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Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité

Version finale

39e législature, 1re session
(13 janvier 2009 au 22 février 2011)

Le lundi 31 janvier 2011 - Vol. 41 N° 20

Consultation générale et auditions publiques sur la question de mourir dans la dignité


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Kelley): Alors, bon matin, tout le monde. C'est la première session de la commission en 2011, alors, aux membres de la commission, bonne et heureuse année. C'est vraiment une occasion de reprendre nos responsabilités.

C'est un grand plaisir d'être ici, à Gatineau. C'est, je pense, notre septième ville que nous avons visitée dans notre tournée du Québec. Toujours agréable d'être ici. Le président a patiné hier sur le canal, à Ottawa, avec quelques autres personnes. Alors, ça fait du bien toujours d'être dans la région de Gatineau et toutes les choses qu'on peut faire ici.

Juste un aide-mémoire, parce que nous avons commencé nos consultations en 2010. L'objectif va être de terminer. Nous avons environ 300 demandes, soit les mémoires qui ont été déposés ou les demandes d'intervention des citoyens. Nous avons deux jours ici, à Gatineau, à faire, deux jours à Montréal à faire jeudi, vendredi de cette semaine. Il y a une visite à faire à Saint-Jérôme vers la mi-février. Il nous reste peut-être quatre ou cinq jours à faire à Québec.

Mais l'idée, c'est le plus rapidement possible, en 2011, compléter la section auditions publiques pour passer à une prochaine étape qui va être la rédaction d'un rapport, qui risque d'être fort compliquée aussi.

Mais, juste pour mettre la table un petit peu, 2011... on a beaucoup de travail à faire. Mais nous avons vu encore une fois... l'arrivée de la commission ici, à Gatineau, il y a beaucoup d'intérêt dans les médias. Il y a beaucoup de mémoires qui ont été déposés. Alors, ça va être un grand plaisir d'être parmi vous à Gatineau maintenant pour vous entendre sur les enjeux entourant la fin de vie. C'est ça, le mandat de la commission.

Auditions (suite)

Alors, sans plus tarder, nos premiers témoins sont les représentants de La Maison Mathieu Froment-Savoie, une maison de soins palliatifs ici, à Gatineau. Alors, sans plus tarder, je suis prêt à céder la parole au Dr Alain Millette et Mme Maryse Bouvette.

La Maison Mathieu Froment-Savoie
Centre de soins palliatifs

Mme Bouvette (Maryse): Merci. Et bienvenue dans l'Outaouais. Alors, je vais commencer et je vais lire le texte, pour être plus concise et complète.

En tant qu'intervenante en soins palliatifs depuis plus de 20 ans, je tiens d'abord à remercier la commission pour cette opportunité de pouvoir peut-être mettre les pendules à l'heure en ce qui a trait à cette très importante question sur la fin de vie dans notre société.

Il est clair que nous sommes une société en changement. Tout va très vite, les critères de performance changent. L'homme est en constante recherche d'équilibre. On remarque également qu'au fil des dernières décennies la population s'est éloignée de la mort. J'aime bien dire le terme. On a mis un peu la mort au rancart. Ce changement dans l'attitude sociale a fait en sorte que nous nous retrouvons complètement démunis face à ce phénomène pourtant si naturel. Nous ne choisissons pas de naître ou de mourir. Nous naissons et nous mourons. Nous ne choisissons pas l'heure de notre naissance. Nous ne choisissons pas l'heure de notre mort. Mourir n'est pas un droit, c'est une réalité propre à la vie. L'homme est voué à se surpasser. L'intelligence humaine pousse l'homme à de nouveaux développements, de nouvelles sources d'évolution.

En fait, je souhaite fortement que cette commission permette de clarifier les termes. Je m'aperçois que plus on en parle, plus il est clair que rien n'est clair.

Lorsqu'on regarde les statistiques en ce qui concerne le choix de la population face à l'euthanasie, je considère que ces chiffres ne sont absolument pas significatifs. Comment peut-on donner une opinion sur un terme qui n'est pas clair pour tout le monde? Est-ce que l'on comprend bien ce que signifie l'euthanasie et ce qu'implique l'euthanasie? Est-ce que l'on comprend bien ce que représentent les soins palliatifs? De plus, on confond souvent le terme «acharnement thérapeutique» dans tout ce jargon. Des recherches ont été faites par une psychologue, Mme Isabelle Marcoux, en 2003, et ses données ont démontré que 31 % de la population québécoise perçoit l'abstention de traitement comme étant de l'euthanasie, 41 % de la population québécoise perçoit le soulagement de la douleur comme étant de l'euthanasie, 58,8 % de la population québécoise perçoit l'arrêt de traitement comme étant de l'euthanasie.

Est-il clair pour tout le monde que la médecine et les services médicaux existent pour aider la personne et non prolonger sa souffrance? Personne ne devrait se sentir en otage de ses soins. Cependant, c'est souvent l'impression que je reçois quand je m'entretiens avec les personnes atteintes de maladies terminales et avec leurs familles.

Je me souviendrai toujours de cette dame de 84 ans qui souffrait d'une condition pulmonaire obstructive chronique et qui vivait en soins de longue durée. Elle était très insatisfaite de sa condition de santé et de sa médiocre qualité de vie. Elle se disait prête à mourir. Elle comprenait très bien que sa condition continuerait à se détériorer. Elle ne pouvait pas concevoir s'ajuster à une condition encore plus sévère. Elle se trouvait régulièrement à l'urgence pour des infections pulmonaires récurrentes. Son attitude démontrait clairement qu'elle se sentait prise au piège, et le mot qui me vient à l'idée quand je pense à cette dame-là, c'est le mot «victime».

**(9 h 40)**

Dans ma conversation avec elle, je lui ai reflété le message que j'avais perçu, son message de détresse. Elle a clairement confirmé que c'était ça. Elle était en détresse. Je lui ai demandé: Alors, qu'est-ce qui vous pousse à aller à l'urgence si régulièrement pour vos traitements de pneumonie? Elle n'avait jamais réalisé qu'elle avait l'option de ne pas traiter. Elle s'est donc empressée de me dire sans hésitation: Il est clair, c'est ce que je veux, je veux laisser la nature prendre son cours. Alors, une réunion de famille s'est installée rapidement avec son fils, et son médecin, et son équipe primaire, et le plan de soins a été tel qu'elle ne retournerait pas à l'urgence et qu'elle n'aurait pas de traitement pour ses infections pulmonaires.

Dès qu'elle a connu ses droits, je sentais déjà qu'elle reprenait le contrôle. Évidemment, en tant qu'infirmière en soins palliatifs et en gestion de douleur et des symptômes, je me suis fait le devoir également de lui offrir peut-être d'ajouter un petit peu de morphine dans son plan de soins et pour pouvoir l'aider avec son impression de détresse respiratoire. Nous avons également parlé des différentes approches non pharmacologiques pour l'aider dans son confort au quotidien. Et, comme elle avait peu de visites, on a parlé d'avoir un bénévole qui viendrait la visiter régulièrement. Lorsqu'une nouvelle infection pulmonaire a été diagnostiquée, tel que décidé dans son plan de soins, elle n'est pas retournée à l'urgence, mais elle a demandé à son médecin si elle pouvait être traitée avec un antibiotique en pilules et rester en soins de longue durée, ce qui a été fait avec succès. Lors d'une visite ultérieure, je lui ai demandé comment elle se sentait, mais je crois qu'avec justement le meilleur-être elle était moins en détresse respiratoire. Elle avait de la visite d'une bénévole. Elle était surtout en contrôle. Je pense qu'elle a peut-être redéfini un peu sa qualité de vie.

Cette dame est décédée deux ans et demi plus tard et cinq pneumonies plus tard. Je pourrais vous dire qu'elle a vécu jusqu'au bout. Mais que s'est-il passé? Elle souffrait toujours de sa condition dégénérative. Personnellement, je crois qu'elle a eu la chance de raconter son histoire, de raconter sa détresse. Elle a aussi eu l'option de pallier à ses symptômes et elle a retrouvé un contrôle. Et c'était son droit. Et elle a même changé d'idée, et c'était correct.

Les témoignages des personnes qui ont confronté de dures réalités nous démontrent cette capacité qu'a l'homme de se surpasser. C'est souvent à travers sa plus grande vulnérabilité que l'homme découvre ses plus grandes forces. Il est évident que personne ne veut souffrir, mais encore faut-il comprendre ce qu'est la souffrance humaine. Un très grand auteur que vous connaissez sûrement, Viktor Frankl, a un jour écrit: L'homme n'est pas détruit par la souffrance, il est détruit par la souffrance qui n'a aucun sens. Alors, que doit-on faire face à cette souffrance? Offrir l'euthanasie ou plutôt continuer à investir dans le mieux-connaître de l'être humain?

Faute de pouvoir avoir cette personne à mes côtés pour témoigner avec moi, j'aimerais vous relater son expérience. Voici. J'accompagne une jeune personne atteinte de sclérose en plaques. Il a 34 ans, il est marié, et sa maladie a progressé si rapidement qu'il est maintenant en soins de longue durée. Sa jeune épouse le visite régulièrement. Il laisse des messages clairs à ses infirmières qu'il n'en peut plus de vivre, que sa vie ni celle de son épouse n'ont aucun sens. Cette jeune personne souffre terriblement, malgré sa recherche de sens. Un peu comme la situation précédente, il n'est pas au courant de ses options. Il se sent pris en otage, et sa grande peur, c'est, un jour, de se réveiller avec un tube de gavage, forcé de vivre. Cette personne ne souffrait d'aucune dépression, donc elle était en pleine capacité de choisir. Alors, une réunion de famille s'est organisée avec ses parents, ses frères, ses soeurs, son épouse. Lors de cette rencontre, ses désirs ont été clairement documentés... et que, même s'il devenait inconscient, ses désirs seraient comblés. Il ne voulait pas de tube de gavage et il ne voulait aucun traitement pour ses infections récurrentes.

Il est décédé trois semaines après cette réunion touchante, et ses droits et ses désirs ont été respectés. Tous n'étaient pas d'accord dans cette famille, mais ils ont dû l'écouter. Ils ont été témoins de son message.

J'ai eu l'impression d'assister à une belle démonstration de dignité humaine. Je crois que de façon générale nous avons énormément de travail à faire en ce qui a trait à la discussion sur les plans de soins préalables et les prises de décision en fin de vie. N'est-ce pas tout ce processus qui fait de nous des êtres humains?

J'entends parfois l'expression: On ne laisse pas les chiens mourir, on les euthanasie. Bien, justement, nous ne sommes pas des chiens. Devons-nous réduire la dignité humaine au point de se comparer à un animal? Enlever la vie à quelqu'un n'est pas une option de soins. Il n'est pas donné à l'homme d'enlever la vie, mais plutôt il faut aider l'autre à retrouver le sens de sa vie, même si elle s'achève. Nous sommes en constante recherche d'équilibre. Il n'en est pas différent en fin de vie. Cette recherche peut sembler difficile, mais c'est à ce moment que l'être humain doit faire ses devoirs, être disponible pour l'autre.

Dans ma carrière tant aux soins intensifs... d'une dizaine d'années, qu'aux soins palliatifs, d'une vingtaine d'années, les épreuves humaines semblent souvent intolérables, mais pourtant ce sont nos réalités. Les témoignages de ces personnes et de ces familles démontrent la capacité qu'a l'être humain de se dépasser. Le droit d'enlever la vie pourrait avoir un impact énorme sur le processus décisionnel face à la santé, à la vie et, je dirais même, à la culture de notre société. L'expérience des pays européens nous le démontre, donner un tel droit à l'homme, c'est aussi s'engager sur un terrain glissant, un terrain inconnu, et personnellement, je dirais, un terrain dangereux. Connaissons-nous vraiment les conséquences sociales, à long terme, de l'euthanasie? Devons-nous plutôt préserver notre société humaine, nos valeurs humaines et le respect de la vie?

C'est ce qu'on appelle l'humanitude. En tant que société en constante évolution, nous nous devons de continuer à chercher les meilleurs moyens de permettre à la personne de vivre sa vie jusqu'au bout et dans la plus grande dignité, et d'où l'importance d'investir dans les soins palliatifs, qui se penchent justement sur la gestion de la douleur et des symptômes physiques mais également de tous les autres besoins de la personne, qui souvent définissent la souffrance humaine, et des prises de décision difficiles en fin de vie.

L'accès aux soins palliatifs demeure encore trop limité dans notre société. Les soins palliatifs mettent justement une emphase toute particulière sur la dignité de la personne et ce cheminement propre à sa réalité et à celle de sa famille. Quel héritage à laisser dans cette recherche!

Mais parlons donc de dignité. Un jour, je m'apprêtais à faire une conférence publique sur les soins palliatifs. Une personne s'est assise à l'avant, et a pris la parole tout juste avant que je débute ma conférence, et m'a posé une question très directe: J'espère que vous nous parlerez de la dignité, car je ne sais pas si une personne a beaucoup de dignité lorsqu'elle ne peut même plus combler ses propres besoins d'hygiène personnelle et qu'un étranger doit se charger de cette tâche dégradante? Il était clair qu'aux yeux de cette personne la dignité humaine semblait se définir par son degré d'autonomie. Mais est-ce vraiment ce que représente la dignité?

D'autres personnes définissent la dignité par la liberté de choix, le droit de mourir dans la dignité. Mais qu'est-ce, au juste, la dignité?

Je ne pouvais pas aller de l'avant avec ma conférence sans tenter de répondre à cette question. En fait, la réponse à cette question n'est pas simple. Je me suis donc permis de répondre à cette interrogation en partageant une histoire que vous avez peut-être tous contée à vos enfants. J'ai utilisé le conte Je t'aimerai toujours. En deux mots, c'est l'histoire d'une mère qui donne naissance à son enfant et qui lui démontre l'amour et la tendresse qu'elle lui porte. L'histoire se déroule tout au long de la vie de cet enfant qui grandit et qui devient un homme. Dans l'histoire, à tous les soirs, elle prend le temps de le bercer et de lui chanter une berceuse, même lorsqu'il est grandi, qu'il a grandi et qu'il est devenu homme. Un jour, il reçoit un appel téléphonique l'informant que sa mère est très malade, et, d'un coup de téléphone, les rôles sont renversés. C'est maintenant à son tour de bercer sa mère, et de lui chanter cette berceuse, et de lui offrir les soins dont elle a besoin, aussi primaires soient-ils. Lors de son retour à la maison, après la mort de sa mère, il monte à l'étage et il prend son poupon, le prend dans ses bras et le berce pour lui chanter cette même berceuse.

Alors, je me retourne vers cet homme qui posait la question et je lui ai demandé si, à travers ce conte, il avait trouvé une réponse à sa question. En tentant de camoufler ses larmes, il me fait dire que oui.

Oui, nous vivons dans une société et, oui, nous avons des droits, mais, en tant que citoyens, nous avons également des devoirs, le devoir envers autrui. La dignité humaine se traduit par le respect de l'autre et se reflète à travers les relations humaines. La dignité humaine se lit dans le regard de l'autre posé sur soi. La dignité de la personne est à la merci de l'autre, de ses peurs, de ses préjugés et de son inconfort.

Si la société choisit de définir la dignité humaine selon l'autonomie fonctionnelle, selon la performance et le degré de productivité, alors avec quels yeux regardons-nous nos aînés, avec quels yeux regardons-nous les personnes handicapées, avec quels yeux regardons-nous les personnes en perte d'autonomie et en fin de vie?

Alors, suite à ça, je laisse la parole à mon copain Alain.

**(9 h 50)**

M. Millette (Alain): Merci, Maryse.

Le Président (M. Kelley): M. Millette.

M. Millette (Alain): Merci. M. le Président, et MM., Mmes les commissaires, juste avant que Mme Bouvette ne conclue, j'aimerais faire une brève intervention pour vous expliquer un petit peu ce qu'on vit, nous, les médecins, à chaque jour à La Maison Mathieu Froment-Savoie.

Je suis là déjà depuis 10 ans, et mon domaine d'expérience... je n'ose pas dire «d'expertise», mais mon domaine d'expérience demeure les soins palliatifs de fin de vie. Comme l'a bien exprimé Mme Bouvette, pour nous, en soins palliatifs, l'euthanasie n'est pas une option de soins. Souvent, les patients arrivent à la maison dans un état de grande souffrance physique et morale. Et, bien que la question ne soit que très rarement abordée avec eux, parce que, finalement, non pertinente à ce point-là, je suis persuadé que plusieurs ont souhaité pouvoir mettre fin à leurs jours de façon prématurée avant de se retrouver chez nous. J'imagine que ce souhait vient d'une grande souffrance et d'une grande peur devant cette inconnue, ce néant, qu'est la mort. Ce que nous avons souvent observé cependant, c'est que, dès leur arrivée, les patients reprennent un peu de mieux, sont moins anxieux, sont moins souffrants, sont plus en relation avec leurs proches. Bien sûr, la terrible maladie suit son cours, et les patients finissent par mourir, mais, pour plusieurs, grâce aux soins donnés, grâce au soulagement de leur douleur tant physique que morale, et celle de leurs familles, ces derniers jours... ou ces dernières semaines ont été beaucoup moins pénibles, douloureuses et souffrantes qu'attendu, tout ceci, nous osons le croire, grâce aux soins palliatifs prodigués.

Quand une majorité de la population dit qu'elle aimerait pouvoir se faire euthanasier si elle souffrait d'une maladie chronique incurable, je pense que c'est la peur qui parle: la peur de la douleur, la peur de la souffrance physique et morale, la peur de l'inconnu. Si nous essayons plutôt de leur offrir un peu d'espoir en leur fournissant certaines garanties, la garantie qu'ils auront accès à des soins palliatifs de qualité, accessibles et en temps opportun, la garantie qu'ils seront accompagnés, ainsi que leurs familles, dans ce voyage douloureux qu'est la marche vers la mort, la garantie que tout sera fait pour qu'ils ne souffrent pas, je pense que l'idée de recourir à l'euthanasie s'estompera, et nous aiderons ainsi les gens à mieux finir de vivre dans la dignité. Maryse.

Mme Bouvette (Maryse): Alors, pour conclure, je vous laisse avec cinq questions.

Quelle sorte de société sommes-nous ou serons-nous? Quel héritage voulons-nous laisser à nos enfants? Sommes-nous une communauté ou sommes-nous une agglomération d'individus? N'oubliez pas que nous avons des droits et nous avons des devoirs. En somme-nous réduits à une société de productivité ou voulons-nous préserver notre humanité, notre dignité?

Alors, le grand message final est: Investissons dans l'évolution de notre société. Permettons un meilleur accès aux soins palliatifs. Réapproprions-nous cette période qu'est la fin de vie afin de permettre à nos citoyens de vivre jusqu'au bout dans la dignité. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Bouvette, pour cette présentation... Dr Millette. Je vais céder la parole tout de suite à Mme la députée de Gatineau.

Mme Gaudreault: De Hull, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Hull, Hull.

Mme Gaudreault: Très contente d'ailleurs d'accueillir la commission ici, dans le beau comté de Hull.

Alors, je veux souhaiter la bienvenue aux membres de la technique de l'Assemblée nationale, les gens aussi de la sécurité, les gens de la commission, mes collègues, mes chers collègues, parce que, cette aventure, on la vit ensemble depuis un bon moment, M. le Président. Et je voudrais saluer aussi notre ministre responsable de l'Outaouais, M. MacMillan, qui est assis en arrière, qui nous écoute avec beaucoup d'attention depuis tout à l'heure, M. Morissette aussi... Dr Morissette, qui est le directeur général... président-directeur général de l'agence. Alors, ça démontre un grand intérêt qu'on a tous pour la question du mourir dans la dignité.

Et finalement, bien, je veux souhaiter la bienvenue à Dr Millette et à Maryse. Je ne dirai pas «Mme Bouvette»parce que c'est une amie. Pour ceux qui me connaissent, je vais le dire parce que, là, je suis ici chez nous, j'ai déjà été bénévole, j'ai déjà eu le privilège d'être bénévole à la maison. J'ai fait partie d'une des premières équipes de bénévoles. J'en garde des souvenirs impérissables. Et, Maryse, vous savez, ça prend quelques... il faut être un peu encadré, là, pour accompagner, pour une première fois, des personnes en fin de vie, puis c'est Maryse qui nous donnait la formation, aux bénévoles.

Puis j'ai une petite anecdote. Je me souviens, elle m'avait un peu traumatisée parce qu'elle avait dit: Vous ne venez pas ici pour vous faire des amis, vous venez ici pour aider ces gens-là à se défaire des leurs. Et ça, ça m'avait un peu... J'y ai pensé longtemps, parce que, oui, c'est ça, on n'est pas là pour créer des liens, on est là pour aider tout le monde à les défaire. Alors, ça, c'était la dure réalité de ce que c'est, finalement, mourir, et ce que c'est aussi pour les personnes qui restent.

Alors, tout ça pour dire qu'on est très contents de vous accueillir ce matin. Et, vous l'avez mentionné tout à l'heure, les soins palliatifs ne sont malheureusement pas offerts partout au Québec. Ça, c'est un message qu'on entend régulièrement. Mais, nous, ici on a la chance d'avoir la maison, qui est là depuis un bon moment, avec une équipe de médecins vraiment spécialisés qui... Et toutes les personnes qui entrent à la maison, les familles, elles en ressortent transformées puis elles sont prêtes à mettre l'épaule à la roue pour vous aider. Et puis, on le sait, il y a beaucoup d'activités de financement qui ont toujours un très grand succès auprès de la population ici parce que les gens vous aiment, vous avez la faveur populaire.

Maintenant, passons au sujet. Comme je l'ai mentionné à quelques reprises, même si des fois on peut vous paraître avoir une position déjà ferme, c'est juste... on joue un peu à l'avocat du diable et puis on aime ça amener un peu de confrontation. Vous avez parlé... Vous avez terminé votre présentation en nous questionnant: Quelle société sommes-nous? Que sommes-nous devenus? Et dans votre mémoire vous dites, vous affirmez: «La mort est niée. On veut la vaincre. [...]Les rituels ont perdu leur place. Ils étaient pour nous des bouées qui nous aidaient à demeurer enracinés. La famille et la religion ont perdu du terrain.»

Alors, j'aimerais vous entendre un peu de l'expérience qui est vécue à l'intérieur de la maison, parce que c'est vrai qu'en fin de vie il y a des gens qui se redécouvrent la foi puis il y a des gens qui la perdent. Et puis, tout le rituel, et tout ça, je veux vous entendre par rapport à ce qui entoure, en faisant abstraction du côté médical de la chose, mais comment c'est vécu à la maison et comment vous pensez que ça devrait être vécu?

Mme Bouvette (Maryse): Je pense que, d'abord, le fait qu'on a perdu nos rituels, c'est clair. Et c'est une question de valeurs, hein? Chaque personne a des valeurs très différentes, et c'est ce qui fait de nous la personne qu'on est. Et, pour certains, c'est la religion. Pour certains, c'est la famille. Pour certains, c'est la nature. Alors, c'est plein de choses.

Alors, à la maison... puis je vais laisser Dr Millette renchérir, c'est qu'on reçoit la personne qui est définie par toutes ces valeurs-là. Et l'art d'accompagner et de soigner, c'est justement de découvrir quelles sont ces couleurs-là de la personne pour être capables de respecter qui elle est jusqu'au bout. Et nous nous laissons guider par cette personne-là et cette famille-là. Si ses valeurs sont plus d'un aspect religieux, ça va être par là qu'on va être guidés par eux. Et on n'est pas là pour imposer rien... mais tout simplement l'art de découvrir. Puis, je pense, n'importe quel professionnel de la santé va vous répondre ça. C'est un art. Ce n'est pas décrit dans les livres, qui est cette personne. Il faut l'apprendre. Il faut apprendre à la découvrir et vraiment ajuster les soins en conséquence.

Je ne sais pas, Alain, si tu veux rajouter.

M. Millette (Alain): Pardon. Excusez, monsieur, c'est... Il m'avait pourtant averti de faire attention.

Du point de vue médical, notre approche, nous, on est là pour essayer de contrôler les symptômes, que la patiente ou que le patient soit le plus confortable possible, et la famille aussi, parce qu'on a vraiment une vision globale, là. Pas juste le patient, c'est la famille aussi. Et, honnêtement, il y a bien souvent des traitements qu'on fait, c'est un petit peu aussi pour soulager la famille et... Mais ce qui demeure à la base, c'est de prendre soin de la personne dans son entité. Et, comme Maryse disait, les questions religieuses n'ont pas vraiment leur place. Les gens qui veulent avoir une approche un peu plus religieuse... oui, on peut faire venir l'aumônier. Si c'est d'une autre religion, ils peuvent faire venir les prêtres ou les gens qu'ils veulent. Mais pour nous ce n'est pas ça qui est important.

L'important, c'est que la personne soit bien dans tous ses aspects, ses aspects physiques, oui, mais aussi l'aspect moral et spirituel, parce que la personne, c'est un tout. Et c'est comme ça qu'on aborde les soins palliatifs, c'est vraiment d'essayer d'aller au bout du soulagement de la personne dans toutes les facettes possibles et parfois c'est les médicaments, puis parfois on ne fait rien, nous, les médecins. Souvent, ça va être les bénévoles, ça va être les infirmières, ça va être les intervenants qui vont être les plus utiles dans le cheminement de cette personne-là. Nous, on n'a pas grand-chose à faire.

Donc, c'est vraiment d'aborder la personne dans son entièreté.

**(10 heures)**

Mme Gaudreault: J'ai une dernière petite question, parce que je sais que Francine veut vous parler. Elle a hâte. Je veux juste savoir votre expérience personnelle, Dr Millette, parce qu'on a entendu plusieurs médecins venir nous parler de leurs expériences. Vous, est-ce que c'est arrivé souvent que quelqu'un vous ait dit: Moi, là, je ne veux plus continuer, je veux tout arrêter, je veux que vous m'aidiez à mettre un terme à cette agonie? Est-ce que ça vous est arrivé?

M. Millette (Alain): Ce n'est pas arrivé souvent. Ça arrive, mais... Je suis peut-être une exception, là, mais ça ne m'est pas arrivé souvent, surtout pas à La Maison Mathieu Froment-Savoie. Ça m'est arrivé un petit peu plus au bureau. Et mon attitude est toujours la même: j'essaie de voir pourquoi cette demande-là... qu'est-ce qui fait que la personne demande, qu'elle me dit qu'elle n'en peut plus.

Souvent, on les comprend. Ils sont fatigués. La famille est fatiguée, la famille n'en peut plus. Mais on essaie toujours de leur montrer qu'on les comprend, qu'on sait, qu'on comprend leur souffrance, mais que, pour nous, comme l'euthanasie, ce n'est pas une option, on va essayer de faire notre possible. Et, si ce qu'on fait présentement, ce n'est pas assez pour eux, on va continuer à essayer d'en faire encore plus pour que ce soit moins difficile.

Mais, oui, on est confrontés à ça. Évidemment, ça va arriver.

Mme Gaudreault: Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Charbonneau: Merci, M. le Président. Docteur, Maryse; Francine.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Charbonneau: On est dans toute notre intimité. Il me fait plaisir d'être ici ce matin.

J'ai lu votre mémoire avec beaucoup d'intérêt, de l'intérêt pour le sujet, nécessairement, mais aussi pour le vocabulaire utilisé. J'ai trouvé intéressant d'y retrouver la notion du temps. Vous l'avez utilisée. Et je vous dirais que la période des fêtes nous permet d'arrêter, dans notre cas, quelques jours, et on réalise là le temps qui a filé, le temps qui reste puis l'investissement du temps qu'on y met. Mais, quand vous dites: Le temps pour la réflexion... j'ai apprécié ce terme-là. Puisqu'on est tous de faux avocats, sauf une personne, je vous laisserai trouver qui n'est pas l'intrus, je vous parle d'un cas et je vous laisse réagir après.

Nécessairement, on a eu le privilège d'avoir des témoignages intimes de familles. Alors, je vous présente la famille Rouleau. La famille Rouleau est une famille proche qui reste en région. Cette famille apprend, malheureusement, que le père, qui est rendu à un certain âge, commence un diagnostic de sclérose en plaques. Et le temps fait son oeuvre. L'inquiétude du père prend le dessus sur ses facultés, son regard à lui sur sa dignité, sa charge par rapport à sa famille, et il commence à laisser échapper quelques messages: Je n'ai pas le goût, ça ne me tente pas, ça me fait peur. Il en discute avec les médecins, essaie de voir quel est le parcours de cette maladie, puisqu'il la découvre par son corps qui lui dit des choses. Et, un jour, dans sa tête il prend une décision, malheureusement, qu'il garde pour lui, mais qu'il laisse échapper à quelques-uns de ses proches, que, quand lui va avoir décidé qu'il est rendu là, il passera à l'acte.

Vous avez compris que, dans la tête de M. Rouleau, il se passe des choses à une vitesse incroyable et il détermine le moment où sa faculté personnelle va lui permettre de passer à l'acte.

Donc, un jour... Et, à chaque fois que je la raconte, je me fais frissonner moi-même. Mais, un jour, il décide d'aller chercher sa vieille amie la carabine dans la vieille grange à côté et il décide de passer à l'acte. Malheureusement, l'outil utilisé n'était pas assez fort pour le premier coup, alors il a fait ça deux fois, tout en gardant son cellulaire tout proche puis en se disant: Bien, quand je vais sentir que la lumière au bout du tunnel apparaît, je vais signaler le téléphone pour qu'on puisse venir me trouver, parce que je ne veux pas que ma famille me trouve.

Malheureusement, M. Rouleau s'est rendu à l'urgence. Je dis «malheureusement» parce qu'il s'en est découlé là -- puis probablement que, M. le docteur, vous allez comprendre -- un protocole tout à fait différent. Si j'arrive d'un accident à l'urgence, on va s'occuper de me faire vivre, ce que M. Rouleau crie au plus fort de ses poumons qu'il ne veut pas qu'il arrive. Il veut qu'on le laisse partir. Et finalement le diagnostic de... M. Rouleau a pu rencontrer des psychologues à l'urgence même, sa femme est venue le rejoindre, ses enfants n'ont pas eu le temps, et on a laissé partir M. Rouleau.

Au constat et à la rencontre de la famille, les gens nous disaient: Vous savez, s'il avait eu une date de péremption, s'il avait eu ce choix de dire: Quand je serai rendu là, vous allez m'aider à, il aurait probablement vécu quelques années de plus, puisqu'il aurait eu, à son choix à lui, la date de son choix. Et il aurait pu passer à travers certaines étapes de sa maladie en disant: Je le sais, que ce n'est pas le fun, là, là, mais bientôt on va faire notre ménage, on va faire nos adieux, puis je vais passer à d'autre chose.

Je suis habitée par des cas comme M. Rouleau, pas parce que je trouve que c'est un meilleur choix que de ne pas avoir le choix mais parce que ce questionnement-là m'habite dans ces rencontres extraordinaires qu'on a eues. Alors, je sais que vous n'allez pas me parler de religion. Je le sais, que vous allez me parler d'autre chose. Puis j'aurais aimé vous entretenir sur le seul lit, que vous avez, pour enfants dans la maison, parce qu'il n'y a pas de maison qui m'en... qui nous en ont parlé. Donc, j'aurais aimé ça vous entretenir là-dessus, mais M. Rouleau, il veut vous entendre. Alors...

Mme Bouvette (Maryse): Alors, merci de ce partage-là. C'est un témoignage.

On est témoins, en tant que professionnels et non-professionnels, de cette réalité-là. Je pense que ce qu'il est important de comprendre dans les situations comme... Il me rappelle un petit peu le jeune homme ici que j'ai accompagné, qui était vraiment pris dans... victime complètement. Mais je ne sais pas tout ce qui s'est passé dans le déroulement de la maladie de cette personne-là, mais est-ce qu'il était au courant de son droit de ne pas avoir de traitement? Et, si le cas est, on sait très bien que les personnes en perte d'autonomie et en condition dégénérative comme ça sont sujettes énormément à développer des infections, et c'est souvent une porte de sortie.

C'est comme ça qu'on parle aux gens. C'est vraiment comme ça que je m'installe avec les familles, puis je leur dit, quand j'entends la détresse, comme la dame avec la condition pulmonaire qui était déterminée à ne plus continuer... Et puis je lui ai dit: Bien, prenez la porte. Et elle me regarde avec grand, grand émoi puis elle me dit: Vous avez l'air sérieuse. J'ai dit: Je suis très sérieuse. Et, sans contredit, elle voulait prendre cette option-là. Puis je pense que le fait d'avoir le contrôle... C'est le fait d'être victime qui nous coupe les deux jambes et les deux bras et qui nous rend si misérables. Et, je pense, quand on peut offrir aux gens clairement et leur dire: Quand cette complication-là se présentera, cette option-là est là... Et c'est correct. Il y a tellement de monde encore qui croit que c'est de l'euthanasie, ça.

Et, quand on aura clarifié tout ça, je pense qu'on va avoir fait un travail énorme. Puis, si la commission aura au moins donné cette merveilleuse opportunité bien, on aura fait un grand bout de chemin.

Alors, je ne sais pas si ça répond. Mais, dans le mémoire, le mot «temps», où j'ai voulu investir, je l'ai pris d'un collègue qui va présenter demain... justement, Dr Pereira, qui arrive de la Suisse, qui a vécu un enfer. Et comment il a vu ça, lui? C'est que le temps est une option thérapeutique. On est dans une société de vitesse. On veut que tout se passe là. On est rendus impatients et on veut que tout se règle en un temps, trois mouvements. Ce n'est pas dans la nature des choses.

Alors, il ne faut pas forcer cette nature-là et il faut respecter ce temps-là qui peut, comme disait Dr Millette, changer la couleur de l'expérience humaine. C'est vraiment là-dedans qu'il faut investir.

**(10 h 10)**

Le Président (M. Kelley): Peut-être, moi, je vais poser une question aussi. Une chose qu'on a constatée souvent: les personnes qui viennent du monde des maisons des soins palliatifs parlent souvent sur la question de l'euthanasie et le suicide assisté, et ce n'est pas l'ensemble du mandat de notre commission. Et une des choses que nous devrons répondre, ça va être comment mieux organiser les soins palliatifs dans notre société.

Moi, je vais vous offrir maintenant les suggestions, parce que ce n'est pas évident, parce qu'on veut garder un certain caractère communautaire de ces... Il y a dans mon comté, dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, un centre de soins palliatifs très, très branché avec la communauté, avec les activités de financement. Ce n'est pas toujours évident, mais ça a donné un grand sentiment d'appartenance à la communauté à ce centre. Alors, je pense, si ça devient juste un autre département du gouvernement, ça, ce n'est pas souhaitable. Par contre, comme parlementaires, on a un certain souci d'une équité. Il y a certaines communautés où il y a une masse critique assez importante pour soutenir une maison, mais, quand on est en région éloignée, quand nous étions à Rimouski, par exemple, on est dans les grandes distances. Alors, d'organiser une maison dans un contexte comme ça est beaucoup plus difficile qu'en milieu urbain ou... milieu banlieue. Alors, je ne sais pas, mais je vous laisse...

Et peut-être une dernière considération: plusieurs des médecins issus du monde palliatif ont dit que peut-être nous devrons introduire la notion plus tôt dans la maladie, que souvent on arrive aux soins palliatifs à minuit moins une, quand la personne est en très grande souffrance. Et il y avait même un médecin qui a suggéré: Beaucoup de traitements futiles, inutiles. Alors, comme parlementaires, de dire qu'il y a des traitements inutiles que les personnes qui sont très vulnérables doivent subir, c'est préoccupant un petit peu aussi. Et ce n'était pas... C'était quelqu'un qui est très bien connu dans le monde des soins palliatifs, qui accuse les oncologues de traitements inutiles. J'ai trouvé les mots forts, comme parlementaire, comme non-expert dans le domaine.

Alors, avez-vous des suggestions pour nous, comment mieux organiser... ou une vision de comment mieux organiser des soins palliatifs dans les communautés au Québec, basés sur votre grand succès ici, dans la région?

Mme Bouvette (Maryse): Veux-tu que je commence?

M. Millette (Alain): Commence, puis je vais...

Le Président (M. Kelley): Mme Bouvette.

Mme Bouvette (Maryse): Je vous avertis, j'en ai beaucoup à dire.

Le Président (M. Kelley): ...là pour ça.

Mme Bouvette (Maryse): Alors, absolument, il faut que ça demeure un sujet communautaire. Il ne faut pas que ce soit...

Les soins palliatifs, ce n'est pas seulement juste avec les maisons, absolument pas. Je pense que le soin palliatif fait partie de la pratique médicale. Et je pense que dans le moment, au niveau canadien en tout cas, on essaie d'investir beaucoup dans l'acquisition des compétences de base en soins palliatifs au niveau de la formation des médecins et des autres intervenants dans le milieu de la santé.

Donc, on est en train de s'insérer dans les curriculums déjà existants et d'au moins offrir une compétence de base en soins palliatifs, gestion de douleur, et autres, pour qu'un généraliste, médecin tant... infirmières, et autres, sortent au moins sur le marché du travail avec une compétence minimale. Et, au fur et à mesure qu'on évolue dans notre carrière, si c'est un domaine dans lequel on focusse davantage, bien, en tant que médecin de famille, vous avez des patients... vous n'en avez pas 20 en même temps, mais, sur une charge de travail, vous avez peut-être deux, trois, quatre patients par année. Tu pourras clarifier, Alain. Alors, c'est sûr et certain que... Combien de patients sur ma charge de travail est-ce que je devrais avoir pour garder mon expertise? Ce n'est pas évident. Alors, l'important, c'est de mettre les soins palliatifs accessibles soit par une ligne téléphonique... Ça, c'est comme ça que je travaille du côté ontarien. C'est qu'on est un service 24/7, une expertise de soins palliatifs rejoignable à un coup de téléphone près et des services de consultation qui se rendent à domicile pour pouvoir aider les médecins de famille à se mettre un membre d'équipe qui a une expertise, et on fait un travail d'équipe incroyable.

Alors, pour moi, c'est une réponse. C'est une des réponses. C'est rendre les soins palliatifs, l'expertise palliative accessibles 24/7 pour ne pas que le médecin de famille et l'équipe primaire se sentent démunis par rapport à une spécialité. Parce qu'il ne faut pas se le cacher, les soins palliatifs sont devenus une spécialité puis surtout, avec la maladie comme vous parlez, les oncologues qui poussent, qui poussent, qui poussent la maladie à des défis... qui fait en sorte qu'on se retrouve avec beaucoup plus de symptômes qu'on avait dans le passé et une détérioration de la qualité de vie, dépendamment de votre définition de la qualité de vie, évidemment. Alors, une piste de réponse...

M. Millette (Alain): Vous parliez d'instaurer les soins palliatifs tôt dans l'évolution de la maladie.

Quand j'ai commencé à m'intéresser, il y a une dizaine d'années, aux soins palliatifs puis que je me suis dit: Bon, bien, O.K., je suis rendu à un endroit dans ma carrière où ça me tenterait d'aller travailler à Mathieu Froment-Savoie, parce que c'était vraiment, là... je suis allé par goût, j'ai lu un petit peu puis je me suis formé. Et j'avais vu un graphique très, très, très intéressant à ce moment-là, où on mettait sur un graphe l'évolution du temps, la courbe des soins thérapeutiques et la courbe des soins palliatifs. Et évidemment, tôt dans l'évolution de la maladie, la courbe des soins thérapeutiques est là. Et idéalement, à mesure que le temps file, cette courbe-là descend. Et la courbe des soins palliatifs commence dès le début du traitement, mais c'est très bas. Et, à mesure que la maladie évolue, ça monte, et on arrive à un point où on n'a plus de curatif et on n'a seulement que du palliatif.

C'est très difficile pour un médecin, surtout un médecin spécialiste... oncologue, ou un pneumologue, ou un gastroentérologue, de dire: Je ne peux plus rien faire, je n'ai plus rien à offrir. C'est très difficile. Et je n'irai pas jusqu'à parler de «traitements inutiles», mais on peut parfois parler de traitements superflus. Et c'est là, je pense, qu'il faut qu'on ait une réflexion à l'intérieur du monde médical pour qu'on puisse se dire: O.K., à partir de quelle date, là, à partir de quand, le x, là, on monte dans le palliatif puis on commence à descendre le curatif? Et cette réflexion-là, elle ne se fera pas nécessairement facilement, puis ce n'est pas tout le monde qui va se rallier à ça, mais je pense qu'il faut la faire, la réflexion.

Et, moi, je suis tout à fait d'accord avec le fait que les soins palliatifs devraient être instaurés dès le début de la maladie.

Maintenant, comment on organise ça, des soins palliatifs? Vous avez parlé tantôt qu'en région c'est difficile d'implanter une maison dans la communauté. À mon avis, ce n'est pas absolument obligatoire que ce soit une maison sortie de l'hôpital. En Ontario, il y a des hôpitaux où les maisons des naissances sont à l'intérieur de l'hôpital, ce n'est pas à l'extérieur. Et, ce qui se passe dans la maison des naissances, si jamais il y a un problème, bien on est juste à côté. Il n'y a rien dans le... qui interdirait, dans les petites communautés, à mon avis, de faire un centre de soins palliatifs de quelques lits à l'intérieur de l'hôpital, comme on a chez nous. Et je pense que ce qui nous diffère des soins palliatifs, chez nous, des soins palliatifs qui sont donnés présentement dans les hôpitaux à Hull et à Gatineau, c'est l'intensité, c'est la philosophie de l'intensité des soins qu'on donne. On ne donne pas les mêmes soins. On ne les donne pas dans un même contexte. Souvent, les gens vont nous arriver de l'hôpital en disant: Bien, on est tellement contents d'être ici, parce qu'ils sont tout seuls dans leur chambre. Ils n'ont pas un patient qui vient d'avoir un accident d'auto ou un patient qui vient... qui sort des soins intensifs parce qu'il a eu une perforation de l'intestin. Ils sont tout seuls dans leur chambre.

La famille peut être là. Ils peuvent faire ce qu'ils veulent avec leur chambre. Puis je ne pense pas qu'on ait besoin pour ça d'une maison dans la communauté, à l'extérieur de l'hôpital, si les ressources ne peuvent pas le permettre. C'est une question de volonté puis c'est une question, je pense, d'organisation puis de philosophie. Puis il n'y a rien qui nous empêcherait d'avoir un petit bout de corridor avec les quatre dernières chambres organisées comme ça.

Donc, je pense que, même dans les petites communautés où ils ne peuvent pas supporter une maison comme telle, il pourrait y avoir une maison à l'intérieur de l'hôpital. Et ce serait, à mon avis, une des réponses à l'organisation des soins palliatifs.

Le Président (M. Kelley): Un tout petit... parce que je dois céder la parole à ma gauche, mais un dernier commentaire.

**(10 h 20)**

Mme Bouvette (Maryse): Juste pour compléter par rapport à ce que vous disiez plus tôt dans votre question, de commencer les soins palliatifs un peu plus tôt. Si on faisait ça, on devrait... et en fait les médecins et l'équipe primaire devraient se demander: Est-ce que je crois que cette personne-là pourrait être décédée d'ici un an à cause de sa condition de santé? Et, si la réponse est oui, on devrait embrancher, ouvrir la discussion et parler de ses désirs et de mettre en place les plans de soins selon les désirs de la personne.

On ouvre la porte à une... Parlons-en. C'est un des grands problèmes, c'est qu'on n'en parle pas, puis on attend à minuit moins une. Et c'est là l'urgence, là. Il y a de la détresse.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Alors, merci beaucoup, Dr Millette, Mme Bouvette, pour une présentation très intéressante puis très sentie aussi. Je dois vous dire que c'est très enrichissant pour nous de faire ces travaux-là, de mener cette consultation-là parce qu'on rencontre à chaque fois des gens passionnés comme vous, et ça nous montre vraiment un visage de la médecine qui est encore parfois méconnu mais qui est très humain.

Moi, je veux vous... Nous, on a beaucoup de dilemmes. Et nous sommes de parlementaires. On a décidé justement de mettre cette commission-là en place pour que tout ce débat-là ait un forum, je dirais, empreint de respect pour qu'il puisse se faire le plus sereinement possible, parce qu'on est interpellés par des gens. Dans notre rôle de députés, les gens nous interpellent sur une foule de questions, dont ces questions-là. Et aussi on a été interpellés, vous le savez, par le Collège des médecins, par les fédérations des omnis et des spécialistes, qui ont enclenché aussi le débat, et on a décidé donc de mettre sur pied cette commission-là. Et, quand on regarde un peu l'évolution, parce que vous parlez de manière fort juste, je pense, de la société puis du regard de la société, bien vous savez que, depuis le début des années quatre-vingt-dix, notre Code civil laisse une très grande place à l'autonomie de la personne. Vous y avez fait référence. On peut refuser tout traitement, on peut cesser tout traitement. Et donc il y a une personne, qui peut être en pleine santé, de 25 ans, qui peut décider de refuser une transfusion sanguine, même si la mort s'ensuit, qui peut avoir un pronostic. Elle a un diagnostic de cancer. On peut lui dire: Si vous prenez la voie de la chimiothérapie, des traitements assez agressifs, vous avez de très bonnes chances de vous en sortir. Une personne peut dire: Non, moi, je ne veux pas, j'ai peur des effets secondaires, je ne veux pas voir ma qualité de vie réduite, donc je décide de ne pas prendre de traitement.

Toutes ces options-là sont disponibles. Vous y avez fait vous-mêmes référence. Vous avez dit: Des fois, en fin de vie, en fait ce qu'on peut souhaiter, c'est qu'une infection arrive. Puis le cas dont vous parlez, qui est décédé trois semaines après avoir décidé de refuser des traitements, est décédé. Mais là il y a des gens qui viennent nous voir puis qui disent en quelque sorte: On a misé sur l'autonomie, on s'est éloignés du paternalisme. Ça transpire à travers tout notre droit civil en matière de consentement aux soins. Et là on en arrive à des situations où on va se mettre à espérer en fin de vie, quand on sait que la mort est inévitable, mais est-ce qu'elle va être dans un mois, dans trois mois, dans six mois... une infection, parce que, pour nous, la vie n'a plus de sens, ou à avoir des moyens extraordinaires desquels on va pouvoir être débranchés.

Il y a un cas qui est venu aussi, on... il y a, tous, des cas qui nous ont frappés, c'est M. Thériault, dont la femme avait la sclérose latérale amyotrophique. Elle était branchée sur un respirateur, et ils ont fait un processus semblable à ce que certains nous disent, qui peut être un processus lié à une fin de vie décidée comme une euthanasie. Ils ont décidé qu'elle... Elle avait très, très peur de rentrer dans le syndrome de l'enfermement, donc de ne plus avoir aucun contrôle. Déjà, elle ne bougeait plus, elle ne parlait plus, elle ne se nourrissait plus. Mais là la prochaine étape, c'était de perdre même toute espèce de sensation et de ne même plus pouvoir activer son visage d'aucune manière. Eux, ils ont décidé... elle était branchée sur un respirateur, donc, de retirer le respirateur. Et il y a des gens qui viennent nous voir et qui nous disent bien franchement: Comme législateur qui a consacré l'autonomie de la personne dans son Code civil pour aller aussi loin que des refus de traitement, puis même si on peut s'en sortir aisément, est-ce que c'est normal que la société en vienne un peu à faire cette différence-là quand on est en toute fin de vie, qu'on sait qu'il n'y a pas d'espoir, que la personne estime que son regard à elle sur elle-même fait en sorte qu'elle estime que la vie ne vaut plus la peine d'être vécue et qu'elle va se mettre à espérer une infection ou à espérer de pouvoir être débranchée de quelque chose?

Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a là un peu quelque chose de difficilement conciliable?

Mme Bouvette (Maryse): D'abord, il y a deux composantes à votre question. La première, je veux m'assurer que... Est-ce que vous me demandez... Le fait de débrancher cette personne-là, est-ce que ça a été perçu comme étant de l'euthanasie? O.K.

Mme Hivon: Ça n'a pas été perçu comme de l'euthanasie, mais la personne qui est venue... eux, toute cette famille-là plaidait en faveur de l'euthanasie parce qu'ils disaient que, pour eux, il n'y avait pas de différence dans le processus qu'ils avaient suivi pour en venir à débrancher cette personne-là, versus une personne qui ne serait pas branchée mais qui serait en fin de vie.

Mme Bouvette (Maryse): Alors, deux choses. Il s'agirait de voir à quel moment dans la dégradation de la qualité de vie de cette personne-là que le questionnement a commencé.

Et, quand un geste comme... Une procédure, comme mettre un ventilateur, on sait très bien, va prolonger la vie. Et, quand on décide qu'on va prolonger la vie, c'est parce qu'on estime que la qualité de vie est là. Sinon, on peut ne pas. On peut omettre l'option de ce traitement. Alors, si... ou, en cours de route, un peu comme la dialyse... la dialyse m'apporte beaucoup, je suis capable de fonctionner et qu'à un moment donné la maladie a des conséquences, qui fait que ma qualité de vie détériore... je peux décider de cesser la dialyse, qui était pourtant un apport fantastique au début. Peut-être que c'est la même chose qui a été pour cette personne qui avait besoin d'être ventilée. Mais je pense qu'il faut toujours réviser les plans de soins. Il faut toujours en parler, encore une fois, le remettre sur la table et décider: Est-ce que cette option-là est toujours adéquate pour me permettre de vivre de façon... avec une qualité? Et c'est correct d'arrêter ce traitement-là.

Mais votre question est, je crois: Pourquoi que, la personne qui n'a pas cette option-là d'arrêter un traitement, il faut qu'elle attende que la vie se complique et qu'on laisse la nature prendre les choses? Bien, moi, ma réponse à ça -- puis je ne sais pas, Alain, si tu vas pouvoir compléter aussi -- c'est que justement il faut laisser la nature prendre son cours. L'homme ne peut pas décider qu'il a le droit d'enlever la vie, parce que c'est un terrain immensément glissant. Malgré des normes et des critères très précis, on sait très bien que les protocoles ne sont pas toujours suivis et qu'on va créer des victimes. Et quelle sorte de société serons-nous avec ce grand dérapage-là? Alors, moi, je reconsidère encore ou je réitère l'importance de mettre le sujet sur la table, de parler des décisions sérieuses, de clairement établir les désirs des gens et de donner les moyens et les droits de ne pas prolonger la détresse quand la vie semble être une détresse. Et, si on met tout ça sur le tapis... Et même on parlait des médecins. Je pense que tu me parlais que vous aviez des pressions au niveau des médecins. Je pense que même nos propres collègues souvent sont mal informés de ce qu'est l'euthanasie et de ce que n'est pas l'euthanasie.

Alors, moi, je dirais: Commençons par mettre les pendules à l'heure sur toute la ligne et aidons les gens à comprendre leurs droits. Et, de donner à l'homme le droit de choisir de l'heure de sa mort, je ne suis pas certaine que c'est une solution très sage à long terme. Et quand est-ce qu'on va savoir si cette décision-là a eu des impacts sur notre société? C'est encore trop tôt, même pour les pays européens, de comprendre quelle sorte d'impact social qu'il va y avoir eu.

Est-ce qu'on veut prendre ce risque-là, comme société? Je pose la question. Alain.

M. Millette (Alain): Vous savez, en palliatif, l'approche qu'on a, la philosophie qu'on a, ce n'est pas de prolonger la vie. Et au contraire l'acharnement thérapeutique... c'est un petit peu ce que je disais tantôt, là, des fois il y a peut-être des traitements superflus, puis les gens nous arrivent, puis on se dit: Comment ça se fait qu'ils sont rendus là?

Mais notre approche non plus, notre philosophie, ce n'est pas de raccourcir la vie, c'est d'aider les gens, dans la dernière étape, à ce que ce soit le moins difficile possible. Et de faire le geste concret d'enlever la vie à quelqu'un, pour nous, en palliatif, ce n'est pas une option parce qu'on n'est pas là pour ça.

**(10 h 30)**

Mme Hivon: Écoutez, je vous pousse, là... Comme elle a dit, on fait un peu l'avocat du diable. Quand vous voyez les sondages... Puis, moi, je suis d'accord avec vous, je pense qu'il y a énormément de confusion. Et, nous, on se donne comme mission, d'abord et avant tout, de faire de la pédagogie aussi. Puis dans notre document on a voulu bien définir les termes puis faire les différences entre refus de traitement, sédation terminale, euthanasie. Bon. Mais il y a quand même eu des sondages assez récents où il y a eu des définitions claires de données aux gens, ce qu'était l'euthanasie, et tout ça, et ça montre encore des taux d'appui très importants, au Québec, de 75 % à 80 %.

Et on rencontre beaucoup de médecins en soins palliatifs. La très, très, très grande majorité ont la même position que la vôtre. Comment vous expliquez un peu cette différence-là?

Vous parliez, tout à l'heure, des peurs, des craintes. Je pense qu'on en est tous conscients. Et les gens eux-mêmes qui viennent plaider pour une ouverture vers l'euthanasie nous disent: Je ne sais pas si, en bout de course, je vais le demander. Mais il m'apparaît important, ces gens-là nous le disent, qu'il y ait ce choix-là, parce qu'il y a une petite portion de gens, comme Dr Marcel Boisvert le dit, qui est quelqu'un qui a travaillé en soins palliatifs toute sa vie, qui vont continuer à le demander parce que, pour eux, c'est le regard qu'ils portent sur eux-mêmes. Et, même s'ils sont bien entourés, et tout ça, ça n'a plus aucun sens, ils vont le demander.

Alors, moi, je me dis: Comment vous expliquez qu'il y a ces taux d'appui là dans la population quand on pose la question avec la bonne définition, parce que je pense que tout le monde avec nous a fait un devoir de pédagogie, et que les médecins en soins palliatifs, eux, nous disent: Non, pour nous, c'est impensable? Puis on peut comprendre que pour un médecin ce soit difficilement quelque chose de normal parce que ce n'est pas dans son optique naturelle, il est là pour aider, pour soulager, pour guérir. Mais est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a comme un écart en ce moment entre ce que pensent les médecins en soins palliatifs et ce que pense la population?

M. Millette (Alain): C'est peut-être un petit peu ce que je disais tantôt, c'est peut-être la peur. C'est peut-être le fait de savoir que, oui, il y a des soins palliatifs qui sont disponibles, mais est-ce que je vais y avoir accès? Est-ce que je vais être capable de rentrer à La Maison Mathieu Froment-Savoie ou de rentrer à l'Hôpital de Rimouski dans les quatre petites chambres où ils vont prendre soin de moi ou si je vais être pris à la maison, c'est ma famille qui va s'occuper de moi, puis je vais souffrir, puis ils ne seront pas capables de soulager ma douleur parce qu'ils vont avoir peur de me donner la dose de médicaments?

Moi, j'ai l'impression que c'est beaucoup plus ça qui fait qu'il y a une grande majorité de la population qui est en faveur de l'euthanasie. Mais, si on était capables de leur garantir qu'on va leur offrir les soins, qu'ils vont être soulagés, je pense que les statistiques changeraient.

Mme Bouvette (Maryse): Juste pour rajouter. Effectivement, il y a une grosse différence aussi dans le confort de la gestion des symptômes pour un médecin qui travaille en palliatif versus le médecin qui ne travaille pas en palliatif puis l'utilisation des opiacés qui est ce qu'on appelait... qu'on n'appelle plus les narcotiques. Alors, c'est un groupe de médicaments qui justement aident à alléger plusieurs symptômes, dont la douleur, la difficulté respiratoire. Il y a bien des médecins qui se sentent complètement démunis dans l'utilisation de ces médicaments-là parce que justement il faut savoir comment les gérer et les prescrire, alors, d'où l'importance de l'accès aux soins palliatifs. C'est ce que je fais. Moi, j'aide les médecins de famille et l'équipe primaire à prendre soin de leurs personnes, de leurs personnes malades à la maison, et on est un accès 24/7, et j'aide les médecins à mieux comprendre comment on peut monter les opiacés de façon très sécuritaire en atteignant la gestion du symptôme justement sans avoir peur d'avoir fait quelque chose de pas correct, là, puis d'avoir accéléré la mort, ou etc.

Donc, c'est vraiment une question d'expertise et de connaissances, et de le rendre accessible, bien ça enlèverait énormément d'ambiguïtés et de peur. Le mot «peur» est très fort.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Merci, madame, merci, monsieur, de votre contribution à ce débat.

Moi, je vais revenir à la capacité qu'on aura de rendre accessibles les soins palliatifs.

Je pense, comme vous le disiez tout à l'heure, qu'il faut regarder différentes alternatives, bien sûr les maisons qui sont un acquis très important dans les communautés où on a pu les implanter, bien sûr les centres hospitaliers quand on peut aménager des espaces, mais je pense qu'on devra aussi travailler beaucoup pour les soins palliatifs à domicile, et ma question, elle est là. Quand vous en parlez... À deux reprises, vous en avez parlé en vous référant au médecin de famille de la personne. Vous savez très bien qu'il y a un manque de médecins de famille dans énormément de milieux. Et, bon, on peut prendre pour acquis qu'on va travailler à en trouver, mais la réalité des choses est que, dans les différentes communautés, il en manque, il en manque pour une bonne partie de la population.

Et comment vous voyez l'établissement des soins palliatifs à domicile qui mettent à contribution... que ce soient les CLSC, que ce soient les ressources dans les centres hospitaliers ou les ressources des maisons de soins palliatifs? Comment vous voyez ce modèle-là se mettre en place? Parce qu'à mon avis c'est une voie qu'on devra absolument développer. Et souvent on nous reproche de parler d'euthanasie ou de suicide assisté, de ne pas aller assez en profondeur sur les soins palliatifs. Et, moi, je pense qu'il faut creuser cette voie-là mais en même temps bien identifier les composantes indissociables d'une démarche de soins palliatifs efficace quand les gens veulent rester à la maison, ce qui est le souhait de plus en plus partagé par énormément de personnes.

Mme Bouvette (Maryse): Bien là, de peur de me faire dire que je parle pour ma paroisse, j'aurais le goût de vous dire: Il faudrait peut-être investir justement dans le rôle des infirmières en pratique avancée.

Je pense que c'est un bon compromis pour travailler avec les médecins qui... Vous avez raison, c'est une réalité. Mais je pense que la réalité du manque de médecins ne devrait pas être la raison sur laquelle on va s'asseoir pour légaliser l'euthanasie. Ce serait triste que d'utiliser un tel argument. Ce serait dégradant, comme société, je crois.

Alors, il faut absolument, vous avez raison, se retrousser les bras et les manches et se demander c'est quoi, nos options, comment on peut revoir la... comment on gère les soins en général et spécifiquement en soins palliatifs pour le maintien à domicile. Je pense que les médecins de famille doivent se réapproprier ce bout de vie là de leurs patients, qu'il leur appartient également de les aider jusqu'au bout et d'avoir accès à une expertise, comme je vous dis, et peut-être investir davantage justement sur le rôle de l'infirmière en pratique avancée qui peut prêter main-forte à cette problématique.

M. Millette (Alain): Moi, je pense que les soins palliatifs, comme on disait tantôt, ça commence très tôt dans l'évolution de la maladie. Et, oui, il y a des gens qui veulent faire ce dernier bout de chemin là à la maison, mais souvent ils vont peut-être frapper à la porte un petit peu trop tard, et là c'est beaucoup plus difficile d'organiser les choses. Et si, au niveau des CLSC... le CLSC de la région, il y a une volonté, et c'est toute une question de volonté, là... s'il y a une question de volonté d'établir des soins palliatifs à la maison, de haute qualité et accessibles, c'est faisable.

Moi, je travaille dans une... ça fait 29 ans que je suis à Aylmer... dans le secteur Aylmer, maintenant, de la grande ville de Gatineau, et, depuis plusieurs années, ça a été une voie que ce CLSC là a prise. Et, moi, au début, avant de m'intéresser de façon plus active aux soins palliatifs, j'avais des patients qui mouraient à la maison avec les soins du CLSC et... ou je m'en occupais ou, si je n'étais pas à l'aise avec le cas, il y avait des médecins au CLSC qui étaient attachés à ce programme-là, et ça fonctionnait très, très bien, avec un bon support infirmier, un bon support, autre qu'infirmier, au patient, à la famille, et toujours avec la possibilité, si jamais ça devient trop lourd à la maison... Parce que souvent les familles vont vouloir s'impliquer. Elles font un travail extraordinaire, mais elles s'épuisent et puis, à un moment donné, elles ne sont plus capables, là, de... Ils vont être malades puis ils ne seront plus capables de prendre soin de la personne chère. Donc, à ce moment-là, les gens sont transférés.

Dans le temps, on les transférait à l'hôpital. Maintenant, au moins, il y a La Maison. Ça fait que, quand il y a de la place, ils sont transférés chez nous, et c'est juste le continuum, là, c'est notre courbe ascendante de soins palliatifs, je pense, qui continue. C'est sûr que ça prend une volonté. Ça va prendre des gens, ça va prendre des infirmières intéressées en soins palliatifs, pas juste spécialisées, mais des infirmières intéressées en soins palliatifs. Il va falloir essayer d'intéresser les médecins traitants ou de développer des médecins qui ont des intérêts particuliers en soins palliatifs.

On n'entrera pas dans le débat de la pénurie d'omnipraticiens pour l'instant, on va laisser les négociations aller, mais je pense qu'il faut vraiment essayer d'intéresser le plus de gens possible aux soins palliatifs.

Parce que souvent on me dit: Ah, ça doit être épouvantable de travailler à Mathieu Froment-Savoie, ça doit être déprimant. Non, ce n'est pas déprimant, c'est une très belle pratique, très valorisante parce qu'on a vraiment l'impression qu'on est capables de faire quelque chose d'utile pour les patients. Donc, il s'agit juste d'essayer d'en intéresser un petit peu plus.

**(10 h 40)**

Le Président (M. Kelley): Alors, il me reste juste... Très rapidement, un dernier...

Mme Bouvette (Maryse): C'est une philosophie et c'est une attitude sociale, puis c'est là-dedans qu'il faut vraiment continuer l'engrenage.

Le Président (M. Kelley): Il me reste à dire: Merci beaucoup pour la qualité de votre présentation. Je peux vous assurer que votre député parle souvent des bons coups de votre maison et du travail que vous faites dans la région. Alors, bravo. Je sais que ma collègue de Hull doit nous quitter bientôt pour un devoir local de députée. Alors, elle va revenir plus tard. Mais merci beaucoup pour votre présentation.

Je vais suspendre quelques instants et j'invite M. Glen Gagnon de prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 10 h 41)

 

(Reprise à 10 h 43)

Le Président (M. Kelley): Alors, la commission va poursuivre ses travaux ce matin.

Juste un rappel des règles de jeu. On a deux types pour les individus... qui veut présenter: soit ils vont formuler une demande d'intervention, qui donne 30 minutes divisées entre une présentation de 15 minutes et une période d'échange, avec les membres de la commission, de 15 minutes... ou ceux qui ont soumis un mémoire, qui ont droit à une période de 45 minutes, donc 15 minutes de présentation et 30 minutes d'échange. Alors, c'est la façon que nous avons organisé nos travaux pour permettre d'entendre les 300 personnes... qui veut intervenir devant la commission.

Alors, sans plus tarder, M. Gagnon a fait une demande d'intervention, alors vous avez un droit de parole de plus ou moins 15 minutes, suivi par une période d'échange avec les membres de la commission.

M. Glen Gagnon

M. Gagnon (Glen): Merci. Alors, bonjour, tout le monde. Je vous remercie de m'avoir invité de témoigner devant vous ce matin. Je me présente, premièrement. Mon nom est Glen Gagnon, j'ai 42 ans, et mon épouse et moi demeurons ici, à Gatineau. J'ai une formation en génie chimique, malgré que je fais maintenant carrière comme bibliothécaire, et je suis également bénévole depuis les 12 dernières années à l'Hôpital Saint-Vincent, à Ottawa. C'est un établissement de soins continus complexes, où les résidents qui y demeurent vivent avec des conditions, telles que le diabète et ses complications, et des maladies dégénératives telles que la sclérose en plaques.

Dans mon témoignage aujourd'hui, je vais me limiter aux sujets de l'euthanasie et du suicide assisté. Je réalise qu'il y a certainement beaucoup d'autres enjeux dans la question de mourir dans la dignité. Par exemple, un système de soins de santé qui est accessible à tous les Québécois et les Québécoises, qui offre parmi ses services le contrôle des douleurs physiques et psychologiques et les soins palliatifs nécessaires, est essentiel. Mais, moi, je suis ici ce matin pour vous expliquer pourquoi l'euthanasie et le suicide assisté représentent une grave injustice.

Je vous remercie d'avoir inclus, dans votre document de consultation Mourir dans la dignité, une section qui s'intitule Ce que signifient les mots. Ces définitions qui se trouvent dans cette section nous fournissent un terrain commun à partir duquel tous les gens, quel que soit leur point de vue, puissent contribuer au débat sur ce sujet. Je constate qu'il existe quand même, parfois, une certaine confusion envers ce que signifient ces mêmes mots. Par exemple, il y en a, même parmi les médecins, qui affirment, à cause de la pratique de la sédation terminale, que l'euthanasie a présentement lieu au Québec. Pourtant, ce raisonnement va à l'encontre de vos propres définitions.

Nous avons également entendu, à plusieurs reprises... encore une fois mentionné ce matin que, selon les sondages à répétition et depuis plusieurs années, le peuple québécois serait largement ouvert à l'euthanasie et au suicide assisté, mais sommes-nous certains que tous ces sondages dont on discute définissaient aussi clairement que votre document ce que signifient ces mots? Moi, je vous demande donc, quand vous allez revoir, à la fin de tout ce processus, tous les témoignages et toutes les informations qu'on vous aura présentés, de vérifier la validité de chaque information.

Un des mots qui ne se trouve pas dans la section qui s'intitule Ce que signifient les mots, même s'il fait partie du nom de cette commission, c'est la «dignité». Le concept de dignité paraît cependant dans la charte québécoise des droits et libertés de la personne, et ce qu'on y retrouve là n'est pas unique à la charte. Le concept de la dignité qu'on y retrouve est semblable à ce qu'on voit ailleurs dans le monde à travers les années et même les siècles. Alors, je me permets de vous lire les quelques premières lignes du préambule de la charte:

«Considérant que tout être humain possède des droits et libertés intrinsèques, destinés à assurer sa protection et son épanouissement;

«Considérant que tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité et ont droit à une égale protection de la loi;

«Considérant que le respect de la dignité de l'être humain, l'égalité entre les femmes et les hommes et la reconnaissance des droits et libertés dont ils sont titulaires constituent le fondement de la justice, de la liberté et de la paix;

«Considérant que les droits et libertés de la personne humaine sont inséparables des droits et libertés d'autrui et du bien-être général.»

Alors, on voit dans la charte que la charte elle-même reconnaît premièrement que les droits et les libertés d'une personne sont inséparables des droits et des libertés de tous les autres, que le respect de la dignité est un des fondements de la justice et que chaque être humain possède la dignité par le simple fait d'être un être humain. Chaque personne, peu importent les conditions dans lesquelles elle se trouve, possède cette dignité en cette plénitude. Il n'est donc pas question de dire qu'une personne possède plus ou moins de dignité qu'une autre personne.

L'euthanasie et le suicide assisté vont à l'encontre de la dignité, et leur légalisation n'affecterait pas uniquement ceux et celles qui se porteraient volontaires. La grande majorité des tenants de l'euthanasie et du suicide assisté qui ont témoigné devant cette commission demande qu'en rendant légale cette pratique nous érigions auparavant certaines balises. L'euthanasie et le suicide assisté ne seraient pas accordés automatiquement à tous ceux qui en feraient demande. Il faudrait donc entreprendre un exercice de réflexion pour établir quelles conditions rendent une telle demande valide... ou, en d'autres mots, les conditions que nous jugeons, qui font que la vie de la personne qui présente la demande ne vaut plus la peine d'être vécue.

Nous aurions donc à instaurer des gradations sur la dignité des Québécois et des Québécoises. Nous serions en train de proclamer que ceux qui vivent avec des conditions telles que, par exemple, des maladies dégénératives ou de lourds handicaps ne possèdent plus de dignité et qu'il est donc acceptable de leur dire oui s'ils demandent l'euthanasie ou le suicide assisté.

Placer ces gens dans une telle catégorie constitue une injustice envers eux. Notre société aurait un regard diminué de la vie de tous ceux qui vivent dans de telles conditions. Accepterions-nous que tous les gens d'un sexe en particulier ou d'une origine ethnique en particulier, et seulement ceux-ci, s'ils le demandent, aient le droit à l'euthanasie et au suicide assisté?

**(10 h 50)**

Nous devons décider comment nous voulons réagir envers ceux qui éprouvent de grandes souffrances physiques et psychologiques. Presque sans exception, qu'ils soient pour ou contre l'euthanasie et le suicide assisté, tous vont répondre que ça doit être fait avec compassion.

Dans son sens littéral, le mot «compassion», qui est formé des mots latins «com» et «pati», signifie «souffrir avec». Souffrir avec une personne, c'est avant tout de l'accompagner, de continuellement essayer d'alléger ses souffrances, c'est d'affirmer sa dignité, peu importent les conditions dans lesquelles elle se retrouve. Et c'est un devoir qui s'applique tout autant aux individus, à la communauté médicale et à la société en général. C'est une question de solidarité humaine. Enlever la vie à une personne souffrante n'est pas de la compassion et n'est pas de la solidarité.

Finalement, dans le contexte actuel, nous ne pouvons pas discuter de soins médicaux sans tenir compte des aspects financiers. Les enjeux financiers ont déjà fait surface dans l'État de l'Oregon, par exemple, en 2008, dans le cas de Barbara Wagner, une femme qui souffrait du cancer du poumon. Elle avait fait demande auprès de son assureur qui, contrairement à ce qui avait été dit auparavant devant cette commission, est l'Oregon Health Plan, qui est bien le système de santé gouvernemental de l'État de l'Oregon. Mme Wagner avait fait demande pour que les médicaments que son médecin lui avait prescrits lui soient couverts. Mme Wagner a reçu une lettre du Oregon Health Plan indiquant qu'il ne paierait pas pour ses médicaments anticancer mais que, si elle préférait plutôt choisir le suicide assisté, les coûts de cette procédure lui seraient couverts.

Je crois les membres de cette commission quand ils affirment qu'ils n'ont pas comme mandat d'étudier l'euthanasie et le suicide assisté afin de sauver de l'argent à l'État québécois. Mais, dans un contexte de dette budgétaire énorme et croissante, du vieillissement de la population québécoise et du fait que les soins en fin de vie constituent un lourd fardeau financier pour l'État, quelles assurances avons-nous que les enjeux financiers n'entreront pas un jour dans l'équation?

En conclusion, comme l'euthanasie et le suicide assisté portent atteinte à la dignité de tous les Québécois et Québécoises et que leur implantation balisée constituerait une grande injustice envers un segment de la population québécoise, ces pratiques ne devraient aucunement être permises. Il faut plutôt choisir la véritable compassion qui reconnaît la dignité inaliénable de chaque être humain. Je vous remercie.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Gagnon. Peut-être je vais poser une première question. Et, juste sur votre dernier point sur les coûts, parce que nous avons entendu ça... On voit le directeur de l'agence de la santé ici. Alors, le défi de bien gérer notre système de santé est bien réel, et, je pense, tout le monde peut en témoigner.

Mais, il y a une quinzaine d'années, au niveau de l'arrêt des traitements dans notre société et au nom de l'autonomie... et les changements au Code civil, on permet au patient de refuser beaucoup de traitements, d'arrêter les traitements, et tout le reste. Dans votre connaissance, est-ce que ça a créé des abus? Parce que, les mêmes craintes que vous avez exprimées au niveau du cas de l'Oregon, et tout le reste, on peut les appliquer également sur les traitements. Mais, depuis une quinzaine d'années, est-ce qu'on a une preuve, une évidence ou une tendance au Québec que, pour limiter les coûts, on encourage les patients à mettre fin aux traitements? Et sinon pourquoi la peur pour le lien avec l'euthanasie? Parce qu'ils sont très différents. Je ne veux pas dire que c'est la même chose. Mais les mêmes craintes que vous avez exprimées au niveau des coûts d'euthanasie... moi, je peux vraiment dire qu'il faut cesser certains traitements parce qu'on n'a pas les moyens de les payer. Est-ce que vous avez...

Est-ce qu'il y a une tendance, dans notre société, envers ces genres d'abus?

M. Gagnon (Glen): Premièrement, je dois dire, je ne suis pas médecin...

Le Président (M. Kelley): Non, non, je sais, mais...

M. Gagnon (Glen): Oui, je sais.

Le Président (M. Kelley): Moi, non plus.

M. Gagnon (Glen): D'accord. J'avoue... Du moins, moi, je n'ai pas connaissance... puis je ne crois pas avoir entendu dans les médias que c'est un enjeu dans le moment, que, vu qu'on permet le refus du traitement, il y ait de la pression sur les patients de refuser un traitement simplement parce qu'ils sauveraient de l'argent à l'État. Et je crois que... de façon semblable, je ne crois pas qu'aussitôt que... si le Québec décide de légaliser l'euthanasie et le suicide assisté, qu'on verrait ces pressions-là tout de suite.

C'est quelque chose que je crains, avec le temps. Dans le moment, la situation du système de soins de santé est déjà assez difficile. Ma femme et moi, on demeure ici depuis deux ans et demi, on est toujours sur une liste d'attente, depuis le début, pour un médecin de famille. Heureusement, on a chacun un médecin de famille à Ottawa. Mais, en voyant les budgets, en voyant le vieillissement de la population, oui, j'avoue que ce n'est pas... les aspects financiers de vie et de mort ne sont pas si... C'est quoi, le mot que je cherche?

Une voix: ...

M. Gagnon (Glen): Éloignés. Ça n'a pas un enjeu immédiat. Mais je crains que dans l'avenir les choses vont devenir encore plus serrées puis que ça pourrait à ce moment-là...

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Et la seule raison... Parce que, premièrement, c'est une démarche des parlementaires et non du gouvernement, qui est une nuance que je pense qu'il faut toujours insister, que nous ne sommes pas ici téléguidés par le Conseil du trésor, loin de ça. Alors, je pense qu'il faut le répéter. Mais l'enjeu est réel, alors je ne veux pas limiter les témoins pour en parler.

Mais il y a une chose qui me frappe... que beaucoup de ces arguments sont parallèles aux fins de traitement ou... d'arrêter les traitements... refus de traitement, et, je pense, règle générale... Il y a toujours les exceptions parce que nous sommes des vies... des êtres humains, mais je pense qu'on a bien géré la question des fins de traitement dans notre société. Et toutes ces craintes qui sont souvent évoquées contre l'euthanasie... Peut être également évoqué... les héritiers qui sont impatients. Alors, maman, on va vous débrancher parce que je vais partir en vacances. Je caractérise, mais ces genres de craintes au niveau d'une fin de traitement sont parallèles ou sont similaires à certaines craintes qui sont exprimées au niveau de l'euthanasie. Alors, je veux juste faire cette mise au point, c'est tout.

M. Gagnon (Glen): Certainement. Si je peux juste ajouter, moi, j'ai juste peur d'une situation encore: une pénurie encore plus aiguë dans l'avenir.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Charbonneau: Merci, M. le Président. Je vous avoue que le président a pris les questions que j'avais... les premières questions que j'avais en tête.

Mais je prends quelques secondes pour vous souligner que je viens plus du monde de l'éducation, et les mêmes craintes sur l'aspect budgétaire arrivent aussi en éducation. Je pense qu'on prendrait n'importe quel sujet gouvernemental d'investissement qu'on aurait des craintes d'un mauvais investissement ou de couper puis que ça ait des conséquences sur les choses qu'on fait.

Le travail que la commission fait est d'autant plus important de pouvoir entendre des gens comme vous qui viennent nous dire que le mot «dignité» prend un sens différent malgré le fait qu'on essaie de le définir. Souvent, comme parent, je dis que ce n'est pas parce qu'un mot existe puis que sa définition est faite dans le dictionnaire que mes enfants le comprennent. «Fais ta chambre»; ça a l'air que c'est quelque chose qu'on ne comprend pas, quel que soit l'âge qu'on a, quand on est l'enfant de quelqu'un.

Donc, la définition de la dignité, pour chaque témoignage qu'on a eu, a été différente. On a eu des gens, dont une jeune fille de 34 ans qui est venue nous dire que sa dignité à elle, c'était sa fin de vie, son choix de fin de vie. Donc, puisque toute notre vie est régie par des balises, j'aimerais vous entendre un petit peu plus sur votre crainte de baliser quelque chose qui est pour l'instant un peu l'inconnu, c'est-à-dire une demande qui se fait par un individu et non par sa famille, parce qu'effectivement il y a des familles qui sont venues nous dire que leur crainte, c'était la demande de la famille et non de l'individu, votre crainte par rapport à ces balises-là.

Pour vous, j'ai compris que ça ne pouvait pas exister. J'ai compris ce principe-là. Mais disons que, demain matin, il y a une décision qui se prend à un niveau x, soit au niveau de la santé, au niveau provincial, et je vais me permettre de vous amener au niveau fédéral, parce qu'il y a des responsabilités qui sont ailleurs que chez nous, et que, là, on se dit: Ça prendrait des balises... nommez-m'en une, à part le fait que vous ne voulez pas que ça existe, là, mais donnez-moi au moins un aspect de balise qui pourrait venir cadrer quelque chose comme la volonté de mourir.

M. Gagnon (Glen): Je ne suis pas certain si je comprends votre question. Êtes-vous en train de me demander de dépasser... en fait, de changer de bord de mes arguments, de...

Mme Charbonneau: Non, pas du tout. Je ne vous demande pas de changer de bord. Mais vous avez dit: On ne peut pas baliser quelque chose comme celui-là, comme cette fonction-là, mais en même temps vous avez sûrement pensé, dans votre réflexion à vous, à certaines balises qui ne devraient... ou ne devraient pas exister.

Moi, je vous amène vraiment de l'autre côté. Demain matin, là, comme individu, comme citoyen, vous êtes face à une décision à laquelle vous ne croyez pas. Vous l'avez dit clairement, vous êtes contre cette position-là. Par contre, on repart avec notre bâton de pèlerin puis on dit: On s'en vient chercher des balises. On voit quoi, comme balises, dans votre tête à vous, à part le fait que, non, ça n'existe pas?

**(11 heures)**

M. Gagnon (Glen): Bien, j'en ai mentionné, par exemple, certaines conditions de vie qui rendraient acceptable une telle demande, par exemple quelqu'un qui a un lourd handicap ou quelqu'un qui a une maladie dégénérative. Mais ce ne serait pas la seule condition. L'autonomie n'est pas le seul enjeu dans ce débat. Une personne ne pourrait pas simplement se présenter, peu importe sa condition, puis dire: Je veux me faire suicider, puis que sa demande soit acceptée.

Alors, il y a deux conditions nécessaires. Un, c'est certainement la volonté. Je ne suis pas en train de dire que ce serait imposé sur les gens. Mais, deuxièmement, il y a certains critères, certaines balises que, si le cas d'une personne... les conditions de vie d'une personne ne tombent pas en dedans de ces balises, sa demande ne sera pas acceptée. Et c'est ça, ma crainte. C'est qu'en définissant certaines conditions de vie qu'on juge qui sont indignes ou qu'au moins... que les gens peuvent se faire accepter la demande d'euthanasie on est en train de porter le même jugement sur toute la population qui vivent dans ces mêmes conditions. Puis ça, c'est une injustice envers cette population.

Le Président (M. Kelley): Merci, parce que je dois passer maintenant à Mme la députée de Joliette, c'est...

Mme Hivon: Oui. Merci beaucoup, M. Gagnon, pour votre présentation.

Vous savez, quand on a décidé de faire le tour du Québec, c'était précisément pour entendre des gens comme vous, c'est-à-dire des citoyens informés qui s'intéressent au débat puis qui veulent nous faire part de leur point de vue, et non pas d'entendre uniquement des spécialistes ou des gens qui baignent là-dedans quotidiennement. Alors, je vous remercie d'avoir pris le temps de vous intéresser à la question.

Moi, je voudrais revenir sur... Vous dites que c'est très important de faire la nuance entre les termes et vous parlez de la sédation terminale dans le document que vous nous avez remis. Et c'est un argument... c'est-à-dire, la sédation terminale, en fait, juste pour qu'on s'entende bien, là, vu que je sais que vous comprenez bien les différences, mais c'est le fait en quelque sorte d'endormir quelqu'un qui est dans un état où il a des douleurs incontrôlables ou une souffrance et une anxiété existentielles telles qu'on n'est pas capable de contrôler sa douleur ou sa souffrance et qu'il est en toute fin de vie et que donc on décide de le maintenir dans un état d'endormissement jusqu'à ce que la mort arrive. Et ce peut être... Évidemment, on peut arrêter, à ce moment-là, l'hydratation ou la nutrition, mais souvent ces gens-là déjà ne mangent plus et ne boivent plus. Mais il y a des cas où on va l'arrêter. Et ça, c'est quelque chose qui est permis dans l'état actuel de la médecine. Et c'est même permis... c'est-à-dire, une tierce personne peut accepter qu'on en vienne à cette décision-là pour son proche, son conjoint, son père, sa mère.

Et, dans votre mémoire, vous dites que la différence entre ça et l'euthanasie, c'est dans l'intention, dans le sens que la sédation terminale vise d'abord à soulager la personne en l'endormant jusqu'à ce que la mort arrive, alors que l'euthanasie aurait comme intention d'arrêter la vie de la personne, donc de mettre fin à sa vie, ce qui est la différence, là, quand on fait les définitions.

Il y a des gens qui viennent nous voir et qui nous disent que ces différences-là sont un peu hypocrites, que c'est très ténu, parce qu'une personne qui demande en toute fin de vie, par exemple, l'euthanasie, ce n'est peut-être pas tant parce qu'elle veut mourir que parce qu'elle veut arrêter de souffrir, et qu'en fait une personne à qui on offre la sédation terminale parce que, dans l'état des choses, c'est le dernier rempart ou dernier recours qu'on a quand on n'est pas capable d'arrêter la souffrance de quelqu'un. Bien, en fait oui, c'est pour soulager la personne, mais on sait que la mort va s'ensuivre parce qu'on ne ramènera pas cette personne à un état de conscience.

Qu'est-ce que vous répondez à ces gens-là qui disent que les différences en fait sont plus vraiment dans la sémantique et sont très ténues et donc qui disent que c'est un peu une différence qui est pratique ou qui accommode la médecine à l'heure actuelle et les avocats peut-être mais que ce n'est pas une véritable différence quand on y regarde de plus près?

Des voix: ...

Le Président (M. Kelley): ...à côté, il y a un crieur de la ville qui vient d'annoncer les rénovations du Palais des congrès, si j'ai bien compris. M. Gagnon.

M. Gagnon (Glen): Si j'ai bien compris votre question, malgré le bruit qui se passe à côté de nous, vous voulez savoir qu'est-ce que, moi, je pense des gens qui diraient qu'il n'y a pas vraiment de différence entre la sédation terminale puis l'euthanasie.

Mme Hivon: Exactement, parce que ces gens-là nous disent... on se réfère à l'intention pour dire que c'est différent, mais eux nous disent: Dans les faits, c'est le même résultat qui s'ensuit, sauf qu'il y en a un où la personne va partir dans l'inconscience peut-être deux jours, quatre jours, sept jours. Ça peut même se prolonger au-delà de ça. Un médecin nous disait qu'il y avait eu un cas où la personne avait été endormie pendant trois semaines, et ça avait été très, très pénible pour tout le monde.

Qu'est-ce que vous dites à ces gens-là qui nous disent que, dans les faits, il n'y a pas vraiment de différence?

M. Gagnon (Glen): Bien, j'expliquerais qu'en fait le résultat n'est pas le même. Le résultat dans le cas d'une sédation terminale, c'est qu'une personne a une maladie, une maladie qui va lui causer sa mort, et qu'on la met dans une situation le plus confortable que l'on peut. L'euthanasie nécessite l'acte d'un agent qui va violer l'intégrité corporelle d'une personne avec le but de lui enlever la vie, et c'est une action directe qui a une étape de moins entre les deux. C'est une action directe qui va enlever la vie d'une personne.

Mme Hivon: Merci.

Le Président (M. Kelley): Alors, sur ce, M. Gagnon, merci beaucoup. Comme ma collègue a dit, avant tout on veut entendre les citoyens. Et, chose peu usuelle dans cette commission, 80 % des témoins et les demandes d'intervention viennent des citoyens. Alors, c'est très important d'avoir le son de cloche des organisations, des médecins, des... le Barreau du Québec et ces autres organismes, mais avant tout l'idée était aller rencontrer les citoyens et les entendre. Alors, merci beaucoup pour votre contribution à notre réflexion.

Je vais suspendre quelques instants. And I will ask Joan Lusignan to take her place at the table.

(Suspension de la séance à 11 h 7)

 

(Reprise à 11 h 10)

Le Président (M. Kelley): So our next witness is Joan Lusignan. So she has submitted a short memoir to the Committee. So, for the next 15 minutes, more or less, it's your turn, Mme Lusignan.

Mme B. Joan Lusignan

Mme Lusignan (B. Joan): Thank you. And good morning to both the ladies and the gentlemen of the Committee.

As you know, I submitted this last July. It's very short, but it's just my own views. And I know you have had, seen a copy of it, so I'd just like to expand a little bit on the three points that I have made. As I mentioned in the brief, I've lived in Québec all my life. I'm approaching my eighties. I'm a widow, a mother, grandmother and a great-grandmother, and, as you could see from what I had submitted, I have some great concerns regarding the subject matter of this Commission.

I believe, as individuals and as a society, we're always appalled when we hear that somebody has taken their own life. We see it as a symptom of something that has gone terribly wrong. It's not the usual. Everyone close to them is filled with grief, and remorse, and guilt. They're asking themselves questions. Why? What could I have done? Why didn't I see this happening? How did I let them down? Those are common questions that we ask ourselves. We are born with an innate desire to live, to survive that is just in us all the time. It's just part of us, and we, as a society, have cherished that human life. We take pride in wanting... in helping people to reach their potential, in spite of difficulties or hardships, but we also... we want our... and, whether it's mental or physical, we want what's best for our children and our grandchildren and our parents.

When someone young takes their own life, it's completely unnatural. Suicide is a desperate, hopeless act which leaves a mark on the family and then on our Québec society. We have to ask ourselves: How have we let our youth down? How can we correct this problem? Because they need our help.

I'm getting nervous.

Le Président (M. Kelley): Take your time.

Mme Lusignan (B. Joan): I believe that, in Québec, many qualified people have been trying with some success to address the growing suicide rate. Let's use our health care dollars to continue along these lines, to let our young people see that, in Québec, we care about them and that we want them to be part of our future.

I have raised five children, and they are now successful adults. I hope you'll agree with me that... when I say that children, especially teenagers, despise double standards. Let's not think that telling our youth that society isn't an option... but turning around and promoting suicide in our health care system is most certainly setting a double standard. They will see through this, and it will discredit all our attempts to help them.

Over the years, I've had to deal with different situations pertaining to suicide and the effects that this had on families involved and on the rest of us, the rest of society around them. I remember my daughter receiving a letter that obviously shocked and disturbed her. It was from the parents of a boy that she had become friends with. She had met him at a national debating tournament in Vancouver when she was in high school. They had written to each other and kept in touch over the years. He came East to Queen's University, in Kingston, but, in his third year of university, he took his own life. The letter from his parents was to inform her that her friend had died. And, as they were trying to go through his things and trying to piece together what had happened to him... He had come from a very good home. His mother was there. His father was a circuit judge, I think, in the Northwest Territories. It wasn't...

They just didn't know what had happened. They came across the letters that she had written to him, and they were really deeply sorrowed and full of grief about this, but they felt a little consoled that her letters had been encouraging him. And so they wanted her to... They were trying to piece all of this together, and they met her and gave her back the letters. And we do have to reach out to people. I personally remember walking behind the funeral... in the funeral procession of a son of a friend of mine, who had taken his life, and it was just heartaches and sobs that you could hear. There was no reception afterwards. There was nothing to celebrate. Suicide feels like an immense failure for parents and for the loved ones who are left behind, and the family are bowed down with grief and sorrow. Sometimes, we can have an impact on a desperate situation. One of my daughters is a nurse, and she works in the poison control center at the CHEO, that's the children's hospital in Eastern Ontario and Ottawa, and she told me one time about a call that she had received one day from a teenage boy one evening. He called her and told her that he'd just taken an overdose. And she asked him, «Where are you?» And he told her, «I'm in the basement.» And she said: «Is anybody there in the house?» And he said, «My parents are asleep upstairs.» But then he hung up.

That was it. So she waited. And later, half an hour later, he called her and said, «I'm getting very sleepy.» And she said to him: «What did you take? Read me the label. Tell me. Read it to me and tell me how many pills you took.» She said when he said... when he... he did that, and then he hung up right away, so she had no way to contact him at all. But he called her back a half an hour later saying, «I'm very, very sleepy.» And she said that... And he said he couldn't walk. And she yelled into the phone: «You crawl up those stairs, and wake up your father, and tell him the nurse said to bring you to CHEO right away. You understand me? My shift ends at 11:00 p.m., and I'm very worried about you.» And then she hung up. She said she had never raised her voice on the phone like that to any of the callers, and she had worked there for a good many years. But she said she was worried it was a lethal dose. And she said, as she was finishing her shift, she got a call from the emergency saying there was a young teenage boy there who was insisting that they call her and tell her that he was there in the emergency. So, as her... she went to see him when her shift was over, and he said to her: «You told me to be here at 11:00 o'clock.» And she said, «Yes, I did.» And she said: «Because I knew you needed help and you needed... you knew you needed help. That's why you kept calling. But now your father knows that you need help.» And so the father just whispered: «Thank you, we had no idea.»

So we can reach out to people in desperate situations. She told me that there were many times when parents, or friends, or doctors called and thanked the nurses there for quick action or for having been able to save a person's life when they are crying out. She said... You know, I'm sharing this with you because I think real life stories help us to reveal the truth behind the suffering of suicide. There is a person hurting, and there are those around them who don't know what to do, or they don't notice, or they don't know how to help them.

**(11 h 20)**

But I want to finish this point just by stating that the problem with suicide doesn't just affect one person, it haunts the whole family for generations, and the ads that Québec had on television pointed that out. We have to be consistent in our message to the young people.

And, as you get older, you feel more vulnerable, you need to feel that you can trust the doctors and the nurses in the hospitals and in the nursing homes. If doctors are given the legal right to hasten death, who will feel secure? Not us. We want to feel that they're on our side a 100% of the time. If I was hospitalized, I think I'd be... I'd start to become extremely frightened every time a medication was introduced, or an injection was put into my IV, or... because you just wouldn't know. It creates a fear and also an instability in your mind. So, while you're fighting that fear, you're not going to be very cooperative with the health care workers either, so it would be creating a great mistrust between patients, and nursing staff, and doctors.

I've been a volunteer here in Gatineau, at the Foyer du bonheur, for a number of years, and I've... mainly visiting people who are alone and who need a cheerful word or a smile. A ten-minute visit can make a difference because, you know, the time is long when you're lonely. And most of them are lonely because they don't have very many visitors. But even the staff are happy to hear laughter, so even just getting a person in the nursing home to smile helps, they say, to affect some part of your brain which makes you feel well.

I have accompanied a few of those residents in the last days of their lives, but I also know that each establishment has a long list of people waiting to come for a bed, and I fear it would be very tempting for administrators to ask doctors to hasten the demise of some of them so that they could accommodate the ones that are waiting for a bed. It might seem farfetched, but, you know, I know how the... how difficult the situation can be, and it would... I believe that it could have an effect. But so if euthanasia and assisted suicide become lawful in Québec, how free would the doctors be to refuse, especially if there is no close member there of the family to intervene? I would think that probably the doctors will... have appeared before you, or whatever, because I would think that they must be concerned about this themselves, you know, that... Certainly, as an older person, I'm worried about it.

Elderly people fear being a burden on society. They're made to feel that way sometimes by their family, who are too few maybe to take care of them, but also by other people who feel that we're a drain on the health care system, that our care is a drain on the health care system. But, you know, in reality most people my age have been contributing to our taxes, to the health care system much longer than anybody else, so... But in a way it's unfair, it's unfair to make them feel that way. We, in Québec, are facing a demographic challenge as an aging population and as the birthrate is becoming lower. It's obvious that this has a direct impact on the number of taxpayers who are paying taxes. It's my hope that future generations will increase the birth rate, which will help sustain our economy and to create a balance between... in our health care system of those at the end of life and those at the beginning.

Families need help in looking after their loved ones who are dying. I know because I have looked after both my parents and my husband. Our Government should be putting, I think, more money into providing training in how to look after someone who is very sick, providing more respite care and perhaps giving palliative care centers or helping to establish more palliative care centers. I don't think the Government should take over what families are meant to do. Our family, we look after each other, and that is our way of life. But they can help us. We do need help. I have wondered about: Could we begin a new career choice for young people who would work in that field, you know? Are we paying our nurses enough that they won't leave for other hospitals where they can get more? Are we hiring enough of nurses so that they're not burning out? Because I know that's...

I know nurses, I have a daughter in, and I know that that is a problem, and it is a problem here in Québec because it's...

So, you know, there are those things. Well, this is a very silly one, but it's something that I thought of. It was like: Could we, in the Building Code, put in regulations that make hallways and doorways big enough for wheelchairs? These are in our own homes, in other words, so that you don't have this big... trying to find a... What would you say? Having all these renovations, you know, that... It's just a thought, like: What positive things could we do to help people? But, however, I don't think it's by killing people, not by eliminating the suffering and the dying, because I think we can really do better than that in Québec.

Most of us want to remain healthy and are longing to hold our next grandchild and to see the next generation take their place on center stage in life, but part of the legacy that we leave our families is the way we face difficult moments of... the difficult moments of our lives, and sometimes these moments come at the end of our lives. But, you know, I believe this legacy is far more valuable than money. Thank you.

Le Président (M. Kelley): Thank you very much. You've raised many, many important points in your presentation.

First, I think it is a suicide prevention week this week, and so I think you've drawn a very important attention to an important issue in our society, which is suicide prevention, that governments and community organizations invest a great deal of time and effort. And you're not the first witness. I remember an André Pelletier who took the time to come from Baie-Comeau, across the river, to Rimouski to testify about dropping the word «suicide» from this discussion because of the kinds of questions you've raised about the message that you sent. I read LeDroit this morning, and I think the editorial in LeDroit does make a nuance between the two, and it's: nothing stops governments, and community organizations, and suicide hot lines, and all sorts of very valuable efforts that are made in our society to try to make sure that we send the right messages to the young man you described, in his basement.

And that's a very, very telling story, so thank you for drawing our attention to that.

I know my colleague will probably want to ask this question, so I'll steal it from her, but I always come back to this one because I'm very sensitive about it, about costs. And, you know, this isn't a Treasury Board initiative, this is parliamentarians talking about end of life in its broader sense. And we end up talking a lot about euthanasia and assisted suicide because those are probably the most controversial elements of our mandate, but we want to look at them. We listened to you, and you were talking about more palliative care, more respite care, I think, respite care in a broad area, whether it's you have a loved one who suffers form Alzheimer's, whether you're trying to take care of someone at home who's in the terminal stages of cancer.

**(11 h 30)**

In my riding, there's a group that's building a respite home for parents of children with autism, which is very exciting, to allow them -- often they have other children -- a few days where they can do nothing, or go to the country, or just try to take a bit of a break from the enormous burden that caring for a child with autism can represent for many Québec families.

So you've made a whole bunch of very interesting suggestions and led us into some very interesting subjects, but I... just to come back to the costs. And I come back because many of those arguments that you've made you could make about the right the patients have to end a treatment, that they don't want to be on a respirator anymore. And those fears... you say: «Well, maybe the Government or someone will put pressure on doctors to run around and unplug people.» I don't think that's happening in our society. I don't think... I can... I am not there every day, so I cannot say... I can't say that it never, ever, ever happens, but I think it's a general rule over the last 15 years. Patients and their families have had some discussions about: How much more of a treatment do you want? Do you want to try another round of chemo? Do you want to try another radiation? And the patients are given... You know, we lived it with my father because he died of cancer. And, as he got closer to the end, every additional treatment, you know... I was with my dad, because I'm the son that lives in Montreal, so... my other brothers live away. So, you know, what will this add to his quality of life? Because the radiation takes a lot out of the patient. It's a lousy thing, and you feel sick, and all that stuff.

So what's the tradeoff here? And they're very hard questions, but I think, as a society, we've managed those discussions that a patient can have a certain control over yes or no to treatments and if they want...

And we're all touched by our colleague Claude Béchard, who was a young Member of the National Assembly who died last September of pancreatic cancer. And Claude loved life with an intensity, it was just... So, for all of us, it broke our hearts to see that the disease won, but it's that kind of disease. But Claude would try anything: another chemo, another radiation, take both together, another surgery. It didn't matter because he loved and he was clinging to life, and he was 41 years old, and he had young children. That's... You know. But, at a certain point, the disease will win. But these treatment ideas... it's my impression, anyway, and then you've done volunteer work with the elderly, but I think we manage those treatment issues well.

So I just want to reassure you on your cost argument that this isn't a way to save money. This debate about the end of life is just more a question of how to best organize these services. And most of the things you've said around better palliative care, around respite care, these things, those are a lot of what we're talking about, but it's the other issues that get most of the headlines because they are the more controversial ones, and that's only natural that...

Mme Lusignan (B. Joan): So why are they there?

Le Président (M. Kelley): But I just want to reassure you on that point.

Mme Lusignan (B. Joan): Why are they there? Why are those issues there? If we are managing those things, if patients are not, you know... why is the Committee studying that?

Le Président (M. Kelley): Because, well, first, the College of Physicians asked us to, said that there are certain uncertainties in, you know, end of treatment, or do not resuscitate, or... Sometimes, you get very close to making a decision about ending someone's life. And they said there were grey zones and asked to go out.

And the other thing is, some equally thoughtful people have sat where you're sitting, who suffer from a very terrible disease, and they would like to have that ability to say enough is enough, and they've asked us in a very eloquent way, and I think most of all of Ghislain Leblond, who is a former deputy minister here in Ottawa and in Québec City, a very thoughtful man who has a very slow, a very agonizing descent in this degenerative disease, alike a Lou Gehrig, but a much longer. He's been ill now for 20 years, he's 80% paralyzed, and he sat where you're sitting and testified with great eloquence that he has a wife, he has two daughters and for the moment the thing is manageable. But, when it comes to that moment that he can't talk anymore, that he's lost all contact with this world, he would like to have the power to say enough is enough.

And so, a little bit, what we're trying to do is answer him, because he's very thoughtful, he's become a bit of an activist on these questions. I've picked him because he's perhaps the best known. We've had many compelling stories of people who asked us that: «We'd like to have that control to be able to say enough is enough.» And I think, as parliamentarians, we have to answer them, and whether we say yes or we say no. But I think it's not us inventing this, there are real people out there who are suffering, who are living very difficult things, and we're trying to find a way to answer their concerns. And maybe, you know, the answer is the status quo, maybe there is no answer to what they're asking us, but I think, as a society, we have an obligation to listen to them and to try to come up with an answer.

Mme Lusignan (B. Joan): We do, but sometimes the answer can be: we have to... you know, you have the right to refuse treatment. We always have that. We have the right to refuse to eat. But it's different when it's a question of taking... doing something actively to end your life.

You come back to that, and it comes back to my last point, that sometimes the legacy we leave our family is how we handle the most difficult moments of our life. And it's... In my life, I hope I will never cop out, that I'll just bear it as elegantly or as quietly as I can. But to... Yes, it takes courage, it takes courage to face those moments in our life, but... and we can become discouraged and only when we're sitting in the place of somebody else. I watched my husband go through that, but he only once ever said, «Why me?» And as he couldn't talk, couldn't eat, couldn't... but his mind was perfectly clear. You're trapped in your own head. But he always smiled and he always could joke and play cards, until the week before he died. He died only three days in the hospital, but I saw him deteriorate from somebody who was very self-sufficient, very... and had a photographic memory and... trying to tell me the telephone numbers of the doctors, or the taxi, or whatever. And I said: «Keep quiet, I can't understand you because of what you... the way you're... You know, like, I'll look it up, it's OK, don't worry.» But he had them in his mind. I know, I've watched him suffer like that, but he gave us a very good example of how to live and how to die.

So, I mean, I only can tell you my own experience in that, but we have to, I think, as a society, to... There's always difficult cases, but it doesn't mean that we change rules just for difficult cases, because it then creates other problems for us, you know, this question of mistrust and fear amongst the elderly.

Le Président (M. Kelley): Thank you.

Une voix: ...

Mme Charbonneau: ...but he does a good job.

Le Président (M. Kelley): Well, I do, but I just... because you touched so many interesting points. And, I think, what you're describing is: the vast majority of people see their end of life in those conditions you've described, you know.

And I hear what you say, to a point, about those exceptions, those difficult cases. And, even in the societies like the Netherlands, or Belgium, or Oregon, or Washington, they have some access to assisted suicide or something, it's still a tiny, tiny minority of the deaths in any year that are touched by those things, because most people do see a death the way you've described it, as that you are surrounded by your family, surrounded by the support from the nurses, the doctors, the community. That is still the idea and most of what, I think, our report will be focused on that: How do we strengthen palliative care? How do we look at respite... that you raised in your presentation today? Those are the big questions because that is... the overwhelming majority of ends of life for Quebeckers are like that, and we have to make sure that's done and that there is more support.

My colleague has talked about support for people who want to die at home, and maybe there's more that can be done with the CLSCs and others to try to arrange things for those who make a choice to die at home, to support. We had the palliative care center come in before you this morning, and they testified to their 11 beds and their place in this community and how important it is.

So those are the things we look at most of the time, but I must admit, in my... before I go to sleep at night, those testimonies from those few cases... And they're not many, but they're people that are in extreme difficulty in our society. And how to answer them in our report? Honestly, I don't know. I still don't know. But it's still a very difficult question. And just to say to them: «Well, you're marginal because you're only 0.5% of the deaths in Québec,» well, if you're one of that 0.5% that's not much comfort, you know. And those are the people that trouble me the most.

And I personalize it with Mr. Leblond because he's so eloquent, but there are other people that have brought forward situations like this that there are no easy answers to.

**(11 h 40)**

Mme Lusignan (B. Joan): No, there aren't. But I think of something that someone told me one time: «Exceptions don't make good law.» You know, it's... we have to find a way to help the exceptional cases, but it doesn't make a good law, to build a law on exceptions.

The other thing I was thinking of as you spoke was with... I'm sure that you heard from palliative care, because my French wasn't good enough to pick up everything that was being said here, but they... most people fear suffering, so... but suffering now can be controlled. We have moved very far in this field of... so that people shouldn't have to die in great pain. If they do, it's because of neglect on the part of the medical field who are looking after them, because it's...

And often I accompanied my sister-in-law. She died in the hospital in Gatineau, and they had a palliative care team come in... of doctors who adjusted her medications and everything so that... Because, at first, it wasn't working. And then, when these two doctors came and... I mean, she then was comfortable, you know. It wasn't easy. She had gangrene, and it went right up, so it wasn't an easy death at all. So it was... But I know that she didn't die suffering. She died from the disease that overcame, the... everything. But you know that I was with her many hours, so...

Le Président (M. Kelley): Thank you very much. I was just looking over because I've been monopolizing the time. I should be chairing here. I don't know whether my colleague from Deux-Montagnes would like to ask a question.

M. Charette: Peux-tu faire la traduction pour moi?

Le Président (M. Kelley): OK. I will serve as the translator because my colleague is more comfortable posing the question in French. Donc, je vais le traduire.

M. Charette: Merci, Mme Lusignan. Je vous ai très bien entendue, mais effectivement mon anglais à l'oral mérite encore d'être peaufiné. Vous remercier d'abord pour votre témoignage.

Vous avez notamment insisté sur le lien de confiance entre le patient et le médecin et vous semblez craindre que, si éventuellement l'euthanasie... ou sinon le suicide assisté était permis ou toléré que ce lien de confiance-là risquerait d'être altéré. Selon vous, est-ce qu'il y a possibilité d'arriver à un système où le médecin serait libre de ses choix? On a souvent évoqué l'exemple de l'avortement à travers la commission ici, c'est-à-dire des médecins qui sont à l'aise avec la pratique, pratique des avortements, et ceux qui s'y opposent ne sont pas contraints à pratiquer des avortements. Pensez-vous que, dans un système semblable, on pourrait s'assurer que le médecin qui est à l'aise avec une certaine libéralisation au niveau des soins en fin de vie puisse pratiquer, et ceux qui ne le sont pas ne soient pas contraints de le faire... et ultimement s'assurer que le patient soit suffisamment en confiance pour aller en fonction de ses choix premiers, de sorte que ses choix à lui soient aussi respectés?

Le Président (M. Kelley): First, my colleague said he's more comfortable asking his question in French than in English. He wanted you to understand that. And he focused on your second point, which is the relationship between the doctor and the patient. And you were raising concern that if euthanasia was a possibility... that relationship would be undermined, and there would be problems. So he made a parallel to what happened in the abortion debate, where doctors could opt out, so doctors would never be required to do something that was against their conscience, but you would have certain doctors who would be more open to a liberalization.

And so do you think that that would be one way around the dilemma that you've raised about undermining the confidence between the patient and the doctor? Because there would always be the possibility for a doctor to say: «In my beliefs, I don't see euthanasia as part of my practice, and so I opt out.»

So I hope I did justice to his question.

Mme Lusignan (B. Joan): Well, I think of that problem of the abortion question, and I believe I've been around a lot longer then... and I was only, about, 33 when that came into... on the table and followed it very closely. And I believe that many doctors felt threatened by that. Many women still search for doctors that will not do abortions. So I think there is a... there has been created a distress, if you like, amongst the medical profession, also maybe a division amongst the... Oh, you, you don't do that. But, you know, it's... But, I think, in the nursing staff and in the teaching and the training of the doctors, of the new doctors coming up, they did not have that right, they did not have... They were forced to... If you want to continue, you have to take part in this.

And so that would make me even more fearful if we're going to go by... If you want to explain that.

Le Président (M. Kelley): Vous l'avez saisie ou... C'est beau? On that, if there are no other questions, I'll just say thank you very much, because, as I say, our goal was to reach out to as many citizens as possible. We're delighted, we've had about 300 people who have come forward with memoirs. 80% are citizens like you who believe very deeply, have grave concerns about certain questions. So thank you for, as I say, your first part of your presentation, because this is suicide prevention week. I think you've hit some very key themes. And I think we always have to remember the great work that both medical professionals, community organizations do to prevent suicide in our society. That's very important work.

So thank you for sharing the wisdom of your many years with us, and I wish you all the best in the future.

And, on that... Je vais ajourner nos travaux quelques instants et je vais demander à Mme Ida Bilodeau de prendre place à la table.

(Suspension de la séance à 11 h 48)

 

(Reprise à 11 h 50)

Le Président (M. Kelley): Alors, notre prochain témoin, c'est Mme Ida Bilodeau. Alors, sans plus tarder, Mme Bilodeau, la parole est à vous.

Mme Ida Bilodeau

Mme Bilodeau (Ida): Merci, M. le Président. Mme la vice-présidente, les membres de la commission, je vous félicite d'être venus ici. Ça a été moins long pour moi.

Je veux exprimer mes opinions au sujet des conditions de fin de vie dans le cadre de la commission sur la question de mourir dans la dignité, démarche gouvernementale du Québec que je salue bien bas. La fin de vie des personnes âgées m'interpelle parce que je suis la mandataire de ma mère de 93 ans, aussi parce que je sais que je vais mourir un jour, et j'aimerais, si possible, éviter de vivre dans la dépendance extrême. J'ai essayé, en écrivant ce témoignage, de prendre conscience de mes valeurs profondes par rapport à la fin de vie. Je parlerai à titre de femme de 67 ans, à titre de proche aidante et à titre de conjointe, mère de famille ainsi que citoyenne faisant partie d'une collectivité et de l'humanité dans son ensemble.

Je souhaite vivre longuement. Cependant, je veux prendre une part de responsabilité quant à la qualité de cette longévité. Je suis bien consciente que les quatre i menacent les aînés; je parle de l'isolement, l'insécurité, l'inactivité, l'inutilité. Tant que j'aurai la force physique, émotionnelle et spirituelle pour éloigner ces quatre i et vivre avec un niveau de qualité de vie acceptable à mes yeux, je voudrai participer au grand mystère de la vie avec un grand V aussi longtemps que possible. J'en serai reconnaissante chaque jour ainsi qu'à tous ceux qui vont m'aider à vivre ça. Par contre, si mes limites deviennent inacceptables, je souhaite avoir de l'aide de quelque sorte, pas nécessairement une piqûre létale, vite, vite, vite, mais de l'aide de quelque sorte pour terminer une vie qui n'aurait plus de sens à mes yeux. Pour cette raison, j'approuve la tenue de cette commission qui permet de verbaliser les nombreuses facettes de la réalité complexe qu'est le fait de mourir un jour. Je pense que la plus grande souffrance existentielle vécue par une personne éprouvée par la maladie physique ou mentale, c'est de ne pouvoir parler ou s'exprimer de quelque façon sur son ressenti individuel. C'est aussi une grande douleur de devenir pendant trop longtemps un poids pour ses proches et la société.

Selon moi, dans notre couple, dans notre famille, dans notre peuple, on doit avoir le droit de s'exprimer sur cette question grave qu'est la mort beaucoup plus explicitement que nous l'avons fait dans les années passées. Ceux qui croient que la fin de vie doit être décidée par une force plus grande qu'eux ont tout mon respect. Je leur demande en retour d'accepter que ma vision de cette question puisse être un peu différente. Je sais que je ne suis pas seule sur une île déserte. Je sais que je fais partie d'un couple, d'une famille, d'une société. On ne peut pas et on ne veut pas oublier cela.

On devrait tenir compte des autres, même pour une décision aussi personnelle que celle d'accélérer la fin de sa vie. Je compte sur les élus, la profession soignante, les juridiques, les spirituels aussi pour aider à baliser des règlements sur le mourir dignement plus adaptés à notre vie contemporaine.

Certains disent que, si les autorités gouvernementales et juridiques reconnaissent le droit de mourir selon ses volontés, dans certaines circonstances, le taux de suicide augmentera de façon exponentielle. Je diffère d'opinion. Je pense que, de un, il y aura moins d'hypocrisie. On sait tous que des médicaments sont administrés ou pris volontairement pour soulager la souffrance en doses suffisamment élevées pour accélérer la vie. Pourrait-on arrêter cette hypocrisie?

De deux, selon l'observation que j'ai faite, je pense que plusieurs personnes trouveraient de l'espoir dans la possibilité de mourir selon leurs souhaits. Ils apprécieraient la vie encore plus, sachant que, si elle devient indigne selon leur définition à eux, ils pourront en parler à leurs proches et au personnel soignant sans devoir le faire en catimini ou toujours indirectement. Des lois mais surtout des mentalités plus compréhensives de la souffrance morale vécue par les malades les aideraient à mieux vivre. Ils sauraient qu'ils peuvent parler ouvertement et recevoir de l'aide si un jour trop, c'est trop. On diminuerait les suicides dans des situations de violence abjecte et dans la solitude la plus insensée.

On a peur de donner un mauvais signal aux jeunes, et je comprends ça. Par contre, je crois que la dépression chez les jeunes et le souhait de terminer une longue vie, c'est deux choses différentes. On devrait avoir des termes différents.

À titre de proche aidante, je dirai seulement que ce rôle est pris pour acquis depuis trop longtemps dans notre société. On entend: Unetelle est tellement fatiguée de prendre soin d'un malade qu'on craint pour sa santé à elle. Dans de telles situations, il faut avoir un cadre juridique qui permette de réfléchir à court, moyen et long terme au bien-être de tous et pouvoir agir en conséquence. Comme conjointe, mère, soeur et amie, j'entends des gens parler de ce qu'ils souhaitent comme fin de vie. Tous reconnaissent que le sujet est grave. Tous souhaitent que la vie soit respectée. Mais, selon ma lecture, nombreux sont ceux qui trouvent que dans certains cas la maladie dure trop longtemps et perd toute valeur rédemptrice dans le sens de croissance psychologique.

C'est ainsi que dans ces cas les Québécoises et les Québécois devraient avoir la possibilité de recevoir de l'aide pour d'abord pouvoir s'exprimer ouvertement au sujet de la mort et ensuite, si tel est leur choix, recevoir de l'aide concrète pour terminer une situation, qu'ils jugent indigne, et terminer de la façon la plus digne possible.

Est-ce que j'ai encore un peu de temps, M. le Président?

Le Président (M. Kelley): Oui.

Mme Bilodeau (Ida): Je veux expliquer pourquoi j'ai changé deux mots à la page 3 de mon texte, parce que, pour les gens dans la salle, les commissaires, ils avaient mon texte que j'ai envoyé l'été dernier.

Dans le premier paragraphe de la page 3, j'ai dit «possibilité de mourir», alors que, dans le texte que vous avez, j'avais écrit le «droit de mourir». C'est que depuis j'ai lu que le mot «droit», en droit, implique que quelqu'un a une obligation de répondre à ce droit. D'ailleurs, vous avez touché avec l'intervenante précédente à ça. Si je comprends bien, puisque les enfants ont le droit d'être instruits, cela implique que les parents ont la responsabilité et l'obligation légale d'assurer un minimum d'instruction. Donc, le mot «possibilité» reflète mieux ma pensée. Je ne demande à personne d'avoir l'obligation d'aider un autre à accélérer sa fin de vie. Comme vous savez, les proches aidants entendent souvent des demandes de la part des malades, qui pourraient être perçues comme des supplications à mourir. Bien sûr qu'on ne s'attend pas à ce que les proches aidants soient obligés de répondre à cette demande. Aussi, les membres du personnel de la santé doivent pouvoir choisir d'agir selon leur conscience et pouvoir dire clairement quels sont leurs principes.

Ensuite, à l'avant-dernier paragraphe, j'avais écrit que tous trouvent que, dans certains cas, bon, on doit... et puis avec le mot «tous» j'ai exagéré, je l'admets, une personne m'a... bien que j'ai parlé de ça à au moins une vingtaine de personnes. Vous allez me dire que j'ai choisi mes personnes. Mais il y en a deux qui m'ont dit: Ida, je t'apporte des nuances. Une m'a dit: Moi, j'ai travaillé, comme infirmière, avec mon mari qui est médecin. Ça arrivait que certains patients âgés nous demandaient l'euthanasie. Dans ces occasions-là, mon mari demandait qu'on leur donne plus de soins. Avec plus de traitements personnalisés, on n'entendait plus parler du désir de mourir. Je reconnais que dans certains cas, quand quelqu'un parle de mourir, c'est une demande d'affection ou de soulagement.

Une autre personne à qui j'ai parlé de fin de vie d'une façon très large m'a tout de suite dit: Moi, le suicide assisté et l'euthanasie, je ne veux même pas en parler. Je respecte son opinion.

S'il y a des questions, ça me ferait plaisir de répondre.

**(12 heures)**

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Bilodeau. Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Charbonneau: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Bilodeau. Je suis arrivée hier et j'ai eu le privilège de vous voir un petit peu à la télé, puisque vous avez donné votre opinion, avec beaucoup de courage, à la télévision. Il y a eu un reportage à Radio-Canada.

Mme Bilodeau (Ida): J'ai dit... C'est-à-dire que j'ai dit à la personne qui m'a interviewée que ma mère faisait de la démence. Je n'ai pas dit le mot «Alzheimer». Et eux ont dit «Alzheimer» parce qu'on comprend mieux ce mot, peut-être.

Mme Charbonneau: Probablement, puisque la définition des termes, dans notre société, nous, on le découvre à chaque endroit où on va, c'est un aspect important. Donc, merci du correctif.

Vous avez une opinion claire du choix qu'on devrait avoir. Vous touchez tout particulièrement à l'aspect «digne» de la personne: quand vous jugez que je ne suis plus... quand je jugerai que je ne serai plus «digne». Par contre, la dignité, je vous dirais que c'est comme la douleur: chacun a sa perception et son taux de tolérance par rapport à la dignité. Plusieurs nous ont parlé de la perception de la dignité mais aussi des balises qu'on devrait mettre ou ne pas mettre. C'est un peu mon dada finalement, ce matin, les balises, mais j'y tiens un peu parce que je trouve que c'est quelque chose qui est difficile à définir. Donc, dans plusieurs endroits et dans plusieurs témoignages, on a entendu des gens nous dire que dans les balises il peut y avoir un glissement, il peut y avoir un danger.

Qu'est-ce que vous répondez aux gens qui disent que, si jamais on acquiesce à des demandes, qu'elles soient exceptionnelles ou balisées... qu'il y ait ce glissement-là qu'on peut percevoir dans d'autres dossiers?

Et là-dessus, un petit peu plus tôt, on a parlé de l'avortement où on avait mis des balises au départ sur cas exceptionnels, et maintenant il y a des balises différentes par rapport à l'avortement. Donc, si on ouvre une porte, si petite soit-elle, et qu'il y a un glissement, vous percevez ça comment, de votre côté?

Mme Bilodeau (Ida): C'est très vrai que, la nature humaine étant ce qu'elle est, c'est dangereux qu'on exagère en tout. Par contre, je pense qu'au Québec il se fait déjà beaucoup de travail pour prévenir ce que j'appellerais les suicides impulsifs et violents.

Donc, si dans les balises on aide quelqu'un à terminer sa vie mais dans des cas exceptionnels, je pense que ce glissement-là pourra être bien évité.

Je vais prendre comme exemple ce qu'on voit dans le document de consultation à la page 20. M. Leclerc, il a 79 ans. Il est atteint de la maladie d'Alzheimer depuis plusieurs années. Il a confié à plusieurs reprises ne pas vouloir finir ses jours dans ces conditions. Il a écrit ses volontés. Ce n'est pas un jeune de 20 ans qui a une peine d'amour, là. Donc, bien entendu qu'il faut éviter d'avoir des excès, mais je pense, entre autres, à cause d'une commission comme la vôtre et parce que les gens deviennent de plus en plus conscients à la qualité de vie... Et ce n'est pas pour rien que j'ai mis le mot «spirituel». Le goût de vivre peut être grand, même quand on a des infirmités.

Et puis, quand je dis «aide», c'est peut-être de l'aide pour justement voir le positif quand on ne peut pas être un marathonien. Est-ce que ça répond un peu?

Mme Charbonneau: Ça répond à ma question. J'ai le droit à encore un 30 secondes?

Est-ce que vous avez déjà réfléchi au principe du testament de fin de vie? Est-ce que c'est quelque chose qui vous a déjà...

Mme Bilodeau (Ida): Beaucoup, parce que, je pense... Et puis ma démarche est un peu une démarche de testament de fin de vie.

Bien sûr que j'ai parlé de ceci avec mon conjoint, bien sûr que je lis, bien sûr que je réfléchis. Donc, j'ai déjà, bien sûr, un mandat en cas d'inaptitude, ils pourront lire ça, là, si je meurs demain, mais, si le décès est rapide, je pense que, dans notre société, on a déjà beaucoup ce qu'il faut pour composer avec une période de cinq, six mois qui est difficile, là, puis surtout quand il y a de la douleur physique, parce qu'il y a tellement d'urgence à la douleur physique que les endroits de santé n'ont pas pu faire autrement que d'avoir des directives.

C'est surtout la douleur existentielle de savoir: Je risque de vivre encore 10 ans et je suis malheureuse à chaque minute. C'est surtout ce domaine-là qui demande plus de réflexion.

Mme Charbonneau: Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Merci, Mme Bilodeau, pour votre témoignage. Et, nous, on trouve toujours ça intéressant d'avoir les deux points de vue qui s'opposent: des gens qui sont complètement opposés à toute aide médicale à mourir, d'autres qui y démontrent une certaine ouverture, je dirais, dans une même demi-journée, parce que ça permet de faire, nous, ce qu'on fait, qui est un peu l'avocat du diable, mais ça permet de le faire avec les gens qui assistent aux travaux, évidemment, puis de montrer à quel point les points de vue sont différents sur cette question-là. Et c'est ce qui rend notre travail aussi complexe qu'il est, d'ailleurs.

Vous avez entendu comme moi ce matin toute la question de qui détermine la dignité de quelqu'un et jusqu'où on peut aller dans l'idée d'autonomie, de libre choix de la personne quand on parle de questions aussi sensibles que de déterminer le moment où sa vie doit s'arrêter. Et, ce matin, on entendait notamment les intervenants de la Maison Mathieu Froment-Savoie dire en fait que c'était peut-être... ce n'était peut-être pas la voie à suivre que de donner toute la place à l'interprétation que la personne fait de sa propre dignité. Et eux étaient d'avis -- je ne sais pas si vous étiez ici quand... non? -- étaient d'avis qu'en fait... que la dignité de la personne est beaucoup le reflet du regard qui est porté sur cette personne-là. Et évidemment des gens comme vous viennent nous voir et nous disent: Bien, je devrais être celui ou celle qui détermine si je me sens encore digne, ce n'est pas aux autres de le déterminer. Mais, pour beaucoup de gens qui estiment qu'on ne devrait aucunement ouvrir la porte... ils nous disent en fait qu'il y a toujours de l'espoir et qu'il peut toujours y avoir des bons moments passés même dans une fin de vie difficile, même avec de la souffrance, même avec de la douleur, et qu'on ne sait pas ce que les prochains jours, même si la mort est imminente, peuvent apporter, que les gens qui sont proches de nous peuvent nous apporter du réconfort, qui peuvent faire en sorte de changer le regard qu'on porte sur soi-même.

Comment vous réagissez aux gens qui tiennent ces propos-là, qui défendent ce point de vue là?

Mme Bilodeau (Ida): Je pense que, s'ils parlent de jeunes personnes... Puis, jeunes personnes... Moi, j'ai 67 ans, je considère que c'est jeune.

Alors, si on parle de jeunes personnes, je trouve que cette approche-là a beaucoup plus sa place. Mais, si on parle de quelqu'un qui est très âgé, les moments de pardon, les moments de réconciliation, les moments de se revoir, surtout pour M. Leclerc, là, qui est malade depuis plusieurs années, bien ça a eu le temps de se faire. Ça a eu le temps de se faire. C'est un peu ça que je réponds.

**(12 h 10)**

Mme Hivon: Et il y a aussi -- vous y avez fait référence un peu, là -- toute la question du message qu'on envoie à la société en priorisant, par exemple, l'autonomie, donc la personne qui peut décider au moment où elle est en fin de vie ou, par exemple, en l'ayant consigné dans ses volontés, par écrit, un peu comme le cas de monsieur que vous relatez dans le document... Donc, toute la place que l'autonomie prendrait, du choix de la personne elle-même jusqu'à aller à dire: Vous interrompez ma vie à un moment x, quel message ça peut envoyer?

Vous l'avez dit, mais vous l'avez... vous avez abordé ça brièvement. Et quel message ça peut envoyer à la société justement sur la valeur de la vie, sur le fait que, si on peut permettre à l'autonomie de la personne en fin de vie, quand il y a une maladie terminale, de s'exercer dans toute sa puissance et d'aller jusqu'à déterminer un moment où on peut mourir, décider donc de mettre fin à sa vie, est-ce que ce n'est pas contradictoire avec les messages qu'on veut envoyer à des cohortes de gens plus jeunes qui pourraient avoir des épisodes difficiles dans leur vie et de leur dire que, non, la vie a vraiment... vaut vraiment la peine d'être vécue?

Comment vous réconciliez ces deux messages-là qui, pour plusieurs, seraient contradictoires?

Mme Bilodeau (Ida): Je pense qu'il faut mettre de l'emphase sur la qualité de vie. Une jeune personne, elle a toutes sortes de richesses, elle a toutes sortes de ressources. Et puis valoriser les jeunes, comme on a entendu précédemment, leur dire qu'ils sont importants à nos yeux, tout ça est très, très important.

Alors là, on va me dire: Bien, écoute, c'est-u parce que tu es en train de dire qu'on ne veut pas dire aux personnes âgées qu'elles sont importantes? Si quelqu'un désire vivre jusqu'à son dernier souffle, d'une façon tout à fait naturelle, il a parfaitement le droit, et puis qu'on l'aide beaucoup et qu'on ait des soins palliatifs. Ma façon de voir... Et les soins palliatifs, là, ce n'est pas contradictoire, pas du tout, au contraire, mais, si on dit: Bien, on souhaite de la qualité de vie, et puis, vous, les jeunes, on a besoin de vous, et tout, je pense qu'on peut dire de façon habile que la vie est précieuse, même si on aide M. Leclerc.

Mme Hivon: Pour vous, si je comprends bien, c'est deux réalités complètement différentes, c'est ça?

Mme Bilodeau (Ida): D'ailleurs, M. Leclerc, là... Si on tourne la page et qu'on regarde les chartes canadienne et québécoise et qu'on regarde le Code civil, dans les chartes, ça dit: Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, à son honneur. Ensuite, dans le Code civil, on dit: Nul ne peut être soumis sans son consentement, sans son consentement, à des soins. Bien, M. Leclerc, là, il ne vit pas dans la dignité, selon lui, et il ne vit pas dans la dignité, selon moi, et, moi, je ne veux pas vivre comme ça. Il ne vit pas selon son honneur. Son honneur est brisé. Ensuite, il l'a bien dit oralement et il l'a dit par écrit, qu'il ne donnait pas son consentement à des soins dans les longues années qui suivraient son diagnostic d'Alzheimer.

Donc, nous avons, selon moi, les lois de base pour respecter la vision dont je parle. Puis, remarquez, je ne suis pas une radicale qui va se mettre à militer, là, puis tout ça, j'essaie juste d'exprimer ce que je vois autour de moi: de nombreuses personnes qui ne veulent pas de très longues années à attendre. Ma mère, elle appelle ça traîner, et elle nous l'a dit tellement souvent, et elle souffre tellement de penser qu'elle va traîner. Ce n'est pas la même chose que quelqu'un de 35 ans qui dit: Je viens de perdre mon argent au casino. Ce n'est pas la même chose. Alors, au niveau des messages, il faut tenir compte des deux situations qui sont très différentes. Puis je vais prendre le cas personnel de ma mère. Ça a été une femme forte qui a eu huit enfants, qui a enseigné 17 ans, aux années où... dans les années où il fallait se battre pour enseigner, là. Non seulement vous aviez à gérer 30 enfants, mais vous aviez à dire à votre famille que c'était correct d'aller enseigner puis vous aviez à insister pour que votre contrat soit renouvelé, parce qu'ils auraient aimé mieux prendre des femmes non mariées, et le reste.

Donc, du courage, et de la persévérance, et de la détermination, elle en a eu, je dirais, jusqu'à 90 ans. Mais là je ne décrirai pas tout, je ne veux pas être trop émotive. Elle a au moins 15 afflictions. Elle appelle ça «ses afflictions». Elle a 10 médicaments prescrits. Elle veut que ça cesse. Et puis bien sûr que, moi, je ne prendrai pas la justice dans mes mains, là, puis je vais en prendre bien soin, mais ça peut durer un autre cinq, six ans.

Il faut que les autorités gouvernementales et juridiques et de santé du Québec se penchent sur des cas comme ça et sur celui de M. Leclerc.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Merci, Mme Bilodeau, de votre témoignage.

Moi, je veux revenir sur le cas de M. Leclerc mais en même temps ce que vous disiez comme étant votre testament de vie, que les gens qui vous côtoient savent maintenant ce que vous voulez. On a eu beaucoup d'interventions sur le testament de vie. On en a eu des citoyens, des citoyennes. On en a eu aussi de certains groupes de médecins ou de certains médecins qui nous ont dit que, pour leur part, le testament de vie, ça avait un caractère indicatif et que, eux, ils se réservaient un jugement quant à l'opportunité de répondre à ce testament de vie.

La question de caractère légal a été soulevée, la question de la pérennité aussi du testament de vie. Est-ce que ce serait comme un testament qu'on fait, qu'on peut renouveler au besoin, selon notre condition? Qu'est-ce que vous en pensez? Comment vous le voyez, vous, le testament de vie si votre choix, c'est que les volontés de la personne, ses critères et ses balises soient respectés?

Mme Bilodeau (Ida): Je reconnais que le testament de vie, ce n'est pas facile, parce qu'une journée on veut mourir, mais, l'autre journée, on veut être guéri. Puis ça, c'est comme ça en fin de vie aussi, là. Je veux bien mourir, mais il ne faut pas que ça soit avant Noël.

Donc, je pense que ça serait difficile pour qu'un testament de vie soit aussi «légal», je vais employer ce mot-là, là, qu'un testament qui gère la succession, là, premièrement, parce que probablement que les testaments qui gèrent les successions, ça date de nombreux siècles, puis c'est pour gérer les biens, puis tout ça, alors que les testaments de vie, c'est quelque chose de beaucoup plus récent. J'appellerais plutôt ça, moi aussi, des directives anticipées. Ça me semble être un bon terme. Et puis on peut très bien dire ce qu'on veut quand on est en pleine forme, mais ça ne va pas toujours selon notre planification à nous, là. Ça peut changer du tout au tout. Il peut y avoir de nouvelles façons de nous aider. Il peut y avoir aussi la panique, là, de la fin de vie. Vous savez, l'instinct de vie, c'est vraiment très fort, hein? Moi, je connaissais un homme, ça faisait... un oncle, là, ça faisait des années qu'il avait donc hâte de partir, puis là, à un moment donné, il a eu une maladie, mais il était assez fort, là, pour résister à la... à rester en vie. C'était devenu un hercule pour rester en vie.

Alors, l'instinct de vie, c'est vraiment très fort. Alors, c'est difficile de prévoir comment on va réagir. Donc, ça ne peut pas être aussi ferme que le testament traditionnel.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette: Merci. Merci, Mme Bilodeau. Ce fut également un plaisir de vous entendre. Vous avez, dès les premiers mots, insisté sur les personnes âgées. Est-ce que votre conception de la chose est semblable pour une personne plus jeune, que ce soit même un enfant qui serait à ses derniers moments en phase terminale ou vivant ou composant avec un handicap majeur? Est-ce que votre idée face à l'euthanasie, face au suicide assisté est uniquement réservée aux personnes âgées?

**(12 h 20)**

Mme Bilodeau (Ida): Moi, je m'exprime seulement sur les personnes âgées parce que j'ai beaucoup réfléchi au sujet de mes oncles et de mes tantes, comment ils avaient terminé leur vie... de mes grands-parents des deux côtés, de mon père, qui est mort. Il a été malade pendant 13 ans. Ça a été trop long. Et là bien sûr je suis aidante depuis 11 ans et je vois des gens dans... Ma mère habite dans une résidence, alors je circule à la résidence et puis j'entends les madames qui disent: Ah, ça ne se peut plus, là, je n'en peux plus, là! Vous, si vous n'allez jamais dans des résidences, là, vous ne pouvez pas vous imaginer comment c'est fréquent.

Donc, c'est pour ça que mes réflexions, c'est par rapport aux longues années et par rapport au fait qu'on nous promet beaucoup de longévité. Je veux bien, mais je veux qu'elle soit de qualité, cette longévité-là.

M. Charette: Une autre question rapide. La notion de refus de traitement, pour plusieurs, c'est une notion qui doit être mieux expliquée parce que pas bien assimilée dans la population. Mais, pour les cas qui ont composé votre quotidien, que ce soit votre mère... vous avez d'autres proches que vous avez accompagnés, est-ce que c'est une notion qui est satisfaisante? Est-ce qu'elle est rassurante? À travers la maladie et le refus de traitement, on peut aussi, on le sait bien, on le devine bien, accélérer un petit peu le cours de la vie, pour ne pas dire accélérer la mort elle-même.

Est-ce qu'en la définissant mieux... est-ce qu'en faisant en sorte que tous soient bien conscients de leur droits on arriverait à un équilibre qui soit plus acceptable et qui permettrait peut-être à cette vie de s'achever avec plus de dignité?

Mme Bilodeau (Ida): Voyez-vous, des fois, dans des textes, c'est «traitements», d'autres fois c'est «soins», puis même ça, là, ça prend des définitions. Mais, si je comprends bien, «traitements», c'est quand on aide vraiment à guérir quelque chose, alors que «soins», c'est de s'assurer que la personne est lavée, de s'assurer qu'il fait chaud dans la pièce, ce genre de choses.

Donc, refuser les traitements, apparemment c'est très légal déjà, excepté que comment vous allez faire ça quand que vous êtes très malade et puis que vous ne savez plus trop ce qui se passe autour de vous? Alors, vous devenez à la merci des gens qui sont autour de vous. M. Leclerc, là, il ne peut pas les refuser, là. Selon moi, c'est des soins qu'il reçoit, mais il ne peut pas les refuser. Il peut juste, lui, être gelé dans le temps. Ma mère, elle me dit: Le temps s'arrête, c'est comme être dans un trou noir, je m'inquiète tout le temps, tout le temps, tout le temps. D'ailleurs, elle n'est plus capable de lire l'heure... bien, elle arrive à lire, mais elle ne sait plus si c'est le matin ou le soir, puis ça la fait paniquer: Je vais peut-être manquer quelque chose. Puis elle a toujours peur que les gens qui doivent venir à telle heure n'arrivent pas, parce que, pour elle, le temps ne passe pas. Le temps ne passe pas. Mais quel refus peut-elle faire? Elle ne pouvait plus prendre ses médicaments. Je me suis aperçue qu'elle avait fait des erreurs. Donc, c'est d'autres personnes qui lui donnent ses médicaments. Mais là les autres personnes ne sont pas pour arrêter de suivre les 10 médicaments prescrits, là, ils lui donnent ça. Puis, elle, elle ne veut plus les prendre, mais il faut qu'elle écoute les gens autour.

Le Président (M. Kelley): Alors, Mme Bilodeau, il me reste à dire merci beaucoup pour partager ces réflexions sur les sujets qui sont très difficiles. Alors, bon courage avec votre mère parce que c'est vraiment une épreuve difficile.

Et, avant de terminer pour l'avant-midi, je veux juste souligner la présence de notre collègue de Chapleau qui est parmi nous. Bienvenue, M. le député.

Et, sur ça, on va suspendre nos travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 24)

(Reprise à 14 h 3)

Le Président (M. Kelley): Alors, la commission reprend ses travaux.

Je rappelle notre mandat. Nous sommes réunis afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur la question de mourir dans la dignité. On va renverser nos témoins parce qu'il y a un petit problème technique avec la télévision. Alors, au lieu d'entendre tout de suite M. Martin Giroux, on va écouter Mme Doris Germain-Gagnon et revenir à M. Giroux après. Alors, sans plus tarder, Mme Germain-Gagnon, vous avez déposé un mémoire, alors vous avez un droit de parole d'une quinzaine de minutes suivi par une période d'échange d'environ 30 minutes avec les membres de la commission. La parole est à vous.

Mme Doris Germain-Gagnon

Mme Germain-Gagnon (Doris): Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner devant vous. Je me nomme Doris Germain-Gagnon et j'ai 42 ans. Je suis mariée. J'ai une formation en musique et en éducation.

Je voudrais tout d'abord vous rassurer que ma présentation va omettre de larges sections de mon mémoire. Alors, je ne vais pas tout vous le lire, ce serait trop long, afin de m'en tenir à la limite de 15 minutes. Vous êtes quand même les bienvenus à me questionner sur les sections que je vais omettre.

Dans le débat entourant l'euthanasie et le suicide assisté, il est bien important de décortiquer les concepts afin d'y voir clair. Puisqu'il est question de vie et de mort, nous ne pouvons pas nous contenter de slogans, nous devons examiner les faits, chercher ce qui se passe en réalité. Et, lorsqu'on regarde ces questions de plus près, qu'est-ce qu'on y trouve? Bien, on y trouve un désir de redéfinir la condition humaine. Les revendications d'autonomie et de dignité sonnent creux lorsqu'on constate que ces morts assistées seront décidées non pas par le mourant, mais par son médecin ou un comité d'éthique quelconque. Nous sommes devant un utilitarisme qui insiste que le simple fait d'être humain n'est pas suffisant pour que l'on reconnaisse la dignité d'un individu. Nous y trouvons aussi une justification pour des pratiques difficilement justifiables.

L'euthanasie et le suicide assisté sont si difficiles à justifier que même ceux qui les revendiquent nous promettent de les encadrer avec des balises strictes.

Dans votre document de consultation Mourir dans la dignité, vous avez défini l'euthanasie ainsi: «Acte qui consiste à provoquer intentionnellement la mort d'autrui pour mettre fin à ses souffrances.» Selon sa définition, parce que le terme «souffrance» n'est pas qualifié, on pourrait tuer quelqu'un qui a mal aux dents, et ce serait de l'euthanasie. Bien entendu, il ne se trouverait aucun médecin qui accéderait à une telle demande. Alors, ce que revendiquent ceux qui cherchent à légaliser l'euthanasie, c'est que, quelque part entre le mal de dents et la mort imminente, le médecin puisse avoir le droit de donner la mort.

Donc, bien que l'allégement de la souffrance se trouve à être la motivation pour l'euthanasie, elle n'en est quand même pas la justification. Celle-ci se trouve dans le jugement que la vie d'une personne ne vaut pas la peine d'être vécue. Et c'est un jugement sans appel, puisque donner la mort est un acte irréversible et qu'il n'est pas sans répercussion sur les autres membres de la famille humaine.

Dans le présent débat, deux visions s'affrontent autour de la question centrale: la dignité humaine. D'une part, il y a le concept de dignité humaine fondamentale tel qu'énoncé dans le préambule de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 ainsi que dans la Charte des droits et libertés de la personne dont s'est dotée notre province. Dans le préambule de la Déclaration universelle, on y lit «que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde». Et la Charte des droits et libertés de la personne fait écho à cela.

En opposition à ce point de vue, nous trouvons, dans le manifeste de l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité, l'AQDMD, que certaines personnes «considèrent qu'une totale dépendance et l'impossibilité de jouir de la vie [telle qu']elles l'envisagent constituent une indignité». Le concept de dignité est personnel. Avant de nous délaisser du concept déjà établi et tel qu'énoncé dans la Déclaration universelle et la Charte des droits et libertés de la personne, nous devons voir si la vision proposée par l'AQDMD servira au maintien d'une société juste. Selon le Larousse, le mot «dignité» possède deux définitions pertinentes au débat. La première: respect que mérite quelqu'un ou quelque chose. La deuxième: sentiment que quelqu'un a de sa valeur.

Il est évident que la Déclaration universelle des droits de l'homme et la Charte des droits et libertés de la personne parlent de la dignité au premier sens du mot.

Le manifeste de l'AQDMD utilise le mot «dignité» au deuxième sens, puisqu'il est question d'un jugement personnel que la personne a de sa propre valeur. Le terme «estime de soi» reflète bien cet usage du deuxième sens du mot «dignité». L'AQDMD a raison de dire qu'en ce sens la dignité est personnelle. Le problème vient du fait que ce qu'il nous est demandé de faire, comme société, est d'acquiescer à ce jugement personnel avec la personne malade. Or, nous ne pouvons pas partager son jugement quant à son estime de soi, puisque c'est subjectif et propre à elle. Nous ne pouvons évaluer sa dignité que selon le premier sens. Mais, dans ce sens, nous ne pouvons que constater que cette personne mérite du respect, du simple fait qu'elle est un être humain. Nous pouvons dire avec elle: Oui, je vois que ton état te mène à te sentir indigne. Mais nous ne pouvons pas dire: Dans ton état, tu ne possèdes plus de dignité. Un tel jugement s'étendrait à toute autre personne se trouvant dans la même condition, ce qui revient à nier l'égalité des êtres humains.

Si la dignité, au premier sens, peut se perdre avec la maladie, la faiblesse, l'âge ou le handicap, c'est que seule la force peut commander le respect. Cette vision des rapports humains est très dangereuse, car elle laisse les plus faibles et vulnérables à la merci des plus forts. Dans cette optique, seuls ceux qui sont utiles ont de la valeur. C'est un utilitarisme très commode pour notre société de consommation. Or, un État de droit ne peut reposer sur la loi du plus fort. La raison d'être du droit, c'est de protéger les plus vulnérables. Sommes-nous vraiment prêts à nous éloigner de ces idéaux? Les défenseurs de l'euthanasie et du suicide assisté revendiquent un droit de mourir. En réalité, personne ne leur nie le droit de mourir. Il y a déjà consensus dans la société contre l'acharnement thérapeutique. En réalité, ce qu'ils cherchent, c'est que soit accordé un droit de se faire donner la mort afin que quelqu'un puisse leur donner la mort ou les aider à le faire au moment où ils en auront perdu les moyens.

**(14 h 10)**

Peut-il exister un droit et son contraire? Peut-on accorder en même temps un droit à la vie et un droit à se faire donner la mort, un droit à la liberté et un droit à l'esclavage? S'il existe vraiment un droit de se faire donner la mort, celui-ci devrait remplir certains critères comme pour tout droit humain, il doit toujours avoir existé, il doit s'appliquer à tous et il doit obliger le respect.

Que nous proposent ceux qui demandent un droit de se faire donner la mort? L'étendent-ils à tous, sans exception? Non. Ils proposent de strictes balises, que c'est pour les grands malades, seulement après consultation auprès de deux médecins, etc. Ça, c'est parmi certaines balises qui ont été recommandées... je pense que j'ai pris ça surtout dans le manifeste de l'AQDMD, si je ne me trompe pas, reconnaissant ainsi tacitement que ce n'est pas un droit mais plutôt une permission. Ces balises auront été établies arbitrairement par des fonctionnaires et législateurs et seront appliquées par des médecins. Si certains se voient refuser ce droit de se faire donner la mort, personne ne condamnera les décideurs, personne n'obligera que ce droit soit respecté pour tous ceux qui le demandent.

L'État peut-il vraiment conférer un supposé droit à quelques-uns de ses membres seulement? Le rôle de l'État n'est-il pas de reconnaître les droits inhérents à la dignité humaine? N'oublions pas que reconnaître le droit de se faire tuer revient à reconnaître à certains le droit de tuer. Or, donner intentionnellement la mort à un être humain, c'est un meurtre. On ne peut considérer donner la mort comme un bien humain. Dans toutes les autres circonstances, tuer est considéré comme un mal. Même lorsque c'est fait en légitime défense, on dit que c'était un mal nécessaire. Qui décidera selon quels critères la dignité humaine sera ainsi niée?

L'euthanasie est, au fond, une question de droits humains. Lorsqu'une société décide de donner le droit de tuer une classe de personnes, elle n'est plus fondée sur la justice. L'euthanasie est l'envers de la médaille de l'acharnement thérapeutique. D'un côté, un tiers agit sur une personne pour lui préserver la vie à tout prix; de l'autre, quelqu'un demande à un tiers d'agir sur sa personne pour hâter sa mort. L'un et l'autre sont un recours à la technologie pour exercer une maîtrise sur la mort, d'un côté, pour la retarder, de l'autre, pour la devancer. Vouloir devancer la mort est un refus du mystère qu'est chaque être humain. C'est un refus de compassion, un refus de souffrir avec le patient. Ne sommes-nous pas ici devant un désir de trouver une solution technologique et rapide à un problème profondément humain? Il y a aussi amplement d'évidences qu'il y a des dérives bureaucratiques en Hollande et que les balises ne sont pas respectées. Même le Comité des droits de l'homme de l'Organisation des Nations unies a émis un avertissement à ce pays pour l'encourager à reprendre le contrôle de la situation. Et de plus l'ancienne ministre de la Santé de la Hollande, Els Borst, dit regretter avoir promu la législation de l'euthanasie, disant que cela a grandement nui aux soins palliatifs dans son pays.

Avant de conclure, j'aimerais faire juste quelques commentaires au sujet du processus qui est en cours dans cette commission. Au début, au mois de septembre, lors de vos remarques initiales, c'était le 7 septembre, Mme Gaudreault, vous parliez au nom de tous les membres de la commission puis vous avez affirmé, et je cite: «Afin de mener un débat neutre sur cette question, tous les membres de la commission se sont engagés à mettre leurs considérations et opinions personnelles de côté, et ce, dans le but de garder un esprit ouvert face aux opinions divergentes et parfois tranchées que nous allons entendre.» Or, dans le document de consultation Mourir dans la dignité, on peut y lire, et je cite: «Les valeurs de dignité, d'autonomie de la personne, de compassion, de respect du caractère sacré de la vie s'entrechoquent, et nous devons parfois remettre en question nos convictions les plus profondes.» Fin de citation. Ça relativise le concept de dignité, cette phrase-là, parce que de... ça relativise, vous remettez en question le concept de dignité. Mais ça, c'est accepter la présupposition de l'AQDMD qui veut que le concept de dignité est personnel.

Est-ce à dire que la commission met de côté la Charte des droits et libertés de la personne et la Déclaration universelle des droits de l'homme qui, eux, parlent, sans équivoque, du concept de dignité humaine? J'espère qu'on n'est pas prêts à faire table rase et à renégocier un concept qui est la pierre angulaire de toute société juste, que tout être humain possède une dignité intrinsèque et inaliénable.

Il y a eu un autre commentaire aussi qui m'a frappée. Puis, moi, j'ai écouté plusieurs des témoignages. Puis je les écoute... je les télécharge, ensuite je les transforme en MP3, puis je les écoute en passant l'aspirateur. Alors, M. Charette, ce n'est pas parce que je veux vous tourner dans la couette, mais j'avais un crayon ce jour-là, puis j'ai tassé l'aspirateur, puis j'ai pris de notes.

Alors, vous aviez fait... au cours d'un échange que vous avez eu à M. Dagenais, le 9 septembre, vous avez dit, et je cite: «J'ai remarqué que les tenants de la vie coûte que coûte n'offrent aucune formule de compromis dans leurs arguments, en ce sens qu'ils sont contre, sans laisser place à aucune ouverture, alors que ceux et celles qui sont venus défendre le recours à l'euthanasie étaient ouverts à un dialogue et à une réflexion pour que l'on puisse, comme société, établir des balises, donc, qui sont, oui, en faveur, mais pas coûte que coûte, oui, en faveur, [mais] avec une certaine ouverture au dialogue.» Fin de citation.

Donc, comme j'ai dit, j'ai écouté beaucoup de témoignages, pas autant que vous, mais je m'en suis tapé plusieurs. Dans ceux que j'ai écoutés, je n'ai entendu personne venir défendre la vie coûte que coûte. Ça, c'est l'acharnement thérapeutique, qu'on va vous garder en vie, coûte que coûte. Puis dans ce débat c'est ça, les deux extrêmes: c'est l'acharnement thérapeutique, il faut vous garder en vie, et la mort provoquée. Au milieu, se trouve la sédation palliative, puis c'est tellement au milieu que même il y a des gens qui se posent des questions. Alors, il y a déjà quelque chose qui est proposé. Puis l'intention derrière la sédation palliative, c'est de soulager la souffrance et non de provoquer la mort. Puis, bon, il y en a qui veulent faire ce glissement-là de dire: Bien, c'est hypocrite, puis ça tend vers l'euthanasie. Mais je pourrais donner comme exemple: s'il y a le feu chez mon voisin, puis il y a quelqu'un qui est pris... un enfant qui est pris dans la maison, je casse la fenêtre. Bien là, c'est une entrée par effraction, mais est-ce qu'on va m'amener en cour pour ça? Non, parce que mon intention était autre que de simplement entrer dans la maison. Sauf que le geste que j'ai posé est le même que quelqu'un qui voudrait entrer pour voler.

Alors, l'intention compte. Puis ce n'est pas de l'hypocrisie. Donc, c'est un petit peu... Mais ça, c'est un petit à-côté, là, au sujet de la sédation palliative. Ça, je sais que vous le savez, vous l'avez mis dans vos définitions.

Et là où je veux en venir avec ça, c'est... j'espère vous faire comprendre que... Vous cherchez un compromis peut-être et vous vous êtes donné une position de neutralité, mais est-ce qu'on peut vraiment avoir une position de neutralité dans le débat? Est-ce qu'on peut vraiment arriver à trouver un compromis au milieu? Il y a deux idées principales. Puis soit qu'on conserve les principes forgés par la sagesse des générations antérieures en réponse à leurs contemporains ou on les nuance, puis on les remet en question, puis on fonce vers un Brave New World huxleyen, sauf qu'on ne sera pas les premiers à le faire.

Les pionniers hollandais ont déjà commencé leur mea-culpa, puis, dans 10 ans, on n'aura pas le luxe de dire, lorsque les dérapages seront évidents pour tous, même pour l'ONU, qu'on n'a pas vu venir les choses. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Juste d'une façon générale, au nom de l'ensemble des membres de la commission, on pose les questions, on est toujours ici pour écouter, et de cibler un membre ou un autre membre de la commission, vraiment, je trouve... Règle générale, on essaie de poser les questions, on essaie de mieux comprendre. Alors, je suis toujours... c'est à chaque député de formuler beaucoup de questions. Nous avons formulé des dizaines, des dizaines, presque des centaines de questions depuis le début de nos travaux, il y a un an, et, moi, je veux toujours me lever pour défendre l'importance de l'exercice. Je trouve, beaucoup de citoyens ont répondu à l'appel de discuter ces questions et, moi, je pense que c'est en les discutant qu'on peut avoir une plus grande sagesse de société.

Alors, juste au nom de mes collègues, on peut toujours citer une déclaration ici ou une question par là. Est-ce que toutes nos questions sont toujours bien formulées? Impossible, parce que nous sommes des êtres humains. Mais, règle générale, je veux juste enregistrer mon admiration pour mes collègues parce que c'est tout un mandat, ce mandat, mais je pense que la réponse de la population indique qu'on est sur un sujet qui est très important, qui touche les questions que vous avez soulevées quant à l'euthanasie et au suicide assisté mais qui voit beaucoup plus large aussi. Et toute la question des soins palliatifs, les autres questions qui ont été soulevées ont une très grande place dans notre réflexion aussi. Alors, c'est juste un commentaire, un éditorial du président.

Maintenant, je m'apprête à céder la parole à ma collègue la députée de Hull.

**(14 h 20)**

Mme Gaudreault: Merci. Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à tous. Encore une fois, on voit que les gens, ils sont restés cet après-midi, donc ça veut dire que vous trouvez les échanges fort intéressants.

Alors, bienvenue à vous, Mme Germain-Gagnon. Et, si nous avons le courage de poser des questions parce que ce sont des sujets fort délicats, bien je vais vous remercier parce que vous avez le courage de venir ici, en avant, devant tout le monde, et de la partager, votre opinion. Nous, il y a des journalistes qui ont tenté de connaître les nôtres, mais on les garde pour nous parce que, vous l'avez bien mentionné tout à l'heure, on ne veut pas jeter ombrage sur le débat, on est ici en mode écoute et puis on est ici pour vous entendre puis partager avec vous l'ensemble des témoignages qu'on a déjà reçus dans le cadre de cette commission. Vous avez dit que vous en avez déjà lu quelques-uns, et chaque témoignage compte, chaque témoignage amène son lot d'intérêts. Et vous avez mentionné tout à l'heure de la répercussion sur les autres membres de la famille suite à une euthanasie, disons, ou à un suicide assisté. C'est un peu la position de l'Ordre des psychologues du Québec qui sont venus nous voir. Ils n'ont pas pris position, mais ils ont mis une mise en garde par rapport à ce que ça pourrait avoir comme répercussion sur les membres de la famille dans des contextes différents que l'on vit aujourd'hui.

Vous avez parlé aussi du concept de la dignité, que c'était très, très personnel. Je sais qu'après vous il va y avoir Martin Giroux qui va faire une présentation, un témoignage. Il est le conjoint d'une dame qui était mon amie, Hélène Larochelle, qui a souffert de sclérose en plaques. Puis je vous invite à rester, parce que, de la façon que nos horaires sont présentés, on essaie de mettre des gens d'opinions opposées un à la suite de l'autre. Alors, souvent, ça nous met au défi, là, de se recentrer sur une autre perspective.

Alors, quand vous dites que le concept de la dignité, c'est personnel, et puis que le respect des gens doit être... ils méritent d'être respectés, les personnes, les gens jugent de leur propre valeur. Et vous avez parlé de la grande subjectivité. Alors, vous, vous avez votre opinion. Mais on a entendu plusieurs personnes que vous avez peut-être considérées comme des plus faibles ou des vulnérables versus des plus forts qui ne sont pas malades, mais je pense à Laurence, qui est une jeune femme qui est venue nous voir dans le cadre d'un témoignage à Québec, qui souffrait d'ataxie de Friedreich, je pense aussi aux gens de la famille de M. Rouleau. On en a parlé ce matin. M. Rouleau a fait une tentative de suicide parce qu'il souffrait de la sclérose en plaques puis, lui, il en avait assez. Il y avait aussi Mme Gladu à Montréal qui est venue nous voir, qui, elle, nous a vraiment affirmé qu'elle avait mis les sous de côté pour aller en Suisse, à Dignitas. Vous devez connaître ça, c'est une entreprise qui permet aux gens d'aller... de faire l'exercice du suicide assisté dans un endroit contrôlé. Alors, elle, et Laurence, et la famille de M. Rouleau nous ont affirmé que, si on légalisait le suicide assisté, ça leur donnerait une meilleure qualité de vie et qu'ils vivraient leurs derniers jours de façon plus sereine parce qu'ils ont cette ultime option, qui leur appartient, de mettre un terme à leurs souffrances lorsque la limite sera atteinte.

Qu'est-ce que vous pensez de ces témoignages que nous avons reçus de gens qui sont complètement à l'opposé de votre perspective sur le sujet?

Mme Germain-Gagnon (Doris): Bien, premièrement, je voudrais savoir pourquoi ils veulent qu'on leur donne le droit d'avoir l'euthanasie et le suicide assisté, c'était quoi, le fond de leur demande.

Mme Gaudreault: C'est parce qu'à tous les jours, quand tu te lèves, tu as le seul... la seule assurance que tu as, c'est que ta condition va se détériorer. Lorsqu'on a un diagnostic de sclérose latérale amyotrophique, on sait que, dans six mois, on n'ira pas mieux, là. Il va y avoir... On n'a qu'à aller sur Internet pour voir ce que l'avenir nous réserve. Alors, ce n'est pas toujours jojo d'entrevoir l'avenir avec toutes ces conditions humaines qui vont se détériorer. Alors, pour eux, ils vivent dans l'anxiété de ce qui s'en vient, de pouvoir mettre un terme, peut-être que... Vous savez, les études démontrent que, même s'ils ont le produit létal dans leur petite commode à côté d'eux, très souvent ils ne s'en servent pas. Mais c'est une assurance de pouvoir... Le jour où j'en aurai assez, là puis que j'aurai vraiment fait le tour de la question, que j'en aurai parlé aux membres de ma famille, je veux pouvoir passer à l'acte.

Alors, ces gens-là, ça leur donnait un espoir d'une vie meilleure. C'est difficile à comprendre pour nous. On n'est pas malade. On est chanceux. On n'est pas dans cette situation-là, mais ces gens-là le vivent et, eux, ils sont venus nous lancer des cris du coeur pour nous dire: Faites quelque chose. Vous, est-ce que ça vous bouleverse de savoir qu'il y a des gens... pour eux, c'est une planche de salut de légaliser le suicide assisté?

Mme Germain-Gagnon (Doris): Bien, certainement que chacune de ces histoires-là, c'est très touchant. Ça vient nous chercher à l'intérieur, à quelque part, mais ils nous demandent, parce qu'ils trouvent que leur condition est invivable... J'ai un ami, moi, qui est en chaise roulante, mobile, là, il n'est pas capable de se pousser lui-même depuis la tendre enfance. Depuis la tendre enfance qu'il y a quelqu'un qui s'occupe de ses soins personnels.

Et puis, si je dis à ces gens-là: Oui, dans votre condition, là, votre vie ne vaut plus la peine d'être vécue, je suis en train de trahir mon ami, parce que je suis en train de dire: Bien, oui, dans cette condition-là, votre vie ne vaut pas la peine d'être vécue. Woups! Il est dans cette condition-là. Je suis en train de dire par ricochet que, lui non plus, sa vie ne vaut pas la peine d'être vécue. Parce que leur demande, elle n'est pas accordée sur la simple base que c'est parce que c'est ça qu'ils veulent, hein? On n'est pas prêt à dire à n'importe qui qui demande le suicide qu'on va les aider.

On est en... Donc, le vrai facteur décideur, ce n'est pas leur volonté, ces gens-là, c'est la condition dans laquelle ils se trouvent, puis en quelque part quelqu'un va avoir décidé... je ne sais pas s'il va y avoir une liste qui va être établie ou si ça va être laissé au jugement du médecin. Est-ce que ça va être laissé au jugement du patient? Bien, non, parce qu'à un moment donné il y a quelqu'un qui va avoir... comme c'est arrivé en Hollande. Une dame d'une cinquantaine d'années, ses deux fils étaient morts, et elle ne voyait plus de sens à sa vie, puis la Cour suprême lui a accordé. Ils n'ont pas inculpé le médecin qui lui a donné la mort. Mais elle était en parfaite santé physique. C'était une douleur mentale. À quel point, là, ça va s'arrêter, ça? Puis c'est avec raison que les psychologues s'inquiètent de ça.

Donc, si on ne l'accorde pas à tout le monde qui le veut simplement, en vertu de leur volonté de vouloir mourir, sur quelle base est-ce qu'on le fait? Bien là, on le fait sur des critères physiques, des critères de condition physique. Bien, il va toujours y avoir quelqu'un qui va se retrouver dans la même condition physique. Puis là, en faisant ça, en posant un jugement et en disant: Bon, O.K., oui, dans cet état-là, c'est correct qu'on veuille te donner la mort, comme société, c'est correct, le jugement que, toi, tu poses, que ta vie ne vaut plus la peine d'être vécue... Ça ne peut pas être posé, ce jugement-là, en isolation avec toutes les autres personnes. C'est en train de mettre toutes les autres personnes, qui sont dans la même condition, dans un état de précarité face à la société parce que, comme société, on est en train de poser un jugement, de dire: Oui, toi, ta vie ne vaut pas la peine d'être vécue, tu veux mourir, on va t'aider.

L'autre, qui est à côté puis qui est dans la même condition, qu'est-ce qu'on lui dit? Puis quel message on est en train de lui envoyer? Par ricochet, on est en train de lui dire: Toi aussi, ta vie ne vaut pas la peine d'être vécue, on t'endure parce que tu veux encore vivre.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Mille-Îles.

**(14 h 30)**

Mme Charbonneau: Merci, M. le Président. Bonjour. Vous avez bien fait vos devoirs. Votre mémoire est rempli de citations et d'annotations de mémoires qu'on a reçus auparavant.

Donc, j'ai compris que vous nous avez suivis et que vous n'avez pas juste fait la balayeuse, vous avez travaillé fort. À la fin de votre mémoire, vous parlez de cette condition puis de cette société qui fait qu'on va demander soit à un médecin ou à un fonctionnaire d'être formé ou spécialement formé, et vous finissez en disant: «Nous devons refuser de donner à des êtres humains faillibles le droit de vie ou de mort sur les citoyens du Québec.»

Alors, je ne vous surprends pas en vous disant: Vous savez que les médecins sont des êtres humains, ils sont faillibles et ils ont en ce moment pouvoir de vie et de mort. Je vous le dis comme ça parce que je pense qu'il faut aussi s'élever au-dessus de ce qu'on fait ici. Puis, vous l'avez bien fait, de nous citer au début pour dire que des fois, dans nos questions, on n'est pas toujours très éloquents. J'en suis la preuve. Mais en même temps on ne peut pas se permettre de se laisser aller à n'importe quelle citation. Donc, un médecin, c'est un être humain et c'est faillible.

Chacun de nous a, dans sa famille, des histoires, qui fait en sorte que soit on est partis, dans cette commission, avec une position... Puis, je vous le dis, à chaque témoignage nos têtes balancent entre le pour, et le contre, et le «pourquoi pas?», puis le «on ne devrait pas», puis ça nous mélange. Mais, à partir du moment où une personne, dans sa propre condition... Et je reprends vos paroles, parce que je les trouve importantes, quand vous dites: Si on dit oui à un, pourquoi on ne dirait pas oui à tous? Et, à tous les jours, on prend des décisions où on dit oui à un puis on ne dit pas oui à tous.

Donc, une loi d'exception, si je comprends bien, dans vos propos, puis vous allez pouvoir me dire un oui ou un non, une loi d'exception, pour vous, ça ne pourrait pas être applicable dans une société?

Mme Germain-Gagnon (Doris): Comme j'ai fait dans mon mémoire... hein, je vous ai démontré l'histoire de la législation en Hollande, comment ça s'est fait... puis graduellement, en dehors du contrôle des législateurs puis de ceux qui ont conçu le projet initial. La Cour suprême, qui a étendu ça pour des souffrances mentales, ça ne devait pas être dans l'idée des législateurs, en partant, ça. Le Protocole de Groningen, qui est arrivé deux ans plus tard... je ne sais pas, là, si vous avez déjà dans la tête qu'on va vouloir euthanasier des enfants. J'ai l'impression que non, mais ça va être hors du contrôle des législateurs. Donc, le fait... juste le fait historique de ce qui s'est passé au point de vue de la législation, c'est que l'exception s'est étendue. Et jusqu'où ça va se rendre? En 2010, il y a eu une pétition en Hollande pour que les gens au-dessus de 70 ans puissent demander le droit, juste ça, parce qu'ils sont tannés de vivre. Bien là, à quel... On a déjà dit oui à tant d'autres. Est-ce qu'ils vont dire non à ceux-là? Ils l'ont déjà accordé pour une dame de 50 ans. C'étaient seulement des souffrances mentales.

Alors, je pense que ce que l'on voit, ce que l'on a vu se passer en Hollande, l'exception... je pense qu'on est naïf de croire qu'on peut garder ça à l'exception.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Merci beaucoup. J'ai lu votre mémoire avec beaucoup d'attention. Il est très annoté, d'ailleurs.

Vous avez dit quelque chose qui m'a frappée et qu'on entend souvent. C'est le fait que, si on ouvrait la porte pour accorder la possibilité de l'euthanasie à certaines personnes, on en reviendrait à porter un jugement sur les personnes qui ont la même condition mais qui ne veulent pas mourir. Et les gens qui ont un point de vue différent du vôtre ont une opinion différente évidemment parce qu'eux autres, ils estiment que ce qui doit primer dans tout ça, c'est le regard de la personne sur elle-même, sur sa qualité de vie, ce qui, selon elle, est acceptable comme souffrance, comme douleur et que leur jugement, puisqu'ils sont dans une conception relative des choses, ne fait pas que ça enlève de la valeur à la personne d'à côté.

Puis je voudrais juste pousser ce raisonnement-là parce que c'est quelque chose qui nous a été soumis une fois, puis on est plus en fin de processus des consultations, ça fait qu'on a été très alimentés. Est-ce que vous pensez... Je reviens à l'idée de refus de traitement, puis on comprend qu'il peut y avoir une différence d'intentions. Mais est-ce qu'une personne qui, par exemple, refuse une transfusion sanguine... puis la mort va s'ensuivre... ou une autre qui refuse un traitement pour traiter son cancer parce qu'elle ne veut rien savoir puis elle dit... Est-ce que, du fait qu'en fait la mort va être provoquée beaucoup plus rapidement que si elle avait pris les traitements, elle est en train de porter un jugement ou est-ce que, comme société, on devrait estimer que son refus de traitement entraîne un jugement sur les personnes à côté qui, elles, décident de se battre pour vivre? Est-ce qu'elle est en train de dévaloriser la vie?

Vous comprenez un peu dans quelle optique je m'enligne. Parce qu'on a consacré ce principe-là, j'en ai parlé ce matin, de l'autonomie de la personne, très, très fortement dans notre droit. Et je ne pense pas qu'on estime qu'on est en train de dévaloriser la vie parce qu'une personne juge, en son âme et conscience, qu'elle ne veut pas de traitement, qu'elle ne veut pas de transfusion, même si la mort s'ensuit à très brève échéance. Pourquoi ce serait différent si une personne en fin de vie dit: Pour moi, c'est assez, les souffrances, je sais que ma mort est imminente et je veux donc que ça s'arrête maintenant?

Pourquoi ça, ça dévaluerait plus la vie que si quelqu'un refuse un traitement?

Mme Germain-Gagnon (Doris): O.K. Il y a plusieurs concepts ici. Bon, la question de refus de traitement, bien c'est laisser la nature prendre son cours. Donc, si la personne ne veut pas suivre de chimio, ça n'enlève pas à l'autre personne à côté qui a décidé de suivre la chimio... parce que c'est la nature qui suit son cours. On laisse la nature suivre son cours. Dans le cas de l'euthanasie, on demande: Faites une intervention pour que je meure plus rapidement. Dans le cas du refus de traitement, c'est: Non, je refuse une intervention, je refuse de prendre des médicaments ou je refuse la chirurgie que je vais avoir parce que je ne trouve pas que ça vaut la peine. Ce n'est pas la même chose.

Puis il y a un autre aspect aussi. J'essaie de me souvenir exactement la question, comment est-ce que vous l'aviez formulée un petit peu auparavant, mais...

Mme Hivon: L'autonomie, le jugement que la personne porte sur elle-même... que ça n'implique pas qu'elle porte ce jugement-là sur la personne à côté. Je ne sais pas si c'est à ça que vous voulez faire référence.

Mme Germain-Gagnon (Doris): Oui, c'est ça, ça semble... Donc, la question du refus de traitement, c'est de ne pas... ça n'implique pas de provoquer la mort. La question de l'euthanasie... Puis la personne... quand je disais que ça va dévaluer l'autre personne, c'est que, là: Faites quelque chose pour que je meure plus vite parce que, comme je me sens maintenant, comme je suis... l'état dans lequel je suis est invivable. Mais là il y a d'autres personnes qui sont dans cet état-là, qui ne sont pas nécessairement en train de mourir. Puis, si on parle de mort imminente...

Ah! Là, je viens de me souvenir de quoi je voulais vous demander. Parce que vous avez parlé de mort imminente puis de grandes souffrances. Bien là, si on parle de mort imminente et de grandes souffrances, bien c'est la sédation palliative qui serait la solution à ce problème-là. On s'occupe des souffrances de la personne, mais pourquoi? Puis on lui donne le confort autant que possible. Pourquoi est-ce qu'on devrait dire: Oui, on va te tuer tout de suite, on va te donner la mort tout de suite parce que tu dis que ton état ne vaut pas la peine... dans ton état, tu ne vaux pas la peine... ça ne vaut pas la peine de rester en vie? C'est ça, le jugement qui se porte.

Quand c'est un refus de traitement, on est juste en train de dire: Non, là, la chimio, la chirurgie, c'est trop, c'est un fardeau trop lourd à porter pour, disons, pour le résultat que ça va me donner. Mais, de l'autre cas, c'est hâter la mort. Ce n'est pas refuser un traitement qui va peut-être nous prolonger la vie, c'est hâter la mort. Il y a une différence entre les deux, prolonger la vie et hâter la mort.

Mme Hivon: Ça, c'est certain. Moi, je vous parlais plus sur la question de la valeur de la vie, mais j'ai compris votre message. Pour vous, on n'est pas en train d'enlever de la valeur à une personne à côté parce qu'il n'y a pas quelque chose d'intentionnel dans le refus de traitement.

Donc, je comprends votre point de vue. C'est sûr que, nous, puis mes collègues en ont fait part, vous comprenez, on reçoit énormément de témoignages de personnes qui, ou bien elles-mêmes ou bien des proches, ont été aux prises avec une maladie dégénérative, et, par exemple, pour ces personnes-là, la sédation terminale n'est pas une option parce que ça, c'est une option qui est plus là pour les personnes, par exemple, en phase terminale de cancer où on sait qu'ils en ont pour quelques jours et que, là, c'est très, très difficile à vivre, donc on peut dire: On vous endort. Mais les gens qui ont, par exemple, la maladie de Lou Gehrig ou des maladies dégénératives très, très graves et qui perdent tranquillement toutes leurs facultés, qui savent que c'est incurable, qui savent que ça peut être six mois, que ça peut être un an et qui vivent dans un état où ils ne veulent pas se rendre à l'état où ils ne peuvent plus communiquer, ils ne peuvent plus rien faire, qui n'ont plus aucun contrôle sur leur vie, eux, ils sont venus nous voir -- pour plusieurs, je dois vous dire -- en nous lançant, comme ma collègue a dit, vraiment des cris du coeur. Et, nous, il faut se dire: Comme société, comment on répond?

Puis c'est pour ça que je vous pose cette question-là. Vous savez que notre position n'est pas simple. Ce n'est pas simple. Ça ne sera pas simple, le travail de rédiger un rapport, mais c'est pour ça que des fois on renvoie les questions. Comment on fait, nous, avec ces gens-là qui nous disent: Je comprends? Puis la majorité des gens vont vouloir... la vie est très forte, tout le monde le dit, ils vont vouloir vivre jusqu'à leur dernier souffle, même dans des conditions très, très difficiles, mais, moi, qui, par exemple, ai cette condition-là, je ne le sais pas comment je vais... peut-être que je vais vouloir vivre jusqu'à mon dernier souffle, mais je ne pense pas parce que déjà je trouve ça excessivement pénible, j'ai parlé avec ma famille, et tout ça.

Et ce qu'ils nous disent, c'est: Qu'est-ce qu'on va faire avec moi dans ces moments-là où, pour moi, par exemple, ça n'aura plus de sens et tout ce que je vais demander... toutes mes énergies vont être mises à demander qu'on abrège mes souffrances? Et qu'est-ce que...

Puis il y en a qui sont venus nous dire: Moi, mon proche, dans ses derniers temps, mettait toutes ses énergies à demander de mourir. Ma mère pesait 75 livres -- je ne parle pas de ma mère, je parle de la personne -- pesait 75 livres. Toutes ses énergies, elle les passait à nous demander de mourir, puis on lui disait: Bien, non, on ne peut pas. On est là, on tient la main, on fait tout ce qu'on peut, on essaie de donner un sens à ta journée. Mais pour cette personne-là ça n'avait plus de sens. Comment on fait pour répondre à ces cris de détresse là? On dit à ces gens-là: Pour le bien commun, il doit y avoir des gens qui souffrent et à qui on ne répond pas à ces cris d'alarme là, à ces cris de détresse là.

Est-ce que c'est ça, ultimement, la réponse pour ces cas-là qui vont vouloir qu'on abrège leur vie en fin de vie?

**(14 h 40)**

Mme Germain-Gagnon (Doris): Bien, premièrement, comme bien des gens en soins palliatifs, je pense qu'ils vous ont dit... quand on... pourquoi ne pas commencer par aller voir qu'est-ce qui nous... qu'est-ce qui manque à ce qu'on... qu'est-ce qui manque pour les aider à trouver ce sens-là, puis, même si, bon, ce n'est pas tout le monde qui se dit qu'ils vont trouver le sens, mais c'est une question d'avoir une maîtrise ou d'avoir un contrôle sur sa vie, bien, ou peut-être... en tout cas, c'est d'aller voir avec l'expertise des gens en soins palliatifs, par exemple, ou pas nécessairement en soins palliatifs.

Pour quelqu'un qui est dans une maladie dégénérative, ce n'est pas que tu veux te ramasser tout de suite à La Maison Mathieu Froment-Savoie, mais il y a peut-être des gens qui ne réalisent pas... bien, si tu as une chaise roulante qui est motorisée ou quelque chose comme ça, tu vas être beaucoup plus mobile, tu vas pouvoir continuer tes activités beaucoup plus longtemps. Il y a peut-être des gens qui ne réalisent pas ou il n'y a peut-être pas les ressources. Donc, il y a peut-être d'autres options qui n'ont pas été explorées. Donc, il y a cet aspect-là. Puis, de l'autre côté, à quel point est-ce que, nous, comme société, on dit: O.K., bien là c'est quand tu vas être rendu en chaise roulante qu'on va te dire oui ou c'est quand tu vas être rendu en chaise roulante mais que tu vas avoir perdu l'usage de tes bras qu'on va dire oui? Où est-ce qu'on va situer ça, comme société? À quel point, puis parce qu'à un moment donné il va falloir que ça soit balisé? Si la société décide de prendre cette voie-là, ça va être balisé. Mais là comment est-ce que ça va... comment, qui va déterminer... Premièrement, qui va déterminer quelles balises mettre?

Qui va déterminer qui tombe dans les critères et qui ne tombe pas dans les critères? Et puis ça, ça va avoir cet effet par ricochet sur les autres personnes. Est-ce qu'il va y avoir des gens, à la table, qui représentent les personnes handicapées, par exemple? Parce que, si on est en train de dire: Ah oui, vous, avec la sclérose en plaques, bien, quand vous allez être rendu à avoir perdu l'usage de vos bras et de vos jambes, là, maintenant, on va vous accorder... à ce point-là, on va vous accorder le droit d'avoir l'euthanasie. Donc, ça va avoir des répercussions sur des personnes handicapées lourdement.

Puis, moi, je ne peux pas concevoir qu'on va s'asseoir à une table puis qu'on va décider quels sont les critères qui vont faire qu'on juge qu'une vie ne vaut plus la peine d'être vécue, comme société.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette: Merci, M. le Président. Merci à madame pour votre éclairage. Je vous prends au mot. Votre dernière phrase... vous avez mentionné: Je ne peux pas concevoir. C'est vrai, lorsqu'une situation nous est inconnue, souvent c'est difficile de se concevoir ou de se voir dans la place d'une personne qui vit une réalité x. Vous avez dit: Dans certains cas, que ce soit un fauteuil roulant motorisé ou encore... d'autres appareils peuvent aider à accueillir une meilleure ou... c'est-à-dire, à obtenir une meilleure qualité de vie. Mais, dans certains cas, on a dépassé et bien loin ce stade-là.

Moi, j'ai en souvenir un témoignage passablement... et on y fait souvent référence ici, au niveau de la commission: un époux, avec deux enfants d'une dame aujourd'hui décédée, qui souffrait effectivement de la sclérose latérale amyotrophique. Et cette dame-là, au gré de sa maladie, a perdu à peu près tout contrôle de son corps, elle était à la veille littéralement d'être emprisonnée par son corps. Donc, ni le fauteuil motorisé ni quelconque autre appareil ne pouvait soulager ces effets pervers là de la maladie. Et il y a une question qui nous a été posée par un des enfants de la dame, que je garde en mémoire, et cet enfant-là nous a demandé, dans la mesure du possible, de la poser aux gens qui se présentaient à nous, c'est-à-dire: Est-ce que vous accepteriez de passer non seulement une semaine, mais des mois, sinon une année ou des années dans un corps pour lequel vous n'avez aucune, aucune emprise, c'est-à-dire aucun moyen de communiquer avec l'extérieur, ne serait-ce que le clignement des yeux, donc le corps devenu une réelle prison?

Est-ce que c'est un état dans lequel vous vous sentez capable? Est-ce que vous seriez en mesure d'assumer cette réalité-là?

Mme Germain-Gagnon (Doris): Certainement que j'espérerais l'être puis certainement que ça se ferait mieux avec un bon encadrement de la famille et du milieu professionnel de la santé.

Je ne suis pas en train de dire que ce serait... Ce n'est pas le party, certainement. Mais c'est que quand même la personne a de la dignité dans cet état-là. Et puis là ce qu'on est en train de dire, nous, comme société, c'est que: Oui, c'est ça, tu es juste capable de cligner des yeux, alors tu ne vois pas grand-chose. Mais cligner des yeux, c'est quand même... il y a quand même quelque chose, il y a quand même... Même si la personne en est réduite à ne même plus être capable de cligner des yeux, elle peut quand même recevoir la tendresse des autres. Et il y a des gens qui sont sortis d'un coma où ils pouvaient faire encore moins que cligner des yeux... sortis d'un coma, et ça, c'est une des références que je n'ai pas, mais il faudrait que je refasse ma recherche. Mais j'avais lu l'article d'un monsieur qui a duré une quinzaine années dans le coma, et puis il s'en est réveillé. Quelqu'un lui a demandé: Qu'est-ce qui vous a fait durer si longtemps? Comment avez-vous fait pour ne pas perdre espoir? Il dit: J'ai vu mes enfants grandir. Il ne voyait pas, il avait les yeux fermés, mais les enfants venaient le toucher, les enfants allaient le visiter, et il était témoin de voir ses enfants grandir, ils pouvaient les entendre. Alors, c'était assez pour lui. Puis ça, c'est profondément humain. Ça, c'est ça, être un être humain, c'est ça, être un père.

Puis je ne suis pas en train de dire: Il faut s'accrocher à la vie, coûte que coûte. Mais, quand on dit: Bien, oui, on va vous donner la piqûre, on est en train de passer à côté, là.

M. Charette: Dernière question, en ce qui me concerne: Est-ce que le débat que nous tenons aujourd'hui, à travers la présente question... commission, c'est-à-dire, selon vous, a une pertinence? Et quoi attendre d'une commission comme celle qui se présente aujourd'hui, là, en Outaouais?

Mme Germain-Gagnon (Doris): Il y a une pertinence dans la mesure où, nous, comme société, on ne fait pas simplement une réflexion sur, bon, qui est-ce qu'on... à qui est-ce qu'on devrait accorder ce droit-là... ce supposé droit là. Il va y avoir une pertinence dans la mesure où, nous, comme société, on prend conscience de l'importance que nous avons tous besoin de remplir notre devoir de solidarité envers le prochain. Nous avons tous besoin d'apprendre à nous arrêter, le temps de tenir la main, le temps d'apprécier une personne tout simplement pour qui elle est et pas juste pour qu'est-ce qu'elle est capable de faire pour nous, peu importe son âge, peu importent ses capacités physiques ou mentales.

Mme Hivon: Peut-être juste...

Le Président (M. Kelley): Un dernier commentaire. Mme la députée de Joliette.

**(14 h 50)**

Mme Hivon: Juste en terminant, parce que vous avez fort bien étayé toutes les notions de dignité dans votre mémoire et dans vos propos, et ça aussi, c'est... Quand on est à un niveau plus philosophique, on se pose aussi des questions. C'est quoi, la dignité? Quelle notion de dignité doit primer? Est-ce que c'est la dignité intrinsèque dans son accession première où la personne, du fait même qu'elle est humaine et digne, ou si c'est la deuxième?

Comme vous dites, vous, c'est plus l'estime de soi ou c'est plus une dignité qui est liée au regard que la personne porte sur elle-même. Et, ce matin, on a eu le témoignage de Mme Bilodeau, qui, elle, clairement adhérait plus à la deuxième notion de dignité. Et, je dois vous dire, tantôt vous avez mentionné les textes fondamentaux, et, moi, c'est quelque chose qui m'a frappée et sur quoi je me pose un peu de questions.

Dans la charte québécoise, on parle, et Mme Bilodeau l'a mentionné ce matin, que toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de honneur et de sa réputation. Et, moi, quand je le lis comme ça, j'ai l'impression qu'on est dans la deuxième conception, parce que, si on parle de sauvegarde de la dignité, ça veut dire que c'est quelque chose qu'on pourrait perdre. Parce que, si c'est intrinsèque, il n'y a pas de risque de devoir agir pour sauver quelque chose. Et donc je voulais juste soit vous entendre ou soit, si vous voulez nous... Parce que je sais que c'est quelque chose sur quoi vous avez réfléchi, la dignité.

Puis est-ce que vous partagez mon jugement à savoir que, dans notre charte québécoise, puisqu'on parle de sauvegarde de sa dignité, on serait plutôt dans la deuxième définition de la dignité, donc un peu la dignité étant vue du point de vue de la personne, là?

Mme Germain-Gagnon (Doris): O.K. Donc, bien, le concept, oui, de sauvegarde... Puis vous dites: Ça implique peut-être que la dignité peut être perdue. Qui jugera de ça? Si la dignité peut être perdue, qui va en être le juge? Parce que, du moment qu'on admet cette possibilité-là, bien là il va y en avoir qui vont dire: Bien là, cette personne-là n'a plus de dignité. Puis c'est là que le glissement vers l'euthanasie involontaire va se produire.

Mme Hivon: ...pour les personnes, eux, ils disent toujours que c'est leur jugement à eux sur leur dignité. Donc, ce n'est pas une tierce personne qui vient juger qui est digne et pas digne, là.

Mme Germain-Gagnon (Doris): Non, mais, si vous dites: Bien, soit que, comme... Soit qu'on s'écarte de cette notion de dignité intrinsèque ou qu'on la conserve. Si on s'en écarte pour faire place à la définition de dignité personnelle, c'est qu'en quelque part la dignité peut être perdue. Puis, si la dignité est perdue... plus de responsabilité à préserver la dignité de la personne, plus de responsabilité à défendre le droit à la vie, parce que c'est cette dignité-là qui nous oblige à respecter les droits de la personne. C'est cette dignité intrinsèque. Dès qu'on admet la possibilité que ça soit perdu, on ouvre la porte à des rapports de force dans notre société, des rapports de force où certains vont dire: Bon, oui, celle-là, elle a perdu sa dignité. Puis cette personne-là ne sera plus en mesure de se défendre... peut-être inconsciente ou je ne sais pas trop.

Mais on ne peut pas admettre, comme société, que la dignité d'une personne... que sa dignité intrinsèque peut être perdue. On ne peut pas ouvrir cette porte-là. Merci.

Le Président (M. Kelley): J'aimerais juste dire à Mme Germain-Gagnon: Merci beaucoup pour votre contribution à notre réflexion aujourd'hui.

On va suspendre quelques instants. Et, je pense, si j'ai bien compris, nos problèmes techniques sont toujours là. Alors, je vais demander à Dre Louise Villemure de prendre place à la table.

Alors, je vais suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 14 h 53)

 

(Reprise à 14 h 57)

Le Président (M. Kelley): Alors, la commission reprend ses travaux, Notre prochain témoin, c'est Dre Louise Villemure. Alors, sans plus tarder, Dre Villemure, la parole est à vous.

Mme Louise Villemure

Mme Villemure (Louise): Alors, si vous permettez, je vais lire mon mémoire, quitte à commenter en cours de route.

Alors, je me présente, je suis Louise Villemure, médecin de famille depuis maintenant 25 ans en pratique rurale dans l'Outaouais. J'oeuvre maintenant depuis 14 ans au sein de l'équipe de soins de longue durée du Centre hospitalier de Buckingham, auprès des personnes en perte d'autonomie. J'accompagne régulièrement des gens et leurs familles en fin de vie. Nous sommes également, depuis environ deux ans, avec une équipe à mettre sur pied un beau projet de maison en soins palliatifs en milieu rural, à Plaisance plus précisément, qui desservira toute la MRC de Papineau. Il s'agit de la résidence Le Monarque dont j'assume présentement la vice-présidence.

C'est un besoin criant, essentiel, des maisons en soins palliatifs au Québec, et pourtant nous rencontrons beaucoup de difficultés. Les maisons de soins palliatifs au Québec fonctionnent presque essentiellement à partir de dons. La faible contribution gouvernementale est loin de suffire. Nous devons voir à assurer le fonctionnement, ce qui est énorme, et pourtant c'est un besoin essentiel. Comme vous le savez, une maison en soins palliatifs offre un accompagnement de fin de vie, autant physique, psychologique que spirituel, afin de permettre à des gens de mourir dignement. J'ai donc beaucoup de difficultés à entendre parler d'euthanasie et de suicide assisté.

Je suis croyante et pratiquante. La vie, pour moi, est sacrée. La vie est un don de Dieu. C'est lui qui la donne et c'est lui qui la reprend. Elle est comme un trésor précieux qu'il nous confie, et nous devons en prendre grand soin. Nous n'avons aucun droit d'en disposer à notre guise.

**(15 heures)**

Si vous me permettez de faire une petite parenthèse, j'aimerais vous partager comment je suis très peinée de constater combien nous avons tendance à oublier ce Dieu créateur, ce Dieu créateur et Père qui nous aime. Oui, nous sommes ses enfants, nous avons du prix à ses yeux, et il nous aime. Il a tatoué chacun notre nom dans la paume de sa main. Il n'aime pas nous voir souffrir, ses entrailles de mère sont déchirées. Il voudrait pouvoir partager cela avec nous, mais nous l'avons mis de côté, abandonné pour tenter de faire notre vie tout seuls. Il n'attend pourtant qu'un pas de notre part vers lui pour accourir vers nous et nous prendre dans ses bras à nouveau, nous porter dans l'épreuve et nous réconforter. Il vit, il traverse l'épreuve avec nous. Nous ne sommes jamais seuls. Simplement de savoir cela est tellement réconfortant. Et, même si nous n'avons pas toujours été fidèles, lui, il est resté fidèle et ne nous abandonnera jamais. Là où nous ne pouvons plus rien faire, où nous perdons tout contrôle, lui peut encore faire quelque chose. Il suffit de nous abandonner à lui avec confiance, et nous serons en mesure de passer à travers les pires épreuves, dont celles de la maladie, de la perte d'autonomie, de la fin de vie et de la mort, dans la sérénité.

N'oublions pas que Jésus a souffert beaucoup lui aussi, et il est allé jusqu'à donner sa vie pour nous et il continue encore aujourd'hui à porter notre croix avec nous. Jésus a dit: «Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos.» Fin de ma parenthèse.

Chez les gens en fin de vie ou souffrant d'une maladie chronique ou avec un handicap, la souffrance est bien souvent un mélange de souffrance physique, psychologique ou morale. La souffrance n'a pas sa raison d'être, mais nous pouvons y donner un sens. Elle peut être apaisée, soulagée, partagée.

En médecine, nous possédons un arsenal thérapeutique pour soulager les symptômes physiques comme la douleur, l'essoufflement, l'anxiété. Nous avons même des protocoles d'urgence en cas de détresse respiratoire aiguë, d'hémorragie aiguë et de douleur sévère non contrôlable et nous avons aussi des protocoles de sédation palliative. Pour les douleurs psychologiques comme l'anxiété et la dépression, nous avons également un bon arsenal, mais ce qui est le plus important, c'est l'écoute, avoir une oreille attentive pour celui qui souffre, avoir de la compassion. Nous retrouvons ces oreilles attentives en la personne du travailleur social, de la psychologue, des infirmières, des médecins et des bénévoles qui accompagnent les gens qui souffrent et leurs familles. L'accompagnement spirituel, quant à lui, se fait dans le respect de chaque religion par l'entremise du prêtre, du pasteur ou du directeur spirituel.

Je veux juste faire une petite parenthèse. Quand on parle d'accompagnement, je sais qu'il y en a qui ne sont pas croyants, je prie d'ailleurs pour ces gens-là, parce que c'est... quand on n'a pas la foi, c'est tellement plus difficile de passer à travers toutes ces souffrances, mais on a juste l'exemple de mère Teresa. Mère Teresa, elle avait un mouroir où elle accueillait les gens. Elle faisait simplement les accompagner. Il n'était pas question de religion aucunement, mais juste la présence, c'était tellement rassurant et réconfortant. J'ai réalisé récemment avec des témoignages de gens que ce qui fait le plus souffrir et ce dont les gens ont le plus peur et ne peuvent envisager est la perte d'autonomie. Les gens n'aiment pas se sentir diminués, perdre le contrôle de leur vie, dépendre des autres. Ils se sentent pesants pour leur entourage. Ils se sentent inutiles à la société. Les accompagner peut permettre de leur faire voir ce qu'ils peuvent encore faire avec leurs nouvelles limites et comment ils demeurent importants.

Chaque être humain apporte quelque chose à notre société, et ce, indépendamment de son handicap, de son âge et à toutes les étapes de sa vie, ne serait-ce que par la compassion qu'il éveille dans notre humanité, qui a tendance à être déshumanisée. Chacun a un rôle à jouer, une mission, et ce, aux différentes étapes de sa vie et jusqu'à la fin.

Il est certain que nous ne pourrons jamais enrayer complètement la souffrance. Comme le disait le Dr Joseph Ayoub dans son livre: Guérir parfois, soulager souvent, réconforter toujours. Les gens qui souffrent ont besoin avant tout de compassion et de réconfort et qu'on les aide à donner un sens à cette souffrance qui n'en a pas. Soyons clairs, il ne s'agit pas d'essayer de trouver un sens à la souffrance, car il n'y en a pas, mais il s'agit bien de lui donner un sens, par exemple, en l'offrant pour quelqu'un de notre entourage qui vit quelque chose de difficile ou qui souffre également. Et notre souffrance en est transformée. Essayez et vous verrez.

De par mon expérience, je suis persuadée que, si nous savons bien accompagner les personnes souffrantes en fin de vie, ou ayant un handicap, ou souffrant d'une maladie chronique débilitante et si nous avons les ressources nécessaires pour le faire, nous n'aurons pas de demande pour abréger leurs souffrances et mettre un terme prématurément à leur vie. Dans mon expérience personnelle, je n'ai jamais eu de demande en ce sens. Il faut cependant que les gens consentent à demander de l'aide au lieu de s'acharner à tout faire tout seuls.

Nous avons tous besoin les uns des autres et de Dieu. Nous ne pouvons pas y parvenir seuls.

Permettre aux gens de mourir dans la dignité, pour moi, ce n'est pas par l'euthanasie ou le suicide assisté, c'est plutôt de bien accompagner physiquement, psychologiquement et spirituellement les gens afin de leur apporter une qualité de vie qui leur permettra de vivre leur vie jusqu'au bout, comme nous l'a si bien témoigné notre regretté pape Jean-Paul II, d'attendre que vienne la mort à son heure, comme le dit si bien le Dr Gilles Voyer dans son livre. L'euthanasie et le suicide assisté sont contraires à nos valeurs de promouvoir la vie et seraient catastrophiques pour l'avenir de notre humanité. Alors, pour moi, l'euthanasie et le suicide assisté n'ont aucune place dans notre société.

Au nom de tous les gens souffrants, âgés, en perte d'autonomie, en fin de vie, je prie le gouvernement de faire tout ce qui est en son pouvoir pour débloquer les fonds nécessaires au développement des ressources essentielles à l'accompagnement de tous ces gens et leur permettre de mourir dans la dignité en vivant leur vie jusqu'au bout.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Dre Villemure. On va passer maintenant à la période d'échange avec les membres de la commission, et je suis prêt à céder la parole à Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Je veux juste vous dire: Il fait des blagues, parce que ce matin il m'a présentée comme la députée de Gatineau, puis je lui ai dit: Non, M. le Président, c'est Hull. Alors, c'est pour ça qu'il me fait cette blague-là.

Le Président (M. Kelley): Leçon apprise, alors...

Mme Gaudreault: Alors, merci beaucoup, Dre Villemure, d'être ici, parmi nous, parce que vous savez que les médecins ont une grande place dans le débat sur l'euthanasie et le suicide assisté.

On a reçu les ordres professionnels, le Collège des médecins parce qu'avant les auditions publiques on a rencontré une série d'experts qui sont venus nous préparer à cette commission. On a rencontré des médecins, on a rencontré des auteurs, des philosophes, une panoplie d'experts qui sont venus nous parler de ce que c'est, l'euthanasie, et le suicide assisté, parce que, vous, les médecins, vous côtoyez la mort, vous côtoyez la vie. Nous, on est occupés à vivre la nôtre et puis souvent on ne vit pas ce que d'autres personnes vivent. Alors, c'est pour ça que c'est important de vous entendre. Puis on a toujours un grand plaisir à questionner les médecins parce que vous êtes partie prenante dans ce débat-là.

Vous avez parlé de beaucoup de choses dans votre témoignage. Vous avez parlé qu'on n'est jamais seul. Pourtant, moi, je pense que, lorsqu'on... Ça, c'est mon opinion bien personnelle. Des fois, j'ose en parler. Quand on a une grave maladie comme la maladie de Lou Gehrig, je pense qu'on doit se sentir seul des bouts, là, parce que c'est vraiment un diagnostic fatal. Puis c'est fulgurant, vous savez, la perte d'autonomie. Je n'ai pas besoin de vous l'expliquer, vous êtes médecin. Alors, la solitude, dans cette condition médicale là, doit se faire sentir de temps en temps. Et puis là il y a toutes sortes de dispositions. Il y a l'arrêt de traitement puis à son opposé il y a l'acharnement thérapeutique. Les médecins, vous êtes confrontés à ça très souvent, parce que, quand vous dites qu'il faut donner un sens à la souffrance, je mets ça en opposition avec l'acharnement thérapeutique puis des fois je ne comprends pas ce qui motive les médecins à vouloir repousser les limites de la maladie toujours plus loin, parce que les avancées pharmacologiques font en sorte que, les maladies, les gens agonisent plus longtemps, finalement. On ne réussit pas à les guérir quand ils ont un diagnostic de fin de vie, parce que, la maladie, il y a certaines maladies dégénératives qui font que tu ne t'en sors jamais.

Et vous avez parlé d'arsenal tantôt. C'est un mot qui me fait toujours frémir, même dans le domaine médical.

Mais je veux savoir: Vous, là, Mme Villemure... On en a parlé beaucoup dans les autres villes, peut-être pas encore ici beaucoup, le testament de vie, parce qu'on n'est pas seul, on a notre médecin quand on a une maladie, peu importe ce que c'est, puis on en parle avec lui. Vous, s'il y a quelqu'un qui arrive devant vous avec un testament de vie puis qui dit: Moi, là, je ne veux pas que vous me fassiez ça, je ne veux pas ça non plus, je veux un arrêt de traitement si ça ici, ça arrive, vous, est-ce que vous allez le respecter, même si, dans votre for intérieur, c'est important, le sens sacré de la vie, puis il faut préserver ça?

Puis là, je pense qu'on l'a dit tantôt, les médecins, ce sont des humains. Alors, votre opinion à vous est en opposé avec celle du patient qui est assis devant vous. Comment vous recevez ça, quelqu'un qui ne veut pas continuer?

**(15 h 10)**

Mme Villemure (Louise): ...vous parliez d'acharnement. Moi, je travaille en soins de longue durée et je suis contre l'acharnement. Et j'ai beaucoup de gens justement qui, à un moment donné, bon, arrêtent de manger, ne veulent plus prendre leurs médicaments et je respecte ça.

Moi, je ne fais aucun acharnement. Quand je parle d'arsenal, c'est pour dire qu'on a ce qu'il faut pour soulager. Les médicaments, ce n'est pas pour prolonger, il faut faire bien attention, là. Quand je parlais d'arsenal... c'est pour soulager, parce que les médicaments qui pourraient prolonger, je veux dire, ça pourrait être comme, mettons, donner des antibiotiques à quelqu'un qui est en fin de vie. Bon, là, tu sais... Mais les médicaments que je parle dans l'arsenal, c'est vraiment comme la morphine, l'Ativan, la scopolamine. C'est des médicaments, une panoplie de médicaments mais qui vont pour soulager toutes les souffrances et non pas s'acharner. Et, des gens avec testament de vie, je veux dire, quand on est en longue durée, on en a. Puis, comme je vous dis, moi, je respecte ça. Mais seulement il y a une différence entre s'acharner et hâter la mort, la provoquer. Moi, je vais vous dire que j'ai accompagné dernièrement quelqu'un à domicile, puis on était rendus avec des doses immenses, des doses de cheval, comme on dirait, là, de morphine, et tout ça, puis le monsieur, il ne partait pas, là. Ce n'était pas pour le faire partir, de toute façon, c'était pour le soulager.

Ça fait que cet arsenal-là est vraiment pour soulager, pour accompagner, parce que je crois que, si quelqu'un n'est pas soulagé, il ne pourra pas facilement partir, faire le saut de l'autre côté.

Alors, moi, le testament de vie, je suis bien d'accord avec ça, mais, comme je vous dis, entre: Moi, je veux que vous me donniez la mort ou, moi, je veux que, bon... je veux que, quand je serai rendu à tel état, là, vous me respectiez puis vous me laissiez partir, ça, je n'ai pas de problème avec ça, ce n'est pas la même chose, pour moi.

Mme Gaudreault: Petite question. Des fois, je me dis que les personnes qui ont des diagnostics de maladie dégénérative puis qui ne peuvent pas faire un arrêt de traitement... Comme, quelqu'un qui est sous respirateur, lui, il peut décider: Bon, j'en ai assez, on retire le respirateur, puis il meurt. Mais il y a des personnes qui n'ont aucun moyen d'abréger leurs souffrances de cette façon-là, ils doivent vivre leur agonie jusqu'à la fin, et c'est à ces personnes-là que je pense quand on parle de légaliser le suicide assisté. Ces gens-là n'ont aucune avenue. C'est ces gens-là qu'on a mentionnés tout à l'heure, qui sont venus nous voir pour nous dire: Écoutez, c'est vrai qu'on est des cas exceptionnels, ce n'est vraiment pas la majorité des gens.

Mais tous ceux qui en ont côtoyé puis ceux qui vivent avec cette maladie-là, qui sont venus nous voir, sont très touchants puis sont très convaincants dans leur volonté de vouloir aussi avoir un pouvoir sur la fin de leur vie.

Mme Villemure (Louise): Quand vous parliez tantôt qu'il y a des gens qui ne peuvent pas le dire, qui ne peuvent pas le faire, mais on peut quand même... c'est par la famille, à ce moment-là, qu'on passe, par les proches. Nous, on va faire des rencontres à savoir est-ce qu'on le débranche ou pas, justement. Mais, moi, ça ne m'est jamais arrivé parce que je ne travaille pas dans les soins actifs, je travaille dans les soins de longue durée. Mais je peux vous dire qu'on avait quelqu'un qui avait un soluté, à un moment donné, qui était dans le coma mais qui était maintenu en vie, puis, à un moment donné, on s'est dit: Qu'est-ce qu'on fait? Parce qu'il était dû pour rechanger le cathéter. On a dit: Qu'est-ce qu'on fait? Alors, on rencontre la famille puis on demande toujours, nous, qu'est-ce que la famille... Qu'est-ce que la personne vous a parlé de son vivant? Qu'est-ce que... Quand elle était bien, qu'est-ce qu'elle désirait? Est-ce qu'elle désirait de l'acharnement ou pas d'acharnement, puis ces choses-là?

Puis on discute en groupe, on discute avec la famille. Et cette fois-là on avait décidé de débrancher le monsieur. Et c'était un monsieur qui était quand même jeune. Et puis j'avais déjà vu, moi, quelqu'un qui était en phase terminale d'un cancer, un monsieur âgé qui avait toffé 10 jours sans manger ni boire parce qu'il y avait quelque chose... il y avait quelqu'un qu'il n'avait pas vu, il y a quelque chose qui n'était pas réglé, bon, puis il avait quand même des reins qui ne fonctionnaient pas bien. Mais là je vous parle d'un jeune monsieur qui est dans le coma, qu'on décide de débrancher, et en dedans de même pas 24 heures il est parti. Et, en rentrant dans la chambre, je me rappelle m'être dit: Mon Dieu, j'espère que c'est ça que vous désiriez. Et, en rentrant dans la chambre, il était décédé. C'est parce que c'est ça qu'il attendait.

Mais ça, c'est des choses qu'on peut discuter avec la famille, qu'on... Si eux autres ne peuvent pas le dire, il y a du non-verbal aussi, nos équipes ont beaucoup de non-verbal où on va voir un petit peu, là, si les gens sont souffrants, si les gens... un peu qu'est-ce qu'ils... En tout cas, c'est des rencontres d'équipe puis des discussions avec la famille. Puis ça, on l'a fait, puis je suis bien à l'aise avec ça.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Charbonneau: Bonjour. Une courte question, une courte question parce que vous avez eu le courage de deux choses. Un, en tant que médecin, vous êtes venue vous prononcer à la table. Il y a beaucoup de gens qui choisissent de ne pas le faire. Deux, vous assumez très, très bien votre croyance, et ça, ça prend du courage dans ces temps modernes où s'afficher catholique, protestant, musulman, ce n'est pas populaire.

Donc, merci, merci de vos témoignages, mais je vais utiliser votre courage puis voir si on ne peut pas l'étirer encore un peu. Vous avez une croyance, et, quand vous me parlez, à moi, ma perception, je vous crois, je vous entends. En tant que médecin pratiquante, vous le dites vous-même, vous pouvez même rentrer dans une pièce où vous avez pris des décisions puis, dans votre for intérieur, vous dire: Mon Dieu, j'espère que c'est ce que vous souhaitiez. Se pourrait-il que, dans un moment important où quelqu'un vous demande quelque chose qui va peut-être à l'encontre de votre croyance, vous soyez obligée de prendre du recul et vous demander si vous êtes capable d'aller aussi loin malgré votre croyance? Je vous pose la question parce qu'on l'a dit un peu plus tôt, on est tous des humains, et les médecins aussi.

Et de ce fait, dans le quotidien d'un médecin qui a des croyances, des valeurs, des façons de voir, il peut y avoir une influence. Je veux juste savoir dans les termes clairs: Est-ce que votre croyance vous influence dans votre pratique au quotidien?

Mme Villemure (Louise): Oui, c'est certain. C'est certain parce que je vis de ça. Je peux vous dire, je n'ai jamais été confrontée à une situation où j'aurais pu vraiment reculer puis dire: Bon, bien ma croyance est ébranlée, puis je vais changer ça.

Ce n'est pas arrivé. Je peux vous raconter ce que j'ai dit à certains journalistes, que j'ai un patient qui, à un moment donné, souffrait de sclérose en plaques, n'acceptait pas sa condition, puis il était très aigri contre tout le monde. Puis je suis rentrée dans sa chambre, puis il m'a demandé une injection létale. Je lui ai dit: Je ne fais pas ça. Il dit: C'est contre vos croyances? J'ai dit: Oui, c'est contre mes croyances. Puis il m'a dit: Bien, vous tuez bien des mouches. J'ai dit: Non, même pas, je les mets dehors, moi, les mouches. Ça fait que c'est pour ça.

Comme je vous dis, moi, si je vois quelqu'un, je vais plutôt essayer de l'aider... de les accompagner, comme je vous disais, psychologiquement, là, les faire cheminer. Ce monsieur-là, je lui ai dit ça puis j'ai prié pour lui. Puis par la suite, bon, l'équipe a continué à s'occuper de lui comme on le faisait d'habitude. Puis, au cours des semaines, des mois qui ont suivi, le monsieur a changé son attitude. Et c'était un monsieur qui m'avait demandé la mort. Et c'était un monsieur qui, à un moment donné, a fait... il était en train de rupturer un anévrisme de l'aorte, et on s'est dit: Bien, il voulait mourir, probablement qu'il ne veut pas avoir jusqu'à l'opération... Non, non, il voulait aller jusqu'à l'opération. Il est allé jusqu'à la chirurgie, il est revenu puis il a eu à peu près une couple de bonnes années après. Puis il s'est rapproché de sa famille. Ça lui a permis ça.

Ça fait que tout le monde peut changer d'idée en cours de route s'ils sont bien accompagnés. De donner du réconfort, comme je vous disais, juste une présence, du réconfort, ça peut faire changer l'attitude des gens. Ça peut les faire voir clair, les faire cheminer vers autre chose.

**(15 h 20)**

Mme Charbonneau: J'ai encore quelques minutes, donc j'étire la sauce un peu.

Vous êtes médecin. Vous avez affirmé qu'on a fait des grands pas de géant en médecine, et on peut maintenant affirmer que, la douleur, jusqu'à un... je vais utiliser mon vocabulaire à moi, là, jusqu'à un certain point, on peut la soulager.

Il arrive un moment dans la vie d'un patient -- c'est rare, mais ça arrive -- où, là, la douleur est trop forte. J'utilise souvent l'exemple des grands brûlés. Quand on a un grand brûlé puis qu'il est passé... malheureusement son corps est passé à 90 % de dommages, on le met dans un coma et on essaie de le traiter le mieux possible parce que la douleur est trop grande si jamais il est conscient de tout ce qui se passe. On fait aussi la même chose, jusqu'à un certain point, en fin de vie, où on met quelqu'un... on l'endort pour soulager la douleur, avec peut-être une précision avant de l'endormir que peut-être il ne se réveillera pas, peut-être qu'éventuellement on va passer à une autre étape.

Il y a des gens qui sont venus nous voir puis qui ont dit: Bien, moi, je ne veux pas attendre, moi, si je souffre, j'aimerais bien qu'on puisse m'offrir le fait qu'on m'endort et qu'on m'offre le privilège de faire le ménage de ma vie, hein, de récupérer mes membres de ma famille, faire mes messages, régler mes comptes et puis qu'on m'endorme et puis que finalement je ne me réveille pas. C'est une volonté parce qu'on vient de lui annoncer qu'il lui reste peut-être deux mois, peut-être trois, maximum, puis la personne aimerait bien faire ça avec toute sa tête. Puis, bon, dans ce même contexte-là, on a beaucoup entendu parler du double effet, hein, on veut atténuer la douleur, mais par contre ça vient tuer le coeur. Puis, bon, donc, en tant que médecin... bien, le principe du double effet, je suis sûre qu'il y a quelqu'un qui peut le récupérer après, mais vous pourrez probablement vous pencher dessus. Mais le principe même qui fait qu'une personne pourrait avoir ce droit-là, en tant que médecin, là, parce que je pourrais m'adresser à la femme croyante que vous êtes, mais je vais m'adresser au médecin, même si c'est indissociable, et je l'ai compris...

Mais, si, un patient, qu'il lui reste... les jours sont comptés, et tout, et tout, puis il vous parle de cette mesure-là puis il essaie de vous convaincre de cette possibilité-là, vous en pensez quoi, de cette possibilité-là?

Mme Villemure (Louise): De quelle possibilité, exactement?

Mme Charbonneau: De la possibilité qu'on puisse, au moment où il a encore toute sa tête, peut-être à quelques semaines avant que sa mort assurée arrive, puisque vous êtes médecin puis vous lui avez dit: Bon, bien, regarde, là, tu es en maison de soins palliatifs... Normalement, tu rentres ici quand il te reste, à peu près, entre 17 et 20 jours. Tu me dis que tu veux être ici une semaine parce que... parce que toutes les raisons sont bonnes pour le patient.

Mme Villemure (Louise): ...sa mort, finalement.

Mme Charbonneau: Oui. Bien, dans le fond, ce qu'il vous dit, c'est: Endormez-moi puis ne me réveillez pas. Il ne vous demande pas la mort, mais vous avez compris que c'est exactement ce qu'il dit.

Mme Villemure (Louise): Moi, je ne serais pas capable de le faire. Je pense que j'essaierais de l'accompagner du mieux que je peux.

Je peux juste vous dire une chose aussi: C'est certain que les gens... bon, il arrive un moment donné où, comme je vous disais, le patient tantôt... des doses de cheval pour le soulager, on essaie autant que possible de les laisser conscients le plus possible pour qu'ils règlent leurs choses, ils ont des choses à régler avant de partir, qu'ils voient leur monde, mais, à un moment donné, on n'a pas le choix, il faut soulager la douleur. Puis ils sont endormis. Puis là, là, ils ne se réveilleront pas, là.

Mais, pendant ce temps-là, moi, ce qui va être important, c'est de contrôler la douleur. Puis, pendant ce temps-là, je peux vous dire qu'on peut continuer à les faire cheminer. Ces gens-là, dans l'état de coma où ils sont, de sommeil, ils sont comme des éponges, moi, je dis. C'est que quelqu'un peut lui dire: Tu peux partir, tu vas être bien, vas-y. Mais, si la personne le dit, mais la personne n'est pas prête à laisser partir cette personne-là, la personne ne partira pas. Tout ça pour vous dire que, même dans cet état de coma là, il y a un cheminement qui se fait chez cette personne-là. On essaie de le lui faire faire le plus possible avant de lui donner trop des grosses doses pour l'endormir, mais le cheminement continue.

Mais, moi, je ne serais pas capable de dire: Bien, O.K., je vous endors pour ne pas que vous... Non. Pour enlever la douleur, oui. Puis ça se peut que je sois obligée de donner des doses pour l'endormir pour enlever la douleur, mais pas juste parce qu'il ne veut pas vivre ce qu'il a à vivre mais parce que je veux le soulager, oui, mais pas juste pour l'endormir pour ne pas qu'il ait à souffrir.

Mme Charbonneau: Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette: Merci, M. le Président. Dre Villemure, ce fut également un plaisir de vous entendre avec des propos aussi qui sont éclairants, qui reflètent bien votre position.

Et j'ai une question fort simple dans un premier temps: Quelle est la place, au niveau de la médecine, de la conscience justement de ses pratiquants? Moi, la définition que je me fais ou l'image que je me fais de la médecine, c'est plutôt un monde très, très objectif où la science prime. Mais quelle est la place de la conscience de chacun dans la pratique de la médecine?

Mme Villemure (Louise): Je trouve de plus en plus, malheureusement, comme je disais un petit peu, là... la compassion est laissée pour compte un petit peu, je trouve. Je trouve ça malheureux de voir des jeunes médecins... pas tous, là, mais certains jeunes médecins traiter davantage les résultats de laboratoire que les personnes qui sont devant eux.

J'ai eu l'expérience avec ma mère qui était venue à l'urgence pour une diverticulite, que le médecin la veille avait dit: Ça ressemble à être vraiment une diverticulite, on va faire juste un scan pour être sûr qu'il n'y a pas autre chose. Et le lendemain on vient pour un scan et on repasse à l'urgence, et le médecin dit... sans l'examiner, il dit: Ah, il n'y a rien au scan. Je ne peux pas vous donner d'antibiotique, il n'y a rien au scan. Ça fait que je trouve qu'on a perdu ça. Effectivement, c'est peut-être un peu plus scientifique, un peu plus... ce n'est pas autant... Je pense que la relation patient-médecin est laissée un peu pour compte. Il faut dire qu'on est en pénurie, on doit courir, on n'a pas beaucoup de temps pour voir les patients, mais je pense que, ce côté-là, le contact avec les gens, il ne faut pas le perdre. Il ne faut pas que ça se perde. C'est tellement important. C'est les trois quarts de l'entrevue.

Moi, je vais aller examiner un patient, mais je vais d'abord le questionner, puis je vais lui parler, puis je vais savoir qu'est-ce qu'il a avant même de l'avoir examiné. Ce n'est pas selon ses résultats, c'est vraiment... Le contact humain, le contact avec les gens, là, il ne faut pas que ça se perde. Il faut vraiment... Il faudrait vraiment que ça se conserve. Puis je trouve ça malheureux de voir que ça commence à se perdre.

M. Charette: Et c'est certainement une valeur que nous devons avoir en tête. Mais, dites-moi, s'il y avait un geste médical qui était légal, qui était possible mais qui serait contre... Et on parle, je parle... je m'adresse à vous plus spécifiquement. Si c'était contre votre conscience, malgré le fait que ce soit légal, est-ce que vous vous sentiriez en droit de refuser de le pratiquer?

Mme Villemure (Louise): Oui.

M. Charette: Et j'ai en tête, et parce que ça nous a été à plusieurs reprises cité comme exemple... L'avortement, au Québec et au Canada, est légal depuis plusieurs années. À ma connaissance, ce n'est pas une contrainte en ce sens que le médecin qui se refuse de le pratiquer, cet acte médical là, a toujours la possibilité de le faire.

Donc, est-ce qu'on pourrait arriver à un système où, par exemple, l'euthanasie serait possible, mais sans que ce soit une contrainte pour le médecin? C'est-à-dire le médecin qui, pour des raisons de conscience ou de croyances religieuses ou pour des conceptions qui lui sont propres de la vie se refuserait... le patient ou la patiente aurait la possibilité de se référer à un médecin qui ne serait pas moins sensible, qui ne serait pas moins humain mais qui verrait dans l'acte un acte proprement médical pour accompagner la personne dans ses derniers moments.

Mme Villemure (Louise): Moi, je suis contre le fait, de toute façon. J'espère qu'on n'aura pas à vivre ça, parce que, jusqu'où ça va aller, je ne le sais pas. Comme je vous dis, moi, je suis contre ça, ça fait que... contre le suicide assisté puis l'euthanasie. Ça fait que j'aimerais que... je souhaite que ça ne devienne jamais légal au Québec.

M. Charette: Je vous posais en toute sincérité la question parce qu'on ressent chez vous une belle humanité, ce soin et ce souci de contact avec le patient, avec la patiente, mais je dois vous avouer que nous avons eu l'occasion, au cours des derniers mois, d'entendre des médecins qui exprimaient cette même humanité, ce même souhait sincère d'aider leurs patients ou leurs patientes mais qui, eux, voyaient en la pratique de l'euthanasie pas quelque chose d'enviable, pas quelque chose qu'ils aimaient pratiquer mais, pour reprendre le mot «arsenal», une possibilité supplémentaire à leur arc, en quelque sorte, et, bien honnêtement, je ne sentais pas moins d'humanité chez ces gens-là. Donc, reste à voir... Et ce que ces médecins-là en particulier nous laissaient entendre, c'est qu'il y a des gens pour qui on ne décèle pas de dépression, au contraire on décèle une très grande sérénité dans leur processus, mais pour qui toutes les avancées médicales des dernières années n'ont pas réussi à trouver d'apaisement.

Vous parliez aussi de contact avec des proches, la possibilité de régler des choses en dernier... dans les derniers jours de leur vie, et, moi, je dois vous avouer, on a souvent des souvenirs des témoignages que nous avons entendus. Moi, j'ai celui de Mme Gladu en tête, qui nous disait: Parlez-moi pas de régler des choses ou parlez-moi pas de faire la paix avec qui que ce soit, je suis en paix avec mes proches, je suis en paix avec moi-même, mais je suis rendue là dans mon cheminement parce que la science, la médecine n'apportent aucun réconfort à mon état.

Donc, il n'y a pas de dépression, il n'y a pas non plus de problèmes de santé mentale plus généraux, et les médecins qui seraient prêts à venir en aide à ces gens-là, à mon sens, me semblent accompagnés des mêmes bonnes intentions que vous, mais avec une conception de la vie peut-être différente.

**(15 h 30)**

Mme Villemure (Louise): Effectivement, pour moi, c'est une question plus de croyance effectivement, de foi, puis il y a... C'est certain que dans certains cas, comme vous dites, peut-être qu'il n'y a rien d'autre à faire, mais, moi, je me dis qu'il y a toujours quelque chose à faire, mais c'est parce qu'on n'a peut-être pas trouvé la bonne chose à faire pour les aider. Mais c'est ça. Moi, ma croyance... Non, je ne peux pas admettre ça. Puis en plus est-ce qu'il n'y aurait pas du dérapage à un moment donné? C'est toujours le danger.

C'est certain qu'il y a peut-être quelques personnes qui tiennent absolument à le faire, mais ça... Il y a des gens qui vont se suicider, puis on ne pourra pas rien faire.

M. Charette: Une dernière question, en ce qui me concerne. Et je respecte beaucoup et même reconnais effectivement une certaine valeur et un certain courage à exprimer ouvertement sa foi et je vous reconnais ce courage-là, mais on s'est fait aussi poser la question: Pourquoi les croyances des uns devraient être celles de tout le monde? En ce sens que vous avez un système de valeurs qui vous prémunit ou qui vous aide à affronter certaines difficultés, ça, c'est reconnu, la foi a certainement cette propriété-là, mais certains ont cette même force là sans avoir une croyance en l'au-delà.

Donc, pourquoi la croyance des autres doit être la croyance de tout le monde, en quelque sorte?

Mme Villemure (Louise): Ce n'est pas ce que je veux insinuer ou dire. C'est que le fait de croire à quelque chose peut nous aider à passer à travers de beaucoup de choses, que ce soit n'importe quelle croyance, n'importe quel dieu, mais d'avoir une croyance. Comme je disais tantôt, mère Teresa... il y avait plein de gens qui n'étaient pas croyants... ou de croyances différentes. Mais juste le fait d'accompagner quelqu'un, de montrer de la compassion, de montrer de l'amour, c'est énorme. Les gens, juste de voir les gens qui les aident, c'est déjà... -- comment je dirais bien ça, là? -- c'est déjà beaucoup.

Il n'y a pas une croyance en particulier, mais c'est de croire que quelqu'un... qu'il y a un être suprême aussi. Qu'est-ce qui fait qu'on est là? Qu'est-ce qui fait que tout existe autour de nous autres? Il faut se poser la question. Ça vient de quelque part, ça. Tu sais, ce n'est pas l'humain qui a inventé l'humain, là. Ça fait qu'il y a quelqu'un, il y a un être supérieur en quelque part qui a tout créé ça, puis je pense que c'est d'essayer d'en prendre conscience. Mais, que ce soit Dieu, que ce soit Jéhovah, que ce soit n'importe qui, Bouddha, juste de croire qu'il y a quelqu'un de plus grand qui peut être là pour nous soutenir.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Merci, madame. Je vais continuer un petit peu dans le même sens parce que, depuis le début de votre témoignage, vous faites montre de beaucoup d'humanité, de compassion, on perçoit très bien vos valeurs, des valeurs religieuses aussi auxquelles vous tenez et que vous affichez. Je le salue.

Maintenant, prenons un cas. Vous êtes face à une personne qui est en fin de vie, en fin de vie, qui a réglé ses problèmes, qui a vu sa famille, qui est très bien accompagnée, vous voyez la présence des gens autour d'elle, et tout ça, et qui... à un certain moment donné, même si vous avez tout tenté en utilisant l'arsenal thérapeutique dont vous parlez pour soulager la douleur, cette personne-là décide qu'elle ne veut plus continuer, question de douleur, question qu'elle n'a aucune qualité de vie, et, avant d'être en situation de sédation terminale ou autre, dit: Moi, je préfère mettre fin à mes jours. Et là elle n'a pas les mêmes valeurs religieuses que vous, ça peut être une personne qui est athée ou peu importe. Vous placez comment votre choix là-dedans?

Comment vous entendez cette personne-là qui veut autre chose qu'une sédation qui pourra l'amener vers la mort, mais dit: Bien, moi, tant qu'à être renfermée pendant trois jours, quatre jours, cinq jours dans le cadre d'une sédation terminale, je préfère que vous mettiez fin à mes jours, je suis prête pour ça, mes choses sont réglées? Comment vous réagissez?

Mme Villemure (Louise): Premièrement, je n'ai jamais rencontré de gens dans cette situation-là.

Et, moi, je persiste à dire que, si les gens sont bien accompagnés... qu'ils ne devraient pas... ça ne devrait même pas se poser, cette question-là. Il faut dire que je n'ai pas eu à rencontrer... Peut-être qu'à un moment donné je rencontrerai... Ça ne veut pas dire que ça n'existe pas. Mais, moi, je persiste à dire que, si on est capable de bien accompagner les gens, possiblement que ça n'arrivera pas, cette situation-là, ou, si ça arrive, bien, je vais essayer de les faire cheminer. Moi, ça serait ma façon de faire, j'essaierais de les faire cheminer.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Parce qu'il y a des gens qui viennent ici, qui nous rencontrent et qui disent: On connaît la pratique des soins palliatifs, on sait comment les gens sont engagés, veulent nous accompagner... la musique, l'environnement, la beauté des lieux, et tout ça, mais, moi, je ne veux pas ça, je connais ma maladie, je sais comment ça va se terminer et, le dernier bout de cette histoire-là, où je suis enfermé dans mon corps, où je n'ai plus de contact, mes affaires sont réglées avec tout mon beau monde autour de moi, je veux être capable de savoir comment je vais partir et dans quelles conditions.

Alors, peut-être que ça ne vous est pas arrivé, mais on a entendu des témoignages de cette nature-là ici, et c'est des gens qui disent: Si on n'est pas capables de convenir de tout ça... Il y a une madame de plus de 85 ans qui nous a dit: Moi, mes enfants sont bien au courant, et, si ça ne marche pas, je prendrai bien le moyen de mettre fin à mes jours. Est-ce qu'on veut en arriver là? Bien, c'est un point d'interrogation, et je vous le lance.

Mme Villemure (Louise): Disons qu'un cheminement, ça dure toute une vie. Ça fait qu'à n'importe quel moment dans la vie il y a toujours place à cheminer davantage.

Moi, personnellement, je trouverais ça très malheureux qu'une personne en arrive là. Je pense que je prierais pour elle, mais, je veux dire, je ne pourrais pas rien lui offrir à part un cheminement, comme je vous dis, parce que, même si elle dit que tout est réglé, les gens peuvent dire ça, mais les gens n'ont jamais fini de cheminer, on n'a jamais fini de cheminer. Ça fait que j'essaierais juste de la faire cheminer davantage.

Le Président (M. Kelley): Peut-être une dernière question. Vous avez mentionné dans votre mémoire le défi de lancer la résidence Le Monarque dans votre région, et un des mandats pour la commission, c'est de se pencher sur une meilleure organisation des soins palliatifs. Alors, avez-vous des leçons à tirer de votre expérience, à date, ou des messages quant à l'organisation des soins palliatifs dans votre région?

Mme Villemure (Louise): Disons que M. le ministre, d'ailleurs, dit que chaque CSSS devrait avoir un centre de soins palliatifs. Ici, il y a seulement Mathieu Froment, et, nous, c'est un milieu rural. On s'est rendu compte que les gens, probablement par rapport à la distance, ne voulaient pas aller nécessairement à Mathieu Froment, et en plus les gens de la campagne veulent souvent... aiment mieux aller mourir en campagne qu'aller mourir en ville.

Alors, je pense que c'est un besoin très criant, les soins palliatifs, dans notre Petite-Nation, dans la MRC de Papineau, là. Il y avait la Petite-Nation. Je pense que c'est un grand besoin.

Le Président (M. Kelley): Mais comment, plus pratiquement, l'organiser? Est-ce que c'est les soins palliatifs à la maison ou...

Mme Villemure (Louise): On vient de faire une offre d'achat sur un terrain pour bâtir une maison, là, avec six lits. C'est vraiment une résidence Le Monarque.

Le Président (M. Kelley): Et alors c'est ça, la vision?

Mme Villemure (Louise): Oui.

Le Président (M. Kelley): Mais d'avoir... plutôt que de toujours venir dans le grand centre, dans une région, d'essayer...

Mme Villemure (Louise): Oui.

Le Président (M. Kelley): Parce que nous avons rencontré les personnes à l'extérieur de Rimouski, parce qu'il y a une maison à Rimouski même, mais, plus loin, dans le Gaspé, c'est moins évident, les distances sont probablement même encore plus importantes.

Alors, on cherche juste les pistes, comment mieux proposer une meilleure organisation. Le gouvernement offre, en moyenne... je pense que c'est 55 000 $ par lit, qu'il paie uniquement une partie des coûts qu'il faut assumer. Alors, c'est ça, le défi aussi. Mais par contre je pense que c'est très important pour ces maisons d'avoir une saveur communautaire, un lien avec la communauté. Et, si ça devient 100 % financé par l'État, est-ce qu'on risque d'avoir... que ça va devenir trop institutionnel et pas assez communautaire? Je n'ai pas de réponse à donner aujourd'hui, mais c'est une préoccupation.

**(15 h 40)**

Mme Villemure (Louise): Je pense que la communauté doit s'impliquer, puis c'est ce qu'on fait présentement, là, mais peut-être avoir un petit peu plus d'aide, ça serait possible, parce que c'est quand même des gens... Nous, d'ailleurs, dans la MRC de Papineau, nous n'avons aucun lit de soins palliatifs, même pas à l'hôpital. Il y a un lit de dépannage, mais le lit n'est pas toujours disponible. Alors, si on arrive avec quelqu'un à la maison, à la fin, puis ça ne fonctionne plus, bien, des fois, on n'est pas capables de les transférer à l'hôpital, on n'a même pas de lit.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Et, sur ça, merci beaucoup pour votre contribution à notre réflexion.

Je vais suspendre... Avant de le dire, je vais juste rappeler aux personnes dans la salle: il nous reste trois témoins, ce qui va nous amener vers 17 h 30. À ce moment, il y aura une période de micro ouvert. Alors, déjà, cinq ou six personnes ont indiqué leur volonté de faire une courte déclaration. Mais, s'il y a d'autres personnes, vous pouvez vous identifier avec Jean-Philippe, qu'on voit, qui est au fond à gauche, qui va prendre votre nom.

Alors, je vais suspendre quelques instants et j'invite... Je pense que nos problèmes techniques sont réglés. Alors, Martin Giroux, c'est à votre tour.

(Suspension de la séance à 15 h 41)

 

(Reprise à 15 h 43)

Le Président (M. Kelley): Alors, la commission reprend ses travaux. Notre prochain témoin, c'est M. Martin Giroux, qui a amené une couple de vidéos avec lui. Alors, si j'ai bien compris, M. Giroux, on commence avec les extraits des vidéos concernant votre conjointe, qui est décédée...

M. Martin Giroux

M. Giroux (Martin): C'est bien ça.

Le Président (M. Kelley): ...puis après ça vous allez faire une courte déclaration et une période d'échange avec les membres.

M. Giroux (Martin): Ensuite de ça, il y a un deuxième petit vidéo que j'ai...

Le Président (M. Kelley): Oui, exactement, il y a les deux.

M. Giroux (Martin): Les entrevues. Exactement.

Le Président (M. Kelley): D'accord.

M. Giroux (Martin): Puis après ça je vais faire une courte déclaration et puis je vais me rendre disponible.

Le Président (M. Kelley): O.K. Parfait. On va s'assurer que les technologies vont bien fonctionner cette fois-là. Alors, on commence. Juste pour les personnes dans la salle... Ou peut-être, M. Giroux, vous pouvez donner 30 secondes... c'est quoi que nous allons voir maintenant.

M. Giroux (Martin): Bien, en fait, c'est une entrevue qu'Hélène a donnée en 2004, peu de temps après que le fils de Marielle Houle décède.

Il y avait eu un reportage à RDI avec M. Simon Durivage, comme vous allez voir, et puis elle avait été l'invitée, pendant 30 minutes, pour commenter un petit peu les événements et donner sa position sur le suicide assisté.

Le Président (M. Kelley): Hélène était votre conjointe...

M. Giroux (Martin): C'est bien ça.

Le Président (M. Kelley): ...juste pour les personnes dans la salle et pour...

M. Giroux (Martin): Exactement.

Le Président (M. Kelley): ...alors, qui est décédée.

M. Giroux (Martin): Qui est décédée donc en 2007 des suites, des complications de la maladie.

Le Président (M. Kelley): Parfait. Alors, je pense qu'avec une mise en scène on peut commencer.

(Présentation audiovisuelle)

**(15 h 45 -- 15 h 55)**

Le Président (M. Kelley): Alors, M. Giroux, à vous à compléter ce genre de témoignage presque posthume. C'est fort touchant de voir Mme Larochelle et comprendre un petit peu mieux son épreuve. Mais le mot de la fin, c'est à vous.

M. Giroux (Martin): Merci, M. le Président, et membres de la commission. Je vous remercie de me recevoir et de bien vouloir écouter ce que j'ai à dire concernant le suicide assisté.

Je trouvais important de vous faire connaître la vue d'Hélène sur le sujet, et c'est pourquoi j'ai demandé à ce que l'on présente ces extraits d'une des entrevues qu'elle a données en 2004. Sa condition et son vécu l'avaient fait beaucoup réfléchir, et je suis convaincu que, si elle était ici, devant vous, aujourd'hui, elle réussirait à vous atteindre profondément.

Hélène était une personne dynamique avec beaucoup de ressources et elle aimait intensément la vie. Elle a fait carrière dans la gestion des sports et loisirs à la ville de Gatineau. Elle était sportive et elle avait complété une maîtrise en administration publique. Pendant cinq ans, elle a été la porte-parole de la Société canadienne de la sclérose en plaques, section Outaouais, pour la Marche de l'espoir, une activité de financement pour la recherche et les services aux personnes atteintes. En 2004, le journal LeDroit et la Société Radio-Canada, région de l'Outaouais, l'ont nommée personnalité de la semaine, entre autres, pour souligner sa contribution à cet organisme.

Hélène mentionnait que c'est parce qu'elle aimait tant la vie qu'elle aspirait y mettre fin lorsqu'il lui deviendrait impossible de poursuivre dans la joie et la dignité. Environ 30 mois avant son décès, elle a pris conscience que ses espoirs de guérir étaient devenus à peu près inexistants. Elle affirmait que, dans le contexte légal actuel, la seule option qui lui restait, c'était de refuser tout médicament lorsque se présenterait une prochaine infection urinaire, même si elle risquait de comporter des semaines pénibles de douleur. Cette décision, elle disait l'avoir prise en toute liberté, en connaissance de cause, consciemment et sans pression de qui que ce soit.

Hélène s'est ensuite manifestée publiquement, car elle trouvait inacceptable que le Canada ne reconnaisse pas le droit au suicide assisté. Elle a communiqué avec la députée Francine Lalonde, qui a déposé plus d'un projet de loi sur l'euthanasie et le suicide assisté, et elle a fait parvenir une lettre à quelques sénateurs canadiens, leur demandant des actions pour changer le statu quo. Elle disait: «Les gens comme moi sont condamnés à une longue et douloureuse agonie parce que personne n'a le droit de nous aider. La balle est, à mon avis, dans le camp des politiciens et politiciennes qui doivent amorcer le débat sur cette question.» Et à cet effet je vous suis reconnaissant pour avoir tous voté pour la création de cette commission. Cette expérience de vie m'a fait beaucoup réfléchir sur le sujet, et la lecture de quelques mémoires déposés devant votre commission m'a permis de constater qu'il y avait plusieurs autres cas similaires à celui qu'a vécu Hélène. Je pense ici à Mme Nicole Gladu ainsi qu'à la famille de Laurent Rouleau, pour n'en nommer que deux. Les situations vécues sont parfois différentes, mais elles ont toutes en commun qu'elles sont en faveur de la dépénalisation du suicide assisté.

Lorsqu'une personne considère que ses conditions de vie sont devenues intolérables et qu'elle entrevoit une longue déchéance suivie d'une mort douloureuse et dégradante, pourquoi personne ne pourrait l'aider à mettre fin à ses souffrances et à son agonie, par compassion? On sait tous qu'une telle demande ne provient pas d'une personne qui le fait avec gaieté de coeur. Souvent, ce geste relève même d'un grand courage.

Je considère que le suicide assisté devrait être légalisé dans des circonstances bien définies. Je pense ici aux personnes qui souffrent d'une maladie grave et incurable, que la souffrance physique ou psychique est constante et insupportable sans perspective d'amélioration, qu'il s'agit d'une demande volontaire, réfléchie, répétée et formulée par une personne majeure et apte et sans pression extérieure.

L'encadrement légal du suicide assisté empêcherait les pratiques clandestines. Un professionnel désigné aiderait une personne à mourir, sans crainte de poursuite judiciaire, et il pourrait le faire en appliquant un cadre précis et des règles rigoureuses connues de tous, vérifiables et contrôlables. Les sondages réalisés depuis les 20 dernières années montrent que les Canadiens sont en faveur de la reconnaissance de l'autonomie de décision de la personne confrontée par une maladie mortelle occasionnant des souffrances intolérables. Nous rejoignons ici les Luxembourgeois, les Hollandais, les Américains de l'Oregon et de Washington qui ont légalisé le suicide assisté depuis quelques années.

Pour conclure, j'espère que ce débat débouchera sur un consensus entourant la nécessité d'ajuster le Code criminel et qu'il deviendra plus conforme à la réalité de la pratique juridique où les sentences rendues par les tribunaux dans les causes de suicide assisté sont souvent légères, voire symboliques.

**(16 heures)**

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Giroux. On va passer maintenant à la période d'échange. Je vous rappelle qu'on a une courte période d'échange. Alors, les questions assez courtes et concises, s'il vous plaît. Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Merci beaucoup, M. le Président. Moi, je suis très touchée de te voir ici, Martin. Je vais t'appeler Martin parce qu'Hélène était une de mes amies que j'avais rencontrée à Kamouraska quand j'avais 15 ans, et je l'ai retrouvée ici, en Outaouais.

C'est quelqu'un que je côtoyais fréquemment, jusqu'à ce que sa maladie devienne... fasse en sorte qu'elle ne sortait presque plus parce que c'était devenu tout un... On parlait d'arsenal tantôt pour le traitement. Mais, juste pour vaquer à ses petites occupations, ça lui demandait toute son énergie, à Hélène. Mais j'allais... j'amenais mon lunch des fois puis j'allais dîner chez vous pour jaser avec elle parce qu'elle ne pouvait plus venir vers nous. Mais elle avait su conserver tous ses amis. Elle était très bien entourée. Elle me parlait aussi de la chance qu'elle avait de t'avoir dans sa vie, parce que souvent les personnes qui sont atteintes de ces maladies-là perdent leurs conjoints en cours de route. On ne parle pas de ça non plus comme conséquence de la maladie, mais tes proches, là... c'est très exigeant d'avoir à prendre soin d'une personne comme Hélène, et je sais qu'elle était très... À chaque jour, elle reconnaissait qu'est-ce que... tout ce que tu faisais pour elle.

Je sais, comme tu l'as mentionné tantôt, qu'elle serait assise ici, devant nous, si elle était toujours avec nous aujourd'hui. Puis, pour ceux qui ont connu Hélène, qui était une boule d'énergie, pleine de joie de vivre, avec un sourire vraiment très attachant, de l'entendre dire: Ma vie n'a plus de sens, venant d'Hélène Larochelle, c'est quelque chose de presque inimaginable. Il faut vraiment l'avoir pour comprendre que vivre avec une maladie comme la sclérose en plaques et toutes les conséquences sur ta vie, ton physique, ton aspect mental, c'est très intense, parce qu'elle aimait, comme tu as dit tantôt, la vie très intensément. Pour qu'elle en soit arrivée là, c'est vraiment... On ne peut pas savoir ce que c'est que de vivre avec la sclérose en plaques quand on entend Hélène dire ça.

Je veux juste une petite question, parce que je sais que Francine aimerait bien te questionner. La plupart des gens qu'on questionne au sujet des personnes comme Hélène, qui veulent mettre un terme à leurs souffrances puis à leur vie, ils nous disent toujours comme argument: C'est parce qu'ils sont seuls, qu'ils sont mal entourés, qu'ils n'ont pas de famille près d'eux, puis, s'ils avaient des amis qui les entouraient, ils ne penseraient pas à ça.

Hélène n'était pas du tout dans cette situation-là. Elle était entourée, elle était heureuse dans sa famille, avec ses amis, mais elle voulait mourir. Qu'est-ce que tu réponds à ces gens-là, Martin?

M. Giroux (Martin): Bien, effectivement, je pense que... Premièrement, ton témoignage, je le trouve très touchant. On voit que tu l'as connue de longue date, et puis effectivement la façon dont tu l'as décrite, c'est exactement comme elle était.

Alors, je pense qu'il y a beaucoup de monde, même dans l'Outaouais, je veux dire, qui l'ont connue de longue date également, et puis ils ont vu quand même effectivement l'impact que la maladie pouvait avoir au fil du temps. Et puis cet impact-là... C'était vraiment une battante, elle était très courageuse, et puis, moi, je n'en revenais pas, d'une certaine façon, qu'elle puisse se rendre quand même jusque-là. Et puis malgré ça elle s'était rendue très loin, mais elle n'était pas prête vraiment à mourir encore lorsque c'est arrivé, malgré la condition que j'ai décrite tout à l'heure. Elle disait toujours: C'est lorsque j'aurai peut-être perdu l'ouïe ou la vue, etc., autrement dit, lorsque je vais être totalement coupée... Alors, on avait en tête... C'est triste à dire, là, mais on a la mère d'une amie qui est décédée, à Saint-Vincent, environ... ici, à l'Hôpital d'Ottawa, deux ans avant que tout ça se produise, et puis, pendant les cinq dernières années de sa vie, cette dame-là, bien elle était atteinte également de sclérose en plaques, mais il n'y avait plus rien, rien, rien qui bougeait.

Alors ça, c'est difficile de s'effacer ces images-là de la tête lorsque tu es dans une situation puis que tu sens que tu t'en vas vers là. Alors, je pense que ça, ça l'avait fait pas mal réfléchir. Et puis c'est tout ça qui lui faisait dire: Bien, un jour, c'est dommage, mais, moi, je ne voudrai plus communiquer, je ne voudrai plus vivre lorsque je serai rendue vraiment dans un état comme celui-là.

Alors, qu'est-ce qu'on peut vraiment dire d'autre à ça, tu sais, je veux dire, que de dire: Oui, j'aimerais ça que quelqu'un... Puis, quand je dis ça, je n'étais pas le seul, là, je veux dire, on était quand même beaucoup de personnes, comme tu disais, qui l'entouraient. Puis ça, ça m'avait énormément aidé à finalement, je veux dire... à poursuivre, je veux dire, en l'accompagnant. Parce que sinon, je veux dire, si j'avais été moi-même seul, ça aurait presque été impossible. Alors, c'est le soutien de tous et chacun qui a fait qu'on a pu se rendre aussi loin.

Et puis... Ah, je perds un peu mon idée, là, alors excuse-moi.

Mme Gaudreault: Je comprends que c'est très touchant parce que c'était la bataille de sa vie, hein, elle avait beaucoup soutenu la cause, et tout ça.

Ma question, à la toute fin, c'était l'argument des gens qui disaient que c'est parce qu'elle était mal entourée, qu'elle est seule, et tout ça, que c'est pour ça qu'elle pense à mourir. Je pense qu'Hélène ce n'est vraiment pas ça...

M. Giroux (Martin): Non, ça ne s'appliquait...

Mme Gaudreault: ...qui la motivait à...

M. Giroux (Martin): Non, ça ne s'appliquait pas à elle du tout. Ça, c'est bien évident, oui.

Mme Gaudreault: Je vais laisser ma collègue, qui vous connaît moins que moi... Mais merci d'être là.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Charbonneau: Merci. À vos souhaits, M. le Président. M. Giroux, à chaque fois qu'on a siégé en commission comme ça, puis je pense que tout le monde peut en témoigner, il est arrivé des moments magiques, pas magiques parce qu'il y a quelqu'un qui se lève puis qui crie, pas magiques parce que c'est exceptionnel, mais des moments où il y a un silence dans la salle lors d'un témoignage, qui fait qu'on ressent quelque chose.

Merci pour ce moment-là parce que, pour moi, aujourd'hui, vous êtes ce moment-là. Le courage de venir dire: Ma conjointe est passée à une autre étape, je trouve que c'est quelque chose. Mais je pense que l'ensemble de la salle vous écoutait avec une intensité assez impressionnante.

Je vais vous demander d'élaborer sur un petit bout de phrase que vous avez dit mais qui peut, dans un contexte que vous avez vécu, expliquer bien des choses. Que voulez-vous dire par «une pratique clandestine»?

M. Giroux (Martin): Bien, je dis «une pratique clandestine»... En fait, c'est... je ne sais pas si c'est vraiment «clandestine», mais en fait c'est: Si, un jour, elle décide de mettre fin à ses jours par elle-même, alors qu'est-ce qu'il nous reste comme possibilité?

Je veux dire, on ne pouvait même pas. La façon dont le Code criminel... Je pense que c'est l'article 241. Ce qu'il dit, c'est que personne ne doit aider quelqu'un d'aucune façon à mettre fin à ses jours. Alors, pour nous, finalement, je veux dire, qui est du commun des mortels, lorsqu'on est dans une situation comme celle-là... puis, si son intention, c'est vraiment de mettre fin à ses jours, bien la personne, peu importe, je veux dire, elle va essayer de trouver les moyens pour le faire. Et puis ça, bien, je veux dire, ça ne se sera peut-être pas sans essai et erreur. Et puis elle va se rapporter à certains moyens qui ne l'amèneront peut-être pas finalement, je veux dire, à arriver à ses fins. Et puis elle pourra peut-être arriver... Bien, écoutez, je pense au cas de Laurent Rouleau, je veux dire, où finalement, je veux dire, il s'est tiré deux balles de 22, et puis suite à ça, bien, je veux dire, il a souffert pendant 14 heures avant finalement, je veux dire, de pouvoir décéder.

C'est un petit peu ça là où je veux en venir. C'est que, si effectivement, je veux dire, c'était bien encadré, c'était légalisé, etc., bien là c'est certain que les moyens que la personne aurait accès... auxquels elle pourrait recourir, bien, je veux dire, ça l'aiderait vraiment à arriver à ses fins de façon plus sécuritaire, disons.

Mme Charbonneau: Merci, M. Giroux.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Merci beaucoup pour la générosité de votre témoignage. Je peux imaginer l'émotion qui vous habite aujourd'hui. Vous êtes un peu le prolongement de sa voix en venant nous voir aujourd'hui.

Je pense que vous avez été ici, donc vous avez entendu évidemment les arguments des gens qui ne partagent pas votre point de vue. Puis un de ces arguments-là, c'est qu'en fait, en théorie, c'est une possibilité que les gens qui sont atteints de maladies dégénératives aimeraient avoir parce qu'ils sont habités par la crainte, par la peur, ils ne savent pas jusqu'où la maladie va les conduire et puis s'il va encore y avoir un sens quand ils vont perdre leurs facultés une à une. Mais beaucoup de gens nous disent qu'au bout du compte il y a très, très peu de gens qui demandent à être aidés à mourir en fin de vie et que donc on ne devrait pas légiférer pour des cas exceptionnels, puisque la plupart des gens vont toujours se raccrocher à quelque chose, trouver un sens ou...

Qu'est-ce que vous répondez à cet argument-là qu'on ne devrait pas, nous, être tentés de légiférer pour des cas exceptionnels?

**(16 h 10)**

M. Giroux (Martin): Bien ça, c'est vraiment un argument que j'ai de la difficulté, disons, à accepter parce que justement, je me dis, c'est vrai que ça touche une infime minorité de la population parce qu'on parle de, tu sais... Je veux dire, c'est 0,001 % de la population, je veux dire, il y en a très peu, de monde, là, finalement, je veux dire, qui sont aux prises avec une maladie vraiment qui va les amener à être, je veux dire, à bout de souffle, à une maladie... à une situation intenable.

Alors, à mon avis, ces gens-là, non, au contraire on ne doit certainement pas les négliger, on doit faire quelque chose pour eux.

Je manque un aspect de votre question, par contre.

Mme Hivon: C'est juste l'idée que les gens nous disent: La très... C'est beaucoup parce que les gens sont habités par la peur ou par la crainte qu'ils font ces demandes-là, mais que, quand ils arrivent au moment, la plupart veulent encore se battre pour vivre jusqu'au dernier souffle.

M. Giroux (Martin): Mais ça, vous savez, en fait il y a une chose qui est certaine, c'est que, si on légiférerait de cette façon-là, bien j'ai comme l'impression que, la personne, je pense que ça a été dit un petit peu antérieurement, ça lui donnerait comme... ça la rassurerait, ça lui donnerait une sécurité, et puis je pense que ça l'aiderait à prolonger encore un peu sa vie, à tout le moins, encore un peu.

Jusqu'où? Personne ne peut vraiment le dire. C'est vraiment la personne qui, lorsqu'elle sera rendue là... elle dira: Oui, finalement, je veux dire, là, aujourd'hui, là, c'est terminé, parce que, là, je peux... je veux avoir accès à ce médicament-là, j'ai salué tout le monde, j'ai fait ce que j'avais à faire ici. Maintenant, finalement, je veux dire, lorsque je soupèse les joies que j'en retire versus les peines, etc., moi, vraiment, là, finalement, je veux dire, c'est dommage, mais là c'est aujourd'hui que j'arrête. Mais le fait de savoir que cette possibilité-là existe... Vous savez, il y a tellement de souffrance psychologique et en plus des douleurs physiques que tu vis quotidiennement, je veux dire, quand ça fait 15, 20 ans que tu es dans cette situation-là, c'est incroyable, là, je veux dire, c'est impensable.

Alors, de penser que tu vas devoir encore affronter quelque chose de pire qui va perdurer, qui va être sans fin, bien, pour moi, c'est totalement impensable. Alors, c'est tout ce que je peux dire là-dessus.

Mme Hivon: Pour ce qui est... Vous venez de faire référence aux douleurs et aux souffrances. Vous savez que beaucoup de médecins sont venus ici puis nous ont dit que, dans l'état d'avancement de la médecine qu'on connaît aujourd'hui, on est capables d'à peu près régler... atténuer toutes les formes de douleur physique.

Dans le cas de votre conjointe... puis, vu qu'elle a été aussi très impliquée, de ce que je comprends, comme porte-parole pour la sclérose en plaques, est-ce qu'effectivement on est capable de bien gérer la douleur des gens qui ont une maladie dégénérative de cette nature-là, selon vous, dans votre expérience à vous?

M. Giroux (Martin): Bien, vous savez, c'est certain que la médication va aider à diminuer l'intensité de certaines douleurs, c'est certain. Par contre, la forme de maladie qu'elle avait, c'est très différent d'un cas de cancer, par exemple, de cancer en phase terminale. Parce que, je veux dire, des choses comme des spasmes, je veux dire, qui se produisent, je veux dire, constamment aux jambes, aux bras, à différents endroits du corps, le jour, le soir, la nuit, il y a des douleurs qui sont... ce n'est pas nécessairement des douleurs d'une forte intensité mais qui sont omniprésentes, et puis qui sont vraiment désagréables, et puis qui sont difficilement contrôlables, je dirais. Et puis il y a des choses comme des... Bon, bien, je ne sais pas, moi, à la longue, là, elle était 16 heures au lit par jour. Bien, elle a développé des plaies de lit. Des plaies de lit, je veux dire, quand ça commence à être, tu sais, je veux dire, ça de gros puis ça de profond, je veux dire, c'est douloureux.

Bon, bien est-ce que tu vas accepter d'être sur une médication du matin au soir, avec les effets secondaires que ça peut avoir, pour finalement, je veux dire, endurer ces douleurs-là? Oui, peut-être. Puis ça, c'est sans parler de finalement, je veux dire, ce que la personne va en tirer au niveau des douleurs psychologiques et existentielles. Celles-là, à ma connaissance, il y a peut-être également moins de médicaments qui les adressent, et puis elles sont très, très présentes dans une forme de maladie neurodégénérative. Ça, je vous l'assure.

Le Président (M. Kelley): Il reste du temps pour une autre question.

Mme Hivon: Bien, ma dernière question peut-être. Parce que, s'il y a un autre argument qu'on a entendu aujourd'hui puis qu'on entend beaucoup, c'est... Il y a des gens qui vivent avec la condition que votre conjointe avait depuis pratiquement leur naissance, il y a des gens qui sont lourdement handicapés, et est-ce qu'en permettant que dans certaines circonstances on puisse donner accès à la volonté de quelqu'un de mettre fin à ses jours... est-ce que ça vient dévaloriser et envoyer un signal peut-être contradictoire sur la valeur de ces gens-là qui sont handicapés et qui vivent bien avec cette condition-là qui est la leur depuis qu'ils sont nés parce qu'il n'ont pas connu autre chose?

M. Giroux (Martin): Moi, à cette question-là je répondrais que, moi, je ne le crois pas. Je ne le crois pas. Tout dépendamment et possiblement de ce que tu as connu auparavant, ça peut peut-être avoir un impact. Je n'en sais trop rien.

Mais j'ai vu, je veux dire, d'autres témoignages de personnes effectivement, je veux dire, qui étaient lourdement handicapées et puis je sais qu'ils m'ont donné des leçons de vie incroyables parce que, je veux dire, on s'entend qu'ils avaient finalement, je veux dire, une joie de vivre encore. Et puis, ces gens-là, moi, j'ai toujours beaucoup d'estime pour ça. Mais finalement je pense que, d'une certaine façon, chaque cas est unique. Et puis, je veux dire, on doit considérer chaque cas individuellement, dépendamment de la situation qu'elle vit. Et puis, pour moi, je veux dire, créer des comités qui entendront individuellement ces personnes-là et qui pourront, avec toute l'expertise qu'ils pourront avoir effectivement, je veux dire, évaluer si c'est approprié d'aider cette personne-là à mettre fin à ses jours... moi, j'ai confiance qu'on pourra finalement, je veux dire, mettre un cadre légal qui pourrait les aider et puis qui... tout ça finalement, je veux dire, sans avoir d'impact négatif pour des personnes qui pourraient être dans des conditions similaires ou même plus avancées.

Mme Hivon: Merci.

Le Président (M. Kelley): Alors, il me reste à dire merci beaucoup, M. Giroux, pour venir raconter votre histoire, l'histoire d'Hélène Larochelle. Alors, merci beaucoup de partager cette expérience avec les membres de la commission.

Je vais suspendre quelques instants et je vais demander à Brigid Kane «to take her place at the witnesses' table».

(Suspension de la séance à 16 h 17)

 

(Reprise à 16 h 20)

Le Président (M. Kelley): La commission va reprendre ses travaux.

Notre prochain témoin, c'est Mme Brigid Kane. Mme Kane, welcome before us, and the next 15 minutes are yours.

Mme Brigid Kane

Mme Kane (Brigid): Ladies and gentlemen... Am I speaking loud enough? No? OK. Now?

Le Président (M. Kelley): Yes, I think we're fine.

Mme Kane (Brigid): OK. What I'm about to...

Le Président (M. Kelley): And maybe just get a little closer...

Mme Kane (Brigid): Sure.

Le Président (M. Kelley): ...to the microphone, as well, that might help.

Mme Kane (Brigid): OK. What I'm about to say is nothing learned, it's just my own lived experience, OK? And the talk, of course, is on Dying in dignity. That's what the commission is about.

The family, I find, is the template of society. When I was just a teenager, I remember how joyfully we prepared for the visit of our beloved maternal grandfather, whom I knew only from snapshots and my mother's fond memories of her childhood. My father's parents were long dead. From the family conversations and plans, it was evident that my parents hoped that David Slaney, my grandfather, would consent to leave St. Lawrence, Newfoundland, where he was born, to come to live with us. And, though our family life appealed to him, grandfather found the pace of life on mainland Canada, because Newfoundland was not part of Canada at that time... he found the pace too fast, too upsetting. He was terrified to go out in a car because he did not understand that red lights stopped the traffic and green lights permitted it to continue.

So he told my parents: «I was born on The Rock -- that's what he called Newfoundland -- and I will die on The Rock.» So, when he needed special care, the family arranged for him to enter Hoyles Home in St. John's because it had easy access. We could fly to Newfoundland and then go to St. John's. My mother would choose different family members from the six children to visit in the summer months, and grandfather died there, at an advanced age, in dignity, despite being unable to read or write. He was a beloved, respected and gentle man.

Some years later, when all of us had married and left home, my parents sold our family home in Saint-Lambert, Québec. My husband Elmar and I invited them then to live with us and our nine children in Sillery -- now Québec. Every second weekend, while dad was still able to drive, mom and dad would spend the weekend with us in Saint-Lambert. When dad's eyesight failed, we offered to prepare a quiet, private living space with full service, meals, with the family. However, they were not yet ready to relinquish their independence. They chose a retirement home in Saint-Lambert, within sight and strolling distance of dad's garden and close to other members of the family in the Montréal area.

I traveled from Québec very often. As dad's health began to fail, my husband would look after the children so I could stay with my parents for at least two weekends a month. Dad declined rapidly, and when he could no longer make the effort to converse, he still loved to listen to the happy banter of his visitors, and we could often bring a smile to his face when we recounted a multitude of delightful memories of our family life which he had made possible.

Despite the excellent nursing staff at the home where dad was, he didn't live long, and I had the honor and the privilege of being with him and holding his hand when he died in dignity.

We again gently pressed mom not to live there alone. To our relief, she finally accepted to come and live with us. My husband and my mother were always very comfortable together. He often joked he kept his mother-in-law in his garage, and it was true: he designed for her a bright, attractive living space, very well insulated, ceiling-to-floor windows and a door onto a small wooden deck and a wheelchair ramp to the driveway because I used to take her out frequently. We had some high adventures together. Her sanitary facilities were safe and wheelchair accessible because her disabilities were increasing. A trusted contractor, a good friend of my husband, carried out the work as lovingly as he would have if it were for his own mother, and mom loved every feature of it.

In her 85th year, tests revealed terminal cancer. She was told she had three to six months to live, which news she accepted with serenity. All the extended family surrounded her with loving care, and «en famille» we moved peacefully through the trying end-of-life stages. Right near the end, I slept on cushions on the floor in her room so that I would be available to her because she couldn't reach the little bell that I had put up so that she could pat it for me to come. She died as she hoped to die: in her own bed, accompanied by the constant affection of the entire family. And we had the treasure of her company for five years of love and laughter. And, like a spent candle, her life ended in quiet dignity.

One after another, our children married and moved off to establish their own homes and families. We sold our property and downsized to a two-bedroom apartment in Sillery, where we lived in peace and contentment for 12 years. In the meantime, my husband's cancer came out of remission. Complicated by Parkinson's, his throat paralyzed, and that caused repeated bouts of pneumonia. Our son-in-law generously and beautifully converted for us his home-office space, on their first floor of the patio, with a beautiful view of the Ottawa river, and here my Elmar died, in his bed, as he wished. The children took turns by his side, day and night, to relieve us because we were pretty exhausted as the end drew near.

And he was at peace, knowing that I would have a cherished place -- sorry, I didn't know I would do this -- in the home...

Le Président (M. Kelley): Take your time, take your time, Mrs. Kane...

Mme Kane (Brigid): ...in the home and in the hearts...

Le Président (M. Kelley): ...you're doing very well.

**(16 h 30)**

Mme Kane (Brigid): ...of our children and grandchildren.

Now, the Aylmer CLSC provided praiseworthy support. They ably seconded our efforts with 24-hour availability, specialized equipment and daily visits. They were cheerful, compassionate, dedicated, practical, remarkable human beings, all, and they provided sound palliative home care. When Elmar died, I wrote a note of appreciation to them, of course, and of praise of them to the local bulletin.

And the process continues. I am tired because yesterday I flew back from Québec city where, for the week, I had been able to relieve the burden of the family... on the family. The family is successively spelling each other for the care of my aged sister-in-law who fell in her apartment and fractured her upper arm, and it's not completely healed yet. She spent a few weeks in CHUL where family members accompanied her day and night. The kind and competent staff is so busy they were very glad that someone of the family was there to encourage her to eat and keep her focused on it because it takes her so long.

Although the CHUL food is appetizing, nutritious and attractively served, if left to eat on her own, she would not have understood that after a reasonable time it would have to be removed. She's very tiny, and her appetite is not always keen. Her younger sister wisely arranged for an ambulance to transfer her to her own apartment, where it would be easier for family members to stay a few days and help out. For many months now, she has been suffering from advancing dementia. Lucid moments are very few, and she is always confused. She responds to kindness and she knows only that she hurts when she is carefully moved for bathing, dressing, etc. She also has to be coaxed into taking the medicine prescribed for her pain relief. Here again, the CLSC has been of invaluable help, providing equipment, nursing care and kind and cheerful personnel morning and evening to bathe her and settle her for sleep. She will continue to be loved and cared for by her extended family, hopefully until her life span comes to its natural end.

Helping a family member to die with dignity is a privilege and it's also a learning experience for all ages because the children, if they don't learn in their homes that family is precious, and family has to be looked after, and family has to be sustained right to the end, I don't know where they will learn it.

Now, I would like to make a few key points. And if you don't mind, I don't see that the questioning would be of any help, but that's up to you.

I would like to see that there be continued availability and training for home nursing and services to families. I would like that hospices... there be hospices staffed with specially trained medical personnel, doctors, nurses to surround the dying with comfort, reassurance and appropriate pain management. I would like the reinstatement of the Hippocratic oath. When we are most vulnerable, we entrust to our noble doctors our end-of-life care. It has always been licit for a physician to alleviate the sufferings of terminally ill patients, taking reasonable care not to deliberately cause death, with the understanding that increasing dosages might prove fatal. With the present state of medical expertise, the standard of accountability should be raised, not lowered.

Amending the Criminal Code to permit euthanasia, in my opinion, will inevitably lead to abuse and the further disintegration of ethical standards.

And that is my experience, and, I'm sorry, that's all I have to say.

Le Président (M. Kelley): Well, Mrs. Kane, that's why we're here, because the whole goal of coming out of Québec City and traveling around is to allow citizens a chance to participate. And what, I think, the members of the Committee are so encouraged is that 80% of our roughly 300 witnesses are citizens such as yourself who have... based on your own experience with life, because that's what we're talking about.

This Committee focuses ultimately on life because death is part of life and it is a passage that everyone, except for maybe me... Well, no, I guess even me will go there one day, and I hope it's a long way in the future. But it's something that we confront in our families. You spoke about your parents. It made me think about the loss of my parents. So all families are touched by these issues. So it's not, you know, one opinion is more valuable than another, it's far from it. What we wanted to do was engage Québec citizens about these ends of life, try to find out. And I think you've made an eloquent testimony about how important these moments are in the lives of Québec families. I think that, if there is one thing I learned listening to you this afternoon, it's that, for yourself, for your children, looking after grandparents and parents, sisters-in-law, it's a very, very beautiful story you tell of a family that helps, a family that copes and a family that looks out for each other. And I think that's a very strong message that we have.

First and foremost, you know, governments have a role to play, and then you get to that at the end of your piece, but, first and foremost, you address directly families and the roles families play. So I think you did it very effectively.

But I think we also noted, you know, when you talk about the support that nurses, and CLSCs, and home care... And all of that, that's very important as well, because to the measure that we can organize a death at home, if that's what the patient chooses, if that's what they want, that's one thing that we can do a lot better as a society organizing, because it's sort of hit or miss. You had a good experience with your CLSC, we've heard other stories of people that it wasn't as easy. I think the person who testified and lost someone in Québec City to... was it multiple sclerosis or Lou Gehrig's disease? A very difficult story. It was when we were in Sherbrooke and it was his father. He lived in Sherbrooke, his father lived in Québec City. And it wasn't as happy as your story, unfortunately. And the son struggled a great deal to get his father comfortable with his destiny, and it was a moving story as well.

So thank you very much for sharing. I don't know, I've been accused of stealing questions from my colleague from Mille-Îles, so I'll stop here for the moment, and I will allow my colleague from Mille-Îles... You...

Mme Charbonneau: I didn't even know we had time for a question.

Le Président (M. Kelley): Oh, sure we do. For sure.

Mme Charbonneau: We do?

Le Président (M. Kelley): Oh yes.

Mme Charbonneau: A very simple question, because you came forward at the end towards that question, it's: What can we do more? You started by saying: «Maybe we can train... home training.» What do you mean by «home training»?

Mme Kane (Brigid): I didn't mean home training so much as to make sure that the training is even more to the point, you know, for the CLSCs, for... and that there be hospices.

Well, I think I said everything that I had to say. I don't... The people who came were so kind, helpful, careful. They suggested all the proper equipment, you know, they came and assessed our place and saw that... Well, you could use this or not so much that or... You know, perhaps this would be helpful, try it out. And, you know, they actually brought things that we could try and see: Is this useful, is it not? You know. And they showed us how to use it, which is very good, you know.

So just keep up those CLSCs, please, if you can, OK? Is there anything else anybody would like to ask?

Le Président (M. Kelley): Well just, you know, if I can just conclude, thank you very much, because those are... Other people have raised the question of home care and what we can do better. So when we hear from your family's experience, it helps us because we're looking for that goal, we're looking for that ideal. And I remember, you know, seeing other examples of what you're describing when they come with... because when you're confronted with these things, especially for the first time, as a family member, you don't know what to do. I mean, you're prepared, you have sort of a general sense, but until you're really living it day to day, that mother is so ill and... you're a little bit at sea, you're a little bit lost.

And so when people... often the first thing you need to know is you're not the only person in history that has ever confronted these problems, that other people have gone down this road, and there are ways to make the trip as comfortable as possible.

**(16 h 40)**

Mme Kane (Brigid): There's one other thing, too. You were asking, «What kind of training?» I was shown how my husband had to have a tube inserted because he couldn't swallow. His throat was paralyzed, so he had to have a tube inserted in his stomach. And I was trained by the staff at the hospital how to feed him, you know. And then they told me absolutely everything that I needed to do at home and at the drugstore and what equipment to get.

They brought the... you know, the trees for the equipment for feeding him because I had to. He could not eat other than that, you know. He had to be fed by a tube, you know. So... But that kind of training.

Le Président (M. Kelley): Well, on that, thank you very much, Mrs. Kane. Don't run away because we're all going to come and shake your hand in a moment. But thank you very much for a very down-to-earth, very compassionate, very practical contribution to our reflection. You have told one extraordinary family story here this afternoon, so the Kane family sounds like quite a gang. So thank you very much for sharing that.

Sur ce, je vais suspendre quelques instants. Et je vais demander à M. André Rochon de prendre place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 16 h 41)

 

(Reprise à 16 h 44)

Le Président (M. Kelley): Alors, notre prochain témoin... la commission reprend ses travaux, c'est M. André Rochon. Alors, les prochaines 15 minutes sont à vous.

M. André Rochon

M. Rochon (André): Merci. Alors, je suis André Rochon, je suis un médecin omnipraticien retraité.

M. le Président, Mme la vice-présidente, Mmes et MM. les commissaires, merci de prendre la peine de vous déplacer en région et d'écouter les différents points de vue. Votre passage à Gatineau me donne l'occasion d'expliciter un peu un court texte intitulé Réglementer la mort? Un pensez-y-bien, que j'ai envoyé à la commission en juillet. C'était très court parce que c'était une lettre d'opinion que j'avais envoyée au journal LeDroit en octobre 2009.

Alors, sur quoi repose mon opinion? Tout d'abord, sur mon expérience familiale: mon beau-père, victime d'un AVC et décédé après l'arrêt de sa dialyse; mon père, atteint à la fois d'un cancer et d'une maladie dégénérative, la maladie de Parkinson, et qui est décédé à domicile; un frère mort sur le coup dans un accident d'automobile; un beau-frère qui s'est suicidé; ma mère, décédée de maladie d'Alzheimer dans une résidence pour personnes âgées. À ce vécu personnel s'ajoutent d'innombrables situations humaines côtoyées durant des décennies dans mon travail de médecin généraliste tant au bureau qu'en institution, en centre d'accueil, en centre hospitalier de soins prolongés et de soins aigus, tant à la salle d'accouchement qu'au chevet de mourants, entre autres, en soins palliatifs.

Bien sûr, ma réflexion s'est nourrie de lectures et de conférences. Elle s'est aussi enrichie du débat en cours grâce à la commission. Et j'en suis arrivé à la conclusion que, dans bien des cas, il faut accompagner le malade, chercher à le soulager sans prolonger la vie, sans acharnement thérapeutique, en le soulageant mais en laissant venir la mort. Maintenant, pourquoi j'intitulais ma petite lettre... que c'était un pensez-y-bien? Alors, je vais vous parler de mes craintes et je vous parlerai ensuite de mes espoirs.

Il est évident qu'il y a beaucoup de progrès à faire dans le soulagement réel, au jour le jour, de la douleur et de la souffrance humaines. Pour cela, nous n'avons cependant ni besoin d'une loi autorisant l'euthanasie ni besoin d'une loi autorisant le suicide assisté. En effet, des principes d'éthique clinique nous éclairent déjà, et nous n'avons pas besoin de loi pour évaluer chaque situation avec le patient et avec ses proches, pas besoin d'une loi pour en discuter... au besoin, en réunion multidisciplinaire, voire avec les membres d'un comité d'éthique clinique. Peut-être faut-il dépoussiérer certains articles de loi, mais nous n'avons pas besoin d'une nouvelle loi pour donner des soins appropriés et pour traiter avec le plus grand respect les patients, tous les patients, moribonds ou non.

Est-il nécessaire de rappeler que l'acharnement thérapeutique est déjà interdit? Est-il nécessaire de rappeler que le refus de traitement et l'arrêt de traitement sont permis et choses courantes au Québec?

Il est vrai qu'une agonie qui dure plusieurs jours, c'est épuisant pour la famille, même si le malade est comateux et non souffrant. Certains sont alors portés à dire: Il faudrait que la loi permette l'administration d'un cocktail mortel. Mais pensons aux conséquences d'une telle pratique si elle avait cours. Et c'est là que je vais vous parler de mes craintes, mes craintes d'abord pour les malades et leurs proches.

Ceux qui réclament une loi permettant l'euthanasie ne veulent pas qu'elle s'applique uniquement in extremis, lorsque la mort est imminente, mais qu'elle s'applique aussi lorsqu'une personne atteinte d'une maladie mortelle affirme ne plus être capable de supporter son état. Or, il est bien normal de passer par une gamme d'états psychologiques et de sentiments en apprenant de mauvaises nouvelles ou en vivant des difficultés importantes, et c'est encore plus le cas lorsque notre santé est en cause, soit parce qu'on appréhende la dégradation à venir ou soit parce qu'on est accablé de symptômes. Et il n'est pas rare de voir des gens arriver paniqués en soins palliatifs. Le patient et ses proches sont dépassés par la tournure prise par la situation. La faiblesse est devenue extrême ou encore de l'agitation est apparue, les médicaments ne font plus effet ou ont des effets secondaires. Parfois, c'est l'anxiété de voir la mort approcher ou l'épuisement des aidants naturels. Et combien de fois ai-je vu ces patients et leur entourage retrouver par la suite la sérénité au fur et à mesure que les symptômes étaient mieux maîtrisés? Combien de fois cette période pénible ne se transformait-elle pas en des moments précieux et intenses: bilan de vie, resserrement des liens, retrouvailles?

La maladie, en forçant un changement de rythme non seulement pour le malade mais aussi pour ses proches, ouvre un espace inattendu, apporte à la vie une dimension nouvelle. Et certains patients qui pourtant avaient eu une vie bien remplie nous disent: C'est la plus belle période de ma vie.

**(16 h 50)**

Il y a déjà plus de 30 ans, Elisabeth Kübler-Ross, une psychiatre américaine d'origine suisse, a publié un livre intitulé La mort, dernière étape de la croissance. Eh bien, dans ma vie personnelle autant que dans mon travail de médecin, j'ai pu constaté que c'était exact.

Imaginons maintenant que la possibilité d'être euthanasié existe. Monsieur X arrive à l'urgence, découragé parce que sa dernière chimio est un échec. On lui parle de soins palliatifs, mais il se dit: À quoi bon? Aussi bien ne pas imposer cela à mon épouse. Pourquoi déranger les enfants? Ils ont leurs occupations et leurs soucis. Ses symptômes prennent toute la place, et il se sent face à un mur. Il dit alors qu'il préfère demander l'euthanasie.

La personne qui opterait pour l'euthanasie, dit-on, devrait refaire sa demande quelques semaines plus tard pour s'assurer qu'elle maintient sa décision. Mais, voyez-vous, pour s'adapter à une nouvelle réalité, on a besoin de temps. Si, au lieu de travailler à prendre le dessus sur ces symptômes et à utiliser les jours ou les semaines qu'il lui reste pour vivre le mieux possible avec lui-même et avec ses proches, monsieur X se questionne à tout moment et se tourmente à savoir s'il doit opter ou non pour l'injection mortelle, il n'est pas disponible pour vivre le moment présent, et son entourage ne l'est pas plus. On sait que les familles sont souvent divisées lorsqu'il y a des décisions difficiles à prendre, alors imaginons s'il y avait une décision irréversible comme celle de l'euthanasie.

En euthanasiant monsieur X, lui aurons-nous rendu service? N'aura-t-on pas amputé sa trajectoire de vie d'une partie importante et significative? N'aura-t-on pas privé les siens d'une leçon de vie? N'aura-t-on pas favorisé des deuils plus difficiles, des relations plus tendues entre les survivants, des survivants qui paniqueront à leur tour lorsqu'ils arriveront à la fin de leur vie, ayant manqué une occasion d'apprivoiser le processus du mourir?

Mais maintenant mes craintes pour nous tous, pour la société. Dans le débat actuel, plusieurs disent ne pas être en faveur de l'euthanasie pour eux-mêmes mais que cela doit être laissé au libre choix de chacun, que c'est une décision individuelle. Décision individuelle; peut-on vraiment penser cela? Et les répercussions sur la famille, sur les amis? Si on se met à euthanasier des gens en phase plus ou moins terminale et à en aider d'autres, atteints de maladies débilitantes, à se suicider, pense-t-on vraiment que cela n'aura pas d'influence sur notre société? Quelle pression sociale s'exercera sur les personnes âgées ou handicapées qui entendront dire que, pour mourir dignement, il faut avoir recours à l'euthanasie ou au suicide assisté?

Nous l'entendons déjà dans les médias, ce discours. Lorsqu'on n'est plus autonome, il vaut mieux mourir que d'être un fardeau pour les autres et pour la société. C'est ce qu'on entend parfois.

Mes craintes maintenant pour la disponibilité de soins de qualité. Nous le savons, il faut mettre beaucoup d'énergie, beaucoup de ressources humaines et financières pour améliorer constamment les soins autant à domicile qu'en institution ou en maison de soins palliatifs. Alors, que l'on soit simple contribuable, gestionnaire ou politicien, n'y aurait-il pas, avec l'accès à l'euthanasie et au suicide assisté, une invitation à en faire moins?

Une autre crainte que j'ai, c'est pour les suicidaires. Le suicide, on le sait bien, c'est une tragédie, tragédie pour celui qui termine sa vie, tragédie pour les gens de son entourage. Comment continuer, d'une part, à lutter contre ce désastre et, d'autre part, instaurer un système où l'on vous aide à disparaître lorsque vous n'en pouvez plus? Quel message cela enverrait-il aux personnes de tous âges qui jonglent, à un moment de leur vie, avec l'idée du suicide parce qu'elles sont désespérées suite à un échec amoureux ou professionnel ou parce qu'elles sont dévastées par l'angoisse ou le surmenage?

Mes espoirs. Je souhaite vivre dans une société de plus en plus accueillante et humaine afin que les handicapés, les malades, les vieillards sentent toujours qu'ils ont encore une place. Je souhaite qu'au Québec nous arrivions à organiser les soins et le support tant à domicile que dans les hôpitaux et les lieux d'hébergement pour que chacun, et chacune, puisse terminer sa vie le plus adéquatement possible, sans acharnement thérapeutique et sans rien précipiter non plus. Je souhaite que notre société réponde présent, qu'aux grands malades qui appréhendent la suite parfois en songeant au suicide nous répondions présent, que nous leur disions: Nous allons vous soulager du mieux possible et nous allons vous accompagner jusqu'à la fin, avec respect et chaleur humaine.

Je souhaite que, suite à vos travaux et recommandations, l'approche palliative devienne un choix de société, qu'on ne dise pas: Puisqu'il y a des cas où ça ne se passe pas bien, nous allons permettre qu'on donne la mort, mais plutôt: Puisqu'il y a des cas où ça ne se passe pas bien, nous allons faire ce qu'il faut pour améliorer les habilités professionnelles et pour mieux utiliser les ressources afin de donner toujours des soins plus efficaces et appropriés. Mais, pour réussir cela, il faut une volonté politique. Il faut aussi que ce choix de société soit endossé par les administrateurs.

Je vous donne un tout petit exemple. À l'Hôpital de Gatineau du CSSSG, où je travaillais jusqu'au mois de septembre, nous avons une équipe multidisciplinaire et cinq lits de soins palliatifs. C'est bien, mais nous avons besoin de plus. En effet, nous suivons toujours plus que cinq patients. Les autres sont donc dispersés dans l'hôpital. Pour pouvoir donner des soins encore plus adéquats, nous réclamons, depuis 13 ans, c'est-à-dire depuis l'ouverture des soins palliatifs, de regrouper 10 patients plutôt que cinq. Les patients sont déjà là. Il ne s'agit pas d'augmenter le nombre d'hospitalisations ou la durée des hospitalisations, seulement de regrouper les patients. Donc, rien de bien compliqué, rien de coûteux mais une petite décision qui serait utile, notamment en concentrant sur une même unité de soins suffisamment de malades en fin de vie pour avoir, de préférence, du personnel particulièrement intéressé à cette clientèle. Alors, nous présentons notre demande d'année en année. Les administrateurs, eux, se succèdent. Rien ne bouge. Ils ont d'autres chats à fouetter. Ce n'est pas une priorité pour eux.

J'arrive à la conclusion et je vous laisse sur une image, celle de Rémy faisant ses adieux dans Les invasions barbares, ce film de Denys Arcand, que la plupart d'entre vous avez sans doute vu et dans lequel joue Pierre Curzi, un de vos collègues à l'Assemblée nationale.

Donc, Rémy, cancéreux sans être mourant, Rémy reçoit, après cette scène d'adieux, une injection mortelle. Est-ce parce qu'il est au bout de ses jours? Non. Est-ce parce que ses douleurs ne sont pas soulagées à ce moment-là? Non. C'est plutôt parce que ses amis et son fils doivent retourner à leurs occupations et que certains ont un avion à prendre. Voilà, entre autres, ce qu'il faut éviter: éviter de prendre des décisions en fonction de l'agenda des uns et des autres sans tenir compte, en premier lieu, de la personne malade. Plusieurs se souviendront également de la description que Denys Arcand fait dans ce film des soins hospitaliers. Rappelez-vous notamment de l'équipe médicale, équipe tellement incapable de soulager la douleur de Rémy que son fils, interprété par Stéphane Rousseau, recrute une junkie, interprétée par Marie-Josée Croze, pour qu'elle lui administre de l'héroïne à l'hôpital même.

Il s'agit bien sûr d'une caricature. Et beaucoup de bonnes et grandes choses se font déjà au Québec. On vient de l'entendre avec Mme Kane, beaucoup de choses se font pour les gens en fin de vie, mais, s'il vous plaît, Mmes et MM. les commissaires, que votre rapport contribue à améliorer ces soins plutôt qu'à ouvrir une boîte de Pandore qui, entre autres, fera de cette caricature une réalité parce que notre société n'aura pas consacré suffisamment d'efforts et de ressources à cet aspect inéluctable de la vie humaine.

Merci beaucoup, Mmes et MM. les commissaires, merci pour votre écoute, et pour tout le travail, je sais que vous abattez beaucoup de travail, et pour votre réflexion.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Dr Rochon. On va passer maintenant à une période d'échange avec les membres de la commission. Je suis prêt à céder la parole à Mme la députée de Hull.

**(17 heures)**

Mme Gaudreault: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, merci beaucoup, Dr Rochon. C'est dommage, on vient de perdre un bon médecin, là, dans le réseau parce que vous avez pris votre retraite bien méritée, j'en suis certaine. Et, comme je le mentionne toujours, c'est toujours un plaisir d'accueillir les médecins parce que vous êtes au coeur de ce débat-là, vous côtoyez la mort peut-être pas quotidiennement mais très souvent dans vos fonctions. Et c'est pour ça qu'on doit vous entendre. Vous êtes des experts du domaine. C'est sûr, vous avez dit tout à l'heure: Pas besoin de loi pour venir nous dire comment faire notre travail, finalement.

Les médecins, vous êtes formés pour sauver des vies, pour vraiment atténuer la souffrance de vos patients, puis je pense que, vous avez raison, vous n'avez pas besoin de loi pour continuer à faire ça. Par contre, vous avez bien mentionné: Il faudrait peut-être en dépoussiérer, il faudrait peut-être dépoussiérer certains articles de loi. C'est sûr qu'on n'aura pas le temps aujourd'hui pour jaser de tous ces articles que vous aimeriez, que vous souhaiteriez dépoussiérer.

On parle aussi de maisons de soins palliatifs. On en parle dans toutes les villes où on est passés. Ça a occupé beaucoup les discussions. Puis vous avez mentionné tout à l'heure qu'il y en a effectivement, à l'Hôpital de Gatineau, cinq lits, et que vous souhaiteriez qu'il y en ait plus puis qu'ils soient tous regroupés au même endroit, tout ça. Ça aussi, c'est un message qu'on a reçu, puis aussi l'environnement dans lequel les gens doivent finir leur vie en milieu hospitalier. J'ai souvenir d'un homme qui était venu à Sherbrooke nous parler de l'enfer qu'ils ont dû vivre en milieu hospitalier lors de la fin de la vie de sa femme. Puis, lui, il militait ardemment pour que les gens puissent au moins avoir une chambre seule pour pouvoir accueillir la famille puis vivre ça de façon plus humaine.

C'est sûr que notre réseau de la santé en ce moment a plusieurs défis à relever. Et je vais vous inviter en tout cas... Vous et les collaborateurs qui souhaitent changer un peu les services au sein du CSSSG, si vous voulez m'en faire parvenir une copie, ça va me faire plaisir pour que je puisse vous aider à mieux desservir la population en fin de vie à l'Hôpital de Gatineau ou de Hull, en tout cas, mais je vous invite à me faire parvenir ça, puis, si je peux vous aider, ça va me faire plaisir. Déjà, on aura fait oeuvre utile avec cette commission-là.

Mais je veux vous entendre. On a reçu des témoignages surprenants de la part de médecins. Puis il y a même Dr Barrette, de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, qui est venu nous lancer au tout début: Il s'en fait déjà, de l'euthanasie, dans nos hôpitaux au Québec. Alors pourquoi, comme vous l'avez mentionné, faire une loi pour ça? On le fait déjà.

Vous, dans votre expérience, votre pratique, que pensez-vous de cette affirmation-là?

M. Rochon (André): Moi, je n'ai pas été témoin d'euthanasie au sens propre du terme «euthanasie», là. On devrait toujours l'employer maintenant, là, pour bien s'entendre sur les termes, quand c'est faire un acte délibéré pour donner la mort. Habituellement, c'est par une injection. Alors, je n'ai pas été témoin... J'ai travaillé... bon, au temps quand j'étais résident, mais ça, ça fait longtemps, mais ici j'ai travaillé à l'Hôpital de Hull, l'Hôpital de Gatineau, La Pietà.

Je n'ai pas été témoin d'euthanasie, mais j'ai entendu des gens dire: Ah, bien ils lui ont donné un protocole, mais c'est un protocole de détresse, ce n'est pas de l'euthanasie. Ou il y a toujours des... il y a parfois des gens qui associent la dernière dose de morphine: Une infirmière lui a donné une injection, il est mort après ou l'état s'est dégradé très vite, ils ont sûrement fait quelque chose. Ça, on entend des réflexions comme ça, mais je n'ai pas eu vent de cas, là, à l'hôpital, où il y aurait eu de l'euthanasie.

Mme Gaudreault: Dernière petite question: Est-ce que, vous, vous faites une différence entre le débat sur l'euthanasie puis le débat du suicide assisté? Parce que ce n'est pas du tout la même chose. Ça ne touche pas du tout les mêmes personnes. On a eu le témoignage, tout à l'heure, de M. Giroux avec Hélène. Hélène, c'était une femme pleine de vie. Pour qu'Hélène en soit venue à souhaiter de mourir, parce qu'elle l'a bien mentionné: Il y en a qui peuvent se suicider, moi, je ne peux pas, il y a comme une double injustice. Moi, j'ai cette maladie-là qui me fait agoniser jour après jour puis en plus je ne peux même pas y mettre un terme quand quelqu'un de bien portant pourrait le faire. Lui, il pourrait décider: Bon, j'ai une peine d'amour, je m'enlève la vie.

Qu'est-ce que vous pensez de ces positions-là?

M. Rochon (André): Bien, il y a une distinction entre l'euthanasie et le suicide assisté, mais c'est bien, je pense, que la commission aborde les deux.

Moi, les deux me font peur, et j'ai remarqué... bien là, je ne veux pas discuter un cas personnel, mais j'ai remarqué dans l'intervention de M. Giroux qu'il disait qu'elle ne souhaitait pas mourir, que même elle voulait avoir la permission de pouvoir le faire mais qu'elle était encore attachée à la vie puis que, même lorsqu'elle est morte d'une complication, si je comprends bien, elle n'était pas encore rendue... mais elle disait: Au moment où je vais être dans tel état, je voudrais avoir le droit de mourir. Puis là il y a plusieurs choses qui me viennent à l'esprit. C'est que, si la personne a le cocktail, là, qu'elle va pouvoir boire, bon, on dit: Ils vont avoir quelque chose, là, puis ils pourront le prendre au besoin, mais on a des hauts et des bas. Même, on est bien portant puis on a des hauts et des bas.

Alors, il suffit d'une journée de découragement, et voilà qu'on ampute la vie de cette personne-là. Des gens parfois meurent plusieurs années après.

On a eu l'exemple du Dr Villemure qui parlait de son patient avec la sclérose en plaques, je pense, qui lui demandait la mort puis, quelques années après, il a voulu même être opéré puis... Alors, si, au moment où il avait été dans cette période-là... et la loi avait été possible, bien peut-être qu'il aurait été jugé acceptable. Je pense aussi aux cas de sida. Il y a 20 ans, là, quand on apprenait à quelqu'un qu'il avait le sida, notre crainte, c'était qu'il se suicide. Et, s'il y avait eu du suicide assisté à ce moment-là, je pense qu'il y en a beaucoup qui seraient partis alors que... D'abord, il y avait des gens qui voulaient se suicider. Ils n'avaient pas le sida, ils étaient juste séropositifs, mais ils avaient tellement peur qu'ils auraient peut-être eu recours... Maladie mortelle; bon, on n'a pas de traitement. Mais maintenant on sait qu'il y a des traitements, et les gens survivent. Tant que ce n'est pas fini, ce n'est pas fini, qu'ils disent dans le sport. Alors, on voit des gens qui sont découragés puis qui vont chercher... Le lendemain, il survient quelque chose, un petit enfant inattendu qui vient au moment... il se rattache à ça. Alors, ça me fait peur.

Je compatis beaucoup avec les gens qui ont des maladies chroniques. Quelqu'un disait, je pense que c'est M. Charette, que le fils d'un patient ou d'une patiente qui avait eu la maladie de Lou Gehrig disait: Vous devriez relancer toujours cette question-là. Et j'ai pensé à M. Claude Masse, qui était un avocat qui a travaillé pour le droit des consommateurs, la Loi de protection du consommateur puis qui est mort de la maladie de Lou Gehrig et qui a voulu vivre jusqu'à la fin sa maladie. Donc, je pense que c'est possible. Qui suis-je pour en parler, là? Je ne suis pas atteint de cette maladie-là, mais... Je pense à Christopher Reeve, qui était quadraplégique, et c'était quelqu'un qui aimait la vie, vous savez, l'acteur qui faisait Superman. Alors, il a vécu, je ne sais pas, une dizaine d'années, quadraplégique, et il a fait plein de choses, et lui-même témoignait qu'il avait découvert toute une vie intellectuelle et intérieure, alors qu'au moment où on apprend la nouvelle qu'on a une maladie mortelle ou qu'on a une maladie dégénérative on pourrait dire: Bien là, il n'y a plus rien, mon avenir est fini. On ne sait jamais ce qui va survenir.

Alors, moi, je trouve que c'est plus sage de laisser la nature, d'aider à soulager, les soins. Mme Larochelle disait: Qu'est-ce qui nous reste si on ne peut pas se suicider? Mais je pense qu'il reste l'aide pour qu'elle soit confortable. Elle appréhendait d'avoir beaucoup de douleurs si elle n'était pas traitée. Mais le refus de traitement, ce n'est pas le refus des traitements de confort, c'est... On n'abandonne pas les gens qui refusent des traitements, au contraire on met encore plus l'accent sur le confort.

Alors, ce sont des témoignages que je trouve très émouvants. Et on se dit: Bien, il faut faire quelque chose, mais il faut penser aux conséquences si on met une loi.

Mme Gaudreault: Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Joliette.

**(17 h 10)**

Mme Hivon: Oui. Merci beaucoup pour votre témoignage fort instructif.

Tantôt, j'ai posé la question, je ne sais pas si vous étiez là. Mais, comme médecin, face à quelqu'un qui, en fin de vie, vous demanderait, de manière répétée, de mourir en disant que, pour lui, ça n'a plus de sens... Il est accompagné de proches, là, ce n'est pas quelqu'un qui est isolé ou tout ça, mais il lui en reste peut-être pour quelques semaines, mais, pour lui, il trouve que, oui, on lui apporte des soins de confort, il a accès à des bons soins, mais les effets secondaires, le fait d'être toujours entouré d'une panoplie de gens qui disent: Ça va, ça ne va pas, et tout ça... C'est parce qu'on a eu des gens qui nous ont dit... Moi, de ce que j'entends des soins palliatifs, je ne suis pas certaine qu'au bout d'un certain temps je serais si à l'aise que ça dans cette démarche-là en quelque sorte parce qu'il y a un accompagnement, puis personnellement... Je pense qu'on est tous d'accord, c'est extraordinaire.

Mais il y a des gens qui disent: Je ne le sais pas, si, au bout du compte, ce n'est pas une bonne idée de laisser encore la personne dire: J'ai mon libre arbitre, j'ai mon autonomie.

Donc, vous êtes face à un cas où la personne vous dit: Pour moi, ça n'a plus aucun sens. Pour contrôler mes douleurs ou mes souffrances, je dois avoir des calmants contre mon anxiété, ce qui me fait être plus ou moins conscient des derniers moments que je vis. J'ai des douleurs physiques, ce qui fait en sorte que j'ai des effets secondaires importants, bon, tout ça, je ne me sens plus moi-même. Et donc elle utilise ses moments de lucidité, où elle a un peu d'énergie, pour vous demander de mettre fin à ses jours, puis vous savez qu'elle l'a dit à ses proches, puis ses proches sont...

Comment vous gérez ça? Est-ce que vous dites à une personne comme ça: Bien, écoutez, je comprends votre demande, mais ce n'est pas possible dans l'état actuel des choses? Il y a un bien commun supérieur qui fait en sorte qu'on ne peut pas accéder à ça. Comment vous vous positionnez comme médecin?

M. Rochon (André): Bien, actuellement, comme ce n'est pas possible de faire de l'euthanasie, je dis tout simplement aux gens: Je ne peux pas faire ça.

Des fois, je rajoutais: Même si c'était permis par la loi, je ne serais pas d'accord pour le faire non plus, mais on va vous accompagner du mieux possible puis on va soulager les symptômes. En général, on essaie de voir... d'être à l'écoute du patient pour voir qu'est-ce que c'est qui ne va pas, qu'est-ce qui... Et, dans mon expérience, je n'ai pas eu de personnes qui ont insisté. De fait, c'est plus souvent des familles, même si ce n'est pas très souvent... mais c'est plus souvent des familles que des malades qui nous ont dit: Ah, sa vie n'a plus de sens. Ou: Il est souffrant. Puis ça, la douleur, c'est toujours subjectif et difficile à évaluer, hein? Les patients, on passe les voir, puis ils disent: Ah, je suis correct, n'augmentez pas mes médicaments. On les sent confortables aussi. Mais quelqu'un de la famille trouve que c'est insupportable parce qu'il le voit grimacer ou...

Mais peut-être plus souvent des familles que des patients nous ont dit: Ah, vous n'auriez pas une piqûre à lui donner, qu'on en finisse, là? Mais je n'ai jamais eu à gérer, là, des cas où c'était une demande pressante et répétitive.

Maintenant, quand les symptômes... Alors, notre but, en soins palliatifs, c'est toujours de soulager les symptômes. On essaie, si c'est la douleur ou les nausées... ou, si c'est un problème social, on a notre travailleuse sociale. Et des fois il y a des souffrances qu'on dit totales, là, c'est existentiel. Si la personne est vraiment en fin de vie, là, elle ne s'alimente plus, elle en a juste pour quelques jours, je pense que la sédation, mais j'aime mieux employer le terme sédation «palliative» que «terminale», a toute sa place. Et on y va. Si c'est de l'angoisse que le patient vit, on essaie d'ajuster les médicaments pour contrôler, ne pas donner des doses qui sont disproportionnées. On juge selon son état.

Si le patient n'est pas encore rendu là, que ce n'est pas les derniers jours, on peut toujours lui proposer de faire une sédation. Ça ne m'est pas arrivé d'avoir à le faire, là, mais c'est des choses qui peuvent se faire, qui se font, de fait, de proposer une sédation pour quelques jours, puis, après quelques jours, on diminue la sédation, assez pour pouvoir lui parler puis voir comment ça va. Et des fois la crise d'angoisse a passé, des fois il s'est passé quelque chose entre ça. Et il y a toutes sortes de choses imprévues qui arrivent en soins palliatifs, comme disait... des retrouvailles, des familles divisées, et tout à coup quelqu'un qui ne donnait pas signe de vie depuis 10 ans arrive.

Alors, je pense qu'on a assez d'outils actuellement. Ce qui est malheureux, c'est qu'on entend des cas où on se dit: Bien, peut-être que ça n'a pas été bien géré, mais il faut peut-être plus de formation pour le personnel, il faut peut-être avoir plus de soins palliatifs.

Moi, depuis que je suis en... depuis que j'ai commencé ma pratique, je pense, je disais toujours que, si je bâtissais des hôpitaux, ce seraient toujours des chambres individuelles, à tout point de vue, je pense, c'est le contrôle des infections jusqu'à l'intimité, à tout point de vue. Je pense que des chambres individuelles, c'est mieux avec des contacts sociaux dans des aires communes. Alors, il y a plein de choses qu'on peut faire sans nécessairement avoir l'euthanasie ou le suicide assisté.

Mme Hivon: Pour ce qui est de la formation, parce que vous venez d'y faire référence, est-ce que vous estimez que, dans les facultés de médecine, on prépare bien? Est-ce qu'on devrait améliorer la formation des médecins, à l'heure actuelle, pour tout ce qui est soins palliatifs, gestion de la douleur? Est-ce que vous avez le sentiment que le corps médical est encore assez dépourvu relativement...

M. Rochon (André): Oui. Ce qui se fait actuellement, comparé à ce qu'il y avait quand j'étais aux études, c'est extraordinaire. Ça n'existait pas à l'époque. Et ici, à l'Hôpital de Gatineau, on est affiliés à l'Hôpital McGill et on reçoit des étudiants qui font leur résidence en médecine familiale. Je ne sais pas si ailleurs c'est comme ça, mais, à Gatineau, ils sont obligés de faire un stage en soins palliatifs. Alors, ça, c'est très bon. Je pense que les jeunes médecins sont mieux préparés, ils sont plus, entre guillemets, exposés à des cas de soins palliatifs, alors qu'avant un médecin pouvait faire tout son cours puis, quand il commençait en pratique, il était exposé à des cas puis il n'avait jamais eu à gérer ça.

Et, même si on ne travaille pas en soins palliatifs, en médecine, on est toujours... on est souvent confronté à des cas qui relèvent des soins palliatifs. Le médecin, à l'urgence, il reçoit des patients qui étaient en... qui sont en fin de vie à domicile puis il faut qu'il trouve une solution. Même en pédiatrie, des fois, il y a des cas. Alors, je pense que c'est bien que tous soient formés et en cours de route parce que faire un mois de soins palliatifs, ce n'est pas suffisant, là.

Mme Hivon: Puis dernière question, peut-être, de mon côté. Vous avez fait référence tout à l'heure à peut-être une certaine résistance ou une pas très grande écoute, disons, de certains gestionnaires du réseau de la santé face à votre demande répétée de regrouper, par exemple, les lits dans l'hôpital pour qu'il y ait une unité plus consistante, je dirais, de soins palliatifs. Il y a évidemment énormément de demandes pour que les soins palliatifs soient accrus au Québec. Il y a un manque important à cet égard-là.

Si ces soins-là palliatifs doivent être développés, est-ce que vous estimez qu'il faut un peu garder l'approche mixte qui est là en ce moment, c'est-à-dire des maisons de soins palliatifs soutenues en grande partie par les communautés, des lits dans les milieux hospitaliers, une aide à domicile, quand c'est possible, ou est-ce que vous pensez qu'il y a une de ces manières de développer les soins qui devrait être privilégiée, donc que l'État investisse davantage dans les maisons de soins palliatifs ou dans le soutien des gens à domicile, ou vous pensez que la voie hospitalière doit aussi être conservée?

M. Rochon (André): Je pense qu'il faut tout ça. La voie hospitalière, ce n'est pas la plus importante parce que, quand on peut mourir à domicile, c'est l'idéal.

Maintenant, ça prend un support, un réseau social des familles parce que, même avec le CLSC 24 heures sur 24 qui est accessible, si c'est une personne âgée... un couple âgé qui n'a pas d'enfant... ou un seul enfant, alors ce n'est pas toujours possible, et, à ce moment-là, les maisons de soins palliatifs sont très utiles.

Par contre, il va toujours y avoir des cas qui arrivent à l'hôpital soit parce que les symptômes sont difficiles à gérer, ça prend une expertise ou il faut passer des tests, ou on a besoin de consulter l'anesthésiste, ou il y a des cas qui... il y a des gens... où ils rentrent à l'urgence, on ne sait pas ce qu'ils ont, ils toussent, puis on s'aperçoit qu'ils ont un cancer très avancé, puis ils n'ont pas le temps de... ils ne sortent même pas de l'hôpital, les choses vont très vite. Alors, ça prend une expertise dans l'hôpital. Même, on ne peut pas juste dire: Bien, ça, c'est en dehors de l'hôpital, on va confier ça juste aux maisons de soins palliatifs, alors. Puis même je trouve ça important qu'il y ait une certaine unité de lits, là, à l'hôpital, regrouper des patients, mais il faut que, sur tous les étages, le personnel soit sensible, soit éveillé à la problématique des soins palliatifs pour que, quand, un patient qui vient d'être opéré, disons, son état dégénère, puis là il est dans une unité de soins aigus... mais c'est décidé, la famille avec les médecins traitants, qu'on va faire juste des soins de support. Si les gens n'ont pas l'habitude de ça, puis ils laissent la porte fermée, puis ils vont juste s'occuper des patients qui viennent de revenir de la salle d'opération puis qui ont un avenir devant eux, ça ne marchera pas.

Il faut que tout le monde ait cette sensibilité qu'à un moment donné on ne fait pas d'acharnement, mais on fait tout ce qu'il faut pour que le patient soit confortable.

**(17 h 20)**

Le Président (M. Kelley): Alors, sur ça, Dr Rochon, merci beaucoup pour votre contribution à notre réflexion, je vais suspendre quelques instants.

Mais on a huit demandes d'intervention, alors, en rafale, on va demander à ces personnes de venir faire les courts témoignages, mais je vais juste suspendre quelques instants. On peut saluer Dr Rochon avant qu'il se sauve.

(Suspension de la séance à 17 h 21)

 

(Reprise à 17 h 22)

Le Président (M. Kelley): Alors, on arrive aux dernières... à qu'est-ce qu'on a prévu pour les personnes qui sont dans la salle, qui ont entendu beaucoup d'arguments, beaucoup de points de vue, de vous laisser un trois minutes à la fin.

Nous sommes huit ce soir, alors trois, quatre minutes, s'il vous plaît, vos déclarations. Il n'y aura pas de réaction des membres de la commission. C'est vraiment votre occasion de vous exprimer soit sur les points qui ont été soulevés aujourd'hui ou toute autre chose, c'est vraiment à vous. J'ai, en ordre, j'ai Martin Desrosiers, Gaston Carmichael, Claudette Beaulieu, Marie-Thérèse Kazeef, Katherine Dadei, Monique Beaudoin, Marie-Thérèse Costisella et Valérie Tanguay.

Alors, est-ce que Martin Desrosiers est là?

Une voix: ...

Le Président (M. Kelley): Alors, prendre le micro. Le prochain trois minutes, plus ou moins, est à vous.

M. Martin Desrosiers

M. Desrosiers (Martin): J'espère que vous allez être indulgents. J'ai écrit quelque chose.

J'ai écouté les différents témoignages et puis vraiment je suis attristé de voir que plusieurs pensent à mourir comme ça, et désirer la mort, c'est une chose qui est un peu difficile pour moi, pour avoir déjà vécu des situations difficiles, ayant déjà failli perdre ma petite fille de sept ans, qui était décomptée et miraculeusement est revenue à la vie. Je trouve ça dommage. Je vois aussi que la commission s'interroge beaucoup sur le sens de la dignité, puis c'est une chose qui, moi... En dînant tantôt, j'ai commencé à réfléchir un tout petit peu, et vous vous apercevez que la dignité, ce n'est pas une chose qu'on dit de soi. Je ne peux pas dire: J'ai le regard digne. Mais on peut dire d'une personne, par exemple: Oh, regarde, il a un regard digne, hein? La dignité donc comporte, à mon sens, une partie qui s'appelle l'humilité, qu'on n'entend pas beaucoup parler. Les gens qui parlent de la dignité pour la contrôler, pour avoir le contrôle de leur vie, à mon point de vue, ça s'appelle de l'orgueil. L'orgueil, pourquoi? Parce qu'on veut contrôler jusqu'aux derniers moments de notre vie.

Alors là, il y a deux choses qui se dessinent, soit la dignité donc de contrôler tout ce que je veux comme je veux, tel que je le veux, et la dignité de la personne qui, elle, s'efface, et qui laisse l'événement se produire, et qui l'accepte de bon coeur. Comprenez-vous? Alors, moi, j'avais déjà ça à vous dire à propos de la dignité.

J'ai vu aussi... mais je suis croyant, hein? J'ai cinq enfants. J'ai ma maman aussi qui a été malade, que j'ai gardée neuf ans, qui avait trois maladies: le diabète, la myasthénie grave, qui est très grave, et aussi l'Alzheimer. Alors, je l'ai gardée pendant neuf ans, je me suis occupé d'elle jusqu'à ce qu'on ne soit plus capable de s'en occuper et au risque même d'avoir la dépression nerveuse que j'ai subie. Et je dois vous dire qu'aujourd'hui, après le recul de tout ce que c'est qui s'est fait, parce qu'elle est morte et c'est moi qui ai demandé à cesser les traitements parce que, de l'avis des médecins qui étaient là, il n'y avait plus rien à faire... C'est une infection à... les intestins avaient perforé, et ainsi de suite, là. Et j'ai pris la décision justement de cesser l'acharnement thérapeutique. Et je dois vous dire que je vis très bien avec cette décision-là. Je n'ai pas demandé par contre à un médecin de donner une piqûre pour enlever la vie de ma mère. Et, moi, je veux vous dire que je me sentirais bien mal à l'aise... très mal à l'aise, même, de le faire moi-même. Puis c'est peut-être une question que vous devriez poser justement à ceux qui se présentent devant vous, qui sont pour l'euthanasie.

Puis tantôt j'écoutais M. Martin Sirois, je pense... Giroux. Donc, deux choses. Est-ce que lui l'aurait fait? Est-ce qu'il aurait enlevé la vie de sa femme? C'est une question qui est difficile.

Aussi, une chose que je m'aperçois, c'est que, les médecins, on leur demande, à eux, de prendre cette obligation-là de tuer quelqu'un. Tous les médecins que j'ai entendus ici, il n'y en a pas un qui a dit: On le veut. Ils ont tous dit: On ne le veut pas. Alors, il y a cette espèce de pensée magique, il y a quelqu'un qui a parlé de magie tantôt, de laisser comme ça d'autres prendre la responsabilité d'enlever la vie puis de tout simplement laisser faire l'autre, laisser faire la job de l'autre, finalement. On donne la responsabilité à l'autre.

Ça fait que ça, ce sont les points que je voulais vous dire. Maintenant, j'ai écrit un petit texte, je vous en ai donné une copie, et, dans ce petit texte là, bien c'était... Il y a des choses que je ne comprends pas non plus, notamment le fait que justement on parlait des lois fédérales, donc qui sont de notoriété fédérale, et que, vous, vous êtes de notoriété provinciale et que vous vous immisciez comme ça dans le domaine de la juridiction fédérale. À ce que je sache, il n'y a pas deux constitutions, il y a toujours une Constitution. Puis il n'y a pas deux droits criminels: il n'y en a pas un pour les bons qui veulent mourir, puis que, là, ça devrait être accepté, puis l'autre qui serait mauvais, hein? Il n'y a pas deux droits criminels, il y en a juste un. Et là je me demande comment, vous, vous allez faire, comme commission justement, pour essayer de voir à ce que juste les... il y ait une concordance finalement entre le fédéral puis vous autres puis le désir de la population québécoise. Est-ce que ça va aller en conflit? Je ne sais pas, mais c'est une question que vous devriez vous poser peut-être, à moins que vous ayez déjà des «hints» qu'on n'a pas. Mais ça, c'est un point de vue qui me questionne, en tout cas.

Puis la dernière chose, c'est aussi de voir tout le côté émotionnel, c'est un dernier point, là, le côté émotionnel des gens qui se présentent devant la commission, parce que je trouve que l'exercice de la justice, c'est justement conçu pour empêcher de donner suite aux coups de l'émotion. L'exercice de la justice, il faut rationaliser plutôt l'émotion puis lui ôter son caractère subjectif et lui donner les propriétés objectives du jugement délesté de tout parti pris.

Tuer une personne pour soi-disant éliminer la souffrance qu'elle endure est un meurtre dit de compassion mais est toujours passible de condamnation.

Bon. Alors là, je m'arrête là, mais c'est quand même... Encore là, là, tout le côté fédéral, là, ça se revoit là-dedans. Merci.

**(17 h 30)**

Le Président (M. Kelley): Alors, merci beaucoup. Vous avez un texte que vous allez laisser ou...

M. Desrosiers (Martin): Oui, oui, je l'ai laissé...

Le Président (M. Kelley): O.K. C'est fait? O.K., parfait. Merci. Je veux juste confirmer. M. Gaston Carmichael...

M. Desrosiers (Martin): Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Desrosiers.

M. Carmichael, pour votre trois à quatre minutes.

M. Gaston Carmichael

M. Carmichael (Gaston): Ça va? Oui. Je vais essayer d'être bref. Aujourd'hui, le score est 7 à 2. Il y a beaucoup... On a entendu beaucoup de personnes qui disaient qu'on n'a pas besoin de décriminaliser l'euthanasie, on a simplement à faire un bon réseau de centres de soins palliatifs.

Ils ont parfaitement raison. Puis j'ai écouté des témoignages, et puis ils font vraiment un travail exemplaire. Si tout le monde aurait accès à un tel service, on n'aurait pas besoin d'euthanasier. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Ce réseau-là n'existe pas encore, et puis on ne voit pas le jour qu'il va exister. Ça va prendre des décennies. Donc, qu'est-ce qu'on fait entre-temps? Entre-temps, à ce moment-là, ce qu'ils proposent, c'est le statu quo. Alors, moi, je dis: Non, le statu quo, ce n'est pas bon non plus. Donc, au lieu de poser la question comme décriminaliser l'euthanasie ou des soins palliatifs, je dirais: Il faut faire les deux. Alors, décriminalisons pour permettre des cas comme Mme Hélène Larochelle, qu'on puisse la libérer, qui est toujours l'exception, comme il a été mentionné. On parle toujours d'une infime exception.

Donc, décriminalisons et en même temps travaillons sur des centres de soins palliatifs.

Là, ils vont nous dire: Oui, mais, si on travaille sur décriminalisation, bien, à ce moment-là, il faut mettre en place un système pour mettre des «guidelines», et puis là ça va nous retarder dans l'autre projet. Bien, à ce moment-là, je dirais: «So be it!» Il faut accommoder. C'est urgent, il faut accommoder ceux qui sont vraiment pris avec le problème aujourd'hui puis pour les prochaines années.

L'autre point que je vous aurais apporté, c'est au niveau du comment... c'est-à-dire qui va être autorisé à effectuer l'acte? Je n'ai pas de problème à ce que ce soient les médecins bien sûr, mais il ne faut pas que ce soit rien qu'eux autres. Il faut absolument empêcher le Collège des médecins de prendre le monopole de la chose. Autrement... on a déjà une pénurie de médecins, la moitié d'eux autres, ils vont dire: C'est contre ma conscience, je ne peux pas. Ça fait que finalement on va arriver avec une situation où est-ce qu'on a levé la barrière légale, puis là on se frappe à une barrière médicale.

Donc, moi, je ne vois pas de raison pourquoi on ne pourrait pas permettre aux infirmières... pas nécessairement les infirmières spécialisées, infirmières... D'après ce que j'ai compris, ce n'est pas très mystérieux, alors ouvrons-le à plus de monde pour permettre... pour ouvrir l'accès, pour éviter la situation qu'on a présentement avec les médecins de famille. C'est tout.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Carmichael, pour vos commentaires.

Je suis maintenant prêt à passer la parole à Mme Claudette Beaulieu pour... Et, M. Carmichael, 3 min 2 s, alors bravo pour...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Claudette Beaulieu

Mme Beaulieu (Claudette): Je vais essayer d'être aussi efficace.

Mmes les commissaires, messieurs... bureau et personnel de soutien, j'ai beaucoup apprécié, tout au long de la journée, votre disponibilité, votre langage verbal et non verbal qui m'est apparu excessivement ouvert et prêt à recevoir les témoignages. J'ai beaucoup apprécié ça. J'ai aussi apprécié que le ton des interventions se faisait... nous donnait envie d'appartenir à ce genre d'humanité et de féminité là. J'ai trouvé que les gens avaient des sentiments généreux, qu'ils soient d'un côté ou de l'autre ou entre les deux.

Ce que je veux partager avec vous, c'est un processus de comparaison qui me poursuit depuis une dizaine d'années. J'ai eu 20 ans en 1964. J'ai été confrontée à la crise, aux débats et aux solutions apportées sur la contraception et je ne peux m'empêcher de trouver que les débats d'aujourd'hui ressemblent dangereusement à ceux qui avaient cours: «Ma petite-fille, tu ne peux pas tout contrôler», m'avait dit mon médecin. «Il va y avoir des débordements», nous disaient les juristes et les légalistes. «Dieu est le maître», répétaient les curés, en chaire. «Faites confiance à la vie, les choses s'arrangent», disait ma grand-mère. Et les gouvernements nous disaient: On va vous aider, on va vous donner plus d'attention pendant les grossesses, plus d'argent et de soins pour supporter vos enfants.

Je ne prendrai pas sur votre temps pour faire la contrepartie. Ce que je voudrais mentionner, c'est qu'aujourd'hui personne n'a peur de parler de contrôle des naissances. Pourquoi avons-nous si peur de contrôler notre mort? Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Beaulieu, pour vos commentaires.

Notre prochain témoin, c'est Marie-Thérèse Kazeef? Est-ce que c'est plus ou moins... Pas loin?

Mme Marie-Thérèse Kazeef

Mme Kazeef (Marie-Thérèse): Ka-ze-ef.

Le Président (M. Kelley): Kazeef. Pardon. Alors, Mme Kazeef, les prochaines trois minutes sont à vous.

Mme Kazeef (Marie-Thérèse): Bonjour. Je veux parler pour moi, car je n'ai aucun droit de le faire pour d'autres.

J'ai exercé ma profession d'infirmière sage-femme pendant 40 ans à Londres, à Paris, à Montréal, dans la baie d'Hudson, en Iran et finalement à Wakefield, dans un hôpital sympathique où j'ai apprécié la vie rurale. C'est là où j'ai eu à supporter ces vieillards impotents qui n'arrêtaient pas de demander à Dieu de venir les chercher. Je ferais remarquer que Dieu est relégué bien derrière tous les acharnements médicaux pour garder tout le monde en vie.

Je vis d'une manière indépendante. Ma vie en est une de satisfaction, de petits bonheurs. J'aime rire. J'ai 74 ans, je me vois vieillir et j'aime être le témoin de ce processus, avec ses écueils, ses bénéfices. Tout mon entourage connaît mon souhait de fin de vie parce que je crois au bénéfice de discuter ce sujet aussitôt que possible dans la vie. Ce que je veux, c'est mourir chez moi, tenant la main de mon fils. Dans tout ce que je lis et j'entends, il y a une confusion, et cela, probablement voulue chez certains bien-pensants, dans le débat de suicide, entre celui dû aux dépressions de jeunes ou âgés et celui réfléchi de personnes en fin de vie qui considèrent qu'après une vie satisfaisante... peuvent mettre fin à celle-ci quand elle ne répond plus à leurs valeurs, surtout si cette vie devient contrôlée par d'autres. J'entends par là autant les aidants naturels aimants que les institutions et je ne parle pas forcément de personnes souffrant physiquement, en phase terminale.

Je me demande de quel droit des personnes dont les valeurs ne correspondent même pas aux miennes se donnent le droit de me condamner à vivre. La vie n'a de valeur que ce qu'on lui accorde. Et d'ailleurs l'illustration assez flagrante, pour moi, c'est l'envoi de nos soldats pour tuer d'autres et se faire tuer. Ça, c'est une valeur de vie, ça.

J'aimerais référer chacun de vous à trois exemples qui illustrent mon point de vue. D'abord, Hélène Larochelle, que j'ai tellement appréciée, j'ai suivi son parcours à travers les nouvelles, et tout cela. Ensuite, le combat réussi de M. Tremblay, M. Marcel Tremblay, qui, en janvier 2005, à Ottawa a réussi à rendre son suicide public. C'était merveilleux. J'ai assisté à cette réunion-là, et c'était vraiment un baume sur le coeur. Ensuite, je trouve que le film espagnol La mer intérieure est un très bon exemple de ce que ça demande.

Dans la littérature, approximativement 2 % de la population pensent à peu près comme moi. C'est une minorité, mais la loi devrait protéger cette minorité qui, ayant droit au suicide, ne peuvent le faire que d'une façon violente, avant le terme réel de leur vie, pour éviter la perte d'autonomie, qui leur enlèverait tous moyens, ou alors on met une autre personne en danger d'être poursuivie par la justice.

Quant à la pente glissante, que l'on commence donc à respecter les souhaits de ceux qui peuvent s'exprimer et que cela évolue, comme toute autre chose, avec le temps. Madame, avec le sujet d'empêcher la procréation... Excusez-moi, je n'ai pas le mot, là...

**(17 h 40)**

Une voix: ...

Mme Kazeef (Marie-Thérèse): ...oui, a tout à fait montré cet exemple-là. Le temps fait que ça va évoluer. Au moins, on devrait respecter les personnes qui le souhaitent verbalement, tout de suite. Cela n'empêchera nullement d'améliorer les soins palliatifs. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Kazeef. Le prochain témoin, c'est Mme Katherine «Dadei». Plus ou moins... J'ai de la misère à écrire le... de la façon que c'est écrit. Alors, vous allez me corriger.

Mme Katherine Dadei

Mme Dadei (Katherine): En effet.

Le Président (M. Kelley): Bienvenue, Katherine.

Mme Dadei (Katherine): Dadei.

Le Président (M. Kelley): Dadei.

Mme Dadei (Katherine): Oui. C'est juste ça. Oui. Alors, Katherine Dadei, en effet. Je remercie beaucoup à mesdames messieurs de vous avoir déplacés ici, à tous les beaux témoignages que je viens d'entendre.

De profession, je suis biologiste, et mère de trois enfants. Et j'aimerais parler de ma propre expérience.

Un instant, s'il vous plaît.

Le Président (M. Kelley): Prenez votre temps. On est dans...

Mme Dadei (Katherine): Je me cherche juste une gomme. C'est toujours difficile de parler de soi-même lorsque la mort nous affecte.

Alors, en effet, il y a trois ans, j'étais très malade. Et c'est toute une surprise parce que le diagnostic était posé, était un peu difficile à reconnaître parce que je ne faisais pas de symptôme. Alors, bref, lorsque je me suis réveillée après des chirurgies, je me suis réveillée avec plein de douleurs. Le problème, c'est que dans mon cas ma condition était qu'on ne pouvait pas m'administrer des analgésiques parce que ma pression est très basse. J'étais en déclin. Et je pourrais mourir à cause de ça parce que ça diminue la pression. C'est ce que les médecins m'ont expliqué. En tout cas, j'avais la conscience, mais ce dont je me rappelle, ce sont des douleurs incroyables. Et tout le monde qui était là... puis le médecin, il disait que, la condition que j'avais, j'avais 2 % de survie.

Bon. Alors, ce qui est arrivé après, ce n'est pas si important, mais ce qui m'a touchée par rapport à la question qu'on pose ici pour l'euthanasie, si on doit légaliser ou non, c'est le moment où on vit cette douleur-là, hein? C'était court. Je ne sais pas si c'était... mais je me rappelle de ces souffrances. Je me rappelle aussi de mon mari qui était dévasté après que le médecin a dit... Si je vais survivre pour 72 heures, je vais vivre. Mais, oui, effectivement, c'est beaucoup d'émotions. Mais à l'époque, quand j'étais malade, alors ce dont je me rappelais, c'étaient des souffrances. Et après, puisque vous me voyez, je suis là, je goûte à la vie, j'ai trois petits-enfants qui sont quand même petits, cinq, six et neuf ans, et je suis très heureuse pour ça. Mais la chose qui m'a frappée dans ma vie, c'est justement le fait que... le fait d'être dans cette situation où je me sentais très mal, où j'avais beaucoup de mal, les douleurs incroyables, atroces, les organes ont été enlevés, et puis on vous donne des analgésiques.

Alors là, ça a fait mal. Et puis je voyais ma mère aussi, qui était très énervée. Et puis elle cherchait désespérément... On manque de médecins. On ne pouvait pas faire grand-chose. Donc là, maintenant, si je transmets ça à toutes ces personnes qui vivent longtemps, hein, qui vivent la souffrance, et puis ils prennent des analgésiques, ça ne doit pas être évident, hein, de vivre ça, alors là je reconnais ça, absolument. Mais la chose qui m'a frappée, vous savez, c'est après. Parce que la convalescence était longue. Il fallait apprendre à... Et c'étaient des autres hôpitaux qu'il fallait y aller, et tout. Mais ce qui m'a le plus frappée, c'est moi-même. Pourquoi cette convalescence était si longue? Parce que, dans ces moments-là où j'étais tombée malade, ma vie n'était pas idéale. C'était la pire période de ma vie que j'avais... vécue, hein... et j'avais pu vivre, en fait. Et je crois que, dans la situation où un être humain, un patient, qui est malade, qui, sa vie ne marche pas... et, si on avait cette option de l'euthanasie, je pense que moi-même...

Je ne sais pas ce que j'aurais fait, vous comprenez? Mais avoir cette conscience que c'est si à la portée de la main, ça me met mal à l'aise. Même chose avec toute ma famille, qui m'ont démontré l'amour, et tout, mais, s'ils voient une personne malade, souffrante, qui crie, qui hurle... parce que, hein, on ne sait pas leur réaction, non plus, hein, s'ils... Qu'est-ce qu'ils vont annoncer au médecin? Est-ce qu'on va couper maintenant ça? Parce qu'on ne supporte plus. Alors, c'est toujours subjectif, vous comprenez.

Et, moi, je suis ici avec vous, j'ai survécu. Alors, il y a cet imprédictible... cette chose imprédictible qui est toujours là et qu'on ne peut pas contrôler nullement, dans aucune circonstance. Et c'est ce qui m'a frappée, qui dans chaque... chaque patient, hein, qui est là, c'est vraiment faire face... Qu'est-ce qui... Pas faire face, sauf, je ne pense pas qu'on peut faire face lorsque ça fait mal, mais ça prend du temps, hein? Ça prend du temps de se soulever de cet «à plat». Mais je crois...

Et, si on avait vraiment à la portée de la main cette option de suicide ou cette option de l'euthanasie, ça peut être un laissez-passer pour les abus. C'est cette chose-là que j'avais vraiment intérieurement expérimentée. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci infiniment. Je sais que c'est une épreuve difficile. Alors, merci d'avoir partagé ça avec les membres de la commission.

Mme Dadei (Katherine): Merci.

**(17 h 50)**

Le Président (M. Kelley): Prochain témoin: Mme Monique Beaudoin.

Si Monique Beaudoin n'est pas là... Marie-Thérèse Costisella. Bienvenue.

Mme Marie-Thérèse Costisella

Mme Costisella (Marie-Thérèse): Alors, bonjour. Je suis un peu nerveuse. C'est la première fois que je parle devant un comité.

Alors, c'est pour parler d'une expérience personnelle. Il y a un an, ma mère est morte d'un cancer, notamment une tumeur au cerveau. Et, trois ans auparavant, elle avait déjà eu un cancer... radiothérapie, chimiothérapie, etc., rémission pendant un an et après retour en force de la maladie, mais cette fois-ci à la tête. Et, ce qui a été assez étonnant au début, on lui a dit: Voilà, il vous reste six mois, à l'hôpital. Et le médecin lui a proposé une autre série de chimiothérapie pour pouvoir avoir un peu plus de temps et du temps de qualité. Sa première réponse, c'était: Non; pourquoi? Ça n'a pas de sens, ça ne sert à rien, qu'est-ce que je vais gagner? Et le temps a passé un petit peu, et finalement elle a accepté.

Et c'est pour reprendre ce que disait le Dr André Rochon. Je crois qu'on sous-estime souvent l'aspect psychologique, et anxiété, et angoisse qui est très, très fort. Et je crois que, quand on le vit ou quand on le voit vivre chez quelqu'un, c'est quelque chose d'une puissance et d'une force extraordinaires et qu'on peut avoir tendance à ignorer dans les cas de prise de décision.

Alors, évidemment, il y a eu tout un... comment dire, un cheminement. Ça a été quand même assez long, et puis petit à petit... Bon. Alors, je crois que pour elle c'était beaucoup de peur, la peur de la mort, l'angoisse: Est-ce que je suis un poids pour mes enfants? Parce qu'elle est restée à la maison et je me suis occupée d'elle avec l'aide de mes deux frères... et puis la déchéance. Et, à chaque coup, c'étaient de grosses angoisses, et finalement un jour elle a fini par ne plus pouvoir marcher seule. Un jour, elle a fini par ne plus pouvoir marcher du tout, rester au lit. Un autre jour, elle a fini par ne plus pouvoir aller aux toilettes seule, et ensuite ne plus pouvoir parler. Et je disais: Bon, ce n'est pas grave, elle respire encore. Voilà. Bon, c'est déjà ça, elle respire. Alors, on me demandait: Comment est-ce qu'elle va? On dit: Non, elle respire, ça va quand même, pour être... Voilà.

Mais tout ça pour dire que toutes ses peurs de la déchéance, et tout ça, finalement sont passées. Et je crois qu'au début de la maladie elle avait une certaine perception de sa déchéance, de ce qu'était la déchéance et qu'au fur et à mesure sa perception des changes... changeait. On n'a pas la même perception au début d'une maladie: Tac, tac, tac, c'est horrible, pas, pas, pas, c'est affreux, il n'y a pas de qualité. Et finalement, à la fin, la perception est différent et donc on change. Et on change, et voilà, et ça, c'est très humain. Et je pense que, dans le cas de soins palliatifs et de questions légales et de droit, il faut faire attention à la peur et il faut l'équilibrer avec la raison, et la raison veut dire que, peut-être, mourir dans la dignité, c'est simplement mourir heureux de tenir la main de quelqu'un qu'on aime, à la fin.

Et, pour ça, je crois qu'on a fait du mieux qu'on a pu pour ma mère. Je crois qu'elle a eu vraiment une très, très belle mort, et ça, ça a été fait grâce aussi aux soins palliatifs, aux infirmiers et aux infirmières. Voilà. Mais on change dans la maladie, on change, et tout le monde change. Alors, voilà. Donc, c'était mon témoignage.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup pour le partage de vos expériences.

Le dernier témoin aujourd'hui, c'est Valérie Tanguay.

Mme Valérie Tanguay

Mme Tanguay (Valérie): Bonjour.

Le Président (M. Kelley): Bienvenue.

Mme Tanguay (Valérie): Je ne sais pas trop par où commencer, je n'ai pas le même vocabulaire que la plupart des gens qui ont passé ici aujourd'hui.

J'ai entendu beaucoup de témoignages des gens qui étaient contre l'euthanasie ou le suicide assisté. Moi, je trouve ça difficile de les entendre. Je vais parler de l'expérience que j'ai eue avec ma mère. Je ne prendrais jamais de décision pour elle. Je ne sais même pas si, encore aujourd'hui, elle le voudrait, si ce serait possible, mais je sais qu'elle l'a déjà voulu. Je sais que sa situation, ce n'est pas quelque chose, dans mon cas à moi, qui serait acceptable.

J'aimerais... Bien, ma mère, premièrement, souffre de sclérose en plaques. Elle a eu le diagnostic ça fait presque 30 ans. Aujourd'hui, elle ne peut pas manger seule, elle ne peut pas boire seule, elle ne peut pas changer les postes de télévision seule. Elle vit dans le centre de soins palliatifs la Vigi, de Gatineau. Quand on parle de qualité de vie, c'est quoi, au juste? Est-ce que... Oui, elle a tous les soins qu'il lui faut, elle se fait laver, elle se fait nourrir, elle se fait changer de couche régulièrement. Mais, quand tu es dans ton lit, à longueur de journée, à regarder les quatre murs ou la télévision que tu ne peux pas changer de poste toi-même, tu fais quoi?

J'ai cherché longtemps à essayer d'améliorer sa qualité de vie en essayant de lui parler, en ayant du temps de qualité avec ma mère. J'ai cherché longtemps, sur Internet, des solutions, des jeux de cartes, quelque chose, des divertissements, mais, quand tu es paralysée à ce point-là, qu'est-ce qu'il te reste à faire?

Ma mère ne peut pas rester assise dans son lit plus... bien, elle ne peut pas s'asseoir dans son lit. Il faut le lever, son lit, puis elle ne peut pas rester dans cette position-là plus que deux heures. À partir de ce moment-là, qu'est-ce qu'elle fait? On a beau y aller... Bien, à ce moment-ci, j'imagine... je ne suis pas médecin, je ne sais pas pourquoi, mais les conversations sont dures à tenir avec elle. Elle n'a pas conscience de ce qui se passe dans le monde. Elle n'a pas conscience... Je pense qu'elle me prend encore pour une enfant de 10 ans. Je ne sais pas si... Moi, je suis rentrée dans sa chambre quand j'avais 19 ans, puis elle pleurait parce qu'elle venait de voir une émission sur le suicide assisté puis, à ce moment-là, elle se disait que les animaux avaient plus de droits qu'elle. Puis j'ai remarqué aujourd'hui qu'on disait qu'on ne peut pas changer les lois pour un petit pourcentage de la société. Mais ces gens-là, ils sont là. Puis j'ai entendu Maryse plus tôt dire que ces gens-là, ils ont des cris du coeur. Bien, on ne peut pas les laisser comme ça.

Puis je vais avoir l'air méchante puis je vais avoir l'air irrespectueuse, mais, tous les gens qui sont contre aujourd'hui, j'aimerais tellement qu'on puisse faire l'expérience de les mettre prisonniers dans leur corps pour une semaine. Je me demande s'ils auraient la même opinion après. Parce que, oui, on pense qu'il y a toujours quelque chose à faire, mais, quand tout a été fait, jusqu'à quel point on peut laisser aller la souffrance?

Jusqu'à quel point on peut la tolérer, cette souffrance-là? Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Vous avez également soumis un mémoire, mais merci beaucoup pour votre témoignage.

Et, moi, je veux dire à l'ensemble des témoins aujourd'hui: Merci beaucoup. À chaque visite, dans chaque ville, on ne sait pas trop, trop exactement à quoi s'attendre, mais il y avait des témoignages, des points de vue qui étaient exprimés avec beaucoup d'éloquence et beaucoup de «dignité», si je peux utiliser le mot aujourd'hui.

Alors, sur ça, je vais ajourner nos travaux aujourd'hui. Nous allons reprendre nos travaux demain, mardi le 1er février 2011, à 9 h 30, dans cette même salle. Alors, merci beaucoup pour votre intérêt dans ce sujet, et bonsoir.

(Fin de la séance à 17 h 58)

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