s'arrange pas, nous pourrions ne recevoir que 5% et
être toujours obligés d'en déclarer 8%. Dans la même
veine, une solution comme celle-ci ne réglerait pas le problème
de l'indexation. Notre salaire recule, il continuera de reculer. Dans
l'immédiat, nous subirions une baisse du revenu compte tenu du fait que
nous serions obligés de payer de l'impôt sur 8% et qu'il nous
resterait environ 4%.
Cette solution ne réglerait pas non plus le contrôle des
revenus des restaurateurs. Rappelons que l'inscription automatique de frais de
service sur la facture parerait à ce problème. Nous revendiquons
15% de frais de service inscrits sur la facture. Nous ne reviendrons pas sur
les arguments. La solution américaine ne répond pas du tout
à nos besoins. Au contraire, elle ferait baisser nos revenus.
Mme Vaillancourt: II y a un autre point également. On a
dit ce qu'on avait comme représentativité. On a
élaboré notre pensée sur la
représentativité. C'est le dernier point ajouté dans le
mémoire.
M. Marcouiller: Nous voulons apporter une précision
concernant la représentativité d'associations comme la
nôtre.
Oui, nous sommes représentatifs de tous ceux qui ne pourront
jamais se prononcer de peur de perdre leur emploi parce qu'ils sont en
contradiction avec leur patron. Nous avons souvent eu l'occasion de discuter
avec cette majorité silencieuse qui nous disait textuellement: Nous
sommes d'accord; c'est la solution; cela réglerait notre
problème, mais nous ne pouvons nous prononcer ouvertement; on risque de
prendre la porte. Oui, nous sommes représentatifs de ces gens.
Parlons maintenant de ceux qui n'ont pas encore reçu de compte
des ministères du Revenu. Souvent, en discutant avec certains
employés, on peut constater un désir de conserver le statu quo
ainsi que la certitude qu'ils ne seront pas touchés par l'impôt.
Quand ces gens recevront leur compte, nous serons représentatifs de
ceux-ci.
Maintenant, non, nous ne sommes pas représentatifs des
employés de restaurants comme ici, au Parlement. Ces employés ont
des conditions salariales tellement exceptionnelles, un milieu de travail
tellement particulier, un type de clientèle
tellement privilégiée que nous considérons qu'ils
ne sont pas représentatifs de la majorité des employés au
pourboire et des conditions de travail qui se vivent dans le milieu.
De plus, en juin 1982, l'ADEP Estrie complétait une enquête
dans le cadre d'un projet de développement communautaire du Canada.
Cette enquête portait sur les conditions de travail et salariales du
milieu, le taux de syndicalisation, les normes minimales, les problèmes
d'impôt et les hypothèses de solution. L'enquête a
donné comme résultat, entre autres, qu'une grande majorité
d'employés au pourboire sont pour le service inclus. Cette enquête
a été faite seulement auprès des employés au
pourboire et non auprès de l'ensemble des employés de
l'hôtellerie et de la restauration. Certaines enquêtes donnant des
résultats contraires ont été effectuées
auprès de tous les employés et nous considérons que cela
fausse la représentativité. La compilation des résultats
de l'enquête de l'ADEP-Estrie n'est pas terminée, étant
donné tout le contexte temps de ces derniers mois. Actuellement, nous
travaillons à la compilation de ces données et nous nous ferons
un plaisir de fournir les données à la commission. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup. M. le
ministre.
M. Marcoux: Je remercie les représentants du Regroupement
des associations d'employés à pourboire du Québec.
J'inviterais ma collègue, Mme la députée de Johnson,
à engager le dialogue avec votre organisme.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Johnson.
Mme Juneau: Merci, M. le ministre. Merci, M. le Président.
Premièrement, je voudrais vous remercier parce que, durant ces trois
jours, j'ai suivi tous les mémoires et je peux vous dire que vous m'avez
appris beaucoup. Comme le ministre vous l'a dit au tout début de la
commission parlementaire, mon idée n'était pas faite non plus,
mais, avec l'éclaircissement que vous nous avez fourni par vos
mémoires, je pense que ce sera plus facile pour nous de vous comprendre,
d'essayer de faire des choses et d'appliquer certaines choses de façon
plus équitable.
La première question qui me vient à l'esprit, c'est la
suivante. Dans votre mémoire, à la page 5, vous dites: "Les frais
de service obligatoires". Quand vous demandez d'appliquer les 15% sur le
service de façon obligatoire, est-ce que vous préconisez que ces
15% seraient répartis entre les serveurs et les serveuses, le
commis-débarrasseur, en fin de compte, tout le personnel de service dans
un hôtel ou dans un restaurant? Pourriez-vous répondre à
cela? Est-ce que c'est simplement pour la personne qui sert aux tables?
Mme Baillargeon (Rita): Actuellement, c'est moi qui suis
mandatée pour répondre aux questions. Concernant la
répartition des pourboires, on s'est déjà prononcé
dans les mémoires individuels, c'est-à-dire qu'au niveau de
l'ADEP Estrie on a dit qu'on trouvait inconcevable que les employés
soient obligés de payer d'autres employés pour travailler. Cela
concerne parfois les plongeurs qui sont payés et tous les gens qui ne
touchent pas au service ou qui font du service comme barmaids, quelque chose
comme cela. Là où on trouve qu'il y a un problème, c'est
quand la même table est servie par plusieurs personnes. Nous autres, on a
proposé dans notre mémoire qu'il y ait une commission
d'étude pour voir comment on pourrait répartir les pourboires et
qu'il y ait une réglementation à ce niveau. Actuellement, on sait
que c'est d'une façon très injuste. Il y a 2% ou 3% de la caisse
que les employés qui servent aux tables sont obligés de donner
soit à l'hôtesse ou à la barmaid. Cela, on ne veut plus que
ça se fasse.
Mme Juneau: Est-ce à comprendre, Mme Baillargeon, que les
autres employés qui ne sont pas des serveurs ou des serveuses, comme les
commis-débarrasseurs, les autres, ne sont pas sur la même base de
salaire que vous autres, serveurs et serveuses?
Mme Baillargeon: Non, justement. Ils ne sont pas sur la
même base de salaire. Ils ont le salaire minimum, mais ils ne sont pas
considérés au niveau salarial comme des employés au
pourboire, au niveau de l'impôt non plus. Qu'est-ce qu'on leur donne? Les
2% de la caisse ne sont pas calculés dans leurs déclarations de
revenus. Moi, je n'ai pas de reçu de cela et quand le ministère
du Revenu vient me trouver, il m'impose sur le montant global de mes factures.
Il faut que je me batte pour faire comprendre au vérificateur de
l'impôt que j'ai donné un pourcentage au
commis-débarrasseur, que j'ai donné un pourcentage à
l'hôtesse, même si elle n'est pas là des fois, que j'ai
donné un montant pour faire balayer le plancher ou à la
barmaid.
Mme Juneau: Je ne voudrais pas prolonger le débat trop
longtemps parce que je suis certaine qu'au bout de trois jours vous autres
aussi vous êtes fatigués et vous avez fait votre grosse part, mais
j'aurais une toute petite question à poser, si vous le permettez, au
monsieur de Québec. Est-ce que c'est plus facile de se regrouper en
association dans les grandes villes qu'en
région?
M. Saint-Pierre (Bernard): Non, pas du tout. C'est plus
difficile. Je dirais que s'il y a 150 000 personnes dans la région
immédiate de la ville de Québec, c'est très difficile de
rejoindre 150 000 personnes même s'il y a plus de médias
d'information qu'à l'extérieur, que dans les régions
périphériques de Québec.
M. Marcoux: II serait intéressant de savoir que la
Communauté urbaine de Québec, c'est à peu près 500
000.
M. Saint-Pierre: Je vais me limiter à 150 000. On ne
parlera pas de la communauté urbaine, je vais parler de la ville de
Québec. D'accord?
M. Marcoux: Même la ville, 300 000 à peu
près.
M. Saint-Pierre: On ne parlera pas de cela, je vais parler de la
ville de Québec pour commencer parce que là on me posait une
question bien définie.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! À
l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Vous avez la parole...
À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Polak: II parle de la ville de Québec. Oui, mais s'il
vous plaît! II ne faut pas le mépriser.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Saint-Pierre: Pour satisfaire le député de
Sainte-Anne, je vais englober la région de Québec, la
communauté urbaine, parlons-en. Le regroupement est difficile à
faire parce qu'il y a beaucoup de gens, c'est très
éparpillé. Tandis que dans une région comme l'Estrie, la
région est grande, mais le mouvement est parti de Sherbrooke, comme on a
essayé de le partir de Québec, mais on s'est étendu
ailleurs dans les autres régions de la province, on est allé
à Sept-Îles, à Baie-Comeau, à La Malbaie, à
Mont-Joli, tout cela. C'est très difficile, mais il y a de bonnes
raisons à cela, c'est que, premièrement, il y a le chantage qui
est fait par beaucoup de restaurateurs et d'employeurs vis-à-vis des
travailleurs au pourboire et la crainte qu'exercent les associations
vis-à-vis d'une hantise qui est véhiculée par les
restaurateurs, à savoir que si c'est une association, cela va devenir un
syndicat. C'est un peu cela qui fait qu'il y a beaucoup de gens qui refusent
d'adhérer à des associations parce qu'il y a du chantage de fait
à ce niveau.
Vous voulez être syndiqués, vous allez prendre la porte. On
est une association, nous ne sommes pas un syndicat. C'est ce qui nuit beaucoup
et ensuite il y a les disparités régionales parce que Sherbrooke
ne vit pas le même problème que la région de Québec.
Les gens de Mont-Joli et de la Gaspésie ne vivent pas le même
problème que ceux de la région de Québec. Ils n'ont pas la
même concentration de population. Ils n'ont pas, comment dirais-je, le
même "standing" qu'à Québec, qui est une ville de
fonctionnaires, une ville strictement gouvernementale, si on veut, tandis que
Mont-Joli, c'est une ville touristique, de même que Matane et
ailleurs.
Mme Juneau: Dans votre exposé, vous ne m'avez pas dit, par
exemple, de quelle manière vous procédiez pour avoir des membres.
Comment fonctionnez-vous?
M. Saint-Pierre: Vu les moyens financiers limités de nos
associations, parce que nous ne sommes pas subventionnés, c'est le
bouche à oreille et c'est difficile, je vous en passe un papier. Pour
convaincre un membre, tu vas peut-être passer cinq heures avec lui et
encore là il va demander à son "boss" s'il peut.
Mme Juneau: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme la
députée de Johnson. M. le député de
Vaudreuil-Soulanges. (21 heures)
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Dans votre présentation
ou en ajout à votre présentation, Mme Nemeh, je pense, a
évoqué le système américain, et cela lui inspirait
des craintes. Cela a été proposé comme solution par
certaines personnes. J'ai cru comprendre que vous aviez peur, que même
dans les cas où vous n'aviez pas reçu 8%, ce qui pourrait
être spécifié dans la loi ou les règlements, vous
seriez quand même tenu de payer l'impôt, comme si vous aviez
reçu 8% des ventes, à titre de pourboire; ce n'est pas du tout ma
compréhension de la loi américaine qui entre en vigueur à
la fin de l'année. Il est question de... D'abord, il y a une remise,
cela s'apparente beaucoup à la troisième solution qu'il y a ici.
C'est la deuxième solution, la déclaration faite -pardon, la
troisième - par l'employé à l'employeur, qui déduit
l'assurance-chômage, etc., la "social security" aux
États-Unis.
Dans les cas où, en faisant les recoupements, par les rapports
d'impôt de l'employeur et des employés, on s'aperçoit que
les employés ont déclaré moins que 8%, qu'il y a moins que
8% quant aux déductions, à ce moment-là, il y a une raison
pour aller y voir de plus près. L'employé doit démontrer
si, effectivement, il prétend n'avoir reçu que 6,5%, que c'est
véritablement, à l'aide des dossiers, des
factures, etc., qui sont disponibles, qu'il ne doit pas être
taxé quand même pour plus que ce qu'il a véritablement
reçu. C'est-à-dire que cela n'enlève pas l'obligation, qui
existe encore aujourd'hui qu'on doit quand même, lorsqu'on déclare
des revenus ou qu'on prétend qu'on n'en a pas beaucoup, pouvoir le
démontrer. Cela est vrai pour tous les contribuables. Dans ce sens, je
n'ai pas saisi, j'ai eu peur que vous pensiez véritablement qu'un tel
système vous désavantageait, alors qu'en réalité,
il y a contribution de l'employeur, etc.
Mme Nemeh: J'ai peut-être mal compris la façon dont
ce système s'articulerait, mais, même si c'était le cas, de
la façon que vous le mentionnez, cela n'enlève pas les autres
désavantages dont nous parlions, qui sont l'indexation qu'on n'aurait
pas et le fait que nous paierions l'impôt sur 8%, ce qui nous laisserait
peut-être à peu près 4% de revenu.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Avec l'indexation, c'est
toujours 8% du coût des repas, qui, eux, montent.
Mme Nemeh: Oui, mais le pourboire, avec la crise, n'augmente pas
automatiquement avec le coût des repas; c'est cela notre crainte.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Dans ce sens, oui.
Mme Baillargeon: Je voudrais savoir, concernant le système
américain, ce qu'on a mal compris. Il semblerait que M. le
député ne perçoit pas cela de la même façon
que nous. Nous, on a compris que dans le système américain il y
aurait un pourcentage automatique à déclarer. Expliquez-nous en
quoi cela consiste?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Non, les règlements de
la loi américaine qui sera en vigueur le 31 décembre
prévoient que les établissements perçoivent les
déclarations des employés, d'abord et donc, sur la foi de ces
déclarations, font les déductions, font les contributions
auxquelles ils sont tenus, comme employeurs, et qu'éventuellement,
lorsque les rapports d'impôt sont produits, le secrétaire au
Trésor, en pratique le ministre du Revenu là-bas, regarde, si,
à l'égard des pourboires, les employés ont
déclaré ce qui est l'équivalent de 8% du volume des
ventes.
Mme Baillargeon: Qu'est-ce que c'est la différence avec ce
que je viens de dire? C'est qu'il s'attend qu'on déclare 8%.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est cela. Et, si c'est 8%, on
l'accepte, cela finit là, on ne vous harasse pas.
Mme Baillargeon: Si, ce n'est pas 8%?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Si ce n'est pas 8%,
l'employé, comme tous les contribuables en Amérique du Nord, est
tenu de démontrer...
Mme Baillargeon: Mais, s'il ne fait pas 8%? C'est exactement ce
qu'on dit dans notre mémoire, on l'a très bien compris à
ce moment, M. le député. On a compris le système. On
s'attend à ce que les employés au pourboire déclarent 8%;
même si on ne le fait pas, on s'en fout-
M. Polak: Mais ils font 8%. Mme Baillargeon: Pardon? M.
Polak: Ils font 8%.
Mme Baillargeon: C'est faux, monsieur. Il y a des restaurants qui
font 10%. Nous croyons qu'il y a des restaurants qui peuvent faire 12% ou 15%,
cela peut exister; on dit, nous, que c'est une minorité. Ici, par
exemple, au Parlementaire, on considère, que c'est vraiment une
exception et que les restaurants qui font des pourcentages aussi
élevés que cela sont des exceptions. Si, vous voulez que je vous
parle d'expériences personnelles, comme cela a l'air de toucher
beaucoup, c'est que, dans le milieu du restaurant... Je travaille dans un
restaurant moyen le pourcentage de factures que je fais, c'est de 6%, monsieur.
Vous pouvez être sceptique, mais venez travailler chez nous pendant six
mois...
M. Polak: Je vais manger souvent, je me fais servir...
Mme Baillargeon: Monsieur, vous évaluez, parce que vous
laissez un pourcentage de tant, que tout le monde le fait; vous devriez
peut-être venir travailler; vous verriez qu'il y en qui viennent manger
avec leur petite famille et qui nous laissent 0,50 $.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Sainte-Anne, de toute façon, n'avait pas la parole; que je sache, il ne
m'avait pas demandé la parole. C'est le député de
Vaudreuil-Soulanges qui l'avait.
M. Polak: Je n'ai rien dit.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est très simple. Dans
le fond, c'est pour vous vous rassurer. J'ai entendu - on pourra lire le
journal des Débats, je ne veux pas en faire un plat - que vous aviez
exprimé la crainte que la disposition des 7% ou des 8% qui seront dans
la loi américaine obligerait l'employé à être
taxé sur 7% du volume de
ventes. Ce n'est pas le cas. Tout ce que je vous dis, c'est que c'est
une présomption à savoir si, oui ou non, il y a enquête.
À ce moment, un inspecteur ira vérifier sur place de façon
plus poussée si, effectivement, les pourboires sont aussi faibles que
l'employé le déclare dans son...
Mme Baillargeon: Comme le pourboire ne peut pas être
vérifié, voulez-vous me dire ce que cela change à ce qu'on
vit actuellement? Il faudrait me l'expliquer en détail, je ne comprends
pas. Si je sais que je fais 6% ou 7%, je vais essayer de le prouver au gars,
mais il ne me croit pas. Plus les factures augmentent, plus notre pourcentage
diminue. Cette année, j'ai de la difficulté à le
convaincre que je fais 7%, il ne me croit pas. L'année prochaine, je
sais que je vais faire moins dans le contexte qu'on connaît
actuellement.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): En l'occurrence, ce que
j'ajouterais, c'est que cela demanderait la complicité... Il faudrait
que, dans le cas qui vous préoccupe, l'employeur déclare des
ventes qui sont supérieures à ce qu'elles ont été
véritablement si l'employé fait ses déclarations
exactement et déclare 6%. À chaque repas que vous servez, vous
recevez 6%. À la fin du mois, vous déclarez à votre
employeur: J'ai fait 6% sur le chiffre de vente. Quand il va faire son rapport
d'impôt - il sait son chiffre de vente - le ministre du Revenu va voir
qu'il déclare tant, il va faire le recoupement. Il va dire: C'est 6%, et
vous avez déclaré 6%.
Mme Baillargeon: L'année suivante, alors que je constate
que je fais 5,8%, et l'année suivante, alors que je fais 5,7%.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Même chose.
Mme Baillargeon: Je ne comprends pas votre système.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): II y a même une
disposition qui prévoit - je ne veux pas entrer dans les détails
techniques -que cela peut descendre...
Mme Baillargeon: Vous ne répondez pas de toute
façon au sujet de l'indexation au coût de la vie.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
L'effet que vous avez mentionné, que lorsque le coût du
repas monte, votre pourcentage relativement au coût du repas descend?
C'est ce que vous dites?
Mme Baillargeon: II descend et, en plus de cela, de toute
façon, je ne vois pas du tout comment on va pouvoir prouver au
ministère du Revenu qu'on ne fait pas les montants qu'ils s'attendent
à nous voir déclarer. Ils s'attendent à quoi? À
15%, vous à 16%?
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Sainte-Anne, avez-vous demandé la parole?
M. Polak: Non, pas du tout.
Le Président (M. Gagnon): Ah bon!
M. Polak: Je réponds à une question de madame. Je
suis bien impressionné par son...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Sainte-Anne...
M. Polak: Sur le plan humain...
Le Président (M. Gagnon): ... il y aurait toujours
possibilité de vous adresser aux invités. Vous n'avez qu'à
demander la parole.
M. le ministre.
M. Marcoux: J'aurais une première question à
adresser aux représentants de PRO-RESTEL. PRO-RESTEL est un regroupement
d'associations de travailleurs et travailleuses au pourboire. Pouvez-vous nous
définir votre "membership" pour tout cela? C'est parce que d'autres
groupes ont parlé de vous lors des journées antérieures.
J'aimerais connaître davantage votre représentativité et
savoir combien de personnes vous regroupez actuellement.
M. Saint-Pierre: D'accord. PRO-RESTEL est une association
à but non lucratif incorporée sous la troisième partie de
la Loi sur les compagnies du Québec, donc au même titre que la
FNACQ ou que l'Association des consommateurs du Québec,
c'est-à-dire qu'elle n'a aucun but lucratif, à savoir faire de
l'argent. Après ce qui a été véhiculé par
une certaine personne ici mardi, à savoir que nous étions
l'antichambre de quelque syndicat, par ces affirmations gratuites, on a
confirmé les craintes qui hantaient M. le ministre, à savoir que
c'était un syndicat de boutique. C'est tout ce que j'ai à
dire.
M. Marcoux: Combien regroupez-vous de personnes actuellement?
M. Saint-Pierre: Actuellement, on n'en regroupe pas tellement
à cause d'un maraudage qu'il y a eu.
M. Marcoux: Ce n'est pas un reproche. Combien en regroupez-vous?
500? 200? 1000?
M. Saint-Pierre: Non, beaucoup moins
que cela. Le nombre a diminué d'autant que la syndicalisation
s'est faite chez les membres.
Une voix: Deux, trois...
M. Saint-Pierre: Non, plus que cela, sinon je n'aurais pas les
moyens de me payer un habit pour pouvoir venir ici, à ce point.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): Excusez-moi, je...
M. Polak: ... je n'avais pas l'intention de poser une question,
mais cela me choque parce que Mme Baillargeon, je m'en rappelle, la
première journée, parce qu'à ce moment, elle
représentait une association de l'Estrie, et maintenant elle est dans la
fédération... Est-ce vrai que vous, personnellement, vous faites
6%?
Mme Baillargeon: Je vous l'ai dit. Vous mettez en doute ce que je
vous ai dit.
M. Polak: Non, mais cela me surprend, parce que j'avais compris
mardi - vous avez fait la distinction, selon l'ancien principe de belle, pas
belle, toutes sortes de choses avec lesquelles je ne suis pas d'accord parce
que moi je ne fais pas cette distinction. Savez-vous, on avait parlé
entre 10% et 12%. Vous, vous dites je fais 6% et le gouvernement, le
ministère du Revenu vient dire: Voici, selon le livre vert, on va vous
cotiser 15%. Comment vas-tu être capable de prouver que vous avez fait
justice?
Mme Baillargeon: Comment je suis capable de le prouver,
dites-le-moi.
M. Polak: C'est ça que je demande. C'est encore pire pour
celles qui ne sont peut-être pas aussi bien situées que vous. Cela
est grave.
Mme Baillargeon: Je me permets de le prendre pour un compliment,
merci, mais il reste que cela prouve que ce qu'on a dit, c'est que quand il
s'agit de prouver, on n'a pas de critères.
M. Polak: Cela me choque.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Sainte-Anne. M. le ministre, je vous redonne la
parole.
M. Marcoux: Vous affirmez, dans le mémoire, à la
page 4, que le pourboire au
Québec est très mal perçu par le client. Je suis un
peu étonné de cette affirmation. Évidemment, je pense que
vous pouvez soutenir cela. Moi je pourrais soutenir autre chose. C'est
difficile à prouver. C'est une question de perception, mais, en tout
cas, j'ai rarement entendu des commentaires contre le fait que les pourboires
existent ou voulant que le client québécois perçoive mal
l'existence de pourboires. Disons que cela m'a surpris comme affirmation dans
votre mémoire. Il y a une chose qui m'étonne aussi; c'est que
vous indiquiez, d'une part, que si, par exemple, l'esprit de la loi
américaine était appliqué ici avec les 8%, quelle que soit
la façon dont elle serait appliquée, cela correspondrait pour
vous, pour plusieurs, en tout cas, à une baisse de salaire. D'autre
part, il y a une toute autre logique développée dans l'ensemble
des mémoires que vous avez présentés qui suppose que le
salaire que vous avez actuellement, comme pourboire, est supérieur
à cet élément. D'ailleurs, vous l'affirmez dans
quelques-uns des autres mémoires que vous évaluez
vous-mêmes à environ 10% des revenus de pourboires. Là je
pense qu'il y a un problème, en somme, je ne sais pas, de
cohérence entre quelques-uns des mémoires qui ont
été défendus précédemment par vos
organismes.
À la suite de la question qui a été posée
par ma collègue de Johnson, dans le fond, j'ai été un peu
troublé par votre réaction sur la répartition des 15% ou
des 10% ou 12% lorsque ma collègue vous a demandé quelle est
votre attitude face à cette répartition par rapport aux
employés directement affectés au service. Si j'ai bien compris,
vous disiez - là je veux dire par rapport à l'espèce
d'équité sociale de justice que vous revendiquez dans l'ensemble
des mémoires - j'ai trouvé votre réaction rapide,
carrée et drue en ce qui nous concerne. Les 15% doivent aller là.
À un moment donné, quand je compare les différences de
salaires entre ceux qui sont autour de vous autres parce que vous êtes
dans un même bâtiment comme une même entreprise où
d'autres sont payés au salaire minimum, 4,50 $ à 5 $, 5,50 $, 6
$, et que même en admettant que vous doublez votre salaire horaire, le
salaire minimum par le pourboire, on atteint quand même autour de 6,50 $.
En tout cas, j'ai des problèmes de conciliation d'attitude un peu qui ne
m'étaient pas apparus lors de la présentation de vos autres
mémoires, mais à la suite de la question de ma
collègue...
Mme Baillargeon: On va commencer par la perception du pourboire
par le client. Je ne sais pas si on s'est bien expliqué. Ce qu'on
voudrait vous dire, c'est que le client qui va dans un restaurant ne
perçoit pas le pourboire comme un moyen pour la fille de se
compléter un salaire décent. D'accord? Il
le perçoit comme un montant qu'il va lui laisser pour se payer un
petit peu de luxe. Est-ce que ce que je dis est clair? Le client...
M. Marcoux: C'est beaucoup plus clair que dans le texte. On peut
être en accord ou en désaccord sur le fait que pour l'ensemble des
Québécois, lorsqu'ils laissent un pourboire, pour eux, est-ce
qu'ils sont conscients que cela fait partie du salaire, que c'est un
complément de salaire ou si c'est simplement une bon!fication marginale?
On peut discuter. D'accord, c'est plus clair, cela va pour cela. (21 h 15)
Mme Baillargeon: II s'agit juste de savoir combien de gens savent
qu'on fait en bas du salaire minimum. Les gens ne le savent pas.
Deuxièmement, vous demandez comment il se fait qu'avec les 8% - la loi
américaine - on considère que cela baisserait nos salaires. En
supposant qu'on soit obligé de déclarer les 8%, il faudrait payer
de l'impôt là-dessus. On n'est pas sûr de faire les 8%, mais
en supposant qu'on paie de l'impôt sur les 8% qu'on ne fait même
pas, que va-t-il nous rester, en pourcentage, de nos pourboires? Est-ce
clair?
M. Marcoux: Oui, d'accord. C'est parce que vous affirmez le
principe qu'à partir du moment où vous ne faites pas les 8%, vous
payez de l'impôt sur les 8%. Donc, vous avez une baisse de salaire.
Mme Baillargeon: Mais même si on avait...
M. Marcoux: Vous affirmez que le ministère du Revenu ou
les ministères du
Revenu vous cotiseraient pour des revenus que vous ne faites pas.
Mme Baillargeon: Pardon?
M. Polak: ...
Une voix: C'est grave.
Mme Baillargeon: Mais en supposant que vous nous mettiez une
obligation de déclarer un pourcentage - vous vous attendez qu'on
déclare 8% et vous voulez qu'on paie de l'impôt là-dessus -
que va-t-il nous rester en main, comme masse salariale? En plus, en supposant
qu'on dise qu'on s'attend de déclarer 8%, on ne parle pas de la
répartition des pourboires à ce niveau. Que va-t-il nous rester?
Est-ce que je me fais bien comprendre?
M. Blank: Les 8% de la loi américaine, ce n'est pas
obligatoire. Le gouvernement a fait une moyenne de 8% et, s'il y a des gens qui
déclarent moins que 6%, il va vérifier pourquoi. S'ils ont
raison, c'est moins. Cela peut être 6% , 5%, 4%, 3% ou 2%, mais...
Mme Baillargeon: II faut que je le prouve...
M. Blank: Mais la lumière rouge s'allume si c'est moins de
8%.
Mme Baillargeon: ... au ministère du Revenu, de la
même façon.
M. Blank: Oui, mais c'est facile.
Mme Baillargeon: Comment?
M. Blank: Vous avez les factures.
Mme Baillargeon: Comment cela, "vous avez les factures"? On a un
chiffre d'affaires.
M. Blank: On peut surveiller les factures. Il y a d'autres
personnes qui travaillent avec vous. Vous n'êtes pas la seule personne
à cet endroit. Que font les autres?
Mme Baillargeon: Comme c'est là, actuellement, nous ne
sommes pas les seules à travailler à cet endroit, mais nous
n'arrivons pas à prouver au ministère du Revenu qu'on ne fait pas
les montants qu'il nous réclame. Nous allons en groupe rencontrer les
gens des ministères et ils ne nous croient pas. Nous disons tous la
même affaire. Nous, l'expérience.... M'écoutez-vous,
monsieur?
Le Président (M. Gagnon): Oui. Il y avait quelqu'un.
Mme Baillargeon: L'expérience que nous avons vécue
- je peux vous le dire - c'est qu'on est allé, un groupe de 25
personnes, rencontrer les gens du ministère du Revenu
fédéral quand on a reçu nos comptes. Les 25 personnes
disaient toutes la même chose et ils n'ont jamais voulu croire ce qu'on
leur disait, qu'on ne faisait pas les 8% des factures. D'ailleurs, ils nous
taxaient sur 13%. Ils n'ont jamais voulu croire qu'on faisait à peine
6%. On était tout un groupe. On disait tous la même chose et on y
est allé en bloc. Alors, expliquez-moi ce que cela va changer à
ce qu'on vit actuellement. Bon!
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Hull.
Mme Baillargeon: Je n'ai pas fini de répondre. M. le
ministre Marcoux avait d'autres questions. J'aimerais savoir si vous êtes
d'accord.
Le Président (M. Gagnon): Allez-y.
Mme Baillargeon: Le monsieur disait qu'il n'était pas
content de la façon dont j'avais réagi au niveau de la
répartition des pourboires, c'est-à-dire que je dis "je", mais
j'implique les gens aussi. Au niveau de la répartition des pourboires,
quand il s'agit de donner les pourcentages de nos factures à la plonge
en arrière, à des cuisiniers, à des hôtesses,
à des barmaids et à des petits gars qui balaient le plancher,
allez m'expliquer pourquoi je suis obligée de payer ces employés.
Là où je suis d'accord pour qu'on réévalue et qu'on
fasse une réglementation pour la répartition des pourboires,
c'est là où il y a plusieurs personnes qui vont servir aux
tables. Il y en a un qui va servir l'apéritif. L'autre va servir le
repas. L'un va faire la flambée. L'autre apporte le dessert. L'autre
sert le café. Là, c'est vrai qu'il faudrait qu'il y ait une
réglementation et qu'on pense à une répartition des
pourboires puisque les personnes ont servi à la même table, mais
quand il s'agit de payer le plongeur, je ne vois pas pourquoi je lui donnerais
un pourcentage. Est-ce clair?
Le Président (M. Gagnon): Oui, oui. Est-ce terminé,
avec M. le ministre?
Mme Baillargeon: Oui, oui.
M. Marcoux: Je vous remercie d'être venue présenter
un mémoire au nom du Regroupement des associations d'employés au
pourboire du Québec.
Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie beaucoup,
Mesdames et Messieurs, de cette présentation.
J'inviterais maintenant le Parti québécois de
Montréal-Centre à prendre place.
Oui. M. Cristel. Bienvenue à cette commission. Je vous
demanderais de présenter les gens qui vous accompagnent et de faire la
lecture de votre mémoire.
Parti québécois de
Montréal-Centre
M. Paquin (Pierre): Mon nom est Pierre Paquin. Je suis
accompagné de Denis Lachance et Hélène Lachance. On a
travaillé ensemble à ce mémoire. Il y a une annexe,
j'espère qu'elle circule; on l'a donnée aux gens en
arrière pour la faire circuler, parce qu'on a désiré
apporter des modifications au mémoire à la fin. Si vous n'en avez
pas pris connaissance, de toute façon, je vais lire le texte en fonction
de ces modifications. Vous l'avez?
M. le Président, M. le ministre, madame et messieurs les
députés. Dans l'organisation du Parti québécois, la
région de Montréal-Centre représente le coeur du
Montréal métropolitain. C'est un ensemble de 17 comtés au
sein desquels on retrouve quelque 4500 établissements de tous genres,
hôtels, bars, restaurants, fournissant du travail à environ 20 000
employés rémunérés au pourboire, syndiqués
dans une proportion de 12%.
Parce que son territoire est un des principaux sites touristiques et le
lieu gastronomique par excellence au Québec, et parce qu'il maintient un
contact permanent avec la population qu'il représente et dont il
désire ardemment refléter les réalités et les
espoirs, le Parti québécois de Montréal-Centre
s'intéresse à la situation complexe et à maints
égards désolante des travailleurs au pourboire
québécois.
Le présent mémoire n'est pas un exposé exhaustif de
la situation des travailleurs au pourboire et nous n'avons pas, non plus, la
prétention de cerner le dossier dans tous ses aspects. Il s'agit
plutôt d'une prise de position claire et franche en faveur d'une
catégorie de travailleurs particulièrement vulnérables en
cette période économique troublée que nous devons
traverser présentement, prise de position qui nous amène à
reprendre certains arguments majeurs et à soutenir certaines
revendications importantes, tout en émettant des hypothèses de
travail qui, à notre sens, constituent des éléments de
solution intéressants à l'intérieur de ce dossier.
Nous nous en tiendrons dans notre propos, vous le comprendrez
aisément, aux aspects de la problématique relevant des actions et
de la compétence du gouvernement du Québec, notre approche se
préoccupant des éléments suivants: l'impôt
provincial, les avantages sociaux, le Régime de rentes du Québec,
la santé et la sécurité au travail, la situation des
femmes et la normalisation du salaire minimum. En bref, nous aspirons à
rendre aux travailleurs au pourboire un plein statut de travailleurs avec tous
les avantages, droits et reconnaissance habituellement dévolus aux
travailleurs ordinaires. Techniquement, cela signifie l'abolition pour le
travailleur au pourboire de la notion périmée de travailleur
autonome. La fin, par conséquent, de l'ambiguïté issue du
régime du double statut et la reconnaissance du principe selon lequel le
revenu déclaré d'un travailleur doit être
l'équivalent de son revenu réel, ni plus, ni moins.
Comme on peut le constater, les problèmes soulevés
relèvent en effet de la juridiction de plusieurs ministères
québécois et seules la concertation et la volonté
politique de tous les intervenants de donner aux travailleurs au pourboire les
mêmes droits qu'à tous les travailleurs ordinaires peuvent venir
à bout d'une situation que trop
de gens déplorent et qui maintient trop de nos concitoyens et
concitoyennes dans un état de travailleurs de deuxième ordre,
sous-payés et non protégés. Nous espérons que notre
contribution saura être utile au redressement souhaité. C'est dans
cet esprit de collaboration et de sérénité que nous vous
soumettons nos réflexions.
Les travailleurs au pourboire et l'impôt. On retrouve dans le
livre vert sur la situation au Québec des travailleurs et des
travailleuses au pourboire le passage suivant: "Au Québec, il n'existe
aucune législation concernant le contrôle ni la distribution des
pourboires." Cependant, en 1940, la Loi du salaire minimum a établi des
taux horaires et des heures de travail applicables à chaque zone et
à chaque catégorie d'industrie. Un taux horaire particulier
s'applique donc aux travailleurs et travailleuses au pourboire." L'une des
conséquences de ces aménagements pour les travailleurs au
pourboire est le fait que ceux-ci ne déclarent que 10% ou 15% de leur
revenu de base en salaire propre, au chapitre des pourboires, règle bien
établie et reconnue par toutes les parties depuis longtemps. Pourtant,
il nous apparaît que, dans une situation normale, le travailleur doit
déclarer 100% de ses revenus de tous ordres pour fins d'impôts. Le
pourboire étant considéré comme un revenu pour le
travailleur, pourquoi, alors, n'en déclarer qu'une portion? Cette
situation dure et perdure avec la complicité, entre autres, du
ministère du Revenu du Québec à cause de ce taux horaire
particulier, c'est-à-dire d'un salaire minimum de deuxième ordre,
fixé actuellement à 3,28 $ l'heure, auquel les travailleurs au
pourboire sont assujettis et qui, de surcroît, a perdu environ 40% de sa
valeur en termes de pouvoir d'achat réel depuis juillet 1976, tandis que
pour la même période le salaire minimum normal perdait 32% de sa
valeur. Cette tolérance est donc en quelque sorte un acte de
compensation de la part du ministère, reconnaissance implicite d'une
injustice à corriger.
Depuis environ deux ans, le ministère du Revenu du Québec
a entrepris une véritable chasse aux sorcières dans le but de
récupérer des sommes qui auraient été
versées en impôt non prélevé sur les revenus en
pourboires de très nombreux travailleurs au pourboire au cours des
années antérieures. Nous comprenons bien qu'en période de
crise le gouvernement doive tout mettre en oeuvre pour maximiser ses revenus
insuffisants, mais l'opération récupération, tout en
brisant le statu quo, viole en quelque sorte un usage reconnu et accepté
de tous.
Ce faisant, le ministère, usant au besoin de mesures
d'intimidation et de coercition, procède à des demandes de
paiements rétroactifs, ce qui pénalise grandement les
employés touchés qui doivent soudainement verser au
ministère des sommes se chiffrant à plusieurs milliers de
dollars. Une telle procédure est inacceptable pour plusieurs
raisons.
Mentionnons simplement que le travailleur au pourboire doit
fréquemment verser certaines sommes d'argent à d'autres
employés, par exemple le maître d'hôtel et le
commis-débarrasseur, ce qui représente une part importante de son
revenu original dont il ne dispose plus comme revenu réel pour
lui-même, mais pour lequel il doit quand même payer des
impôts. Il en va de même des coûts d'achat et d'entretien des
uniformes dans plusieurs cas, sans parler de la pratique courante des
employeurs qui consiste à effectuer une ponction sur les pourboires afin
de défrayer les frais d'administration des paiements effectués
par cartes de crédit. En outre, notons au passage que cette situation
amène dans les faits les travailleurs au pourboire à
rémunérer directement d'autres employés de
l'établissement et à assurer des responsabilités qui
reviennent, dans une situation administrative saine, au patron.
Nous demandons au ministère de cesser les poursuites et
enquêtes déjà entreprises dans le cadre de
l'opération récupération et de rembourser aux travailleurs
au pourboire ayant effectué des versements d'impôt
rétroactifs les sommes ainsi payées, afin que cette injustice
soit réparée.
Nous demandons de plus que des contrôles plus stricts soient
instaurés sur le plan de la facturation afin de mettre un terme aux
pratiques de certains restaurateurs d'utiliser n'importe quel bout de papier en
guise de facture, ou encore d'imprimer toute une série de factures
portant le même numéro, ce qui amène le restaurateur
à ne pas déclarer les revenus de ces additions et, en
conséquence, outre le fait que le ministère du Revenu soit
berné par la manoeuvre et y perde des sommes importantes sur le plan de
la taxation, des sommes touchées à titre de pourboires ne sont
pas déclarées en entier comme revenus par les travailleurs au
pourboire.
Le revenu réel par rapport au revenu déclaré, sur
le plan des avantages sociaux. Les travailleurs au pourboire sont soumis aux
mêmes obligations que les autres travailleurs. Il serait donc tout
à fait juste, normal et convenable qu'ils bénéficient des
mêmes avantages. Tel n'est pourtant pas le cas. Par exemple, les
pourboires ne sont pas assurables pour les régimes de
sécurité sociale ni les avantages sociaux. Les travailleurs au
pourboire ont leurs congés payés au taux horaire de base de 3,28
$ l'heure, ainsi que leurs vacances. Les absences pour maladie ou autres
absences ne sont pratiquement jamais payées, même pour fins de
maternité. Les travailleurs au pourboire sont souvent dans l'obligation
d'effectuer de nombreuses tâches connexes
pour lesquelles ils ne reçoivent aucun pourboire: laver la
vaisselle, les planchers ou autres tâches comme cela.
En d'autres termes, les travailleurs au pourboire assument
eux-mêmes leur sécurité sociale, dégageant ainsi les
patrons de leur responsabilité sociale. Ils ont tout
intérêt à avoir une santé de fer et doivent essayer
de se payer des vacances ailleurs qu'à "Balconville" avec 4% de leur
trop maigre salaire horaire de deuxième ordre.
Enfin, les travailleurs au pourboire ne possèdent aucune
sécurité d'emploi et sont victimes plus souvent qu'à leur
tour de congédiements abusifs relevant bien plus des caprices de
l'employeur que de la compétence de l'employé ou de la
qualité de son travail. Les femmes sont encore plus vulnérables
que les hommes à ce chapitre, si l'on considère le
harcèlement sexuel dont elles sont victimes tant de la part de la
clientèle à qui elles doivent surtout plaire que des patrons, les
congédiements ou pertes d'emploi, quand on veut être poli, pour
cause de maternité et le chantage à l'emploi pour le cas
où la travailleuse oserait se plaindre ou tenter de se faire respecter.
On le voit bien, dans ce monde de travailleurs de seconde classe que sont les
travailleurs au pourboire, les femmes n'ont le droit qu'à des miettes de
seconde classe également, étant plus démunies et moins
considérées que leurs confrères mâles.
Nous demandons donc pour les travailleurs au pourboire la
sécurité sociale et les avantages sociaux qui leur reviennent de
droit et ce, par rapport à la totalité de leurs revenus
réels, pourboires inclus.
Le Régime de rentes du Québec. La portion du revenu que le
travailleur touche comme pourboire n'étant pas assurable pour les
avantages sociaux et les régimes de sécurité sociale, les
travailleurs au pourboire se trouvent à payer, à cet
égard, une cotisation dont le montant est nettement inférieur
à celui qui serait versé proportionnellement à son revenu
réel. En conséquence, les prestations et indemnisations
auxquelles ont droit les travailleurs au pourboire s'en trouvent
diminuées considérablement, autre injustice flagrante qu'il
convient de compenser au plus tôt pour des raisons humanitaires et
sociales évidentes.
Les accidents du travail. Le serveur ou la serveuse, de par ses
attributions et à cause de ses conditions de travail (transport de plats
au contenu brûlant, stress, nécessité de tout faire vite,
obligation d'accomplir plusieurs tâches variées en même
temps) est plus exposé que bien d'autres travailleurs de
l'établissement à un accident du travail.
Lorsqu'il a un accident du travail, le travailleur au pourboire est
compensé en fonction de son revenu réel total, à savoir le
salaire de base et les pourboires. Cependant, il incombe au travailleur au
pourboire d'établir la preuve de ces pourboires, ce qui demande une
attestation de l'employeur, lequel refuse le plus souvent de collaborer, entre
autres, à cause des pratiques douteuses citées plus haut au
niveau du mode de facturation.
La situation des femmes. Les femmes représentent environ 60% des
travailleurs au pourboire de l'industrie de l'hôtellerie et de la
restauration et on les retrouve majoritairement dans les petits
établissements de 20 employés et moins. Dans ces petits
établissements, le chiffre d'affaires et, par conséquent, les
pourboires, de même que l'importance relative du pourboire par rapport
à la somme facturée, sont généralement moins
importants que dans les établissements de plus grande envergure et ce
sont ces petites entreprises qui portent le moins de respect aux normes du
travail concernant tant les heures régulières que le temps
supplémentaire, tant les taux horaires que les avantages sociaux de tous
ordres.
Nous demandons donc au gouvernement du Québec de voir au respect
et à l'application des normes minimales du travail dans l'industrie afin
que les travailleurs au pourboire bénéficient, entre autres,
d'une demi-heure de repos à toutes les périodes de cinq heures
travaillées car le chantage à l'emploi, les diverses pressions
des employeurs et autres modes de dissuasion empêchent ces
employés de faire valoir leurs droits et de s'organiser dans un tel
climat de peur et d'intransigeance.
Une solution équitable. Outre l'ensemble des demandes
présentées tout au long du présent mémoire, nous
croyons que le problème des gens au pourboire en est un d'une
complexité et d'une importance telle qu'il appelle non seulement des
correctifs particuliers et des palliatifs ponctuels, mais une intervention
d'envergure, énergique et rigoureuse, susceptible d'amener une solution
globale à la problématique dans son ensemble.
Il s'avère évident à nos yeux que l'objectif final
est la réalisation de l'équation: revenu réel égale
revenu déclaré, et que ce revenu doit être assez
intéressant pour donner aux travailleurs au pourboire une situation de
vie et des conditions de travail décentes.
Afin de réorienter de façon significative la situation des
travailleurs au pourboire, nous croyons que la première solution
envisagée par le livre vert, savoir l'approche des frais de service
obligatoires, s'avérerait sûrement un élément de
solution fort valable. Cette note de frais automatiques pourrait
représenter 15% de la facture du client, mais, pour éviter que
celui-ci se retrouve devant une facture trop lourde, nous proposons que la taxe
de vente soit diminuée à 5% de la facture, pourboire
non inclus, pour toute facturation de repas excédant un montant
de 3,25 $.
Les avantages d'un tel choix nous semblent importants et les
désavantages réels si peu considérables que pour nous, du
Parti québécois de Montréal-Centre, cette solution
appelée communément "les 15% obligatoires" nous apparaît
comme une solution équitable pour tous à l'épineux
problème qui nous concerne.
L'ensemble des sommes versées en pourboires passe alors par la
caisse de l'employeur qui se charge lui-même de la redistribution aux
employés de l'établissement ainsi que les opérations de
comptabilité pour chacun des employés concernés. Ces
gratifications étant contrôlées, elles deviennent ainsi
assurables pour les divers régimes de sécurité sociale
ainsi que pour les fins de l'impôt et, au chapitre des avantages sociaux,
l'employeur effectuera les déductions nécessaires à chacun
de ces postes. Ainsi, l'établissement du revenu réel du
travailleur au pourboire ne pose plus de problème. Le mystère se
dissipe et les employés peuvent enfin bénéficier
pleinement de tous les régimes sociaux auxquels ils ont droit.
Les seuls intervenants défavorisés par ce choix sont les
clients qui ont l'habitude de lésiner sur les pourboires ou de ne pas en
donner du tout et les employeurs à qui incombent les opérations
de comptabilité et de redistribution en plus du fait que, dans ce
système, ce sont eux qui défraient les dépenses relatives
aux avantages sociaux sur une partie du salaire de leurs employés qu'ils
ne paient pas eux-mêmes. Nous pensons que ces mêmes employeurs sont
déjà privilégiés de ne pas avoir, justement,
à payer une part du salaire de leurs employés, qui est
assumée par leurs clients, et qu'ils auraient donc mauvaise grâce
de chercher à reculer devant leurs responsabilités sociales en
refusant, de surcroît, de payer pour les avantages sociaux s'y
rattachant.
Pour ce qui est objections soulevées par le livre vert, nous
laissons aux travailleurs au pourboire le soin d'y répondre
eux-mêmes. Ils possèdent l'expertise nécessaire et sont
mieux habilités que nous pour le faire.
En terminant, nous affirmons que le salaire minimum imposé aux
travailleurs au pourboire doit être normalisé au plus tôt,
c'est-à-dire qu'il doit être ramené au tarif de 4 $
l'heure, et ce pour plusieurs raisons. Entre autres, le travailleur au
pourboire se voit souvent dans l'obligation d'effectuer diverses tâches
pour lesquelles il ne reçoit aucun pourboire puisqu'il n'est pas en
contact avec le client à ce moment. Étant privé de son
privilège de recevoir un pourboire, il devrait bénéficier
du même salaire minimum que tous les autres travailleurs ne percevant pas
de pourboire. Ce sous-salaire minimum est très mal
protégé, comme on l'a dit tantôt, ayant perdu 40% de sa
valeur en termes de pouvoir d'achat depuis six ans par rapport à une
perte de 32% pour le salaire minimum normal. Le ministère du Revenu
lui-même, en tolérant les pratiques de déclarer 10%
à 15% seulement du revenu de base du travailleur au pourboire, a
historiquement reconnu de façon implicite que ce sous-salaire minimum
est une injustice faite aux travailleurs au pourboire, comme nous l'avons
déjà mentionné au chapitre premier du présent
document.
En conclusion, il nous est apparu important, par notre intervention,
d'appuyer les travailleurs au pourboire et leur association, l'AGAP, dans leur
démarche pour l'obtention d'un statut clair et d'un mode de calcul de
leur revenu réel conforme aux réalités qui sont les leurs.
Il nous est apparu essentiel de soutenir leur demande afin que leur soit
alloué le droit aux avantages sociaux et à la
sécurité sociale qui leur reviennent afin que leur situation soit
normalisée au plus tôt, à des fins tant humanitaires que
sociales et économiques. Il nous apparaît nécessaire de
faire nôtres les justes revendications de tout groupe de travailleurs ou
de citoyens dont la voix n'a qu'un faible écho sur la place publique,
mais qui, pourtant, ont des droits et entendent les faire valoir pour
améliorer leurs conditions de vie et de travail. C'est ainsi que nous,
du Parti québécois de Montréal-Centre, entendons jouer
notre rôle de guide auprès du gouvernement. Nous croyons donc que
ces deux solutions majeures que sont la normalisation du salaire minimum et le
système des frais de service obligatoires, encadrées des autres
revendications que nous soutenons pour les travailleurs au pourboire,
constituent un train de mesures qui, tout en apportant une solution
articulée et équitable à la problématique
étudiée ici, répond aux principes élaborés
par le livre vert relativement au redressement des trop nombreuses injustices
faites aux travailleurs au pourboire. En conséquence, nous vous
exhortons à mettre en oeuvre, sans plus de délai, les solutions
que nous vous avons présentées.
Voici le résumé de nos revendications: l'abolition pour
les travailleurs au pourboire du statut de travailleurs autonome; l'arrêt
des poursuites et enquêtes en cours dans le cadre de l'opération
de récupération des impôts et le remboursement des sommes
versées au ministère dans ce contexte; l'instauration de
contrôles plus stricts au niveau de la facturation; la
sécurité sociale et les pleins avantages sociaux auxquels ont
droit les travailleurs au pourboire; le respect et l'application des normes
minimales du travail dans l'industrie de l'hôtellerie, du tourisme et de
la restauration; l'instauration du système des frais de service
obligatoires, accompagné d'une réduction de la taxe de vente sur
les repas de 10% à 5%; la
normalisation du salaire minimum pour les travailleurs au pourboire et,
enfin, on ajoute un dernier point qui dit que le prix indiqué sur les
menus soit le prix total que le client devra débourser, incluant le prix
du repas, le pourboire et la taxe, afin d'éviter de mauvaises surprises.
Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup. M. le
ministre.
M. Marcoux: Je remercie les représentants de l'Association
du Parti québécois de Montréal-Centre d'avoir pensé
à ce problème et pris l'initiative de présenter un
mémoire sur ce sujet qui concerne - j'en suis convaincu - beaucoup de
travailleurs dans votre région et également une très large
proportion de citoyens du Québec. Je demanderais à mon
collègue, le député de Bellechasse, d'engager le dialogue
avec vous.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Bellechasse.
M. Lachance: Oui, ce sera assez bref, M. le Président.
Parmi les revendications qui sont exprimées par le Parti
québécois de Montréal-Centre, il y en a une que j'aimerais
relever. Vous préconisez l'instauration de contrôles plus stricts
au niveau de la facturation. Je ne sais pas si vous pourriez être un peu
plus précis et nous dire de quelle façon vous verriez ce
contrôle.
M. Paquin: On n'a pas de moyens précis à proposer
pour la bonne raison que notre étude n'a pas été jusque
là. On avait à couvrir tout le dossier dans un temps relativement
court. Ce qui est évident, par exemple, c'est qu'on s'est rendu compte -
je l'ai vécu comme consommateur et c'est sûrement arrivé
aussi à beaucoup de gens ici dans la salle - qu'on recevait des factures
sur de petits blocs de papier rose, vert, jaune, de toutes les couleurs, sur de
petits coins de serviettes ou sur des papiers qui, en tout cas,
n'étaient pas des factures qu'on reconnaît comme étant
celles du ministère du Revenu avec la présentation et le
numéro de série en dessous. Ce qui est évident
là-dedans, c'est: premièrement, cela nous empêche
d'établir le revenu réel de l'employeur, c'est-à-dire de
l'établissement, et par conséquent cela ne nous aide pas non plus
à voir clair au niveau du pourboire, parce qu'une pratique comme
celle-là fait en sorte, entre autres choses, que beaucoup d'argent au
niveau de la taxation n'est pas touché par le ministère parce
qu'on n'en a pas le contrôle. Ce sont les factures. Souvent, le client ne
se plaindra pas ou le client ne se préoccupera pas tellement du genre de
papier sur lequel on fait la facture: J'ai mangé, on me dit que cela
coûte 3,25 $ ou 4,50 $, peu importe, on m'apporte le papier sur lequel
c'est écrit, je paie et bonsoir.
Du point de vue du consommateur, cela n'a pas tellement d'incidence,
c'est bien certain, mais du point de vue du travailleur et du point de vue de
l'établissement, et même du point de vue du ministère, cela
a comme conséquence qu'il y a une perte de revenu importante. C'est
sûr que nous avons vu le problème, mais nous n'avons pas vu de
solution. On n'a pas eu l'occasion de se pencher assez là-dessus pour en
articuler une, mais on pense qu'il y aurait sûrement moyen de s'organiser
pour obliger les employeurs à utiliser ces factures. Il doit y avoir des
moyens de contrôle. Cela existe à d'autres niveaux avec des
billets ou des choses comme cela. Il y a beaucoup d'endroits aussi où
les factures, ce sont des coupons de caisse. C'est un autre problème. Il
n'y a pas tellement de contrôle, ce n'est pas numéroté, que
je sache, mais il y a sûrement moyen d'instaurer un système de
contrôle. Cela ne devrait pas être tellement difficile
techniquement, mais ce qu'on sait, c'est que c'est un problème et qu'on
a pensé intéressant de le relever, parce que cela fait partie de
la problématique, le problème de base étant qu'on n'est
pas capable d'établir le revenu précis de ce monde.
M. Lachance: Je crois que vous avez soulevé un
problème intéressant, mais si vous trouvez le truc ou la
façon de le résoudre, je vous en prie, ce serait
intéressant de le connaître, parce qu'à la lumière
de ce qu'on a appris au cours des trois jours de cette commission
parlementaire, il semble que ce soit extrêmement difficile de trouver un
moyen absolument hermétique et efficace.
J'aurais une question importante à vous poser. Lorsque vous
faites des recommandations pour améliorer le sort des employés au
pourboire, vous énumérez une série
d'éléments. J'en retiens seulement deux: l'instauration du
système des frais de service obligatoires et la normalisation du salaire
minimum. Même si cela s'accompagnait simultanément d'une
réduction de la taxe de vente, reconnaissez-vous que l'adoption de ces
deux mesures provoquerait inévitablement une hausse du prix des
repas?
M. Paquin: Dans le cas de la normalisation du salaire minimum,
c'est possible. Dans le cas de l'instauration des frais de service
obligatoires, j'en doute, parce que en écoutant les discussions autour
des mémoires qui ont précédé le nôtre -parce
qu'on passe au septième rang aujourd'hui - j'ai cru comprendre...
M. Lachance: Je parle bien des deux propositions ou des deux
revendications que vous faites. Si j'ai bien compris, vous les revendiquez
simultanément, les deux en
même temps.
M. Paquin: Oui. Pour ce qui est des frais de service
obligatoires, cela semble représenter une hausse de 2,5% du coût
des repas. C'est ce que j'ai entendu, il en a été pas mal
question aujourd'hui. On semblait s'entendre autour d'un chiffre qui variait de
2% à 3%. On demande simultanément une baisse de la taxe de vente
de 5%. Je ne suis pas fort en chiffres, je risque de me tromper, mais nous
sommes 2% en-dessous du prix actuel.
Pour ce qui est du salaire minimum, cela pourrait se refléter par
une hausse du prix des repas, j'en conviens. Il s'agirait de faire une
étude et de voir. Ce qu'on a essayé de voir, évidemment,
c'est l'aspect social du problème en se disant: Ces gens sont souvent
mis en situation d'être privés de leur privilège de
percevoir le pourboire, qui est le privilège en vertu duquel on leur
donne le salaire minimum de 3,28 $. Je ne sais pas effectivement si cela aurait
une incidence. Je me doute que oui, mais ce que je me dis, c'est: Est-ce que le
jeu en vaut la chandelle? Il faudrait faire des calculs pour établir le
coût de cela, chose qu'on n'a pas pu faire, parce qu'il est bien clair
qu'on ne dispose pas de ce renseignement. C'est plus le ministère qui
dispose de cela.
M. Lachance: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Hull.
M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Je ne vous
demanderai ' pas d'identifier la totalité de vos membres. Vous n'avez
sûrement pas de fichier sur chacun de ces membres.
M. Marcoux: C'est la GRC qui en a. M. Rocheleau: Ah
bon!
M. Marcoux: Pour savoir où sont rendus nos membres, on va
à la GRC et elle nous fournit ce renseignement.
M. Rocheleau: C'est pour cela que vous en avez sur les
autres.
Regroupez-vous une association assez importante dans
Montréal-Centre?
M. Paquin: À l'oeil, dans Montréal-Centre, il y a
17 comtés. Je peux faire une moyenne conservatrice de 1000 membres par
association de comté. Cela représenterait un chiffre que je
pourrais avancer sans me tromper de 20 000 à 25 000 membres pour le
Parti québécois de Montréal-Centre, l'ensemble des 17
comtés. C'est probablement même plus que cela. (21 h 45)
M. Rocheleau: Je trouve un peu curieux le fait que le Parti
québécois présente un mémoire, cela m'oblige
à vous poser une question, à savoir, si vous vous parlez encore
entre le gouvernement et les associations de comté?
M. Paquin: Cela m'oblige à vous demander: À quand
remonte le dernier mémoire présenté par le Parti
libéral?
M. Rocheleau: Ne vous en faites pas, on est dans tout le
Québec, nous, dans toutes les associations. On se fie
énormément partout à nos commettants.
M. Blais: Eux, ils n'ont pas de mémoire.
M. Paquin: Cela m'oblige aussi à vous faire remarquer que
l'on se parle encore -j'ai même rencontré avec d'autres
collègues, le ministre Marcoux, il y a une dizaine de jours - que
malgré tout, je crois important justement de ne pas se parler en vacuum,
mais de venir ici, parce que je pense toujours, malgré le genre de
représentations que je reçois, que même un
député libéral peut apporter quelque chose dans le
dossier.
M. Rocheleau: Vous avez souligné un point qui revient
souvent dans l'ensemble des mémoires qui ont été
déposés. Vous demandez que soit clarifiée le plus
rapidement possible la question des impôts perçus chez les
employés ou les serveurs, et les serveuses. Cette question est aussi
soulevée dans nombre de mémoires. Je crois, de plus en plus, que
la commission a permis à l'ensemble de ceux qui ont soumis des
mémoires de revendiquer auprès du ministre du Revenu, de
tempérer sur l'identification qu'on peut pratiquement appeler, parce
qu'on a traité beaucoup de harcèlement sexuel, cela semble un
harcèlement du ministère du Revenu auprès des serveurs et
des serveuses au pourboire. J'espère, que le ministre du Revenu va
retenir, dans l'ensemble des mémoires présentés,
l'objectif que semble poursuivre aussi la teneur de plusieurs de ces
mémoires. En terminant, on vous remercie.
M. Paquin: Je vous remercie aussi.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Terrebonne.
M. Blais: Une petite question, si vous me permettez.
M. Paquin: Absolument.
M. Blais: Personnellement, j'aimais mieux la première
version de la correction, à la page 9, partir de 0,00 $ au lieu de 3,25
$. Je désire vous poser une question à
ce sujet. Bien sûr, les associations défendent les
employés, et les restaurateurs entre eux défendent leur position.
Il y a une chose qui est constante: Cela fait au moins trois ans, sinon quatre
ans, que le salaire minimum est à 3,25 $. Alors, dans la restauration
3,25 $ quatre ans après, c'est 4,62 $ à la défense du
restaurateur lui-même. Il essaie, depuis ce temps, de tenir son repas
à 3,25 $ sans taxe et c'est un repas semblable depuis quatre ans; ce que
je voulais vous faire remarquer. Est-ce qu'à ce moment-là - il y
a deux façons d'agir, soit qu'on mette la taxe à zéro ou
qu'on décide d'indexer les 3,25 $; les deux positions s'affrontent -
mais est-ce que vous avez pensé à ce côté aussi, du
côté du restaurateur lui-même?
M. Paquin: Oui, et on voit bien que c'est un défi de plus
en plus grand de fournir quelque chose de nourrissant et de potable pour 3,25
$, vous avez parfaitement raison là-dessus. Nous, on avait pensé
à partir de zéro, dans un premier temps, pourquoi a-t-on
rectifié la trajectoire? C'est qu'on s'est rendu compte, a un moment
donné, que ceux qui vont manger des repas à 3,25 $, c'est offert
dans les menus du jour, cela s'adresse aux gens qui n'ont pas beaucoup de
temps, et pas beaucoup d'argent pour manger parce qu'ils doivent manger au
restaurant pour le dîner, par exemple, en travaillant, cinq jours par
semaine. Cinq fois par semaine, si cela leur coûte 6 $ ou 7 $ chaque
fois, cela mange leur profit; ça ne vaudra plus la peine de travailler.
Alors, on s'est dit: On va toucher, à ce moment-là, par la
taxation, des gens qu'on ne devrait peut-être pas taxer. On devrait
maintenir cette exemption tout simplement, parce qu'on s'adresse à des
gens qui, premièrement, n'ont pas beaucoup de moyens;
deuxièmement, n'ont pas le temps et pas le choix finalement: ils doivent
aller au restaurant le midi. Probablement, que, s'ils pouvaient faire
autrement, ils le feraient, mais ils n'ont pas le choix. Dans ce sens, je
favoriserais plutôt qu'on indexe effectivement le niveau de base à
partir duquel l'exemption va se manifester.
M. Blais: Question de principe, je suis d'accord avec vous. Il
est préférable qu'il n'y ait pas de taxe, mais quand même,
pour être équitable, si on avait un représentant, disons,
de McDonald, qui nous disait que les deux tiers des gens qui mangeaient
là payaient au-dessus de 3,25 $ quand même. Cela veut dire, que
l'an prochain, il y aura peut-être 80% ou 85% du monde qui mangera
au-dessus de 3,25 $, en payant la taxe de toute manière. Votre
première position ne serait-elle pas mieux? Et je vous demande, une
deuxième fois, de le mettre à zéro. Malgré qu'on
ait tendance, lorsqu'on est dans le parti à vouloir enlever de la taxe,
quand on est au gouvernement, on a tendance à réaliser un peu
plus que parfois, il faut en mettre.
M. Paquin: Moi, je vais aller plus loin. Ma position personnelle
est effectivement celle de la première version.
M. Blais: Ah! Bon! Merci.
M. Paquin: Nous autres, on travaille en comité et,
à l'intérieur du comité, une position contraire s'est
manifestée et s'est avérée majoritaire. Moi, je me rallie
au comité et je présente la version que tout le monde a
décidé d'amener.
M. Blais: Moi aussi, je serai solidaire de la solution qui sera
adoptée par la commission parlementaire à laquelle j'assiste
actuellement et je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre
délégué au Travail.
M. Fréchette: M. Paquin, je vous réfère
à la page 7 de votre mémoire, au dernier paragraphe qui traite
des accidents du travail dans le secteur des travailleuses et des travailleurs
au pourboire. Votre affirmation est d'ordre très général.
Vous dites: Voici des travailleurs qui sont davantage exposés que
d'autres à des accidents du travail pour des motifs que vous
énumérez. C'est une information qu'il me serait simple de
vérifier, mais, pour les fins du dossier et pour les fins du
débat que l'on tient actuellement, je me demandais si vous aviez
poussé l'exercice jusqu'à savoir dans quelle proportion cela peut
aller et la fréquence de ces accidents, quelle est la nature des
accidents qui se produisent. Si vous ne l'avez pas, je n'insisterai pas plus
qu'il ne le faut parce qu'on peut effectivement avoir ces renseignements de
façon très précise. Je vous réitère que
c'est strictement pour les fins du dossier, du journal des Débats, etc.
Avez-vous ces détails?
M. Paquin: On ne l'a pas fait de façon scientifique, on
s'est fié à nos observations. Ce qui nous préoccupait le
plus, c'était de voir que, lorsqu'il arrivait un accident à ces
gens, c'est sur eux que reposait le fardeau de la preuve, à savoir: Je
dois établir mon revenu en proportion des pourboires afin de retirer ma
cotisation. C'est contre cela ou c'est à cela qu'on s'attaque à
ce moment-ci. Savoir s'ils sont vraiment plus exposés ou non, c'est une
simple observation qui n'est pas scientifiquement vérifiée. On
pourrait le faire, il se pourrait qu'on ait tort, mais, à mon sens,
même si on s'était trompé sur le dernier paragraphe de la
page 7, ce qu'on demande au premier paragraphe de la page 8 demeure valable et
demeure un problème à
résoudre.
M. Fréchette: L'affirmation que vous faites est plus en
fonction des avantages sociaux que peut retirer le travailleur ou la
travailleuse au pourboire à la suite d'un accident qu'en fonction de
l'évaluation dont je vous parlais: le nombre, la nature, la
fréquence, etc.
M. Paquin: Si on me demande une solution, je ne suis pas du tout
- je n'en ai pas la prétention - un expert en sécurité du
travail, mais, il y a sûrement...
M. Fréchette: Non, non.
M. Paquin: ... des moyens de s'organiser pour que ce soit plus
sécuritaire. Mais cela, je le dis franchement, me dépasse. Pour
ce qui est d'établir un revenu, cela reste un problème, mais cela
me dépasse moins.
M. Fréchette: D'accord, merci.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre du Revenu.
M. Marcoux: J'aurais une première question et une ou deux
remarques. Je suis heureux de constater que vous avez une position centrale en
ce qui concerne le niveau de la taxe de vente et son prolongement.
M. Paquin: Ce n'est pas Montréal-gauche, c'est
Montréal-Centre.
M. Marcoux: Je voudrais savoir combien de personnes ou
d'associations... J'aimerais connaître le type de consultation que vous
avez menée auprès de vos membres. Est-ce au niveau des
associations de comté que vous avez mené votre consultation, au
niveau du conseil régional, au niveau de l'exécutif
régional? Jusqu'à quel niveau avez-vous fait des consultations
par rapport à ce mémoire?
M. Paquin: C'est au niveau du conseil régional.
M. Marcoux: D'accord.
M. Paquin: En jargon, cela veut dire des représentants de
chaque comté.
M. Marcoux: Des présidents de comté plus
l'exécutif.
M. Paquin: Nous autres, on le sait, mais il y a peut-être
d'autres personnes qui ne le savent pas. Enfin... Mais c'est au niveau de
l'exécutif régional et du conseil régional que cela s'est
passé.
M. Marcoux: D'accord. Concernant la diminution de moitié
de la taxe de vente que vous proposez et de l'arrêter, comme c'est le cas
actuellement, à 3,25 $, il y a une chose que je peux vous dire: Parmi
ceux qui sont partisans de l'abaisser à 0,01 $, vous avez parlé
de moyens tantôt pour lutter contre les fuites fiscales. Un des arguments
- cela ne veut pas dire que cela doit être l'argument déterminant
- contre les fuites fiscales veut qu'en généralisant la taxe de
vente sur les repas à l'ensemble des repas, à partir de 0,01 $,
à ce moment-là, le contrôle sur la taxe de vente, sur
l'application de la facturation serait beaucoup plus facile et éviterait
des fuites fiscales. Plusieurs représentations nous ont
été faites dans ce sens-là indépendamment de la
partie patronale ou par des travailleurs durant ces deux ou trois jours. Je
pense que c'est un élément que vous pourriez
considérer.
Quant à la chasse aux sorcières, on s'en est
déjà parlé il y a quelques semaines, on en a parlé
durant ces trois jours et je n'ai pas l'intention de me répéter,
je sais que vous avez assisté à une bonne partie de nos
discussions et sur les points que j'ai pu préciser sur l'ensemble du
dossier. Je peux vous assurer que nous sommes très sensibles aux
problèmes humains que des personnes ont pu vivre à la suite de
l'intervention du ministère du Revenu. De façon globale,
toutefois, je dois vous dire que je trouve que vous en demandez beaucoup.
Quatre dollars, disons, le salaire minimum égal pour l'ensemble des
employés au pourboire. Quinze pour cent de frais de service obligatoires
et, en plus, de couper en deux la taxe de vente en ne l'abaissant pas! Vous
prenez à peu près toutes les revendications diverses qu'on a
entendues, vous faites le paquet et vous dites: Nous autres, on veut le paquet.
De façon générale, la plupart des groupes qui sont
intervenus demandaient un ou deux des trois ou quatre éléments
dont vous parlez. En tout cas, à moins que ma mémoire ne
faillisse, je n'ai pas vu un groupe qui demandait tout le paquet. Je vous
suggérerais d'en rediscuter dans un conseil régional.
M. Paquin: J'ai deux remarques là-dessus. Je suis
conscient qu'on en demande beaucoup, mais je pense que ces gens ont besoin de
beaucoup, d'une part, et, d'autre part, la petite chose qu'on pourra obtenir,
quelle qu'elle soit, sur l'ensemble de la liste, ce sera déjà une
amélioration. Si vous pouvez aller le plus loin possible, vers la plus
grosse amélioration possible, on ne vous en fera pas la remarque s'il
reste un point ou deux sur la table.
M. Marcoux: On s'entend.
Le Président (M. Gagnon): Madame,
messieurs du Parti québécois de Montréal-Centre, on
vous remercie pour votre... Oui, madame?
Mme Lachance: J'aurais peut-être quelque chose à
ajouter.
Le Président (M. Gagnon): Oui.
Mme Lachance (Hélène): J'ai assisté à
la commission parlementaire depuis trois jours. On a discuté durant
cette commission, durant les trois jours; les normes minimales du travail sont
revenues sur le sujet dans presque tous les mémoires, mais sans vraiment
qu'on y aille plus profondément. Moi, j'ai douze ans d'expérience
dans la restauration et l'hôtellerie comme serveuse et,
dernièrement, j'ai relevé de la loi 126 des normes minimales du
travail qui touchent les gens au pourboire, ce que je considère que j'ai
vécu au mois de juillet, dans un restaurant - et je le nomme - la Casa
grecque, rue Prince-Arthur. Les normes minimales du travail ne sont pas
respectées, c'est ce qu'on a dit depuis le début de la
commission, que je sache, et je suis d'accord avec cela. J'ai eu
l'expérience, premièrement, de recevoir, tous les jeudis, une
paie pour laquelle on me demandait, dans la matinée, le nombre d'heures
faites la semaine précédente? Je ne l'ai pas noté. Je ne
l'ai pas pris en note à tous les jours. Je dis: J'essaie de calculer
comme il faut. D'accord, j'ai fait 35 heures la semaine dernière. Il va
faire la paie en haut pour tous les employés, mais il demande cela juste
aux trois filles. Pas aux 35 gars parce qu'il y a 35 Grecs dans la place qui
travaillent pour les Grecs et il y a trois Québécoises. Vous
voyez la minorité.
Il nous amène une paie dans une enveloppe brune, des enveloppes
de la banque. On ouvre l'enveloppe, c'est de l'argent comptant. Sur
l'enveloppe, c'est marqué Hélène, c'est tout. Donc, pas de
talon de paie et, selon la Loi sur les normes du travail, le patron est
obligé de te remettre un talon de paie. En plus, sur cette enveloppe, il
n'y a pas de déductions inscrites. Alors, tu ne sais plus où tu
t'en vas. Si tu demandes un talon de paie, il te dit: La semaine prochaine, ce
n'est pas prêt, ce n'est pas important. D'accord. Ensuite, à cet
endroit, on payait, le midi, 2 $ pour le laveur de vaisselle, le soir 3 $ pour
le laveur de vaisselle. La différence c'était que le midi, les 2
$ qu'on donnait au laveur de vaisselle, on les lui donnait en main propre; le
soir - étant donné qu'il y a plus d'employés,
c'est-à-dire une vingtaine d'employés au pourboire sur le
plancher -c'était 3 $ qu'on remettait au patron qui, lui, était
supposé les remettre, à la fin de la semaine, au laveur de
vaisselle. Je ne sais pas si pouvez vous imaginer que 30 employés au
pourboire, le soir, à 3 $ chacun, tous les jours, je pense que cela paie
le salaire complet de deux ou trois laveurs de vaisselle.
Et ce n'est pas tout. On faisait parfois des semaines de 52 ou 60 heures
parce que, nous, les filles, on est engagées sur des quarts, de Il
heures à 4 heures. À 3 h 55, le boss arrivait et disait: Toi, tu
restes ce soir et toi, tu restes ce soir. Ce n'était pas: Veux-tu
rester? Il n'y avait pas d'avis donné une journée d'avance. On le
lui avait déjà demandé, mais il n'en était pas
question. Tu n'avais pas le choix, si tu ne restais pas, eh bien on te disait:
D'accord, cela ne fait plus ton affaire? Bang!i Alors, on restait, ce qui
faisait que, parfois, sept jours ou huit jours de travail d'affilée sans
congé nous amenaient facilement à 52 ou 60 heures par semaines en
six ou sept jours. On n'était pas payées à temps et demi
après 44 heures et, selon moi, les normes minimales du travail en
parlent.
Ensuite, j'ai laissé ce travail au bout de trois semaines. Que ce
soit au bout de trois semaines ou un mois, on a droit à 4% de ce qu'on a
fait. Je suis allée m'informer au bas de l'échelle pour faire une
plainte à la Commission des normes du travail - je l'ai faite et je l'ai
ici - avant d'aller chercher ma paie, mes 4% et mon "slip", le papier pour
l'assurance-chômage. Nous étions trois filles qui avions
lâché en même temps ce jour-là. Nous étions
littéralement vidées, plus capables de se faire piler sur les
pieds et de manger de la "marde", excusez le mot. Nous sommes allées,
toutes les trois, à la Commission des normes du travail et sommes
retournées la semaine suivante chercher notre paie, nos 4% et notre
papier d'assurance-chômage. Il était évident qu'en
lâchant la "job", je ne m'attendais pas à ce qu'il écrive
"manque de travail" sur le papier d'assurance-chômage. J'en étais
très consciente. Mais il est arrivé avec son livre des
employés et, à chaque page, un employé était
inscrit avec les heures qu'il faisait chaque jour, les déductions faites
sur son salaire et tout. J'en ai déduit que je n'étais même
pas inscrite dans ce livre. Il m'a demandé mon nom.
M. Marcoux: Les noms de vos deux autres compagnes
étaient-ils inscrits dans ce livre?
Mme Lachance: Mes deux compagnes étaient là depuis
plus longtemps, un mois ou deux mois et elles étaient inscrites dans le
livre, mais pour les trois semaines où j'ai été là,
les paies et les déductions des deux filles n'étaient pas
inscrites dans leur page, ce qui veut dire que, durant ces trois semaines, il
s'était brassé quelque chose. À ce moment-là, il
m'a demandé mon nom, mon adresse et mon numéro de
téléphone. Je
lui ai dit: Écoute, c'est supposé être dans le livre
en entrant. Je n'ai jamais vu la couleur de ce livre depuis que je suis ici. Il
a dit: D'accord. Combien t'ai-je versé la première semaine? J'ai
dit: Écoutez, monsieur, il y a trois semaines, les heures que j'ai
faites? Ce n'est pas un horaire régulier, je veux dire que c'est
supposé être de Il heures à 4 heures du lundi au vendredi,
mais je travaille du lundi au dimanche de Il heures à minuit ou 1 heure,
deux ou trois fois. Il n'y a rien de régulier là-dedans. J'ai
dit: Je ne le sais pas, c'est à peu près. Je ne le sais pas. Ce
n'est pas à moi de vous le dire. C'est à vous de le savoir. Il
m'a dit: Combien je te donnais comme paie, pour la deuxième semaine,
t'en rappelles-tu? Et pour la première semaine, t'en rappelles-tu? Il a
fait cela aux trois filles. On a dit un peu la même chose: Ce n'est pas
à nous de te dire combien tu nous a payé. Tu es supposé le
savoir. Et quand, justement, il s'apprêtait à nous donner nos
paies - je pense que je l'ai mentionné avant - il nous demandait combien
d'heures on avait faites durant la semaine. Ensuite, j'ai dit: Oui, mais nos
4%? Comment allez-vous évaluer nos 4%? D'après moi, c'est
impossible d'évaluer les 4%, si tu n'as pas les chiffres des paies que
j'ai eues pendant trois semaines. Il m'a remis un chèque de 4%, soit un
peu plus de 15 $, mais en chèque, cette fois-ci. J'ai dit: De toute
façon, je ne sais pas où vous les trouvez; franchement, cela me
dépasse. On ne lui avait pas dit qu'on était allées porter
plainte à la Commission des normes du travail.
À ce moment-là, automatiquement, l'inspecteur va à
la Casa grecque et s'informe; les 30 employés grecs de la place, dont
les patrons sont grecs, ont témoigné que je n'avais jamais
travaillé le soir. Alors, dites-moi si, en cinq ou six jours, je n'ai
jamais travaillé le soir, comment puis-je avoir travaillé pendant
52 à 60 heures? C'est impossible. J'ai été très
étonnée; il me semblait que j'avais travaillé le soir,
mais eux disaient: Non, on ne l'a jamais vue le soir, elle n'a jamais
travaillé pour nous le soir. L'inspecteur est allé voir dans les
livres, mais il n'y avait rien d'inscrit. Quand j'étais allée
chercher ma paie, ils m'avaient donné 4% dans les airs. Les livres
étaient complets, se basant probablement, pour ma déduction, sur
4%; dans trois semaines, comment il pourrait répartir son affaire pour
arriver à 4%.
Par la suite, je suis allée à la Commission des normes du
travail pour rencontrer cet inspecteur et il m'a dit: Avez-vous des preuves?
J'ai dit: Monsieur, on me payait comptant, on me donnait une enveloppe sur
laquelle était inscrit Hélène -sans même mon nom de
famille - et sans aucune déduction inscrite, aucun talon de paie, alors
que le talon de paie semble être exigé à la Commission des
normes du travail, c'est dans la loi. Je pourrais même vous dire à
quelle page; c'est à la page 14 de la loi 126, article 46. Ce n'est pas
tous les employeurs qui remettent un bulletin de paie. C'est à
surveiller de la part des employeurs et à exiger, je vous le
mentionne.
Même dans la Loi sur les normes de travail, on dit que, si nous
travaillons moins de trois heures consécutives, nous avons droit
à trois heures de paie au salaire habituel. Est-ce vrai? C'est à
la page 16, article 58. Si on a droit à cela, comme se fait-il que dans
plusieurs restaurants - je cite encore la Casa grecque parce qu'elle ne
respecte, ni n'applique les normes minimales du travail -on arrivait à
Il heures et, à 13 heures, on nous envoyait à la maison parce
qu'il n'y avait pas assez de travail, mais on était payées pour
deux heures et il nous demandait, en plus, de revenir à 17 heures pour
aller travailler chez son beau-frère au restaurant d'à
c&té, en payant 20 $ en dessous de la table. Je pense que ce
restaurant couvre pas mal toutes les normes minimales du travail aux
employés au pourboire qui ne sont pas respectées.
Je pense que c'était important d'aller plus en profondeur parce
que, pendant les trois jours que j'ai passés ici, j'ai bien
écouté, j'ai pris de notes, mais on n'a pas fait mention de cela
en détail. Je pense que c'est à voir, c'est très important
parce qu'on n'a aucun recours. Moi, à la Commission des normes du
travail, on m'a dit: Vous n'avez pas de preuves, on ne peut rien faire pour
vous. Pourquoi? Parce que vous n'avez pas de talon de paie. Vous avez
été payée en argent, les gens témoignent que vous
n'avez pas travaillé le soir. Les livres sont à jour. J'ai dit:
Oui, le livre est à jour, mais il n'était pas à jour quand
je suis allée chercher ma paie. On m'a donné 4% inventée,
sur un chèque; donc, on a déduit que j'avais fait tant, pour me
donner les 4%.
Je n'ai pas la solution, je vous offre de penser à cette solution
qui est très importante. Pendant les douze ans où j'ai
travaillé dans la restauration, j'ai rencontré ces
choses-là très très souvent, si ce n'est pas en
majorité. Merci, M. le ministre.
M. Marcoux: Je vous remercie de ce témoignage qui s'ajoute
à certains autres que nous avons eus de particuliers ou d'individus
concernant soit des restaurateurs, soit des travailleurs au pourboire. Vous
avez raison de dire que la question des normes minimales de travail a
été, peut-être un peu plus développée
à une reprise, mais abordée quatre ou cinq fois par la bande, si
vous voulez. Je pense que vous nous avez tracé un portrait vécu
qui pose l'ensemble des problèmes. Vous savez que, durant toute la
commission, il y avait ici - et elle y est encore - une représentante de
la Commission
des normes du travail. Il y a également eu un représentant
du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Vous
pouvez être assurée que nous avions les deux oreilles ouvertes et
que nous avons l'intention de poursuivre.
Mme Lachance: Je lui en ai parlé.
M. Marcoux: Cela va. Je vous remercie beaucoup.
Mme Lachance: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre
délégué au Travail.
M. Fréchette: Remarquez, Mlle Lachance, que je ne veux pas
faire le procès d'un établissement plus que d'un autre, mais vous
nous avez dit: Ce que je suis en train de vous décrire reflète
relativement bien la situation qui existe dans plusieurs établissements.
Est-ce que vous pourriez nous dire pendant combien de temps vous avez
travaillé à cet endroit précis que vous avez
nommé?
Mme Lachance: Trois semaines.
M. Fréchette: Vous avez été à
l'emploi de cet employeur pendant trois semaines.
Mme Lachance: Oui. Comment peut-on travailler?
M. Fréchette: Non, non. Mme Lachance: En tout
cas...
M. Fréchette: Je vous pose la question, même si je
prévois déjà la réponse que vous allez me donner.
Pourquoi ne pas avoir fait la démarche de porter votre requête
à la Commission des normes dès la première semaine? Parce
que déjà, d'après le témoignage que vous êtes
en train de nous donner, vous pouviez constater qu'il y avait des choses qui,
semble-t-il, en tout cas, étaient contradictoires par rapport aux
exigences de la Loi sur les normes de travail.
Mme Lachance: Oui.
M. Fréchette: Remarquez que je devine un peu la
réponse que vous me donnerez.
Mme Lachance: Je dois répondre à cette question que
c'est depuis ce temps-là que je suis informée au maximum de la
Loi sur les normes de travail parce que, avant, je dois dire que les
restaurateurs, les gens autour, dans les restaurants où j'ai
travaillé, on n'a jamais vraiment parlé de cela, on ne s'en est
jamais vraiment préoccupé. On disait: Ce doit être correct.
Quand on n'acceptait pas des choses, pour ma part, je le disais au patron, mais
lui me disait: Écoute, si tu n'es pas contente...
M. Fréchette: Vous m'avez déjoué parce que
ce n'est pas la réponse que j'attendais.
Mme Lachance: Est-ce que je pourrais connaître la
réponse que vous attendiez?
M. Fréchette: Oui. Remarquez que, quand je dis que ce
n'est pas nécessairement la réponse que j'attendais, je croyais
que vous alliez me dire que vous n'osiez pas entreprendre la démarche
parce que vous aviez peut-être la crainte qu'en le faisant, dès
lors que vous deveniez à l'emploi du patron, vous risquiez un
congédiement rapide.
Mme Lachance: Je peux répondre là-dessus. Quand je
suis au courant de quelque chose et qu'on me met au courant de quelque chose,
j'agis en conséquence. Je l'ai fait quand j'ai été au
courant de cela, c'est-à-dire qu'après trois semaines,
étant littéralement écoeurée de cette
place-là parce que ce n'était pas vivable, pas "travaillable", me
rendant compte des conditions, je me suis dit: II faut que je m'informe. Je
suis allée au bas de l'échelle, à l'AGAP en premier, qui
m'a envoyée pour la plainte à la Commission des normes de
travail. C'est là que j'ai été le plus informée.
Maintenant, à l'avenir, quand je travaillerai dans un restaurant, si de
telles choses se reproduisent, je ne manquerai pas d'en parler. Je
réagirai tout de suite. (22 h 15)
M. Fréchette: Je suis content que vous donniez ce
renseignement parce que cela va m'amener à une autre question et ce sera
la dernière. Vous nous expliquez que vous n'avez pas agi dès le
début parce que vous ignoriez, en quelque sorte, les dispositions de la
loi et les droits que cette loi peut vous conférer. Est-ce que vous avez
le sentiment que c'est un peu la même chose chez vos collègues de
travail?
Mme Lachance: Oui, puisque les deux autres filles ont
lâché en même temps que moi et elles ont fait la même
plainte à la Commission des normes du travail. Elles continuent leur
plainte. Elles avaient quelques preuves. Elles ont noté les heures
qu'elles travaillaient par semaine, mais la Commission des normes du travail
disait que ce n'était pas encore suffisant, qu'il fallait que ce soit
à la journée: tel jour, j'ai travaillé telles heures; sans
cela, il n'y a pas de preuve. Comme les talons de paie n'existaient pas, il n'y
a pas de preuve. Je n'ai pas encore eu de nouvelles, mais, selon l'inspecteur
de la Commission des normes du travail, c'est encore en poursuite.
M. Fréchette: Dans votre cas, est-ce que vous vous
êtes, de vous-même, désistée de votre demande?
Mme Lachance: Non.
M. Fréchette: Vous n'avez pas eu un jugement de
tribunal.
Mme Lachance: Non.
M. Fréchette: Ah bon! Vous n'avez pas poursuivi la
démarche jusqu'au bout.
Mme Lachance: J'ai poursuivi la démarche jusqu'au bout,
jusqu'à ce qu'on me dise que je n'avais pas de preuve et que cela ne
mènerait à rien, parce que je n'avais pas de talons de paie,
parce que les gens témoignaient que je n'avais pas travaillé le
soir. Et si 30 Grecs témoignent contre une fille, excusez-moi, mais je
n'ai pas beaucoup de chances.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre du Revenu, vous
avez une question à poser.
M. Marcoux: Vous dites que vous avez travaillé douze ans
dans le domaine de la restauration. Dans combien de restaurants
différents avez-vous travaillé depuis douze ans? Je suis quand
même étonné qu'après douze ans de travail dans ce
secteur vous disiez que... Dès la première semaine, en fait, il
me semble que vous auriez pu voir que cela ne marchait pas dans la patente.
Mme Lachance: D'accord. Je peux répondre à cela
tout de suite. En douze ans de restauration, c'est normal, quand je commence un
travail, je vois si cela me satisfait ou pas. Évidemment, si je suis
à court d'argent et que j'ai besoin d'argent, je vais continuer pendant
deux ou trois semaines jusqu'à ce que je me trouve une autre "job" qui,
je l'espère, sera meilleure. À ce moment-là, je garde mon
emploi durant ce temps-là, mais je ne l'aime pas.
M. Marcoux: Est-ce que vous déclarez des revenus de
pourboires?
Des voix: Ah!
Une voix: Ne réponds pas.
Une voix: Objection.
Le Président (M. Gagnon): Madame et messieurs du Parti
québécois de Montréal-Centre, je vous remercie pour votre
participation à cette commission. J'invite maintenant l'Association de
cosmétologie du Québec Inc., à prendre place.
En attendant que vous preniez place, je voudrais aviser les membres de
cette commission que nous avons reçu des mémoires pour
dépôt seulement de l'Association canadienne des franchiseurs, de
l'Association des petites et moyennes entreprises & Ass., et du Conseil du
patronat du Québec. Ces mémoires ont été
reçus pour dépôt seulement.
Une voix: On siège jusqu'à quelle heure?
Le Président (M. Gagnon): Je suis disposé à
ce que vous preniez entente. Jusqu'à quelle heure, M. le ministre?
M. Marcoux: C'est un mémoire très bref.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Terrebonne, est-ce qu'il y a possibilité de discuter à
l'extérieur pour que les autres témoins puissent prendre place?
Est-ce que le groupe que j'ai appelé est présent? Oui.
Voulez-vous prendre place, s'il vous plaît? M, Tremblay?
M. Tremblay (Jacques): C'est bien cela. Bonsoir!
Le Président (M. Gagnon): Bienvenu à cette
commission. Si vous voulez nous présenter les gens qui vous
accompagnent.
Association de cosmétologie du Québec
Inc.
M. Tremblay (Jacques): M. le Président, M. le ministre,
MM. les députés, avant de vous faire la lecture de ce
mémoire, j'aimerais vous présenter deux directeurs du
comité spécial: M. Jean-Guy Dupuis, qui est à ma gauche,
et Jean-Claude Therrien, à ma droite.
L'Association de cosmétologie du Québec Inc., est une
corporation qui regroupe 250 membres, employés et employeurs du domaine
de la coiffure et de la cosmétologie de la région
immédiate de Québec. Cette association existe depuis 1946. Elle
était connue sous l'appellation d'Association patronale de la coiffure
de Québec Inc., dont le nom fut changé pour celui de
l'Association de cosmétologie du Québec Inc.
A la suite de la publication du livre vert sur la situation au
Québec des travailleurs et travailleuses au pourboire, l'association a
réuni tous ses membres et ces derniers ont étudié les
implications y contenues. Il appert que le secteur de la coiffure est
assimilé dans ce livre vert au domaine de la restauration et de
l'hôtellerie, le pourboire constituant, semble-t-il une part importante
du revenu, approche qui est inexacte, et ce, pour différentes raisons
qui seront explicitées tout au cours de cet
exposé.
Situation de la coiffure. La rémunération diffère
fondamentalement de celle des employés de l'hôtellerie et de la
restauration et elle s'applique de deux façons pour l'employé, a)
Employés d'expérience ou classés A ou B. La
rémunération d'emploi de ces employés est un salaire fixe
et une commission sur les revenus provenant de leur travail. Ces conditions de
travail sont, d'une part, incluses dans le décret de la coiffure et,
d'autre part, ces mêmes conditions existent dans les endroits non
régis par un tel décret, b) Les employés apprentis sont
rémunérés à salaire fixe qui est le salaire minimum
dans les endroits non régis par le décret et appliqué
suivant le décret dans les endroits dits zones, mais ce salaire se situe
en bas du taux du salaire minimum. Il va de soi que la
rémunération de l'employé est composée en
très grande partie par du salaire ou par du salaire et une commission.
La seule similitude qui pourrait exister entre les employés de la
coiffure et les travailleurs et travailleuses du domaine de l'hôtellerie
et de la restauration dans les conditions de travail est que les
employés apprentis dans ces endroits régis par le décret
sont payés au-dessous du salaire minimum. Il nous semble donc faux de
prétendre que le domaine de la coiffure s'apparente à la notion
des travailleurs et travailleuses au pourboire, lesquels tirent la
majorité de leur rémunération du pourboire.
Le pourboire. Une brève étude auprès de nos membres
nous a démontré que, dans le domaine de la coiffure, les
pourboires représentent, contrairement aux prétentions incluses
dans le livre vert, une infime partie de la rémunération. Le
pourcentage de la rémunération par le pourboire
s'élève en moyenne à 3%. Ce pourcentage varie suivant
principalement deux critères, soit le site et la clientèle. Ce
pourboire est d'autant plus élevé s'il s'agit d'un site à
l'intérieur d'une place renommée, d'un centre commercial ou d'une
clientèle de luxe, ou que le salon est situé dans des endroits
commerciaux, ordinaires ou dans des résidences. Cette dernière
catégorie, que l'on peut classer comme des salons appartenant à
des artisans, regroupe environ 75% de la main-d'oeuvre travaillant en coiffure.
Ce sont les salons qui emploient au plus trois employés. Les pourboires
représentent un très minime pourcentage par rapport aux autres
salons que l'on pourrait qualifier de salons de luxe. Il est à souligner
qu'en coiffure l'apprenti, de par ses fonctions à l'intérieur
d'un salon de coiffure, ne reçoit, ni ne partage de pourboires.
En résumé, le pourboire en coiffure ne constitue pas une
rémunération qui serait une condition d'emploi ou d'engagement de
l'employé face à son employeur. D'une part, le coiffeur
qualifié retire sa rémunération d'un salaire fixe et d'un
pourcentage élevé en commission sur les revenus produits par son
travail. D'autre part, l'apprenti, qu'il soit au salaire minimum ou à
salaire fixe, ne jouit d'aucun pourboire ou participation à un
pourboire.
Cependant, il nous faut tout de même prendre en
considération le fait que le ministre du Revenu, doit éliminer
toute injustice fiscale à une ou à des catégories de
travailleurs, ce qui nous amène à étudier des solutions
possibles. Étude des solutions possibles: frais de service obligatoires.
L'inclusion de frais de service obligatoires ne peut régler le
problème de contrôle des revenus par le ministère du
Revenu. Cette façon de procéder, soit d'inclure obligatoirement
un pourcentage pour les frais de service, n'empêchera pas, après
quelque temps, la rétribution par l'intermédiaire d'un pourboire.
L'expérience nous prouve, tant aux États-Unis qu'en Europe, et
plus spécialement en France où les frais de service sont inclus
sur la facture, que des pourboires additionnels sont donnés et voire
réclamés par les employés. Il suffit de voir leur
réaction lorsque vous acquittez votre facture et qu'il semble qu'il n'y
a pas de pourboire additionnel. Ils n'hésitent pas à
démontrer leur mauvaise humeur et, dans certains cas, à tendre la
main.
En coiffure, le pourcentage de pourboire étant de loin
inférieur à celui des travailleurs de la restauration, toute
fixation d'un pourcentage de frais de service obligatoire serait
irréaliste et causerait un préjudice sérieux. Ce
pourcentage de frais de service obligatoires constituerait une charge
additionnelle et directe pour le consommateur.
Le pourboire inscrit sur la facture par le client. Cette solution, quant
à nous, ne relève d'aucune façon réaliste qui
apporterait une solution. Ainsi, cette solution ne fait que déplacer la
crédibilité de l'employé vers le client, en ce qui
concerne la déclaration des pourboires dont le ministère du
Revenu veut avoir le contrôle absolu. Il est bien sûr qu'on ne peut
obliger le client à inscrire lui-même le montant du pourboire sur
la facture et, en fait, pourquoi le ferait-il alors qu'il n'y a aucun
intérêt réel? Par ce système, on oblige l'employeur
à se créer des dépenses additionnelles; donc, augmentation
de la facture sur ie dos du consommateur et on n'assure en rien la
véracité des sommes inscrites à titre de pourboires.
Déduction périodique des pourboires par l'employé.
Il ne faut pas oublier que le pourboire est une gratification d'un client face
à un service fourni par un employé. L'employeur n'a aucun
contrôle sur ce pourboire et il ne peut en avoir, même
l'employé refuse bien souvent de faire état de tous revenus
provenant de pourboires. L'employeur ne possédant aucun contrôle
sur
son employé, celui-ci, s'il est obligé de déclarer
un pourboire, déclarera ce qu'il veut bien déclarer. L'employeur,
dans ce cas, n'a aucun intérêt à vérifier les sommes
perçues par son employé à titre de pourboires et, qui plus
est, cette solution ne lui entraîne que des désavantages à
cause des coûts additionnels de comptabilité et de participation
à divers régimes sociaux, etc. Ni l'employé, ni
l'employeur ne retrouvent d'intérêt à déclarer cette
partie de leur rémunération.
Un revenu de travailleur autonome. De par sa notion même, le
pourboire étant une gratification accordée par la
clientèle à l'employé et vu le fait qu'il n'existe ou ne
peut exister de contrôle efficace de l'employeur sur ce revenu, il en
résulte que la solution à savoir que le pourboire est un revenu
de travailleur autonome nous est acceptable et recommandable. Employés
et employeurs interrogés souscrivent entièrement à cette
proposition et rejettent toute autre solution qui amènerait des
dépenses ou des frais additionnels qui ne feraient qu'augmenter une
facture sur le dos du consommateur. Les désavantages qui pourraient
exister de l'application de cette solution sont très minimes pour les
employés de la coiffure. Tel que déjà mentionné, le
pourcentage de pourboires reçus étant ce qu'il est, il ne peut
porter préjudice à l'ensemble des employés de ce secteur.
Les modalités de retenues à la source demeurent à la
discrétion du ministère du Revenu, mais l'ensemble des personnes
visées semblerait pencher pour les versements trimestriels (formule
TP-7C). Cette façon de procéder ne semble pas constituer une
difficulté quelconque pour ces employés interrogés,
étant donné les montants en jeu qui ne peuvent affecter en aucune
façon leur équilibre budgétaire. (22 h 30)
En conclusion, à l'Association de cosmétologie du
Québec Inc., employeurs et emloyés font l'unanimité sur la
solution de la déclaration des pourboires, et ce, en considérant
ceux-ci comme un revenu de travailleur autonome. L'association croit que
l'application de toute solution autre qui devrait créer des
augmentations de coûts obligatoires ou afférents à toute
autre solution ne peut être acceptée. La coiffure ne constitue
pas, comme la restauration et l'hôtellerie, un secteur dont les
employés sont laissés individuellement à eux-mêmes.
La coiffure est structurée, l'application des conditions de travail est
régie par un décret, mais là où elle n'est plus
régie, par le fait des employés, il existe des conditions de
travail qui semblent supérieures à celles des endroits
régis par le décret de la coiffure.
Le Président (M. LeBlanc): M. le ministre.
M. Marcoux: Je remercie M. Tremblay d'avoir
présenté ce mémoire au nom de l'Association de
cosmétologie du Québec Inc. Vous indiquez à la page 2,
à la première phrase, en haut: "Employés
d'expérience ou classés A ou B. La rémunération
d'emploi de ces employés est un salaire fixe et une commission sur les
revenus provenant de leur travail". Je voudrais savoir comment cela fonctionne
vraiment. Il y a un salaire de base qui est équivalent au salaire
minimum de 4 $ pour les cosmétologues ou les coiffeurs.
M. Tremblay (Jacques): Pour y répondre, je vais passer la
parole à M. Dupuis.
M. Dupuis (Jean-Guy): II faut comprendre qu'en coiffure, dans la
région 03, il y a une partie qui est régie par décret et
une partie qui n'est pas régie par décret. Si on comprend
l'ensemble des municipalités de la Communauté urbaine de
Québec où il n'y a pas de décret, où cela n'est pas
régi et aussi les sections de Montréal, de la Côte-Nord et
de la Gaspésie, la plus grande partie n'est pas régie par
décret. Si on parle de décret, c'est 4,25 $ l'heure, plus les
commissions après 300 $, ces choses-là.
M. Marcoux: La commission est-elle un pourcentage du chiffre
d'affaires?
M. Dupuis: Du chiffre d'affaires du coiffeur ou de la
coiffeuse.
M. Marcoux: De combien est-il, ce pourcentage, d'habitude?
M. Dupuis: II varie selon les montants. Si on parle de la
région régie par décret, cela commence à 300 $, 400
$ ou 500 $, de 35%, 40%, 45%, 50% et 60%. Pour vous situer très bien,
pour que vous compreniez...
M. Marcoux: D'accord. Disons que cela comprend le salaire de base
4,25 $, plus une commission sur le pourcentage du chiffre d'affaires.
M. Dupuis: Du chiffre d'affaires, oui.
M. Marcoux: Actuellement, payez-vous des avantages sociaux
à l'employé.
M. Dupuis: Sur les commissions.
M. Marcoux: Je veux dire sur la base de la commission et sur la
base du salaire minimum.
M. Dupuis: Oui, M. le ministre. M. Marcoux: Sur les
deux?
M. Dupuis: Oui, sur les deux. Ensuite, pour vous situer, pour
comprendre globablement la part imputée au budget salaires dans la
coiffure; si on prend les associations américaines qui regroupent 170
000 membres - nous n'avons pas de données exactes, mais nous avons
certaines données - aux États-Unis, sur 170 000 membres, c'est
à peu près 52%. Dans la région de Québec, il
semblerait, après consultation auprès de nos membres, qu'entre
50% et 60% du budget est imputé au budget salaires, ce qui est
énorme.
M. Marcoux: Savez-vous si la nouvelle loi américaine sur
les pourboires va s'appliquer au secteur des coiffeurs
cosmétologues?
M. Dupuis: Aux États-Unis, la nouvelle loi qui doit entrer
en vigueur le 1er janvier 1983 ne s'applique pas. Elle a été
complètement rejetée par l'Association de cosmétologie
américaine. Elle ne s'applique pas.
M. Marcoux: D'accord. Là-bas, cela fonctionne comme ici
jusqu'à maintenant, c'est-à-dire le salaire de base, plus les
commissions et l'employeur paie la part des avantages sociaux sur les deux.
M. Dupuis: Sur les deux.
M. Marcoux: Donc, il reste finalement une marge que vous
évaluez à 3% de pourboires.
M. Dupuis: Oui. Je peux vous répondre de quelle
manière nous sommes arrivés à ces 3%. J'anticipais votre
question.
M. Marcoux: Je vais vous poser la question suivante tout de
suite. Je ne comprends pas pourquoi vous vous inquiétez, si c'est
seulement 3%, les pourboires laissés en moyenne aux cosmétologues
comme aux coiffeurs et aux coiffeuses. À ce moment-là, je me dis
que le coût est tellement marginal (le coût pour les avantages
sociaux ou l'impôt supplémentaire à payer) que vous ne
devriez pas vous inquiéter.
M. Dupuis: On s'inquiète, parce que dans le livre vert,
à la page 8, dans le premier paragraphe au haut de la page, on dit - je
vais résumer, je ne lirai pas tout le paragraphe - que le pourboire
constitue également une part importante du revenu, ce qui est faux. On
n'est ici ce soir pour débattre de la restauration et de
l'hôtellerie, ce n'est pas notre domaine; notre domaine, c'est celui de
la coiffure. En assemblée, nous sommes l'association la plus
démocrate que je connaisse. Notre mémoire a été
conçu dans une assemblée générale spéciale
où il y avait 250 membres inscrits et on a eu à peu près
125 autres membres. Cela veut dire 375 coiffeurs et coiffeuses de la
région de Québec et il a été conçu en une
soirée. Le mémoire n'a pas été écrit par
nous autres; il a été écrit par un groupe, avec des
exemples concrets. Les 3% partent de nombreux exemples - il y a des coiffeurs
ici - pour une journée de travail. Si on prend l'exemple d'une
permanente - il y en a qui en ont ici - dans un salon, elle coûtera 50 $,
dans un autre 35 $; en moyenne, c'est moins d'une piastre de pourboire.
M. Marcoux: Ce que vous me dites, c'est qu'une personne qui va
chez la coiffeuse, supposons que le coût est de 6 $ ou 10 $ - je pense
que ce sont des coûts assez fréquents - sur 10$, la personne
laissera environ 0,25 $ ou 0,50 $ de pourboire?
M. Dupuis: Je vais vous corriger, vous n'avez pas compris ce que
j'ai dit tout à l'heure. On a pris la moyenne d'une journée. Si
on se base sur une coupe de cheveux à 10 $, la cliente laissera
peut-être 0,50 $, mais si on se base sur une permanente à 50 $,
elle ne laissera pas 1,50 $; souvent, cela sera moins d'un dollar. Il y a une
grosse différence entre le total de la facture et le pourcentage; c'est
pour cela qu'il faut se baser sur la moyenne d'une journée.
M. Therrien (Jean-Claude): Je suis certain que plusieurs d'entre
vous se sont déjà fait faire une permanente. Si vous payez 40 $
ou 50 $ pour une permanente, vous n'avez sûrement pas laissé 7,50
$ de pourboire au coiffeur, à part quelques exceptions.
M. Marcoux: Je vais m'informer à mes collègues qui
ont déjà eu des permanentes, quoique cela ne serait pas un
indicateur général, je l'admets. Est-ce qu'il y a
déjà eu de vos membres qui ont eu des avis de cotisation de la
part du ministère de Revenu du Québec sur les pourboires?
M. Dupuis: Je voulais en venir là. Je vais laisser M.
Therrien parler sur cela, parce qu'il est familier avec ce sujet.
M. Therrien: Je suis un de ceux-là et je crois que
plusieurs de mes confrères ont été cotisés ces
dernières années. Nous nous sommes opposés à cela.
Je crois que le ministère du Revenu attend la réponse de la
commission parlementaire, parce qu'on n'a encore jamais eu de réponse
à nos objections.
M. Marcoux: Mais vous étiez cotisés sur quelle
base: 5%, 8%, 15%?
M. Therrien: 10%.
M. Marcoux: 10% en ce qui vous concerne.
M. Therrien: Mais sur quoi on se base pour cotiser à 10%,
on se le demande.
M. Marcoux: II y en a sûrement qui ont émis des
objections auxquelles on a donné gain de cause en partie ou pas.
Finalement, à quel pourcentage cela s'est-il terminé à peu
près pour ceux qui ont réglé?
M. Therrien: Les objections?
M. Marcoux: Après discussion, comme on l'a dit pour les
travailleurs et travailleuses au pourboire dans le domaine de la restauration,
le ministère part de 15% et déduit les pourboires
partagés. Il tient compte du site, de la clientèle et, souvent,
on est arrivé, en moyenne, à 8% ou 10%. Dans votre cas?
M. Therrien: Dans notre cas, on arrive à 3%.
M. Marcoux: Vous autres, mais le ministère du Revenu, lui,
est arrivé à quoi?
M. Therrien: Le ministère du Revenu, lui, dit 10%. Mais si
vous regardez dans notre mémoire, 75% de nos membres sont des artisans.
Lorsque vous allez voir un artisan, dans n'importe quel métier, souvent,
c'est le propriétaire lui-même qui fait les travaux et le client
ne donne pas de pourboire à l'artisan.
M. Marcoux: Mais vous avez de plus en plus de salons de coiffure
qui ont 5, 6, 7 ou 10 personnes.
M. Therrien: Non, ce n'est pas la majorité. Ce sont des
exceptions à la règle, ce n'est pas la majorité. Dans plus
de 60% des salons de coiffure, ce sont des artisans.
M. Dupuis: II n'y a pas 10 ou 12 salons à Québec
qui emploient plus de 10 employés.
Il n'y en a pas 10.
M. Tremblay: La majorité, ce sont des artisans.
M. Dupuis: Nos 3%, on y est arrivé en assemblée
générale spéciale. On a fermé les portes et on a
dit: J'espère que le ministère du Revenu n'a pas mis de micro
dans les murs.
M. Marcoux: Vous m'inquiétez.
M. Dupuis: On voulait débattre du fond de la question.
J'ai animé le débat personnellement et la première chose
que j'ai dite, c'est qu'il ne fallait pas se conter d'histoires. Je peux vous
citer un exemple, parce qu'on comprend mieux avec des exemples. Une coiffeuse a
sorti un petit calepin et elle a calculé ses gains en pourboires - elle
les avait pour tous les jours. Elle arrivait à 312 $ par année
pour un chiffre d'affaires de 19 000 $ environ.
M. Marcoux: Vous pensez que, pour 312 $ par année, elle
les notait tous les jours.
M. Dupuis: Oui. Il y a des cas comme cela. C'est ce qui est
arrivé. C'est un cas véridique, c'est arrivé.
M. Therrien: On parle du cas d'un artisan; évidemment, on
ne parle pas du cas d'un ouvrier qui travaille dans un grand centre
commercial.
M. Marcoux: Non, non.
M. Therrien: C'est quand même une exception si on regarde
le nombre de centres commerciaux qu'il y a à Québec. À
Québec, comme on vous le dit, les entreprises qui ont plus de dix
employés, il n'y en a pas dix.
M. Marcoux: En somme, je vous remercie d'être venus nous
présenter votre mémoire. Ce que je retiens, même si je n'ai
pas tous les détails - et on pourrait poursuivre longtemps - c'est que
la situation de vos membres est différente de ce qui se passe dans le
secteur de la restauration ou de l'hôtellerie et que vous voudriez que,
quelles que soient nos décisions, on en tienne vraiment compte.
M. Dupuis: C'est pour cela qu'on est ici.
M. Therrien: Je suis bien content de vous entendre dire que notre
situation est vraiment différente du secteur de l'hôtellerie.
M. Marcoux: Je vous ai dit que c'est le message que vous vouliez
me passer, ce que j'avais compris.
M. Blais: II ne faut pas le tirer par les cheveux.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Hull.
M. Rocheleau: Je voudrais seulement remercier ces gens pour la
présentation du mémoire. Cela ouvre un autre volet à un
problème qui semble affecter aussi les coiffeurs et les coiffeuses,
tenant compte du fait qu'il semble y avoir eu des cotisations
de ce côté aussi, ce qui a amené en grande partie la
présentation des mémoires sur les problèmes de la
restauration. On pourrait éventuellement les retrouver dans d'autres
domaines ou dans d'autres travaux où des gens reçoivent des
pourboires. On tient à vous remercier pour le mémoire.
M. Dupuis: II y a un autre fait qu'il faudrait bien noter, c'est
que les coiffeurs et les coiffeuses sont très bien
rémunérés.
M. Rocheleau: Je vous avoue que je n'ai jamais eu de permanente
moi-même, mais si j'avais à avoir une permanente et que cela
coûtait 50 $, je ne verrais pas pourquoi je devrais donner un pourboire,
en partant de ce principe. On peut peut-être demander cela à M.
Blais.
M. Marcoux: Et vous acceptez de le donner pour un repas?
M. Rocheleau: Pour un repas, M. le ministre, je considère
que c'est dans la coutume, c'est dans la convention, dans la pratique, alors
que dans d'autres services, je pense que ce n'est pas...
M. Blais: M. le député de Hull, j'ai
peut-être une tête qui se prêterait à faire une
permanente, mais je tiens à vous dire que c'est complètement
naturel. C'est pour cela que je suis toujours un peu dépeigné.
Cela frise même le ridicule parfois.
M. Rocheleau: Cela vous va bien.
Le Président (M. Gagnon): Merci de votre participation
à cette commission et, comme vous êtes les derniers intervenants,
M. le ministre ou M. le député de Hull, je présume que
vous avez des conclusions à tirer.
Conclusions M. Gilles Rocheleau
M. Rocheleau: Je vous remercie, M. le Président.
Sûrement qu'on aimerait émettre certaines conclusions à la
suite de ces nombreux mémoires reçus, depuis mardi, tant de
syndicats, d'associations de travailleurs au pourboire, des gens de la
restauration, d'associations de restaurateurs et d'hôteliers que
d'individus et qui mettent sûrement en lumière qu'il y a des
problèmes qui existent actuellement au Québec dans le domaine de
la restauration. Sûrement que certaines solutions devront être
apportées. Souhaitons qu'elles soient les plus réfléchies
et les plus logiques possible, tenant compte du fait que l'industrie de la
restauration au Québec traverse actuellement une période assez
difficile. La majeure partie des industries au
Québec connaît des problèmes aussi.
On doit tenter d'améliorer le sort de nos employés de la
restauration. Si le livre vert a été déposé, tenant
compte de différentes options qui ont été traitées
au cours de ces derniers jours, il n'en demeure pas moins un
élément important, c'est que nous avons retenu dans la grande
majorité des mémoires une objection quasi systématique aux
avis de cotisation; on demandait soit un moratoire ou une suspension des
poursuites. Il est bien évident, M. le Président, que nous, du
Parti libéral, avons demandé une suspension des poursuites,
tenant compte du fait qu'on ne semble pas respecter l'équité dans
l'ensemble des cas et que la façon dont cela s'est fait au cours des
derniers mois ne ressemble pas du tout à une façon humanitaire de
traiter les choses. (22 h 45)
Je considère que le ministère du Revenu, au cours des
nombreuses années passées, a été complice de la
situation actuelle, vu la tolérance qui a toujours été
acceptée dans la pratique. Nous devrions possiblement penser à
tourner la page en informant tout le secteur de la restauration que les
impôts doivent être perçus, vu la réglementation et
les avis qui devraient être normalement formulés. Aujourd'hui, la
perception que fait le ministère du Revenu en appliquant un facteur
d'environ 10% dans certains cas et peut-être de 8% dans d'autres, c'est
une façon drôlement arbitraire de faire les choses. On aura
sûrement l'occasion, au cours des prochaines semaines, d'en discuter avec
le ministre du Revenu, tenant compte de l'ensemble des avis de cotisation que
fait parvenir le ministère du Revenu aux citoyens et citoyennes du
Québec, et cela à l'ensemble des travailleurs de tous les
métiers et de toutes les professions.
Je pense, M. le Président, qu'il faut tenir compte aussi d'un
phénomène très important. On a eu l'occasion d'entendre
quelques mémoires en provenance d'associations de consommateurs. Par
contre, je tiens tout de même à mettre un certain point
d'interrogation sur le fait qu'il y a 6 000 000 de consommateurs au
Québec. Nous avons eu l'occasion, au cours des derniers jours,
d'entendre certains mémoires qui représentent un certain nombre
de consommateurs regroupés à l'intérieur d'associations.
Encore une fois, vu la situation économique, je pense que le
consommateur ne doit pas être pénalisé en subissant
éventuellement une augmentation du coût de l'alimentation parce
qu'il y a environ 30% des consommateurs québécois qui
s'alimentent actuellement dans les restaurants, à cause de leur travail,
à cause de toutes sortes de raisons. Il va falloir tenir compte
sûrement de cet ensemble. J'ose espérer que le ministre de
l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme pourra se pencher sur le sujet au cours des
prochains mois, avec l'aide des autres ministères, dans le but de
poursuivre les recherches et d'approfondir certaines études ou certaines
situations ou de tenir compte de l'ensemble de la situation avant de prendre
une décision qui pourrait ni plus ni moins causer des problèmes
plutôt qu'apporter les solutions que nous recherchons.
En terminant, M. le Président, je pense que cela a
été intéressant de rencontrer ces gens qui nous ont
présenté des mémoires. Je tiens au nom de l'Opposition
à les remercier. Cela nous a sûrement éclairés et
j'espère que cela a éclairé autant le ministre du Revenu,
qui vient à peine de prendre la responsabilité de ce
ministère. Vu les nombreux problèmes qui pointent à
l'horizon, je souhaite que les recommandations qui devront être
apportées tiennent compte de l'ensemble. Sur cela, je vous dis
merci.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Alain Marcoux
M. Marcoux: Mes premiers mots s'inspireront, en fait, des
derniers propos du député de Hull, au nom de l'Opposition, pour
remercier l'ensemble de mes collègues de la qualité de leur
participation à cette commission. J'avais souhaité que mes
collègues du côté ministériel soient
impliqués concrètement, activement dans la discussion, dans le
dialogue sur chacun des mémoires et je suis heureux de constater que,
tout au long de cette commission, ils ont participé activement à
ce dialogue avec nos invités. Je voudrais les en remercier d'autant plus
que mon intention est de les associer concrètement à la
réflexion et aux propositions de solutions qui devront suivre cette
commission.
Je dois en dire tout autant des collègues du Parti
libéral. J'ai été très heureux de participer
à cette commission compte tenu du climat positif, je pense, et du
respect profond que nous avons eu pour l'ensemble des personnes et des groupes
qui ont accepté de nous présenter des mémoires. Si je veux
tenir compte au maximum de l'avis de mes collègues dans la
préparation des solutions à envisager, je peux vous assurer que
je serai attentif à toutes les suggestions qui pourront m'être
faites par les députés de l'Opposition pour essayer d'en arriver
à une solution qui, sans être parfaite, sans être
idéale, fasse le consensus le plus large possible sur une ou des
étapes à franchir immédiatement.
Évidemment, il n'est jamais agréable de parler de
fiscalité, de revenu, mais je pense que, comme nous avons posé le
problème d'une façon globale, à la fois sous des aspects
d'équité sociale, d'équité fiscale et de protection
de l'industrie touristique, pour assurer l'avenir de ce type d'entreprises, je
compte bien être le plus attentif possible aux remarques, aux suggestions
et aux avis que mes collègues et les députés de
l'Opposition voudront bien me faire dans les jours ou les semaines qui
viennent. Comme ce que nous allons toucher va fondamentalement poser un
problème de changement de mentalités de l'ensemble des
consommateurs par rapport aux travailleurs impliqués, par rapport aux
entreprises et aux propriétaires dans le domaine, lorsqu'on parle de
changements de mentalités, de changements d'attitudes, des changements
de comportements aussi fondamentaux dans les secteurs qui touchent le revenu,
qui nous touchent donc personnellement et qui touchent à
l'équité sociale, dans la mesure où il est possible
d'arriver à des consensus sur les objectifs et sur les modalités
pratiques, je pense que c'est souhaitable. C'est dans cet esprit que je
souhaiterais travailler dans les jours et les semaines à venir.
Je dois préciser - je l'ai dit à plusieurs reprises, mais
peut-être pas aussi clairement chaque fois - que mon collègue, M.
Biron, du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, aurait
souhaité participer aux travaux de cette commission, mais vous savez
qu'il a dû préparer hier, aujourd'hui et mardi la commission de
l'industrie, du commerce et du tourisme sur l'important dossier de SIDBEC et
SIDBEC-Normines. Je puis vous assurer qu'il a tenu à ce qu'un membre de
son cabinet assiste à l'ensemble de nos travaux. J'ai l'intention de
discuter avec lui, d'écouter et d'essayer d'en arriver à un
consensus sur les solutions. Même s'il n'a pu être présent
lui-même ici, je pense que le témoignage de l'Association
touristique régionale de Lanaudière cet après-midi
indiquait sa préoccupation puisqu'il a lui-même souhaité
une rencontre avec cette association touristique pour discuter du livre vert et
des perspectives qui y étaient incluses.
J'aurais le goût de poser une question à l'Opposition. M.
le député de Hull a indiqué qu'il se posait des questions
sur ce qu'était véritablement l'opinion de l'ensemble des
consommateurs du Québec par rapport aux différentes formules ou
par rapport aux objectifs que nous avions visés. Je voudrais lui
demander s'il nous reprocherait de faire un sondage sur le sujet. Je ne lui dis
pas que nous avons l'intention de faire un sondage sur le sujet, mais comme il
a, je pense, ouvert la porte à une préoccupation sur la
connaissance de ce que serait l'opinion publique par rapport aux pourboires,
aux frais de service obligatoires à l'encontre des autres formules, en
gros, je me suis permis de penser à cette hypothèse. Mais je
sais
bien que, de façon classique, l'Opposition libérale nous
reproche depuis quatre ou cinq ans de faire trop de sondages. J'aimerais qu'il
me donne une indication sur cette question, soit tantôt, soit plus
tard.
Pour revenir au contenu des journées que nous avons
vécues, je veux dire que je sors extrêmement satisfait du
déroulement de cette commission parlementaire. J'avais dit, au point de
départ, qu'en ce qui me concernait j'étais venu ici pour
écouter, que mon idée n'était pas faite. Je peux vous
assurer que je disais exactement l'état de mes réflexions sur ce
dossier. J'avais voulu donner l'assurance à chacun des groupes que nous
les écouterions avec le maximum d'attention, que nous étions
venus ici pour apprendre. Je suis heureux de noter que plusieurs de mes
collègues ont indiqué qu'ils avaient beaucoup appris au cours de
ces trois journées.
Je crois remarquer que, malgré qu'il y ait des points de
divergence, il y a aussi des points de convergence dans les discussions que
nous avons eues. Je veux noter que la majorité des représentants,
entre autres des entreprises, ont indiqué qu'ils reconnaissaient une
responsabilité sociale à l'entreprise et, donc, que - et
plusieurs l'ont indiqué aussi -le pourboire étant une forme de
revenu, une forme de salaire, ils étaient prêts à assumer
une partie des responsabilités sociales que cela pouvait impliquer.
Plusieurs l'ont reconnu explicitement en disant que la qualité du
service entraînait ou ~ pouvait entraîner une partie de la
rentabilité de l'entreprise et que, sous cet aspect-là, le
pourboire était une façon de rémunérer ou une
partie de la rémunération face à la qualité du
service. Comme la qualité du service pouvait entraîner une partie
de la rentabilité de l'entreprise et que cette qualité de service
était en partie rémunérée par le pourboire, en
somme, la vie de leur entreprise est aussi liée selon eux à ce
facteur qu'est le pourboire. En conséquence, ils sont prêts
à assumer une partie de la responsabilité sociale que cela peut
impliquer.
Je peux vous dire que je retiens des commentaires qui ont
été faits l'urgence d'agir. Je l'ai indiqué à
quelques reprises, mais je peux vous assurer que cette conviction s'est accrue
tout au long des travaux de cette commission. J'avais indiqué, au point
de départ, que la seule formule que je rejetais était le statu
quo. Je peux dire à la sortie de cette commission qu'en plus de rejeter
le statu quo - qu'un seul groupe a d'ailleurs soutenu très clairement;
peut-être deux ou trois autres informellement, mais clairement un seul
groupe - en plus de sortir avec une conviction plus ferme que le statu quo est
à éliminer, je sors aussi avec une conviction
supplémentaire à la suite des témoignages humains
particulièrement que j'ai entendus, c'est qu'il est urgent d'agir le
plus tôt possible pour éviter que d'autres travailleurs ne soient
placés dans des situations difficiles face au paiement d'impôts
qu'on pourrait dire rétroactifs, même s'ils sont dus depuis
quelques années.
Les hypothèses de travail maintenant. Si on se situe à
partir du principe de la responsabilité sociale, je crois qu'il sera
peut-être difficile de retenir une hypothèse comme celle
indiquée à 5.4, c'est-à-dire de considérer le
pourboire comme étant seulement un revenu de travailleur autonome. En
effet, à partir du moment où le pourboire constitue une
rémunération d'un travail, une forme de salaire et qu'il est
lié à la rentabilité de l'entreprise, je crois, comme
plusieurs groupes l'ont soutenu, pouvoir dire que la responsabilité
sociale y est engagée. Je peux vous assurer que, parmi l'ensemble des
hypothèses, le critère de la situation économique actuelle
de ce secteur industriel, de ce secteur commercial comptera dans la balance des
avantages et des inconvénients qu'il y aura à peser à
propos de toute formule qui devrait être mise en place. Je l'ai dit
à deux ou trois reprises, mais je pense qu'il est important, à la
fin de ces travaux, de rappeler brièvement que, indépendamment de
la conjoncture actuelle, toute mesure qui touche 80 000 travailleurs, 20 000 ou
15 000 entreprises dans le secteur de la restauration et de l'hôtellerie,
probablement 3 000 000 ou 4 000 000 de clients, ne peut être
adoptée à la légère sans en mesurer les
conséquences économiques, en plus des conséquences
sociales évidement, comme je l'ai déjà indiqué, et
des conséquences fiscales. (23 heures)
II y a une demande que je souhaiterais faire aux différents
organismes qui sont venus nous rencontrer. J'ai indiqué à
différents organismes ma volonté de recevoir des informations et
des commentaires supplémentaires. Déjà, M. Papirakis s'est
déplacé et est venu nous revoir pour nous transmettre des
informations supplémentaires. Je souhaite que d'autres groupes en
fassent autant, mais j'aurais une demande supplémentaire. J'ai
indiqué que cette commission parlementaire était, sous une
certaine forme, un lieu de concertation. Je souhaiterais que les groupes
impliqués commencent ou continuent à se parler, qu'ils continuent
le dialogue commencé ici. C'est, en fait, un dialogue à quatre
partenaires. Il y a eu des représentants des consommateurs, des
travailleurs au pourboire, des entreprises impliquées de même que
nous, comme responsables à l'Assemblée nationale de l'ensemble de
cette société. Je souhaiterais que le dialogue qui a
été commencé - je pense qu'on peut dire qu'il y a eu un
esprit de dialogue tout au long de cette commission - se poursuive. Je suis
convaincu que c'est
dans l'intérêt même des travailleurs et de
l'entreprise que nous trouvions une solution qui aille dans le sens du
progrès.
Aller dans le sens du progrès, c'est sûr que ce sont des
responsabilités accrues pour chacune des parties: responsabilités
accrues pour le travailleur qui, actuellement, ne paie pas d'impôt et qui
aura à en payer, responsabilités accrues pour le
propriétaire qui ne payait pas l'ensemble des avantages sociaux sur la
part des pourboires et qui pourrait avoir à payer une part accrue dans
ce secteur, responsabilités accrues aussi pour le consommateur,
évidemment, puisque tous frais supplémentaires finalement -
l'Opposition l'a souligné à quelques reprises et, je pense,
à bon droit - toute mesure qui sera prise retombera
inévitablement sur le consommateur.
Évidemment, comme responsables de la gestion des deniers publics
et des politiques financières et fiscales, nous avons notre
responsabilité. Je peux assurer les travailleurs et les travailleuses au
pourboire que les critiques qu'ils ont faites au ministère du Revenu, en
particulier sur la nécessité d'une meilleure information à
leur endroit, à la fois sur leurs droits et leur devoir, ont fait
réfléchir. Je peux les assurer que je songe à
l'hypothèse suivante: le ministère du Revenu a déjà
commencé à publier quelques guides, un, entre autres, sur les
artistes et sur différents secteurs de l'activité avec lesquels
le ministère du Revenu est en contact. Je peux vous assurer qu'on
songera à la possibilité de publier un guide, le plus concret, le
plus simple possible, qui pourrait indiquer l'ensemble des droits et devoirs
qui peuvent en somme toucher le travailleur ou la travailleuse au pourboire,
ceci dans le but d'accroître l'information et de donner l'information la
plus complète et la plus exacte possible.
Évidemment, c'est difficile en cinq ou dix minutes d'arriver
à tirer la ligne - je tire la ligne, M. le Président - d'une
commission aussi riche en contenu où nous avons entendu le point de vue
patronal, le point de vue des employés, le point de vue de regroupements
d'employés, le point de vue des syndicats, des associations de
consommateurs, le point de vue d'individus autant du côté des
entreprises que des employés et d'autres associations à titre
personnel ou à titre de représentantes d'un groupe de notre
société.
Je voudrais, en terminant, remercier tous ceux qui ont consacré
de nombreuses heures et probablement, dans plusieurs cas, quelques semaines,
quelques mois de travail pour se préparer à cette commission. On
a toujours le sentiment d'une certaine injustice lorsqu'on demande à un
groupe de nous présenter en trois quarts d'heure ou une heure le travail
qu'il a pris trois ou quatre mois à concevoir, mais la vie parlementaire
est ainsi faite qu'il faut résumer certaines choses. Je peux vous
assurer que, même si vous avez été condamnés
à vous résumer, nous tiendrons toutefois compte de l'ensemble de
ce que vous avez indiqué dans vos mémoires.
Mes derniers mots seront, évidemment, pour remercier les 25
groupes, environ, qui ont accepté de participer à la commission.
Également, j'indique que l'Association canadienne des franchisseurs,
l'Association des petites et moyennes entreprises & Ass., et le Conseil du
patronat du Québec nous ont transmis des mémoires, mais n'ont pu
venir les présenter. Nous tiendrons également compte des opinions
formulées dans ces mémoires qui ont été
envoyés à l'ensemble des parlementaires. Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Hull, avant de vous laisser la parole, je voudrais être certain de
pouvoir dire également trois mercis. Alors, je vais le faire
immédiatement; après cela, je vous laisserai la parole. Je
désirerais, d'abord, remercier les membres de cette commission. Je
voudrais également remercier de leur collaboration les nombreux
invités qui sont venus depuis trois jours devant cette commission; cela
a été assez facile de présider cette commission, cela a
été très agréable. Je désirerais remercier
les travailleurs, parce qu'il y a des travailleurs à l'Assemblée
nationale qui ne sont peut-être pas des travailleurs au pourboire, mais
qui nous permettent d'enregistrer les débats et de faire un travail qui
va pouvoir faire continuer la réflexion. Le ministre en aura besoin. Je
remercie ces travailleurs de leur collaboration.
Là-dessus, je voudrais vous donner la parole, M. le
député de Hull.
M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Je n'aurais pas
voulu laisser en blanc la question que me posait, il y a quelques instants, le
ministre du Revenu en ce qui a trait à la consultation, parce que j'ai
toujours été un fort partisan de la consultation, dans tous ses
modes. Je tiens à souligner au ministre que nous avons, il y a quelques
jours, fait une consultation intéressante dans l'Outaouais, plus
particulièrement à Hull. La seule chose que je pourrais souhaiter
du gouvernement, comme du ministre du Revenu, c'est que si les gens qui sont
consultés arrivent à des conclusions on respecte les conclusions
auxquelles ils arrivent. Je souhaiterais que le gouvernement soit très
attentif aux demandes qui sont faites par les citoyens de Hull, par l'entremise
du conseil municipal, en tenant compte d'un aspect économique important
aussi et d'une consultation sous une forme assez élaborée dans un
référendum. Alors, sûrement que nous serons toujours
prêts à
collaborer, à écouter les citoyens et les citoyennes du
Québec dans leurs revendications afin d'améliorer le sort de la
collectivité.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Vous avez donné un
autre mot de la fin.
M. Marcoux: Cela va être très court. Je peux
rassurer tout de suite les travailleurs et les travailleuses au pourboire: Je
n'ai pas l'intention de tomber dans la suggestion du député de
Hull d'organiser un référendum pour savoir quelle est la solution
ou quelles sont les solutions que nous devrions appliquer, parce que ce serait
pour moi, en tout cas, une mesure dilatoire qui ferait que cela pourrait
prendre quelques années, plutôt que quelques mois, avant que nous
arrivions à mettre en place des solutions concrètes. Mais, sur
l'idée de fond, je comprends le message de M. le député de
Hull qui, en fait, accepte que nous fassions toutes les consultations, quels
que soient les modes, pour arriver à la meilleure solution possible, si
j'ai bien compris sa pensée.
M. Rocheleau: Pour autant que cela ne tient pas compte de la
propagande ou de la partisanerie.
M. Marcoux: Cela, on sait que ça ne vous touche pas!
Le Président (M. Gagnon): Là-dessus, il me fait
plaisir de déclarer que la commission élue permanente du revenu a
terminé son mandat. Je prierais le rapporteur, Mme la
députée de Johnson, d'en faire rapport à
l'Assemblée nationale. La commission ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 23 h 08)