Journal des débats de la Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie
Version préliminaire
42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)
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Le
mardi 18 mai 2021
-
Vol. 45 N° 2
Consultations particulières et auditions publiques sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie
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9 h (version non révisée)
(Neuf heures une minute)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Bon matin, tout le monde. Nous allons débuter les audiences de la commission...
On recommence. Donc, ayant constaté le
quorum, je déclare la séance de la commission spéciale sur l'évolution de soins
de fin de vie débutée. Donc, la commission est réunie virtuellement aujourd'hui
afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur
l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire
: Non, Mme
la Présidente, il n'y a pas de remplacement.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, j'aimerais savoir s'il y a consentement pour permettre au député
de Chomedey de participer à la séance. Donc, il y a consentement.
Ce matin, nous entendrons par visioconférence
les groupes suivants, donc : Pre Louise Bernier, Dr Alain Naud et la Pre
Jocelyne Saint-Arnaud. Donc, je souhaite maintenant la bienvenue à Mme Louise
Bernier. Vous aurez... Vous disposez de 20 minutes, Mme Bernier, pour nous
présenter votre exposé, et ensuite il y aura échange avec les membres de la
commission pour 40 minutes. Donc, Mme Bernier, merci d'être avec nous ce matin,
et je vous cède la parole.
Mme Bernier (Louise) :
Bonjour, membres de la commission. C'est vraiment un plaisir pour moi d'être
ici aujourd'hui. Donc, je suis Louise Bernier, professeure à la Faculté de
droit de l'Université de Sherbrooke, spécialisée en droit de la santé et en
éthique. Je suis ici avec vous aujourd'hui parce qu'avec ma collègue de
l'Université de Montréal Catherine Régis on a travaillé depuis quelques années
sur les directives médicales anticipées, qui font partie de la loi
actuellement, le régime des directives médicales anticipées. Et par la suite,
j'ai poursuivi des travaux et j'ai constaté, donc, certaines limites dans
l'outil actuel, qui est un outil qui est assez méconnu encore des Québécois,
qui est peu utilisé encore après cinq ans.
Donc, si on prévoit ouvrir l'accès à
l'aide médicale à mourir, pour les personnes ayant reçu un diagnostic de
maladie neurocognitive, par demande anticipée, c'est l'occasion rêvée, c'est
l'occasion idéale de repenser le régime de directives médicales anticipées ou
d'en penser un nouveau pour ces questions-là. Et il y a certaines modalités
d'application, certaines mesures de sauvegarde qu'il va falloir réfléchir.
Et aujourd'hui, bien, je voulais vous
soumettre différents points de réflexion, que j'ai articulés autour de...
Mme Bernier (Louise) : ...à
l'origine de directives médicales anticipées ou d'en penser un nouveau pour ces
questions-là. Et il y a certaines modalités d'application, certaines mesures de
sauvegarde qu'il va falloir réfléchir. Et aujourd'hui, bien, je voulais vous
soumettre différents points de réflexion que j'ai articulés autour de trois
volets : donc l'accompagnement des décisions anticipées, la mise en oeuvre
aussi, certains événements, certains éléments à considérer lors de la mise en
oeuvre des décisions, puis un point que je considère aussi important de réfléchir
dès maintenant, c'est les effets à plus long terme que ces décisions-là
pourraient avoir sur la société. Je pense que ce n'est vraiment pas trop tôt
pour y réfléchir non plus.
Donc, je commence avec l'accompagnement
des décisions anticipées. Un consentement, qu'il soit anticipé ou non, pour
être valide, vous le savez déjà, doit être donné par une personne apte, mais
doit aussi être libre et éclairé, O.K.? Et, dans le régime actuel des
directives médicales anticipées, on a prévu une présomption d'information,
O.K.? Puis on avait décidé qu'on allait prévoir que les gens qui remplissent
leur directive médicale anticipée soient présumés avoir trouvé l'information
pour éclairer leur décision au besoin, anticipée.
Donc, on a transféré au patient le devoir
d'information qui incombe généralement au professionnel de la santé. On l'avait
transféré sous forme de responsabilité au patient pour faciliter probablement
le processus, pour vraiment mettre l'accent sur le désir de... mettre l'accent
sur l'autonomie, l'autodétermination puis s'éloigner du paternalisme médical.
Mais en même temps, en faisant ça, en transférant ce devoir d'information-là
sur les patients, je pense qu'on a sursimplifier le processus puis on l'a
dépouillé d'éléments qui sont essentiels. Je pense qu'il faut reconnaître la
valeur de l'information médicale qui peut être transférée, lors d'un
consentement anticipé comme ça, par des professionnels, par des experts.
Donc, en ce moment, on remet ça entre les
mains des individus et puis je pense qu'il faut que ça soit repensé si on veut
ouvrir le processus de directive médicale anticipée pour l'aide médicale à
mourir. Donc, il faut absolument prévoir une transmission d'informations. Et
puis, moi, je la conçois en deux temps ou en deux volets, cette transmission
d'informations là.
Je pense qu'évidemment, il y a une masse
d'information qui va devoir être transmise par les professionnels de la santé,
les équipes, sur le diagnostic comme tel, sur... on va donner le diagnostic à
la personne, mais au moment de consentir à l'aide médicale à mourir de façon
anticipée, je pense qu'il faut revenir sur ces informations-là, sur les
différents stades de la maladie, sur les variations possibles, sur les
scénarios possibles, sur l'évolution, les délais, combien de temps ça peut
prendre pour aller d'une phase à l'autre, etc., et le fait que ça puisse
évoluer différemment pour différents patients. Donc, cette information-là doit
être transmise, doit être comprise aussi dans un langage qui assure que le
consentement va être réellement éclairé...
Mme Bernier (Denise) :
...sur l'évolution, les délais, combien de temps ça peut prendre pour aller
d'une phase à l'autre, etc., et le fait que ça puisse évoluer différemment pour
différents patients.
Donc, cette information-là doit être
transmise, doit être comprise aussi dans un langage qui assure que le consentement
va être réellement éclairé. Et moi, ce que je pense aussi, c'est qu'il faut se
saisir de cette occasion-là pour aller chercher de l'information en amont aussi
sur qui consent, donc avoir un réel échange avec les patients qu'on a devant
nous pour savoir, bien, à l'avance qu'est-ce qui motive ce choix-là, quelle est
votre historique de vie, vos valeurs, vos croyances, qu'est-ce qui fait en
sorte que vous souhaitez, face à un diagnostic comme ça, recevoir l'aide
médicale à mourir quand le temps venu puis quand vous serez devenu inapte.
On prévoit déjà ces échanges-là dans une aide
médicale à mourir plus classique avec des personnes aptes. L'article 29
prévoit qu'on va aller chercher de l'information, on va s'assurer que le consentement
est libre et éclairé, on va donner des informations. Et là je pense qu'avec ce
nouvel outil là de la décision anticipée il faut prévoir, comme on le fait dans
plusieurs provinces aussi, des espaces où la personne peut vraiment nous
informer sur qui elle est, sur qu'est-ce qui motive, qu'est-ce qui va... Et vraiment
qui va nous donner un contexte, va nous donner des éléments pour que, lorsque
la personne sera devenue inapte, se référer à ça puis pouvoir vraiment revoir
qui était la personne qui souhaitait recevoir ce soin-là, qu'est-ce qui était
important pour elle. Est-ce qu'elle subissait.
Puis, tu sais, ça peut être une occasion
aussi de s'assurer de la liberté du consentement, hein? Ça fait que... Un consentement
doit être libre et éclairé. Donc, est-ce que la personne, en lui posant
certaines questions, est-ce qu'elle subit des pressions? Est-ce que c'est vraiment
son choix? Peut-être que oui. Sûrement que oui. Mais il faut s'assurer aussi
que le consentement est réellement libre. Peut-être qu'elle ne souhaite pas
être un fardeau, puis c'est sa perception, mais est-ce qu'on lui a fait sentir
qu'elle était un fardeau? Est-ce que... Donc, aller chercher de l'information
sur vraiment ce qui motive la décision.
Et je pense qu'il va falloir le
formaliser, de fait, ce nouveau processus de consentement libre et éclairé,
d'expression de volonté. Il va falloir le formaliser et trouver des espaces de
discussion probablement dans le suivi. Je ne sais pas qu'elle forme ça va
prendre. Puis je pense que vous allez devoir vous enquérir auprès probablement
des professionnels de la santé et des autres professionnels qui travaillent,
qu'est-ce qui est possible dans ce contexte-là. Est-ce qu'on peut l'intégrer,
le consentement anticipé, est-ce qu'on peut l'intégrer dans un suivi de soins?
Est-ce qu'on peut l'intégrer? Est-ce que c'est mieux que ça soit fait à part?
Est-ce que... Comment on peut le faire, comment on sera sûr que ça sera fait?
Et je pense qu'il faut le formaliser par
peut-être un processus aussi, comme on le fait dans le cadre de la recherche,
par exemple, où, quand on présente un formulaire de consentement de la
recherche, il y a une double signature. O.K.? Donc, la personne signe, la
personne qui est là, soit le professionnel de recherche, le directeur de la
recherche, le chercheur principal va dire qu'il a...
Mme Bernier (Louise) : …comme
on le fait dans le cadre de la recherche, par exemple, ou quand on présente un
formulaire de consentement de la recherche, c'est une double signature, O.K.?
Donc, la personne signe, la personne qui est là, soit le professionnel de
recherche, le directeur de la recherche, le chercheur principal va dire qu'il a
répondu aux questions de la personne qui a pu lui expliquer certaines étapes et
tout. Je pense qu'il va falloir arriver probablement à cette formalisation du
processus.
Puis c'est peut-être quelque chose qui… on
aurait souhaité qu'il y ait un formulaire facile, comme on avait pour les directives
médicales anticipées, mais je pense qu'on n'a pas le choix de se rendre compte
que, sans trop complexifier le processus comme tel, il faut admettre que c'est
complexe. Il faut admettre… il ne faut pas que ça soit compliqué, mais il faut
que l'outil témoigne de la complexité des choses, des différentes couches qui
sont importantes à vraiment aborder dès le départ, lorsque la personne est
apte.
• (9 h 10) •
Un autre élément que je pense qu'il faut
vraiment, vraiment considérer, c'est le fait qu'on puisse revoir les directives
médicales anticipées, les bonifier, les réviser tant qu'on est encore aptes.
Pour certaines personnes, ces maladies-là vont avoir différentes phases et puis
l'aptitude va demeurer pendant de nombreux mois, des années, même, et on… peut-être,
ce qu'on considérait absolument impensable ou ce qu'on désirait vraiment,
vraiment, dès le début, au moment du diagnostic, de l'annonce du diagnostic, peut-être
que certaines perceptions peuvent changer à mesure où on vit avec la maladie.
Donc, sans présumer que ça va arriver,
prévoir, peut-être, des mécanismes un petit peu plus faciles pour retourner,
pour faire un suivi. En ce moment, l'article 54 exige que pour modifier
nos directives médicales anticipées, il faut en produire des nouvelles, il faut
aller chercher un nouveau formulaire, il faut le déposer. Je pense qu'il y a
lieu de penser à une flexibilité de l'outil aussi, hein, qui pourrait justement
se faire au cours d'un suivi médical et valider périodiquement. Je ne pense pas
qu'on puisse établir des délais précis pour réévaluer les choses parce que
l'évolution de la maladie va être différente pour chacun, mais je pense que de
le prévoir dans un suivi de soins, de réévaluer, de bonifier, de changer les
directives médicales anticipées, si c'est ce que la personne souhaite, ça
devrait pouvoir être facile, ça devrait pouvoir être fait. Donc, ça, c'est mon
premier point.
Il y a un deuxième volet, je pense, qui
nécessite qu'on s'y attarde, c'est la mise en oeuvre des directives médicales anticipées.
Vous avez beaucoup parlé, vendredi dernier, déjà, mais je pense que quand on a
des directives médicales anticipées que l'on souhaite peut-être contraignantes,
il faut quand même réaliser qu'au moment de leur mise en oeuvre, il va y avoir…
ces directives médicales anticipées vont s'intégrer avec d'autres facteurs,
d'autres responsabilités, devoirs des médecins, des équipes au moment de les
mettre en oeuvre. Je pense, par exemple, aux différents critères de la loi,
O.K.?
Si on a une des directives médicales
anticipées qui ont été établies à l'avance…
Mme Bernier (Louise) : …avec
d'autres facteurs, d'autres responsabilités, devoirs des médecins, des équipes
au moment de les mettre en oeuvre. Je pense, par exemple, aux différents
critères de la loi, O.K.? Si on a une des directives médicales anticipées qui
ont été établies à l'avance où on souhaite qu'on reçoive l'aide médicale à
mourir dans telle ou telle… quand on sera rendu à telle ou telle phase de la
maladie, quand on aura perdu telle ou telle aptitude ou telle… où on essaie de
l'établir le plus clairement possible avec nos valeurs en donnant du contexte.
Évidemment, quand nos proches ou nos personnes de confiance, je vais y revenir
tout à l'heure, mais quand ils vont amener cette décision-là puis vont
dire : Bien, je pense que c'est ça que mon proche souhaitait, on est
rendus là, cette décision-là ne pourra pas être… les médecins ou les personnes
qui vont être au coeur de la mise en oeuvre de la décision ne seront pas des
exécutants de cette décision-là, O.K.? Il faut quand même comprendre que ces
personnes-là ont des obligations déontologiques, légales, ils doivent respecter
les autres critères de la loi.
Là où on a des questions à se poser, c'est
sur la question du déclin avancé et irréversible des capacités, vous en avez
parlé, et de la souffrance, surtout physique et psychique constante et qui ne
peut pas être soulagée. C'est difficile d'anticiper ces questions-là, et le
jugement clinique des soignants doit pouvoir s'exercer dans ces circonstances-là.
Maintenant, pour la souffrance, vous en avez parlé aussi, puis vous avez eu des
exposés super intéressants sur la question. La souffrance, c'est une question
très complexe, et en ce moment, quand on a une personne qui est apte devant
nous, on va aller parler avec elle de sa souffrance, elle va nous exprimer
qu'elle souffre, elle va nous le dire, on va prendre en considération,
évidemment, on va prendre acte de ça.
Là où c'est compliqué, puis vous le savez
déjà, c'est pour les personnes qui sont inaptes. Puis est-ce qu'on peut
admettre, en amont, que la personne apte puisse témoigner de ce qui serait
souffrant pour elle lorsqu'elle sera inapte, en avance? Puis quel poids on
donne à ça, puis quel est le rôle de l'équipe soignante dans l'opérationnalisation
de ça, puis dans, justement, leur jugement clinique qu'on… Comme vous disiez la
semaine passée, il y a des personnes qui, en apparence, n'auront pas l'air
souffrantes, qui vont vivre une démence plus ou moins sereine. Est-ce qu'il
faut prendre en considération que la personne apte avait envisagé certains
facteurs à l'avance? L'isolement, la perte d'amitiés significatives, la perte
de contacts, perte de certaines capacités d'autonomie. Est-ce que ce qui fait
souffrir une personne dans le fait de se projeter dans ces états-là, est-ce que
ça a le même poids que ce qu'on observe aussi? Est-ce qu'il faut donner un
poids, finalement, à ce qu'on observe, ce qu'on n'est pas capables de mesurer
dans une situation clinique? Parce que, bien…
Mme Bernier (Louise) :
...souffrir une personne dans le fait de se projeter dans ces états-là. Est-ce
que ça a le même poids que ce qu'on observe aussi? Est-ce qu'il faut donner un
poids, finalement, à ce qu'on observe, ce qu'on n'est pas capable de mesurer
dans une situation clinique? Parce que, bien, on n'a pas d'indicateur que la
personne souffre, tout ce qu'on a, c'est les éléments qui avaient été
mentionnés en amont par la personne apte. Donc, ça, c'est des questions qu'il
faut se poser, puis je ne pense pas que le choix ou cette évaluation-là ne doit
que reposer sur les équipes au moment où la question va se poser, je pense que
c'est quelque chose qu'il faut qui soit réfléchi aussi, comment... à qui on
redonne cette possibilité de mesurer la souffrance, comment on interprète l'intérêt
du patient dans ce contexte-là, comment on voit la question du refus
catégorique de soins.
Vous savez, le refus catégorique de la
personne inapte est une notion juridique valide, qui existe, on a laissé une
espèce d'autonomie ou de capacité individuelle à l'inapte. Lorsqu'il refuse catégoriquement
ce qu'il pourrait déjà avoir accepté lorsqu'il était apte, on prend ça au
sérieux, et même, c'est dans la loi, hein, concernant les soins de fin de vie, même
quand on a des directives médicales anticipées, si on refuse catégoriquement le
temps venu, il faut se saisir de l'article 16 et aller valider le pouvoir,
justement, le soin, par le tribunal. Devant un refus catégorique d'une personne
qui aurait consenti à l'aide médicale à mourir puis qui peut encore communiquer
avec nous et qui ne semble plus vouloir ça alors qu'on lui présente l'option,
qu'est-ce qu'on fait de ce refus catégorique là? Comment on l'aborde? Et dans
la loi fédérale, en ce moment, dans les nouvelles dispositions, même si on
avait prévu le renoncement final au consentement, on a prévu que si la personne
oppose un refus catégorique, on ne peut pas procéder à l'aide médicale à
mourir.
Donc, je pense que le refus catégorique,
il faudrait prévoir comment le traiter. Est-ce que c'est par un comité externe?
Est-ce que c'est toujours par le tribunal? Est-ce qu'on prévoit des gens avec
qui les équipes vont pouvoir discuter? Je ne pense pas que ce choix-là ou ce
poids-là doit revenir sur les épaules seulement des soignants qui vont être
confrontés à ces questions-là. Il faut prendre soin de... il faut anticiper
l'impact émotionnel aussi que ces dilemmes-là peuvent avoir sur les soignants.
Je veux dire quelques mots sur la place
des proches. La place des proches... La décision anticipée, ça ne sera pas
une... on ne souhaite pas que ce soit un consentement substitué, on ne veut pas
donner, je pense, de place de décideur ou de représentant légal aux proches.
Les directives anticipées sont là pour justement redonner le pouvoir au
patient, mais ce serait une erreur de ne pas impliquer les proches, dès le
départ, si c'est possible, dans le processus de consentement, de les impliquer
dès le départ dans la transmission d'information. On peut nommer une personne
de confiance, on pourrait avoir les proches, aussi, présents. Les modalités...
Mme Bernier (Louise) : …mais ce
serait une erreur de ne pas impliquer les proches, dès le départ, si c'est
possible, dans le processus de consentement, dans… de les impliquer dès le
départ dans la transmission d'informations. On peut nommer une personne de
confiance, on pourrait avoir les proches, aussi, présents. Les modalités
pourraient être réfléchies, mais je pense que d'impliquer tous les proches, de
prévoir un rôle pour les proches, ce qui est déjà prévu dans la loi, de toute
façon, pour une aide médicale à mourir plus classique, c'est vraiment une bonne
idée parce qu'il ne faut pas minimiser. Il faut réaliser qu'ils ont… ils sont
très, très précieux, les proches, pour nous instruire sur la personne aussi, la
personne qui avait décidé à l'avance… qui le connaissent très bien, les
changements qu'ils pourraient avoir observés chez cette personne-là… et aussi
le fait que cette décision-là va avoir des impacts pour eux aussi, puis de
reconnaître qu'ils vont être au coeur de la mise en oeuvre de la décision dès
le départ, ça peut faciliter beaucoup les choses.
Je travaille beaucoup dans le domaine du
don d'organes, puis d'impliquer les proches en amont, on réalise que c'est
souvent ça, la solution, pour une meilleure effectuation d'une décision qui a
peut-être une valeur contraignante, une valeur légale, mais il ne faut pas
négliger l'apport puis la place des proches, même s'il n'y a pas de rôle légal
à proprement parler.
Il reste quelques minutes pour aborder mon
dernier, dernier point que je considère très important aussi, d'anticiper les
effets de l'ouverture de l'aide médicale à mourir par demande anticipée sur nos
choix de société. J'entends par là que face à… Il ne faudrait pas sous-estimer
l'impact de la représentation de la maladie neurocognitive, par exemple. Si on
ouvre l'aide médicale à mourir pour les personnes qui souffrent de cette
maladie-là, il faut absolument éviter que toutes les personnes qui reçoivent ce
diagnostic-là aient une perception que l'aide médicale à mourir, c'est ce qui
est attendu d'eux maintenant, O.K.? Donc, c'est le choix à privilégier. Et puis
que s'ils ne le prennent pas, ce choix-là, bien, ils sont… ils décident d'être
un fardeau, ils décident…
• (9 h 20) •
Je pense qu'il faut prévoir ça à l'avance,
puis la façon, je pense, de prévoir ça, c'est d'investir aussi dans d'autres…
oui, l'aide médicale à mourir pour ceux qui le veulent, mais d'investir
également dans d'autres options, d'investir… de ne pas opérer ce qu'on pourrait
appeler un abandon thérapeutique de ces catégories de patients là, parce que l'aide
médicale à mourir leur est disponible, donc ils devraient aller vers ça, mais
d'investir dans d'autres ressources, dans un accompagnement de ces personnes-là
pour que le choix soit réellement libre, hein? Parce qu'il ne faut pas du tout
minimiser l'impact de la société, des choix de société, quand on prend notre
décision. Il faut réaliser que ces éléments-là vont avoir un impact sur nous,
et si la seule solution, quand on a ces maladies-là, c'est de demander l'aide
médicale à mourir, puis qu'on n'a pas d'autres ressources, d'autres façons
d'anticiper vivre avec la maladie, bien, ça pourrait être… ça pourrait créer
une perception qu'on ne veut pas, je pense, encourager. Donc, je pense qu'il
faut y penser dès le début…
Mme Bernier (Louise) : …la
seule solution quand on a ces maladies-là, c'est de demander l'aide médicale à
mourir, puis qu'on n'a pas d'autre ressource, d'autre façon d'anticiper, vivre
avec la maladie, bien, ça pourrait être… ça pourrait créer une perception qu'on
ne veut pas, je pense, encourager. Donc, je pense qu'il faut y penser dès le
début, si on ouvre, il faut aussi prévoir qu'il y en a qui ne voudront pas,
puis il ne faut pas le négliger, ça, non plus.
Donc, je pense que j'ai écoulé mon temps.
Est-ce que j'ai encore un peu de temps ou non?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Il vous reste… excusez. Il vous reste 30 secondes, mais on a...
Mme Bernier (Louise) : Ah!
bien, parfait. Alors, je peux conclure, alors, j'ai une petite conclusion.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui.
Mme Bernier (Louise) : Alors,
je pense qu'il faut admettre, quand on repense à décider de façon anticipée
pour ces questions-là, il faut admettre que c'est complexe en amont. Il faut
dépasser le réflexe de vouloir un outil facile, avec des cases à cocher et
tout. Je pense qu'il va falloir, vraiment, se pencher sur l'outil, admettre que
la décision a des ramifications relationnelles, investir des ressources pour
l'aide à la décision, puis investir aussi dans d'autres solutions pour
l'accompagnement de patients qui ne voudraient pas prendre ce choix-là. Alors,
j'ai hâte de discuter avec vous.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme Bernier.
Mme Bernier (Louise) : Avec
plaisir.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Je céderais maintenant la parole à la députée de Joliette.
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour, merci beaucoup de votre présentation, Mme Bernier. C'est un plaisir de
vous entendre. J'ai peu de temps, donc je vais vous poser mes trois questions,
puis vous pourrez leur… y répondre à la suite une de l'autre.
Dans le rapport du comité d'experts, donc
sur les personnes en situation d'inaptitude, la recommandation 4, eux, ils font
vraiment une distinction entre les directives anticipées et une demande
anticipée qui serait une demande autre, et donc je voulais voir si vous étiez
dans la même logique «truth». Eux, ils prévoient qu'on va s'assurer, là, du
caractère libre et éclairé, parce que ça va devoir être avec un médecin, il va
devoir y avoir des témoins. Donc, vu que vous avez beaucoup insisté là-dessus,
j'aimerais savoir où vous vous distinguez de cette recommandation-là.
La deuxième question, c'était sur cette
fameuse question, donc, de la souffrance. Je comprends que vous dites il faut
vraiment que l'ensemble des critères de la loi, votre soumission, vous me
corrigerez si j'ai mal compris, l'ensemble des critères de l'article 26 de la
loi doit continuer, donc, à être respecté, y compris la question de la
souffrance constante et intolérable. Et, dans votre analyse à vous, est-ce que
cette souffrance-là, si c'est la souffrance de la personne qui l'anticipe, donc
elle, elle se projette et elle se dit : Moi, si je ne peux plus
reconnaître personne, si je ne peux plus manger, ça va être une souffrance
intolérable mais, évidemment, vous voyez venir, qu'au moment où elle est dans
cette situation-là, elle a l'air sereine et tout. À quoi donnez-vous, je dirais
préséance dans… est-ce que la souffrance anticipée doit être reconnue au sens
de l'article 26?
Et puis, finalement, le caractère
contraignant ou exécutoire, est-ce que selon vous il devrait y avoir un
caractère contraignant quand les critères…
Mme
Hivon
:
...à quoi donnez-vous, je dirais, préséance dans... est-ce que la souffrance
anticipée doit être reconnue au sens de l'article 26? Et puis finalement
le caractère contraignant ou exécutoire, est-ce que, selon vous,'il devrait y
avoir un caractère contraignant quand les critères de l'article 26 sont
respectés?
Mme Bernier (Louise) :
Merci beaucoup pour vos questions, c'est très riche. Alors, je commence par la
première. Pour moi, il n'y a pas d'absolu si la demande ou les directives... je
pense que les directives médicales anticipées telles qu'elles sont actuellement,
si on fait deux processus parallèles, ça ne change pas qu'elles devraient être
revues, pour moi, les directives médicales anticipées parce que, ce que j'ai
dit pour pour la présomption d'information s'applique aussi pour les autres
soins selon moi. O.K.? Donc, je pense qu'on pourrait choisir, parce que c'est
très spécial, c'est... là, puis on prévoit d'ouvrir pour des personnes qui ont
un diagnostic et tout. Je pense qu'on pourrait faire un régime à part de
demande d'aide médicale à mourir, à part avec la présente loi. Et de toute
façon je pense que les directives médicales anticipées telles qu'elles sont en
ce moment, je pense qu'on les preuves assez claires qu'il n'y a pas d'adhésion.
Donc, je pense que ce que je propose ici, ça pourrait aussi s'appliquer aux
directives médicales anticipées si on décide de faire deux régimes ou un
régime. Mais je pense que ce que je propose pour vraiment informer le consentement
puis le processus devrait être... si on y pense juste pour l'aide médicale à
mourir pour l'instant, mais évidemment éventuellement je pense qu'il faudrait également
le prévoir.
Pour la souffrance, votre question est
excellente, je n'ai pas de réponse claire à ça, c'est très difficile pour moi.
Mais, si on admet les directives médicales anticipées, on donne quand même un
poids et un rôle légal à cette personne apte là qui se projette, O.K., qui se
projette dans une situation. Et puis c'est très... puis le dilemme qui est
établi par les auteurs Dresser puis Dorkin, puis tout ça, est-ce que c'est les intérêts
critiques qui doivent primer ou les intérêts expérientiels? Puis c'est très
difficile de négliger un ou l'autre, O.K., puis de le prévoir à l'avance du
mieux possible puis de le dire : Voici, moi, ce qui serait souffrant. Je
pense que, comme Jocelyn Maclure le disait, ça va peut-être passer par le
déclin avancé aussi, tu sais, la rencontre du déclin avancé, des capacités qui
vont peut-être vraiment s'apparenter à quelque chose qu'on considérerait comme
souffrant, puis à la souffrance existentielle, tu sais, la souffrance psychique
qui est difficile à mesurer. Est-ce que, face à une personne qui a l'air tout à
fait sereine, on se réfère à ses directives médicales anticipées? Je pense
qu'il va falloir y penser. Moi, ma position, c'est que c'est très difficile à
mitiger puis ça va être difficile pour les soignants. Je pense qu'il faut
prendre en considération que ça va être eux qui vont devoir faire cette
évaluation clinique là, puis il ne faut pas les laisser avec ça, il faut leur
donner le plus d'outils possible.
Et si on veut aller d'un côté où on donne
vraiment énormément de pouvoir à la personne apte sur la personne qu'elle va
devenir, si c'est le choix qu'on fait, parce qu'on envisage que c'est à elle
décider de prendre et vraiment de faire valoir...
Mme Bernier (Louise) : ...les
laisser avec ça... il faut leur donner le plus d'outils possible. Si on veut
aller d'un côté où on donne vraiment énormément de pouvoirs à la personne apte
sur la personne qu'elle va devenir, si c'est le choix qu'on fait, parce qu'on
envisage que c'est à elle décider de prendre et vraiment de faire falloir ses intérêts
critiques jusqu'à la fin, bien, il va falloir que ça soit très clair à ce
moment-là, puis anticiper des difficultés que ça pourrait avoir pour les
soignants.
Pour ce qui est de la contraignabilité, je
pense que, si tous les critères de l'article 26 sont remplis, ça pourrait
être possible d'avoir des directives médicales contraignantes, mais il faut se
laisser une marge de manoeuvre. Il faut laisser... On ne peut pas penser que
les médecins vont être des exécutants. Puis il va avoir... Je pense qu'il ne
faut pas donner l'impression aux personnes : Vous prenez votre destinée
entre vos mains, vous avez... Tu sais, il faut s'assurer que ce qu'on demande
est possible légalement.
Puis, comme on vient de voir avec la
souffrance, ce n'est pas si clair que ça. Alors, il va falloir peut-être ne pas
laisser cette impression de... tu sais, de décision contraignante en toute
circonstance, prévoir que, bien, ça se peut que dans certains cas ça ne soit
pas possible.
Puis vraiment, avec la présence des
proches, justement, essayer de, justement, prévoir cette flexibilité-là puis
devoir référer peut-être à eux dans le cas où on ne pourra pas les implanter de
façon aussi claire que c'était à la base dans notre tête, mais se laisser une
certaine marge de manoeuvre peut-être dans le consentement, une flexibilité
dans l'expression des volontés qui pourrait faire en sorte que, oui, ça serait
contraignant, mais avec la flexibilité. Si on y va avec une forme très, très,
très claire et qui ne permet pas de sortir du cadre, on va peut-être s'emmurer
dans quelque chose qui ne sera pas capable d'être mis en oeuvre par la suite.
Je ne sais pas si ça répond à vos questions.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. On passera... Je vais maintenant passer la parole au député de
Chomedey.
M. Ouellette : Bonjour,
Mme Bernier. J'ai encore moins de temps que ma collègue de Joliette, je
vais avoir le temps pour une seule question. Et je vous écoutais nous parler de
l'adhésion aux directives médicales anticipées, ce n'est pas celle qu'on
voudrait. Et j'aimerais que vous nous parliez un petit peu plus du médiateur
bioéthique, parce que vous semblez attacher une grande importance, et je vois
une très grande utilité dans cette fonction-là, et j'aimerais ça vous entendre
un petit peu plus là-dessus.
• (9 h 30) •
Mme Bernier (Louise) : Merci.
Oui. Bien, en fait, je pense qu'il y a différentes possibilités possibles. Mais
oui, je pense que quelqu'un qui... pour les directives pour le régime actuel de
directives médicales anticipées, je pense qu'il faut prévoir des ressources, je
ne pense pas qu'il faut laisser les gens tout seuls avec ces décisions-là. Puis
on réalise qu'en impliquant les parties prenantes en amont puis en... ce qu'on
appelle en anglais, là... bien, en français, la prise de décision partagée, on
réalise, il y a plein d'études là-dessus, que, quand on a une prise de décision
partagée, par la suite, les gens sont beaucoup plus enclin, justement, à aller
de l'avant, à avoir une certaine adhésion à la décision qui a été prise quand
ils ont pu anticiper...
9 h 30 (version non révisée)
Mme Bernier (Louise) : …en
anglais, là… bien, en français, la prise de décision partagée, on réalise qu'il
y a plein d'études là-dessus que, quand on a une prise de décision partagée,
par la suite, les gens sont beaucoup plus enclins justement à aller de l'avant,
à avoir une certaine adhésion à la décision qui a été prise quand ils ont pu
anticiper et aussi expliquer leur contexte de vie vraiment puis en se faisant
poser des questions, je pense que le médiateur bioéthique où ça pourrait vraiment
être un soignant ou juste une personne qui a les compétences. Mais je trouve
que les bioéthiciens, les gens qui font de la bioéthique, souvent, ou d'éthique
clinique sont très bien placés pour essayer de faire sortir les intérêts des
parties prenantes puis souvent, bien, prévoir qu'il peut avoir des conflits,
qu'il pourrait avoir des problèmes à l'intérieur puis faire sortir déjà
certaines choses à la base, certains intérêts, certaines perceptions :
Moi, je ne veux pas être un fardeau, bien, moi, je ne pense pas que tu vas être
un fardeau, puis là on établit…
Puis, moi, je ne veux pas me voir, par
exemple, vieillir comme ça puis vraiment établir, puis, tu sais, dans les
directives médicales anticipées, la rigidité de l'outil fait en sorte que
l'adhésion n'était pas au rendez-vous, parce qu'on prévoyait… et ce n'est vraiment
pas souhaitable pour moi qu'on poursuive avec cette voie-là, qu'on admette d'emblée
que, oui, ça va être plus compliqué dès le départ, mais ça va nous simplifier
la vie par la suite. Puis je pense que ce rôle-là de personnes extérieures, de
personnes… c'est sûr que ça va prendre des ressources puis il va falloir
trouver le temps. Puis je ne sais pas qui va faire ça puis où ça va être
inclus, dans les tâches de qui, mais je pense qu'il faut le prévoir absolument,
parce qu'à force de vouloir sursimplifier, bien, on arrive avec un outil qui
n'a pas d'adhésion par les personnes qui devraient justement pouvoir en
profiter.
M. Ouellette : Merci.
Mme Bernier (Louise) : De
rien. Merci à vous.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Donc, je céderais la parole maintenant à Mme la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci,
Mme la Présidente. Merci, Mme Bernier, pour la belle présentation. Lorsqu'un
patient reçoit un pronostic sombre, irréversible, comment s'assurer que la
demande de l'aide à mourir ne soit pas une détresse ou une souffrance
psychologique au-delà de la souffrance physique? Et quel est l'échéancier…
combien de temps la préparation, lorsqu'on choisit l'aide à mourir, combien de
temps on peut accompagner cette personne-là aussi?
Mme Bernier (Louise) : Merci
pour la question. Alors, je pense qu'il faut faire peut-être… la souffrance
psychologique a une valeur, hein? Ce n'est pas parce qu'une personne souffre
psychologiquement que… mais ce que je comprends, il faut départager aussi ce
qui pourrait venir d'un choc, hein, dès le départ, qui pourrait vraiment être
un choc, puis dire : Moi, je ne veux absolument pas, du tout vivre ça,
donc je veux l'aide médicale à mourir maintenant. Il pourrait y avoir un choc
comme ça et une souffrance un peu… bien, le choc de l'annonce aussi. Alors,
c'est pour ça que je pense que l'annonce doit se faire, le diagnostic,
l'annonce du diagnostic en clinique, et après il faut prévoir un autre moment, je
pense, où là on pouvoir réfléchir à certaines options. Puis moi…
Mme Bernier (Louise) : ...il
pourrait avoir un choc comme ça et une souffrance un peu... bien, le choc de
l'annonce aussi. Alors, c'est pour ça que je pense que l'annonce doit se
faire... le diagnostic, l'annonce du diagnostic en clinique, et après, il faut
prévoir un autre moment, je pense, où, là, on va pouvoir réfléchir à certaines
options.
Puis moi, ce que je pensais... C'est pour
ça que je trouve qu'il faut prévoir retourner à ces directives médicales
anticipées dans des délais très faciles. Il faut faciliter le retour, il faut
simplifier l'outil pour que la personne, justement, dans les délais qu'elle
souhaite... parce que je ne pense pas qu'on puisse établir un délai, parce que l'évolution
de la maladie va différer selon les différentes personnes, hein, puis une
personne va pouvoir rester apte très longtemps, alors qu'une autre, ça va
décliner très rapidement. Donc, je pense qu'il va falloir vivre avec cette
espèce d'incertitude qui accompagne le diagnostic, mais prévoir, dans l'outil,
au moins les mécanismes pour faciliter de retourner à l'outil, de pouvoir le
changer une fois le choc passé, tu sais, pour vraiment s'assurer... Puis je
pense que ça pourrait faire partie du suivi clinique, du standard de soins, où
on retourne à la personne puis on dit : Bon, là, le choc passé, est-ce que
c'est encore ça que tu souhaites? Quelles sont tes volontés, quelles sont tes
appréhensions par rapport à ça maintenant? Donc, je ne sais pas si ça répond
bien à votre question. Est-ce que...
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Oui, c'est parfait. Ma seule inquiétude, c'était, pour faire ce choix-là, est-ce
qu'on peut s'assurer que le patient... on a bien répondu à toutes les questions
face au patient qui demande l'aide médicale à mourir? Parce qu'on sait que la
cadence, elle est augmentée, en santé, hein? Alors, c'est mon inquiétude.
Mme Bernier (Louise) :
Hum-hum. Je pense que c'est tout à fait légitime, puis c'est pour ça qu'il faut
prévoir, je pense, une aide dès le début, avec des gens qui sont formés aussi,
avec un coaching, tu sais. Puis je pense que les ordres professionnels vont devoir
être mobilisés pour ça, là, pour dire : Bon, bien, quand on a l'outil de
la demande anticipée, là, d'aide à mourir, bien, ça, ça vient avec des responsabilités.
Puis il va falloir les attribuer à des gens, avec du coaching, avec une
formation pour aller chercher de l'information, pour vraiment s'enquérir auprès
de la personne de ce qu'elle souhaite et de pouvoir y retourner. Mais c'est
super important, vous avez raison de le mentionner.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci
beaucoup.
Mme Bernier (Louise) : Merci à
vous.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je passerais maintenant la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Bien,
merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Louise Bernier. Bien, moi, je veux
revenir un petit peu plus au niveau, là, de la mise en oeuvre, là, quand vous
dites : Là où c'est compliqué, c'est quand les personnes deviennent
inaptes. La commission des soins de fin de vie l'avait mentionné aussi, qu'il y
a une partie des gens, quand vient le temps, bien, ils ne sont plus en mesure
de faire le consentement pour l'aide médicale à mourir parce qu'ils deviennent
inaptes à prendre ces décisions-là.
Puis je veux aussi vous entendre plus, peut-être
un exemple, qu'est-ce que les proches... Parce quand on parle de proches, bien
souvent c'est des gens de la famille. Oui, ce n'est pas... ils ne peuvent pas
décider, mais vous dites qu'ils ont un grand rôle au niveau de l'implication.
Mais j'aimerais ça avoir un exemple, parce que quand vient le temps de prendre
des décisions, bien, des fois, la personne n'est plus inapte, et les proches se
retrouvent aussi avec ça entre les mains...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
...parce quand on parle de proches, bien souvent c'est des gens de la famille.
Oui, ce n'est pas... ils ne peuvent pas décider, mais vous dites qu'ils ont un
grand rôle au niveau de l'implication. Mais j'aimerais ça avoir un exemple,
parce que quand vient le temps de prendre des décisions, bien, des fois, la
personne n'est plus inapte et les proches se retrouvent aussi avec ça entre les
mains. Puis vous parliez, vous faisiez un peu référence avec le don d'organes,
tout ça, mais peut-être un exemple.
Mme Bernier (Louise) :
Parfait. Donc... Votre première question, celle sur une personne qui est devenu
inapte, comment on s'assure, si j'ai bien compris, comment on s'assure qu'on a
assez d'information, une fois que la personne est devenue inapte, pour mettre
en oeuvre ce qu'elle souhaitait, je pense que ça, ça va vraiment passer par un
outil. Avec les gens qui connaissent les différents stades de maladie, les
différents scénarios, je pense qu'on n'aura pas le choix, dans notre outil, de
prévoir des scénarios puis d'admettre qu'il y a une adaptation possible
émotionnelle, hein?
Puis quel poids on donne à cette
adaptation émotionnelle là? Est-ce qu'on ne lui donne aucun poids parce que ça
fait partie des intérêts plus expérientiels et ce qu'on souhaite, c'est
vraiment mettre de l'avant nos intérêts plus critiques, donc vraiment tout ce
qui est, bon, nos capacités intellectuelles, capacités d'interagir avec le
monde extérieur et tout? Donc, ces choses-là, il va falloir qu'on les prenne en
considération puis on donne un rôle à la personne apte, plus ou moins grand,
dans les décisions qu'elle prend pour le futur... son futur soi qui va devenir
inapte. Donc, ça, il faut que ça se réfléchisse en amont.
Et pour ce qui est de votre exemple pour
les membres de famille, je pense que, si on implique les membres de la famille
très tôt dans le processus, il pourrait y avoir des choses qui soient mises à
plat dès le départ, où, vraiment, on discute avec son proche de ce qu'il
souhaite, un petit peu comme dans le don d'organes. Tu sais, si on établit un
peu comment les choses pourraient se passer et que le patient, par exemple,
dit : Bien moi, jamais je ne voudrais vivre à vos crochets, jamais je ne
voudrais être un poids, puis que les proches disent : Bien oui, mais moi,
je veux te garder le plus longtemps possible, O.K., par exemple, comme ça, là.
Puis on a cette discussion-là puis on exprime tous les deux nos intérêts, nos
valeurs puis on réalise que la personne, bien, c'est peut-être égoïste de
vouloir la garder le plus longtemps possible parce qu'elle, elle ne veut
vraiment pas vieillir comme ça, elle ne veut pas être en perte d'autonomie.
Puis d'avoir ces conversations-là en amont, ça pourrait donner un petit peu de
matière à la fin.
Puis un autre exemple, ça pourrait être,
le fait d'impliquer les proches, bien, on reconnaît qu'ils ont une expertise,
là, d'accompagnant ou de proche ou de... Ils sont aux premières loges de
comment la personne évolue, de ce qu'elle pourrait avoir vécu, de comment elle
a vécu les choses. Est-ce qu'elle pourrait avoir changé un petit peu de
perception à travers l'évolution de la maladie? Parce qu'on a beau vouloir accompagner
la décision du début, les soignants ne seront pas, à chaque étape de la
maladie, impliqués de la même façon. Donc, les proches sont des témoins experts
de ce qui se passe. Et je pense que d'avoir eu cette conversation-là en amont,
ça peut aussi diminuer la culpabilité lorsque vient le temps d'opérationnaliser
la...
Mme Bernier (Louise) :
…accompagner la décision du début, les soignants ne seront pas, à chaque étape
de la maladie, impliqués de la même façon. Donc, les proches sont des témoins
experts de ce qui se passe et je pense que d'avoir eu cette conversation-là en
amont ça peut aussi diminuer la culpabilité lorsque vient le temps
d'opérationnaliser la décision, puis de dire : Bon, bien, je pense que
c'est le temps. C'est ce qu'il voulait, il avait été très, très clair
là-dessus. Maintenant, est-ce qu'on n'est rendu-là? Puis on prend la décision
finale, la décision qui est déjà prise, mais on l'opérationnalise en équipe. Mais
en prenant acte de l'important de la vision, la famille puis de la perception
qui ont eu aussi de ce que souhaitaient leurs proches. Si on n'a pas eu ces
conversations-là en amont, c'est très difficile après. On peut réinterpréter,
on peut… et on le voit dans le don d'organes puis on pourrait le voir ici. Si
les proches n'ont pas été impliqués dès le début, il y a des possibilités
qu'ils interprètent des choses et des façons, qui n'est pas adéquate.
• (9 h 40) •
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
J'aurais peut-être une dernière question, mais je retiens aussi quand vous
dites, là : Les proches deviennent des témoins experts. J'ai retenu ça
aussi. Quand vous dites aussi : La personne qui est rendue inapte. Oui, il
y a du personnel soignant spécialisé, entre autres, les médecins qui vont être
là aussi, là, justement parce que, c'est des soins qu'on va dire, mais
voyez-vous d'autres personnels aussi traitants? Autre que les médecins,
psychologues, infirmières, est-ce qu'il…
Mme Bernier (Louise) : Bien,
oui. Bien, oui, il y a des équipes, hein, multiples. Oui, souvent, parce que…
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Est-ce qu'il va participer aussi à la décision?
Mme Bernier (Louise) : Bien,
pour l'instant, dans la loi, c'est vraiment des médecins qui sont au coeur de
la mise en oeuvre. Mais, je pense que ces décisions-là puis ces rencontres-là
auraient certainement à se faire en… puis c'est comme ça que ça se passe en ce
moment, les évaluations, il y a quand même des équipes multidisciplinaires puis,
oui, il faut reconnaître ça parce que, là, c'est… je pense que, surtout avec
l'aspect de souffrance et l'aspect, tu sais, de déclin avancé, je pense qu'il
pourrait y avoir… puis ça libérerait aussi… c'est un gros poids d'avoir à tout
déterminer sur des critères qui sont rencontrés. Je pense que, si on pouvait
avoir des équipes spécialisées, des équipes multidisciplinaires, ça serait une
excellente idée effectivement, avec d'autres professionnels.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Bien, merci. Mme la Présidente, merci…
Mme Bernier (Louise) : Merci à
vous.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je cèderais maintenant la parole à Mme la députée de Soulanges.
Mme Picard : Bonjour,
Mme Bernier.
Mme Bernier (Louise) :
Bonjour.
Mme Picard : Je vais rebondir
un petit peu. J'avais une autre question, mais je vais rebondir un petit peu
sur la question de mon collègue. En fait, c'était superintéressant ce que vous
proposez, d'équipe, là, autour des patients qui vont prendre cette décision-là
et tout. Où vous la voyez cette équipe-là? Est-ce qu'elle serait plus dans les
hôpitaux, dans les maisons de soins palliatifs, dans les soins à domicile? Pour
notre structure actuelle du système de santé, j'aimerais savoir où vous la
voyez. Puis, ma question que j'avais, vous parlez beaucoup de diagnostics,
est-ce que, selon vous… Est-ce que ça prend absolument un diagnostic, ou bien
il y a peut-être certains diagnostics qui seraient d'emblée admissibles à
l'aide médicale à mourir, ou bien vous… Est-ce qu'on devrait s'attarder à un
diagnostic? Donc, deux petites questions.
Mme Bernier (Louise) : Alors,
pour votre première question, merci…
Mme Picard : ...est-ce que ça
prend absolument un diagnostic, ou bien il y a peut-être certains diagnostics
qui seraient d'emblée admissibles à l'aide médicale à mourir, ou bien vous...
Est-ce qu'on devrait s'attarder à un diagnostic? Donc deux petites questions.
Mme Bernier (Louise) : Alors,
pour votre première question, merci. La forme que pourrait prendre cet accompagnement
à la décision, il peut être multiple. Si — puis ça, ça va être
intéressant que vous posiez la question aux médecins qui viennent plus tard
aujourd'hui, même tout à l'heure — comment ça pourrait être intégré dans
leur pratique. Est-ce que ça alourdirait trop le processus de suivi ou non?
Mais je pense qu'il faut que ça soit formalisé, O.K.? Ça peut prendre
différentes formes. Tu sais, dans les directives médicales anticipées, ça
pourrait être, si ce n'est pas pour l'aide médicale à mourir, ça pourrait être,
tu sais, des ressources, des outils interactifs qui sont mis à la disposition,
des rencontres possibles avec des équipes, tu sais, volantes aussi qui se
promènent et tout. Ça, ça pourrait être possible.
Mais pour l'aide médicale à mourir, quand
on a un diagnostic, on a déjà un suivi clinique qui est engagé. Je pense qu'il
faut les voir probablement différemment, mais si ça pouvait s'intégrer dans le
suivi clinique, je pense que ça serait idéal de pouvoir l'intégrer, si c'est
possible, si ça n'alourdit pas trop le processus, si ça n'alourdit pas trop la
tâche des soignants. Je pense que ça, puis ça va être à voir avec le collège,
comment on prévoit cet espace de dialogue là, comment on l'intègre dans le
suivi de soins. Je pense que ça, il faut y penser, mais si ça pouvait se faire
de façon assez systématique, avec un retour possible et avec un suivi, je pense
que ça serait idéal, d'impliquer les proches aussi, dans ce suivi-là, dès le
départ.
Pour votre deuxième question... pouvez-vous
la rappeler rapidement? Excusez-moi.
Mme Picard : ... du
diagnostic...
Mme Bernier (Louise) :
Ah! oui. Oui, oui. Je suis d'accord avec le rapport Maclure à ce niveau-là.
Je pense que le diagnostic est essentiel. C'est notre point de départ, je
pense, d'un diagnostic de maladie neurocognitive, qui pourrait être assez
large. Donc, ne pas cibler une maladie en particulier, mais prévoir que quand
on s'en va dans un type de diagnostic vers l'inaptitude 'éventuelle, parce que
je pense que pour décider de ces questions-là de façon éclairée, le diagnostic
ancre la décision dans une réalité, en fait, qui est nécessaire, je pense, pour
la première étape.
Éventuellement, est-ce qu'on pourrait
envisager, des directions anticipées plus larges, déconnectées d'un diagnostic?
Peut-être ou non, mais pour l'instant, je pense qu'il faut vraiment... L'idée
due d'aide gouvernementale est importante pour assurer que justement, ces
décisions-là s'ancrent dans une réalité et ça éclaire énormément la décision à
ce moment-là puis ça permet ce que j'ai proposé comme accompagnement.
Mme Picard : Merci beaucoup.
Mme Bernier (Louise) : Merci à
vous.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je cèderais la parole… je retournais à Mme la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci, Mme la Présidente. Du potentiel médical anticipé concernant l'aide à
mourir devrait-elle être obligatoirement formulée par écrit?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je cèderais la parole… je retournais à Mme la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci, Mme la Présidente. Du potentiel médical anticipé concernant l'aide à
mourir devrait-elle être obligatoirement formulée par écrit? Par exemple, une
personne devenue inapte mais ayant exprimé oralement à ses proches une volonté
de recevoir l'aide médicale à mourir alors qu'elle était apte devrait-elle être
considérée comme admise?
Mme Bernier (Louise) : Bonne
question. Je pense que oui. Je pense qu'il faut que ça soit… non. En fait, non.
Je pense qu'il faut prévoir que ce soit fait par écrit par une personne apte
pour éviter… si on veut que ça soit une réelle décision médicale anticipée, il
faut pouvoir… il faut que ça soit signé, il faut que ça soit consigné par
écrit. Si la personne n'est pas capable de signer, il faut qu'il y ait une
trace.
Mais de permettre que la personne dise…
bien, ça laisse trop de place à l'interprétation. Puis ce n'est pas qu'on ne
fait pas confiance aux familles, sûrement que c'est vraiment tout à fait vrai
que la personne, elle a dit ça, mais je pense que si on veut — les
mesures de sauvegarde sont importantes dans ces domaines-là — je
pense que si on veut éviter, justement, les interprétations, hein, on veut
quand même s'assurer que c'est la décision de la personne et qu'on peut se
référer à un document, à, vraiment, un énoncé de volonté. Je pense que c'est
nécessaire de prévoir une forme très… justement, de formaliser le processus,
absolument.
Sinon, il y a trop d'interprétations
possibles. Il y a des dérives possibles également. On ne peut pas le nier que
des personnes pourraient peut-être vouloir trouver que c'est un fardeau aussi
ou penser, peut-être, dans leur for intérieur, que ce n'est pas humain, O.K.,
mais je pense que pour des décisions aussi importantes de vie, de mort, de fin
de vie, je pense que la décision doit clairement être exprimée par la personne.
Et pour pouvoir, nous, comme… vous, comme soignant, comme personne, aussi,
d'avoir l'espèce de garantie, un peu, procédurale, qui nous permet de se
rassurer que c'était vraiment son choix parce que ce n'est pas anodin. Et je
pense qu'il faut vraiment passer par ce formalisme-là.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Je cèderais maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : …si je peux… ma
collègue de Westmount—Saint-Louis avait des questions préalablement, et moi
après, merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, tout à fait. Parfait, merci.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Mme Bernier. Ça tombe bien, vous avez évoqué «place à
l'interprétation», puis je pense qu'entre nous, on a beaucoup de préoccupations
en ce qui concerne la notion d'inaptitude. Est-ce que… puis vous ne l'avez pas
évoqué nécessairement dans votre présentation, mais comment voyez-vous la façon
que nous allons déterminer l'aptitude ou l'inaptitude à une façon de consentir
aux soins? C'est une question qui me préoccupe beaucoup, beaucoup, surtout… ce
serait ma question préliminaire, mais je… parce que si vous pouvez le faire en
rafale…
Mme Maccarone :
...comment voyez-vous la façon que nous allons déterminer l'aptitude ou
l'inaptitude à une personne de consentir aux soins? C'est une question qui me
préoccupe beaucoup, beaucoup, surtout. Ça serait ma question préliminaire, mais
ça sera de la suite, parce que si vous pouvez le faire en rafale, on comprend
que le rapport puis les recommandations de Me Filion et M. Maclure,
on évoque qu'il y a autres situations d'inaptitude à consentir qui devraient
être considérées comme les personnes qui souffrent de déficience
intellectuelle, ou du spectre de l'autisme, ou ayant des troubles de santé
mentale.
Alors, est-ce qu'il y a une façon de
s'assurer qu'on ne fait pas fausse route en identifiant peut-être des critères
d'admissibilité ou un autre potentiel d'élargissement des autres critères? Puis
comment allons-nous définir ceci? Parce que ce n'est pas nécessairement une
personne qui est inapte. Moi, je suis maman de deux enfants autistes. Ils sont
aptes à quelques moments puis ils sont inaptes en autres moments. Alors, je
pense que nous devrons vraiment se pencher sur ces questions.
Mme Bernier (Denise) :
Excellentes questions. Donc, je pense que pour votre première question sur
l'aptitude, en ce moment, c'est l'évaluation des critères de Nouvelle-Écosse,
là, qui prévaut en fait. Et donc il va falloir s'assurer, quand on va chercher
ce consentement-là, que la personne, justement... Bien, au moment du
consentement, on veut que la personne soit apte. O.K.? Pour donner un
consentement valide, on souhaite que la personne soit apte à donner ce
consentement-là. Ça fait partie des conditions. Pour donner un consentement
valide, il faut être apte à le faire, sinon ça sera un consentement substitué.
O.K., ce qu'on... On n'est pas rentré là-dedans.
• (9 h 50) •
Donc, si on veut donner le consentement,
il faut... Donc, si on suit les critères de la Nouvelle-Écosse, il faut
comprendre la nature de sa maladie, le but du traitement, du soin, ici, le
but... les risques associés à ce traitement-là, les risques de ne pas subir le
traitement, puis se demander si la capacité qu'on a de consentir est affectée
par la maladie qu'on a. O.K.? En ce moment, quand on se demande si une personne
est inapte à consentir aux soins, on va se poser ces questions-là.
Donc, je pense que ça serait une
évaluation clinique qui reprend ces éléments-là. Au moment de prendre la
décision, il faudrait s'assurer qu'on remplit ces critères-là. Puis au moment
où on considère qu'on est inapte, bien, on ne les remplit plus. O.K.? Puis les
critères ne sont pas cumulatifs. Ça fait qu'à partir du moment où on a deux ou
trois critères, ça peut être suffisant pour dire qu'on a perdu notre aptitude.
O.K.? Et je pense que pour l'instant ce qu'on considère, qu'on envisage, c'est
de prendre une personne qui est apte à prendre la décision à un certain moment.
Donc, quelqu'un qui n'aurait jamais été apte à décider de la façon dont... avec
les critères dont on vient de parler, ne serait pas éligible, n'aurait pas...
On n'ouvrirait pas l'aide médicale à mourir à cette personne-là qui n'aurait
pas pu exprimer...
Mme Bernier (Louise) : …c'est
de prendre une personne qui est apte à prendre la décision à un certain moment.
Donc, quelqu'un qui n'aurait jamais été apte à décider de la façon dont… avec
les critères dont on vient de parler, ne serait pas éligible, n'aurait pas… on
n'ouvrirait pas l'aide médicale à mourir à cette personne-là, qui n'aurait pas
pu exprimer son consentement libre et éclairé alors qu'elle était apte. C'est
la première étape. Est-ce qu'un jour, on envisagera des décisions, substituer
les représentants légaux qui pourraient prendre la décision pour les personnes
inaptes jusqu'à l'aide médicale à mourir? Peut-être qu'on va, un jour, arriver
là, mais là, je pense que pour la première étape, il faut vraiment qu'on ouvre
à la personne qui est apte au moment où elle prend sa décision. Je ne sais pas
si ça répond bien à votre question?
Mme Maccarone : Oui et non.
Par rapport à la question, c'est sûr, j'aurais voulu avoir des précisions parce
que, tu sais, une question d'inaptitude, puis aptitude, ça peut vraiment
évoluer.
Mme Bernier (Louise) : Tout à
fait.
Mme Maccarone : Puis vous avez
parlé un peu, dans votre témoignage, que, peut-être, on devrait prévoir un
délai ou une double signature, par exemple. Quand on parle des personnes qui
souffrent de … ou une déficience intellectuelle, par exemple, ce n'est peut-être
pas les mêmes mesures qui pourront être utiles pour accompagner de telles personnes
parce que le manque de compréhension n'est peut-être pas là.
Mme Bernier (Louise) : Tout à
fait.
Mme Maccarone : Alors, est-ce
qu'il y a d'autres mesures que nous devons prévoir pour protéger ces personnes,
protéger leur famille et aussi respecter leur droit civil de militer pour
elles-mêmes, prendre des décisions pour elles-mêmes?
Mme Bernier (Louise) : Oui,
oui, absolument. Je pense que vous avez raison de dire : Bien, si on est
capable d'identifier que, selon la loi ou selon les critères, ces personnes-là
ont des moments d'aptitude, c'est tout à fait… Puis, tu sais, on considère que
les personnes qui, pour avoir un régime de protection d'ouvert, par exemple, ne
sont pas inaptes pour autant. Puis ça, c'est très important, vous le mentionnez,
puis ça, il faut vraiment, vraiment considérer ça, à ce moment-là, de dire que
les personnes, qui ont un diagnostic x, ou qui ont une condition x,
ne sont pas inaptes en raison de leur condition. Ça sera toujours une question
de fait, l'évaluation, hein, de l'aptitude, puis ça, il faut vraiment,
vraiment… vous avez raison de le mentionner.
Pour l'instant, ce à quoi on pense ouvrir,
c'est, vraiment, les personnes qui ont reçu un diagnostic de maladie
neurocognitive, donc c'est vraiment très précis, et elles sont aptes, à ce
moment-là, et elles vont perdre leur aptitude. Donc là, si on se concentre
là-dessus, je pense qu'on peut prévoir, vraiment, d'évaluer l'aptitude à
différents moments. Si, éventuellement, on voulait ouvrir à d'autres catégories
de patients, bien je pense qu'il faudrait réfléchir, en amont, à comment on
évalue l'aptitude, est-ce qu'on l'évalue à différents moments, comme vous
dites? Est-ce qu'il faut… Puis, oui, trouver le difficile équilibre entre la
possibilité, pour eux, de décider pour eux-mêmes lorsqu'ils sont aptes, puis en
même temps les protéger contre des dérives. Donc, oui, vous avez raison, c'est
ça, c'est une question très complexe.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Je céderais la parole à mon collègue de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci. Et merci,
Mme la Présidente. Merci, Mme Bernier, pour vos interventions assez
pertinentes et intéressantes. Et votre appel à nous, qu'en soit, il y a lieu à…
Mme Maccarone : ...merci, Mme
la Présidente. Je céderais la parole à mon collègue de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Mme Bernier, pour vos interventions assez pertinentes et intéressantes
et votre appel à nous qu'on soit... Et il y a lieu à réexaminer tout ce qui est
autour des directives médicales anticipées, et que, de plusieurs façons, ces
mêmes questions se posent en tout ce qui a trait à l'aide médicale à mourir.
Ces directives, par contre, actuellement, si
j'ai bien compris, sont remplies par plusieurs gens et plusieurs personnes qui
ne sont pas confrontées par un diagnostic grave. Et les experts, jusqu'à date,
nous conseillent de circonscrire notre débat, en tout ce a trait à l'aide
médicale à mourir, aux gens qui auraient reçu un diagnostic, comme je dis,
assez grave. C'est un paramètre assez important, mais qui peut être discuté.
Est-ce que vous avez un point de vue à
partager avec nous sur cette question? Est-ce qu'on devrait absolument limiter
nos délibérations aux gens confrontés par un tel diagnostic?
Mme Bernier (Louise) : Bonne question,
merci. Moi, je pense que, dans une... bien, c'est vraiment mon premier réflexe,
ce serait que, dans une première étape d'ouverture d'aide médicale à mourir aux
personnes inaptes, on le fasse de façon connexe à un diagnostic, parce que,
comme je disais, le diagnostic éclaire les circonstances, donne un ancrage réel
à la prise de décision. On n'est pas dans... Puis vous avez raison de
mentionner que, pour les directives médicales anticipées, en ce moment, on le
fait de façon tout à fait déconnectée d'un diagnostic ou d'une possibilité,
O.K., sauf que ça va s'appliquer dans trois situations, qui seront des
situations prédéterminées.
Et je pense qu'éventuellement on pourrait
penser qu'on va ouvrir plus largement peut-être, mais pour l'instant, je pense
que, si on ouvre l'aide médicale à mourir, si on veut avoir un consentement
réellement éclairé, il faut... Et puis moi, je pense que les directives
médicales anticipées, en ce moment, avec consentement, à cause de la présomption
d'information puis pour plein, plein, plein de raisons, le consentement n'est
pas suffisant, ce qui est demandé. Donc, je pense que, pour la suite, il faut
s'assurer d'avoir un consentement éclairé puis d'aller chercher tous les
éléments de contexte nécessaires pour éclairer le consentement.
Vu qu'on parle de personnes qui vont être
rendues inaptes, et qu'on parle d'aide médicale à mourir, je pense que, pour ce
soin-là en particulier, le fait de commencer de façon plus prudente, avec des
diagnostics de façon vraiment plus limitée... je pense que c'est la voie à
suivre personnellement, effectivement.
M. Birnbaum : Merci. À juste
titre, vous nous parlez du fardeau actuel, en tout ce qui a trait aux
directives, de s'auto-informer, et ça résonne. À quelque part, si on veut
parler d'un accès étendu, équitable pour les gens moins éduqués, pour les
gens...
M. Birnbaum : ...du fardeau
actuel en tout ce qui a trait aux directives de s'autoinformer, et ça résonne.
En quelque part, si on veut parler d'un accès étendu, équitable pour les gens
moins éduqués, pour les gens en région éloignée où les services sont moins
disponibles, ce fardeau, j'en conviens, est assez grand. En même temps, on doit
porter attention à votre observation, vous en conviendrez. J'imagine qu'on
parle d'une demande ambitieuse, c'est-à-dire comment est-ce qu'on peut
rectifier cette situation? Est-ce que vous avez quelques suggestions de l'ordre
général, comment on peut assurer que l'offre est réelle, facile et équitable
pour tout le monde?
Mme Bernier (Louise) : Oui.
Bien, j'ai étudié certains régimes qui sont ailleurs et je pense qu'il y a vraiment
des bonnes pratiques, notamment en Alberta, en Colombie-Britannique, où on a
prévu des outils d'aide à la décision, tu sais, qui étaient virtuels. Je ne
pense pas que ça... je pense qu'il faut faire vraiment la différence entre des
demandes d'aide médicale à mourir anticipées. Ça, je pense qu'il va falloir vraiment
que ça soit accompagné de façon très, très serrée.
Pour les directives médicales anticipées
où il y a absolument... où on doit s'informer, s'autoinformer puis on n'a pas
de ressource, moi, j'ai fait l'exercice à quelques reprises d'appeler,
d'essayer de m'informer juste pour voir un peu si on pouvait avoir des
ressources, très difficile. Donc, je pense qu'il faudrait prévoir des points...
un accès à... Tu sais, on ne peut pas penser que tout le monde va aller remplir
ses directives médicales anticipées avec un professionnel de la santé, ça va
être... c'est trop long, mais de l'information, des capsules d'information, un
outil, justement, informatique, mais qui serait interactif, certaines
ressources aussi, certains points de contact qui pourraient être assez
facilement établis pour vraiment avoir des personnes qui peuvent faire... Parce
que, là, on remet tout sur les notaires puis sur les personnes qui doivent
elles-mêmes trouver l'information. Ce n'est pas adéquat.
Ça fait que je pense qu'il y a vraiment
des... il y a quand même un juste milieu à trouver entre investir énormément
puis ce n'est pas réaliste et trouver certains outils, mais qui pourraient être
informés, puis surtout se départir du «checklist» oui ou non parce que, dans le
fond, ça ne donne absolument aucun contexte. Donc, prévoir vraiment un endroit
pour établir c'est quoi nos priorités de vie, qui on est, tout ça, je pense que
c'est un outil qui doit être beaucoup bonifié.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Merci, M. le député. Donc, je céderais maintenant la parole à M.
le député de Gouin.
• (10 heures) •
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme
la Présidente. J'ai peu de temps, je vais vous poser... Et bonjour, Pre
Bernier, merci de vos commentaires ce matin. Je vais vous poser deux questions
en rafale si vous le voulez bien. D'abord, sur la question du formulaire,
vous le jugez, si je comprends, actuellement simple, voire simpliste, là, pour
ce qui est de vraiment bien cerner le consentement des gens. J'ai lu votre
article, je le comprends, puis, mettons, je vous soumets amicalement une
objection...
10 h (version non révisée)
M. Nadeau-Dubois : …sur la
question du formulaire, vous le jugez…
Une voix : Oui.
M. Nadeau-Dubois : … si je
comprends, actuellement, simple, voire simpliste, là, pour ce qui est de
vraiment bien cerner le consentement des gens. J'ai lu votre article, je
comprends, puis mettons je vous soumets amicalement une objection, c'est-à-dire
comment ne pas tomber dans l'autre extrême, c'est-à-dire avoir un formulaire
qui devient trop exigeant, tout le monde n'a pas la même littératie, tout le
monde n'a pas la même capacité de comprendre. Tu sais, vous parlez par exemple
de faire un exposé des valeurs, tout ça, tu sais, c'est très bien du point de
vue du principe, là, ou théoriquement, mais concrètement, jusqu'à quel point
est-ce qu'on peut s'attendre à ce que des gens, qui ont un niveau de littératie
moyen ou en bas de la moyenne, soient en mesure de remplir ces exigences-là.
Bref, est-ce qu'il n'y a pas le risque d'un formulaire qui serait trop
exigeant? Première question.
Deuxième question, juste pour clarifier
vraiment votre avis sur cette question-là. Admettons qu'on inventait un
formulaire qui serait idéal, là, ou qui se rapproche de l'idéal, que la
personne est accompagnée par ses proches, qu'il y a le processus de coaching
auquel vous faisiez allusion un peu plus tôt. Admettons que tout ça se passe,
et que tout ça se passe bien. La personne arrive à un état dans sa maladie où
elle n'est plus apte à décider et là, à ce moment-là, elle manifeste, de
manière claire, nette, un refus de l'aide médicale à mourir… juste pour bien
cerner votre position, là. Si tout a été fait dans les règles de l'art, là,
dans le processus le plus idéal qui soit en amont, mais qu'arrivé au moment
fatidique il y a expression claire d'un refus. Quel consentement devrait
prévaloir, celui de la personne inapte qui dit : Non, je ne veux pas, ou
celui de la personne apte, encadrée, coachée, alimentée qui a, sur plusieurs
mois, exprimé, par exemple, en amont, un consentement éclairé? Lequel des deux
consentements devrait l'emporter à ce moment-là?
Mme Bernier (Louise) :
Parfait. Merci pour vos questions. Alors, je réponds à la première. Pour… je
conçois, effectivement, qu'il faut que dans un outil idéal prévoir que, bien,
il ne faut pas que ça soit trop compliqué non plus, puis il ne faut pas que ça
soit trop ambitieux. Je pense qu'il y a vraiment des bonnes pratiques qui
existent, d'outils d'aide à la décision, O.K., qui sont vraiment très simples.
Je pense qu'un exposé de valeurs, ça n'a pas besoin d'être compliqué. Ça peut
être de répondre à quelques questions, puis sur le site de la RAMQ il y a des
informations qui ont été ajoutées récemment. Mais je pense que ça doit être
centralisé dans le document, en fait. Ça fait que je pense qu'il y a plusieurs…
Puis ça pourrait être un vidéo, ça pourrait être quelque chose d'assez simple,
d'expliquer un peu qui prend la décision et qu'est-ce qui est à la base de
cette décision-là, de vouloir refuser ou de vouloir même accepter. Il y a un
autre problème dans les directives médicales anticipées, c'est qu'on peut
accepter à l'avance tous les soins. Donc, il y a ça, là, tu sais, qu'est-ce qui
est derrière? Je pense que ça, vraiment, il y a des formulaires qui pourraient
exister qui seraient bonifiés, où on ne va pas dans l'espèce de piège des cases
à cocher, mais qu'on donne un petit peu plus de contexte sans que ça tombe dans
quelque chose de trop…
Mme Bernier (Louise) : ...peut
accepter à l'avance tous les soins. Donc, il y a ça, là. Tu sais, qu'est-ce qui
est derrière? Je pense que ça, vraiment, bien, il y a des formulaires qui
pourraient exister qui seraient bonifiés où on ne va pas dans l'espèce de piège
des cases à cocher, mais qu'on donne un petit peu plus de contexte sans que ça
tombe dans quelque chose de trop complexe non plus. Je pense qu'il y a moyen,
il y a moyen de le faire avec le bon outil.
Pour ce qui est du refus catégorique... Je
ne sais pas si ça répond, mais sinon, on pourra revenir. Mais sinon, pour ce
qui est du refus catégorique, c'est une superbonne question. Un refus
catégorique de l'inapte, ce n'est pas un vrai refus de soins, hein, parce qu'un
inapte ne peut pas refuser ou consentir de façon... de la même façon qu'une
personne apte, donc ça n'aura pas le même poids que le consentement anticipé,
qui est un consentement valide, d'une personne apte.
Comment c'est traité dans la loi, le refus
catégorique, ça n'a pas une valeur de refus de soins. Ce que ça dit, c'est que
ça dit : Il faut aller devant les tribunaux pour faire autoriser les soins
à ce moment-là. On reconnaît cette capacité résiduelle, O.K., de l'inapte et on
va aller en discuter. Je pense que sans avoir une position très tranchée de
dire : Bien, il faut respecter le refus catégorique, il faut certainement
le considérer, O.K., il faut certainement aller en discuter en plus grand
comité, il faut prévoir une instance, comme c'est le cas dans
l'article 16. De toute façon, c'est déjà prévu dans votre Loi concernant
les soins de fin de vie qu'advenant un refus catégorique il faut se référer à
l'article 16, donc ce n'est pas nouveau. Puis, dans le Code criminel, pour
l'instant, ça empêche le deuxième... l'aide médicale à mourir. Bon.
Mais le refus catégorique a certainement
une valeur, et ça ne sera pas la même valeur, comme je disais, que le
consentement anticipé. Mais il faut reconnaître que, si on passe par-dessus, ça
pourrait avoir énormément de conséquences à la fois émotives pour les proches,
pour les soignants. Il y a eu des poursuites dans certains pays où on a forcé
l'aide médicale à mourir chez une personne qui avait l'air de vouloir la
refuser. Donc, d'aller chercher de l'aide, d'aller chercher des personnes avec
qui on peut en discuter puis évaluer la situation avec, comme qu'on disait, le
consentement le plus... le mieux fait possible avec énormément de contexte qui
va nous aider, justement, à interpréter ce refus catégorique là.
Ce n'est pas impossible que, dans notre
consentement en amont, on aurait prévu ce scénario-là, O.K. Puis il faut faire
la différence entre refus catégorique puis un réflexe biologique, là, tu sais,
quelqu'un qui juste refuse... Bon.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme Bernier. C'est très intéressant, mais c'est tout le
temps qu'on avait aujourd'hui. Merci beaucoup pour votre contribution aux
travaux. C'est vraiment très intéressant, on en aurait pris encore.
Mais malheureusement je dois suspendre les
travaux pour accueillir nos prochains invités. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 6)
Une voix
: ...merci.
Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 6)
(Reprise à 10 h 10)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous sommes de retour. Nous accueillons maintenant notre prochain invité,
le Dr Alain Naud. M. Naud... Dr Naud, vous disposez de 20 minutes pour
nous présenter votre exposé et, par la suite, il y aura un échange de
40 minutes avec les membres de la commission. Donc, je vous cède maintenant
la parole, docteur.
M. Naud
(Alain) :Merci beaucoup, Mme la
Présidente. D'entrée de jeu, bien, je tiens à remercier la commission de
l'invitation, c'est un grand plaisir d'être là pour porter auprès de vous la
voix des soignants, des malades et de leurs proches pour ce qui est de l'aide
médicale à mourir, en particulier, et des soins de fin de vie, et c'est une
mission que je me suis donnée, là, dès l'application de la loi, en décembre
2015.
D'entrée de jeu, j'aimerais faire une mise
au point, c'est que, bien que je sois membre des conseils d'administration à la
fois du CHU de Québec-Université Laval et du Collège des médecins du Québec,
c'est uniquement à titre personnel et en tant que médecin impliqué dans l'aide
médicale à mourir et les soins de fin de vie que je m'adresse à vous aujourd'hui.
Je ne représente pas ces organisations. Alors, le contenu du mémoire que je
vous ai soumis et mes propos n'engagent personne d'autre que moi-même.
Pour me présenter, rapidement, je suis médecin
de famille, médecin en soins palliatifs, là, depuis 36 ans maintenant. J'ai été
le premier médecin au Canada à parler publiquement de son implication, là, dans
l'aide médicale à mourir, en avril 2016. J'ai aussi été témoin expert en aide
médicale à mourir et soins palliatifs au procès Gladu-Truchon. J'ai agi comme
conférencier dans au-delà d'une cinquantaine de congrès médicaux, là, depuis
cinq ans et comme personne-ressource dans les médias, là, à près de 130
reprises. Et j'ai une expérience personnelle d'accompagnement et d'évaluation
de malades avec l'aide médicale à mourir dans plus d'une centaine de situations...
et agi comme mentor auprès de plusieurs dizaines, là, de professionnels.
Je commencerai par quelques constats sur
le terrain québécois, des plus de cinq ans d'expérience que nous avons
maintenant avec l'aide médicale à mourir. Et c'est clair pour moi et, je pense,
pour à peu près tout le monde, là, que les travaux actuels et futurs ne doivent
pas remettre question la légitimité de l'aide médicale à...
M. Naud
(Alain) : …plusieurs dizaines de professionnels.
Je commencerai par quelques constats sur
le terrain québécois, des plus de cinq ans d'expérience que nous avons
maintenant avec l'aide médicale à mourir. Et c'est clair pour moi et, je pense,
pour à peu près tout le monde, là, que les travaux actuels et futurs ne doivent
pas remettre en question la légitimité de l'aide médicale à mourir. Cette
légitimité-là, elle a été établie et très bien établie par le débat public de
société que nous avons fait au Québec, là, de 2009 à 2014. Mais les travaux
devraient porter sur la correction de nos erreurs à la lumière de l'expérience
acquise et sur les enjeux futurs d'accessibilité.
Un constat que je réitère d'emblée, c'est
que l'aide médicale à mourir, c'est fondamentalement un acte médical dont
l'évaluation et la conformité professionnelle et déontologique relèvent des
conseils de médecins, dentistes et pharmaciens, ainsi que du Collège des
médecins du Québec. Un sondage récent du Collège des médecins du Québec
montrait que 89 % des médecins au Québec sont plutôt ou totalement
d'accord avec l'aide médicale à mourir, et 9 % d'entre eux l'ont déjà
administrée. Depuis décembre 2015, l'aide médicale à mourir existe au Québec et
est administrée de façon rigoureuse, et en tout respect des lois.
Un point que je dois absolument
mentionner, vous savez, les opposants religieux et idéologiques à l'aide
médicale à mourir nous ont fait des prophéties depuis longtemps, et continuent
de le faire, de dérapages et de pente glissante. Un point que je dois soulever,
c'est qu'effectivement depuis cinq ans il y a eu de nombreux dérapages, et il
continue d'en avoir, et il y a une pente glissante qui a été prise, mais elle
n'est pas dans l'évaluation et l'administration de l'aide médicale à mourir,
elle est dans l'obstruction qui existe encore à un accès légitime à l'aide
médicale à mourir par des individus ou des établissements par pure opposition
idéologique ou religieuse.
Les statistiques qui sont compilées par la
commission des soins de fin de vie montrent qu'un malade sur trois qui a signé
une demande d'aide médicale à mourir n'a pas pu y avoir accès, et on ne sait
pas pourquoi, hormis de les classer en trois grandes catégories : demandes
refusées, non administrées, devenus inaptes entre-temps. Il n'y a aucun examen
qui est toujours fait de ces demandes-là, et c'est clairement là que sont les
dérapages. Je pense que tous les professionnels qui sont impliqués sur le terrain
le constatent régulièrement à la grandeur de la province, certaines régions
beaucoup plus que d'autres… et se perpétuent parce que ça se fait en toute
impunité, parce que, même si ça fait cinq ans qu'on le demande, il n'y a aucun
examen systématique de ces refus et non-administrations qui sont faits. Alors,
vous pensez bien que les opposants idéologiques et religieux s'en donnent à
coeur joie là-dedans. Et, quand on parle des malades vulnérables qui ne sont
pas protégés, clairement, ce sont tous ces malades, et non pas ceux qui
reçoivent actuellement l'aide médicale à mourir, parce que ça se fait au terme
d'un processus extrêmement rigoureux, complexe qui implique, pas juste deux
médecins, mais toute une équipe de professionnels qui se porte garante aussi, là,
de la rigueur de l'exercice. Et, dans le 33 % de malades, on ne parle même
pas de tous ceux à qui on a empêché, hein, délibérément de signer une demande
officielle d'aide médicale à mourir. Et ça aussi, évidemment, on…
M. Naud (Alain) : …rigoureux,
complexe qui implique, pas juste deux médecins, mais toute une équipe de professionnels
qui se porte garante aussi, là, de la rigueur de l'exercice. Et, dans le
33 % de malades, on ne parle même pas de tous ceux à qui on a empêché,
hein, délibérément, de signer une demande officielle d'aide médicale à mourir.
Et, ça aussi, évidemment, on n'en connaît pas le nombre, mais on peut supposer
qu'ils sont encore plus nombreux.
Je me dois de dire un mot sur le lobby
religieux, je pense, parce que c'est important de le mettre à jour parce que
l'intérêt du lobby religieux… Et comprenez bien que je n'ai aucune, aucune
objection à l'opposition religieuse. Je pense que l'opposition religieuse, de
quelque nature que ce soit, elle est très légitime, parfaitement légitime, et
doit être respectée. Là où je n'ai aucun respect, c'est quand cette opposition
religieuse s'exerce de façon cachée, soigneusement cachée et mesquine. Parce
que l'intérêt du lobby religieux, ce n'est pas de participer au débat, ce n'est
pas de faire avancer le débat, ce n'est pas d'amener des idées, mais c'est
uniquement d'imposer une conviction personnelle à l'ensemble de la population.
Et, ça, on le constate sur le terrain de façon, là, très régulière.
Le premier mandat de la commission était
de discuter des conséquences du retrait de critères de fin de vie, qui a été
ordonné par la Cour supérieure du Québec, et vous aurez compris, si vous avez
jeté un coup d'oeil à mon mémoire, que ça ne peut pas se limiter qu'à cet
objectif, mais qu'on doit plutôt discuter des conséquences de l'inaction du
gouvernement du Québec à ne jamais avoir modifié sa propre loi depuis
juin 2014 en fonction de l'évolution de la société et du droit sur cette
question.
Depuis Carter, le jugement unanime de la
Cour suprême du Canada, en février 2016, il était évident, je pense pour
tout le monde, que la loi du Québec était dépassée, était injustement
restrictive et aurait dû être revue. Et non seulement elle aurait dû être revue
à cette occasion, mais elle aurait dû, pas juste pu, mais dû être revue à de
nombreuses occasions. Dès juin 2016, dès février 2015, pardon, avec
l'arrêt Carter de la Cour suprême du Canada. Ensuite, juin 2016, avec
l'adoption par le parlement canadien de C-14. Septembre 2019, avec le jugement
Gladu-Truchon de la Cour supérieure du Québec. Et tout récemment, mars 2021,
avec C-7 qui venait, encore une fois, modifier le Code criminel canadien.
La coexistence de ces deux lois, depuis le
tout début au Québec, a fait porter sur les épaules des médecins un poids qui
est tout à fait intolérable. D'un cafouillage juridique, qu'on dénonce depuis
cinq ans, et qui existe encore et qui s'est même amplifié, récemment, avec des
communications récentes d'un sous-ministre à la Santé et de la Commission sur
les soins de fin de vie.
Vous verrez, à la page 6 de mon
mémoire, j'ai mis une page complète d'extraits du jugement Gladu-Truchon de la
Cour supérieure du Québec, et vous verrez que la Cour supérieure du Québec
n'est pas tendre au regard de l'immobilisme du gouvernement du Québec à revoir…
M. Naud
(Alain) : …récemment avec des communications récentes d'un sous-ministre
à la Santé et de la commission sur les soins de fin de vie.
Vous verrez, à la page 6 de mon
mémoire, j'ai mis une page complète d'extraits du jugement Gladu-Truchon de la
Cour supérieure du Québec, et vous verrez que la Cour supérieure du Québec
n'est pas tendre au regard de l'immobilisme du gouvernement du Québec à revoir
sa propre loi. Et je vous en cite juste deux ou trois phrases, là :
«À l'évidence, la loi québécoise ne peut
s'appliquer dans un cadre totalement hermétique, à l'abri des répercussions de
l'arrêt Carter ou du nouveau paysage législatif québécois. L'absence de
motivation quant à son inaction à réagir aux enseignements de la Cour suprême…
Carter, milite contre une grande déférence. Vu sous cet angle, l'inertie ne
peut servir d'argument pour justifier de déférence — justifier la
déférence. Le Québec ne peut rester les bras croisés et ignorer la nouvelle
réalité dans laquelle sa loi sur l'aide médicale à mourir s'inscrit. La Cour
supérieure avait donné six mois aux deux paliers de gouvernement pour
harmoniser leurs lois.
Enfin, cette période de suspension
permettra une concertation du Parlement et de la législature afin d'éviter de
perpétuer les incongruités actuelles en matière d'aide médicale à mourir au Québec,
et le législateur fédéral adopte un régime plus permissif que celui existant au
Québec, sans aucune réponse législative de la part du gouvernement québécois.
Par conséquent, depuis l'entrée en vigueur de la loi fédérale, le 17 juin
2016, les critiques à l'endroit de ces incongruités ne cessent d'être réitérées
dans les sphères médicale et publique québécoises. Précurseurs en matière d'aide
médicale à mourir au Canada, les Québécois se voient aujourd'hui imposer les
conditions les plus restrictives d'admissibilité à travers le pays.»
Alors, comme dans la pièce de théâtre,
bien, on attend Godot et on attend toujours, en 2021, et on se fait dire qu'en
2021, on va continuer d'entendre. Mais les conséquences, bien, elles sont
nombreuses et elles sont majeures. On en a fait et on continue de faire porter
le poids de la responsabilité de l'interprétation sur les épaules des médecins,
ce qui est intolérable depuis cinq ans et ce qui l'est de plus en plus. Et les
répercussions, bien, elles sont sur les malades et elles sont sur la
population. Alors, les conséquences, c'est que de nombreux médecins ont
délaissé l'aide médicale à mourir à cause de ce cafouillage juridique et un
nombre probablement encore plus grand refuse de s'impliquer pour la même
raison.
• (10 h 20) •
Depuis l'adoption de C-7 récemment, en
mars 2017… 2021, pardon, bien, il y a… et ça a été aggravé par une
communication du sous-ministre à la Santé et de la commission sur les soins de
fin de vie, il y a de nombreux médecins qui ont délaissé de nouveau l'aide
médicale à mourir et de nombreux autres, maintenant, qui refusent de voir un
malade qui n'est pas à l'unité de soins palliatifs ou qui n'a pas un pronostic
de moins de deux mois pour cette raison.
Donc, les conséquences sont nombreuses et
tristement, bien, les conséquences de ça, depuis cinq ans, bien, c'est un accès
restreint à l'aide médicale à mourir, c'est des médecins qui quittent ou qui
refusent de s'engager, c'est des malades qui sont injustement refusés au Québec
et admissibles partout ailleurs au Canada, c'est un accès inégal à l'aide
médicale à mourir, et ce sont des fins de vie indignes qu'on observe depuis
plus de cinq ans maintenant. Parce qu'il y a eu de trop nombreux reportages
média qui ont fait état de Québécois qui sont morts à la suite de grèves de la
faim, qui se sont suicidés ou qui sont allés mourir…
M. Naud
(Alain) : …Canada, c'est un accès inégal à l'aide médicale à
mourir, et ce sont des fins de vie indignes qu'on observe depuis plus de cinq
ans maintenant. Parce qu'il y a eu de trop nombreux reportages médias qui ont
fait état de Québécois qui sont morts à la suite de grèves de la faim, qui se
sont suicidés ou qui sont allés mourir en Suisse au coût de 40 000 $,
parce qu'injustement refusés au Québec, et qui auraient été admissibles partout
ailleurs au Canada. Et cette situation-là se perpétue.
Notre conscience professionnelle comme
médecins et nos obligations déontologiques nous dictent d'agir d'abord et avant
tout dans l'intérêt du malade. C'est nous, médecins et soignants, qui sommes au
chevet de ce grand malade souffrant qui nous regarde dans les yeux et qui nous
demande avec anxiété et appréhension dans la voix : Docteur, allez-vous
pouvoir m'aider? Je n'en peux plus. C'est motivés des mêmes intérêts et
obligations envers nos malades que nous ne pouvons plus fermer les yeux et
détourner le regard et tolérer les situations d'indignité que nous dénonçons
depuis des années, qui sont uniques et propres au Québec. Et comme médecins,
actuellement, ce serait une grave faute déontologique et professionnelle, à mon
avis, de refuser une aide médicale à mourir à un malade parce qu'il ne répond
pas à un critère de la loi n° 2 et de le
regarder béatement agoniser et mourir à petit feu d'une grève de la faim, se
suicider ou aller mourir en Suisse, alors qu'il aurait été admissible partout
ailleurs au Canada en vertu d'une loi pancanadienne et du Code criminel.
L'inaction du gouvernement du Québec,
depuis 2014, à légiférer pour ajuster sa propre loi à l'évolution de la société
et du droit ne peut servir de prétexte ni d'argument pour continuer à imposer
des fins de vie indignes à nos malades. Et a posteriori, bien, quand on regarde
l'arrêt Carter, le jugement Gladu-Truchon de la Cour supérieure du Québec,
C-14, C-7, adopté récemment en mars 2021, il n'y a absolument rien qui
justifie que les Québécois aient un accès plus restreint à l'aide médicale à
mourir que les citoyens du reste du Canada. Verra-t-on prochainement un médecin
québécois accusé au criminel et emprisonné parce qu'il a prodigué l'aide
médicale à mourir à un malade à l'encontre d'un critère de la loi n° 2
mais en parfaite conformité et respect du Code criminel canadien? Si c'est le
cas, bien, je vous annonce que je me porte volontaire pour être le premier
médecin.
Alors, il est important de corriger ce
cafouillage juridique là et, à notre avis, bien, il y a juste deux solutions,
qui passent forcément par des mesures législatives. La première serait d'abolir
tout simplement et carrément le chapitre sur l'aide médicale à mourir de la loi
québécoise. Depuis l'arrêt Carter qui a obligé le Canada à modifier le Code
criminel, bien, la rationnelle qui nous avait permis, au Québec, de mettre en
place l'aide médicale à mourir ne tient plus.
Et la seconde possibilité, bien, c'est
d'harmoniser complètement la loi n° 2 sur l'aide médicale à mourir, pour
ce qui est du chapitre de l'aide médicale à mourir, avec le Code criminel
canadien, et il y a beaucoup de travail à faire. Et je mentionne quelques
éléments, et le premier élément que je dois mentionner, je suis obligé de le
faire en tant que médecin et je le fais au nom de mes collègues médecins à
travers la province, c'est de revoir la commission sur les soins de fin de vie.
J'y consacre six pages dans mon mémoire. Alors, évidemment, je ne prendrai pas
tout le temps pour vous relire tout ce que j'ai documenté et l'argumentaire que
j'y ai mis mais…
M. Naud (Alain) :
...le premier élément que je dois mentionner, je suis obligé de le faire en
tant que médecin, et je le fais au nom de mes collègues médecins à travers la
province, c'est de revoir la Commission sur les soins de fin de vie. J'y
consacre six pages dans mon mémoire. Alors, évidemment, je ne prendrai pas tout
le temps pour vous relire tout ce que j'ai documenté et l'argumentaire que j'y
ai mis, mais c'est un sérieux problème. Je pense que, dès 2016, on a vu que
c'était une erreur qui avait été mise dans la loi, cette commission-là, du
moins le mandat qu'on lui a confié d'évaluer la conformité des aides médicales
à mourir administrées au Québec. Ça a eu des conséquences dramatiques.
Cette commission-là, par sa composition,
les outils, le mandat dont elle est dispose, est parfaite pour être un
observateur des soins de fin de vie au Québec, mais n'est absolument pas,
absolument pas crédible, compétente pour évaluer la conformité des aides
médicales à mourir. Les décisions ont été arbitraires, jamais justifiées. Elle
fait ses propres interprétations des critères de la loi. Elle s'immisce, depuis
le tout début, et encore aujourd'hui, dans un jugement sur l'évaluation de
l'acte médical quand elle décrète que le malade n'était pas en fin de vie, que
le malade n'était pas apte à consentir, que le malade ne souffrait pas de
maladie grave et irrémédiable, et même, remettait en cause, parfois, le
diagnostic qui avait été établi et le pronostic. C'est clairement de
l'ingérence dans l'évaluation de l'acte médical. Et, bon, j'ai mis la
conclusion de tout ça à la page 15 que je vous laisserai lire. Moi-même,
j'ai reçu plusieurs dizaines de lettres de cette commission-là, et pourtant, je
considère que je fais une pratique absolument rigoureuse, exemplaire dans
l'aide médicale à mourir.
Deuxième élément, la possibilité de
renonciation à l'obligation d'aptitude au moment de la procédure dans le cas
d'une mort naturelle raisonnablement prévisible. Et comprenons que ça n'a rien
à voir avec le deuxième mandat de la commission qui est d'évaluer les
directives anticipées dans le cas de diagnostics de démence, on parle ici de
gens qui ont été admis à l'aide médicale à mourir, pour qui il y a une date qui
est prévue et qui risquent de perdre leur aptitude entre temps.
Et, depuis janvier 2016, on dénonce ces
situations-là qui est une injustice de la loi. Puis on a vu des malades qui
devançaient le moment de l'aide médicale à mourir par crainte de manquer l'aide
médicale à mourir, des malades qui refusaient délibérément de prendre leurs
narcotiques, de prendre les médicaments pour dormir, les anxiolytiques, dans
les derniers jours de vie, encore là, de peur de rater l'aide médicale à
mourir. Et on a vu de trop nombreux malades mourir indignement parce que, le
moment venu de l'aide médicale à mourir, ils n'étaient plus aptes, et à ce
moment-là, bien, on devait les regarder mourir à petit feu dans un coma, une
agonie interminable, et supporter la détresse des familles et des soignants qui
étaient témoins de ça.
Alors, le fédéral a bien entendu ces
demandes-là et a intégré, hein, dans sa nouvelle loi, la possibilité de
renoncer au moyen d'un formulaire écrit. Récemment, bien, il y a un
sous-ministre et la commission qui nous écrivent pour dire : Bien, vous ne
pouvez faire ça au Québec, parce que la loi n'a pas été changée. Donc, vous
comprenez que c'est…
M. Naud
(Alain) :…fédéral a bien entendu ces
demandes-là et a intégré, hein, dans sa nouvelle loi, la possibilité de
renoncer au moyen d'un formulaire écrit. Récemment, bien, il y a un
sous-ministre et la commission qui nous écrivent pour dire : Bien, vous ne
pouvez pas faire ça au Québec, parce que la loi n'a pas été changée. Donc, vous
comprenez que c'est… on ne peut pas, nous, comme médecins, fermer les yeux
là-dessus et continuer à tolérer des situations, là, d'indignité. Nos
obligations professionnelles et déontologiques, notre sens du devoir et du
respect des malades, leur droit à l'autodétermination, ainsi que l'humanité et
la compassion et la bienveillance dont nous les entourons ne nous permettent
pas d'obtempérer aveuglément à ces directives injustes et cruelles. Directives
qui émanent d'autant plus d'un ministère et d'un gouvernement qui portent la
seule, la totale responsabilité de son inaction depuis sept ans, et qui essaie
de la refiler sur le dos des médecins et surtout de la population.
Réhabiliter le critère d'admissibilité, de
maladie, affection ou handicap : Encore là on invoque que la loi
québécoise n'a pas été changée pour nous dire, à nous, médecins, bien, le handicap
et l'affection ne sont pas admissibles à l'aide médicale à mourir. Alors,
ironiquement, ça aurait comme conséquence que M. Jean Truchon, qui vous vous
rappelez avait reçu une exemption personnelle de la Cour supérieure du Québec
pour avoir accès à l'aide médicale à mourir et qui l'a reçue l'an dernier, si
M. Truchon faisait une demande aujourd'hui, il ne serait pas admissible à l'aide
médicale à mourir parce qu'il a un handicap, alors que la Cour supérieure du
Québec (Carter C14 et C7) nous disent que ces gens-là doivent être
admissibles. Et bon… introduire des sanctions en cas d'action délibérée pour
entraver l'aide médicale à mourir, c'est malheureusement ce qu'on voit encore
trop, régulièrement, partout en province encore aujourd'hui, et ça se fait en
toute impunité parce qu'encore une fois il n'y a aucun mécanisme qui est prévu,
d'examen de ces cas, il n'y a aucune déclaration, aucun compte à rendre des
médecins ou des établissements qui le font.
• (10 h 30) •
Je sauterai sur les autres recommandations.
Évidemment, je pense qu'elles sont assez bien détaillées, explicites dans le
mémoire, et j'irai directement sur la section II qui est la possibilité
d'introduire, par des directives anticipées, une aide médicale à mourir future
après avoir reçu un diagnostic de démence, d'alzheimer ou autre démence
associée. Je pense que c'est une demande qui est très importante, très sentie
dans la population. Comme médecin de famille, je peux vous dire que, depuis 10
ans, il n'y a pas une semaine où je ne me fais pas poser des questions sur ce
sujet-là par des patients qui disent : Quand est-ce qu'on va enfin pouvoir
le faire? La maladie d'Alzheimer, c'est très prévalent, on sait que le nombre
de cas va exploser dans les 20 prochaines années. Toutes les familles sont
concernées. Il y en a, des situations d'alzheimer, dans toutes les familles, et
je pense que les gens connaissent trop bien le caractère incurable et la lente
et cruelle dégradation de cette maladie, où le cerveau meurt plusieurs années
avant le corps, ainsi que la finalité. Encore là, en respectant le principe
d'autodétermination, je pense qu'il faut offrir aux gens le choix de leur fin
de vie, de ce qu'ils considèrent être une…
10 h 30 (version non révisée)
M. Naud
(Alain) : ...et la lente et cruelle dégradation de cette
maladie où le cerveau meurt plusieurs années avant le corps, ainsi que la
finalité. Encore là, en respectant le principe d'autodétermination, je pense
qu'il faut offrir aux gens le choix de leur fin de vie, de ce qu'ils
considèrent être une dignité de fin de vie. Et je mets dans le mémoire une
mécanique qui serait, à mon avis, relativement simple à mettre en place et qui
permettrait de respecter cette situation-là.
Et je terminerai, dans la dernière minute
qu'il me reste, sur la santé mentale et l'aide médicale à mourir. Je pense
qu'il y a beaucoup d'enjeux, je les mentionne là-dedans, mais la question n'est
pas de savoir est-ce qu'on devrait le faire, moi, je pense que la question, ça
va être de convenir en débat de société des balises à mettre en place d'ici à
ce que le Code criminel soit modifié pour le permettre, parce que rien
actuellement n'interdit d'accepter les problèmes de santé mentale à l'aide
médicale à mourir.
Mais il y a un défi, certainement,
d'information et de formation auprès de la population, parce que ça évoque
beaucoup de choses dans l'esprit de la population qui n'ont rien à voir avec le
type de malades qui pourraient être admissibles. Vous avez reçu la Dre Gupta,
que j'ai déjà vu dire : En 20 ans de pratique comme psychiatre, j'ai un
malade qui aurait pu être admissible. Je peux vous dire qu'en 36 ans de
pratique comme médecin de famille — et la santé mentale, c'est 20% de
ma pratique, là — je ne vois aucun malade qui aurait pu être
admissible éventuellement à l'aide médicale à mourir pour un problème de santé
mentale pur ou principal. Et pourtant, la souffrance, elle est là.
Et quand on invoque, bien, les ressources,
bien, à quelque part, il faut cesser d'opposer ressources et accès à l'aide
médicale à mourir, les opposants l'ont fait avec la santé physique, et il faut être
capable d'offrir évidemment les ressources suffisantes et l'aide médicale à
mourir pour ceux qui pourraient y avoir accès. Parce qu'il faut bien réaliser
qu'en santé mentale comme en santé physique, tout l'argent et toutes les
ressources du monde ne pourront jamais tout guérir et ne pourront jamais
soulager toutes les souffrances.
Alors, bien, Mme la Présidente, je pense
que mon temps est écoulé. Je m'arrêterai là-dessus et je serai heureux de
répondre aux questions des députés.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dr Naud. Je céderais la parole au député de Chomedey.
M. Ouellette : Merci, Dr
Naud. Votre mémoire a le mérite d'être clair, votre position a le mérite d'être
claire aussi. On a un mandat, et qui regarde plus vos recommandations 13 et 14.
J'aurais aimé... parce qu'on aura des observations à faire aussi, et j'aurais
aimé que vous me parliez un peu plus de votre recommandation 6, là, parce que
tout ce qui est de l'aide médicale à mourir, ce n'est pas répertorié, puis ce
qui n'est pas administré, je veux dire, on n'a pas de suivi. Est-ce qu'on devra
en tenir compte dans notre rapport qu'on aura à soumettre avant de changer la
loi?
M. Naud
(Alain) : Merci beaucoup pour votre question, M. le député,
elle est importante. Clairement, oui. Et vous savez, ça n'a pas besoin d'un
changement législatif, hein, il suffirait juste d'une directive ministérielle
pour dire : À partir...
M. Ouellette : ...est-ce
qu'on devra en tenir compte dans notre rapport qu'on aura à soumettre avant de
changer la loi?
M. Naud
(Alain) :Merci beaucoup pour votre question,
M. le député, elle est importante. Clairement, oui. Et vous savez, ça n'a pas
besoin d'un changement législatif, hein? Il suffirait juste d'une directive
ministérielle pour dire : À partir de demain matin, on met en place un
mécanisme pour réexaminer systématiquement toutes les demandes refusées et non
administrées parce que, comme je vous l'ai mentionné, c'est clairement là que
seront les dérapages qu'on observe depuis le tout début et qu'on continue
malheureusement d'observer encore, donc.
Et, moi, je suis interpellé, là, je vous
dirais, pratiquement à toutes les semaines, par des médecins à travers la province
qui veulent me parler : Bien, qu'est-ce que je vais faire là, bien, ça n'a
pas de bon sens ce que j'observe actuellement? Et tout ça se fait de façon tout
à fait anonyme et en toute impunité parce qu'il n'y a aucune déclaration de ces
cas-là. Hein, vous savez, là, le médecin, là, qui dit simplement à son
patient : Ne faites pas de demande d'aide médicale à mourir, là, vous êtes
refusé d'emblée; bien, il ne laisse pas de note nulle part, là, donc il n'a pas
de comptes à rendre, il n'y a aucun document à remplir, il ne recevra aucune
lettre de la Commission sur les soins de fin de vie., et ça, malheureusement,
là, on le voit trop souvent encore.
Encore cette semaine, hein, il y a des
malades qui ont vu leur demande d'aide médicale à mourir être mise à la
poubelle carrément. Il y a des malades dont on met leur demande d'aide médicale
à mourir sur la tablette et on attend tout simplement qu'ils meurent, après plusieurs
semaines, sans qu'ils aient été évalués. Il y a des malades qui sont
injustement refusés sans raison, sans explication. Il y a des pressions qui
s'exercent sur les malades, parfois des professionnels eux-mêmes, parfois de la
famille, et ça, on l'a entendu, famille qui va voir le malade qui a fait une
demande à l'hôpital et qui dit : Si tu ne retires pas ta demande, on ne
vient plus te voir. Donc, on doit s'assurer qu'un malade qui fait une demande
le fait de façon libre et éclairée sans contrainte ni menace, mais il n'y a personne
qui s'assure qu'un malade qui retire une demande le fait d'une façon libre et
éclairée, sans contrainte et menace, et ça, on le voit malheureusement trop
souvent.
Il y a des malades qui font une demande d'aide
médicale à mourir à leur médecin, là, clairement, pas une demande d'information :
Je veux avoir l'aide médicale à mourir; et qui se font répondre : Nous en
reparlerons dans une semaine, vous n'êtes pas rendu là. Parlez-en d'abord à vos
enfants. Vous ne pouvez pas faire de demande d'aide médicale à mourir. L'aide
médicale à mourir, ça ne se fait pas ici, donc envisagez une autre option. On
peut vous faire une sédation palliative à la place. Et ça, je vous le dis, là,
les dérapages et les indignités, là, elles sont fréquentes.
Donc, il suffirait d'une directive ministérielle
pour dire : À partir de demain, on met en place un mécanisme d'examen de
ces demandes, et ça pourrait être fait très, très rapidement, et il est urgent
qu'on le fasse. Nous le demandons depuis 2016. Au CHU de Québec, il y a un an
maintenant, on a pris la décision d'examiner systématiquement toutes ces
demandes refusées et non administrées parce que c'est important qu'on le fasse,
et je pense que ça devrait être fait à la grandeur de la province.
M. Ouellette : Merci.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci, M. le député. Merci, Dr Naud. Je
céderais maintenant la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
:
Merci...
M. Naud
(Alain) : …d'examiner systématiquement toutes ces demandes
refusées et non administrées, parce que c'est important qu'on le fasse, et je
pense que ça devrait être fait à la grandeur de la province.
M. Ouellette : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député de… le député. Merci, Dr Naud. Je céderais maintenant la
parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
:
Merci, Mme la Présidente. Merci, Dr Naud, pour votre mémoire. Et vous avez
parlé tantôt de démence… de la démence heureuse de l'Alzheimer, que c'était
quelque chose qui allait être de plus en plus fréquent dans toutes les
familles. Moi, j'aimerais vous entendre par rapport à la démence heureuse puis
le retrait de consentement final. Comment qu'on devrait considérer une demande
d'aide médicale à mourir comme exutoire, malgré l'absence de souffrance de la personne
qui en fait la demande? Et, au niveau médical, comment s'assurer de façon
définitive que la personne est atteinte de démence, d'Alzheimer par exemple, ou
de souffrances de manière grave et irréversible? Puis en même temps, j'aimerais
vous amener aussi… bien, que vous nous ameniez dans votre réflexion :
advenant qu'il y a un refus catégorique de l'aide médicale à mourir, ça a été
consenti antérieurement, mais que, plus la démence arrive, la personne, elle
est quand même sereine, heureuse, puis, disons, elle n'a plus les conditions de
souffrance qu'elle avait évoquées? Alors, comment vous voyez ça, ce refus-là, à
un moment donné?
M. Naud
(Alain) : Merci, Mme la députée. C'est aussi une question très
importante que vous posez. Écoutez, sur la démence heureuse, je pense qu'il y
aurait beaucoup de choses à dire, là. Il faut concevoir le concept de
souffrance pas juste comme douleur physique, hein? Parce que, malheureusement,
là, on a tendance à… dans notre esprit et dans l'esprit de la population, là,
de dire : Bien, la souffrance, c'est la douleur physique. Si la douleur
physique est bien soulagée, puis la personne est souriante et a l'air
confortable, quelle raison a-t-on de lui administrer l'aide médicale à mourir?
Alors, il faut bien comprendre que la souffrance, c'est aussi la souffrance
psychique, et la souffrance physique, ça dépasse de loin la simple douleur
physique. Ça peut être par exemple de ne plus être capable de s'alimenter,
d'être totalement alité, d'avoir des ponctions, des examens répétés, d'être
complètement dépendant des autres pour tous ses besoins de base. Tout ça, c'est
de la souffrance physique.
Et, dans le cas de la démence d'Alzheimer
et autres démences associées, je pense qu'il faut juste… il ne faut pas
s'arrêter à la souffrance, mais parler aussi de dignité de fin de vie. Et, vous
savez, je le disais tantôt, l'Alzheimer, tout le monde connaît ça, là. On sait
comment ça évolue, on sait comment ça se finit, quand le malade meurt en stade
7, hein, couché dans son lit en chien de fusil, là, alors que le seul réflexe
qu'il a, c'est d'ouvrir la bouche quand on lui met quelque chose sur le bord
des lèvres, là. Et qu'est-ce qu'on répondrait à un malade, par exemple, qui
dirait qu'il a reçu un diagnostic d'Alzheimer et qui dirait : Bien, vous
savez, moi, quand j'ai une maladie d'Alzheimer, je ne veux pas mourir comme
j'ai vu mourir mon père, mon frère ou ma soeur, et, quand je serai rendu à un
stade où est-ce que je ne reconnais plus personne depuis par exemple six mois,
que je ne suis plus capable seul d'assumer mes besoins de base ou que je suis
alité complètement, je…
M. Naud
(Alain) : ...j'ai une maladie d'Alzheimer, je ne veux pas
mourir comme j'ai vu mourir mon père, mon frère ou ma soeur. Et, quand je serai
rendu à un stade où est-ce que je ne reconnais plus personne depuis, par
exemple, six mois, que je ne suis plus capable seul d'assumer mes besoins de
base ou que je suis alité complètement, je considérerai que ma vie à ce moment
n'aura plus de sens, que ma vie sera indigne, et je vous autoriserai à ce qu'on
puisse la terminer dans ce que je considère être une fin de vie plus digne avec
l'aide médicale à mourir. Peu importe que je sois... que j'aie l'air heureux ou
pas, là, je considérerai que ma propre vie n'aura plus de sens à ce moment-là.
Alors, si un malade nous demande ça, qui sommes-nous pour lui dire : Bien,
tu as tort ou tu as raison? Je pense qu'il appartient à chaque individu de
choisir sa propre fin de vie et de considérer ce qui lui apparaît être une fin
de vie digne. Vous avez des convictions religieuses et, pour vous, l'important,
c'est d'attendre que le moment... le moment où Dieu viendra vous chercher,
parfait, ça doit être respecté. Mais pour quelqu'un qui dit : Moi, rendu à
ce stade-là, là, je vous autoriserai à m'administrer l'aide médicale à mourir,
je pense qu'on a l'obligation de respecter ça.
• (10 h 40) •
Et les gens le feront au moyen de
directives anticipées, et je propose une mécanique à cet effet-là. Et vous
savez, donner des directives avancées alors qu'on est inapte, là, on le fait
déjà. Quand on fait un mandat en cas d'inaptitude, bien, on désigne un
mandataire à qui on a confiance pour nous représenter et prendre des décisions
à notre place au moment où on ne sera plus apte. Dans un testament, quand on
désigne un liquidateur, bien, en principe, c'est quelqu'un en qui on a
confiance et qu'on a confiance qu'il ne trahira pas nos volontés. Alors, je
vous propose, dans le mémoire, une mécanique qui pourra être mise en place, là,
relativement facilement, à mon avis, et qui permettrait de respecter, là, ces
dernières volontés là du malade.
Évidemment, ces volontés-là, bon, comme je
le mentionne, on devrait, après le diagnostic, attendre un certain temps, parce
qu'évidemment il y a un choc à absorber. Il faut orienter le malade vers les
ressources appropriées, l'information, demande qui devra être répétée, et
demande qui pourra être retirée tant que le malade est apte à le faire, et par
la nomination d'un mandataire. Le mandataire n'aurait pas comme pour mandat de
déterminer que le moment est venu, mais bien d'aviser l'équipe traitante
d'évaluer voir si ce moment est venu.
Et il appartiendrait à chaque malade de
déterminer que le moment est venu au moyen de critères, là, facilement
objectivables, et le malade choisirait les critères qui, pour lui, représentent
de l'indignité de fin de vie dans sa condition évolutive, là, d'alzheimer. Par
exemple, ça fait six mois que je ne reconnais plus mes proches de façon
constante, je suis totalement alité, je suis totalement dépendant des autres
pour mes besoins de base, j'ai un comportement agressif qui est incontrôlable
depuis plusieurs mois. Alors, on pourrait mettre une série de critères comme
ça. Et, encore une fois, je pense qu'il appartient à chaque personne de déterminer
ce qui correspond à de la dignité ou de l'indignité de fin de vie, et ça doit
dépasser largement la simple notion de douleur physique bien ou mal soulagée...
M. Naud (Alain) :
...critères comme ça. Et encore une fois je pense qu'il appartient à chaque
personne de déterminer ce qui correspond à de la dignité ou de l'indignité de fin
de vie. Et ça doit dépasser largement la simple notion de douleur physique bien
ou mal soulagée.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci. Je céderais la parole au député de Mégantic
M. Jacques : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, Dr Naud. Juste une petite question pour compléter,
là, un peu, là, ce que ma collègue de Saint-François a parlé. Au niveau du consentement,
de ce que je comprends, là, ce que vous suggérez, c'est que lorsque la maladie
apparaît, dans un premier temps, la personne pourrait avoir recours à un genre
de mandat d'inaptitude pour dire c'est quoi les soins de fin de vie qu'elle
désire, et à quelle étape qu'elle les désire, et qu'après ça il y ait un délai
de trois à six mois avant qu'elle puisse le recevoir minimalement. C'est bien
ça? Je comprends?
M. Naud (Alain) : C'est
bien ça, oui.
M. Jacques : Donc, une
personne qui ferait un mandat d'inaptitude dans son vivant, qui n'a pas aucune
maladie, ne pourrait pas déjà stipuler certaines recommandations par rapport à
ce qu'il pourrait lui arriver plus tard.
M. Naud (Alain) : Oui. Merci,
M. le député. En effet, vous avez tout à fait raison. Ce que j'amène, c'est que
je ne pense pas qu'on puisse le demander à l'avance. Vous savez, quand on a
20 ans, 30 ans, 40 ans, de dire : Vous savez, moi, si rendu
à 80 ans, j'ai une maladie d'Alzheimer, vous m'administrez l'aide médicale
à mourir. Là, je pense que ce n'est pas adéquat. Évidemment, beaucoup d'eau va
couler sous le pont. Et il peut se passer bien des choses.
Alors, moi, je pense que ce n'est pas une
directive anticipée dans le sens ce que qui existe actuellement du registre des
DMA, des directives médicales anticipées. Donc, je pense qu'on ne peut pas
demander à l'avance ce soin-là, mais uniquement une fois qu'on a reçu un
diagnostic de démence et alors qu'on est encore, évidemment, dans les premiers
stades de la maladie, parce que c'est une maladie qui évolue, hein, sur de
nombreuses années, là. Et ça prend plusieurs années avant que le malade
devienne inapte, là.
Donc, ça serait vraiment après avoir reçu
un diagnostic dans la condition, dans la situation sociale et familiale où se
retrouve ce malade et après une certaine période d'attente minimale, comme je
le mentionnais. Parce qu'il y a un choc à absorber, là, quand on se fait dire
qu'on a une maladie d'Alzheimer, là. Je pense que tous les gens qui sont au
chevet le savent très bien et tous les gens qui accompagnent ces malades-là ou
qui l'ont vécu le savent très bien aussi, là. Donc, ce serait juste après le
diagnostic, après une période d'attente minimale, au moyen d'un formulaire,
d'une directive spécifique à cet effet qui devrait être, encore une fois,
répétée, là, au moins trois à six mois plus tard. Et on pourra débattre du
délai éventuellement.
Et l'autre point important, c'est que ce
mandat-là devrait être contraignant, hein, c'est-à-dire que pas soumis au
jugement des proches, des enfants, de la famille, des frères et des soeurs, là,
comme le sont les directives médicales anticipées actuellement et qui ont une
nature contraignante. Alors, même si les enfants ne sont pas d'accord, bien, écoutez,
c'est la volonté du malade. Et cette volonté-là doit être respectée. Mais, en
effet, ce que je propose, c'est que ça se fasse uniquement après avoir reçu
officiellement un diagnostic.
M. Jacques : Bien, je
vous remercie. Je vais laisser les questions aux autres collègues, là. J'aurais
beaucoup de questions, là, mais je vais laisser la place...
M. Naud
(Alain) : …alors, même si les enfants ne sont pas d'accord,
bien, écoutez, c'est la volonté du malade et cette volonté-là doit être
respectée. Mais, en effet, ce que je propose, c'est que ça se fasse uniquement
après avoir reçu officiellement un diagnostic.
M. Jacques : Bien, je vous
remercie. Je vais laisser les questions aux autres collègues. J'aurais beaucoup
de questions, mais je vais laisser la place Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci, M. le député. Donc, je céderais la parole à Mme la députée
d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Naud, pour votre belle présentation. La
perte de capacité, soit une aptitude, n'est pas un phénomène, mais c'est
toujours possible d'anticiper. Par exemple, traumatismes crâniens cérébraux et
les AVC peuvent engendrer d'importantes séquelles et entraîner l'inaptitude de
manière soudaine. Dans ce contexte, serait-il possible de faire une directive
médicale anticipée pour l'aide médicale à mourir, en l'absence de diagnostic?
M. Naud
(Alain) : Merci, Mme la députée, pour votre question.
Évidemment, l'enjeu que vous soulevez est très important. Écoutez, je pense
qu'avec l'aide médicale à mourir, hein, on évolue, la société continue
d'évoluer, et je pense qu'il faut y aller par étapes aussi, se concentrer sur
les enjeux les plus importants, les besoins les plus ressentis, immédiats, là,
dans la population. Et je pense que la fréquence de la pathologie doit être
prise en compte dans la décision là-dessus.
Ce que vous soulevez est effectivement très
important, mais si on essaie de légiférer pour pouvoir… sur ce problème-là, on
risque de s'embarquer dans de grands débats, sur quelle pathologie va-t-on
accepter, quels en sont les critères, vous savez, tous les troubles
neurologiques, etc., les AVC, les ICT, les paralysies. Est-ce qu'on accepte
quelqu'un qui a juste un problème de langage, suite à un AVC, qui a une
paralysie complète? On risque de faire un très long débat sur cette
question-là, alors que, dans le cas de la démence, d'Alzheimer et autres
démences associées, je pense qu'on est capable d'agir et d'aller rapidement
là-dessus parce que, clairement, c'est très prévalent, hein, c'est très présent
dans notre société, ça évolue, on connaît ça. La démence, l'Alzheimer, on sait
comment ça évolue, on sait quand ça commence, on sait comment ça se termine, et
je pense qu'il y a beaucoup moins de débats à faire ou d'imprécisions
là-dessus.
Alors, ce que vous soulevez, oui,
j'applaudirais, là, à l'idée de pouvoir éventuellement y arriver, mais je pense
qu'on devrait d'abord commencer avec la maladie d'Alzheimer et autres démences
associées, se donner un petit peu de temps de roder ça, de voir, est-ce qu'il y
a des écueils qui apparaissent qu'on n'avait pas pu voir venir, et
éventuellement peut-être ouvrir, là, à d'autres conditions neurologiques comme
celles que vous mentionnez, hein? Je pense que l'aide médicale à mourir, là, on
n'est pas au bout du chemin, on est au tout début. La société va continuer
d'évoluer là-dessus, et on devra toujours le faire, en gardant à l'esprit
l'intérêt des malades, évidemment, et le respect de ces malades-là. Mais ma
proposition serait qu'on commence par l'Alzheimer…
M. Naud
(Alain) : …que vous mentionnez, hein. Je pense que l'aide
médicale à mourir, là, on n'est pas au bout du chemin, on est au tout début. La
société va continuer d'évoluer là-dessus et on devra toujours le faire en
gardant à l'esprit l'intérêt des malades, évidemment, et le respect de ces
malades-là. Mais ma proposition serait qu'on commence par l'Alzheimer et les
démences associées.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Mme la députée, donc, je cèderais la parole à Mme la députée de Soulanges.
Mme Picard : Bonjour. Merci beaucoup,
Dr Naud, d'être parmi nous aujourd'hui. Je ne sais pas si vous avez écouté
Mme Bernier qui a passé juste avant vous, mais elle adressait une idée
d'intégrer une équipe multi, une équipe qui serait, peut-être, avec un
psychiatre, avec un professeur d'éthique ou quelqu'un, dans le fond, qui
pourrait aider les docteurs à prendre leur décision, mais faire vraiment une
belle équipe autour du patient et de son proche. Pensez-vous qu'on pourrait
intégrer cette équipe multi là aux professionnels? Donc, vous êtes, là, qui… en
fait pour empêcher d'alourdir votre travail, mais aussi pour ne pas allonger
les délais non plus, là. Comment vous voyez ça, vous?
M. Naud
(Alain) : Oui, merci, Mme la députée. Vous faites référence,
j'imagine, aux démences, hein, et à l'Alzheimer et autres démences associées,
oui. Bien, tout à fait. Écoutez, non, je n'ai pas pu assister à la présentation
précédente parce que j'étais dans les techniques pour ma propre présentation.
Bien, c'est ce que je propose dans mon
mémoire d'ailleurs, hein. C'est que, vous savez, il faudrait mettre en place
une équipe multidisciplinaire. Quand je disais tantôt dans la mécanique, pour
la personne elle-même de désigner un mandataire, bien, son rôle, en fait… et on
ne fera pas porter le poids de la responsabilité, là, de la décision à ce
mandataire, là, mais son rôle serait seulement d'aviser l'équipe, le moment
venu que… Bien, écoutez, je me demande si les critères que la personne a
désignés elle-même, là, ne sont pas maintenant atteints, qui serait temps de
procéder à son évaluation, là. Et cette évaluation ne devrait pas être confiée
à un seul individu, à un seul médecin, elle devrait être confiée à une équipe
multidisciplinaire, et c'est tout à fait, là, ce que je propose. Et ce que je
propose, évidemment, on peut en débattre, là, mais ça devrait être minimalement
un médecin, une infirmière, une travailleuse sociale qui sont au chevet de la
personne, qui la connaisse bien, qui sont déjà impliqués, et on pourrait
élargir l'équipe avec un éthicien, là. Évidemment, je n'y vois absolument aucun
problème. Et c'est cette équipe-là qui prendrait la décision finale de
dire : Oui, le moment est venu d'administrer l'aide médicale à mourir. Et
ça pourrait se faire très bien.
• (10 h 50) •
Une des recommandations, là, évidemment,
qui sont dans le mémoire sur laquelle je n'ai pas eu le temps de revenir, par
aide médicale à mourir, par voie orale. À ce moment-là, on n'a pas besoin
d'injection nécessairement, hein. Puis l'aide médicale à mourir par voie orale
qu'on ne devrait pas appeler le suicide assisté, quant à moi, là, ça n'a rien
avoir avec le suicide assisté, là, c'est vraiment de l'aide médicale à mourir.
C'est juste la voie d'administration qui est différente, et ça pourrait être
fait par les IPS, parce qu'une autre de mes recommandations, c'est qu'il est
urgent qu'on intègre les IPS à l'aide médicale à mourir, comme partout ailleurs
au Canada. Donc, ces malades-là, évidemment, sont dans des centres de soins
prolongés, hein. On s'entend que rendu à ce stade-là très peu seront
probablement à la…
M. Naud
(Alain) : …rien à voir avec le suicide, là, c'est, vraiment, de
l'aide médicale à mourir, c'est juste la voie d'administration qui est
différente. Et ça pourrait être fait par les IPS, parce qu'une autre de mes
recommandations, c'est qu'il est urgent qu'on intègre les IPS à l'aide médicale
à mourir, comme partout ailleurs au Canada. Donc ces malades-là, évidemment,
sont dans centres de soins prolongés, hein, on s'entend que, rendus à ce
stade-là, très peu seront, probablement, à la maison, là. Les IPS sont très
impliquées dans les CHSLD, leur apport est précieux. Alors, l'équipe
multidisciplinaire aurait le mandat d'évaluer, si le moment est venu, et si le
moment est venu, bien, tout simplement, par l'administration de l'aide médicale
à mourir par voie orale, qui pourrait être faite par le médecin ou par
l'infirmière, avec les mêmes conditions que l'aide médicale à mourir, qu'on
connaît bien, actuellement, là, pourrait être prodiguée, à ce moment-là. Alors,
je suis tout à fait d'accord avec ça, évidemment.
Mme Picard : Merci, merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. M. le député de Lac-Saint-Jean, 1 min 30 s, s'il vous
plaît.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Oui, bonjour, M. Naud. Tout à l'heure, on amenait madame… un professeur
titulaire de l'Université de Sherbrooke, qui a parlé du formulaire, le fameux
formulaire, là, de remplir un formulaire. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Naud
(Alain) : Écoutez, une de mes recommandations, c'est d'abolir,
tout simplement, dès maintenant, le formulaire de déclaration provincial. La
première version, là, sur papier, était une horreur absolue, là. Ça a été fait
par des juristes, pour des juristes, qui ont certainement eu beaucoup de
plaisir à le concevoir, là, mais qui n'avait aucune utilité clinique médicale,
et c'est quand même aux médecins qu'on confie la responsabilité, là, d'évaluer
et d'administrer l'aide médicale à mourir. Est arrivé en novembre 2018 le
formulaire unifié électronique pancanadien, du gouvernement fédéral, qui est, à
mon avis, infiniment mieux fait que le formulaire provincial. On nous avait
promis une harmonisation, ce n'est pas le cas, du tout, hein, alors ça fait
juste compliquer les choses, prend beaucoup plus de temps, parce que là, on a
un formulaire électronique où est-ce qu'on a la partie provinciale, après ça,
la partie fédérale, avec beaucoup de redondance entre les deux, beaucoup de
questions ambiguës, dans le formulaire provincial. Il n'est d'aucune utilité,
surtout que, comme je le mentionnais, on devrait retirer le mandat d'évaluer la
conformité, là, de l'aide médicale à mourir à la Commission sur les soins de
fin de vie. Alors, ce formulaire-là, je peux vous dire que ça a fait fuir,
aussi, beaucoup de médecins qui s'y sont frottés et qu'il y a beaucoup de
médecins qui refusent, encore, de s'impliquer, parce que ça fait juste amener
des contraintes supplémentaires.
L'aide médicale à mourir, ce n'est pas
simple, là. S'il y en a qui s'imaginent qu'on fait ça, là, comme médecin, les
deux doigts dans le nez, là, c'est beaucoup d'heures d'investissement, c'est au
moins une dizaine d'heures, et le formulaire est un irritant majeur,
actuellement.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le député. Merci, Dr Naud. Je cède maintenant la parole
au député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci. Ça va?
Merci, Mme la Présidente. Merci, Dr Naud, pour vos observations lucides,
vos recommandations assez claires. C'est ça qui s'impose dans un débat complexe
mais exigeant et très… Écoutez, votre évaluation, votre diagnostic de l'état de
choses actuel, en tout ce qui a trait au traitement, aux demandes d'aide
médicale à mourir, est assez sombre, en quelque part…
M. Birnbaum : ...dans un débat
complexe, mais exigeant et très présent.
Écoutez, votre évaluation, votre
diagnostic de l'état de choses actuel en tout ce qui a trait au traitement, aux
demandes de l'aide médicale à mourir est assez sombre à quelque part. Vous
parlez de quelque 33 % de membres qui ont été soit non traités comme il
faut ou refusés. Et j'imagine, compte tenu de votre expérience... Avec raison,
vous notez qu'il y en aurait eu plein d'autres qui n'ont même pas postulé ou
même pas soumis leur demande.
Bon, plusieurs de vos recommandations
touchent à comment pallier à la situation, mais j'aimerais vous inviter à
renchérir. Pour l'instant, vous parlez d'une brèche législative à corriger dans
le plus bref délai. Vous parlez de votre lecture de l'inefficacité actuelle de
la commission. Mais là c'est assez évident, à quelque part, que, suite à nos
recommandations, et suite à la tendance mondiale, bon, les demandes vont
s'accroître, et il y aurait une plus grande présence de ce phénomène-là.
Comment faire... Quoi d'autre est-ce qu'il
faut faire pour assurer, avec la rigueur nécessaire, mais... que les demandes
soient traitées ou rejetées en toute transparence et en toute reddition de
comptes? Qu'est-ce qu'on doit faire de plus actuellement et en anticipant un
élargissement de cette option sombre et très importante pour tout le monde?
M. Naud
(Alain) : Merci, M. le député. En fait, un constat qu'il faut
faire depuis plus de cinq ans, là, c'est que l'aide médicale à mourir s'est
faite de façon extrêmement rigoureuse au Québec, en toute conformité des lois.
Alors, moi, je pense qu'il faut d'abord éliminer tous les irritants qui
empêchent actuellement les médecins de s'impliquer, et on en a déjà mentionné
plusieurs, là, l'incohérence entre les deux lois, le formulaire électronique
provincial, les lettres incessantes de la Commission sur les soins de fin de
vie, qui n'ont pas lieu d'être.
Et vous avez raison, les demandes vont
augmenter, là, c'est... On n'a pas besoin d'être devin pour le prédire, là, parce
que c'est le cas... c'est ce qu'on a vu dans tous les pays, dans les premières
années où ça a été implanté. Parce qu'on élargit l'accessibilité, parce que
c'est mieux connu, parce que les résistances diminuent tranquillement, là, à
travers la province. De façon urgente, permettre aux IPS de s'impliquer dans
l'aide médicale à mourir. Alors, si on commence par éliminer tous les irritants
qu'on dénonce, comme médecins, depuis cinq ans, et qui sont encore en place,
bien, je peux vous promettre que beaucoup de médecins vont revenir à l'aide
médicale à mourir ou vont enfin s'impliquer.
L'autre chose... Et moi, bien, je suis
enseignant, évidemment, à l'université, là, en médecine familiale. Je peux vous
dire que la génération des médecins qui s'en vient va être extrêmement
favorable et va vouloir s'impliquer dans l'aide médicale à mourir. C'est déjà
enseigné à l'université, et je peux vous dire que j'ai une liste longue comme
ça, moi, de médecins résidents, là, qui souhaitent...
M. Naud
(Alain) : …l'autre chose, et moi, bien, je suis enseignant,
évidemment, à l'université, là, en médecine familiale, je peux vous dire que la
génération des médecins qui s'en vient va être extrêmement favorable et va
vouloir s'impliquer dans l'aide médicale à mourir. C'est déjà enseigné à
l'université, et je peux vous dire que j'ai une liste longue comme ça, moi, de
médecins résidents, là, qui souhaitent m'accompagner pour apprendre comment
faire l'aide médicale à mourir au Québec.
Donc, éliminer d'abord les irritants, je
pense que ça va donner une chance. Dans les dernières statistiques, 9 %
des médecins ont prodigué l'aide médicale à mourir, hein, et il y a plus de
20 000 médecins au Québec, là. Et ce nombre-là augmente d'une année à
l'autre, là. Donc, ça, c'est très important, c'est important de le mettre en
place. Et après ça, bien, il faut documenter évidemment toutes les aides
médicales à mourir, tant administrées que celles qui sont refusées ou non
administrées. Et ça, bien, il y a déjà en place un mécanisme qui s'assure de la
rigueur des AMM administrées. Les CMDP, conseils de médecins, dentistes,
pharmaciens, là, déjà, des établissements reçoivent exactement les mêmes
formulaires que ceux de la Commission sur les soins de fin de vie et les
évaluent tous. Et ils ont, eux, l'expérience, l'expertise, la formation, la
composition du groupe, et l'accès au dossier médical et aux équipes soignantes
pour faire ce travail-là de façon rigoureuse, et ils sont supportés par le Collège
des médecins du Québec. Et c'est eux, en dernier recours, qui s'assurent de la
conformité de l'acte médical qui a été prodigué dans l'aide médicale à mourir.
Donc, vous savez, il y a des choses qu'on
dénonce depuis cinq ans, et qui auraient dû être corrigées depuis longtemps, et
qui sont relativement faciles à corriger actuellement si on écoute les
cliniciens qui sont sur le terrain. Alors, je pense qu'il faut prendre nos
informations aussi aux bons endroits pour prendre le pouls, là, de la situation
actuelle au Québec pour pouvoir y apporter les correctifs.
M. Birnbaum : Merci. J'aurais
une autre question, puis après, je suis sûr, ma collègue de Westmount—Saint-Louis
en aurait.
Je vous amène sur un autre terrain. Vous
parlez de soins palliatifs, et je trouve que vous nous offrez un rappel important
que quelque 80 % des gens qui ont demandé l'aide médicale à mourir avaient
déjà recours aux soins palliatifs. Deux choses, dans un premier temps, vous
recommandez que ces établissements de soins palliatifs n'aient pas le droit de
s'exempter d'appliquer l'aide médicale à mourir. J'aimerais vous entendre
là-dessus. Et deuxième chose, est-ce qu'on a… parce qu'on parle d'un continuum
de soins, est-ce qu'il y a la moindre raison de craindre que l'État, en
conséquence d'un usage étendu de l'aide médicale à mourir, risque de délaisser
à quelque part le financement très important pour le soin palliatif?
• (11 heures) •
M. Naud
(Alain) : Merci, M. le député, de la question. Effectivement,
on s'entend tous, là, tous les médecins, je pense que c'est clair pour tout le
monde, là, les soins palliatifs, c'est la base des soins, autant de fin de vie
que de soulagement et d'accompagnement des conditions chroniques, hein, mais
incurables, là, parce que... Et ça, ça a changé beaucoup, hein, depuis un bon
bout de temps maintenant, là, ce n'est plus réservé seulement aux malades qui
vont mourir, là, qui sont à l'unité de soins palliatifs, mais à toutes les
personnes qui ont des conditions chroniques. Alors, c'est la base, et
évidemment il faut que ce soit accessible et suffisamment financé…
11 h (version non révisée)
M. Naud
(Alain) : ...soulagement et d'accompagnement, des conditions
chroniques, hein, mais incurables, là, parce que... Et ça, ça a changé
beaucoup, hein, depuis un bon bout de temps maintenant. Ce n'est plus réservé
aux malades qui vont mourir, là, qui sont à l'unité de soins palliatifs, mais à
toutes les personnes qui ont des conditions chroniques.
Alors, c'est la base et, évidemment, il
faut que ce soit accessible et suffisamment financé partout dans la province. Maintenant,
un des arguments des opposants religieux, c'était de dire : Vous savez,
les gens, ils demandent l'aide médicale à mourir parce qu'ils n'ont pas accès
aux soins palliatifs. On savait que c'était faux, on a la preuve maintenant que
c'est faux, parce que, comme vous le mentionnez, 80 % des gens qui ont
reçu l'aide médicale à mourir au Québec étaient déjà en soins palliatifs et
l'autre 20 % a refusé d'y aller et ils en ont parfaitement le droit, parce
que quand on rencontre le malade, ça fait fait partie de nos obligations, s'il
n'est pas déjà en soins palliatifs, de l'informer de la possibilité d'aller en
soins pallatifs.
Donc, ça, c'est extrêmement fondamental,
et important, et, bien, si on retire à la Commission des soins de fin de vie le
mandat d'évaluer la conformité de l'aide médicale à mourir, ce qu'elle n'est
pas en mesure de faire, à mon avis, bien on pourrait certainement dégager du
budget qui pourrait être investi dans les soins palliatifs. Sur les maisons
privées de soins palliatifs, il n'y a plus maintenant aucune raison qui
justifie de maintenir ces exemptions-là. À l'entrée en vigueur de la loi,
toutes les maisons avaient fait front commun, hein, pour s'opposer et le
constat qu'on fait, c'est qu'il y a des demandes d'aide médicale à mourir dans
toutes les maisons de soins palliatifs, même celles qui refusent toujours de
l'offrir et ce qu'on voit depuis cinq ans, et ce qui continue de se produire
dans les maisons qui refusent de l'offrir, c'est des transferts honteux de ces
malades vers un établissement public dans leurs derniers jours de vie, parce
qu'ils ont osé demander l'aide médicale à mourir. Sans compter les pressions
qu'ils subissent pour ne pas faire de demande, hein?
Alors, ça, là, il n'y a aucune raison que
ça se maintienne et il est très clair que l'opposition, qui est maintenue
encore par certaines maisons et relèvent de l'opposition idéologique, et/ou
religieuse, et/ou de crainte de représailles catholiques, et j'en ai donné un
exemple dans mon mémoire, parce que ça existe, on ne se mettra pas la tête dans
le sable, là, la perte du financement des communautés religieuses est une des
raisons.
Alors, dans l'intérêt des malades, il n'y
a aucune, aucune raison de maintenir cette exemption-là encore pour les
quelques maisons de soins palliatifs d'être opposées. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Dr Naud.
Dans votre mémoire, vous avez évoqué, dans
votre recommandation 14, d'autoriser l'aide médicale à mourir pour les
problèmes de santé mentale, mais vous n'avez pas adressé le problème pour la
condition d'une déficience intellectuelle ou autres types de maladies. Selon
vous, est-ce que c'est... Ça ne faisait pas partie de votre mémoire puis de vos
recommandations, parce que, selon vous, une personne qui souffre d'une
déficience intellectuelle ou l'autisme ne peut pas consentir? Et, si oui, ce
sont quoi, les conditions dont nous pouvons établir une une aptitude ou une
inaptitude, donc pourront faire partie de l'aide médicale à mourir.
M. Naud
(Alain) : Oui. Merci, Mme la députée. Effectivement, je n'ai
pas parlé, là, de la déficience intellectuelle ou de l'autisme. Bien, vous
savez, l'enjeu, il est vraiment en lien avec l'aptitude à consentir, hein?
Et...
Mme Maccarone : ...une aptitude
ou une inaptitude, donc pourront faire partie de l'aide médicale à mourir.
M. Naud
(Alain) : Oui. Merci, Mme la députée. Effectivement, je n'ai
pas parlé, là, de la déficience intellectuelle ou de l'autisme. Bien, vous
savez, l'enjeu, il est vraiment en lien avec l'aptitude à consentir, hein? Et évidemment
la déficience intellectuelle, c'est un large spectre, tout comme celui de
l'autisme, là, et ça, je pense que le débat devra se faire vraiment avec les
experts de cette question-là, parce que, bon, de déterminer que quelqu'un
comprend bien sa situation, comprend bien les alternatives qui s'offrent à lui,
constater la souffrance morale et pouvoir réitérer une demande, tout ça,
bien... Vous savez, il y a beaucoup de critères en place, quand on évalue une
demande d'aide médicale à mourir, mais je pense que l'enjeu principal est sur
la capacité à consentir à ce soin-là, qui évidemment est questionnée très directement
quand on parle, là, de déficience intellectuelle et d'autisme.
Alors, je n'ai pas, volontairement, voulu
m'embarquer dans ce champ-là, parce que, déjà que la santé mentale, je pense
que c'est un enjeu sensible dont on a à faire un débat de société, là, et qui
implique déjà, comme je le mentionnais, déjà plusieurs écueils, là, qu'on
devrait résoudre, là... mais je pense que c'est une ouverture éventuellement
dont il faudra aussi discuter. Mais je pense qu'on ne pourra pas tout régler,
hein, dans un seul mandat ou d'un seul coup par un seul projet de loi.
Mme Maccarone : Ça fait que ça
veut dire, vous, vous n'avez pas de recommandation nécessairement en ce qui
concerne les critères qui devraient être appliqués pour mesure l'aptitude ou
l'inaptitude d'une personne qui souhaite avoir accès à l'aide médicale à mourir.
M. Naud
(Alain) : Spécifiquement, pour ce qui est de la déficience
intellectuelle et de l'autisme, effectivement, là-dessus, je m'abstiendrai de
faire des recommandations, parce que ce n'est pas mon domaine d'expertise, très
honnêtement, et je ne veux pas prétendre des choses que je ne suis pas capable
de soutenir.
Mme Maccarone : Est-ce que ça
veut dire qu'on devrait, d'abord, penser ussi à une liste de maladies, comme un
peu... qui était recommandé, quand on parle de Me Fillion, par exemple, à
l'intérieur du rapport qu'il nous a donné? Puis je comprends votre souhait de
peut-être passer par-dessus ce comité, mais est-ce qu'on devrait se pencher sur
une liste de maladies aussi qui devraient avoir une éligibilité à avoir accès à
l'aide médicale à mourir?
M. Naud
(Alain) : Bien, vous savez, dans le cas de la démence, des
troubles neurocognitifs majeurs, là, démence et autres... Alzheimer et autres
démences associées, je pense que c'est relativement facile de faire une telle
liste. Dans le cas de la santé mentale, ça m'apparaît plus difficile, parce
qu'encore là il y a un large spectre d'atteintes, hein? Les troubles
neurocognitifs, on les connaît, on est capable de les diagnostiquer, on en
connaît l'évolution, elle est la même pour tout le monde. Ça demeure une
maladie incurable avec une lente et sévère dégradation.
Dans le cas des problèmes de santé
mentale, là, le spectre est beaucoup plus large. Alors, il faudrait faire
l'exercice avec les spécialistes. Évidemment, je suis un médecin de famille, je
ne suis pas spécialiste, là, un psychiatre en santé mentale, là. Mais de faire
une liste qui serait très, très restrictive de diagnostics de santé mentale me
semble...
M. Naud
(Alain) : ...dans le cas des problèmes de santé mentale, là, le
spectre est beaucoup plus large. Alors, il faudrait faire l'exercice avec les
spécialistes. Évidemment, je suis un médecin de famille, je ne suis pas un
spécialiste, là, un psychiatre en santé mentale, là. Mais de faire une liste
qui serait très, très restrictive de diagnostics de santé mentale me semble un
exercice, là, à ce moment-ci, un peu plus périlleux.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Merci, Dr Naud. Je cède maintenant la
parole au député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme
la Présidente. Merci, Dr Naud, pour votre présentation. J'ai peu de temps.
J'ai envie de vous entendre sur une question que j'ai posée à la précédente
intervenante à la commission au sujet de la possibilité que... puis ça me semble
être une possibilité pas complètement farfelue, loin de là, que des gens qui
aient... au moment, par exemple, ou suite à avoir reçu un diagnostic d'une
maladie comme l'alzheimer, puissent se dire à ce moment-là : Je suis
certain que c'est ce que je veux, recevoir l'aide médicale à mourir lorsque je
vais être rendu dans un état avancé, mais qui, finalement, suite à l'évolution
de la maladie, au moment où vient, par exemple... pourrait se présenter le
moment de donner le consentement vraiment final, là, pour recevoir l'aide
médicale à mourir se diraient : Non, je ne veux pas, je ne veux pas, puis
ce serait un refus net, un refus répété, malgré le fait qu'il y ait eu
processus en amont... disons, un processus parfait. Donc là, on est comme dans
une situation où il y a deux consentements qui s'affrontent, là, le
consentement initial donné en toute connaissance de cause, dans un état
d'aptitude complet, puis un refus de consentement par la suite d'une personne
qui n'est plus jugée apte.
Du point de vue de la pratique, ça pose
quand même une question pas simple, là, ça pourrait placer les médecins dans
des situations où ils devraient administrer l'aide médicale à mourir à une
personne qui exprime un refus répété. On nous a parlé d'expériences
internationales assez désagréables à cet égard. Comment vous voyez ce
dilemme-là, vous?
M. Naud
(Alain) : Oui. Mais merci, M. le député. Écoutez, moi, je n'y
vois pas de problème, là, réellement. Évidemment, la demande, une telle demande
devrait être faite au moment où le malade est apte, hein, et devrait être
réitérée après un certain délai, comme je le mentionnais déjà.
Et il faut comprendre que l'aide médicale
à mourir, là, ce n'est pas une obligation, là, quand on a eu un diagnostic de
démence d'alzheimer, là, ou autre démence associée. Ça reste un choix
personnel. Et cette demande-là, éventuellement, pourrait être retirée n'importe
quand, tant que le malade est apte. Et il pourrait changer d'avis, évidemment,
je pense que ça va de soi.
À partir du moment où le malade devient
inapte, vous savez, pour en avoir vu beaucoup, parce que, comme médecin, on en
voit beaucoup de ces malades-là, là, une fois que l'inaptitude est arrivée, là,
la discussion avec le malade sur : Est-ce que c'est encore ce que vous
voulez, là?, elle n'est plus possible. Elle n'est plus possible, là, le malade
est rendu dans un état avancé qui fait que, regardez, peu importe quelle sera
la réponse, je pense...
M. Naud
(Alain) : ...ces malades-là, là, une fois que l'inaptitude est
arrivée, là, la discussion avec le malade sur : Est-ce que c'est encore ce
que vous voulez, là, elle n'est plus possible. Elle n'est plus possible, là, le
malade est rendu dans un état avancé qui fait que, regardez, peu importe quelle
sera la réponse, je pense que le malade est inapte.
Puis ce que vous mentionnez, bien, on le
vit déjà de toute façon, hein? Vous savez, quand quelqu'un fait un mandat en
cas d'inaptitude, hein, et décide de désigner un mandataire et décide qu'il lui
confie, par exemple, l'administration de ses biens, certains pouvoirs, bien,
une fois qu'on met en place le mandat en cas d'inaptitude, là, on retourne pour
voir la personne pour lui demander : Est-ce que c'est toujours ce que vous
souhaitez, on vit avec la décision, hein? Eh bien, on serait dans le même champ
d'exercices avec ces malades-là.
• (10 h 10) •
Et quand vous dites : Il y a eu des
situations malheureuses, là. Évidemment, on l'entend, là, il y a des gens qu'on
a dû attacher pour administrer l'aide médicale à mourir par voie intraveineuse parce
qu'ils voulaient se débattre. Justement, l'aide médicale à mourir par voie
orale, là, permet d'éviter ça. Et un malade agité, là, parce que rendu là, à ce
stade-là de la maladie, là, ce n'est pas un refus de recevoir l'aide médicale à
mourir, c'est de l'agitation psychomotrice qui est inhérente à la maladie
cérébrale et qui fait que les malades, parfois, sont agressifs, hein, se
mettent à frapper les soignants, se mettent à frapper leur propre entourage.
Bien, évidemment, dès que vous les approchez, ils vont se mettre à frapper tout
le monde. Ce n'est pas un refus de l'aide médicale à mourir qu'ils auraient
déjà demandé, c'est une manifestation de la sévérité de la maladie tout
simplement. Et il n'est pas question d'attacher quelqu'un pour prodiguer l'aide
médicale à mourir par voie intraveineuse.
Vous savez, l'aide médicale à mourir par
voie orale, et ce serait une magnifique indication de pouvoir le permettre,
parce qu'honnêtement, je ne pense pas qu'actuellement, avec l'aide médicale à
mourir, là, moi, je n'ai jamais eu de demande de malade qui m'a dit, là :
J'aimerais mieux que vous me donniez quelque chose puis je vais faire ça tout
seul à la maison, là. Les gens apprécient que le médecin soit là, que l'équipe
traitante soit là, qu'on les accompagne du début à la fin et jusqu'après le
décès pour ce qui est des proches, là, et qu'on prenne ça en charge et qu'on
soit avec eux. Bien, dans le cas des démences avancées qui auraient demandé...
qui seraient prêts à recevoir l'aide médicale à mourir, bien, la voie orale où
on fait prendre son jus d'orange au malade tout simplement et le résultat va
être le même, là. Donc, évidemment, il n'est pas question d'attacher qui que ce
soit pour lui prodiguer l'aide médicale à mourir, là, donc je ne vois pas ça comme
un écueil, là, réellement.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Merci, M. le député. Je cède maintenant la parole à la députée
de Joliette.
Mme
Hivon
:
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Dr Naud. Donc, j'ai peu de temps aussi,
donc... poser mes trois questions en espérant que vous aurez le temps pour
répondre aux trois.
La première, c'est que, vu que maintenant
le critère de fin de vie n'est plus dans le décor, juste pour qu'on comprenne
bien, une personne peut avoir une maladie neurocognitive et faire une demande
pour obtenir l'aide médicale à mourir alors qu'elle a encore une partie de son
aptitude parce qu'elle a un déclin avancé irréversible et des souffrances, même
si elle n'a pas complètement perdu son aptitude. Donc, je veux juste que vous
nous éclairiez, parce que certains pourraient dire que, vu que cette
possibilité...
Mme
Hivon
: ...et
faire une demande pour obtenir l'aide médicale à mourir alors qu'elle a encore
une partie de son aptitude parce qu'elle a un déclin avancé irréversible et des
souffrances, même si elle n'a pas complètement perdu son aptitude.
Donc, je veux juste que nous éclairez
parce que certains pourraient dire que, vu que cette possibilité-là existe, vu
que la fin de vie n'est plus un critère, pourquoi on fait tout ce débat-là
d'une demande anticipée? Mais je présume que c'est parce qu'on veut pouvoir
accompagner la personne le plus longtemps possible, parce que certains
pourraient pouvoir l'obtenir trop tôt par rapport à la situation qu'elles
voudraient éviter. Donc, ça, j'aimerais vous entendre là-dessus.
L'autre élément, c'est que, jusqu'à maintenant,
dans le débat public et dans ceux qu'on a entendus, tout le monde réitère
l'importance de respecter tous les critères de l'article 26, donc peu
importe qu'on soit dans le cadre d'une demande anticipée, donc la notion de
souffrance qu'on pense intolérable. Vous, vous arrivez aujourd'hui avec une
notion différente, qui est la question de l'indignité. Et là je veux comprendre
si, pour vous, il faudrait changer le concept quand on est dans un cas de
demande anticipée pour passer du concept de souffrance à celui d'indignité et
si, pour vous, l'indignité fait partie de la souffrance. Si jamais j'ai du
temps, je reviendrai sur la maladie mentale.
M. Naud
(Alain) : Merci beaucoup, Mme la députée. Bien, écoutez,
l'indignité, hein, l'appréhension de l'indignité de fin de vie, pour moi, c'est
une souffrance. Vous savez, quelqu'un qui se dit, là : J'ai une maladie
d'Alzheimer et je sais qu'éventuellement je vais être rendu dans cet état-là,
il vit une souffrance reliée à l'évolution et à la finalité inévitables de la
maladie. Donc, on n'a pas nécessairement besoin de changer le concept, mais il
faut concevoir le terme de souffrance dans... de façon beaucoup large que la
seule douleur physique non soulagée, parce que l'indignité appréhendée, pour
moi, c'est déjà une souffrance qui peut être extrêmement tolérable. Vous savez,
pour en avoir eu beaucoup, des gens qui ont une maladie d'Alzheimer, là, ces
gens... c'est rare que les gens sont sereins dans l'évolution de cette
maladie-là parce qu'ils savent trop bien ce qui s'en vient.
Maintenant, sur votre première question,
pour ce qui est de l'aptitude, effectivement, en vertu du retrait de critères
de fin de vie au provincial et du retrait de critères de morts naturelles
aux... prévisibles au fédéral, il n'y a plus de pronostic qui exigible maintenant.
Donc, quelqu'un qui est dans les premiers stades de la maladie d'Alzheimer ou
intermédiaire et qui encore apte pourrait demander et recevoir l'aide médicale
à mourir, sauf qu'il ne peut pas le faire de façon anticipée en vue de
l'inaptitude future, il devrait pouvoir le recevoir maintenant tant qu'il est
encore apte à consentir. Et c'est là où bât blesse, parce que, vous savez, de
ne plus reconnaître ses proches, là, ça n'arrive pas du jour au lendemain un
bon matin, hein, c'est fluctuant. Alors, il y a des gens qui veulent dire, et
moi, je l'entends à toutes les semaines, là : Bien, oui, je voudrais éventuellement
y avoir recours, mais je veux pouvoir profiter aussi de mes proches le plus
longtemps possible et probablement que mes proches veulent profiter aussi de ma
présence. Donc, il y aura une période intermédiaire où je ne serai pas toujours
là, mais je reconnaîtrai encore, quand même, mes enfants et mes petits-enfants
et je pourrai en profiter. Et c'est pour ça que, dans les critères, les balises
qu'on mettra ensemble, bien, il y aurait des critères de...
M. Naud (Alain) : …profiter
aussi de mes proches le plus longtemps possible, et probablement que mes
proches veulent profiter aussi de ma présence. Donc, il y aura une période
intermédiaire où je ne serai pas toujours là, mais je reconnaîtrai encore,
quand même, mes enfants et mes petits-enfants et je pourrai en profiter. Et
c'est pour ça que, dans les critères, les balises qu'on mettra ensemble, bien,
il y aurait des critères de temporalité aussi, hein. Ça fait six mois que je ne
reconnais plus mes proches, par exemple, et non pas une semaine ou hier. Et, à
ce moment là, bien, ça permettrait aux gens, parce que c'est le souhait des
gens, finalement, ce n'est pas dire, ben, j'ai eu un diagnostic de la maladie
d'Alzheimer il y a un mois, par le médecin de famille ou le neurologue, donc je
veux avoir l'aide médicale à mourir le mois prochain, là. Les gens savent qu'il
y a encore plusieurs années devant eux où ils vont, quand même, pouvoir
profiter de la vie malgré l'appréhension de «comment ça va se terminer».
Donc, ça permettrait, tout ça, de
permettre aux gens, si c'est leur souhait, d'avoir encore du temps, tout
simplement, hein. Tout comme, j'en faisais mention au tout début, là, la
directive anticipée dans le cas d'un malade qui a été accepté et pour qui l'aide
médicale à mourir est déjà prévue, là. Bien, de le refuser, ça fait que, les
gens précipitaient leur aide médicale à mourir alors que, moi, j'ai entendu ça tout
le monde, là : J'aurais aimé pouvoir en profiter encore, mais je ne veux
pas prendre le risque de manquer ce moment-là. Alors, c'est important de faire
ce débat-là pour respecter vraiment la volonté des gens et permettre aux gens
de pouvoir profiter de ce dont ils sont capables de profiter le plus longtemps
possible.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dr Naud. Merci, Mme la députée, c'est tout le temps qu'on
avait. Donc, je vous remercie, Dr Naud pour votre contribution aux travaux
de la commission. C'est très enrichissant pour nous et très formateur.
Donc, je suspends les travaux quelques
instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités.
(Suspension de la séance à 11 h 17)
(Reprise à 11 h 20)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous sommes de retour. Bonjour, tout le monde. Nous sommes… nous
accueillons maintenant notre prochaine invitée, madame… la Pre Jocelyne
Saint-Amand. Donc, bienvenue parmi nous, Mme Saint-Amand, merci d'avoir
accepté l'invitation ce matin. Comme toutes les autres formations, vous aurez
20 minutes en tant qu'experte pour nous partager votre exposé, et ensuite,
il y aura un échange avec les membres de la commission pour une période de
40 minutes.
Donc, je vous cède maintenant la parole,
Mme Saint-Arnaud, c'est à vous.
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Oui, bonjour à tous. Ça me fait plaisir d'être
avec vous. En fait, on me dit de me présenter rapidement. Donc, je suis
professeure associée à l'École de santé publique de l'Université de Montréal.
Je suis aussi auteure de plusieurs livres en éthique de la santé et je
m'intéresse particulièrement à la limite des ressources en santé.
Donc, j'y vais maintenant avec un texte,
mais je vous ai envoyé un mémoire où vous avez toutes les références. Vous
pourrez le consulter. Alors, des changements dans la loi canadienne et québécoise
concernant l'aide médicale à mourir sont devenus nécessaires à la suite des
affaires Carter d'une part et Truchon et Gladu d'autre part. Il est clair que
les deux lois doivent s'harmoniser, faute de quoi de nombreuses requêtes devant
les tribunaux sont susceptibles de se produire.
Cependant, outre des enjeux légaux, des
enjeux éthiques sont en cause, particulièrement l'équité dans l'accès à l'aide
médicale à mourir. Ce mémoire présente les points qui doivent être changés dans
la Loi concernant les soins de fin de vie. Le retrait du critère…
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : …s'harmoniser, faute de quoi de nombreuses
requêtes devant les tribunaux sont susceptibles de se produire. Cependant,
outre des enjeux légaux, des enjeux éthiques sont en cause, particulièrement
l'équité dans l'accès à l'aide médicale à mourir. Ce mémoire présente les
points qui doivent être changés dans la loi concernant les soins de fin de vie,
le retrait du critère de fin de vie… (panne de son)… d'aide médicale à mourir
dans les directives médicales anticipées pour les personnes atteintes de
maladies neuropathiques dégénératives, l'inclusion de l'aide au suicide dans l'aide
médicale à mourir et l'accès à l'aide médicale à mourir pour des personnes
atteintes de troubles mentaux comme seul diagnostic en y ajoutant des mesures
de sauvegarde.
Le retrait du critère de fin de vie. Dans
la loi fédérale, le retrait du critère de mort raisonnablement prévisible rend
le Code criminel compatible avec la jurisprudence canadienne et québécoise. Le
retrait du critère de fin de vie dans la loi québécoise apportera une cohérence
entre les deux législations en tenant de la jurisprudence québécoise.
D'autres raisons peuvent appuient le
retrait du critère de fin de vie. En effet, ce critère peut susciter plusieurs
interprétations de la part des médecins allant d'une semaine de survie selon
certains médecins à un an pour d'autres médecins, ce qui engendre des
inégalités dans l'accès à l'aide médicale à mourir. Certaines personnes ont
fait la grève de la fin pour arriver en fin de vie et ainsi avoir accès à l'aide
médicale à mourir, ce qui est éthiquement inacceptable.
D'un point de vue clinique, il est
difficile d'établir un pronostic précis en matière de fin de vie. Les statistiques
de survie ne permettent pas de juger du pronostic d'un individu spécifique avec
exactitude, encore moins de juger de sa qualité de vie.
Je suis d'avis de retirer complètement le
critère de fin de vie. Cependant, une fois ce critère retiré, l'aide médicale à
mourir est ouverte à tous ceux qui répondent aux autres critères, ce qui est
conforme au principe d'égalité devant la loi. Mais se pose la question alors de
la protection des groupes vulnérables qui sont constitués de tous ceux qui
pourraient ne pas être aptes à décider pour eux-mêmes au moment de la demande
ou qui pourraient subir des influences indues.
Le point 2, l'inclusion de l'aide médicale
à mourir dans les directives médicales anticipées pour des personnes atteintes
de maladies neurologiques dégénératives. Les DMA s'appliquent dans le cas de
trois conditions cliniques, fin de vie, coma terminal ou permanent et démence
grave sans possibilité d'amélioration. Si une personne peut refuser à l'avance
d'être maintenue en vie par des techniques comme la réanimation, la dialyse,
l'usage du respirateur, l'alimentation, hydratation artificielle quand elle est
dans l'une des trois situations cliniques mentionnées, pourquoi ne
pourrait-elle pas demander l'aide médicale à mourir alors qu'elle est encore
apte à le faire quand elle est, évidemment, dans les premiers stades de sa
maladie? La Cour supérieure du Québec a accepté que M. Truchon et
Mme Gladu puissent recevoir l'aide médicale à mourir même s'ils n'étaient
pas en fin de vie parce qu'ils répondaient à tous les autres critères.
Pour permettre une demande d'aide médicale
à mourir dans les DMA pour des personnes atteintes d'une maladie neurologique
dégénérative, il faudrait appliquer les conditions suivantes : s'assurer
que la personne a reçu la confirmation d'un diagnostic de maladie dégénérative;
qu'elle est apte à accepter ou à refuser des soins...
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : ...pour permettre une demande d'aide médicale à
mourir dans les DMA pour des personnes atteintes d'une maladie neurologique
dégénérative, il faudrait appliquer les conditions suivantes : s'assurer
que la personne a reçu la confirmation d'un diagnostic de maladie dégénérative;
qu'elle est apte à accepter ou à refuser des soins ou des traitements pour elle-même
au moment de la demande anticipée et que sa décision soit libre et éclairée.
Actuellement aucune vérification de
l'aptitude à consentir ou à refuser des soins ou des interventions n'est faite au
moment où une personne remplit un formulaire de DMA. Dans la Loi concernant les
soins de fin de vie, il y a présomption d'aptitude, mais il serait plus éthique
de vérifier l'aptitude au moment de la signature des DMA pour toute personne
qui remplit le formulaire. Il serait aussi approprié de vérifier si la personne
a reçu et compris toutes les informations pertinentes à sa prise de décision et
qu'elle fait la demande sans coercition ou influence malveillante.
La démarche d'évaluation de l'aptitude est
la première étape dans le cadre d'un processus d'aide médicale à mourir pour
des personnes dont on a médicalement la certitude qu'elles n'auront plus
l'usage de leurs facultés intellectuelles quand elles seront dans les dernières
phases de leur maladie et donc qu'elles ne seraient pas autorisées à faire une
demande d'aide médicale à mourir. Comme le formulaire est consigné dans un
registre gouvernemental et que les médecins doivent s'y référer pour ce qui
concerne les soins de fin de vie, il serait facile pour tout médecin d'en
prendre connaissance et d'en tenir compte dans les soins et traitements.
Le point 3, l'aide au suicide à
inclure dans l'aide médicale à mourir. Actuellement, l'aide médicale à mourir
au Québec n'inclut pas l'aide médicale au suicide alors que la loi fédérale
modifiant le Code criminel l'inclut. Dans la loi québécoise, ce sont seulement
les médecins qui sont autorisés à donner les injections léthales, et la
personne qui fait la requête ne peut elle-même mettre fin à sa vie, comme ça se
pratique en Suisse. De permettre l'aide médicale au suicide dans la Loi
concernant les soins de fin de vie apporterait des avantages à plusieurs
niveaux. La personne qui fait une requête d'aide médicale à mourir et qui veut
bénéficier de l'aide au suicide déciderait du moment où elle se donne la mort.
Ce serait plus facile pour elle de revenir sur sa décision le cas échéant
puisqu'elle maîtriserait davantage cette dernière étape du processus.
Deuxièmement, ce changement libérerait les
médecins de la responsabilité de pratiquer eux-mêmes l'intervention, je devrais
dire des médecins, évidemment. Des résultats d'études montrent que certains
d'entre eux sont très perturbés émotivement et psychologiquement après cette
intervention. De plus cette pratique pourrait compenser pour les médecins qui
invoquent l'objection de conscience pour ne pas pratiquer l'aide médicale à
mourir. Autoriser l'aide médicale au suicide favoriserait une plus grande
cohérence entre la loi fédérale et la loi québécoise. Et si les infirmières
praticiennes pouvaient y être autorisées, à ce moment-là il y aurait encore plus
de cohérence entre les deux législations.
Quatrième point, l'aide médicale à mourir
pour les personnes dont l'unique diagnostic concerne un problème de santé
mentale et les mesures de sauvegarde. À partir du moment où le critère de fin
de vie est retiré des critères d'accès à l'aide médicale à mourir, les
personnes qui répondent aux autres critères doivent pouvoir avoir accès à l'aide
médicale à...
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : ...législation.
Quatrième point, l'aide médicale à mourir
pour les personnes dont l'unique diagnostic concerne un problème de santé
mentale et les mesures de sauvegarde. À partir du moment où le critère de fin
de vie est retiré des critères d'accès à l'aide médicale à mourir, les
personnes qui répondent aux autres critères doivent pouvoir y avoir accès...
avoir accès à l'aide médicale à mourir. C'est le principe d'égalité devant la
loi qui s'applique. Cependant, parmi les personnes qui y auront accès, certains
groupes sont plus vulnérables, et la question est de savoir si elles devraient
être protégées par des mesures supplémentaires à inclure dans la loi.
Les critères dont nous allons traiter, en
lien avec une demande d'aide médicale à mourir pour une personne atteinte de
trouble mental, sont les suivants : l'aptitude à consentir aux soins, la
gravité et le caractère incurable de la maladie et le fait qu'elle éprouve des
souffrances psychiques insupportables.
Disons d'emblée que la santé mentale ne
peut pas être isolée de la santé physique. Selon l'Association des psychiatres
du Canada, et je cite, «les recherches indiquent que les maladies mentales sont
causées par l'interaction entre des facteurs biologiques, génétiques,
psychologiques et sociaux, qui mène à des perturbations dans le cerveau. La
maladie mentale peut se déclarer chez n'importe qui si des facteurs de risque
suffisants sont réunis.» Il n'y a donc pas lieu de faire une classe à part dans
la loi pour les personnes atteintes de problèmes de santé mentale. Ce serait
discriminatoire.
Je parle maintenant de l'aptitude à
consentir aux soins. S'il est juste de penser que certaines personnes atteintes
d'un problème de santé mentale ne sont pas en mesure de consentir aux soins,
parce que leur état de santé aggrave leur jugement... ou plutôt, entrave leur
jugement, excusez-moi, ce n'est pas le cas de tous. Selon une revue intégrative
des écrits, qui date... qui est de, O.K., 2007, effectuée au moment de
l'admission dans une unité psychiatrique, 67 % à 30 % des patients,
selon cinq études différentes, ont la capacité de décider pour eux-mêmes. Selon
quatre de ces études, 50 % sont aptes à décider parmi ceux qui se
présentent volontairement, et 45 % sont aptes à décider parmi ceux qui
sont contraints par la cour.
Il faut noter que les personnes
hospitalisées, soit de leur plein gré, soit selon une ordonnance de la cour,
font partie des personnes qui sont les plus gravement atteintes et qui peuvent
être un danger pour elles-mêmes ou pour les autres. Malgré tout, parmi elles,
se trouve un pourcentage non négligeable de personnes qui sont aptes à prendre
des décisions pour elles-mêmes. Pour protéger les personnes atteintes de
troubles mentaux qui songent à l'aide médicale à mourir, il faut d'abord
s'assurer qu'elles sont aptes à décider pour elles-mêmes.
• (11 h 30) •
Il n'y a pas d'uniformité dans
l'évaluation de l'aptitude au Québec, qu'elle soit effectuée par des
psychiatres, ou d'autres spécialistes, ou encore, des omnipraticiens. En fait,
ils appliquent généralement les critères de Nouvelle-Écosse, mais ces critères proviennent
d'un cas de jurisprudence, et ils ont été précisés après le fait. Alors qu'en
clinique, l'aptitude est évaluée si des doutes se produisent à ce sujet à
propos du consentement à un soin ou à un traitement. Selon des résultats
d'études, des psychiatres font souvent une évaluation générale, sans mener des
entretiens en profondeur, pour évaluer l'aptitude des patients qui ont des
problèmes de santé mentale. Quelquefois, les outils sont...
11 h 30 (version non révisée)
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : …se produisent à ce sujet à propos du consentement
à un soin ou à un traitement.
Selon des résultats d'étude, des
psychiatres font souvent une évaluation générale sans mener des entretiens en
profondeur pour évaluer l'aptitude des patients qui ont des problèmes de santé
mentale. Quelques fois, les outils sont jugés non appropriés. Cependant, Applebauma
développé une grille d'évaluation de l'aptitude, s'adressant spécifiquement aux
personnes atteintes de troubles mentaux. Présentée sous forme de tableau, cette
grille inclut non seulement les critères d'aptitude et les questions qui permettent
d'en faire l'évaluation, mais aussi, en parallèle, la tâche du patient pour
répondre à la question et l'approche du psychiatre qui fait l'évaluation et des
commentaires pour chacun des items. Ce tableau-là est inclus dans mon mémoire…
partie du tableau est incluse dans mon mémoire.
Parmi les mesures de protection
supplémentaires, l'examen de l'aptitude par deux psychiatres, recommandé par…
et ses collègues et par l'Association des médecins psychiatres du Québec,
aurait pour résultat une réassurance concernant l'identification des symptômes
de trouble mental, l'aptitude, le type de souffrance et son caractère
inapaisable, de même que les types de traitement qui pourraient être offerts.
De toute évidence, il serait plus équitable que les mêmes critères soient
utilisés par les psychiatres consultants, surtout quand il s'agit d'évaluer
l'aptitude des personnes plus vulnérables. L'Association des médecins
psychiatres du Québec suggère la création d'un comité qui coordonne la
consultation en psychiatrie, ce qui apparaît très pertinent. Cette association
pourrait présenter une grille qui serait la même pour tous, ce qui favoriserait
l'équité dans l'accès à l'aide médicale à mourir pour les personnes ayant des
troubles mentaux.
Deuxième point, maladies mentales graves
et incurables. Il existe des maladies mentales qui sont incurables. En effet,
des troubles neuropsychiatriques graves, comme certains types de schizophrénie,
se… (panne de son) …et sont résistants à tout traitement. La référence est… en
2016, de ce que je viens de dire. En désespoir de cause, des personnes
atteintes de problèmes de santé mentale ont recours au suicide. Certaines font
des tentatives de suicide en milieu hospitalier et le personnel soignant
intervient à chaque fois pour leur éviter la mort… (panne de son) …accès à l'aide
médicale à mourir peut aussi entraîner des suicides.
L'aide médicale à mourir apparaît comme
une pratique plus humaine en autant que des mesures de sauvegarde s'ajoutent
aux critères déjà en place pour la sauvegarde des personnes atteintes de
troubles mentaux et que les traitements ne sont pas abandonnés parce qu'une
personne aurait fait une requête d'aide médicale à mourir. Il appartient au
psychiatre de juger si la maladie mentale d'une personne qui demande l'aide médicale
à mourir est incurable. De plus, les traitements devraient obligatoirement ne
pas se restreindre à la prise de médicaments et être complétés par la
psychothérapie dans une approche multidisciplinaire.
La nécessité d'une approche
multidisciplinaire est confirmée par l'Association des médecins psychiatres du
Québec, qui considère que — et là, je cite : Pour arriver à la
conclusion d'incurabilité, le psychiatre doit évaluer les interventions
biologiques, pharmacologiques, psychologiques et sociales. Il serait donc
approprié qu'une équipe multidisciplinaire soit associée au traitement prescrit
et à leur évaluation. Aussi, si le patient l'autorise, ses proches pourraient
être associés…
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : ...et là je cite : «Pour arriver à la
conclusion d'incurabilité, le psychiatre doit évaluer les interventions
biologiques, pharmacologiques, psychologiques et sociales.» Il serait donc
approprié qu'une équipe multidisciplinaire soit associée aux traitements
prescrits et à leur évaluation. Aussi, si le patient l'autorise, ses proches
pourraient être associés à la démarche.
Troisième point, souffrances physiques
constantes et insupportables. La maladie mentale peut être très souffrante,
chronique et associée à des limitations importantes en termes de qualité de
vie. En cela elle ne diffère pas d'autres types de maladies. Comme pour la
santé mentale et la santé physique, il est difficile d'isoler la souffrance
psychique de la douleur physique. On sait comment le stress est corrélé avec
des maladies physiques comme les maladies cardiaques, auto-immunes et
gastro-intestinales. De plus la souffrance constante et insupportable est liée
à ce qu'on appelle la douleur totale telle que celle qui a donné lieu à la
création des soins palliatifs.
Selon une étude qualitative effectuée en
Norvège auprès de 335 patients hospitalisés, la souffrance des personnes
atteintes de troubles mentaux est liée aux facteurs suivants : manque de
compréhension de la part du personnel soignant; assujettissement à la médication;
absence de psychothérapie; aucune alliance établie, aucune confiance; absence
de prise en compte des besoins sociaux, des traumatismes de jeunesse, des
expériences de guerre, des soins à la famille, des expériences négatives avec
l'aide sociale; et enfin, stéréotype à l'égard de la santé mentale dans le
public en général qui semble être partagé par les soignants en psychiatrie.
Bien sûr, certains facteurs reflètent le
point de vue des patients interviewés, et des facteurs environnementaux entrent
en ligne de compte. Il faut souligner aussi que les personnes hospitalisées
souffrent de troubles de santé mentale graves et manifestent des comportements
perturbateurs, actes de violence, tentatives de suicide, etc. De ce fait, des
mesures sécuritaires doivent être prises, mais elles ne devraient pas
s'appliquer dans le détachement émotif, entendons-nous, et l'absence de
partenariat dans le soin.
Il est clair que les demandes d'aide
médicale à mourir obligent soignants et patients à discuter des traitements de
fin de vie et des niveaux de soins. En Belgique, selon De Hert et ses collègues
en 2015, 50 % des personnes atteintes de troubles mentaux qui font la
demande d'euthanasie, dont la demande a été étudiée, suspendent leur décision
après avoir pu en parler. Selon ces auteurs, quand la demande est traitée
adéquatement et que les patients ont pu largement s'exprimer, la discussion
autour de la demande fait partie du processus thérapeutique en allégeant la
souffrance.
Quatrième point, processus décisionnel dans
l'examen d'une requête d'aide médicale à mourir pour des personnes atteintes de
troubles mentaux. Une équipe de chercheurs belges, Verhofstadt et ses
collègues, a examiné cinq lignes directrices belges traitant d'un processus
décisionnel clinique et éthique s'appliquant aux patients qui ont un trouble de
santé mentale et qui font une requête d'euthanasie. Certaines des lignes
directrices étudiées proposent d'utiliser une approche à deux voies de manière
simultanée, celle de l'évaluation clinique de l'état de santé et des
traitements possibles et celle de l'examen de la requête d'euthanasie. Cette
façon de faire…
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : …s'appliquant aux patients qui ont un trouble de
santé mentale et qui font une requête d'euthanasie. Certaines des lignes
directrices étudiées proposent d'utiliser une approche à deux voies de manière
simultanée, celle de l'évaluation clinique de l'état de santé et des
traitements possibles et celle de l'examen de la requête d'euthanasie. Cette façon
de faire respecte à la fois l'autonomie de la personne et le devoir de protéger
la vie humaine en explorant les moyens d'aider la personne souffrante pour lui
proposer des soins plus adaptés à sa condition. De cette façon, ce ne sont pas
uniquement les critères de la loi qui sont considérés dans l'accès à
l'euthanasie — j'utilise le terme «euthanasie» parce qu'on est en
Belgique, là — mais la requête qui est explorée d'un point de vue
médical et psychologique autant que d'un point de vue social et existentiel. On
retrouve l'interdisciplinarité ici. Le traitement effectué au moment de la
demande est évalué, intensifié ou modifié. Ensuite, la possibilité de réadaptation
est examinée pour mettre l'accent sur l'autonomie du patient, sa participation
sociale et sa qualité de vie. L'option palliative n'est pas exclue pour des
personnes pour qui il n'y a aucun espoir d'amélioration, mais cette option
inclut aussi un travail de restauration de l'estime de soi, des liens sociaux
et de la qualité de vie. En un mot, la demande d'euthanasie par un patient
ayant des troubles de santé mentale ne doit pas mettre fin à des traitements et
à des soins globaux, au contraire.
Ce que l'on retient de ces propositions,
c'est l'importance de l'interprofessionnalité, c'est-à-dire que les médecins
qui acceptent de s'investir dans une requête d'euthanasie ou d'aide médicale à
mourir aient des échanges avec les autres médecins traitants, dont les
psychiatres investis dans les soins, et inversement. De plus, les aspects
socioexistentiels étant importants et non habituellement traités, même chez des
personnes hospitalisées pour troubles mentaux sans requête d'aide médicale à
mourir, une interdisciplinarité est essentielle. On devrait aussi inclure les
autres membres de l'équipe de soins, infirmières et préposés, qui ont un
rapport positif avec le patient, mais aussi les travailleurs sociaux et, chez
nous, les intervenants en soins spirituels.
Enfin, selon les demandes de la commission
fédérale de contrôle et d'évaluation de l'euthanasie en Belgique, le
pourcentage des euthanasies effectuées chez des personnes atteintes
d'affections psychiatriques comme diagnostic principal a baissé de 4,03 %
entre 2009 et 2019. Il n'y aurait donc pas lieu de craindre des dérives. Est-ce
qu'on pourrait y voir l'effet d'une approche à deux voies? C'est une question
que je pose, celle qui vient d'être décrite.
Autres modifications recommandées dans la
loi. Le critère impliquant que le patient doit être apte à décider des soins
pour lui-même jusqu'au moment de l'aide médicale à mourir doit être retiré,
parce qu'il force souvent à devancer la date de l'aide médicale à mourir ou
donne lieu à des comportements éthiquement inacceptables quand des personnes
refusent d'être soulagées pour conserver intactes leurs facultés
intellectuelles jusqu'au décès. La Loi modifiant le Code criminel précise que
la personne qui fait une demande d'aide médicale à mourir doit avoir été informée
des moyens disponibles pour soulager la douleur, notamment les soins
palliatifs. D'inclure cette obligation dans la loi québécoise favoriserait
l'harmonisation entre les deux lois tout en favorisant la réflexion sur des
moyens autres que l'aide médicale à mourir.
Alors, en résumé, les recommandations,
c'est : le critère de fin de vie…
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : ...médicale à mourir doit avoir été informé des
moyens disponibles pour soulager la douleur, notamment les soins palliatifs.
D'inclure cette obligation dans la loi québécoise favoriserait l'harmonisation
entre les deux lois tout en favorisant la réflexion sur des moyens autres que l'aide
médicale à mourir.
Alors, en résumé, les recommandations, c'est :
le critère de fin de vie doit être retiré parce qu'il est discriminatoire
envers les personnes qui sont souffrantes, sans espoir d'amélioration.
Les directives médicales anticipées
devraient inclure la possibilité pour des personnes atteintes de maladies
neuropathiques dégénératives comme l'alzheimer ou le parkinson de faire une
demande anticipée d'aide médicale à mourir.
• (11 h 40) •
L'aptitude de toute personne qui signe un
formulaire d'aide médicale à mourir devrait être vérifiée au moment de la
demande, de même que les conditions d'une demande éclairée et libre de toute
coercition. Cette mesure est particulièrement nécessaire si la règle de
maintenir l'aptitude jusqu'au moment de l'intervention n'est pas maintenue.
Pour rendre plus cohérente la loi qui
modifie le Code criminel et la Loi concernant les soins de fin de vie, l'aide
au suicide devrait être une option. Dans le cadre de l'aide médicale à mourir,
cette option apporterait des avantages à plusieurs niveaux, notamment en
favorisant le libre choix et le respect de l'autonomie jusqu'à la fin pour un
individu qui choisirait cette option.
Permettre aux personnes atteintes de
troubles mentaux comme seul diagnostic d'avoir accès à l'aide médicale à mourir
en autant qu'elles sont aptes à prendre des décisions pour elle-même, que des traitements
en interdisciplinarité leur sont offerts et ont été acceptés et que leur
condition est jugée incurable par deux psychiatres.
Inclure des infirmières praticiennes dans
la pratique de l'aide médicale à mourir serait un atout, comme la loi fédérale
le permet, puisqu'un des problèmes qui se pose quand on décide d'ouvrir
davantage les critères d'accès à l'aide médicale à mourir, ce serait le nombre
insuffisant de médecins pour répondre à la demande.
En conclusion, les critères d'accès à
l'aide médicale à mourir doivent être les mêmes pour tous, sans faire de
discrimination pour les personnes atteintes de troubles mentaux, respectant
ainsi le principe d'égalité devant la loi. Cependant, des mesures de protection
supplémentaires en termes d'évaluation de l'aptitude et d'offres de traitement
doivent être mises en place pour protéger ces personnes qui constituent un
groupe plus vulnérable. On retient que l'examen de l'aptitude doit être fait
par deux psychiatres, qu'une étude multidisciplinaire doit être associée à
l'examen de la requête et enfin que l'approche à double voie, examen de la
requête et traitement approprié, en même temps qu'examen, donc, de la requête,
favorise à la le respect de l'autonomie de la personne aussi bien que le
bien-être et la qualité de vie des personnes qui sont atteintes de troubles
mentaux. Idéalement, cette mesure devrait s'appliquer à toute personne qui fait
une requête d'aide médicale à mourir.
Et voici, j'espère que je suis dans mes
temps.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Tout à fait. Merci beaucoup, c'est très, très enrichissant. J'aimerais... Je me
lance, là. J'aimerais que vous me parliez de l'aide au suicide versus l'aide
médicale à mourir.
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Bien, la différence, c'est que ce n'est pas la
même personne qui pose l'acte. Quand le médecin donne, au Québec, les trois
injections qui vont mettre fin à la vie de la personne, d'ailleurs,
quelquefois, la personne décède...
La Présidente (Mme Guillemette) :
...vous nous parliez de l'aide au suicide versus l'aide médicale à mourir.
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Bien, la différence, c'est que ce n'est pas la
même personne qui pose l'acte. Quand le médecin il donne, au Québec, les trois
injections qui vont mettre fin à la vie de la personne — d'ailleurs,
quelque fois, la personne décède après la première injection — c'est
le médecin qui le fait. Alors, on va parler d'aide médicale à mourir ou,
autrefois, on parlait d'euthanasie. Mais quand c'est la personne elle-même qui
avale une médication, un produit qui va mettre fin à sa vie, à ce moment-là,
c'est elle qui pose l'acte. Et donc, selon moi, ça favorise son autonomie,
parce que quand on est pris dans une espèce d'engrenage où on a fait des
démarches pendant un mois, mettons, ce n'est pas sûr que si on a des doutes, on
décide qu'on change d'avis. La loi dit que oui, la personne peut toujours
changer d'avis.
Moi, je me dis que si c'est la personne
elle-même qui se donne la mort, c'est qu'elle est plus autonome là-dedans et
pourrait, par exemple, décider de ne pas le faire.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, toujours cet acte-là sous supervision médicale.
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Oui, ou encore, si, comme la loi fédérale
l'autorise, des infirmières praticiennes ou des infirmiers praticiens
pourraient le faire. Mais actuellement, ce n'est pas dans la loi québécoise.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Et vous disiez aussi que ce serait favorable pour la santé mentale,
sauf si la personne a fait un refus de traitement, d'un plan de traitement
qu'on lui a proposé. Vous voyez ça comment, si la personne refuse les
traitements qu'on lui propose? Est-ce qu'on autorise les soins de fin de vie
ou...
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) :Oui, c'est une bonne question,
parce que moi-même, je me suis souvent posé la question depuis que la loi
existe, parce qu'effectivement, une personne peut refuser d'être soulagée, mais
maintenant, c'est le soulagement de la douleur qui devient le principal
critère, une fois qu'on a enlevé celui de fin de vie. Donc, c'est sûr que ça
pose un problème.
D'après moi, pour les personnes atteintes
de troubles psychiatriques ou de problèmes de santé mentale, je pense que ça
prend absolument un essai de traitement.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait, merci. Je cèderais maintenant la parole à la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci, Mme la Présidente. Lorsqu'une personne se retrouve en situation
d'inaptitude et qu'elle ne puisse affirmer clairement son souhait d'aide
médicale à mourir à un moment précis, comment on détermine le moment précis
pour l'administration de l'aide médicale à mourir lorsque le patient ou la
patiente n'est pas en mesure de le fixer?
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : D'accord. Là, c'est dans la situation où la
personne l'aurait demandé dans les directives médicales anticipées. Et ce que
je disais, c'est qu'il fallait absolument vérifier l'aptitude. D'ailleurs, on
devrait le faire...
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
...l'aide médicale à mourir lorsque le patient ou la patiente n'est pas en
mesure de le fixer?
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : D'accord. Là, c'est dans la situation où la
personne l'aurait demandée dans des directives médicales anticipées. Et ce que
je disais, c'est qu'il fallait absolument vérifier l'aptitude. D'ailleurs, on
devrait le faire... Je parlais ce matin avec un avocat, qui dit que, même légalement,
il faudrait que ce soit fait pour tout le monde de vérifier l'aptitude au
moment de la signature des directives médicales anticipées.
Si je prends l'exemple de la maladie
d'Alzheimer, qui se déroule sur, je ne sais pas, moi, je pense, sept stades,
bien, la personne, elle est apte à prendre des décisions pour elle-même dans
les premiers stades de sa maladie, quelquefois jusqu'au stade 4. Donc, ce
serait durant ces périodes-là qu'elle peut en faire la demande. Maintenant,
elle peut faire la demande en disant : Moi, je souhaite avoir l'aide
médicale à mourir quand je vais être rendu à l'étape 7. Mais à l'étape 7, là,
c'est qu'elle est recroquevillée sur elle-même dans son lit là, puis qu'elle ne
mange plus, ni rien. Mais il y en a qui vont quand même nourrir ces
personnes-là, là, pour prolonger leur vie, ce qui devient de l'acharnement
thérapeutique. Mais elle pourrait demander l'aide médicale à mourir à la
dernière étape, quand on est capable de confirmer l'avant... disons, l'étape 6
ou l'étape 7, là, de la maladie.
Est-ce que ça répond à votre question?
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Oui, merci. Selon vous, Mme Saint-Arnaud, est-ce qu'il y a des effets néfastes
à l'élargissement de l'aide médicale à mourir pour les personnes en situation
d'inaptitude?
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Oui. Moi, ce que je répondrais là-dessus, c'est
qu'à partir du moment où, aux Pays-Bas on a établi une loi, on a aussi souhaité
qu'il y ait une équipe de... une équipe... Il ne faut pas que je me regarde
parce qu'il y a un décalage entre ce que je dis puis ma bouche. Alors, aux
Pays-Bas, ils ont décidé, au départ, qu'il y aurait une équipe de chercheurs
indépendante tout à fait des commissions qui examinent les requêtes et les
rapports médicaux après le fait. Et puis ces chercheurs-là sont capables de dire
quelles sont les aides médicales à mourir, si j'utilise le langage québécois,
qui ne sont pas déclarées. Donc, ça, moi, c'est un souhait que j'aurais voulu
pour le Québec, parce que ça permet de savoir exactement le nombre d'aides
médicales à mourir.
Puis généralement, les médecins, par
exemple, qui ne déclareraient pas... Moi, dans les études empiriques que j'ai
consultées, en Belgique et aux Pays-Bas, il y a des médecins qui s'entendent
avec la famille puis disent : On n'a pas besoin de déclarer. Bon, ça ne
donne pas vraiment le chiffre exact des euthanasies qui ont été vraiment
effectuées. Alors, ça, ce serait une option pour resserrer. Mais les
commissions, en fait...
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) :...disent : On n'a pas
besoin de déclarer. Bon, ça ne donne pas vraiment le chiffre exact des
euthanasies qui ont été vraiment effectuées. Alors, ça, ce serait une option
pour resserrer. Mais, les commissions, en fait, sont dans une situation
difficile parce qu'elles doivent, en même temps, favoriser les déclarations et,
en même temps, opérer un contrôle. Moi, ce que je considère, c'est que les
commissions, généralement, n'ont pas vraiment opéré de contrôle. Si je pense à
la Belgique, par exemple, celle qui a créé la commission, celle qui a fait la
promotion de l'euthanasie dans la loi, elle, c'est une juriste, bien, un jour,
elle n'est pas allée devant le tribunal pour demander si les critères d'aide
d'euthanasie... pour obtenir l'euthanasie, pouvaient être les mêmes que pour
l'aide au suicide. Et c'est en commission qu'ils ont décidé que les critères
devaient être les mêmes. Donc, c'est vrai qu'il y a des risques. C'est pour
ça que ça prend des mesures de sauvegarde parce qu'effectivement, d'après les
résultats de mes études, ce n'est pas ça que je vous ai présenté, mais ça fait
au-delà de 10 ans, moi, que je fais des études là-dessus. Et puis les
personnes qui sont les plus vulnérables, c'est les personnes qui sont en
dépression puis c'est les personnes qui sont seules à l'hôpital. Parce que les
personnes qui sont seules à l'hôpital peuvent recevoir l'euthanasie sans
l'avoir demandé. Là, je parle des Pays-Bas puis de la Belgique.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Mais…
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Alors, c'est sûr que nous, on n'est pas à l'abri
de ça non plus. Excusez-moi.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Mais, selon vous, Mme Saint-Arnaud, quelles seraient les mises en place
pour protéger les personnes les plus vulnérables, face à l'aide à mourir?
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Bien, c'est qu'il faut, il faut, premièrement,
mettre l'accent sur l'aptitude de la personne et puis non seulement faire une
vérification rapide, mais aller en profondeur, là-dedans, surtout pour les
personnes qui sont atteintes de problèmes de santé mentale. Alors, c'est pour
ça que, moi, dans mon mémoire, j'ai reproduit une partie du tableau de
Applebaum, qui est un psychiatre, et qui formule des questions et qui indique
comment on peut faire l'examen de l'aptitude chez des personnes qui ont des
troubles de santé mentale. Alors, pour moi, c'est la principale condition.
Je vais vous dire franchement, moi, avant
la loi, avant que la loi existe, j'ai fait partie de la commission en 2015. Je
n'étais pas en faveur d'une loi parce que je trouvais que c'était une question
qui devait être traitée entre le médecin et son patient. Mais, je respecte la
démocratie et, maintenant, j'examine, je continue à examiner comment ça se
passe, quelles sont les conditions. J'en étais certaine, moi, que les critères
s'ouvriraient. Ça a été pareil ailleurs. On commence par considérer les
personnes qui sont aptes, et puis ensuite, bien, on pense aux personnes inaptes
qui vont l'avoir demandé dans des directives anticipées. Alors, ce n'est pas
différent ce qui se passe ici de ce qui…
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : …ça se passe, quelles sont les conditions. J'en
étais certaine, moi, que les critères s'ouvriraient. Ça a été pareil ailleurs.
On commence par considérer les personnes qui sont aptes, et puis ensuite, bien,
on pense aux personnes inaptes qui vont l'avoir demandé dans les directives
anticipées. Alors, ce n'est pas différent ce qui se passe ici de ce qui se
passe ailleurs. Je vous dirais qu'il y a une plus grande… un plus grand
contrôle aux Pays-Bas qu'en Belgique à propos des critères.
On a souvent comparé, en Belgique,
comment… la position des médecins par rapport à ceux qui font partie d'une
association qui aident les médecins dans le cas d'une demande d'euthanasie,
puis de la part de la commission elle-même. Et c'est la commission elle-même
qui est la plus ouverte et qui accepte que quand une personne le demande, bien,
il faut le faire ni plus ni moins, là. Je prends un peu un raccourci, là, mais
c'est à peu près ça. Donc, en Belgique, moi, ce que j'ai constaté, c'est que
c'était les médecins qui étaient les gardiens des bonnes pratiques dans ce
domaine-là. Puis il y a une très grande différence entre les médecins
francophones puis les médecins néerlandais, différence de trois quarts par rapport
à un quart, là, dans les déclarations qui sont faites à la commission.
Alors, je pense, c'est surtout l'aptitude.
Ensuite, quand il s'agit de personnes atteintes de problèmes de santé mentale,
bien, d'être capable de, vraiment, ne pas abandonner leur traitement. Il ne
faut pas qu'ils abandonnent leur traitement parce qu'ils font une demande
d'aide médicale à mourir. Il faut que ça soit continu. Donc, c'est pour ça que
je vous ai parlé de la double voie. Il y a aussi, dans le mémoire qui est plus
long que ce que je viens de vous présenter, il y a une démarche en quatre
étapes d'un auteur qui est belge, qui s'appelle Thienpont, et c'est vraiment
intéressant, comment il introduit l'interdisciplinarité dans à la fois l'examen
de la demande et la poursuite des traitements, puis éventuellement de changer
les traitements s'ils ne sont pas appropriés, pour que la personne ne soit pas
vulnérable à décider trop vite d'une aide médicale à mourir, si on parle dans
le vocabulaire québécois.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Je
vous remercie beaucoup, Mme St-Arnaud.
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Ça me fait plaisir.
• (11 h 50) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je céderais maintenant la parole à la députée de Soulanges.
Mme Picard : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bonjour, Mme St-Arnaud.
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Bonjour.
Mme Picard : Ma question... en
fait, vous avez parlé beaucoup de l'équipe multi, et je pense que c'est
nécessaire, là, de créer une belle cellule autour de la personne qui demande ce
soin-là pour qu'elle soit bien appuyée puis que tout le monde autour de la
table comprenne l'enjeu. Donc, concrètement, comment vous la voyez, cette
cellule-là, ce comité-là? Qui, autour de la table, devrait être au chevet du
patient pour l'aider à prendre sa décision?
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Bien, c'est-à-dire, au chevet du patient, il y a
toujours une équipe, au moins, de médecins et d'infirmières...
Mme Picard : ...donc, concrètement,
comment vous la voyez, cette cellule-là, ce comité-là? Qui, autour de la table,
devrait être au chevet du patient pour l'aider à prendre sa décision?
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Bien, c'est-à-dire, au chevet du patient, il y a toujours
une équipe au moins de médecins et d'infirmières.
Dans notre système, qui souffre
quelquefois de manque de ressources, n'est-ce pas, il n'y a pas toujours la possibilité
d'obtenir des soins palliatifs. Alors, ça, c'est aussi... J'aurais pu l'inclure
dans ma réponse précédente à Mme Blais, qu'on ait des soins palliatifs
accessibles et qui répondent à la définition qu'on retrouve dans la loi. Parce
qu'elle est très belle, la définition qu'on retrouve dans la loi des soins
palliatifs, mais, quand on va à d'autres articles dans la même loi, c'est
qu'ils sont disponibles si les ressources en personnel et financières sont
disponibles. Puis, bon, on le sait que ces ressources-là ne sont pas
disponibles partout.
Je m'éloigne peut-être de votre question,
pouvez-vous me la rappeler?
Mme Picard : En fait,
l'équipe multi...
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Ah oui! L'équipe...
Mme Picard : ...de qui
elle serait composée?
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Alors, justement, dans ces soins palliatifs là, il
y a une description de toutes les disciplines qui pourraient y être associées.
Mais c'est sûr que les médecins, psychiatres, infirmières, travailleurs sociaux,
c'est important.
On pourrait rajouter psychologues. Il y en
a qui ne veulent rien savoir des psychiatres, hein? Il y a des personnes qui ne
veulent rien savoir des psychiatres. Mais pourquoi il n'y en a pas, de
psychologues dans nos hôpitaux? Parce que les psychiatres, eux, sont payés par
la RAMQ, tandis que les psychologues seraient payés sur le budget de l'hôpital.
Puis, comme les budgets, bien, ont eu tendance à baisser, là, depuis, je
dirais, assez longtemps, bien, on n'a pas nécessairement accès à tous ces professionnels
qui pourraient aider dans la réponse à la requête, mais aussi de penser que
d'examiner la requête, ça peut déjà faire partie de la continuité des soins, et
surtout ne pas d'oublier les soins.
Alors, minimalement, ça prend des médecins,
des infirmières, des travailleurs sociaux. Et puis, bien, idéalement, ça
prendrait aussi des psychologues.
Mme Picard : Et un
proche, j'imagine? Est-ce que vous voyez une implication d'une tierce personne
aussi...
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Oui. Ça, ça a été traité aussi dans plusieurs
résultats d'études que, quand la personne l'accepte, que les proches soient
inclus dans la démarche. Parce que, comme vous l'avez vu, quand on veut ni plus
ni moins favoriser la santé mentale d'une personne, on essaie de la
réintroduire... de lui redonner des relations sociales, de lui redonner une
estime d'elle-même, et puis les proches peuvent jouer un rôle là-dedans, en
autant que la personne...
(Visioconférence)
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : ...on veut ni plus ni moins favoriser la santé
mentale d'une personne. On essaie de la réintroduire à... de lui redonner des
relations sociales, de lui redonner une estime d'elle-même, et puis les proches
peuvent jouer un rôle là-dedans en autant que la personne l'accepte, puis ce
n'est peut-être pas tous les proches non plus. Peut-être que la personne
dirait : Bien, c'est telle personne que je peux m'entretenir de ce genre
de problèmes, etc. Oui.
Mme Picard : Merci. Merci
beaucoup.
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Bienvenue.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Je céderais la parole à la députée de Saint-François
pour une très courte question. Mme la députée.
Mme
Hébert
:
Merci, Mme la Présidente. Mme Saint-Arnaud, la Commission des soins de fin
de vie rapporte qu'il y a plusieurs organismes et même des psychiatres, des
médecins qui ont affirmé qu'ils auraient une crainte à l'élargissement de
l'aide médicale à mourir parce que ça pouvait briser l'espoir des personnes
atteintes de troubles mentaux puissent un jour aller mieux. Donc, j'aimerais
que vous me partagiez si vous avez ces craintes-là, vous aussi.
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Il faut dire que, moi, je ne suis pas psychiatre
donc je ne peux pas parler en leur nom, et ils connaissent bien leurs
clientèles, ce qui n'est pas mon cas.
Moi, ce que j'ai lu beaucoup, c'est des
résultats d'études empiriques par contre, et puis je dirais que les craintes ne
sont pas toujours fondées si on regarde ce qu'il se passe ailleurs dans les
autres pays qui ont légalisé l'aide médicale à mourir et qui acceptent que des
personnes atteintes de problèmes de santé mentale puissent bénéficier de... et
faire une requête d'euthanasie. Je dirais que, là, je n'ai pas en tête, là,
certaines études, mais c'est ossible de trouver des éléments qui nous donnent
des indications là-dessus, et puis généralement, bien, on aura aussi l'avis.
Parce que, moi, je vous ai cité un
résultat d'enquête, là, auprès des personnes hospitalisées, et c'est très rare
qu'on a des études qualitatives sur un très grand nombre de personnes. Là, le
chiffre que je vous ai cité, là, c'est autour de 335, là. Habituellement, quand
on fait une étude qualitative, là, c'est auprès d'une dizaine de personnes, une
vingtaine dans le plus. Mais là, là, c'est 300 personnes qui ont répondu,
qui ne venaient pas toutes du même centre hospitalier, là. Et c'est sûr que les
personnes hospitalisées, c'est celles qui ont les maladies les plus graves et
c'est celles pour qui on prend plus de mesures de sécurité. Mais, en même
temps, les mesures de sécurité, ça sert aussi de repoussoir pour des relations
plus humaines.
• (12 heures) •
Alors, c'est sûr que, la crainte, elle est
présente parce qu'il y a différents actes de violence aussi qui sont proférés
dans les milieux hospitaliers. Mais, si une personne n'est pas hospitalisée,
bien, elle a plus de chances d'être à décider pour elle-même, puis ça, moi, je
pense que c'est le critère absolument déterminant, et c'est sur celui-là qu'il
faut se centrer en premier lieu...
12 h (version non révisée)
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : …mais si une personne n'est pas hospitalisée,
bien, elle a plus de chance d'être apte à décider pour elle-même. Puis ça, moi,
je pense que c'est le critère absolument déterminant, et c'est sur celui-là qui
faut se centrer en premier lieu. Ensuite, dans cette évaluation-là de
l'aptitude, bien, si on a le point de vue aussi d'autres personne, et qu'on ne
fasse pas simplement cocher des cases en évaluant l'aptitude, puis qu'on prend
le temps d'avoir une conversation vraiment profonde avec la personne en cause…
bien, ce qu'on a comme résultat d'étude, c'est que ces personnes-là, ça les
aide beaucoup, au point où, vraiment, ils peuvent abandonnés l'idée d'avoir
recours à l'aide médicale à mourir. Donc, je pense que, ça, c'est quand même
une indication.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme Saint-Arnaud. Je cèderais maintenant la parole à la
députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Saint-Arnaud. Merci d'être avec
nous aujourd'hui. J'ai quelques questions à vous poser, mais d'entrée de jeu,
ce que j'aimerais comprendre… parce qu'effectivement vous l'avez mentionné,
votre réflexion a évolué au cours des années… je pense qu'on pourrait
certainement le mentionner comme ça. Je suis allée relire, effectivement, les
mémoires que vous aviez déposés à l'époque… je pense qu'on est en 2009, 2013,
vous avez été très active dans cette discussion sociale là. Et je voyais
qu'encore dernièrement, c'est ça, vous associez… puis je ne veux pas… je veux
juste être bien sûre de comprendre, vous associez… vous avez utilisé le mot
dérive, qu'une des dérives à laquelle on peut faire face… justement, c'est la
question, c'est élargir les critères possibles, là. Et je voulais juste bien
comprendre votre posture, dans le fond. Est-ce que vous pensez que, oui, ça
peut être élargi? Quand vous dites c'est une dérive possible, est-ce que vous
pensez que ça peut être fait avec les mesures de protection nécessaires que,
oui, on peut élargir… oui, on peut considérer ça ou vous le considérez vraiment
comme une dérive possible, donc pas une avenue vers laquelle on devrait aller?
Parce que je sais que vous avez souligné plusieurs éléments, mais je voulais
juste être bien sûre de comprendre votre posture là-dessus.
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : C'est-à-dire que, pour moi, une fois qu'on ouvre
la porte, il faut l'ouvrir pour vrai. C'est ça que je pense, ça fait qu'on ne
peut pas au nom de certains critères discriminatoires de mettre de côté
certaines personnes, sans qu'ils répondent, par ailleurs, aux critères de la
loi, surtout si on enlève le critère de fin de vie. Donc, à partir du moment où
ces personnes répondent aux critères de la loi, on ne peut pas les mettre à
part, donc il faut, à ce moment-là, ajouter des mesures de protection. Et c'est
là-dessus aussi que je suis intervenue. Je ne sais pas si c'est très clair,
mais c'est vrai que, moi, j'avais défini dérive au départ, parce que quand on
commence à définir, c'est toujours pour la…
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : ...aux critères de la loi. On ne peut pas les
mettre à part, donc il faut, à ce moment-là, ajouter des mesures de protection.
Et c'est là-dessus aussi que je suis intervenue. Je ne sais pas si c'est très
clair, mais c'est vrai que moi, j'avais défini «dérive», au départ, parce que
quand on commence à définir, c'est toujours pour la personne apte, mais au fur
et à mesure... Si on regarde qu'est-ce qui se passe en Belgique, par exemple,
là, c'est rendu que les enfants ont accès. Est-ce qu'on veut aller jusque-là?
Moi, je dirais non. Mais là je considérerais que ça serait une dérive au sens
péjoratif du terme.
Mais déjà, qu'on permette aux personnes de
demander à l'avance l'aide médicale à mourir, dans les directives anticipées,
j'aurais plutôt tendance à ne pas considérer que c'est une dérive, dans le sens
que ces personnes-là sont aptes quand elles le demandent. Il faut vraiment
faire des vérifications, par contre, parce que si on fait comme actuellement
dans la loi, on présume que la personne est apte, non, ça ne fonctionnerait
pas. Donc, c'est vraiment... moi, je centre mon affaire sur l'aptitude.
Les enfants, bien, écoutez, c'est sûr
qu'ils ont leur mot à dire dans les traitements, maintenant, ce qui n'était pas
le cas autrefois, mais de là à ouvrir l'aide médicale à mourir aux enfants, je
suis tout à fait contre. Tout à fait. Puis les personnes qui seraient inaptes
au moment de la demande, je suis tout à fait contre aussi, parce qu'à ce
moment-là ce sont les proches, par exemple, ou autres personnes qui décident
pour elles. Je n'accepterais pas ça.
Mme Montpetit : Puis sur le
continuum, justement, vous faites la distinction entre apte ou qui devient
inapte, puis vous y avez peut-être référé, mais il y a plusieurs des...
justement, des... bien, en fait, entre autres le groupe d'experts qui... les
coprésidents qui sont venus vendredi, qui nous ont sensibilisés au fait que la
personne... on devrait permettre de faire ce choix-là seulement quand un
diagnostic a été posé. D'un point de vue bioéthique, je serais curieuse de vous
entendre sur cette question-là aussi.
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Oui. Je suis absolument d'accord, là, ça faisait
partie des conditions que j'ai énumérées. C'est vrai que j'ai parlé vite, là,
puis que j'avais juste 20 minutes, mais, effectivement, qu'il y ait une
obligation d'offrir des traitements, mais aussi une obligation pour la personne
de les accepter. Peut-être pas pendant 10 ans, là, mais ça, c'est au
psychiatre à décider ça, ensemble. Mais moi, je trouvais ça très intéressant,
l'idée de l'Association des médecins psychiatres du Québec, qui proposait une
espèce de comité qui fasse l'examen. Puis dans ce comité-là, ça pourrait être
multidisciplinaire, puis l'avantage, ce serait qu'ils pourraient fournir une
grille d'évaluation pour l'aptitude, vraiment créée pour les personnes qui ont
des problèmes de santé mentale. Alors, à ce moment-là, bien, ce sont des
mesures qui...
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : …puis, dans ce comité-là, ça pourrait être
multidisciplinaire, puis l'avantage, ce serait qu'il pourrait fournir une
grille d'évaluation pour l'aptitude, vraiment créée pour les personnes qui ont
des problèmes de santé mentale. Alors, à ce moment-là, bien, ce sont des
mesures qui vont… ce sont des mesures de sauvegarde qui vont éviter certaines
dérives. Après ça, bien, s'il y a des médecins qui ne suivent pas les règles,
mais on n'a aucune façon de vérifier ici, là. On n'a pas de comité, on n'a pas
une équipe de recherche indépendante pour faire cette évaluation-là. Bien, ça
s'est fait surtout aux Pays-Bas et dans la partie néerlandaise de la Belgique
aussi, où là on examine les actes de décès, puis il y a une entente avec un
notaire qui reçoit les réponses, qui les anonymise, ceux qui répondent ont des
garanties de ne pas être poursuivis. Ça donne un portrait de la situation qui
est plus complète que simplement les déclarations qui sont faites aux commissions.
Mme Montpetit : Oui, j'ai vu,
dans votre mémoire, là, que vous aviez le tableau comparatif entre ce qui est
déclaré… mes collègues…
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Ah! les anciens mémoires.
Mme Montpetit : Oui, c'est ça exactement,
exactement. Une autre petite question pour vous, avant que je cède la parole à
mes collègues aussi qui voulaient échanger avec vous, sur la question, encore
là, de l'éthique. Vous l'avez survolée, c'est pour ça que l'échange, ça nous
permet d'aller sur des points plus précis, mais vous avez souvent fait
référence à la détresse aussi des soignants, à la souffrance des professionnels
de la santé aussi. Puis j'aurais souhaité justement comme, je pense, c'est un
domaine sur lequel vous vous êtes penchée particulièrement, vous entendre sur
cette question-là : Est-ce que ça peut être une barrière justement au
traitement? Est-ce que c'est dans le cadre que l'on doit mettre ou on doit
apporter une attention justement à cet élément-là?
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : En fait, j'ai perdu mon idée, mais pouvez-vous
juste reprendre quelque chose que vous venez de dire, là?
Mme Montpetit : Oui, oui, absolument,
avec plaisir. C'était sur la question sur la détresse…
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Oui, la détresse morale des soignants, oui. Bon.
Alors, ce que j'ai à dire là-dessus, les études sont faites surtout chez les
infirmières, elles sont faites aussi auprès des autres professionnels de la
santé, mais un des gros facteurs qui est déterminant dans la détresse morale
des soignants, des infirmières en particulier, notamment celles qui sont aux
soins intensifs, c'est l'acharnement thérapeutique. Et on comprend que l'aide
médicale à mourir aussi, c'est une des façons d'éviter de l'acharnement thérapeutique.
Alors, dans ce sens-là, moi, j'ai toujours… je suis étonnée quelquefois de lire
des résultats d'études qui montrent…
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : …intensifs, c'est l'acharnement thérapeutique. Et
on comprend que l'aide médicale à mourir, aussi, c'est une des façons d'éviter
l'acharnement thérapeutique. Alors, dans ce sens-là, moi, j'ai toujours… je
suis étonnée, quelques fois, de lire des résultats d'études qui montrent que,
par exemple, les proches de personnes qui ont demandé l'aide médicale à mourir,
moi, j'aurais pu penser que ces personnes-là seraient traumatisées par
l'expérience, mais, pas le cas, ce n'est pas le cas.
• (12 h 10) •
Et puis, c'est intéressant de voir que,
d'autant plus, qui est appelé un soin dans la loi, là. Au départ, j'avais de la
misère à accepter ce terme, maintenant, je comprends… bien, en fait, j'utilise,
un petit peu plus, le terme intervention que soin, maintenant. Mais, ceci étant
dit, je ne crois pas que c'est une situation qui causerait de la détresse
morale. En tout cas, ça ne ressort pas dans les écrits, ça, c'est sûr. Quand
j'ai fait une revue intégrative des écrits, il y a quelques années, il
faudrait, d'ailleurs, que je prenne le temps de publier ça, je me suis rendu
compte que la détresse morale des soignants, on la retrouvait dans tous les
pays. On la retrouve autant au Québec, ailleurs, au Canada, aux États-Unis,
dans les pays scandinaves, on la retrouve partout, et, toujours, la question
d'acharnement thérapeutique revient, dans chacun des pays. Ça fait que, le
problème, c'est que les médecins, on dirait qu'ils veulent absolument agir. Ils
ont de la difficulté à référer à des soins palliatifs.
Ça commence à changer. Ça commence à
changer. J'ai lu des expériences qui se passent avec l'Hôpital de Verdun et les
soins à domicile. Et, à ce moment-là, les soins palliatifs, on n'attend pas la
dernière semaine pour les donner aux personnes, mais on commence bien avant. Et
il y a une auteure, qui est Diane Guay, qui a écrit une thèse de doctorat sur
la question d'offrir des soins palliatifs avant que la personne soit rendue en
fin de vie, autrement dit, de la soulager davantage de sa souffrance et de ses
douleurs avant d'en arriver à la fin. Et ça, bien si ça pouvait s'appliquer,
là, ça serait une façon d'éviter à la fois l'acharnement thérapeutique et des
recours à l'aide médicale à mourir qui seraient dus à une crainte des
traitements à venir. Parce qu'il y a beaucoup de préjugés dans la population
sur les soins palliatifs, la morphine tue, et puis les soins palliatifs, c'est
quand on en meurt. Alors que, quand il y a un bon dosage de médication, la
personne, souvent, est inscrite dans les soins palliatifs mais elle peut s'en
retourner chez elle, après. Alors, c'est ça que je trouve qui serait important…
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : …soins palliatifs, c'est quand on en meurt. Alors
que, quand il y a un bon dosage de médication, la personne, souvent, est
inscrite dans les soins palliatifs, mais elle peut s'en retourner chez elle
après.
Alors, c'est ça que je trouve qui serait
important pour répondre à votre question, mais je ne ferai pas de lien entre la
détresse morale des soignants et l'aide médicale à mourir. En tout cas, ce
n'est pas ce que j'aurai lu dans tous les résultats d'étude que j'ai pu
consulter.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Je céderais la parole à Mme la députée de Westmount—Saint-Louis. Il nous
reste 30 secondes, Mme la députée.
Mme Maccarone : Alors, très
rapidement, vous avez parlé d'un comité d'experts pour évaluer l'inaptitude ou
l'aptitude d'une personne de prendre une décision en ce qui concerne l'aide
médicale à mourir. Alors, selon vous, est-ce que les personnes qui souffrent
d'une déficience intellectuelle ou autisme pourraient être éligibles à ce même
accès à un comité? D'abord, faire accès à avoir l'aide médicale à mourir.
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : C'est une très bonne question. En fait, votre
question me fait penser au DSM-V qui a été très élargi, permettant
beaucoup plus de prescriptions pour des problèmes qui ne sont pas toujours des
problèmes qui auraient à être médicamentés. Alors, ça moi, je… quand vous me
posez la question, je pense au spectre de l'autisme et ça, c'est très large et
puis je le sais que les compagnies pharmaceutiques sont intervenues dans le…
dans le remaniement du DSM.
Alors, ce qui arrive avec les parents, là,
ils sont mal pris, là, le professeur dit : Votre enfant, il dérange tout
le monde à l'école. Il faut absolument que vous alliez voir le médecin. Le
médecin n'a pas d'autres moyens que de faire une médication, lui. Je ne le sais
pas trop comment ça marche pour avoir accès à un psychologue, mais d'après ce
que je sais, c'est très long la liste d'attente. Alors, il y a beaucoup de
jeunes qui sont médicamentés, mais qui ne le serait pas s'il n'y avait pas cet
élargissement-là du DSM-V.
Ceci étant dit, est-ce qu'une personne
autiste? Ça dépend de son degré d'aptitude, j'en reviens toujours là. Alors, comment
évaluer l'aptitude d'une personne qui est autiste, bien, probablement qu'il
faut aller plus loin dans les questions.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Mme Saint-Arnaud, c'est tout le temps... Parfait, merci. Désolé de vous
interrompre, mais…
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Bien, communiquez avec moi par courriel.
La Présidente (Mme Guillemette) :
J'ai ce rôle-là de la gardienne du temps. Donc, et en ce sens, j'aurai besoin
du consentement de la commission pour dépasser sur l'heure prévue, parce qu'on
est déjà un peu en retard sur notre temps.
Donc, je… j'ai consentement de tout le
monde? Merci. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de Joliette.
Mme
Hivon
:
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Saint-Arnaud,
heureuse de vous revoir. Ça fait quelques fois, quand même, qu'on échange, dans
le cadre de commissions, sur cette question-là. Donc, de l'aide médicale à
mourir, donc, merci de votre contribution supplémentaire…
La Présidente (Mme Guillemette) :
...donc, je cèderais maintenant la parole à la députée de Joliette.
Mme
Hivon
: Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Saint-Arnaud, heureuse de vous
revoir. Ça fait quelques fois quand même qu'on échange dans le cadre de commissions
sur cette question-là, donc, de l'aide médicale à mourir, donc merci de votre
contribution supplémentaire. Je pense que c'est vraiment intéressant de voir
l'évolution aussi quand on est frappés à la réalité, donc, de comment ça se
passe et tout, donc, merci beaucoup.
Premièrement, je vous trouve ça très
intéressant que vous ayez soulevé que le fait même que dans les cas de maladie
mentale, la discussion puisse apporter un apaisement par rapport à l'idée même
d'avoir recours à l'aide médicale à mourir. Puis je dois dire que ça me
rappelle une jeune femme qui était venue dans la première phase des débats qui
avait une maladie physique, l'ataxie de Friedreich, et qui nous avait dit que,
pour elle, c'était d'abord une sortie de secours, l'aide médicale à mourir, de
juste savoir que ça existe, que ça pouvait être un facteur d'apaisement.
Donc, je comprends que ce que vous nous
dites aujourd'hui, puis j'ai parcouru rapidement, là, votre exposé, c'est qu'il
y a des études qui montrent, donc, qu'une personne qui souffre de troubles
mentaux, le fait d'engager une conversation sur cette hypothèse-là et de savoir
qu'elle existe peut en soi apaiser ses souffrances.
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Oui. Oui.
Mme
Hivon
: O.K.
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Et puis ce n'est pas juste pour les personnes
atteintes de troubles mentaux. C'est que les personnes qui font une requête
d'aide médicale à mourir, quand elles ont l'occasion d'en parler et puis de
donner la... de n'être pas dans un carcan, là, de... des fois, je pense à ça,
moi, tu sais, un formulaire où est-ce que tu coches, là, bien, oui, c'est
correct, là, tu as coché, mais tu n'as pas vraiment pas discuté, tu n'as pas
laissé parler la personne de son problème, tu n'avais pas le temps de la
laisser parler, des choses comme ça. Alors, c'est sûr que ce n'est pas juste la
maladie mentale, en fait, qui demanderait des changements, c'est pour toute
personne. Et ça, dans les résultats d'études, ça apparaît, c'est que quand les
personnes... ce qu'il y a de bon quand une personne fait une demande d'aide
médicale à mourir, c'est que là, on se préoccupe d'elle puis de savoir si on ne
pourrait pas lui offrir des soins palliatifs, par exemple. Alors, des fois, quelques
fois, on ne l'a pas fait avant. Il y a des résultats d'études là-dedans, d'ailleurs,
là, des statistiques de la commission sur les soins de fin de vie là-dessus.
Et puis il y a une autre chose qui est
préoccupante, c'est la consultation qui est très inégale, par les médecins, des
directives médicales anticipées. Dans la région de Montréal, c'est presque pas,
puis dans l'Estrie, on a comme 3 000 consultations, là, entre 2015 et
2019. Et ça, on a beau dire, de faire la promotion des directives médicales
anticipées, si les médecins ne vont pas voir dans le registre, bien, c'est un
problème, effectivement.
Mme
Hivon
: O.K.
Justement, je veux vous amener là-dessus, sur deux points : directive
médicale anticipée et demande anticipée d'aide médicale à mourir, parce
qu'évidemment, ce n'est pas permis en ce moment dans les directives médicales.
Vous, vous dites...
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) :…médecins ne vont pas le voir
dans le registre, bien, c'est un problème, effectivement, oui.
Mme
Hivon
: O.K.
Justement, je veux vous amener là-dessus sur deux points : Directive
médicale anticipée et demande anticipée d'aide médicale à mourir, parce
qu'évidemment, ce n'est pas permis en ce moment dans les directives médicales.
Vous, vous dites, évidemment, il faudrait toujours vérifier l'aptitude. Moi, je
vous soumettrais une hypothèse : À partir du moment où c'est une demande
pour… très sérieuse pour l'aide médicale à mourir qui ne peut se faire que par
la personne elle-même, jamais par consentement substitué, je soumettrais que le
niveau doit nécessairement être différent en termes de vérification via les…
versus les directives actuelles médicales anticipées, puisque, dans le fond,
les directives médicales anticipées actuelles, ce sont essentiellement de
refuser d'être réanimé, par exemple, d'être hydraté ou alimenté
artificiellement. Je veux juste voir si vous suivez mon raisonnement, et donc,
dans ces cas-là, une personne indique à l'avance ce qu'elle souhaiterait ou
non. Donc, ça été souhaité dans la loi que ça reste souple, pour que les
personnes puissent le faire par elles-mêmes sans, par exemple, aller chez le
notaire ou tout ça, surtout parce que ça pourrait être fait par consentement
substitué. Donc, un proche a le droit pour quelqu'un qui n'a plus son aptitude,
de dire : Je la connais, elle ne voudrait pas être réanimée, ou là, c'est
de l'acharnement, il ne voudrait pas ça.
Donc, je voyais une différence entre le
niveau d'intensité de ces deux demandes-là, puis le comité d'experts, sur la
question de l'inaptitude et de l'aide médicale à mourir, nous suggère de bien
séparer les deux. Donc, de garder les directives médicales anticipées, et de
prévoir un processus différent pour une demande anticipée d'aide médicale à
mourir. Donc, je vous vois plus sceptique, donc j'aimerais ça que vous me
disiez en quoi vous êtes d'accord ou non avec ce que j'ai dit et ce que la
commission… ce que le groupe d'experts a dit.
• (12 h 20) •
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Ah ! moi, je suis très
visuelle, hein, puis je lis beaucoup. Alors, ce que j'entends, c'est… ça ne me
reste pas, mais ce que je lis, oui. Alors, je n'ai pas lu, là, le document dont
vous me parlez, mais moi, je suis étonnée de vous entendre que, dans les
directives médicales anticipées, ça pourrait être une personne qui le demande.
Moi, je vois tellement de conflits d'intérêts possibles là-dedans, là, que…
Puis aux États-Unis, là, c'est clair que dans la loi, il y a une vérification
de l'aptitude, pour tout le monde qui fait une demande anticipée. Alors, on
peut bien l'appeler directive médicale anticipée, mais demande anticipée, ça se
ressemble, hein? En fait, c'est juste le vocabulaire de la loi qui dit
directive médicale anticipée, mais c'est pour ça que moi, je souhaiterais que
l'aptitude, elle soit vérifiée pour toute personne qui fait une demande. Parce
que, quelle différence y a-t-il entre refuser la réanimation, refuser la
dialyse, refuser l'utilisation du…
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : …directives médicales anticipées. Mais c'est pour
ça que moi, je souhaiterais que l'aptitude, elle soit vérifiée pour toute
personne qui fait une demande. Parce que quelle différence y a-t-il entre
refuser la réanimation, refuser la dialyse, refuser l'utilisation du
respirateur et l'alimentation, hydratation artificielle qui vont faire en sorte
que le décès va survenir à plus ou moins brève échéance et puis demander l'aide
médicale à mourir? Déjà, dans la loi, moi, je ne suis absolument pas d'accord
qu'une personne, quand elle est dans ces trois conditions-là, puisse cocher de
recevoir tout ça, dans le formulaire, c'est comme ça. Bien là, c'est ça qui est
de l'acharnement thérapeutique aussi, parce que ces personnes-là sont soit fin
de vie, soit coma végétatif persistant, soit maladie grave dans les dernières…
dans leurs derniers stades, puis elles demanderaient de recevoir… d'être
réanimées, de recevoir la dialyse, et tout là. Moi, je trouve que ça, c'est de
l'acharnement thérapeutique. Puis ça, dans le formulaire, la personne, elle
peut cocher tout ça. Donc, je ne vois pas… je ne ferais pas de différence entre
demandes anticipées et puis directives médicales anticipées, moi.
Mme
Hivon
:
Parfait. Juste pour dire, là, je ne voulais pas dire qu'une personne qui fait
des directives médicales anticipées, ça pourrait être fait par quelqu'un
d'autre qu'elle-même, là, c'est justement l'idée des directives médicales
anticipées, c'est l'autonomie de la personne, c'est elle qui l'a dit. Le seul
parallèle que je faisais, vu que ça exclut l'aide médicale à mourir, c'est que
ce type de soins là qui, en ce moment, font partie des directives médicales
anticipées, sont des choses qui peuvent aussi être décidées par des tiers si on
est en situation où la personne a perdu son aptitude. Par exemple, un tiers
peut décider…
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : D'accord, d'accord.
Mme
Hivon
: …la
nuance que je faisais. Parfait.
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Considérons le consentement substitué à part.
Mme
Hivon
: Oui,
c'est ça. Parfait.
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : …parce qu'il y a un témoin à la signature, hein,
pour les DMA.
Mme
Hivon
:
Exact. Voilà. Donc, je voulais vous amener maintenant sur la question de la
souffrance, vous avez aussi vraiment une spécialisation en éthique. Et deux
éléments, en ce moment, ce qui est prévu à l'article 26, c'est que la
souffrance, elle est autant… elle peut être autant physique que psychique, donc
on tient compte de l'ensemble de ces souffrances-là. Pour ce qui est de la
maladie mentale, s'il devait y avoir une ouverture, donc est-ce que…
La Présidente (Mme Guillemette) :
Il vous reste 30 secondes, Mme la députée.
Mme
Hivon
:
Pardon?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Il vous reste 30 secondes.
Mme
Hivon
: O.K.
J'ai bien eu le temps de mon collègue?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui… minutes, effectivement.
Mme
Hivon
: Bon,
bien, c'est beau. Je voulais juste savoir si vous estimiez qu'il fallait avoir
une approche différente par rapport à l'évaluation de la souffrance dans un
contexte de troubles mentaux, parce que j'ai lu tout ce que vous avez écrit, et
est-ce que c'est vraiment différent d'en ce moment comme on l'évalue?
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Moi, je ne ferais pas de différence…
La Présidente (Mme Guillemette) :
Malheureusement, on a…
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : …ferait pas une différence dans la loi.
Mme
Hivon
: Oui.
Parfait. O.K., c'est ce que je voulais savoir. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme Saint-Arnaud, désolée, encore une fois, d'être obligée de
vous couper. Je céderais maintenant la parole au député de Chomedey…
Mme
Hivon
:
...vous avez écrit, et est-ce que c'est vraiment différent d'en ce moment
comment on l'évalue?
La Présidente
(Mme Guillemette) : Malheureusement...
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Moi, je ne ferais pas une différence.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Malheureusement, on n'a...
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : ...pas une différence dans la loi.
Mme
Hivon
:
Oui, parfait. O.K., c'est ce que je voulais savoir. Merci.
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Bienvenue.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme Saint-Arnaud. Désolé
d'encore une fois être obligée de vous couper. Je céderais maintenant la parole
au député de Chomedey.
M. Ouellette : Merci,
Mme la Présidente. Mme Saint-Arnaud, c'est très agréable de vous entendre.
Vous avez terminé votre réponse à la collègue de Joliette, là, même si c'était
assez rapide... parce que j'aurais pris une partie de mon deux minutes.
Je vous écoute parler depuis tantôt
d'aptitudes, de comité multidisciplinaire puis de mesures de sauvegarde, et ça
nous indique que les membres de la commission vont devoir, dans leur rapport
prochain, parler de prévoir des mesures d'accompagnement, des mesures d'encadrement
puis des mesures de contrôle. Je pense que ce sera très important. Je comprends
qu'on a deux grandes questions sur lesquelles il va falloir élaborer, mais il
faudrait faire des observations par rapport à ce que vous venez de nous dire et
vous cri du coeur, parce qu'il n'y a pas de système parfait.
Est-ce que j'ai une bonne lecture de la situation?
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : Oui. Il n'y a pas de système parfait, puis c'est
sûr qu'on essaie toujours... Je suis un peu aristotélicienne en disant ça, mais
on cherche le juste milieu dans une situation complexe. Alors, c'est sûr qu'on
veut à la fois, à la fois respecter l'autonomie des personnes qui veulent en
faire la demande et qui répondent aux critères et à la fois protéger les
groupes qui sont plus vulnérables. C'est pour ça que ça prend des mesures de
sauvegarde. (Interruption) Excusez-moi, là, mais c'est en train de tomber, ça.
C'est pour ça que ça prendre des mesures de sauvegarde. Et puis, bien, ça
implique un certain contrôle, là.
Puis, moi, si je pense qu'il y a un
comité, je préfère... J'ai présidé plusieurs comités dans ma carrière, des
comités d'éthique clinique, des comités d'éthique de la recherche, etc. Et puis
l'importance du comité, c'est que nécessairement il y a l'interdisciplinarité
dans un comité. Alors, ce n'est pas le président du comité qui décide. Il va
décider... il va rédiger l'avis, c'est sûr, mais il va prendre le point de vue
de tous ceux qui participent à la rencontre. Alors, c'est ça qui est important.
M. Ouellette : Merci,
madame.
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : ...plaisir.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci, M. le député. Merci beaucoup,
Mme Saint-Arnaud. C'était très, très agréable. On en aurait pris encore
plus. Je vous remercie infiniment de votre contribution aux travaux de la commission.
Et, compte tenu de l'heure, nous
suspendons les travaux jusqu'à 13 h 30.
Mme
Saint-Arnaud
(Jocelyne) : D'accord.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Donc, ceci met fin à cette partie de la
séance.
Et les membres de la commission recevront
un nouveau lien pour la séance de cet après-midi. Donc, je vous invite à
raccrocher désormais pour mettre fin à la rencontre. Merci, tout le monde.
(Suspension de la séance à 12 h 27)
La Présidente (Mme Guillemette) :
...désormais pour mettre fin à la rencontre. Merci, tout le monde.
(Suspension de la séance à 12 h 27)
13 h (version non révisée)
(Reprise à 13 h 29)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Bon après-midi, tout le monde. Bienvenue à cette séance de la Commission
spéciale sur l'évolution
de la Loi concernant les soins de fin de vie. La commission est réunie
virtuellement afin de poursuivre les consultations particulières et les
auditions publiques sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de
vie. Donc, cet après-midi, nous entendrons les groupes suivants… les personnes suivantes :
le Dr Marcel Arcand, Me Jean-Pierre Ménard, Pre Gina Bravo et Me Danielle
Chalifoux.
• (13 h 30) •
Donc, nous avons maintenant, avec nous, le
Dr Marcel Arcand. Donc, bienvenue et merci d'être là cet après-midi. Je vous rappelle
que vous avez 20 minutes pour…
13 h 30 (version non révisée)
La Présidente (Mme Guillemette) :
…Me Jean-Pierre Ménard, Pre Gina Bravo et Me Danielle Chalifoux.
Donc, nous avons maintenant, avec nous, le
Dr Marcel Arcand. Donc, bienvenue et merci d'être là cet après-midi. Je
vous rappelle que vous avez 20 min pour nous présenter votre exposé et qu'à
la suite de ce 20 min, il y aura une période d'échange de 40 min avec
les membres de la commission.
Donc, Dr Arcand, je vous cède la
parole.
M. Arcand
(Marcel) : Merci. Est-ce que tout le monde m'entend? Oui?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui.
M. Arcand
(Marcel) :O.K. Alors, bien, je me
présente. Je suis un médecin de famille, j'ai été professeur à l'Université de
Sherbrooke en médecine de famille. J'ai pratiqué beaucoup en soins aux personnes
âgées, y compris pour les personnes en soins de longue durée. Et j'ai pris ma
retraite active, mais je participe encore à l'aide médicale à mourir comme
médecin substitut, quand le médecin traitant ne souhaite pas le faire lui-même.
Je travaille aussi… je collabore avec Gina Bravo, que vous allez entendre un
peu plus tard cet après-midi, à des projets de recherche qui concernent justement
les soins de fin de vie dans la maladie d'Alzheimer.
Mon premier point touche la question du
renoncement au consentement final lorsqu'on donne l'aide médicale à mourir. Pas
plus tard qu'il y a deux semaines, peu après que la loi fédérale a été
approuvée, j'ai eu… je m'occupais d'une dame qui était en soins palliatifs à l'hôpital
pour un cancer avec multiples métastases, etc., et qui était pressée de
recevoir l'aide médicale à mourir. Je l'ai vu le mercredi, j'ai dit que
j'approuvais… j'avais un deuxième médecin et tout, et j'ai dit : On va le
faire le vendredi. Malheureusement, dans la nuit du jeudi au vendredi, quelques
heures avant que je le fasse, elle a fait un accident vasculaire cérébral, elle
a perdu l'usage de la parole et elle était agitée, donc les médecins sur place
lui on prescrit des médicaments pour la calmer, etc. Et, quand je suis arrivé,
au grand désespoir du mari et de la famille, je leur ai dit que je ne pouvais
pas procéder à l'aide médicale à mourir puisque la patiente n'était plus apte. Je
n'avais pas fait signer le formulaire de renoncement au consentement final
parce qu'il n'existe pas encore une version approuvée. Et puis on a appris, par
après, que la Commission des soins de fin de vie nous disait que ce n'était
pas… ça ne cadrait pas avec la loi québécoise, qu'il faudrait harmoniser avec
le fédéral. Donc, je prie les parlementaires d'harmoniser le plus vite possible
cette loi pour qu'on puisse utiliser cet outil-là qui aurait l'avantage de…
(Visioconférence)
M. Arcand
(Marcel) : ...la loi québécoise qu'il faudrait harmoniser avec
le fédéral. Donc, je prie les parlementaires d'harmoniser le plus possible
cette loi pour qu'on puisse utiliser cet outil-là qui aurait l'avantage de,
disons, donner le soin qui est souhaité par le patient, là, même s'il a perdu
son aptitude à quelques heures de là, et aussi pour les personnes qui
souhaitent tellement rester aptes qu'elles refusent de prendre leur médication
contre la douleur, etc., donc ça, c'est mon premier point.
Ensuite, je vais vous parler de la
question de l'alzheimer et des maladies apparentées. Juste rappeler, puis ça,
je pense que vous le savez, que c'est un des pires scénarios des soins de fin
de vie que... celui dont les gens ont le plus peur, bien souvent de perdre
leurs capacités cognitives peu à peu, d'être obligés d'être relocalisés en
dehors de chez eux parce qu'ils sont devenus un fardeau de soins, etc.
Et je vais vous faire part d'un travail de
recherche qui a été fait avec Dre Bravo et un jeune étudiant à la maîtrise
en sciences de la santé à l'Université de Sherbrooke qui a interviewé des
personnes qui venaient d'avoir récemment un diagnostic de maladie d'Alzheimer
pour connaître leur point de vue par rapport à l'aide médicale à mourir. C'est
assez original, pas facile à faire nécessairement, mais il a pu trouver huit
personnes, avec l'aide d'un neurologue de la clinique de mémoire, pour faire
des entrevues. Et unanimement, ces huit personnes-là ont dit qu'elles
souhaitaient, un jour, avoir accès à l'aide médicale à mourir.
C'est sûr qu'au départ, juste le fait
d'accepter de participer à ce type d'entrevues biaise, et il y a probablement
un biais qui fait que ces gens-là ont accepté. Ils étaient déjà favorables à
l'aide médicale à mourir. Mais quand même on n'a pas souvent la chance d'avoir
des témoignages de ces personnes-là après leur diagnostic parce qu'on le sait,
par exemple, avec Mme Sandra Demontigny, qu'il y a une période, après
le diagnostic, où on est apte à... avant de perdre son aptitude où on serait
apte à consentir au soin de l'aide médicale à mourir.
Et aux Pays-Bas, par exemple, où il est
possible de faire l'euthanasie des personnes qui ont... qui ne sont pas aptes
si elles ont demandé l'aide médicale à mourir, ça demeure quand même une
pratique quand même très limitée parce que les médecins ne sont pas beaucoup à
l'aise de faire l'aide médicale à mourir à un patient sans qu'il réactive sa
demande.
Donc, je sais...
M. Arcand
(Marcel) : …sont pas aptes si elles ont demandé
l'aide médicale à mourir. Ça demeure quand même une pratique très limitée,
parce que les médecins ne sont pas beaucoup à l'aise de faire l'aide médicale à
mourir à un patient sans qu'ils réactivent sa demande. Donc, je sais, par
exemple, qu'en 2017 il y a eu 169 personnes inaptes qui ont reçu l'aide
médicale à mourir, mais la majorité… c'est-à-dire pas inaptes, mais avec la
maladie d'Alzheimer ou maladie apparentée, bien, la majorité était encore apte
à consentir aux soins. Donc, le problème ici c'est plus le critère de fin de
vie, qui n'est plus opérant au Québec et au Canada. Et d'ailleurs, il se fait
de l'aide médicale à mourir pour des personnes avec l'alzheimer quand elles
sont encore aptes, il s'en fait au Canada, en Ontario et en
Colombie-Britannique actuellement. Alors, je pense que ça serait une bonne
chose que ça puisse être facilité ici aussi, au Québec. Je pense en
particulier, des gens qui ont une histoire familiale positive de maladie
d'Alzheimer puis qui disent : Bien, moi, là, je ne veux pas que ma vie se
termine comme celle de mon père ou de ma mère. Il y a des types de démence qui
sont particulièrement pénibles, des démences frontales avec de l'agitation, des
crises, souvent en fin de vie, etc. Donc, ça, moi, je pense que si vous avez le
pouvoir de faire en sorte que les médecins puissent administrer ce soin, même
si la personne a encore plusieurs années à vivre, mais elle a clairement un
déclin cognitif assez avancé, bien, sur une trajectoire de fin de vie, je pense
qu'on devrait permettre ça.
Il y a un autre type de situation…
Bien, j'ai dit que s'il y avait des directives anticipées, ça serait difficile
à appliquer pour nos médecins, les gens ne réactivent pas le soin. Par contre,
j'ai vécu comme médecin en soins de longue durée quelques situations vraiment
pénibles de personnes avec des démences sévères, qui criaient, à répétition,
malgré qu'on ait essayé toutes sortes de thérapies : antidouleur,
antianxiété, antihallucinations. Malgré qu'on ait eu l'aide des équipes les
plus compétentes en gérontopsychiatrie, et on était rendus à la fin à devoir
les garder sous sédation. Donc, c'était quasiment comme une sédation continue,
ils dormaient juste assez pour ne pas crier, en général, mais ils pouvaient
manger. Donc, moi, rendu là, je veux dire, je serais d'accord si la famille le
demande, et c'est ce qui était le cas, la famille le demandait mais on ne
pouvait pas le faire. Si tout le monde est d'accord que c'est dans le meilleur…
M. Arcand
(Marcel) : ...il pouvait manger. Donc, moi, rendu là, je veux
dire, je serais d'accord si la famille le demande, et c'est ce qui était le
cas, la famille le demandait, mais on ne pouvait pas le faire. Si tout le monde
est d'accord que c'est dans le meilleur intérêt du patient de faire et de
donner l'aide à mourir, à ce moment-là, je serais prêt à le faire dans des cas
comme ça, qui sont...
• (14 h 40) •
Maintenant, il existe d'autres problèmes
que juste l'Alzheimer, et tout ça, il peut y avoir des gens qui, suite à un
accident vasculaire, deviennent comateux, subitement, ou d'autres, un accident
de la route, puis qui sont très détériorés point de vue cognitif, qui ne sont
plus aptes. Je pense qu'on devrait, tel que le Collège des médecins l'a déjà
suggéré dans un rapport, penser à utiliser le consentement substitué. Donc, la
personne a désigné un mandataire ou elle en a... elle a parlé qu'elle ne
voudrait pas vivre dans un état comme ça, elle se retrouve dans un tel état
végétatif ou... bien, je pense qu'on devrait pouvoir aussi leur offrir l'aide
médicale à mourir si, de l'avis du mandataire, et des membres de la famille, et
de l'équipe de soins, tout ça, c'est dans le meilleur intérêt du patient. Bien
sûr, ça prendrait des balises, et que cette pratique-là soit revue par après
pour être sûr qu'on protège les personnes les plus vulnérables, mais, en tout
cas, je pense qu'on rendrait service à ces personnes-là.
Voilà. Moi, c'est pas mal tout ce que
j'avais à dire. Je pense que je suis bien à l'intérieur de mon 20 minutes.
Je sais que vous travaillez fort, ça fait que, si on finit un peu plus de bonne
heure, vous ne devriez pas m'en vouloir. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dr Arcand. Je passe... excusez, je céderais la parole à la
députée de Maurice-Richard pour... on va ajuster les
temps, là, donc on aura plus de temps, donc. Mme la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Merci. Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, Dr Arcand. Merci d'être présent avec nous aujourd'hui,
c'est toujours très apprécié, surtout avec le bagage et l'expérience que vous
avez. Ça va nous permettre de vous poser certaines questions aussi sur
l'applicabilité de tout ça, certaines barrières, et tout.
Mais je commencerais peut-être justement
avec les éléments que vous aviez soulignés à la fin de votre intervention. Vous
avez parlé de consentement substitué. Et je voudrais vous entendre, justement,
comme vous avez une expérience très importante dans tout ce qui est
dégénérescence cognitive, entre autres, maladie d'Alzheimerm, dans quel
contexte ce genre de consentement pourrait être donné? Parce qu'encore là, vous
avez sûrement suivi nos travaux, là, depuis deux jours, sur un Alzheimer,
bon, une démence sereine, comment, concrètement...
Mme Montpetit : …important dans
tout ce qui est dégénérescence cognitive, entre autres, maladie d'Alzheimer.
Dans quel contexte ce genre de consentement pourrait être donné? Parce
qu'encore là, vous avez sûrement suivi nos travaux, là, depuis deux jours,
sur un alzheimer, bon, une démence sereine. Comment, concrètement, ça va être
évalué? Vous avez mentionné, aussi, que ce serait important de mettre certaines
balises. Moi, j'aimerais ça vous entendre, justement, sur le type de situations
que vous avez vues? Est-ce que c'est relativement uniforme, la maladie
d'Alzheimer? Est-ce que ces balises-là, vous pensez qu'elles peuvent être
établies de façon relativement, encore là, uniforme? Ou, quand vous
dites : Il faudra les réviser, c'est justement parce qu'il faudra vérifier
l'applicabilité de tout ça, là?
M. Arcand (Marcel) :
Bien, les situations que j'ai décrites, des personnes qui crient, etc., ce
n'est pas extrêmement rare, mais ce n'est pas la majorité, loin de là. Il y a,
aussi, là, bien… (panne de son) …dans leurs directives préalables, qui feraient
une demande d'aide médicale à mourir, puis que, là, ils pourraient baliser,
dire, bien, je sais que Mme Demontigny, par exemple, dire : Quand je
ne serai plus capable de m'occuper de mes besoins de base, j'aimerais qu'on me
le donne, même si je suis devenue inapte, à ce moment-là. Bien ça, ce n'est pas
toujours aussi facile que ça à appliquer. Et je ne suis pas partisan de
directives contraignantes. Autrement dit, je suis en faveur que les gens
puissent faire une demande anticipée d'aide médicale à mourir qui serait
évaluée en fonction des circonstances actuelles. Donc, si la personne a une
démence heureuse, en tout cas, probablement que je ne ferais pas l'aide
médicale à mourir. Si, par contre, elle a l'air inconfortable, c'est sûr que je
vais être tenté de le faire. Et si, de l'avis de l'ensemble des membres de la
famille, la personne n'aurait vraiment pas voulu être dans la situation dans
laquelle elle est actuellement, ils pourraient fournir un consentement
substitué, le mandataire ou le conseil de famille, et à ce moment-là, moi,
j'accepterais de le faire. Je ne sais pas si ça clarifie, ou… Mais, peut-être,
la distinction, ici, c'est… je ne vois pas ça comme contraignant. Je vois ça,
que les gens puissent faire une demande anticipée, mais qu'on évalue en
fonction des circonstances, si c'est, vraiment, dans le meilleur intérêt du
patient.
Mme Montpetit : Et est-ce que
vous diriez, justement, de par votre expérience, que la ligne, elle est
toujours claire entre… En fait, est-ce qu'il est toujours assez clair d'établir
la souffrance de quelqu'un qui a une dégénérescence cognitive, qui fait de
l'alzheimer? Est-ce qu'il y a… Disons, justement, on parle de démence sévère,
de démence heureuse, ou de souffrance, tout ça, est-ce que, vous, comme
professionnel…
Mme Montpetit : …en fait,
est-ce qu'il est toujours assez clair d'établir la souffrance de quelqu'un qui
a une dégénérescence cognitive, qui fait de l'alzheimer? Est-ce que… tu sais,
justement, on parle de démence sévère, ou de démence heureuse, ou de souffrance,
tout ça. Est-ce que vous, comme professionnel, là… comment vous pouvez nous
guider là-dedans, dans le fond, dans ce que vous avez vu?
M. Arcand
(Marcel) : Bien, ce que j'ai vu, c'est qu'habituellement en
début de maladie, les gens ont souvent un très bon soutien de la famille, etc.,
mais, quand ils… à un moment donné, ils viennent qu'ils ne reconnaissent même
plus les membres de la famille, qu'ils ne reconnaissent pas les soignants comme
des aidants, mais plutôt des personnes qui les agressent. À partir du moment où
on observer tout ce qu'on appelle les symptômes comportementaux et
psychologiques : de la démence, de l'errance, les gens qui cherchent à se
sauver de leur unité de soins, il y a des hallucinations qui sont possibles,
etc., il y a… Donc, oui, d'après moi, je dirais que ce n'est pas peut-être pas
la majorité, mais ce n'est pas loin de la moitié des patients avec démence
sévère ou avancée qui ont différentes formes de souffrance, là.
Mme Montpetit : Puis est-ce
que c'est… quand je vous demande si c'est uniforme, dans le fond, encore là, si
on mettait 10 médecins autour d'une table, autour d'un patient, en fait, je
vais le dire comme ça, est-ce que l'évaluation, pour vous, de la souffrance de
quelqu'un qui a la maladie d'Alzheimer va être relativement uniforme au niveau
de l'interprétation?
M. Arcand
(Marcel) : Bien, à ma connaissance, il n'y a pas d'outils
simples, là, qu'on peut utiliser. Il y a des outils pour mesurer les symptômes
comportementaux, il y a des outils pour mesurer la douleur pour les personnes
qui sont incapables de l'exprimer verbalement, donc grimaces, agitation,
respiration qu'il modifie lors de certaines manipulations ou mobilisations du
patient, etc. Je pense qu'il pourrait y avoir des consensus assez clairs.
C'est sûr que j'inclurais les infirmières
là-dedans qui sont au chevet du patient ou le personnel soignant… qui sont au
chevet du patient, qui ont une bien meilleure idée de la souffrance des
patients que les médecins qui font une petite visite une fois de temps en
temps.
Mme Montpetit :
Particulièrement, j'imagine, en CHSLD, aussi, effectivement, d'avoir les
équipes de première ligne, de proximité, là.
M. Arcand
(Marcel) : Oui. En anglais, ils appellent ça des «nursing
homes», ça fait que c'est la… c'est plus la maison des «nurses» que la maison
des médecins. Mais c'est bien, c'est… mais je pense qu'il faut donner une
place, même, au personnel infirmier dans les décisions. Tu sais, quand je parle
de consensus, pour arriver à un consentement substitué, moi, je ferais
participer les infirmières qui connaissent bien le patient à la discussion.
Mme Montpetit : Je vous
remercie beaucoup, Dr Arcand. J'ai mon collègue le
député — j'allais dire…
M. Arcand (Marcel) :
…tu sais, quand je parle de consensus pour arriver à un consentement substitué,
moi, je ferais participer des infirmières qui connaissent bien le patient à la
discussion.
Mme Montpetit : Je vous
remercie beaucoup, Dr Arcand. J'ai mon collègue le député — j'allais
dire son prénom encore, excusez-moi — de D'Arcy-McGee qui souhaitait
pouvoir échanger avec vous également.
M. Arcand
(Marcel) : D'accord.
M. Birnbaum : Merci. Merci, Dr
Arcand, pour vos interventions. Écoutez, un des grands enjeux, on en discute,
c'est de comment circonscrire les demandes d'accès à l'aide médicale à mourir.
Je suis curieux, dans votre expérience, y a-t-il un pourcentage
des — pardon — des diagnostics de démence où on prévoit
pour une longue période des symptômes, disons, évidemment sérieux mais pas si
graves que ça, dont la qualité de vie peut être assez intéressante?
M. Arcand
(Marcel) : Oui, je pense que plus on développe la maladie
d'Alzheimer tardivement, souvent c'est des formes plus légères de la maladie.
C'est plus comme si elle était associée au vieillissement. Alors que les gens
qui débutent la maladie tôt, souvent c'est plus agressif, les formes
familiales, par exemple, là, qui sont quand même minoritaires. Mais oui, oui,
il y a énormément de variations entre les cas, même sur la durée de vie.
• (14 h 50) •
M. Birnbaum : Oui, et je me
permets la question parce que nous sommes invités par des experts, les derniers
jours, à comprendre qu'on devrait limiter l'accès aux gens devant un diagnostic
assez sérieux, ce qui m'amène à deux questions. Est-ce que les outils, actuellement,
de diagnostic sont de plus en plus sophistiqués pour aider le monde confronté à
se réconcilier des symptômes qui risquent d'être très présents pour eux? Et,
dans un deuxième temps, de vous inviter à vous situer là-dessus. Est-ce qu'il
faut avant qu'une demande d'accès à l'aide médicale à mourir soit même
recevable, non exécutoire pour l'instant mais même recevable… est-ce que ça
devrait se limiter aux gens confrontés d'un diagnostic assez grave de démence
ou d'Alzheimer?
M. Arcand
(Marcel) : Oui, bien oui, je dirais que oui, que ça soit
vérifié par des experts de la maladie. Un peu comme on a dans la loi fédérale
qui parle de mort naturelle non raisonnablement prévisible, il faut comme
référer à un expert de la maladie. Dans ce cas-là, oui. Il y a ce qu'on appelle
les cliniques de mémoire qui sont… Il y a des gériatres et des neurologues qui
sont habilités à faire… à poser un…
M. Arcand
(Marcel) : …non raisonnablement prévisible, il faut comme
référer à un expert de la maladie. Dans ce cas-là, oui, il y a ce qu'on appelle
des cliniques de mémoire qui sont… il y a des gériatres et des neurologues qui
sont habiletés à poser un diagnostic et surtout trouver ce qui n'est pas
maladie d'Alzheimer et qui pourrait être réversible. Ce n'est quand même pas si
fréquent que ça, mais ça peut être des dépressions, ça peut être un trouble
métabolique quelconque. Donc, il faut, oui, il faut vérifier ça. On a de plus
en plus d'outils radiologiques qui aident pour diagnostiquer la maladie. Donc, par
exemple, ce qu'on appelle le PET scan qui montre les ondes du cerveau qui sont
dysfonctionnelles ou hypofonctionnelles, assez caractéristiques dans la maladie
d'Alzheimer ou dans les démences frontales. Je pense que ça, c'est préférable
d'avoir un diagnostic bien précis, c'est sûr, mais essentiellement c'est l'évolution
aussi du patient, les troubles de mémoire ou les troubles de langage qui
s'installent, etc., qui vont confirmer le diagnostic, là. Mais, moi, je suis parfaitement
d'accord si on exige qu'il y ait… que ces gens-là soient vus par un expert de
la maladie.
M. Birnbaum : Vous avez parlé
des exemples actuels déchirants, des gens qui auraient indiqué leurs intentions
et l'incapacité est venue avant qu'ils pouvaient confirmer leurs intentions, évidemment,
déchirantes, et je crois qu'on a eu le message qu'il faut que cette situation
soit corrigée. Mais vous avez, si j'ai bien compris, élargi la discussion un
petit peu aux gens qui peut-être n'auraient pas rendu leurs intentions très
claires, qui sont à cette étape très sérieuse où ça crie, où la personne est,
de toute évidence, souffrante. Dans ces situations, vous avez, si j'ai bien
compris, parlé de laisser une marge de manoeuvre pour intervenir du côté des
familles, des membres de la famille proches et des médecins. Est-ce que vous
avez des inquiétudes que là on donne une discrétion peut-être, dans un premier
temps, que les médecins ne souhaiteraient pas avoir, ou trop de pouvoirs aux
familles, des fois, peut-être, pas de bonne foi dans la situation?
M. Arcand
(Marcel) : O.K. Bien, c'est sûr qu'il peut arriver des
situations où des familles vont pousser, puis on trouve que, pour cette
option-là, on trouve que ce n'est pas nécessairement dans le meilleur intérêt
du patient à ce moment-ci de sa vie. Ça, c'est un des dangers ou l'inverse, des
médecins vont pousser, les familles ne sont pas d'accord, bon, etc. L'idéal,
c'est un consensus «shared decision-making», donc une décision partagée. De
toute façon, c'est beaucoup demander aux familles que de porter le fardeau seul
d'une telle décision pour un proche, mais si la décision est partagée par
l'équipe de soins et la famille…
M. Arcand
(Marcel) : … decision making», donc une décision partagée. De
toute façon, c'est beaucoup demander aux familles que de porter le fardeau,
seules, d'une telle décision pour un proche. Mais, si la décision est partagée
par l'équipe de soins et la famille, je pense que ça peut se vivre beaucoup
mieux.
Maintenant, on essaie de trouver des
solutions pour que les gens, qui ont de tels problèmes, puissent bénéficier
aussi du soin qu'est l'aide médicale à mourir, mais je suis bien conscient de
tous les obstacles qui pourraient se mettre sur le chemin, mais en tout cas. Il
arrive, par exemple, mettons que quelqu'un est en soins de longue durée, qu'il
a perdu, comme, son aptitude à cause d'un gros accident vasculaire cérébral ou
d'un accident de la route puis, etc. puis il est nourri artificiellement avec
un tube de gavage qu'on appelle, un tube qui va porter de la nourriture au niveau
de l'estomac. Mais, on peut, actuellement, par un tel consensus
famille-soignants, tout ça, décider d'arrêter la nutrition si on pense que
c'est ce que le patient aurait voulu, puis que… dans le meilleur intérêt, on
peut même retirer le tube. Et donc je me dis : C'est le même genre de
défis décisionnels qui nous attend. Puis, pour ça, il faut qu'il y ait des bons
canaux de communication entre la famille puis l'équipe soignante. Ou les gens
en soins intensifs qu'on enlève le tube qui leur permettait de respirer parce
qu'on pense que le pronostic est trop mauvais puis qu'il n'y a rien à faire.
Donc, c'est des décisions éthiques, et ça, on en a de plus en plus chaque jour
que la médecine fait des progrès.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Merci, M. le député. Merci, Dr Arcand. Donc, je céderais,
maintenant, la parole au député de Gouin. Vous avez sept minutes, M. le député.
M. Nadeau-Dubois : …
La Présidente (Mme Guillemette) :
On ne vous entend pas.
M. Nadeau-Dubois : Comme ça,
ça devrait fonctionner.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Tout à fait, merci.
M. Nadeau-Dubois : Merci.
Merci, Mme la Présidente. Merci, Dr Arcand pour votre contribution à nos
travaux aujourd'hui.
Vous vous êtes dit en faveur de modalités
de consentement substituées. J'aimerais que vous nous expliquiez, dans quelles
circonstances est-ce que ça devrait être possible, selon vous? Et, encadrées de
quelle manière?
M. Arcand
(Marcel) : Bien, le consentement substitué, je ne suis pas
avocat, mais c'est quelque chose qui existe déjà dans la loi. Normalement, je
pense que c'est le mandataire qui est désigné pour qu'on essaie de reconstruire
les volontés du patient quand il y aurait ce type de décision là. Moi, j'aurais
tendance à être assez inclusif au niveau de la famille ou tous ceux qui ont à
coeur…
M. Arcand
(Marcel) : ...je pense que c'est le mandataire qui est désigné
pour qu'on essaie de reconstruire les volontés du patient quand il y aurait ce
type de décision là. Moi, j'aurais tendance à être assez inclusif au niveau de
la famille, que tous ceux qui ont à coeur l'intérêt du patient puissent aider à
déterminer quelle est la meilleure chose à faire à ce moment-ci de sa vie...
pour ce patient-là, à ce moment-ci de sa vie. Un petit peu comme j'ai expliqué,
par exemple, là, la personne qui avait un tube, qui est nourrie
artificiellement, qui est en coma puis qu'on décide d'arrêter pour... bien, il
y a un consentement substitué, habituellement, à moins que la personne avait
dit clairement, dans ses directives anticipées : Je ne veux pas de tube,
de nutrition artificielle, ou quelque chose comme ça. Mais ce n'est pas la majorité
des cas.
Donc, c'est quelque chose qui existe déjà,
puis moi, je proposais ça plutôt qu'une directive contraignante, de dire :
Je veux qu'on me fasse l'aide médicale à mourir quand j'aurai telle, telle,
telle incapacité. Ça peut être difficile à interpréter, parce que ça peut être
fluctuant d'une journée à l'autre. Mais par contre, si tout le monde qui se
réunit dit : Oui, oui, c'est exactement ce qu'elle voulait... où elle ne
voulait pas se rendre, cette patiente-là, bien, à ce moment-là, on partage la
décision et on procède au soin qui était souhaité. Je ne sais pas si ça vous
éclaire.
M. Nadeau-Dubois : Oui. Oui,
ça m'éclaire, mais juste pour bien comprendre, est-ce que la personne... dans
l'exemple que vous donnez, est-ce que la personne devrait avoir signifié de
manière formelle sa volonté de recevoir l'aide médicale à mourir ou ça peut
être seulement le fruit d'une discussion de ses proches qui disent : Ah!
Elle nous l'avait déjà dit oralement à plusieurs reprises, donc on prend la
décision? Jusqu'à quel point est-ce qu'il devrait y avoir quand même une
demande formelle de la personne? Parce que, tu sais, en fait, comment on fait
pour respecter aussi la volonté des patients puis leur autonomie décisionnelle?
• (14 heures) •
M. Arcand (Marcel) :
Oui. Bien, idéalement, c'est sûr que ça facilite la tâche s'il y a eu une
demande anticipée clairement exprimée. Mais moi, je ne serais pas nécessairement
gêné de dire... même pour des personnes qui ne l'ont pas exprimé verbalement ou
par écrit, qu'on puisse décider que c'est dans leur meilleur intérêt d'offrir
ce soin, là. Je parlais des personnes qui crient, qui ont l'air complètement
inconfortables, qu'on n'arrive pas à soulager autrement que pas la sédation, en
les faisant dormir la majeure... tu sais, 22 heures sur 24. Puis, en tout
cas, je pense que c'est peut-être un pas de plus. Mais je sais que le Collège
des médecins, dans les documents qu'il a produits sur le sujet, avait mentionné
que c'était peut-être une...
14 h (version non révisée)
M. Arcand
(Marcel) : ...dormir... tu sais, 22 heures sur 24, puis...
En tout cas, je pense que c'est... peut-être un pas de plus, mais je sais que
le Collège des médecins, dans les documents qu'il a produits sur le sujet,
avait mentionné que c'était peut-être une solution même plus facile à
administrer que les demandes contraignantes...
M. Nadeau-Dubois : Et est-ce
que, selon vous, le principe inverse devrait s'appliquer aussi? C'est-à-dire,
si une personne avait manifesté sa volonté de recevoir l'aide médicale à mourir
advenant circonstances x, y, z et qu'une fois les circonstances se présentant
les proches, l'équipe autour du patient jugent que, finalement, la personne
semble être bien, semble ne pas souffrir, est-ce que le même principe devrait
s'appliquer? Est-ce qu'on devrait pouvoir renverser, dans le fond, le consentement?
M. Arcand
(Marcel) : Encore là, l'idéal, c'est de faire un consensus,
mais j'avoue que ça pourrait arriver, ce genre de situation là. Je pense que
des avocats... que la volonté du patient devrait l'emporter sur les désirs de
la famille. Mais c'est sûr qu'encore là il faudrait travailler sur le...
peut-être, des objectifs intermédiaires puis cheminer tous ensemble. Ce serait
difficile à appliquer si la famille n'était absolument pas d'accord. C'est une
bonne question.
M. Nadeau-Dubois : Bien,
je n'essaie pas de vous coincer, là, j'essaie vraiment de comprendre votre
réflexion, surtout comme personne qui pratique l'aide médicale à mourir. Ce que
vous nous dites, c'est : D'un côté, il devrait y avoir un principe de
consentement substitué pour administrer l'aide médicale à mourir à quelqu'un
qui n'en avait peut-être pas manifesté la volonté auparavant ou, en tout cas,
qui l'avait manifesté de manière, disons, informelle auprès de ses proches,
mais vous nous dites... Mais, pour le contraire par contre, ça ne
s'appliquerait pas. Est-ce que je comprends bien?
M. Arcand
(Marcel) : Bien non, mais je ne dis pas que ça ne
s'appliquerait pas, mais ça ne serait pas la situation idéale, bien sûr. Je
pense que ça pourrait s'appliquer, si la demande est explicite, très claire,
puis qu'on est vraiment rendu là, mais que... Je pense qu'on aurait tout
intérêt à essayer de travailler avec la famille pour qu'ils cheminent dans...
volonté du patient. C'est plus ça.
Mais probablement que, si la demande est
explicite, très claire, tout ça, personnellement, je serais prêt à le faire,
même si un... souvent, c'est un membre de la famille qui n'est pas d'accord,
alors que les autres sont d'accord. Mais ça, tu sais, c'est la volonté du
patient qui prédomine à ce moment-là, oui.
M. Nadeau-Dubois : Et je
me demandais si vous aviez des réflexions sur l'autre portion de notre mandat,
celui qui concerne les personnes qui souffrent de troubles mentaux. Est-ce que
vous, vous seriez à l'aise d'administrer l'aide médicale à mourir à quelqu'un
qui souffre de troubles mentaux? Puis on s'entend, là, c'est les gens qui
ont... qui auraient accès à l'aide médicale à mourir seulement pour cette
raison-là. Qu'est-ce que vous en pensez? Seriez-vous prêt à le faire? Si oui, à
l'intérieur de quelles balises?
M. Arcand
(Marcel) : Bien...
M. Nadeau-Dubois : …qui
souffrent de troubles mentaux. Est-ce que, vous, vous seriez à l'aise
d'administrer l'aide médicale à mourir à quelqu'un qui souffre de troubles
mentaux? Puis on s'entend, là, c'est les gens qui ont… qui auraient accès à l'aide
médicale à mourir seulement pour cette raison-là. Qu'est-ce que vous en pensez?
Seriez-vous prêt à le faire? Si oui, à l'intérieur de quelles balises?
M. Arcand
(Marcel) : Bien, d'abord, je crois que ça peut être très
souffrant quand ça dure depuis des années, des dépressions ou des… certaines
maladies qui… comme la schizophrénie ou tout ça. Je pense que ça peut être extrêmement
souffrant aussi, et donc j'ai une certaine réceptivité. Mais c'est sûr que,
moi, je procéderais seulement si… Encore là, le consensus psychiatrique va dans
le sens que c'est le… dans le meilleur intérêt du patient actuellement. J'ai
refusé pas plus tard qu'il y a deux semaines une madame qui était juste pour
dépression chronique, que j'ai référée à une psychiatre de mon équipe qui
n'arrive pas non plus à la faire sortir de ça. Mais elle avait aussi des
problèmes physiques qu'on a regardés, mais pas assez avancée dans ses problèmes
physiques, etc. Donc, je suis sûr. Puis j'ai déjà un patient qui avait un léger
handicap et qui s'est suicidé après mon refus, malgré qu'on a continué à
intervenir auprès de lui. Mais donc, la souffrance, elle est là, c'est certain,
mais… Donc, moi, j'aurais une certaine ouverture, mais vraiment bien encadrée
par les psychiatres.
M. Nadeau-Dubois : Puis quel
type d'encadrement vous rendrait à l'aise comme praticien?
M. Arcand
(Marcel) : Bien, si le psychiatre dit : Écoute, ça fait 12
ans qu'on le traite, ce patient-là, il est très souffrant, on n'a rien d'autre
à lui offrir, puis on en est… moi et mes collègues, on en est venus à la
conclusion qu'on accepte de faire ce… qu'on accepterait de faire ce soin-là,
bien, on vous demande de le faire autour, je pense que je pourrais être à
l'aise. Je me rappelle d'un cas. J'avais un jeune homme avec une sclérose en
plaques qui n'était pas tout à fait assez avancée pour être fin… quand on
disait «fin de vie imminente», là, avec le critère fin de vie. Aujourd'hui, ce
serait différent. Mais, à l'époque, il… c'est un patient qui était en fauteuil
roulant puis qui était prêt à aller se jeter dans le trafic pour se suicider.
Il s'est retrouvé à l'hôpital, ils l'ont traité, il est retourné dans son
établissement, il a fait d'autres tentatives, etc., puis à un moment donné la
psychiatre m'a dit : Je pense qu'on ne fera… on n'a vraiment rien d'autre
à lui offrir. Si vous voulez procéder avec le… en tenant compte de son
diagnostic de sclérose en plaques seulement, ou on peut mentionner sa
souffrance psychologique aussi…
M. Arcand
(Marcel) : …psychiatre m'a dit : Je pense qu'on n'a vraiment
rien d'autre à lui offrir, si vous voulez procéder avec le… en tenant compte de
son diagnostic de sclérose en plaques seulement, ou on peut mentionner sa
souffrance psychologique aussi. Bien, je l'ai fait, finalement, donc je pense
que c'est possible, oui. Moi, je crois que c'est possible pour la maladie
mentale aussi.
M. Nadeau-Dubois : Et si la…
et si le… si le ou la psychiatre vous demandait…
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, merci beaucoup. Merci beaucoup, M. le député. C'est tout le temps qu'on
avait. Je dois maintenant céder la parole à la députée de Joliette.
Mme
Hivon
: Merci,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Sept minutes. Sept minutes, Mme la députée.
Mme
Hivon
: Oui,
merci beaucoup. Et merci, Dr Arcand, je pense qu'on vous entendrait pendant
longtemps parce que, de toute évidence, vous avez une expérience très riche. En
fait, depuis le début de nos auditions, qui sont quand même jeunes, vous êtes
vraiment la première personne à arriver avec l'idée du consentement substitué.
Donc, pourquoi on se casse tous la tête avec l'idée de la demande anticipée qui
doit venir de la personne, c'est qu'à l'origine de la loi, c'était vraiment un
incontournable comme balise face à tous ceux qui craignaient des dérapages,
que, vraiment, la demande vienne toujours de la personne elle-même. Et donc
c'est la même logique qui se retrouve avec cette idée de demande anticipée,
puis tantôt vous avez dit que les médecins, selon vous, ne seraient pas à
l'aise tellement à appliquer — je veux juste être sûre d'avoir bien
compris — à partir d'une demande anticipée, et qui pourraient l'être
davantage avec un consentement substitué. Moi, j'aurais pensé l'inverse.
M. Arcand
(Marcel) : Oui. Non, je comprends.
Mme
Hivon
:
Parce que si… vient du patient lui-même, on se dit au moins on a la sécurité
qu'il l'a demandé. Donc, je veux juste clarifier
à mon tour, si ce que vous voulez dire, c'est que
l'idéal ce serait qu'il y ait les deux, dans le fond…
M. Arcand
(Marcel) : Oui.
Mme
Hivon
: …la
demande plus un aval des proches.
M. Arcand
(Marcel) : Oui.
Mme
Hivon
: Et
si vous, c'est une fin de non-recevoir, c'est-à-dire sans l'aval des proches,
vous ne pourriez pas procéder, vous seriez trop inconfortable?
M. Arcand
(Marcel) : Ah! beaucoup de questions. Oui, c'est sûr que
l'idéal, c'est qu'il y ait à la fois une demande d'aide médicale à mourir, une
demande anticipée d'aide médicale à mourir, et un consensus avec la famille sur
le moment où on l'applique, pour être sûrs que ça correspond vraiment à ce que
le patient souhaitait dire, souhaitait qu'on lui fasse comme soin. Moi, je
n'aime pas beaucoup l'idée de demande contraignante, par contre. Moi, comme
médecin, je pourrais, dans certaines circonstances, être mal à l'aise pour
donner l'aide médicale à mourir, refuser de le faire, si je pense que ce n'est
pas dans le meilleur intérêt du patient au moment où on le demande, là. Donc,
bon, puis si la famille refuse, comme j'ai expliqué tout à l'heure, mettons, le
patient l'a demandé, puis que c'est clair, puis l'équipe soignante pense que,
oui, c'est la…
M. Arcand
(Marcel) : ...dans le meilleur intérêt du patient au moment où
on le demande. Donc, bon... Puis si la famille refuse, comme j'expliquais tout
à l'heure, mettons, le patient l'a demandé, puis que c'est clair, puis l'équipe
soignante pense que oui, c'est son meilleur intérêt, mais qu'il y a un membre
de la famille... C'est rare. Je ne pense pas qu'il y aurait l'ensemble de la
famille contre, là, mais il pourrait y avoir un membre de la famille qui est
avocat, là, puis qui refuserait, bien, en tout cas, je pense qu'on se battrait
pour le faire changer d'idée. Donc, respecter la volonté du patient, là.
• (14 h 10) •
Mme
Hivon
:
O.K. Donc, ça, c'est une question, évidemment, de pratique professionnelle puis
de confort professionnel, je le conçois. Les gens vont venir nous dire,
eux : Bien, c'est mon autonomie. Nous, il faut comme jongler avec tous ces
principes-là, évidemment. Puis je voulais juste vous soumettre l'hypothèse. Parce
que beaucoup qui se projettent puis disent... Moi, par exemple, je dirais dans
ma demande anticipée : Si je ne peux plus reconnaître personne puis je ne
suis plus capable de m'alimenter et de m'occuper de mes propres soins, de
manière anticipée, pour moi, c'est une souffrance atroce. Mais, évidemment, il
y a tout le débat de savoir, une fois rendue là, est-ce que la personne
souffrirait autant de ça ou non. Mais je ne vous amène pas tout de suite là-dessus.
Mais si, dans la demande anticipée, en fait, on parlait, un peu comme vous le
dites, là, des circonstances où la souffrance, elle est vraiment énorme et
reconnaissable parce qu'on crie et de l'agitation, tout ça, est-ce que pour
vous ce serait quelque chose dans la pratique de plus gérable, c'est-à-dire de
ne pas avoir un énoncé de conditions que la personne projette, mais plus une
appréciation objective de s'il y a souffrance ou non de la personne?
M. Arcand
(Marcel) : Oui, oui, c'est sûr que ce serait plus facile à
gérer, mais il y aurait comme une évidence assez claire de souffrance
intolérable, là, en plus de tous les autres critères, là, de déclin avancé,
bon, etc. Donc, oui, ce serait nettement plus gérable, là. Maintenant, là, on
sait que...
Mme
Hivon
:
O.K.
M. Arcand
(Marcel) : J'ai parlé aussi de l'expérience hollandaise, là, où
les médecins, là, qui... pour qui... qui en reçoivent, des directives d'euthanasie,
mais qui ne sont pas à l'aise de le faire parce qu'il faudrait comme réactiver
le consentement d'une façon ou d'une autre. Le patient, là, il est devenu complètement
inapte. Et c'est pour ça qu'il ne s'en fait pas tellement d'aide médicale à
mourir pour les patients d'Alzheimer aux Pays-Bas. Ça va se faire pour ceux en
démence pas trop avancée qui comprennent encore ce qu'on leur fait au moment où
on le fait. Mais je pense que des médecins...
Mme
Hivon
:
Je ne sais pas comment...
M. Arcand
(Marcel) : Je pense que ça serait... Pardon?
Mme
Hivon
:
Allez-y. Continuez, docteur.
M. Arcand
(Marcel) : Non, mais je veux juste dire que, moi, je peux
comprendre les collègues qui ne seraient pas à l'aise de recevoir une telle
directive...
M. Arcand (Marcel) :
…je pense, ça serait… pardon?
Mme
Hivon
:
Allez-y, continuez, Dr Arcand.
M. Arcand
(Marcel) : Non, mais je veux juste dire que, moi, je peux
comprendre les collègues qui ne seraient pas à l'aise de recevoir une telle
directive, si ce n'est pas clair pour eux, que c'est dans le meilleur intérêt
du patient au moment où il serait supposé le faire.
Mme
Hivon
: De
toute façon, l'objection de conscience demeurerait toujours, j'imagine…
M. Arcand
(Marcel) : Oui, oui…
Mme
Hivon
:
…l'idée de l'intérêt supérieur. Juste en terminant, s'il me reste un peu de
temps… Tantôt, vous avez dit : Il s'en fait, des aides médicales à mourir…
on en discutait avec Dr Naud ce matin, vu que le critère de fin de vie a
sauté pour des personnes, par exemple, qui ont de la maladie d'Alzheimer, mais
qui ont encore leur aptitude puisque c'est possible, mais au Québec, ça ne
serait pas non plus impossible. C'est parce que tantôt, vous avez parlé
d'Alberta puis de Colombie-Britannique, puis j'étais curieuse pourquoi vous
excluiez le Québec. Il n'y a rien, a priori, qui ne l'exclut puisque la fin de
vie n'est plus là.
M. Arcand
(Marcel) : Bien, oui, je suis d'accord, mais il faudrait juste
qu'on ne se sente pas persécuté si on le fait. Parce qu'à ma connaissance, à
date, il y en a peut-être eu, des cas, mais je n'en ai pas entendu parler. Puis
je suis sur une communauté de pratique, une liste où on échange des cas, puis
personne… tellement de cas de maladie d'Alzheimer. C'est comme si quelque part,
au Québec, on avait décidé que ça ne se faisait pas à moins qu'on nous dise que
ça peut se faire.
Mais… donc, peut-être que la Commission
des soins de fin de vie aurait un rôle à jouer pour nous donner l'absolution si
on suit les critères de C-7, là, du fédéral… de, tu sais, quand… C-7, du
fédéral, puis qui… dont les médecins des autres provinces se servent pour en
faire des cas comme ça. Mais, moi, je serais à l'aise de le faire pour ces
personnes-là, mais c'est ça. Je ne suis pas sûr que je veux être le premier,
premier, mais en tout cas, s'il le faut, je le serai.
Mme
Hivon
: O.K.
Parce que je ne vois pas ce qui l'empêcherait, compte tenu qu'au Québec aussi,
le critère de fin de vie n'est plus là.
Puis s'il me reste un petit peu de temps,
je reviendrais à ma question précédente, là, vraiment sur la question de la
souffrance. Donc, là, on… évidemment, vous m'avez dit : Oui, on pourrait
être plus confortable si, dans le fond, à la demande anticipée, on nous
indiquait seulement : Si je suis dans un état de souffrance intolérable et
constante, je voudrais qu'on donne ouverture à ma demande. Mais si, par
ailleurs, quelqu'un parlait plus de souffrance qui serait liée à sa perte
d'autonomie, donc, puis de réalité objective.
Vous, rendu au moment où la personne
vivrait cette situation-là, entre la douleur qui était anticipée, la souffrance
anticipée puis la réelle ou peut-être qu'évidemment elle est plus consciente de
ça, comment vous aborderiez cette espèce de dilemme entre l'espèce de
souffrance anticipée…
Mme
Hivon
:
...vous, rendu au moment où la personne vivrait cette situation-là, entre la
douleur qui était anticipée, la souffrance anticipée puis la réelle, ou peut-être
qu'évidemment elle est plus consciente de ça, comment vous aborderiez cette
espèce de dilemme entre l'espèce de souffrance anticipée, mais qui ne peut potentiellement
pas être présente du tout, évidemment, quand la personne a perdu son aptitude?
M. Arcand
(Marcel) : Bien, je sais que la souffrance, pour moi, ce n'est
pas juste la douleur, là, comme les... En fait, la plupart des cas pour
lesquels on accepte l'aide médicale à mourir, il y a d'autres types de
souffrances que la douleur puis... parce que les gens sont en soins palliatifs
qui s'en vont en général pour traiter la douleur, mais, bon, l'essoufflement,
d'autres symptômes physiques qui jouent, mais la souffrance psychologique qui
peut être très importante puis la souffrance existentielle. C'est sûr, si on
est dans une maladie d'Alzheimer avancée, la souffrance existentielle, peut-être
qu'elle n'est pas là, mais il peut y avoir une souffrance psychologique, moi,
je suis certain. Juste la façon dont les patients réagissent, à vouloir... à
cogner dans les portes puis à vouloir se sauver, puis... des unités, puis à se
battre contre l'infirmier et l'infirmière qui vient les aider à leur hygiène ou
tout ça. Donc, oui, moi, je tiendrais compte de cette souffrance-là, c'est
certain. Je ne sais pas si je me suis perdue en tentant de répondre à l'autre
question, mais vous me le direz si je n'ai pas bien répondu.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme
Hivon
: Je
pense que Mme la Présidente va nous couper...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée.
Mme
Hivon
:
Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, je céderais maintenant la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Arcand.
M. Arcand
(Marcel) : Bonjour.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
C'est très intéressant de vous entendre, d'entendre aussi votre expérience.
Puis je reviens un petit peu avec les patients, avec les gens qui n'ont pas le
temps de remplir leur demande puis qui deviennent inaptes, là, par la suite.
C'est là que la... comme on dit, la ligne est mince puis la décision... les
décisions sont difficiles à prendre. Puis, tu sais, la responsabilité aussi...
je reviens un peu sur la responsabilité qui incombe au mandataire, tu sais, qui
doit statuer lors du moment venu. Cette responsabilité-là, j'aimerais ça savoir
un peu ce que vous en pensez.
M. Arcand
(Marcel) : Bien, moi, je suis partisan de la décision partagée,
c'est-à-dire qu'il faut que ça soit l'équipe de soins... et ne pas laisser ce
fardeau-là au mandataire tout seul. Je connais des gens qui ont souffert énormément
du fait qu'on leur a dit : Veux-tu qu'on arrête le traitement? Tu sais,
décide, plutôt que d'être... de devenir un partenaire dans la décision, là. Il
faut que le médecin soit partenaire dans la décision, de dire : Écoutez, à
ce stade-ci de sa maladie et tout ça, oui, je pense que c'est le meilleur
intérêt pour lui. Je pense que les mandataires seraient pas mal contents d'être
appuyés...
M. Arcand
(Marcel) : ...un partenaire dans la décision, là, le médecin
soit partenaire dans la décision de dire : Écoute, à ce stade-ci de sa
maladie, tout ça, oui, je pense que c'est le meilleur intérêt pour lui. Je
pense que les mandataires seraient pas mal contents d'être appuyés dans ces
décisions-là qui peuvent être, de fait, très traumatisantes, là.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
O.K. La... autrement dit, la responsabilité, ça serait la responsabilité du
médecin et des... et du proche en même temps ou...
M. Arcand
(Marcel) : Bien, tu sais qu'aux soins intensifs, quand on
décide d'enlever... d'arrêter les respirateurs, là, tout ça, c'est-u... est-ce
que c'est la fille du patient qui décide? Moi, je pense que c'est le médecin.
Puis que... Mais il y a aussi une décision partagée parce qu'il l'a expliqué à
la famille puis ils ont décidé de ne pas poursuivre encore pour stopper ça, là,
mais je pense que le médecin doit assumer son rôle à ce moment-là, oui.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Ça se retrouve plus facilement aussi avec les personnes qui sont seules, ceux
qui n'ont pas d'entourage.
M. Arcand (Marcel) :
Oui, oui.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Là, la responsabilité, elle est...
M. Arcand
(Marcel) : ...bien, elle est encore plus à l'équipe de soins,
bien oui.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Puis vous mentionnez aussi que vous étiez favorable à inclure le personnel
soignant, entre autres les infirmiers, infirmières, dans le processus
d'évaluation et administratif aussi?
M. Arcand
(Marcel) : Pour administrer l'aide médicale à mourir, vous voulez
dire ou... Bien, moi... les inclure dans les discussions, quel est... Parce
qu'au départ, il y a une question, c'est : Quel est le meilleur intérêt de
cette personne-ci à ce moment-ci de sa vie? Bien, le personnel infirmier qui le
côtoie chaque jour a probablement beaucoup de choses à dire, autant que le fils
qui vient le voir une fois par semaine ou... bon, peut-être pas autant, mais
ils peuvent contribuer à la discussion. C'est ça.
Au niveau administratif, je ne le sais
pas. Si vous parlez, comme au Canada, qu'il y a des infirmières spécialisées,
je crois, à qui on donne le droit de faire l'aide médicale à mourir, a priori,
je n'ai pas nécessairement d'objections, si tous les critères sont respectés,
parce que techniquement, une infirmière pourrait le faire autant que moi, là,
c'est juste pousser la seringue au bon moment, mais c'est tout... c'est de
gérer tout le reste, là, qui est exigeant, là.
• (14 h 20) •
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
O.K. J'aurais une dernière question puis je vais laisser la parole à mes
collègues. Puis là je vais aller sur le fameux formulaire. On a eu des groupes,
cet avant-midi... discuter. Qu'est-ce que vous en penser, le fameux formulaire
à remplir pour le...
M. Arcand
(Marcel) : ...le renoncement, là, ou renonciation, je ne sais
plus quel est le bon mot, là... Moi, je pense que toutes les fois que quelqu'un
fait une demande que je juge acceptable, puis qu'on s'entend sur un moment pour
faire l'aide médicale à mourir qui peut être plus ou moins rapproché, je leur
ferais signer un tel formulaire, s'ils sont d'accord, pour...
(Visioconférence)
M. Arcand
(Marcel) : ...moi, je pense que toutes les fois que quelqu'un
fait une demande que je juge acceptable, puis qu'on s'entend sur un moment pour
faire l'aide médicale à mourir qui peut être plus ou moins rapproché, je leur
ferais signer un tel formulaire, s'ils sont d'accord, pour qu'ils se sentent
libres de prendre la médication contre la douleur même si elle leur cause un
peu de somnolence et tout ça, ou encore qu'ils sachent que, même s'il arrive
une petite catastrophe comme la madame que j'ai raconté qui a fait son accident
vasculaire, là, quelques heures avant l'aide médicale à mourir, bien, qu'ils
sentent qu'ils vont l'avoir, le soin tel qu'ils l'espéraient.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, Mme la Présidente. C'est tout pour moi.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci, M. le député. Je céderais maintenant
la parole à Mme Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci, Mme la Présidente. Dr Arcand, bonjour.
M. Arcand
(Marcel) : Bonjour.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Est-il risqué, à votre avis, de ne pas cibler de manière précise les troubles
neurocognitifs qui pourraient être admissibles à une demande d'aide médicale à
mourir et cela pourrait-il ouvrir la porte à un trop grand recours à l'aide
médicale à mourir? Comment on peut doser tout ça?
M. Arcand
(Marcel) : Déjà que, si on l'ouvre pour les gens qui ont des
troubles neurocognitifs, on va l'ouvrir encore plus. Écoutez, les dangers sont
là, je ne les nie pas, puis il faut prendre les mesures pour protéger les
personnes inaptes. Mais les priver d'aide médicale à mourir, c'est qui ce qui
apparait être dans leur meilleur intérêt, je pense que ce n'est pas la bonne
solution, ça fait qu'il faut avoir d'autres balises. Donc, une des balises,
c'est que tu ne décides pas tout seul, il faut que... il faut au moins deux
médecins. Puis, je dirais, dans ces cas-là, je dirais en plus les psychiatres,
puis en plus possiblement, bien, un consentement familial. Donc, plus de
balises pour protéger les inaptes, mais quand même que ces gens-là puissent
recevoir ce soin-là.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Et j'aimerais que vous élaboriez sur les dangers, Dr Arcand. Est-ce
possible?
M. Arcand
(Marcel) : Ah! Les dangers sont là, certain. Il faudrait avoir
les pressions de la part de membres de la famille pour qu'on procède
rapidement, puis le motif étant financier ou juste de l'épuisement, je ne sais
pas trop, là, oui, oui, je pense que ça... bien, même quand on fait du soin
palliatif, là, puis que les gens approchent de la fin, mais que ça dure, ça
dure, des fois, les familles viennent nous voir et disent : Vous ne
pourriez pas aller un peu plus vite, là, dans le fond. Ça fait que je pense
que, oui, oui, oui, il y en a des dangers, c'est sûr. C'est pour ça que, moi,
les balises que je vois, c'est qu'il n'y a pas juste une personne qui décide
puis que les périodes de réflexion avant aussi, c'est utile, peut-être pas
90 jours dans ces cas-là, mais au moins une dizaine de jours, je pense que
c'est bon, pour que tout le monde ait la chance de s'exprimer...
M. Arcand
(Marcel) : ...moi, les balises que je vois, c'est qu'il n'y ait
pas juste une personne qui décide, puis que... Puis à l'intérieur de la
réflexion, avant, aussi, c'est utile. Peut-être pas 90 jours dans ces cas-là,
mais au moins une dizaine de jours. Je pense que c'est bon, là, que tout le
monde ait la chance de s'exprimer puis...
Mais le principal danger, je pense, c'est
surtout les pressions qui viennent de gens qui n'ont pas nécessairement le
meilleur intérêt du patient à coeur, et... Mais l'autre danger, c'est sûr que,
si on le fait par consentement substitué, pour des gens qui ne l'ont pas
demandé expressément, mais qu'on juge qu'ils sont tellement souffrants, puis
c'est la seule façon de les soulager, peut-être qu'on pourrait dire que le
danger, c'est d'aller trop loin, là, d'aller même à l'encontre de la volonté
des patients. Bien, ça, je mettrais un petit bémol là-dessus.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Ma
dernière question, Dr Arcand, c'est : Lorsque vous avez un patient qui est
quadraplégique, dans la trentaine, gavage, qui demande à en finir, à mourir,
qui devient un fardeau pour sa famille, que répondez-vous, et quelles sont les
procédures à faire?
M. Arcand
(Marcel) : Bien, actuellement, avec la disparition de critères fin
de vie au Québec, là... Par contre, on a encore maladie grave et incurable.
Mais moi, d'après moi, ça peut rentrer là-dedans, là, parce qu'il y a des
complications. Ces gens-là, on sait qu'ils vivent moins longtemps que la
moyenne, ils ont des complications d'être immobiles, bien souvent, donc ils
font des fractures de fragilité, ils ont des calculs urinaires, des infections
respiratoires, bon, etc. La seule chose, c'est qu'il ne faut pas le faire trop
vite après l'accident, pour donner une chance à la réadaptation puis à la
réinsertion sociale.
J'en ai fait, un cas de personne
quadriplégique, que j'ai justifié, dans le temps, sur le syndrome
d'immobilisation, le fait qu'il avait toutes les complications, il était rendu
à 50 kilos, je pense, qu'il pesait. Il ne pouvait même plus se lever dans son
fauteuil roulant motorisé, etc. Et puis le Collège des médecins a accepté ma
proposition, si on veut, quand ils ont révisé mon dossier. Mais cette
personne-là avait quand même réussi à travailler, il s'était marié, etc. C'est
juste qu'à un moment donné les malheurs physiques sont arrivés, qui ont eu un
gros effet psychologique, puis il n'aimait pas du tout ce qui s'en venait
devant lui, puis je le comprends.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Bien, merci beaucoup, Dr Arcand, c'est très apprécié.
M. Arcand
(Marcel) : Ça fait plaisir.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Donc, je céderais la parole maintenant à Mme la
députée de Saint-François.
Mme
Hébert
:
Merci, Mme la Présidente. Merci, Dr Arcand. Je pense que vous mettez… c'est
très pertinent, ce que vous ne dites, et vous mettez énormément de lumière et
d'histoires. On peut...
M. Arcand
(Marcel) : …ça fait plaisir.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Donc, je céderais la parole
maintenant à Mme la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
:
Merci, Mme la Présidente. Merci, Dr Arcand. Je pense que vous mettez… c'est
très pertinent ce que vous nous dites, et vous mettez énormément de lumière et
d'histoires, on peut presque imaginer les personnes que… vous nous racontez
leurs victoires, et ça vient beaucoup teinter, en tout cas, nos réflexions.
Moi, j'ai entendu dans… d'autres
intervenants précédents qui avaient une certaine… qu'il n'y avait pas consensus
sur les mesures contraignantes. On parle… puis je reviens encore, je sais que
je suis intervenue souvent, mais, disons, quelqu'un qui a l'alzheimer, qui est
quand même dans une situation qui est… il y a une perte d'aptitude, mais qui a
quand même… qui est quand même serein. Puis il y en a qui ont dit que c'était
les… quand ça avait été rempli précédemment, quand la personne était apte, que
ça l'amenait plus… exécutoire et contraignant. Donc, quand ils arrivaient à tel
stade, même si on ne voit pas de souffrance, rien, on pouvait procéder quand
même. Puis il y en a d'autres que non, s'il n'y a pas apparence de souffrance,
et tout ça fait que…
Je vous vois, vous aussi, vous avez autant
d'un côté que de l'autre. Alors, c'est une situation qui est difficile à…
J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Arcand
(Marcel) : Oui, peut-être une chose que je n'ai pas mentionnée,
mais, bon, je ne sais pas si on peut faire du chemin là-dessus, mais c'est sûr
que les médecins, leur crainte, c'est de donner la mort à quelqu'un qui ne
réactive pas la demande, etc., surtout qu'ils ne connaissent pas… s'ils la
connaissent depuis longtemps, ça peut être différent. Si le patient avait fait
un vidéo qui dit exactement : Je ne veux pas me retrouver dans la
situation… dans telle, telle, telle situation, puis ce vidéo-là, on le voit au
moment… à ce moment-là, puis on dit : Oui, c'est vrai, c'est vraiment ça
qu'il voulait, donc, quelque part, la demande est comme réactivé par le
patient. Peut-être que j'exagère, puis c'est un peu une fantaisie, mais je sais
qu'aux États-Unis il y a des endroits où on propose aux gens de faire ce genre
de vidéo là, et ils se promènent avec leur petite clé USB sur laquelle ils ont…
ils expriment leur volonté de fin de vie. Mais sinon, là, si je me fie à
l'expérience hollandaise qui est quand même… où l'aide médicale à mourir est
très présente depuis une vingtaine d'années, il reste qu'il y a peu de cas de
demandes anticipées d'aide à mourir qui trouvent des médecins pour le faire. Ça
fait que je pense que ça, ça resterait un problème. Je ne sais pas si je…
Est-ce que j'ai répondu?
• (14 h 30) •
Mme
Hébert
:
Oui. Puis, quand…. C'est sûr et certain que j'ai beaucoup de collègues qui en
ont parlé, par rapport au consentement substitué. Moi, j'ai une question, là,
puis j'aimerais vous entendre là-dessus. Peut-être que vous l'avez dit, aussi,
j'ai dû m'absenter une petite…
14 h 30 (version non révisée)
M. Arcand (Marcel) : …Je ne
sais pas si je… Est-ce que j'ai répondu?
Mme
Hébert
:
Oui. Puis, quand… C'est sûr et certain, j'ai beaucoup de collègues qui en ont
parlé, par rapport au consentement substitué. Moi, j'ai une question, là, puis
j'aimerais vous entendre là-dessus. Peut-être que vous l'avez dit, aussi, j'ai
dû m'absenter une petite minute, tantôt. Le diagnostic est nécessaire pour…
M. Arcand (Marcel) : Oui,
oui, oui.
Mme
Hébert
:
…faire une demande. On ne pourrait pas l'inclure dans un mandat d'inaptitude,
la prévision qu'un jour, si j'ai un accident cérébrovasculaire, ou si j'ai un
accident de voiture, je suis quadriplégique, je veux l'aide médicale à mourir.
Vous voulez… il y a, vraiment, comme, un diagnostic qui doit être, au
préalable, d'une maladie grave, incurable.
M. Arcand (Marcel) : Bien,
moi, je pense qu'on pourrait le faire, quand même, c'est juste que, si c'est
contraignant, ça prend un diagnostic. C'est ce que la plupart des gens font,
actuellement, dans des directives à l'avance, ils disent : Je ne voudrais
pas être prolongé si je n'ai plus ma capacité de consentir, ou, bon, etc.,
mais, puis il n'y a pas de diagnostic, au départ. Ils le font, on en tient
compte, mais on n'est pas contraint d'appliquer ça parce que, de toute façon,
ce n'est pas clair, à quel moment… en tout cas, ce n'est pas toujours très clair.
Mais c'est sûr que si vous voulez mettre ça contraignant, que ça puisse se
faire, bien, à ce moment-là, ça prend un diagnostic, c'est sûr. C'est toujours
mieux, des directives anticipées à partir d'un diagnostic.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
M. Arcand (Marcel) : Donc, la
personne qui a une maladie pulmonaire obstructive, qui dit : Bien, moi,
comme j'ai une maladie pulmonaire obstructive, je ne veux plus aller aux soins
intensifs, je ne veux plus être intubé, tout ça, ça fait bien plus de sens que
quelqu'un qui n'a pas encore de diagnostic. O.K.?
Mme
Hébert
:
Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci beaucoup, Mme la députée. Merci beaucoup, Dr Arcand, c'est
très instructif. Ça va nous aider dans la suite de nos travaux.
M. Arcand (Marcel) : En tout
cas, je peux vous dire que j'ai trouvé que vous aviez des bonnes questions.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Et merci d'y avoir répondu si précisément.
M. Arcand (Marcel) : O.K.
Félicitations!
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, la commission suspend ses travaux quelques instants, le temps
d'accueillir nos nouveaux invités. Merci encore, Dr Arcand.
M. Arcand (Marcel) : Merci. À
une prochaine, peut-être.
(Suspension de la séance à 14 h 32)
(Reprise à 14 h 40)
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci. Donc, nous sommes de retour. Nous
accueillons maintenant Me Jean-Pierre Ménard. Donc, merci d'être avec nous cet
après-midi, Me Ménard. Vous disposez de 20 minutes pour votre exposé, et, par
la suite, il y aura un échange avec les membres de la commission d'une période
de 40 minutes. Donc, je vous cède la parole.
M. Ménard (Jean-Pierre) :
Merci, Mme la Présidente.
Alors, je vais d'abord me présenter. Je
suis Jean-Pierre Ménard, je suis avocat depuis 41 ans.
Ça fait depuis à peu près... depuis 2009
que je participe aux activités de la commission, d'abord, par le Barreau, puis,
par la suite, j'ai continué après dans différents rôles. En 2013, j'ai présidé
le comité de juristes experts du ministère. Par la suite, la loi a été adoptée.
La loi fédérale a été adoptée après coup.
En 2017, j'ai été appelé à représenter
M. Truchon et Mme Gladu, dans un litige contre le gouvernement
fédéral et le gouvernement provincial... 2017, donc, à 2019, ça m'a... ça a
pris une bonne partie de mon temps aussi, alors, jusqu'au jugement Truchon en
septembre 2019 aussi.
J'ai participé à toutes sortes de comités
de travail, fédéral, provincial, les derniers en date étant ceux de
l'hiver 2020‑2021 au fédéral. Alors, j'ai comparu... trois fois devant le
comité du Sénat et des Communes sur le projet de loi C-7.
Bon. Ceci étant dit, on va commencer
maintenant la présentation. Ce que je compte faire, c'est que je vais... de la
décision que... du jugement Truchon, la décision de la juge Beaudoin pour...
comme...
M. Ménard (Jean-Pierre) : …ceci
étant dit, on va commencer maintenant dans la présentation. Ce que je compte
faire, c'est que je vais parler de la décision du… dans la décision du jugement
Truchon, la décision de la juge Baudoin pour… comme point de départ, et on va
voir après ça qu'est-ce que ça a changé en cours de route aussi.
Alors, si je… on est au jugement Truchon,
alors là-dessus il y a un certain nombre de constats qui ont été faits par le
juge Baudoin, dans son jugement. D'abord, le… ce que le juge Baudoin nous
propose comme cheminement, c'est d'abord que chacun de ces cas-là nécessite une
évaluation individuelle. Alors, peu importe d'où viennent… peu importe d'où les
gens viennent, donc, dans ce cas-là, le juge Baudoin a déterminé qu'en matière
d'accès à l'aide médicale à mourir, une évaluation individuelle de la condition
de la personne qui en fait la demande doit être faite, et ce peu importe d'où
vient la demande. Dans ce cas-ci, il faut se rappeler que la demande émanait de
deux citoyens, d'ailleurs relativement démunis, chacun était handicapé aussi,
avait vécu des épisodes de troubles mentaux. Par contre, la condition des
requérants, au moment où la requête a été présentée, ne laissait pas de doute
sur leur aptitude, et les deux respectaient par ailleurs tous les critères de
fin de vie, là aussi. Alors, selon le juge Baudoin, ce n'est pas la qualité des
demandeurs, alors qu'en leur qualité de personnes handicapée, qui était la
question importante, c'est de savoir si ces personnes-là étaient souffrantes et
aptes à consentir, le reste étant plutôt secondaire. Alors donc, le juge a
réalisé la situation, et conclu que les deux étaient… rencontraient ces
conditions-là. Le juge, donc, a pris bien soin aussi d'examiner une preuve
d'experts très développée sur la notion de vulnérabilité de différents groupes
de personnes, dont les personnes handicapées et celles qui présentent des
problèmes de santé mentale. Elle en a conclu que chaque personne de ces
différents groupes ne présente pas nécessairement cette vulnérabilité-là.
Alors, autrement dit, ça reste une situation individuelle. Bon.
Donc, dans la même veine, le juge a conclu
que la prohibition absolue d'accès pour tout un groupe était
inconstitutionnelle, c'était vraiment chaque personne, après évaluation, qu'on
pouvait décider…
M. Ménard (Jean-Pierre) : …Bon.
Donc, dans la même veine, le juge a conclu
que la prohibition absolue d'accès, pour tout un groupe, était
inconstitutionnelle. C'était, pas mal, chaque personne, après évaluation, qu'on
pouvait décider si elle était… si elle rencontrait ou non les conditions. Donc,
on n'a écarté aucune des catégories de personnes, initialement, chacun des cas
était… devait être évalué individuellement, aussi. Quand le jugement a été
sorti, il n'y a peu d'appel ni du fédéral ni du provincial, donc, la Cour
supérieure est demeurée intégrale complètement. Alors, ça, donc, c'était
l'élément, là, important du jugement Truchon.
Alors, maintenant, par la suite, le
fédéral a donné suite à ça. Alors, c'est par le projet de loi, donc, C-7 qui a
été adopté le 17 mars 2021. Donc, il y a, à peine, quelques semaines
que le juge a établi les paramètres, de ce qu'ils devraient être.
Bon, élément bien important parce que tout
le monde a souligné, un peu, un aspect ou l'autre des lois, là. Moi, je porte
attention plus aux effets purement légaux, si on veut, de cette loi-là. Alors,
qu'est-ce qui est important là-dedans? Alors, actuellement, la loi a… plusieurs
améliorations à la loi actuelle. Entre autres, on a fait sauter le délai de
10 jours entre les deux consentements, on a prévu le consentement, la
renonciation au consentement final dans la loi actuelle. Alors, il y a
plusieurs améliorations comme ça qui ont été apportées. Par contre, il y en a
d'autres qui ne sont pas du tout des améliorations, par rapport à ce qui
existait déjà : le délai de 90 jours, entre autres, l'attente pour
les gens… etc., ce n'est pas le but de mon propos aujourd'hui
Par contre, il y a un petit article, de
rien, une ligne dans la loi qui a… qui détermine absolument, écoute, qui
détermine de façon notable ce que Québec va pouvoir faire, ou ne pas faire,
avec cette loi-là. Alors, c'est l'article… ici, là, 251.2 (2.1) qui dit que la
maladie mentale, que les gens souffrant uniquement de maladie mentale ne sont
pas admissibles à la loi. Alors, autrement dit, pour être encore plus précis,
on dit que la maladie mentale est exclue des conditions de santé pouvant donner
accès à l'aide médicale à mourir lorsqu'il s'agit de la seule condition…
M. Ménard (Jean-Pierre) : …que
les gens souffrant uniquement de maladie mentale ne sont pas admissibles à la
loi, hein, autrement dit, pour être encore plus précis, on dit que la maladie
mentale est exclue des conditions de santé pouvant donner accès à l'aide
médicale à mourir, lorsqu'il s'agit de la seule condition médicale invoquée, et
ce, peu importe que toutes les conditions d'accès à l'aide médicale soient
rencontrées. Alors, autrement dit, même si les gens ont toutes les conditions
d'aide médicale, si la raison médicale est uniquement la maladie mentale, ces
gens-là sont maintenant exclus, ce qu'ils n'étaient pas avant le 17 mars 2021.
Alors donc, depuis le 17 mars 2021, il
n'est plus possible pour une personne qui a une maladie mentale seulement de
revendiquer l'aide médicale à mourir. Alors, ça, c'est un chantement qui est
majeur.
La Présidente (Mme Guillemette) :
M. Ménard, pouvez-vous ajuster votre micro un petit peu? On vous entend moins
bien.
M. Ménard (Jean-Pierre) : Là,
est-ce que c'est mieux?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, parfait. Merci.
• (14 h 50) •
M. Ménard (Jean-Pierre) :
Bon. Alors, je vais répéter ce que je viens de dire. Alors, on a décidé donc l'aide
médicale à mourir, lorsque la personne qui le demande a uniquement un problème
de santé mentale, n'était pas recevable même si ces personnes rencontrent par
ailleurs toutes les autres conditions de la loi. Alors, autrement dit, on les
exclut… Il y en a qui ont trouvé, mais ça, c'est valide juste pour juste deux
ans, ce n'est pas vrai, la loi ne mentionne pas de délai aux conditions comme
ça. Alors donc, jusqu'à nouvel ordre et pour l'avenir, cette exclusion-là
prévaut aussi. Alors, c'est donc une exclusion qui est importante. C'est dans
la loi fédérale, mais il faut penser que la loi provinciale est assujettie à la
loi fédérale aussi. La règle de prépondérance fédérale fait en sorte que ça va
s'appliquer aussi à la province de Québec. Alors, il reste que, finalement,
assez peu de choses à légiférer pour la province tenant compte de ces
éléments-là.
Dans la nouvelle loi, le législateur dit
que c'est important de faire un équilibre entre l'autonomie de la personne, la
protection des personnes vulnérables, la protection contre… en matière de
santé. Je vous suggère que ce qui a été fait comme tentative de conciliation,
ça ne traduit pas ça, ça traduit carrément… la protection de personnes
vulnérables, mais pas seulement les personnes vulnérables, toutes les personnes
qui sont dans la même condition que, je l'ai déjà dit, toutes les personnes qui
ont un problème de maladie mentale uniquement, que ces gens-là…
M. Ménard (Jean-Pierre) :
...ça ne traduit pas ça. Ça traduit carrément un projet de protection des
personnes vulnérables, mais pas juste les personnes vulnérables, toutes les
personnes qui sont dans la même condition que... je veux dire toutes les
personnes qui ont un problème de maladie mentale uniquement, que ces gens-là
soient aptes ou inaptes où alors ils sont les deux exclus de l'accès à l'aide
médicale à mourir.
Alors donc, la priorité qu'on pouvait
donner aux personnes vulnérables, bien on a ratissé beaucoup trop large pour
assurer la protection des personnes. Alors, ça expose la loi à être attaquée de
façon assez rapide, du moins j'ai l'impression, sur ce plan-là parce
qu'effectivement la loi protège des personnes qui n'ont pas besoin d'être
protégées, et l'enveloppe de protection qui est accordée aux personnes est trop
large.
En plus de ça, bien, évidemment, c'est...
cette loi-là, tenant compte de cette clause-là, sur la santé mentale, va avoir
pour effet de stigmatiser, si on veut, les personnes qui sont atteintes de
santé mentale parce que d'abord on va avoir à faire un tri parmi les gens qui
font... qui demandent d'accès à l'aide médicale à mourir. Et du moment qu'une
personne va avoir des problèmes de santé mentale, on va l'exclure sans même
l'évaluer ou sans même déterminer si, oui ou non, elle pourrait être apte ou
non à consentir. Alors, ça, ça va générer donc un phénomène de stigmatisation
important aussi.
Donc, ce problème de stigmatisation là, ça
va également générer un problème de discrimination parce qu'on va carrément
exclure du chemin de l'aide médicale à mourir les gens qui ont une maladie
mentale uniquement plutôt que les traiter au cas par cas individuel. Moi, je
soutiens que cet état de la jurisprudence, là, je veux parler de la Cour
suprême, je vais parler de la Cour supérieure dans... la Cour suprême dans
Carter et la Cour supérieure dans Truchon, qui sont exactement au même effet.
Ils considèrent que pour avoir droit à l'aide médicale à mourir, c'est la
preuve des souffrances intolérables d'un adulte capable est la condition pour
avoir accès à l'aide médicale à mourir et rien d'autre.
Alors, là, avec la nouvelle loi, la
nouvelle loi fédérale, c'est beaucoup plus large que ça. Les gens qui ont...
qui sont prévus de l'accès à l'aide médicale à mourir... et c'est un cas de
discrimination bien clair par rapport à leur droit à l'égalité de ces gens-là,
qui vont être moins égaux que d'autres...
M. Ménard (Jean-Pierre) :
…rien d'autre. Alors, là, dans la… avec la nouvelle loi, la nouvelle loi
fédérale, c'est beaucoup plus large que ça, les gens qui ont… qui sont prévus
de l'accès à l'aide médicale à mourir. Et c'est un cas de discrimination bien
clair par rapport à leur droit à l'égalité parce que ces gens-là ont… vont être
moins égaux que d'autres, si on veut, en n'ayant pas accès à l'aide médicale à
mourir du seul fait du diagnostic. Alors, toutes les études qui ont été faites
là-dessus, aller jusqu'aux plus récentes, là, elles disent toutes que, dans
tous les cas, il faut évaluer les personnes. Il ne faut pas se fier au
diagnostic, il faut vraiment prendre le cas comme un tout aussi.
Important aussi, on infère un peu de cette
disposition-là que les gens sont inaptes. Il faut se rappeler que la maladie
mentale n'égale pas inaptitude. On peut avoir une maladie mentale sans être
inapte. Alors, ce n'est pas… il n'y a pas d'automatisme là-dessus, et avec la
loi telle qu'elle est rédigée, on en fait un automatisme aussi.
En fin de compte, la vulnérabilité, donc,
des personnes. Est-ce que c'est une question qui peut être peut-être évaluée
par les médecins éventuellement? Puis qu'on doit se faire une idée globale par
rapport à la condition du patient et non pas juste se fier sur le diagnostic.
Je vais assez rapidement parce que c'est…
mon temps fuit et je… aussi. Alors, si je regarde mes notes, tout ça, c'est-à-dire
ça, avec la loi québécoise… Alors, la loi québécoise évidemment, là, on ne connaît
pas encore la réponse exacte. La première réponse du gouvernement du Québec a
été, quand le jugement Truchon est sorti : Parfait, on va se conformer au
jugement, on suspend… à ce moment-là, on arrête d'appliquer la règle de la fin
de vie. Ça a duré juste quelques jours parce qu'après ça, avec les pressions
des milieux médicaux particulièrement, on a… on est revenu en arrière, et
Québec a instauré un genre de moratoire. On ne l'a pas fait dans la loi, O.K.,
mais on l'a fait légalement en disant au Collège des médecins : Retenez les
médecins, pour le moment, on ne fait pas de… on n'accorde pas l'aide médicale
quand c'est juste la question de… quand il y a juste une question de santé
mentale qui est en cause. Alors, on a donc… on a fait marche arrière, puis là,
je pense que le comité est ici, ici aujourd'hui… vise un peu à répondre à cette
interrogation-là. Remarquez que, dans le cas du Québec, à matin j'écoutais…
1534 M. Ménard (Jean-Pierre) : …alors,
on a donc… on a fait marche arrière, puis là je pense que le… qui est ici, ici aujourd'hui
vise un peu à répondre à cette interrogation-là. Remarquez que dans le cas du Québec,
à matin j'écoutais le… le médecin… il a parlé de l'implication de… il a parlé
des… de Québec depuis 2014. Alors, depuis 2014, la loi n'a eu aucun amendement,
n'a pas été amendée une seule fois et ne le sera pas encore avant un an ou deux
ans, tenant compte de ces vérités-là, alors que les distinctions entre les lois
provinciales et fédérale vont en s'accroissant. Le projet de loi C-7
a accru considérablement l'écart, si on veut, entre la loi provinciale et la
loi fédérale. Alors, ça va poser des problèmes bien, bien complexes. Le Québec…
simplement plier bagage et s'en remettre aux discussions avec la loi fédérale.
Cela reste à voir. Mais, actuellement, c'est une situation qui est un peu…
aussi. C'est ça.
Alors, en termes de
conclusion, parce que je pense que mon temps est presque expiré, alors donc, la
loi provinciale… pardon, l'état actuel de la loi, fédérale et provinciale,
laisse peu de place à l'initiative de Québec, parce que la prépondérance de la
loi fédérale est certaine. Le législateur québécois va avoir à faire des choix
en termes stratégiques. S'il l'estime souhaitable, il pourra soit mettre sa loi
en concordance avec la loi fédérale ou s'adresser aux tribunaux, peut-être, le
cas échéant, pour tester sa loi pour savoir si sa loi va faire un… rencontre
les tests. C'est ça.
Alors donc, dans le cas des
demandes anticipées, le problème va se poser aussi, parce qu'encore là, ça va…
on va… à des décisions qui sont prises alors que la personne est inapte… alors,
il n'est pas malade, donc on va encore là donner plus d'espace à la loi
québécoise.
• (15 heures) •
Alors, écoutez, donc, c'est
dit rapidement…
15 h (version non révisée)
M. Ménard (Jean-Pierre) :
...alors, il est probable qu'on va, encore là, donner plus d'espace à la loi québécoise.
Alors, écoutez, donc, c'est dit rapidement.
Alors, s'il y avait des questions...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Me Ménard. Donc, on va procéder à la période de questions, en commençant
par le député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme
la Présidente. Merci, Me Ménard. J'ai envie de vous inviter à développer sur le
dernier point que vous avez abordé, celui des demandes anticipées. Ça fait
partie, ça, vraiment, du mandat qui nous a été donné ici à la commission, celui
de réfléchir à la situation des personnes qui deviennent inaptes au courant de l'évolution
de leur maladie, par exemple, des maladies neurodégénératives.
Quelle est votre position sur cette question-là,
considérant que vous insistez beaucoup, dans votre présentation d'aujourd'hui,
sur l'importance de l'autonomie des personnes? Comment tranchez-vous ce dilemme
des personnes qui pourraient consentir un jour, mais qui, au fil de leur
maladie, deviennent inaptes, et donc ne sont plus en mesure de consentir, quelques
mois ou quelques années après l'avoir fait initialement? Est-ce que ces personnes-là
devraient avoir accès à l'aide médicale à mourir? Si oui... Bien, sinon, pourquoi?
Et, si oui, avec quelles balises, quel encadrement, pour s'assurer que
l'autonomie de ces personnes-là soit respectée jusqu'à la fin, malgré leur
inaptitude?
M. Ménard (Jean-Pierre) :
Parfait. O.K. Alors, d'abord, bien, personnellement, je pense que, quand on
devient inapte, on perd le droit de modifier ses actes antérieurs. Il y a
d'excellents arguments pour les... leur donner un effet après, mais le concept
qu'on utilise pour ça, c'est le concept de l'ici et maintenant, et non pas ce
qui a déjà été. C'est clair qu'à ce moment-là... pardon, si on a le choix entre
un moment x et antérieur à l'inaptitude et le moment actuel, où la personne est
inapte, je pense que la loi privilégie le moment où la personne devient inapte,
et à ce moment-là, elle va nécessairement perdre certains droits, même si ce
serait bien le fun d'avoir des conditions qui facilitent la question de... qui
facilitent la demande d'aide médicale à mourir.
Mais quand la personne est rendue inapte,
je pense que c'est une perte de temps de chercher à essayer d'amadouer le sort,
si on veut, pour donner une chance à la personne. Je pense que, de façon bien,
bien...
M. Ménard (Jean-Pierre) :
...la demande d'aide médicale à mourir, bien, quand la personne est rendue
inapte, je pense que c'est une perte de temps de chercher à essayer d'amadouer
le sort, si on veut, pour donner une chance à la personne. Je pense que de
façon bien, bien nette, puis je pense qu'au point de vue légal, tous les
ouvrages... récemment... on réclame tous la nécessité de l'aptitude. C'est vraiment
le point déterminant. Même en Hollande, même en Belgique, en Hollande en
général, 145 cas entre autres... Sur les 145 cas, on ne sait pas s'il
y en avait juste quatre ou cinq qui n'étaient pas parfaitement aptes... mais
l'immense majorité était des personnes qui étaient aptes et, qu'à ce moment-là,
donc, le consentement était valide, même s'ils avaient une maladie mentale.
Alors...
M. Nadeau-Dubois : O.K., mais
juste... Je suis désolé. Juste pour être sûr de bien vous comprendre, vous
insistez beaucoup sur l'importance que la personne soit apte. Est-ce que...
juste pour être sûr de bien saisir votre pensée, là, est-ce que, selon vous, ça
doit... cette aptitude-là doit être maintenue jusqu'à la fin? ... moment du consentement
final, là, au moment d'administrer l'aide médicale à mourir, est-ce que, selon
vous, il devrait être apte à consentir à nouveau à ce moment-là?
M. Ménard (Jean-Pierre) :
...fédéral, ils peuvent voir leur... au consentement final. Il y a des gens qui
ont déjà été évalués, ils ont été jugés aptes, mais qui deviennent inaptes
après... qui est un cas d'exception, le reste des cas, ce sont des cas qui exigent
l'aptitude au moment où on donne l'aide médicale à mourir.
M. Nadeau-Dubois : O.K., et
qu'est-ce que vous répondez... Parce que c'est intéressant, votre point de vue,
il diffère de celui qui nous a été présenté par les intervenants qu'on a eus
depuis le début de nos travaux. Qu'est-ce que vous répondez à l'argument de ces
gens-là qui est de dire : Quand les personnes sont aptes, elles ont toutes
leurs capacités de juger quel type de vie elles veulent mener et on ne peut
pas... et on ne devrait pas, c'est ce que ces gens-là disent, leur renier ce
droit-là, même si la maladie fait en sorte qu'elles deviennent inaptes.
M. Ménard (Jean-Pierre) :
Oui, ce serait souhaitable qu'on puisse faire comme si de rien n'était, mais on
ne peut pas. Parce que, là, il arrive un changement important dans leur vie et
qui peut... beaucoup d'autres choses. Alors donc, là, les gens ne peuvent plus
dire s'ils veulent ou s'ils ne veulent pas. Et là ils n'ont pas... si on suit
votre hypothèse, là, on y va sur...
M. Ménard (Jean-Pierre) :
...changement important dans leur vie, qui peut... beaucoup d'autres choses.
Alors donc, là, les gens ne peuvent plus dire s'ils veulent ou s'ils ne veulent
pas. Et là ils n'ont pas... si on suit votre hypothèse, là, on y va sur la
preuve de l'aptitude dans le passé sans tenir compte de ce qu'est la personne actuellement.
Alors, moi, je pense qu'on ne s'en sort
pas, il faut absolument que ce soit un acte fait par une personne apte. Même si
elle perd son aptitude le lendemain, il faut toujours... elle le fasse...
qu'elle soit apte. Et, même s'il y aurait mille et une bonnes raisons de... peut-être
qu'on peut l'accommoder pour ci ou l'accommoder pour ça, ou... alors je pense
que ça ne tient... ça... malheureusement, ça ne tient pas le fort. On a...
Puis, comme je dis, puis là je parle comme juriste, on est dans du noir ou du
blanc, on n'est pas dans du gris pâle, puis du gris foncé, puis du peut-être. O.K.?
Alors, c'est : Tu es apte ou tu es inapte. C'est une... je suis d'accord
que c'est une abstraction, mais il faut qu'on tranche. Les faits nous demandent
de trancher : Es-tu apte ou es-tu inapte? Et non pas : Bien, peut-être
qu'avec un...
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci, Me Ménard. C'est tout le temps que
nous avions avec le député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Merci
beaucoup.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Je céderais maintenant la parole à la députée
de Joliette.
M. Ménard (Jean-Pierre) :
Bonsoir, madame.
Mme
Hivon
:
Merci. Bonjour. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Me Ménard, heureuse de vous
revoir.
M. Ménard (Jean-Pierre) :
Moi de même.
Mme
Hivon
:
Donc, écoutez, Me Ménard, je veux poursuivre sur la question, donc, de la possible
demande anticipée. Je veux juste, comme juriste, que vous nous fassiez la
distinction entre le fait de pouvoir, via les directives médicales anticipées,
signifier à l'avance, par exemple, un refus de traitement, un refus de
réanimation, un refus d'hydratation artificielle, pourquoi ça, selon vous, ça
peut tenir la route, alors qu'une demande anticipée d'aide médicale à mourir,
qui, oui, est un geste actif, donc c'est différent en termes d'intensité, mais,
en termes de se projeter dans une situation où on aurait perdu notre
inaptitude, peut apparaître identique, quelle nuance apportez-vous?
M. Ménard (Jean-Pierre) :
Bon. D'abord, il n'y a pas beaucoup de nuances entre l'aide médicale à mourir
et la personne qui se fait mourir par ce biais-là. Par contre, la personne n'a
pas besoin d'être apte pour refuser les traitements, son représentant peut
refuser les traitements pour elle, peut consentir n'importe quelles modalités
de fin de vie pour elle, alors que, c'est-à-dire, si elle est inapte, alors que
la personne inapte elle-même ne peut pas... la personne elle-même ne pourrait
pas consentir à ces modalités-là. Alors, ça, c'est...
(Visioconférence)
M. Ménard (Jean-Pierre) :
...refuser les traitements pour elle, peut consentir à n'importe quelle
modalité de fin de vie pour elle alors c'est-à-dire si elle est inapte, alors
que la personne inapte elle-même ne peut pas... la personne elle-même ne
pourrait pas consentir à ces modalités-là. Alors, ça, c'est une première série
de différences.
À notre... on retrouve souvent
l'assimilation large, si on veut, de ces possibilités-là. Mais ultimement,
quand... vu que l'aide à mourir est une décision qui est personnelle, avec la
qualité que ça prend pour rendre meilleure la décision, je pense encore là que
c'est un... il faut voir la différence et faire la part des choses entre les
deux.
• (15 h 10) •
Mme
Hivon
:
Donc, pour vous, ce qui motive cette prise de position là, c'est parce que le
refus de traitement existe déjà de manière substituée.
M. Ménard (Jean-Pierre) :
Oui.
Mme
Hivon
:
Donc, si vous tombez dans le coma, un proche peut décider. Et, même si on
introduit l'idée que c'est votre décision à vous qui s'exprime avant, le fait
que ça existait déjà dans le Code civil, c'est une nuance importante par
rapport à la demande d'aide médicale à mourir. C'est bien ça. J'ai bien
compris.
M. Ménard (Jean-Pierre) :
Oui.
Mme
Hivon
: O.K.
donc, ça m'amène à vous dire, à vous demander... là, je comprends que vous
n'êtes pas favorable à ça, mais admettons qu'on allait dans cette voie-là, je
présume que ça veut dire que, pour vous, la demande qui provient de la personne
est absolument incontournable parce que, là, on a eu l'intervenant avant vous
qui, pour la première fois, a amené l'idée d'un consentement substitué pour une
personne inapte en situation de demande d'aide médicale à mourir mais qui
pourrait être faite par des proches. Je comprends que, vous, à partir de ce principe-là,
vous seriez contre cette hypothèse-là.
M. Ménard (Jean-Pierre) :
O.K. concrètement, oui, même si ultimement je partage beaucoup de sympathie
pour les gens qui la mettent de l'avant, là. Mais, bon, on a, dans la loi,
tracé une limite, bon, on peut être d'accord ou pas d'accord avec, là, on peut
trouver qu'elle est exagérée, mais il reste qu'elle est là, O.K., alors, on va
vivre avec. À moins qu'on ne fasse disparaître ça de la loi. On dit :
Dorénavant... bon, bien, dorénavant, pour les cas de... quand la personne aura
émis des volontés avant son décès, bon, on devra les respecter, même si la
personne n'est plus apte, même s'il y a des conséquences. Mais là ce n'est pas
le choix qu'on a fait, et alors on a fait un choix comme société, alors je pense
qu'on vit avec ça.
Mme
Hivon
:
O.K. vous trouvez que c'est toujours le bon choix.
M. Ménard (Jean-Pierre) :
Mais non, pas nécessairement. Non, je ne dis pas, nécessairement, que c'est
toujours le bon choix, c'est le...
M. Ménard (Jean-Pierre) :
…conséquence. Mais là, ce n'est pas le choix qu'on a fait. O.K. Alors, on a
fait un choix, comme société, alors je pense qu'on vit avec ça.
Mme
Hivon
: O.K.
Vous trouvez que c'est toujours le bon choix?
M. Ménard (Jean-Pierre) :
Non, pas nécessairement. Non, je ne dis pas, nécessairement, que c'est toujours
le bon choix. C'est le choix que la société impose.
Mme
Hivon
:
Parfait. Une dernière petite question, très pointue, juridique. Tantôt, vous
avez dit que, dans la loi fédérale, donc, je pense qu'on a tous vu ça, là, ils
ont nommément exclu la maladie mentale, mais plusieurs estiment qu'avec
l'apparition du 2023 pour réviser ça, ça voudrait dire que, dans
deux ans, la maladie mentale serait incluse. Je comprends que ce n'est pas
votre analyse. Pouvez-vous nous préciser?
M. Ménard (Jean-Pierre) :
Oui. Mon analyse, d'abord, elle repose sur les dispositions transitoires,
actuellement, en vigueur dans la loi C-7 où on a fait une faute… J'aurais peut-être
dû vous l'expliquer, là, mais je vais déposer, de toute façon, un texte
élaboré. La faute qu'on a faite, c'est qu'on dit, dans la disposition
transitoire, que, jusqu'en 2023, c'est-à-dire la loi va s'appliquer à
partir de 2023 pour les années à venir. Bon, ça veut dire que tout de
suite, si on veut suivre ça à la lettre, les gens auraient droit de faire la
demande d'aide médicale à mourir, même ceux qui ont une condition unique de
maladie mentale. Ça serait bon jusqu'en 2023, puis après ça,
après 2023, on ne pourrait plus.
Si je suis les dispositions transitoires
de la loi, elles ne sont pas reproduites, ici, dans le texte de loi, mais elles
sont dans le projet de loi tel qu'il a été adopté. Et alors, je ne sais pas si
c'est une erreur des légistes, ou de ceux qui y ont pensé, en tout cas. De
toute façon, prenons pour acquis que ça serait… qu'en 2023, on révise tout
ça. O.K. Bon. D'abord, ce n'est pas dans la loi, alors ça ne veut pas dire que
ça va être… que ça ne sera pas prévisible, mais ça ne veut pas dire que ça va
l'être, obligatoirement, aussi. Alors, moi, je pense qu'on va être… ça va être
une promesse électorale. Là, ça apparaît dans le Code criminel. On n'est pas
encore sûr de ce que ça va être en 2023.
Alors, moi, je pense que ça aurait été
beaucoup plus simple de mettre cette disposition-là, sur la question de la
maladie mentale, mais de préciser que ça va être révisé en 2023. Là, ça
aurait été correct, même si je suis plus ou moins d'accord avec ça, là, que ça
aurait été correct. Là, on n'a pas ça, O.K. Alors, on est tout à fait
silencieux là-dessus. On a oublié la disposition transitoire du projet de loi
dans sa version finale, alors…
M. Ménard (Jean-Pierre) :
…aurait été correct, même si je suis plus ou moins d'accord avec ça, là, que ça
aurait été correct. Là, on n'a pas ça, O.K., alors on est tout à fait
silencieux là-dessus. On a oublié la disposition transitoire du projet de loi
dans sa version finale. Alors… Oui, il faut faire attention, mais il faudrait
voir… il faudrait avoir la version complète, là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Me Ménard.
Une voix : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Je passerais maintenant la parole au député de Mégantic.
M. Jacques : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Me Ménard. Je voudrais revenir, là, sur ce que le collègue
de Gouin a parlé, entre autres, de la demande pour un soin de fin de vie, une
demande anticipée, entre autres. Bon. On sait que lorsque la personne est
inapte, là, vous dites, là, que selon la loi, tout ce qui est au niveau
juridique, bien, c'est impossible, là, de le faire. On comprend tout ça, tout
le monde, tout ça. Dans le meilleur des mondes au niveau juridique, est-ce que
ce serait de mettre des conditions dans un mandat d'inaptitude, qui pourrait
être homologué à un certain moment quand les conditions du mandat sont
remplies? Est-ce que c'est lorsque la personne reçoit un diagnostic de maladie
d'Alzheimer en stade I qui… la personne pourrait demander un soin de fin de vie
qui serait exécutoire plus tard, parce que vous dites aussi que ça ne peut pas
être subrogé à une autre personne, la décision finale. Ça fait que d'un point
de vue juridique, là, j'aimerais ça vous entendre par rapport à tout ça, là, de
quelle façon que vous que le voyez, qu'est-ce qui serait… qui resterait tout le
temps efficace dans un temps donné, ou dans la vie donnée.
M. Ménard (Jean-Pierre) : Bon.
D'abord, ce qui résoudrait le problème de façon absolue, ça serait qu'on fasse
disparaître la mention qui est dans le Code criminel, à savoir que la maladie
mentale est… elle n'est pas une maladie au sens de la loi, O.K.? Alors, ça
serait la meilleure façon parce qu'on pourrait laisser, à ce moment-là, le soin
aux équipes, aux intervenants sur le terrain, une marge de manoeuvre beaucoup
plus grande aussi. Alors, ça, ça serait peut-être… Parce que vouloir modifier
le mandat… pour rajouter des clauses là-dessus, on se bute toujours, toujours
le même obstacle, à savoir la loi fédérale l'interdit, et on n'avance pas, là,
O.K.? Alors donc, ce qu'il faudrait faire, c'est remonter en amont de la loi
fédérale, de faire disparaître ça, de trouver d'autres façons d'accommoder…
M. Ménard (Jean-Pierre) : …et
on n'avance pas, là. Alors, donc, ce qu'il faudrait faire, c'est remonter en
amont de la loi fédérale, de faire disparaître ça et de trouver d'autres façons
d'accommoder les gens sur le terrain.
M. Jacques : Bien, moi, je
veux revenir, parce que je parlerais d'alzheimer. On ne parle pas de maladie
mentale, on parle de maladie dégénérative. Donc, à ce moment-là, de quelle
façon vous verriez l'application? Est-ce que… moi, je décide un jour que, si
jamais j'ai l'alzheimer, je ne veux pas vivre cette maladie-là jusqu'à la phase
sept, puis je dis qu'à un moment donné je veux arrêter tout ça. Est-ce qu'à la
phase un, quand j'ai encore ma lucidité, je peux déterminer d'y aller,
d'avancer puis de prendre un soin de fin de vie à un moment donné ou est-ce que
je dois le faire auparavant? Là, j'ai un problème, mon ordinateur veut se
déconnecter, ça fait trop longtemps qu'il est connecté au réseau, mais je vais
écouter la réponse, excusez-moi.
M. Ménard (Jean-Pierre) :
Bon, d'abord, si vous faites une demande d'aide médicale à mourir au stade un,
elle est bonne au moins jusqu'au stade trois ou quatre, tant que vous êtes
encore apte à le faire. Autrement dit, on devrait y donner suite selon votre
demande, si vous rencontrez les autres conditions aussi. Par contre, il n'y a
pas moyen d'aller au-delà de ça sur la seule foi du consentement de la personne
elle-même, puis là, à ce moment-là, ça… n'est plus en état de consentir, il n'y
a personne qui peut consentir à sa place pour elle. Alors, je pense que c'est
ça, l'état du droit, actuellement.
• (15 h 20) •
M. Jacques : Donc,
l'obligation que la maladie soit active, au niveau du droit, c'est ce qui
prévaut.
M. Ménard (Jean-Pierre) :
Oui, dans le sens où la maladie... ne va pas faire l'objet d'une rémission ou
d'une amélioration si, vraiment, c'est une… lourde. Alors, ça va tenir.
M. Jacques : O.K. Donc, il n'y
a pas de possibilité de déterminer tout ça avant, au cas que…
M. Ménard (Jean-Pierre) : Ça
peut toujours se déterminer, mais le problème, c'est que… exécutoire. Alors,
moi, je pense que ça… il n'y aura pas d'exécution possible de ça.
M. Jacques : Parfait. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Je cède la parole maintenant à la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Me Ménard. Alors, la loi concernant les
soins de vie mentionne que pour qu'il obtienne l'aide médicale à mourir, la
situation médicale du patient doit se caractériser par un déclin avancé et…
La Présidente (Mme Guillemette) :
…la parole maintenant à la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Me Ménard. Alors, la Loi concernant les
soins de vie mentionne que pour qu'il obtienne l'aide médicale à mourir, la
situation médicale du patient doit se caractériser par un déclin avancé et
irréversible de ses capacités.
Comment ce critère actuel de la loi peut-il
être appliqué dans un contexte de santé mentale? Santé mentale, je ne parle pas
de maladie mentale, je parle de santé mentale, problèmes dus à la pathologie du
patient.
M. Ménard (Jean-Pierre) :
Bon. Alors, c'est… bon, on peut prendre plusieurs exemples, là, mais… le cas du
patient, comme la maladie d'Alzheimer, par exemple… bon exemple, là. Alors, ça
va être quand sa situation médicale va être désespérée… pas désespérée, mais
assez avancée pour être sûr, là, que… Puis… et ça, en conjonction avec les autres
symptômes de sa maladie, je pense que, là, ça… on va le percevoir comme… le
temps est venu.
Mais le… je ne sais pas si je comprends
bien la question, là. Ce que vous me demandez : Quand est-ce qu'on sait
que le déclin est assez avancé, c'est-u ça que vous me demandez?
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Oui. Est-ce qu'elle est éligible? Quand le déclin est avancé, est-ce qu'elle
est éligible aux soins de fin de vie? Mais, entre parenthèses, on parle de
santé mentale, santé mentale due à sa pathologie : détresse psychologique,
ces choses-là. Est-ce qu'elle est éligible?
M. Ménard (Jean-Pierre) :
Oui. Si on est capable de faire le lien entre tout ça, là, je pense qu'elle
serait éligible.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Je
vous remercie beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci, Mme la députée d'Abitibi-Ouest. Je cèderais maintenant la
parole à Mme la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
:
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Me Ménard. Il y a certaines personnes
qui ont affirmé dans un mémoire que la Commission des soins de fin de vie
n'avait pas la compétence nécessaire pour évaluer les demandes d'aide médicale
à mourir étant donné qu'elles n'étaient pas composées uniquement de…
Mais on sait que l'aide médicale à mourir,
bien, ça comporte différents volets qui sont moraux, éthiques, juridiques.
Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus pour… justement, moi, je pense que ça
prend différentes personnes qui doivent encadrer ces demandes-là pour rendre
les décisions. Alors, j'aimerais vous entendre sur le volet qui est juridique,
qui est important.
M. Ménard (Jean-Pierre) :
Moi, ce que je pense, c'est bien… parce qu'il n'y a pas juste une…
La Présidente (Mme Guillemette) :
On vous entend moins bien. Oui, merci, ça va.
M. Ménard (Jean-Pierre) :
Alors, donc, c'est bien que ce soit évalué par une commission, mais c'est
disciplinaire parce que ça…
Mme
Hébert
:
...qui est important.
M. Ménard (Jean-Pierre) :
Moi, ce que je pense, c'est que c'est bien... par une commission, mais c'est
évident, parce qu'il n'y a pas juste...
La Présidente (Mme Guillemette) :
On vous entend moins bien. Oui, merci, ça va.
M. Ménard (Jean-Pierre) :
Oui, bon, O.K. Alors donc, c'est bien que ce soit évalué par une commission
multidisciplinaire, parce que ça apporte un éclairage différent sur tout ça.
Puis comme... Je citais la juge Beaudoin en début d'exposé. Elle dit qu'il faut
qu'on considère l'ensemble des données qui se rapportent au patient. Alors
donc, ce n'est pas une affaire strictement médicale. C'est une affaire qui
intéresse... qui fait appel, bien, à l'approche multidisciplinaire aussi.
Alors, je pense que ce serait... c'est quand même bien que ce soit comme ça.
Mme
Hébert
:
Parfait, merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. J'ai le député de Mégantic qui aurait une autre question
pour vous, M. Ménard... Me Ménard.
M. Jacques : Bien, merci, Mme
la Présidente. De retour, Me Ménard. Vous avez soulevé, là, le point, durant
votre discours, votre intervention... sur le fait que le Québec pourrait
s'appuyer sur la loi fédérale, la C-7, et ne pas légiférer. J'aimerais ça que
vous englobiez ça un peu, là, vous nous parliez de ça un petit peu, là.
M. Ménard (Jean-Pierre) :
Oui, bon, alors, je ne dis pas que c'est ça qu'il faudrait faire. Je vous dis,
c'est une des options qui existent actuellement. Parce que là, il commence à y
avoir passablement de distinctions entre la loi provinciale et la loi fédérale.
Auparavant, avant 2021, il y avait quelques distinctions qui étaient quand même
importantes. Là, maintenant, il y en a d'autres qui se sont encore ajoutées
par-dessus. Puis il n'y a pas... en tout cas, je n'ai pas vu, moi, nulle part
dans les médias, là, de volonté de se rapprocher... de rapprocher les deux
lois... les nôtres.
Par contre, ce que j'entrevois, c'est
qu'il devrait y avoir un meilleur maillage forcé, si on veut, des lois. Et, à
moins que Québec décide d'attendre deux ans, puis modifier sa loi, ce qui est
encore dans les cartons aussi, alors... Parce que, dans... on dit, bon, on va
être proches, là, du terme. Autrement...
M. Jacques : Parce que c'est
mars 2023, l'arrivée, là, de C-7. Si on veut... Je pense que c'est quelque
chose qui se doit d'être ajusté quand même assez régulièrement, et je ne pense
pas qu'il faut attendre deux ans avant de bouger, avant que la loi fédérale
rentre en fonction, là, non plus, là.
M. Ménard (Jean-Pierre) : ...
M. Jacques : ...c'est mars
2023, l'arrivée, là, de C-7. Si on veut... Je pense que c'est quelque chose qui
se doit d'être ajusté quand même assez régulièrement. Et je ne pense pas qu'il
faut attendre deux ans avant de bouger, avant que la loi fédérale rentre en
fonction, là, non plus, là.
M. Ménard (Jean-Pierre) :
Moi, je serais d'accord. Plus vite on bouge, mieux c'est. Mais... Puis là,
hier... écouté le Dr Bureau qui parlait un peu de toute une série de
modifications qui s'en vient, qui devraient être faites dans la loi, mais
c'est... il les a énoncées, mais ce n'est pas encore dans le ciment, si on
veut. Alors là, il y aura une commission qui va occuper le terrain jusqu'au
mois de novembre, alors on peut penser qu'avant 2022 ce n'est pas prévisible
qu'on fasse la refonte de la loi. Alors, je suis modérément optimiste.
M. Jacques : ...je pense
que le Québec, là, on a quand même nos particularités puis on a une population
qui ne pense pas pareil comme le reste du Canada non plus dans tous les points,
là. Donc, on a une distinction à faire, je crois, là.
M. Ménard (Jean-Pierre) :
Oui. Ça, il faudrait que le Québec l'affirme. O.K.? Alors, autrement dit, qu'on
passe une véritable loi de société distincte avec... de différences ici versus
le Canada anglais. Alors, si on décide de faire ça, qu'on le fasse, mais là
présentement je ne perçois pas de volonté claire...
M. Jacques : Donc, le
seul avantage, là, c'était l'arrimage qui était difficile, là, selon...
M. Ménard (Jean-Pierre) :
Bien, moi, je le perçois comme étant difficile. Mais vous pouvez peut-être
penser que ça se fait facilement. Ça, c'est...
M. Jacques : Non, mais je
voulais voir, là, c'était où que vous étiez dans tout ça, là. Je vous remercie.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Parfait. Merci, M. le député. Moi, j'aurais
peut-être une question, Me Ménard. Vous avez parlé tout à l'heure d'inaptitude.
Puis vous disiez : Quand on n'est plus apte, on perd le droit. Mais un cas
de figure : J'ai quelqu'un qui est apte, qui donne son consentement à
l'aide médicale à mourir. Quelques semaines, quelques mois plus tard, elle ne
devient plus apte, mais là elle ne veut plus l'aide médicale à mourir.
Qu'est-ce qui prédomine?
M. Ménard (Jean-Pierre) :
La volonté... la plus récente, là. Alors, elle... Donc, les dernières volontés
qu'elle a émises, elle ne veut plus. Alors, par ailleurs, si elle était apte,
on l'évalue... qu'elle est...
La Présidente
(Mme Guillemette) : Parfait.
M. Ménard (Jean-Pierre) :
...sa volonté, que quand qu'elle devient inapte un mois après, juste avant
de... ou peu de temps avant de recevoir la procédure, là, ça va être valide.
La Présidente
(Mme Guillemette) : O.K., parfait. Merci. Donc, je céderais
maintenant la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis.
• (15 h 30) •
Mme Maccarone : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour...
15 h 30 (version non révisée)
M. Ménard (Jean-Pierre) :
...juste avant de... peu de temps avant d'avoir l'intervention pour avoir la
procédure. Là, ça va être valide.
La Présidente (Mme Guillemette) :
O.K. Parfait. Merci. Donc, je cèderais maintenant la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Me Ménard. Je voulais renchérir un peu sur le même sujet
que Mme la présidente, en ce qui concerne l'inaptitude. Vous avez mentionné
maladie mentale n'égale pas inaptitude, que c'est un phénomène de
stigmatisation. Alors, je pense que votre position est claire.
Mais quand on ramène la discussion par
rapport à la maladie mentale, et je ne parle pas nécessairement de la maladie
dégénérative comme Alzheimer, moi, je parle plus de santé mentale d'une personne
qui, peut-être, souffre d'une dépression, par exemple. Avez-vous une position
que vous pouvez partager avec nous suite à un éventuel élargissement de la loi
pour clarifier les termes en ce qui concerne condition mentale, maladie
mentale, trouble mental? Parce que je pense qu'on a besoin d'avoir de la clarté
en ce qui concerne ce sujet, aptitude, inaptitude.
M. Ménard (Jean-Pierre) :
Oui. D'abord, le terme «maladie mentale», là, c'est dans le Code criminel,
alors... choisi à dessein ce qualificatif-là pour qualifier un éventail de
toutes sortes de choses, O.K.? C'est sûr que, dans la maladie mentale, il y a
toutes sortes de maladies, il y a des maladies dégénératives puis il y a des
maladies qui sont... qui n'empêchent pas le fonctionnement de la personne. Il y
a toutes sortes de maladies là-dedans.
On pourrait aisément faire un sacré ménage
puis trouver des termes plus précis pour qualifier les gens qu'on veut vraiment
viser là-dedans. Là, ce n'est pas fait, actuellement, au niveau la loi
fédérale, alors est obligé de vivre avec. Puis c'est pour ça que je dois vous
dire que, malheureusement, selon la terminologie de la loi, ça semble être un
frein à beaucoup, beaucoup de choses. Et alors c'est pour ça que ça... il
faudrait y penser davantage.
Mme Maccarone : Penser davantage,
mais comme, par exemple, un peu comme mes collègues... par exemple, une
personne qui présente une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de
l'autisme, est-ce que ces personnes devraient être admissibles à l'aide
médicale à mourir? Puis je pense qu'on est mieux d'aborder la question
précisément, parce que la question d'aptitude puis inaptitude, pour ces
personnes, c'est une question qui peut être très large, parce que malgré un
diagnostic... parce que ça prend un diagnostic, on comprend, mais ça se peut
que cette personne est apte à prendre une décision, mais ils ont quand même un
diagnostic de maladie mentale.
M. Ménard (Jean-Pierre) :
L'aptitude n'a pas automatiquement à voir...
Mme Maccarone : ...parce que
malgré un diagnostic, parce que ça prend un diagnostic, on comprend, mais ça se
peut que cette personne est apte à prendre une décision, mais ils ont quand même
un diagnostic de maladie mentale.
M. Ménard (Jean-Pierre) :
L'aptitude n'a pas automatiquement à voir avec le diagnostic. Autrement dit,
une personne va avoir un tel diagnostic, demeurer apte, la même... une autre
personne peut avoir le même diagnostic puis, elle, elle est inapte. Alors
donc... Alors, il faut regarder l'ensemble du fonctionnement d'une personne
pour se faire une idée plus précise d'à qui on a affaire. Alors, le diagnostic
seul n'est pas suffisant et il faut regarder voir qu'est-ce que ça comporte
comme autres données, si on veut, pour voir si... Oui.
Mme Maccarone : Comme quoi d'abord?
Selon vous, ce serait quoi les critères d'admissibilité qu'on devrait
considérer?
M. Ménard (Jean-Pierre) :
Bien, écoutez, c'est toujours le critère d'aptitude, dans le cas de personnes
déficientes intellectuelles, du trouble de l'autisme, qu'est-ce que ces gens-là
sont capables de faire pour convaincre les gens qui s'en occupent qu'ils sont
capables et aptes. S'ils ne sont pas capables, il manque quelque chose, c'est malheureux
à dire, mais ils vont être... ils ne seront pas jugés aptes à ce moment-là, à
cet... Alors, même si c'est malheureux à dire, je ne pense pas qu'on va pouvoir
aller bien, bien loin avec ça. En tout cas, puis c'est pour ça que je pense
qu'il n'y a pas beaucoup de... qui ont une déficience intellectuelle.
Mme Maccarone : Même avec un
accompagnement médical d'un médecin ou une équipe autour. Les proches aidants,
s'ils disent qu'on comprend cette personne : J'accompagne cette personne
depuis des années, je comprends que c'est une personne qui souffre, parce que
là, on parle aussi beaucoup de comment définir c'est quoi la souffrance,
comment est-ce qu'on peut établir qu'on souffre assez pour être éligible, dans
le fond, en terme général, alors, même avec un tel accompagnement, vous, vous
pensez qu'ils ne devront pas être éligibles, dans le fond.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Est-ce que Me Ménard est toujours là? Me Ménard, je crois, vous avez
perdu la connexion.
Mme Maccarone : En attendant,
après la réponse, Mme la Présidente, je voulais juste partager avec vous que
c'était ma dernière question. Je veux céder la parole à ma collègue la députée
de Maurice-Richard.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait, merci, si on retrouve Me Ménard.
On va suspendre...
(Suspension de la séance à 15 h 36)
La Présidente
(Mme Guillemette) : ...Me Ménard. On va suspendre quelques
instants. Il nous reste quand même... Ah! Il nous reste quand même quelques
minutes. Donc, on va suspendre et on va essayer de se reconnecter avec Me
Ménard.
(Suspension de la séance à 15 h 36)
(Reprise à 15 h 39)
M. Ménard (Jean-Pierre) :
...vous m'entendez?
La Présidente
(Mme Guillemette) : Oui, on vous entend bien, Me Ménard, et
on vous voit aussi, également, maintenant. Donc, on en était à la réponse de la
députée de Westmount—Saint-Louis.
• (15 h 40) •
M. Ménard (Jean-Pierre) :
...répéter la question.
Mme Maccarone : Oui.
Bien, je peux répéter la question, Me Ménard.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, allez-y.
Mme Maccarone : C'était plus parce
que vous avez dit que ça va être très difficile pour les personnes qui
souffrent d'une déficience intellectuelle ou autisme d'avoir un droit à accès à
l'aide médicale à mourir...
La Présidente (Mme Guillemette) :
…Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Oui, je peux
répéter la question, Me Ménard…
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, allez-y.
Mme Maccarone : …c'était plus
parce que vous avez dit que ça va être très difficile pour les personnes qui
souffrent de déficience intellectuelle ou autisme d'avoir un droit d'accès à
l'aide médicale à mourir, faute de capacité d'identifier leurs aptitudes.
Alors, ce que je voulais savoir, selon vous, c'est si cette personne qui est
considérée apte par son entourage, par ses proches aidants, par son médecin ou
ses soignants, qui souffre et qui comprend très bien les consignes malgré leur
maladie, leur diagnostic, là vous pensez toujours qu'ils ne devront pas avoir
accès à l'aide médicale à mourir, parce que vous avez parlé… la raison pour ma
question, c'est parce que vous avez parlé de stigmatisme. Puis c'est sûr, pour
une personne qui souffre d'une déficience intellectuelle ou autre, c'est un
stigmatisme pour une personne qui souffre d'une maladie de santé mentale comme
la dépression ou autre.
On est en santé un jour puis ça se peut
que ça va changer un peu comme les autres maladies. Alors, si l'entourage dit
que cette personne comprend très bien, cette personne s'est exprimé cette
volonté, pensez-vous qu'ils devront toujours être exclus à avoir accès à l'aide
médicale à mourir?
M. Ménard (Jean-Pierre) :
Alors, à travers ce que vous dites, c'est sûr qu'il y a des critères d'aptitude
là-dedans. Alors, je pense que, si on maintient ses proches… aptes, je pense
que ça peut effectivement… produire un autre… Moi, je ne peux que… fédéral,
mais, comme… l'ont dit, chaque cas est un cas particulier. Alors, même si une
personne a amélioré une déficience, il est possible qu'après une bonne
évaluation on considère que, oui, elle est capable, à ce moment-là, on va
suivre sa volonté…
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
M. Ménard (Jean-Pierre) :
…c'est une question d'évaluation.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Ça vous va, Mme la députée de Westmount—Saint-Louis? Une autre
question? Parfait. Donc, merci beaucoup, Me Ménard, de votre présence aujourd'hui.
Merci beaucoup de la contribution que vous apportez à notre commission. Et nous
suspendons quelques instants le temps d'accueillir notre nouvel invité. Merci.
M. Ménard (Jean-Pierre) : Merci
beaucoup.
(Suspension de la séance à 15 h 41)
(Reprise à 15 h 49)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous sommes de retour. Nous accueillons, maintenant,
Mme Gina Bravo. Mme Bravo, merci d'avoir accepté notre invitation cet
après-midi. Donc, il y aura une présentation, votre présentation pour
20 minutes et, ensuite, il y aura un échange avec les membres de la commission
pour une période de 40 minutes. Donc, je vous cède la parole.
• (15 h 50) •
Mme Bravo
(Gina) : Bonjour à tous, à toutes. Alors, merci, encore une
fois de l'invitation. Alors, je me présente, brièvement : Je suis
professeur à la Faculté de médecine, sciences de la santé, de l'Université de
Sherbrooke, je suis aussi chercheure au Centre de recherche sur le
vieillissement du CIUSSS de l'Estrie-CHUS et, aussi, membre du Réseau québécois
de recherche en soins palliatifs et de fin de vie, le RQSPAL, que vous
connaissez, peut-être.
Alors, mes propos s'appuient, non pas sur
mon expérience clinique, je ne suis pas clinicienne, mais plutôt sur les
résultats d'études que je mène depuis 2016 sur l'acceptabilité d'étendre l'aide
médicale à mourir aux personnes inaptes. Je ne parlerai pas du volet «santé
mentale», je n'ai pas d'expérience ou je n'ai pas fait de recherches dans ce
domaine-là. Et, bien sûr, quand je parle d'inaptitude, je fais référence aux
adultes et non aux enfants. Je pense que ce n'est pas le but de la rencontre d'aujourd'hui.
Je suis ici à titre personnel, mais je
voulais simplement souligner que mes travaux, je les fais avec d'autres collègues
de Sherbrooke, avec des collègues de d'autres provinces canadiennes et de trois
pays où l'euthanasie est légalisée : Les Pays-Bas, la Belgique et la
Suisse. Pour mettre un peu à profit, tirer parti de leur expérience par rapport
à l'euthanasie.
Les études que je réalise se font via des
questionnaires qui utilisent des vignettes cliniques. Une vignette clinique,
c'est simplement une description fictive d'un cas, d'une personne qui vise à
capter la décision que l'on a à prendre socialement, c'est-à-dire en
l'occurrence d'étendre ou non l'aide médicale à mourir aux personnes qui sont
en situation d'inaptitude. Si oui, dans quelles circonstances, avec quelles…
Mme Bravo
(Gina) : …qui utilisent des vignettes cliniques. Une vignette
clinique, c'est simplement une description fictive d'un cas, d'une personne qui
vise à capter la décision que l'on a à prendre socialement, c'est-à-dire en
l'occurrence d'étendre ou non l'aide médicale à mourir aux personnes qui sont
en situation d'inaptitude, si oui, dans quelles circonstances, avec quelles
mesures de protection.
Alors, je vous ai transmis, je pense, deux
documents. J'espère que vous les avez. Vous n'avez peut-être pas eu le temps de
les regarder. Le premier comprend des figures, en fait, que je vais utiliser,
et je trouvais plus simple que vous les ayez sous la main. Et le deuxième,
c'est un article qui n'est pas encore publié, donc qui n'est pas accessible,
mais qui résume un peu les commentaires que les gens ont laissés à la fin de
nos questionnaires, que je trouve intéressants parce qu'ils mettent en évidence
le fait qu'il y a quelque chose d'un peu réducteur dans le fait de simplement
rapporter la proportion de gens qui sont pour ou contre une certaine intervention,
donc en l'occurrence l'extension de l'aide médicale à mourir dans ce cas ici.
Parce qu'une personne peut être contre mais trouver que, dans certaines
situations, c'est peut-être effectivement la meilleure solution. À l'inverse,
vous avez des gens qui se sont dits favorables à l'extension mais qui ont
exprimé des craintes, des préoccupations dans l'espace qu'on leur avait donné à
cette fin.
Alors, si je vous renvoie à la première
figure ou la deuxième, là, après la page-titre, de ce que je vous ai présenté,
donc vous voyez que la vignette qu'on a utilisée fait intervenir une personne
qui est atteinte de la maladie d'Alzheimer, qui avait demandé l'aide médicale à
mourir pendant qu'elle était encore capable de le faire et qui, maintenant,
n'est plus apte à prendre des décisions et pour qui l'aide médicale à mourir
est considérée à deux moments différents. C'est un peu le scénario type que
l'on imagine, puis je vais y revenir dans quelques instants.
Mes études ont ciblé quatre groupes qui
vont revenir aussi dans… à travers mes différentes diapositives ou mes
différentes figures, donc des personnes âgées de 65 ans et plus, c'est-à-dire
les personnes qui sont les plus concernées par une perte éventuelle de leurs
fonctions cognitives, les proches aidants de personnes atteintes, qui
pourraient être appelés à initier la démarche d'aide médicale à mourir si
jamais la personne devenait inapte, et des infirmières et des médecins qui
pourraient être impliqués dans l'administration même de l'aide médicale à
mourir.
On s'entend que quand on parle de
situation d'inaptitude, ce n'est pas que la maladie d'Alzheimer ou autre cause
de démence, mais c'est sur cette population que j'ai travaillé. Donc, il ne
faut pas oublier que, dans une loi éventuelle, si on parlait de situation
d'inaptitude, que ce serait beaucoup plus englobant que ça comme terme.
Alors, mon but, cet après-midi, donc,
c'est de vous présenter certains de mes résultats, de les commenter et de
souligner au passage quelques enjeux que soulève l'extension de l'aide médicale
à mourir aux personnes inaptes. À la toute fin, s'il me reste quelques minutes,
j'aimerais parler de l'accès aux données sur l'aide médicale à mourir à des
fins de recherche.
Alors, je vous renvoie encore une fois à
la vignette. Vous voyez probablement à gauche le diagnostic de démence. Si on
n'intervient pas, la personne va cheminer possiblement pendant des années
jusqu'à sa mort naturelle. À un moment donné, le long de sa trajectoire, elle
perd sa capacité de prendre des décisions, et vous voyez…
Mme Bravo
(Gina) : …de recherche.
Alors, je vous renvoie encore une fois à
la vignette que vous voyez probablement à gauche, le diagnostic de démence. Si
on n'intervient pas, la personne va cheminer possiblement pendant des années, jusqu'à
sa mort naturelle. À un moment donné, le long de cette trajectoire, elle perd
sa capacité de prendre des décisions. Et vous voyez, j'espère, le mot «stade
avancé» et «stade terminal», qui sont les deux stades que l'on a utilisés.
Donc, le stade avancé, la personne est rendue inapte, mais il pourrait lui
rester plusieurs années à vivre, tandis qu'au stade terminal elle est rendue en
fin de vie. Je crois qu'on disait qu'il lui restait deux semaines à vivre. Dans
le premier cas, on la décrivait sans détresse apparente, avait l'air bien, même
si elle ne se souvenait pas du tout… ne reconnaissait pas les gens autour
d'elle. Et, dans le deuxième cas, on la décrivait en détresse. Vous voyez
probablement qu'au stade terminal on a aussi questionné les gens sur la
sédation palliative continue, et je vous… j'y reviendrai dans un instant.
Je trouvais intéressant qu'on a eu l'idée
de questionner nos participants aux deux stades maintenant que le critère de
fin de vie ou de mort raisonnablement prévisible a été retiré, ce qui n'était
pas le cas à l'époque, mais, bon, c'était une bonne chose de l'avoir fait,
particulièrement pertinent, évidemment, pour la maladie d'Alzheimer qui peut
durer pendant des années.
Alors, la figure suivante, bien, c'est
l'acceptabilité d'étendre l'aide médicale à mourir pour la personne inapte.
Vous voyez que c'est marqué dans le titre, au stade avancé, donc je vous
rappelle que la personne pourrait avoir encore bien des années à vivre. Donc,
vous voyez, les taux d'acceptabilité dans les quatre groupes que l'on a
sondés : des aînés, des proches, des infirmières et des médecins. Et, vous
voyez, la tendance est toujours la même, donc les aînés, les proches sont plus
favorables, et ça va en descendant jusqu'au médecin. Et la bande bleue, c'est
avec une directive écrite, tandis que le vert, on disait aux
participants : Imaginez qu'elle ne l'a pas mis par écrit, mais qu'elle en
a souvent parlé à ses proches, à son médecin, est-ce que vous seriez même
d'accord dans ce cas-là? Alors, c'est les taux que vous avez sur cette
figure-là.
Sur la suivante, c'est le stade terminal.
Donc, je vous rappelle, la personne est en fin de vie, il lui reste quelques
semaines à vivre selon l'équipe clinique. Vous voyez les mêmes tendances, mais
des taux d'acceptabilité encore plus élevés, on est dans les 90 % pour les
proches et les aidants, même chez les infirmières, relativement élevés, et même
chez les médecins, 71 % des médecins qui ont participé ont dit qu'ils
étaient ouverts à l'extension à ce stade-là.
Sur la diapo suivante, vous verrez que
j'ai rajouté une bande grise pour chacun des groupes. Ça réfère à la sédation
palliative continue. Donc, vous savez qu'un des arguments pour ne pas étendre
l'aide médicale à mourir, c'est qu'on a d'autres options, dont la sédation
palliative continue. Et ici ça compare la position des gens par rapport à cette
approche-là. Donc, vous voyez qu'avec une directive écrite les gens sont moins
favorables à la sédation palliative, donc ils sont plus ouverts à l'aide
médicale à mourir. Pour tous les groupes, sauf pour les médecins où on ne voit
pas de différence, mais quand même, pour les médecins, ils ne sont pas plus
favorables à cette option-là qu'aux autres. Ici, je n'ai pas mis les
pourcentages, là, c'est les tendances, en fait, qui sont utiles.
Et la diapo suivante, qui est la dernière
de ce type-là, pour les médecins seulement, on leur a demandé : Si jamais
c'était légalisé et que le patient était un des leurs…
Mme Bravo
(Gina) : …pas de différence, mais quand même, pour les
médecins, ils ne sont pas plus favorables à cette option-là qu'aux autres. Ici,
je n'ai pas mis les pourcentages, là, c'est les tendances, en fait, qui sont
utiles.
Et la diapo suivante, qui est la dernière
de ce type-là, pour les médecins seulement, on leur a demandé : Si jamais
c'était légalisé et que le patient était un des leurs, le patient qu'on vient
de décrire, est-ce que vous seriez capables… est-ce que vous seriez favorables
ou prêts à administrer l'aide médicale à mourir lui-même? Donc, c'est beau
d'être d'accord avec l'extension, il faut quand même que quelqu'un puisse faire
le… donner le soin en question.
Alors, c'est ce que vous avez. Donc, en
bleu, c'est l'ouverture par rapport à l'extension aux deux stades en question,
et en vert, c'est l'ouverture à administrer eux-mêmes l'aide médicale à mourir.
Donc, vous voyez au stade avancé, par exemple, 45 % puis 31 %. Donc,
il y a toujours un peu moins de gens qui sont prêts à le faire qu'ils ont
ouverts à ce que ça soit permis, c'est normal, mais même au stade terminal,
vous avez 71 % des médecins qui ont dit qu'ils étaient favorables et un
sur deux a dit, à ce moment-là, qu'ils seraient prêts à le faire. Donc, la
conclusion de cette première série de résultats, la conclusion que moi je tire,
peut-être en aurez-vous une autre, c'est que si vous décidiez d'aller de
l'avant avec l'extension, vous auriez l'appui des populations concernées, voire
même une proportion significative des professionnels de la santé.
Au sujet des professionnels, la dernière
figure soulève un premier enjeu, qui est celui de l'accès. Est-ce qu'il y aura
des médecins volontaires à la grandeur du Québec, dans toutes les régions, pas
juste dans les centres urbains, qui seront prêts à l'administrer? Et
idéalement, pas juste quelques-uns pour que le fardeau de ce geste-là, qui est
probablement difficile à faire pour la plupart d'entre eux, soit sur une seule
personne. Donc, peut-être, dans vos discussions, considérez-vous les
infirmières praticiennes, comme c'est le cas dans le reste du Canada? Je ne
sais pas quelle est la situation, ici, au Québec. Et aussi, évidemment,
l'harmonisation des deux lois. J'imagine qu'il y a des gens qui vont vous en
discuter, ça touche un peu à ça.
Donc, si je résume, il y a un appui à
l'extension d'après nos résultats, et c'est certainement un argument pour
étendre, mais à mon avis, ce n'est pas suffisant comme argument. Je pense qu'il
importe de savoir pourquoi les gens sont favorables. Bien sûr, tout ça repose
sur le principe d'autodétermination, le respect des volontés, donc les gens
disent… si les gens l'ont demandé, si c'est clair que la situation qui est
décrite dans la directive correspond à celle que la personne est en train de
vivre, elle devrait y avoir accès. Pourquoi les gens font cette demande-là?
Bien, vous avez sûrement souvent entendu l'expression que tous ne veulent pas
vivre la maladie jusqu'au bout, en fait, et c'est ce qui motive les gens.
• (16 heures) •
Sur la diapo suivante, puis qui… dont le
titre est Options pour ceux qui ne veulent pas vivre la maladie jusqu'au
bout, j'ai écrit juste quelques options que les gens pourraient avoir,
peut-être qu'il y en a d'autres : cesser de boire et de manger pendant que
la personne est toujours apte, qui va entraîner son décès éventuellement, tenter
de se suicider, c'est aussi une façon d'écourter sa vie si on ne veut pas vivre
la maladie jusqu'au bout. Évidemment, dans ces deux options-là, vous
comprendrez qu'on va écourter une vie de plusieurs années, une vie pendant
laquelle il y aurait plusieurs années de relative bonne qualité de vie. Et
l'histoire du suicide, ce n'est pas complètement farfelu…
16 h (version non révisée)
Mme Bravo
(Gina) : ...éventuellement, tenter de se suicider, c'est aussi
une façon d'écourter sa vie si on ne veut pas vivre la maladie jusqu'au bout.
Évidemment, dans ces deux options-là, vous comprendrez qu'on va écourter une
vie de plusieurs années, une vie pendant laquelle il y aurait plusieurs années
de relative bonne qualité de vie.
Et l'histoire du suicide, ce n'est pas
complètement farfelu. Je vous lis un des commentaires qui a été laissé à la fin
de notre enquête. C'est un proche aidant, en fait, qui dit : «Mes choix
sont faits. Si je ne peux avoir l'aide à mourir, il ne me restera que le
suicide si la maladie s'installe.» Donc, c'est quand même quelque chose de réel.
D'autres options, bien, c'est de rédiger
une directive en prévision de son inaptitude dans laquelle la personne peut
refuser toute intervention qui pourrait prolonger sa vie, comme les DMA
actuellement. Le cas type auquel on pense dans le contexte de la démence, bien,
c'est la pneumonie. On n'intervient pas, la personne va décéder à court terme.
La personne pourrait aussi refuser d'être alimentée et hydratée de façon
artificielle, là aussi, ça va entraîner son décès, mais ça va être beaucoup
plus long, ou demander l'aide médicale à mourir, qui n'est pas une option,
évidemment, actuellement.
Alors, pourquoi les gens la demandent? Mon
interprétation, c'est la peur, la peur de deux choses : la peur de la
maladie elle-même et la peur d'être mal soigné, la peur des CHSLD, où la
majorité des gens vont se retrouver en fin de vie actuellement au Québec, au
Canada et dans bien d'autres pays.
Alors, je vais vous illustrer par quelques
commentaires ces propos, La maladie qui fait peur, alors je vous lis un
extrait d'une infirmière, en fait : «Ma grand-mère a vécu jusqu'au dernier
stade de la maladie d'Alzheimer. Elle avait sept enfants très proches d'elle.
Elle est morte en s'étouffant pendant qu'un PBA — donc, préposé aux
bénéficiaires, vraisemblablement — lui faisait manger de la purée.
Elle ne pouvait plus dire de mots, elle babillait, avait une couche et passait
sa journée en position foetale dans un lit. Je ne souhaite cela à personne.»
Donc, c'est un exemple de...
D'autres exemples, c'est les expressions
qui sont utilisées pour décrire la maladie. Je vous en liste
quelques-uns : «cette infâme maladie», «cette terrible maladie», «une
maladie dégradante pour la personne atteinte», «une forme de déchéance»,
«maudite maladie». Donc, vous voyez l'impression que ça donne aux gens.
Il y a aussi des pendants positifs à la
qualité de vie que des gens ont exprimés. Par exemple, une infirmière
dit : «Je trouve que les patients avec démence sont heureux. C'est la
famille qui trouve ça dur.» Donc, un piège à éviter, une nécessité de
vigilance, élargir l'accès aux personnes inaptes pour respecter leurs volontés
et non pour soulager la famille d'un fardeau, bien réel, mais il devrait y
avoir, évidemment, d'autres moyens de faire ça.
Aussi, plusieurs ont mentionné la
difficulté pour les proches de prendre la décision. J'imagine qu'ils risquent
d'être impliqués dans cette décision. Et je vous donne un exemple d'un aîné,
qui dit... ou d'une aînée : «Si j'avais... Si j'étais la personne
responsable d'elle, j'aurais le cas de conscience de décider si elle a droit à
la vie... ou à la mort. Qui suis-je pour décider de qui mérite de vivre, de
mourir? Quel dilemme.»
Beaucoup de gens ont parlé de la
souffrance aussi, qui est un autre enjeu auquel vous êtes confrontés,
c'est-à-dire de la définir. Deux exemples de propos qui se rapportent à la
souffrance : «La détresse de la personne en stade
débutant — c'est un proche qui parle — en stade débutant ou
moyen est en fait bien plus grande parfois qu'en stade avancé, parce qu'au
stade moyen, elle peut avoir la conscience d'être atteinte de la maladie. Ça,
c'est une grande souffrance.» Donc, ici...
Mme Bravo
(Gina) : ...deux exemples de propos qui se rapportent à la
souffrance : «La détresse de la personne en stade débutant — c'est
un proche qui parle — en stade débutant ou moyen est en fait bien
plus grande parfois qu'en stade avancé, parce qu'au stade moyen elle peut avoir
la conscience d'être atteinte de la maladie. Ça, c'est une grande souffrance.»
Donc, ici, on ne parle pas d'une personne inapte, on parle d'une personne apte,
mais qui a une souffrance qui découle de sa projection, de la façon dont elle
se projette dans le futur, et c'est ça qui lui fait peur. Ou un médecin qui
dit : Je fus très soulagé de voir qu'en 2016 on pouvait enfin offrir ce
soin. Pourquoi un patient dément, qui l'aurait au préalable bien formulé,
n'aurait pas droit à ce soin? Souffrir d'une démence terminale serait donc plus
acceptable que de souffrir d'un cancer.» Donc, faisant référence au fait
qu'actuellement l'aide médicale à mourir est surtout utilisée pour les cas de
cancer. Donc, tout ça se rapporte à la maladie elle-même, la peur de cette
maladie pour laquelle on ne peut rien, actuellement, ou pas beaucoup.
Deuxième, c'est la peur d'être mal soigné,
la peur des CHSLD. Je vous donne deux exemples. Un aîné ou une aînée :
«J'ai vraiment peur de me ramasser dans une maison de personnes âgées. Je
trouve qu'ils sont vraiment mal traités, mangent mal, mauvaise hygiène, on leur
parle toujours comme des personnes sans valeur. J'ai vraiment peur de me rendre
là.» Ou un proche qui dit : «En plus d'avoir un mari avec démence, je
travaille en CHSLD, et c'est devenu minable, comme soins.» Je trouve ça très
triste, tenir des propos comme ça.
Tout ça renvoie à des besoins de formation
pour pouvoir mieux prendre soin de ces personnes, qui sont soulignés par les professionnels
aussi, il n'y a pas juste les aînés puis les proches qui ont parlé de ce besoin
de formation. Je vous donne un exemple d'un médecin : «Il est possible,
dans la plupart des cas, d'assurer un bien-être et une dignité au patient
jusqu'à un stade avancé de la maladie. Ce qui manque pour en être capable,
c'est surtout des ressources humaines, de la formation, de l'empathie, du temps
de contact.» Ou une infirmière qui dit : Il devrait y avoir plus de
formations aux médecins qui travaillent ou qui sont de garde pour les CHSLD au Québec.
Les notions de souffrance psychologique et de détresse ne sont pas comprises
par la majorité d'entre eux.» Vous savez qu'à l'occasion du Forum national sur l'évolution
de la Loi concernant les soins de fin de vie, qui a eu lieu au début de 2020,
la ministre McCann réitérait sa ferme intention d'améliorer l'offre des soins,
services pour les personnes en fin de vie et disait que… elle ne voulait pas
que l'aide médicale à mourir soit perçue comme une réponse à un manque de soins
requis. Elle a beaucoup insisté là-dessus, soit à son mot d'ouverture ou de
clôture, je ne m'en souviens pas.
Et vous êtes bien placés pour savoir que
la ministre Blais, par exemple, a déposé une politique sur l'hébergement, les
soins de fin de vie, qui vise justement à améliorer la qualité des soins dans
ces milieux. Cependant, selon toute vraisemblance, ces améliorations-là
n'arriveront pas demain matin. Je suis sur le comité d'experts et le plan
d'action ministériel, juste lui, sept ans sur quatre ans. Donc, ça va prendre
un certain temps avant que des améliorations vont se produire. En d'autres
termes, ce que je veux dire, c'est que si le gouvernement décidait d'élargir
l'aide médicale à mourir aux personnes en situation d'inaptitude, il aurait
probablement l'appui de la population. C'est l'impression que j'ai, même des
professionnels, comme je l'ai mentionné, mais je pense qu'il faudra accepter
que cet appui découle en partie d'une perception très négative de la qualité
des soins que reçoivent les personnes atteintes…
Mme Bravo
(Gina) : ...vraiment décidait d'élargir l'aide médicale à mourir
aux personnes en situation d'inaptitude, il aurait probablement l'appui de la
population, c'est l'impression que j'ai, même des professionnels, comme je l'ai
mentionné, mais je pense qu'il faudra accepter que cet appui découle en partie
d'une perception très négative de la qualité des soins que reçoivent les
personnes atteintes de démence ou d'autres troubles dans le réseau de la santé.
Certaines personnes ont fait aussi des commentaires
sur les limites des directives anticipées, qui est vraisemblablement le moyen
qui sera utilisé. Et je vous résume ici les propos d'un proche qui a tellement
capté, en quelques phrases, je trouve, de façon très claire, le dilemme qui se
présente. Alors, je vous le lis : «La question des volontés écrites au
préalable est difficile parce que la personne qui les a écrites n'est déjà plus
vraiment de ce monde quand elle ne reconnaît plus ses proches. Oui, c'est
encore techniquement la même personne, mais le cerveau est tellement changé que
c'est presque rendu une autre personne. Si cette personne est confortable,
est-ce que les volontés exprimées par "une autre
personne" — entre guillemets — la personne apte ayant
eu peur de la démence future — donc, on voit cette notion de peur qui
revient — alors hypothétique, peuvent vraiment s'appliquer à la
personne qui existe maintenant?» Donc, un choix à faire : Est-ce que les
directives basées sur une peur de ce qui nous attend, qui ne reflètent pas
nécessairement ce qui va se passer, devraient être au coeur des critères, en
fait?
Donc, un deuxième enjeu. Bien, le premier
c'était l'accès. Si la loi le permet, il faudrait que ça soit accessible à la
grandeur du Québec. Le deuxième enjeu, bien, c'est la définition de la
souffrance. Vous allez devoir la définir un peu. Je comprends que dans une loi,
ça ne pourra pas être très, très précis, mais il va falloir donner des
orientations.
Puis il y a deux grands types. Est-ce que
vous allez exiger une évidence de souffrance au moment où l'acte serait
considéré, en fait? La plupart de nos participants semblaient prioriser cette
option-là. Donc, je vous donne un exemple d'une infirmière : «Je pense que
le seul moment à utiliser cette mesure serait lorsque le patient a des douleurs
physiques ou psychiques extrêmes et qu'aucun analgésique ne puisse le soulager.
La situation médicale doit être vraiment difficile et inhumaine pour que l'on
puisse administrer une médication pour accélérer une fin de vie.» Donc, ça,
c'est un type. Est-ce que la souffrance devra être présente ou si une
souffrance anticipée, comme celle que j'ai décrite tout à l'heure, va
suffire... va être possible?
Ce qui importe ici, en fait, c'est que, si
vous ou le gouvernement décidez d'étendre aux personnes inaptes, il va falloir
s'assurer que la loi soit opérationnelle, que les personnes qui souhaitent la
recevoir puissent la recevoir s'ils satisfont les critères que vous avez
définis.
Pas comme aux Pays-Bas, où la loi le
permet, mais la souffrance est jugée par les médecins, mais les médecins
disent : Bien, moi, je ne suis pas capable de juger si la personne
satisfait ces critères-là. Parce que c'est une souffrance qui devrait être
déterminée par la personne elle-même, je ne suis pas capable de confirmer le
désir de mourir non plus. Donc, vous le savez sans doute, aux Pays-Bas,
beaucoup de personnes remplissent une directive anticipée d'euthanasie, ça
s'appelle, mais très peu la reçoivent à cause de ça et aussi parce
qu'évidemment il est difficile pour les familles de décider d'aller de l'avant.
Ce n'est quand même pas une décision qui est facile.
Donc, si je prends la définition dans la
loi actuelle, j'espère que c'est celle du Québec que j'ai bien mise :
«souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables — pour
moi, insupportable, il y a juste la personne qui peut juger, mais peut-être
avez-vous une autre opinion — qui ne peuvent être apaisées dans des
conditions qu'elle juge tolérables...
Mme Bravo
(Gina) : …de décider d'aller de l'avant, ce n'est quand même
pas une décision qui est facile.
Donc, si je prends la définition dans la
loi actuelle, j'espère que c'est celle du Québec que j'ai bien mise,
souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables — pour
moi, insupportables, il y a juste la personne qui peut juger, mais peut-être
avez-vous une autre opinion — qui ne peuvent être apaisées dans des
conditions qu'elle juge tolérables — là encore, il y a juste elle qui
peut savoir ça, il me semble. Et donc, cette définition-là ne me semble pas
opérationnelle, si vous la laissez telle quelle.
• (16 h 10) •
Bon, personnellement, je suis plus
favorable à une souffrance objectivée, soit sur la base d'un jugement clinique,
soit sur la base d'un outil validé. Vous savez qu'il existe des outils pour
juger si une personne est en souffrance, et les personnes non communicatives.
Je pense qu'il faudrait une telle souffrance au moment où l'acte pourrait être
administré simplement parce que j'ai peine à imaginer que quelqu'un va le
faire, dans les autres cas, sur la base d'un document écrit il y a une dizaine
d'années, dont la personne ne se souvient plus, et que la famille pourrait
apporter à l'attention du médecin.
Autre considération, évidemment, qui va
prendre la décision? J'imagine que vous faites cette réflexion-là aussi. Et
allez-vous exiger l'accord préalable des familles, des soignants? Bon, pour les
soignants, il va falloir l'accord, un peu, parce qu'il va falloir que quelqu'un
le fasse. Mais, allez-vous aussi exiger l'accord des familles? Donc, outre la
personne elle-même, par exemple via une directive anticipée ou des propos faits
oralement, peut-être, est-ce que ça, ça va suffire? Est-ce qu'une directive va
être suffisante ou si vous allez vouloir avoir, aussi, le consensus de la famille
ou un consensus entre les trois acteurs, la personne elle-même, la famille
et l'équipe soignante? Le proche pourrait être, par exemple, celui qui est
nommé dans une directive, comme le suggérait le groupe d'experts, là, que… Vous
avez sûrement lu le rapport. Moi, je suis plus favorable à un consensus entre
les trois experts, mais pas tout le monde est de cet avis-là. Il y a des
gens qui disent : Si je l'ai écrit, je l'ai demandé, c'est moi qui décide,
ce n'est pas ma famille.
Et vous savez, aussi, que dans le rapport
du groupe d'experts, il suggérait, bien sûr, il recommandait que les directives
soient permises, les directives anticipées, mais qu'elles ne soient pas
contraignantes ou exécutoires. Sur la base de mes résultats, je ne crois pas
que cette recommandation ferait consensus, en fait. Les gens, j'ai
l'impression, disent : Bien si c'est permis, si on a le droit de le faire
à travers une directive, bien si j'écris une directive et qu'elle est claire,
on devrait être respecté.
En résumé… Je ne sais pas combien il me
reste de temps. Donc, je pense qu'il y a un appui assez fort à l'extension,
davantage en fin de vie, ce n'est pas vraiment surprenant, mais pas
exclusivement. Je pense que nos résultats, aussi, soulignent la nécessité
d'améliorer le soin aux proches qui vont, vraisemblablement, être impliqués
dans la décision et qui devraient baser leur décision sur la volonté de la
personne et non sur leurs propres besoins. Nécessité d'améliorer la qualité des
soins, en particulier dans les CHSLD. Je sais qu'il y a des travaux en ce
sens-là qui sont en cours, mais la COVID nous a montré à quel point c'est
important. Les besoins de formation, donc, deux types, besoin de formation pour
que les gens prennent bien soin des personnes qui sont atteintes, mais aussi
pour administrer, éventuellement, l'aide médicale à mourir pour ceux qui
seraient d'accord de le faire. Il y en aura, à mon avis, peut-être pas
beaucoup, peut-être pas distribués à la grandeur du Québec, mais il y en aura.
Pour répondre à ces besoins de formation, bien, qu'est-ce que ça veut dire? Ça
veut dire des guides de pratique, ça veut dire des outils de formation pour les
professionnels, pour les aider à juger est-ce que les…
Mme Bravo
(Gina) :...les personnes qui sont
atteintes, mais aussi pour administrer éventuellement l'aide médicale à mourir
pour ceux qui seraient d'accord de le faire. Il n'y en aura, à mon avis, peut-être
pas beaucoup, peut-être pas distribué à la grandeur du Québec, mais il en aura.
Pour répondre à ces besoins de formation,
bien, qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire des guides de pratique, ça veut
dire des outils de formation pour les professionnels pour les aider à juger,
est-ce que les conditions qui sont énoncées dans la directive correspondent?
Est-ce que les critères sont satisfaits? Dans les critères, il y aura vraisemblablement
la notion de souffrance, il va falloir les aider à juger cette souffrance-là
selon ce que vous allez décider, juger la valeur à accorder aux souhaits
exprimés dans le passé, parfois dans un passé très, très lointain, versus la
condition de la personne actuellement, ses intérêts actuels. Est-ce que vous
allez rechercher un équilibre entre les deux, donner priorité à une directive, par
exemple, versus la condition de la personne? Et aussi un guide par rapport à la
façon de réagir à la résistance du patient, donc je fais ici référence au cas
que vous connaissez sans doute, là, qui s'est passé aux Pays-Bas, qui a fait beaucoup...
qui a fait couler beaucoup d'encre, parce que la personne a résisté, en fait, à
l'administration et on a dû la tenir, ce qui a entraîné beaucoup de démissions
et de lettres ouvertes de la part des médecins. Enfin, peut-être, développer
des services de soutien, pour ceux qui accepteront de le faire, ce n'est quand
même pas un acte facile.
Autre formation, je pense qu'une de mes
collègues vous en a parlé, donc une formation professionnelle pour aider une
personne dans la rédaction même d'une demande anticipée, pour qu'elle soit bien
interprétée ou qu'il y ait le moins possible d'interprétation. Bon,
personnellement, j'ai un petit peu de difficulté avec les formulaires tout
pré-préparés avec des petites cases à cocher comme la DMA. Je ne pense pas que
c'est la meilleure façon de faire, mais bon, c'est peut-être dans cette
direction que vous irez.
Est-ce qu'il me reste une minute pour
parler de l'accès aux données ou si je dois m'arrêter? Je n'ai pas remarqué à
quelle heure qu'on a débuté.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Bien, vous n'avez plus de temps, mais sûrement qu'on va prendre la question et
il y a quelqu'un qui va sûrement vous revenir avec ça.
Mme Bravo
(Gina) : O.K. Bien, c'était simplement pour dire que la
communauté scientifique, évidemment, souhaite qu'il y ait un accès aux données
relatives à l'aide médicale à mourir pour des fins de recherche. Évidemment,
des données anonymisées, on s'entend. Bien sûr, la Commission sur les soins de
fin de vie a comme mandat d'exploiter ces données-là, elle les présente dans
ses rapports périodiques, mais je pense qu'on pourrait aller plus loin.
Vous savez peut-être aussi, vous êtes peut-être
bien placés pour le savoir, qu'il y a des discussions en cours avec le
ministère, dont une rencontre à laquelle M. Dubé a participé, sur la
création d'un observatoire national sur les soins de fin de vie. Au sein de cet
observatoire, on voudrait regrouper l'ensemble des données qui touchent les
soins de fin de vie et l'aide médicale à mourir devrait en faire partie puisque
c'est un soin de fin de vie.
Voilà, merci beaucoup de votre temps.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait, merci beaucoup, Mme Bravo. Donc, je cèderais maintenant la parole
à la députée de Joliette.
Mme
Hivon
: Oui,
bonjour, merci beaucoup, Mme Bravo. Vraiment, vous avez fait un tour
d'horizon assez extraordinaire de tous les enjeux et de toutes les questions
que nous avons devant nous, ces enjeux si simples à trancher. Donc, mais
vraiment, vous avez mis la table de manière admirable à ce qui nous attend, et
donc je vous remercie, vraiment, de vos travaux puis de ces…
Mme
Hivon
: …avez
fait un tour d'horizon assez extraordinaire de tous les enjeux et de toutes les
questions que nous avons devant nous, ces enjeux si simples à trancher. Donc,
mais vraiment vous avez mis la table de manière admirable à ce qui nous attend,
et donc je vous remercie, vraiment, de vos travaux puis de ces sondages-là qui
ont été faits. Et maintenant, je voudrais creuser avec vous, là, vous, comme
experte, votre sentiment. Je pense qu'il y a deux éléments qui sont
fondamentaux, là, sur lesquels on se pose beaucoup de questions déjà, c'est
comment évaluer à l'avance les éléments qui vont déclencher, par exemple,
l'application d'une directive… d'une demande médicale anticipée en termes de
souffrance, puis l'autre élément, c'est qui va être responsable? Est-ce que
c'est effectivement contraignant, la demande en elle-même, est-ce que c'est
l'équipe médicale, comme vous le suggérez, avec les proches et la directive?
Donc, jusqu'où on met le curseur, vers l'autonomie versus le consensus? Ça fait
que, bref, je les prends une par une.
Un : Pour vous… que vous nous faites
bien ressortir les stades, par exemple, stade avancé, stade terminal, puis la
souffrance objective, je trouve ça très intéressant que vous fassiez ressortir
que, quand on est apte, c'est une chose d'avoir la définition qui est dans la
loi, mais quand on n'est plus là pour juger si c'est tolérable ou non, puis
comment on le vit, on a besoin de critères objectifs. Selon vous, est-ce que,
dans le contexte d'une demande anticipée, la personne devrait simplement écrire
que si elle a des douleurs et/ou souffrances objectives qui la mettent dans un
état intolérable et constant, qu'elle veut avoir l'aide médicale à mourir, ou
si elle devrait carrément écrire tous les détails de ce qui, pour elle, ne
serait pas tolérable, à l'avance?
Mme Bravo
(Gina) :Moi, je pense qu'elle doit le
décrire, parce que juste de dire si les souffrances que je ressens dans 10 ans
sont intolérables, selon qui? Elle ne pourra pas elle-même décrire ses
souffrances, ou dire qu'elles sont intolérables pour elle. Donc, mon
impression, c'est que dans une directive anticipée, la personne devrait décrire
ce qui est intolérable pour elle. Et ce pourrait être de souffrir physiquement,
par exemple, et de ne pas être soulagée, ou de dire : Moi, je ne veux pas
vivre dans cet état-là, les choses qui sont importantes pour moi je ne pourrai
plus les faire, ou si je ne peux plus les faire, je voudrais qu'on me laisse
partir à ce moment-là. Mais il est… il ne faut pas remettre le jugement entre
les mains de quelqu'un d'autre, il me semble, pour ce qui touche la souffrance,
parce que les autres ne seront pas en mesure de le faire, à moins d'une
souffrance physique assez évidente à l'oeil, mais tout ce qui touche plus la
souffrance psychologique ou la détresse ou le fait de ne pas vouloir vivre dans
cet état, je pense que seule une description la plus précise possible de la
personne pourra être utile à ce moment-là.
27 MmeHivon:O.K. Vous sembliez nous dire que vous, entre la
souffrance au moment même de l'administration potentielle de l'aide médicale
versus la souffrance anticipée, exemple : J'anticipe que, si je ne
reconnais plus personne…
Mme Bravo
(Gina) : Oui.
Mme
Hivon
: …que
je ne suis pas capable de m'alimenter, ça va être tellement pénible que je vais
vouloir l'aide médicale à mourir, versus quand je le vis, c'est autre chose…
Mme
Hivon
:
...semble bien nous dire que vous, entre la souffrance au moment même de l'administration
potentielle de l'aide médicale versus la souffrance anticipée, exemple
j'anticipe que si je ne reconnais plus personne, que je ne suis plus capable de
m'alimenter, ça va être tellement pénible que je vais vouloir l'aide médicale à
mourir, versus quand je le vis, c'est autre chose. Vous sembliez pencher sur
l'évaluation au moment où on administrerait l'aide médicale à mourir. Donc,
comment on réconcilie ça avec le fait qu'en début de maladie on inscrit
nous-mêmes en se projetant donc les éléments qui, selon nous, seraient
intolérables?
Mme Bravo
(Gina) : Bien, en fait, vous pouvez le permettre si la loi
définit ou accepte ces situations-là. Je ne sais pas comment ça sera formulé,
mais si la loi disait qu'une personne pourrait, dans une directive, décrire ce
qui est intolérable pour elle, eh bien, qu'au moment venu il n'y ait pas
d'apparence de souffrance, on accepte cette souffrance-là qui est une
souffrance hypothétique, d'une certaine façon, vous pourriez le faire.
Moi, ce que j'ai dit pour justifier ma
position, puis ça ne sera peut-être pas la vôtre, c'est : Est-ce qu'il va
y avoir quelqu'un qui va accepter de le faire? Donc, imaginez, j'ai écrit une
directive, j'entrevois que je ne pourrai plus reconnaître mes proches, je ne
pourrai plus lire, faire ce qui est important pour moi et je ne veux pas vivre
ça. Je me retrouve dans cette situation-là, il faut quand même qu'il y ait
quelqu'un qui vienne me chercher puis qui dise : Bon bien, madame, c'est
le temps, vous correspondez à la… Mais si j'ai l'air bien et tout, moi, j'ai de
la difficulté à concevoir que quelqu'un va le faire, peut-être que je me
trompe, mais… C'est ça que je veux dire, un peu, quand je parle de loi
opérationnelle ou pas, de permettre quelque chose qui, dans les faits, ne
pourrait pas se produire ou, en tout cas, à moins que certaines des personnes
qui sont venues chez vous, vous diraient : Moi, même dans une situation
comme ça, si la personne a été claire, je vais le faire. Bon, bien, peut-être,
mais, disons, j'ai peine à croire. Déjà, il y a un certain nombre de médecins
qui acceptent de le faire. Maintenant, il va y en avoir moins dans les cas de
démence et il me semble qu'il va y en avoir moins encore dans des cas de
démence où il n'y a pas souffrance apparente au moment… puis qu'est-ce qui va
déclencher, en fait, le processus, de dire : Bon, bien, c'est aujourd'hui,
le 24 avril, qu'on y va, par exemple? Ça me semble invraisemblable, mais peut-être
que je manque d'imagination, là.
• (16 h 20) •
Mme
Hivon
: Non,
je pense que c'est extrêmement pertinent ce que vous soulevez, parce
qu'effectivement il faut ensuite qu'il y ait des médecins, que ça ne soit pas
un droit théorique... et qui donnent un espoir à des gens qui ne pourra jamais
se concrétiser. Donc, je pense que c'est très pertinent.
Et ça m'amène par ailleurs sur l'autre
tension, c'est-à-dire que les gens qui demandent beaucoup cette possibilité-là
sont des gens qui valorisent beaucoup l'autonomie, et la loi est beaucoup basée
sur ce principe d'autonomie. Quand on y arrive avec une hypothèse comme la
vôtre, de dire : Bien, il faudrait qu'il y ait un consensus de la famille,
des soignants, on est vraiment en train de mettre un petit peu de côté
l'autonomie au profit d'une décision, je dirais, consensuelle avec les chicanes
potentielles, avec les conflits potentiels puis de valeurs entre les personnes
impliquées. Donc, est-ce qu'encore dans un cas comme celui-là on fait miroiter
une possibilité, mais qui risque de difficilement s'appliquer pour les gens qui
l'auraient demandée?
Mme Bravo (Gina) : Ça
va être un choix à faire. Je ne sais pas si c'est l'autonomie à tout prix. Une
fois que la personne…
Mme
Hivon
: …les
chicanes potentielles, avec les conflits potentiels puis de valeurs entre les
personnes impliquées. Donc, est-ce qu'encore dans un cas comme celui-là, on
fait miroiter une possibilité, mais qui risque de difficilement s'appliquer
pour les gens qui l'auraient demandée?
Mme Bravo
(Gina) : Ça va être un choix à faire. Je ne sais pas si c'est l'autonomie
à tout prix. Une fois que la personne sera partie, il y a des personnes qui
vont rester, il va y avoir la famille qui va rester aussi. C'est sûr que beaucoup
de gens ne veulent… disent… ne veulent pas être un fardeau pour leurs proches,
et donc ils veulent leur faciliter la décision aussi. Ce n'est pas des choix
faciles, là. Si c'était facile, on ne serait pas là à en discuter, la décision
serait déjà prise. Moi, j'ai tendance à privilégier un consensus. C'est peut-être
le reflet de ma nature. Je sais… Comme je l'ai mentionné, je sais qu'il y a des
gens que ce n'est pas ce qu'ils veulent, et vous pourrez décider que la
personne elle-même, ça suffit. Je pense que tout le monde serait plus
confortable si c'était un consensus au détriment d'un certain degré d'autonomie
des gens. Je pense que c'est comme un compromis que je trouverais acceptable.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Très… Merci. Mme la députée. Oui, allez-y, Mme Bravo.
Mme Bravo
(Gina) : Je pense que… Je veux dire que c'est aussi ce que la
majorité de nos répondants disaient. En fait, ils étaient… Bon, il y a des
peurs d'abus, comme c'est mentionné. Moi, je n'en ai pas parlé, parce que je
pense que c'est des choses que vous connaissez bien. Mais les gens étaient
aussi beaucoup plus confortables quand il y avait un certain consensus. Mais ça
aussi, ça se discute, quand on rédige notre directive, si on sait quelles sont
les règles, si on sait que c'est un consensus avec la famille, par exemple. On
ne veut pas identifier d'avance les intervenants impliqués, là, c'est peut-être
dans 10 ans que ça va se produire. Donc, ça, on n'en parle pas. Mais ma famille
immédiate ou la personne que j'aurai nommément… normalement nommée, identifiée
dans ma directive, si c'est mon conjoint, par exemple, je peux lui parler de
ça, de cette importance qu'a l'autonomie pour moi, par exemple, avant, et ce
qu'on espère, c'est que la personne qui acceptera d'être nommée, qui acceptera
ce rôle de donner à mon autonomie l'importance que je lui demande de donner,
c'est basé sur le dialogue ensuite.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci beaucoup. Merci, Mme la députée. Je céderais maintenant la
parole à la députée de Soulanges.
Mme Picard : Bonjour. Merci
beaucoup d'être parmi nous aujourd'hui. Vous m'amenez à une question, parce que
vous avez parlé de définir peut-être un peu plus la notion de souffrance. Pour
vous ou selon vos travaux que vous avez effectués, est-ce que l'isolement d'une
personne pourrait être une souffrance qui pourrait être considérée?
La Présidente (Mme Guillemette) :
On ne vous entend plus, Mme Bravo. Peut-être que vous êtes déconnectée de votre
ordinateur ou… Ah! je crois que…
Mme Bravo
(Gina) :Est-ce que là vous m'entendez?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, on vous entend bien, là.
Mme Bravo
(Gina) :Est-ce que vous êtes d'accord à ce
que j'enlève ces écouteurs…
(Visioconférence)
(panne de son)
Mme Bravo
(Gina) : Ah! Est-ce que, là, vous m'entendez?
La Présidente
(Mme Guillemette) : Oui, on vous entend bien, là.
Mme Bravo
(Gina) : Est-ce que vous êtes d'accord à ce que j'enlève ces
écouteurs pas très confortables?
La Présidente
(Mme Guillemette) : Oui, oui, oui, pas de problème. On vous
entend bien comme ça, ça fait qu'il n'y a aucun problème.
Mme Bravo
(Gina) : Bon, merci beaucoup. Alors, Mme Picard,
l'isolement, bien, je trouve que ce n'est pas lié beaucoup à la problématique
de l'inaptitude. La personne atteinte de démence, elle est en milieu
d'hébergement, il y a évidemment... elle est très seule. On s'entend, on peut
ne pas avoir de visite de la famille. Mais c'est comme si vous disiez :
J'ai un diagnostic de maladie d'Alzheimer, je vais écrire, dans ma directive,
si je me retrouve seule. Je ne sais pas qu'est-ce que ça veut dire dans le
contexte, donc j'ai un petit peu de difficultés à voir que l'isolement est un
élément central à la problématique de la démence ou de la maladie d'Alzheimer.
Je vais... je ne reconnaîtrai plus personne, mais il va y avoir des gens autour
de moi, et je vais fonctionner, je vais interagir avec eux sans trop savoir ce
que je fais ou pas. C'est peut-être moi qui saisis mal la situation à laquelle
vous faites référence.
Mme Picard : Oui. En
fait, bien, c'est un peu sous l'optique où une personne justement avec
l'alzheimer pourrait dire... une personne qui devance, là, je crois, là, qui
serait seule, une personne qui n'aurait pas de famille peut-être. Peut-être
que, dans ce moment-là, elle se dirait : Bon, bien, si je vais en... si je
suis rendue au stade 6 de l'alzheimer et que je suis seule, je pourrais me
prévaloir de cet acte.
Mme Bravo
(Gina) :Je comprends que la personne
était seule avant, donc vous sous-entendez une personne qui n'a pas de famille,
qui est isolée. Bien, c'est comme si, dans ce vous décrivez, ce n'est pas tant
la maladie qui est l'élément central, c'est le fait d'être seul, puis il y a
plein de gens seuls qui... plein de gens qui sont seuls sans avoir à être
atteints de cette maladie-là. J'ai un petit peu de difficulté à connecter les
deux.
Mme Picard : Mais je vais
vous amener peut-être juste en fait une personne justement qui serait seule.
Comment pourrait avoir quelqu'un ou qui pourrait être la personne autour d'elle
qui serait impliquée les soins ou dans la décision avec elle? Selon vous, est-ce
que c'est, supposons, le Curateur public ou est-ce que ça pourrait être un
notaire ou je ne sais pas? Avez-vous des idées, d'une personne seule, qui
pourrait l'aider dans ses choix?
Mme Bravo
(Gina) :Je comprends. Donc, je pense que,
si je comprends bien votre question, c'est dans une directive où vous allez
suivre la recommandation du groupe d'experts et dire : On devrait nommer
une personne qui va porter nos volontés quand on ne sera plus capable de le
faire nous-mêmes. Une personne totalement isolée n'aurait personne à nommer,
bien, oui, je pense que l'option de mettre quelqu'un qui est significatif. Le
Curateur public, c'est quelqu'un un peu distancé, là, mais c'est peut-être la
seule option qu'il y aurait dans ce cas-là. Puis je verrais le Curateur public...
Mme Bravo
(Gina) : ...n'aurait personne à nommer, bien, oui, je pense que
l'option de mettre quelqu'un qui est significatif... Le Curateur public, c'est quelqu'un
un peu distancé, là, mais c'est peut-être la seule option qu'il y aurait dans
ce cas-là.
Je verrais le Curateur public... Un
notaire serait quelqu'un qui le connaît, dans le fond. Il ne serait pas isolé.
C'est comme si... On prend la prémisse qu'il est isolé, bien, il n'a personne,
donc la seule personne possible, ce serait le Curateur public. Ça pourrait
faire partie de ses fonctions. Je n'ai pas eu beaucoup d'interactions avec le Curateur
public, mais on en avait, par exemple, pour des personnes qui étaient inaptes
pour participer à la recherche. La décision lui revenait. Disons que le
curateur ne connaissait pas beaucoup la personne, là.
M. Picard
: Et sur la
notion du diagnostic, est-ce que vous avez eu des échos de... est-ce qu'on
devrait se positionner sur des diagnostics précis ou bien sur... il faut des
conditions, un état d'une personne?
Mme Bravo
(Gina) : Bien, encore une fois, je ne mettrais pas beaucoup
d'emphase sur le diagnostic. D'abord, le diagnostic n'est pas une preuve
d'inaptitude, en fait. Ce n'est pas ça qui détermine. C'est plus une inaptitude
de fait ou un état. Donc, j'éviterais... Comme, dans la loi actuelle, on ne dit
pas si vous avez un cancer en phase terminale. Évidemment, dans les faits,
c'est beaucoup cette clientèle-là qui a recours à l'aide médicale à mourir, pas
exclusivement, mais entre autres. Mais j'éviterais de mettre des diagnostics
dans la loi, parce qu'on va en échapper. Je pense que c'est plus de décrire le
type de personne qui est visé, indépendamment du diagnostic, ou de parler de situation
d'inaptitude. Puis encore, on parle beaucoup de cas de démence ou de troubles
neurocognitifs, mais je l'ai mentionné tout à l'heure, si vous utilisez
l'expression «situation d'inaptitude», ça peut être suite à un accident de
voiture. Donc, il faut que vous soyez d'accord. C'est sûr que quand on a un accident
de voiture et que c'est soudain, on n'a souvent pas rédigé de directives après
parce que ce n'est pas la même problématique. Mais il peut y avoir des gens en
situation d'inaptitude qui auraient pu rédiger une directive, si vous faites la
promotion, par exemple, de la rédaction des directives par la suite et qui se
retrouve dans cette situation-là. Donc, je ne mettrais pas de diagnostic, là, a
priori, comme ça, sans avoir fait de recherche là-dessus, mais spontanément, je
répondrais que ce n'est pas une bonne idée.
Mme Picard : Merci beaucoup
pour vos réponses.
Mme Bravo
(Gina) : De rien.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Bien, je peux me permettre une question. Vous parlez de diagnostic. Vous
avez dit tout à l'heure que vous n'alliez pas vers le côté de la santé mentale
parce que ce n'était pas dans vos expertises de recherche, mais est-ce que de
mettre un diagnostic en santé mentale aussi ce n'est pas préconisé?
• (16 h 30) •
Mme Bravo
(Gina) :Bien, pour la... encore une fois,
je n'ai pas d'expertise dans ce domaine-là, je n'ai pas lu la littérature, donc
je m'avance sur un terrain que je ne connais pas. Mais a priori, les
diagnostics, ce n'est pas du tout le modèle. Nulle part dans les autres pays on
n'a une liste de diagnostics, de personnes qui seraient admissibles. Et donc,
pour la santé mentale, je sais que les cas psychiatriques, là, je ne sais pas
si vous en… probablement qu'il y a une partie de vos activités...
16 h 30 (version non révisée)
Mme Bravo
(Gina) : …sur un terrain que je ne connais pas. Mais a priori
les diagnostics, ce n'est pas du tout les modèles nulle part dans les autres
pays. On a une liste de diagnostics de personnes qui seraient admissibles, et
donc, pour la santé mentale, je sais que les cas psychiatriques, là, je ne sais
pas si vous en… bien, probablement qu'il y a une partie de vos activités qui
porte là-dessus, mais a priori je ne sais pas quelle est l'utilité du
diagnostic par rapport à l'état de la personne.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci. Vous parliez de… bon, beaucoup de la souffrance apparente, mais
quelqu'un qui est en… au stade sept à la maladie d'Alzheimer, qui est couché en
foetus dans un lit, puis il n'y a pas vraiment de souffrance apparente, mais on
fait référence beaucoup à la dignité de la personne. C'est quoi votre rapport à
cet état de fait là?
Mme Bravo
(Gina) : Oui, c'est un bon exemple, et c'est un exemple
descriptif dans une directive, plutôt que les petites cases à cocher, où je
pourrais décrire un état comme ça, surtout si je le fais avec un professionnel
qui m'aide à le faire, qui m'aide à voir les différentes situations qui
pourront… je ne suis pas experte, disons, mais je suis comme monsieur, Mme
Tout-le-Monde dans le sujet, et pour bien décrire ce qui est pour moi
inacceptable et… j'aurais besoin d'être accompagnée, et je pense que l'exemple
que vous donnez, si je suis dans mon lit, toute recroquevillée sur
moi-même,comme on l'a… que je ne peux pas manger, que je ne peux pas me nourrir
ou boire. Même, moi, je ne veux pas ça. Moi, je pense qu'il y a beaucoup de
gens que ce qu'ils ne veulent pas, c'est bien avant ça, bien avant ça.
Mais si c'est entre autres ça qu'ils ne
veulent pas, bien, ça se décrit, surtout si on le fait accompagné, pour être
sûr qu'on le fasse correctement… Puis il n'y a pas beaucoup… la plupart des
gens trouvent qu'il y a pas beaucoup de sens à cette partie-là de la maladie,
et c'est ce qui motive les gens à ne pas vouloir vivre ce passage-là, en fait.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je passerais la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, Mme la Présidente. Moi, je veux revenir un petit peu plus au niveau du
consentement puis l'aptitude à consentir aussi. Puis je vous poserais la
question : En quoi l'aptitude à consentir à l'aide médicale à mourir se
distingue-t-elle de l'aptitude à recevoir d'autres soins? Parce qu'on parle de
soins, de soins en fin de vie, tout ça, puis, dans vos études, je ne sais pas
si ça a ressorti.
Mme Bravo
(Gina) : En fait, ça ne se distingue pas. Je pense que c'est...
en fait, ce n'est pas l'aptitude à consentir, c'est l'aptitude… bien, à
consentir à ce soin-là en particulier ou l'aptitude à prendre une décision.
Dans nos études à nous, il était clair que la personne n'était plus capable de
prendre des décisions. Et donc il faut que d'autres acteurs entrent en jeu.
Dans notre cas à nous, évidemment, c'était la famille qui va voir le médecin
puis qui dit : Bien, ma mère ne voulait pas vivre cet état-là, voici ce
qu'elle a écrit dans son document. Est-ce qu'on peut procéder? En fait, tu
sais, il faut qu'il y ait quelqu'un qui déclenche la demande. Je serais…
Mme Bravo
(Gina) : …prendre des décisions. Et donc il faut que d'autres
acteurs entrent en jeu. Dans notre cas à nous, c'était la famille qui va voir
le médecin puis qui dit : Bien, ma mère ne voulait pas vivre cet état-là,
voici ce qu'elle a écrit dans son document. Est-ce qu'on peut procéder en
fait... tu sais, il faut qu'il y ait quelqu'un qui déclenche la demande. Je
serais étonnée que ça soit les professionnels de la santé, eux-mêmes, qui
disent : Bon, j'ai trouvé le document dans le dossier de la personne, elle
n'est plus apte à consentir. L'aptitude à consentir n'est pas si facile que ça
à déterminer, là, à certains stades de la maladie, là, vous avez raison de le
souligner. Mais, dans le cas de nos études à nous, c'était clair, là. On
n'était loin de… il n'avait pas de confusion par rapport à ça. La personne ne
pouvait plus prendre de décisions par elle-même, donc il fallait que quelqu'un
d'autre initie le processus.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
O.K. Puis, tout à l'heure, vous avez mentionné aussi que cette décision-là ne
doit pas se prendre seule quand on parle de la famille, mais bien d'être
entouré avec des professionnels. Et pouvez-vous me nommer les gens qui seraient
importants au niveau du personnel de la santé, qui peuvent participer? Parce
qu'on soulignait, entre autres, l'importance des infirmières d'être… de
participer au processus d'évaluation, et même peut-être d'aller au niveau
administratif. Donc, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.
Mme Bravo
(Gina) : Bien, en fait, vous avez raison. Idéalement, ça
pourrait être le médecin de famille, par exemple, si la personne à la chance
d'en avoir un. Idéalement, c'est quelqu'un qui connaît bien la personne, qui
connaît son histoire de vie, qui connaît son entourage aussi et qui pourrait
plus facilement discuter de ses valeurs.
Il faudrait que la personne, la famille ou
le proche qui serait nommé pour représenter la personne quand elle ne pourra
plus se représenter elle-même soit présent aussi. On peut très bien imaginer
les travailleurs sociaux aussi… je ne l'ai pas mentionné, mais les études que
j'ai menées, on est en train de la reproduire auprès des travailleurs sociaux
qui est un groupe qui est impliqué, notamment, pour revenir à votre première
question, à l'évaluation d'aptitude. Ils sont souvent impliqués et ils sont
aussi impliqués dans l'accompagnement, soit des patients quand ils sont aptes
ou les familles, avant, après. Donc, c'est un groupe professionnel qui a des
expertises dans ce domaine-là et qui pourrait être formé spécifiquement pour
accompagner les gens. Les infirmières aussi… j'essaie juste de voir comment on
pourrait rencontrer… mon médecin de famille, je le rencontre de temps en temps,
l'infirmière, je ne sais pas trop comment je pourrais la rencontrer.
Il pourrait y avoir des gens qui sont
spécialisés ou identifiés pour accompagner. J'aimerais mieux des professionnels
de la santé qu'un notaire, par exemple, qui est avec qui on fait nos mandats…
vous avez probablement des mandats d'inaptitudes, on le fait avec eux, mais
c'est beaucoup préformatés. Il n'y a pas une connaissance préalable de la
personne, donc l'idéal, je pense, serait soit un médecin de famille ou une
infirmière que l'on connaît bien, ce qui est plus rare, un travailleur social
aussi qui pourrait jouer ce rôle-là.
Une voix
: Bien, c'est
tout pour moi, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le député. Donc, je céderais maintenant la parole à députée
de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, Mme la Présidente…
Mme Bravo
(Gina) : …une infirmière que l'on connaît bien, ce qui est plus
rare, un travailleur social aussi qui pourrait jouer ce rôle-là.
Une voix
: C'est tout
pour moi, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le député. Donc, je céderais maintenant la parole à la
députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Bravo, ça soulève tellement de questions,
votre présentation puis les réponses que vous avez données également, mais merci
beaucoup d'être là avec nous pour contribuer à nos travaux.
D'entrée de jeu, spécifiquement sur
l'étude que vous avez faite, je me posais la question, puis on a eu ces
échanges-là aussi avec d'autres intervenants préalablement à vous, sur est-ce
que, dans le fond, le consentement anticipé doit se donner à partir du moment
où il y a un diagnostic ou avant. Je comprends que, cliniquement, ce n'est pas
votre expertise, mais ce que je comprends de l'étude que vous nous avez faite,
dans les questions qui ont été posées, vous avez fait le choix de commencer à
partir du moment où il y a la maladie, si je ne me trompe pas, vous n'avez pas
évalué le consentement anticipé dans une perspective hypothétique de maladie.
Puis je me demandais, en termes de recherche justement, pourquoi avoir pris
cette posture-là?
Mme Bravo
(Gina) : C'est une bonne question puis, en fait, si ma mémoire
est bonne, et je peux me tromper, mais dans le rapport du groupe d'experts, on recommandait
que l'on puisse uniquement remplir une directive anticipée postdiagnostic, et
personnellement je ne comprenais pas ce rationnel. Que j'aie déjà mon
diagnostic ou pas, j'ai souvenir qu'ils disaient : Ce serait plus concret
de savoir que j'ai déjà un diagnostic. Moi, je ne vois pas beaucoup la
différence, il y a peut-être des subtilités qui m'échappent. Mais vous me
rappelez par votre question que je me suis demandé pourquoi, quelle protection
supplémentaire ça donne. J'ai souvenir que c'est parce que si je reçois un
diagnostic, bien, je suis avec mon médecin, puis là c'est l'occasion d'en
parler. Il peut me décrire ce qui m'attend, par exemple, plutôt que ce soit
complètement théorique, bien que, si on vit assez longtemps, beaucoup de personnes
vont avoir de la démence. Ce n'est pas complètement théorique et farfelu mais
néanmoins. Donc, ça c'est un morceau de réponse.
Et l'autre, vous avez raison, dans notre
vignette, pour rendre un peu les choses un peu plus concrètes, on fait beaucoup
de choix, hein, quand on décrit vignette comme ça qu'on va utiliser pour une
quinzaine de pages de questionnaire. On avait décidé que c'était
postdiagnostic. On disait que la mère de la patiente en question était décédée
avec une démence, qu'elle l'avait vu donc évoluer, qu'elle savait qu'au début
ça peut bien se passer, mais qu'à un moment donné elle ne sera plus capable de
s'occuper d'elle, elle ne sera plus capable d'exprimer ses besoins, et tout ça.
Donc, effectivement, c'est qu'un choix qu'on a fait, je pense que c'est un bon
choix, mais la question se pose. Mais, comme je vous dis, moi, je n'avais pas
vraiment compris outre le soutien que je pourrais avoir postdiagnostic. Et ça
me fait penser de vous souligner, je parlais de l'étude que l'on fait chez les
travailleurs sociaux, il y a une différence, par rapport aux études que l'on a
faites et que je vous ai brièvement présentées, c'est qu'aux travailleurs
sociaux…
(Visioconférence)
• (16 h 40) •
Mme Bravo
(Gina) : ...la question se pose. Mais comme je vous dis, moi,
je n'avais pas vraiment compris outre le soutien que je pourrais avoir
post-diagnostic. Et ça m'a fait penser de vous signaler, je parlais de l'étude
que l'on fait chez les travailleurs sociaux, une différence par rapport aux
études que l'on a faites et que je vous ai très brièvement présentées, c'est
que, nos travailleurs sociaux, on demande aussi s'ils sont d'accord avec l'aide
médicale à mourir avant qu'elles perdent l'aptitude. Donc, si vous vous
souvenez, nos vignettes à nous, les questions que, nous, on a posées se situent
post-perte d'aptitude à prendre une décision, donc ce qu'on a appelé le stade avancé
ou le stade terminal. Mais, dans l'étude que l'on mène actuellement auprès des travailleurs
sociaux, on devance même sur la trajectoire et on dit, supposons que la personne
dit : Moi, je suis encore capable de m'exprimer et je ne veux pas attendre
de devenir inapte. Parce que c'est une autre option et c'est probablement quelque
chose à laquelle vous allez réfléchir maintenant que vous... pas que vous, mais
qu'il n'est plus nécessaire d'être en fin de vie. Est-ce que même être encore
apte et dire : Moi, je ne veux pas attendre l'inaptitude, je veux partir
avant pendant que c'est moi qui décide, pendant que je sais ce qu'on est en
train de me faire, pendant que je peux dire, oui, c'est bien ce que je veux.
C'est un autre élément de complexité à vos réflexions. Il y en a beaucoup.
Mme Montpetit : Il y en a
beaucoup en effet, oui. Merci. J'aimerais ça aussi vous entendre, je sais que
c'est plus philosophique, mais vous avez mentionné qu'un des enjeux à travers
ces réflexions-là, c'est l'effet que ça pourrait avoir sur la dévalorisation de
la vie des personnes qui ont un trouble cognitif, et puis c'est un élément
qu'on n'a pas abordé à l'heure actuelle. Je sais, c'est ça, c'est peut-être un
peu plus philosophique, mais je pense que, comme on est dans un contexte aussi
où, par exemple, il y a des générations... l'alzheimer, on parle quand même
d'épidémie à venir au niveau du vieillissement, je serais... oui, peut-être
«épidémie» n'est pas le bon mot dans le contexte aujourd'hui, mais, en tout cas,
c'est ce dont on parlait il y a quelques années — là, je fais faire
une parenthèse — mais que le nombre, malheureusement, il a de plus en
plus de gens qui vont en souffrir. J'aurais aimé ça vous entendre justement sur
cette question-là de l'impact que ça pourrait avoir sur ceux qui ne prennent
pas nécessairement cette décision-là d'aide médicale à mourir ou de consentement
anticipé.
Mme Bravo
(Gina) : Bien, en fait, si vous lisez l'article que je vous ai
transmis sur les commentaires, c'est un élément qui revient, cette crainte que
ces personnes avec leur maladie soient dévalorisées socialement, puis qu'on ne
leur attribue plus de valeur. Là, dans la mesure où l'acte serait basé sur une
décision de la personne elle-même, je pense qu'on ne peut pas prétendre que
c'est de la dévalorisation quoique c'est peut-être la dévalorisation est peut-être
la motivation, à la base, de la personne. Je pense qu'il y a beaucoup d'autres
motivations : la peur de la maladie, la peur de ne pas vouloir être un
fardeau pour ses proches, etc. Et je ne pense pas que, comme société, il y a le
risque qu'on donne l'aide médicale à mourir à des personnes qui ne l'auraient
pas demandée en fait. Je n'ai pas...
Mme Bravo
(Gina) : ...motivation, la peur de la maladie, la peur de... ne
pas vouloir être un fardeau pour ses proches, etc. Et je ne pense pas que comme
société il y a le risque qu'on donne l'aide médicale à mourir à des personnes
qui ne l'auraient pas demandé... Je n'ai pas cette crainte-là.
C'est sûr que l'avis des proches... Beaucoup
ont parlé de l'avis des proches. Même ceux qui étaient favorables, ils ont
juste dit qu'il faut être vigilant. Il faut faire attention. On parlait beaucoup
d'abus financiers principalement, et non de l'abus basé sur un fardeau trop
grand, là, c'était vraiment... pour aller chercher l'héritage plus rapidement.
C'est beaucoup les infirmières, en fait, qui ont fait ce commentaire-là, comme
si elles en avaient été témoin, pas nécessairement dans... Ça n'a rien à voir
avec l'aide médicale à mourir, d'en avoir été témoin, mais j'ai l'impression
qu'il y en a beaucoup qui l'ont vu. Donc, oui, il y a un risque de dévalorisation,
mais je pense que ce n'est pas l'élément principal à mon avis, là.
Mme Montpetit : J'aurais beaucoup
d'autres questions. Je vais vous en poser une dernière parce que j'ai mon collègue
aussi, hein, notre temps est toujours compté, qui souhaite vous en poser une,
mais je me demandais à quel point, dans les réponses qui vous ont été données, il
y a une méconnaissance du vieillissement. Au fond, nos perceptions sont basées justement
beaucoup sur des concepts erronés de ce qu'est le vieillissement, de ce qu'est
la démence. Est-ce que vous avez évalué, justement, comment c'est venu teinter
les réponses qui vous ont été données dans le cadre de cette étude-là?
Mme Bravo
(Gina) :Seulement indirectement. Vous
avez raison de dire que si les gens sont pour remplir des directives puis c'est
pour être autorisé, il faut que les gens soient bien informés quand même. En
même temps, je pense, c'est justement dans l'article en question où je rapporte
les commentaires des gens, je concluais en disant : Bien, il faut qu'il y
ait des efforts de faits pour qu'on ait une perception plus positive de la
démence. Et les évaluateurs disaient : Mais qu'est-ce qu'il y a de positif
là-dedans?
Donc, c'était comme pour dire : C'est
négatif, mais c'est la réalité. Bon, c'est sûr qu'un certain nombre de participants
ont parlé des déments heureux, qu'on appelle, donc, de ceux qui n'ont pas l'air
malheureux. Et il en existe. C'est surtout des médecins qui disaient ça. Moi,
j'en connais. Ça n'a veut pas dire que c'est la majorité. À ma connaissance, il
n'y a aucune publication qui nous dirait quelle proportion des personnes
atteintes de démence sont heureuses, mais on sait qu'il y en ait... qu'il y en a.
Et ça justifie encore davantage dans sa directive de bien décrire ce qui est
pour nous inacceptable. Est-ce que d'être un dément heureux, puis je m'excuse
d'utiliser cette expression-là, mais c'est comme une expression qui est
utilisée, est-ce que, de savoir que je vais peut-être avoir... ne pas être
malheureuse que je ne le voudrais pas à ce moment-là? Est-ce que je dis, si je
suis une démente heureuse, je vais continuer alors jusqu'à la fin? Ça va être
moins dur pour tout le monde que d'accélérer mon décès. Ou je vais... Ne
donnez-moi pas d'antibiotiques si j'ai une pneumonie, je partirai comme ça
plutôt qu'avec un geste d'aide médicale à mourir.
Mais, donc, effectivement, il y en a, des
personnes pour qui ça peut bien se passer, mais vous savez, le problème, c'est
on ne sait pas de quel groupe on... à quel groupe...
Mme Bravo
(Gina) : ...mon décès ou je vais... Donnez-moi pas
d'antibiotiques si j'ai une pneumonie, je partirai comme ça plutôt qu'avec un
geste d'aide médicale à mourir.
Mais donc, effectivement, il y en a, des
personnes pour qui ça peut bien se passer, Mais, vous savez, le problème, c'est
on ne sait pas à quel groupe on va appartenir. On ne le sait pas d'avance, il
n'y a personne qui va être capable de prédire : Telle personne, ça va bien
se passer. Je pense que c'est invraisemblable, là, même au niveau scientifique.
Alors, il va falloir plus décrire. Si je suis dans telle situation, je ne
voudrais pas le vivre et je voudrais que vous me donniez l'aide médicale à
mourir dans ce cas-là.
Mme Montpetit : ...je
vous remercie.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci. Je passerais la parole au député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme
la Présidente. Et merci, Mme Bravo, pour qualité de vos interventions. Ça
alimente nos réflexions de façon très importante.
Écoutez, c'est confrontant d'entendre... peut-être
pas surprenant, mais que, lors de votre sondage... vous avez l'air de prendre
en ligne de compte l'anticipation de la qualité ou le manque de qualité de
services qui les attendaient. Bon, compte tenu de nos derniers 18 mois et
même bien avant, on soit clair que c'est confrontant, quelque part. Et évidemment
on ne veut pas que, quelque geste collectif qu'on prenne, on se libère de la responsabilité
de faire tellement mieux.
Mais, dans le contexte de nos discussions,
en même temps, je ne veux pas du tout minimiser ce constat-là, mais est-ce que
vous avez mesuré combien d'ampleur ça prenait? Parce que c'est une chose circonstancielle,
en quelque part, à part de la décision comme telle, de dire : Dans une
telle souffrance, j'aimerais mettre fin à ma vie. Est-ce que vous avez qualifié
et quantifié l'ampleur de cette préoccupation-là?
Mme Bravo
(Gina) : Excellente question. Réponse, non. Et je ne sais pas
comment on ferait ça, scientifiquement parlant. Mais votre question est très,
très, très pertinente.
Ce qui est un peu encourageant, c'est que
ce volet-là de qualité de soins, il s'améliore. C'est-à-dire, on peut
l'améliorer, on peut faire des efforts en ce sens. Et je pense que tout ce qui
s'est passé avec la COVID va extrêmement nous motiver. La politique de
Mme Blais, qui est tout à fait indépendante de la COVID, on avait commencé
nos travaux avant que la pandémie entre. Donc ça, c'était déjà dans les
cartons. Ce sont tous des efforts qui vont dans la même direction.
J'ai des discussions avec mes collègues
par rapport à cette balance dont vous parlez, qualité des soins versus la
maladie elle-même. Et c'est difficile de savoir dans quelle mesure ça
influence. Mon «gut feeling», là, ça vaut ce que ça vaut, mais c'est que la
peur de la maladie est encore plus grande, en fait. Est-ce que, si on arrête...
puis ça revient un peu à la description que donnait Mme la présidente tout à
l'heure d'être au stade sept, tout recroquevillé sur soi-même dans son lit,
complètement déconnecté, ça, ça n'a rien à voir avec la qualité des soins, là,
je pense... bien... peut-être...
Mme Bravo
(Gina) : …mais c'est que la peur de la maladie est encore plus
grande, en fait. Est-ce que si on avait, puis ça revient un peu à la
description que donnait Mme la Présidente tout à l'heure, d'être au stade 7,
tout recroquevillé sur soi-même dans son lit, complètement déconnecté, ça, ça
n'a rien à voir avec la qualité des soins, bien, on pourrait peut-être faire en
sorte que ça, ça se passe bien, mais il reste que pour beaucoup de gens, ça n'a
pas beaucoup de sens. Donc, je pense que si j'avais à… si vous me forcez à
choisir entre la qualité des soins puis la maladie elle-même, j'aurais tendance
que la maladie elle-même a davantage de poids. Et je me réjouis du fait que la
qualité des soins, on peut socialement faire des efforts pour que ça, ça ait un
poids zéro idéalement dans un monde idéal, si vous voulez.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, M. le député. Donc, je céderais la parole maintenant au
député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme
la Présidente. Merci, Mme Bravo, pour votre présentation très complète, comme
le disait ma collègue de Joliette, vous avez fait un beau tour d'horizon. Sur
la question d'inaptitude, si je comprends bien la position qui est la vôtre,
vous, grosso modo, là, si je schématise, vous souhaitez que ce soit possible pour
les gens d'exprimer un consentement anticipé, mais vous souhaitez qu'il soit
quand même relativement détaillé, assez descriptif, pas seulement cocher des
cases comme vous l'aviez vous-même dit. Vous dites également qu'il faudrait
qu'il y ait une manière d'évaluer qu'il y a une souffrance objective, trouver
une manière d'objectiver la souffrance des gens pour qu'on puisse venir comme
valider, dans le fond, la description qui avait été faite antérieurement par la
personne quand elle était apte.
• (16 h 50) •
Puis vous ajoutez également la question
d'un certain consensus médical puis au sein des proches, puis si j'essaie de
schématiser votre réflexion, vous me dites, si tout ça se produit, on a quelque
chose… on a un fondement solide pour procéder à l'aide médicale à mourir pour
quelqu'un qui est dans une situation d'inaptitude. Si j'ai bien compris votre
raisonnement, ma question serait la suivante : Si on a tout rempli ces
conditions-là, donc un consentement anticipé, détaillé et précis, on constate
que les souffrances, de manière relativement objective, là, je ne sais pas, là,
je veux dire, ce ne sera pas… ce ne sera jamais une science exacte, on ne peut
pas être dans la tête de la personne, mais il y a quand même des procédures qui
existent et qu'il y a consensus, mais que la personne, soit dans un moment de
lucidité, soit dans un autre contexte, exprime, elle, un refus, à ce moment-là,
qu'est-ce qui devrait se passer selon vous? La personne est déjà jugée inapte,
mais pour une raison ou une autre elle émet comme un non-consentement à l'égard
de l'aide médicale à mourir. Qu'est-ce qu'on fait si ça se passe?
Mme Bravo
(Gina) : C'est une bonne question, mais vous avez bien résumé
ma position, là, en fait, avec toutes les nuances qui s'imposent, mais je pense
que c'est un résumé qui est exact. Votre intervention, je pense, fait référence
un peu à de la résistance, si quelqu'un s'oppose, qu'on est prêt à
l'administrer, c'est une forme probablement de résistance. Encore une fois,
moi, mon attitude est comme guidée…
Mme Bravo
(Gina) : …en fait, avec toutes les nuances qui s'imposent, mais
je pense que c'est un résumé qui est exact. Votre intervention, je pense, fait
référence un peu à de la résistance, si quelqu'un s'oppose, qu'on est prêt à
l'administrer, c'est une forme, probablement, de résistance.
Encore une fois, moi, je… mon attitude est
comme guidée par une espèce de trait de personnalité où j'ai tendance à être
plus prudente, et donc, je pense que le refus devrait être respecté. Les
spécialistes vont parfois dire — et il faut tenir compte de leur avis
davantage du mien — que des refus peuvent ne pas être fondés dans ces
situations-là et c'est pour ça qu'un autre élément de votre réflexion, puis
vous l'avez peut-être déjà fait, c'est : Est-ce que vous allez exiger un
expert, en fait, dans le sujet? Dans le dossier, y aura-t-il… comme, par
exemple, Mme la Présidente parlait des problèmes de santé mentale, on exigeait
qu'il y ait des psychiatres, si ce n'est pas ici, au Québec, là, dans d'autres
pays, qu'il y ait un spécialiste vraiment de cette maladie-là à l'origine de la
souffrance pour bien la comprendre, pour pouvoir voir que c'est une souffrance
réelle.
Donc, dans le cas des résistances, vous
avez probablement vu, suite aux cas dont je parlais des Pays-Bas, avec le… qui
ont baptisé l'euthanasie-café, donc, avec le sédatif mis dans le café, ils
viennent juste de sortir la règle que oui, le sédatif dans le café va être
permis. Donc, c'est pour empêcher cette résistance-là. Est-ce que vous allez
aller dans ce sens-là? Est-ce que, peut-être, ce n'est pas dans une loi qu'on
va parler de ça, mais plutôt dans les guides de pratique? Parce que c'est
comme… c'est l'acte… c'est la façon de faire l'acte lui-même, mais suite aux
cas dont je vous parlais, la recommandation qui a été faite par la commission
aux Pays-Bas, c'est d'autoriser le sédatif pour empêcher que la personne
résiste dans ce cas-là. Moi, ça me donne un petit peu des frissons, mais c'est
peut-être parce que je ne suis pas clinicienne puis je ne suis pas auprès des
patients quotidiennement.
Donc, j'aurais tendance à dire : Dans
le doute, n'y allons pas, mais je pense que si vous posez la même
question — puis vous l'avez peut-être déjà fait — à des
spécialistes de la maladie, ils vont peut-être vous répondre : Il ne faut
pas donner trop d'importance à ce refus-là, qui ne serait comme pas fondé.
Alors, là, c'est la limite de mon expertise, là, que je vous expose.
M. Nadeau-Dubois : Oui. Bien,
c'est, en effet…
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, M. le député. C'est tout le temps qui nous restait avec
Mme Bravo. Donc, merci infiniment de votre présence avec nous cet
après-midi, Mme Bravo.
Et nous suspendons les travaux quelques
instants le temps d'accueillir notre nouvelle invitée.
(Suspension de la séance à 16 h 54)
17 h (version non révisée)
(Reprise à 17 heures)
(Visioconférence)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous sommes de retour. Merci, tout le monde. Je souhaiterais la bienvenue
à Mme Danielle Chalifoux.
Donc, vous aurez 20 minutes pour
faire votre exposé, et par la suite vous aurez un échange avec les membres de
la commission pour 40 minutes. Donc, je vous cède la parole.
Mme Chalifoux (Danielle) :
Alors, merci beaucoup, Mme la Présidente, Mmes MM. les députés et ministre,
merci de m'avoir invitée à participer aux auditions de la commission.
Je suis présidente de l'Institut
de planification des soins du Québec. C'est un organisme qui a pour mission d'informer et de soutenir, tant les personnes plus
vulnérables que leurs aidants, les organismes et plus généralement le public qui fait appel à nous en matière de
droit de la santé. À ce titre, j'ai présenté de multiples conférences un peu
partout au Québec depuis une dizaine
d'années, ce qui m'a permis de recueillir les opinions et aussi de mieux
comprendre les problématiques qui préoccupent les gens quant à l'aide médicale
à mourir et aux demandes anticipées, ainsi que pour les personnes atteintes de
maladies mentales.
J'ai aussi pratiqué en soins
infirmiers dans des CHSLD et dans des maisons de soins palliatifs, ce qui m'a
permis de me rapprocher de la réalité terrain des personnes atteintes de diverses
maladies chroniques et celles en fin de vie. Aussi, mon intervention devant
vous aujourd'hui se situe, oui, au
niveau du droit, mais tient compte aussi de mon expérience terrain à titre de
conférencière, mais aussi de professionnelle en soins infirmiers, je suis
retraitée depuis quelques années tout de même, et aussi à titre de citoyenne.
Vous avez probablement devant vous une copie de PowerPoint
que j'aurais aimé vous présenter, mais apparemment ce n'est pas possible.
Alors, je vais suivre ce plan détaillé et j'espère que vous allez me suivre moi
aussi de la même façon. Il n'est pas complet, j'ai pensé présenter les choses
qui me tenaient le plus à coeur puis je vous laisserai ensuite la possibilité de me poser toutes les questions que
vous voulez.
Alors, l'état de la situation, on va commencer par ça suite à
l'affaire Gladu-Truchon et à la loi C-7, bien, la déclaration
d'inconstitutionnalité de la notion de fin de vie ou de la mort naturelle
raisonnablement prévisible, consiste en un changement fondamental dans la
perception autant que dans l'application de la Loi
concernant les soins de fin de vie. On aurait pu souhaiter, dont je suis, que
la notion de fin de vie soit maintenue dans une acception plus large et plus
inclusive, mais l'absence de définition et l'arbitraire de son application ont
mené à sa disparition en matière d'aide médicale à mourir. Alors, le jugement
en question s'applique au Québec et pas dans toutes les provinces, comme vous
le savez, donc c'est C-7 qui pourvoit pour le reste du Canada.
La notion de fin de vie dans
la Loi concernant les soins de fin de vie était un genre de notion
parapluie, hein, comprenant et les soins palliatifs autant que l'aide médicale
à mourir, et sa disparition ouvre la porte à toute une...
(Visioconférence)
Mme Chalifoux (Danielle) :
...C-7 qui pourvoit pour le reste du Canada. La notion de fin de vie dans a Loi
sur... concernant les soins de fin de vie était un genre de notion parapluie,
hein, comprenant et les soins palliatifs autant que l'aide médicale à mourir,
et sa disparition ouvre la porte à toute une panoplie de maladies, d'affections
ou de handicaps.
On pense tout de suite aux maladies
neurodégénératives comme l'alzheimer, ou la maladie de Parkinson, ou la
sclérose en plaques. Mais cela inclut aussi des maladies auxquelles on ne
penserait pas au premier abord comme, j'en cite quelques-unes, là, par exemple,
la polyarthrite rhumatoïde sévère, la fibrose kystique, le diabète, etc., et ce
que l'on considère également comme des handicaps qui sont acquis ou innés dont la
paralysie cérébrale dont souffrait feu M. Jean Truchon, et des
séquelles de maladies infectieuses comme la poliomyélite qui est la maladie
dont Mme Nicole Gladu est atteinte.
Alors, en ce qui concerne les modifications
qui sont contenues dans C-7, il y a des conséquences. Moi, j'ai interprété
certaines dispositions concernant le renoncement au consentement final à l'aide
médicale à mourir qui est dans C-7 comme, si vous voulez, une façon d'avoir
avalisé le principe des demandes anticipées puisque c'est une demande qui est quand
même anticipée même si elle n'est pas anticipée pour une très longue période,
mais avec une entente préalable, et je trouve que ça ressemble énormément aux
demandes anticipées finalement. Et les conséquences sur les personnes atteintes
de maladies mentales, mais, comme vous le savez, suite aux propositions du
Sénat, il y a eu un genre d'acquiescement à permettre l'aide médicale à mourir
aux personnes atteintes de maladies mentales, mais sujettes à des études supplémentaires
après une période, là, qui va être d'à peu près... ou qui va être de
24 mois. Alors, je vais en reparler un petit peu plus loin.
Alors, je vais aborder maintenant les
conséquences et sur la rédaction et sur la terminologie de la Loi concernant
les soins de fin de vie et les modifications qui, à notre sens, sont les
plus... enfin que, nous, on a trouvé importantes, là. Il y en a énormément beaucoup.
Je m'étais amusée à calculer le nombre de fois où la mention de notion de fin
de vie est répertoriée dans la loi, puis j'en avais compté, je pense, plus de
25, alors il y en a beaucoup. Il va falloir évidemment voir si ça s'applique
encore toujours.
Alors, la disparition du critère de fin de
vie change fondamentalement, comme j'ai dit tout à l'heure, la manière de percevoir
l'aide médicale à mourir non plus seulement comme un soin de fin de fin de vie,
mais comme un soin tout court dont les personnes peuvent se prévaloir alors, maintenant,
si elles sont atteintes d'une maladie grave et incurable, qu'elles respectent
les conditions d'aptitude, de souffrance et qu'elles présentent un déclin important
de leurs capacités dont je vais parler aussi tout à l'heure parce que je trouve
que c'est très important. Il faut donc, selon nous, que cela se répercute clairement
dans l'ensemble de la loi.
Tout d'abord, dans son intitulé, la Loi
concernant les soins de fin de vie devrait-elle être modifiée pour y inclure
l'aide médicale à mourir? Nous, on pense que ça serait peut-être une façon de
voir les choses, de conserver la Loi concernant les soins de fin de vie…
Mme Chalifoux (Danielle) :
...importante. Il faut donc, selon nous, que cela se répercute clairement dans
l'ensemble de la loi. Tout d'abord, dans son intitulé, la Loi concernant les
soins de fin de vie devrait-elle être modifiée pour y inclure l'aide médicale à
mourir? Nous, on pense que ce serait peut-être une façon de voir les choses de
conserver la Loi concernant les soins de fin de vie et d'y ajouter «et l'aide
médicale à mourir».
Dans certaines définitions aussi, comme à l'article
3, au troisième paragraphe, qui dit que les soins de fin de vie englobent à la
fois l'aide médicale à mourir et les soins palliatifs, à ce moment-là, il
faudrait modifier ça aussi, de même qu'au sixième paragraphe de l'article 3,
qui définit l'aide médicale à mourir comme étant un soin de fin de vie, bien,
évidemment, il va falloir probablement modifier, actualiser cette définition
aussi. Alors, il y a beaucoup de modifications de concordance, parce que dans
certains cas, si on parle de soins palliatifs, bien, on maintient la… La
sédation palliative continue, bien, c'est sûr que ça ne se fait qu'en fin de
vie. Alors, à ce moment-là, il faut maintenir aussi. Alors, il y a tout un
travail de concordance à faire. Mais nous, à l'institut, on a aussi relevé deux
autres modifications qu'on trouve… Évidemment, il y a aussi celle de la
condition de l'article 26, au troisième paragraphe, là, il va sans dire qu'il
faut la trancher.
Maintenant, quant aux maisons de soins
palliatifs, moi, je voulais simplement vous signer aussi qu'il y a un article
13 qui est rédigé comme suit dans la loi. On dit: «Les maisons de soins
palliatifs déterminent les soins de fin de vie qu'elles offrent dans leurs
locaux.» Nous savons tous que, maintenant que La Maison Michel-Sarrazin, qui
est le chef de file dans ce domaine, a accepté que l'aide médicale à mourir
soit administrée dans ses locaux, ça a un effet d'entraînement sur toutes les
maisons de soins palliatifs. On croit que cet article a vraiment perdu sa
pertinence, va épingler ces maisons-là plutôt que tous les autres
établissements où il y a de l'aide médicale à mourir maintenant, de même que le
fameux article 72 de la Loi concernant les soins de fin de vie, qu'on appelait
communément «la clause Michel-Sarrazin», mais qui n'a plus non plus sa
pertinence, puisque Michel-Sarrazin a décidé d'offrir l'aide médicale à mourir
dans ses locaux. Donc, on n'a plus besoin de cette exception-là, qui avait été
faite pour La Maison Michel-Sarrazin.
Maintenant, je voudrais vous parler aussi…
On trouve très importantes, nous, les quelques considérations
constitutionnelles, malgré que nous ne sommes pas des constitutionnalistes,
mais C-14 et C-7 sont des lois qui modifient le Code criminel, ce sont des
exceptions au Code criminel à l'effet d'y retrancher l'aide médicale à mourir
sous certaines conditions de fond. Alors donc, c'est une décriminalisation de
l'aide médicale à mourir sous certaines conditions. Ça, c'est tout à fait
légitime, c'est du ressort du palier fédéral, mais j'aimerais paraphraser ici
le professeur Patrick Taillon, que probablement plusieurs d'entre vous
connaissent ou vont connaître peut-être, s'il va vous entretenir de certaines
choses au niveau constitutionnel: «À mesure que la…» Il disait il n'y a pas
longtemps, je l'entendais parler: «À mesure que la décriminalisation…
Mme Chalifoux (Danielle) :
…mais j'aimerais paraphraser ici le professeur Patrick Taillon que probablement
plusieurs d'entre vous connaissent ou vont connaître peut-être s'il va vous
entretenir de certaines choses au niveau constitutionnel. Il disait il n'y a
pas longtemps, je l'entendais parler : À mesure que la décriminalisation
s'effectue en matière d'aide médicale à mourir, la compétence fédérale diminue,
et c'est la compétence provinciale en santé qui prend le relais. Et nous, on
est absolument d'accord avec ça. Ça fait que, même si le palier fédéral, dans
un souci d'harmonisation et d'uniformisation pour le Canada entier a empiété
sur la compétence provinciale, il n'en demeure pas moins que la santé, la
gestion de la santé, les professions, c'est tout du domaine provincial, et la
loi sur l'aide médicale à mourir a modifié le Code criminel au niveau fédéral,
mais n'a pas modifié, selon nous, le Code civil, en tout cas, qui est notre
compétence à nous.
• (17 h 10) •
Alors, je trouve que… ce raisonnement pour
nous vaut pour les directives anticipées éventuelles que vous pourriez décider
d'inclure dans la loi et pour les règles qui régissent aussi les maladies mentales.
Alors, en conséquence, nous croyons que le Québec peut légiférer d'emblée dans
ces deux domaines qui sont de son ressort exclusif sans devoir être à la
remorque du palier fédéral, comme d'ailleurs on l'a déjà fait quand, on s'en
souvient, lors de l'adoption de la Loi concernant les soins de fin de vie
puisqu'on a été les premiers a adopté une loi au Canada à cet égard-là.
Maintenant, je vais aborder la pratique de
l'aide médicale à mourir et l'effet de la disparition de la notion de fin de
vie. Selon nous, et je pense que c'est assez évident, il va y avoir un
accroissement des demandes, il va y avoir une variété de demandes qui vont
entraîner probablement une complexité accrue de l'évaluation. Parce que, là, on
n'a plus ce critère de fin de vie, donc on va avoir un critère qui, selon nous,
n'est pas nécessairement aussi très, très clair, je vais vous en parler tout à
l'heure.
Et, de plus, si jamais on permettait les
demandes anticipées, cela augmenterait le niveau de difficulté, parce que
l'évaluation du bien-fondé de la demande, dans une demande anticipée, se fait
en deux temps, se fait au moment où la personne fait la demande et se fait
aussi au moment où la personne devrait normalement recevoir l'aide médicale à
mourir selon les critères qui ont été établis dans sa demande. Alors, donc, il
y a un niveau de difficulté, là, qui est accru aussi.
Et en matière de politique de rédaction de
loi, nous sommes aussi en faveur de l'élaboration à l'intérieur de la Loi
concernant les soins de fin de vie et possiblement l'aide médicale à mourir des
mesures strictes pour chacune des situations envisagées et non pas de laisser
la discrétion à des organismes divers que l'on ne voudrait pas voir prendre la
place du législateur. On considère que la délégation trop grande à des
organismes fait que le législateur, d'une certaine façon, donne un peu ses
pouvoirs à ces organismes-là et devrait plutôt assumer pleinement son rôle,
alors donc on est en faveur d'une loi détaillée, un peu comme il a été fait…
Mme Chalifoux (Danielle) :
...que la délégation trop grande à des organismes font que le législateur,
d'une certaine façon, donne un peu ses pouvoirs à ces organismes-là et devrait
plutôt assumer pleinement son rôle. Alors donc, on est en faveur d'une loi détaillée,
un peu comme il a été fait déjà et comme tout le secteur, le chapitre des
directives médicales anticipées dans la loi le permet. C'est une loi qui vraiment,
selon moi, est... comporte tous les détails nécessaires pour que l'application
soit claire et précise.
Alors, je voudrais dire un mot aussi sur
la question du critère du déclin avancé des capacités comme condition
d'admissibilité à l'aide médicale à mourir parce qu'avec la disparition de la
question des soins de fin de vie proprement dits, bien, le critère du déclin
avancé des capacités prend plus d'importance. Parce qu'auparavant, étant donné
qu'il fallait évaluer que la personne était en fin de vie, elle était
nécessairement, disons, en déclin avancé de ses capacités. Alors, ce critère-là,
il est un peu passé sous le tapis, mais maintenant il prend une importance
assez primordiale.
Il faut signaler qu'il y a des juristes
qui trouvent que ce critère-là, qui n'est pas mentionné dans l'arrêt Carter, sa
constitutionnalité serait douteuse. Pour nous, on trouve que son caractère est
assez flou, parce que qu'est-ce que c'est qu'un déclin avancé des capacités? Ça
peut être très subjectif d'une personne à l'autre. Il y a certaines personnes
qui ont des déclins avancés des capacités qui vont continuer de vouloir vivre
jusqu'à la fin. D'autres sont plus susceptibles d'être vulnérables par rapport
à ça. Alors, j'entrevois des difficultés par rapport à ce critère-là.
Puis enfin, au niveau de l'évaluation de
l'aptitude à demander l'aide médicale à mourir, le fait qu'on a élargi
énormément avec la disparition du critère de fin de vie toutes les conditions
dans lesquelles on peut demander l'aide médicale à mourir, les handicaps, les
affections, tous les gens qui ne sont pas en fin de vie, la complexité d'évaluer
l'aptitude va être elle aussi augmentée et on a une proposition à vous faire à
cet effet-là.
Alors, si on se penche plus
particulièrement sur la problématique au niveau des demandes anticipées, est-il
superflu de mentionner qu'au Québec le consensus est déjà atteint à ce sujet
depuis plusieurs années? Mes nombreux entretiens et les interventions que je
fais ou que les gens me font lors des conférences que je présente régulièrement
ont toujours été hautement favorables aux demandes anticipées. Les sondages,
les consultations diverses sont aussi favorables.
Alors, je tiens à mentionner aussi que la
position officielle de la Société d'Alzheimer du Canada considère que les
personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ne cessent pas d'être des
personnes comme toutes les autres, qui ont des droits, dont celui de recevoir
l'aide médicale à mourir et à faire des demandes anticipées. C'est une position
officielle de la...
Mme Chalifoux (Danielle) : …que
la position officielle de la Société d'Alzheimer du Canada considère que les
personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ne cessent pas d'être des
personnes comme toutes les autres qui ont des droits, dont celui de recevoir l'aide
médicale à mourir et à faire des demandes anticipées. C'est une position officielle
de la Société d'Alzheimer elle-même, je trouve qu'il est important de la
considérer dans ce domaine-là.
Alors, en considération de tout ça, moi,
je pense que ça… les consultations, etc., devraient normalement avoir suffi et
que la commission devrait plutôt étudier… plutôt que d'étudier l'opportunité de
faire des demandes anticipées, elle devrait se pencher sur les conditions
auxquelles on devrait faire ces demandes anticipées là parce que je pense que
c'est admis, il y a un consensus par rapport à ça au Québec.
Ce qui m'amène à vous parler des
recommandations du groupe d'experts qui a été formé par le gouvernement
précédent et qui, pour les demandes anticipées, devraient être très utiles à la
formulation d'une loi éventuelle. Et j'aimerais apporter une précision à propos
des recommandations du groupe d'experts. Je voudrais attirer l'attention… votre
attention sur une position qui… j'étais membre, hein, de ce comité-là. Alors,
il y a une position qui n'a pas fait l'unanimité et j'aimerais vous en parler.
C'est à l'égard des personnes qui souffriraient de séquelles graves et
irrémédiables d'une maladie telle qu'un ACV, par exemple, pour pouvoir faire
une demande anticipée d'aide médicale à mourir en vue de leur inaptitude, et je
m'explique.
Le groupe d'experts a donné comme
obligation pour les personnes qui font une demande anticipée d'avoir déjà reçu,
au préalable, un diagnostic de maladie grave et incurable. Cela, comme vous
pouvez le constater, exclut automatiquement les victimes d'un évènement soudain
et imprévu tel un AVC ou un traumatisme crânien grave puisque ces personnes-là
n'auraient pas été en mesure de faire une demande anticipée parce qu'elles
n'ont jamais eu de diagnostic préalable. Cette exclusion nous semble, à l'Institut de planification des soins, être une atteinte injustifiée aux
droits de ces personnes.
D'ailleurs, cette condition
de diagnostic préalable visait, entre autres, une certaine actualisation de la
demande pour ne pas que la demande anticipée date de très nombreuses années.
Elle aurait peut-être perdu son actualisation. Alors, c'est compréhensible et
je crois que c'est acceptable pour les maladies dégénératives dont l'évolution
est prévisible, mais pour les séquelles graves et irréversibles d'un ACV, par
exemple, je crois qu'on pourrait exiger, si on veut absolument avoir une
actualisation, une autre forme, dont un renouvellement de la demande anticipée
à tous les cinq ans.
Bien, je vous soumets que
requérir une actualisation, ce n'est pas nécessairement une position, disons…
il n'y a pas d'obligation par rapport à ça parce que ne pas le faire… comme,
par exemple, il n'y a personne qui exige qu'on réactualise notre testament à
tous les cinq ans, etc. C'est laissé aux personnes, la responsabilité de le…
Mme Chalifoux (Danielle) :
...ce n'est pas nécessairement une position, disons... Il n'y a pas d'obligation
par rapport à ça parce que... ne pas le faire, comme par exemple, il n'y a personne
qui exige qu'on réactualise notre testament à tous les cinq ans, etc. C'est
laissé aux personnes, la responsabilité de le faire elles-mêmes au moment où
elles le trouvent propice, selon les circonstances et les situations de la vie.
Alors donc, pour ça, moi, je pense qu'il y aurait lieu de distinguer entre
diverses situations pour les demandes anticipées si on veut garder cette obligation-là
d'avoir un diagnostic préalable.
Maintenant, je disais tout à l'heure, et je
pense que c'est aussi important, que l'évaluation de l'aptitude est une
condition essentielle et incontournable, et nous pensons que refuser l'aide
médicale à mourir parce que l'aptitude ou l'inaptitude a été mal évaluée, bien,
d'abord, c'est une atteinte aux droits et ça devrait normalement ne pas se
produire.
Par ailleurs, on a constaté, en tout cas,
moi, je l'ai constaté comme infirmière, mais il y a des chercheurs, là, qui
m'appuient là-dessus qui constatent que, quand on est en communication avec des
personnes dans le système de santé ou qu'on voit... moi, en matière de soins de
fin de vie, je l'ai vu aussi assez souvent, l'évaluation de l'aptitude laisse souvent
à désirer, n'est pas faite selon des critères vraiment objectifs et, pour des
problématiques particulières, ça représente un certain défi.
Je vous donne un exemple, la maladie
d'Alzheimer et l'évolution... l'aptitude et son évaluation doit être
rigoureuse, et ce n'est pas parce qu'une personne a la maladie d'Alzheimer que nécessairement
elle est inapte, n'est-ce pas? Mais, par ailleurs, il faut tenir compte de
certains facteurs et il faut mettre les conditions favorables à reconnaître son
aptitude pour ne pas la préjudicier par rapport à ça. Alors, il faut tenir
compte de certaines choses, comme par exemple, des intervalles lucides. Il faut
tenir compte aussi du fait qu'il y a certaines situations dans la maladie
d'Alzheimer. Il y a... Je ne sais pas s'il y en a qui ont déjà entendu parler
du syndrome crépusculaire, mais il y a certaines périodes dans la journée où
les personnes sont plus vulnérables que d'autres. • (17 h 20) •
Et j'assistais à un webinaire de la société
canadienne des... je vais le dire en anglais parce que tout le monde le dit en
anglais, là, Canadian Association of MAID Assessors and Providers, il n'y a pas
longtemps, où on parlait justement de cette difficulté d'évaluation, mais les
médecins qui faisaient la conférence disaient que ça prend des connaissances
pointues de la maladie d'Alzheimer pour pouvoir vraiment évaluer l'aptitude
d'une personne. Ça devrait se faire au moyen de plusieurs entrevues dans un
milieu favorable et sécurisé, par exemple, avec la présence des proches, qui
serait rassurante, etc. Alors, ce n'est pas une mince affaire, puis je pense
qu'on n'est pas outillés dans le moment vraiment pour faire des évaluations de
cette ampleur-là, et je pense qu'il va falloir faire quelque chose par rapport
à ça.
Et dans l'aptitude et les troubles
mentaux, j'ai toujours plaisir à mentionner un arrêt de la Cour suprême, qui
date déjà de plusieurs années, qui s'appelle Starson...
(Visioconférence)
Mme Chalifoux (Danielle) :
...affaire, puis je pense qu'on n'est pas outillés, dans le moment, vraiment
pour faire des évaluations de cette ampleur-là. Et je pense qu'il va falloir
faire quelque chose par rapport à ça.
Et dans l'aptitude et les troubles
mentaux, j'ai toujours plaisir à mentionner un arrêt de la Cour suprême qui
date déjà de plusieurs années, qui s'appelle Starson contre Swayze, où la Cour
suprême a reconnu que malgré le fait qu'une personne est atteinte d'un trouble
mental ou d'une maladie mentale sérieuse, elle peut très bien être apte à
prendre des décisions éclairées, et dans ce cas, il s'agissait d'un professeur
qui s'appelait le Pr Starson, qui était atteint d'une maladie bipolaire sévère
pour laquelle il avait été hospitalisé à plusieurs reprises, et n'empêche que
la Cour suprême a dit que cette personne-là, elle pouvait faire des choix
éclairés. En l'occurrence, c'était pour refuser une médication qu'il ne voulait
pas prendre parce que ça compromettait toutes les recherches qu'il était en
train de faire parce qu'il n'avait pas la même acuité mentale que normalement,
il aurait dû avoir.
Il y a un autre volet aussi, c'est
l'aptitude et le léger retard de développement mental. Je tenais à en parler
parce que c'est assez délicat. Mais j'ai pris connaissance d'une étude de la
professeure psychologue, Mme Giard, qui a analysé, justement, l'aptitude
des personnes qui ont un retard de développement mental dans le cadre de leur
capacité à consentir à participer à un projet de recherche. Donc, elle en
venait à la conclusion que l'évaluation… ces personnes-là pouvaient avoir une
certaine aptitude pour une fin particulière, là. Ici, c'est un projet de
recherche, mais ça pourrait aussi bien être l'aide médicale à mourir, mais
qu'on devait tenir compte de circonstances et de caractéristiques particulières
que l'évaluation devait être faite de façon aussi, là, rigoureuse et pour
qu'elle ne soit pas préjudiciable à ces personnes-là.
Puis elle mentionnait… j'espère que je
n'irais pas… que je vais avoir le temps de tout vous dire, mais en tout cas, on
ira aux périodes de questions quand le 20 minutes sera terminé, Mme la
Présidente, là, je compte sur vous pour m'aviser.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Allez-y. Le 20 minutes est terminé, mais c'est vraiment intéressant, ce
que vous dites.
Mme Chalifoux (Danielle) : Ah
oui? Bien, écoutez…
La Présidente (Mme Guillemette) :
Allez-y, Mme Chalifoux.
Mme Chalifoux (Danielle) :
Parfait. Alors, donc, par exemple, les personnes qui ont un léger retard mental
ont souvent la propension à vouloir dire comme nous, à vouloir accepter…
essayer de faire une réponse qui va nous convenir à nous, la personne qui
interroge, plutôt qu'elle. Donc, c'est tous des facteurs qui font qu'il y a
besoin d'une évaluation, de personnes qui sont vraiment … dans les situations
particulières. Et c'est là que nous avons une recommandation, qui est de créer
un centre d'expertise gouvernemental en aide médicale à mourir, en général, qui
pourrait s'adresser un peu au modèle de la Colombie-Britannique, là, dont je
vous parlais tout à l'heure, l'Association of MAID Assessors and Providers,
dont certains médecins québécois font partie, mais qui est beaucoup, je dois le
dire, orientée du côté anglophone.
Alors, je penserais que cette…
Mme Chalifoux (Danielle) :
...général qui pourrait s'adresser un peu au modèle de la Colombie-Britannique,
là, dont je vous parlais tout à l'heure, l'Association of MAID Assessors and
Providers, dont certains médecins québécois font partie, mais qui est beaucoup,
je dois le dire, orientée du côté anglophone. Alors, je penserais que cette
façon de créer un centre d'expertise qui est de la formation, de l'information,
du mentorat pour les médecins, mais pour d'autres professionnels de la santé,
même des administrateurs en santé sont membres aussi, pour des chercheurs, pour
encourager la recherche, notamment, justement, en évaluation de l'aptitude et
autant que pour l'aide médicale à mourir en général. Et ils ont un volet de
soutien et d'information aux personnes, au public en général qui envisage de
demander l'aide médicale à mourir. Alors, je considère que la commission aurait
peut-être avantage à se pencher sur, éventuellement, la formation d'un comité
d'experts de ce genre qui pourrait former et informer, mentorer aussi les
personnes qui donnent l'aide médicale à mourir.
Je vais passer très rapidement, parce que
mon temps est écoulé, sur l'aide médicale à mourir et les personnes dont la maladie
mentale est la seule condition invoquée, parce que je suis sûre que vous allez
entendre l'Association des médecins psychiatres du Québec et qui, vraiment,
fait un travail remarquable, Mme Gupta, qui est la porte-parole, en
général explique de façon très claire les conditions auxquelles les personnes
qui ont des maladies mentales qui sont récalcitrantes, qui sont chroniques et
qui, évidemment, de ce fait-là, auraient duré pendant des années et des années
et qui en feraient des maladies graves et incurables. Et je pense que je vais
terminer là-dessus puis je prendrai vos questions après.
Nous sommes favorables, dans le cadre des
conclusions de ce rapport de l'association des psychiatres québécois, nous, à
ce que les personnes qui souffrent de maladies mentales puissent avoir l'aide
médicale à mourir, et je ne crois pas qu'on devrait redouter les abus. Parce
que dans une récente conférence que la Dre Hermance , qui est Belge et qui
était au symposium de consultations que le gouvernement a entreprises à ce
sujet-là il n'y a pas tellement longtemps, nous disait que, dans les
Pays-Bas... moi, j'ai fait un peu un petit calcul rapide, là, je suis très
mauvaise en calcul, mais, en tout cas, j'en ai conclu, là, de ces chiffres que,
tant pour les maladies dégénératives que pour les troubles mentaux, aux
Pays-Bas, il n'y a pas plus que 3,6 % des personnes qui ont l'aide
médicale à mourir sur le nombre total des aides médicales à mourir pour ces
personnes-là, et qu'en Belgique c'est encore moins, c'est 2 %. Alors, je
trouve que ces pourcentages-là sont rassurants, finalement, parce que des abus,
est-ce qu'on doit les craindre? Je ne croirais pas.
Par ailleurs, disons que la situation des
soins en santé mentale est déplorable, au Québec comme ailleurs, d'ailleurs, un
peu partout, et que l'un n'irait pas sans l'autre. Comme on a fait dans le cas
de l'aide médicale à mourir et les soins palliatifs, il faut absolument que le
même scénario se reproduise pour que l'augmentation de la qualité...
Mme Chalifoux (Danielle) : …la situation
des soins en santé mentale est déplorable au Québec comme ailleurs, d'ailleurs,
un peu partout et que l'un n'irait pas sans l'autre. Comme on a fait dans le
cas de l'aide médicale à mourir et les soins palliatifs, il faut absolument que
le même scénario se reproduise pour que l'augmentation de la qualité et de
l'accessibilité des personnes qui ont des troubles mentaux puisse se faire en
parallèle avec l'acceptation de l'aide médicale à mourir. Alors, je vais
m'arrêter ici puis je vais prendre vos questions.
La Présidente (Mme Guillemette) :
On va passer à la période de questions, je suis certaine que ça va répondre à
ce qui reste. Donc, je cède la parole au député de Chomedey.
M. Ouellette : Merci, Mme la
Présidente. Me Chalifoux, c'est rafraîchissant de vous entendre, mais je pense
que la lecture que j'en fais, c'est que, vous savez, on a un mandat qui est
très circonscrit, qui est très restreint, et je pense que, dans notre rapport,
il va falloir tenir compte de mesures d'accompagnement, de mesures de contrôle,
de mesures d'encadrement qui vont être très importantes, mais… et je lisais,
dans vos recommandations, comment, dans la deuxième partie de notre mandat, on
va rencontrer des citoyens, comment, pour vous, c'est important parce que,
est-ce que je me trompe en vous disant que vous nous encouragez à aller plus
loin que C-7, au lieu d'arrimer avec C-7, être encore les précurseurs…
Mme Chalifoux (Danielle) :
Voilà.
M. Ouellette : …dans les
directives médicales ou dans l'aide médicale à mourir? Et pour la minute qui me
reste, je vous laisse ce temps-là pour voir si ma lecture est correcte.
Mme Chalifoux (Danielle) :
Oui, votre lecture est parfaite, et puis quand je voyais la commission sur les
soins de fin de vie faire son rapport et nous rapporter qu'elle avait interrogé
trois personnes seulement qui étaient visées par des troubles mentaux pour
avoir leur opinion par rapport à beaucoup d'autres organisations, je trouvais
ça un peu… pas assez, là. Je dois vous dire que je trouve que les premières
personnes qui sont visées là-dedans, c'est les personnes qui sont atteintes de
troubles mentaux, puis il faudrait que la commission trouve un moyen, tout en
respectant leur vie privée évidemment, je pense, ce n'est pas des gens qui vont
vouloir venir sur la sellette et être, ensuite de ça, interrogés par des
journalistes, et tout, là, il faudrait trouver un moyen de savoir exactement
comment ces personnes-là réagissent à cette éventualité, je trouve que c'est
très important.
Je trouve que la consultation citoyenne,
dans ce domaine-là, est encore à faire et, en tout respect… et je peux
comprendre, il y a certains organismes quelquefois qui sont à la défense de
personnes qui n'ont peut-être pas tout à fait la même façon d'entrevoir les
choses que les citoyens eux-mêmes. C'est déjà arrivé dans le passé avec l'aide
médicale à mourir, c'est possible aussi que ça arrive, là, je ne veux pas viser
personne en particulier, mais que ça arrive aussi pour des personnes dont la
maladie mentale est la seule pathologie invoquée. Et, oui, j'irais directement,
comme on l'a déjà fait, au terme des travaux de la commission, à faire quelque
chose, à ce niveau-là, sans attendre le fédéral.
• (17 h 30) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Merci…
17 h 30 (version non révisée)
Mme Chalifoux (Danielle) :
...que ça arrive aussi pour des personnes dont la maladie mentale est la seule
pathologie invoquée. Et, oui, j'irais directement, comme on l'a déjà fait, au
terme des travaux de la commission, à faire quelque chose à ce niveau-là sans
attendre le fédéral.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci beaucoup. Merci, M. le député. Je
céderais maintenant la parole au député de Mégantic.
M. Jacques : Bien, merci,
Mme la Présidente. Et bonjour, Mme Chalifoux.
Mme Chalifoux (Danielle) :
Bonjour.
M. Jacques : Plaisir de
vous voir aujourd'hui. Vous avez parlé d'AVC, de consentement...
Mme Chalifoux (Danielle) :
Oui.
M. Jacques : ...précédant
la maladie, là. On en a parlé beaucoup, là, depuis... depuis les deux journées,
puis c'est un...
Mme Chalifoux (Danielle) :
Ah oui?
M. Jacques : Oui, oui, ça
fait plusieurs fois qu'on en parle. Donc, je voulais revenir là-dessus parce
qu'on parle, là, de... Il y en a qui vont parler de consentement suite à la
maladie. Il y en a d'autres qui vont parler de consentement avant la maladie.
Donc, on pourrait mettre ça, de ce que j'entendais que vous avez dit plus tôt,
bon, on pourrait mettre ça, mettons, dans un mandat d'inaptitude, et qui serait
renouvelable. Notre désir pourrait être renouvelable aux cinq ans. C'est-u bien
ça que j'ai entendu?
Mme Chalifoux (Danielle) :
Bien, c'est-à-dire, dans un mandat en prévision d'inaptitude ou autrement, là.
Ça, moi, je n'ai pas vraiment de position par rapport à ça, mais ce que...
J'étais en réaction sur le fait que, dans le rapport du groupe d'experts, on
semblait vouloir dire qu'on ne pourrait pas faire une demande anticipée avant
d'avoir eu un diagnostic.
Mais si c'est le cas, moi, j'ai eu
l'expérience de ma mère qui se promenait sur la rue puis qui est tombée, bang!
puis qui a fait un ACV avec des séquelles graves et irrémédiables. Alors, quand
même qu'elle aurait voulu avoir un diagnostic, là, je veux dire, c'est survenu,
là, complètement... Personne n'aurait pu prévoir cet événement parce que c'est
un événement imprévu et soudain. Et cette personne-là, pendant les cinq ans
qu'elle a survécu, elle nous a demandé à tout moment... Elle voulait mourir. Il
n'y avait l'aide médicale à mourir à l'époque. Et à la fin, bien, elle avait
perdu son aptitude.
Alors donc, je veux dire, je trouve que,
pour des personnes dans cette situation-là, il faudrait pouvoir leur permettre
de faire une demande anticipée sous la forme que la commission jugerait, là,
sans exiger qu'il y ait un diagnostic préalable qui ait été établi parce que
c'est vraiment de ne pas reconnaître leurs droits. C'est à peu près la position
qu'on a.
Et puis l'actualisation, là, c'est que
c'est vrai que c'est un peu difficile de dire : Bien, moi, quand j'avais
30 ans, j'ai fait une demande anticipée, là, soit dans un mandat ou
autrement, pour dire que, si je faisais un ACV puis que j'avais des séquelles
graves, là, qui étaient bien, bien installées, que je voudrais avoir l'aide
médicale à mourir, là. Mais, je veux dire, si ça fait 30 ans de ça ou si
ça fait 40 ans, vous savez, bon, est-ce que la demande perd un peu de sa
légitimité? Je ne sais pas si vous serez d'accord avec moi, mais ça fait trop longtemps,
là. Alors, c'est pour ça qu'il faudrait peut-être voir à une actualisation
quelconque. Puis en général, dans certaines autres juridictions, c'est cinq
ans. Moi, je trouve que ce serait... ce serait raisonnable...
Mme Chalifoux (Danielle) : …je
veux dire, si ça fait 30 ans de ça ou ça fait 40 ans, vous savez,
bon, est-ce que la demande perd un peu de sa légitimité? Je ne sais pas si vous
serez d'accord avec moi, mais ça fait trop longtemps, là. Alors, c'est pour ça
qu'il faudrait peut-être voir à une actualisation quelconque, puis, en général,
dans certaines autres juridictions, c'est cinq ans. Moi, je trouve que ça serait
raisonnable.
M. Jacques : Bon, donc, là,
pour vous, bien, je fais un AVC demain matin, j'ai mis ça dans mes
dispositions, j'ai fait une disposition que je change aux cinq ans ou aux
10 ans, là, tout dépendamment, que je reconfirme que c'est ça, c'est mon
désir. J'ai un accident de voiture, j'ai des séquelles graves, ma tête n'est
plus là, je vais être alité le reste de mes jours en n'ayant plus conscience de
ce qui se passe, donc vous êtes… votre position est de dire : Oui, on
accepte ça, on fait des dispositions pour puis on avance vers ces
dispositions-là.
Mme Chalifoux (Danielle) :
Oui.
M. Jacques : Est-ce que vous
pensez que la population en général est quand même… à quelle place qu'elle est
dans tout ça, là?
Mme Chalifoux (Danielle) :
Moi, je pense que la population est… comme je vous dis, moi, ça fait plus que
10 ans que je fais des conférences régulièrement tout le temps et que je
m'assure de poser les questions ou les gens m'en posent, et je peux vous dire
que la population est d'accord avec ça. Maintenant, il y a des mesures de
sauvegarde qu'il faut adopter, parce que, dans le cas d'un ACV, ça ne se
présente pas de la même manière que quand les personnes ont des maladies
neurodégénératives. Là, ça serait plus au docteur, là, de… mais c'est sûr qu'il
faut que les séquelles soient graves, il faut que les séquelles soient
irrémédiables. Alors, il y a toujours un certain temps de possible
réhabilitation qu'il faut attendre parce que les personnes qui ont des ACV, des
fois, récupèrent très bien, puis ça peut prendre quelques mois. Alors, il faut
quand même qu'il y ait une séquelle grave et irrémédiable qui est vraiment
cristallisée dans le temps. Alors, ça, c'est des mesures de sauvegarde qu'il
faudrait aussi adopter. Et évidemment ça prend aussi que la personne soit…
devienne inapte, parce que si est elle apte elle pourra toujours demander… Oui.
M. Jacques : J'ai une dernière
petite question. Un couple, le monsieur ou la madame protège l'autre, parce
qu'il fait de l'alzheimer, mais il protège tellement que, quand il arrive au
stade de pouvoir décider de… de dire qu'il veut avoir l'aide médicale à mourir
à un moment donné, bien, il n'est plus apte à prendre la décision parce qu'il a
été protégé tout le temps par son conjoint. On fait quoi dans ce cas-là?
Mme Chalifoux (Danielle) :
Bien, c'est pour ça qu'il faut faire des demandes anticipées, M. le député,
parce que, si on n'en fait pas, bien, c'est sûr qu'il peut y avoir toutes
sortes de situations dans lesquelles l'inaptitude arrive, puis, bon, bien,
c'est terminé. Parce que l'aptitude, c'est une condition essentielle et
incontournable de l'aide médicale à mourir, alors qu'elle soit anticipée ou en
temps réel, ça prend l'aptitude. Puis ça, je pense qu'il n'y a pas personne qui
va nier ça, là, on ne fera pas, je pense bien, l'aide médicale à mourir pour
des personnes inaptes qui ne l'ont jamais demandée, là, je pense que ce n'est
pas dans l'agenda de personne, là.
M. Jacques : O.K. Mme
Chalifoux, je vous remercie. Je vais laisser la parole à mes collègues parce
qu'ils avaient d'autres questions aussi, puis j'ai pris peut-être un peu plus
de temps, là.
Mme Chalifoux (Danielle) :
Parfait.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Pas de problème, M. le député. Donc, je cède la parole au député de
Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Bonjour. Bonjour, Mme Chalifoux, c'est un plaisir de vous entendre, vous êtes
quand même une experte, là, dans votre domaine. Moi…
M. Jacques : ...peut-être un
peu plus de temps, là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Pas de problème, M. le député. Donc, je cède la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Bonjour. Bonjour, Mme Chalifoux, c'est un plaisir de vous entendre. Vous êtes quand
même une experte, là, dans votre domaine. Moi, ce que je lis ou ce que je
retiens, c'est que vous recommandez de légiférer sur la demande anticipée d'aide
médicale à mourir sans privilégier une catégorie de personnes au détriment
d'une autre.
Mme Chalifoux (Danielle) :
C'est ça.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Bon. Croyez-vous néanmoins qu'un système à deux vitesses au niveau du consentement,
devrait être mis en place selon les types de maladies, d'affections ou de
handicaps qui seraient éligibles?
Mme Chalifoux (Danielle) : Je
ne comprends pas très bien votre question. Pouvez-vous me donner un exemple?
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
En fait, là, quand vous dites, au niveau du consentement qui devrait être mis
en place... C'est ça. C'est ça, parce que vous parlez d'un... Tu sais, quand je
vous dis : Croyez-vous néanmoins qu'un système à deux vitesses, au niveau
du consentement, devrait être mis en place? Bien, selon les types de maladies.
Tu sais, on parle d'affections ou de handicaps, là, qui seraient éligibles. Parce
que vous recommandez de légiférer les demandes anticipées, donc j'aimerais un
peu plus, là, vous entendre là-dessus.
Mme Chalifoux (Danielle) :
Oui. Si je comprends bien, vous voulez dire qu'il y aurait... il y a plusieurs situations.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Oui...
Mme Chalifoux (Danielle) : Parce
qu'il y a des personnes qui sont en situation de handicap, il y a des personnes
qui sont en situation de maladie dégénérative. Elles peuvent être
neurodégénératives, elles peuvent être dégénératives physiquement. Il y a
des... Comme je disais tout à l'heure, il y a des séquelles d'infections, il y
a toutes sortes de choses. C'est sûr que les critères généraux, indépendamment
des maladies, doivent s'appliquer. Quel que soit le handicap, l'affection, la
maladie, le trouble mental, il faut que la personne soit apte.
Là où réside le problème, c'est comment on
va évaluer, dépendamment des spécificités de chaque affection, maladie ou
handicap, l'aptitude de la personne à consentir aux soins. C'est là qu'il y a
des difficultés, puis c'est là qu'il faut y avoir des régimes qui sont particuliers
par rapport à d'autres, comme je vous disais tout à l'heure. Puis d'ailleurs,
je ne sais pas si je peux prendre cette occasion-là pour dire qu'il y a
beaucoup de gens qui parlent de vulnérabilité, puis qu'il faut protéger les
personnes vulnérables, etc. Puis j'ai décidé de parler quand même de personnes
qui pouvaient avoir des légers retards mentaux, puis qu'on pouvait aussi
considérer aptes pour avoir l'aide médicale à mourir, et je pense que,
peut-être, ça en ferait sourciller quelques-uns.
Alors, moi, je voudrais dire que dans les
traités que nous avons signés, des traités internationaux concernant les
personnes handicapées, nous avons, le gouvernement fédéral, adhéré à ces
traités-là. On a l'obligation de respecter les personnes vulnérables, mais on a
aussi l'obligation d'encourager leur autonomie, dont l'autonomie décisionnelle
de ces personnes-là. Et ce n'est pas parce qu'une personne a nécessairement un
handicap mental qu'elle est complètement inapte à avoir l'aide médicale à
mourir ou à faire des demandes anticipées...
Mme Chalifoux (Danielle) :
…l'obligation de respecter les personnes vulnérables, mais on a aussi l'obligation
d'encourager leur autonomie, dont l'autonomie décisionnelle de ces
personnes-là, et ce n'est pas parce qu'une personne a nécessairement un
handicap mental qu'elle est complètement inapte à avoir l'aide médicale à
mourir ou à faire des demandes anticipées. Alors, je voulais le souligner, puis
peut-être que ça répond un peu, M. Girard, à votre question, parce que ce sont
des situations particulières. Les principes généraux s'appliquent à tout le
monde, mais, dans la façon dont on va faire l'évaluation, là, il faut tenir
compte des spécificités. J'espère que c'est clair.
• (17 h 40) •
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Oui, et c'est clair. Merci. Moi, je n'ai pas d'autre point, Mme la Présidente.
Mme Chalifoux (Danielle) :
Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait, merci. Il ne nous reste pas beaucoup de temps pour notre parti, mais,
moi, j'aurais une petite question rapide. Vous nous dites de modifier
l'intitulé et la définition des soins de fin de vie dans la loi. Est-ce qu'on
n'ira pas jouer dans ce cas-là dans le cas de soins versus droits? Il ne peut
pas y avoir un danger, là?
Mme Chalifoux (Danielle) :
Oui, je pense qu'on peut s'entendre pour dire, Mme la Présidente, que le
critère de fin de vie n'est plus requis pour l'aide médicale à mourir. Donc, dans
les définitions, on ne devrait pas dire que l'aide médicale à mourir est un
soin de fin de vie, parce qu'il ne l'est plus. Alors, c'est de cette façon-là
que, je pense, il faudrait le modifier. Remarquez que je ne veux pas dire par
là que c'est mon opinion personnelle, tellement. Moi, j'aurais aimé ça, garder
la notion de fin de vie, mais comprise d'une façon différente qu'elle l'a été. Mais
alors, ce n'est plus… Ça ne veut pas dire que ce n'est pas un soin, c'est toujours
un soin, mais c'est plus élargi que simplement la fin de vie, ça comprend aussi
les personnes qui ont un déclin avancé de leurs capacités puis qui ne sont pas nécessairement
en fin de vie. Ça change un peu la perspective au niveau des affections, des
handicaps, mais c'est quand même un soin qui est requis dans certaines
conditions. Moi, je ne vois pas de problème, sauf qu'il faut distinguer la… par
exemple la sédation palliative, qui, elle, ne peut vraiment pas se faire en
dehors du critère de fin de vie, parce que sinon, vous tomberiez dans
l'euthanasie, là, parce que… pure et simple, parce que priver une personne de
nourriture et d'être hydratée pendant un mois, disons, elle va mourir de ça
plutôt que de sa maladie. Alors, c'est différent de, disons, que… Alors, il
faut tenir compte de toutes ces subtilités-là, disons, d'une certaine façon
dans la rédaction, et c'est pour ça que, pour l'intitulé, je conseille… bien, en
tout cas, moi, je recommanderais qu'on fasse la distinction déjà pour être
fidèle à l'arrêt Truchon et à ce que la population demande, finalement.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait, merci. Je vois bien la nuance.
Mme Chalifoux (Danielle) : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Je céderais maintenant la parole à la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, Mme la Présidente. … Ça va être ma collègue de Westmount—Saint-Louis
qui va commencer.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Allez-y.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Dre Chalifoux. Alors, quelques questions en ce qui
concerne…
La Présidente
(Mme Guillemette) : ...la parole à la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, Mme la Présidente. Ça va être ma collègue de Westmount—Saint-Louis
qui va commencer.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Parfait. Allez-y.
Mme Maccarone : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, Dre Chalifoux. Quelques questions en ce qui
concerne, encore une fois, l'inaptitude, parce que vous avez mentionné, dans le
fond, qu'on devrait élargir ceci pour inclure une population, peut-être, qui
souffre d'une déficience intellectuelle, mais est-ce qu'il y a des contraintes
ou est-ce que... mettons, déficience intellectuelle, les personnes qui
souffrent du spectre de l'autisme, par exemple, est-ce qu'on devrait inclure
tous les gens avec des paramètres? Et, si oui, à l'intérieur de votre réponse,
si vous pouvez qualifier comment pouvons-nous accompagner ces personnes à mieux
comprendre cette décision. Parce que ce n'est pas du tout la même chose, une
personne, peut-être, qui a un handicap qui est apte, mais qui souffre
différemment que ces personnes qui sont en train de souffrir, mais ils ont
besoin d'un accompagnement ainsi que leurs proches aidants?
Mme Chalifoux (Danielle) :
Ah! madame, je suis tellement d'accord avec vous, là. C'est exactement ça. Vous
dites en quelques phrases, là, le but de mon intervention au niveau de
l'évaluation, c'est ça. Parce que, comme on a vu avec l'évaluation,
présentement des personnes qui ont la maladie d'Alzheimer, il y en a
quelques-unes qui étaient à un stade avancé et qui ont eu l'aide médicale à
mourir.
Même si on pourrait croire à première vue
que ces personnes-là, par définition, sont inaptes, mais l'organisme dont je
vous parlais tout à l'heure, là, les assesseurs de l'aide médicale à mourir au
Canada nous ont vraiment démontré qu'il était possible, même avec un déclin
avancé des capacités, de conserver une façon de pouvoir consentir de manière
libre et éclairée, mais ça prend qu'on fasse ça dans des conditions qui
favorisent l'aptitude plutôt que le contraire.
Alors, il faut les mettre dans des
situations particulières. Il ne faut pas... Il faut aller chez eux, à part ça,
c'est difficile de trouver un médecin qui va faire ça, pour ne pas les déplacer
puis qu'ils se retrouvent dans un milieu qu'eux vont considérer comme hostile.
La présence du proche aidant aide énormément. Il faut que le médecin ait vu à
plusieurs reprises.
D'ailleurs, quand je prends connaissance,
souvent par curiosité, des histoires qui sont reliées à l'admissibilité aux
Pays-Bas des personnes qui ont des maladies dégénératives, il y a souvent, vous
savez, ce qu'on appelle des histoires de cas, là, greffées au rapport. On voit
comment est-ce que les médecins psychiatres là-bas qui font leurs démarches
pour essayer de voir si la personne est apte ou n'est pas apte malgré la
maladie, voient les personnes à plusieurs reprises. Souvent, ce sont des
médecins qui connaissent les patients depuis des années, qui s'assurent de les
mettre dans une condition favorable. En d'autres mots, comme je disais tout
à l'heure, essayer d'aller dans le sens de respecter les droits des personnes
en leur réservant des moments d'aptitude plutôt que de se camper dans une
position de dire : Ah! bien, cette personne-là, elle est malade mentale,
elle a...
Mme Chalifoux (Danielle) : …de
les mettre dans une condition favorable, en d'autres mots, comme je disais tout
à l'heure, essayer d'aller dans le sens de respecter le droit des personnes en
leur réservant des moments d'aptitude, plutôt que de se canter dans une
position, de dire : Ah! bien, cette personne-là est malade mentale, elle a
un léger déficit mental, elle est ci, elle est ça, donc elle est inapte, ce qui
ne leur rend pas justice, je crois.
Mme Maccarone : Merci. C'est
très clair. J'adore votre idée d'un centre d'expertise pour… je comprends qu'on
s'inspire un peu de ce qui est fait ailleurs. À l'intérieur de ceci,
pensez-vous que ce serait aussi logique d'aller vers l'avant avec une recommandation,
comme on a entendu avec Mme Bravo, un peu d'accompagner des gens par rapport à
un accompagnement pour comment rédacter une demande d'avoir l'aide médicale à
mourir pour éviter une interprétation qui ne peut pas être celle souhaitée par la
personne qui rédacte la demande? Et, si oui, est-ce que c'est le centre
d'expertise qui va… est-ce que c'est le centre d'expertise qui va accompagner
des personnes qui souhaitent faire des demandes, à mieux clarifier c'est quoi,
puis le comment, puis toutes les mesures d'accompagnement?
Mme Chalifoux (Danielle) :
Bien, écoutez, c'est la raison… c'est pour ça que nous recommandons ce centre
d'expertise là, c'est pour former des gens à ça. Puis je suis contente de voir
que Mme Bravo, pour laquelle j'ai beaucoup d'admiration aussi, ait suggéré
aussi un accompagnement parce que c'est très important. Puis la demande d'aide
médicale à mourir, quand elle est anticipée, il faudrait évidemment prendre
beaucoup de soins à sa rédaction, parce qu'il y a bien des gens qui
disent : Quand je ne reconnaîtrai plus les miens, je veux avoir l'aide
médicale à mourir. Mais c'est un critère assez vague, et il n'est pas sûr que
la personne va peut-être ne pas reconnaître les siens, mais ça ne veut pas dire
qu'elle va souffrir non plus de façon intolérable, des souffrances constantes
et, etc. Parce qu'il est arrivé, puis ça, c'est dans les annales, puis le
rapport des experts en parle aussi, qu'il y a des personnes qui ont la maladie
d'Alzheimer et qui, au contraire, sont très heureuses, et je dois dire… bien,
très heureuses, en tout cas, ne démontrent aucun problème particulier à ça. Et
je dois dire que, comme infirmière, je l'ai vu assez souvent, on appelle ça,
excusez-moi, c'est très paternaliste ou maternaliste ce que je vais dire, là,
mais, tu sais, les petites madames avec les poupées, là, qui sont toujours
contentes puis qui sont toujours prêtes puis qui sont toujours prêtes à un
sourire, à être gentilles. Il y en a qui ne démontent aucun signe de
souffrance, alors qu'il y en a d'autres que c'est tout le contraire.
Mme Maccarone : Ça amène la question,
comment identifier la souffrance d'une personne alors que vous pouvez peut-être
nous aider un peu avec votre réflexion là-dessus? Parce que, comme Mme Bravo a
dit, selon elle, bien, ça devrait être autodéterminé, moi, ce que je ressens
comme souffrance, c'est très personnel. Mais est-ce qu'on devrait avoir des
balises à quelque part pour nous aider ou aider ces médecins ou les centres
d'expertise pour identifier c'est quoi, la souffrance d'une personne qui va
demander à avoir accès à l'aide médicale à mourir…
(Visioconférence)
Mme Maccarone : ...ça
devrait être autodéterminé. Moi, ce que je ressens comme souffrance, c'est très
personnel. Mais est-ce qu'on devrait avoir des balises à quelque part pour nous
aider ou aider les médecins, ou le centre d'expertise québécois, pour
identifier c'est quoi la souffrance d'une personne qui va demander à avoir
accès à l'aide médicale à mourir?
Mme Chalifoux (Danielle) :
Vous ouvrez quelque chose. Là, ça pourrait prendre deux, trois heures, là, pour
discuter de cette question-là malheureusement. Mais, vous savez, il y a deux
aspects à cette question-là. Est-ce qu'on va respecter la personne dans sa
demande lors de... alors qu'elle était apte, qu'elle dit, par exemple :
Bon, moi, je veux l'aide médicale à mourir quand je ne reconnaîtrai plus les
miens? En dehors... elle considère que ce fait-là va être — c'est la
souffrance appréhendée qu'on appelle — qu'elle va être souffrante
nécessairement à ce moment-là. Elle appréhende la souffrance. Il y a des gens
qui disent : Bien, la personne était apte, c'est ce qu'elle voulait, on va
respecter ça.
Par ailleurs, comme je disais tout à
l'heure, puis c'est le cas de Margot, là, qu'on appelle dans les annales. C'est
la personne qui avait justement demandé ça, mais qui ne démontrait aucune
souffrance et qui était très, très bien, puis qu'on dit à ce moment-là :
Bien, si on évalue quand même, même si c'est subjectif, il y a quand même un
certain degré d'évaluation de la souffrance pour les gens, là, qui sont aptes,
là, et qui demandent l'aide médicale à mourir. On va avoir quand même certaines
façons de voir que la personne est réellement souffrante. Mais pourquoi on ne
le ferait pas quand il s'agit d'une demande anticipée? Pourquoi, là, ça serait
seulement la demande anticipée qui compterait?
Moi, je pense qu'il faut évaluer la
souffrance au moment où on donne l'aide médicale à mourir peu importe qu'il y
ait eu une demande anticipée ou non. Ça ne veut pas dire qu'on ne respectera
pas, par exemple, la demande anticipée dans son ensemble. Mais il peut arriver
que la personne a pensé, de façon appréhendée, qu'elle souffrirait d'une
situation puis que, dans les faits, dans la réalité, elle n'en souffre pas,
mais je vous dis, ce n'est pas la majorité des gens, là.
Je ne voudrais pas non plus, là, faire
comme ça, en faire un cas très particulier parce qu'en général les gens qui ont
la maladie d'Alzheimer, quand ils arrivent à un déclin avancé de leurs
capacités, ils sont souffrants. En général, ils ont plein de symptômes qui
démontrent vraiment qu'il y a une souffrance aiguë qui existe.
Je ne sais pas si ça répond, j'ai essayé
d'être la plus courte possible, là.
• (17 h 50) •
Mme Maccarone : Tout à
fait. Je comprends que c'est une question assez large. Merci, Mme la
Présidente.
Mme Chalifoux (Danielle) :
Bien, c'est ça, il y a une position à prendre, hein? Il faut...
Mme Maccarone : Tout à
fait.
Mme Chalifoux (Danielle) :
...il faut, par exemple, que la commission, là, elle prenne position par
rapport à ça, oui.
Mme Maccarone : Tout à
fait. Merci pour vos réponses. Mme la Présidente, s'il reste du temps, je
céderais la parole à ma collègue la députée de Maurice-Richard.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Oui, tout à fait. Allez-y, Mme la députée.
Mme Montpetit : Merci.
Bonjour, Me Chalifoux.
Mme Chalifoux (Danielle) :
Bonjour.
Mme Montpetit : Oui, je
vois le temps qui file, donc, moi aussi, je vais faire une question est assez,
assez brève, mais en lien avec une des réponses que vous avez faites à la
question de ma collègue. Vous avez fait, par le passé, entre autres la
recommandation pour les personnes avec perte cognitive, justement, qu'il y
avait une évaluation du degré de souffrance et de douleur, que cette
évaluation-là elle soit faite par un médecin que vous avez qualifié de
compétent en évaluation de la douleur chez les personnes non communicantes.
Comme vous avez répondu à ma collègue...
Mme Montpetit : ...à la question
de ma collègue, vous avez cité par le passé entre autres la recommandation pour
les personnes avec perte cognitive, justement, qu'il y aurait une évaluation du
degré de souffrance et de douleur, que cette évaluation-là elle soit faite par
un médecin que vous avez qualifié de compétent en évaluation de la douleur chez
les personnes non communicantes.
Quand vous avez répondu à ma collègue,
vous parliez beaucoup du contexte en fait. Vous avez dit, bon, que ce soit fait
à la maison, que ce soit fait dans un contexte, finalement, qui va privilégier,
je comprends, une forme de... Je ne sais pas si d'être assouvi ou d'être
confortable. ...je voulais vous entendre sur, justement, ce... Quand vous
qualifiez la compétence du médecin versus le contexte dans lequel c'est fait...
En fait, je voulais vous entendre sur ce contexte-là. Puis vous référiez vraiment
aux médecins. Est-ce que ça serait seulement des médecins ou d'autres
professionnels de la santé?
Mme Chalifoux (Danielle) :
Mon Dieu! J'aime beaucoup votre question. Merci pour cette question-là. Ça va
me permettre de m'exprimer là-dessus. Non, je ne crois pas que ça serait le
privilège exclusif du médecin, quoiqu'en bout de ligne, comme disent les
Anglais, à la fin du jour, il faut que quelqu'un signe comme quoi la personne
est apte ou inapte. Mais il devrait absolument être... C'est une démarche pluri
multidisciplinaire parce qu'il y a plein de... Il y a des psychologues, qui
sont des neuropsychologues, qui sont vraiment d'une compétence très pointue en
matière d'aptitude. Il faut absolument avoir recours à ces ressources-là qu'on
a.
Il y a aussi tout simplement les proches
qui peuvent aussi apporter. Le proche aidant qui est quasiment 24 heures
sur 24 auprès de la personne, elle aussi, ou il aussi a son mot à dire par
rapport à ça. Moi, je pense que la question doit finalement, en bout de ligne,
peut-être, être autorisée par un médecin, mais qu'il faut qu'il y ait eu des
participations multidisciplinaires. Ça peut aussi être très important d'avoir
l'opinion d'un travailleur social par rapport à la situation.
Mais il faut distinguer deux choses, si
vous me permettez. Il y a la question de l'évaluation de l'aptitude puis il y a
la question de la souffrance. Pour l'évaluation de la souffrance, il y a
vraiment... Je veux dire, nous autres, les infirmières — même si je
suis retraitée, je m'identifie encore souvent comme infirmière — on
est capables de reconnaître quand une personne est souffrante ou pas. Il y a
toutes sortes de façons de le faire, de voir. Les personnes qui ont la maladie
d'Alzheimer vont développer soit une agitation à certains moments, comme je
parlais tout à l'heure, là, de l'agitation crépusculaire, c'est très typique,
ou vont avoir toutes sortes de façons de nous démontrer la souffrance. Elle
peut être évaluée.
Il y a beaucoup de travaux de recherche
qui ont été faits là-dessus. Il y a aussi le fait qu'on peut aussi évaluer la
souffrance d'une personne qui est tout à fait apathique, ne répond plus à rien,
est toujours triste. Il n'y a pas seulement les grands agités, là, qui sont
souffrants. Il y a toute une panoplie. Et vous demanderiez aux personnes qui
ont travaillé là-dessus, là, plus directement que moi, puis on va vous dire que
c'est très... c'est très possible d'évaluer un degré de souffrance important
chez les personnes qui ont des troubles neurodégénératifs...
Mme Chalifoux (Danielle) :
…toute une panoplie. Et vous demanderiez aux personnes qui ont travaillé
là-dessus, là, plus directement que moi, puis on va vous dire que c'est très
possible d'évaluer un degré de souffrance important chez les personnes qui ont
des troubles neurodégénératifs.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme Montpetit : …peu de temps?
Non, c'est terminé, hein? Merci, Mme Chalifoux.
La Présidente (Mme Guillemette) :
C'est tout le temps qu'il vous restait, Mme la députée. Donc, je cèderais la
parole au député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme
la Présidente. Merci, Mme Chalifoux, pour votre présentation. J'ai deux
questions, je vais vous les poser en rafale parce que j'ai peu de temps.
D'abord, sur la question du diagnostic,
là, nécessaire ou non à la rédaction d'une demande de consentement anticipée,
les gens du groupe d'experts ont utilisé, pour défendre leur position, avec
laquelle, je comprends, vous êtes en désaccord, l'argument du consentement
libre et éclairé. Ce qu'ils nous ont dit, c'est que pour qu'un consentement
soit valide, il faut qu'il soit éclairé et est-il vraiment éclairé, ce
consentement-là, si on demande à quelqu'un de se projeter dans une situation,
au fond, complètement hypothétique pour laquelle la personne n'a pas vraiment
d'information?
Si jamais, un jour, j'ai une maladie x, si
jamais, un jour, il m'arrive un accident y et que je me retrouve dans telle ou
telle circonstance, je préfèrerais avoir l'aide médicale à mourir. Je caricature
volontairement parce que j'ai peu de temps, mais vous voyez l'argument, c'est
de dire : C'est tellement flou et abstrait, est-ce que c'est vraiment un
consentement éclairé? Puis ma compréhension de leur position, c'est que ça
s'appuyait sur cet argument-là. Vous, vous nous dites : Non, ce n'est pas
nécessaire. Ça fait que j'aimerais ça que vous nous expliquiez en quoi, selon
vous, le consentement, il est éclairé même dans des circonstances qui sont
aussi, disons, abstraites pour les gens qui rédigent la demande anticipée.
Ma deuxième question, il y a
Me Ménard, qui est passé un peu plus tôt ici, en commission, et qui nous a
dit que, selon lui, l'état actuel du droit fait en sorte qu'un consentement
doit être exprimé dans l'ici et maintenant pour être valide. Vous semblez être
d'une autre école, vous nous dites : Non, le consentement devrait pouvoir
être…
Une voix
: …
La Présidente (Mme Guillemette) :
Marie, on t'entend, Mme la députée de Maurice-Richard.
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme
la Présidente, d'avoir remis à l'ordre ma collègue. Non, c'est sans problème.
Donc, est-ce que, selon vous… êtes-vous d'accord avec Me Ménard? Est-ce
qu'on… comment peut-on présumer de l'existence d'un consentement si la personne
n'est plus capable de le confirmer…
Mme Chalifoux (Danielle) :
Bon. Alors, bien, je vais… vous me rappellerez à l'ordre si je m'égare, là,
parce que vos deux questions sont importantes puis pourraient demander beaucoup
de développement. Pour la question de dire que les situations sont
hypothétiques. Les situations sont hypothétiques, oui et non, parce que moi, en
tout cas, dans mon expérience personnelle... Comme je disais tout à l'heure,
moi, j'ai vu ma mère, je l'ai vue pendant cinq ans, souffrir de séquelles
graves et irrémédiables d'un ACV. Je peux vous dire que je sais ce que c'est.
Et je pense que, dans les nombreuses personnes à qui j'ai parlé ou…
Mme Chalifoux (Danielle) :
...oui et non. Parce que moi, en tout cas, dans mon expérience personnelle...
Comme je disais tout à l'heure, moi, j'ai vu ma mère, je l'ai vue pendant cinq
ans, souffrir de séquelles graves et irrémédiables d'un ACV. Je peux vous dire
que je sais ce que c'est.
Et je pense que, dans les nombreuses
personnes à qui j'ai parlé ou que je parle quand je donne des conférences, les
gens ont tous dans leur parenté, dans leur... soit leur conjoint ou... Les
gens, vous savez, les ACV, c'est très, très, très fréquent. J'ai quelqu'un de
ma parenté immédiate, là, qui vient de souffrir d'un ACV il n'y a pas longtemps
aussi et qui souffre justement de séquelles très graves et irrémédiables. Je
pense que tout le monde est à même de savoir ce que c'est et de pouvoir avoir
une opinion là-dessus, en tout respect pour l'opinion contraire. Moi, je pense
que c'est très facile.
C'est la même chose pour les problèmes de
traumatisme crânien. Écoutez, quand les personnes... Et il y en a énormément,
là. Moi, je n'ai pas eu le temps de vous donner des statistiques, mais vous
allez dans les recherches qu'on peut faire à ce niveau-là, il y a beaucoup de
personnes qui souffrent de séquelles graves et irrémédiables de traumatismes
crâniens et qui deviennent inaptes, et il y a... les gens les voient, les gens
le savent.
Alors, je pense qu'on ne peut pas demander
non plus l'impossible, là, tu sais, on ne peut pas dire : Bien, écoutez,
il faut que vous ayez eu la maladie pour pouvoir faire une demande anticipée.
C'est l'essence même de cette maladie-là qu'on ne peut pas la prévenir
d'avance. Mais on peut avoir une bonne idée des raisons, des façons et de voir
comment est-ce que les personnes qui ont des séquelles graves et irrémédiables
de ça, et qui deviennent inaptes par rapport à ça, sont... dans quelle
situation ils sont. Je pense qu'on peut donner un consentement.
Et là on va tomber dans la deuxième
question, si vous croyez que vous avez une réponse à la première?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Il vous reste 10 secondes, Mme Chalifoux.
Mme Chalifoux (Danielle) : 10
secondes? Écoutez, bon, alors, les directives médicales anticipées de la Loi
concernant les soins de fin de vie, les mandats en prévision d'inaptitude, la
Cour suprême, les cours... le Code civil, le Code de procédure civile, tous ces
instruments-là parlent de consentement anticipé, de la validité, du fait que
c'est un consentement qui vaut autant que s'il était donné de façon
contemporaine. Si la personne est apte, je ne vois pas qu'est-ce qu'on peut
ajouter d'autre sur la validité légale d'un consentement anticipé.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, M. le député, merci, Me Chalifoux. J'aurais besoin du
consentement de tous...
Mme Chalifoux (Danielle) :
...libre et éclairé.
La Présidente (Mme Guillemette) :
...oui, libre et éclairé, pour déborder un peu sur notre heure, là, sur notre
heure prévue de fin. Donc, s'il y a consentement de tous, je passerais
maintenant la parole à la députée de Joliette.
• (18 heures) •
Mme
Hivon
: Oui,
bonjour, Me... Oui, bonjour. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Me Chalifoux,
contente de vous revoir. Écoutez, moi, je voudrais vous amener sur le spectre
des valeurs, l'autonomie, l'autodétermination de la personne versus, je dirais,
traditionnellement, ce qu'on appelait plus le paternalisme médical. Donc, c'est
sûr qu'il y a un choix qui a été fait vers l'autonomie de la personne dans la
loi sur les soins...
18 h (version non révisée)
Mme
Hivon
:
...écoutez, moi, je voudrais vous amener sur le spectre des valeurs,
l'autonomie, l'autodétermination de la personne versus, je dirais,
traditionnellement, ce qu'on appelait plus le paternalisme médical. Donc, c'est
sûr qu'il y a un choix qui a été fait vers l'autonomie de la personne dans la
loi sur les soins de fin de vie, hein? On a même dit que c'était vraiment la relation
patient-médecin, même s'il y a d'autres personnes qui peuvent être consultées,
mais c'était ça, la clé pour décider si on fait donner l'aide médicale à mourir.
Aujourd'hui, certains ont amené d'autres éléments, jusqu'au consentement
substitué, en nous disant que, pour les médecins, ça pourrait être plus simple
d'y aller par consentement substitué plutôt que de directives anticipées en
sentant qu'il y a un accord de la famille. Certains nous ont dit que, pour
donner, donc, ouverture et application à une demande anticipée, il faudrait
avoir aussi consentement, mettons, du proche qui a été désigné selon le groupe
d'experts, là, pour entamer le processus et un consensus plus large équipe
médicale et proches. Et donc, en lien avec la directive, la demande anticipée,
je voulais voir où vous vous situez, vous, dans ce spectre-là.
Mme Chalifoux (Danielle) :
Mon Dieu! Je ne sais pas si vous pouvez penser que... où je me situe
vraiment...
Mme
Hivon
:
J'ai une petite idée, mais je veux en fait que vous nous expliquiez pourquoi,
selon vous, le curseur doit être mis vraiment sur l'autonomie de la personne.
Mme Chalifoux (Danielle) :
L'autonomie des personnes. Bien, parce que c'est un droit fondamental. Parce
que l'autonomie des personnes, c'est vraiment la pierre d'assise de toutes les
questions reliées à l'aide médicale à mourir. C'est la condition de base. Et,
selon moi, le consentement anticipé... pardon, le consentement substitué n'a
pas sa place par rapport à ça.
Je préfère de beaucoup avoir une position
qui va favoriser la recherche de décisions libres et éclairées, d'un
consentement chez des personnes vulnérables pour essayer de ne pas les
préjudicier par rapport à ça, que de demander à la famille, aux répondants.
Écoutez, je sais par expérience que c'est
tellement plus facile d'aller voir le proche, la famille pour demander un
consentement que de vraiment respecter l'autonomie de la personne et de
rechercher son consentement à elle ou de simplement dire que, bon, bien, la
personne n'est pas autonome, on va aller de ce côté-là. Je l'ai vu à maintes
reprises. Je ne suis pas en accord avec ça.
Je sais que ça fait l'affaire de bien des
gens parce que c'est plus simple, c'est plus facile. Mais on n'est pas dans la
facilité, là, on est dans le respect des droits puis de l'autonomie des
personnes. Puis je préfère que ce soit difficile puis qu'on aille chercher la
décision libre et éclairée quand on peut et avec les moyens qui a plutôt que de
se fier à un proche, parce que le proche peut avoir toutes sortes de
motivations qu'on ignore, on ne veut pas dire nécessairement non plus que c'est
des mauvaises motivations. On peut dire que son opinion compte, mais ce n'est
pas le proche qui devrait décider. Moi, je suis contre la décision substituée.
À chaque fois que c'est possible de...
Mme Chalifoux (Danielle) :
...fier à un proche parce que le proche peut avoir toutes sortes de motivations
qu'on ignore, on ne veut pas dire nécessairement non plus que c'est des
mauvaises motivations, on peut dire que son opinion compte, mais ce n'est pas
le proche qui devrait décider. Moi, je suis contre la décision substituée. À
chaque fois que c'est possible de l'éviter, on l'évite. Il y a certaines circonstances,
par exemple, où elle est reconnue pour la sédation palliative continue, bien,
c'est peut-être... de cette façon-là, oui, ça peut se comprendre, mais pas pour
l'aide médicale à mourir et ni pour les demandes anticipées non plus...
Mme
Hivon
:
Compte tenu de votre position très claire sur le principe de l'autodétermination
des personnes, je me demandais comment vous composez avec l'aspect, la
recommandation que la demande anticipée dans le groupe d'experts ne soit pas
contraignante. On comprend tous que le médecin a son libre arbitre, il a son
objection de conscience, là, mais est-ce qu'il n'y a pas un double discours
quand on valorise l'autonomie, mais qu'en même temps on ne peut pas garantir à
la personne que, si tous les critères sont remplis, on va donner accès à sa
demande?
La Présidente (Mme Guillemette) :
En 20 secondes, Me Chalifoux.
Mme Chalifoux (Danielle) : En
20 secondes. Bien, écoutez, ceci étant... comme je vous dis, moi... il y a
deux positions. Quand j'étais plus jeune, je vais vous avouer que j'avais la
position de respecter l'autonomie de la demande anticipée, mais j'ai changé
d'avis en voyant, par expérience, que, comme je disais tout à l'heure, la
souffrance devrait être un critère qu'on évalue au moment et ça n'empêche pas
que les gens vont quand même avoir le même droit que tout le monde, parce que
la souffrance est un critère pour tout le monde, pas seulement pour... disons,
on ne fait pas de distinction, là, entre l'aide médicale à mourir en temps réel
ou la demande anticipée. Le critère de la souffrance s'applique à tout le monde,
selon moi. Alors donc, la personne qui ne serait pas souffrante, même si elle
l'a demandé auparavant, bien, il faudrait attendre qu'elle soit... qu'elle
devienne souffrante. Je suis d'accord avec d'autres d'experts là-dessus.
Mme
Hivon
: Non,
mais si la souffrance...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme
Hivon
: Ah!
c'est trop frustrant. C'est beau.
La Présidente (Mme Guillemette) :
C'est tout le temps qu'on avait. Je vous remercie beaucoup, Me Chalifoux,
de votre participation, d'avoir accepté de partager avec nous votre expérience
et vos connaissances.
Donc, compte tenu de l'heure, la
commission suspend ses travaux. Je vous demanderais de raccrocher, et la
commission se réunit en séance de travail, donc, dans la prochaine minute.
Mme Chalifoux (Danielle) :
Alors, merci à tout le monde.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci encore une fois, Me Chalifoux.
Mme
Hivon
:
Merci.
(Fin de la séance à 18 h 5)