Journal des débats de la Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie
Version préliminaire
42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions
Le
vendredi 14 mai 2021
-
Vol. 45 N° 1
Consultations particulières et auditions publiques sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie
Aller directement au contenu du Journal des débats
9 h (version non révisée)
(Neuf heures dix-sept minutes)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Mesdames messieurs, nous allons débuter la séance. Ayant constaté le quorum…
Oui, parfait. Donc, merci. Me Filion et M. Maclure, nous allons… moi, je viens
de tout perdre ici, là… Ah! C'est revenu.
Donc, nous allons débuter les remarques
préliminaires, et après, nous vous inviterons, là, à faire votre présentation.
Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission spéciale…
La Présidente (Mme Guillemette) :
Ah! c'est revenu. Donc, nous allons débuter les remarques préliminaires, et
après nous vous inviterons, là, à faire votre présentation.
Donc, ayant constaté le quorum, je déclare
la séance de la commission spéciale... (Interruption) Il y a beaucoup de
technique ce matin. On peut y aller? Merci. Donc, ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la commission spéciale sur l'évolution des soins de vie
ouverte.
La commission est réunie virtuellement
afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur
l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
La Secrétaire
: Non,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Aussi, j'aimerais savoir s'il y a consentement pour permettre au député
de Chomedey de participer à la séance. Consentement accepté.
Donc, ce matin, nous débuterons avec les
remarques préliminaires, puis nous entendrons par visio les groupes suivants :
M. Jocelyn Maclure et Mme Nicole Filion, coprésidente
et coprésident du Groupe d'experts sur la question de l'inaptitude et de l'aide
médicale à mourir, la Dre Mona Gupta et la Commission sur les soins de
fin de vie.
Donc, j'inviterais ma collègue, la
vice-présidente, Mme Marie Montpetit, députée de Maurice-Richard,
à nous présenter ses remarques préliminaires.
• (9 h 20) •
Mme Montpetit : Oui, bonjour.
Bonjour, Mme la Présidente. Bonjour, tout le monde. Bien, écoutez, très
heureuse d'être là ce matin pour entamer ces travaux. Je sais qu'on n'a pas
énormément de temps pour faire ces remarques préliminaires, mais simplement
dire que je suis bien heureuse d'agir à titre de vice-présidente sur cette
importante commission. On le sait, Québec a toujours été... a été un leader, a
été un précurseur dans la question de l'aide médicale à mourir puis je pense
qu'aujourd'hui on commence vraiment une... on entame une nouvelle étape qui est
extrêmement importante sur des questions complexes, sur l'inclusion possible de
gens qui sont inaptes à consentir, de personnes qui ont des troubles de santé
mentale, des troubles mentaux graves. C'est des questions qui sont certainement
complexes, qui sont certainement sensibles, toujours quand il est question de
mort, de souffrance, de dignité humaine. Mais je trouve ça très important qu'on
prenne justement le temps de faire comme parlementaires.
Je vois qu'on a déjà les premiers experts
qui sont arrivés aujourd'hui pour avoir un échange avec nous. On a fait une...
on sera accompagnés dans ces travaux, justement, d'experts de très haut niveau
qui ont fait des réflexions préalables sur ces questions-là et qui pourront
certainement venir nous guider dans nos réflexions parce que la question n'est
pas si simple, tant au niveau éthique, tant au niveau moral, mais tant au
niveau de son applicabilité non plus. Donc, je suis certaine qu'on pourra le
faire et je suis heureuse qu'on le refasse encore...
Mme Montpetit : …sur ces
questions-là qui pourront certainement venir nous guider dans nos réflexions
parce que la question n'est pas simple, tant au niveau éthique, tant au niveau
moral, mais tant au niveau de son applicabilité non plus. Donc, je suis
certaine qu'on pourra le faire et je suis heureuse qu'on le refasse encore,
cette fois-ci, de façon transpartisane et qu'on entame ce dialogue-là avec la
société également sur… puisque c'est elle aussi qui a demandé, au cours des
dernières années, que ces questions-là soient abordées.
Et donc très heureuse d'être ici avec vous,
je le fais avec beaucoup d'humilité parce que c'est des questions qui viennent
changer la place d'une société, mais qui viennent répondre également à des
enjeux qui sont souvent très déchirants dans la vie d'une personne ou dans la
vie d'un proche aidant également.
Merci, Mme la Présidente.
(Panne de son)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Pardon? J'inviterais le député de Gouin, maintenant, à faire ses remarques
préliminaires.
M. Nadeau-Dubois : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Votre invitation initiale, je pense, avait été
bloquée par des problèmes techniques, ça va nous arriver. Ce n'est pas l'idéal,
mais j'espère qu'on sera en mesure de mener nos travaux tout de même rondement.
Bonjour, tout le monde, très content
d'être ici. Et je ne m'étendrai pas très longtemps, juste vous dire que je
trouve ça très important, l'exercice auquel on va se prêter dans les prochaines
semaines et les prochains mois, ici, à la commission. Je nous souhaite de
suivre une belle tradition, je pense, québécoise qui a été inaugurée il y a
quelques années sur cet enjeu-là, une tradition de prendre le temps de
réfléchir à ces enjeux-là, prendre le temps d'y aller en profondeur, ne pas
faire l'économie de ces discussions-là même si elles sont difficiles, même si
elles sont sensibles. Puis deuxièmement, je dirais, aussi, une tradition
québécoise de procéder de manière transpartisane sur ces questions-là, de ne
pas se laisser dévier dans nos réflexions par les objectifs partisans, par nos
orientations politiques, celles de nos formations politiques, mais de vraiment
tenter de mettre ça de côté pour d'abord écouter les experts puis les gens qui
vivent les situations également.
Je nous souhaite des réflexions fertiles.
J'espère qu'on va avancer tout le monde ensemble là-dedans. Puis surtout,
j'espère qu'on va aboutir sur un consensus social et politique le plus large
possible. Je nous souhaite d'aboutir à des recommandations qui vont unir la
société québécoise autour de cette question-là. Je nous souhaite d'entendre le
plus d'opinions possible, divergentes, parfois nuancées, parfois plus
cassantes, c'est correct. Je nous souhaite vraiment d'entendre le plus de gens
possible, avec le plus de perspectives possible, et de cheminer dans une
réflexion collective vers des recommandations qui sont les plus consensuelles
possible.
Ça fait que c'est mes souhaits, c'est mes
attentes pour les…
M. Nadeau-Dubois : ...parfois
nuancées, parfois plus cassantes. C'est correct. Je nous souhaite vraiment
d'entendre le plus de gens possible, avec le plus de perspectives possible, et
de cheminer dans une réflexion collective vers des recommandations qui seront
les plus consensuelles possible.
Ça fait que c'est mes souhaits, c'est mes
attentes pour les travaux qu'on entame aujourd'hui. Je suis très content de
faire partie de cette commission-là. Je nous souhaite des débats et un dialogue
constructifs, productifs. Je pense que c'est ce que les gens qui nous ont élus
s'attendent de nous. Alors, allons-y, chers amis, chers collègues. Je suis très
content d'être parmi vous pour cet exercice-là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Je passerais maintenant la parole à la députée de
Joliette, Mme Hivon.
Mme
Hivon
: Oui,
bonjour, merci, Mme la Présidente, Mme la vice-présidente, chers collègues. Je
suis vraiment très heureuse, même émue un peu d'être parmi vous ce matin,
d'amorcer, donc, cette nouvelle phase des travaux sur ces enjeux-là très
importants de l'aide médicale à mourir en contexte de maladies, par exemple,
neurodégénératives, d'inaptitude et aussi de troubles mentaux. Ce sont des
questions extrêmement complexes, mais extrêmement importantes.
Et on a un privilège incroyable, c'est
celui d'être des élus de la population, et je pense que la meilleure manière
d'exercer notre rôle d'élu, c'est que, quand il y a de ces enjeux aussi
sensibles, qui habitent nos concitoyens, qui habitent les gens que nous avons
le privilège de représenter, c'est de prendre nos responsabilités à bras le
corps et de permettre que ces débats-là puissent se faire en toute ouverture,
en toute transparence, en entendant tous les points de vue, et pour pouvoir
bâtir le plus grand consensus possible, mais surtout d'évoluer tout le monde
ensemble, experts, citoyens, élus, pour que la société sente qu'elle marche
dans une direction, et qu'on n'a pas peur d'affronter ces débats-là, qui
touchent les gens dans ce qu'ils ont de plus profond humainement, socialement,
je vous dirais aussi, médicalement, éthiquement.
Donc, c'est un grand privilège, et je
prends la pleine mesure de ça. Je pense qu'effectivement on a fait un grand pas
en étant des précurseurs au Québec, on a inspiré beaucoup. Et je suis confiante
qu'il va se produire la même chose avec les travaux qu'on amorce aujourd'hui,
parce qu'on les fait en étant guidés par les meilleures volontés et valeurs
possible.
Et je veux juste dire en terminant que ça,
c'est la première phase que nous amorçons, avec des experts de haut niveau,
mais que, tous les gens qui nous suivent et qui s'intéressent à la question,
sachez qu'il y aura une deuxième étape plus tard, à la fin de l'été, où nous
allons entendre citoyens, groupes d'intérêt, organismes qui voudront venir nous
présenter leur point de vue pour avoir le débat le plus riche possible.
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, je passerais maintenant la parole au député de Chomedey.
M. Ouellette : Le député de
Chomedey va être bref, Mme la Présidente. Je pense que, moi aussi... on peut
être très heureux...
Mme
Hivon
:
…venir nous présenter leur point de vue pour avoir le débat le plus riche
possible.
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, donc je passerais maintenant la parole au député de Chomedey.
M. Ouellette : Le député de
Chomedey va être bref, Mme la Présidente. Je pense que, moi aussi, on peut être
très heureux de faire partie d'une commission transpartisane sur un enjeu aussi
important que celui-là. On aura aussi, au cours des prochaines semaines, et
avec les échéances qu'on a de novembre, une responsabilité. C'est une
responsabilité qui est grande. Et messieurs et mesdames les experts, qui nous
écoutez, nous sommes tout ouïe. Et, en toute humilité, nous espérons que vous
nous éclairerez pour que notre travail, le législateur, soit bénéfique pour
l'ensemble des citoyens du Québec.
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Donc, je tiens à remercier tout le personnel qui est ici
ce matin et qui m'accompagne. Vous voyez, il y a une grosse technique et, sans
eux, on n'y arriverait pas. Et on a une équipe au secrétariat, qui font un
travail extraordinaire avec efficacité et rapidité.
Salutations également aux collègues. C'est
un réel plaisir de travailler avec vous. C'est rare qu'on a… C'est vraiment,
vraiment rare qu'on a la chance de travailler de façon transpartisane, et c'est
vraiment agréable de le faire, et on a à apprendre tout un chacun. Donc, merci
d'être là et d'avoir accepté ce mandat.
Merci particulier à tous ceux et celles
qui viendront partager leur expertise et leur expérience. C'est grâce à vous
qu'on pourra élever nos discussions.
Depuis 2014, vous savez, on a une loi sur
l'aide médicale à mourir. On a été des précurseurs et, depuis ce temps, il y a
eu des nouveaux éléments qui se sont ajoutés. Et, maintenant, la société nous
demande de prendre compte de ces éléments-là. Donc, c'est un enjeu important,
c'est un enjeu que nous devons traiter avec respect et diligence. C'est un
sujet sensible et délicat, et ça vient confronter aussi nos valeurs, mais
également notre propre finitude. On ne s'interroge pas souvent sur notre propre
finitude et ça peut être confrontant d'en discuter. Donc, nous entendrons des
experts, mais nous voulons aussi vous entendre. C'est un débat de société
important.
Je vous invite à nous suivre sur le site
de l'Assemblée nationale. Et, bientôt, vous aurez accès à une consultation
publique en ligne. Je vous invite à partager avec vos collègues et vos amis, et
en discuter pour qu'on puisse élever le débat de façon satisfaisante.
Je cède maintenant la parole à nos deux
premiers invités, Me Nicole Filion et M. Jocelyn Maclure pour une période
de 20 minutes.
• (9 h 30) •
Mme Filion (Nicole) : Alors,
bonjour…
9 h 30 (version non révisée)
La Présidente (Mme Guillemette) :
…pour qu'on puisse élever le débat de façon satisfaisante.
Je cède maintenant la parole à nos deux
premiers invités, Me Nicole Filion et M. Jocelyn Maclure,
pour une période de 20 minutes.
Mme Filion (Nicole) : Alors, beaucoup,
tout le monde. D'abord, peut-être vous parler de la méthodologie que nous avons
employée dans le cadre des travaux du groupe d'experts, travaux du groupe
d'experts qui se sont déroulés sur une période de 18 mois, soit entre
décembre 2017 et juin 2019. Au total, il y a eu 17 réunions, à
raison de huit heures par jour.
Nous avons eu le privilège de réunir des
experts qui étaient issus de plusieurs domaines différents, soit les domaines
de la médecine, de la pharmacie, des sciences infirmières, de la psychologie,
du travail social, de la philosophie, du droit, et aussi de la défense des
droits des usagers. Ces experts-là, tous réunis ensemble, ont exprimé des
opinions à titre individuel en tant qu'experts dans leur domaine respectif.
D'abord, les rencontres du groupe
d'experts ont été, pour nous, l'occasion de se familiariser avec les
différentes dimensions des enjeux qui étaient au coeur du mandat, mais aussi de
se familiariser sur les nombreux défis, là, qui étaient rencontrés sur le
terrain par les professionnels de la santé. Donc, pour ce faire, nous avons eu
l'occasion d'entendre aussi différentes personnes qui ont été invitées à nous
partager soit leurs travaux scientifiques ou soit leur expérience pratique. Au
total, nous avons invité 22 professionnels, chercheurs ou représentants
d'organismes, qui sont venus enrichir la réflexion des membres du groupe d'experts.
Le rapport, intitulé L'aide médicale à
mourir pour les personnes en situation d'inaptitude : le juste équilibre
entre le droit à l'autodétermination, la compassion et la prudence, je
pense que vous avez eu l'occasion d'en prendre connaissance puisqu'il a été
déposé pour les fins des travaux de la commission… Donc, ce rapport-là contient
14 recommandations. M. Maclure et moi, ce matin, allons nous… (panne
de son) …sur les recommandations que je pourrais qualifier de plus importantes pour
les fins de vos travaux. Fait à signaler qui n'est pas banal, malgré des points
de vue divergents au départ, qui étaient partagés par différents experts, au
terme des travaux, nous avons réussi à atteindre un consensus sur les
14 recommandations.
Je veux vous rappeler le mandat du groupe
d'experts. Il est à la page 17 de notre…
Mme Filion (Nicole) : …grands
experts. Au terme des travaux, nous avons réussi à atteindre un consensus sur
les 14 recommandations.
Je veux vous rappeler le mandat du groupe
d'experts. Il est à la page 17 de notre rapport. Alors, je le résume
brièvement. Nous avions pour mandat général d'examiner la possibilité que des
modifications soient apportées à la Loi concernant les soins de fin de vie.
Après avoir évalué les enjeux cliniques, éthiques et juridiques en cause, plus
précisément le groupe d'experts avait pour mandat d'étudier le concept
d'inaptitude sous les angles juridiques, cliniques et éthiques, de déterminer
les enjeux rencontrés ou anticipés en lien avec l'inaptitude dans le contexte
de l'aide médicale à mourir, d'analyser les effets du caractère évolutif du
spectre de l'aptitude et de l'inaptitude dans la perspective du principe de
continuum du consentement, d'analyser les situations pour lesquelles l'accès à
l'aide médicale à mourir serait souhaitable, en cas d'inaptitude, le cas
échéant, d'évaluer les différents moyens et conditions qui permettraient à une
personne d'exprimer sa volonté et finalement de rédiger un rapport faisant état
de ses recommandations.
J'aimerais souligner que les travaux du
groupe d'experts ainsi que la rédaction du rapport ont eu lieu avant que ne
soit rendu le jugement du 11 septembre 2019 dans l'affaire
Gladu-Truchon, qui rendait notamment inopérant, là, le critère de fin de vie
pour déterminer si une personne pouvait avoir recours à l'aide médicale à
mourir. Et je termine en précisant que le rapport a été déposé à l'Assemblée
nationale le 29 novembre 2019 et qu'à nos yeux, il constitue
certainement une excellente base pour amorcer votre réflexion à plus grande
échelle sur l'élargissement de l'aide médicale à mourir pour les personnes
inaptes.
Alors, là-dessus, je cède la parole à
M. Maclure.
M. Maclure (Jocelyn) : Merci.
Merci, Mme la Présidente, MM., Mmes les députés. Merci, Nicole. Donc, c'est un
plaisir pour moi aussi d'être avec vous aujourd'hui, discuter de cette question
très importante dans un esprit aussi qui, semble-t-il, honore la société québécoise
et les députés de tous les partis en particulier.
Dans mon travail, en philosophie, en particulier
en éthique, là, depuis de nombreuses années, j'ai souvent eu la chance de
discuter avec certains d'entre vous, là, sur d'autres enjeux très complexes,
hein, la laïcité, les accommodements raisonnables, l'intelligence artificielle
et plusieurs autres débats de société. La question de : Est-ce qu'on
devrait permettre, hein, aux personnes qui vont avoir une maladie
neurodégénérative et perdre leur aptitude, hein, à demander… à prendre des
décisions éclairées concernant leurs soins de santé, leurs soins de fin de vie?
C'est une des questions éthiques les plus complexes et délicates à laquelle
j'ai été confronté jusqu'ici dans mon parcours.
C'est une des questions les plus
complexes, bon, parce que, comme c'est souvent le cas en éthique, hein, il y a
un…
M. Maclure (Jocelyn) : ...leur
aptitude, hein à demander... à prendre des décisions éclairées concernant leurs
soins de santé, leurs soins de fin de vie. C'est une des questions éthiques les
plus complexes et délicates à laquelle j'ai été confrontée jusqu'ici dans mon
parcours. C'est une des questions les plus complexes, bon, parce que, comme
c'est souvent le cas en éthique, hein, il y a un dilemme éthique très profond
au coeur de cette question. Bon, il y a plusieurs valeurs éthiques, là, qui
sont pertinentes à la réflexion, mais il y a une tension forte entre, d'un
côté, le principe d'autonomie, hein, personnelle ou d'autonomie individuelle,
en particulier eut égard aux choix que l'on souhaite faire concernant notre fin
de vie et les soins qu'on souhaite recevoir dans cette... à ce moment crucial
de notre vie, donc, d'un côté, l'autonomie personnelle, de l'autre côté, hein,
la protection des... le principe de la protection des personnes vulnérables.
C'est une tension forte.
D'un côté, bon, vous le savez, la
légalisation de l'aide médicale à mourir au Québec, bon, était fondée, hein,
sur une idée de... sur un idéal, hein, d'une fin de vie vécue dans la dignité,
et la dignité implique, entre autres, hein, un accroissement du pouvoir
d'autodétermination concernant nos choix en fin de vie, hein, donc, d'où l'idée
d'ajouter à des soins... la possibilité d'avoir des soins palliatifs de
qualité, d'ajouter aussi la possibilité de faire une demande d'aide médicale à
mourir, hein, dans certaines circonstances. Donc, le principe d'autonomie a
joué un rôle clé, hein, dans le processus de légalisation de l'aide médicale à
mourir.
De l'autre côté, on sait que, bon, les
personnes en fin de vie, les personnes qui sont aux prises avec une maladie,
par exemple, incurable, et en particulier des personnes qui, donc, vivent une
maladie neurodégénérative, hein, qui leur font perdre, hein, leur aptitude,
hein, à comprendre leur état de santé, à comprendre quelles sont les
différentes options devant eux, parfois, donc, des personnes qui n'arrivent
plus, bon, à reconnaître leurs proches, qui ne se souviennent plus, hein, de
quelles étaient leurs volontés lorsqu'ils avaient toutes leurs capacités
cognitives, ce sont des personnes qui sont dans une situation de vulnérabilité
extrême, donc, et on devait réfléchir collectivement, donc, qu'est-ce qui est
la bonne chose à faire, hein, dans ce contexte.
Est-ce qu'on devrait permettre, par
exemple, aux personnes de formuler à l'avance, hein, de demander de façon
anticipée l'aide médicale à mourir? Et la réponse qu'on a donnée à cette
question, donc, on a voulu qu'elle soit équilibrée, hein, comme Nicole l'a
rappelé, et marquée au coin de la prudence. Et on va passer en revue
quelques-unes des recommandations, mais c'est une réponse équilibrée en ce sens
que l'on cherche, hein, à accroître le pouvoir d'autodétermination des
personnes en permettant la rédaction de ce qu'on a appelé des demandes
anticipées d'aide médicale à mourir. Donc, une demande anticipée permet
d'exercer, disons, à l'avance, hein, son autonomie concernant la fin de vie que
l'on se souhaite.
Mais on a souhaité aussi...
M. Maclure (Jocelyn) :
...autodétermination des personnes en permettant la rédaction de ce qu'on a
appelé des demandes anticipées d'aide médicale à mourir. Donc, une demande
anticipée permet d'exercer, disons, à l'avance, hein, son autonomie concernant
la fin de vie que l'on se souhaite. Mais on a souhaité aussi baliser ce droit
pour faire en sorte, hein, ou réduire les risques qu'une demande anticipée d'aide
médicale à mourir soit appliquée de façon trop précoce, hein, de façon hâtive.
Parce qu'on ne peut pas exclure, par exemple, hein, la possibilité qu'une
personne ait perdu, là, son aptitude, hein, à consentir à ses soins, mais
qu'elle ait quand même une certaine qualité de vie, hein? Même si ses facultés
cognitives sont fortement touchées, bon, il y a des cas de ce qu'on appelle
parfois, là, il faut... de la démence heureuse ou, bon, des maladies
neurodégénératives comme l'Alzheimer pour certaines personnes, hein, peuvent
évoluer quand même relativement lentement ou ça peut... le déclin peut se
faire, hein, d'année en année. Il peut y avoir des phases, hein, dans la
maladie où il y a une certaine qualité de vie, il y a certains plaisirs, il y a
certaines émotions positives qui sont vécues même si on ne parvient plus très
bien à reconnaître ses proches ou on a clairement oublié ce qu'on souhaitait
lorsqu'on était en pleine possession de nos capacités rationnelles. Donc, on a
aussi proposé, hein, d'adopter aussi des mesures qui, bon, permettraient de
réduire les risques, hein, que la demande soit exécutée de façon trop rapide
pendant que la personne a encore une certaine qualité de vie.
• (9 h 40) •
Donc, on pense que des demandes anticipées
d'aide médicale à mourir devraient être acceptées, que la volonté des personnes
devrait être reconnue, mais elle devrait être appliquée, hein, lorsqu'on
constate, bon, que la personne n'a plus vraiment de qualité de vie, que ses
souffrances, hein, semblent persistantes, que les... vraiment, aux yeux des
proches et de l'équipe soignante, là, que la personne, sa vie est faite davantage
de souffrance et de détresse, hein, que de plaisir. Donc, c'est à ce moment-là,
hein, qu'on pense qu'une demande anticipée d'aide médicale à mourir devrait
être appliquée en pratique. Et c'est de cette façon-là qu'on a tenté, là, de
concilier, hein, autant que faire se peut, le principe d'autonomie, qui est
crucial, là, lorsqu'il est question des questions de fin de vie, hein? Une
conception de ce qu'est une vie qui a un sens, de ce qu'est une vie bonne,
hein, ça inclut une réflexion sur le type de fin de vie qu'on se souhaite, donc
d'équilibrer ce principe-là avec le principe de la protection des personnes
vulnérables, dont les personnes qui sont en situation d'inaptitude.
Si je passe rapidement aux recommandations,
vous avez probablement devant vous... Donc, on pourra revenir, hein, dans la
discussion sur toutes les... les 14 recommandations si vous le souhaitez.
J'attire votre attention sur la recommandation n° 2,
donc : «Que soit reconnue et rendue possible la formulation d'une demande
anticipée d'aide médicale à mourir en prévision de l'inaptitude à consentir à
ce soin, sous des conditions, donc, énoncées dans le rapport...
M. Maclure (Jocelyn) :
...rentre dans la discussion, surtout les 14 recommandations si vous le
souhaitez. J'attire votre attention sur la recommandation n° 2,
donc : «Que soit reconnue et rendue possible la formulation d'une demande
anticipée d'aide médicale à mourir en prévision d'une inaptitude à consentir à
ce soin, sous des conditions, donc, énoncées dans le rapport.»
Recommandation 3, donc cette
recommandation inclut entre autres l'idée que la rédaction de la demande
anticipée doit se faire après l'obtention d'un diagnostic d'une maladie grave
et incurable. Donc, ce n'est pas une demande qu'on voit comme étant... qui ne
pourrait pas être rédigée, par exemple, en toute situation, avant même d'avoir
obtenu un diagnostic d'une maladie comme l'Alzheimer, par exemple. Donc, ce
n'est pas une demande qui pourrait être appliquée, par exemple, suite à un
accident, un traumatisme qui causerait une inaptitude rapide. On encourage,
hein, tous les citoyens du Québec à rédiger ce qu'on appelle les DMA, leurs
directives médicales anticipées, par exemple pour demander quels types de soins
ils souhaitent recevoir s'ils se retrouvent dans cette situation-là, mais on
pense qu'une demande anticipée d'aide médicale à mourir devrait être rédigée
vraiment lorsqu'on est bien informé de la situation qui nous attend, hein?
Et donc, après un diagnostic, après des
discussions avec des professionnels de la santé, discussions, idéalement, avec
les proches. Donc, on pourra y revenir si vous voulez. On ajoute ensuite
que : «Bien qu'elle n'ait pas de caractère exécutoire, cette demande devra
néanmoins être considérée et évaluée au moment opportun, dans le respect des
conditions précisées dans le rapport.»
Et recommandation 4. Donc, on propose
la création d'un formulaire, hein, spécifique pour les demandes anticipées
d'AMM, un formulaire distinct du formulaire des demandes… des directives
médicales anticipées. Et, bon, on veut que la personne, hein… parce que c'est
vraiment ancré, hein, dans l'autonomie et dans le consentement individuel, donc
la personne formule elle-même, de manière libre et éclairée, la demande d'AMM
au moyen du formulaire prescrit. La personne signe son formulaire en présence
d'un médecin qui le signe également et qui confirme le diagnostic de la maladie
grave et incurable, l'aptitude de la personne à consentir aux soins à ce
moment-là et à faire sa demande anticipée d'AMM et le caractère libre et
éclairé de la demande. Cette démarche est faite par la personne elle-même
devant deux témoins ou devant notaire sous forme d'acte notarié. Là-dessus, je
repasse la parole à Me Filion.
Mme Filion (Nicole) : Oui,
alors, de mon côté, j'attire votre attention sur la recommandation n° 7,
donc : «Que la personne qui signe une demande anticipée d'aide médicale à
mourir puisse au même moment désigner, dans le formulaire, un tiers qui va être
chargé de faire connaître sa demande et de demander en son nom le traitement de
sa demande en temps jugé opportun, et cette charge du tiers devra être acceptée
par écrit.»
Alors, à titre de tiers, on peut
certainement…
Mme Filion (Nicole) : …un
tiers qui va être chargé de faire connaître sa demande et de demander, en son
nom, le traitement de sa demande en temps jugé opportun, et cette charge du
tiers devra être acceptée par écrit. Alors, à titre de tiers, on peut certainement
penser à des proches, hein, qui connaissent intimement la personne, le patient,
qui connaissent ses préoccupations, son style de vie, ses préférences. Les
proches sont souvent les mieux placés pour relayer les volontés du patient et
pour interpréter le sens de ses gestes, de ses comportements et de ses manifestations.
Pour ce qui est de la recommandation n° 8, elle se décline comme suit : «Qu'il revienne au tiers
désigné, le cas échéant, d'initier le traitement de la demande anticipée d'aide
médicale à mourir au moment jugé opportun et qu'en absence d'un membre désigné
dans l'éventualité d'un refus, désistement ou empêchement de sa part, la
demande de traitement de la demande anticipée d'aide médicale à mourir se fasse
par une personne qui va démontrer un intérêt pour le patient ou, à défaut, par
une autorité externe impartiale, dont le mandat serait de protéger la volonté
du patient et d'agir dans son meilleur intérêt.»
Donc, j'aimerais préciser
que le tiers désigné n'exercerait pas un consentement substitué, donc son
jugement et sa décision ne se substituent pas à celui de son proche et que le
tiers désigné aussi ne doit pas être confondu comme représentant légal. Son
seul et unique rôle de ce tiers-là se limite à rappeler au personnel soignant
l'existence du formulaire de demande anticipée et de s'assurer que ce
formulaire-là sera dûment considéré. Bien entendu, là, il faut considérer
également qu'il puisse y avoir des personnes qui sont totalement isolées, donc
qui ne peuvent pas désigner un tiers compte tenu de leur situation, ou, tout
simplement, il y aura certainement des patients qui ne voudront pas désigner un
proche pour les représenter comme tiers dans le cadre de leur démarche.
Donc, le groupe d'experts,
dans ces situations-là, était d'avis que l'absence d'un tiers ne devait pas
pour autant compromettre le droit à l'autodétermination de la personne qui a
rédigé une demande anticipée d'aide médicale à mourir, et le groupe d'experts
recommandait qu'en l'absence d'un tiers qu'il y ait une autorité neutre qu'on
n'a pas identifiée, qui restera à déterminer, qui pourrait avoir à coeur
l'intérêt et le respect des volontés de la personne et que cette autorité
neutre là puisse agir comme porte-voix, en quelque sorte, pour s'assurer que la
demande anticipée sera consultée et considérée. Maintenant, la recommandation….
Mme Filion (Nicole) : ...qui
pourraient avoir à coeur l'intérêt et le respect des volontés de la personne,
et que cette autorité neutre là puisse agir comme porte-voix, en quelque sorte,
pour s'assurer que la demande anticipée sera consultée et considérée.
Maintenant, la recommandation n° 9 : «Que les critères d'admissibilité à l'aide
médicale à mourir applicables aux personnes devenues inaptes à consentir à l'aide
médicale à mourir soient les suivants.» Alors, les critères sont... Une
personne devra être assurée, au sens de la Loi sur l'assurance maladie. Cette
personne-là devra être majeure, elle devra être atteinte d'une maladie grave et
incurable. Sa situation médicale devrait se caractériser par un déclin avancé
et irréversible de ses capacités. Compte tenu de ces circonstances médicales,
elle est engagée dans une trajectoire de fin de vie, pour laquelle le médecin
peut raisonnablement prévoir sa mort, sans pour autant avoir à établir un délai
précis quant à son espérance de vie.
Ensuite, un autre critère, cette personne
doit manifester des souffrances physiques, psychiques ou existentielles
constantes, importantes et difficiles à soulager. Ces souffrances devront être
évaluées par le médecin, l'équipe soignante multidisciplinaire et devraient
correspondre à ce qui est exprimé dans la demande anticipée d'aide médicale à
mourir, et dans ce cas, le médecin et l'équipe soignante sont encouragés à
entrer en dialogue avec le tiers qui a été désigné, le cas échéant, dans le
formulaire et les proches du patient, et, bien entendu, qu'elle ait rédigé une
demande anticipée qui respecte les conditions que nous avons énoncées aux
recommandations 3, 4 et 7.
Alors, pour ce qui est des souffrances,
vous en apprendrez certainement davantage. Vous aurez l'occasion aujourd'hui
d'entendre la Dre Mona Gupta, qui est psychiatre. Nous avons eu le privilège de
l'entendre, et elle nous a beaucoup éclairés quant aux souffrances de nature
psychologique et psychique, existentielle. Donc, vous aurez l'occasion de lui
poser des questions en ce sens-là.
Et là-dessus, bien, je cède la parole à
Jocelyn pour la conclusion de notre présentation. Merci.
• (9 h 50) •
M. Maclure (Jocelyn) : Je
pense voir que notre temps est écoulé, donc je pense qu'on peut y aller avec la
période de questions. Puis, comme Nicole l'a dit, c'est des conclusions qui ont
été atteintes, hein, avant l'arrêt Beaudoin, donc on pourra discuter de
l'impact de l'arrêt, du jugement, si vous le souhaitez, mais je laisse ça entre
vos mains.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, merci à vous deux. Donc, je céderais maintenant la parole au député de
Mégantic.
M. Jacques : Bien, merci, Mme
la Présidente. Me Filion, M. Maclure, bienvenue à cette commission. Vous êtes
les premiers intervenants, donc c'est un privilège pour vous aussi, c'est un
privilège pour moi d'intervenir le premier aussi. Je suis très heureux de faire
partie de la commission...
M. Jacques : …bien, merci, Mme
la Présidente. Me Filion, M. Maclure, bienvenue à cette commission.
Vous êtes les premiers intervenants, donc c'est un privilège pour vous aussi,
c'est un privilège pour moi d'intervenir le premier aussi. Je suis très heureux
de faire partie de la Commission spéciale sur les soins de fin de vie. C'est un
domaine que j'ai traité longuement dans mon ancienne vie. Donc, je suis fébrile
avec les discussions qui commencent ce matin.
Je veux revenir sur la demande à
anticiper. Bon, je vais vous expliquer un peu, là, ce que j'ai vécu, un peu,
dans ma vie par rapport à ça. J'ai une grand-mère qui a de l'alzheimer, qui
commence à avoir des symptômes à la maison. Mon grand-père décède, on se rend
compte qu'elle a beaucoup, beaucoup de difficulté à fonctionner seule. Elle
s'en va en RPA pour une courte durée, un an et demi. Suite à ça, elle s'en va
en CHSLD pendant 13 ans. Bon. On parle du bien-être de la personne, de la
personne, de la façon qu'elle se sent. Ma grand-mère se sentait très bien, elle
chantait, elle était enjouée, elle jouait du piano encore même si elle ne
reconnaissait plus personne. Donc, elle était retournée dans ses 18,
20 ans, 22 ans. Elle parlait des gens qu'elle a côtoyés dans ce
temps-là puis tout ça. Par contre, ma grand-mère était une personne hyper
fière, qui a été au public toute sa vie, et qui n'aurait jamais accepté de se
voir dépérir de cette façon-là.
Donc, de ce que je comprends de votre
proposition, c'est qu'une personne pourrait avoir fait une demande anticipée au
premier stade. Parce qu'on ne parle pas, là, dans les… dans un mandat
d'inaptitude, de faire une demande anticipée de soins de fin de vie au cas où
il m'arriverait telle, telle, telle chose. Donc, elle aurait pu faire une
demande de… anticipée de soins de fin de vie. Par contre, elle n'aurait pas pu
être exécutoire tant et aussi longtemps qu'elle aurait ressenti des problèmes,
des malaises, ou que sa qualité de… non pas sa qualité de vie, mais sa qualité
de personne ne puisse requérir à… qu'elle ne puisse plus fonctionner, dans le
fond, ou qu'elle ait des douleurs non pas psychologiques mais plutôt physiques.
Est-ce que c'est bien ça que je peux
comprendre dans votre rapport?
M. Maclure (Jocelyn) : Oui,
merci beaucoup pour votre commentaire et question. C'est exactement ça. On
sait, on a entendu que des patients… pas des patients, mais des citoyens qui
vont devenir des patients et qui ont une certaine conception de ce qu'est une
vie de fin de vie… une fin de vie digne vont dire des choses comme :
Lorsque je vais devoir être placé, c'est à ce moment-là que je voudrais que la
demande soit exécutée ou lorsque je vais dépendre, hein, des autres pour les
soins les plus primaires, c'est à ce moment-là que je voudrais être placé,
lorsque je ne reconnaîtrai plus mes proches.
On a entendu ça. On comprend très bien que
ça fait partie d'une certaine conception de ce qu'est une vie digne, mais…
M. Maclure (Jocelyn) : ...être
placé, c'est à ce moment-là que je voudrais que la demande soit exécutée ou
lorsque je vais dépendre, hein, des autres pour les soins les plus primaires,
c'est à ce moment-là que je voudrais être placé, lorsque je ne reconnaîtrai
plus mes proches.
On a entendu ça. On comprend très bien que
ça fait partie d'une certaine conception de ce qu'est une vie digne, mais on
n'a pas été jusque là parce que comme je pense comprendre, l'exemple de votre
grand-mère peut le montrer, bon, une personne qui vit une maladie
neurodégénérative, hein, subit une transformation identitaire majeure, hein,
radicale. Ses priorités, ses intérêts, ses préférences, hein, peuvent changer
de façon radicale et, bon, il est possible qu'à ce moment-là l'idée d'être complètement
indépendant, donc, ça soit plus pertinent, là, dans sa vie maintenant et qu'il
y ait d'autres plaisirs, qu'il y ait autre chose qui font quand même en sorte
que ça vaut la peine de continuer cette vie-là encore un certain temps. Et
c'est pour, justement, éviter, hein, une application trop rapide, hein, d'une
demande anticipée, parce que, là, il fait penser que, par exemple, hein, une
personne qui est dans une situation de démence mais qui a une certaine qualité
de vie, est-ce qu'on veut vraiment demander à des professionnels de la santé,
là, d'aller appliquer, d'aller pratiquer l'aide médicale à mourir dans ces
conditions-là. Les professionnels de la santé nous ont dit : On s'imagine
mal, là, faire ça, mais lorsqu'on voit qu'il y a de la véritable souffrance physique
ou psychologique et qu'il n'y a plus de qualité de vie, là, ça peut redevenir
un soin, hein, l'aide médicale à mourir. Et, dans ce contexte-là, ça nous
semble plus éthiquement acceptable. Donc, ce serait pour une période... une
étape ultérieure, hein, dans l'évolution de la maladie.
M. Jacques : O.K. Puis de
quelle façon on va pouvoir, dans le fond, avoir un jugement concret pour
chacune des personnes? Donc, de quelle façon on va établir une ligne pour que
chacune des maladies ou des souffrances soit évaluée adéquatement sur
l'ensemble des patients et où est-ce que la ligne va être, plus précisément,
là?
Mme Filion (Nicole) : Bien,
en fait, une des conditions, c'est qu'effectivement que la personne manifeste
des souffrances, soit physiques, soit psychiques, soit existentielles, et on
les a qualifiées également, hein, il faut que ces souffrances-là soient
constantes, très importantes et difficiles à soulager. Donc, il est clair, à
nos yeux, que l'évaluation des souffrances devra être réalisée par l'équipe de
médecins, bien entendu, mais toute l'équipe soignante multidisciplinaire qui,
souvent, entoure le patient, là, on pense aux travailleurs sociaux,
ergothérapeutes, etc. Et évidemment ça ne peut pas se faire non plus en silo.
On encourageait l'équipe soignante et le médecin à entrer en dialogue sûrement
avec le tiers qui a été désigné, parce que s'il y a eu un tiers désigné, ça
veut dire que le patient avait une totale confiance en cette personne-là…
Mme Filion (Nicole) : …ne peut
pas se faire non plus en silo. On encourageait l'équipe soignante et le médecin
à entrer en dialogue sûrement avec le tiers qui était désigné, parce que s'il y
a un tiers désigné, ça veut dire que le patient avait une totale confiance en
cette personne-là. Il y a des fortes chances que le patient aussi l'a désigné
parce que cette personne-là connaît son histoire, etc., ses valeurs, son
historique, évidemment. Et donc on invitait le médecin et l'équipe soignante en
dialogue avec le tiers désigné, mais aussi, évidemment, avec les proches du
patient. Donc, c'est vraiment des souffrances qui sont qualifiées, en tout cas,
pour les fins de nos recommandations, et qui sont évaluées par cette équipe-là
qui va entrer en communication avec le tiers désigné et les proches.
M. Jacques : Bien, finalement,
là, pour le tiers désigné, votre recommandation 7, là, ne pourrait pas
dire : La dignité de la personne de mon proche ou de la personne à qui
j'ai signé, pour dire que je l'accompagnerai et j'exécuterais ses volontés à un
moment opportun, ne pourrait pas dire que la dignité affectée à un tel point
d'une personne pourrait donner ou susciter le consentement à faire un soin de
fin de vie.
Mme Filion (Nicole) : Bien,
en fait, le tiers désigné est une personne, parmi tant d'autres, qui pourrait
venir éclairer l'équipe soignante.
M. Jacques : Parfait.
Mme Filion (Nicole) : Alors,
c'est pour ça que j'ai insisté tout à l'heure pour dire que ce n'est pas un consentement
substitué, hein? Le tiers désigné, ce n'est pas lui qui va décider, lui, son
rôle, c'est de porter à la connaissance de l'équipe soignante la demande
anticipée d'aide médicale à mourir et de dire à l'équipe soignante :
Voici, mon proche a fait — une dame, on l'a appelé la dame — et
veuillez considérer cela. Maintenant, je peux vous éclairer sur l'historique
puis, bon, ma soeur, mon frère, etc., il y a d'autres personnes qui connaissent
bien pourraient vous donner des renseignements, pourraient être une mine
d'information, là, pour vous éclairer dans l'évaluation de la souffrance. Je ne
sais pas, Jocelyn, si tu veux compléter.
M. Maclure (Jocelyn) : C'est
parfait pour moi.
M. Jacques : Bien, je vous
remercie, Me Filion et M. Maclure. Je vais laisser la parole aux collègues, là,
qui avaient des questions.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je passerais la parole à la députée de Soulanges.
• (10 heures) •
Mme Picard : …M. Maclure et
Mme Filion. Je vais y aller quand même assez brièvement parce que j'aimerais
que vous élaboriez encore un petit peu plus sur le tiers désigné. Je trouve ça vraiment
intéressant, votre proposition, par contre, je sens que ça va être beaucoup le proche
aidant qui va être le tiers désigné, et j'ai peur pour une certaine pression,
en fait, si le proche aidant…
10 h (version non révisée)
Mme Picard : …que vous
élaboriez encore, un petit peu plus, sur le tiers désigné. Je trouve ça
vraiment intéressant votre proposition, par contre je sens que ça être,
beaucoup, le proche aidant qui va être le tiers désigné et j'ai peur pour une
certaine pression. En fait, si le proche aidant, si ça le confronte à ses
propres valeurs personnelles, la décision de la personne souffrante. Donc, si…
j'ai bien aimé votre idée, en fait, que ce serait peut-être un tiers qui serait
plus neutre. J'y vois, peut-être plus, le curateur dans certains cas, le
curateur public, mais ou un notaire ou peut-être une autre personne, mais…
J'aimerais que vous élaboriez, un petit
peu, sur qui vous voyez comme personne, un tiers désigné qui serait plus neutre
pour, peut-être, essayer de décharger ce poids-là, cette pression-là sur les
proches aidants.
M. Maclure (Jocelyn) :
Peut-être que je peux commencer, puis Nicole tu pourrais suivre avec la
question du curateur, en autres. J'ai la chance d'avoir pour compagne, une
professeure et chercheure en travail social, qui fait des recherches auprès des
aidants, des proches aidants et effectivement, des conflits de valeur entre la
volonté de la personne malade et du proche, hein, ça peut survenir.
Dans l'optique philosophique, hein, qui a
été la nôtre, là, c'est vraiment la possibilité de rédiger une demande
anticipée découle, hein, du principe d'autodétermination de la personne, hein,
donc, il faut que ça soit vraiment clair qu'il ne s'agit pas de transférer,
hein, le… la capacité de consentir à un tiers. Le tiers, Nicole l'a dit, est
plus un porte-voix, hein, pour la personne et donc, c'est à la personne, au
fond, malade de désigner, parmi ses proches, là, la personne en qui elle a
confiance, hein, qui va vraiment porter sa voix et respecter sa volonté et
c'est possible, hein, qu'une personne, malheureusement, ne trouve pas un tel
proche, hein, dans son entourage et c'est pour ça qu'on a prévu aussi, on ne
voulait pas que le pouvoir d'autodétermination des personnes, hein, dépende de
ces facteurs plus contingents. Donc, s'il n'y a pas de tiers désigné, donc il y
a une autre procédure qui a été imaginée et peut-être que Nicole, là, tu peux
compléter.
Mme Filion (Nicole) : Bien,
pour ce qui est… oui, effectivement, Jocelyn, tu as raison, dans le fond, le
tiers désigné, là, c'est vraiment une courroie de transmission, là, des
volontés qui sont exprimées par la personne. C'est très clair, à nos yeux, que
le tiers désigné ne choisit pas pour la personne, il ne fait que rapporter sa
volonté, là, aux professionnels qui sont chargés de prodiguer des traitements
et des soins appropriés.
Maintenant, pour répondre à votre question
sur l'autorité neutre. Pour les fins des travaux du groupe d'experts, nous ne
l'avons pas identifiée. Je vous rappelle, également, que bien qu'à l'époque,
j'étais directrice générale des affaires juridiques au Curateur public, à
l'époque des travaux et de la rédaction du rapport, c'est à titre personnel que
nous nous sommes tous engagés dans la… les travaux que… et dans le mandat qu'on
nous a confié à…
Mme Filion (Nicole) : ...bien
qu'à l'époque j'étais directrice générale des affaires juridiques au Curateur
public, à l'époque des travaux et de la rédaction du rapport, c'est à titre personnel
que nous nous sommes tous engagés dans les travaux et dans le mandat qu'on nous
a confié à l'époque et que chacun des experts n'engageait aucunement les organisations
pour lesquels ils travaillaient.
Donc, je pense bien que vous aurez
l'occasion d'entendre incessamment les représentants du Curateur public, peut-être
qu'ils auront une opinion. Ce que je peux vous dire, c'est que le Curateur
public consent à des soins pour des personnes qu'il représente à titre de
tuteur ou curateur. Et il consent aussi à des soins pour des personnes qui sont
totalement isolées, alors... et qui sont évidemment inaptes à consentir à leurs
soins, il va de soi. Donc, voilà.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Je passerais maintenant la parole à la députée de Saint-François pour quatre
minutes.
Mme
Hébert
: Merci,
Mme la Présidente. Merci à mes collègues qui ont apporté de très bonnes questions.
Je m'adresse soit à M. Maclure ou à Me Filion. Moi, j'ai une question
par rapport advenant... disons qu'on parle d'alzheimer, advenant un moment de
lucidité, parce qu'on sait qu'il y a différents stades, il y a comme sept
stades dont... je prends l'alzheimer en particulier, disons il y a sept stades.
Puis, des fois, peut-être que la souffrance, parce que la personne se voit, est
un peu plus consciente, elle peut être... peut-être plus au début, mais à la
fin, elle la perd, cette souffrance-là, puis elle pourrait devenir plus
agréable ou... Tu sais, moi, aussi, j'ai ma grand-mère qui a vécu l'alzheimer,
puis c'était... elle n'était pas du tout désagréable, elle avait quand même une
joie de vivre jusqu'à la fin.
Donc, dans cette situation-là, si la personne
a pris la décision, comment que, si la situation change, qu'on ne voit plus la
souffrance ou quoi que ce soit, le tiers qui est désigné ou le curateur, comment
qu'on peut évaluer qu'elle souffre encore? Je ne sais pas si vous comprenez un
peu le sens de ma question.
M. Maclure (Jocelyn) : Tout à
fait. Merci pour la question. D'abord, bon, il y a peut-être deux éléments dans
la question. S'il s'agit vraiment de moment de lucidité, donc là, rien ne
change par rapport à la situation actuelle, c'est-à-dire qu'une personne par
rapport à une demande d'aide médicale à mourir peut changer d'idée jusqu'à la
fin, hein, tant qu'elle est capable d'exprimer ses volontés et de consentir ou
de demander des soins, elle peut changer d'idée. Donc, ça, c'est possible,
hein, jusqu'à tant que les aptitudes cognitives de la personne le permettent.
S'il n'y a pas de retour à l'aptitude,
mais on sent une certaine variation dans la qualité de vie, l'esprit de nos recommandations,
c'est d'attendre ou qu'il y ait un déclin, là, irrémédiable et irréversible des
capacités et de la qualité de vie. C'est vraiment pour soulager la souffrance,
là, que l'on...
M. Maclure (Jocelyn) : ...le
permettre. S'il n'y a pas de retour à l'aptitude, mais on sent une certaine
variation dans la qualité de vie, l'esprit de nos recommandations, c'est
d'attendre ou qu'il y ait un déclin, là, irrémédiable et irréversible des
capacités et de la qualité de vie. C'est vraiment pour soulager la souffrance,
là, que l'on propose d'appliquer, donc, une demande anticipée d'aide médicale à
mourir, et donc je pense que dans l'esprit des recommandations, ce serait
d'attendre qu'on constate, hein, ce déclin qui semble irréversible.
Mme
Hébert
:
Parfait. Puis juste pour me rassurer, parce que ça a été évoqué dans la
population, là, il y a des gens qui m'ont abordé sur cette question-là, puis je
vois qu'on ne va vraiment pas dans ce sens-là, donc il y a une exclusion de
l'option de planifier d'avance une aide anticipée, une demande anticipée d'aide
médicale à mourir dans le cas d'inaptitude, comme un mandat d'inaptitude. On ne
pourrait pas d'avance, sans avoir une maladie, pouvoir le mettre dans notre
mandat d'inaptitude, cette option-là. Dire, disons, je ne le sais pas,
moi : Si jamais j'ai l'Alzheimer, moi, je ne veux... à cause de ma cause
dignité ou quoi que ce soit, j'aimerais avoir l'aide... on ne peut pas le
faire, ce n'est pas une recommandation que vous posez, c'est ça?
Comprenez-vous?
Mme Filion (Nicole) : Oui.
Effectivement, vous avez raison, il faut vraiment qu'il y ait obtention d'un
diagnostic. Jocelyn en a parlé tout à l'heure, pour nous, il est important que
ça soit une condition, là, sine qua non, c'est-à-dire qu'il y faut qu'il y ait
un diagnostic qui soit posé par le médecin. Ça va permettre à la personne de
pouvoir se projeter dans le futur, dans le temps, de pouvoir connaître qu'est-ce
qui s'en vient comme avancée médicale, est-ce qu'il y a des espoirs, quel est
le pronostic, etc. Ça va aussi ouvrir un dialogue avec l'équipe soignante, vont
pouvoir parler de cette maladie-là, etc., un échange qui est aussi extrêmement
personnalisé.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Désolée...
Mme Filion (Nicole) : Donc,
pour nous, c'était vraiment, ça prenait vraiment un diagnostic, effectivement.
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Me Fillion. Désolée de vous interrompre.
Mme Filion (Nicole) : Ça va.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Je céderais maintenant la parole au deuxième... à l'opposition officielle.
Donc, je crois que c'est... Est-ce que c'est la députée de Maurice-Richard?
Mme Montpetit : Oui.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, je cède la parole à Mme la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Me Fillion, bonjour, M. Maclure. De toute façon,
Me Fillion, j'ai une question en lien avec ce que vous étiez en train
d'aborder, donc je vous laisserai... vous aurez l'occasion de compléter. Merci
beaucoup d'être avec nous tous les deux. Je sais que vous avez réfléchi
énormément à ces questions-là au cours du passé, donc c'est très, très
éclairant, et c'est un... c'est très pertinent pour nous d'avoir ces
échanges-là avec vous. J'aimerais revenir, moi, sur les types de situations,
les types de cas d'inaptitudes. Vous en avez identifié cinq lors de de votre...
lors de vos travaux. J'aimerais qu'on revienne un peu à la base, dans le fond,
de c'est quoi les types de situations dans lesquels une personne peut se
retrouver inapte...
Mme Montpetit : …les types de
situations, les types de cas d'inaptitude. Vous en avez identifié cinq lors de
votre… lors de vos travaux. J'aimerais qu'on revienne un peu à la base, dans le
fond, de… c'est quoi les types de situations dans lesquelles une personne peut
se retrouver inapte à consentir, dans le fond, et que vous aviez aussi,
justement, exclu certaines situations pour être éligible à l'aide médicale à
mourir. Vous en avez gardé d'autres.
Donc, j'aimerais entendre votre réflexion,
vraiment, là-dessus, sur qu'est-ce qui a déterminé votre décision, justement, à
faire cette sélection-là?
• (10 h 10) •
M. Maclure (Jocelyn) : Merci
pour la question et pour poursuivre le propos de Nicole, l'idée est de
favoriser la délibération la plus éclairée possible par rapport à ce que l'on
souhaite pour notre fin de vie et bon, là, présentement, pendant que je suis en
santé, je peux avoir certaines idées sur, bon, qu'est-ce que je vais souhaiter,
là, si, par exemple, hein, je suis atteint d'une telle… une maladie, là,
neurodégénérative, mais bon, je ne suis pas nécessairement dans cette
situation-là, je n'ai pas toutes les informations. Il se peut que mes
préconceptions soient, résistent pas, là, à l'analyse, là, si je me retrouve,
vraiment, dans cette situation-là et on veut aussi que la décision, que
l'expression de la volonté soit, quand même, assez rapprochée, temporellement
parlant, de la maladie elle-même, de ses manifestations. Donc, là, si, par
exemple, une personne à 35 ans exprime ses volontés, mais a un diagnostic
à 55 ans, bon, on sait, on change, hein, à travers, donc, notre parcours
de vie.
Donc, l'idée est de permettre, hein, la
délibération la plus éclairée possible et donc, c'est qui fait que, bon, c'est
vraiment les maladies neurodégénératives, là, sur lesquelles on a vraiment
focalisé notre attention sur ces types de maladies là. On sait qu'on peut
perdre l'aptitude, hein, suite à des accidents soudains et imprévus. Dans ce
cas-là, on peut… on a déjà la possibilité d'exprimer des volontés, du moins en
refusant certains soins qui nous maintiendraient en vie. Donc, on encourage
plutôt, pour ce type de situation là, à rédiger, donc, des directives médicales
anticipées, hein, c'est une possibilité que peu de citoyens québécois, bon, se
prévalent présentement et c'est une façon, assez efficace, d'exprimer ses
volontés pour ce type de situation là.
Mme Montpetit : Mais, dans le
cas que vous présentez, par exemple, bon, dans les situations, vous parlez, en
autres, de quelqu'un qui pourrait avoir un AVC, du jour au lendemain, qui
deviendrait inapte. Est-ce que, quand vous nous parlez, justement, éthiquement,
de la question de l'autodétermination, est-ce que ce n'est pas, est-ce que ça
ne fait pas partie de l'autodétermination, justement, de pouvoir prendre cette
décision-là avant de devenir inapte? Puis, je comprends quand vous parler d'une
maladie qui est neurodégénérative, qui va évoluer dans le temps, qui nous… qui
laisse le temps à la personne de passer de… d'une situation où elle est apte…
inapte à consentir à une situation où elle est inapte, mais donc, il y a un
continuum de temps qui lui permet de prendre cette décision-là. Mais, dans des
situations, justement, où ça, ça se…
Mme Montpetit : …avant de
devenir inapte. Puis, je comprends quand vous parlez d'une maladie qui est
neurodégénérative, qui va évoluer dans le temps, qui laisse le temps à la
personne de passer d'une situation où elle est apte… inapte à consentir à une
situation où elle est inapte, et donc qu'il y a un continuum de temps qui lui
permet de prendre cette décision-là. Mais, dans les situations, justement, où
ça, ça ne se produit pas, par exemple, justement, un AVC, un accident, est-ce
que, justement, ça ne vient pas à l'encontre de la question de
l'autodétermination, d'empêcher la personne de prendre cette décision-là
pendant qu'elle est apte?
Mme Filion (Nicole) : Le
groupe d'experts a longuement discuté, là, de la possibilité de permettre la
demande anticipée en l'absence d'un diagnostic préalable pour permettre,
effectivement, à des personnes qui ont un accident soudain ou imprévu de
pouvoir se prévaloir de l'aide médicale à mourir. Et je vous dirais que la très
grande majorité des membres du groupe d'experts ont conclu qu'élargir
l'admissibilité, l'aide médicale à mourir, dans ce contexte-là, était, à nos
yeux, prématuré.
Pour nous, il était vraiment nécessaire
qu'il y ait un diagnostic pour que la personne ne s'imagine pas affligée de
toutes sortes de maladies, qu'elle se fasse des scénarios purement
hypothétiques de ce qui pourrait lui arriver pour l'avenir. Le fait d'avoir un
diagnostic va permettre… Pour elle, bien souvent, évidemment, quand elle reçoit
un diagnostic, c'est qu'elle est généralement prise en charge par le milieu
médical, bien ça va lui permettre d'être bien informée de sa maladie, de son
pronostic de survie, des avancées médicales qui s'offrent et elle n'aura pas
trop à se projeter trop loin dans le temps. Et pour nous, ça faisait pleinement
du sens, à ce moment-là, que le diagnostic était un incontournable, dès le
départ, et un critère permettant la demande anticipée.
M. Maclure (Jocelyn) : Peut-être,
très brièvement, et vous pourrez le confirmer avec des professionnels de la
santé, là, mais, ce qu'on a compris, me semblait-il, de nos médecins, c'est que
si on refuse, par exemple, hein, la réanimation, la respiration artificielle,
et les deux autres, là, soins qu'on peut refuser, je pense qu'on ne va pas être
maintenu en vie très longtemps dans ce type de situations là si on a rempli une
DMApuis on a refusé ce genre de soins là. Donc, les DMA, c'est une façon de
permettre une certaine autodétermination des personnes, là.
Mme Montpetit : Parfait. Merci
beaucoup. Donc, oui, j'entends beaucoup ce que vous nous dites sur l'aspect de
la décision éclairée, dans le fond, là, de la prendre quand on est dans une
situation où on a toute l'information concernant notre état. Mais, est-ce que,
à votre connaissance, puis on aura d'autres experts, je pense, justement,
médicaux, qui vont pouvoir nous éclairer là-dessus, mais, est-ce qu'il y a des
situations de dégénérescence cognitive où le diagnostic est fait, peut-être,
après, justement, cette phase-là, de…
Mme Montpetit : …à votre
connaissance… puis on aura d'autres experts, je pense justement médicaux, qui
vont pouvoir nous éclairer là-dessus. Mais est-ce qu'il y a des situations de
dégénérescence cognitive, où le diagnostic est fait peut-être après, justement,
cette phase-là d'aptitude ou de décision éclairée, ou est-ce qu'on pourrait se
retrouver dans des situations… justement, le fait de ne pas avoir permis à
cette personne-là de le faire avant son diagnostic… La maladie a évolué trop rapidement
et donc elle se retrouve dans une situation où elle n'est plus apte à
consentir, là.
M. Maclure (Jocelyn) : Je
pense que vous pourrez effectivement discuter avec les spécialistes avec qui
vous allez discuter. Pour nous, c'est possible, hein, ce genre de scénario.
Mais comme ce qui donne la légitimité d'un point de vue éthique, hein, c'est vraiment
l'exercice de l'autonomie ou du droit à l'autodétermination. Dans ces cas-là,
on se retrouverait à donner un consentement substitué… à reconnaître le consentement
substitué, et les risques, hein, sont trop grands de permettre le consentement
substitué où le proche, hein, exerce sur la base de ses propres valeurs et de
ses propres intérêts parfois aussi… hein, prend des décisions importantes pour
un proche. Et ça nous semble trop risqué d'un point de vue éthique.
Mme Montpetit : Non, je le
posais à l'inverse. En fait que, justement, en excluant la possibilité de le
faire avant d'obtenir un diagnostic, ça peut exclure peut-être certaines personnes…
effectivement, on creusera cette question-là avec certains experts, peut-être,
de la maladie d'Alzheimer entre autres, et autres. J'aurais une dernière
question puis j'ai mon collègue David Birnbaum qui souhaite vous poser une
question également. Vous avez abordé… vous avez fait mention des souffrances
psychiques, physiques, existentielles. Un, je voulais savoir si vous les
considérer comme mutuellement exclusive ou elles doivent être réunies, puis je
voulais vous entendre sur la notion de souffrance existentielle. Qu'est-ce que
vous entendez par cet élément-là?
M. Maclure (Jocelyn) : Je
vais être bref là-dessus, parce que Dre Gupta est vraiment la spécialiste
au Québec sur ces questions-là, mais… Bon, c'est difficile de les couper au
couteau, mais une souffrance existentielle concerne vraiment la question,
vraiment, du sens de la vie, là : Est-ce que ma vie à encore un sens même
si je n'ai pas, par exemple un trouble de l'humeur ou un problème sur le plan
de la personnalité… ma vie ne peut plus avoir de sens… et ça peut nous plonger
dans une certaine détresse. C'est dans ce sens-là, mais les trois sont souvent
imbriqués l'une dans l'autre, hein.
Mme Montpetit : Parfait. Merci
beaucoup. Je voulais dire le collègue de D'Arcy-McGee évidemment. Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Allez-y, monsieur le collègue de D'Arcy-McGee pour 2 min 30 s.
M. Birnbaum : Merci beaucoup,
Mme la Présidente, et merci, Mme Filion et M. Maclure, pour vos
délibérations, de toute évidence, très rigoureux dans ces 18 mois, ainsi que la
rigueur de vos recommandations aussi. Je veux poursuivre, parce que je tiens à
souligner la signification de vos recommandations…
M. Birnbaum : …merci beaucoup, Mme
la Présidente, et merci, Mme Filion et M. Maclure, pour vos délibérations, de
toute évidence, très rigoureuses dans ce 18 mois, ainsi que la rigueur de vos recommandations
aussi. Je vais poursuivre, parce que je tiens à souligner la signification de
vos recommandations parce qu'elles touchent à comment circonscrire l'accès à la
demande anticipée de l'aide médicale à mourir. Parce que je crois que ça se
peut qu'il y ait un bon pourcentage de la population qui nous invite, en quelque
part, de les inclure dans les discussions, les gens qui sont d'un certain âge,
mais pas devant un diagnostic. Alors, votre recommandation est très claire,
mais c'est un sujet très, très important.
Pour poursuivre en quelque part là-dessus,
sur le continuum, je vous invite de commenter sur un exemple que j'invente.
Quelqu'un qui reçoit un diagnostic d'Alzheimer assez léger, disons… dont il
aurait leur pleine capacité à cet instant-là, il ne serait pas devant un
diagnostic nécessairement très sombre, à ce moment-ci, de votre avis et selon
vos recommandations 2 et 3, est-ce qu'il serait éligible, il aurait accès à
cette possibilité de faire une demande anticipée d'aide médicale à mourir?
Mme Filion (Nicole) : Oui,
absolument. Quelqu'un qui est au début de la maladie, qui est totalement apte à
consentir à ses soins, pourrait faire une demande d'aide médicale à mourir si,
évidemment, il rencontre toutes les autres conditions que nous avons
identifiées dans le rapport. Alors, il faut effectivement que le formulaire se
signe, selon nos recommandations, en présence du médecin, et le médecin
confirme par sa signature que le patient était apte au moment où il a signé et
qu'il a reçu un diagnostic, etc. Donc, dans l'hypothèse que vous soulevez,
effectivement, cette personne-là pourrait se prévaloir d'une demande anticipée.
• (10 h 20) •
M. Birnbaum : Merci. Si je
peux, dans toute une autre direction, juste d'aborder une question très vite
qui est très complexe aussi. Je crois que, nous tous, on situe l'aide médicale
à mourir sur un continuum de soins disponibles aux gens, aux personnes du
Québec. Il y a un autre endroit sur ce continuum, et c'est le soin palliatif.
Est-ce que vous avez la moindre crainte que…
La Présidente (Mme Guillemette) :
Je suis désolée, M. le député de D'Arcy-McGee, votre temps est écoulé. Je
céderais maintenant la parole à la députée de Joliette pour neuf minutes.
Mme
Hivon
: Oui,
merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. Merci encore pour
l'excellent travail. J'ai relu votre rapport au complet et je le trouve
toujours aussi profond et éclairant. J'aimerais qu'on fasse le cheminement
ensemble d'une question qui est, selon moi, à la fois très philosophique et
très pratique, c'est celle de la souffrance…
Mme
Hivon
:
...votre rapport au complet et je le trouve toujours aussi profond et
éclairant.
J'aimerais qu'on fasse le cheminement
ensemble d'une question qui est, selon moi, à la fois très philosophique et
très pratique, c'est celle de la souffrance, et donc, de la réalité de la
personne entre ce qu'elle avait anticipé et ce qu'elle vit. Mes deux collègues
du parti ministériel l'ont amené en parlant de cas de leurs grands-mères. Donc,
on a ce cas, vous en parlez beaucoup avec l'exemple de Margot, dans votre
texte. Donc, on peut s'imaginer que, dans une situation x, on va être extrêmement
malheureux, désorienté, souffrant, mais quand on vit la situation x, on a une
démence relativement heureuse.
Moi, pour me sortir de cette espèce de
dilemme là, puis vous parlez de tous les éthiciens et philosophes, c'est vraiment
intéressant, comme discussion, qui se sont penchés là-dessus, mais en fait,
quand on se ramène au critère de la souffrance tel que prévu dans la loi
actuelle et que vous maintenez, donc, «on doit pour donner l'aide médicale à
mourir, être face à une souffrance qui va être intolérable, constante et
inapaisable, dans des circonstances jugées acceptables pour la personne», ça
veut donc dire qu'une personne qui aurait la démence heureuse ne peut pas se
voir attribuer, administrer l'aide médicale à mourir puisqu'elle ne serait pas
dans une situation de souffrance constante et intolérable.
Et donc je veux juste que vous me
confirmiez si vous êtes dans cette même réflexion là. Parce que c'est sûr,
comme vous l'avez dit, M. Maclure, que les citoyens, souvent, vont nous
dire : Moi, si je ne suis plus capable de reconnaître mes proches, si je
ne peux plus m'occuper de mes soins moi-même, je voudrais avoir l'aide médicale
à mourir. Mais au moment où la personne le vit, ça se peut très bien qu'elle
n'ait pas de souffrance liée à ça et qu'elle soit dans une démence. C'est plus
une souffrance anticipée. Donc, je veux juste savoir si vous faites le même
raisonnement que moi que, vu que vous suggérez de garder évidemment intact le
critère de la souffrance telle que définie, ça fait en sorte qu'on évite ces
cas de démence heureuse, puisque le critère ne serait pas rempli.
M. Maclure (Jocelyn) :
Exactement. Merci pour votre commentaire et votre contribution évidemment à
l'évolution du débat québécois sur la question. C'est exactement ça. Donc, on
est conscients que la reconnaissance, hein, du droit à l'autonomie devient plus
circonscrite, hein, étant donné qu'on maintient entre autres le critère de la
souffrance, mais c'est pour atteindre un équilibre entre les deux principes,
qui ne sont pas parfaitement réconciliables en l'espèce.
Et en plus du cas de Margot, là, et je
vous invite tous à en prendre connaissance, hein, c'est un cas extrêmement
riche, là, philosophiquement parlant, on a été aussi très influencés par le cas
néerlandais, là, qui est un cas, là, qui s'est vraiment passé, là,
empiriquement parlant, où une femme qui avait plusieurs fois exprimé sa
volonté, hein, d'avoir accès à l'euthanasie, lorsque venait le temps de
l'appliquer, disait : Ah! Bien... Lorsqu'elle vivait les effets de la
maladie, elle disait : Ah! mais pas tout de suite, hein, je vais la
vouloir, mais toujours un peu plus tard...
M. Maclure (Jocelyn) : …qui
s'est vraiment passé, là, empiriquement parlant, où une femme qui avait
plusieurs fois exprimé sa volonté, hein, d'avoir accès à l'euthanasie, lorsque
venait le temps de l'appliquer, disait… lorsqu'elle vivait les effets de la
maladie, elle disait : Ah, mais pas tout de suite, hein? Je vais la
vouloir mais toujours un peu plus tard. Et finalement le moment où l'équipe a
décidé de l'administrer, ça s'est plutôt mal passé. Donc, c'est pour ça aussi,
hein, pour éviter de plonger, hein, les professionnels de la santé dans ce
genre de situation là qu'on a dit : Bon, il faut constater, hein, qu'il y
a une dégradation importante tant des capacités que du bien-être et une
souffrance qui est là permanente et indéniable. Donc, c'est pour se donner ces
protections-là, là, qu'on a gardé ce critère-là, effectivement.
Mme
Hivon
: O.K.
Merci beaucoup. Je pense qu'il y beaucoup de pédagogie à faire aussi avec la
population sur cet élément-là. Donc, je continue sur la question de la
souffrance. Dans la demande anticipée, concrètement, pour vous, la personne est
au premier stade, par exemple, d'une démence, maladie d'Alzheimer et, quand
elle fait sa demande, elle fait uniquement indiquer : Si je suis dans une
situation de souffrance constante intolérable, je veux, donc, obtenir l'aide
médicale à mourir? Ou elle décrit le type de souffrance, qui serait, par
exemple : Si je souffre physiquement, si je souffre psychiquement? Ou vous
dites : Non, elle fait juste inscrire que, si elle souffre, elle veut avoir
l'aide médicale à mourir ou elle détaille?
Mme Filion (Nicole) : Bien,
en fait, on s'est… ce qu'on a dit, c'est que les souffrances devaient être
exprimées dans la demande anticipée d'aide médicale à mourir. Et les
souffrances, ça nécessite de la considération de beaucoup, beaucoup de
composantes, et Dre Gupta vous en dira davantage, mais des composantes
physiques, on pense à la douleur, psychologiques, on pense à l'anxiété,
émotionnelles, on pense à la tristesse sociale, l'isolement social, la perte
des amis proches, existentielles, Jocelyn le disait tout à l'heure, là, la
perte de sens. Alors, en principe, il faut que les souffrances soient exprimées
dans la demande et qu'elles soient évaluées par le médecin et l'équipe
soignante et qu'elles tiennent en considération l'ensemble des composantes que
je viens de vous identifier.
Mme
Hivon
: Je
comprends en théorie, mais je trouve que, dans l'application de ça, quand je
suis au premier stade de ma maladie, on va peut-être m'expliquer ce que je peux
vivre, traverser, mais on ne le sait pas, comme le dit, quel type de démence je
vais avoir dans les derniers stades. Et donc est-ce que si on force une
personne à décrire le type de souffrance en détail qu'elle devra traverser pour
qu'on donne l'ouverture à l'aide médicale à mourir, est-ce qu'on ne restreint
pas trop? Et est-ce qu'on ne devrait pas, justement, plutôt dire : Si je
suis dans une situation de souffrance, telle qu'inscrite à l'article 26 de
la loi en ce moment, là, intolérable constante, je voudrais qu'on me donne
l'aide médicale à mourir? Parce que j'ai juste peur que le fardeau et la
projection qu'on doit faire pour arriver pile sur le type de souffrance qu'on
devrait…
Mme
Hivon
: …pas
justement plutôt dire : Si je suis dans une situation de souffrance, telle
qu'inscrite à l'article 26 de la loi en ce moment, là, elle est tolérable,
constante, je voudrais qu'on me donne l'aide médicale à mourir. Parce que j'ai
juste peur que le fardeau et la projection qu'on doit faire pour arriver pile
sur le type de souffrance qu'on devrait traverser pour avoir accès à l'aide
médicale à mourir soit trop contraignants, puis, là, vu que je n'ai plus
énormément de temps, je vais vous poser tout de suite mon autre question, vous
pourrez répondre aux deux.
Mon autre question, c'est que vous faites
le choix, malgré que vous insistez beaucoup avec la base de tout ça, c'est
l'autodétermination de la personne qui justifie la demande anticipée. Vous
refusez d'y mettre un caractère exécutoire, et il me semble qu'on dit un peu
une chose et son contraire quand on dit oui, le principe de l'autodétermination
doit permettre ça, mais en même temps ça ne peut pas être exécutoire. Donc,
jusqu'où ça va rassurer la personne si on lui dit peut-être qu'on va l'appliquer,
mais peut-être pas, selon les circonstances.
M. Maclure (Jocelyn) : O.K.
Je vais prendre le premier élément, puis Nicole pourra compléter avec le
deuxième. Bien, vous avez tout à fait raison, hein, c'est une zone un peu
d'ambiguïté, là, dans nos recommandations, et je pense que moi, je vois,
disons, de spécifier le type de souffrance. Ça donne des informations
supplémentaires pour interpréter la demande, mais c'est à titre, disons,
informatif et pour, disons, aider les décideurs. Mais c'est clair que ce qui
est le plus important, c'est est-ce que les critères sont satisfaits ou pas, et
on ne peut dire : Ah! mais voici ma souffrance, ça veut dire telle et
telle chose, et donc qu'on ne respecterait pas les autres critères. C'est si…
en fait, ça devrait être optionnel, me semble-t-il, et pour guider ceux qui
vont prendre la décision.
Mme Filion (Nicole) : Et pour
compléter, on l'a appelée, on l'a désignée une demande anticipée d'aide
médicale à mourir et on a foncièrement décidé de ne pas l'identifier à titre de
directive, justement pour ne pas que ça ait le caractère exécutoire à tout
prix. Je pense qu'on a eu beaucoup, beaucoup de… aussi de réflexions de la part
de médecins qui, eux, c'est eux qui appliquent l'aide médicale à mourir, hein.
Les médecins souhaitaient aussi s'assurer que les critères sont rencontrés et
que les critères puissent être discutés avec les proches, la famille. On est
dans une situation où la personne est inapte. Dans notre régime actuel,
législatif, l'aide médicale à mourir est permise dans un contexte d'aptitude
jusqu'à la fin, hein, de l'administration de l'aide médicale à mourir. Le
contexte dans lequel on se retrouvait dans le cadre du mandat, c'est dans une
situation d'inaptitude au moment d'appliquer l'administration de l'aide
médicale à mourir. Alors, je pense qu'il y avait des composantes qui devaient
être vraiment prises en considération, et c'est la raison pour laquelle on a
choisi que cette demande-là ne soit pas… qu'elle n'ait pas le caractère
exécutoire.
• (10 h 30) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, je céderais maintenant la parole au député de Chomedey
pour deux minutes...
10 h 30 (version non révisée)
Mme Filion (Nicole) : ...vraiment
prise en considération, et c'est la raison pour laquelle on a choisi que cette
demande-là ne soit pas... qu'elle n'ait pas le caractère exécutoire.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, je céderais maintenant la parole au député de Chomedey
pour deux minutes.
M. Ouellette : Deux minutes,
c'est assez... c'est même très rapide. Bonjour à vous deux. Merci du travail
exceptionnel que vous faites, je pense que, M. Maclure, vous l'avez dit,
c'est une question des plus complexes. Et, pour nous, il faudra être assez
humbles pour essayer de rejoindre le même consensus que vous avez eu dans vos
14 recommandations.
En quoi le jugement Gladu-Truchon a pu ou
peut modifier certaines des recommandations que vous aviez faites dans votre
rapport?
M. Maclure (Jocelyn) : Merci
pour la question. Donc, bon, le critère, hein, de fin de vie ou celui, là,
fédéral de mort raisonnablement prévisible, donc, est plus opérant. Et nous, on
garde, hein, l'idée que la personne se situe dans une trajectoire de fin de
vie, hein, donc ça n'a pas besoin d'être dans la phase terminale, mais ça fait
partie des garanties qu'on a imaginées pour être sûr que la demande ne soit pas
appliquée hâtivement.
Donc là, le jugement, hein, était basé sur
des cas, évidemment, de types de maladies très différents des maladies
neurodégénératives, et, bon, il faudrait faire une analyse, là, pour voit
comment... quels sont les impacts du jugement, ce qu'on n'a pas pu faire. Mais
au moins j'inviterais à la prudence lorsqu'il est question de maladies
neurodégénératives pour s'assurer de ne pas affaiblir, hein, les garanties
qu'on l'a, qu'elles soient appliquées lorsque la personne souffre vraiment. Et
l'idée de la trajectoire de fin de vie, c'était une de ces garanties, une de
ces mesures de protection.
Donc, il faudrait voir est-ce qu'un régime
spécial pour les maladies neurodégénératives devrait être imaginé tout en
respectant le jugement Beaudoin, là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, M. le député. C'est tout le temps qu'on avait.
Donc, merci beaucoup à Mme Filion et
M. Maclure. Merci pour votre contribution aux travaux de la commission,
c'est très enrichissant, on en aurait pris encore pour plusieurs, plusieurs
minutes.
Donc, je suspends les travaux quelques
instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités.
(Suspension de la séance à 10 h 33)
(Reprise à 10 h 40)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, bonjour, tout le monde. Merci d'être ici pour cette deuxième
présentation. Bienvenue à la Dre Mona Gupta, et je vous remercie
d'être ici ce matin pour partager avec nous votre expérience et vos
connaissances, qui seront très importantes pour la suite de nos travaux. Donc,
je vous rappelle que vous disposez de 20 minutes pour votre exposé, après
quoi il y aura échange avec les membres de la commission.
Donc, je vous cède la parole pour votre
présentation. Dre Gupta, à vous la parole.
Mme Gupta (Mona) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Je suis très reconnaissante à la commission pour
l'opportunité de venir vous rencontrer et j'ai bien hâte pour l'échange après
mon exposé. Je vais me présenter d'abord, je suis médecin psychiatre au CHUM, à
Montréal, avec plus que 20 années d'expérience clinique. Je suis également
professeure agrégée de clinique dans le département de psychiatrie et
d'addictologie à l'Université de Montréal et chercheuse en philosophie et
éthique de la psychiatrie au CRCHUM. J'ai été la présidente du comité aviseur
de l'AMPQ, l'Association des médecins psychiatres du Québec, sur le sujet de
l'AMM pour les troubles mentaux. J'ai été aussi membre du groupe de travail du
Conseil des académies canadiennes, le groupe qui a étudié cet enjeu à la
demande du gouvernement fédéral.
Mais aujourd'hui, je suis là dans mon rôle
comme psychiatre et chercheuse. Je ne suis pas ici pour faire la… pour une
certaine prise de position, mais plutôt de discuter avec vous les fruits de ma
recherche et ma participation dans le débat au sujet de l'aide médicale à mourir
pour des personnes atteintes des troubles mentaux pour lesquels le seul
problème médical invoqué est un trouble mental. Alors, c'est long, pour le
reste de mon temps, je vais dire TM-SPMI.
Pendant mon exposé, je vais discuter les…
Mme Gupta (Mona) : ...dans le
débat au sujet de l'aide médicale à mourir pour des personnes atteintes des
troubles mentaux pour lesquels le seul problème médical invoqué est un trouble
mental. Alors, c'est long, pour le reste de mon temps, je vais dire TM-SPMI.
Pendant mon exposé, je vais discuter les
enjeux cliniques principaux qui ont été soulevés sur cette question et qu'est-ce
qu'on peut faire, si on peut faire quelque chose, pour aborder ces enjeux. Mais
avant, je me lance dans le sujet. J'aimerais donner quelques commentaires
préalables.
D'abord, ni la loi québécoise ni la loi
canadienne incluent ou excluent les personnes d'avoir accès à l'AMM sur la base
d'un diagnostic quelconque. L'accès à l'AMM est basé sur l'ensemble de leurs
circonstances cliniques qui sont résumées à peu près dans les critères
d'admissibilité, dont vous êtes sûrement familiers.
Étant donné la prévalence des troubles
mentaux dans la population, qui est à peu près 20 % dans une période de
12 mois, ça veut dire qu'un certain pourcentage des personnes qui ont eu
l'accès à AMM, sous les exigences actuelles, avaient des troubles mentaux.
Donc, des personnes atteintes des troubles mentaux qui ont aussi des maladies
physiques ont l'accès actuellement, et ils ont eu accès même avant la nouvelle loi
fédérale.
Alors, pourquoi est-ce qu'on réfléchit sur
la question de diagnostic trouble mental, en ce moment? En fait, je ne sais
pas, mais je pense que c'est à cause du fait, probablement, que ces personnes
ont rarement eu accès à cause du critère fin de vie. Alors, la question se pose
quant aux personnes TM-SPMI, est-ce qu'il y a des caractéristiques qui sont
associées avec chaque personne qui est dans la catégorie TM-SPMI? Et est-ce que
ces caractéristiques distinguent ces personnes de toute autre personne, tout
autre citoyen qui ont accès actuellement? Autrement dit, est-ce qu'il y a une
différence entre la personne qui a un trouble bipolaire et la personne qui a un
trouble bipolaire et un cancer?
Avant je vais plus loin, je vais être
clair sur, selon moi, qui sont les plus personnes qui ne devraient pas avoir
l'accès à l'AMM. On parle des personnes qui vise des crises aiguës, peu importe
la raison, peu importe c'est à cause de le symptôme de leur maladie, si c'est à
cause des circonstances sociales, on parle des personnes qui sont tôt dans la
trajectoire de leur maladie, et on parle de personnes qui n'ont pas d'accès
adéquat aux soins appropriés pour leur problème. Là, je parle en mon propre
nom, mais, j'imagine, la grande majorité des psychiatres et, en fait, la grande
majorité des personnes seront d'accord avec ces propos.
Deux mises en garde par rapport le
discours autour du débat de l'AMM-TM-SPMI. Je pense que le discours part
souvent des cas paradigmatiques. Ce que je veux dire par ça, c'est que même si
on sait que les maladies physiques et les maladies mentales...
Mme Gupta (Mona) : ...ces
propos. Deux mises en garde par rapport le discours autour du débat de l'AMM,
TM-SPMI. Je pense que le discours parle souvent des cas paradigmatiques. Ce que
je veux dire par ça, c'est que même si on sait que les maladies physiques et
les maladies mentales sont des catégories, même si on peut dire ça très large,
on a dans nos esprits un oeil, un plan quand on parle de la maladie physique,
une notion quand parle d'une affection avec une détérioration inévitable et une
trajectoire prévisible.
De l'autre côté, en arrière-plan, quand on
parle de la maladie mentale, on a, en arrière-plan, l'affection souvent causée
par un mode de vie stressant qui pourrait s'améliorer avec des soins de base ou
même, le passage du temps. C'est vrai dans certains cas, mais ils sont ...
réalisations qui ne s'appliquent pas à chaque trouble ni à chaque patient. On
sait tout ça, mais je le dis parce que ce sont souvent ces cas paradigmatiques
qui animent les arguments dans le débat.
Deuxièmement, quand on parle de personnes
atteintes de troubles mentaux, on parle de troubles mentaux ici et les troubles
physiques là-bas. On oublie qu'il y a de grands pourcentages de la population
des patients qui sont atteints des deux. J'ai élaboré sur ce point dans mon
mémoire et j'ai offert des exemples, des vrais cas, des vraies personnes qui
eux, ont accès à la même, qui vécu à la fois des pathologies physiques et
mentales et les mêmes enjeux qui sont soulevés dans le débat ont été soulevés
par ces cas. Et maintenant qu'on est dans un contexte ou l'AMM est accessible
hors le contexte fin de vie, on peut attendre d'avoir plus de cette sorte de
cas avec un concomitant psychiatrique et physique, étant donné la prévalence
élevée des troubles mentaux dans la population des patients atteints de
maladies physiques chroniques.
Alors maintenant, je passe aux enjeux
cliniques principaux dont je voulais parler. Il y a quatre enjeux principaux
qui ont été identifiés par divers auteurs, chercheurs, groupes de travail sur
la question de l'AMM pour les personnes atteintes de troubles mentaux. Il
s'agit de l'aptitude à prendre une décision pour avoir l'AMM, la souffrance
constante et insupportable, la suicidalité et la nature incurable de
l'affection. Je vais discuter de chacun ainsi que des pistes de réflexion sur
comment on peut répondre adéquatement à ces enjeux.
D'abord, l'aptitude. Comment vous le
savez, selon le Code civil, toute personne de 14 ans et plus est présumée apte
à prendre ses décisions par rapport au traitement et leurs soins, incluant les
personnes atteintes des troubles mentaux. Et tous les jours, dans notre système
de santé incluant les personnes atteintes de troubles mentaux, prennent des décisions
avec des enjeux élevés par rapport à leurs soins, la décision d'avoir ou de ne
pas avoir la chimiothérapie pour un cancer, la décision d'avoir, maintenir ou
cesser la dialyse...
Mme Gupta (Mona) : ...et tous
les jours, dans notre système de santé, les personnes, incluant les personnes
atteintes de troubles mentaux, prennent des décisions avec des enjeux élevés par
rapport à leurs soins, la décision d'avoir ou de ne pas avoir la chimiothérapie
pour un cancer, la décision d'avoir, maintenir ou cesser la dialyse. Ces
gens-là, quand il y a une question... un soupçon qu'il y a peut-être un enjeu
de l'aptitude, ils sont évalués... leur aptitude est évaluée selon les critères
actuels, bien décrits dans le guide de pratiques élaboré par le Collège des médecins
du Québec. Il s'agit de la compréhension, appréciation, raisonnement et
l'expression d'un choix.
L'AMM est un peu différente des soins
généraux parce qu'on n'est pas présumé apte pour avoir l'AMM. Il faut que
chaque demandeur soit évalué pour son aptitude, et c'est là où on voit... on
entre dans le débat. Il y a deux inquiétudes. Il y en a qui disent que
l'évaluation de l'aptitude pour décider d'avoir l'AMM est particulièrement
difficile chez les personnes atteintes de troubles mentaux. Je dirais que oui,
ça peut être difficile, mais pas plus difficile que n'importe autre situation
où la personne doit prendre une décision de soins vie et mort. Et dans un sens,
ce problème est déjà couvert dans la loi actuelle, où, si deux médecins ne sont
pas d'accord, ou ils trouvent ça trop difficile de décider si la personne est
apte, ils ne vont pas procéder à l'AMM. C'est le cas actuellement. Il faut
statuer dans l'affirmative pour procéder.
• (11 h 50) •
La deuxième inquiétude dans ce débat par
rapport à l'aptitude, c'est que les critères sont trop axés sur ces compétences
cognitives, et ne prennent pas en considération de façon spécifique que les
troubles mentaux peuvent affecter la prise de décision. Donc, une personne peut
être légalement apte, mais son jugement peut être très affecté quand même. En
fait, je suis d'accord avec ça puis je pense que, justement, le débat sur
l'AMM, chez les personnes atteintes de troubles mentaux, est une opportunité de
réfléchir sur les critères qu'on pour l'aptitude plus générale, pas juste pour
l'AMM, mais pour toutes les décisions de vie et de mort, par exemple, ou les
décisions avec des enjeux élevés, et voir si on a besoin d'ajouter d'autres
éléments. À titre d'exemple, aux Pays-Bas, dans leur cas, c'est pour... dans le
cas de l'euthanasie et suicide assisté, mais moi, je pense que ça peut être
élargi pour d'autres soins. Mais ils utilisent les mots «bien réfléchi», qui
font référence à l'idée que ce n'est pas juste d'avoir les compétences de
prendre une décision, mais d'utiliser ces compétences, ce qui n'est pas le cas,
en fait, avec nos critères actuels.
Maintenant, discutons la souffrance
constante et insupportable, qui est un critère d'admissibilité pour avoir accès
à l'AMM. Un trouble mental lui-même peut affecter son évaluation de sa propre
souffrance, car il peut affecter ses cognitions, sentiments, perceptions et
jugements. Je vous donne un exemple, des personnes qui ont vécu des
traumatismes en enfance très sévères expérimentent souvent une dénigration de
soi qui est totale...
Mme Gupta (Mona) : ...lui-même
peut affecter son évaluation de sa propre souffrance car elle peut affecter ses
cognitions, sentiments, perceptions et jugements.
Je vous donne un exemple. Des personnes
qui ont vécu des traumatismes en enfance très sévères expérimentent souvent une
«dénigration» de soi qui est totale et envahissante. Elles sont convaincues, effectivement,
qu'elles ne valent rien. Alors, on peut imaginer facilement que ce type de
croyance peut affecter sa perception de la possibilité d'amélioration. Donc, si
on pense qu'on va être dans cet état où on ne vaut rien pour toujours, bien, on
va souffrir dans une façon constante.
Comment on fait en sorte que, malgré
l'affirmation de sa souffrance insupportable, que ces éléments qui peuvent
affecter sa perception de souffrance sont pris en considération dans une
évaluation AMM? Je pense que, là, on voit la pertinence de l'implication de la
psychiatrie dans les évaluations, justement l'évaluation de la souffrance
psychique d'une personne... C'est pour ça, on est formé cinq ans dans la
spécialité.
Discutons maintenant la tendance
suicidaire. Alors, l'inquiétude à ce sujet, c'est que la tendance suicidaire
peut être un symptôme d'un trouble mental lui-même, et donc une demande AMM
faite par une personne avec un trouble mental peut refléter sa tendance
suicidaire et pas un désir authentique et réfléchi.
D'abord, il faut rappeler que ce n'est pas
tous les troubles mentaux qui sont associés avec un risque élevé de suicide, et
même parmi les troubles qui sont associés avec un risque élevé de suicide, ce
n'est pas toutes les personnes atteintes de troubles qui vont expérimenter des
idées suicidaires. Mais on peut apprendre des situations comme j'ai mentionné
avant, dans lesquelles des personnes atteintes de troubles mentaux veulent
prendre d'autres sortes de décisions de soins pour mettre fin à leur vie. Comme
je disais, une décision de cesser la dialyse, par exemple, ou de refuser une chimiothérapie
pour un cancer qui va prolonger leur vie. Dans ces circonstances, on pose
parfois en clinique cette même question, mais est-ce que c'est plutôt une idée
suicidaire qu'il veut refuser la dialyse ou refuser la chimio? Et dans ces
situations, cliniquement, on considère les questions de l'aptitude, bien sûr,
mais aussi est-ce que la personne vit une crise, est-ce que c'est à cause de ça
qu'il veut refuser ses soins? Est-ce qu'il y a des circonstances modifiables
qu'on peut traiter pour aider la personne d'être plus soulagée? Est-ce qu'il y
a une dynamique relationnelle nuisible qui est en jeu et qui fait en sorte que
la personne refuse des soins? On considère tous ces éléments, et, parfois, on
va empêcher même les gens d'agir sur leur prise de décision, qui n'est pas
banale, qui est une démarche légale pour chercher une ordonnance de traitement,
etc. Mais on ne fait pas ça pour tout le monde. Parfois, on est convaincu que
la personne peut prendre ses propres décisions et, malheureusement, même si ça veut
dire qu'il a des conséquences graves, la personne a le droit de le faire.
Alors, dans le cas d'AMM...
Mme Gupta (Mona) : ...qui est
une démarche légale pour chercher une ordonnance de traitement, etc., mais on
ne fait pas ça pour tout le monde. Parfois, on est convaincu que la personne
peut prendre ses propres décisions, et malheureusement, même si ça veut dire
qu'il a des conséquences graves, la personne a le droit de le faire. Alors,
dans le cas d'AMM, on devrait appliquer ces mêmes considérations.
Je vais aborder maintenant la nature
incurable de l'affection quand on parle des troubles mentaux. C'est cet
enjeu-là qui a provoqué le plus de débats pendant l'étude récente de la loi
C-7, la loi fédérale sur l'AMM. Pourquoi? Je suppose que l'objectif du critère
de la maladie grave et incurable, qui se trouve dans la loi québécoise, est
d'éviter une situation dans laquelle quelqu'un reçoit l'AMM, mais à un certain
point à l'avenir, sa condition aurait pu s'améliorer. Et si on n'a pas quelque
chose qui nous donne cette certitude, on court ce risque-là. C'est vrai, en
fait. Une fois... on n'est plus dans un contexte fin de vie, on ne peut pas
avoir une certitude à 100 % qu'à un point à l'avenir la condition d'une
personne n'aurait pas pu s'améliorer. Ceci est la conséquence logique de la
décision dans le jugement de Truchon-Gladu.
La question, je pense, pour la société,
c'est combien de certitude est nécessaire. Si on a besoin de 100 %
certitude ou quelque chose semblable, près, il faut qu'on exclue beaucoup de
gens de l'accès parce qu'il y a beaucoup de circonstances cliniques, pas juste
des troubles mentaux, où on n'a pas un haut degré de certitude. Si on est
capable d'accepter qu'on ne peut pas avoir un degré de certitude à 100 %
ou très élevé, on serait obligé de définir, mais... qu'est-ce qu'on veut dire
par «maladie grave et incurable». Et il faut faire ça pour les maladies
physiques ainsi que les troubles mentaux. Ça pourrait prendre considération des
éléments comme la sévérité des symptômes de la personne, son degré d'incapacité
fonctionnelle, sa capacité d'adaptation, incluant son état de santé globale,
ses tentatives de traitement, bien sûr, et aussi la durée de sa maladie et l'évolution
de cette maladie dans le temps.
Mais heureusement nous... pas à commencer
de zéro. Par exemple, nos collègues aux Pays-Bas et l' association des
psychiatres flamands ont déjà essayé de définir qu'est-ce que ça veut dire, une
maladie incurable, dans leur contexte, on n'a pas exactement les mêmes
critères, mais on peut en servir en modifiant ce qu'ils ont proposé pour le
contexte québécois.
Je veux ajouter maintenant quatre
recommandations supplémentaires qui vont avec les pistes de réflexion que
j'avais proposées dans la section avant. Je pense qu'on a besoin d'exiger, au
moins, la participation d'un psychiatre dans le processus d'évaluation pour une
personne qui est atteinte d'un trouble...
Mme Gupta (Mona) : …en supplémentaire,
qui vont avec les pistes de réflexion que j'avais proposées dans la section
avant. Je pense qu'on a besoin d'exiger, au moins, la participation d'un
psychiatre dans le processus d'évaluation pour une personne qui est atteinte de
troubles mentaux comme seul problème médical invoqué. Quand on considère qu'il
faut statuer sur la gamme des soins que la personne a eus, son aptitude
décisionnelle dans des situations complexes, sa souffrance dans les contextes
des troubles mentaux complexes, on parle des connaissances et des habilités et
l'expérience à un niveau de la spécialité. Un processus d'évaluation d'une
telle demande exige du temps, et je pense que c'est quelque chose qui doit être
communiqué au public. Je pense que, sur le terrain, il y a parfois la
perception qu'on a besoin de répondre en urgence, et je pense que, pour ce type
de demande, c'est exactement le contraire, on ne veut pas agir en urgence, on
veut traiter les urgences puis prendre le temps qu'il faut pour bien réfléchir
tous les éléments.
Étant donné le potentiel pour un degré
élevé de complexité ainsi que la menace de sanction criminelle pour les
médecins qui prodigue le soin, je pense qu'une surveillance prospective devrait
être considérée, pas juste pour les troubles mentaux, mais pour toutes sortes
de cas complexes. Et finalement ni la loi québécoise ni la loi canadienne n'ont
un mécanisme qui empêche quelqu'un pour faire plusieurs requêtes et subir plusieurs
évaluations même suite à un refus. Donc, je pense que, minimalement, d'avoir un
temps d'attente entre des demandes pourrait être bienvenu.
Avant que je ne termine, j'aimerais
mentionner les deux manques souvent évoqués, je parle ici d'un manque de ressources
et manque de consensus. Il faut demander la question, quand on parle de manque
de ressources, on parle de qui. Et souvent, quand on parle de cette question,
on confond deux groupes de patients différents. Il y a le problème de manque de
ressources en première ligne pour la population générale, mais si on se base
sur les données internationales, ces personnes ne sont pas nos demandeurs de
l'AMM pour des troubles mentaux. Donc, oui, on devrait améliorer l'offre de
service en première ligne, mais je pense que, parmi les personnes qui vont
demander l'AMM pour des troubles mentaux, on parle des personnes sévèrement
atteintes chroniquement. Alors, si on regarde parallèlement dans d'autres
sphères de la médecine, on voit des mécanismes formels comme des corridors de
services, les centres d'excellence avec les mandats spécifiques, les
partenariats avec les organismes communautaires bien encadrés, ce sont les
mécanismes qu'on a besoin de développer en psychiatrie pour être sûr que les
patients les plus sévèrement atteints ont accès aux soins spécialisés. On le
fait maintenant, mais c'est comme un peu aléatoire, ça dépend sur le clinicien
individuel quoique je pense qu'on a besoin de formaliser. Mais manque de
ressources, on parle vraiment d'avoir ce type de corridor, ce mécanisme pour
les patients les plus sévèrement atteints.
• (11 heures) •
Et j'aimerais conclure sur…
11 h (version non révisée)
Mme Gupta (Mona) : …soins
spécialisés. On le fait maintenant, mais c'est comme un peu aléatoire, ça
dépend sur le clinicien individuel quoique je pense qu'on a besoin de
formaliser. Mais, manque de ressource, on parle vraiment d'avoir ce type de
corridor, ce mécanisme pour les patients les plus sévèrement atteints.
Et j'aimerais conclure sur l'enjeu de
manque de consensus. C'est vrai que les avis en psychiatrie, est parmi les
experts dans le domaine, sont très partagés. Et c'est important, on doit le
prendre en considération parce qu'il y a des implications pratiques. Par
exemple, si les médecins sont tous en désaccord, personne ne va participer.
Bien, qu'est-ce que ça nous dit par rapport à : c'est quoi la bonne chose
à faire? Ça ne dit rien, en fait. Ce que les psychiatres pensent, entre eux, ça
ne fait pas une justification pour exclure quelqu'un de faire une demande.
C'est tentant de croire qu'en excluant des personnes atteintes de troubles
mentaux, on va éviter les cas trop difficiles et on va juste conserver les cas
où ça semble plus facile. Mais, comme j'ai discuté tout le long de mon exposé,
on traite déjà ces cas difficiles à cause du fait que les personnes atteintes
de troubles psychiatriques et physiques, en même temps, ont déjà l'accès.
Alors, je vais m'arrêter là puis j'ai bien
hâte pour la discussion maintenant.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dre Gupta. Donc, je céderai, maintenant, la parole à la députée
de Maurice-Richard.
Mme Montpetit :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Dre Gupta. Merci beaucoup pour votre
présentation, toujours aussi rigoureuse et claire.
Ça soulève plusieurs
questions dans mon esprit sur l'applicabilité de cette question-là. J'aimerais
ça, déjà, vous entendre sur le départ, sur la question de… parce que, bon, il y
a des enjeux, je pense aussi, sur les définitions des troubles mentaux. Est-ce
que c'est ce qui est reconnu, par exemple, par le DSM-V, uniquement?
Est-ce que, cliniquement, il est possible d'établir une liste des troubles
mentaux qui pourraient être éligibles à l'aide médicale à mourir? Donc,
j'aimerais ça vous entendre sur, je sais que c'est un peu la base, je crois,
mais je pense que c'est important, aussi, de vous entendre sur cette
question-là parce que c'est quand même ce qui va guider, aussi, au niveau de
l'applicabilité, nos réflexions, là.
Mme Gupta (Mona) :
Oui, c'est une excellente question et, en fait, ça a été débattu lors de
l'étude du projet de loi fédérale parce qu'ils ont évité l'utilisation de
l'expression «trouble mental» qui est plutôt le terme … clinique. Et ils ont
décidé de mettre «maladie mentale», mais il ne donnait aucune définition de la
maladie. Et donc on ne savait pas trop, en fait, à quoi il faisait référence.
La seule chose, il disait, c'est ce qui est traité en psychiatrie qui…
vraiment, ça n'éclaircit pas la chose parce qu'on peut imaginer je pense que,
dans les esprits des gens, quelque chose comme la toxicomanie est comme un
trouble mental, mais c'est rarement traité par la psychiatrie, en fait. Donc,
c'est vraiment difficile.
Puis je pense qu'on voit dans vos
questions, dans cette discussion, exactement le problème d'essayer d'attacher
ça avec un diagnostic…
Mme Gupta (Mona) : ...peut
imaginer, je pense que, dans les esprits des gens, quelque chose comme la
toxicomanie est comme un trouble mental, mais c'est rarement traité par la
psychiatrie en fait. Donc, c'est vraiment difficile.
Puis je pense qu'on voit, dans vos questions,
dans cette situation, exactement le problème d'essayer d'attacher ça avec un
diagnostic, parce que tout de suite on rentre dans le : Mais qui est
inclus, qui est exclu? Qu'est-ce qui compte et qu'est-ce qui ne compte pas? Et
donc je pense que le terme clinique, c'est simple dans le sens où au moins
c'est le terme clinique, on sait exactement à quoi ça fait référence. Dresser
une liste, je pense qu'on va avoir exactement le même problème.
Mme Montpetit : Et quand vous
dites «terme clinique»... Puis je vous pose la question parce que, bon, moi,
j'ai eu le grand bonheur d'étudier en psychologie à une époque. C'était le DSM-IV,
ce n'était pas le DSM-V, mais c'était quand même le cadre sur lequel on
s'appuyait pour définir la question de troubles mentaux, je pense que ce
n'était pas troubles mentaux effectivement déjà à l'époque, là. Mais c'était un
débat effectivement qui... je peux dire qui m'a surpris, mais qui, de toute
évidence, a soulevé beaucoup d'enjeux sur la définition de ce qu'on entend.
Quand vous vous référez à clinique, moi,
c'est ça, je veux vraiment vous entendre là-dessus, sur comment on peut le
préciser davantage, parce que ça semble être vraiment un débat qui est soulevé
puis qui vient apporter... je ne sais pas si confusion est le bon mot, là, mais
sur les directions qu'on doit prendre.
Mme Gupta (Mona) : Je ne suis
pas certaine que je comprends bien la nuance que vous apportez, donc, s'il vous
plaît, corrigez-moi si je vais dans le mauvais sens. Mais, en fait, je pense
que je retournerais au critère d'admissibilité qui est une malade grave et
incurable et je pense que je resterais, parce que, je pense, essayer d'établir
une définition de trouble mental pour voir si ça rentre dans maladies graves et
incurables va nous amener dans le même débat : Mais est-ce que ça compte?
Est-ce que ça ne compte pas? Il y a plein de choses dans le DSM-V on ne
dirait jamais que ça va être un motif pour demander l'AMM comme bégaiement,
mais il est là. Donc, je ne pense pas que... Mais cliniquement personne ne va
dire : Mais ça, c'est une maladie grave et incurable dans le sens de la
loi sur l'AMM.
Donc, je pense que définir trouble mental,
ça va être une partie déjà perdue. D'abord, je pense que c'est mieux de faire
la réflexion à l'inverse : Est-ce qu'il y a des troubles mentaux qui
peuvent être considérés des maladies graves et incurables? Et là il faut
dire : Mais qu'est-ce que c'est, une maladie incurable? Puis sans attacher
ça à un diagnostic quelconque.
Mme Montpetit : Oui,
absolument, ça répond parfaitement ma question, c'est ce que je voulais vous
entendre. Puis, si je vous posais la question, justement : Est-ce qu'il y
a des maladies, des troubles mentaux qui sont considérés comme graves et
incurables? Est-ce que pour vous justement c'est quelque chose qui fait une
certaine forme de consensus ou encore là c'est matière à débat?
Mme Gupta (Mona) : Bien, je
pense que cliniquement on va s'entendre, et c'est vrai que, dans le domaine, on
parle des maladies sévères et persistantes, donc, clairement, il y a une idée
que certaines sont sévères, puis ce sont eux qui reçoivent cette étiquette-là.
Mais je pense que le collège puis aussi le...
Mme Gupta (Mona) :
…cliniquement, on va s'entendre, et c'est vrai que dans le domaine, on parle
des maladies sévères et persistantes. Donc, clairement, il y a une idée que
certaines sont sévères, puis ce sont eux qui reçoivent cette étiquette-là. Mais
je pense que le collège, puis aussi le législateur nous a encouragés toujours
de concevoir de la situation d'une personne, et dans l'ensemble de ces
circonstances cliniques. Donc, encore une fois, je veux résister à la tendance
d'attacher la sévérité à un diagnostic, mais plus à ces circonstances vécues.
Mme Montpetit : Vous nous avez
aussi… bon, je pense sensibiliser… au fait que les troubles mentaux, ça peut
venir, justement, altérer… bon les perceptions, les émotions, les cognitions,
le jugement de la personne, donc, ça peut venir affecter l'autoévaluation de la
souffrance. Je trouvais très intéressant que vous abordiez cette question-là,
en ce sens que… Bon, c'est sûr que j'aimerais vous entendre sur deux aspects,
dans le fond, parce que vous suggérez justement qu'il y ait un psychiatre qui
soit impliqué pour faire cette autoévaluation… bien, pour faire cette
évaluation-là de la souffrance. Donc, deux choses sur lesquelles j'aimerais
vous entendre, sur comment on peut concilier le fait de ne pas… que
l'autoévaluation et la souffrance, dans le fond, soient altérées, ce qui vient
en opposition avec l'autodétermination de la personne à prendre une décision
pour elle-même. Et aussi comment cette souffrance-là va être évaluée dans le
contexte clinique d'une relation avec un psychiatre?
Mme Gupta (Mona) : O.K. J'ai
entendu deux questions, donc je vais prendre chacune après l'autre. Et je pense
que, justement, cette question d'autoévaluation versus… ou autoévaluation
potentiellement «distortionnée» contre autodétermination sont toujours enjeu,
en fait en pratique clinique… au moins, en psychiatrie, ce n'est pas juste en
AMM, puis c'est ça l'équilibre. Il faut chercher… on a le cadre légal qui nous
guide… on est dans la présomption de l'aptitude pour tout le monde… AMM est un
peu différent, comme j'ai dit, mais on ne dit pas d'emblée que la personne en
trouble mental, il devrait être inapte ou ne pas être capable de faire une
bonne autoévaluation de sa souffrance, mais la question se pose. Et je pense
qu'on essaie toujours de cibler cet équilibre entre aider les gens de réaliser
ce qu'il veut et d'empêcher quelqu'un d'agir quand ce n'est pas dans ses
intérêts définis par lui-même. Donc, justement, notre travail en psychiatrie
c'est de dire : Mais, attends, vous dites votre vie ne vaut rien, vous
voulez mettre fin à vos jours, vous voulez vous suicider, mais ça se peut que
vous allez réfléchir autrement si on vous aide, si vous avez accès à des soins,
etc. Donc, je pense que c'est un équilibre, et il faut juste essayer de cibler
cet équilibre chaque fois ou on…
Mme Gupta (Mona) : …de
dire : Mais attends, vous dites que votre vie ne vaut rien, vous voulez
mettre fin à vos jours, vous voulez vous suicider, mais ça se peut que vous
allez réfléchir autrement si on vous aide, si vous avez accès à des soins, etc.
Donc, je pense que c'est un équilibre et il faut juste essayer de cibler cet
équilibre. Chaque fois, on fait une évaluation.
Je pense que, comme, l'autre chose, c'est
que, même si c'est un petit peu le contraire de ce que j'ai dit avant, oui,
c'est important d'avoir quelque chose en place qui empêche des multiples
demandes une après l'autre, mais un refus à un moment de temps x n'est pas un
refus pour toujours. Ça se peut que ce n'est pas le bon moment maintenant, mais
que dans un… après une certaine période de temps, oui, c'est un soin approprié.
Donc, il faut qu'on conçoit… je pense que le processus… dans une manière
longitudinale aussi, et pas juste comme : C'est non, c'est non pour toujours,
on ne respecte pas l'autodétermination. Ça, c'était la première.
La deuxième question, je crois,
c'est : Comment est-ce qu'on fait en psychiatrie?
• (11 h 10) •
Mme Montpetit : Comment vous
évaluez, justement, dans la relation avec un patient, comment vous évaluez sa
propre souffrance quand lui a une incapacité à faire une autoévaluation
adéquate?
Mme Gupta (Mona) : Oui, mais
c'est plutôt qu'on essaie de voir s'il y a des indices que la personne ne fait
pas une autoévaluation adéquate. Donc, on prend pour acquis, toujours, que les
gens autoévaluent dans la bonne façon, mais parfois, on entend des indices.
Mettons, la famille nous dit : Je ne reconnais pas mon proche, il n'était
jamais comme ça. En fait, une collègue m'a parlé d'un cas exactement comme ça,
d'un monsieur atteint d'un cancer, pas un trouble mental, mais qui demandait…
AMM, et c'est justement la famille qui a dit au psychiatre : Bien, il n'a
jamais parlé de ça, il n'était pas comme ça, je ne reconnais pas mon mari, je
ne pense pas que cette demande est authentique.
Donc, c'était un indice d'aller plus loin,
de voir, mais est-ce que cette demande correspond réellement à ses désirs, ses
croyances, comment il voulait vivre ses derniers jours ou est-ce qu'il y a
quelque chose d'autre qui s'insère dans ce processus, voire trouble
psychiatrique, trouble dépressif, changement cognitif à cause de la présence,
justement, du cancer, qu'il avait? Donc, c'est… voilà, c'est un exemple où on
cherche les indices qu'il y a peut-être quelque chose qui n'est pas
authentique, si je peux utiliser ce mot.
Mme Montpetit : Merci
beaucoup, Dre Gupta. Mme la Présidente, j'ai ma collègue de
Westmount—Saint-Louis qui aurait une question également.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait, merci. Allez-y, Mme la députée.
Mme Maccarone : Merci,
Dre Gupta. Puis vous avez mentionné, peut-être, prendre une période de
temps pour évaluer lorsque la personne s'exprime. Est-ce qu'on a une idée de
combien de temps qu'on devrait se donner pour cette attente pour réévaluation?
Mme Gupta (Mona) : Pour
l'évaluation de demande d'AMM chez une personne atteinte d'un trouble mental,
c'est ça?
Mme Maccarone : Bien, après
que vous avez dit : Mettons, il y a quelqu'un qui s'exprime, puis là, vous
avez dit : Bien, ça se peut qui a quelque chose qui peut changer dans leur
vie, alors nous devrons passer une réévaluation. Alors, on devrait prévoir
combien de temps, par exemple, pour cette réévaluation?
Mme Gupta (Mona) : Oui, j'ai
le goût de vous redonner la question et dire que c'est, un peu, comme, votre
problème, mais je dirais que c'est, quelque part, entre de pas avoir tellement
de temps que ça devient, effectivement, un obstacle, mais pas trop peu de temps
qu'on ne peut pas prendre en…
Mme Maccarone : …devrait
prévoir combien de temps, par exemple, pour cette réévaluation?
Mme Gupta (Mona) : Oui, j'ai
le goût de vous redonner la question et dire que c'est, un peu, comme, votre
problème, mais je dirais que c'est quelque part entre de pas avoir tellement de
temps que ça devient, effectivement, un obstacle, mais pas trop peu de temps
qu'on ne peut pas prendre en considération tous les aspects puis… mais dans le
cas dont je viens de parler, si on juge que, réellement, la personne ne
s'exprime pas ses vrais désirs, mais là on devrait, comme, soit, suspendre ou
refuser la demande puis dire : Mais, on peut essayer d'autre chose. Là, on
va rencontrer un autre problème, qui est le refus de traitement, qu'on peut en
parler dans une minute, mais, donc, je pense que je ne sais pas si vous avez
déjà vu le document de l'AMPQ, nous avons proposé un processus qui durait des
mois. Donc, on peut discuter : trois mois, six mois,
cinq mois. Mais, je pense qu'on parle des mois, pas des jours.
Mme Maccarone : Le refus de
traitement, ça me préoccupe beaucoup, parce que, par exemple, je vais vous
donner une mise en scène d'une personne trans qui est venue à mon bureau. Elle
a 35 ans, hein, puis ça fait des années depuis elle s'exprime sa volonté
de vouloir faire… avoir accès à l'aide médicale à mourir. Elle a toutes ses
facultés, évidemment, c'est une personne transféminine qui souffre d'une
dépression, mais elle a aussi refusé des chirurgies d'affirmation de genre qui
peut être vu comme un soin. Alors, elle, elle tomberait dans quelle catégorie
d'abord? Est-ce que ça veut dire, parce qu'elle a refusé un soin, mais elle a
toutes son… ses facultés puis elle est apte, qu'on ne devrait pas l'inclure
dans ce processus?
Mme Gupta (Mona) : Oui, ça,
c'est excellent et ça c'est le dilemme, en fait, qui embête nos collègues aux
Pays-Bas, nos collègues en Belgique aussi et je pense que ça serait très bien
si on peut s'entendre et élaborer sur une définition d'incurabilité qui prenne
en considération cet élément, c'est-à-dire si quelqu'un refuse un soin qui a
une haute probabilité d'améliorer la situation ou l'état de souffrance, peu
importe, est-ce que ça rend automatiquement la personne incurable? Mon
intuition, c'est non, pas nécessairement.
Donc, je ne veux jamais dire jamais, mais
ce que je veux dire c'est que, intuitivement, cliniquement, si quelqu'un a une
maladie, la notion d'incurabilité, ça attache, oui, à la décision prise par la
personne, mais aussi par la condition. Ce n'est pas qu'une évaluation de la
personne. Donc, mettons que quelqu'un a un cancer du sein, qui est curable et
refuse des soins, mais on va dire : Elle a un cancer curable, mais elle
refuse des soins. On ne dit pas : Elle a refusé des soins, donc son cancer
est devenu incurable. Donc, je pense que l'incurabilité attache aux décisions
de la personne, oui, mais aussi à sa condition.
Je pense qu'aux Pays-Bas et en Belgique,
ils ont résolu le problème en parlant d'une haute probabilité de succès. Je
pense que c'est bien de le formuler comme ça, mais en même temps, est-ce qu'on
est, réellement, capable de chiffrer qu'est-ce qu'on veut dire par haute
probabilité, peut-être pas? Donc, là, je pense qu'on est dans la zone grise de
jugement clinique ou si on pense que c'est un refus qui est… d'un soin qui a…
Mme Gupta (Mona) : …je pense
que c'est bien de le formuler comme ça, mais en même temps, est-ce qu'on est
réellement capables de chiffrer qu'est-ce qu'on veut dire par haute
probabilité, peut-être pas. Donc, là, je pense qu'on est dans la zone grise de
jugement clinique, ou si on pense que c'est un refus qui est… d'un soin qui est
effectif pour beaucoup de gens et que la personne refuse pour les raisons qui
ne semblent pas vraiment raisonnables, mais ce n'est pas le bon moment de
procéder. Ça ne veut pas dire que ce n'est jamais approprié, mais pour le
moment on va laisser le temps couler.
L'autre élément que j'aimerais ajouter à
ça, c'est qu'il y a beaucoup de circonstances en psychiatrie où il faut laisser
le temps pour la situation, d'évoluer. Et parfois, dans le temps, la situation,
pas à cause d'un traitement, mais juste à cause des circonstances de vie, la
personne va changer son idée ou va poursuivre d'autre chose, et je pense que
c'est important aussi qu'il y ait un temps approprié, même s'il y a un refus,
pour que la personne vit autre chose. C'est pour ça que je dis que la durée de
la maladie est vraiment importante, surtout quand on parle des gens qui sont
plus jeunes, plus au début de leur parcours de maladie. C'est autre chose quand
on parle de quelqu'un qui avait une maladie depuis 30 ans.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dre Gupta. Donc, je céderais maintenant la parole au député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Bonjour, Dre
Gupta. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Écoutez, c'est des enjeux qui ne
sont pas faciles, je ne suis pas un expert, donc vous allez me pardonner toute
la candeur de mes questions, puis l'approximation dans le vocabulaire, là,
parce que je ne maîtrise pas les enjeux aussi bien que vous. Je vais essayer de
bien m'exprimer.
Sur la question de la souffrance, je pense
qu'il y a dans la population en général, qui ne sont pas des psychiatres, dont
je fais partie, une difficulté à appréhender cette notion-là dans le cas des
gens qui souffrent de troubles mentaux. C'est-à-dire, il y a tout un débat sur
qu'est-ce qui… bon, un débat ou une réflexion, je pense, qui arrive, qui naît
spontanément chez les gens, à savoir quand vient le temps d'évaluer la souffrance
de quelqu'un qui a des troubles mentaux, quelle est la portion de cette
souffrance-là qui relève, je vais le dire très simplement, de la société?
Quelle est la portion de cette souffrance-là qui relève de l'exclusion sociale
dont font preuve les personnes qui ont un rapport au monde différent, qui ont
un rapport à la rationalité qui n'est pas celui de la norme? Il y a dans la
souffrance, en matière de troubles mentaux, cette idée que… il y a des gens qui
ne correspondent pas à la norme de rationalité qui est généralement admise et
donc, la question, ce serait : Quelle est la part de souffrance qui relève
de l'exclusion, du fait de se sentir inadéquat dans la société, d'avoir des
difficultés à entrer en communication avec les autres, puis quelle est la part
de la souffrance qui est vraiment une souffrance, je le dis…
M. Nadeau-Dubois : …quelle est
la part de souffrance qui relève de l'exclusion, du fait de se sentir inadéquat
dans la société, d'avoir des difficultés à entrer en communication avec les
autres? Puis, quelle est la part de la souffrance qui est vraiment une
souffrance, je le dis comme je suis capable de le dire, là, mais, tu sais,
vraiment interne, vraiment propre à la personne? Et donc, ça pose la question…
c'est beaucoup des gens, qui vont avoir un rapport critique à la psychiatrie
comme pratique, qui vont poser ces questions-là, en disant : Bien, c'est, peut-être,
aussi, la société qu'il faut changer, puis notre rapport à la rationalité, puis
notre manière de vivre avec les gens qui ont des troubles de santé mentale.
Puis les gens qui font cette réflexion-là se disent : Est-ce qu'il n'y a
pas un danger d'ouvrir la porte à l'aide médicale à mourir dans un contexte où
il y a encore tous ces défis-là, d'inclusion, tu sais? Puis est-ce qu'il n'y a
pas des manières de diminuer la souffrance qui ne relèvent pas du psychiatre et
de son patient, mais de ce qu'on fait, comme société, avec ces gens-là, puis de
la place qu'on leur donne, puis de comment on les considère? Ça fait que, je le
dis, vraiment, de manière approximative, avec les mots qui sont les miens, mais
comment, vous, vous faites la part des choses, là-dedans? Comment vous
répondriez à des gens qui ont cette inquiétude-là, qu'on soit en train de faire
l'économie d'un débat sur ces enjeux-là en ouvrant la porte à l'aide médicale à
mourir pour les gens qui souffrent seulement de troubles mentaux?
• (11 h 20) •
Mme Gupta (Mona) : Merci
beaucoup pour la question, M. le député. Puis il y a beaucoup de niveaux dans
votre question donc je vais essayer de passer une par une, mais, juste,
rappelez-moi si j'ai oublié des choses.
Je pense que… Je reviens un peu à ce que
j'ai dit par rapport au manque de ressources. Je pense que c'est vraiment
important qu'on ne confonde pas des groupes de personnes. Alors, est-ce qu'il y
a l'exclusion sociale? Oui. Est-ce qu'il y a des choses qu'on devrait faire,
dans notre société, pour améliorer l'exclusion sociale vécue pas juste par les
personnes qui ont des troubles mentaux mais toutes sortes de personnes? Oui.
Mais, qui sont les demandeurs de
l'AMM-SPMI? Là, il faut se baser sur les données nationales, parce
qu'évidemment, on ne les a pas ici, parce qu'on ne le fait pas vraiment ici.
Ils ne sont pas une population large, des personnes marginales qui demandent,
donc, pour… Parce que vous faites ce lien causal là, entre l'exclusion et une
souffrance qui va mener une personne à demander… On parle d'un très petit
groupe de personnes qui ont été malades longtemps, qui ont essayé beaucoup,
beaucoup de traitements, qui ont eu accès, la plupart parmi eux, de beaucoup,
beaucoup de services. Et je pense qu'une raison qu'on se permet d'avoir cette
discussion dans notre société, c'est parce qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui
connaissent ces patients-là, justement, parce qu'ils sont tellement malades,
depuis tellement longtemps, ils ne voient pas beaucoup de gens, ils sont connus
aux équipes psychiatriques qui s'occupent des personnes malades chroniquement.
Mais quand on pense, c'est pour ça, j'ai dit mise en garde, au début, quand on
pense dans la maladie mentale, on pense de notre voisin…
Mme Gupta (Mona) : ...justement
parce qu'ils sont tellement malades, depuis tellement longtemps, ils ne voient
pas beaucoup de gens, ils sont connus aux équipes psychiatriques qui s'occupent
des personnes malades chroniquement.
Mais quand on pense... c'est pour ça que
j'ai dit «mise en garde» au début... quand on pense à la maladie mentale, on
pense à notre voisin qui a vécu une dépression après son divorce. On ne pense
pas de la personne avec un TOC si sévère. Il passe 20 heures sur 24 à se laver,
jusqu'au point où ses mains sont couvertes en sang. Il ne se nourrit plus, il
ne dort plus. Il doit laver sa toilette 400 fois par jour parce qu'il perçoit
que c'est contaminé. On ne pense pas de ces personnes parce qu'on ne les
connaît pas. Donc, je ne suis pas certaine que le lien fait entre l'exclusion
sociale, et les problèmes sociétaux, et la demande d'AMM est un bon lien. Ce
serait ma première réponse.
Le deuxième volet ou la deuxième piste de
ma réponse, c'est la suivante. Je comprends tout à fait pourquoi le législateur
a mis «physique et psychique» dans la loi, mais je le regrette aussi, parce que
je pense que ça communique le message que la souffrance est quelque chose de
morcelé. On peut dire, ce morceau de sa souffrance appartient de sa douleur, et
ce morceau appartient de sa tristesse, et ce morceau appartient à l'exclusion
sociale. La souffrance est l'expérience vécue d'une personne, et personne n'est
une intégrité. Il n'est pas isolé avec son expérience de maladie. Il vit une
expérience de maladie dans une société, donc tout ce qu'il vit est interrelié.
Alors, je reviens à l'AMM qu'on fait
maintenant. Le demandeur qui dit : Je suis en fin de vie, je suis
dépendant, j'ai besoin... Le seul endroit où je peux aller, c'est le CHSLD. Je
ne veux pas y aller. Je veux avoir l'AMM maintenant parce que ce n'est pas
comme ça que j'ai envisagé ma fin de vie. On parle d'un problème social. On
parle d'un contexte où l'hébergement qu'on peut offrir à quelqu'un dans cet
état n'est pas, pour lui, adéquat, et ça amène de la souffrance, en fait. Donc,
on ne peut... il vit une maladie, c'est à cause de ça qu'il est dans cette
situation, mais il vit sa maladie dans un contexte social.
Donc, est-ce qu'on a besoin de travailler
nos problèmes sociaux? Absolument. Mais on ne peut pas nier, en même temps...
pour les problèmes... personnes avec des troubles mentaux, mais pour n'importe
quelle personne, incluant les demandeurs actuellement, que leur souffrance est
en interaction avec la société dans laquelle on vit. Puis on ne dit pas qu'à cause
de ça vous ne pouvez pas avoir accès. Ce qu'on devrait faire, c'est de prendre
ça en considération dans les évaluations qu'on fait des personnes, et être sûrs
qu'on fait tout ce qu'on peut, en tant que société, pour remédier à des choses
qui sont remédiables.
M. Nadeau-Dubois : De combien
de temps est-ce que je dispose, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
1 min 30 s.
M. Nadeau-Dubois : Vous parlez
de votre réticence à ce qui... à attacher des diagnostics...
Mme Gupta (Mona) : ...en tant
que société pour remédier des choses qui sont remédiables.
M. Nadeau-Dubois : Combien de
temps est-ce que je dispose, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
1 min 30 s.
M. Nadeau-Dubois : Vous parlez
de votre réticence à ce qui... à attacher des diagnostics spécifiques dans le
cas de l'aide médicale à mourir pour les personnes qui souffrent de troubles
mentaux. Je comprends cette réticence-là. Ma question pour vous : D'un point
de vue d'acceptabilité sociale — parce que, comme législateur, ça
nous préoccupe, ça, tu sais, que nos intentions soient bien comprises puis que
les gens adhèrent, puis pour qu'ils adhèrent, il faut qu'ils saisissent de quoi
il est question — est-ce qu'il n'y a pas un risque, considérant toute
l'ambiguïté que vous nommez vous-mêmes sur qu'est-ce qu'exactement les
problèmes de santé mentale, que ce flou-là sur la question du diagnostic envoie
un genre de message ou soit perçu comme un élargissement très, très, très libéral
et que ça suscite une réaction? Est-ce que vous voyez que je veux dire? Une
réaction sociale à une perception que, mon Dieu, là, ça va être possible pour,
je vais le dire comme je le... comme pour n'importe qui, n'importe comment.
Comment on fait pour lutter contre cette perception-là, selon vous?
Mme Gupta (Mona) : Bien, peut-être,
j'offre ça, je ne sais pas si c'est suffisant, mais peut-être dans la manière
que j'ai amenée, de dire : Mais on n'attache pas ça à un diagnostic, on ne
l'a jamais fait, on ne va pas commencer maintenant, mais c'est clair qui n'est
pas admissible, donc on identifie, justement, les gens. Parce que, souvent,
j'entends ça : Mais est-ce que quelqu'un en crise peut aller à l'urgence
puis demander à... Mais non, non.
Donc, je... Mais je pense qu'il faut qu'on
le dise, puis il faut que ça soit dit par soit vous, le législateur, ou, je ne
sais pas exactement, que ce message soit communiqué, pas juste au public, mais
aux cliniciens dans le réseau de santé : Non, on n'ouvre pas, on est toujours
dans la maladie grave et incurable. On n'est pas dans : jeune de
17 ans qui vient d'avoir une rupture avec sa blonde, non.
Donc, le fait que c'est... Et je pense
qu'en fait, ce questionnement de la population, ça montre le cas, vous voyez, ce
que j'ai dit au début, la mise en garde, ça montre le cas paradigmatique de la
maladie mentale qui est en arrière-plan, parce que quand on parle de l'AMM
maladie physique, personne ne pense que tu casses ton bras à jouer au baseball,
tu peux demander AMM, tu vas l'avoir. Personne ne pense ça. Donc, pourquoi est-ce
qu'on pense que tu vis une crise, tu as cassé avec ta blonde, tu vas aller à
l'urgence et avoir l'AMM? Parce qu'on croit que la maladie mentale ne peut pas
ou n'est pas une maladie grave et incurable.
Donc, je pense que c'est vraiment de
rester sur ces propos, on parle des maladies graves et incurables, pas des
crises, pas les gens qui viennent d'être diagnostiqués, pas des jeunes
marginaux, sur la rue ou, peu importe.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, M. le député. Je céderais maintenant la parole au député
de Chomedey pour deux minutes.
M. Ouellette : Deux petites
minutes, Mme Gupta, ce n'est pas beaucoup.
Je veux juste vous ramener sur la quatrième recommandation
que vous nous avez faite, recommandation complémentaire. Et je pense qu'il sera
de la responsabilité de la commission de s'assurer, dans son rapport, de mettre
des balises...
M. Ouellette : …je veux juste
vous ramener sur la quatrième recommandation que vous nous avez faite, recommandation
complémentaire, et je pense qu'il sera de la responsabilité de la commission de
s'assurer, dans son rapport, de mettre des balises pour faire en sorte que les
demandeurs, et je vais employer un mot qui est peut-être lourd, mais que les
demandeurs quérulents, là, qu'on puisse suivre leur histoire et qu'il n'y en
ait pas un qui passe dans les mailles du filet pour qu'à un moment donné on se
ramasse en sanction criminelle ou qu'on ne fasse pas le bon travail. C'est que
vous nous éveillez à, obligatoirement, mettre une disposition dans le rapport
que nous allons devoir préparer.
Mme Gupta (Mona) : Est-ce que
vous me demandez, ce serait quoi, une balise?
M. Ouellette : Oui, c'était
ça, ma question, là, mais, définitivement, je me sens une responsabilité de
mettre quelque chose dans le rapport.
Mme Gupta (Mona) : Bien, je
pense que ce serait bienvenu, de mon point de vue, et je pense que… merci pour
avoir nommé, malgré le fait que c'est difficile à dire, des demandeurs
quérulents ou récurrents, ou, peu importe, mais je pense que ça peut exister.
Et puis je pense que c'est important qu'il y a quelque chose, je suis contente
que c'est comme plutôt votre problème que le mien. Mais c'est clair que, dans
le système actuel, quelqu'un peut ouvrir un dossier dans plusieurs endroits
sans que l'établissement sait qu'est-ce qu'il se passe dans l'autre. Je pense
que c'est un processus important qui exige le temps, mais ça peut rapidement
devenir un processus sans fin qui consomme beaucoup de temps et ressources si
ce n'est pas bien encadré. Alors, oui…
M. Ouellette : Merci.
Mme Gupta (Mona) : …donc
comment le faire? Ce qu'on a proposé à l'AMPQ, c'est une façon de faire, il y a
d'autres façons de faire, c'est d'avoir une organisation centralisée, mais je
ne sais pas si ce serait possible, mais voilà.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, M. le député. Donc, moi, j'aurais une question avant de céder la
parole à mes collègues. On sait qu'il y a des gens qui ont des pensées
suicidaires récurrentes, comment on peut évaluer cette idée de pensées
suicidaires récurrentes versus l'aide médicale à mourir?
• (11 h 30) •
Mme Gupta (Mona) : Oui, merci
beaucoup, Mme la Présidente, pour cette question. C'est, encore une fois, une
autre question qui fait réfléchir beaucoup les gens sur la question. Je reviens
un peu à mes exemples des patients atteints de troubles mentaux qui ont des
maladies physiques chroniques, qui subissent des traitements qui prolongent
leur vie comme la dialyse, qui ont fait peut-être des tentatives de suicide par
le passé, qui ont des idées suicidaires récurrentes et qui arrivent à un moment
où ils veulent cesser leur dialyse qui va inévitablement mener à leur mort.
Alors, on applique une série de recommandations dans ces cas. Donc, je dirais
que ce n'est pas une question de distinguer entre les deux, mais plutôt de
dire : Mais est-ce que c'est un ensemble…
11 h 30 (version non révisée)
Mme Gupta (Mona) :
...suicidaires récurrents et qui arrivent à un moment où ils veulent cesser
leur dialyse qui va inévitablement mener à leur mort.
Alors, on applique une série de
considérations dans ces cas. Donc, je dirais que ce n'est pas une question de
distinguer entre les deux, mais plutôt de dire : Mais est-ce que c'est un
ensemble de circonstances où on pense que cette prise de décision est, comme
disait Mme la députée, plus dans le sens d'une vraie autodétermination versus
quelque chose qui est compromis par la maladie physique, ou psychique, ou
d'autres circonstances sociorelationnelles, etc.? Donc, c'est ça, la réflexion
qu'on fait maintenant dans ce genre de situation délicate. Et je pense que ça
serait la même sorte de réflexion qu'on a besoin d'avoir chez quelqu'un qui a
des accidents, des idées... suicidaires récurrentes et chroniques.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait, merci. Je passerais maintenant la parole à la députée de Soulanges.
Mme Picard : Bonjour,
Mme Gupta. J'ai une question qui, sommes toute, je crois qu'elle est toute
simple, mais je vais vous la poser. Vous suggérez d'inclure un pédiatre dans
l'équipe de la décision ou de l'acte de l'aide médicale à mourir. Est-ce que,
selon vous, ça pourrait être une IPS, une infirmière praticienne spécialisée en
santé mentale, qui ferait cette évaluation-là ou ça nécessiterait vraiment
juste un psychiatre?
Mme Gupta (Mona) : Oui. Ça,
c'est comme... Ça, c'est une question qui a un élément légal aussi, je crois,
parce que dans le cadre de la loi canadienne, il s'agit des IPS aussi qui
peuvent être des cliniciens qui prodiguent ce soin. Je pense que je dirais, ça
prend un psychiatre. Je pense que les IPS peuvent peut-être commencer de
s'impliquer dans la pratique, mais je pense que l'implication d'au moins un
psychiatre, dans l'évaluation de la demande, serait nécessaire. Je pense que la
formation n'est pas la même, donc je pense que, oui... je ne vois pas pourquoi
ça... les IPS pratiquent déjà au Canada. Je pense que la pratique générale de
l'AMM, c'est possible, mais l'évaluation d'une demande trouble mental, SPMI, je
pense que ça prend au moins un psychiatre pour faire l'évaluation de la
demande.
Mme Picard : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
...Mme la députée. Donc, je passerais la parole à Mme la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
:
Oui. Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Gupta. Dans le contexte où... probablement
que ma question va se rapprocher des autres collègues qui ont posé les
questions, mais je pense que j'ai encore besoin de l'entendre de votre part.
Dans le contexte où les médecins doivent évaluer la... et par rapport aux
valeurs du patient puis sa vision sur... Parce qu'on s'entend, là, en maladie
mentale, là, ça va être plus sur ce que lui considère comme une bonne vie ou
qu'est-ce qu'il considère comme une vie acceptable. Donc, à quel moment on peut
considérer qu'il y a vraiment un...
Mme
Hébert
:
...doivent évaluer, par rapport aux valeurs du patient puis sa vision sur...
Parce qu'on s'entend, là, en maladie mentale, là, ça va être plus sur ce que
lui considère comme une bonne vie ou qu'est-ce qu'il considère comme une vie
acceptable. Donc, à quel moment on peut considérer qu'il y a vraiment un déclin
puis que c'est avancé, que la souffrance est intolérable et incurable? Parce
qu'on s'entend, là, vous l'avez dit, c'est vraiment une catégorie de personnes
qui est minime, là, quand même, quand on parle de santé mentale, qui vont
demander l'aide médicale à mourir, là, avec tous les critères que vous avez
envoyés, ça fait que... que vous avez donnés. Donc, à quel moment qu'on peut vraiment
considérer qu'il y a un déclin comme étant avancé puis que la souffrance est vraiment
intolérable et incurable?
Mme Gupta (Mona) : Je pense...
Je veux juste clarifier un mot. Vous avez dit : La personne atteinte des
troubles mentaux, c'est une catégorie qui est minime?
Mme
Hébert
:
Bien, vous avez dit tantôt que c'était... il y avait... les types de personnes,
selon vous, qui allaient peut-être être admissibles à cette aide-là étaient quand
même assez restreintes en nombre parce qu'on en excluait beaucoup, là, avec les
crises aigues, la personne, c'est tôt dans la maladie, la personne qui n'a pas
eu des soins adéquats, qu'on n'a pas tout tenté... Donc, étant donné que c'est
une catégorie quand même qui est minime, moi, j'aimerais savoir, là, c'est où,
là, qu'on considère qu'il y a vraiment un déclin puis que c'est avancé, assez
pour que ce soit intolérable et incurable.
Mme Gupta (Mona) : Oui, merci.
Merci pour la précision. Bien, écoute, je pense qu'il y a différentes manières
qu'on peut définir ces expressions-là, «incurable», «déclin avancé» et
irréversible». Ça va prendre une définition quelconque, mais je pense que ça va
tourner autour de la sévérité, dont le cas que j'ai mentionné, quelqu'un qui
est complètement absorbé par ses symptômes, 20 heures sur 24. On ne va pas
le chiffrer, dans la loi, évidemment, mais on parle d'un degré... d'être
envahi, et une sévérité qu'il faut identifier. On parle aussi des tentatives de
traitement. Donc, ici encore je fais référence à nos collègues aux Pays-Bas,
mais ils parlent des traitements biologiques, psychologiques, sociaux, avec une
durée et une intensité appropriées, optimales. Donc, je ne pense pas que c'est
souhaitable d'essayer de dire : Mais tellement d'années ou x nombre de
traitements, mais plus que ça soit cliniquement évaluable que c'est beaucoup,
si je peux le dire comme ça. Donc, ça, c'est la partie incurable.
Je pense que la partie déclin fonctionnel,
bien, ça va dépendre un peu de la personne, parce que nos fonctions n'ont
pas... tous les mêmes, dans le sens où ce n'est pas tout le monde qui
travaille, ce n'est pas tout le monde qui veut avoir des relations intimes,
etc. Mais les êtres humains, on veut faire des choses dans la vie, puis selon ce
qu'on veut faire, ce qu'on souhaite faire, est-ce que la maladie impose des
contraintes importantes sur ce fonctionnement, sur ce plan de vie, sur la personne...
Mme Gupta (Mona) : …tout le
monde qui travaille, ce n'est pas tout le monde qui veut avoir des relations
intimes, etc. Mais, les êtres humains, on veut faire des choses dans la vie.
Puis, selon ce qu'on veut faire, ce qu'on souhaite faire, est-ce que la maladie
impose des contraintes importantes sur ce fonctionnement, sur ce plan de vie,
sur la personne? Donc, ce sont les enjeux qu'il faut prendre en considération,
et c'est sûr qu'on a besoin d'attacher ça avec un degré de sévérité et une
durée, une constance dans le temps. Donc, encore une fois, on ne parle pas de
le deuxième année que quelqu'un souffre de quelque chose, mais on parle de quelqu'un
qui est souffrant depuis des années, voire des décennies, qui ont essayé beaucoup
de choses… d'aller mieux et qui n'ont pas réussi.
Mme
Hébert
:
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, donc je céderais la parole au député de Mégantic.
M. Jacques : Bien, merci, Mme
la Présidente. Dre Gupta, merci d'être là aujourd'hui. Je vais aller dans
le même sens, là, que la députée, là, de Maurice-Richard puis le
député de Gouin, là, qui se sont attardés, là, beaucoup, là, au cas :
Comment on pouvait cibler certaines maladies? Je comprends que, là, dans le
discours que vous faites depuis le début, là, qu'on ne peut pas cibler une
maladie en tant que telle… la schizophrénie ou quoi que ce soit. Et, bon, vous
me rassurez aussi que ça prend un élément important et de longueur de plusieurs
années pour arriver à un déclin majeur, pour que les gens, là, puissent
recourir à l'aide médicale à mourir ou aux soins de fin de vie. Puis mon
interrogation avant que vous parliez… vous commenciez votre intervention,
c'était au niveau de la famille. Bon, les proches de ces personnes-là, bon,
quelles influences qu'ils peuvent apporter à demander à une personne de
requérir à l'aide médicale à mourir, dans un cas, qui pourrait mettre de la
pression sur certaines personnes qui ont des problèmes mentaux, d'un. Et, de
deux, de quelle façon ils pourraient être consultés aussi dans les deux sens,
autant pour ne pas qu'ils mettent de pression à ces personnes-là, mais dans
l'autre sens, qui soient des accompagnateurs fidèles à ces personnes-là qui
voudraient allez vers l'aide médicale à mourir. Et de les consulter à savoir,
vraiment, est-ce que les gens puissent recourir ou non, puis qu'ils aient un deuxième
avis. Oui, l'avis du psychiatre me rassure énormément, je pense que c'est… il
faut que ça soit là, ça ne peut pas pas être là, mais dans l'autre sens, la
bulle familiale, les gens qui interviennent avec ces personnes-là, j'aimerais
ça vous entendre là-dessus.
Mme Gupta (Mona) : Oui, merci
beaucoup, M. le député, pour la question. Bien, j'aimerais… j'ai le goût de
commencer avec l'idée qu'on n'a pas besoin de réinventer la roue, on le fait
déjà. Nos médecins qui pratiquent l'AMM au Québec… il interagit avec les
familles, il parle avec eux, il essaie de voir c'est quoi la relation entre eux
et la personne. Je pense que, dans la grande, grande, grande majorité des cas,
les familles sont des proches aidants et peuvent éclaircir qu'est-ce qui se
passe pour cette personne, c'était quoi sa vision de sa fin de vie…
Mme Gupta (Mona) : …pratique
l'AMM au Québec, il interagit avec les familles, ils parlent avec eux, ils
essaient de voir c'est quoi la relation entre eux et la personne. Je pense que
dans la grande, grande, grande majorité des cas, les familles sont des proches
aidants et peuvent éclaircir qu'est-ce qui se passe pour cette personne,
c'était quoi sa vision de sa fin de vie, etc.
Donc… et je pense que généralement — ça,
c'est quelque chose que j'ai appris d'un projet de recherche que je mène
actuellement sur l'évaluation des demandes — c'est quand la famille
et la demande sont synchronisées… les demandeurs, c'est là où le médecin se
sent le plus rassuré par rapport à la demande. Donc, je pense qu'on le fait
déjà. C'est sûr qu'il y a certaines familles qu'on… ils n'ont pas une bonne
relation avec le proche puis il faut qu'on fasse attention à ça. Et je reviens
un peu à ma recommandation complémentaire sur la pertinence de la psychiatrie,
ça, c'est notre quotidien de faire attention à ces dynamiques intrafamiliales.
Et c'est une autre raison, je pense, que notre expertise est souhaitable.
• (11 h 40) •
Mais une force aussi de la loi québécoise,
si je peux partir du processus et revenir à la loi, c'est que c'est inclus, en
fait, que les proches et la famille soient consultés dans le processus. Je
pense que c'est approprié. Je pense qu'on devrait continuer de faire ça, à
moins que la personne ait des raisons importantes comme abus dans l'enfance, ou
quelque chose comme ça, où ça ne serait vraiment pas approprié d'inclure la
famille.
M. Jacques : O.K. Juste pour
compléter, là, bon, vous avez souligné, là, qu'il y a des familles que la
relation est moins bonne avec ces gens-là et, bien, c'est plus… puis moi, mon
inquiétude était vraiment là. Ceux qui ont une mauvaise relation, les gens sont
tannés de s'occuper de cette personne-là parce que, souvent, ça devient un
fardeau pour toute la famille, pour l'ensemble de la famille.
Donc, à ce moment-là, les familles ne
seraient pas consultées, c'est ce que vous dites?
Mme Gupta (Mona) : Je pense
que ça revient toujours au demandeur. Si le demandeur veut impliquer sa
famille, qui est actuellement le cas dans la grande majorité des cas, on va
l'impliquer. Donc, je pense que le principe de départ, c'est que l'entourage
soit impliqué.
Mais si on a des raisons de croire, au
travers de notre travail avec la personne, que ça ne serait pas bien que la
famille soit impliquée ou que la personne refuse carrément que la famille soit
impliquée, bien, on ne peut pas l'imposer non plus. Mais c'est… je pense que,
dans un premier temps, un patient qui refuse d'emblée d'impliquer sa famille,
ça devrait être un indice de poursuivre, hein, on ne va juste dire : Oh,
O.K. On va dire : Bien, qu'est-ce qui se passe? D'explorer ça davantage.
Donc, ça va faire partie de l'évaluation.
Et c'est encore une raison où de telles
évaluations doivent prendre du temps parce que ce n'est pas quelque chose qu'on
va comprendre dans un rendez-vous : Mais c'était quoi l'interaction, la
relation avec la famille, pourquoi est-ce qu'ils sont impliqués, pourquoi ils
ne sont pas impliqués, pourquoi ce refus est là? Donc, ce sont des enjeux…
Mme Gupta (Mona) : …et c'est
encore une raison où des cas d'évaluation doivent prendre du temps, parce que
ce n'est pas quelque chose qu'on va comprendre dans un rendez-vous, mais
c'était quoi l'interaction, la relation avec la famille, pourquoi est-ce qu'ils
sont impliqués, pourquoi ils ne sont pas impliqués, pourquoi ce refus est là.
Donc, ce sont des enjeux, justement, à faire sortir, pour impliquer ou pas la
famille dans une manière appropriée.
M. Jacques : Donc, le rôle du
psychiatre est hyper important dans ce dossier-là. Donc, c'est 90 %, là,
de toute l'analyse, ou 99 % de toute l'analyse relève du professionnel qui
est le ou la psychiatre?
Mme Gupta (Mona) : Je pense
que tous ces éléments complexes par rapport à la dynamique interpersonnelle,
familiale ou avec l'équipe traitante, par exemple, je pense que ça relève de
l'expertise de la psychiatrie, oui.
M. Jacques : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Et pour faire suite à cette question, est-ce que c'est le psychiatre
traitant ou vous prendriez un… vraiment un psychiatre externe?
Mme Gupta (Mona) : Ah! oui,
merci, Mme la Présidente. Je pense que ça peut être fait dans plusieurs
manières et là on est un peu dans le détail du processus. Je pense que
n'importe médecin peut s'abstenir de participer, donc on ne peut pas dire qu'il
faut absolument que ça soit le médecin traitant s'il ne veut pas participer. Je
pense qu'il y a aussi des bonnes raisons qu'un médecin traitant ne s'implique
pas, c'est-à-dire que cette personne demeure neutre, accompagne la personne
dans son processus sans être l'une qui va dire oui ou non et entrer dans cette
dynamique, que cette partie soit regardée par une personne avec un regard de
l'extérieur.
La Présidente (Mme Guillemette) :
…
Mme Gupta (Mona) : Dans
d'autres cas, je peux imaginer que c'est plus une relation de confiance entre
les deux, où la personne veut vraiment être accompagnée par son propre médecin
traitant qui la connaît depuis longtemps, puis le médecin traitant veut être
impliqué. Donc, je ne mettrais pas les «il faut être ci ou il faut être ça», je
pense que ça va dépendre des cas. Et je voulais aussi juste souligner qu'on
parle beaucoup ici, maintenant, des psychiatres. Mais quand on parle de cette
petite population de personnes sévèrement atteintes, elles sont souvent suivies
par des équipes multidisciplinaires, et je pense que même si dans la loi ce sont
des médecins qui prodiguent le soin et qui font des évaluations, je pense
qu'une bonne évaluation, ça aussi va prendre du temps, va impliquer ces
soignants-là, ces cliniciens-là qui connaissent aussi le patient, d'autres
angles, donc on met nos perspectives ensemble pour arriver aux bonnes… à la
bonne décision.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dre Gupta, c'est tout le temps avait. C'est très enrichissant
et je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission. Je
suspends les travaux quelques instants, le temps d'accueillir nos nouveaux
invités. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 44
)
(Reprise à 11 h 50)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, merci, tout le monde. Je souhaite la bienvenue aux représentants de la
Commission sur les soins de fin de vie, donc le Dr Michel A. Bureau, le
président, ainsi que le Dr David Lussier, commissaire à la commission.
Donc, bienvenue et merci d'avoir accepté l'invitation.
Je vous rappelle que vous disposez de
20 minutes pour votre exposé et qu'ensuite il y aura un échange de
40 minutes avec les membres de la commission. Donc, messieurs, je vous
cède la parole.
M. Bureau (Michel A.) :
Merci, Mme la Présidente. Chers parlementaires, c'est avec plaisir qu'on
participe aujourd'hui à la commission spéciale sur l'évolution de la loi
concernant les soins de santé... les soins de fin de vie. Je me présente,
Michel Bureau, je suis le président de la commission. J'ai été, dans ma vie, un
intensiviste et un pédiatre. Depuis plusieurs années, je ne pratique pas la
médecine. Le Dr Lussier va se présenter.
M. Lussier (David) : Oui, donc
David Lussier, je suis gériatre à l'Institut universitaire de gériatrie de
Montréal avec...
M. Bureau (Michel A.) :
...les soins de fin de vie. Je me présente, Michel Bureau, je suis le président
de la commission. Je suis un... J'ai été, dans ma vie, un intensiviste et un
pédiatre. Depuis plusieurs années, je ne pratique pas la médecine. Le
Dr Lussier va se présenter.
M. Lussier (David) : Oui,
donc, David Lussier, je suis gériatre à l'Institut universitaire de gériatrie
de Montréal avec une formation complémentaire puis une pratique qui est presque
exclusivement sur la douleur chronique, donc, des patients âgés avec douleurs
chroniques puis aussi un intérêt pour l'aide médicale à mourir puis les soins
palliatifs, j'ai fait une formation en soins palliatifs, puis je pratique des
aides médicales à mourir, là, probablement une quinzaine ou une vingtaine, là,
depuis 2015.
M. Bureau (Michel A.) :
Merci. David. Nous sommes très heureux de voir cette commission spéciale créée.
Depuis la création de la loi en 2014, beaucoup de choses ont changé. Est arrivé
le Code criminel qui est venu compléter la loi québécoise, et après cela, plus
récemment, le jugement Beaudoin, suivi de C-7, qui ont retiré le critère de fin
de vie, qui était un critère d'une balise d'un secteur qui s'ouvre maintenant
et qui inquiète beaucoup la commission en raison des implications que cela aura.
Et on a compris ce matin, avec le débat sur les inaptes et sur les patients
avec trouble mental ou maladie mentale, selon qu'on parle le langage du fédéral
ou du Québec... nous amène dans des zones qui vont être relativement floues et
des décisions difficiles à prendre pour les demandeurs de l'AMM, autant que
pour ceux qui vont devoir les évaluer.
Le deuxième cliché montre le rôle de la
commission. Nous nous distinguons considérablement de ce que vous avez entendu
avec les présentateurs de ce matin. Eux viennent vous donner les grands
principes pour écrire les lois, mettre les balises qui sont nécessaires, et
nous, nous sommes à l'autre bout, nous sommes dans l'application de la loi,
qu'est-ce que la loi a convenu, comment elle suggère sa signification et la loi
créée en 2014 a décidé de créer une commission indépendante pour suivre
l'évolution des soins de fin de vie et les soins de fin de vie globaux, autant
les soins palliatifs que l'aide médicale à mourir, la sédation palliative
continue. Et cette commission est une commission qui représente la société
civile, des usagers, des avocats, des... quatre médecins, des infirmières de
soins palliatifs, etc., des travailleurs sociaux. C'est vraiment un reflet de
la société civile.
Notre mandat est de regarder comment vont
les soins de fin de vie dans leur globalité et faire des recommandations au
ministre, le cas échéant. Et la loi a précisé que chaque cas d'aide médicale à
mourir, en raison de son risque appréhendé en...
M. Bureau (Michel A.) :
…la société civile. Notre mandat est de regarder comment vont les soins de fin
de vie dans leur globalité et faire des recommandations au ministre, le cas
échéant. Et la loi a précisé que chaque cas d'aide médicale à mourir, en raison
de son risque appréhendé en 2014, devait être vérifié par la commission, et
c'est ce qui fut fait depuis.
On parle… vous allez entendre parler
beaucoup de coexistence de deux lois, pareil comme si c'étaient deux lois qui
se confrontaient, et les médecins n'ont pas très bien compris, d'après moi, le
sens de ces deux lois.
La loi du Québec, c'est une loi de soins,
c'est des soins de fin de vie, palliatifs… soins de AMM, déclaration médicale
anticipée, et cette loi interpelle les acteurs, les établissements, les
médecins, le CMDP des hôpitaux, le Collège des médecins, et elle est vraiment
dirigée sur l'acte médical, comment on donne les soins, aux gens, de fin de
vie.
La loi fédérale n'est pas comprise comme
la loi qui est venue déclarer que l'acte médical n'est pas criminel, et elle
se… Son langage est juridique, et son approche est difficile à comprendre par
les médecins parce qu'il ne parle pas le langage habituel des cliniciens.
Cependant, tous les deux s'adressent aux
critères de fin de vie et, quand il y a divergence entre les positions de la
loi fédérale, les dispositions de la loi fédérale et québécoise, c'est la
disposition la plus contraignante qui prévaut. Par exemple, la loi fédérale
disait qu'il fallait attendre 10 jours pour donner l'AMM à quelqu'un qui
rencontrait les critères; la loi québécoise ne disait pas ça. Alors, le critère
le plus contraignant fut utilisé.
Cependant, en ce qui concerne le handicap,
la loi québécoise ne parle pas du handicap, et je crois qu'il faudrait
l'ajouter. C'était le cas Truchon. M. Truchon avait un handicap grave et
incurable, il n'était pas en fin de vie, et la loi québécoise ne lui permettait
pas, même s'il avait été en fin de vie, de recevoir l'aide médicale à mourir.
Alors, nous recommandons que la prochaine révision de la loi ajoute le
handicap.
La loi fédérale accepte comme évaluateur
l'infirmier praticien, et je crois que, dans l'évolution des pratiques
infirmières, l'infirmier praticien devrait, dans le futur, être accepté comme
prestataire de soins.
Le cliché suivant s'intitule Dialogue
entre le médecin et le patient. C'est là que ça se passe. Vous avez entendu
tout à l'heure Mme Gupta, et elle référait au vague de la définition
fédérale d'une maladie grave et incurable. Nous ne sommes pas dans une science
dure, nous sommes dans un domaine de pratique médicale et quand…
M. Bureau (Michel A.) :
...entendu tout à l'heure Mme Gupta, et elle référait au vague de la
définition fédérale d'une maladie grave et incurable. Nous ne sommes pas dans
une science dure, nous sommes dans un domaine de pratique médicale, et, quand
un patient se fait dire qu'il a une maladie grave et incurable, il demande tout
de suite à son médecin : Comment de temps il me reste à vivre? Est-ce que
je vais souffrir? Ainsi de suite. Et le médecin lui répond : Je pense
qu'il vous reste moins de 12 mois, on va vous accompagner, on va vous donner
des soins qu'il faut dans le respect de votre volonté, mais c'est vous qui
décidez, c'est vous qui allez prendre la décision. Et, s'il a besoin de l'aide
médicale à mourir, bien, il le demande, il est évalué. S'il rencontre les
critères, il aura l'aide médicale à mourir.
Regardez le cliché qui décrit le portrait
de l'AMM au Québec. Vous voyez la courbe à 45 degrés de l'augmentation du taux
d'AMM année après année, c'est une croissance de 30 % à 40 % par
année. On peut se demander jusqu'où ira cette croissance de l'aide médicale à
mourir. On a l'impression que c'est tout le monde qui va demander l'aide
médicale à mourir, et je veux corriger ça, ce n'est pas ça pantoute, là.
Il y a à peu près 3 % des décès au
Québec qui, même à ce stade-ci, demandent l'aide médicale à mourir. Sur
70 000 décès, nous sommes 2 000, 2 500. Cette courbe va
continuer de croître, elle va croître pendant deux, trois ans encore. Et la
Belgique et la Hollande ont atteint un niveau de 4 %, 5 % des décès,
et ce sera sans doute la même chose ici.
La variable que nous ne connaissons
pas : Qu'est-ce que le retrait du facteur de fin de vie va solliciter
comme nouvelle clientèle? Qui sont les personnes qui demandent l'aide médicale
à mourir? Il y en a 7 000, là, au Québec qui, depuis le début, ont reçu
l'aide médicale à mourir. On penserait qu'à chaque année c'est un nouveau
groupe qui se joint au peloton des gens qui reçoivent l'aide médicale à mourir,
mais ce n'est pas le cas, c'est toujours la même chose. C'est un groupe de
moyenne d'âge de 70 ans, ils ont tous presque 60 ans et plus, les
trois quarts ont le cancer. Le groupe le plus fréquent qui suit, c'est les
maladies neurodégénératives, et je ne parle pas de l'alzheimer ici, je parle de
la sclérose en plaques, du parkinson, ce type de maladie. 10 % ou
11 % sont des maladies cardiopulmonaires. Et chose étonnante, les gens
demandent l'aide médicale à mourir quand ils sont vraiment en fin de vie.
Pronostic vital pour 75 %, 74 % d'eux sur les 7 000 est de moins
de trois mois, alors ils attendent vraiment en fin de vie.
• (12 heures) •
L'aide médicale à mourir est administrée
en centre hospitalier, mais de plus en plus à domicile, aussi en CHSLD et les
maisons de soins...
12 h (version non révisée)
M. Bureau (Michel A.) :
…75 %, 74 % d'eux, sur les 7 000, est de moins de
trois mois, alors, ils attendent vraiment en fin de vie.
L'aide médicale à mourir est administrée
en centre hospitalier, mais de plus en plus à domicile, aussi en CHSLD et les
maisons de soins palliatifs s'ils sont ouverts récemment.
Regardez le cliché suivant, il est
impressionnant, sur le temps où les gens viennent demander l'aide médicale à
mourir, c'est le pronostic vital qui est montré, ici. 14 % de demandes
alors qu'il reste moins de deux semaines à vivre, des fois c'est 3 jours,
4 jours. 74 %, je disais tout à l'heure, c'était moins de trois mois,
et tous le demandent en moins de 18 mois, mais il faut se rappeler que
nous étions dans la contrainte du facteur de fin de vie, et les gens étaient
nécessairement à courte échéance, c'est-à-dire, dans les 12 ou 18 derniers
mois de la vie. Mais, les gens attendent, tardivement, pour demander l'aide
médicale à mourir.
Parmi ceux qui demandent l'aide médicale à
mourir, il y a une proportion très importante qui ne le reçoit pas. À notre
premier rapport, c'était ce chiffre et, à nos analyses récentes, c'est la même
chose : sur 100 personnes, qui demandent l'aide médicale à mourir,
les deux tiers vont l'avoir, un tiers ne l'aura pas. Et parmi les deux tiers
qui l'ont, pour avoir l'aide médicale à mourir, il faut que 25 % de ces
patients-là, qui demandent l'aide médicale à mourir, doivent refuser de prendre
leur médicament, ou le prendre partiellement, et accepter de souffrir, plutôt
que de prendre leur analgésique, parce qu'ils ont peur de perdre la capacité de
décider au moment de recevoir l'aide médicale à mourir. Rappelez-vous la loi
fédérale, comme la loi québécoise, dit qu'au moment de recevoir l'aide médicale
à mourir, il faut dire «oui», il faut être capable de consentir. Et, ici, nous
allons… la commission demande aux parlementaires, dans une action non partisane
de régler ce problème, et ça ne peut probablement pas attendre la révision de
la loi.
Parmi ceux qui ne le reçoivent pas l'aide
médicale à mourir, il y en a six sur 100 qui ont retiré leur demande. Il faut
donc laisser du temps aux gens pour retirer leur demande. Il y en a 11 % qui
sont venus tellement tardivement demander l'aide médicale à mourir, qu'ils sont
morts avant de recevoir l'aide médicale à mourir ou de l'évaluer. Le 13 %
sur ces 34 % qui restent, la moitié n'était pas en fin de vie, ils ne
rencontraient pas le critère. Cela est réglé par la disparition du critère de
la fin de vie. Mais, l'autre portion ce sont des gens qui satisfaisaient les
critères, qui ont demandé l'aide médicale à mourir, par exemple, le lundi pour…
M. Bureau (Michel A.) : ...la
moitié n'était pas en fin de fin de vie, ils ne rencontraient pas le critère.
Cela est réglé par la disparition du critère de la fin de vie. Mais l'autre
portion, ce sont des gens qui satisfaisaient des critères, qui ont demandé l'aide
médicale à mourir, par exemple, le lundi pour le lundi suivant et qui, le
vendredi, ont perdu... commencé à perdre leurs aptitudes et ils n'ont pas pu
recevoir, le lundi suivant, l'aide médicale à mourir. Pourquoi? Parce qu'ils
n'étaient pas capables de consentir. Ici, il y avait deux obstacles :
l'obstacle fédéral, où il y avait le 10 jours de délai plus l'obligation, comme
au Québec de consentir au moment final. Le fédéral a retiré ces deux obstacles,
c'est maintenant au Québec de le faire et la commission demande aux
parlementaires de trouver une solution rapide pour ces souffrances qui sont
évitables avec un petit changement législatif ponctuel.
Est-ce que le retrait du facteur de fin de
vie va changer beaucoup l'aide médicale à mourir, la même chose que C-7 ? En
théorie, le retrait du facteur de fin de vie ouvre grand la porte à une
nouvelle clientèle de demandeur d'AMM. En réalité, il n'y en aura pas tant que
ça, parce que le critère de maladie grave et incurable demeure. Il faut que ces
patients-là soient en déclin avancé de leur maladie et déclin irréversible de
leurs capacités et que les souffrances soient persistantes et inapaisables. On
a vu tout à l'heure, sur l'autre cliché, que les personnes attendaient le
dernier jour ou presque pour demander l'aide médicale à mourir.
Ceux qui font le Parkinson, la sclérose en
plaques vont continuer d'attendre le délai final pour recevoir l'aide médicale
à mourir. Certains vont le demander de façon plus précocement, mais nous
croyons que ça ne sera pas un très grand nombre. Cliché suivant montre l'inquiétude
de la commission. Le critère de fin de vie est retiré, des gens de maladies
neurodégénératives vont venir plus rapidement qu'avant, mais arrivera. Les gens
avec des poulipathologies, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas une maladie grave et
incurable inscrite au registre des maladies, mais ils ont des conditions, dans
l'ensemble, en fait de maladies graves et incurables.
C'est aussi vrai et inquiétude pour les
personnes âgées qui ont tous certaines... qui ont souvent plusieurs petites
pathologies. La population est très demandeure. On entend souvent le refus de
boire et de manger conduit à l'aide médicale à mourir, la fatigue de vivre, la
grande fatigabilité, le grand âge et et les médecins sont compatissants avec
leurs patients et voient ces demandeurs, et il y a une grande prudence qu'on
doit avoir ici, ce ne sont pas des critères qui sont des critères de maladie
grave et incurable et il y a un risque de glissement...
M. Bureau (Michel A.) :
…et les médecins sont compatissants avec leurs patients et voient ces
demandeurs, et il y a une grande prudence qu'on doit avoir ici, ce ne sont pas
des critères qui sont des critères de maladie grave et incurable et il y a un
risque de glissement vers la mort sur demande que personne ne veut. Alors, ici,
la loi prochaine devra prévoir suffisamment de mesures de sauvegarde pour qu'il
n'y ait pas ce glissement vers la mort sur demande. L'inaptitude et l'AMM pour
l'agonie, j'en ai parlé tout à l'heure, celui qui va perdre sa capacité de
décider, alors que sa date est fixée pour l'aide médicale à mourir devrait le
garder jusqu'à la fin, et d'ailleurs le rapport des experts sur l'inaptitude
avait déjà fait cette recommandation en 2019.
Là où c'est compliqué, vous en avez
entendu parler ce matin, c'est les maladies neurocognitives, l'Alzheimer. Ce
n'est pas le rôle de la commission de définir les critères qui doivent
apparaître dans la loi, et M. Maclure et Mme Filion ont très bien élaboré sur
ce sujet. Et la commission a déjà entendu en présence, il y a un an et plus,
ces experts et la commission souscrit à l'ensemble de leurs recommandations que
nous saluons. Pour les troubles mentaux, c'est aussi très compliqué, à la
demande de Mme McCann, à l'époque, nous avons interrogé les groupes aidants,
des gens atteints de problèmes mentaux et on a produit un rapport à la ministre
à l'époque. Et le message est à peu près le même d'une extrême prudence, pour
admettre à l'AMM les patients avec des troubles mentaux, avec des… prendre le
temps qu'il faut et s'assurer qu'il s'agit bien de gens qui n'ont pas d'espoir
de guérison et que leur décision est bien mûrie.
Cependant, le travail des psychiatres, et
ce que racontait tout à l'heure Dre Gupta, rencontre l'orientation de la
commission qui souscrit à cette analyse qu'ils en font et attend de voir les
mesures particulières d'évaluation et de sauvegarde qui vont être nécessaires
pour qu'il n'y ait pas de dérapage dans ce groupe à risque. Enfin, je ne peux
pas, comme pédiatre, ne pas vous rappeler ceci, un adolescent de 15 ans, qui
fait le cancer et qui a une situation incontrôlable, pourquoi n'aurait-il pas
lui aussi accès à l'aide médicale à mourir, si ses douleurs sont inapaisables?
Nous recommandons…
M. Bureau (Michel A.) : …rappeler
ceci, un adolescent de 15 ans qui fait le cancer et qui a une situation
incontrôlable, pourquoi n'aurait-il pas lui aussi accès à l'aide médicale à
mourir si ses douleurs sont inapaisables? Nous recommandons que ce sujet soit
mis à l'étude par votre commission, et je sais déjà que les groupes
pédiatriques des quatre réseaux universitaires se penchent déjà sur cette
question pour faire ses recommandations à l'automne.
• (12 h 10) •
Enfin, trois recommandations en rafale. La
loi de fin de vie est une loi excellente. Elle a fait son travail pour les 7
000 Québécois et Québécoises qui ont reçu l'aide médicale à mourir, mais
c'était la partie facile. C'était des gens qui n'allaient pas vivre longtemps.
Les douleurs étaient là, ils étaient encore aptes à décider, les décisions
médicales… le décours de la maladie est connu et il n'y a pas eu de glissement,
et ce fut… et la commission a joué son rôle d'aller vérifier les cas qui
étaient borderline pour s'assurer qu'il n'y avait pas de dérapage et, enfin, au
bout de six, sept ans de cette loi, on peut dire qu'elle a accompli son… ce
qu'elle devait faire. Cependant, un tas de petites choses méritent d'être
redressées dans cette loi et je sais qu'on viendra à une révision de cette loi
en profondeur. Il reste quand même, ce que je vous disais tout à l'heure, un
point qui, d'après moi, d'après la commission, devrait être réglé rapidement.
C'est le renoncement au consentement terminal pour ceux qui vont mourir de
façon imminente.
Enfin, il faut s'adresser au public, et
c'est la recommandation que nous faisons, et vous le faites déjà, et je sais
que ça fait partie du plan. Le public est prêt à entendre une campagne d'information
sur la sensibilisation sur les soins de fin de vie, dont les déclarations
médicales anticipées dont parlait M. Maclure tout à l'heure, qui ont besoin
d'être connues de la population et utilisées. Pour les médecins, ça devient
compliqué et très compliqué. Quand il y aura les inaptes et les problèmes de
maladie mentale, un service-conseil pour les professionnels, médecins et
infirmiers si c'est le cas, sera nécessaire. Et enfin, pour la population qui
veut ces services, mais ne sait pas toujours comment s'y adresser, dans les
centres hospitaliers, avoir une ligne contact pour la population serait très
utile. Je termine ici en vous remerciant, et nous sommes à votre disposition
pour commentaires et questions.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dr Bureau. Donc, je céderais maintenant la parole au député de
Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, messieurs. Merci d'être avec nous aujourd'hui. J'ai peu
de temps, j'ai envie de vous inviter à préciser une de vos recommandations,
celle que vous jugez urgente. Vous nous avez même…
La Présidente (Mme Guillemette) :
...donc je cèderais maintenant la parole au député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, messieurs. Merci d'être avec nous aujourd'hui. J'ai peu
de temps, j'ai envie de vous inviter à préciser une de vos recommandations,
celle que vous jugez urgente. Vous nous avez même invités explicitement à ne
pas attendre, si j'ai bien compris, là, la fin des travaux de la commission
pour procéder avec cette question-là, c'est-à-dire le fait de permettre la
renonciation au consentement pour les gens qui risquent de perdre leur aptitude
à consentir avant la date prévue pour l'aide médicale à mourir.
Pourquoi, selon vous, est-il urgent de
faire une modification législative là-dessus? Pourquoi procéder aussi rapidement?
Je ne suis pas pour, je ne suis pas contre, hein, je veux juste vous entendre
défendre cette idée-là plus en profondeur, nous expliquer votre réflexion
là-dessus. La commission s'est donné quand même des contraintes de temps assez
sérieuses. Pour ce type de commission, là, là, habituellement, ça prend... ça
peut être un an, un an et demi. Là, on s'est donné des délais beaucoup plus
rapides, le gouvernement s'est engagé à déposer un projet de loi suite à ça à
un rythme assez rapide, également. Donc, pourquoi faudrait-il, selon vous,
accélérer encore davantage sur cette question spécifique?
M. Bureau (Michel A.) :
Dr Lussier.
M. Lussier (David) : Oui.
Merci. C'est vraiment... c'est une excellente question, puis il y a plusieurs
raisons pourquoi. En fait, la loi fédérale, qui a été changée, maintenant,
permet ce qu'on appelle le renoncement au consentement final, donc c'est-à-dire
que la personne dont la mort est raisonnablement prévisible peut prendre une
entente avec le médecin pour dire que si je perds mon aptitude avant de
recevoir l'AMM, je pourrai quand même la recevoir.
Là, il y a des débats de juristes, je ne
voudrais pas interpréter des lois, là, il y a des... Bien, le consensus semble
être que la loi provinciale actuelle ne le permet pas. Ça, ça a vraiment plusieurs
conséquences néfastes pour les patients, deux principales, je dirais. La
principale, c'est qu'on voit souvent, souvent, nous, dans les formulaires, on
le voit, tous les professionnels qui sont impliqués avec des patients qui
demandent l'AMM, que les gens refusent les médicaments parce qu'ils ont peur de
devenir somnolents, ils ont peur de devenir confus, ils ont peur de perdre
leurs aptitudes et de ne pas pouvoir recevoir l'AMM. Donc, le fait de ne pas
avoir accès au renoncement au consentement final, ça fait que les gens
souffrent plus en attendant de recevoir l'AMM.
L'autre, c'est que des gens qui pourraient
vouloir recevoir l'AMM dans trois, quatre semaines, parce qu'ils voudraient
passer plus de temps de qualité avec leurs proches, le demandent maintenant.
Donc, ils devancent leur AMM parce qu'ils ont peur de devenir inaptes, de
perdre leurs aptitudes parce que les médicaments ou la maladie va les rendre
confus. Donc, ça enlève du temps de qualité avec leurs proches. Donc, ça, c'est
vraiment une avancée importante qui a été introduite par la loi fédérale, puis maintenant
le Québec, à cause de la loi provinciale actuelle, est la seule province où ce
n'est pas possible, alors que les patients en souffrent.
M. Bureau (Michel A.) :
J'ajouterais un autre groupe. Il y a des gens qui perdent le droit de recevoir
l'AMM...
M. Lussier (David) : …vraiment
une avancée importante qui a été introduite par la loi fédérale, puis maintenant
le Québec, à cause de la loi provinciale actuelle, est la seule province où ce
n'est pas possible, alors que les patients en souffrent.
M. Bureau (Michel A.) :
J'ajouterais un autre groupe. Il y a des gens qui perdent le droit de recevoir
l'AMM et qui sont en grande souffrance. Alors, parce qu'ils ne peuvent pas
dire, oui, ils doivent donc attendre leur mort avec leur souffrance que l'AMM
était là pour abréger.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Une minute, M. le député.
M. Nadeau-Dubois : Il me reste
une minute. J'aurais eu envie d'approfondir, mais mes collègues le feront.
Quatre ans après l'application de la loi au Québec, pourquoi il y a encore
autant de variations régionales selon vous? Notamment, pourquoi, à Montréal,
est-ce qu'on est encore autant sous le niveau du reste du Québec?
M. Bureau (Michel A.) :
Dr Lussier est au coeur de Montréal.
M. Lussier (David) : C'est
très, très, très difficile. On sait qu'à Montréal il y a des variations d'un
quartier à l'autre aussi. Il y a plusieurs hypothèses socioculturelles, entre
autres, que les communautés socioculturelles pour lesquelles c'est moins dans
les valeurs de demander l'AMM. Il y a peut-être des endroits où il y a des soins
palliatifs qui sont plus présents, mais tout ce qu'on peut faire, malheureusement,
c'est des hypothèses. Je crois que les quatre ans nous ont montré qu'il n'y a
pas de barrière à l'AMM. Au début, on pensait qu'il y avait peut-être des
poches de résistances idéologiques à l'AMM chez les professionnels, mais ça ne
semble pas être le cas. Donc, il n'y a pas vraiment de… c'est une question
très, très, très importante et intéressante, mais je n'ai pas de réponse à vous
donner à part des hypothèses.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Je céderais maintenant la parole à la députée de Joliette.
Mme
Hivon
:
Merci beaucoup à vous deux pour votre présentation et pour votre travail de
manière générale. Sur le point sur lequel vous avez beaucoup insisté, la
question du consentement final, je pense qu'effectivement il y aurait de très
grands débats juridiques que nous pourrions tenir ensemble avec beaucoup de
passion aujourd'hui mais, malheureusement, ce n'est pas dans notre mandat. Et
je pense que c'est important juste de vous le préciser, notre mandat n'est pas
un mandat de modification de la loi sur toutes sortes d'enjeux, mais vraiment…
pas de mise à jour, mais vraiment d'évolution sur ces deux grands enjeux-là,
donc des maladies neurodégénératives du cerveau et des troubles mentaux. Ça
fait que je voulais juste… je sais que vous avez passé votre message. C'est
parfait, on est là pour tout recevoir. Mais, moi, je veux vous ramener sur ça,
parce que je sais que vous vous y êtes penchés, même si vous n'êtes pas là pour
nous faire des recommandations spécifiques à cause du mandat de
Mme McCann. Et vous nous dites que vous adhérez aux recommandations, donc
du groupe de Mme Filion et M. Maclure. Donc, là-dessus, j'avais deux
questions pour vous. Ils nous disent de ne pas recommander que ce soit
exécutoire… la demande anticipée de l'aide médicale à mourir. Et j'ai un peu de
mal à réconcilier ça, évidemment, il n'y a jamais… ce n'est pas un droit à
l'aide médicale à mourir. C'est clair dans la loi, il faut que les critères
soient rencontrés puis qu'il y ait un médecin qui accepte de le faire, mais…
Mme
Hivon
:
...n'a pas recommandé que ce soit exécutoire, la demande anticipée d'aide médicale
à mourir, et j'ai un peu de mal à réconcilier ça... Évidemment, il n'y a
jamais... ce n'est pas un droit, l'aide médicale à mourir, c'est clair dans la
loi. Il faut que les critères soient rencontrés, puis qu'il y ait un médecin
qui accepte de le faire. Mais est-ce qu'il n'y a pas une contradiction
d'enlever complètement un caractère exécutoire avec le principe
d'autodétermination, à la base? Et l'autre élément, c'est comment on évalue la
souffrance physique ou psychique de personnes qui ne peuvent plus, donc,
s'exprimer? Alors...
M. Bureau (Michel A.) :
Pour la première question, quand la commission, les commissaires, 11
commissaires ont rencontré M. Maclure et Mme Filion, on leur a posé cette
question : Est-ce que ce n'est pas laisser au médecin le choix de décider,
plutôt que de la rendre exécutoire? Et la réponse qu'on a eue, à l'époque,
c'était : Peut-être qu'on aurait dû l'écrire autrement. Je les ai entendus
ce matin et j'ai bien compris que leur position de prudence n'avait pas changé.
Mais la commission, là-dessus, probablement, pencherait plus du côté de la
rendre contraignante. Je ne sais pas si ça doit être exécutoire, mais
contraignant.
Quant à la deuxième question, évaluer la
souffrance, le Collège des médecins a statué que c'est le patient lui-même qui
évalue la souffrance. Quand il n'est pas capable de l'exprimer, nous avons une
barrière, et il doit y avoir un interprète. Et peut-être que David peut mieux
qualifier cela que moi, puisqu'il voit cette clientèle. David?
• (12 h 20) •
M. Lussier (David) : Oui,
bien, c'est encore là vraiment deux excellentes questions. Peut-être que je me
permettrais de compléter sur la première, sur le caractère contraignant ou
exécutoire. Je crois que ça va beaucoup avec le changement qui peut s'opérer même
chez une personne démente. M. Maclure en a parlé ce matin, c'est très bien
explicité dans leur rapport. Quand... On a, à travers la vie, des valeurs qui
changent, notre personnalité se modifie. Donc, quelqu'un qui a un trouble
neurocognitif, une maladie neurodégénérative qui fait sa demande anticipée et
qui, après ça, perd son aptitude parce que la maladie évolue peut avoir... peut
aussi devenir moins souffrante. Donc, ça vient rejoindre votre autre question
par rapport à ça.
Aussi, la maladie d'Alzheimer, entre
autres, est très souffrante dans les premières phases. Quand on est conscient
de nos déficits, ça devient plus souvent moins souffrant pour la personne
elle-même dans les phases suivantes. Donc, la personne qui avait de la
difficulté à penser qu'elle ne pourrait pas faire telle ou telle activité, ses
besoins, ses valeurs changent et elle est heureuse avec un univers beaucoup
plus restreint.
Donc, le rendre exécutoire, c'est comme un
peu empêcher cette personne-là qui devient inapte, et dont la maladie évolue,
de pouvoir changer ses besoins et ses valeurs. Puis ça, ça peut aller un peu
contre, justement, l'autodétermination, parce que pourquoi quelqu'un qui perd
l'aptitude à prendre des décisions...
M. Lussier (David) :
...beaucoup plus restreint. Donc, le rendre exécutoire, c'est comme un peu
empêcher cette personne-là qui devient inapte et dont la maladie évolue de
pouvoir changer ses besoins et ses valeurs. Puis ça, ça peut aller un peu
contre, justement, l'autodétermination, parce que pourquoi quelqu'un qui perd
l'aptitude à prendre des décisions ne pourrait pas prendre la décision de
continuer à vivre, si ses valeurs et ses besoins ont changé. Donc, nier à des
personnes qui ont une maladie neurodégénérative le droit de changer de valeur
ou de décision, ça peut aller contre l'autodétermination. Donc, je pense que
ça, ça va un peu contre le caractère exécutoire ou contraignant.
Pour le reste, pour la souffrance, c'est
vraiment une question très, très, très difficile parce qu'il faut faire la
différence entre l'hétéroévaluation de la souffrance et l'autoévaluation. On ne
peut pas faire l'autoévaluation quand une personne est vraiment très avancée
dans sa démence. Ça rejoint un peu la souffrance existentielle dont il a été question
ce matin. On voit beaucoup, beaucoup, nous-mêmes, chez les patients en fin de
vie de maladies cancéreuses, de souffrances existentielles. Donc, est-ce que,
pour moi, la vie actuelle, ma qualité de vie ne vaut plus la peine d'être
vécue? Donc, ça, pour une personne avec une démence, ça pourrait aussi être la
même chose, de dire... puis c'est là où c'est important de décrire qu'est-ce
que la souffrance représenterait pour soi dans le futur, donc puis ça va nous
aider à évaluer la souffrance dans le futur. Parce que sinon, on va y aller beaucoup
avec de l'agressivité, de l'agitation, des pleurs, mais il y a des personnes
qui peuvent être très souffrantes sans qu'il n'y ait ça.
Donc, c'est très complexe, mais je crois
que les gens qui sont habitués de travailler avec ces gens-là peuvent le faire,
d'où l'importance de laisser la place au jugement clinique des soignants, là,
dans ces cas-là.
Mme
Hivon
:
Merci. Est-ce qu'il me reste du temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Non. Désolée, Mme la députée.
Mme
Hivon
: Bon,
merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Je céderais la parole au député de Chomedey.
M. Ouellette : Pour deux
petites minutes. Merci d'être là. Bonjour à vous deux. Moi, c'est la question
des mineurs qui m'interpelle. Est-ce que vous nous suggérez, dans nos travaux,
d'en tenir compte ou, je vous dirais, d'attendre parce que c'est relativement
nouveau, c'est une question qui est en suspens, il y a déjà des groupes
pédiatriques qui s'y penchent et qui vont faire rapport au ministre? En quoi,
en partant du moment où vous en faites une recommandation, on devrait, dans le
cadre des travaux de la commission, tenir compte de tout l'aspect des mineurs?
M. Bureau (Michel A.) : Les
initiatives pédiatriques de résoudre ce problème, c'est parce que ces médecins
le vivent, mais ils ne le vivent pas à la même fréquence que la médecine des
adultes. Le cancer terminal avec plein de souffrances est plus rare chez les
enfants qui font plus des maladies hématologiques, dont les souffrances sont
moins aiguës ou plus apaisables.
Mais pour être spécifique à votre
question, les groupes qui travaillent là-dessus disent : On...
M. Bureau (Michel A.) :
...le cancer terminal avec plein de souffrances est plus rare chez les enfants
qui font plus des maladies hématologiques, dont les souffrances sont moins
aiguës ou plus apaisables.
Mais, pour être spécifique à votre question,
les groupes qui travaillent là-dessus disent : On a besoin de guide, on va
proposer quelque chose. Mais à qui ils doivent le proposer? Il me semble que,
puisque la commission spéciale est déjà là, elle pourrait reconnaître que c'est
un besoin et proposer que des travaux se fassent.
M. Ouellette : Je pense que
ça répond à mon interrogation, Mme la Présidente. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, je céderais la parole à la députée de Soulanges.
Mme Picard : Bonjour,
messieurs. Merci d'être parmi nous aujourd'hui. Votre expertise va assurément
ajouter à nos travaux. J'y allais moi aussi avec la même... peut-être pas la
même question que mon collègue Guy Ouellette, mais, en fait, oui, vous
suggérez, à la recommandation 8, qu'il y ait un groupe d'experts pour l'aide
médicale à mourir pour les mineurs. Mme Gupta, la précédente intervenante
nous a dit que, selon elle, il y a un 14 ans et plus pour consentir aux soins
au Québec, donc on pourrait peut-être amalgamer ces deux idées pour qu'ils
consentent peut-être à avoir l'aide médicale à mourir.
Je pourrais peut-être prendre l'occasion
pour vous expliquer que j'ai une petite fille de neuf ans. Elle est suivie en
soins palliatifs pédiatriques à Sainte-Justine. Et puis je le sais que c'est
une demande des groupes aussi parce qu'il y a des enfants, souvent, ils ont des
maladies rares, des maladies orphelines, et, bien sûr, on ne sait pas s'il va y
avoir un traitement à long terme, là, des maladies rares et orphelines. Mais
pour l'avoir vu, là, j'ai vu une petite cocotte, là, qui avait tellement de
souffrance, il n'y avait aucun traitement qui pouvait la soulager, puis c'est
vraiment des situations qui nécessitent de s'y attarder.
Ma question pour vous serait : Est-ce
que vous le voyez, vous, sur terrain? Est-ce que vous sentez qu'il y a une
grande demande? Bien, vous l'avez dit qu'il y a beaucoup moins d'enfants qui
seraient touchés, mais est-ce que vous sentez cette volonté-là, là, du terrain
pour changer?
M. Bureau (Michel A.) :
Pour avoir pratiqué les soins intensifs des enfants dans ma vie et d'avoir vu
nombre de nouveau-nés qui naissent avec des problèmes incompatibles avec la
vie, l'aide médicale à mourir apparaît tout de suite comme étant peut-être sous
une forme différente, mais un besoin pour apaiser les souffrances de ces
enfants. Et les pédiatres, de leur mieux, le font. Un jour ou l'autre, on va
devoir s'adresser à cette question...
M. Bureau (Michel A.) :
…à mourir apparaît tout de suite comme étant peut-être sous une forme
différente, mais un besoin pour apaiser les souffrances de ces enfants, et les
pédiatres, de leur mieux, le font. Un jour ou l'autre, on va devoir s'adresser
à cette question. Le seul gouvernement qui l'a fait, ce sont les Pays-Bas, où
ils ont… où il y a des dispositions pour s'adresser au très jeune âge.
Quant aux 14 à 17 ans, j'avais
compris de notre juriste de la commission que ce n'est pas… bien qu'ils ont le
droit de refuser… ils ont certains droits concernant leur propre santé, ils ne
seraient pas couverts, ai-je compris, par cette fenêtre de 14 à 17 ans,
mais je ne peux pas répondre à votre question.
Mme Picard : Merci. Et
puis par rapport, peut-être, aux maladies orphelines, on sait qu'il y en a
beaucoup, là, qui… des maladies qui n'ont nécessairement pas de nom ou bien pas
de diagnostic précis. Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter pour nos
travaux? Peut-être que vous avez aussi entendu, sur le terrain, des
suggestions?
M. Bureau (Michel A.) :
Les… avant que l'aide médicale à mourir arrive, il y a une décade, les médecins
trouvaient des solutions de compassion pour aider leurs patients à franchir
cette dernière étape de la vie. Les pédiatres en sont là, un peu coincés par la
difficulté de la question, et puis l'absence d'historique législatif partout
dans le monde, c'est le même problème, puis ces enfants-là sont en assez grand
nombre, là, ceux dont vous décrivez.
Mme Picard : Merci beaucoup.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée de Soulanges. Je vais
me permettre une question, Dr Bureau. Vous disiez tout à l'heure que la
loi du Québec n'inclut pas les handicapés et que vous suggériez peut-être de
l'ajouter. Quels critères il faudrait ajouter pour des mécanismes de sécurité
ou… si jamais on venait qu'à ajouter cette population-là?
• (12 h 30) •
M. Bureau (Michel A.) :
Je suis content que vous posiez cette question parce que je croyais que le gouvernement
fédéral, ayant permis aux personnes handicapées d'avoir l'aide médicale à
mourir, qu'il y avait une vaste expérience canadienne sur le sujet.
Alors, j'ai été voir le coroner de
l'Ontario, la plus grande province en nombre, et il a dit : On n'a presque
pas de demandes. Pourquoi? Parce qu'elles sont bloquées par le critère de fin
de vie. Les gens qui ont de grands handicaps, comme M. Truchon, ne sont
pas nécessairement en fin de vie et M. Truchon a dû passer par la cour
pour…
12 h 30 (version non révisée)
M. Bureau (Michel A.) :
…grande province en nombre et il a dit : On n'en a presque pas, de
demande. Pourquoi? Parce qu'ils sont bloqués par le critère de fin de vie. Les
gens qui ont de grands handicaps, comme M. Truchon, ne sont pas,
nécessairement, en fin de vie et M. Truchon a dû passer par la cour pour
obtenir l'aide médicale à mourir et vous avez raison de soulever cette question
et j'en parlais avec un sous-ministre, récemment, où… de la santé où nous
disions qu'il fallait, à tout prix, de pas juste ajouter les handicapés, la
maladie grave et incurable, mais déjà travailler sur les critères où ce serait
admissible et c'est presque aussi complexe que ce qui concerne les patients
admissibles en santé mentale. Un quadriplégique de 19 ans, d'un accident
de ski, le lendemain, il veut mourir, mais cinq ans après, il a peut-être
trouvé un sens à sa vie, alors c'est un sujet très complexe qui ne peut pas
être inclus sans une kyrielle de précautions.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Et, est-ce qu'il y a un laps de temps qu'on devrait prendre en compte à ce
moment-là?
M. Bureau (Michel A.) :
Sûrement, mais j'ai projeté, tout à l'heure, un cliché : le médecin et son
patient. Les médecins ne vont jamais répondre à une demande d'un quadriplégique
post-traumatique, dans les semaines qui vont suivre ou dans les mois ou même
dans les premières années. Il y a, là, une richesse d'accompagnement et les
médecins sont conscients que le temps, ici, est absolument nécessaire et si
vous me demandiez un chiffre, j'aurais du mal à vous dire, mais il s'agit
d'année, il ne s'agit pas de mois.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait, merci. Je céderais la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
:
Merci, Mme la Présidente. Merci à vous deux, Dr Bureau et
Dr Lussier. Je reviendrais sur, peut-être, dans la question de la députée
de Joliette. Moi, j'aimerais savoir, parce qu'on parle de douleur, c'est plus
facile à évaluer une douleur physique, mais quand on parle de souffrance, parce
que là, c'est… la souffrance et la douleur, il y a une différence, comment que
c'est… croyez-vous que c'est possible de mesurer objectivement la souffrance?
Parce qu'on s'entend qu'on parle de l'aide médicale à mourir puis que là,
c'est… on ouvre différentes portes soit à la santé mentale, par rapport, les
gens qui ont des problèmes de santé mentale, problèmes de handicap,
d'inaptitude. Donc, j'aimerais ça, est-ce… je ne sais pas, si vous avez une
opinion là-dessus?
M. Bureau (Michel A.) :
Dr Lussier.
M. Lussier (David) : Oui, je
suis content que vous posiez la question. Merci, c'est vraiment une excellente
question puis ça fait beaucoup, ça créé des problèmes, un peu, au début de
l'AMM, dans la première année, où les médecins refusaient de…
Mme
Hébert
: …si
vous avez une opinion là-dessus.
M. Bureau (Michel A.) :
Dr Lussier.
M. Lussier (David) : Oui, je
suis content que vous posez la question. Merci. C'est vraiment une excellente question,
puis ça fait beaucoup… ça a créé des problèmes un peu au début de l'AMM dans la
première année où les médecins refusaient d'administrer des AMM à des patients,
en disant : Vous n'êtes pas assez souffrants. Ça a été clarifié assez rapidement,
entre autres, par Dre Gupta, par le Collège des médecins, en disant que la
souffrance est subjective. Donc, si le patient me dit qu'il est souffrant, il
est souffrant. La souffrance est une autoévaluation, on ne peut pas évaluer la
souffrance de quelqu'un d'autre, comme on ne peut pas non plus évaluer la
douleur physique de quelqu'un d'autre. Donc, c'est vraiment une expérience
subjective, la souffrance, encore plus que la douleur, d'où la difficulté quand
on a affaire à des patients, à des personnes qui ont un trouble cognitif, qui
ne peuvent pas décrire eux-mêmes leurs propres souffrances, ça devient beaucoup,
beaucoup plus difficile.
Donc, c'est pour ça qu'il faut se baser
sur ce qui a été fait avant, sur la souffrance que ces gens-là auraient pu
percevoir comme étant souffrance quand leur état se dégraderait. Parce qu'on ne
peut pas évaluer la souffrance de quelqu'un d'autre, ça, c'est impossible, la
souffrance, c'est une expérience subjective.
Mme
Hébert
:
Parfait. Puis c'est vraiment quelque chose, tantôt, quand vous avez parlé de
rester très prudent pour le dérapage, par rapport au dérapage. Moi, j'ai beaucoup...
j'ai une sensibilité des personnes qui sont vulnérables. Donc, quelles mesures
devraient être mises en place pour protéger les personnes qui sont plus
vulnérables? Parce que c'est là que je vois que, peut-être, il y a un angle qui
pourrait avoir un certain dérapage donc, comme celles qui présentent des
déficiences intellectuelles. Est-ce que vous avez des mesures, vous avez déjà
réfléchi à des mesures qui devraient être mises en place?
M. Bureau (Michel A.) :
Encore là, c'est entre le médecin, sa déontologie, sa compréhension de la
situation clinique et la prudence qu'il doit avoir. Vous ditesm sans le dire,
les médecins n'ont pas tous la même pensée, il y a un certain libéralisme pour
certains, un conservatisme pour d'autres. Ceux qui ont créé la loi ont
dit : Au départ, ça prend quelqu'un pour veiller à ça, et la commission a
été créée, pas au plaisir des médecins, parce que la commission, quand elle
voit une déclaration d'aide médicale à mourir qui a une zone de flou, un des
commissaires médecins appelle le médecin, lui dit : Qu'est-ce que c'est?
On ne comprend pas. Pouvez-vous nous expliquer? Puis c'est une certaine balise
qui se fait de médecin à médecin ou de praticien à praticien, qui invite à la
grande prudence.
Alors, si vous demandez aux médecins s'ils
sont contents de voir la commission regarder par-dessus leur épaule, vous allez
avoir toutes sortes de réponses. Je ne vois pas d'autre mécanisme qu'une…
M. Bureau (Michel A.) :
...de médecin à médecin ou de praticien à praticien qui invitent à la grande
prudence. Alors, si vous demandez aux médecins s'ils sont contents de voir la commission
regarder par-dessus leur épaule, vous allez avoir toutes sortes de réponses. Je
ne vois pas d'autre mécanisme qu'une veille très importante, cas par cas.
M. Lussier (David) : Si je
peux me permettre d'ajouter, rapidement, ce qui est important, c'est le délai,
actuellement, pour s'assurer que la personne puisse avoir l'évaluation nécessaire
puis qu'elle puisse recevoir les soins et services. Moi, j'ai été très marqué,
dans ma pratique, par des patients qui m'ont dit : J'ai fait une demande
d'aide médicale à mourir il y a trois, quatre ans, ça a été refusé parce que je
n'étais pas en fin de vie. Mais maintenant, je suis très content que ça ait été
refusé, parce que ma douleur a été mieux soulagée, ma dépression a été mieux
soulagée, a été mieux traitée, et maintenant je suis heureux de vivre. Donc, ce
qu'il faut faire, c'est ça, c'est s'assurer que le patient ait eu accès aux
meilleurs soins possible, et ça, c'est s'assurer qu'on ait une période d'évaluation
qu'on ait une période de traitement pour s'assurer que c'est vraiment une
demande constante et qui n'est pas le fait d'un découragement passager ou d'un
non-accès, là, aux soins optimaux pour sa condition.
Une voix
: Parfait.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je vais me permettre, chère collègue, vous avez dit, en entrée de jeu,
Dr Bureau, que le rôle de la commission, ce n'était pas de définir les
critères. Vous verriez qui pour définir des critères, qui pourrait être...
s'adjoindre, là, pour nous aider à ce niveau-là?
M. Bureau (Michel A.) :
Bien, vous avez entendu ce matin les experts, des experts qui étaient le groupe
Maclure, Fillion. Ils ont travaillé avec les plus grands experts du Québec qui
ont scruté les connaissances internationales, et ils ont donné des avis que la commission
a reçus avec admiration, et c'était... La justesse de leurs recommandations...
C'est eux, les experts.
En santé mentale, des professionnels de santé
mentale, dont Dre Gupta, faisaient état ce matin de... vont donner des balises.
Et ça reste, à la fin, la décision entre le médecin et son patient d'appliquer
ces balises. Et les médecins qui font ça ont développé un savoir-faire, ils ont
une expertise, ils font un travail extraordinaire, je dois dire. Ils mettent à
risque leur... certains disent : On a peur de se faire poursuivre. Ils
mettent à risque... ils prennent certains risques parce qu'ils opèrent dans une
zone d'une confusion relative. Mais en bout de piste, on est capables de
dire que le système marche bien, il a bien fonctionné pour les...
M. Bureau (Michel A.) :
…certains disent : On a peur de se faire poursuivre. Ils mettent à risque…
ils prennent certains risques parce qu'ils opèrent dans une zone d'une
confusion relative.
Mais, en bout de piste, on est capables de
dire que le système marche bien, il a bien fonctionné pour les 7000 AMM.
C'est vrai que c'était dans une zone où la mort était prévisible, c'était plus
facile. Nous entrons dans une zone de turbulence, je dois dire, mais j'ai bien
confiance qu'on trouve, avec les guides que vous allez mettre dans la loi, que
son applicabilité soit juste, ça va demander plus de veille, je crois.
David?
M. Lussier (David) : Non, je
n'ai rien à ajouter.
• (12 h 40) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Peut-être une dernière question, rapidement. Vous avez parlé d'une campagne
d'information. Qu'est-ce qu'on pourrait mettre dans cette campagne
d'information là si… pour la suite des choses?
M. Bureau (Michel A.) :
Bien, vous avez demandé, ce matin, à M. Maclure : Pourquoi les gens qui
ont une hémorragie cérébrale puis qui deviennent… qui perdent toutes leurs
capacités de décider, pourquoi ils ne peuvent pas avoir l'aide médicale à
mourir? Sa réponse, ça a été : Les dispositifs législatifs sont là, puis
la population ne connaît pas. Des dispositifs législatifs, c'est : la
déclaration médicale anticipée. Chaque fois qu'on me pose cette question-là, je
demande aux gens qui sont en ligne : Combien de… vous l'avez rempli votre
déclaration médicale anticipée. Si vous devenez incapable de décider pour
vous-même, voulez-vous qu'on vous garde à vie sur respirateur? Alors, ces
déclarations médicales anticipées doivent être connues du public et doivent
être utilisées. Ça, c'est une mesure qu'une campagne publique pourrait viser.
L'autre, c'est, vous avez vu, ce matin, je
vous décrivais les gens qui attendent quasiment de mourir pour demander l'aide
médicale à mourir. C'est probablement par méconnaissance, méconnaissance du
public, mais aussi méconnaissance de nombreux professionnels de la santé.
Alors, vous ne manqueriez pas de cibles dans une campagne publique.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Je vous remercie beaucoup. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée
de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Dr Bureau.
M. Bureau (Michel A.) :
Bonjour.
Mme Montpetit : Bonjour,
Dr Lussier. Merci, merci pour tout le travail que vous faites. Merci pour
votre présentation, aussi.
Moi, je vous le dis, d'entrée de jeu, j'ai
été assez bouleversée par le… Puis, je comprends que vous portiez à notre
attention sur l'élément, justement, qu'il y a des gens qui anticipent, en fait,
leur… bon, je ne sais pas s'ils anticipent, mais font leur demande d'aide
médicale à mourir plus tôt justement de peur de ne plus être apte pour le
faire, ou refuse la médication, ou en tout cas, qu'il y ait une forme de
souffrance qui est là…
Mme Montpetit : ...qui
anticipent, en fait, leur... bon, je ne sais pas s'ils anticipent, mais font
leur demande d'aide médicale à mourir plus tôt justement de peur de ne plus
être apte pour le faire, ou refuse la médication, ou en tout cas, qu'il y ait
une forme de souffrance qui est là dû à comment ça fonctionne. Moi, ça me
bouleverse beaucoup d'apprendre ça, puis je vous remercie quand même dans le
porter à notre attention.
J'aurais aimé vous... j'aimerais vous
donner l'occasion de nous parler, puis je ne sais pas, peut-être ça va
s'adresser à Dr Lussier comme gériatre, mais de nous parler davantage des
stades, en fait, des maladies neurocognitives. Tu sais, on parle beaucoup de
l'alzheimer, donc déjà j'aimerais ça que vous puissiez identifier à quels
autres types de maladies on fait référence quand on parle de maladies
neurocognitives. Et qu'après ça est-ce que, dans le fond, c'est des... je sais
que c'est très complexe toutes les questions de démence, mais est-ce que c'est
des stades justement qui sont somme toute relativement uniformes? Est-ce que c'est
très variable? Justement, de quoi on parle, en fait? Et à quoi on doit faire...
on doit s'attendre, justement, quand on aborde ces questions-là?
M. Lussier (David) : Oui.
Merci pour la question. C'est... Vous allez avoir plus tard, je crois,
Dr Serge Gauthier, qui est vraiment l'expert... le grand expert québécois,
là, ou un des grands experts québécois en maladie d'Alzheimer. On parle souvent
des stades de Reisberg qui est celui qui fait les sept stades, qui a été fait
pour la maladie d'Alzheimer mais qu'on utilise un peu pour tous les types de
démence. Il faut savoir que nous, on est au stade 1 de l'échelle de Reisberg, parce
que c'est la personne normale, puis après ça on va évoluer. La personne qui est
au stade 5 commence à avoir des difficultés de fonctionnement. La personne qui
est au stade 6 a plus de difficultés, puis la personne qui est au stade 7 est
grabataire puis dit quelques mots par jour seulement.
Donc, la difficulté, c'est de savoir qu'est-ce
qui représente un déclin avancé et irréversible. Ça, c'est une question qui va
se poser plus tard quand on va avoir... si on a des demandes anticipées pour
l'AMM. Elle se pose déjà, maintenant que le critère de fin de vie a été enlevé,
parce que quelqu'un qui a une démence, ce qu'on appelle un trouble
neurocognitif majeur maintenant, qui est une maladie grave et incurable, peut
faire sa demande maintenant, il répond aux critères. Il n'a pas besoin d'être
en fin de vie, donc il est encore apte. Donc, on a déjà un nombre assez
important, je vous dirais, de personnes dans ces conditions-là qui font des
demandes. Donc, maintenant, il faut définir qu'est-ce que c'est, le déclin
avancé et irréversible des fonctions cognitives et de la capacité physique.
Donc, on est probablement dans les stades 5 ou 6, là, de Reisberg sur l'échelle
de 7.
Le problème, c'est qu'on ne sait jamais
comment les maladies vont évoluer. La maladie d'Alzheimer évolue avec un déclin
progressif, mais il y a des gens qui vont rester stables pendant des années et
des années et qui vont se détériorer beaucoup suite à un événement aigu, comme
une fracture de hanche, alors que d'autres types de démences vont être très,
très stables pendant encore plus longtemps et sans...
M. Lussier (David) : ...vont
évoluer. La maladie d'Alzheimer évolue avec un déclin progressif, mais il y a
des gens qui vont rester stables pendant des années et des années, et qui vont
se détériorer beaucoup suite à un événement comme une fracture de hanche, alors
que d'autres types de démences vont être très, très stables pendant encore plus
longtemps et sans détérioration graduelle. Donc, c'est très, très, très
difficile de prévoir comment une maladie va évoluer.
Mme Montpetit : Puis, je
pense, c'est Dr Bureau, vous avez fait référence tout à l'heure à
l'importance aussi de faire... ou Dr Lussier, pardon, là, mais de faire...
de porter attention, dans le fond, et de faire confiance au jugement du
clinicien, justement, pour l'évaluation de la qualité de vie, pour l'évaluation
de la souffrance. Comment vous, justement, comme commission, ça vous
permettrait — là, je parle toujours de la question des maladies
neurocognitives — si cette évaluation-là, de souffrance ou de qualité
de vie, elle est faite justement pas le clinicien, comment ça vous permet d'avoir
un deuxième regard comme commission dans ces cas-là précis?
M. Bureau (Michel A.) :
David?
M. Lussier (David) : Oui. Je
ne suis pas certain de très bien comprendre votre question. Vous voulez dire
que, si on se fie au jugement clinique, comment nous, on peut aussi évaluer?
Mme Montpetit : Oui, oui, exactement.
M. Lussier (David) : Bien,
encore là, c'est de voir est-ce que le jugement clinique qui a été fait par le
médecin est conforme aux critères de la loi. Nous, c'est important de le dire,
qu'on n'évalue pas du tout, du tout l'acte médical, on n'a pas la compétence
pour évaluer l'acte médical, ce qui revient au conseil des médecins, dentistes
et pharmaciens, les établissements et au Collège des médecins. Nous, on évalue
la conformité à la loi. Donc, si le médecin nous dit que, selon son évaluation,
le patient a un déclin avancé et irréversible, on va se fier à son évaluation
clinique. Maintenant, on peut avoir aussi un jugement sur ce qu'est un déclin
avancé et irréversible. Nous, il faut dire aussi qu'on survient toujours après.
Bon, je crois que c'est clair pour la plupart des gens, mais peut-être pas pour
toute la population, qu'on ne donne pas une conformité avant l'AMM, on arrive
après que ça a été fait.
Mme Montpetit : Hum-hum. Puis
dans le cas, justement, de «avancé et irréversible», puis là, vraiment, je sais
que je vais un petit peu plus loin que le rôle que vous jouez présentement, là,
mais c'est un peu l'objectif aussi de voir comment, sur les questions
d'inaptitude, ça pourrait se mettre en place, dans le fond. Est-ce que... Puis
là, je vous demandais, c'est ça, par rapport aux maladies neurocognitives où
vous m'aviez expliqué, bon, l'échelle pour l'Alzheimer, mais est-ce que pour
l'ensemble des maladies neurocognitives, c'est très clair cliniquement ou c'est
assez clair cliniquement quand on arrive à un stade avancé et irréversible? Est-ce
que le jugement clinique, il est uniforme sur ces questions-là ou, justement,
il y a un niveau de complexité aussi?
M. Lussier (David) : Non, le
jugement clinique est assez uniforme. On utilise à peu près les mêmes stades.
Il y a d'autres échelles, là, de léger, modéré ou avancé, mais peu importe la
cause de la démence ou du trouble cognitif, on a une évaluation qui est
semblable puis le jugement...
M. Lussier (David) : ...non, le
jugement clinique est assez uniforme. On utilise à peu près les mêmes stades. Il
y a d'autres échelles, là, de léger, modéré ou avancé. Mais peu importe la
cause de la démence ou du trouble cognitif, on a une évaluation qui est
semblable, puis le jugement clinique est suffisant. La difficulté, c'est qu'on
ne peut pas prédire ce qui va se produire. Mais pour évaluer ce qui est là maintenant,
c'est à peu près semblable pour tout. Il faut seulement s'entendre, comme société,
probablement, sur savoir qu'est-ce qui est un déclin avancé et irréversible de
quelqu'un qui a une démence.
M. Bureau (Michel A.) :
Mais pour les personnes qui ont une maladie non pas neurocognitive, mais
neurodégénérative, comme une personne qui fait de la sclérose en plaques, et il
y a des étapes de déclin... Nous avions récemment une patiente dont le médecin
faisait la déclaration. Quand elle a passé du stade où elle n'était plus ambulatoire,
et elle s'en allait en chaise roulante, c'était trop pour elle, elle voulait
l'aide médicale à mourir. Alors, il y a des étapes, il y a des déclins qui sont
assez stéréotypés, et que les médecins reconnaissent facilement, et les
patients surtout.
Mme Montpetit : Parfait. Je
vous remercie. Mme la Présidente, il y a mon collègue de D'Arcy-McGee qui a une
question. Merci beaucoup à vous deux.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui. Je vais avoir besoin du consentement pour... parce qu'on a commencé un
petit peu en retard, là, donc, pour prolonger la séance d'environ trois
minutes. Donc, est-ce qu'il y a consentement?
Des voix
:
Consentement.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Consentement? Donc, député de D'Arcy-McGee, je vous cède la parole.
• (12 h 50) •
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Dr Bureau et Dr Lussier, pour vos interventions tellement
importantes et votre expertise continue, qui va nous aider dans nos réflexions.
Compte tenu de cette expertise, je veux
vous inviter à offrir vos commentaires sur l'étendue de la demande anticipée
d'aide médicale à mourir. Le groupe d'experts, ce matin, nous a invités de
circonscrire cette demande, et c'est fort... il y a de bonnes raisons peut-être
pour faire... aux gens devant un diagnostic. Nous avons un devoir de pédagogie
aussi, de sensibilisation du public et à la possibilité qu'il y a un grand
pourcentage du public qui aimerait avoir accès à cette demande, qui... on
est... qui n'est pas sens exécutoire. C'est-à-dire qu'il y aurait d'autres
étapes. Est-ce que vous partagez les conseils qu'on aurait eus de circonscrire
nos travaux, notre travail, et de limiter l'accès à cette demande uniquement
aux gens qui sont devant un diagnostic sérieux, tel que décrit?
M. Bureau (Michel A.) :
David?
Mme Lussier (Danielle) : Oui.
Moi... C'est très bien expliqué aussi dans le rapport que la perspective qu'on
a face à une maladie, face à notre futur, va changer au moment d'un diagnostic.
C'est vrai pour les maladies neurocognitives, ce serait vrai pour d'autres
maladies aussi. Là on parle des maladies neurocognitives. Donc, c'est très
difficile de... pour...
M. Lussier
(David) : …et aussi dans le rapport que la perspective qu'on a
face à une maladie, face à notre futur, va changer au moment d'un diagnostic.
C'est vrai pour les maladies neurocognitives, ce serait vrai pour d'autres
maladies aussi. Là on parle des maladies neurocognitives, donc c'est très
difficile pour quelqu'un qui s'imagine avoir un diagnostic de maladie neurocognitive,
savoir comment il va réagir quand ça va arriver, et notre évaluation… les
études ont montré que notre évaluation qu'on fait avant d'avoir le diagnostic
va souvent changer après avoir eu le diagnostic. Donc, on va pouvoir être prêt,
souvent, à accepter plus de pertes de fonctions, probablement, après avoir eu
le diagnostic. Donc, c'est pour ça que c'est important, et c'est très bien
expliqué encore là par le rapport d'experts, d'attendre d'avoir le diagnostic
pour être certain, finalement, de protéger. C'est une mesure de protection,
finalement, pour ne pas que la personne prenne une décision qu'elle n'aurait
pas prise sinon.
M. Birnbaum : Et si je peux
poursuivre, compte tenu que la réglementation que… c'est que ça ne soit pas
exécutoire et que, évidemment, les circonstances devraient être assez sérieuses
et graves, en termes de souffrance et de qualité de vie, et atteinte de vie. Ça
ne devrait pas, ces conditions-là, ces contraintes-là, nous inviter à aller un
petit peu plus loin?
M. Bureau (Michel A.) :
J'ai regardé avant cette commission quelles étaient les statistiques des
Hollandais qui permettent la déclaration médicale anticipée, et j'étais très
étonné du très petit nombre de gens qui, finalement, sont admissibles. Et je me
disais est-ce que leurs règles sont trop contraignantes dans l'admissibilité,
et ça se pose pour nous aussi.
M. Birnbaum : Mme la
Présidente, il me reste…
La
Présidente (Mme Guillemette) : 40 secondes, M. le député.
M. Birnbaum : 40 secondes.
Juste bien vite, vous nous avez offert un portrait très clair de ce qui se
passe jusqu'à date. Êtes-vous satisfait, advenant une demande plus importante,
fort possible, quand les gens, spécifiquement et particulièrement, l'accès au
soin médical à mourir peut être au rendez-vous s'il y a une demande, pour vous?
M. Bureau (Michel A.) :
Je dirais que oui. Nous sommes aujourd'hui à un chiffre d'à peu près 1 000
médecins qui s'impliquent. Au début, il y en avait 50, 60, 100. Maintenant, les
médecins voient là un exercice de la médecine d'un très haut niveau. Ce n'est
plus un fardeau, c'est devenu quelque chose de très spécial de la médecine, et
ce ne sont pas tous les médecins qui vont pouvoir faire ça. Ça prend du monde
comme Dr Lussier.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci beaucoup, merci Dr
Bureau, Dr Lussier pour votre contribution aux travaux de la commission. Donc,
compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux quelques instants, et
se réunira en séance de travail. Donc, ceci met fin à la séance pour
aujourd'hui et je vous invite…
La Présidente (Mme Guillemette) :
...merci beaucoup. Merci, Dr Bureau, Dr Lussier pour votre contribution aux
travaux de la commission.
Donc, compte tenu de l'heure, la
commission suspend ses travaux quelques instants et se réunira en séance de
travail. Donc, ceci met fin à la séance pour aujourd'hui, et je vous invite à
raccrocher pour mettre fin à la visioconférence. Merci, tout le monde.
M. Bureau (Michel A.) :
Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 12 h 54)