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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le mercredi 15 mars 2023 - Vol. 47 N° 3

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 11, Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d’autres dispositions législatives


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Journal des débats

11 h (version non révisée)

(Onze heures vingt-sept minutes)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 11, Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d'autres dispositions législatives.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Garceau (Robert-Baldwin) est remplacée par Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis) et Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques) est remplacée par Mme Labrie (Sherbrooke).

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, nous entendrons ce matin, pour une deuxième journée d'auditions, les organismes suivants : l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, que nous avons avec nous en ce moment, ainsi que l'Office des personnes handicapées du Québec.

Alors, bienvenue à M. Luc Martineau, président, maître.... Luc... je m'excuse, ça fait deux fois que je change votre nom de famille... M. Luc Mathieu, président, Mme Pénélope Fortin ainsi que madame... Me Pénélope Fortin, pardon, ainsi que Mme Caroline Roy, directrice, développement et soutien professionnel. Alors, bienvenue à la commission. Je vous rappelle que vous allez avoir 10 minutes pour vous présenter ainsi que pour procéder à votre exposé. Et le temps commence maintenant.

M. Mathieu (Luc) :Alors, merci beaucoup. Alors, Mme la Présidente, Mme la ministre déléguée, Mmes les parlementaires, alors, nous vous remercions pour votre invitation à émettre nos commentaires sur le projet de loi n° 11 concernant la loi modifiant la loi concernant les soins de vie et d'autres dispositions législatives.

Le droit de mourir dans la dignité est un enjeu de société de première importance, qui met en cause le droit à l'autodétermination d'une personne apte et le droit à la dignité humaine. Nous sommes à même de constater que les échanges soutenus, depuis le printemps dernier, entre le ministère de la Santé et des Services sociaux, l'Office des professions du Québec, l'OIIQ et le Collège des médecins du Québec auront contribué à permettre aux infirmières praticiennes spécialisées, les IPS, de participer activement à ces soins sensibles et délicats, dans une perspective d'accessibilité et d'interdisciplinarité.

Nos recommandations portent sur le handicap neuromoteur grave et incurable, sur les mécanismes mis en place pour procéder à l'évaluation de la qualité des soins fournis et sur l'entrée en vigueur des dispositions relatives au constat de décès. Nous saluons les modifications apportées, notamment, au Code civil du Québec visant à permettre aux infirmières et infirmiers du Québec de constater le décès d'une personne et d'en dresser le constat. Nous énonçons également certaines recommandations visant à bonifier le projet de loi, lesquelles sont formulées dans une perspective de maximiser l'accessibilité aux soins de fin de vie et dans un souci d'assurer un arrimage cohérent des mécanismes entourant l'évaluation de la qualité des soins fournis. De plus, nous saluons l'ouverture quant à l'ajout de la clientèle ayant un handicap neuromoteur grave et incurable.

• (11 h 30) •

Pour nous, l'aptitude à consentir aux soins est impérative en tout temps et reste un critère essentiel pour l'exécution d'un soin. Toutefois, les modalités de consentement à l'aide médicale à mourir doivent évoluer pour s'adapter à l'expression, par notre société, de l'importance de mourir dans la dignité, de l'autodétermination, des soins et de l'inviolabilité des droits. Ainsi...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

M. Mathieu (Luc) :...favorablement l'ajout de la possibilité, pour les personnes atteintes de maladies graves et incurables, menant l'aptitude à consentir aux soins de formuler une demande anticipée d'aide médicale à mourir.

L'OIIQ désire une fois de plus souligner l'ouverture du gouvernement de permettre aux IPS d'évaluer l'admissibilité des personnes à recevoir l'aide médicale à mourir et de pouvoir l'administrer en plus de les désigner comme professionnels compétents en lien avec la sédation palliative continue, et ce, indépendamment de leur lieu d'exercice. Nous nous réjouissons de constater que les IPS exerçant hors des établissements publics pourront également prodiguer l'aide médicale à mourir et la sédation palliative continue, tel que nous l'avions recommandé dans notre mémoire déposé en mai dernier dans le cadre des travaux du projet de loi no 38. Par cette ouverture, le Québec vient diminuer l'écart avec les autres provinces canadiennes où les IPS participent à l'aide médicale à mourir et à la sédation palliative continue, et ce, depuis 2016.

L'OIIQ salue de plus l'initiative gouvernementale concernant l'ajout des personnes atteintes d'un handicap neuromoteur grave et incurable, qui pourront formuler une demande contemporaine d'aide médicale à mourir. Les souffrances physiques et psychiques qui accablent ces personnes sont bien réelles et justifient de pouvoir recourir au soin qu'est l'aide médicale à mourir. Par cet ajout à la Loi sur les soins de fin de vie, nous respectons par le fait même le droit à l'autodétermination et le droit à la dignité humaine de ces personnes préoccupées à l'effet qu'il n'existe pas de définition précise de ce qu'est un handicap neuromoteur grave et incurable, le terme «neuromoteur» ne se trouvant pas d'ailleurs au Code criminel. Il sera donc nécessaire de s'assurer que l'ajout du terme «neuromoteur» ne vienne pas limiter l'accès à ce soin à des clientèles lourdement handicapées dont la situation médicale se caractérise par un déclin avancé et irréversible de leurs capacités et dont les souffrances physiques ou psychiques sont constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu'elles jugent tolérables.

Bien que cette avancée représente un soulagement pour ces personnes, nous recommandons toutefois qu'un groupe d'experts s'y penche afin d'établir une définition claire sur la notion de handicap neuromoteur et ainsi bien encadrer la pratique de l'aide médicale à mourir auprès de ces personnes. Nous offrons une entière collaboration pour participer aux débats et réflexions à ce sujet.

Sur ce, je vous présente notre première recommandation à l'effet que les lignes directrices soient établies par des experts afin d'assurer une définition commune et consensuelle de la notion de handicap neuromoteur grave et incurable.

Voici maintenant nos recommandations sur l'évaluation de la qualité des soins fournis. La compétence professionnelle est l'une des valeurs fondamentales du Code de déontologie des infirmières et infirmiers et elle constitue l'un des éléments essentiels à la qualité des soins et des services. Dans un contexte aussi délicat et éthique que le processus d'aide à... d'aide médicale à mourir, l'évaluation de la qualité des soins fournis prend une ampleur particulière et nécessite que nous y accordions la plus grande importance. Il ne fait aucun doute que, grâce à leurs connaissances et compétences cliniques avancées, les IPS sont des professionnels tout indiqués pour accompagner des patients ainsi que leurs familles en leur permettant de mourir dans la dignité.

Toutefois, à titre d'ordre professionnel ayant comme mission principale la protection du public, nous sommes soucieux de nous assurer que le mécanisme visant à assurer l'évaluation de la qualité des soins fournis soit déployé indistinctement du professionnel qui l'effectue de manière harmonisée et dans une perspective de collaboration interprofessionnelle.

Donc, dans cet esprit, l'OIIQ tient à manifester des préoccupations à l'égard du projet de loi qui prévoit des mécanismes d'évaluation différents en fonction du professionnel... et du lieu de prestation des soins. De fait, le projet de loi prévoit que ce sont les conseils des médecins, dentistes et pharmaciens, les CMDP des établissements qui procèdent à l'évaluation de la qualité des soins fournis par les médecins qui administrent l'aide médicale à mourir ou la sédation palliative continue dans le secteur public. Ils évaluent, notamment, le respect des normes cliniques et peuvent émettre un signalement au Collège des médecins du Québec, le cas échéant.

Pour ce qui est de l'aide médicale à mourir ou de la sédation palliative continue administrée par un médecin dans le secteur privé, le collège est responsable d'évaluer la qualité des soins fournis par l'intermédiaire du Comité sur les soins de fin de vie. Celui-ci évalue également le respect des normes cliniques puis pourrait mettre un signalement, le cas échéant. Il faut également souligner que la Commission sur les soins de fin de vie peut aussi faire un signalement au collège, si elle a un doute sur la qualité des soins fournis par la médecin.

Pour les IPS, le projet de loi prévoit que l'évaluation de la qualité des soins fournis devra être effectuée par la directrice ou le directeur des soins infirmiers de l'établissement lorsque les IPS exercent dans...

M. Mathieu (Luc) :...exploité par un établissement.

Nous avons été surpris de constater que les conseils des infirmières et infirmiers, les CII, institués au sein des établissements publics, ne soient pas impliqués dans l'évaluation de la qualité des soins fournis par les IPS, à l'instar des CMDP. En effet, selon l'article 220 de la Loi sur les services de santé et des services sociaux, le CII a notamment pour fonction d'apprécier la qualité des soins infirmiers de l'établissement. En ce sens, il nous apparaît nécessaire et primordial que le projet de loi prévoie explicitement la participation de cette instance à l'évaluation de la qualité de l'acte entourant l'aide médicale à mourir ainsi que la sédation palliative continue par les IPS. Pour ce qui est des IPS exerçant hors des établissements publics, selon le projet de loi, il incombe à l'OIIQ de procéder à cette évaluation. Alors, dans ce contexte, il y aurait alors la présence de quatre mécanismes distincts pour procéder à l'évaluation d'un même acte, en fonction des mêmes critères.

Ainsi, notre deuxième recommandation vise l'harmonisation des mécanismes pour l'évaluation de la qualité des soins fournis relativement à la sédation palliative continue et à l'aide médicale à mourir, et ce, pour l'ensemble des professionnels compétents des CII. Considérant que le mandat du CII, la direction des soins infirmiers et du CNDP consiste, notamment, à apprécier la qualité des actes posés, nous recommandons que soit infléchie la possibilité d'instituer des comités conjoints CII-CMDP pour procéder à l'évaluation de la qualité des soins fournis pour la sédation palliative continue et l'aide médicale à mourir.

Notre troisième recommandation vise à ce que le CII soit impliqué et participe au processus de l'évaluation de la qualité des soins fournis par les IPS relativement à la sédation palliative continue et à l'aide médicale à mourir dans le secteur public.

Notre quatrième recommandation propose que le terme «respectifs» soit retiré à l'article 26 du projet de loi pour permettre la constitution d'un comité conjoint OIIQ-CMQ pour l'évaluation de la qualité des soins fournis par les IPS et les médecins exerçant dans le secteur privé.

Notre cinquième et dernière recommandation porte sur les constats de décès par les infirmières et infirmiers et suggère l'entrée en vigueur immédiate des dispositions relatives au constat de décès.

Donc, nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Mathieu. Alors, nous allons débuter la période d'échange. Je vais, par contre, donner le temps aux différents groupes, parce qu'il est différent d'hier. Étant donné qu'on a deux groupes, on veut respecter le temps qui est imparti ce matin : 14 minutes pour la ministre et les députés, 8 min 24 s pour l'opposition officielle, 2 min 48 s pour le deuxième groupe d'opposition et 2 min 48 s pour la députée indépendante. Donc, j'aimerais bien qu'on puisse respecter questions et réponses incluses dans votre temps, merci beaucoup. La parole est à vous, Mme la ministre.

Mme Bélanger : Oui. Alors, bonjour, M. Mathieu, c'est un plaisir de vous revoir, bonjour, Me Fortin, Mme Roy. Je veux saluer la qualité de votre mémoire. On reconnaît là le grand professionnalisme de votre ordre professionnel. C'est très bien rédigé, c'est clair.

Alors, j'ai quelques questions, naturellement, puis c'est une... en fait, c'est vraiment sur le concept de l'handicap neuromoteur. Alors, une question, peut-être... qui va peut-être vous surprendre, mais est-ce que vous allez, dans votre réflexion... vous ne l'avez pas écrit, vous ne le recommandez pas, mais est-ce que vous avez réfléchi au fait de ne pas... de retirer... de proposer de retirer, dans le projet de loi, le thème neuromoteur?

• (11 h 40) •

M. Mathieu (Luc) :On n'est pas allés jusque là dans notre réflexion, là. Ce qui est écrit dans le mémoire, c'est ce que je vais dire, peut-être, en d'autres mots, c'est qu'il va falloir, par contre, baliser ce qu'on veut dire par thème neuromoteur, parce que la notion de handicap, c'est un.... ça peut être large, là, et dans une question aussi délicate que l'aide médicale à mourir ou la sédation palliative continue, il faut se donner des balises et s'assurer que... comment je pourrais dire ça... le consensus social qui pourrait se dégager, là, suite aux audiences de la commission puis de la loi qui sera adoptée, bien, que ce consensus-là soit soit respecté, compte tenu de la nature, comme je viens de le mentionner, là, délicate de la question.

Mais, comme on l'écrit aussi, il ne faudrait pas faire en sorte d'exclure...

M. Mathieu (Luc) :...Les gens qui correspondraient, là, qui ont des... qui ont des souffrances qui sont autant physiques, psychologiques, qui sont... qui sont intolérables. L'idée, c'est de baliser la... la Question du trouble neuromoteur, du trouble moteur grave.

Mme Bélanger : Bien, il y a deux éléments dans ce que vous mentionnez, de baliser le terme «neuromoteur», mais, en même temps, vous indiquez que par ailleurs il y a un risque que d'autres personnes, c'est comme ça que je l'interprète, ayant des handicaps et ayant des souffrances graves et inapaisantes, n'aient pas accès à l'aide médicale à mourir. Vous laissez quand même, vous ouvrez en même temps la porte en disant : Bien, il va falloir, d'un côté, bien définir le concept neuromoteur puis, en même temps, vous dites : Bien, il ne faudrait pas non plus que ça ait pour effet de... de restreindre l'accès à d'autres personnes ayant des handicaps et répondant aux autres critères, là, bien sûr.

M. Mathieu (Luc) :Oui. Bien, c'est un peu ça, parce qu'en cette matière-là il n'y a pas de... Il n'y a pas de... ce n'est pas blanc puis noir, hein? Il y a... il y a... il y a des... il y a des... il y a des éléments, c'est pour ça qu'on recommande qu'il y ait un groupe d'experts qui se penchent là-dessus, voir jusqu'où on peut aller, si on peut définir la... la... on peut bien encadrer la notion du... du handicap, là, neuromoteur grave. Parce qu'il y a... si on mettait juste «handicap», ça peut laisser de la place à... des gens pourraient percevoir que ça laisse la place à certaines dérives, là. Et pour la population, c'est... Parce que, nous, on est là pour protéger le public, bien, il faut être... il faut être soucieux de ça.

Alors, c'est un... c'est un peu le, le... la... c'est la réflexion qui nous habite, là. Je ne sais pas si, Caroline, tu voudrais ajouter quelque chose là-dessus?

Mme Roy (Caroline) : Bien non. Bien, en fait, c'est ça, c'est sûr que le Code criminel au Canada ne prévoit pas la notion de neuromoteur, donc ce qui fait que ça amène un concept qui est nouveau au Québec. Donc, il faut s'assurer de, si, le cas échéant, s'il demeure à la loi, il faut s'assurer de bien le... le baliser. Mais, si... si on n'est pas là, il va falloir aussi qu'il y ait des balises justement pour s'assurer que ça soit bien... Ça soit bien objectivable, là, ce que les personnes qui pourraient être admissibles, là... d'un handicap.

Mme Bélanger : O.K. Merci. Une autre question. Concernant le... Dans le projet de loi, la possibilité, pour les IPS, là, d'agir à même titre qu'un médecin dans le processus complet de l'aide médicale à mourir, vous avez salué, là, dans le fond, cette grande ouverture là, et je pense que c'est une très bonne chose pour faciliter l'accès aux Québécois et aux Québécoises. Mais comment entrevoyez-vous de façon spécifique la formation des IPS au niveau de l'aide médicale à mourir?

M. Mathieu (Luc) :Je vais laisser ma collègue, là, madame Roy répondre.

Mme Roy (Caroline) : Oui. Bien, d'abord, les infirmières praticiennes spécialisées sont des infirmières qui sont détentrices d'un diplôme de deuxième cycle, donc d'une maîtrise et un diplôme d'études supérieures. À l'heure actuelle, l'aide médicale à mourir est abordée dans certains programmes universitaires. C'est certain que nous, on a sollicité l'avis du comité de la formation qui, qui est un comité qui relève de l'Ordre des infirmières, et, ce qui a été recommandé, ce qu'il y a un ajout au niveau de la formation, là, de 3 à 6, à 6 h. Donc, c'est... travaille, là, avec les partenaires pour s'assurer qu'il y ait des ajustements à la formation. Mais à l'heure actuelle, les infirmières praticiennes disposent de toute la formation requise, là, pour accompagner les personnes. Donc, c'est plus au niveau, là, des dispositions spécifiques à l'aide médicale à mourir qu'il y a un ajout, là, entre trois à six heures, qui serait recommandé et qu'on va travailler déjà avec des instances pour mettre ça en place.

Mme Bélanger : O.K. Merci. Et, concernant les constats de décès, bon, vous... on le sait, là, durant la pandémie, les infirmières ont eu, donc, l'autorisation de procéder au constat de décès dans le contexte de crise de... sociosanitaire importante. Puis je pense qu'il y a eu, on vu aussi des résultats positifs de ça. Ça s'est bien passé. Vous voyez que c'est repris dans le projet de loi, pas seulement pour les personnes qui décèdent suite à un AMM, mais pour tous les décès. Alors, j'aimerais peut-être que vous abordiez un petit peu plus cette question-là, là, pour l'ensemble de mes collègues. Vous... Vous souhaitez que ce soit mis en application très rapidement. Alors, j'aimerais vous entendre, là, sur... advenant que ça soit, que le projet de loi passe, et qu'on... qu'on aille avec la possibilité du constat de décès par les infirmières. Comment vous voyez la suite, là? Parce qu'il y a des infirmières, il y en a des milliers au Québec, alors comment vous voyez ça?

M. Mathieu (Luc) :Bien, déjà, dans la formation des infirmières, c'est... c'est prévu, ça. Une infirmière, là, quand elle rentre sur le marché du travail, elle a les... Les habiletés et les compétences, là, pour constater le décès. Et pourquoi qu'on voudrait que ça soit possible, c'est pour des questions de gérer ça, de un, d'abord auprès des... des Proches qui... qui... ils ont des...

M. Mathieu (Luc) :...je pense aussi aux CHSLD, par exemple, où il n'y a pas beaucoup de médecins, et, des fois, entre le moment du décès puis pour faire le constat de décès, le temps que le médecin vienne, bien, des fois, c'est très long. Puis il nous a été reporté, puis ce n'est pas nécessairement anecdotique que, des fois, bien, vu qu'il n'y a pas de médecin, bien, on met la dépouille dans une ambulance, on apporte ça dans une salle d'urgence pour faire un constat de décès. C'est complètement inefficient en termes de fonctionnement du réseau, là, mais c'est surtout... ce n'est pas prendre soin des proches, pour qu'après ça, bien, les gens puissent commencer à faire leur deuil.

Et puis les infirmières sont tout à fait formées pour accompagner les familles, dans ce sens-là, une fois que le constat de décès, là, si jamais le projet de loi... puis on l'a vu, là, vous l'avez mentionné... en parlant de la pandémie, là, ça a amené... ça a aidé à la fluidité des activités du réseau pendant la pandémie. Et, quand ça a été mis fin, nous, on a reçu beaucoup. Les directions de soins aussi dans les établissements... beaucoup de commentaires à l'effet... parce que les gens pensaient que c'était nous qui avions mis fin à ça, mais c'était la fin d'urgence sanitaire qui faisait ça.

Alors, c'est pour ça qu'on insiste puis qu'on essaie... c'est aussi que ça soit mis en vigueur rapidement et dans l'éventualité où le projet est adopté.

Mme Bélanger : O.K. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Je pense que la députée de Laporte, vous avez des questions.

Mme Poulet : Oui. Alors, bonjour. Bienvenue à vous trois. Dans votre mémoire, vous ne parlez pas de refus, je n'ai pas lu quoi que ce soit par rapport au refus. Si une personne refuse la demande, l'aide médicale à mourir, quelle est votre position par rapport à ce niveau-là? Certaines personnes nous ont mentionné qu'il pourrait avoir une deuxième demande qu'il y ait un report. Dans notre projet de loi, on mentionne que la demande devrait être radiée dans les plus brefs délais du registre. J'aimerais vous entendre... vous entendre par rapport à ce niveau-là.

M. Mathieu (Luc) :Tu veux répondre, Caroline. 

Mme Roy (Caroline) : C'est certain qu'au niveau du refus ce qu'on veut s'assurer, c'est que ce soit peut-être clarifié pour s'assurer qu'est-ce qu'on entend par refus. Et il faudrait s'assurer qu'il y ait des dispositions advenant qu'il respecter aussi les volontés de la personne parce qu'on parle de demande médicale anticipée. Donc, s'assurer que si c'était les volontés de la personne avant d'être inapte, parce que j'ai l'impression que votre question porte sur les demandes anticipées, est-ce que j'ai bien compris?

Mme Poulet : Exactement.

Mme Roy (Caroline) : Oui. Donc, il faudrait s'assurer, en tout cas, que ça soit, à tout le moins, clarifié, la notion de refus, qu'est- ce qu'on entend, là, par la notion de refus. Et c'est sûr qu'il faut considérer la personne, là, qui pourrait avoir des manifestations cliniques qui s'attachent à sa maladie. Donc, c'est quand même des situations où c'est flou, et on devrait effectivement s'assurer de clarifier à la loi, qu'est-ce qu'on entend par refus.

Mme Poulet : O.K. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Mme la députée de Vimont.

Mme Schmaltz : Oui, bonjour, madame... M. Mathieu, madame Fortin, madame Roy.  Ma question est sur le droit à l'autodétermination, on en a parlé beaucoup hier, on en a discuté. Vous avez pris position là-dedans, naturellement, en disant que vous étiez... que vous étiez en accord avec ça. Et la question, souvent, pose sur, justement, en situation de handicap, comment on peut favoriser l'autodétermination lorsqu'on est en situation de handicap?

M. Mathieu (Luc) :Pouvez-vous préciser votre question, parce que si la personne, on comprend que la personne est apte à faire  une demande, là, d'aide médicale à mourir, ça fait que, si elle est apte, bien là, l'autodétermination, c'est elle qui va  juger si c'est approprié dans sa condition. Mais à moins qu'il ait autre chose, là, dans votre question.

• (11 h 50) •

Mme Schmaltz : Bien, en fait, ça a été... En fait, je voulais englober la notion de handicap là-dedans, parce qu'on sait que, des fois, dans certaines institutions, on peut être plus encadré, à ce moment-là, peut-être être moins informé du droit à l'autodétermination. C'est un peu ça, ma question.

M. Mathieu (Luc) :Bien, dans les... Quelqu'un qui ferait une demande, une personne handicapée, là, selon la lecture de ce qui sera adopté dans le projet de loi, qui ferait une demande, bien là, il y a un professionnel compétent, il y a deux professionnels compétents qui vont la rencontrer pour faire... pour voir si c'est la personne a toute l'information puis si elle prend une décision en toute connaissance de cause, puis voir si elle répond, entre autres, aux différents critères. Bien là, c'est là qu'il y a de l'information éventuellement qui pourrait être donnée à cette personne-là sur les choix qu'elle s'apprête... qu'elle s'apprête à faire. Toujours dans un contexte que la personne est apte, là, elle comprend ce qui lui est communiqué.

Mme Schmaltz :  O.K.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Je vais maintenant me tourner du côté, s'il n'y a pas d'autre question, je vais...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...tourner du côté...

Une voix : S'il reste du temps.

Une voix : Est-ce qu'il reste un peu de temps?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Un petit peu, en... On est terminé. Bon. C'est terminé, c'est terminé. Il reste deux minutes? D'accord. Alors, le temps est à vous. 

Mme Gendron : Parfait. Je vais être rapide, pour que vous puissiez répondre. Bonjour à vous trois. En fait, je voulais savoir : l'accompagnement des infirmières au niveau justement de l'administration de l'AMM, est-ce que la formation, d'après vous, est adéquate? Est-ce qu'ils auront besoin d'un soutien par la suite après avoir donné l'AMM? De quelle façon voyez-vous ça?

Mme Roy (Caroline) : Est-ce... Juste peut-être... préciser votre question, est-ce que vous parlez des infirmières, vous parlez des infirmières praticiennes spécialisées?

Mme Gendron : Des infirmières praticiennes spécialisées. Excusez-moi.

Mme Roy (Caroline) : Oui. Bien, en fait, à l'heure actuelle, les infirmières praticiennes spécialisées disposent de la formation requise, là, pour tout ce qui touche leur rôle, qui a été dévolu par le projet de loi n° 6, qui est en vigueur. Pour ce qui est de l'aide médicale à mourir, c'est à géométrie variable à l'heure actuelle, mais il y a quand même de la formation qui est donnée sur l'aide médicale à mourir, mais notre comité de la formation recommande à ce qu'il y ait un ajout, là, de trois à six heures pour tout ce qui est des modalités entourant l'aide médicale à mourir, un complément, là, pour la formation des infirmières praticiennes spécialisées, mais d'office, l'ensemble des infirmières praticiennes spécialisées sont formées pour accompagner la population, là, atteinte de maladies graves, et c'est plus les dispositions entourant l'aide médicale à mourir, là, qu'il y aurait un complément qui serait requis.

Mme Gendron : Merci.

M. Mathieu (Luc) :Si je peux donner un complément, le trois à six heures, c'est pour les IPS qui sont déjà en exercice...

Mme Roy (Caroline) : Exact.

M. Mathieu (Luc) :...puis qui pratiquent déjà. Et, comme l'a mentionné Mme Roy dans une réponse précédente, pour celles actuellement qui sont  en formation, celles à venir, là, il y a un travail d'arrimage, là, entre les différentes universités pour s'assurer que c'est bien couvert par l'ensemble des universités, parce qu'actuellement, comme ça a été mentionné, c'est à géométrie variable, cette question.

Mme Gendron : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup pour cet échange. Donc, pour la poursuite, justement, de ces échanges, je me tourne du côté de la députée de Westmount-Saint-Louis. Votre temps commence, la parole est à vous.

Mme Maccarone : Merci beaucoup. Bienvenue et merci beaucoup pour votre témoignage ainsi que votre mémoire. Je vais prendre la balle au bond de la question de la collègue. Si, par exemple, un patient ou une personne qui demande d'avoir de l'aide médicale à mourir décide qu'il préfère avoir de l'administration par un médecin, est-ce que ça, ce serait mal vu ou est-ce qu'il y aura quand même une ouverture? Parce que, malgré qu'on dit que c'est important, et on constate que votre implication est importante et on veut élargir la possibilité d'offrir des soins aux patients ou aux gens qui demandent à avoir l'aide médicale à mourir, est-ce que ça, ce serait mal vu? Ou pensez-vous que ce serait aussi une façon d'avoir une collaboration puis assurer que la personne concernée serait rassurée?

M. Mathieu (Luc) :Bien, si la personne préfère que ce soit le médecin, là, qui fasse le processus d'évaluation et d'admission de l'aide médicale à mourir, il n'y a aucun problème, on va... ça va être respecté. Ça, c'est le choix des patients, mais moi, je dirais que, comme pour depuis le début du déploiement de la fonction des IPS dans le réseau de la santé, au fur et à mesure que la population va apprendre à connaître ce que font les IPS, ce qu'elles peuvent faire, comment c'est apprécié, bien, ça risque d'arriver de moins en moins.

Mais, pour être bien précis par rapport à votre question, oui, ça va être respecté, ça, là. Ce n'est pas de notre ressort à nous, mais ça va être dans les établissements de santé, mais dans la... je pense que, dans la loi sur le service de santé, ça le dit, là, le patient, c'est la notion de faire son choix des intervenants qui le soigne compte tenu de l'organisation des soins et services qui sont offerts aussi. Alors, c'est dans ce cadre-là, là, que cette décision-là sera prise.

Mme Maccarone : Dans la mesure du possible, oui, je comprends. Dans votre mémoire... Puis, encore une fois, je vais renchérir un peu sur les questions de Mme la ministre, parce qu'on a parlé beaucoup de la notion de handicap. Merci de l'avoir inclus dans votre mémoire. Plusieurs d'entre nous puis plusieurs personnes qui sont déjà passées en commission ont fait un témoignage où c'est une notion qui est très sensible. Nous avons besoin d'avoir une définition, une compréhension commune de c'est quoi pour éviter des dérives et pour s'assurer aussi qu'on respecte le plus possible l'autonomie puis le choix, les droits civils de tous les citoyens qui souhaitent avoir accès à l'aide médicale à mourir.

Puis vous avez fait que... Puis je vais vous citer de votre mémoire : «Bien que cette avancée représente un soulagement pour cette clientèle, nous recommandons toutefois qu'un groupe d'experts se penche afin d'établir une définition claire sur la notion de handicap neuromoteur et aussi de bien encadrer la pratique d'AMM auprès de cette clientèle.» Puis vous avez dit que vous seriez intéressé d'abord de participer à ceci. Dans le passé, on sait qu'il y a quand même eu des forums qui ont eu lieu. Madame McCann, quand elle...

Mme Maccarone : ...le ministre de la Santé à l'époque avait convoqué un forum pour se pencher sur les troubles mentaux et notre ministre de la Santé actuel a aussi fait une demande d'un forum, alors... Puis c'est une journée. Ça peut-être deux journées, tout dépendamment comment le gouvernement voit les mises en place d'un tel forum, mais un ou deux jours où les comités d'experts, les personnes concernées peuvent venir s'exprimer en ce qui concerne l'enjeu de l'inclusion de la notion de handicap dans cette loi, qui est fort important. Est-ce que, selon vous, ce serait une façon de rejoindre votre recommandation, d'avoir un comité d'experts, et peut-être élargir la notion, puis de trouver un consensus ou, au moins, avoir le pouls de la population et de groupes concernés comme vous?

M. Mathieu (Luc) :Oui. Bien, c'est tout à fait le sens de la recommandation, là, que vous retrouvez dans notre mémoire, et puis de mettre à contribution aussi que la population suive ce que les experts... voit un consensus qui se dégagerait parce que, comme ça a été mentionné par plusieurs, et puis nous, on est à cette pensée-là aussi, il faut s'assurer qu'un consensus large au sein de la population québécoise... un consensus, ça ne veut pas dire unanimité, là, mais que, compte tenu des questions délicates, là, tout ce qui sous-tend l'aide médicale à mourir puis la sédation palliative continue.

Mme Maccarone : Oui. Excellent. Je suis d'avis, je trouve que ce serait une belle avancée, une façon d'essayer de trouver... Comme vous dites, ça va être très difficile de trouver un consensus, mais parce que c'est sensible. Puis nous avons une crainte d'envoyer un mauvais message à des personnes qui vivent avec des handicaps que leur vie vaut moins, parce qu'on parle d'une ouverture pour respecter les droits de tous les citoyens qui souhaitent avoir accès à ce soin de fin de vie.

Alors, je suis contente qu'on pourrait faire ceci puis je pense même qu'on pourrait faire un forum en parallèle avec les travaux qu'on fait ici pendant que nous sommes en train de faire une consultation sur la loi. Parce que le but, c'est... parce que je comprends, on a tous lu la revue de presse, ce n'était pas retarder nos travaux. Je pense que ça peut être fait en même temps que nous sommes en train de le faire notre consultation auprès de vous et auprès des citoyens, pour s'assurer qu'on entend bien toutes les parties prenantes, puis que tous les parlementaires pourront aussi participer.

S'il n'y a pas de compréhension commune de la définition de handicap, selon vous, ce serait quoi, les dérives possibles, quand on parle de l'application de l'aide médicale à mourir?

M. Mathieu (Luc) :Bien, les dérives possibles, c'est parce que, si on s'en tient juste au mot «handicap», je comprends qu'il y a les autres critères de la fin de vie, là, puis... mais en même temps, pour la population, un peu comme vous l'avez dit... Puis souvent on est dans la perception, hein? Si quelqu'un qui a un handicap... puis je ne veux pas minimiser les choses, là, mais pas grave, là, qu'on pourrait qualifier de pas grave, puis dire : Bien, est-ce que quelqu'un pourrait se qualifier, alors que ce n'est pas nécessairement grave, là, au sens où on pourrait l'entendre? Alors, c'est pour ça qu'il faut être prudent dans cette matière.

Mme Maccarone : Je veux aussi revenir sur la notion de refus. Ça été des bonnes questions. Puis, moi aussi, j'étais surprise que ce n'était pas évoqué, parce que, dans le fond, vous serez les professionnels qui seront sur place pour l'administration lors de l'adoption de la loi. Ça fait que la notion de refus, si vous étiez à la place de la ministre, qu'aimeriez-vous voir dans la loi pour que ça soit clair, encore une fois, pour éviter des possibles dérives, mais de s'assurer que la clarté dans la loi est là? Parce qu'actuellement on a entendu d'autres groupes qui sont venus témoigner hier qui ont dit que c'est flou. On essaie avoir une clarté. On a parlé d'un refus versus un refus catégorique qui est écrit dans le Code civil mais qui ne fait pas partie du projet de loi n° 11. Alors, comment verriez-vous cette notion de refus dans la loi, pour vous aider à bien accompagner des personnes concernées?

• (12 heures) •

M. Mathieu (Luc) : Bien, il faudra voir les... C'est les circonstances cliniques qui feraient en sorte qu'un refus serait... une fois que la personne a préalablement, là, dans le cadre d'une demande médicale anticipée, une la personne a redonné son... elle a fait une demande et puis là elle serait apte. Mais, si, par exemple, quelqu'un qui a la maladie d'Alzheimer puis qui présente ce qu'on appelle des SPD, là, des syndromes comportementaux de la démence, puis devient agité, puis qu'il dit, manifeste, là, de l'agitation, bien, ça ne veut pas dire nécessairement qu'il faut interpréter ça comme un refus. Ça, c'est des manifestations cliniques. Il faut se rappeler que la personne au préalable, elle a dit : Si je me retrouve dans telle, telle condition, puis là il y aurait le tiers, là, le... Comment on l'appelle dans la loi?

Mme Roy (Caroline) : Le tiers de confiance.

M. Mathieu (Luc) : Le tiers de confiance...


 
 

12 h (version non révisée)

M. Mathieu (Luc) :...avec l'équipe interprofessionnelle, l'équipe médicale, l'équipe de soins. Bien, c'est un travail d'équipe, ce que je dirais, pour juger si la personne est vraiment en refus ou pas. Alors, si on a à clarifier la notion de refus, il faudrait voir c'est quoi, là... on ne pourra pas couper ça au couteau, hein, il va rester une zone grise, c'est pour ça que l'intelligence de l'équipe, là, va être importante à un moment donné. Mais, si on veut baliser un peu la notion de refus, c'est en fonction, bien... ce serait dans quel type de... quelles sont les manifestations de refus qu'on pourrait vraiment interpréter comme un refus, alors que, dans d'autres cas, c'est plus des manifestations cliniques de la maladie de laquelle la personne est atteinte.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Mathieu. Nous apprécions ces échanges. On va les poursuivre avec la députée de Sherbrooke pour 2 min 48 s. Le temps est à vous.

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Je vais vous ramener sur la notion de handicap. Vous nous parlez d'un comité d'experts. Est-ce qu'il y a déjà des lieux où des gens réfléchissent ensemble de manière interdisciplinaire pour définir la notion de handicap ou est-ce qu'il y a des gens que vous recommanderiez de nommer sur un tel comité pour définir la notion de handicap?

Mme Roy (Caroline) : Bien, c'est certain que les professionnels compétents, là, devraient être assis autour de la table avec des experts dans le domaine. On pense que la population aussi, atteinte de handicaps, devrait être entendue à cet égard-là. Donc, c'est sûr qu'il n'y a pas de table, officiellement, en tout cas, à ma connaissance, pas à ma connaissance, qui ont été mises sur pied, mais ça pourrait être très bien des travaux, là, qui soient mis sur place avec des médecins, des infirmières, d'autres professionnels de la santé, là, qui travaillent avec cette clientèle-là pour s'assurer de vraiment bien circonscrire, là, ce qu'on vise comme portée. Ça pourrait être avec des... c'est ça, des professionnels de la santé, des experts dans le domaine, des patients qui sont atteints, pour aider à déterminer les balises qui devraient être mises de l'avant, là, pour cette clientèle-là.

Mme Labrie : Puis il n'y a pas, à votre connaissance, déjà une instance existante qui regrouperait ces acteurs-là qui auraient l'expertise sur les enjeux de handicaps qui pourraient être spécifiquement consultés plutôt que de former une nouvelle instance de consultation?

M. Mathieu (Luc) :À notre connaissance, pas... Tu sais, il y a des chercheurs, là, probablement, dans les facultés de médecine, sciences de la santé qui réfléchissent à ça, mais il faudrait les regrouper... les identifier, les regrouper puis les joindre aux autres intervenants, là, comme ma collègue vient de...

Mme Labrie : Je vous remercie.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci pour ces réponses. Alors, je cède la parole à la députée de Laviolette-Saint-Maurice.

Mme Tardif : Bonjour. Merci d'avoir pris le temps de préparer cet important dossier. Je retiens votre demande de la possibilité de mettre sur pied un comité conjoint, CICMDP, pour procéder à l'évaluation, là, de la qualité des soins qui sont administrés. Je retiens aussi... je comprends que vous souhaiteriez que les conseils des infirmiers et infirmières dans les établissements publics soient impliqués dans l'évaluation de la qualité des soins fournis par les IPS, à l'instar, je dirais, des conseils des médecins et des pharmaciens, là.

M. Mathieu (Luc) :C'est ça.

Mme Tardif : C'est ça. Et, d'autre part, pour les IPS qui travaillent dans le secteur privé, on retient que ce serait l'Ordre des infirmières qui procéderait à l'évaluation. Vous soulevez qu'il y a quatre mécanismes ou quatre organismes. Si on ajoute le conseil conjoint... ça en ferait cinq. Là, je me demande comment on va faire pour s'assurer que l'évaluation soit juste, équitable, mais surtout standard, conforme, la même pour tous les professionnels.

Mme Roy (Caroline) : En fait, c'est un peu la recommandation qu'on fait, de s'assurer qu'il y ait justement un jumelage entre les différentes instances, au lieu de le faire tous séparément. Ce qu'on recommande, c'est que, par exemple... parce que ce qui est prévu à la loi, à l'heure actuelle, c'est les établissements publics, c'est les CMDP et les directions de soins infirmiers. Donc, nous, ce qu'on demande, c'est que ces instances-là se regroupent dans les établissements pour faire l'évaluation, et non pas que chacun le fasse : quand c'est une infirmière, c'est la DSI, quand c'est un médecin, c'est le CMDP, mais que ça se fasse conjointement. Doc, dans ce cas-ci, on aurait un seul mécanisme pour le public.

C'est sûr qu'à la loi aussi, à l'heure actuelle, pour le privé, ce qui est prévu, c'est le Collège des médecins et l'Ordre des infirmières. Nous, on a entrepris des discussions avec le Collège des médecins aussi pour que ce comité-là, soit conjoint et qu'on soit ensemble pour le regarder. Donc, ça en fait deux, dans le fond, le public et le privé, au lieu d'en avoir quatre, instances différentes. Nous, c'est ce qu'on recommande. L'implication des CI, c'est de... parce qu'à l'heure actuelle la loi prévoit seulement les directions de soins infirmiers, c'est de s'assurer que les CI soient aussi partie prenante de cette évaluation-là, parce que ça fait partie...

Mme Roy (Caroline) : ...leur rôle selon la Loi sur la santé et services sociaux.

M. Mathieu (Luc) :...vous permettez un complément. C'est de là... c'est pour ça qu'on demande que, dans l'article 26, le mot «respectif» soit enlevé pour permettre cet arrimage-là. Puis l'autre chose aussi, on anticipe peut-être ce qui s'en vient, là, dans le projet de loi qui va créer l'agence santé Québec, et on va peut-être toucher la gouvernance clinique dans les établissements de santé, alors il faudrait que, si c'est le cas, bien, que les CII se... au même titre que le CNDP puis le conseil... c'est un autre conseil dans les établissements de santé, mais soient... contribuent ensemble à l'évaluation des soins. Et là c'est pour ça que, particulièrement ici, dans le cas des IPS qui donnent l'aide médicale à mourir, de là notre recommandation que CII soient impliqués dans le processus d'évaluation de la qualité des soins.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Merci à vous trois pour cette excellente présentation. Merci aux collègues pour les échanges. Alors, je vous souhaite une bonne fin de journée. Et d'ici le prochain groupe, je suspends les travaux. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 07)

(Reprise à 12 h 10)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux.

Nous recevons l'Office des personnes handicapées du Québec. Nous avons avec nous, M. Daniel Jean, directeur général, Mme Frances Champigny, présidente du conseil d'administration, ainsi que M. Maxime Bélanger, directeur du secrétariat général, communication et affaires publiques. Bienvenue à vous. Vous allez disposer d'une période de 10 minutes pour procéder d'abord à votre... à une présentation ainsi qu'à votre propos, s'ensuivront ensuite les périodes d'échanges. Alors, la parole est à vous.

Mme Champigny (Frances) : Merci, Mme la Présidente. Mmes et MM. les députés, mon nom est Frances Champigny, je suis la présidente du conseil d'administration de l'Office des personnes handicapées du Québec. On vous remercie d'avoir invité l'office à participer à ces consultations...

Mme Champigny (Frances) : ...vous rappelle est un organisme gouvernemental qui met tout en œuvre pour faire du Québec une société plus inclusive. Notre objectif est... les obstacles rencontrés par les personnes handicapées, leurs familles et leurs proches. Pour ce faire... plan individuel... des services à ces personnes et aussi au plan collectif en travaillant avec le gouvernement, les municipalités ainsi que des organismes privés et communautaires. Nous réalisons également des travaux d'évaluation pour bien documenter la situation des personnes handicapées du Québec.

L'office est appuyé par un conseil d'administration qui est composé en majorité de personnes handicapées et de membres de leur famille, des membres... provenant de différents horizons de la société civile... de notre organisme nous a particulièrement interpellés... sur l'aide médicale à mourir, qui soulève des enjeux importants pour les personnes handicapées. Je vais donc laisser la parole Monsieur Jean pour vous faire part de nos commentaires et nos recommandations à ce sujet. M. Jean.

M. Jean (Daniel) : Bonjour, merci pour votre invitation. Comme vient de le mentionner madame Champigny, le projet de loi n° 11 soulève des enjeux très importants pour les personnes handicapées, rappelons qu'elles représentent 16.1% de la population et que 61 % d'entre elles ont des incapacités liées à la douleur. Il est important de reconnaître la pleine autonomie décisionnelle de celles-ci, au même titre que toutes les autres personnes de la société. Nous saluons le fait que le législateur veuille faire évoluer la loi concernant les soins de fin de vie. C'est une volonté exprimée par la société québécoise ces dernières années.

En ce sens, nous appuyons globalement le projet de loi. Il donne suite à plusieurs recommandations. Notre principale préoccupation est en rapport avec l'introduction dans la loi du handicap neuromoteur grave et incurable. Comme vous le savez, la Loi concernant les soins de fin de vie prévoit déjà que toute personne handicapée atteinte d'une maladie grave et incurable répondant à toutes les conditions admissibles est admissible à recevoir l'aide médicale à mourir comme tout autre personne. Cependant, le projet de loi, lui, modifie ou modifie cette donnée-là pour inclure expressément les personnes ayant un handicap neuromoteur grave et incurable. Celles-ci pourront dorénavant demander l'aide médicale à mourir si elles répondent à toutes les autres conditions d'admissibilité.

Nous considérons que l'introduction du handicap neuromoteur grave et incurable soulève des enjeux importants qui méritent d'être examinés. Nos commentaires, à cet égard, seront de deux ordres. Premièrement, le terme handicap neuromoteur grave n'est pas défini par le projet de loi. Il n'existe aucun renvoi à ce terme dans le corpus législatif québécois. S'il n'est pas défini clairement dans la loi, ce terme pourrait être sujet à des interprétations diverses. De plus, cette appellation renvoie à une approche de diagnostic médical qui est peu compatible avec le modèle de développement humain, processus de production de handicap. C'est sur ce modèle que repose la définition de personne handicapée incluse dans la loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées au Québec.

Sans vouloir soulever un débat sémantique, nous tenons à souligner que l'utilisation du terme handicap neuromoteur introduit une incohérence dans la terminologie québécoise du handicap. Nous comprenons toutefois que ce choix est dicté dans un souci d'harmonisation avec le Code criminel. Celui-ci fait référence uniquement au terme handicap, sans le qualifier. À cet égard, l'incohérence entre la loi québécoise et la loi fédérale risque de perdurer. La loi québécoise serait plus restrictive que la loi fédérale parce qu'elle limite l'accès à l'aide à l'aide médicale à mourir aux seules personnes ayant un handicap neuromoteur grave et incurable.

Pour éviter toute divergence dans l'interprétation de ce terme, nous recommandons que l'on précise dans la loi ce qu'on entend par ce terme ou que l'on mandate la Commission sur les soins de fin de vie pour le faire. Dans le fond, ce qu'il faudrait, c'est à tout le moins, dresser la liste des diagnostics auxquels ce terme renvoie pour savoir, bien, qui est visé par ça.

Deuxièmement, le deuxième point qu'on voulait apporter sur cet enjeu-là, c'est le projet de loi ne vise...

M. Jean (Daniel) : ...enseignement de la population des personnes handicapées. L'office ne dispose d'aucune donnée démontrant que ce groupe présente des caractéristiques particulières qui les différencient des autres personnes handicapées ayant des incapacités. Donc, dans ce contexte-là, cibler spécifiquement ce groupe-là peut potentiellement être discriminatoire et ouvrir à des recours devant les tribunaux. Enfin, nous tenons à souligner que l'utilisation du terme handicap dans le contexte particulier de la Loi sur l'aide médicale à mourir est loin d'être banale. Bon, c'est un terme qui peut renvoyer à des préjugés qui sont encore véhiculés au sujet des personnes handicapées, dévalorisation, fardeau qu'elles peuvent représenter pour les proches et la société, etc. Donc, il s'agit d'une question très sensible, d'où l'importance de mettre l'accent sur les autres critères d'admissibilité à l'aide médicale à mourir plutôt que sur le handicap ou la maladie.

Cela étant dit, nous saluons la volonté du législateur de prendre en compte la réalité des personnes handicapées dont la condition entraîne des souffrances constantes et insupportables qui ne peuvent être apaisées dans des conditions que ces personnes jugent tolérables. Nous comprenons aussi qu'il veuille procéder avec prudence avant d'élargir davantage l'accès à l'aide médicale à mourir. Cette façon de faire permet de mieux gérer les risques et de protéger les personnes les plus vulnérables.

Nous tenons à signaler un élément que le législateur sera peut-être appelé à prendre en compte concernant l'introduction dans la loi du handicap, neuromoteur grave et incurable. Le comité fédéral mixte spécial sur l'aide médicale à mourir a présenté tout récemment son rapport. Ce comité a abordé la question de l'accès à l'aide médicale à mourir aux personnes handicapées et de la protection des personnes plus vulnérables. Ce rapport mentionne qu'il est important de clarifier que les personnes handicapées peuvent être admissibles à l'aide médicale à mourir, mais que leur seul handicap ne suffit pas à permettre de déterminer leur admissibilité. Il recommande que le gouvernement du Canada examine la possibilité d'apporter des modifications au Code criminel afin de permettre d'éviter toute stigmatisation des personnes handicapées, sans pour autant les priver de l'accès à l'aide médicale à mourir. Les options devraient inclure le remplacement des références au handicap dans le Code criminel en portant attention aux ramifications juridiques potentielles d'une telle modification à travers le Canada.

Nous considérons qu'à terme, ce n'est pas la maladie ou la situation de handicap qui doivent dicter nos actions, mais précisément les critères de l'article 26 de la loi, c'est-à-dire l'aptitude à consentir, le déclin avancé et irréversible des capacités éprouvées, des souffrances physiques ou psychologiques constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions jugées tolérables.

J'aimerais maintenant aborder la question de l'aide médicale à mourir aux personnes dont le seul problème médical est un trouble mental. Nous avions recommandé en 2021 de ne pas élargir l'aide médicale à mourir à ces personnes, et ce, tant qu'il n'y aurait pas une évidence scientifique reconnue appuyant celle-ci. Comme le projet de loi no 11 va dans le même sens de notre recommandation, nous appuyons les modifications proposées à cet égard. Cependant, nous croyons qu'il faudrait poursuivre la réflexion. La question va inévitablement se poser. Dans le cadre de la loi fédérale, ces personnes seront admissibles à l'aide médicale à mourir à partir du 17 mars 2024. Enfin, nous insistons à nouveau sur l'importance d'améliorer l'accès aux soins et aux services en santé mentale pour soulager les souffrances de ces personnes.

• (12 h 20) •

Concernant une demande anticipée d'aide médicale à mourir, nous y sommes favorables. Nous appuyons la modification de la loi permettant qu'une personne majeure et apte puisse faire une demande anticipée d'aide médicale à mourir à la suite de l'obtention d'un diagnostic de maladie grave et incurable menant à l'inaptitude. Elle a fait l'objet d'un large débat social duquel s'est dégagé un consensus. Nous souscrivons aussi aux diverses règles qui seront applicables à une telle demande. Un tel encadrement est essentiel pour éviter toute dérive possible.

Pour terminer, la question de l'accès de l'accès à l'aide médicale à mourir est un sujet complexe et qui évolue. Il faut poursuivre la réflexion et mener des travaux. L'office offre son entière collaboration pour participer à tous les travaux visant l'accès à l'aide médicale à mourir aux personnes handicapées. En ce sens, nous recommandons d'une part de poursuivre la réflexion sur l'élargissement éventuel de l'aide médicale à mourir à l'ensemble des personnes handicapées, incluant éventuellement celles dont le seul problème médical est un trouble mental. Deuxièmement, on recommande de produire annuellement des données sur les personnes handicapées demandant l'aide médicale à mourir l'ayant reçu ou pas...

M. Jean (Daniel) : ...en prenant en compte les données socioéconomiques et les services dont elles ont bénéficié. Enfin, on recommande de mettre sur pied un groupe d'experts chargé d'étudier les besoins de l'ensemble des personnes handicapées en ce qui concerne l'aide médicale à mourir. On recommande d'y associer l'Office et les représentants des personnes handicapées. Je vous remercie pour votre attention.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Madame Champigny, M. Jean, Monsieur Bélanger, merci beaucoup pour cet exposé. Ces recommandations et ces observations vont certainement susciter des questions. On va commencer avec la banquette de la ministre. Vous avez une période de 13 minutes 18 secondes. Le temps est à vous.

Mme Bélanger : Oui, alors bonjour. Merci de participer, là, à cette commission. Merci beaucoup, madame Champigny, pour votre présentation, et Monsieur Jean. Alors, bien, c'est une bonne... des bons sujets que vous déployez ce matin. Et puis je comprends très bien que la notion de handicap neuromoteur, en fait, il n'y a pas de définition précise, il n'y a pas de consensus scientifique. Vous avez inscrit, dans votre mémoire, que ça renvoie nécessairement à des diagnostics médicaux, ce qui va un peu, je dirais, pas l'encontre mais qui va... qui ne fait pas partie, dans le fond, des approches reconnues en réadaptation. Vous avez vraiment une vision beaucoup plus globale, alors il y a un glissement à ce niveau-là, qu'en définissant le volet neuromoteur, on glisse vers nécessairement des diagnostics médicaux.

Ma question, c'est... Vous avez participé à la commission sur les soins de fin de vie, la Commission spéciale sur les soins de fin de vie. Vous étiez présents aussi dans toutes les réflexions qu'il y a eu au fil des dernières années en lien avec la première... l'adoption de la première loi sur les soins de fin de vie. Est-ce que vous avez réfléchi à la définition de l'handicap neuromoteur? Comme Office, comme office, est-ce que vous avez été tentés de vous donner une propre définition qui ne serait pas une définition avec des diagnostics médicaux?

M. Jean (Daniel) : Pour nous, si on allait dans cette voie-là, il faudrait regarder la question d'incapacité qui découle de la condition de la personne, il faudrait regarder plus cet élément-là. L'élément qui nous embête un peu là-dedans.... Puis, dans les faits, pour être clair, on salue les avancées qui sont sur la table, parce qu'actuellement une personne pourrait avoir un AVC, O.K., puis suite à sa condition, là, O.K., tout dépendant si c'est quelque chose qui découle d'une maladie ou si c'est quelque chose qui découle d'un traumatisme, si elle est, disons, paralysée, on n'aura pas... elle n'aura pas accès au même service. Pourtant, on va vivre les mêmes souffrances.

Nous, notre réflexion, c'est sous l'angle de dire... on n'est pas en train de dire qu'il faut nécessairement que toutes les personnes handicapées aient l'aide médicale à mourir. Ce qu'on dit, c'est que les personnes qui sont aptes, les personnes qui, dans le fond, ont des souffrances qu'on n'est pas capable de régler et qu'on a tout faites, bien là, ils devraient avoir un service comparable aux gens qui ont la même condition suite à une maladie. Donc, l'approche du projet de loi d'y aller par étape, puis après ça de se rendre éventuellement, c'est l'esprit d'une de nos recommandations, de se rendre à ceux qui ne sont pas visés par le handicap neuromoteur qui pourrait venir plus tard, bien, prenons le temps de faire des travaux. Ça fait que j'aurais tendance à parler de la notion d'incapacité, autrement dit, reliée à la condition neuromotrice.

Mme Bélanger : Peut-être une question de précision. Êtes-vous à l'aise avec le concept élargi qu'on retrouve au niveau du Code criminel fédéral qui mentionne la notion de handicap, point, sans préciser? Est-ce que vous, comme Office, vous êtes à l'aise avec ça?

M. Jean (Daniel) : Sur le principe, sur le fond, oui, mais ça, ça implique deux choses. Ça implique des ajustements dans les pratiques. Ce que je veux dire par là, c'est que, dans la loi, à l'heure actuelle, c'est une maladie, O.K., donc c'est normal qu'on ait une équipe médicale qui voit à assurer le traitement, puis à suivre. Puis ce que je comprends, la volonté du projet de loi, c'est d'assurer que le soin soit en continuité avec tout ce qui s'est fait auparavant. Donc, on est dans une logique de maladie. Si on introduit les personnes qui ont une condition qui n'est pas reliée à une maladie, donc la personne est en situation de handicap, là ça amène complètement une autre réalité. C'est-à-dire qu'à mon point de vue, dans l'équipe, il doit encadrer les demandes, il devrait y avoir une plus grande présence des acteurs provenant du secteur de la réadaptation...

M. Jean (Daniel) : ...et, quand on parle de personnes handicapées puis qu'on ne parle pas de la notion de maladie, on parle, dans le fond, d'une interaction avec une communauté. C'est-à-dire que le handicap, c'est le fruit d'une interaction entre une personne, avec sa condition puis les obstacles qu'elle va rencontrer. Quand les obstacles sont reliés à la douleur et que ce n'est pas relié à une maladie, ça demande des interventions spécifiques, des expertises spécifiques, en réadaptation, notamment.

Mme Bélanger : O.K. Dernière question, de mon côté, je vais laisser mes collègues, par la suite, mais c'est vraiment intéressant. Vous êtes... dans le fond, vous représentez l'Office des personnes handicapées du Québec. Est-ce que vous avez des vis-à-vis dans les autres provinces ou dans d'autres pays? Avez-vous des rencontres avec d'autres partenaires de type Office de personnes handicapées, comme on a au Québec, et, si oui, est-ce qu'à votre connaissance, en particulier au Canada, ils ont discuté de la notion de handicap?

M. Jean (Daniel) : Actuellement, on n'a pas d'équivalent en Amérique du Nord ni ailleurs dans le monde, d'organismes qui ont exactement cette mission-là, là. Il y a des organismes qui existent ailleurs dans le monde où ils vont avoir la responsabilité... La première mission de l'Office, c'était de donner des services directement, de lui-même, aux personnes handicapées, puis la loi a été modifiée pour que ce soit l'ensemble des ministères, organismes gouvernementaux, municipalités qui donnent des services.

Donc, d'avoir un organisme comme au Québec, qui assure l'application cohérente de la loi puis qui assure les liens, ça, il n'y a pas d'équivalent. Les tribunes où on peut parler de ce genre de dossier là, ça va être au niveau de l'ONU, pour l'international, et, au niveau du Canada, ça va être sur des comités spécifiques. Mais, sur la notion de handicap telle qu'on l'entend là, je vous dirais qu'aussi vrai que pour l'aide financière de dernier recours ils n'ont pas de programme vraiment spécifique. On commence à les voir émerger. Le Québec est assez avancé là-dessus et aussi sur tout le débat de handicap. Le handicap n'est pas... Si on considère que la personne handicapée a les mêmes droits que les autres personnes, il faut se poser la question : En vertu de quoi on lui donnerait accès à l'aide médicale à mourir? Et, pour moi, le critère qui demeure, c'est uniquement la souffrance ou une maladie qu'elle a, là.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Jean. Merci, Mme la ministre. Je pense que la députée de Soulanges, vous avez quelques questions. La parole est à vous.

Mme Picard : Bonjour. Merci beaucoup pour votre présence. C'est toujours intéressant de vous avoir en commission parlementaire avec nous.

Moi, j'ai beaucoup entendu, là, de certains contacts, des gens qui disaient... qui sont porteurs, ils ont une situation en handicap, qui me disaient que ça envoie un mauvais message, le fait qu'on inclue le handicap. En fait, ça a déjà été fait au fédéral, mais comment nous, on pourrait... c'est très délicat, mais comment on pourrait aider à ce que le message soit plus clair, passe mieux? Comment on peut représenter ça dans cet écrit-là qui est si important?

M. Jean (Daniel) : Bien, d'une part, l'angle sous lequel on regarde la problématique, et comme je le disais tantôt, c'est en vertu de la loi québécoise, la loi québécoise nous dit, dans tout projet de loi ou dans tout programme, dans tout service qui est fait, il faut se poser la question : Est-ce qu'on discrimine au regard des personnes handicapées ou on a une approche inclusive? Ça fait que, quand on regarde l'aide médicale à mourir... C'est pour ça que, dans notre mémoire, on rappelait quelque chose de très important, c'est-à-dire qu'une personne, actuellement, qui est handicapée et qui a une maladie, O.K., qui répond aux critères de l'aide médicale à mourir, aurait droit actuellement à l'aide médicale à mourir. Donc, ce n'est pas en fonction de son handicap, mais de sa maladie. Quand on regarde du côté de la maladie, l'enjeu fondamental, c'est pourquoi je ne respecterais pas le choix d'autodétermination d'une personne dont l'origine de sa condition n'est pas liée à une maladie? Donc, ça, c'est l'enjeu.

• (12 h 30) •

Dans votre question, c'est quel message qu'on peut envoyer? Bien, pour moi, c'est justement de ne pas insister nécessairement sur l'enjeu de handicap, quoiqu'il faut le nommer, il ne faut pas le cacher, mais c'est de dire : Écoutez, il y a des critères très précis, là, O.K.? Le consentement... Il n'est pas question de rentrer, autrement dit, dans une ressource de soins palliatifs puis de dire : Bien, tous ceux-là, là, ils ont droit à l'aide médicale à mourir. Non, non, ça prend... d'une part, est-ce qu'il y a consentement, est-ce qu'il y a eu les services, etc., tous les critères.

Donc, pour moi, en termes de message, si on veut être le plus inclusif possible, ça doit comprendre les personnes handicapées, mais ça doit en même temps protéger leurs droits. Donc, ça...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

M. Jean (Daniel) : ...deux choses, ça veut dire être clair dans notre message, puis aussi être clair sur les services qu'on leur offre. Parce que si on ne donne pas des services de qualité, bien, c'est sûr que la condition de la personne va se détériorer. Donc il y a cet équilibre-là qu'il faut maintenir. Et c'est pour ça que c'est un soin. Nous, on le voit comme un soin fin de vie, dans un continuum. Et les parties du continuum doivent être robustes. Et à mon point de vue, si on disait que maintenant on inclurait certaines situations... certaines personnes handicapées en fonction non pas de leur maladie, mais de leur condition qui entraîne des souffrances, il est là dans la mémoire, là, 61 % des personnes handicapées ont des incapacités liées à la douleur. Ce ne sont pas toutes des douleurs extrêmes, mais il y en a et il faut le reconnaître. Donc, comment on peut les aider là-dedans? Ce n'est pas uniquement en disant : Ils auront droit à l'aide médicale à mourir, mais aussi, et surtout, ils ont droit à des services adaptés à leur condition. Et c'est cet équilibre-là qu'il faut trouver, et c'est ça qu'on apprécie, nous comme office, dans le débat qui est en train de se faire actuellement, parce qu'on on regarde le problème sous les deux aspects.

Mme Picard : J'ai une dernière question. Je voudrais vous parler justement des gens qui n'ont pas de diagnostic, ou des gens qui ont des maladies orphelines. Pensez-vous que ça peut avoir un enjeu aussi, là, ça peut les pénaliser à quelque part dans la loi actuelle, comment c'est écrit? Ou bien comment vous voyez ça, les gens avec des maladies orphelines?

M. Jean (Daniel) : Avec les maladies orphelines, si ce n'est pas relié à la situation... à la définition de personne handicapée, là, on tombe dans un domaine médical, puis on a moins cette expertise-là comme office. Mais si on regarde des gens qui, dans le fond, ont un profil qu'on nomme actuellement maladie, mais qui serait une condition qui s'apparenterait, là, donc qui répondrait à terme à la définition de personnes handicapées, nous, on pense qu'il faut aller de l'avant là-dedans sur la réflexion parce qu'il y a... Ce n'est pas nécessairement une condition ou un diagnostic qui devrait déterminer, c'est du plus ou du moins. C'est pour ça que, nous, notre recommandation, c'est de mettre sur pied un comité. Ils sont où, les personnes qui souffrent? C'est quoi le volume? Je suis sûr que si on se mettait à regarder les chiffres, on ne verrait pas des centaines et des centaines de personnes, on verrait des petits nombres par groupes puis on verrait... Peut-être que ça nous aiderait même à nous poser la question : Qu'est ce qu'on est capable de faire en amont pour mieux prévenir? D'où la réflexion, je pense. C'est important de continuer la réflexion pour aller plus loin possible sur les deux axes.

Mme Picard : Merci beaucoup.

M. Jean (Daniel) : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Jean. Merci, Mme la députée. Est-ce que j'ai d'autres questions? Petite question rapide, Mme la députée de Vimont.

Mme Schmaltz : ...y a-t-il une différence entre une personne handicapée et une personne en situation de handicap, ou ça veut dire la même chose?

M. Jean (Daniel) : Dans les faits, il y a une appellation... Il y a un courant de pensée à l'heure actuelle, de dire qu'on devrait dire des personnes en situation de handicap. On a une publication à l'office qu'on pourrait rendre disponible à la commission et qui vient... un article qui vient expliquer les éléments. Une personne qui est en situation de handicap, techniquement, elle pourrait être en situation de handicap temporaire, comme elle pourrait être en situation de handicap permanent. Cette appellation-là ne vient pas capter cet élément-là. Par contre, il y a des gens qui aiment mieux cette appellation-là que «personne handicapée» parce qu'ils disent, quand on dit «personne handicapée», c'est comme si on mettait toute, toute la pression sur l'individu. Puis, le modèle de handicap, c'est justement de dire c'est l'interaction entre un individu, et sa condition, et l'environnement qui va faire qu'il va être en situation de handicap. Si j'ai des incapacités motrices, je suis au quatrième étage, il n'y a pas d'ascenseur et j'ai un obstacle, je suis en situation de handicap. S'il y a un ascenseur, je suis capable de me déplacer.

Donc, nous, ce qu'on dit à l'office, on dit : Il peut utiliser «les personnes en situation de handicap». Mais quand vous faites référence à des programmes qui... Parce que la notion de personne handicapée, c'est persistant, hein? Ce n'est pas une condition temporaire, c'est une question... une condition permanente. Donc, dans ce cas-là, ce qu'on dit tout simplement, c'est qu'ici vous utilisez «une personne en situation de handicap» qui répond aux critères du programme de personne handicapée... tu sais, parce qu'il faut bien départager les choses. Sinon, on serait en train de dire qu'il faut ouvrir les programmes à toute personne qui a une incapacité. J'ai une opération puis je vais avoir des difficultés à me déplacer pendant un mois? J'aurais droit à tous les services. Et ce n'était pas l'esprit du législateur. L'esprit du législateur, c'était de s'occuper spécifiquement des personnes qui étaient les plus négligées dans les services publics à cette époque-là, en 2000... de 1998 à 2004.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Jean. Ce que je vais faire, je vais vous demander de nous envoyer... envoyer à la secrétaire le document. On va le déposer. Tout le monde va y avoir accès, ce qui est une question très importante.

M. Jean (Daniel) : Parfait.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je vais me tourner maintenant du côté de la députée de D'Arcy-McGee pour une période de 8 min 24 s...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...le temps est à vous.

Mme Prass : Merci. Bien, merci pour votre présence et votre mémoire, ça aide à alimenter nos discussions. Donc, je vais aller sur, justement, ce qu'on parlait, de la définition de handicap neuromoteur. Comme la ministre l'a dit, comme vous l'avez dit, il n'y a pas de consensus scientifique à cet égard de la définition. Évidemment, c'est un projet de loi avec des impacts qui auront une grande répercussion, donc... Et de ce que je comprends, dans le passé, ça a toujours été des comités d'experts quand il y a eu des enjeux de définition de termes dans le cadre de l'aide médicale à mourir et donc je pense que, plutôt que de laisser cette définition à des fonctionnaires ou nous autour de la table qui ne sont pas des experts là-dessus que, justement, il devrait avoir un forum en parallèle de la commission pour amener autour de la table des groupes comme le vôtre et d'autres qui pourront contribuer à cette définition.

Donc, première question : Seriez-vous intéressés, si c'est le cas, de participer à ce forum, à cette réflexion-là? Et, justement, quels sont les différents éléments de société ou les différents groupes que vous pensiez, devraient être présents pour pouvoir contribuer à cette définition?

M. Jean (Daniel) : Oui. D'une part, il faut rappeler que l'Office des personnes handicapées est un organisme gouvernemental dont le conseil d'administration est composé, effectivement, de personnes nommées qui sont des personnes qui sont en situation de handicap. Donc, on est un organisme gouvernemental. Donc, nous, on est habitués autant travailler avec les municipalités, avec les ministères et organismes gouvernementaux que les organismes communautaires.

L'esprit de la loi, à l'heure actuelle, c'est de dire : Les personnes handicapées ont les mêmes droits que tout le monde, O.K.? Et actuellement, si on devrait faire... si on avait à faire une réflexion pour les personnes handicapées, bien, il faut que ça soit pour et avec eux. Donc, nous, la proposition, et c'est ce qu'on dit dans notre mémoire, nous, on pense qu'à l'heure actuelle on voit juste en disant qu'il y a un groupe de personnes dans la communauté actuellement qui... comme dans l'exemple que j'expliquais tantôt, de la paralysie, là, que, peu importe l'origine de la... bien, pas importe, du fait de l'origine de la paralysie, je n'aurai pas les mêmes droits, les mêmes accès. Donc, il faut essayer de corriger cette situation-là.

Et, s'il y a un débat public à faire, O.K., peu importe le médium qu'on va prendre, moi, je pense, ça prend les personnes handicapées, les représentants de personnes handicapées puis, j'insiste aussi là-dessus, les intervenants du volet social. C'est-à-dire que, quand on était dans une logique de maladie uniquement, c'est normal qu'on retrouve tous les grands spécialistes qui oeuvrent dans le champ... dans le secteur des maladies. Quand on est dans les conditions, O.K., qui se définissent par une interaction sociale, c'est là que ça nous prend des travailleurs sociaux, des psychologues, ça nous prend des ergothérapeutes, ça nous prend différents...

Ça fait que moi, je dis, un débat qui est sain, les personnes elles-mêmes, leurs représentants, ça, c'est les premières voix, les proches aidants, les membres de la famille, on est au cœur, là, O.K., des personnes qui vivent au quotidien, puis après ça rajoutons les expertises que ça prend pour bien capter leurs préoccupations.

Mme Prass : Oui, dans le même sens, ça pourrait contribuer à échanger sur l'intention législative d'élargir l'aide médicale à mourir. Parce que, justement, on sait que... bien là, on, je pense, à la troisième mouture, donc c'est une conversation qui continue. Et, comme vous avez dit, c'est fondamental que les personnes qui sont visées vont être impliquées dans la définition et comment ça va se faire. Donc, encore une fois, je pense qu'il est nécessaire que ça ne soit pas dans... justement, juste dans la... entre les mains des fonctionnaires, si vous voulez, que ça soit justement de la part de ceux qui le vivent et qui vivent dans cette réalité-là. Donc, je suis contente d'entendre que vous êtes d'accord et que vous voyez les différents éléments, les différents groupes, les différents représentants qui devraient en faire part pour vraiment s'assurer que c'est une définition qui n'est pas négative, justement, pour les personnes qui vont être incluses.

• (12 h 40) •

Je sais que vous n'en avez pas parlé dans votre mémoire, mais je voudrais vous poser une question à propos de la notion du refus. Parce que, là, ce qu'on comprend, c'est que, pour les demandes anticipées, évidemment, la demande est faite au moment où la personne est encore apte de prendre cette décision-là, mais que, dans le projet de loi, il y a un article pour référer au fait que... si la personne refuse au moment de recevoir le traitement, donc dans l'état inapte, que le refus va être... donc la demande anticipée va être rejetée, le refus va être accordé. Et je vous donne... Moi, ma question, c'est justement... Le but d'avoir la demande anticipée, c'est, quand on est apte, on prend une décision. Donc, pensez-vous qu'il est de justesse que... quand la personne n'est plus apte, qu'elle puisse revenir sur cette décision en ne sachant pas nécessairement...

Mme Prass : ...Ne comprenant pas nécessairement l'impact de... de ce geste-là.

M. Jean (Daniel) : La demande anticipée, on réfère à... à autre chose que l'article 26 dans le projet de loi, O.K.. Ça vient... ça vient capter une problématique très spécifique. Et vous avez raison de poser la question, parce que, dans le fond, cette personne-là, qui est atteinte d'une maladie dégénérative, qui, on le sait qu'à terme, il va altérer, là... elle ne sera pas capable d'exprimer son... sa volonté. Donc, dans ce contexte-là, on le permet. Et il faut, il faut être conscients, tu sais, ça pourrait être une personne handicapée qui est atteinte de cette maladie-là, O.K. C'est ça, la réalité.

Donc, pour moi, le débat est le même pour les personnes avec incapacité ou sans incapacité. C'est-à-dire que, pour moi, si on exprime un choix puis qu'on le valide à la... à la toute fin, tant qu'on est capables d'avoir un consentement de la personne, il faut toujours suivre ça. Nous, la position de l'Office, ça a toujours été pas juste pour la demande anticipée, mais pour toute... toute demande dans le processus. On a toujours dit qu'il ne devrait pas y avoir une demande qui est faite par quelqu'un d'autre. C'est toujours la personne qui devrait être en contrôle.

Donc, de ce que j'en comprends de votre question, ma réponse, ça serait d'avoir la même approche qu'avec une personne qui est avec incapacité ou sans incapacité.

Mme Prass : Et justement, je pense que, comme je dis, question de... de ce forum pourrait justement aider à définir toutes ces réalités-là et tous ces termes en l'entendant de la... de la Bouche, justement, des gens qui ont fait de l'accompagnement ou qui... Qui l'ont vécu d'une façon. Donc, je pense que c'est important. Encore une fois, on a des termes qui sont très spécifiques, qui vont avoir un grand impact, donc je pense qu'il y... il faut vraiment qu'on fasse attention à la façon dont on va les définir, parce que c'est quelque chose qui va être... être compris dans la loi et qui va avoir des répercussions par la suite.

Donc, moi, ma dernière question pour vous, ça serait votre... Une de vos recommandations également est de mettre sur pied un groupe d'experts chargés d'étudier les besoins de l'ensemble des personnes handicapées en ce qui concerne l'aide médicale à mourir. Pensez-vous justement que, dans le cadre de ce projet de loi, que ça a été... que... qu'on a vraiment pensé aux différents aspects, justement, comment ça va affecter les personnes handicapées? Êtes-vous un petit peu réticents, disons, envers la façon dont ça a été approché?

M. Jean (Daniel) : Actuellement, les questions qu'on a posées à cet égard-là, ça a été de... de... de dire, bon, on... comme j'ai fait l'intervention tantôt, en disant : l'équipe qui va... qui va entourer le traitement de la demande doit être conséquente, si on élargit. Et, ça, ce n'est pas des éléments qui sont à... à prescrire dans la loi, mais dans les directives. Et, moi, j'ai eu toutes les assurances que, si on ouvrait pour les personnes handicapées, qu'on allait toujours le faire dans un juste équilibre entre les services que les personnes doivent recevoir puis le constat qu'on n'est pas capables d'aller plus loin puis on est rendus dans ce soin-là, O.K. Donc il n'y a aucune indication à l'heure actuelle du côté de l'Office que, dans le fond, les personnes handicapées seraient stigmatisées dans l'approche, bien au contraire. Et, le fait qu'il y ait des groupes de représentants de personnes handicapées qui sont invités à la commission, nous, ça nous rassure. Parce que c'est... Dans le fond, on se dit : pour et par les personnes, ce que je disais tantôt, peu importe le véhicule de discussion, tant que les personnes handicapées peuvent se faire entendre, nous on est satisfaits.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Jean. merci pour vos questions. Je vais me tourner maintenant du côté de la députée de Sherbrooke pour deux minutes 48.

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Je... Je vais essayer quelque chose avec vous, je vais mettre une idée au jeu pour tâter le terrain. Parce qu'on discute beaucoup de la notion de handicap, puis, au final, je me demande si on a besoin de la définir, donc je... je... je vous soumets humblement l'idée. Si la formulation, plutôt que d'écrire comme critère «la personne est atteinte d'une maladie grave et incurable ou elle a un handicap neuromoteur grave et incurable», si on parlait plutôt de condition médicale puis qu'on disait «elle est atteinte d'une condition médicale grave et incurable», est-ce que ça viendrait répondre aux préoccupations? Est-ce que ça viendra englober ce qu'on souhaite englober? Ou la notion de condition médicale n'est pas la bonne pour parler de ça?

M. Jean (Daniel) : Bien, la... La question est vraiment intéressante, mais, quand on parle de condition médicale, on parle nécessairement de médical, on ne parle pas de social, O.K., ça, c'est clair. Mais la question que vous posez me suscite une réflexion que quelqu'un m'a déjà partagée à l'office, c'était de dire : Si on enlève justement de l'article la référence à une maladie ou à un handicap, bien là, on reste au cœur du problème, c'est-à-dire : est-ce qu'il y a une souffrance, est-ce qu'il y a un consentement, est-ce que... Peu importe l'origine, O.K., puis toujours dans une logique d'un soin continu, puis tu as un service qui est offert, approprié à la personne.

Je n'ai pas... on n'a pas testé cette idée-là, l'Office, mais il y aurait quelque chose d'intéressant à valider au niveau juridique...

M. Jean (Daniel) : ...est-ce qu'on a besoin de préciser? Mais si on enlève ces deux termes-là demeure toujours la question : il faut toujours avoir l'approche médicale, l'approche sociale. Je ne dis pas un sans l'autre. C'est les deux. Les deux doivent travailler main dans la main pour... au service de la personne et de l'entourage.

Mme Labrie : Alors, est-ce que, si je vous comprends bien, sans nommer «médical», vous parleriez d'une condition grave et incurable, évidemment, puis on garde le critère de souffrance, là? Assurément, il n'est pas question de changer ça ici. Ça, c'est quelque chose qui permettrait de peut-être répondre...

M. Jean (Daniel) : Oui. Pour le... je vous dis ça, je n'ai pas validé... il y a quelque chose d'intéressant là-dedans. J'aurais une petite réserve parce que j'ai toujours horreur de donner un conseil qui ne s'avère pas utile, après ça. J'aurais tendance à dire : il faudrait le valider, là, auprès des spécialistes. Mais, dans le fond, l'idée de base qu'on a soulevée au début, ce qu'on disait, si une personne a une paralysie, si c'est issu d'une maladie, couverte, si ce n'est pas issu d'une maladie, elle n'est pas couverte, puis, pourtant, c'est la même souffrance, puis qu'on a tout fait. Donc, c'est ça, l'enjeu fondamental, pour moi.

Mme Labrie : Je vous remercie.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Vraiment intéressant. Merci beaucoup, M. Jean. Alors, on va terminer nos périodes d'échange avec la députée indépendante. Voilà, le temps est à vous pour 2 min 48 s.

Mme Tardif : Bonjour, merci beaucoup à vous trois. Vous avez compris que nous souhaitons, en tant que législateur, éviter à tout prix toute stigmatisation, et qu'on veut s'appuyer sur des critères stricts, sur des critères précis, comme l'aptitude à consentir, les critères de maladies graves, la souffrance, l'incurable, bon. Je voulais voir, avec vous trois, comment vous voyez le rôle du tiers de confiance lors de la prise de décision. Comment faire pour que, cette personne-là, la pression ne soit pas trop forte pour elle, dépendamment des handicaps?

M. Jean (Daniel) : Mme la Présidente.

Mme Champigny (Frances) : On sait bien. On a parlé suffisamment en C.A., hier, comment prévoir que... Il va falloir qu'on mette des mécanismes en marche pour prévoir, pour prévenir ça. C'est de l'inquiétude qu'on retenait, tu sais, nous autres, qu'est-ce qui empêcherait la famille à dire : Ah! oui, va-t'en, tu sais? Ça fait qu'il va falloir mettre des mécanismes en... Vous savez, on dit... on a des limites de vitesse sur une autoroute. C'est parce qu'il y a du monde qui ne les respectent pas. Ça fait que je pense qu'il va falloir mettre des mécanismes en marche.

M. Jean (Daniel) : Il faut que ce soit le plus clair possible entre... Dans le fond, c'est toujours pour l'intérêt de la personne. Ça fait que, si on implique le proche, ce n'est toujours pas pour l'intérêt uniquement du proche, mais l'intérêt premier. Et beaucoup de parents de proches ont cette préoccupation-là, donc il faut aller les capter. Mais, effectivement, comme dit Mme la Présidente, si on ne met pas des règles claires, bien, on risque d'avoir des petits dérapages ici et là.

Mme Tardif : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la députée. Alors, il me reste à vous remercier, au nom de l'ensemble des parlementaires ici, d'avoir, justement, fait des bonnes propositions, d'avoir débattu aussi... non pas débattu, mais d'échanger avec nous. Je vous souhaite une excellente fin de journée.

Et, pour nous, les parlementaires, nous allons suspendre jusqu'à 15 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 50)


 
 

15 h (version non révisée)

(Reprise à 15 h 10)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens va reprendre ses travaux. Cet après-midi, nous allons recevoir le Barreau du Québec, bienvenue, la Chambre des notaires du Québec, le Regroupement provincial des comités des usagers ainsi que le Conseil pour la protection des malades.

Alors, pour l'heure, nous allons donc recevoir le Barreau du Québec, qui est représenté par Me Catherine Claveau, bâtonnière, Me Hélène Guay, membre du Groupe de travail sur l'aide médicale à mourir, ainsi que Me Sylvie Champagne, secrétaire et directrice des affaires juridiques. Bienvenue à la Commission. Je pense que vous êtes un peu... vous connaissez un peu le processus. Vous allez avoir 10 minutes pour vous présenter ainsi qu'exposer votre vision sur le projet de loi. Alors, la parole est à vous.

Mme Claveau (Catherine) : Merci, Mme la Présidente. Mesdames les députées, alors, effectivement, je suis Catherine Claveau...

Mme Claveau (Catherine) : ...bâtonnière du Québec. Je suis accompagnée de Me Sylvie Champagne, qui est à ma gauche, ici directrice de l'Ordre et des affaires juridiques de l'Ordre, ainsi que de Maître Hélène Guay, qui est membre de notre groupe de travail sur l'aide médicale à mourir.

Au nom du Barreau du Québec, je vous remercie de nous avoir invités à participer aux consultations particulières entourant ce projet de loi si important. Le Barreau participait à l'évolution juridique du dossier de l'aide médicale à mourir avec grand intérêt depuis le tout début, soit à partir de la consultation dans le cadre de la Commission spéciale de l'Assemblée nationale sur la question Mourir dans la dignité qui s'est tenue, on se rappellera en mai 2010. D'emblée, rappelons que le Barreau du Québec ne promeut pas l'administration de l'aide médicale à mourir. Il défend plutôt le droit de tous les citoyens aptes à donner un consentement libre et éclairé de décider des soins qu'ils préconisent lorsqu'ils sont affectés de problèmes de santé graves et irrémédiables leur causant des souffrances persistantes qui leur sont intolérables au regard de leur condition.

Il faut admettre que la pensée de la population québécoise a évolué au fil du temps et le droit de l'aide médicale à mourir, sujet sensible et délicat s'il en est un, mérite une attention particulière de la part des parlementaires. À cet égard, l'élargissement de l'aide médicale à mourir soulève des questions sérieuses, tant du point de vue juridique qu'éthique. C'est pourquoi nous sommes guidés dans notre réflexion par les principes fondamentaux suivants : le droit à l'autodétermination de la personne et de sa dignité, le droit à l'accès aux soins de fin de vie et à l'aide médicale à mourir partout sur le territoire du Québec, le droit à l'égalité, droit incontournable lorsque vient le temps de réaliser pleinement le droit à la vie et le droit à l'autonomie de chaque personne apte à consentir à l'aide médicale à mourir, ainsi que la protection contre la discrimination, plus particulièrement en évitant de perpétuer les stéréotypes visant les groupes de personnes considérées vulnérables en concluant d'entrée de jeu à leur incapacité à pleinement consentir à l'aide médicale à mourir.

C'est dans ce contexte que nous souhaitons vous faire part de certains commentaires concernant divers aspects du projet de loi n° 11. Premièrement, nous réitérons la nécessité de suivre les enseignements de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Carter. Rappelons qu'en 2015, la Cour suprême a reconnu que l'aide médicale à mourir devrait être accessible selon les conditions suivantes. Un, la personne touchée consent clairement à mettre fin à ses jours et deux, la personne est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables, y compris une infection, une maladie ou un handicap lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition.

Afin d'établir un régime clair, égalitaire et bienveillant en matière d'accessibilité à l'aide médicale à mourir, en 2019, la Cour supérieure abonde dans le même sens dans la décision Truchon. Malheureusement, le projet de loi n° 11 ne se conforme pas aux enseignements de cet arrêt parce que, notamment, il reconnaît uniquement le handicap neuromoteur. Il maintient l'exigence d'un déclin avancé et irréversible des capacités de la personne et il exclut le trouble mental.

Nous estimons que la qualification de neuromoteur ajoute une condition supplémentaire alors que cela n'est pas prévu au Code criminel. En effet, l'article 241.2 du Code criminel prévoit les critères de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir et seul un handicap grave et incurable est suffisant pour remplir la condition d'être affecté d'un problème de santé grave et irrémédiable.

Néanmoins, nous reconnaissons qu'il existe un besoin criant d'accommodement et d'adaptation concernant la manière dont seront évalués les critères d'admissibilité à l'aide médicale à mourir pour les personnes vivant avec une déficience intellectuelle, de même que de la formation adaptée à ces situations destinées aux professionnels traitant ces demandes. Enfin, il faut tenir compte du fait que le 10 mars dernier, le projet de loi C-39, le projet de loi fédéral qui contient des dispositions sur l'aide médicale à mourir, a reçu la sanction royale et est entré en vigueur immédiatement. Rappelons que ce projet de loi prévoit que les personnes dont le seul problème médical est une maladie mentale seront admissibles à l'aide médicale à mourir à partir du 17 mars 2024. En conséquence, le Barreau est favorable au report de l'inclusion du trouble mental comme condition d'accès à l'aide médicale à mourir dans la Loi concernant les soins de fin de vie.

Le deuxième aspect qui ne peut demeurer sous silence est l'absence d'harmonisation du Code criminel et de la Loi concernant les soins de fin de vie. Nous reconnaissons que le Québec a été la première province à légiférer sur cette question...

Mme Claveau (Catherine) : ...toutefois, depuis 2015, il y a eu une valse de projets de loi qui font en sorte qu'il est difficile, voire périlleux, pour les juristes, patients et médecins de s'y retrouver. Ainsi, nous sommes d'avis qu'il est primordial pour la protection du public et les professionnels autorisés qui auront à administrer l'aide médicale à mourir que les conditions soient claires, précises et surtout qu'elles ne soient pas contradictoires.

Cet aspect est interrelié avec notre prochain commentaire qui touche les nouvelles dispositions particulières concernant les demandes anticipées d'aide médicale à mourir. Pour l'instant, le Code criminel ne prévoit que deux exceptions pour lesquelles l'aide médicale à mourir peut être prodiguée sans le consentement contemporain de la personne. Il y a d'abord la renonciation au consentement final qui est permise pour la personne dont la mort est raisonnablement prévisible, puis lors de l'autoadministration de l'aide médicale à mourir, lorsque la personne a commencé l'autoadministration et perd conscience.

Afin de rencontrer les objectifs de rendre rapidement accessibles aux citoyens les demandes anticipées d'aide médicale à mourir, nous préconisons la mise sur pied par le gouvernement fédéral d'un projet pilote au Québec. Ce projet pilote permettrait aux citoyens du Québec de bénéficier de la possibilité de formuler une demande anticipée d'aide médicale à mourir dès l'adoption du projet de loi.

Par ailleurs, nous croyons qu'il serait bénéfique pour tous que les demandeurs puissent obtenir des conseils juridiques de la part d'un juriste afin que ce dernier leur explique les tenants et aboutissants d'une demande anticipée d'aide médicale à mourir. À l'instar de ce qui se fait déjà en matière de médiation familiale, pour laquelle le gouvernement offre des heures payées avec un médiateur accrédité, le Barreau est d'avis qu'une consultation avec un juriste, qu'il soit avocat ou notaire, d'une durée d'une heure et demie, devrait être offerte par le gouvernement.

Aussi, le Barreau du Québec s'interroge sur la notion de souffrance objectivable par un professionnel compétent lorsque ce dernier évalue l'administration de l'aide médicale à mourir doit être pratiquée. En effet, la souffrance est une notion subjective qui relève essentiellement de la perception de la personne elle-même et non d'un standard objectif. Les souffrances éprouvées par les personnes sont l'un des critères les plus personnalisés et les plus respectueux de l'autonomie des volontés de la personne dans la loi québécoise, la loi fédérale et les décisions jurisprudentielles sur lesquelles l'aide médicale à mourir se base.

Nous saluons enfin l'ouverture à la possibilité pour les infirmières praticiennes spécialisées d'administrer l'aide médicale à mourir et nous accueillons également favorablement la modification visant à interdire aux maisons de soins palliatifs d'exclure l'aide médicale à mourir. Ces deux nouveautés contribueront à améliorer l'accès à ce soin partout au Québec. Je termine ma présentation en vous rappelant que le Barreau a exprimé d'autres commentaires qui se trouvent dans notre mémoire dont vous avez déjà pu prendre connaissance. Nous vous remercions encore une fois pour cette invitation et nous sommes maintenant prêtes à recevoir vos questions.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Me Claveau, pour la précision, la clarté de vos commentaires et de vos recommandations. On ouvre donc la période d'échanges avec les parlementaires qui sont membres de la Commission. On va commencer avec Mme la ministre. La parole est à vous pour une période de 16 minutes 30 secondes.

• (15 h 20) •

Mme Bélanger : C'est bon. Alors, merci beaucoup, Mme la Présidente. Mme la bâtonnière du Québec, Me Catherine Claveau, et vos collègues, bienvenues. Merci d'avoir déposé ce mémoire, merci pour la présentation. Beaucoup d'énoncés très importants. Et je comprends bien que, dans les recommandations que vous faites, c'est vraiment d'aller vers l'harmonisation avec le Code criminel canadien, notamment sur la notion de handicap.

Et j'aimerais vous entendre à ce sujet-là. La notion de handicap, au niveau canadien, nous apparaissait très large, pas bien définie. Et, dans les travaux qui ont été faits ici, au Québec, puis à la lumière de ce qu'on entend de différents groupes, il y avait un besoin de bien baliser, par devoir de prudence, la notion de handicap. Donc, est apparue dans le projet de loi la notion de handicap neuromoteur. J'aimerais vous entendre là-dessus parce que, je pense, c'est vraiment important, c'est un élément assez costaud du projet de loi, donc c'est bien important, là, de bien comprendre pourquoi. Parce que je comprends qu'il y a le volet de l'harmonisation, mais au-delà de l'harmonisation... Parce que, quand même, je pense qu'au Québec...

Mme Bélanger : ...qu'on a été quand même précurseurs, on a été les premiers à adopter une loi sur les soins de fin de vie, avant même que, donc, ceci soit prévu dans le Code criminel canadien. Alors donc, je voudrais vous entendre sur la notion de handicap versus handicap neuromoteur.

Mme Champagne (Sylvie) : Merci. Bien sûr. Alors, au niveau de la notion de handicap, c'est vrai qu'on indique dans notre mémoire qu'on veut une harmonisation avec le Code criminel, mais ce qu'on doit retenir, c'est que le gouvernement fédéral a donné suite à l'arrêt Carter de la Cour suprême, qui énonçait les critères pour être admissible à de l'aide médicale à mourir. Et, dans son arrêt, la Cour suprême ne fait pas cette distinction. Quand elle parle de maladie grave, elle dit bien que ça peut être une maladie, une affliction ou un handicap, sans le définir. Et nous, au Barreau, on est d'avis qu'il faut se coller aux enseignements de la Cour suprême pour éviter, dans le fond, de faire une discrimination au niveau des citoyens qui pourraient être admissibles à cette aide médicale à mourir.

Et, quand on vient préciser, au niveau du handicap, si on dit neuromoteur, c'est parce qu'on veut donc écarter d'autres handicaps. Et nous, ce qu'on pense qui doit guider, dans le fond, l'admissibilité, c'est est-ce que la personne, elle est apte ou non à consentir aux soins, qu'elle ait une maladie, un handicap ou une affliction, c'est, dans le fond, son droit à l'autodétermination, son droit de consentir aux soins qu'elle souhaite, puisque l'aide médicale à mourir est un soin. Alors, on vous encourage à ne pas faire cette distinction-là au niveau du handicap. Je ne sais pas si, Me Guay, vous voulez ajouter quelque chose.

Mme Guay (Hélène) :Bien oui, j'irais aussi... j'attirerais l'attention des membres de cette commission sur le fait que, non seulement Carter, mais aussi la juge Beaudoin, dans sa décision, en septembre 2019, a bien souligné, dans des termes très éloquents, la raison pour laquelle il ne faut pas faire cette distinction-là, à savoir catégoriser en fonction d'une déficience ou d'un handicap. Il ne faudrait pas priver les personnes qui souffrent d'un handicap soit à la naissance ou soit par accident, d'avoir accès à l'aide médicale à mourir, qui est un soin qu'on reconnaît, comme vous l'avez dit, au Québec, depuis tant d'années.

Dans le mémoire, on le mentionne notamment, sauf erreur, à la page 10, et on vous cite un extrait du jugement Truchon. Je vais vous en glisser un mot : «La condition physique ou mentale des personnes handicapées ne constitue pas un élément parmi d'autres qui pourra éventuellement les rendre admissibles à l'aide médicale à mourir. Leur aptitude à consentir, les souffrances ressenties objectivées, le déclin avancé de leurs capacités constituent tous des éléments pertinents dans l'évaluation globale de la demande. Même s'il faut rester vigilant, il est loin d'être évident qu'une personne pourra ou voudra recevoir l'aide médicale à mourir uniquement en raison de son handicap.» On peut comprendre la prudence ou la préoccupation que le législateur a, mais plus loin, même, dans le jugement, l'Honorable Beaudoin le mentionne. La prudence et la préoccupation dont la juge Beaudoin était saisie à ce moment-là, c'était de retrancher de la loi la fin de vie, la notion de fin de vie ou la mort raisonnablement prévisible. L'exercice qui a été fait a été un exercice fort éloquent, dans le sens où elle a retourné toutes les pierres pour voir pourquoi on est en mesure d'adhérer à la demande des demandeurs de retirer ce critère-là. Et elle a pris soin justement d'aborder la question des personnes handicapées en disant : Finalement, il faut effectivement permettre à toutes et à tous d'avoir accès, même s'il y a présence d'un handicap.

Donc je pense que... il nous semble qu'au Québec nous avons ce qu'il faut pour nous conforter avec le fait que, si tant est qu'il y ait une préoccupation, elle était très grande devant la juge Beaudoin, par tous les experts et par tous les avocats des procureurs généraux, si tant est qu'on a une préoccupation, bien, il faut se rassurer sur le fait qu'il y a dans la loi des balises, des critères qui doivent être rencontrés qui viennent justement conforter le fait que ce n'est pas parce qu'une personne a un handicap qu'il faut la considérer comme étant inapte à consentir à l'aide médicale à mourir. Et ça, ça m'apparaît... ça nous apparaît très important, de reconnaître cette aptitude-là au...

Mme Guay (Hélène) :...parce qu'aller dans le sens inverse, c'est d'exercer, d'une certaine façon, un paternalisme médical envers ces personnes-là, de les considérer comme étant inaptes à former ce consentement-là. Et c'est pour ça qu'au Barreau, on considère qu'ajouter le handicap est une chose, mais il ne faudrait pas restreindre à un handicap neuromoteur.

Mme Bélanger : Intéressant. Puis, puisqu'on parle des critères, donc, vous avez mentionné la volonté de la personne, d'abord, hein, qui devrait primer, l'aptitude à consentir, bien sûr, le caractère de fin de vie a été retiré du projet de loi qui a été déposé, il y a d'autres critères, j'aimerais vous entendre sur ceux-là.

Je ne suis pas certaine, tantôt, d'avoir bien compris, là... dans votre mémoire, c'était bien écrit, mais je ne suis pas certaine, là, que j'ai bien entendu, sur le caractère grave et incurable et irréversible. Vous n'avez pas parlé de ça tantôt, caractère grave, incurable et irréversible? Et quelle est votre position... En fait, mais je vais répéter ma question, j'aimerais vous entendre sur les deux autres critères qui sont dans la loi, le caractère grave, incurable et irréversible, ainsi que l'autre élément qui est très important, qui est la souffrance physique, psychologique, persistante, non apaisante, là, ces deux éléments-là.

Mme Champagne (Sylvie) : Alors, on est d'accord à conserver ces deux éléments-là parce qu'ils font effectivement l'objet des balises que la Cour suprême a énoncées dans Carter. Par contre, le critère qui est supplémentaire, qui n'apparaît pas dans les conditions énoncées par la Cour suprême, c'est celui du déclin avancé et irréversible de ses capacités. Alors, ça, c'est un critère supplémentaire qu'a ajouté le gouvernement fédéral, et ce n'était pas dans Carter. Alors, selon nous, quelqu'un pourrait contester cette exigence-là, et il y a un risque, là, de contestation étant donné que la Cour suprême ne l'avait pas mis dans ces conditions. Donc, on veut éviter, là, des litiges à venir et on pense qu'on pourrait retirer ce critère-là.

Mme Bélanger : Le critère de l'irréversibilité?

Mme Champagne (Sylvie) : Le critère du déclin avancé et irréversible de ces capacités. Donc, ce n'est pas la maladie qui est incurable et irréversible, c'est plus au niveau du déclin avancé de ses capacités. Dans le fond, c'est le critère 4 de l'arrêt... de l'article 26 parce que celui qui est incurable, c'est le critère 3.

Mme Bélanger : O.K. On va prendre ça en note. On va revenir tantôt, je suis certaine que d'autres personnes vont vouloir préciser. Sur les autres volets... bien, le trouble mental. Donc, je comprends... là, je ne sais pas si je dois dire «en faveur», mais, pour l'instant, en faveur du fait qu'on le repousse ou qu'on... qu'il ne soit pas inclus dans le projet de loi actuel.

Une voix : Oui.

Mme Bélanger : Puis pourquoi? Parce... J'aimerais ça savoir pourquoi parce que, puisque ça aussi, c'est prévu dans le Code criminel. Ils ont repoussé l'application, mais pourquoi celui-là vous êtes en faveur qu'on le retire, qu'il ne soit pas inclus dans notre projet de loi?

Mme Claveau (Catherine) : Disons qu'on en suspende l'application. C'est un ajout très important, puis je pense effectivement que ça nécessite une réflexion profonde provenant de différents acteurs qui, pour nous, peut justifier un délai additionnel, notamment. Je ne sais pas si on peut compléter avec ça.

Mme Bélanger : C'est intéressant. Pourquoi vous pensez que pour le trouble mental, il faut poursuivre la discussion? Est-ce que c'est en lien avec la vulnérabilité des personnes, en lien avec, je ne sais pas, le volet de l'aptitude à consentir?

• (15 h 30) •

Mme Champagne (Sylvie) : Non, je pense que... je pense que c'est plutôt au niveau de la formation des professionnels sur le terrain, et des directives, et des protocoles. Vous avez entendu le Collège des médecins hier vous dire qu'ils ont fait un rapport et que ça va prendre des balises peut-être un peu différentes pour les personnes qui ont des problèmes de santé mentale. Alors, nous, ce qu'on voudrait, c'est que ce soit inclusif et que donc ces personnes qui ont un trouble de santé mentale puissent éventuellement bénéficier de l'aide médicale à mourir s'ils respectent les autres conditions, mais on comprend que peut-être, sur le terrain, les professionnels ne sont pas prêts. Et donc le report d'un an nous paraît adéquat.

Mme Bélanger : Ça va. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Merci, Mme la ministre. Je pense que...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...la députée de Vimont avait levé sa main. Allez-y.

Mme Schmaltz : Oui, parfait. Merci, bonjour, mesdames.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je vous informe qu'il reste 4 min 50 s.

Mme Schmaltz : O.K., je vais aller vite. Tu as une question aussi? Je vais aller vite.

Une voix : ...

Mme Schmaltz : Je prends mon temps? Bon, je prends mon temps. J'ai une question qui concerne la formulation de la demande anticipée. Vous mentionnez que les intervenants sont trop nombreux. On note... Vous dites que la procédure prévue quant aux demandes anticipées est associée à un formalisme lourd qui risque de réduire l'accès et l'utilisation de ces demandes à l'AMM à de nombreuses personnes. Est-ce qu'il y a des données qui prouvent que les gens puissent... si je comprends bien, que les gens, en cours de route, parce que la formulation est trop lourde, qu'ils puissent décider de ne pas aller de l'avant? Est-ce que c'est ça que je lis, que je comprends?

Mme Guay (Hélène) :Bien, en fait, la réflexion qu'on a eue sur cette suggestion, c'est la suivante. Il faut que... Pour que les gens formulent la demande, il faut d'abord que ce soit clair, simple, facile. Et aussi, on a... on considère, nous, que la suggestion d'inclure plusieurs intervenants, au stade de la demande et même par la suite, ça ne va pas nécessairement aider à la formulation et la mise en œuvre.

Je vais vous donner des exemples. Dans la pratique, ce qu'on a... on a certains outils. Depuis 1990, on a le mandat de protection. Depuis 2015, on a les directives médicales anticipées. Ce qui est intéressant avec le projet de loi, c'est qu'on permet qu'il y ait, pour la personne qui formule la demande, la possibilité, si elle le souhaite, d'inclure une personne, d'inclure, de faire participer un proche, mais, pour la suite, on s'inquiète du fait qu'il y ait plusieurs intervenants, à plusieurs niveaux, eu égard, justement, à l'application et la mise en œuvre du mandat de protection. C'est le mandat en prévision de l'inaptitude, donc on prévoit qu'on va être inapte. On s'aperçoit qu'il y a plusieurs possibilités de personnes qui participent à la décision qui a été prise par la personne. À savoir, quand on le met en œuvre, on va avoir un proche, un proche aidant, un conjoint, une cousine, etc. Et là il faut probablement... la meilleure des choses, c'est s'en tenir à avoir une personne qui ne... le moins de personnes possible pour éviter d'engendrer des conflits potentiels entre ces personnes-là pour la suite des choses.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Il me reste encore du temps...

Mme Schmaltz : ...une personne, c'est ça? Vous pensez qu'une personne, c'est suffisant?

Mme Guay (Hélène) :Le tiers de confiance a été identifié dans le projet de loi. On laisse aussi la possibilité à la personne d'en référer, si elle le désire, à ce qu'il y ait la présence d'un proche, ça va. Je ne vois pas l'intérêt d'avoir plus qu'un tiers de confiance.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. La députée d'Abitibi-Ouest voulait poser une question. Il reste une minute 40 secondes.

Mme Blais : Merci, Mme la Présidente. Mesdames, bonjour. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Alors, moi, je me réfère à votre mémoire, page 8, recommandation 13, article 1.2 : «Les maisons des soins palliatifs ne peuvent exclure l'aide médicale à mourir. Alors, les maisons des soins palliatifs déterminent les soins de fin de vie qu'elles offrent dans leurs locaux. Toutefois, elles ne peuvent exclure l'aide médicale à mourir des soins qu'elles offrent. Toute maison de soins palliatifs doit, avant de recevoir une personne, lui indiquer les soins de fin de vie qu'elle offre.» Alors, j'aimerais vous entendre, j'aimerais que vous élaboriez sur ça, parce que je trouve que c'est mêlant un petit peu.

Mme Guay (Hélène) :Bien, ce qu'on se rappelle, c'est qu'à l'adoption de la loi il y a eu des maisons de soins palliatifs qui ont eu l'opportunité de ne pas offrir l'aide médicale à mourir, alors que c'est un soin reconnu par le législateur. Et on a adhéré à cette position-là. On a eu plusieurs discussions aussi, on était conscientes de ça, mais là ce qu'on voit dans l'article, c'est qu'on constate qu'il y a eu un changement depuis le projet de loi n° 38, et on voit qu'on suggère qu'à ce moment-là toutes les maisons de soins palliatifs vont devoir offrir l'aide médicale à mourir comme soins. Alors, il y a eu... certaines de ces maisons de soins palliatifs ont eu l'opportunité de ne pas les offrir. Alors, l'objectif ici, c'est de vous demander de clarifier la situation pour ces établissements-là qui vont désormais...

Mme Guay (Hélène) :...être tenus, sinon autorisés à les exclure. Alors, on comprend qu'ils ne devraient plus les exclure, mais il faudrait clarifier si ça s'applique à toutes les maisons de soins palliatifs, même celles qui avaient eu cette autorisation-là.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions pour cette portion des échanges. On va poursuivre avec la députée de Westmount Saint-Louis pour une période de 9 min 54 s.

Mme Maccarone : Merci beaucoup. Bonjour, Mme la bâtonnière. Bonjour, maître. Bonjour, maître. Un plaisir de vous avoir avec nous puis merci beaucoup pour votre mémoire et votre témoignage, je pense que ça va vraiment nous aider en ce qui concerne la bonification de ce projet de loi. Puis merci beaucoup parce que vous parlez de la distinction entre maladie et handicap, qui est fort importante, parce que ce n'est pas tous les handicaps qui découlent d'une maladie et ce n'est pas toutes les souffrances qui ont besoin d'être liées à la maladie aussi. Alors, je pense que c'est très important qu'on s'en... on en prend compte de ça dans nos délibérations.

Vous avez aussi fait de la mention de... C'est l'autodétermination que je trouve aussi fort intéressante et importante. Si on enlève la notion de neuromoteur, on peut inclure, par exemple, les personnes qui souffrent d'une déficience intellectuelle, des personnes qui souffrent de l'autisme, par exemple, s'ils sont aptes à consentir à un soin et s'ils souffrent d'une maladie, par exemple, comme le cancer. Mais je vous mets au défi, parce que ce qu'on a... On a entendu beaucoup en commission spéciale, parce qu'on a parlé un peu de la notion d'autodétermination et comment nous pouvons aussi protéger ces personnes qui se retrouvent souvent en situation de vulnérabilité ou qu'ils sont eux-mêmes vulnérables. On a entendu aussi hier que nous devons exclure déficience intellectuelle, puis on peut imaginer que, quand on dit une exclusion de déficience intellectuelle, on parle d'une déficience intellectuelle grave. Alors, en conséquence, quelqu'un qui n'est pas apte, devons-nous prévoir quelque chose dans la loi pour protéger aussi ces personnes qui sont vulnérables?

Vous savez, je suis mère de deux enfants, probablement... et qui sont autistes, qui sont aptes, pas aptes. Ce serait difficile pour moi-même de... que j'espère, évidemment, je ne souhaite pas que ça arrive à quelqu'un proche de moi puis surtout pas mes enfants, mais, si, mettons, ils tombent malades puis ils se retrouvent dans une situation où ils souffrent et ils ont de la misère à exprimer leurs souffrances, mais c'est rendu à cause d'un accident d'auto, c'est... je ne sais pas si je serais en mesure de déterminer s'ils sont eux-mêmes capables de consentir à un soin, malgré que je considère mes enfants aptes. C'est qui qui devrait faire la détermination dans un cas de même?

Mme Guay (Hélène) :Bien, c'est un privilège d'être... de recevoir ce que vous nous dites, ceci dit, moi, je peux vous dire qu'une partie de ma clientèle, c'est ça, des gens... c'est dans ma pratique de représenter soit les proches, soit les parents, soit les personnes elles-mêmes. Ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a déjà... dans notre loi, dans notre Code civil et dans nos lois, il y a des mécanismes de protection et de représentation des personnes qui sont inaptes à prendre des décisions pour elles, on parle de matière de capacités, et qui doivent être représentées. Et on a aussi un régime de représentation en matière de soins, et c'est là où intervient le parent ou la personne qui peut consentir pour faire ça.

• (15 h 40) •

Donc, il y a déjà, dans nos lois, les mesures, les règles nécessaires pour s'assurer qu'une décision de soins va être prise dans l'intérêt de la personne. Et, si cette personne-là devait être évaluée au niveau de son inaptitude, bien, à ce moment-là, il y a tout un mécanisme, puis vous le connaissez probablement, qui... auquel est tenu le médecin. Donc, ces évaluations-là de l'inaptitude, de toute façon, elles ne sont pas esquivées du fait qu'on voudrait... ce qu'on propose, c'est d'élargir la loi, l'accès à l'aide médicale à mourir. Ils vont rester là, et les critères vont rester là, et les critères très stricts de l'accès à l'aide médicale à mourir vont rester là. Et il y a tout le processus, comme je le disais, d'évaluation de l'inaptitude.

Donc, on veut peut-être être très prudents, mais en même temps il faut se rendre aussi à l'évidence qu'il y a, dans nos lois, des protections qui existent et il y a une égalité aussi, un droit à l'égalité et à la protection de ce droit-là aussi. Alors, je pense que je ne voudrais pas...

Mme Guay (Hélène) :...j'espère avoir un peu répondu à votre question.

Mme Maccarone : Oui. Et je présume que c'est la même chose en ce qui concerne une demande anticipée.

Mme Guay (Hélène) :Bien, sur les demandes anticipées, on a aussi beaucoup réfléchi à la question, puis ce sur quoi on voudrait surtout insister, je pense, c'est que c'est sûr que c'est une situation particulière, où la personne décide de vouloir, de manière anticipée, évaluer sa situation et prendre une décision pour le futur potentiel ou prévisible, mais il va falloir s'assurer qu'elle ait toutes les informations nécessaires, tant médicales que juridiques. Parce qu'on s'aperçoit qu'ici on est aux confins de ce qui décide de ce qui est le plus important pour la personne, sa capacité et son intégrité. Et ces deux concepts-là sont très bien traités par notre législateur, dans nos chartes, dans nos lois. Alors, il faut se rendre à l'évidence que c'est une situation qui va mériter conseils et réflexion. Dr Naud, hier, parlait de 5 heures de rencontre avec une personne pour une demande contemporaine, alors que la personne est apte. Bien, on va être dans la même situation, une personne apte, mais pour une demande anticipée, pour le futur, alors il va falloir mettre beaucoup de temps. Alors, c'est certain qu'il faut s'assurer de prendre le temps de bien informer la personne pour que son consentement soit éclairé. Et c'est un consentement pour le futur. Aujourd'hui, on n'a rien de ça, là, tout ce qu'on a... on anticipe des décisions pour le futur, mais, pour le soin, on s'assure toujours que la personne est apte au moment où elle accepte ou refuse les soins.

Mme Maccarone : À date, nous n'avons pas vu le formulaire en question. Je relance encore la demande de vouloir évidemment en faire le débat, en faire une discussion pour s'assurer que ce que vous dites sera aussi pris en considération avant qu'on termine à faire une étude de ce projet de loi. Dans un cadre juridique, si la demande anticipée, on présume, formulaire x, y, z, là, n'est pas une réflexion de la souffrance identifiée par la personne considérée au moment que le tiers de confiance lève la main pour dire : Je crois que c'est le moment, pouvez-vous faire une évaluation de ma mère, mon père, mon conjoint?, si ce n'est pas une réflexion exacte de la souffrance qui est identifiée, mais on décide que c'est probablement le moment, est-ce qu'on fait fausse route? Est-ce que légalement on va se retrouver peut-être devant le tribunal? Vous avez fait mention de... il faut faire attention le nombre de personnes qui seront là aussi au moment que nous allons remplir la demande anticipée. Vous faites mention qu'on devrait avoir seulement un tiers de confiance qui est nommé. Quel sera l'impact législatif si ce n'est pas une exacte réflexion de ce que nous avons identifié? Et, dans votre réponse, si vous pouvez aussi répondre, parce que je ne sais pas combien de minutes qu'il me reste, mais c'est parce que ça va faire partie un peu de la même question, un refus... Code civil, on dit «refus catégorique», projet de loi n° 11, on dit «refus», ce n'est pas clair. Alors, est-ce qu'il y a quelque chose aussi dont nous allons faire face, peut-être, à... fausse route, côté juridique, puis on va se retrouver devant le tribunal?

Mme Claveau (Catherine) : Disons, pour la première question, c'est sûr qu'on partage vos préoccupations, puis l'importance du questionnaire, que ce soit , tu sais, le plus objectivable possible, en tout cas, qu'il y ait plusieurs critères, puis les travaux vont se continuer, puis on offre aussi notre collaboration si jamais vous avez besoin d'un éclairage juridique sur les questions à mettre dans le formulaire, ça va nous faire plaisir, là, de continuer à vous accompagner dans la réflexion.

Maintenant, quant à la deuxième question, pour le refus...

Mme Champagne (Sylvie) : Le refus catégorique. Hélène?

Mme Guay (Hélène) :Oui. Bien, juste une chose, sur le rôle du tiers aussi, nous, on pense qu'au moment où la démarche sera entamée, on insiste sur le fait qu'il n'y a pas lieu d'avoir un tiers qui pourrait, étant manquant au premier appel, qui soit substitué par un deuxième. Sauf en cas d'empêchement du premier, on ne voit aucun intérêt à ce qu'il y ait deux tiers qui puissent être appelés. Parce que, là, c'est une source de conflit très claire.

Sur la notion du refus, je pense qu'on a... vous avez peut-être entendu certaines références, certaines mentions, hier, mais il faut s'assurer de ne pas mêler les cartes, à savoir qu'il n'y a pas d'équation dans les deux concepts de «refus», tel qu'il est mentionné ici, et «refus catégorique»...

Mme Guay (Hélène) :...catégorique est invoqué à l'égard d'une personne majeure inapte qui refuse de recevoir des soins. C'est bien clair dans le Code civil, c'est l'article 16. C'est une demande qui est évaluée de manière contemporaine. Ici, on fait face, dans le processus, on vise la demande anticipée, donc c'est un consentement anticipé. Donc, la notion de refus ou d'un geste ou d'une parole ou d'une attitude de refus, il ne faut pas la comprendre, il ne faut pas l'assimiler ni même la comparer à la notion de refus catégorique qu'on retrouve au moment où on va chercher l'assentiment d'une personne majeure inapte à des soins qui seraient requis par son état de santé. Donc, c'est deux contextes différents, donc il n'y a pas lieu de... d'importer ni plus ni moins les interprétations du refus catégorique dans le contexte.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Maître Guay. On va poursuivre nos échanges avec la députée de Sherbrooke pour une période de trois minutes 18 secondes. La parole est à vous.

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Je vais avoir deux questions.

Je commence par la première. Je vais vous demander effectivement un éclairage juridique. Vous nous invitez à... à inclure la notion de handicap, à laisser tomber la notion de handicap neuromoteur. J'ai tâté le terrain plus tôt aujourd'hui avec un autre groupe : est-ce que, si la formulation, c'était plutôt «que la personne soit atteinte d'une condition grave et incurable», est-ce que ça nous permettrait d'englober ce qu'on souhaite englober sans discrimination puis sans nécessairement avoir à définir, là, la notion de handicap?

Mme Champagne (Sylvie) : C'est une bonne question. Je vous dirais que l'arrêt Carter dit «problème de santé grave et irrémédiable». Là, vous nous proposez «condition grave et irrémédiable». On n'est pas loin. Je vous dirais que le Barreau, on n'a pas de position, mais je trouve que ça va quand même... On avance. Donc, je vous encourage à continuer dans ce sens-là.

Mme Labrie : Bien, Merci. Puis, la deuxième question, c'est que vous nous proposez d'offrir une consultation avec un juriste. Quel type de questions pourraient être posées à un juriste? Parce qu'a priori on a tendance à penser qu'un citoyen pourrait avoir des questions en termes de soins, des questions plus d'ordre médical par rapport à l'aide médicale à mourir, puisque c'est un soin. Quel type de questions pensez... Vous pensez que quelqu'un pourrait poser à un juriste?

Mme Guay (Hélène) :Bien, on... Le projet doit faire référence à... le... au tiers de confiance, c'est qui, votre tiers de confiance, c'est à qui vous pourriez référer, tu sais. Dans la pratique, les gens me demandent souvent : Ah, qui devrait être un mandataire? Est-ce que je peux... Est-ce que je peux inclure telle personne? Mais, ces genres de questions là qui... L'éclairage qui peut être apporté à la personne qui va décider : je devrais... est-ce que je devrais ou pas faire une demande anticipée. Il est important qu'ils voient plus loin que juste les connaissances générales qu'ils ont ou qu'ils ont attrapées au fur et à mesure de... des... de, je ne sais pas, moi, des nouvelles qui passent. Pourquoi? Bien, Parce que c'est important que les personnes sachent non seulement l'évolution médicale, mais aussi l'évolution juridique : il y a le tiers, après ça, est-ce que je peux retirer ma demande, est-ce que je peux la reformuler, est-ce qu'elle va devenir caduque, Si, justement, je refuse... Dans... dans le... dans la démarche, combien de fois je vais pouvoir la présenter, combien de tiers je pourrais avoir, est-ce que je suis obligé d'inclure mes proches, si je n'ai pas de proches, si je n'ai personne, si je n'ai pas de tiers, est-ce que j'ai le droit de faire une demande. Donc, il y a beaucoup de questions. Je m'arrête là. Il y a beaucoup de questions qui...

Mme Labrie : C'est surtour pour la demande anticipée, en fait, que vous nous invitez à prévoir l'accès à la consultation?

Mme Guay (Hélène) :Oui, définitivement.

Mme Labrie : Parfait. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, on va terminer cette ronde de... d'échange avec la députée de Laviolette-Saint-Maurice pour une période de trois minutes 18 secondes. La parole est à vous.

• (15 h 50) •

Mme Tardif : En fait, plus ça allait, plus mes questions s'effritaient... s'effeuillaient, vous avez donc répondu à plusieurs de mes questions, mais il m'en reste une. Vous parlez d'harmonisation puis on en a discuté, là, avec le Code criminel, le fédéral et le provincial, et vous avez soumis l'idée qu'il serait opportun d'avoir un projet pilote. Comment vous voyez ça?

Mme Champagne (Sylvie) : Alors, après le projet de loi n° 38, évidemment, on savait que ça allait revenir parce que c'est un projet de loi qui est important. Et comme on le dit, on est en faveur de l'élargissement pour les demandes anticipées. Puis on se disait : mais comment concilier le fait qu'au Québec, on est prêts, mais que dans le reste, peut-être, du Canada, ils ne sont pas prêts à le mettre tout de suite. Mais on voit qu'ils y réfléchissent avec les rapports qui ont été produits. Et en réfléchissant, on a eu comme une idée, on pense, intéressante et on a regardé que des fois le fédéral peut donner des exemptions au niveau de ses lois d'application...

Mme Champagne (Sylvie) : ...on vous a donné deux exemples dans le mémoire, donc un centre d'injection supervisée pour les drogues fortes à Vancouver. Et aussi, en Colombie-Britannique, on a décidé de décriminaliser la possession personnelle de drogues illicites, et ça va rentrer en vigueur... en fait, c'est rentré en vigueur, c'est le 31 janvier 2023, jusqu'au 31 janvier 2026.

Alors, on se disait, mais vu que le Québec, on est prêt, on pourrait demander à ce que le Code criminel permette cette exemption-là au Québec et qu'on puisse le faire, la demande anticipée sur un projet pilote. Et moi, je suis convaincue qu'étant donné que va être bien balisé, ça va être bien encadré, on pourrait démontrer que c'est très viable de permettre les demandes anticipées, et qu'il n'y a pas les dérives auxquelles on pense ou on a peur. Donc, c'est pour ça qu'on vous propose cette option-là.

Mme Tardif : Merci. Est-ce que les projets dont... auxquels vous faites référence en Colombie-Britannique, est-ce que ça a été long, parce qu'on ne veut pas non plus pas aller trop vite pour notre projet de loi, mais on ne veut pas que ça soit retardé par le fédéral non plus, est-ce que c'est long d'obtenir l'accord ou l'exemption du fédéral?

Mme Champagne (Sylvie) : Bien, je vous dirais que le Parlement siège, ils sont capables de déposer habituellement des projets de loi puis aller rapidement quand il y a la volonté. Donc ça, là-dessus, je vous laisse, aux parlementaires, là, faire vos démarches. Mais c'est quelque chose qu'on pensait qui pourrait être intéressant pour les Québécois et les Québécoises.

Mme Tardif : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la bâtonnière, maître Guay, maître Champagne. Merci, au nom de mes collègues, pour l'apport à nos travaux. Je vais vous souhaiter une bonne fin de journée et je vais suspendre le temps de recevoir notre prochain groupe. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 15 h 53)

(Reprise à 15 h 56)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Nous recevons la Chambre des notaires du Québec. Alors, monsieur, madame, je vais vous demander de vous présenter dans quelques instants. Vous aurez une période de 10 minutes également pour faire votre exposé, mais je vais vous demander de vous présenter dans un premier temps. La parole est à vous.

Mme Potvin (Hélène) : Alors, bonjour...

Mme Potvin (Hélène) : ...donc, je me présente, Hélène Potvin. Je suis notaire et présidente de la Chambre des notaires du Québec. Je suis accompagnée aujourd'hui par Maître Jean Lambert, notaire émérite, ancien président de la Chambre des notaires. Maître Lambert et notre expert-conseil sur cette question depuis de nombreuses années. Alors, c'est pour cette raison qu'il m'accompagne aujourd'hui.

Alors, Mme la Présidente, Mme la ministre, Mesdames les députées, au nom de la Chambre des notaires du Québec, je vous remercie pour votre invitation à m'adresser à vous aujourd'hui. Tout d'abord, je tiens à féliciter et remercier la ministre pour ce projet de loi qui vient rejoindre les préoccupations et la volonté de la population québécoise en matière de soins de fin de vie. Merci d'avoir écouté les citoyens. La demande anticipée sera maintenant permise, oui, mais il faut maintenant travailler ensemble à rendre son utilisation sécuritaire et permettre les meilleures conditions possibles pour son application pratique, et ce, dans le respect de la personne qui la formulera. Il est essentiel de préserver l'intégrité de la demande anticipée afin d'éviter des dérapages ou des utilisations inappropriées.

La mort fait partie de la vie. Les notaires sont bien placés pour en parler. Les discussions autour de la mort font partie du quotidien pour des centaines, voire même pour des milliers de notaires. Des notaires accompagnent depuis toujours les personnes qui souhaitent établir leur volonté dans un testament. Nous en avons des millions d'inscriptions dans notre registre. Les notaires traitent des sujets sensibles, on parle des modes de disposition du corps, on parle du choix des personnes qui s'occuperont de régler la succession. On parle de dévolution des biens, d'impôt, mais aussi beaucoup d'émotion et de tranquillité d'esprit. Enfin, pour que tout soit clair pour ceux qui resteront.

Et maintenant, le législateur introduit cette nouvelle mesure pour les personnes qui font face à de sombres diagnostics, soit la demande anticipée d'aide médicale à mourir. Il ne faut surtout pas laisser les citoyens seuls devant cette situation fort désolante et hautement émotive. Bien sûr, il est essentiel que cette nouvelle mesure soit faite dans un écrit. Toutefois, on ne devrait pas permettre l'utilisation d'un formulaire. En fait, on devrait l'éviter à tout prix. Ce formulaire ne pourra jamais donner les meilleures garanties que la demande anticipée a été formulée avec toute la clarté requise et que le consentement de la personne a été donné de manière libre et éclairé. Un formulaire, c'est un acte sous seing privé qui n'a pas de garantie de fiabilité. Aucune exigence non plus sur sa compréhension, ce qui ouvre facilement à la contestation, une fragilité impensable pour une demande anticipée d'aide médicale à mourir.

D'ailleurs et à titre comparatif, le testament notarié est le seul testament à ne pas nécessiter une procédure judiciaire de vérification au décès. Les testaments signés devant témoin, donc comme un formulaire ou olographe, soient ceux écrits et signés à la main, doivent faire l'objet d'une vérification judiciaire établissant que le testament a bien été rédigé et signé par une personne bien identifiée qui a confirmé que le document contient l'expression de ses dernières volontés.

• (16 heures) •

Le législateur ne se contente donc pas du contenu du testament complété comme un formulaire pour le règlement d'une succession. Alors, pourquoi se contenterait-il du contenu d'un formulaire pour qu'une personne décide du moment venu de mettre fin à ses souffrances? Est-ce à dire que c'est moins important de faire une demande anticipée d'aide médicale à mourir que de prévoir la dévolution de ses biens? La réponse me semble évidente. Le législateur a l'obligation de rassurer les citoyens en leur offrant la plus haute sécurité juridique. Les conséquences sont trop importantes. C'est pour cette raison que nous croyons que la demande anticipée d'aide médicale à mourir ne devrait être formulée que sous forme notariée.

Et je m'explique. Tout d'abord, la description des souffrances physiques et psychiques devra être précise, personnalisée et rédigée sans ambiguïté. Bref, du sur mesure, difficilement conciliable avec une approche formatée de cases à cocher. Pour nous, l'intervention du notaire ici est capitale. Il accompagnera le professionnel compétent à qui revient la lourde responsabilité de s'assurer que les souffrances décrites dans la demande sont médicalement reconnues comme...


 
 

16 h (version non révisée)

Mme Potvin (Hélène) : ...pouvant découler de la maladie dont la personne est atteinte et quelles sont objectivables. Le notaire pourra poser les questions pertinentes en vue de s'assurer du respect de la loi concernant les soins de fin de vie et pourra ainsi rédiger la description des souffrances en termes clairs. Cette description, je vous le rappelle, peut être très personnelle et différente d'une personne à l'autre. On est bien loin des cases à cocher.

Ensuite, la demande anticipée doit être d'une fiabilité du plus haut degré. L'intervention du notaire, puisqu'il est un vulgarisateur reconnu, favorisera la compréhension par la personne des critères essentiels mentionnés à la loi et qui doivent être pris en compte pour fonder sa décision. Ceci viendra assurer à tous que le consentement de la personne a vraiment été donné de manière libre et éclairée au moment de sa demande anticipée. Et c'est encore plus vrai pour le professionnel compétent qui administrera l'aide médicale à mourir. L'acte notarié, ne l'oublions pas, fait preuve à l'égard de tous de son contenu, de sa date et de la validité du consentement. Il est pratiquement incontestable.

Certains pourraient mentionner que l'acte notarié vient alourdir le processus de la demande anticipée. En fait, encadrer un acte juridique par des formalités ne vient pas alourdir une démarche mais vient plutôt donner des garanties de sécurité. Ainsi s'adjoindre un notaire pour voir au respect des formalités mentionnées à la loi vient permettre à la personne et aux professionnels compétents de se concentrer sur les vrais enjeux de cette bataille contre la maladie.

Mais revenons à l'exigence du formulaire. Il est également question, dans le projet de loi, d'un formulaire qui serait annexé à l'acte notarié. Il est impensable de prévoir une telle façon de faire, et la chambre s'y oppose vivement. C'est mal comprendre la valeur de l'acte notarié que de prévoir une telle disposition. L'annexe n'est qu'un accessoire qui vient compléter un acte. On pense ici à une résolution de compagnie, un acte de financement, on parle d'un plan à un acte de servitude, on ne parle pas du fond de l'acte. En exigeant que la demande anticipée soit incluse dans un formulaire qui est annexé à l'acte notarié, le législateur dénature ainsi l'acte notarié. À la place de prévoir un formulaire en annexe. La Chambre demande plutôt qu'un règlement vienne encadrer le contenu minimum qui devra se retrouver... pardon, dans la demande anticipée sous forme notariée.

Alors, comme je l'ai dit plus tôt, le document notarié assure la sécurité, la fiabilité et est presque incontestable, mais, bien au-delà de ces attributs, un acte notarié est le résultat d'une démarche, d'un processus. En fait, c'est le résultat d'un accompagnement. C'est cet accompagnement qui explique, entre autres, la haute cote de confiance que le public porte aux notaires, soit près de 90 % selon les derniers sondages. Ainsi, la demande anticipée d'aide médicale à mourir pourra, comme on le fait actuellement dans les testaments notariés, être personnalisée pour être vécue par la personne comme elle le souhaite. Je vous rappelle qu'il est question ici d'un événement avec une grande charge émotive. Il est important que la personne puisse vivre ce moment comme elle l'entend, qu'elle puisse dicter ses volontés, ses choix qui sauront rendre ce moment à son image.

Alors, on nous parle aussi de l'accessibilité pour tous. Alors, si le législateur reconnaît l'importance de la demande anticipée d'aide médicale à mourir pour la population québécoise et veut en assurer la plus haute sécurité juridique, il exigera que la demande anticipée ne puisse être formulée que par acte notarié. Et, dans ce cas, s'il en souhaite l'accès universel, l'État devra en assumer les coûts, comme il l'a fait pour les autres professionnels impliqués dans la démarche, afin que toutes les personnes qui en auront besoin puissent y avoir recours sans égard à leurs capacités financières.

Alors, en terminant, je vous rappelle que les notaires sont déjà présents pour accompagner les citoyens dans la rédaction de leurs dispositions testamentaires et leur mandat de protection en prévision de leur inaptitude. Année après année, des centaines de milliers de personnes consultent leur notaire et signent ces deux documents importants pour la suite de leur vie. Le notaire a cette expertise de consigner les volontés des citoyens en ces matières qu'il traite avec humanisme et empathie. Alors, pourquoi s'en priver? Il est important de préserver la qualité de vie, la tranquillité d'esprit par un accompagnement adéquat d'un professionnel qualifié qui agira comme pivot dans cette démarche qui pourrait s'avérer complexe si la personne est laissée à elle-même. Alors, ceci permettrait à toute personne...

Mme Potvin (Hélène) : ...aux prises avec des problèmes de santé importants, de continuer sa vie en toute quiétude quant au respect de ses choix et, ultimement, vivre ses derniers moments selon ses volontés. Alors, je vous remercie de votre attention. Nous sommes disponibles pour recevoir vos questions.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Me Potvin, pour cet exposé. Vous soulevez des enjeux et des questionnements importants. Donc, on va ouvrir la période de discussion avec les parlementaires. Je vais commencer par la ministre alors pour une période de 16 min 30 s La parole est à vous.

Mme Bélanger : Mme la Présidente, Me Potvin, bonjour. Me Lambert, bonjour. Et puis, si je ne me trompe pas, Me Lambert, je crois que vous avez siégé pendant quelques années sur la Commission des soins de fin de vie, n'est-ce pas?

M. Lambert (Jean) : Je siège actuellement encore depuis le début. Maintenant, je... Mais je ne parlerai pas au nom de la commission, je comprends bien. Cependant, dans certaines de mes réponses, je ne pourrai pas faire fi des connaissances que j'ai eues dans ce rôle.

Mme Bélanger : Oui, tout à fait. Je comprends qu'aujourd'hui vous ne représentez pas la commission, mais c'est votre expérience simplement qui va être quand même très importante. N'hésitez pas à échanger avec nous. Et puis je veux saluer votre engagement, tant qu'à y être, à la Commission des soins de fin de vie, parce que je sais que c'est quand même beaucoup de travail étant donné que tous les dossiers de demande d'aide médicale à mourir passent par la Commission des soins de fin de vie et sont analysés, entre autres, là, par une équipe. Alors donc, voilà!

Écoutez, peut-être simplement commencer en vous disant, bon, l'aide médicale à mourir est conçue comme un soin. Et il est vraiment conçu au même titre que des soins palliatifs, avec la sédation, avec le soulagement de la douleur, la sédation palliative continue où, là donc, là, on parle maintenant d'une autre possibilité avec l'aide médicale à mourir, en autant que ça répond aux critères qui sont prévus dans la loi, mais c'est conçu comme un soin. Donc ce n'est pas surprenant que l'implication des professionnels, et le rôle des médecins, et éventuellement des IPS, si notre projet de loi passe, soit un rôle important dans l'évaluation de la demande. Et j'aimerais vous entendre à ce sujet-là. Comment concilier le tout? Je reconnais toute l'expertise des notaires effectivement, là, dans tout ce qui est acte notarié, mais comment concilier le fait que l'aide médicale à mourir est conçue comme un soin? Comment on arrime ça pour que ça soit efficace avec la démarche que vous proposez d'en faire un acte notarié?

• (16 h 10) •

M. Lambert (Jean) : Alors, ma présidente me fait signe de prendre la question au vol. On comprend qu'un acte notarié peut toucher un ensemble très vaste de préoccupations, des éléments de la vie, que ce soit commercial, que ça soit des relations de personnes qui vont décider de faire vie commune, etc. Donc, il faut comprendre que l'acte notarié en lui-même est un instrument de sécurité juridique dans une situation donnée. L'aide médicale à mourir n'existe que parce que collectivement on a décidé par une loi que c'est possible. Il n'y a pas si longtemps, tuer était un crime. Maintenant, on a dit, dans certaines circonstances, alléger les souffrances en mettant fin à la vie d'une personne selon son désir et son consentement, en fait, c'est les mots clés, ce n'est plus un crime. Et c'était le jugement Carter, entre autres, et toutes les modifications qui ont suivi.

Ici, au Québec, on est allé... on a établi dès le départ qu'il s'agissait d'un soin qui s'inscrit dans un continuum. Voici donc une demande, contrairement à la demande contemporaine qui est exécutée, le président de la commission l'a dit, habituellement dans les six mois et même à 70 % dans les trois mois. Ici, on est en présence d'une demande d'une personne qui ne veut pas mettre fin à ses jours prématurément, qui veut vivre sa vie tant et aussi longtemps qu'elle sera apte et qu'elle ne sera pas... qu'elle pourra endurer le niveau de souffrance. Donc, on parle ici en termes de mois, d'années. Donc, d'avoir un document qui sera exécuté par des personnes qui, peut-être, n'étaient pas là au moment où elle a formulé ces voeux. Je pense, ici, au professionnel compétent qui pourrait en être un autre...

M. Lambert (Jean) : ...à un moment donné arrivera le moment venu, et ceux qui auront à exécuter auront besoin de savoir si, un, le document qu'ils ont devant eux, c'est le document le plus fiable possible. Et on croit que c'est l'acte notarié, contrairement au document... privés. Il devra savoir aussi la description précise ou aussi précise que possible des souffrances que cette personne-là considérera comme intolérables. Alors, il faudra que le professionnel compétent puisse être capable, à la lecture et à son propre constat, parce qu'on comprend bien que le notaire ne joue pas le rôle du médecin, là... l'évaluation et les intrants. D'ailleurs, la description qui devra être faite à l'acte, c'est le résultat d'un concours de collaboration avec le professionnel compétent qui va accompagner la personne. L'avantage du notaire, ici, c'est qu'il est un excellent rédacteur d'actes, et c'est reconnu, et ainsi, il vient soutenir le médecin.

Je puis vous dire pour avoir vu, dans les premières années, les formulaires remplis à la main par les médecins où il fallait, à peu près dans 40 % des cas, demander des compléments d'information aux médecins parce qu'on ne s'y comprenait pas... Et même avec... o il y a eu un formatage informatisé, il reste encore un nombre important, de 10 à 15 %, où on doit encore revenir au médecin pour demander des précisions. On comprend que les médecins, ce ne sont pas des rédacteurs. Pourquoi? Ils sont dans la tourmente, ils sont sollicités de toutes parts. Et de pouvoir compter sur une personne qui est un officier public, ça, c'est l'autre élément de la clé. Donc, quelqu'un qui a une loyauté envers la société, envers l'État, donc, de s'assurer que le contenu de ce document-là sera aussi fiable que possible.

Et il y a tout un domaine de conseils, alors, lorsqu'il y aura l'échange entre le professionnel compétent et la personne qui demande, il pourra, à l'aide de ces questions, clarifier, demander au médecin, par exemple, si ce que la personne vient de décrire comme souffrant, est-ce que c'est une souffrance qui est objectivable, est-ce qu'elle correspond à la loi.

Maintenant, on n'a pas parlé encore du tiers de confiance. J'espère qu'on va pouvoir en parler, parce qu'on a des solutions aussi, surtout lorsque la personne est seule. Mais là je pense que j'ai parlé beaucoup, j'aimerais vous vous remettre la parole, mais lisez notre... et ça, je dis ça aux parlementaires qui n'auraient pas eu le temps de le faire, parce que vous êtes bousculés... de lire notre mémoire.

Mme Bélanger : Bien, écoutez, c'est intéressant. Je pense que la discussion... Peut-être poursuivre dans le sens d'un formulaire, d'un acte notarié. Vous savez que ce qui est prévu dans les modalités, c'était plutôt un dépôt dans le registre de la demande anticipée obligatoire. Et là c'est peut-être une question technique, là, mais en termes de sauvegarde de documents, si un notaire était impliqué, ça voudrait dire... est-ce que ça remet en question le registre?

M. Lambert (Jean) : Non, non, pas du tout. Non, on le fait pour les DMA notariés. On les dépose, on... avec un véhicule et on n'a pas besoin d'annexer le formulaire. Et là on se comprend que, dans les DMA, c'est des refus de soins, essentiellement, c'est la signification, bon, j'étais sur le comité ministériel qui a élaboré le formulaire. Mais la demande anticipée, c'est une demande de soins. Là, là, on est dans un autre ordre de préoccupation.

Mme Bélanger : O.K.. Allons-y donc, vous avez ouvert, il y a quelques instants, sur le tiers de confiance. Alors, dans un processus où on irait avec un acte notarié, comment vous voyez le rôle du tiers de confiance et aussi celui du proche?

M. Lambert (Jean) : Bon. Alors, le tiers de confiance... C'est juste qu'on a un écho, là, je ne sais pas s'il y a un micro d'ouvert. Merci. Alors, le tiers de confiance, c'est une personne qui sera choisie par la personne qui fait la demande. Je réponds tout de suite à une question qui a été donnée : Est-ce qu'il y en a deux en même temps? Non, mais qu'on puisse prévoir un substitut, ça, je pense que c'est de bonne prudence, parce qu'on parle d'un acte dont l'exécution sera probablement de deux, trois, quatre cinq ans plus tard. Alors, les gens ont le droit de décéder, ont le droit d'être malades, d'avoir un accident ou encore d'être rendus à un point où ils ne sont plus capables...

M. Lambert (Jean) : ...de subir la charge émotive. Ça, c'est un des éléments que le notaire va discuter avec le tiers de confiance. Donc, la personne qui sera choisie va avoir besoin elle-même de conseils, elle va savoir, c'est quoi, son rôle, par exemple, de voir périodiquement la personne, devoir s'assurer à sa santé et de savoir si, et ça, c'est l'élément surtout qui est importe, est-ce qu'elle maintient toujours sa volonté d'avoir l'aide médicale à mourir lorsque les souffrances qu'elle a décrites dans sa demande arriveront, seront constatées par l'équipe médicale.

Ensuite de ça, le tiers de confiance devra, lorsqu'il aura constaté lui-même que le moment est venu, il ne prend pas la décision, on se comprend, là, d'administrer, mais il alerte l'équipe, il l'informe pour dire : D'après moi, je pense que madame, monsieur qui a fait la demande est rendu au moment venu, je pense qu'il y aurait lieu qu'on l'évalue. Alors, ça, c'est son rôle, et je pense que c'est un rôle qui est très important. Ce n'est pas la Chambre qui a sorti ça de son chapeau, il y a eu un travail magnifique sur la question de l'aide médicale à mourir par un comité qui s'appelle le comité canadien... le Conseil canadien des académies, et ils ont consacré la question du tiers de confiance comme étant un élément qui vient rassurer le professionnel compétent qui viendra administrer... Alors, viendra lui dire : La dernière fois que j'ai parlé à la personne lorsqu'elle était apte, elle a dit n'oublie pas de voir à ce que mes volontés soient exécutées.

Mme Bélanger : C'est très bien. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Merci, Mme la ministre. Je pense que j'ai une question du côté de la députée de Laporte.

Mme Poulet : Oui. Merci beaucoup de votre participation. Pendant le... votre introduction, j'ai... ça m'a fait penser au mandat d'inaptitude. Alors, je me questionnais, sachant que l'aide médicale à mourir doit avoir... il doit y avoir un diagnostic, est-ce qu'il y a moyen d'initier ses propres... ses volontés, en ce sens-là, dans un mandat d'inaptitude? Et aussi vous aviez mentionné que vous voulez éviter des dérapages, est-ce que, par le passé, vous avez été sensibilisé à certaines... à certains dérapages dans tout le processus?

Mme Potvin (Hélène) : Alors, je crois que c'est important de laisser, donc, la demande anticipée dans un document à part. Alors, on ne traite pas ici, là, du même enjeu, alors c'est pour ça que c'est important de laisser vraiment le mandat de protection en prévision de l'inaptitude de la personne. Alors, je ne sais pas si c'était ça le sens de votre question, Mme la députée.

Mme Poulet : ...

• (16 h 20) •

Mme Potvin (Hélène) : Oui. Alors, je ne sais pas, Me Lambert, qui est un grand passionné, vous le voyez, avait un complément d'information sur le document.

M. Lambert (Jean) : Sans vouloir me péter les bretelles, je suis celui qui a amené cette innovation en 1988 à l'occasion, justement, d'une commission parlementaire dans le cadre des travaux du Code civil. À ce moment-là, on disait que c'était une hérésie puisque le mandat doit tomber lorsque la personne perd son... sa capacité, et moi venait dire : On en fait un spécial qui va justement prendre force lorsque... Alors, compte tenu d'un document qui est fait dans un cadre normal, ça peut être une personne qui a un diagnostic, mais c'est souvent, et le plus souvent, des personnes qui ne sont pas nécessairement malades, ou qui n'ont pas un diagnostic sombre, et le législateur a voulu, dans la première mouture de la loi, de ne pas confondre les deux... les deux véhicules juridiques, et je pense que c'est une bonne chose. Ce que le législateur a voulu, c'est que lorsque la personne va exprimer ses volontés par anticipation, c'est que cette personne-là, maintenant, vit une réalité, elle sait quelle est la trajectoire qui est devant elle au niveau de la qualité de vie qui va décliner, et je pense que le législateur, dans le projet sous étude actuellement, a maintenu cette même prudence de voir à ce que ce soit un document distinct. Alors, je pense que sur ce point-là... Maintenant, au niveau des dérives, évidemment, il y a des décisions judiciaires où ils ont vu qu'effectivement, il y a eu des mandataires qui en ont peut-être pris trop large, alors qu'ici notre tiers de confiance ce n'est pas un mandataire, il ne viendra pas prendre, comme un tuteur, ne viendra pas décider à la place, ce n'est pas lui qui va donner le consentement, la personne va l'avoir déjà donné, et c'est le professionnel compétent qui va évaluer si maintenant le moment fixé...

M. Lambert (Jean) : ...cette personne-là est arrivée. Le tiers de confiance, lui, tout ce qu'il fait, c'est qu'il alerte le milieu médical, l'équipe soignante pour dire : Je pense qu'il est temps d'évaluer la personne. Alors, c'est vraiment très différent.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci pour la question. Il reste encore une minute 43 pour la députée de Vimont, questions, réponses incluses. Merci.

Mme Schmaltz : Parfait, je vais aller rapidement. Concernant les incertitudes, vous en avez parlé tantôt, Me Lambert. Vous parlez de l'identification précise des souffrances ou des conditions qui détermineront l'arrivée du moment venu. Moi, c'est le moment venu, comment on détermine le moment venu? Est-ce qu'on parle d'heures? Est-ce qu'on parle de jours? Est-ce qu'on parle de... Je ne sais pas. C'est quoi, le moment venu? Je comprends le sens de la phrase, là, c'est... ça, c'est sûr, mais c'est quoi, c'est quoi, le moment venu, pour vous?

M. Lambert (Jean) : Le moment venu, c'est lorsqu'on informe l'équipe médicale qu'on croit que l'étape des souffrances intolérables atteint le niveau que la personne a fixé comme devant justifier qu'on lui administre l'aide médicale à mourir. Donc, ce n'est pas une question d'heures ou de jours. Le moment venu, ça veut dire que l'équipe soignante va procéder à ces évaluations. Si ça correspond aux critères de la loi, là on va administrer. C'est tout ça ensemble qui constitue le moment venu de l'administration. Alors, je ne sais pas si ça répond à votre question.

Mme Schmaltz : Bien, je pense, je n'ai plus le temps. Oui, oui, ça répond.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Mesdames les députées, Mme la ministre, merci beaucoup. Alors, je me tourne maintenant du côté de la députée de Westmount-Saint-Louis pour une période de huit minutes... neuf minutes 54 secondes.

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Maître Potvin. Bonjour, Me Lambert. Merci beaucoup de votre présence et votre témoignage, votre mémoire, c'est fort intéressant. Dans le sommaire de vos recommandations, recommandation 1, vous dites que ça va être important, dans le fond, d'ajouter le mot «uniquement» quand on parle de... «soit formulé uniquement par un acte notarié en minutes», quand on parle de dépôt d'une demande de l'aide médicale à mourir par anticipation.

Je veux mieux comprendre la nécessité d'avoir le mot «uniquement». Parce qu'actuellement, dans la loi soins de fin de vie, on dit que ça prend un acte notarié, on n'a pas le mot «uniquement». Puis, dans la loi... le projet de loi 11, même chose dans l'article 29.8, on dit : «doit être faite par un acte notarié». Alors, quelle est la différence? Pour vous, est-ce que ça veut dire : Actuellement, aujourd'hui, les gens peuvent faire une demande puis la faire légaliser, à quelque part, par un avocat, par exemple, ou par autre professionnel?

Mme Potvin (Hélène) : Oui, alors ce que le projet de loi prévoit, c'est qu'il y aura deux façons de faire une demande anticipée, alors le formulaire ou le document notarié. Alors, c'est là que le mot «uniquement» est important puisque, comme je le disais dans mon allocution, on voit mal l'utilisation d'un formulaire. Surtout, on parlait du moment venu, on parle des conditions, on parle de la description des souffrances qui devraient être personnalisées. Alors, c'est là que, pour nous, on voit mal l'utilisation d'un formulaire, et c'est pour ça qu'on recommande de préciser que ce soit uniquement par acte notarié.

M. Lambert (Jean) : Est-ce que je peux rajouter qu'entre autres il faudra décrire précisément le rôle du tiers de confiance également? Probablement aussi que la personne voudra lorsque... le moment venu, et elle voudra que ses proches soient invités. D'autres ne voudront pas que les proches soient là, comme on le voit actuellement dans l'administration des AMM contemporaines. Certains pourront vouloir avoir un accompagnement musical, etc., donc plein de petits éléments humains qui... qu'on voit mal dans un formulaire.

Mais nous, ce qu'on en a, c'est que le formulaire n'est pas un véhicule juridique fiable. Et, quand on dit uniquement, c'est que ça devrait être obligatoirement sous la forme notariée. Actuellement, la demande contemporaine d'AMM n'est pas notariée, elle ne peut pas l'être, ça, c'est les DMA, mais pourquoi? Parce que l'exécution est proche, est rapprochée. La personne est dans un cadre où elle est continuellement en présence d'une équipe soignante, ce qui est complètement différent d'une personne qui dit : Peut-être dans trois ou quatre ans, on devra me mettre dans une résidence parce que là je serais rendu incapable de voir à moi-même, mon alzheimer sera rendu à un stade où j'aurai vraiment besoin d'être soutenu. C'est un autre monde.

Mme Maccarone : Je vous entends. J'ai lu de mémoire puis je voulais...

Mme Maccarone : ...fragile avec le formulaire, je comprends puis je pense que tout le monde a aussi constaté que ce ne sera pas facile de déterminer le contenu du formulaire. Puis aussi au moment d'administrer l'aide médicale à mourir, comment mettre à l'œuvre le formulaire, si ce n'est pas exactement écrit de la même façon que la souffrance est en train de se manifester pour la personne concernée.

Mais vous, vous faites mention aussi que... parce que vous parliez de... On a besoin peut-être de signataires. Vous dites que vous-mêmes vous pourriez être signataires témoins en ce qui concerne cet acte, parce qu'on demande d'avoir deux personnes. Puis vous, vous vous dites, dans votre mémoire, que vous pourriez être un des signataires comme témoins. Est-ce que le tiers de confiance devrait aussi signer quelque chose? Puis, dans votre recommandation deux, si la personne n'est pas capable de signer, vous dites que ça va être important d'avoir des témoins, mais est-ce que, mettons, un vidéo suffira aussi pour s'assurer? Parce que souvent on se retrouve beaucoup de personnes qui sont seules. On parle beaucoup de ces personnes qui sont isolées. Puis on veut aussi s'assurer que leurs droits sont également protégés.

Mme Potvin (Hélène) : Bien, quand vous parlez d'un témoin, alors c'est sûr qu'un acte notarié n'a pas besoin de témoins à la signature. Le notaire est en soi... étant un officier public, donc on n'a pas besoin d'avoir de témoin. C'est sûr qu'il faudra réunir les gens. Donc oui, effectivement, on aura la signature du professionnel compétent. On aura le tiers de confiance, on l'a dit, c'est sûr que cette personne-là doit être informée de ses obligations, doit être informée de la responsabilité, du rôle qu'il jouera plus tard. Alors c'est certain que cet accompagnement-là, on doit le faire vivre dans l'acte notarié. Alors c'est pour ça que les témoins, pour nous, c'est vraiment dans le cas... alors vous faites référence à la recommandation deux. C'est vraiment lorsque la personne n'est pas capable de signer. Alors présentement, il existe dans le Code civil une procédure où un témoin vient recevoir la déclaration de la personne qui dit qu'elle ne peut pas signer. Alors, il signe à titre de témoin qui vient vraiment recevoir la déclaration du testateur. Alors nous, on fait un parallèle avec la demande où on devrait avoir une telle façon, là, de compléter l'acte notarié, là.

Mme Maccarone : Merci. Ma collègue, elle a des questions.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. On va donc poursuivre pour une période de 3 min 54 s avec député de D'Arcy-McGee. La parole est à vous.

Mme Prass : Merci. Pour renchérir sur les commentaires de mon collègue. Est-ce que vous pensez dans ce cas-là que... parce que, là, la façon dont vous avez expliqué, plutôt que le formulaire, comment vous aiderez la personne à rédiger le document, je trouve ça intéressant, les éléments beaucoup plus personnels, comment la personne veut vivre ce moment, etc. Pensez-vous dans ce cas-là que justement il y aurait une certaine rigidité avec un formulaire qui ne permettrait pas à la personne de vraiment pouvoir faire le tour et expliquer les différentes circonstances, les différentes situations par exemple? Donc pas juste côté souffrance, côté moment, mais vraiment, comment on veut vivre ça? Parce qu'on ne le sait pas. On n'a pas vu le formulaire, on ne sait pas de quoi il consiste, mais j'imagine que ça serait plus rigide, plus côté médical que côté... Bien qu'il ne comprendrait pas nécessairement tous les éléments que quelqu'un voudrait y inclure. Donc, est-ce que je comprends de votre part qu'il y a une certaine rigidité que vous voyez avec la formule formulaire plutôt que ce que vous suggérez?

• (16 h 30) •

Mme Potvin (Hélène) : Bien, c'est sûr que nous, le formulaire, ce qu'on comprend d'un formulaire, c'est qu'il va être très, très homogène pour tout le monde. Alors, oui, la rigidité, c'est certain qu'elle est là. Alors on a... si on fait le parallèle avec un testament, on a les clauses minimales qui sont donc que le notaire utilise dans le Code civil, mais il vient bonifier. Il vient ajouter, il vient vraiment personnaliser le document. Alors c'est sûr que le formulaire pour nous, nous croyons qu'il faut vraiment l'éviter à tout prix parce que sinon, ça sera des cases à cocher et on va dénaturer vraiment la personnalisation de la demande. On va se retrouver avec les mêmes clauses pour tout le monde, là. Alors, ça, je pense que oui, effectivement, la rigidité, pour nous, là, c'est vraiment le formulaire est à éviter. Mon collègue M. Lambert voulait ajouter.

M. Lambert (Jean) : Alors, très très rapidement, c'est que l'acte notarié, l'intervention du notaire d'abord et il va. Puis j'ai arrêté.


 
 

16 h 30 (version non révisée)

M. Lambert (Jean) : ...le notaire ne tirera pas dans un tiroir un formulaire, justement, on parle justement que ce n'est pas le cas. Donc, il va avoir du conseil. Le notaire va aviser la personne des éléments qu'elle aura faits, peut-être de rencontrer une ressource en psychiatrie ou psychologique. D'ailleurs, ça pourrait être même la même chose, le même conseil qu'il donnera au tiers de confiance, de dire : Ce serait bon que vous sachiez si vous allez être capable de surmonter l'émotion le moment venu, puis de jouer votre rôle. Donc, ça va être... l'acte va être un aboutissement de rencontre. Le notaire va probablement, avec l'autorisation de la personne, parler au médecin pour qu'il puisse justement préparer la description des souffrances, de sorte que, quand cette réunion-là va arriver, ça va être un aboutissement d'un processus.

Et j'ai tellement peur que le temps passe sans que je ne vous parle de la solution pour le tiers de confiance. Lorsqu'une personne est fin seule, mais il y a... j'ai vu rapidement qu'il y a deux solutions. Hier, la société d'Alzheimer vous ont dit, ils sont... au Québec, qu'ils ont des gens qui accompagnent les gens qui ont eu le diagnostic d'Alzheimer. Et ça pourrait être là une place où on pourrait aller chercher des gens qui accepteront de jouer le rôle de tiers de confiance, d'autant plus qu'ils connaissent bien la maladie. Mais j'ai aussi parlé à des travailleurs sociaux. Vous savez, les travailleuses sociales dans les CLSC, ils rencontrent les gens régulièrement. C'est dans leur ADN, si je peux dire, c'est dans leur culture d'accompagner les gens.

Or, une personne pourrait très bien demander à des travailleurs sociaux qui auront eu une formation par leur ordre professionnel et qui accepteront de jouer ce rôle-là. On comprend que ceux-là n'auront pas besoin de rencontrer deux, trois fois par semaine la personne, mais peut-être passer un coup de fil aux trois mois, rencontrer aux six mois, vérifier en disant; Bon. Bien, vous allez bien, et cetera. Avez-vous vu votre médecin? Y a-tu eu quelque chose? Vous rappelez-vous que vous aviez un rendez-vous, bon, pour telle chose? Et maintenant est-ce que vous demeurez... Est-ce que votre volonté est toujours là?

Alors, ces gens-là sont formés pour ce genre de rôle là. Donc ça permet d'avoir des ressources pour les personnes qui sont absolument seules.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Me Lambert. On va terminer, donc, cette ronde d'échanges avec la députée de Sherbrooke pour une période de trois minutes de 18 secondes. La parole est à vous.

Mme Labrie : Merci. Je vais rester sur le thème de la formation parce que j'avoue que c'est assez intéressant, la réflexion sur laquelle vous nous amenez sur la question de l'acte notarié pour ça, mais je me demande est-ce que les notaires actuellement sont suffisamment formés pour préparer ce type de demande anticipée? Je dois dire que, quand... là, j'oublie son nom à ce moment-ci, mais la dame qui oeuvre chez Carpe diem, qui est venue nous voir, nous parler notamment des réalités des personnes qui vivent avec l'alzheimer et était capable de témoigner d'un certain nombre de situations, par exemple, qui peuvent être vues comme de la souffrance pour certaines personnes qu'on n'est peut-être pas tous en mesure d'imaginer, et peut-être pas tous les notaires non plus. Donc, est-ce que ça prendrait des formations spécifiques ou est-ce que vous estimez être suffisamment équipés déjà pour jouer ce rôle-là?

Mme Potvin (Hélène) : Alors, c'est sûr que les notaires qui travaillent en droit de la personne ont déjà une base. Dans notre code de déontologie, c'est clair, donc, on doit prendre des mandats où on a des connaissances requises. Alors, c'est certain qu'il va devoir y avoir des formations complémentaires, bien entendu. Comme quand on parle d'inaptitude, donc, on parle des soins, on parle de la capacité, on a des formations par des personnels... des professionnels compétents. Alors, bien sûr, il va falloir mettre sur pied des formations pour accompagner les notaires, mais, les notaires, il faut que vous sachiez qu'ils ne partent pas de rien. Donc, ceux qui travaillent déjà en inaptitude ont déjà des connaissances sur les maladies, participent beaucoup, là, à des ateliers. Alors, ça, je ne crois pas qu'il y ait de problème de ce côté-là.

Mme Labrie : Puis où vous le voyez, le niveau de collaboration, entre, par exemple, quelqu'un de l'équipe de soins, un professionnel de la santé puis le notaire pour préparer une demande anticipée?

Mme Potvin (Hélène) : Allez-y, Me Lambert.

M. Lambert (Jean) : Alors, écoutez, d'abord, on comprend que le notaire ne joue pas aux médecins. Il s'agit qu'il ait une formation spécifique comme on a donné lorsqu'on a ouvert les ouvertures d'origine de protection en dehors du tribunal. Les notaires avaient deux jours de formation avec un psychiatre justement pour être capables... d'être capables de se rendre au chevet d'une personne, par exemple, à l'hôpital ou dans un CHSLD, et d'être capables de comprendre l'atmosphère, la dynamique de ces personnes-là. Moi, je l'ai vécu pendant six ans où j'étais infirmier à Notre-Dame-de-la-Merci. Ça vient de là, l'idée. Donc, à l'époque, j'avais suggéré à la Chambre de faire cette formation-là, et elle a été un gage de succès. Et ça sera également, encore une fois, une formation spécifique, obligatoire pour les notaires qui vont oeuvrer là-dedans...

M. Lambert (Jean) : ...et, c'est certain, qui va nous aider là-dedans, bien, c'est les professionnels compétents, c'est des médecins, c'est des IPS. Alors, vous voyez, sans jouer au médecin, on aura quand même le bagage suffisant pour savoir est-ce qu'il y a des questions, est-ce que c'est clair, tel sujet, est-ce que... Et, souvent, on va agir comme un peu quelqu'un qui va rappeler peut-être au médecin qu'il a oublié un point, parce qu'on va, évidemment, développer aussi une compétence à cet égard-là.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, c'est ce qui conclut nos travaux pour cette séance-ci. Me Potvin, Me Lambert, merci beaucoup. Au nom de tous mes collègues, au nom de la ministre, je vous remercie pour l'apport à nos travaux. Je vous souhaite une bonne fin de journée.

Et je vais suspendre, le temps de recevoir le prochain groupe, merci.

(Suspension de la séance à 16 h 37)

(Reprise à 16 h 41)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux.

Nous en sommes maintenant rendus avec le Regroupement provincial des comités des usagers, qui est représenté aujourd'hui par Mme Sylvie Tremblay, directrice générale. Bonjour, Mme Tremblay, bienvenue à la commission. Donc, vous allez bénéficier d'une période de 10 minutes à part pour vous présenter, ensuite, pour exposer votre opinion sur le projet de loi. La parole est à vous.

Mme Tremblay (Sylvie) : Merci, Mme la Présidente et Mme la ministre, ainsi que toutes ces dames qui sont membres de la commission. Très heureuse de voir que ce sont toutes des femmes qui sont autour de... de la commission. Alors, merci de m'accueillir.

Sylvie Tremblay, donc, directrice générale du RPCU. Le Regroupement provincial des comités des usagers du réseau de la santé et des services sociaux défend les droits des usagers et représente plus de 540 comités d'usagers et de résidents dans les établissements de la santé et des services sociaux au Québec, qu'ils soient publics, privés, conventionnés ou autofinancés, et au-delà, en exerçant un leadership à l'égard de l'amélioration de la qualité de soins et de la sécurité des services de santé et de services sociaux au Québec.

Qu'est-ce qu'un usager? Les usagers ne sont pas que des personnes malades, ce sont toutes les personnes qui, à un moment de leur vie, utilisent les services de l'ensemble du réseau de la santé et des services sociaux. Le RPCU les représente.

Le RPCU est satisfait de voir que le projet de loi 11 tient compte d'abord des personnes et de leurs besoins. Cela démontre bien que l'on doit s'occuper de l'humain avant tout et qu'il faut reconnaître que les soins de fin de vie font partie de notre parcours de vie. D'emblée, le RPCU félicite toutes les députées de toutes les... De tous les partis politiques pour avoir fait preuve de courage dans ce dossier sensible depuis le début. Sans votre travail, sans votre ouverture, sans votre écoute, les usagers qui sont... Qui ont ces besoins particuliers n'auraient pas d'espoir d'avoir de meilleures conditions de fin de vie malgré leur situation de vulnérabilité.

Le RPCU voit d'un bon oeil et comprend la nécessité de bien baliser les notions que sont les directives anticipées et les demandes contemporaines. Ainsi, pour permettre à la personne de pouvoir faire une demande d'AMM selon ses choix et ses besoins, en se basant sur les conditions prévues au projet de loi, et ce, notamment, à l'article 14 et à l'article 18.

Les directives anticipées et les demandes contemporaines pour les personnes ayant une maladie neurocognitive. Nous connaissons de mieux en mieux les aspects cliniques de ces maladies et nous sommes d'avis que les... la Personne devrait avoir la capacité de décider pour elle-même et... De sa fin de vie, à un stade précoce. Cette ouverture est aussi une question de dignité et de respect pour l'usager et permettra à cette personne, de façon libre et éclairée, de formuler sa demande. Elle devra, de plus, être accompagnée professionnellement dans l'ensemble du processus d'AMM le temps venu.

L'accès aux services et aux soins palliatifs de fin de vie est un incontournable. Le RPCU aimerait souligner aux membres de la commission que l'ensemble des soins et des services en ce domaine doivent être évalués de façon continue, que le gouvernement du Québec adopte des budgets en conséquence afin de répondre adéquatement aux demandes et à l'accompagnement nécessaire pour que les personnes qui font la démarche d'une demande d'AMM... Et ce, partout sur le territoire québécois. De plus, l'offre de soins palliatifs à domicile et dans les établissements de santé doit être le plus possible en lien avec la volonté et les besoins des personnes. Des équipes compétentes, en nombre suffisant, et dédiées devraient y être associées.

Dans cette perspective, nous voulons souligner l'importance que l'usager ou l'usagère, en toute dignité et respect, devrait avoir la possibilité de recevoir l'AMM dans les maisons de soins palliatifs, cette maison qui l'héberge, que cette personne a choisie et, qui, pour elle, est un lieu de réconfort et de soins respectant ses besoins et son état, et ce, jusqu'à l'AMM...

Mme Tremblay (Sylvie) : ...les personnes en grande vulnérabilité en fin de vie doivent demeurer là où elles sont et recevoir l'ensemble des soins de soins palliatifs à la fin de vie. Nous espérons que ces dispositions seront appliquées rapidement. Le RPCU supporte cette initiative nécessaire afin d'éviter toute dérive au mépris des droits des usagers que sont le droit aux services et plus particulièrement le droit de recevoir les soins que requiert son état.

L'information relative à la loi, la formation des professionnels et les usagers. Le RPCU aimerait sensibiliser la commission au fait que nos membres nous indiquent souvent que la population, les professionnels de la santé et des services sociaux ainsi que les usagers eux-mêmes ne sont pas au fait des mécanismes de la loi, de sa portée, des démarches pour faire... pour avoir accès à l'AMM. Nous pouvons dire sans l'ombre d'un doute que l'information populationnelle est défaillante. Nous recevons de nos membres des demandes d'information sur l'ensemble des mécanismes de l'aide... des directives médicales anticipées à l'AMM. La société civile et l'ensemble des usagers se doivent de bien saisir les notions et les actions liées à l'AMM.

Nous vous recommandons donc de lancer une campagne de sensibilisation et d'information sur l'ensemble de la loi, ses modifications, que cette campagne soit diffusée à l'ensemble de la population et que ce soit pour que les utilisateurs et les intervenants du réseau de la santé et des services sociaux la comprennent. Et, dans le cadre de cette campagne, une attention particulière soit portée aux clientèles issues des communautés culturelles diverses.

Nous sommes très heureux de voir l'ouverture aux infirmières praticiennes spécialisées, en plus des médecins, pour administrer l'AMM. Nous sommes... Nous trouvons que c'est une avancée importante en regard des compétences de celles-ci. De plus, nous tenons à souligner l'importance de la Commission sur les soins de fin de vie et son apport aux échanges, aux débats et surtout à la surveillance au fil des changements législatifs en cette matière.

Ainsi, la création... nous recommandons la création d'un comité d'experts sur la notion de handicap. Le RPCU est sensible à la volonté de tout usager de mourir dignement. Il en va de même pour toute personne en situation de handicap. Ces personnes, en grande majorité, vivent avec des souffrances physiques, psychologiques depuis de nombreuses années. Les pertes d'autonomie deviennent sévères et des changements drastiques aux conditions de vie apportent des stress supplémentaires et des souffrances. Nous sommes d'avis que les services d'adaptation, de réadaptation, de maintien, d'accompagnement par des professionnels pour ces personnes sont aussi au centre des discussions par rapport à leurs besoins, que l'évaluation des besoins, l'accès aux services doit se faire de façon continue de qualité afin d'améliorer les conditions de vie et surtout la participation sociale pleine et entière des personnes handicapées.

...introduit ici qu'une personne ayant un handicap neuromoteur grave et incurable peut faire une demande. Nous sommes d'avis de créer un comité d'experts qui se penche très rapidement sur la notion de handicap et ainsi éviter toute dérive au niveau de la fin de vie des personnes ayant un handicap qui demandent l'AMM, et de plus que la Commission sur les soins de fin de vie veille de façon spécifique l'application, s'il y a ouverture, afin d'éviter toute dérive.

Le RPCU vous remercie de prendre en compte les propos que nous avons émis dans notre mémoire. Merci beaucoup.

• (16 h 50) •

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, madame Tremblay, pour votre présentation. Vous avez soulevé des questions. Alors, avec les membres, on va ouvrir la discussion. On va commencer par Mme la ministre pour une période de 16 minutes 30 secondes. La parole est à vous, Mme la ministre.

Mme Bélanger : Oui, alors, madame Tremblay, bonjour. Ça fait plaisir de vous revoir. Merci pour le mémoire, là, qui nous est déposé aujourd'hui par le Regroupement provincial du comité des usagers et pour votre présentation.

Première question de mon côté. Vous êtes favorable avec l'ensemble... un grand ensemble des éléments, là, essentiellement du projet de loi n° 11. Vous faites des recommandations très pertinentes, mais peut-être avant d'aller dans certaines de vos recommandations qui sont intéressantes, j'aimerais juste m'assurer, au niveau de la vision que le RPCU a concernant le volet de l'handicap, est-ce que le fait de mettre le handicap et de le spécifier...

Mme Bélanger : ...pour le volet neuromoteur, représente un enjeu pour le RPCU, en termes d'accès, pour d'autres usagers qui ne seraient pas dans la classification de handicap neuromoteur, mais qui seraient... qui présenteraient d'autres situations de handicap?

Mme Tremblay (Sylvie) : Cette question est à double volet, je vous dirais. Je comprends, par les discussions qu'il y a eu préalablement sur le projet de loi n° 38, qu'il y avait des ouvertures et qu'il fallait encore discuter à cet effet. J'ai été D.G. de l'OPHQ il y a quelques années, en 2013 jusqu'en 2015, et je vous dirais que, pour les personnes handicapées, même celles qui sont sur nos tables de mission, chez nous, c'est un peu épidermique, tout le volet fin de vie. On est toujours en lien, historiquement... avec un historique qui est lié beaucoup à l'euthanasie, on revient à des mots très, très particuliers, là. Et je faisais encore des... j'ai réfléchi et j'ai demandé à quelques personnes des tables de mission de nous parler de ça, et c'est toujours épidermique. Ce qui me réjouit malgré tout, c'est qu'on puisse en discuter à la commission, on puisse arriver à des discussions ouvertes et qu'on puisse ouvrir le débat, de façon saine et respectueuse, sur l'ensemble des interrogations liées aux handicaps neuromoteurs, qui sont de tout ordre. Bien sûr, il y a des gens qui ont des AVC et puis qui sont dans des situations particulières, on peut parler de paraplégie, quadraplégie, mais il y a aussi des gens qui ont des déficiences et qui ne sont pas intégrés dans ce concept, et là il y a beaucoup de confusion.

Alors, je pense que la commission fait un bon travail. Il y a une évolution, il y a encore une évolution à vos travaux, et il ne faut pas que cette évolution-là soit déterminée par certaines problématiques. C'est pour ça qu'on vous dit : peut-être, dans un contexte... prenez une pause. Un comité d'experts pourrait se pencher sur ces notions de handicaps. Mais, au-delà, la commission de fin de vie pourrait aussi valider très spécifiquement, pour qu'il n'y ait pas de dérive en cette matière.

Alors, nous, on pense que la société québécoise est mûre pour une avancée au niveau des problématiques neuromentales, mais chez nos membres, il y a encore beaucoup, beaucoup de réticence et beaucoup d'incompréhension aussi, en fonction de l'ensemble des handicaps.

Mme Bélanger : En fonction de l'ensemble des handicaps, O.K., je comprends. Peut-être juste nous expliquer qu'est-ce que c'est, les tables de mission, juste pour que l'ensemble de mes collègues comprennent bien, oui.

Mme Tremblay (Sylvie) : Alors, le RPCU, on est... on représente à la fois les personnes en centre jeunesse jusqu'à des personnes en fin de vie. Donc, nous, on a des comités d'usagers qui sont dans toutes les missions, que ce soit l'hébergement, les personnes âgées, les personnes handicapées, réadaptation, déficience physique, intellectuelle, santé mentale, dépendance. Donc, toutes les personnes sont représentées chez nous, et on a des tables spécifiques, où on discute, bien sûr, des droits, mais aussi des grands sujets qui sont en lien avec les droits des usagers, et ce, partout au Québec. Et c'est pour ça qu'on vous dit aussi, au niveau des soins palliatifs à domicile, il y a beaucoup de besoins aussi, par ailleurs. Alors, c'est ça, nos tables de mission. Et on a une table spécifique, là, pour la réadaptation, donc santé mentale, déficience intellectuelle, déficience physique et troubles graves de l'autisme. Donc, on a des tables spécifiques à ce niveau-là.

Mme Bélanger : O.K. Peut-être, je veux juste revenir sur... Bon, dans la loi, dans le projet de loi n° 11, on parle de handicaps neuromoteurs. Je comprends que, à la lumière de ce que vous nous dites, si on n'avait pas mis, dans le projet de loi, le volet neuromoteur, ça aurait fait probablement réagir beaucoup de vos membres, parce que là, dans le fond, on aurait élargi le concept encore plus large.

Mme Tremblay (Sylvie) : Absolument. Mais, au-delà, le concept neuromoteur, pour certaines personnes, il est un peu flou aussi, alors il faut peut-être le définir davantage, pour ne pas créer de confusion supplémentaire. Moi, je pense que c'est une ouverture qui peut être faite, mais, en même temps, il faut bien, bien la baliser, il faut bien exprimer la portée de ça, parce qu'il y a, effectivement, la notion...

Mme Tremblay (Sylvie) : ...de maladie grave et incurable et l'historique du mouvement des personnes handicapées et celles dont je vous parlais en préambule. Donc, il faut être très, très conscients aussi que c'est sensible pour ces personnes.

Mme Bélanger : Je termine avec une dernière question, je vais laisser mes collègues par la suite poser des questions. Mais, sur le trouble mental, c'est... vous savez, on l'exclut du projet de loi, mais, comme vous représentez différents groupes d'usagers, est-ce que ça a été salué, remarqué par vos membres, le fait qu'on a exclu du projet de loi des personnes ayant un trouble mental?

Mme Tremblay (Sylvie) : Je pense que les gens étaient satisfaits de ne pas se retrouver dans le projet de loi parce que... Je pense que beaucoup de discussions ont encore à avoir au niveau des problématiques de santé mentale et je pense que c'est très bien de continuer la réflexion et de voir comment éventuellement, dans l'exercice que vous faites et qui seront fait dans les prochaines années aussi, il pourra avoir des discussions sur ces problématiques-là. C'est plutôt positif en fait.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la ministre. Je vais me tourner maintenant du côté de la députée de Roberval pour... il reste encore 9 min 10 s.

Mme Guillemette : Merci, Mme la Présidente. Merci, madame Tremblay d'être avec nous aujourd'hui. J'aimerais, moi, vous entendre sur le handicap. Dans le projet de loi, c'est handicap neuromoteur. Vous ne croyez pas que, si on ne les inclut pas, ces... les handicaps, ces gens-là pourraient se sentir... pourraient sentir de la discrimination ou... Parce qu'il ne faut jamais oublier qu'il y a la notion de souffrance, hein, qui doit venir avec ça. Donc, ça ne veut pas dire que... parce qu'ils peuvent faire une demande d'aide médicale à mourir, qu'ils auront accès et qu'ils pourront faire une demande. En fait, s'il n'y a pas de notion de souffrance, quelqu'un ne pourra pas que sur la base qu'il est... qu'il a un handicap faire une demande.

Mme Tremblay (Sylvie) : Je comprends, on parle de maladie grave et incurable. Je comprends très bien. Vous et moi, on le comprend. Mais, les personnes handicapées, la notion de handicap, les limitations fonctionnelles, on arrive à la commission et, à chaque étape de cette commission, il y a eu des débats. Vous vous souviendrez, les premières démarches étaient sur le cancer, ensuite, il y a eu d'autres démarches. On peut faire l'historique de ça. Votre commission aura à se pencher sur la notion de handicap, les personnes handicapées, ce qu'elles vivent, ce qu'elles vous demandent et les besoins en fonction de la discrimination ou pas. Et ça, je pense que c'est à la commission de bien circonscrire la notion neuromotrice avec la maladie grave et incurable, de bien, bien organiser et de spécifier en quoi. Alors, si c'est de l'AVC, de la dystrophie musculaire, une amputation liée à une maladie vasculaire, il y a déjà des avancées à ce niveau-là, mais il y a d'autres personnes handicapées qui pourraient ne pas se reconnaître et qui pourraient éventuellement... Il pourrait y avoir des dérives.

• (17 heures) •

Alors, c'est plutôt positif, ce qui vous arrive, en fait, parce qu'à chaque fois qu'on arrive sur cette merveilleuse commission, où on est capables, nous, comme société, d'évoluer en fonction de la fin de vie, on est capables aussi d'adresser les problématiques qui sont de plus en plus complexes. Et, au niveau des personnes handicapées, je vous dirais qu'il y a de la complexité et il y a aussi des gens qui pourraient se sentir discriminés en fonction de ça. Donc, c'est une avancée, c'est des discussions qui doivent se faire, se faire sainement, vous le faites, et je pense qu'il y a de l'ouverture.

Alors, s'il faut prendre un peu plus de temps puis qu'un comité d'experts puisse se pencher là-dessus, c'est tant mieux. Si la Commission de fin de vie a une vision très, très particulière sur cette ouverture et qui voit qu'il y a de la dérive, ils pourront aussi revenir à la commission et au législateur pour avancer. Moi, je pense que la prudence est toujours de rigueur. Vous le savez, nous le savons. Et, dans ce contexte-là, vous devez avoir la vision la plus éclairée possible. On peut se revoir dans six mois. Ça peut être adopté aussi avec la notion neuromoteur avec maladie grave et incurable maintenant, mais gardez-vous de l'espace pour... Gardez-vous de l'espace pour de l'évaluation...


 
 

17 h (version non révisée)

Mme Tremblay (Sylvie) : ...très, très, très rapide parce qu'il pourrait y avoir des dérives. Puis moi, j'ai été D.G. de l'OPHQ, là, puis vraiment c'est très épidermique. À partir du moment où on parle de fin de vie, les personnes handicapées sont souvent très, très bouleversées par ce qui s'est passé historiquement dans leur vie. Alors, moi, je pense qu'il faut... Vous avez un bon, un beau problème puis vous avez toute la sérénité, là, pour prendre en main ce nouveau débat, je dirais.

Mme Guillemette : Justement, c'est l'intérêt, là, de vous entendre. Et est-ce qu'un véhicule comme... bon, vous avez parlé d'un comité d'experts, ou d'un forum, ou... pourrait faire en sorte que rapidement on puisse statuer? Ma première question. Et, dans le projet de loi, on a handicap neuromoteur. Tant qu'à être là et de travailler et de se questionner sur le sujet, est-ce qu'on devrait y aller pour les handicaps en considérant qu'il y a toujours le volet de la souffrance qui est là? Est-ce qu'on devrait y aller dans le handicap grand, grand terme?

Mme Tremblay (Sylvie) : Votre première question, votre premier préambule, c'est rapidement. À votre fin de question, je vous dirais que ce ne sera pas rapide si on ajoute l'ensemble des handicaps. Et je vous prendrais comme exemple les personnes qui ont un handicap intellectuel ou un handicap... un handicap intellectuel, prenons cet exemple-là, qui ne sont... ce n'est pas un handicap neuromoteur. Donc, à partir du moment où on ouvre l'ensemble de la notion de handicap, ce ne sera pas probablement rapide.

Moi, ce que je vous dis, c'est que vous avez circonscrit un peu la notion neuromoteur sur une maladie grave et incurable pour certaines problématiques, je pense qu'il faut le souligner davantage. À cet aspect-là, peut-être qu'un comité d'experts pourrait vraiment le baliser correctement, pour demander aussi à la Commission de baliser aussi. Et moi... Et, si c'est un débat sur le handicap, moi, je pense qu'il faut prendre le temps, comme on s'était dit précédemment pour la santé mentale, prendre le temps de reprendre le pouls de la population, des personnes handicapées elles-mêmes, l'Office est là pour donner des conseils aussi, l'OPHQ est là pour ça, donc de refaire un peu le tour et d'arriver avec une vision éclairée.

C'est mieux de prendre le temps qu'il faut pour que la population embrasse, comme vous êtes en train de faire, et que nous, on puisse, comme comité d'usagers, le défendre et permettre au comité d'usagers aussi de bien l'expliquer au niveau des missions respectives des établissements. Tout ça est positif en soi, mais il y a toujours la question de temps puis il y a toujours la question de compréhension aussi.

Mme Guillemette : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Nous avons encore le temps pour une dernière question. Mme la députée de Laporte. Il vous reste deux minutes 15.

Mme Poulet : Bien, ça a été... Bonjour, madame. Merci beaucoup de votre participation. Mme la Présidente, merci. Ça a été partiellement répondu, vous avez couvert certains éléments. Comment se vit aujourd'hui la demande contemporaine? Quelle est la réalité de vos usagers? Vous êtes là pour prendre le pouls de la population, de vos usagers sur... qui vivent cette demande-là.

Votre recommandation n° 4, c'est de lancer une campagne de sensibilisation et d'information. J'ai parlé avec des collègues tantôt, avant de rentrer, de commencer la commission, on parlait, justement, que l'information d'un endroit n'est pas nécessairement la même information qu'un autre endroit. Est-ce qu'il y a une problématique au niveau des usagers quant à l'information qui est diffusée aujourd'hui dans la demande contemporaine? Et, si oui, de quelle façon on peut s'assurer que, pour la demande anticipée, l'information soit claire pour tous?

Mme Tremblay (Sylvie) : Bien, c'est beaucoup plus large que... Ce que je vous dis puis ce que nos membres nous disent, c'est qu'il y a beaucoup de confusion sur l'ensemble de l'œuvre. Alors, les gens, ils adhèrent à la loi, ils adhèrent au changement puis vous écoutent, et c'est très... Et les gens sont heureux de voir que vous prenez un soin très extrême à baliser l'ensemble de la fin de vie et l'aide médicale à mourir.

Mais, au-delà, nous, on reçoit des demandes de... les demandes médicales...

Mme Tremblay (Sylvie) : ...comment on peut travailler? Comment répondre à une personne qui pense que demander... l'anticipé, peut aller directement à l'AMM? Il y a de la confusion assez générale dans l'ensemble de la population puis de nos membres aussi sur je vous dirais la Ligne, là. Et ça, je pense que vous devez être conscient que plus ça se complexifie, plus ça devient... Il faut l'expliquer davantage. Et nous, on travaille avec des bénévoles qui sont dans tous les milieux et là, on en perd un peu notre latin. Alors nous, ce qu'on vous dit, c'est : on peut-u adapter des mécanismes de communication. Là, on peut vous aider à faire la formation. Il y a des endroits... on rencontre des intervenants quelquefois qui ne comprennent même pas la différence, là. Alors je comprends qu'il y a toutes sortes de monde dans le réseau, là, mais si, nous, il faut les accompagner pour bien expliquer aux usagers, là, ça devient un peu particulier. Alors...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, madame Tremblay. Cette portion d'échange avec la ministre et les députés étant terminée, je vais me tourner du côté de l'opposition officielle. Merci, mesdames, merci, Mme la ministre, avec l'opposition officielle représentée par Mme la députée de Westmount–Saint-Louis pour une période de neuf minutes de 54 secondes. La parole est à vous.

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Bonjour madame Tremblay. Merci beaucoup pour votre exposé, votre calme et la façon équilibrée que vous partagez le point de vue de vos usagers puis vos membres. Parce que je trouve très intéressant que vous nous dites d'aller avec prudence. Je vous entends quand vous parlez d'un comité d'experts. Je suis d'avis que ça va être très important d'avoir une consultation et de prendre le pouls de la population parce que nous sommes en train d'introduire une notion qui n'a pas eu une consultation large, dont nous n'avons pas entendu vraiment la voix de beaucoup de groupes concernés. Entre autres, la Société québécoise de la déficience intellectuelle m'ont envoyé un message juste... ça fait juste quelques heures pour dire : Ils souhaitent venir témoigner et partager leur point de vue. Alors, vous avez des alliés en ce qui concerne la demande d'avoir un comité d'experts ou avoir un forum.

Moi, je souhaite savoir comment vous, vous travaillez pour consulter vos membres parce que vous avez dit à plusieurs reprises, vous pensez, mais est-ce qu'il y a un mécanisme que vous avez en place pour faire de la consultation puis de prendre le pouls des gens que vous représentez?

Mme Tremblay (Sylvie) : Je disais précédemment à Mme la ministre qu'on est des tables de mission. Alors, les tables de mission, comme je vous disais, c'est que dans chaque mission, on a des comités d'usagers sur différentes problématiques qui sont rencontrées, sur l'accès, sur les droits et les problématiques associées. Donc, c'est par ce biais-là qu'on le fait. Et aussi on se permet d'aller voir nos quelques établissements ciblés en fonction de problématiques, les comités dans toutes les régions du Québec sur certaines autres problématiques. Donc, il y a plusieurs façons de consulter nos membres et les grandes associations, probablement que les collègues qui viendront diront la même chose, c'est que la base, c'est nos membres et nos membres, ils sont dans tout le réseau au Québec. Alors des fois, on prend acte, puis, des fois on pousse davantage. Mais c'est d'eux que vient l'information, c'est d'eux... c'est à eux que reviennent la défense des droits. Donc il faut les consulter constamment.

• (17 h 10) •

Mme Maccarone : Merci. Je suis d'avis comme vous que d'ajouter la notion de handicap, que ce soit handicap neuromoteur ou handicap, sans critère, mais avec une définition évidemment, c'est un enjeu très sensible et que nous devons se préoccuper aussi de… le message que nous envoie... que nous sommes en train d'envoyer à tous nos citoyens qui sont présentement en situation de handicap. On ne veut pas stigmatiser leur vie et leur qualité de vie. Alors, très important d'aller avec de la prudence.

Mais je veux vous entendre juste pour la clarté en ce qui concerne déficience intellectuelle, vous l'avez évoqué plus tôt avec mes collègues, troubles du spectre de l'autisme par exemple, puis le désir de cette population, de ces citoyens aussi, qui sont aptes à consentir de respecter leur droit à l'autonomie et autodétermination. Si jamais, parce qu'on ne parle plus d'état, maintenant, dans cette loi. Ce n'est pas l'état. Là, maintenant on parle de maladie, et...

Mme Maccarone : ...il y a une distinction entre maladie et handicap. Ce n'est pas tous les handicaps qui découlent d'une maladie. Ce n'est pas... Les souffrances ne sont pas nécessairement liées à la maladie. Alors, comment prévoyez-vous... Comme par exemple, une personne qui souffre d'une déficience intellectuelle peut être atteinte d'un cancer et est en train de souffrir. Puis la souffrance aussi, la notion de souffrance et aptitude... Comment voyez-vous le mécanisme à l'intérieur de cette loi pour non seulement respecter le droit d'autodétermination de ces personnes, mais aussi de les protéger? Parce que, c'est sûr, c'est aussi des gens qui sont vulnérables.

Mme Tremblay (Sylvie) : C'est là où je trouve que vous avez des bonnes... des bonnes réflexions à faire en commission. Mais, au-delà, les discussions doivent revenir à l'essentiel, dans le sens où la participation pleine et entière des personnes handicapées, que ce soient des personnes ayant des limitations fonctionnelles en déficience intellectuelle, autisme, les personnes sourdes, les personnes... bon, toutes catégories de handicap confondues, ce que je disais dans le mémoire, c'est que la participation pleine et entière des personnes handicapées ne se réduit pas à la maladie, c'est sûr. Et il y a d'autres volets que la santé pour les personnes, dans la participation sociale, qu'on peut penser à l'emploi ou autres. C'est des personnes à part entière. Et effectivement ce qui arrive à la commission, c'est : plus vous avancez... plus nous avançons en tant que population sur la fin de vie, plus on se questionne sur des éléments encore plus sensibles au fil du temps.

Alors, il y a eu... comme je vous disais précédemment, il y a eu, au début, qu'est-ce que c'était, les maladies, le cancer, qu'est-ce que ça voulait dire, la fin de vie, et tout. Et là on est dans des discussions où on parle de la notion de handicap. Il y avait une vision particulière pour les maladies neuromotrices, maladies incurables graves, par exemple l'AVC, tout le monde peut comprendre ça, et là vous ouvrez et la société civile ouvre le débat sur la notion de handicap.

Alors, comme législateurs, comme membres de la commission, que pouvez-vous faire? Alors, il faut entendre ça. Est-ce que ça doit vous ralentir? Peut-être que vous allez me dire non. Peut-être qu'entre vous vous allez dire non. Alors, il faut vous outiller. Donc, ça peut peut-être prendre un comité d'experts qui vous permettra de baliser qu'est-ce que les handicaps neuromoteurs associés, qu'est-ce que ça veut dire, la notion de handicap plus large, et comment ces personnes-là pourront éventuellement, comme toute personne, comme vous et moi, avoir accès à l'aide médicale à mourir. Mais de ces travaux-là, je pense qu'il va émerger d'autres discussions, et, dans peut-être quelques années, nous aurons encore des discussions sur d'autres problématiques qui sont liées à la fin de vie, qui font partie de la vie.

Alors, il y a une capacité d'avoir un groupe d'experts. L'Office des personnes handicapées est là pour vous supporter aussi. Et, dans ce contexte-là, nous, on vous dit : C'est, bien sûr, fragile, mais les gens, ils sont quand même contents de voir qu'il y a des avancées dans l'aide médicale à mourir et qu'on peut aussi en discuter en fonction des handicaps.

Mme Maccarone : Merci. Il me reste très peu de temps, mais je souhaite vous entendre en ce qui concerne la position du regroupement pour le rôle du tiers de confiance. On a entendu la société d'Alzheimer qui nous ont dit que... Parce que, dans la loi, c'est marqué : On peut déterminer ou nommer, et eux, ils disent qu'on devra. Alors, votre position en ce qui concerne le rôle de cette personne clé?

Mme Tremblay (Sylvie) : Je ne suis pas sûre qu'on devrait dire «devra».

Mme Maccarone : O.K. Ça fait que, selon vous, ça devrait être un choix?

Mme Tremblay (Sylvie) : Oui.

Mme Maccarone : Alors, ça se peut qu'on va se retrouver avec des personnes qui n'auront pas un tiers de confiance et ce serait une personne dans le corps professionnel médical, de santé qui va déclencher la demande anticipée, par exemple, d'aide médicale à mourir. Comment voyez-vous le processus si nous n'avons pas un tiers de confiance nommé?

Mme Tremblay (Sylvie) : Mais ce n'est pas tout le monde qui a des tiers de confiance...

Mme Maccarone : ...Oui, c'est vrai, on... Il y a du monde qui se retrouve seul, tout à fait, mais ça ne nous empêche pas de nommer quelqu'un. Par exemple, on vient d'entendre le groupe précédent, ils ont dit que ça se peut que nous devons interpeler aussi, lors... Des travailleuses et travailleurs sociaux, que ça peut être aussi quelqu'un de proche, mais pas nécessairement un proche aidant. Ça peut être un regroupement, un organisme, la société d'Alzheimer's aussi. Il y avait quand même des recommandations en ce qui concerne ceci. Mais, vous, vous ne pensez pas que c'est une nécessité?

Mme Tremblay (Sylvie) : Alors, moi, ce que je vous dis, c'est... Bien, dans ce contexte-là, ce que je vous dis, l'ordre... Les professionnels de la santé et services sociaux, dans ce contexte-là, doivent... Pourraient être habiletés, j'en suis. Parce que ça... ça... Ça protège les droits de chacun et de ceux qui sont seuls et qui n'ont pas de famille et de capacités aussi. Alors, c'est... Plus... Plus on est proches des professionnels de la santé, plus c'est adéquat.

Mme Maccarone : Mieux que c'est.

Mme Tremblay (Sylvie) : Oui.

Mme Maccarone : Et, dans les dernières secondes, en ce qui concerne le formulaire, parce que je peux imaginer, pour le regroupement des... Des comités d'usagers comme vous représentez, ça va être important d'avoir un formulaire qui est adapté, par exemple, pour les personnes avec des difficultés de vision, par exemple, ça fait qu'adapté vraiment pour toutes les personnes. Mais avez-vous des recommandations pour nous, comme membres?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : rapidement, parce le temps est déjà écoulé.

Mme Maccarone : Ah, voilà.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Rapidement, rapidement.

Mme Tremblay (Sylvie) : Alors, pour tout document du gouvernement, ça devrait être adapté et simplifié. Alors, il y a toutes sortes de façons de les faire. Là aussi, on peut vous donner un coup de main, l'office est là aussi, il y a des personnes très, très habilitées à le faire. Oui, le plus possible. C'est comme la campagne populationnelle, il faut que les gens comprennent ce à quoi ils s'attendent quand ils demandent l'aide médicale à mourir. Tout ça doit être simple.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Merci, madame Tremblay. Alors, je poursuis. On poursuit la discussion avec la députée de Sherbrooke pour une période de trois minutes 18 secondes. La parole est à vous.

Mme Labrie : Merci. Je vais vous poser une question spécifiquement liée à votre qualité de représentante des comités d'usagers. Il y aura des gens qui auront un tiers de confiance, il y a des gens qui n'en auront peut-être pas. Et, pour ces personnes-là, ça pourrait reposer sur des membres de l'équipe de soin, de lever le drapeau quand c'est le temps de mettre en œuvre le processus de demande anticipée. Par contre, il y a quand même, je vais dire du roulement de personnel. Parfois, dans certains milieux, on fonctionne avec des agences, donc le roulement est... est... est quand même fréquent, de sorte qu'il n'y a pas nécessairement des gens qui sont en mesure de voir l'évolution de la situation d'un usager dans le temps et encore moins d'apprendre à les connaître. Comment vous pensez que ça va être possible d'appliquer ça, ces demandes-là, anticipées, pour les personnes qui n'ont pas de tiers de confiance? Est-ce qu'en ce moment dans nos établissements de soins de longue durée, on devrait prévoir des moyens particuliers pour s'assurer de ne pas échapper aux personnes, notamment, celles qui n'auront pas de tiers de confiance?

Mme Tremblay (Sylvie) : Donc, si je comprends votre question, c'est : peut-on se fier au personnel existant pour bien supporter les personnes qui n'ont pas de proches aidants ou de tiers autour d'eux?

• (17 h 20) •

Mme Labrie : Oui. Puis je pose la question parce qu'évidemment personne n'est mal intentionné, là, puis je ne veux pas présumer d'une négligence quelconque, mais c'est-à-dire que le simple fait qu'il y ait un roulement fréquent de personnel rend peut-être ça difficile pour... pour une équipe de soins, de voir qu'une personne vit plus de souffrance, d'être au courant qu'il n'y a personne qui fait la surveillance pour voir si c'est le temps de mettre en œuvre la demande anticipée, par exemple.

Mme Tremblay (Sylvie) : Alors, moi, j'ai confiance à ce réseau-là. Je suis dedans depuis 35 ans. Il y a des chefs de service, il y a des gens qui sont des infirmières, qui sont là depuis longtemps. On parle de... d'infirmières spécialisées, il y a des médecins aussi derrière ça. Alors, moi, je... je... je fais confiance au personnel pour être capable d'accompagner les personnes qui sont en grande vulnérabilité. Et là, qu'on se dit : Bien là, il y a quelque chose, il y a... il y a quelque chose qui... qui... qui n'est pas tout à fait cachère, dirons-nous, mais, moi, je... je... je fais... Je... malgré tout, et malgré tout ce que j'entends à toutes les semaines, et tous les déboires, et toutes les plaintes que nous avons, je fais quand même confiance. Parce que, ce débat que nous avons et que vous avez sur la fin de vie pour tous et toutes, que nous soyons usagères, nous aussi, est préoccupant. Et je pense que les gens sont très, très au fait de ça. Les dérives ne se font pas là.

Et je parlais de soins palliatifs, je parlais de soins palliatifs à domicile, c'est là que ça se passe, les...

Mme Tremblay (Sylvie) : ...les dérives sont... Alors, revenir à ça aussi et se dire : Mon Dieu! Que les gens soient à l'hôpital et que là, il n'y a pas eu de place en palliatif, c'est ça aussi ce qui amène vos discussions et la Commission va répondre à ça. Alors je pense que c'est là qu'il faut pousser davantage.

Mme Labrie : Donc, ce ne serait pas nécessaire de nommer quelqu'un responsable de faire ce suivi. Vous avez confiance que ça va se faire.

Mme Tremblay (Sylvie) : Mais ça va se faire.

Mme Labrie : Parfait. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Nous allons terminer, donc, cet échange avec la députée de Laviolette-Saint-Maurice pour une période de trois minutes 18 secondes.

Mme Tardif : Merci, Mme la Présidente. Merci, merci d'être là cet après-midi en virtuel avec nous, mais d'avoir préparé le rapport, c'est quand même un travail exhaustif. On le sait, on le reconnaît. Vous avez des centaines, voire des milliers, devrais-je dire, de gens que vous servez et vous avez dans votre rapport fait mention que beaucoup de citoyens au Québec et même des soignants ne connaissent pas très bien la Loi sur l'aide médicale à mourir. Et vous avez... vous nous invitez à réfléchir sur la question de lancer une campagne d'information, une campagne de sensibilisation tant sur ce qui existe, mais aussi davantage sur ce qui s'en vient. J'aimerais vous entendre parler de ça un petit peu, merci.

Mme Tremblay (Sylvie) : Je ferai le lien avec la campagne du curateur, là, sur l'accompagnateur, qui se fait ces temps-ci, où on voit une dame qui parle qu'est-ce qu'elle a fait aujourd'hui, et son fils dit : Bien, moi, j'ai accompagné ma mère. Alors c'est une campagne que le Curateur public a faite. C'est une campagne populationnelle et qui amène les gens à réfléchir sur l'âge et l'accompagnement qu'on peut avoir et la demande qu'on peut faire au curateur. C'est dans le même sens, c'est-à-dire que la fin de vie, la vision que nous avons au Québec, qui est assez incroyable dans le sens positif du terme, je pense que plus les gens seront sensibilisés, moins il y aura de dérives à l'entrée et à la sortie, plus les gens vont encore plus adhérer à ce que vous faites et ce sur quoi nous discutons aujourd'hui.

Les membres de la... je vous donnerais un exemple, les membres de la commission de fin de vie sont venus à notre congrès en octobre à Rivière-du-Loup, il y avait 600 personnes et émergeait de là toutes sortes de questions qui étaient plutôt sur les directives médicales anticipées, qui n'étaient pas sur l'AMM, ou d'autres questions sur, bien, toutes sortes de questions... qui peut amener des dérives. Alors, vous faites bien votre travail, la Commission le fait et le fait précédemment. Mais plus on avance, plus je pense qu'il faut démystifier. Dans un contexte aussi où on a eu une pandémie, vous vous souviendrez. Et là, je pense qu'à ce moment-là, il faut encore plus être vigilant sur les messages à la population pour qu'il n'y ait pas de dérive derrière ce que vous faites aujourd'hui puis ce qu'on va faire demain.

Mme Tardif : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Donc, c'est ce qui met fin à nos échanges, madame Tremblay, à nouveau au nom de tous mes collègues, au nom de la ministre, merci. Ce fut des échanges fructueux. Alors, je vais vous souhaiter une bonne fin de journée.

Et je vais suspendre les travaux le temps de recevoir le prochain groupe. Merci, Mme Tremblay.

(Suspension de la séance à 17 h 25)


 
 

17 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 17 h 33)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Les travaux de la Commission des relations avec les citoyens reprend. Alors, nous avons... nous recevons, pour cette fin de journée, le Conseil pour la protection des malades, qui est représenté par Monsieur Daniel Pilote, membre du conseil d'administration. Bienvenue, Monsieur Pilote. Donc, la procédure est la suivante, vous allez vous présenter et vous allez bénéficier d'une période de 10 minutes pour votre exposé, et vont s'ensuivre la période de discussion avec les membres de la commission. Alors, la parole est à vous.

M. Pilote (Daniel) : Bien, je vous remercie infiniment. Juste me mettre... Ce ne sera pas long, mes chers amis, on va juste... Parce que j'ai perdu ma page. Ce ne sera pas long.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Si vous avez besoin de temps, faites juste me le dire, on peut suspendre.

M. Pilote (Daniel) : Pas de problème, je veux juste... Parce que j'ai perdu ma page. Voilà, voilà, c'est fait.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Vous l'avez?

M. Pilote (Daniel) : Eh oui.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, allez-y, on vous écoute.

M. Pilote (Daniel) : Donc, je vous remercie. Donc, le CPM est honoré d'avoir été invité à commenter le projet de loi, le projet de loi 11. Nous remercions madame Sonia Bélanger, ministre déléguée à la Santé et aux Aînés, pour la confiance témoignée à l'oeuvre de Claude Brunet. Le Conseil pour la protection des malades, constitué en 1974, va célébrer ses 50 ans en 2024.

Donc, pour débuter, j'aimerais, au nom du Conseil de la protection des malades, mentionner que nous sommes d'accord avec le projet de loi 11. Donc, j'aimerais vous mettre dans le contexte que moi, je vis actuellement, bien sûr. Je suis atteint de la dystrophie musculaire Becker. C'est une maladie qui est relativement grave, mais... et incurable, pour le moment, bien sûr. Et, il y a 10 ans, j'ai été hospitalisé à Charles-Lemoyne suite à une pneumonie grave. Et je remercie la science médicale de m'avoir sauvé. Cependant, en ce qui concerne le projet de loi, j'ai toujours eu l'idée du pro-choix des citoyens.

Donc, pour ma part, je ne suis pas atteint d'une maladie grave, mais cependant elle est incurable. S'il était nécessaire, moi, je veux une sédation pour soulager mes souffrances. Or, je veux que la vie décide de mon sort. Je crois que la vie d'un être humain est sacrée. Je pense que l'aide médicale à mourir permet aux citoyens de choisir le moment approprié pour mettre un terme à des souffrances inutiles. L'idée du projet de loi est qu'on peut choisir le moment approprié pour une maladie grave et incurable pour qui la personne peut anticiper de le faire avec un...

M. Pilote (Daniel) : ...Choix éclairé dans les circonstances évidentes et les limites raisonnables pour mettre fin à la vie. Je crois que... qu'une personne ne peut... une personne qui ne peut plus communiquer, dans une position foetale depuis plusieurs jours, donc qu'il serait peut-être un temps approprié pour un choix anticipé pour l'aide à... médicale à mourir.

Je suis arrivé à réfléchir à certaines inquiétudes concernant l'aide médicale à mourir, pour ne pas banaliser et faciliter cette alternative à la souffrance. Je ne veux pas que l'aide médicale à mourir qui serait accordée pour des raisons soit de manque de soins ou, ou à cause d'une... d'une maltraitance. Je pense que cela ne serait pas une raison valable.

J'aimerais vous raconter un fait d'une personne avec une paralysie des membres inférieurs causée par un accident couvert par une agence gouvernementale. Et, le responsable du dossier de cette agence pour les soins de cette personne a osé dire que peut-être l'aide médicale à mourir serait une solution.

Alors, je pense à une situation où une personne serait atteinte d'une maladie incurable, et l'idée malveillante de diminuer petit à petit les soins et les services dans l'espoir qu'elle, peut-être, utilise l'aide médicale à mourir. Je suggère de faire une analyse sur... vraiment, pour être sûrs et certains qu'il n'y a pas une autre idée en arrière de tout ça. Alors, donc ce serait, je pense, une façon, là, de... Il faudrait bien analyser puis... Pour voir si ce n'est pas ces raisons-là.

C'est plutôt de l'aide médicale à vivre, plutôt, qu'il nous faut. J'espère que le réseau de la santé ne diminuera pas les soins et les services offerts aux prestataires, surtout dans un avenir rapproché. Il y a beaucoup de plaintes actuellement, et on peut donner... Et peut-être ça peut donner le goût de peut-être recevoir l'aide médicale à mourir.

Moi, j'ai été sauvé il y a 10 ans. Et j'ai remarqué et vécu avec plusieurs situations de maltraitance et de négligence. J'ai pensé souvent que c'était de l'aide vraiment à aller vers une aide médicale à mourir.

Donc, il serait très difficile de, de, de... À cause d'une négligence, parce qu'on dirait : De toute façon, dans le fond, on ne pouvait pas rien faire pour cette personne souffrant d'une maladie incurable. Je ne voudrais pas que ce soit une alternative pour banaliser l'aide médicale à mourir pour toutes sortes de maladies curatives.

Donc, je vous remercie. Et le Conseil pour la protection des malades, nous apprécions. Et justement, merci pour nous avoir donné la chance de parler.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Bien. Eh bien, merci beaucoup, M. Pilote, pour votre témoignage, votre expérience et vos recommandations. Alors, on... on va débuter la... la Période d'échange avec les membres de la commission. Je vais me tourner du côté de la ministre. La ministre a une période de 16 minutes 30 secondes pour discuter avec vous ainsi que les députés de la banquette. La parole est à vous, Mme la ministre.

Mme Bélanger (Prévost) : Bonjour, Monsieur Pilote.

M. Pilote (Daniel) : Bonjour.

• (17 h 40) •

Mme Bélanger (Prévost) : C'est un plaisir de vous revoir. Vous m'impressionnez toujours, constamment, par votre énergie, votre militantisme, la défense des droits des usagers. Je sais que c'est... c'est très, très important. Je ne savais pas que ça allait faire 50 ans, déjà 50 ans, en 2024?

M. Pilote (Daniel) : Exact.Oui, déjà.

Mme Bélanger (Prévost) : O.K. Bien, en tout cas, si... si on reçoit une invitation, on ira certainement faire un tour. Vous allez certainement célébrer.

M. Pilote (Daniel) : Excellent.

Mme Bélanger (Prévost) : Mais je reconnais... Et puis en même temps j'en profite, là, aujourd'hui, on vous reçoit, et je sais que, tu sais, les relations avec le Conseil pour la protection des malades, vous êtes là vraiment dans une perspective de défendre les droits des malades. Vous le faites très bien. Des fois, ce n'est pas toujours facile, entre... entre les différentes instances gouvernementales, ministérielles, les conseils de protection de malades. Mais aujourd'hui, je veux quand même vous dire un grand...

Mme Bélanger : ...pour votre prestation, pour le document que vous avez écrit. J'ai beaucoup aimé votre entrée en matière, en disant que la vie d'un être humain, c'est sacré, et puis... Et vous êtes quelqu'un qui a une expérience, en plus, parce que vous avez, donc, une maladie. Et vous êtes quelqu'un qui est actif, qui a pris sa vie en main, et qui est très impliqué. Vous avez aussi parlé que c'est important, pour vous, de choisir le moment, puis je fais référence aussi au volet de Mourir dans la dignité, parce que là, vous avez parlé de personnes en position foetale, avec impossibilité de communication. Pour moi, ça, c'est la dignité, hein, des personnes.

La question que j'ai à vous poser : Quand vous avez lu le projet de loi n° 11, est-ce que vous ressentez que ce projet de loi répond à la philosophie que vous prônez? Est-ce que ça...

M. Pilote (Daniel) : Oui, absolument.

Mme Bélanger : Oui? O.K.

M. Pilote (Daniel) : Absolument, oui. Oui, je trouve que, vraiment... De toute façon, ça fait longtemps qu'on en parle. Là, c'est parce qu'on va la modifier pour l'amender. Justement, oui, je pense qu'il fallait aller jusque là, parce que, quand que, justement, une personne... Parce que, moi, j'en côtoie souvent ici, hein, dans le CHSLD, et puis, oui, on voit qu'à un moment donné la qualité de vie... quand il n'y a plus de qualité de vie, c'est une façon, je pense, peut-être, d'anticiper aussi, hein, pas attendre, vraiment, à être... Parce que, de toute façon, la personne qui est dans cette position-là ne peut plus choisir, donc je pense qu'une façon anticipée serait... c'est une bonne solution.

Mme Bélanger : Oui, et ça, c'est pour la demande anticipée, et vous savez que, dans le projet de loi, on a aussi intégré le volet des personnes ayant un handicap neuromoteur. J'aimerais ça vous entendre par rapport à l'handicap neuromoteur.

M. Pilote (Daniel) : D'accord. Donc, qu'est-ce que je peux vous dire pour ça? Écoutez, moi, je suis, justement, atteint de maladie neuromoteur, sauf que, comme je l'ai dit tantôt, ce n'est pas mon choix personnel. Tu sais, je veux dire, j'ai choisi que la vie décide de mon sort, d'accord? Donc... Mais je respecte ceux, bien sûr, qui veulent quand même peut-être dire... ou qui n'ont peut-être pas... la sorte de souffrance... La souffrance, surtout, hein, qui est peut-être difficile là-dedans. Heureusement, mon problème moteur n'est pas souffrant. Une chance pour ça. Ça, merci pour la vie, pour ça. Mais, justement, ceux qui ont des problèmes neuromoteurs, et que c'est souffrant, et puis que... n'ont pas le goût de vivre cette souffrance-là, bien, au moins, ils peuvent se permettre d'avoir cette possibilité-là.

Mme Bélanger : ...Pilote, vous savez, on a commencé, hier, les consultations, puis il y a des groupes qui nous disent qu'on aurait dû indiquer, dans notre projet de loi, seulement les personnes aux prises ou vivant avec un handicap, et retirer complètement le thème neuromoteur. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Pilote (Daniel) : Bien, oui, c'est sûr et certain, tout dépendant du type de neuromoteur qu'on parle, hein? Il y a beaucoup de types. Mais, dans l'ensemble, on en arrive au même résultat. Sauf que... Tout dépendant du choix de la personne, bien sûr, mais, pour nous autres, pour moi, en tout cas, je crois qu'il y a plusieurs types de maladies qu'on pourrait inclure. Mais, je ne sais pas, là, vous avez marqué «neuromoteur» seulement, mais il y aurait possibilité, peut-être, de mieux, peut-être, le préciser.

Mme Bélanger : O.K. Je vous remercie. Je vais laisser la parole à mes collègues.

M. Pilote (Daniel) : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la ministre. Donc, M. Pilote, on va continuer avec la députée de Soulanges.

Mme Picard : Bonjour, M. Pilote. Ça va bien? On s'écrit, mais on ne se parle pas souvent...

Mme Picard : ...je vais aller un petit peu dans la même direction que Mme la ministre, parce que c'était un petit peu mon questionnement aussi, où, si on enlevait le «neuromoteur», comme certains l'ont proposé, je me pose la question, là, ça deviendrait handicap «at large», là, dans quelle mesure une personne... J'aimerais ça avoir des exemples concrets, si vous en avez, de certaines personnes qui, si on met «neuromoteur», n'auraient pas accès à l'aide médicale à mourir et ils le devraient. Je ne sais pas si vous en avez en tête.

M. Pilote (Daniel) : Bien, je veux dire, oui, c'est ça qui est... Peut-être une personne qui est totalement paralysée, qui est barrée dans son corps. Ça, c'est vraiment difficile. Je pense qu'on peut aller jusque là, à ce problème neuromoteur là, et justement que la personne a des souffrances. Donc, on pourrait aller jusqu'à une personne qui ne peut bouger aucun membre, aucun membre.

Mme Picard : O.K., oui, ça, je comprends. Dans votre introduction, vous avez surtout parlé... J'ai beaucoup aimé ça parce que vous avez bien décrit que ça reste un choix de la personne. En fait, c'est que tout le monde a le choix, là, je veux dire, on peut décider de ne pas l'avoir ou de l'avoir. Ça reste un choix qui est... qui va être un peu plus accessible après cette loi. Je voulais savoir : Est-ce que, selon vous... Est-ce que toutes les personnes seraient capables de se trouver un tiers de confiance pour les accompagner? Est-ce que vous pensez qu'il y a des gens qui auraient besoin de... qui n'en auraient pas, supposons?

M. Pilote (Daniel) : Bien, tout dépendant... Comme je le disais aussi, c'est : Pour quelle raison, hein? C'est important, parce que, des fois, il peut y avoir quelque chose qui n'est pas clair dans cette demande-là pour l'aide médicale à mourir, peut-être, justement, c'est des raisons qui sont autres. Donc, il faut être sûr de bien analyser ça, pour ne pas justement arriver... à cause d'une raison qui est externe, hein, et puis dire : De toute façon, c'est ça que je veux, mais, en réalité, ce n'est peut-être pas ça. Donc, c'est peut-être une question de qualité de vie qui est peut-être en jeu. Donc, c'est ça, là, qu'il faut faire attention.

Et les personnes de confiance... Oui, ça prend des personnes de confiance. Vraiment, c'est quand même... Ça peut être compliqué, des fois, je veux dire, il ne faut pas que ces personnes-là envoient la personne à cette idée-là. Donc, c'est ça là qui... Hein, l'idée que ça soit éclairé comme démarche... Il faut que ça soit vraiment éclairé puis il ne faut pas qu'il y ait eu, justement, des abus là-dedans.

Mme Picard : Oui, c'est ça, dans le fond, le tiers de confiance, vous pourriez le désigner, puis... Bien, en fait, le patient le désigne, et puis, arrivé au moment où... lever le drapeau pour dire : Je pense que c'est ce moment-là où cette personne-là avait décidé. Donc, je pense que c'est un gros poids pour la personne. Mais, comme usager, j'imagine que c'est difficile aussi de choisir son tiers de confiance, là.

• (17 h 50) •

M. Pilote (Daniel) : Ah oui! Absolument. Absolument, et puis... Mais c'est quand même... c'est un choix, hein, comme on dit, un choix assez difficile quand même. Et des fois, c'est un choix qui est difficile pour l'entourage, hein? C'est un choix pour l'entourage, qui ne sont peut-être pas d'accord, et puis que, peut-être, il y avait le moyen de pouvoir continuer à avoir une qualité de vie.

Je veux dire, comme moi, écoutez, depuis le commencement de la pandémie, grâce au virtuel, ça me permet de pouvoir vraiment participer à une vie citoyenne, hein? Donc, c'est à partir de là. Écoutez, je suis membre dans cinq organismes. Et là maintenant, c'est de savoir comment, comment ne pas trop en faire, c'est ça, là, l'équilibre. Donc...

Mme Picard : Ah! bien, c'est un beau problème, ça, M. Pilote.

M. Pilote (Daniel) : Oui, oui. Non, mais je veux dire, dans le fond, je suis égal à tout le monde, je suis assis, on discute ensemble, et puis, justement, pour... Donc, il y a moyen de... Je veux... aussi pour dire que la vie, si on veut la vivre, bien, on a présentement beaucoup, beaucoup d'options qui nous est offert, donc, aussi, également. Donc, j'arrive avec deux choix...

M. Pilote (Daniel) : ...le choix, bien, c'est sûr que, si la personne a des souffrances, il faut quand même respecter son choix aussi également, hein, mais, quand même, il faut... je crois que... Il y a maintenant, actuellement, au niveau médical, la science, c'est grâce à la science si je suis là avec vous autres, c'est grâce à la science.

Mme Picard : Merci. Je n'ai plus de question, Mme la Présidence, s'il y a quelqu'un qui veut...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. La députée de Roberval, je pense que vous avez des questions, oui.

Mme Guillemette : Oui, mais surtout quelques observations. Merci d'être avec nous, M. Pilote. C'est vraiment intéressant de pouvoir discuter avec vous à nouveau. Je voudrais seulement que... peut-être vous réconforter sur l'aspect des services, de dire que les gens, bon, parce qu'ils manquent de services, on les pousserait vers l'aide médicale à mourir. Puis je sais que vous avez une réalité que... vous le vivez au quotidien, là, l'aspect des services, je sais que ce n'est pas toujours simple. Puis on s'est rencontré pendant la pandémie, justement, pendant la commission spéciale, puis je le sais que ce n'était pas simple pour vous, là.

Mais quelqu'un qui va faire une demande d'aide médicale à mourir, il devra toujours y avoir l'aspect de souffrance. Et cette souffrance-là, cet aspect-là, elle est importante, et il faut qu'elle demeure. Et il y a la souffrance psychologique qu'on dit, bon, qui peut peut-être être plus difficile, mais les médecins nous ont dit qu'il y avait quand même, là, des moyens, là, pour mettre cet aspect-là en lumière. Donc, je veux vous rassurer là-dessus. Et la commission des soins de fin de vie regarde chaque cas qui est administré. Je ne sais pas si vous avez été témoin, vous, de des gens qui ont reçu ou qui ont demandé l'aide médicale à mourir par faute de soins, là.

M. Pilote (Daniel) : Oui, oui, c'est ça qui est... qui m'a interpelé, justement, du monde, justement, qui ont été... qui avait dit ça, justement, dans un centre d'hébergement, qui avait dit ça. Ça m'avait frappé, ça, j'ai dit : Comment ça que cette personne-là peut quand même à cause de cette raison-là? Je pense que ça ne devrait peut-être pas, là, exister, là, cette raison-là.

Mme Guillemette : Bien, en fait, c'est ça, la personne, peut-être, peut penser ça, mais elle n'est pas admissible sous cet aspect-là. Donc, la notion de souffrance, pendant la commission spéciale, a été, pour nous, une balise, et il faut qu'elle demeure, dans le projet de loi n° 11, une balise également, là, pour... C'est une mesure de protection, en fait, également aussi, là.

M. Pilote (Daniel) : Mais comme je disais, il ne faut pas banaliser, hein, je veux dire, le fait de... Parce que moi, la vie... c'est vraiment sacré. Et puis donc... Mais il y a des moments donnés que je pense que les souffrances sont très difficiles à vivre, et puis donc il faut penser à ces gens-là aussi, également, qui de toute façon seraient en sédation, peut-être, extrême.

Mme Guillemette : Et peut-être, s'il me reste quelques minutes... Et, si, vous, à ce moment, au moment où on est à étudier le projet de loi n° 11, on vous disait : On enlève les gens avec un handicap du projet de loi, est-ce que vous verriez ça comme une discrimination?

M. Pilote (Daniel) : Bien, je vais dire, ça serait un recul, plutôt, ce serait un recul pour notre société. Et puis est-ce qu'il y a beaucoup de gens là-dedans ...comme je vous disais, là, c'est vraiment intenable et insoutenable, la souffrance qu'ils ont? Donc, oui, pour ces gens-là, ça serait peut-être difficile, parce qu'ils ne veulent pas souffrir et être d'une manière ou d'une façon... une vie qui est, justement, invivable. Donc, oui, ça serait discriminatoire, oui.

Mme Guillemette : Donc, vous nous suggérez de conserver le handicap mais de... excusez, mais de bien le baliser.

M. Pilote (Daniel) : Oui, ça, c'est très, très important, parce que ça dépend des raisons. Comme j'ai dit, on peut aller d'un extrême à l'autre, hein, pour des raisons qui... Mais je vais dire, moi, tu sais...

M. Pilote (Daniel) : ...je suis dans cette situation-là, et je veux continuer jusqu'au bout, jusqu'au bout, parce que, comme je vous l'ai dit tantôt, c'est grâce à la science médicale si je suis là, vraiment, vraiment, ça, c'est... bien, regardez ce que je peux faire, donc c'est l'important pour d'autres gens. Donc, je donne espoir aussi, il faut donner l'espoir en même temps.

Mme Guillemette : Oui, tout à fait. Puis je vous remercie pour tout cet espoir-là que vous donnez et pour toutes les heures que vous investissez au niveau de plusieurs organisations. Vous êtes un apport inestimable pour ces organismes-là, mais aussi pour la société. Merci beaucoup, M. Pilote.

M. Pilote (Daniel) : Ça fait plaisir. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Mesdames les députées, Mme la ministre, merci beaucoup. Alors, Monsieur Pilote, je me tourne maintenant du côté de l'opposition officielle pour une période de neuf minutes 54 secondes et je laisse la parole à la députée de D'Arcy-McGee. La parole est à vous, madame.

Mme Prass : Merci, bonjour, M. Pilote, et merci.

M. Pilote (Daniel) : Bonjour, bonjour.

Mme Prass : Merci de participer et de nous avoir fourni votre mémoire. Ça aide à alimenter nos discussions. Donc,vous avez abordé un aspect particulier qui n'a pas été abordé jusqu'à présent par les autres intervenants. Donc, vos inquiétudes, comme ma collègue vient de le mentionner, à propos de l'aide médicale à mourir qui serait accordée dans des raisons de manque de soins, de services ou de maltraitance. Et vous citez même un exemple d'un responsable de dossier d'une agence pour les soins qui a dit à une personne... qui a osé leur dire que peut-être l'aide médicale à mourir serait la solution pour eux.

M. Pilote (Daniel) : Oui.

Mme Prass : Donc, évidemment, le but du projet de loi, c'est d'éviter des situations telles que celles, mais on ne peut pas se mettre à la place des autres. On ne sait pas comment des professionnels vont aborder l'enjeu quand ils vont en discuter avec des patients, etc. Donc, est-ce que vous avez des idées comment on pourrait protéger contre de telles situations, si ça serait un encadrement des relations justement entre les gens dans les agences de service et les patients. Mais c'est ça, je voudrais savoir qu'est-ce que vous pensez qu'ils pourraient mettre en œuvre justement pour éviter de telles situations?

M. Pilote (Daniel) : Bien, tout dépendant de comment que la demande va être faite. Et puis s'assurer justement par, peut-être, une tierce personne, là, qui n'a pas un rapport peut-être émotionnel avec qu'est-ce qui se passe, pour pouvoir voir exactement... parce que je ne sais pas combien exactement d'intervenants qui peuvent mettre un oh là si jamais il s'aperçoit qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Donc, ça prendrait peut-être une personne impartiale, justement. Je sais qu'il y a des demandes qui sont faites, mais est-ce qu'il faut plus de personnes? Peut-être que oui, là, pour être sûr, sûr, sûr de la procédure. Parce que je ne veux pas que ça soit une facilité aussi, là... en soi.

• (18 heures) •

Mme Prass : Oui, parce que vous dites... vous continuez pour dire qu'il serait difficile de prouver une négligence causant la mort, si jamais c'était le cas, qu'il y avait du personnel qui a encouragé ce choix-là. Donc, encore une fois, nous, on veut s'assurer que les gens sont protégés, leurs droits sont protégés, que si une personne décide d'aller de l'avant, c'est vraiment de leur propre gré.

Donc, est-ce qu'il y aurait peut-être une période d'adaptation qui devrait être incluse? Parce que je pense que ce que vous dites, c'est... Vous parlez un petit peu du rôle du tiers de confiance. Justement, une tierce personne qui parlerait, disons, au nom de la personne qui est malade. Mais si le tiers... si la personne ne nomme pas un tiers, donc c'est les responsables en santé qui vont justement être ceux qui vont déduire quand le moment sera enclenché pour l'aide médicale à mourir. Donc, encore une fois, est-ce que vous voyez des conditions, des balises qui pourraient être introduites justement pour s'assurer que ces personnes-là prennent une décision qui est dans le meilleur... pour le meilleur de la personne et non pour des raisons de s'en débarrasser, disons?

M. Pilote (Daniel) : Bien oui, c'est ça, c'est justement ça. Je vais dans le même sens que vous, justement, je ne sais pas, là, si vraiment, là, les balises ont été faites ou ils vont être faits. Mais j'espère qu'il y en ait justement pour ne pas qu'il y a ait... mais il ne faut pas banaliser le fait aussi... pour donner l'aide médicale à mourir. Donc, oui, ça prendrait des balises. Maintenant, il faut savoir lesquelles, balises qu'il faudrait pour, justement, qu'ils puissent obtenir, là, l'aide médicale à mourir...


 
 

18 h (version non révisée)

Mme Prass : ...Et question peut-être un petit peu personnelle. Mais vous êtes, comme vous l'avez dit plus tôt, en situation où vous avez une maladie neuromoteur. Est-ce que vous pensez que le terme, justement, qui est utilisé dans ce projet de loi pourrait amener préjudice à des gens comme vous, qui n'êtes pas en situation où c'est... C'est peut-être incurable, mais vous avez pris acte de votre situation, vous vivez avec, pensez-vous que le... la terminologie, justement, pourrait amener un certain effet négatif pour des gens qui se retrouvent dans des situations comme les vôtres, mais qui veulent continuer à vivre dans leur situation?

M. Pilote (Daniel) : Ben oui, tout dépend... Ah, ça, là, c'est vraiment tout dépendant de quelle sera la philosophie de cette personne-là, bien sûr. Mais, en tout cas, je veux dire, il y a... Les personnes comme nous, quand qu'on a des situations, parce que ce n'est pas facile, hein, parce que nous, on dépend justement de... de Gens pour qu'on puisse justement... ça nous prend des assistants pour qu'on puisse continuer et à vivre la vie quotidienne. Donc, oui, ça, c'est... Justement, si ces aspects-là pourraient peut-être amener à dire : Bon, bien, moi, j'en ai assez, comme le monsieur que je vous parlais tantôt, là, qui a décidé, et, et j'avais trouver ça un peu spécial de savoir que c'était à cause qu'il en avait assez de vivre la façon que... qu'on donnait ses soins. Ça, ça m'avait vraiment touché quand j'avais entendu ça, là. Donc, il faut absolument... Bien, c'est important. Je pense que l'important, je vous dis, là, moi, là, les personnes qui m'aident, c'est... je les remercie tout le temps, tous les jours, tous les jours, tous les jours. C'est important de les remercier, O.K., même si je sais que ce n'est pas facile avec... Avec tout qu'est-ce qu'ils vivent, mais, si le personnel est bien, je crois que les prestataires vont l'être.

Mme Prass : Là J'aurais une question, vous ne l'avez pas abordée dans votre mémoire, mais sur toute la question du refus. Parce que je trouve qu'il y a une certaine incohérence dans ce qui est proposé, dans le sens que la personne fait une demande anticipée de l'aide médicale à mourir quand ils sont aptes de le faire. Et c'est déclenché au moment où c'est jugé qu'ils ne sont plus aptes. Et, à ce moment-là, quand ils ne sont plus aptes, s'ils refusent la demande qu'ils ont faite, bien, elle est rejetée, et la personne n'a plus accès à l'aide médicale à mourir. Moi, personnellement, je vois une incohérence dans tout ça, parce qu'on demande qu'on soit apte pour prendre la décision, mais, quand la personne n'est plus apte, on... on... on accepte leur décision même si elle contrevient à celle qu'ils ont faite quand ils étaient aptes. Donc, je voudrais vous entendre là-dessus également.

M. Pilote (Daniel) : Bien, tout dépendant. Parce que, quand qu'on... Si vous parlez que la personne, mettons change d'idée par... juste par une réponse incohérente, tu sais, donc... Mais, comme je le disais tantôt, ça va prendre un... une Situation comme, exemple, en position foetale et aucune communication depuis plusieurs jours, peut-être, c'est à ce moment-là qu'il faudrait peut-être décider que ça soit... l'anticipation soit valide. Donc, ça... ça prend une situation extrême où est-ce que la personne ne peut plus communiquer. Puis justement, si elle ne peut plus communiquer, puis il n'y a plus de communication possible, là, peut-être, ça serait le moment qu'on pourrait le mentionner dans une demande anticipée.

Maintenant, c'est... ça peut... parce que j'y ai pensé. J'ai dit : Il faut absolument qu'il y ait une situation pour... pour dire que c'est le moment, que le moment... à quel moment la personne aimerait, dans son anticipation. Et là, maintenant, ça, c'est les balises, de savoir à quel moment vraiment on peut autoriser et accepter une demande, à quelle situation. C'est ça, là, qui est la... la Question importante. Moi, je suggère justement, quand la personne ne peut plus communiquer puis vraiment elle n'est... il y aucune possibilité de communication avec elle, là.

Mme Prass : Bien, si je peux vous donner l'hypothèse, par exemple, d'une personne qui souffre de la maladie d'Alzheimer, qui continue à communiquer, mais on comprend bien qu'ils ne sont plus conscients de leur entourage, de leur environnement, et cetera...

Mme Prass : ...mais, comme je dis, qui peuvent toujours communiquer. Donc, les éléments sont... les éléments dont ils ont décrit pour leurs souffrances sont atteints, mais la personne dit : Moi, je refuse qui sont considérés en situation inerte. Donc, est-ce que ce refus... Est-ce qu'il devrait y avoir un délai? Est-ce qu'on devrait... La question, c'est : Est-ce qu'on... Est-ce que ce refus devrait être automatiquement un rejet de leur demande qu'ils ont faite au moment où ils étaient aptes?

M. Pilote (Daniel) : Je veux dire, c'est sûr, c'est ça, c'est cette situation-là que moi, là... c'est sûr que je ne peux pas vraiment bien évaluer ça pour ça, mais je crois qu'il faudrait qu'il y ait une étape plus... d'une manière où est-ce que la communication n'est plus possible, vraiment, qui serait dans ces situations-là, O.K. Dans les situations où est-ce que là... que la communication est encore possible, peut-être ce n'est pas le moment. Il faut attendre que la communication soit vraiment hors de tout doute, là, O.K., qu'elle est inexistante.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup.

Mme Prass : Merci beaucoup, M. Pilote.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. Pilote. Alors, on va poursuivre la discussion avec la députée de Sherbrooke pour une période de trois minutes 18 secondes. La parole est à vous, madame.

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, monsieur Pilote. Vous nous parlez de la notion de libre choix dans votre mémoire. C'est une notion qui est très importante. Effectivement, c'est ce qu'on vise. Puis, pour avoir un libre choix, vous avez raison de nommer que ça prend l'accès aux services souhaités. Ça prend aussi une connaissance de ses droits pour pouvoir exercer un libre choix. Puis là ça m'amène à une question pour vous, parce que vous nommez un exemple, dans votre mémoire, d'une personne qui s'est fait parler d'aide médicale à mourir par un service gouvernemental, je peux comprendre à quel point ça peut être très difficile pour une personne de vivre ça. En même temps, il faut trouver une façon d'informer les gens sur leurs droits. Donc, je me demande est-ce que vous pouvez nous orienter un peu sur comment faire pour informer les gens de leur droit à l'aide médicale à mourir sans que ce soit offensant?

M. Pilote (Daniel) : Oui, je pense qu'elle devrait avoir, justement, un conseiller juridique pour, justement, qu'elle sache exactement ses droits, O.K., ou un organisme quelconque qui pourrait mentionner les droits de cette personne-là pour lui expliquer bien comme il faut, vraiment, sa décision... avec le réseau de la santé, exemple, O.K., on son docteur. Donc, il faudrait absolument qu'il y ait une... il faudrait qu'il y ait des conseils juridiques, justement, pour les... pour... Oui, je pense, ça serait une très bonne idée, justement, pour être sûr que la personne comprenne toutes les avenues, là, qui va arriver pour sa décision.

Mme Labrie : C'est intéressant que vous nous disiez ça parce que c'était une recommandation du Barreau également d'offrir des conseils juridiques. Donc, j'entends que, pour vous, ce serait une bonne manière de s'assurer que les gens sont informés sans créer des situations vraiment délicates ou quelqu'un a l'impression qu'un fonctionnaire, par exemple, l'incite à avoir recours à l'aide médicale à mourir, ce qui n'est pas nécessairement le cas, là.

• (18 h 10) •

M. Pilote (Daniel) : Non, non, non, c'est ça, c'est qu'on peut présumer, mais c'est juste, justement, oui, si jamais il y avait un cas comme ça, oui, justement, s'il y avait une personne... C'est ça, je parlais de la tierce personne, tantôt, là, qui est complètement... qui est en dehors des émotions familiales ou amicales, un des deux, là, donc qui pourraient, justement, donner des conseils juridiques à cette personne-là.

Mme Labrie : Merci. Puis, s'il me reste quelques instants, j'en profiterais peut-être pour vous demander, je ne sais pas, moi, si c'est la première fois que vous participez à des commissions parlementaires, je ne sais pas si le fait de pouvoir participer en ligne, c'est facilitant pour vous. Est-ce que c'est quelque chose qui vous aide à participer aux travaux de l'Assemblée nationale?

M. Pilote (Daniel) : Oui, et pas juste à l'Assemblée nationale. Partout, écoutez... je participe à... j'ai un blog et puis j'aide les gens, justement, à améliorer notre réseau de la santé. Donc, non, je suis un peu partout grâce, justement, au virtuel, hein? Vous voyez, des fois, d'autres qui ont de la difficulté avec ça, mais, moi, c'est plutôt une aide vraiment précieuse. Et ça me rappelle l'Odyssée de 2001, quand que la petite fille parlait au monsieur à l'écran, donc ça me rappelle à ça. Je ne sais pas si vous avez vu le film, mais, à un moment donné, la petite fille...

M. Pilote (Daniel) : ...à son père à l'écran. Et ça, ça m'a toujours impressionné. Et puis là on est rendus là. Vraiment, c'est... Je suis vraiment content que ça puisse exister.

Mme Labrie : Bien, merci beaucoup, M. pilote.

M. Pilote (Daniel) : Ça fait plaisir.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Merci, Mme la députée. Très bonne question. Continuez votre bon travail. On a besoin des échanges comme ça avec vous par le moyen du virtuel. Alors, bien, on va terminer cette période avec la députée de Laviolette Saint-Maurice, encore une fois, pour une période de 3 min 18 s.

Mme Tardif : Monsieur Pilote, bonjour. Merci d'être là, mais merci aussi pour le bien que... je le dis, que vous me faites à l'âme, mais je pense que vous faites du bien à l'âme de bien des personnes. Vous êtes un modèle. Vous êtes définitivement un modèle, un modèle de détermination. Quand vous dites : La vie est sacrée et l'aide médicale à mourir doit être là pour vivre, je vous rejoins. Je suis d'accord avec vous que l'aide médicale à mourir doit venir uniquement dans les derniers moments, en fin de vie ou lorsque les souffrances sont extrêmes et ne sont plus tolérables.

Donc, je pense que c'est ce qu'on a mis dans le projet de loi. Il reste du travail à faire. Et vous nous apportez un bel éclairage. Parce qu'il faut évidemment éviter les dérapages. Et je lis des commentaires que plusieurs citoyens nous écrivent sur le site et, effectivement, la crainte vient soit de la méconnaissance du projet de loi, mais aussi de la crainte des dérapages. Ça fait qu'on va avoir un travail à faire puis on va avoir besoin de vous pour sensibiliser, informer, communiquer les bonnes choses, les vraies choses pour ne pas que ça ait l'air des projets... un projet de dérapage et un projet d'euthanasie.

M. Pilote (Daniel) : Exactement et de banalité, hein?

Mme Tardif : Oui. Puis je pense que j'en profiterais pour saluer... je ne sais pas si madame Solange Miller est là, dans mon comté, mais madame Miller a cette crainte-là. Et sachez que je lis les commentaires et on est à l'écoute de vous. Elle nous dit : «Oui pour les soins palliatifs. Non à l'euthanasie.» Elle fait référence à la dénatalité, elle fait référence à Dieu et au sens sacré de la vie. Donc, effectivement, c'est un volet qu'on doit aussi considérer parce qu'il y a beaucoup de gens qui sont religieux et qui ne seront pas nécessairement enclins à donner carte blanche sans connaître...

M. Pilote (Daniel) : Je les comprends.

Mme Tardif : Vous les comprenez, hein?

M. Pilote (Daniel) : Oui.

Mme Tardif : Merci. Bonne soirée.

M. Pilote (Daniel) : Bien, merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Alors, c'est ce qui met fin à nos échanges, Monsieur Pilote. Encore une fois, merci beaucoup pour votre participation. Continuez aussi à évoluer avec les moyens virtuels que vous connaissez maintenant. Alors, au nom de Mme la ministre et de tous les parlementaires, ici, membres de cette commission, je vous remercie et je vous souhaite une bonne fin de journée.

Et je vais ajourner les travaux de la commission jusqu'au jeudi 16 mars 2023, après les avis touchant les travaux des commissions, où nous allons poursuivre notre mandat. Bonne soirée, mesdames.

(Fin de la séance à 18 h 15)


 
 

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