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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mardi 5 décembre 2017 - Vol. 44 N° 171

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 157, Loi constituant la Société québécoise du cannabis, édictant la Loi encadrant le cannabis et modifiant diverses dispositions en matière de sécurité routière


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Table des matières

Auditions (suite)

Union des municipalités du Québec (UMQ)

Association des spécialistes en médecine d'urgence du Québec (ASMUQ)

Portage

Fédération médicale étudiante du Québec (FMEQ)

Association québécoise des programmes pour premiers épisodes psychotiques (AQPPEP)

Intervenants

M. Richard Merlini, président

Mme Lucie Charlebois

M. Sylvain Pagé

M. Simon Jolin-Barrette

Mme Lise Lavallée

Mme Diane Lamarre

M. Amir Khadir

*          M. Alexandre Cusson, UMQ

*          Mme Élyse Berger Pelletier, ASMUQ

*          M. Marc Berwald, Portage

*          M. Gilles Cuillerier, idem

*          M. Philippe Simard, FMEQ

*          M. Laurent Elkrief, idem

*          Mme Tara D'Ignazio, idem

*          Mme Yasmine Nadifi, idem

*          Mme Amal Abdel-Baki, AQPPEP

*          M. Marc-André Roy, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures cinq minutes)

Le Président (M. Merlini) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare donc la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle du Conseil législatif de bien vouloir éteindre toute sonnerie de tout appareil électronique.

La commission est réunie ce matin afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 157, Loi constituant la Société québécoise du cannabis, édictant la Loi encadrant le cannabis et modifiant diverses dispositions en matière de sécurité routière.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements ce matin?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. En remplacement, M. Paradis (Lévis) sera remplacé par M. Jolin-Barrette (Borduas).

Auditions (suite)

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup. Ce matin, nous entendrons les groupes suivants : l'Union des municipalités du Québec et l'Association des spécialistes en médecine d'urgence.

Alors, je souhaite la bienvenue à l'Union des municipalités du Québec. Je vous invite à vous présenter au début de votre exposé, et ensuite vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation, et ensuite nous aurons les échanges avec les membres de la commission. Bienvenue à la CSSS. La parole est à vous.

Union des municipalités du Québec (UMQ)

M. Cusson (Alexandre) : Alors, merci beaucoup. Mme la ministre, M. le Président, Mmes et MM. les députés, je me présente, Alexandre Cusson, maire de Drummondville et président de l'Union des municipalités du Québec. Et je suis accompagné aujourd'hui par Mme Sylvie Pigeon, qui est conseillère aux politiques à l'UMQ.

Je vous remercie de nous accueillir aujourd'hui et de nous entendre sur le projet de loi n° 157. Au bénéfice des gens qui nous écoutent, j'aimerais d'entrée de jeu souligner que l'Union des municipalités du Québec représente, depuis près de 100 ans, en fait, 98 ans aujourd'hui même, les municipalités de toutes les tailles dans toutes les régions du Québec. Sa mission est d'exercer à l'échelle nationale un leadership pour des gouvernements de proximité efficaces et autonomes et de valoriser le rôle des élus municipaux. Ses membres représentent plus de 80 % de la population et du territoire du Québec.

À titre de nouveau président de l'union, j'ai eu l'occasion de discuter avec bon nombre de mes collègues au cours des dernières semaines. Nous avons discuté notamment du projet de loi n° 157. Ce sujet était également à l'ordre du jour de notre rencontre du conseil d'administration vendredi dernier.

Comme vous l'avez certainement déjà lu ou entendu, la législation du cannabis à usage récréatif ne fait pas l'unanimité dans le milieu municipal. En effet, les avis sont partagés, et plusieurs élus municipaux ont des réserves, voire même des inquiétudes. Néanmoins, le gouvernement Trudeau a décidé d'aller de l'avant. Dans ce contexte, le projet de loi n° 157 est nécessaire, et l'UMQ l'accueille favorablement à plusieurs égards.

Toutefois, une question reste entière, soit celle du partage des revenus, car, bien que les gouvernements de proximité soient concernés au premier chef par l'application de nouvelles lois légalisant et encadrant le cannabis, ils n'en tireront aucun revenu et auront plusieurs nouvelles dépenses. Les gouvernements de proximité prendront leurs responsabilités. Néanmoins, il est essentiel qu'ils soient étroitement associés à la mise en oeuvre de la loi, notamment pour le choix des lieux de vente, et que les revenus de la taxe des produits du cannabis soient partagés de façon équitable entre les trois paliers de gouvernement.

Dans son plan d'action gouvernemental pour alléger le fardeau administratif des municipalités, le gouvernement du Québec s'est d'ailleurs engagé à prendre en considération, dans l'élaboration de ses lois et règlements, les capacités des municipalités, qui peuvent varier en fonction de leur taille ou de leurs particularités géographiques. Dans le cas où les initiatives gouvernementales sont susceptibles de se traduire par un accroissement significatif des responsabilités ou des coûts des municipalités, les ministères doivent procéder à une évaluation. Est-ce que le ministère a fait une évaluation des coûts engendrés par le projet de loi n° 157 pour les municipalités?

De notre côté, on estime qu'il y aura des impacts sur une dizaine de services municipaux et conséquemment des dépenses additionnelles. En voici quelques exemples : la formation des policiers et l'achat des appareils pour détecter la présence de cannabis dans l'organisme des conducteurs, les services de sécurité incendie pour les inspections et le respect des règlements sur la prévention des incendies dans les lieux de production de cannabis, les cours municipales pour l'application des nouvelles sanctions qui relèveront de leurs compétences, les différents services municipaux liés à l'aménagement du territoire et de l'urbanisme pour l'adaptation des règlements municipaux et pour le nouvel affichage lié à l'interdiction de fumer du cannabis, si l'affichage doit être différent, le service des ressources humaines pour la formation des employés municipaux, les services de communication pour la diffusion de l'information et les campagnes de prévention auprès des citoyennes, des citoyens et des organismes partenaires.

• (10 h 10) •

Le gouvernement du Canada a annoncé son intention d'imposer une taxe d'accise sur les produits du cannabis de 1 $ si le prix d'un gramme de cannabis séché est de 10 $, ou de 10 % si c'est au-delà de ce prix. Le gouvernement du Québec imposera également sa taxe de vente sur le cannabis. Compte tenu des dépenses qui seront engagées par les municipalités, il est légitime de demander un partage équitable des revenus de taxation des produits du cannabis selon une formule de partage un tiers-un tiers-un tiers. Les municipalités pourront alors assumer les nouvelles dépenses liées à la légalisation du cannabis sans augmenter les taxes foncières.

Sur les aspects plus spécifiques du projet de loi, l'UMQ salue le choix du législateur de confier à une société d'État la vente du cannabis. À notre avis, cela permettra de répondre aux objectifs de prévention et de protection de la santé des citoyennes et des citoyens. Par ailleurs, certains éléments du projet de loi devront être clarifiés pour faciliter sa mise en oeuvre, notamment en ce qui concerne l'emplacement des points de vente, la culture du cannabis à des fins personnelles et les lieux où il sera interdit ou permis de fumer du cannabis.

L'Union des municipalités du Québec recommande notamment que les municipalités soient consultées pour le choix des emplacements des points de vente de cannabis. Elles pourront ainsi donner des orientations sur les zones commerciales les plus appropriées. Elles sont d'ailleurs les mieux placées pour faire les arbitrages nécessaires, connaissant mieux que personne leur territoire et leur communauté. Selon nous, le projet de loi devrait donc inclure des critères socioéconomiques pour le choix des emplacements des points de vente du cannabis afin d'éviter qu'ils soient situés dans des quartiers défavorisés.

Puisque les tests n'ont pas encore été approuvés par Santé Canada, il faudrait également que le législateur précise l'application du principe de tolérance zéro prévu pour les conducteurs. Il faut éviter les contestations judiciaires coûteuses et inutiles devant la cour. Il faut aussi prévoir un nombre suffisant de policiers formés lors de l'entrée en vigueur de la loi, et ce, partout au Québec.

L'UMQ souhaite également que les offices municipaux d'habitation aient la possibilité d'inclure l'interdiction de fumer du cannabis dans leur règlement sur la cigarette dans les logements.

Enfin, l'UMQ croit opportun de créer très rapidement un comité de travail réunissant les représentants du milieu municipal et du gouvernement du Québec pour assurer les arrimages nécessaires pour la mise en oeuvre.

En conclusion, l'Union des municipalités du Québec veut s'assurer que la légalisation du cannabis et son encadrement se réalisent dans les meilleures conditions possible. Son premier souci est la protection de la santé et la sécurité publique des jeunes, des familles et de la population en général.

L'UMQ croit injustifiable de taxer au municipal pour les dépenses engendrées par la légalisation du cannabis par le gouvernement fédéral. Comme je l'ai mentionné précédemment, il est anormal que les deux paliers de gouvernement retirent des taxes du produit de la vente du cannabis et qu'ils ne partagent pas avec celui qui a le devoir d'appliquer les nouvelles règles. Ce sont les municipalités qui veilleront à ce que ce changement sociétal se vive le plus harmonieusement possible dans les collectivités. Merci de votre attention. C'est avec plaisir que je répondrai maintenant à vos questions.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. le maire, pour votre présentation au nom de l'Union des municipalités, et j'en profite pour vous féliciter pour votre élection à la présidence de l'UMQ, un organisme qui est fort important et un grand partenaire de tout ce que nous faisons ici, à l'Assemblée nationale.

M. Cusson (Alexandre) : Merci beaucoup.

Le Président (M. Merlini) : Nous débutons donc la période d'échange. Mme la ministre et députée de Soulanges, vous disposez d'un bloc de 16 minutes. À vous la parole et bonjour.

Mme Charlebois : Bonjour, M. le Président. Bonjour à tous mes collègues et tous ceux qui nous accompagnent dans cette consultation. Bienvenue à vous, M. Cusson et Mme Pigeon. Merci d'être venus nous faire part de vos préoccupations à l'Union des municipalités du Québec. Et ce que je remarque, vous savez que la FQM est venue hier, la Fédération québécoise des municipalités, ils nous ont fait part de la même chose, c'est l'interdiction de produire... de culture personnelle, en fait. Excusez, ce matin, on dirait que je suis un petit peu plus lente qu'à la normale.

Alors, par contre, on a des gens qui nous ont dit que le fait d'interdire la production personnelle va faire en sorte qu'on va marginaliser certaines personnes. J'entends les deux points de vue, les deux points de vue sont bons. Mais lequel, selon vous... Je sais que vous me parlez de l'interdiction de la culture. Est-ce que vous croyez que ce serait bien d'attendre... de mettre déjà en place tout le restant, puis peut-être d'en arriver à la révision de la loi, dans trois ans, à peut-être décider de laisser la production personnelle? Ou ne croyez-vous pas qu'un plant ou deux pourrait carrément faire... on pourrait introduire ça dans le projet de loi, là?

M. Cusson (Alexandre) : Nous, on appuie, au fond, les dispositions prévues actuellement dans le projet de loi, c'est-à-dire d'interdire la production, là, à des fins personnelles. Entre autres, là, on est préoccupés par ce qui pourrait arriver dans les édifices qui relèvent des municipalités, les OMH, par exemple. Donc, pour nous, en lien avec ces responsabilités-là qu'on assume, on appuie et on salue, là, cette initiative du gouvernement du Québec.

Mme Charlebois : Est-ce que vous croyez que le fait de mettre zéro plant va faciliter l'application plus que de mettre d'autres plants en culture personnelle?

M. Cusson (Alexandre) : Bien, je vous dirais que oui, hein? Je pense qu'à zéro c'est simple, c'est facile, là. On n'a pas à regarder longtemps. Zéro, c'est zéro. Donc, on est d'accord avec ça et on pense qu'on ne devrait pas, maintenant, commencer à se demander ce qu'on va faire plus tard. Vivons-le comme ça puis on réévaluera, si nécessaire.

Mme Charlebois : Les policiers, hier, nous, ont dit qu'ils ne pouvaient pas se rendre à une adresse civique sans avoir eu le dépôt d'une plainte formelle. Est-ce que... Je ne sais pas comment le formuler, mais il y en a déjà, des gens qui cultivent, notamment pour le cannabis thérapeutique. Puis, soit dit en passant, je vais vous inviter à utiliser mon langage. Je n'appelle pas ça, moi, je n'appelle plus ça le cannabis, j'appelle ça «cannabis non thérapeutique». Je n'ose même plus utiliser d'autres termes. C'est juste parce que je ne veux pas que, dans notre bouche, pour les jeunes, ce soit banalisé. Puis, quand on parle de l'autre terme, ça fait comme un petit peu plus party, on va dire. Alors, c'est pour ça que je dis «non thérapeutique». Comme ça, il n'y a pas, en fait, de sentiment de bien-être ou de joie, là. En tout cas, appelez-le comme vous voudrez. Mais revenons à la production personnelle. Est-ce que vous ne pensez pas que ceux qui cultivent déjà illégalement vont poursuivre si personne ne fait des plaintes?

M. Cusson (Alexandre) : Le risque est là.

Mme Charlebois : O.K. Dites-moi, vous nous avez parlé des coûts qui seront engendrés, puis c'est clair que la légalisation est faite par le gouvernement fédéral. Il est assez clair que l'application va être aux provinces, aux municipalités. Vous nous parlez d'un tiers des coûts. Est-ce que vous avez planché sur des scénarios? Est-ce que vous avez considéré la prévention? Est-ce que vous avez... Parce que pour dire un tiers-un tiers-un tiers, c'est donc dire que le gouvernement du Québec n'aura pas de coût supplémentaire aux municipalités. J'aimerais ça vous entendre plus pour que vous m'expliquiez d'où vient le tiers.

M. Cusson (Alexandre) : Oui, bien...

Mme Charlebois : Parce qu'un tiers ça présume que le fédéral a déjà un tiers de la facture, alors que je ne vois pas comment ils peuvent avoir un tiers.

M. Cusson (Alexandre) : Bien, écoutez, d'abord, il y a la ville de Montréal qui a déjà fait une étude là-dessus. À un tiers, là, ce qu'on estime, nous, là, c'est qu'on va couvrir une partie des dépenses, là, probablement même pas l'ensemble des dépenses. Alors, là-dessus, notre position, c'est qu'on est trois ordres de gouvernement. Il faut s'asseoir rapidement. Nous, ce qu'on dit : Commençons la discussion à tiers, tiers, tiers. On le voit, déjà la semaine dernière, on a un petit peu augmenté le niveau ou la pression là-dessus. On voit le gouvernement fédéral hier qui se montre ouvert à rediscuter de ce partage-là. Alors, moi, je serais prêt, Mme la ministre, à aller à Ottawa avec vous chercher ce qui revient au Québec, ce qui revient aux municipalités, dès la semaine prochaine, rapidement. Je pense qu'il faut travailler ensemble là-dessus. Il faut expliquer à Ottawa les conséquences de sa loi chez nous, tant au niveau municipal qu'au niveau provincial.

Donc, au niveau provincial... au niveau municipal, pardon, il y a des dépenses importantes. Je vous fais grâce, là, de tous les détails. On en a déjà parlé : la formation des policiers, les communications, oui, les campagnes de prévention, parce que, dans plusieurs municipalités, on appuie les différents organismes qui oeuvrent dans nos milieux. Il faudra certainement poursuivre et même accentuer cet appui-là. C'est important. Pour nous, il n'est pas question de transférer une taxe municipale pour le respect d'une promesse fédérale. Ça, on le répète beaucoup. Donc, il faudra s'asseoir très, très rapidement pour trouver un terrain d'entente là-dessus. Mais il y a des attentes élevées au niveau municipal, là-dessus, dans ce domaine.

Mme Charlebois : Vous avez tout à fait raison. Puis, quand vous nous parlez d'organismes, souvent, on est sur un terrain où on double nos compétences parce que les organismes dont vous parlez, c'est les organismes que le gouvernement du Québec subventionne, que l'ensemble des citoyens subventionne. En fait, le gouvernement, ce n'est pas la troisième personne du Saint-Esprit, là, c'est les payeurs de taxes. Puis dans votre cas aussi. Alors, j'entends votre préoccupation. Puis je ne veux pas minimiser leur rôle, loin de là. Ça va être très, très important. Mais je pense que ça va être important qu'on arrime nos forces pour ne pas fragiliser ce qu'il y aura à faire en prévention, et d'un côté et de l'autre, mais qu'on optimise plutôt cet axe de prévention autant pour les municipalités que pour le gouvernement du Québec.

• (10 h 20) •

M. Cusson (Alexandre) : Bien, effectivement, nous, on serait... on ne se plaindrait pas si ces organismes-là, qui ont une vocation qui est davantage soutenue par le provincial, ne faisaient plus de demandes au municipal parce qu'ils en recevaient assez du provincial. On est là en complément à ce qui se fait. Mais effectivement on peut, ensemble, là, s'assurer qu'il n'y ait pas de dédoublement. Mais, très souvent, ces organismes-là, ce qu'ils nous font, c'est la démonstration qu'ils ne reçoivent pas assez de financement pour accomplir leur mission. Et on juge que, dans nos collectivités, c'est important de soutenir leur action.

Mme Charlebois : Je vous comprends, mais c'est toujours le même payeur de taxes. On a intérêt à parler ensemble.

M. Cusson (Alexandre) : On est d'accord avec ça.

Mme Charlebois : Continuons sur la prévention, puis après ça je vais vous amener sur les lieux de vente. On parle de tout ça, là, comme si c'était un nouveau phénomène. La légalisation, c'est un phénomène nouveau, ça, j'en conviens, puis ça va amener un certain nombre d'ajustements. Mais, pour ce qui est de l'utilisation et la consommation du cannabis, vous convenez avec moi qu'on a déjà un bon pourcentage de la population. Si je prends... dans les consommateurs, 42 % de la population jeune, de 18 à 24, consomment le cannabis. L'autre pourcentage, c'est pour toutes les autres strates d'âge.

Alors, est-ce que vous estimez, vous, que la prévention qu'on a mise au projet de loi à 25 millions, tout l'axe préventif... Puis c'est 25 millions, dans la loi, pendant cinq ans. Pas pendant trois ans, là, cinq ans. Est-ce que vous estimez que c'est une bonne chose qu'on l'ait spécifié dans la loi?

Est-ce que vous estimez que ce qu'on a dit... Il y a deux fonds qui sont créés, un où tous les revenus vont être mis, et de ce montant-là va être réparti, après paiement des dettes des opérations de la Société québécoise du cannabis... il y a plus de 50 % qui va retourner encore en prévention, mais, au moins, on a assuré qu'il y a 25 millions en prévention. Je pense que j'ai... je ne sais pas, peut-être que je me trompe, là, mais ça ne s'est jamais vu au Québec qu'un montant soit inscrit dans une loi pendant une durée déterminée. Est-ce que vous croyez que c'est une bonne chose qu'on ait fait ça?

M. Cusson (Alexandre) : Tout à fait, parce que je pense que c'est incontournable, on doit faire de la prévention. Je pense qu'il n'y a personne qui peut prévoir aujourd'hui quelle sera la réaction de la population face à ça. Il faudra par contre s'assurer qu'au-delà du montant les moyens qui sont mis de l'avant, les campagnes qui sont organisées ciblent les bonnes personnes, rejoignent les bonnes personnes. Donc, c'est intéressant qu'il y ait de l'argent, il faudra s'assurer de l'efficacité et maintenir une évaluation régulière.

Mme Charlebois : Dites-moi, quand vous nous dites : On veut être consultés ou, en tout cas, on veut notre champ de compétence respecté, ce qui est normal et louable, je pense, pour l'instauration des points de vente... Puis vous me parlez de sociodémographique, vous ne voulez pas de points de vente là où sont les clientèles les plus démunies. Hier, un chercheur est venu nous dire que, justement, eux autres, si on ne leur assure pas une certaine façon de s'approvisionner, malheureusement, ils vont continuer sur le marché illicite.

Comment vous voyez ça, qu'on... Moi, je ne suis pas en train de vous dire qu'on espère aller en contravention des compétences municipales puis de ne pas respecter le schéma d'aménagement, loin de moi cette idée, mais ne croyez-vous pas qu'on doit assurer une forme d'équité pour l'ensemble de la population sur les sources d'approvisionnement en plus du site Internet?

M. Cusson (Alexandre) : Bien, écoutez, ce qu'on vous dit, nous, là, c'est qu'on veut être consultés. On ne vous dit pas qu'on va s'opposer à quelque chose systématiquement ou quoi. Ce qu'on vous dit aujourd'hui, c'est qu'il n'y a personne plus que le monde municipal qui connaît son territoire, qui connaît les besoins de sa communauté, les risques, les préoccupations de certains secteurs. Alors, on considère qu'il doit y avoir considération de facteurs socioéconomiques : les quartiers défavorisés, les zones institutionnelles comme les zones scolaires, par exemple. Si on se questionne sur est-ce qu'on doit avoir des restaurants de type fast-food, restauration rapide près des écoles, j'imagine qu'il faudra se pose la question, même si ça répond au zonage commercial, si on veut des succursales de la Société québécoise du cannabis près de nos écoles.

Donc, nous, ce qu'on vous dit là-dessus, c'est : On veut être à la table. On veut qu'on aille au-delà de la simple application du cadre réglementaire. Moi, les maires à qui j'ai parlé sont inquiets. Ils se demandent comment ça va se vivre sur leur terrain. Et ils se disent ultimement : C'est nous qui allons avoir à gérer ça, ça va se passer chez nous. Donc, bien, soyons assis autour de la table pour discuter avec les autorités compétentes là-dedans pour nous assurer...

On est revenus, au Québec, en arrière sur la question des appareils de loterie vidéo, là. On en a réduit le nombre, on les a sortis de certains quartiers. On ne voudrait pas, dans quelques années, faire la même chose avec les succursales de vente du cannabis non thérapeutique. On veut surtout bien faire les choses dès le début.

Mme Charlebois : Mais merci de nous le dire. Puis, soyez assuré, on est le gouvernement qui a travaillé à donner le plus d'autonomie aux municipalités. On ne va certainement pas passer par-dessus ça.

M. Cusson (Alexandre) : Bien, ce serait un signal contradictoire, en effet.

Mme Charlebois : Exact. Alors, on ne va certainement pas passer par-dessus ça puis on va respecter vos champs de compétence en tant que schéma d'aménagement, et tout.

Maintenant, on a parlé de la distribution, parlons donc de la consommation. Dites-moi donc comment vous voyez ça, vous, parce qu'on a un chercheur qui est venu hier puis qui nous a dit : Trop restreindre, c'est comme ne pas assez restreindre. C'est que, si les gens n'ont plus d'endroits puis ils sont dans l'illégalité tout le temps, on va aboutir à quoi? Alors, vous en pensez quoi, vous, de ça?

M. Cusson (Alexandre) : Bien, nous, ce qu'on vous dit là-dessus, c'est qu'on souhaite que les municipalités puissent adopter, hein, les municipalités qui sont responsables, là, en termes de paix et bon ordre soient en mesure d'appliquer, d'adopter des réglementations. Par exemple, ce que j'entends comme préoccupation de certains membres, c'est : Comment on va gérer les festivals? Comment on va gérer les grandes activités publiques? Est-ce qu'on va être obligés de le permettre? Comment ça va fonctionner?

Donc, on veut que la loi reconnaisse nos compétences en matière de gestion du bon ordre. On veut être en mesure de prendre des décisions, chacun dans nos municipalités, en fonction des besoins et des attentes de chaque communauté. C'est pour nous une question d'autonomie municipale.

Mme Charlebois : Dites-moi, vous y allez sûrement, dans les festivals, un peu partout au Québec. Bien là, vous venez d'être nommé, là, mais, quand même, vous avez dû assister à plusieurs festivals. N'avez-vous pas déjà senti une petite odeur de cannabis?

M. Cusson (Alexandre) : Bien, c'est certain que, dans ce type d'activités là, que je fréquente comme vous parce que ça fait aussi partie de notre fonction d'aller à la rencontre des citoyens, il peut arriver... Moi, je vous dirais : Jamais à Drummondville, mais ailleurs, peut-être. Donc, effectivement, ce sont des choses qui peuvent arriver. Mais ce qu'on ne veut surtout pas, c'est que ça devienne la norme.

Mme Charlebois : Je vous entends, mais je voulais vous entendre dire aussi que c'est déjà existant, bien que ce soit illégal. Puis je ne suis pas en train, encore là, je vous rassure, là, je ne suis pas en train de dire : On ne laissera pas les municipalités réglementer dans les lieux publics. Je ne suis pas là du tout, du tout, du tout, parce que vous avez des compétences, effectivement, et pouvez faire... vous pouvez être plus restrictifs que ce que la loi provinciale peut... au même titre que le provincial peut être plus restrictif que le fédéral. Alors, il y aura un respect autour de ça, et je voulais vous l'entendre dire. Mais je voulais aussi vous entendre dire que c'est déjà illégal puis qu'on n'arrive pas, déjà, à assumer cette responsabilité-là partout au Québec, parce que, sans ça, ça prendrait presque un policier par personne.

M. Cusson (Alexandre) : Oui, tout à fait. Par contre, il ne faut pas pour autant le banaliser, je pense.

Mme Charlebois : Vous avez tout à fait raison parce que le fait de banaliser, ça va faire en sorte qu'on va avoir plus de consommateurs puis ce n'est pas ce qu'on recherche. Ce qu'on recherche, c'est de ramener les gens du marché illicite vers un marché licite. Et ça veut dire qu'on ne veut pas faire la promotion de la vente. Vous avez vu qu'il y a la Société québécoise du cannabis, qui sera une filiale de la Société des alcools du Québec. Que pensez-vous que nous ayons une filiale qui vende, que ce soit une société d'État, qui vende ce produit-là avec une mission et un objectif très différents de celui qu'ait la Société des alcools du Québec?

Le Président (M. Merlini) : En une minute, M. Cusson.

M. Cusson (Alexandre) : On l'a souligné dans notre mémoire, on est d'accord avec cette orientation-là du gouvernement. Je pense que ça rejoint aussi plusieurs opinions, plusieurs avis qui avaient été exprimés. Donc, on est tout à fait d'accord avec cet alignement-là et on pense qu'il ne faudrait surtout pas se presser à regarder d'autres solutions que celle-là, comme le privé, par exemple.

Mme Charlebois : Merci.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Mme la ministre, pour ce temps d'échange avec nos invités. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député de Labelle, vous disposez de 9 min 30 s. À vous la parole.

M. Pagé : Oui. Merci. Alors, félicitations pour votre élection, bon mandat et bon anniversaire également du même coup. Vous dites : 98 ans aujourd'hui, vous me paraissez jeune pour...

M. Cusson (Alexandre) : ...la fondation. Sylvie non plus.

M. Pagé : J'ai envie de continuer sur le dernier sujet. Ce n'était pas dans ma liste, mais est-ce que vous avez dit que vous seriez ouverts à ce que... oui, à la société d'État, mais également au privé?

M. Cusson (Alexandre) : Nous, nous, ce qu'on dit, c'est que ça ne presse surtout pas, hein? Il y a des gens qui disent : Il faudrait peut-être réévaluer ça, regarder des projets pilotes. Notre position, nous, c'est que la Société québécoise du cannabis, c'est la solution. Et prenons notre temps avant de regarder autre chose.

M. Pagé : O.K. Vous savez, on peut revoir les lois n'importe quand. Nous, on préférerait justement qu'on retire l'article 55 puis, si dans trois ans, dans cinq ans, tout va bien puis qu'on souhaite ouvrir, bien, on pourra le revoir, hein, comme c'est possible de le faire à toutes les sessions parlementaires, parce qu'à ce moment-ci vous me dites : Bien, gardons l'article, mais écrivons «dans cinq ans» ou, tout simplement, retirons l'article puis, un jour, si on veut revenir...

M. Cusson (Alexandre) : Et il ne faut surtout pas qu'on se limite à un article qui nous dirait : Il faut le faire dans deux ans, dans trois ans, dans cinq ans. Je pense qu'il faut regarder comment ça va évoluer, cette situation-là. Donc, pour nous, si l'article est là, il ne faut surtout pas qu'il impose quoi que ce soit. Puis, s'il n'est pas là, bien, il n'est pas là. Puis effectivement le législateur pourra modifier sa loi en cours de route.

• (10 h 30) •

M. Pagé : Je vous remercie. Sur le partage des revenus, bon, si on fait un petit calcul rapide, là, la taxe d'accise, on apprend que ça pourrait rapporter 1 milliard. C'est ce qu'on apprend. Tiers-tiers-tiers, si je fais un ratio pour le Québec, ça ferait à peu près 200 quelques millions pour le Québec, si on consomme à peu près à la même proportion que la population du reste du Canada, donc ça ferait 75-75-75, à peu près, si je me fie à votre...

Est-ce que vous les avez quelque part, ces projections-là qui pourraient nous amener à dire : Bien, 75 millions, là, on devrait être capables de couvrir nos frais ou à terme, bien, ça risque d'être plus que ça? Est-ce que vous l'avez ventilé quelque part? Parce que je veux bien entendre ça, je sais que vous allez avoir des besoins, c'est clair. D'ailleurs, je suis tout à fait d'accord avec la ministre, le fédéral ne devrait même pas toucher un tiers de cette somme-là. Je pense que ça devrait plutôt être 100 % dans la cour du gouvernement du Québec et des municipalités et ensuite qu'on s'entende sur un partage des revenus. D'ailleurs je suis un peu étonné, même, que vous laissiez un tiers au fédéral. Je pourrais répondre pourquoi : parce que ce tiers-là, je pense qu'il devrait être chez nous, là.

Alors, est-ce que vous avez une ventilation? Et pourquoi laisser 75 millions à Ottawa?

M. Cusson (Alexandre) : Bien, écoutez, d'une part, nous, notre position, elle s'établit sur le fait qu'on considère être trois gouvernements impliqués par cette situation-là. Nous, on évalue qu'à un tiers on va couvrir probablement une bonne partie des dépenses. Cependant, une relation entre trois ordres de gouvernement ne doit pas être vue comme un ordre de gouvernement qui envoie un compte de dépenses à l'autre, hein? Je ne pense pas que Québec va envoyer des factures à Ottawa pour justifier pourquoi il doit lui revenir un tiers. Alors, on pense que, dans une logique de respect de chacun des ordres de gouvernement, on ne devrait pas demander ça davantage non plus au monde municipal.

Ceci dit, évidemment, on fait nos devoirs, on l'évalue. D'ailleurs je rappelais tout à l'heure le programme de simplification, là, gouvernemental, qui a été adopté dans le cadre du mandat actuel, qui dit que le ministère devrait évaluer les impacts sur les municipalités. Ça fait partie d'un engagement du gouvernement. Donc, nous, on le fait de notre côté. On se demande si ça a été fait du côté du gouvernement du Québec.

Donc, on regarde les choses, on dit : Bon, ça coûte entre 7 000 $ et 10 000 $, selon les différentes sources, former un policier. Il faut ajouter à ça le temps. Il faut ajouter à ça le coût des appareils dans l'ensemble des municipalités du Québec. Il faut prévoir l'ajustement des services municipaux, de la cour municipale, de l'urbanisme, des campagnes de sensibilisation, un soutien aux organismes locaux. De l'argent, il n'y en aura pas trop parce qu'il y aura toujours la possibilité de mieux faire. Il n'y a personne au niveau municipal, là, tous mes collègues à qui j'ai parlé, qui dit : On veut faire des profits. Aïe! Wow! On va faire des profits avec ça, puis il va nous en rester. Ce que les gens disent, là, c'est : Essayons d'en couvrir le plus possible. Et on juge qu'à un tiers...

Bon, écoutez, si vous voulez vous entendre avec Ottawa puis en prendre 60 %, puis leur en laisser 6 % de... nous, on n'a pas de problème avec ça. Idéalement, on s'assoirait... Je l'ai offert à la ministre tout à l'heure, je suis prêt à aller avec elle, à Ottawa la semaine prochaine, discuter de ça avec les gens là-bas. Déjà, en une semaine, là, on a senti une ouverture du fédéral qu'on n'avait pas perçue jusqu'à maintenant. Je pense que c'est cette pression-là que le monde municipal, particulièrement au Québec, a mise depuis quelques semaines, qui porte déjà ses fruits. Continuons ensemble et allons chercher le plus d'argent possible pour le Québec.

M. Pagé : O.K. Et je suis prêt à vous accompagner aussi à Ottawa, en passant.

Ce que j'entends... Parce que vous avez dit : On va impacter 10 de nos services municipaux. Mais ce que j'entends, c'est qu'il y a des frais qui vont être récurrents, mais il y a des coûts qui vont être plus dans l'installation de ces différents services, dans l'achat d'équipements, la formation de personnel, mais plusieurs choses qui ne reviendront pas. Alors, je nous inviterai, tout le monde ensemble, à évaluer tout ça, à ventiler tout ça, parce qu'il y a un coût à l'installation, mais ensuite il y aura des frais récurrents qui risquent d'être moins élevés. Alors, je pense qu'il faudra ventiler et regarder tout ça très... Oui?

M. Cusson (Alexandre) : Mais c'est vrai pour chaque ordre de gouvernement, ce que vous amenez là.

M. Pagé : Oui, tout à fait.

Sur les lieux de consommation, nous, on est... comme formation politique, nous sommes plus restrictifs que ce que la loi dit. Nous disons : Interdiction partout où c'est interdit pour l'alcool et la cigarette, donc dans les deux cas, sauf, et on voudrait déposer un amendement qui irait dans ce sens-là, des endroits bien encadrés et désignés par les municipalités. Parce que, vous l'avez dit de façon fort éloquente, vous avez tout à fait raison, vous êtes les mieux placés pour déterminer les différents zonages quant à la distribution, à la vente et également les endroits où on pourrait consommer. Parce qu'il y a des parcs qui sont immenses. Est-ce qu'on pourrait imaginer qu'à l'entrée d'un parc un coin bien précis où on ne dérange personne, où — malheureusement, de toute façon, ça se fait déjà, on le sait, là, alors — mais où il y aurait des endroits vraiment désignés? Que pensez-vous de cet amendement? Parce que j'ai posé la question à l'UMQ quand ils sont venus, la semaine dernière. Ils trouvaient ça intéressant qu'on puisse vous donner ce mandat-là de désigner des endroits dans les lieux publics.

M. Cusson (Alexandre) : Bien, écoutez, nous, ce qu'on dit, ça fait partie de notre mémoire, on souhaite que les dispositions du projet de loi respectent nos compétences en matière de paix et bon ordre, hein? Les municipalités peuvent déjà intervenir au niveau de la consommation d'alcool, de drogue sur la voie publique. Et ce qu'on souhaite, c'est qu'en matière de cannabis ce soit la même chose et que les municipalités puissent déterminer des endroits publics extérieurs où ce ne serait pas permis de fumer du cannabis. Et là-dessus, bien, nous, on dit, on prône de façon répétée, je pense que vous l'entendez souvent, l'autonomie municipale. On pense que chacune des municipalités devrait être en mesure de prendre les mesures qu'elle juge à propos sur son territoire.

M. Pagé : Un peu dans le même ordre d'idées, votre recommandation 10 dit : «Que le projet de loi permette aux municipalités d'utiliser le même affichage que celui utilisé pour le tabac dans les lieux municipaux où il sera interdit de fumer du cannabis.» Utiliser le même affichage, j'aimerais bien comprendre puis comment vous souhaiteriez qu'on amende la loi dans ce sens-là.

M. Cusson (Alexandre) : Bien, c'est qu'au fond, hein, il existe déjà, dans la Loi sur le tabac, là, des normes bien précises pour l'affichage, etc. Le projet de loi n° 157 nous apparaissait plutôt vague ou même muet, là, sur cette question-là de l'affichage. Quel affichage serait reconnu légalement pour interdire la consommation quand c'est interdit? Donc, à la lumière de ça, ce qu'on dit, nous, par mesure de simplification : Utilisons déjà le même type d'affichage, ajoutons-le à l'affichage existant. Ce sera peut-être la même chose, ça viendra limiter les coûts pour l'affichage.

M. Pagé : O.K. Il reste malheureusement bien de temps. J'aurais encore plusieurs questions. Mais vous avez dit qu'on souhaiterait offrir aux OMH le droit de l'interdire ou tout simplement que ça soit carrément interdit. Première question. Et deuxième question : Pour des résidences complètement privées, où, même, il n'y a pas d'enfant à la maison, est-ce qu'on devrait interdire de consommer ou encore dans les multilogements, dans les copropriétés?

Le Président (M. Merlini) : 30 secondes, M. Cusson.

M. Cusson (Alexandre) : Bien, un propriétaire, chez lui, je pense que ça devient plus difficile d'intervenir. Ce qui touche les OMH, pour nous, il y a une question de sécurité, il y a une question de respect de l'édifice, et tout ça, qui appartient à l'OMH, donc indirectement souvent aux municipalités. C'est une préoccupation importante chez mes collègues.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. le député de Labelle, pour ces échanges avec nos invités. Nous allons maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Borduas, vous disposez de 6 min 30 s. À vous la parole.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. M. Cusson, Mme Pigeon, bonjour. Merci de participer aux travaux de la commission. Je voudrais juste dire quelques mots en introduction parce que j'entends souvent le fait qu'on demande : Est-ce que le cannabis, ça existe déjà? Je dirais aux membres de cette commission et à la population en entier : Oui, le cannabis, ça existe. Il y en a, il y a déjà des drogues qui existent au Québec, du fentanyl, du crack, de la coke, du hasch, de la métamphétamine, plein de choses aussi. Le débat n'est pas là. On est sur : Comment est-ce qu'on gère la légalisation du cannabis? La loi sur certaines drogues et autres substances, au fédéral, existe toujours et elle le demeure. Et donc il y aura des produits qui existent mais qui sont criminalisés. Alors, c'était un simple point, M. le Président, parce qu'il y en a, de la drogue au Québec. Et là on doit gérer un stupéfiant qui devient légal.

Alors, M. le président de l'UMQ, j'aurais une question à vous poser relativement aux cours. Dans votre mémoire, vous parlez... vous dites : Il faut faire la distinction entre les cours municipales et la Cour du Québec. Il faut que les revenus attribués... bien, en fait, qui découlent des amendes demeurent dans les cours municipales. Pouvez-vous nous expliquer c'est quoi, la position de l'UMQ sur ça?

M. Cusson (Alexandre) : Oui, c'est ça, c'est une question de partage de compétences, là, qu'on veut très claire au niveau de la loi. Vous savez, bon, si c'est la police municipale qui intervient, on veut que ce soit clarifié, au fond, comment tout ça va s'appliquer. Mais ce qui relève de la cour municipale, c'est aux municipalités à conserver les amendes.

M. Jolin-Barrette : Alors, à titre d'exemple, si, dans le cadre du projet de loi n° 157, on adopte une réglementation-cadre qui fait en sorte que, supposons, c'est interdit de consommer dans les lieux publics, donc vous souhaitez que l'amende associée à cela revienne dans le coffre des municipalités?

• (10 h 40) •

M. Cusson (Alexandre) : Si ce sont les municipalités qui sont chargées de faire appliquer la loi.

M. Jolin-Barrette : O.K. Mais, si vous vous retrouvez dans une cour... Dans le fond, lorsque vous êtes dans un service de police qui est de régie intermunicipale, vous allez vous retrouver nécessairement dans une cour municipale, mais, lorsque vous êtes des municipalités avec des corps de police de la SQ, ça, ça ne vous dérange pas que...

M. Cusson (Alexandre) : C'est déjà comme ça. La SQ, par exemple, sur un territoire desservi par la SQ, qui émet des contraventions, ça revient à la municipalité. Donc, c'est la même chose qui s'appliquerait.

M. Jolin-Barrette : À la municipalité.

M. Cusson (Alexandre) : Ça revient à la municipalité.

M. Jolin-Barrette : Donc, dans tous les cas, vous voulez avoir le montant des amendes.

M. Cusson (Alexandre) : Oui.

M. Jolin-Barrette : O.K. Premier élément. Deuxième élément, vous invitez le gouvernement du Québec à ce que les amendes prévues pour l'interdiction de la culture de cannabis à des fins personnelles ne soient pas systématiquement contestées en raison du litige constitutionnel. Vous, vous avez une crainte à l'effet... Prenons le cas des plants de cannabis qui pourraient être produits à domicile en vertu de la loi fédérale. Vous, vous avez une crainte que, si le gouvernement... bien, en fait, si l'Assemblée nationale légifère dans ce domaine-là pour interdire complètement la culture à domicile à zéro plant, vous pensez qu'on a un litige constitutionnel là-dessus avec le fédéral.

M. Cusson (Alexandre) : On pose la question. On dit : S'il y a un litige potentiel, il faut prévoir, il faut s'assurer que la loi soit formulée pour éviter ces contestations-là parce qu'on ne voudrait pas se retrouver, là, à appliquer une loi qui est inapplicable, et que, constamment, elle est contestée, et que, dès qu'il y a une amende qui est émise, bon, etc., là, vous imaginez ça. Donc, ce qu'on dit, nous, il y a évidemment, au gouvernement, des gens qui sont compétents pour le faire. Il faut s'assurer que la formulation de la loi nous met à l'abri de ces contestations systématiques là.

M. Jolin-Barrette : O.K. Mais on peut faire l'exercice, mais ça n'empêchera pas personne de prendre une requête, pour dire : C'est ultra vires, et vous ne pouviez pas légiférer dans ce domaine-là. Ce n'est pas mon opinion, là, mais je comprends. Mais vous nous invitez à faire vraiment attention sur comment on va le formuler.

M. Cusson (Alexandre) : On vous invite à beaucoup de précautions là-dedans.

M. Jolin-Barrette : O.K. Puis de la façon que c'est formulé actuellement dans le texte de loi, est-ce que vos gens à l'UMQ y voient une problématique, vos juristes?

M. Cusson (Alexandre) : Bien, il y a différentes opinions, là, on les entend un peu partout. Nous, on n'a pas demandé à nos juristes, là, de faire une analyse approfondie de ça. Ce qu'on a dit, c'est : C'est au gouvernement à faire cette analyse-là pour éviter que ça se produise.

M. Jolin-Barrette : O.K. Juste revenir sur la question de mon collègue de Labelle, qui vous demandait : Pour les offices municipaux d'habitation, est-ce que vous voulez, dans la loi, qu'on inscrive directement que c'est interdit de consommer ou vous voulez qu'on laisse la liberté à chacun des OMH de venir modifier unilatéralement le bail... bien, les baux des OMH avec les clients, les bénéficiaires?

M. Cusson (Alexandre) : Ce qu'on souhaite, c'est que la loi permette aux OMH de procéder à cette modification-là.

M. Jolin-Barrette : O.K. De façon unilatérale?

M. Cusson (Alexandre) : Bien, à ce... Il faut prévoir dans la loi la possibilité de le modifier, effectivement, oui, de façon unilatérale.

M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, un bail qui court présentement...

M. Cusson (Alexandre) : Pour les baux existants, oui.

M. Jolin-Barrette : Pour les baux existants, dans le fond, si la municipalité décide... Moi, dans mes OMH, on ne souhaite pas que les locataires consomment du cannabis, vous pourriez le faire à partir du moment de l'entrée en vigueur de la loi.

M. Cusson (Alexandre) : Tout à fait.

M. Jolin-Barrette : O.K. Parfait.

Au niveau du zonage, vous dites : Paix et ordre vont au gouvernement, on veut s'assurer d'avoir cette liberté-là. La FQM nous invitait à adopter un règlement-cadre, un règlement uniforme pour l'ensemble des municipalités du Québec, à le développer puis à le diffuser. Est-ce que vous souhaitez la même chose que ça ou vous voulez qu'on laisse la liberté à vos membres de le faire?

M. Cusson (Alexandre) : Bien, nous, on n'arrête pas de parler d'autonomie. On est des gouvernements de proximité, on est capables d'assumer nos responsabilités. Donc, donnez-nous la possibilité de faire les choses, on va faire les choses de notre côté, et chacune des municipalités, les gens se parleront et pourront faire des choses ensemble, mais je considère que ce n'est pas à Québec à écrire nos règlements.

Le Président (M. Merlini) : 45 secondes, M. le député.

M. Jolin-Barrette : Est-ce que le fait de développer une proposition de règlement, ça pourrait convenir à la FQM et à l'UMQ? Est-ce que c'est quelque chose que vous envisagez positivement?

M. Cusson (Alexandre) : Les municipalités pourront, à ce moment-là, considérer les différentes propositions qui sont sur la table, mais ça pourrait être recevable.

M. Jolin-Barrette : Parfait. Je vous remercie de votre passage en commission.

M. Cusson (Alexandre) : Merci à vous.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. le député de Borduas, pour ce temps d'échange avec nos invités. M. le maire Alexandre Cusson, Mme Sylvie Pigeon, représentant l'Union des municipalités du Québec, merci de votre présence, merci de votre contribution aux travaux de la commission.

Et je suspends donc quelques instants et j'invite l'Association des spécialistes en médecine d'urgence à venir prendre place.

(Suspension de la séance à 10 h 45)

(Reprise à 10 h 50)

Le Président (M. Merlini) : Nous reprenons donc nos travaux après cette brève suspension. Nous avons maintenant le plaisir d'accueillir Dre Élyse Berger Pelletier, présidente de l'Association des spécialistes en médecine d'urgence. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation, ensuite nous aurons les échanges avec les membres de la commission. Bienvenue à la CSSS, et à vous la parole.

Association des spécialistes en médecine
d'urgence du Québec (ASMUQ)

Mme Berger Pelletier (Élyse) : Merci beaucoup, merci de l'invitation. L'Association des spécialistes en médecine d'urgence est très heureuse de partager avec vous certaines recommandations concernant le projet de loi n° 157. Nos recommandations s'appuient bien évidemment avec celles de la Fédération des médecins spécialistes du Québec et également celles de l'association des psychiatres du Québec.

Tout d'abord, concernant le financement du fonds de prévention et de la recherche du cannabis, l'association a quelques questions concernant ce financement. En fait, c'est surtout concernant l'ajustement à cette masse monétaire qui est prévue dans la loi. Qu'en est-il si, après un an de fonctionnement, on réalise que ce financement est insuffisant? Qu'en est-il si la Société québécoise de cannabis est déficitaire année après année dans les premières années de fonctionnement ou, et surtout, il n'y a pas de notion concernant le financement des établissements de santé? Donc, la partie préventive dans les établissements, dans nos urgences, va être financée à même ce fonds ou via les budgets des établissements. Donc, pour nous, c'est un questionnement qui est important parce que, sur le terrain, on va le voir probablement dans les prochaines années, ça ne sera pas instantané, probablement une augmentation des consultations suite à la légalisation du cannabis.

Concernant le chapitre VII, la «Composition caractéristique du cannabis et des accessoires», nous recommandons au ministère de déterminer par règlement les normes en termes de concentration de  THC et de cannabidiol. Un comité d'experts devrait être formé. Ça pourrait être, entre autres, via l'INESSS, donc l'institut d'excellence, pour réviser la littérature et offrir une gamme de produits en fonction des données scientifiques pour qu'il y ait les effets délétères sur la santé le plus bas possible.

Concernant le chapitre VIII, «Publicité et emballage», l'ASMUQ salue l'option choisie de, sous aucune forme, ne présenter de la publicité pour promouvoir la consommation de cannabis. Par contre, nous tenons à mentionner deux choses spécifiques, particulièrement concernant l'emballage, sur l'attrait pour les jeunes enfants, parce qu'il y a quand même des cas d'intoxication accidentelle sévères et graves chez les jeunes enfants. Donc, particulièrement faire attention à ça lorsque vous allez préparer les emballages. Et nous suggérons aussi une campagne publicitaire similaire à celle du tabac, avec un étiquetage montrant les effets délétères sur la santé de la consommation de cannabis.

Ensuite de ça, nous... comme la fédération l'a mentionné, nous recommandons que l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux, donc l'INESSS, reçoive du gouvernement le mandat d'effectuer une étude épidémiologique longitudinale qui permet de déterminer le lien causal entre la teneur de THC et la création d'une dépendance au produit.

Dans la même lignée, nous suggérons qu'il y ait une définition des pathologies graves associées avec l'exposition au cannabis. Je vous donne des exemples : exposition accidentelle pédiatrique, conséquences obstétricales, accident, psychose, hyperémésis. Donc, un peu comme le MADO, qui est pour les maladies infectieuses obligatoires, on pourrait mettre en place un système de déclaration obligatoire des pathologies graves associées à l'exposition au cannabis qui permettrait en fait que le gouvernement, le ministère, puisse faire un suivi longitudinal après la légalisation. Évidemment, pratico-pratique, ça n'a pas lien avec le projet de loi en soi, mais c'est sûr que, sur le terrain, il y a des choses qui vont probablement s'accentuer dans les prochaines années, même si on le vit déjà quotidiennement.

Concernant les mesures sur la sécurité dans les services d'urgence, dans les départements de psychiatrie, évidemment, ça va devoir être renforcé. On parle d'agents de sécurité puis on parle aussi de protocole de déclaration d'incidents, d'agressions de patients face au personnel qui... C'est très disparate pour le moment, puis nous, on considère que ça devrait être probablement protocolisé uniformément dans la province, également, tel qu'il est écrit dans le projet de loi, qu'il y ait des ressources pour la prévention et la désintoxication qui soient accrues. On parle de travailleurs sociaux, mais également les infirmières spécialisées en toxicomanie.

Pour ce qui est des ressources en toxicomanie, comme, par exemple, les établissements où il y a des cures de désintoxication, il serait peut-être intéressant de regarder l'option qu'il y ait des places réservées pour le sevrage de cannabis, ce qui n'est pas le cas présentement, puis c'est parfois difficile sur le terrain d'avoir des endroits où les gens qui veulent faire un sevrage de cannabis puissent être encadrés.

Évidemment, il y a aussi une partie qui va être importante concernant la formation des médecins puis des étudiants en médecine sur les effets du cannabis, qu'ils soient encadrés évidemment par les facultés de médecine et les fédérations médicales. Est-ce qu'une formation obligatoire devrait être faite? Parce que, quand on y pense, la consommation de cannabis touche à peu près toutes les spécialités médicales, qu'on pense à l'obstétrique, la pneumologie, la cardiologie, la gastroentérologie. Donc, ça va probablement être des programmes qui vont devoir être offerts de façon systématique aux étudiants et aux médecins.

Concernant le fonds de recherche, il y a certaines choses que nous voulions vous suggérer. Évidemment, sur l'incidence et la prévalence des visites à l'urgence en lien avec la consommation de cannabis, présentement dans la littérature, c'est très difficile et très disparate de voir, entre autres, dans les États américains où la légalisation s'est faite ou encore en Hollande, s'il y a eu une incidence sur l'augmentation des visites à l'urgence. Présentement, ce n'est pas clair dans la littérature, puis je pense qu'on pourrait être des chefs de file, justement, si on prévoit un protocole de recherche avec le fonds pour être capables de dire : Est-ce que, oui ou non, il y a une augmentation des visites à l'urgence? Évidemment, même chose pour ce qui est des admissions hospitalières puis, comme je vous ai mentionné plus tôt, la définition de pathologie grave ainsi que le suivi de ces pathologies. Puis, dernière des choses, que le programme de cessation tabagique en vigueur dans les établissements et placé sous la responsabilité des infirmières soit étendu à celle de la cessation de consommation de cannabis.

Ça fait pas mal le tour de nos recommandations. Évidemment, il y a beaucoup de choses que je peux discuter avec vous sur ce qui est de la littérature médicale par rapport à la consommation de cannabis. Ça ne concerne pas directement le projet de loi, mais ça peut peut-être vous permettre de vous outiller sur ce qui est de... peut-être certaines choses que je ne connais pas en législation qui pourraient vous aider.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, docteure, pour la présentation de votre mémoire pour votre association. Nous allons débuter les échanges immédiatement. Mme la ministre et députée de Soulanges, devinez quoi? Vous avez un bloc de 16 minutes. À vous la parole.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, Dre Berger. Merci d'être là pour nous présenter votre mémoire. Il y a des petits bouts que je ne suis pas certaine parce que vous parlez vite un brin, puis le...

Mme Berger Pelletier (Élyse) : Ah! je m'excuse.

Mme Charlebois : Oui, mais non, mais on va clarifier ça. On a des temps de période de questions exactement pour ça. Puis vous, vous êtes là-dedans, la médecine, à l'année longue, pas nous. Alors, ça va être une bonne chose qu'on puisse échanger.

Je n'ai pas entendu parler d'âge de consommation, bien que je me doute de votre position, mais vous avez sûrement entendu d'autres personnes avoir des points de vue contraires aux vôtres. Mais je vais vous laisser établir votre point de vue, puis après ça on pourra échanger sur ce qu'on a entendu de d'autres personnes. Notamment, hier, il y a eu deux profs d'université, mais aussi... pas hier, la semaine dernière, un psychiatre qui est venu nous dire qu'il n'avait pas le même point de vue.

En tout cas, je vais vous laisser établir votre position sur quel âge ça devrait être, comment vous pensez qu'on doit avoir... c'est quoi, le seuil pour contrer, finalement, le plus le marché illicite, mais aussi pour entrer en communication avec les groupes d'âge dont on a besoin de s'approcher pour leur éviter de se ramasser sur un marché illégal qui peut leur faire tendre vers d'autres... de consommations de d'autres produits.

Mme Berger Pelletier (Élyse) : En fait, c'est une décision qui... où les... ça dépend qui va gagner dans la balance. C'est-à-dire que nous, on est d'accord avec l'association des psychiatres puis la fédération que ce devrait être 21 ans pour le seuil légal de pouvoir acheter du cannabis. Je comprends très bien le point de vue que... pour l'instant, qui est écrit dans la loi, que c'est 18 ans que c'est légal parce que vous ne voulez pas que ce soit via le marché illicite que les jeunes se procurent le cannabis.

Ceci étant dit, dans les études de la littérature médicale, de ce que nous, nous avons retrouvé, il y a un effet sur le comportement, sur le taux de psychose, sur le taux de dépression des jeunes en bas de 21 ans, même en bas de 25 ans. Ce qui fait que je comprends le problème du marché illicite, mais, d'un point de vue médical, c'est contre-intuitif de suggérer que le seuil soit à 18 ans pour ce qui est de l'achat légal.

Ceci étant dit, ça va vraiment être via les programmes de prévention, puis via la publicité, puis tout ça, que ça va être le plus important. Mais reste que, si vous mettez le seuil à 21 ans, il y a quand même des jeunes en bas de 21 ans qui vont se retenir d'en consommer pour la simple et bonne raison que c'est illégal. C'est vrai que, présentement, vous avez mentionné la statistique tantôt de 40 %, 42 % de la population entre 18 et 25 ans consomme du cannabis, mais reste qu'il y a un certain pourcentage qui vont... ne consomme pas de cannabis présentement parce que c'est illégal. Donc, c'était le point de vue médical derrière tout ça, c'est vraiment les effets délétères dans la population jeune.

• (11 heures) •

Mme Charlebois : J'ai le goût de vous dire : Dans un monde idéal, s'il n'y avait pas de drogue du tout, ce serait encore mieux, mais, dans le monde réel, il y a du cannabis, puis je sais que mon collègue de Borduas n'aime pas ça que je dise ça, mais il y en a déjà, c'est illégal. Oui, on est en train de légiférer sur l'encadrement de la légalisation, mais on ne peut pas faire abstraction de la vie qui court. Il y a déjà des gens qui en consomment. De 18 à 24 ans, la population, ce qu'on me dit, puis c'est 42 % des jeunes qui sont des consommateurs, de 18 à 24 ans, qui sont les consommateurs de cannabis, de un.

De deux, j'ai le goût de vous dire que la science, la littérature de science, puis là contredisez-moi, là, si je me trompe, là, nous dit que c'est 25 ans. Puis il y a quelqu'un qui est venu nous dire hier qu'en fait si on veut aller dans ce sens-là on pourrait aller à 86 ans ou à 76 ans parce qu'il n'y a pas de science réelle qui nous démontre... parce que ce n'est jamais bon pour le cerveau, on va se dire la vérité, là. Et ce qu'on nous indique, c'est que la seule façon... En tout cas, les adolescents semblent plus rébarbatifs. En tout cas, ils sont plus tentés d'essayer quand c'est justement quelque chose d'illégal ou ils sentent un frein.

Ne croyez-vous pas que de les laisser avec le marché illégal, entre 18 et 24 ans... 18 et 21 ans, c'est de les inciter à essayer? Puis, en tout cas, moi, je pense que les consommateurs... les vendeurs, sur le marché illégal, ils se soucient très peu de la qualité du produit, puis encore moins de l'état de santé de leurs consommateurs. Et ce que j'ai lu, c'est que ce n'est pas tant une consommation, c'est la répétition qui fait qu'il y a des comportements ou, en tout cas, des dépendances qui se créent et aussi qui affectent le cerveau. Alors, je veux vous entendre un petit peu plus là-dessus. Je sais que je vous challenge un peu, mais ce n'est pas pour être déplaisante, c'est pour vraiment avoir tous les points de vue, là.

Mme Berger Pelletier (Élyse) : Il y a une étude danoise qui est parue le 23 novembre dernier, donc c'est tout récent, sur une base de données de 10 ans qui parlait que 47 % des gens qui faisaient des psychoses toxiques au cannabis allaient avoir un diagnostic, entre trois et 10 ans plus tard, de schizophrénie ou de maladie bipolaire. C'est énorme, c'est une sur deux, alors qu'avec l'alcool et les autres drogues c'est nettement moindre. On parle de 15 %, 20 %, même, avec l'alcool, on parle de 5 %, ce qui fait que c'est un enjeu de santé publique qui est important. C'est indéniable que le cannabis est déjà consommé. J'en vois à chaque quart de travail dans mon urgence.

Comme je vous dis, ça dépend du signal que vous voulez envoyer aux jeunes. C'est là-dessus que le débat se fait. Puis c'est un débat d'idées, puis je ne pense pas qu'il y a de bonnes réponses. Puis ça va être vous, en tant que gouvernement, à décider. C'est-à-dire que, si vous envoyez le signal que c'est dangereux pour la santé en bas de 21 ans, vous mettez le seuil à 21 ans. Si vous considérez que l'argument qui est plus fort pour vous, c'est que vous avez peur qu'ils consomment, peu importe, puis vous voulez éviter le marché illicite, vous allez le mettre à 18 ans.

Mais, comme je vous dis, moi, d'un point de vue médical, comme je sais que les effets délétères sont nettement significatifs en bas de 25 ans... Je trouve ça drôle, la personne qui vous a parlé de 76 ou 90, en ce sens que, nous, ce qu'on voit, c'est des gens en bas de 30 ans, et même, je dirais, la grande majorité en bas de 25 ans. Les psychoses toxiques, c'est vraiment... c'est fin de l'adolescence, début de la vie adulte. Rendu là, c'est...

Mme Charlebois : ...que j'en connais, des gens qui ont atterri là où vous dites. Mais je connais d'autres gens qui ont consommé, qui n'ont pas eu de problème, puis qu'ils sont rendus à mon âge, j'ai 58, qui n'ont encore pas de problème. Ceci étant dit, quand vous me dites, dans vos visites à l'urgence, qu'il y a un si grand nombre... pourcentage de jeunes qui se ramassent en visite à l'urgence, si on les laisse aller sur le marché légal... ils consomment déjà, puis c'est illégal, là. Moi, je fais le pari que, d'avoir la chance d'échanger avec eux, leur expliquer c'est quoi, le produit, de leur faire voir les risques associés, leur parler, dire : Est-ce qu'il y a dans ta famille... Parce que les maladies mentales ne sont pas créées par la consommation, c'est plutôt qu'elles exacerbent quelque chose qui est déjà existant. En tout cas, c'est ce qu'on m'a dit, au point de vue médical. Moi, je ne suis pas médecin, je vous laisse ça à vous. Alors, c'est juste...

Je veux vous expliquer pourquoi je suis une partisane du 18 ans, c'est parce que je veux me donner la chance d'échanger avec eux plutôt que de les laisser à quelqu'un qui se soucie, mais comme pas pantoute, de leur état de santé.

Ceci étant dit, je veux aussi vous parler de la formation aux médecins en matière de stupéfiants, mais la formation, vous l'avez dit tantôt, pour les infirmières, tout ça. J'ai su, puis je ne sais pas si c'est vrai, vous allez pouvoir me confirmer ça, dans les consultations, on a appris que la formation en médecine, il y avait un tout, tout petit segment sur le cannabis et autres drogues associées, ou, en tout cas, similaires, ou je ne sais pas qu'est-ce qu'on... toutes les drogues... Ah! bien, peut-être pas toutes les drogues, mais les drogues comme le cannabis, il n'y avait pas beaucoup de formation. Est-ce que vous pensez qu'il va falloir augmenter cette formation-là en matière de stupéfiants, là, de ce que les gens consomment? Et comment les médecins doivent... quelle formation devraient-ils avoir, puis tout le corps médical, finalement, autour d'eux, là?

Mme Berger Pelletier (Élyse) : Je pense qu'effectivement c'est peut-être une des choses qui va devoir être majorée dans la formation des médecins du point de vue étudiant, donc dans les premières années de formation. Un peu comme on a des formations sur les effets du tabac. Je pense que, dans toutes... présentement, la plupart des universités fonctionnent de la même façon, c'est-à-dire que c'est une formation par système. On a de plus en plus de formations par cas clinique. Puis, dans les formations par système, il n'y a pas une journée où on ne nous parlait pas de tabac. Donc, oui, je pense qu'il va falloir effectivement majorer la formation parce que, comme je vous dis, ce n'est pas tous les médecins qui vont avoir à traiter des psychoses ou des intoxications aiguës, mais, comme comorbidité, le cannabis est déjà présent. La légalisation va juste faire, probablement, qu'on va en être plus conscient.

Donc, oui, je pense que ça va être une des choses que les facultés vont devoir regarder. Puis, de la même façon, les médecins qui sont sur le plancher présentement, je pense que les fédérations veulent travailler aussi là-dessus pour qu'il y ait une meilleure compréhension des effets du cannabis dans toutes les sphères des autres spécialités, là, donc pas juste la psychiatrie, là.

Mme Charlebois : O.K. On aura certainement un échange avec l'ordre et d'autres spécialités.

Vous avez questionné le financement, puis je veux vous rassurer. Au niveau de la prévention, le 25 millions qui est inscrit dans la loi, c'est pour cinq ans, puis il est inscrit dans la loi. C'est un minimum qu'il va y avoir en prévention. Ceci étant dit, même si la société est déficitaire, il y aura 25 millions. Puis c'est pour ça que je l'ai fait inscrire dans la loi. Honnêtement, le gouvernement, ce qu'on souhaite, c'est ne pas ralentir la prévention parce que, même si la société d'État n'est pas rentable, ça ne veut pas dire qu'on n'est pas... Il faut parler aux gens, là, puis expliquer. Il ne faut pas dramatiser, mais il faut expliquer, il faut faire l'éducation des gens sur ce que c'est, le cannabis, quels sont les risques associés à ça, la consommation d'alcool et le cannabis. En tout cas, il y a plein de choses à faire.

Et je veux aussi vous dire que le financement du 25 millions peut être majoré si on s'aperçoit que la société d'État, un jour, fait de l'argent. Bien, après avoir payé sa dette, d'avoir instauré ses boutiques de cannabis, son site en ligne et ses opérations, elle va verser plus de la moitié, encore, pour augmenter la prévention. Les autres sommes pourront servir, exemple, à la sécurité publique, à d'autres domaines qui sont reliés directement au cannabis.           Une fois que je vous ai dit ça, ça vous... je suis sûre que ça vous rassure. Je veux aussi vous parler de tout ce qui est l'emballage. Je vous ai entendue nous refaire une recommandation. Je veux aussi vous rassurer qu'on ne va pas aller en deçà de ce qui se fait pour le tabac.

Vous m'avez entendue parler de cannabis non thérapeutique. Il va falloir faire des représentations, je pense, au gouvernement fédéral parce qu'hier j'ai entendu qu'il y avait des emballages qui étaient assez jolis, mettons, pour le cannabis thérapeutique. Ça, ça m'a bien inquiétée parce que, pour le cannabis non thérapeutique, moi, je n'utilise plus le mot... l'autre mot parce que je ne veux pas justement banaliser ce produit-là, alors je dis «non thérapeutique» à escient. Je sais que ce n'est pas ça qui est utilisé ailleurs, mais j'espère gagner mon pari. Est-ce que vous seriez partante pour nous accompagner, avec le fédéral, pour leur dire : Aïe! Il faut encadrer aussi le non-thérapeutique, là. Il faut qu'il y ait un emballage neutre, comme le tabac, aussi pour le thérapeutique?

Mme Berger Pelletier (Élyse) : C'est essentiel, selon moi, que ce soit pour ce qui est de tout ce qui est de la... pour la population qui va être en âge légal de consommer. Mais, dans la littérature, on a quand même une bonne revue de littérature dans le Journal of Pediatrics qui parlait des cas d'intoxication accidentelle chez les enfants, puis les enfants sont attirés par la couleur. Moi, c'est quelque chose qui me touche particulièrement parce que c'est le genre de cas que mes médecins, on voit à l'urgence à l'occasion, là. J'en ai déjà vécu personnellement, même des intoxications accidentelles, dans ma pratique. Donc, oui, tout à fait, ce n'est pas le temps de mettre de la couleur puis du flafla sur les produits.

Mme Charlebois : Parlez-vous de produits dérivés ou de produits séchés?

Mme Berger Pelletier (Élyse) : C'étaient des produits dérivés dans ce cas-ci. Mais, dans la littérature, les cas, c'étaient, entre autres, des emballages très colorés qu'un bébé avait tout simplement pris et mis dans sa bouche, il avait fait une intoxication. Puis ce n'est pas... c'est quand même des dizaines de cas qui sont rapportés aux États-Unis, là. Ce n'est pas anecdotique.

Mme Charlebois : Deux points rapides dont je veux vous parler. Il y a un point que je n'ai pas vraiment compris. Quand vous me parlez d'endroit de sevrage, j'aimerais ça que vous me reveniez là-dessus. Puis l'autre chose que je veux que vous me parliez, vous ne m'en avez pas parlé, bien, en tout cas, je ne l'ai pas entendu, c'est sur la production personnelle. On a mis : Interdiction de production personnelle dans le projet de loi. Comment vous voyez ça, vous?

• (11 h 10) •

Mme Berger Pelletier (Élyse) : Bien, d'un point de vue... en tant que spécialiste en médecine d'urgence, personnellement, ça ne change pas grand-chose, je pense, parce que les gens qui vont vouloir consommer vont consommer, peu importe. Comme vous l'avez mentionné tantôt, précédemment, puis je vous écoutais, il y a déjà des gens qui en produisent de façon personnelle. Je pense que c'est vraiment au point de vue policier que ça va être un méchant travail. Je pense que, si vous mettez le seuil à zéro, puis, d'une province à l'autre, si ça change, ça va être un méchant casse-tête.

Mais, d'un point de vue de médecin, que les gens en fassent pousser à la maison ou pas, moi, l'association, on s'est posé la question puis on n'avait pas vraiment d'opinion à ce sujet-là. En fait, ce qui est intéressant de savoir, puis c'est une de nos recommandations, c'est sur le taux de THC, de cannabidiol. Il n'y a pas beaucoup de littérature. J'ai cherché, hier, à essayer de comprendre, puis dans les dernières semaines, quel est le taux qu'on considère sécuritaire de THC. Ce qu'on sait, c'est ce qui est dangereux, c'est-à-dire les taux de THC extrêmement élevés qu'on voit sur le marché noir présentement, entre autres, les résines, les choses comme ça, qui sont à 80 %, 90 %, extrêmement délétères, beaucoup plus de risques de psychose, d'anxiété, de dépression puis de troubles de comportement associés.

Mais c'est sûr que, si vous contrôlez le produit en interdisant la production personnelle, c'est sûr que ça, là-dessus, par exemple, ça a un effet positif parce que ce que vous allez vendre à la société, vous allez contrôler la qualité du produit. Donc, ça, c'est sûr que c'est un côté qui est positif de la chose, d'interdire la production personnelle.

Mme Charlebois : Est-ce qu'il me reste du temps pour les lieux de sevrage?

Le Président (M. Merlini) : Deux minutes.

Mme Charlebois : Allez-y sur les lieux de sevrage, juste pour me reprendre ça, parce que j'ai manqué un bout dans ce que...

Mme Berger Pelletier (Élyse) : En fait, c'est une des choses, je pense, qu'il va falloir qu'on réfléchisse. C'est que présentement, avant que la légalisation soit faite, c'est compliqué, lorsqu'on a des grands consommateurs de cannabis, de trouver des endroits où ils peuvent aller faire un sevrage. C'est un peu... pas banalisé... Puis c'est parce que... En fait, c'est le fait que le sevrage du cannabis n'est pas mortel. Ce n'est pas comme l'alcool ou d'autres sortes de sevrages qui peuvent être mortels. Si vous faites un sevrage de cannabis, vous n'allez pas être bien, mais vous n'allez pas en mourir. Ce qui fait que, présentement dans les centres de désintoxication... puis tout ça, c'est parfois très compliqué. Puis les gens qui souffrent de toxicomanie, ils arrivent à toute heure du jour ou de la nuit, ce qui fait que c'est un peu complexe, dans le système présentement, de gérer, déjà, là, avant que ce soit légal, de gérer les gens qui viennent avec des complications de leur consommation de cannabis.

Donc, c'est encore une fois du fait que, quand la légalisation va arriver, il n'y aura pas une horde de gens qui vont arriver avec des problèmes de consommation de cannabis, mais probablement qu'il va y avoir tranquillement une augmentation de l'incidence dans nos urgences. Donc, ça serait intéressant de se pencher : Est-ce qu'on réserve des places comme il y a des centres spécifiques pour la désintoxication à l'alcool? Est-ce que c'est quelque chose qui peut être envisagé lorsque la légalisation va être faite, dans quelques mois? C'est une chose sur laquelle il faut se pencher. C'est ça, c'était un peu ça, notre recommandation, parce que, présentement, c'est extrêmement complexe.

Le Président (M. Merlini) : Merci, Mme la ministre, pour ces échanges avec notre invitée. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député de Labelle, vous disposez de 9 min 30 s. À vous la parole.

M. Pagé : Merci, M. le Président. Vous avez parlé tantôt du taux de THC, qui faisait justement que des gens se retrouvent à fumer un peu n'importe quoi. Et, quand nous avions 18 ou 20 ans, la ministre et moi, on nous dit que le cannabis était beaucoup plus de qualité et avec un taux de THC beaucoup moins élevé. J'ai bien entendu vos propos par rapport au 21 ans et le 18 ans. Je vais vous dire que nous, on s'est prononcés pour le 18 ans. C'est justement à cause de la qualité du produit aussi. Pour avoir jasé avec beaucoup de jeunes, ce qu'ils me disent, c'est que, justement, on va être sûrs d'aller acheter un produit de qualité, parce que plusieurs jeunes présentement se font passer n'importe quoi et se retrouvent justement à l'urgence parce qu'ils n'ont pas acheté un produit de qualité.

Alors, je veux juste vous expliquer une des raisons pour lesquelles nous, on est allés avec 18 ans : pour éviter que ces jeunes se retrouvent encore au marché noir, parce que d'imaginer, maintenant que ça va être légal, qu'on va pouvoir mieux contrôler puis qu'ils vont moins fumer, quand c'est les plus grands consommateurs... Si on dit : c'est légal, mais qu'à partir de 21 ans seulement, bien, tous ces jeunes-là vont continuer à aller s'approvisionner, à acheter n'importe quoi et se retrouver à l'urgence. En tout cas, nous, c'est notre grande inquiétude par rapport à cela.

Vous avez mentionné l'importance de la recherche. Effectivement, je pense que c'est très important. Le projet de loi ne prévoit pas qu'il y ait un observatoire, prévoit un comité de vigilance mais pas un observatoire, qui nous apparaît important pour pouvoir collecter toutes les données nécessaires pour être capables, dans trois ans, dans cinq ans, dans 10 ans, d'ajuster nos lois et règlements. Ne pensez-vous pas qu'il serait utile, voire même nécessaire, de créer cet observatoire dès maintenant?

Mme Berger Pelletier (Élyse) : Est-ce que vous pouvez me définir qu'est-ce qu'est «observatoire» pour vous? Parce que je ne suis pas certaine de comprendre ce que vous voulez signifier par «observatoire».

M. Pagé : Oui. Bien, quand on a fait la tournée, on nous a mentionné que c'était important de créer un observatoire. Nous, on dit même : En collaboration avec des chaires de recherche. Pourquoi... Il y a l'Observatoire des tout-petits, observatoire créé par la Fondation Jean-Charles-Bonenfant. Cet observatoire nous permet de collecter énormément de données. Et, quand on prend des décisions, ensuite, en termes de santé publique, en termes d'éducation ou peu importe, on les prend à partir de données probantes parce qu'il y a un observatoire qui a ce mandat-là, bien précis.

Tandis que comité de vigilance, c'est beaucoup moins clair. Un comité de vigilance va plus, en tout cas, ma compréhension, va plus être en réaction. Mais, s'il n'y a pas cet observatoire, conjointement avec les chaires de recherche, nous, on dit : Ça va peut-être être moins évident d'avoir toutes les données probantes pour bien réagir et bien s'ajuster en cours de route. Alors, compte tenu que vous faites souvent référence... vous avez fait référence à quelques occasions à la recherche, nous, on préférerait que ça soit inscrit dans la loi, que cet observatoire-là existe.

Mme Berger Pelletier (Élyse) : C'est sûr que, d'un point de vue, encore une fois, de spécialiste de la santé, ayant moi-même fait une maîtrise en recherche, c'est sûr que je suis d'accord avec votre point de vue. Puis en fait c'est quelque chose qui devrait déjà exister. Puis je pense que le fait que la loi va s'inscrire dans quelque temps, je pense que, si ça peut être inscrit dans la loi, selon mon avis, je suis d'accord avec vous que ça devrait l'être parce qu'effectivement ça va nous permettre de mesurer.

Puis, comme je vous dis, un des problèmes présentement que nous avons remarqués, c'est... dans la littérature, les études ne sont pas de très bonne qualité, puis c'est un petit peu du flou, probablement parce qu'il n'y a rien de très structuré dans les États ou dans les endroits où la légalisation s'est déjà faite. Donc, si vous voulez que le Québec soit un chef de file en ce sujet, je pense qu'effectivement un observatoire, donc une chaire de recherche, que ce soit l'INESSS ou autre, qui ait un plan structuré dès le début va nous donner une longueur d'avance, c'est certain.

M. Pagé : O.K. Présentement, ce qu'on nous a dit lors de la tournée également, c'est qu'il n'y avait que 3 % des prescriptions médicales à des fins médicinales qui provenaient du Québec. Pourtant, on forme 22 %, 23 % de la population canadienne. Donc, est-ce que c'est un manque de formation et d'information à l'égard des médecins qui prescrivent moins? Je vous pose la question, d'une part. Mais, d'autre part, on peut imaginer qu'il y aura probablement plus de gens qui auront moins de craintes à aller consulter leur médecin et même solliciter d'avoir une prescription, évidemment si le médecin juge que c'est à bon escient. Alors, nous, par rapport à cela, et malheureusement le projet de loi ne dit rien par rapport à cela... On comprend, là, que c'est autre chose.

Mais ne croyez-vous pas que, compte tenu qu'il risque d'y avoir plus de prescriptions, je pense que le doute est fort légitime, que, pour des fins médicinales, on devrait déjà inscrire que la prescription, on devrait aller la chercher dans une pharmacie pour que la personne qui va se faire prescrire, comme un médicament, va à la pharmacie afin d'avoir toutes les informations nécessaires au produit qu'on va consommer et également aux craintes par rapport à d'autres produits que ce patient-là pourrait consommer?

Mme Berger Pelletier (Élyse) : Je vous suggérerais de demander à l'Association des pharmaciens leur opinion à ce sujet. Je comprends le point de vue que vous m'expliquez, c'est-à-dire que, quand c'est à fins médicinales, c'est un médicament au même titre qu'un antibiotique, qu'un antidépresseur, qu'un antidouleur. Est-ce que ça devrait être à la société du cannabis versus à la pharmacie... Effectivement, à brûle-pourpoint comme ça, je vous dirais que ce serait plus logique que ce soit dans un centre où on donne des médicaments, donc dans une pharmacie. Mais la gestion de tout ça présentement, effectivement, pour l'instant, c'est un peu... effectivement, c'est très anecdotique. Pour l'instant, dans ma pratique, dans notre pratique, on en voit très peu.

Est-ce qu'il y a un manque de formation? La réponse, c'est probablement oui, ce n'est pas encore très... Puis, comme je vous dis, un des problèmes qu'on a avec ça, c'est le fait qu'il n'y a pas de données probantes. La médecine est basée sur des preuves, puis présentement il n'y a pas beaucoup de preuves scientifiques sur le cannabis thérapeutique, ce qui fait que c'est difficile, pour nous, dire : O.K., je vais le prescrire à mon patient parce que je sais que, dans telle, telle, telle étude, il y a vraiment une amélioration. Donc, ça passe par la recherche avant tout. Puis, pour ce qui est de votre question spécifique, à brûle-pourpoint, je vous dirais que, oui, probablement, ce serait mieux que ce soit en pharmacie.

M. Pagé : Une inquiétude que nous avons, vous n'en avez pas parlé, mais je veux aussi vous amener là-dessus : la vente en ligne. Le projet de loi prévoit qu'on pourrait vendre en ligne. Nous, on dit : Oui, mais il faudrait à tout le moins que la personne se rende elle-même aller chercher le produit. Éventuellement, il y aura des points de vente, il n'y en aura pas que 15, il y en aura plus. J'ai des craintes par rapport à cela. Et là, qu'il n'y ait pas de contact entre la personne, qui, dans son salon... et même le contrôle des individus, et tout le reste...

J'aimerais vous entendre là-dessus, sur cette vente en ligne, et d'autant plus que les consommateurs sont des jeunes. Les jeunes sont beaucoup sur Internet, ça va être très facile pour eux d'aller acheter en ligne, on livre ça à la maison. Qu'est-ce que vous pensez de tout ça?

• (11 h 20) •

Mme Berger Pelletier (Élyse) : En fait, je vais vous servir le même argument que vous m'avez servi concernant l'âge de 18 ans, c'est-à-dire que, si vous ne permettez pas la vente en ligne puis la livraison à domicile, les gens vont aller la chercher ailleurs, tout simplement, j'ai l'impression. Donc, moi, je pense que d'avoir à demander aux gens de se déplacer physiquement pour aller chercher leur cannabis, si c'est une personne qui ne veut pas se déplacer, elle va tout simplement aller le chercher sur des sites illicites ou des choses comme ça. Donc, c'est un peu le même principe que vous avez... Vous suggérez l'âge de 18 ans parce que vous ne voulez pas que les gens aillent sur le marché illicite consommer un peu n'importe quoi. Personnellement, en 2017, je pense que la livraison à domicile avec la vente en ligne, ça va de soi.

M. Pagé : Mais est-ce qu'on devrait carrément interdire la vente en ligne?

Mme Berger Pelletier (Élyse) : Non, pas du tout. Si c'est juste... Ça serait à contre-courant de tout ce qui se passe présentement dans tout ce qui est de la vente en général. Donc, je ne pense pas que c'est une bonne idée.

M. Pagé : Mais vous conviendrez avec moi qu'on souhaite justement ne pas en vendre trop ou en vendre le moins possible. Même, l'objectif, c'est qu'un jour, un peu comme la cigarette... il y a 20, 30 ans, 40 ans, 50 % de la population et plus fumait. Aujourd'hui, c'est moins de 20 %, et on espère un jour être à moins de 10 %. Alors, on espère la même chose avec le cannabis.

Il y a un article 55 qui prévoit justement qu'on va éventuellement avoir des projets pilotes pour peut-être vendre même via le privé, parce que ce n'est pas clair tout ça, là. Vous avez entendu probablement l'UMQ tantôt qui est venue dire : Idéalement, là, enlevez ça pour le moment, et on pourra réévaluer plus tard, un jour, plus tard. Qu'est-ce que vous en pensez?

Le Président (M. Merlini) : En 20 secondes.

Mme Berger Pelletier (Élyse) : Oui. En fait, c'est que je ne suis pas assez une experte en législation pour vous suggérer de l'enlever puis de le remettre ensuite. Personnellement, d'avoir l'option de projets pilotes dans la loi, à mon humble avis, c'est une bonne idée parce qu'en fait ça vous permet encore une fois de faire la recherche sur certaines choses, peut-être, qu'on n'aurait pas pensées initialement, vu que c'est nouveau, là. Donc, pour ce qui est de la vente au privé, puis tout ça, en fait, en tant que présidente de l'association, je ne peux pas vraiment me prononcer là-dessus. Mais d'enlever ce projet, cette section-là de projets pilotes, si vous me dites que vous pouvez la rajouter dans quelques années, peut-être que, oui, on est mieux d'y aller par étapes.

Il y a un principe en médecine d'urgence qu'on est toujours mieux de se préparer au pire, puis après ça, quand ça va bien, bien, on est contents. Donc, si vous me dites que c'est une crainte pour vous que, dans la législation, ce projet-là soit inscrit puis que ça soit un danger pour la population, bien, effectivement, c'est mieux de le retirer. Mais, en même temps, d'un autre côté, pour la recherche, je pense que c'est une bonne chose.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le député de Labelle, pour ce bloc d'échange avec notre invitée. Nous allons maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Borduas, pour 6 min 30 s. À vous la parole.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Dre Berger Pelletier, bonjour, merci de participer aux travaux aujourd'hui. Écoutez, je voudrais profiter de votre expertise de spécialiste en médecine d'urgence. Tantôt, vous l'avez abordé un petit peu c'est quoi, les risques associés à la consommation de cannabis. Mais, dans la réalité, là, de vous, de votre pratique médicale et de vos membres, comment ça se traduit, dans le fond, les troubles psychotiques, les gens que vous voyez à l'urgence?

Mme Berger Pelletier (Élyse) : C'est un reflet de ce que nous, nous vivons dans notre pratique, puis je pense que, dans la littérature, c'était très bien décrit. Les deux pathologies les plus fréquemment rencontrées à l'urgence sont la psychose, les symptômes de sevrage, tout ce qui est de la sphère psychiatrique puis une maladie qui est un peu méconnue, qui s'appelle l'hyperémésis secondaire au cannabis. Sinon, du côté pulmonaire, on voit quand même des asthmatiques qui ont une exacerbation de leur asthme sur... avoir fumé du cannabis. C'est principalement les choses qu'on voit. Comme je vous dis, ce n'est pas légal présentement, puis on le voit de façon quasi... pas quotidienne, j'exagérerais, mais hebdomadaire, ça, c'est certain.

M. Jolin-Barrette : O.K. Pour la population qui nous écoute, là, c'est quoi, une psychose? On dit beaucoup, là, une psychose, une psychose. Mais qu'est-ce que ça veut dire concrètement?

Mme Berger Pelletier (Élyse) : Bien, une psychose, c'est une altération du comportement puis une altération du contact avec la réalité. Donc, les gens se présentent souvent... pas souvent, mais souvent, quand c'est avec un abus de substance, avec des troubles de comportement : agressivité, ils crient, ils veulent enlever leurs vêtements. Puis, sinon, c'est une perte de contact avec la réalité. Donc, c'est une personne qui, habituellement, fonctionne de façon normale, qui, présentement, ne perçoit plus la réalité. Donc, ça peut être des hallucinations, ça peut être des idées délirantes, comme, par exemple, un délire de persécution, un délire paranoïde. Donc, c'est-à-dire que la personne — je vous donne des exemples, c'est plus facile à comprendre — mais, tout d'un coup, pense qu'elle est surveillée par son voisin parce qu'elle a consommé du cannabis, puis là devient très agitée, très anxieuse du fait que... persuadée qu'il y a des micros dans son appartement, puis des choses comme ça. C'est ça, une psychose. Donc, c'est quelqu'un qui, habituellement, a l'air tout à fait normal puis, suite à une consommation de substance, devient... perte de contact avec la réalité, troubles de comportement. C'est ça, une psychose.

M. Jolin-Barrette : O.K. À partir du moment où vous faites une psychose due à la consommation de substances illicites ou, notamment, le cannabis, est-ce qu'il peut y avoir d'autres conséquences? Est-ce que vous pouvez migrer vers des maladies mentales ou est-ce que c'est un facteur de prévalence de maladies mentales?

Mme Berger Pelletier (Élyse) : Tout à fait, c'est ce que je vous mentionnais, là. L'étude la plus récente que j'ai vue à ce sujet-là, c'est une étude danoise. Le cannabis, plus que n'importe quelle autre drogue ou substance, est celle qui est le plus associée avec des psychoses qui deviennent des diagnostics psychiatriques longitudinaux : maladie bipolaire, schizophrénie. Donc, ce n'est pas seulement un événement unique, c'est quelque chose que la personne va vivre toute sa vie. La question que la ministre me mentionnait plus tôt, c'est : Est-ce que c'est des gens qui avaient déjà une fragilité personnelle, et le cannabis a fait que ça s'est développé? Dans la littérature, pour l'instant, ce n'est pas clair.

Donc, oui, il y a des facteurs de risque. Si vous avez dans votre famille des gens qui ont déjà des maladies psychiatriques, puis tout ça... vont être à risque en consommant du cannabis, mais il y a certaines données qui nous disent que, peu importe, si vous n'aviez aucun facteur de risque puis vous consommez du cannabis... Les facteurs de risque, c'est en bas âge, donc plus vous êtes jeunes puis plus vous en consommez, la quantité va faire que vous allez malheureusement... C'est une personne sur deux. Dans l'étude que je vous parle, c'est 47 %. C'est énorme.

M. Jolin-Barrette : Quand vous nous dites... Plus on consomme jeune, plus la courbe de facteur de risque augmente, c'est ce que je comprends de votre propos.

Mme Berger Pelletier (Élyse) : D'où le fait que la plupart des médecins ont statué sur l'âge de 21 ans.

M. Jolin-Barrette : O.K. Mais ça, c'est quand même important. Ça fait que, dans le fond, on est face à un choix de société. On dit : Bien, écoutez, on fixe à 18 ans. Ce que vous allez consommer entre 18 puis 21 ans, bien, vous savez d'où va provenir la substance. Par contre, pour tous ceux qui fument dans nos écoles secondaires, qui ont 12, 13, 14, 15, 16, 17 ans, eux, bien, on les oublie, on les met sur la voie de garage. Mais il y en a dans les écoles. Puis j'ai fait la nomenclature des écoles qu'il y a dans la circonscription de la ministre. Ou on envoie un message de société puis on dit : Bien, écoutez, ça a des conséquences. Vous avez une chance sur deux, si vous consommez du cannabis, d'en arriver là. Ça augmente votre taux de prévalence.

Alors, nous, on jongle avec ça. On se retrouve dans cette situation-là. Nous, on a proposé 21 ans parce qu'on s'est fondé sur vos données. Mais les maladies mentales associées, la schizophrénie, la bipolarité, est-ce que... C'est quoi, cette réalité-là que... Les gens qui vivent avec ces maladies mentales là, c'est quoi, leur quotidien? C'est quoi, leur... Qu'est-ce que ça peut faire pour un jeune de 18 ans, là, qui se retrouve dans une situation de psychose puis que c'est un facteur de risque qui déclenche?

Mme Berger Pelletier (Élyse) : Bien, en fait, là, là-dessus, c'est très variable parce qu'il y a des gens qui font des diagnostics comme ça qui, une fois pris en charge, bien traités, sont stables. C'est des gens fonctionnels qui vont être capables d'être des travailleurs puis des gens dans la société qui fonctionnent quasi normalement. Le danger, c'est souvent les rechutes. Sur un diagnostic en bas âge comme ça, à 18, 20 ans, c'est quasi impossible que vous vous rendiez jusqu'à la fin de votre vie sans rechute, donc des hospitalisations, des choses comme ça.

Puis malheureusement il y a une bonne proportion des gens qui ont des diagnostics comme ça qui ne sont pas aptes à travailler puis qui vont devoir toute leur vie se batailler avec ce diagnostic-là. On a des... Je veux dire, on... Je souris parce que, tu sais, on a des gens qu'on voit, nous, presque à chaque deux, trois semaines qui ont des diagnostics comme ça. Donc, en tout cas, c'est des clients quasi réguliers, là. Puis je sais que c'est vécu dans toutes les urgences. Donc, c'est très sérieux, effectivement.

Mais il faut comprendre que la légalisation nous met juste... Présentement, c'est juste que, là, le focus est centré là-dessus, mais c'est quelque chose qui existait déjà, ces problèmes-là. C'est juste que, là, moi, je trouve que c'est une opportunité unique justement d'augmenter la prévention, d'augmenter dans les écoles secondaires ce genre de sensibilisation là où on explique à nos adolescents le danger de la consommation. Personnellement, c'est une chance en or.

Ça fait que je suis contente de pouvoir être à la commission puis de le mentionner haut et fort parce que c'est déjà comme ça. Puis, comme je vous expliquais, la légalisation ne va pas, du jour au lendemain, faire qu'il va y avoir 30 % de plus de la population qui vont consommer. Mais c'est juste, en fait, que, tranquillement mais sûrement, ça va être de plus en plus banalisé.

Puis, tu sais, je veux faire le parallèle avec l'alcool. Tu sais, je comprends que, s'il y a bien des enfants en bas de 18 ans qui ont consommé de l'alcool... puis ils n'allaient pas l'acheter sur le marché noir, tu sais. Ça a été vendu légalement, puis ils s'en procuraient de façon légale. Ça fait que c'est pour ça que j'ai un bémol avec l'argumentaire parce que, présentement, tout le cannabis est sur le marché illicite. Puis là on se dit : Bien, écoutez, puis, si on le met à 18 ans, bien, ils vont arrêter d'aller sur le marché illicite, mais peut-être que, si on le met à 21 ans, ils vont quand même être capables de s'en procurer via la... Comprenez-vous un peu, là? Dans le quotidien, dans la vie de tous les jours, c'est ce qui est vécu, là.

Le Président (M. Merlini) : Dre Élyse Berger Pelletier, présidente de l'Association des spécialistes en médecine d'urgence, merci de votre présence.

Merci de votre contribution précieuse aux travaux de la commission, qui, elle, ajourne ses travaux sine die. Bon appétit à tous!

(Suspension de la séance à 11 h 30)

(Reprise à 15 h 34)

Le Président (M. Merlini) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare donc la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle du Conseil législatif de bien vouloir éteindre toute sonnerie de tout appareil électronique.

La commission est réunie cet après-midi afin de procéder et de continuer les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 157, Loi constituant la Société québécoise du cannabis, édictant la Loi encadrant le cannabis et modifiant diverses dispositions en matière de sécurité routière.

Cet après-midi, nous entendrons les groupes suivants : l'organisme Portage, la Fédération médicale étudiante du Québec et l'Association québécoise des programmes pour premiers épisodes psychotiques.

Alors, je souhaite donc la bienvenue à l'organisme Portage. Je vous invite à vous présenter au début de votre exposé. Vous avez 10 minutes ensuite pour nous présenter votre rapport. Et ensuite nous aurons les échanges avec les membres de la commission. Bienvenue à la CSSS. La parole est à vous.

Portage

M. Berwald (Marc) : Merci. Mme la ministre, M. le Président, Messieurs mesdames les députés. Premièrement, merci à la commission d'avoir accepté de nous entendre. Mon nom est Marc Berwald, je suis vice-président des opérations et de l'administration chez Portage. À ma gauche, Mme Seychelle Harding, directrice des communications, et, à ma droite, M. Gilles Cuillerier, directeur des partenariats stratégiques au Québec.

J'apporte les salutations de M. Peter Howlett, qui est le président de Portage, qui, malheureusement, à cause des raisons de santé, n'a pu se présenter aujourd'hui.

Depuis sa fondation, en 1970, Portage a aidé des milliers de personnes à reprendre leur vie en main grâce à ses programmes de réadaptation en toxicomanie offerts à des adolescents, des adultes, des femmes enceintes, des mères avec leurs jeunes enfants et aux toxicomanes souffrant de problèmes de santé mentale, aux autochtones et aux individus référés par la justice.

À l'aide de nombreux partenaires intersectoriels, Portage offre des traitements de réadaptation en toxicomanie dans ses nombreux centres du Québec, principalement dans les régions de Montréal, des Laurentides, de la Capitale-Nationale et Chaudière-Appalaches.

Annuellement, nous recevons environ 500 adolescents de 14 à 18 ans aux programmes de Portage. De ce nombre, 88 % sont dépendants du cannabis. Un autre 400 adultes vont se présenter à nos portes. Et nous constatons également les méfaits d'usage abusif encore du cannabis parmi cette clientèle.

C'est la protection de cette population vulnérable qui a motivé notre organisation à s'impliquer dès le départ dans le débat sur la légalisation du cannabis. C'est cette motivation aussi qui explique la présentation de Portage aujourd'hui et avec laquelle nous avons analysé votre projet de loi.

La position de Portage sur la légalisation de la marijuana est très claire : soyons vigilants face aux impacts. La légalisation n'arrête pas la dépendance. Portage est d'avis, en parlant du projet de loi, que le projet de loi est axé sur la prudence et que la création de la Société québécoise du cannabis et plusieurs dispositions du projet de loi représentent un pas dans la bonne direction.

Nous désirons par ailleurs attirer l'attention des élus à quelques enjeux importants. Premièrement, l'âge de la consommation. En matière de consommation du cannabis, les jeunes et les jeunes adultes sont un groupe vulnérable et à risque. À l'instar de plusieurs organisations médicales et sociales, Portage a recommandé au gouvernement fédéral et au gouvernement provincial de ne pas légaliser la consommation du cannabis avant l'âge de 21 ans. De même, nous avons recommandé de contrôler le niveau du THC, l'élément actif du cannabis.

Le cerveau est en développement jusqu'à 25 ans, et le THC est une substance qui, à forte dose, peut accroître les risques de santé mentale. De plus, les recherches démontrent clairement que le plus tard une personne débute la consommation du cannabis, le plus les risques de dépendance et d'abus sont réduits.

À défaut de considérer cette proposition, Portage vous recommande quand même que les jeunes de 18 à 24 ans soient considérés comme un groupe prioritaire dans le cadre de la période de transition du projet de loi, et par le comité de vigilance, et par les activités de recherche, que le rapport de la ministre, suite à la période de transition, accorde une importance particulière à ce groupe et que le gouvernement applique quand même de plus grandes restrictions sur la consommation pour les jeunes de 18 à 21 ans, tel qu'il le propose dans son projet de loi encadrant les jeunes conducteurs, en modifiant le Code de la sécurité routière, par exemple.

Je vais parler maintenant de la vigilance accrue pour soutenir les services de réadaptation. Les activités de prévention sont primordiales. Pour être efficaces, elles se doivent d'être intégrées dans un continuum de services, de soins, particulièrement pour les clientèles vulnérables. Dans une perspective globale et intégrée, la prévention et la réadaptation sont des vases communicants.

On peut s'attendre à ce qu'en augmentant la sensibilisation par des programmes de prévention on augmente aussi la demande de services en réadaptation. On conviendra qu'ils deviennent un enjeu éthique important si les activités de prévention sont également... pardon, significativement augmentées et non les services de réadaptation.

• (15 h 40) •

En fait, Portage déplore un peu le manque du terme «réadaptation», quasi absent de la loi. Nous croyons fermement que le gouvernement doit outiller les centres de réadaptation qui viennent en aide aux personnes dépendantes. Ce serait d'autant plus important avec la légalisation de la marijuana. À cet égard, nous recommandons que la totalité des sommes perçues, incluant la TVQ, avec la légalisation de la marijuana serve au développement et à la mise en oeuvre d'une stratégie nationale de prévention et de réadaptation de la dépendance des drogues et, ultimement, qu'une portion significative soit réservée aux services de réadaptation. En plus, nous croyons que nous ne devons pas permettre un transfert des surplus de ce fonds au fonds général du gouvernement.

Je continue avec une vigilance que nous croyons importante pour l'encadrement du cannabis dans les lieux publics. Pour l'essentiel, le projet de loi réglemente l'encadrement du cannabis suivant les mêmes dispositions que la consommation du tabac, en y ajoutant certaines contraintes. Portage est d'avis que la consommation du cannabis devrait être interdite aux mêmes endroits où il est interdit de consommer de l'alcool plutôt que de suivre le barème du tabac.

Finalement, Portage accueille favorablement la mise en place d'un comité de vigilance en matière de cannabis, lequel est chargé de conseiller le ministre en toute question relative au cannabis. Si son expertise est requise, c'est avec plaisir que Portage y participera, aux travaux de ce comité.

Quelques commentaires. Premièrement, par rapport au mandat, le mandat du comité de vigilance devrait prévoir une veille de différents indicateurs, plus précisément de l'évolution de l'état de santé, des habitudes de consommation des Québécois, des demandes d'aide des personnes consommatrices de cannabis et des délais d'attente pour accéder à des services de réadaptation.

Nous croyons aussi qu'afin de réaliser son mandat, Portage... pardon. Portage est d'avis que les membres du comité devraient être bonifiés. Plus précisément, Portage propose que le secteur de la réadaptation et du traitement des toxicomanies soit spécifiquement représenté dans la composition du comité. Portage est également d'avis que le comité de vigilance doit privilégier un partenariat et une relation de collaboration avec les usagers des services et leurs proches, notamment en s'assurant qu'ils soient représentés au comité de vigilance.

Encore sur le comité de vigilance, le projet identifie le rôle conseil du comité auprès du ministre. Nous sommes d'avis, par contre, que le mandat du comité devrait avoir plus d'impact direct sur les politiques et les pratiques de la Société québécoise du cannabis et que les administrateurs devraient assurer non seulement une veille sur l'efficacité de la filiale, mais aussi de sa mission de santé. Nous recommandons donc que le conseil d'administration de la Société québécoise du cannabis soit mandaté de recevoir le rapport du comité de vigilance, de répondre et d'agir sur les recommandations de ce comité au moins deux fois par année.

Si vous avez notre mémoire, il contient d'autres points. Nous avons des commentaires sur la vente en ligne et aussi sur les lieux de possession.

En conclusion, Portage observe que l'expérience américaine démontre notamment que la législation américaine du cannabis tend à banaliser la consommation, et c'est dans cet esprit que nous avons développé une publicité visant à sensibiliser l'importance d'agir avec prudence.

Maintenant que le Québec chemine vers la légalisation du cannabis, Portage est d'avis que les acteurs qui interviennent en matière de prévention et de réadaptation des dépendances doivent travailler en collaboration afin de s'assurer que nos jeunes ne paient pas le prix des effets collatéraux de la légalisation du cannabis. À cet égard, vous avez un rôle important à jouer en tant que législateurs. Tout au cours de vos délibérations, vous devez toujours avoir en tête les impacts dévastateurs de la dépendance et de la toxicomanie.

Portage vous invite d'ailleurs à rencontrer nos jeunes, à écouter leurs histoires et à les garder en mémoire lors de vos débats, peu importe la voie qui sera choisie, car la légalisation, nous le répétons, n'arrête pas la dépendance, et il ne faut pas que nos jeunes en paient le prix. Merci.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. Berwald, pour cette présentation.

M. Berwald (Marc) : Berwald.

Le Président (M. Merlini) : Berwald, merci. Je vous en prie.

M. Berwald (Marc) : ...

Le Président (M. Merlini) : Oui. Merci beaucoup. Nous allons procéder immédiatement au bloc d'échange avec Mme la ministre et députée de Soulanges. Il vous reste 15 min 30 s. À vous la parole, Mme la ministre.

Mme Charlebois : Alors là, je ne retrouve plus vos noms, mais, bon, bienvenue à vous tous. M. Berwald, c'est ça?

Une voix : ...

Mme Charlebois : Et les gens qui vous accompagnent, ça va aller plus vite comme ça, quand je vais les retrouver...

M. Berwald (Marc) : M. Cuillerier et Mme Harding.

Mme Charlebois : Pardon?

M. Berwald (Marc) : M. Cuillerier et Mme Harding.

Mme Charlebois : Alors, merci beaucoup d'être venus nous présenter votre mémoire. C'est fort intéressant, vos positions. Et je vais rentrer tout de suite dans le vif du sujet parce que vous nous interpellez sur les jeunes, puis c'est effectivement là où est notre plus grande crainte parce qu'on sait qu'actuellement, bien que ce soit illégal, il y a 42 % des jeunes... les consommateurs en général de cannabis sont des consommateurs entre 18 et 24 ans. Et, veux veux pas, ça ne peut pas faire autrement que nous interpeller. Et, vous avez raison, la légalisation au Québec, mais c'est dans l'entièreté du Canada, le Québec va vivre la même application que les autres provinces.

Moi, j'ai eu beaucoup de questionnements là-dessus. J'ai beaucoup lu. J'ai entendu beaucoup en consultation. On a entendu au forum d'experts plusieurs positions. Puis je ne vous cache pas que ça continue, on a plusieurs positions, mais il y a beaucoup plus de gens qui sont en faveur du 18 ans. Et je vous explique pourquoi dans notre projet de loi, au gouvernement, on a mis 18 ans. C'est qu'on voulait justement se donner la chance d'être capables de tendre la main à ces jeunes-là et de leur parler, d'avoir des indicateurs de suivi, d'être capables d'entrer en communication avec eux plutôt que de les laisser sur un marché illicite.

Parce que ce qu'on cherche à faire ultimement avec la Société québécoise du cannabis, c'est de rapatrier les gens qui sont sur un marché illicite pour les ramener vers quelque chose de licite, légal, là. Et on se disait qu'en introduisant... Parce qu'on le sait, ils vont consommer pareil, et vous le savez, vous aussi, vous êtes en traitement de la dépendance. Je ne vous cache pas ça, là, vous êtes conscients de ça. Vous en avez déjà, des jeunes, là, bien que ce soit illégal. Alors, on se disait, nous, que d'avoir la chance d'avoir, avec nos travailleurs qui seront en boutique, qui auront une certaine formation qui sera donnée par le ministère de la Santé... Parce que vous savez que ce ne sera pas les mêmes travailleurs qui sont à la Société des alcools et à la Société québécoise du cannabis, et tout ça parce qu'on veut que les gens aient une formation spécifique, qu'ils puissent donner de l'information, qu'ils puissent renseigner les gens, qu'ils puissent questionner sur certaines choses.

Alors, ne croyez-vous pas que c'est de mieux les protéger que d'être capable d'échanger avec eux, de contrôler la qualité du produit? Parce que ceux qui sont sur le marché illicite, là, bien franchement, là, ils se soucient très peu de la santé de leurs clients puis ils devraient parce qu'ils les conserveraient peut-être, tu sais. Je dis ça en blague, hein, c'était une blague, je ne souhaite pas que les jeunes soient là-dessus. Mais, farce à part, ils se soucient très peu de l'état de santé de leurs clients et de la qualité de leurs produits. Ne croyez-vous pas qu'on doit plutôt tendre la main, essayer d'avoir de meilleurs rapports, essayer de discuter de prévention avec eux, mais à tout le moins avoir un contact avec eux pour qu'on puisse faire un lien, se donner l'occasion de communiquer avec ces jeunes-là?

M. Cuillerier (Gilles) : Écoutez, Mme la ministre, je vais essayer de résumer rapidement notre position là-dessus. C'est clair que, dans le projet de loi, il y a deux... dans la question de l'âge, il y a deux tendances qui s'affrontent, hein? Il y a la question de la santé des jeunes et il y a la question d'une approche de réduction des méfaits ou de santé publique. Je pense que d'autres interlocuteurs ont nettement, là, exprimé ce débat-là. Je pense notamment à l'Association des médecins d'urgence, que vous avez entendue sur cette question-là. Je pense que vous avez fait un choix, vous en avez largement débattu.

Par contre, concernant les experts, nous, on consulte d'autres experts qui sont notamment les jeunes et leurs parents, hein? Et c'est pour ça qu'on insiste beaucoup pour que dans le débat, particulièrement sur votre comité de vigilance, que ces personnes-là soient également représentées. Je pense qu'au Québec on a fait des bonds assez importants dans la reconnaissance des usagers et des patients. On parle beaucoup de patients partenaires et d'usagers, et je pense qu'ils peuvent largement contribuer aux orientations dans nos établissements, où on le vit au jour le jour, mais ils pourraient également contribuer aux orientations que vous allez prendre. Mais c'est clair que, pour nous, il y a un enjeu important de santé, de santé physique, de santé aussi des jeunes, et c'est le camp qu'on a pris avec eux.

Mme Charlebois : Ça fait qu'on va abandonner toute la grande portion des consommateurs au marché illicite.

• (15 h 50) •

M. Berwald (Marc) : Écoutez, bien, premièrement, je ne vois pas pourquoi il faut abandonner les consommateurs, qu'on ne peut pas leur parler, qu'on ne peut pas les éduquer, même s'ils n'ont pas le droit, s'ils n'avaient pas le droit de consommer du cannabis. Je pense qu'on peut avoir...

Mme Charlebois : Oui. Considérez-vous qu'on réussit bien en ce moment?

M. Berwald (Marc) : Pardon?

Mme Charlebois : Considérez-vous qu'on réussit bien en ce moment?

M. Berwald (Marc) : Non.

M. Cuillerier (Gilles) : Mais, présentement, il y a des enjeux majeurs de rejoindre les jeunes qui ont des problèmes de consommation, Mme la ministre. Vous savez très bien que les taux de pénétration, en moyenne... le taux de pénétration, c'est le nombre de jeunes qui ont requis des services de réadaptation, on en rejoint à peine... même pas 25 % au Québec. Et, dans certaines grandes régions comme Montréal, c'est 14 % des jeunes.

Mme Charlebois : Donc, on est mieux d'avoir un lien avec eux.

M. Cuillerier (Gilles) : Oui, tout à fait, puis il y a d'autres liens qu'on peut faire. Mais c'est clair que, dans une perspective de santé globale, d'avoir une perspective globale, le point de vue de la santé publique en est un, mais le point de vue de la santé également physique des jeunes est un autre élément qui est important.

Mme Charlebois : Moi, je ne vous dis pas que je veux que les jeunes consomment, mais ils consomment déjà, c'est illégal. Ça fait que je veux me donner... Puis je sais que ça tanne le député de Borduas, là, puis il va me faire la litanie de dire que, dans mon comté, j'ai des écoles puis j'abandonne des jeunes de 12 à 17, là. Mais, tant qu'à faire, j'ai le goût de lui dire : Bien, veux-tu abandonner ceux de 17 à 21? Tu sais, on peut jouer à ça puis on peut faire de la petite politique, mais je pense qu'avec le député de Labelle on est ici pour parler des vrais sujets, puis j'ai le droit de questionner, puis, bon, il fera ses questions après.

Mais, ceci étant dit, moi, je pense, parce que pour jaser avec des jeunes, puis vous jasez, vous autres aussi, que, quand c'est défendu à l'adolescence, c'est encore plus tentant, et à 18 ans... Puis on sait, je vous répète, 42 % des jeunes de 18 à 22 ans consomment. C'est les consommateurs de cannabis. Bon, vous avez fait votre point, j'ai fait le mien. On a échangé en tout respect, et j'aime ça, comment ça se déroule. On va continuer dans ce sens-là.

Maintenant, vous avez parlé... vous avez très peu parlé de la possession, je pense. Est-ce que je me trompe? La quantité à domicile que les gens peuvent posséder.

M. Berwald (Marc) : On en a très peu parlé.

Mme Charlebois : Vous n'en avez pas parlé. Est-ce que vous y avez réfléchi ou si vous souhaitez me dire que, bon, cet aspect-là, ce n'est pas quelque chose... Parce qu'on a mis 150 grammes par résidence, comme le cannabis thérapeutique, d'ailleurs. Vous voyez qu'on utilise l'expression «cannabis non thérapeutique».

M. Cuillerier (Gilles) : On ne s'est pas prononcés dans notre mémoire. Par contre, il y a un élément dans notre mémoire concernant la possession dans les résidences RIRTF, les ressources intermédiaires et RTF. On est inquiets de ça, Mme la ministre, parce que le projet de loi identifie un certain nombre d'endroits où ce n'est pas permis d'avoir des substances à des fins personnelles, bien que gardées de façon sécuritaire. Par contre, les RIRTF, les ressources intermédiaires et les ressources de type familial, vous permettez, dans le projet de loi, que les propriétaires de ces résidences-là conservent, alors qu'on sait que, dans certaines de ces ressources-là, il y a des jeunes en difficulté qui sont placés dans ces ressources-là sous la supervision des centres jeunesse. Et c'est également un réseau qui est très, très développé auprès de la clientèle en santé mentale. Donc, nous, on a des inquiétudes et on vous recommande, là, très sommairement dans le mémoire, de considérer, particulièrement dans le cadre des trois à cinq premières années, que ce type de ressources là soit considéré dans la liste des ressources, des endroits où ce n'est pas permis, là, de conserver du cannabis à des fins personnelles.

Mme Charlebois : Puis ça, même si je vous disais que... Comme dans les centres de jeunes, là, ou... voyons, les familles d'accueil pour les jeunes en protection de la jeunesse, vous savez que, quand il y a des médications ou même en traitement de dépendances, vous avez des endroits pour serrer les médicaments, tout ça, bien clos pour éviter que les médicaments soient mal utilisés et/ou transférés d'un à l'autre. Est-ce que, si on avait un dispositif comme ça, parce que c'est quand même leur milieu de vie, les personnes qui ont des ressources de type familial, si le produit était bien encadré, serré, barré... Comment vous voyez ça?

M. Cuillerier (Gilles) : Bien là, on parle davantage d'une consommation récréative et non pas d'une consommation médicale de cannabis, tu sais. Mais moi, je pense que, quand on est dans un... On va écrire une nouvelle page blanche au Québec, là, avec la légalisation du cannabis, et je pense qu'il y a certaines prudences lorsqu'il y a des clientèles vulnérables dans certains endroits. Et les RIRTF, pour nous, sont des ressources où il y a des clientèles vulnérables.

Mme Charlebois : Est-ce que, dans vos centres de traitement de dépendances, il y a un endroit pour mettre les médicaments sous clé?

M. Cuillerier (Gilles) : Oui, tout à fait.

Mme Charlebois : Est-ce qu'on pourrait faire ça avec le cannabis des personnes qui ont la propriété?

M. Cuillerier (Gilles) : Bien nous, c'est le médicament qui est prescrit chez nous. Donc, si vous venez chez nous avec un médicament qui n'est pas prescrit, on va vous questionner sur vos habitudes de consommation de médicaments également. Et, à moins que... si ce n'est pas prescrit par un médecin, ça ne sera pas autorisé. Et, chez nous, les seuls qui ont accès, c'est les professionnels de la médecine aussi.

Mme Charlebois : Pardon?

M. Berwald (Marc) : Les seuls qui ont accès, chez nous, à ces installations-là, ce sont des infirmières ou des auxiliaires. Les autres, les employés n'ont pas accès.

Mme Charlebois : Que dites-vous de la production personnelle? Qu'est-ce que vous avez conclu au niveau de la production personnelle? On a mis une interdiction totale de production personnelle. Vous, c'est quoi, votre position?

M. Berwald (Marc) : On n'a pas de commentaire précis sur la...

M. Cuillerier (Gilles) : Bien, c'est un geste de prudence. Pour moi, dans un... où on écrit une nouvelle page blanche, là, c'est un geste de prudence, on l'accueille comme ça.

Mme Charlebois : Parce que, si on veut être cohérent, il me semble que votre position, ce serait d'adhérer à zéro plant pour culture personnelle. Si vous dites que, dans une ressource de type familial, il ne devrait pas y avoir zéro...

Une voix : Tout à fait.

Mme Charlebois : Mais il y a des enfants quand même puis il peut y avoir des enfants vulnérables.

Une voix : Tout à fait.

Mme Charlebois : Parlez-moi de la vente en ligne. Vous avez des craintes là-dessus. Et on sait que tout le marché, en ce moment, beaucoup de choses se font sur la vente en ligne. Il y a des gens qui nous ont dit qu'on pouvait faire ça de façon sécuritaire. Il y a des règles à respecter, évidemment. Mais vous, vous semblez inquiets de ça. De quoi vous êtes inquiets exactement?

M. Berwald (Marc) : Là où on est inquiets, c'est que... Bien, premièrement, on n'est pas des experts du commerce de détail en ligne. Mais, en parlant à nos jeunes, la... puis il y a une grande partie, au moins 30 % qui admettent qu'ils ont déjà acheté des drogues en ligne, du cannabis, et autres. Donc, c'est déjà présent dans le marché.

Notre préoccupation, c'est plutôt qu'on se demande... on ne sait pas comment est-ce qu'on va contrôler les gens qui ne sont pas de la Société québécoise du cannabis de faire de la vente en ligne en plus. Donc, si on restreint la vente en ligne, si on n'a pas le droit de faire de la vente en ligne à la Société québécoise du cannabis, on peut essayer d'enrayer toutes les ventes en ligne, sinon il va falloir être très vigilant sur comment les gens se représentent, les gens de n'importe où, les gens du crime organisé qui peuvent faire un site qui va ressembler parfaitement au site de la Société québécoise du cannabis. On n'a pas de commentaire direct sur comment améliorer, comment protéger les gens pour la vente en ligne, mais il semble qu'il y a beaucoup de risques à ça.

Mme Charlebois : Le site serait détenu par la Société québécoise du cannabis, c'est sûr, et il y aurait des messages de prévention, et tout ça, puis il y aurait les nécessités de... Mais ce que vous avez peur, ce que je comprends, là, si j'ai bien compris, c'est que vous avez peur que des gens imitent ce site-là ou se collent à la réalité de ce qui est vendu par la Société québécoise du cannabis.

M. Cuillerier (Gilles) : C'est une des craintes. Puis l'autre crainte qu'on a aussi, c'est compte tenu de la clientèle jeune qu'on veut beaucoup prémunir, particulièrement les 18-24 ans. Un bref survol de notre clientèle a permis de constater — nous, on fait affaire avec une clientèle très dépendante — que 30 % avaient utilisé le Web pour se procurer des substances illicites. Donc, on a des craintes, mais je pense qu'on rejoint... en termes de préoccupation, comment ça va être davantage balisé, donc on se rejoint là-dessus.

Mme Charlebois : Vous avez parlé de notre comité de vigilance, j'ai trouvé ça le fun parce que ce n'est pas beaucoup de groupes qui en parlent, puis, quand... Bien, il y en a, qui en parlent, mais juste pour dire : Bien là, il faut que ce soit éthique, il ne faut pas qu'il y ait quelqu'un... Puis c'est normal, là, il ne faut pas que quelqu'un ait des intérêts dans des compagnies de production et... bon. Et tout le monde est intéressé à siéger au comité de vigilance. C'est le fun, je vois de l'intérêt.

Mais je vais «scooper» mon collègue de Labelle, je vais aller... parce qu'il parle souvent d'observatoire, puis de tout ça. On a déjà toutes les organisations pour ça, prendre les mesures, et tout. Puis le fait qu'on aura la Société québécoise du cannabis, on aura une banque de données potentielle justement pour transmettre à l'institut d'excellence et à d'autres instituts qui vont pouvoir faire l'analyse de ces banques de données là.

Et vous nous parlez, puis ça, c'est pour ce qui concerne la question... Parce que j'écoute sa question, puis ça m'intéresse toujours, puis je veux vous entendre là-dessus. Mais le comité de vigilance, je veux aussi vous entendre là-dessus parce que c'est deux choses totalement différentes. Vous nous dites : Il faudrait des rapports plus fréquents. Nous, on veut faire en sorte que le comité de vigilance fasse un rapport au ministre de la Santé une fois par année et que, 30 jours après qu'il a obtenu rapport, il faut qu'il le rende public. Évidemment, bien, une fois qu'il est rendu public, il peut se passer bien des choses après. Comment vous voyez ça?

Puis vous savez qu'on va revoir la loi dans trois ans. En principe, il y aura le rapport sur la mise en oeuvre puis ensuite il y aura révision de la loi. Je comprends qu'on peut réviser à toutes les sessions, comme le dit un de mes collègues, mais c'est très peu probable dans l'application de chaque loi parce qu'on sait qu'on manque de temps. Il y a différentes lois. Il y a toujours des priorités qui sont... Puis le tabac, ça n'a jamais été révisé aux années. Alors, je ne vois pas comment, le cannabis, on va faire ça. Il va falloir pouvoir avoir une certaine souplesse réglementaire. Mais, avec le rapport qu'aura le ministre une fois par année et, à la fin, toute l'expertise qui aura été cumulée... Parce qu'on a tout ce qu'il faut pour cumuler des données, examiner des données, avoir une meilleure idée de qui sont les consommateurs, le profil, etc. Est-ce que vous ne pensez pas qu'avec tout ça on va être en mesure de prendre des bonnes décisions quand il y aura le dernier rapport sur la mise en oeuvre, dans trois ans?

• (16 heures) •

Le Président (M. Merlini) : Malheureusement, Mme la ministre, la réponse devra se faire attendre, à moins que M. le député de Labelle voudrait entendre la réponse à la question de Mme la ministre. M. le député de Labelle, vous avez 9 min 30 s.

M. Pagé : Oui. Bien, en fait, effectivement, nous sommes tous les deux très préoccupés quant à la suite des choses. C'est la raison pour laquelle nous pensons, comme plusieurs personnes sont venues nous en témoigner lors des consultations, que la création d'un observatoire permettait de collecter des données. Parce que, là, le 1er juillet, c'est jour zéro et c'est la première journée où on va pouvoir véritablement collecter de véritables données parce que, là, il va avoir un réseau public et... bon. Et c'est la raison pour laquelle nous, on pense qu'un observatoire pourrait nous permettre d'aller plus loin, et ensuite arriver avec des données probantes, et faire des recommandations au conseil d'administration.

Alors, quelle était votre position à cet égard-là pour la création d'un observatoire en collaboration avec des chaires de recherche afin de faire les choses très, très correctement, au lieu que ce soit... Un comité de vigilance, ça m'apparaît bien, mais vous avez parlé de veille. Alors, cette veille, moi, ce que j'entends justement, c'est «observatoire». On n'est pas loin de dire la même chose. Alors, je voudrais vous entendre.

M. Berwald (Marc) : Je ferais la réponse en deux temps puis je vais laisser mon collègue contribuer parce qu'il a de l'expérience avec les observatoires, entre autres en France. Mais un des points qui est assez important, je crois, c'est qu'en formant la Société québécoise de cannabis, qui se rapporte à la SAQ, qui est une filiale unique de la SAQ, il n'y a aucune responsabilité pour la Santé pour la vigie sur la santé. C'est pour ça que ce qu'on suggère, c'est que le conseil d'administration de la Société québécoise de cannabis ait à prendre en considération les recommandations du comité de vigilance — comme dans n'importe quelle entreprise, il faut prendre en considération les recommandations du comité de sécurité ou n'importe autre — pour qu'il y ait, de façon régulière dans le conseil d'administration, un mandat santé qui est confié par la ministre de la Santé. Maintenant, sur l'observatoire, Gilles, veux-tu...

M. Cuillerier (Gilles) : Bien, je pourrais prendre beaucoup de temps sur l'observatoire, oui, c'est très pertinent. Au Québec, ça fait longtemps que plusieurs partenaires décident d'avoir un observatoire avec... L'important, c'est d'avoir différents indicateurs, là, en provenance de la consommation pour obtenir un portrait global. Oui, il n'y a aucun problème. On est tout à fait d'accord, le travail pourrait être fait. Pour le reste, ce que Marc a dit, on trouve important que le conseil d'administration de la société soit également saisi de l'évolution, un peu comme en parallèle on peut faire dans nos établissements où on a des comités de sécurité... des comités de vigilance et de sécurité dans nos... et qui font rapport aux conseils d'administration de nos établissements. Donc, c'est le modèle qu'on voulait proposer davantage.

Par ailleurs, puis en parlant du comité de vigilance, on trouve important que la composition du comité de vigilance soit revue et qu'elle soit clairement établie dans le projet de loi. On a vu que, dans, par exemple, le projet de la loi n° 10 en santé et services sociaux, on nomme nommément les sièges des établissements. C'est un peu flou, on trouve, dans le projet de loi. On trouve que deux groupes qui sont non ciblés, la réadaptation, mais également des usagers des établissements de santé, qui donnent un autre point de vue...

M. Pagé : Je l'avais plus loin dans mes questions, mais je vais vous la poser tout de suite. Vous parlez, bon, de la composition du comité de vigilance, c'est une chose. Nous, dès le départ, ce que nous avons dit : observatoire et un conseil d'administration de la SQC qui serait composé... où il y aurait, autour de la table, des compétences en termes de dépendance, en termes de santé publique, en termes de sécurité publique, d'éducation. Nous, nous pensons que le conseil d'administration de la SQC devrait être composé de ces gens qui ont ces compétences parce qu'au final c'est la SQC qui va prendre des décisions. On a beau avoir un comité de vigilance qui va venir faire des recommandations, mais, si, autour de la table au final, c'est neuf à 11, c'est ce que nous dit l'article 23.6, qu'il n'y a rien qui nous décrit quelles devraient être les compétences de ces gens-là, ne pensez-vous pas qu'on devrait aller plus loin et avoir un conseil d'administration de la SQC qui devrait justement, nommément, avoir ces compétences-là?

M. Berwald (Marc) : Je crois que c'est une des options. Je pense que ce qui est important, c'est que le conseil d'administration de la SQC, oui, ait des responsabilités du côté de santé... prévention et de santé, et non seulement d'efficacité commerciale de la filiale.

M. Pagé : Voilà ma crainte, efficacité commerciale, parce que c'est une filiale de la SAQ, et on connaît déjà tous les dangers avec la SAQ parce qu'à chaque année il y a des obligations de rendement. Et, compte tenu que ça va être une filiale de la SAQ, nous avons beaucoup de craintes. Nous avons tellement de craintes que nous souhaiterions qu'il soit écrit nommément dans la loi que 100 % des profits devraient être réinvestis carrément en saines habitudes de vie, dans la santé publique, en dépendance, en éducation, etc. Nous, nous souhaiterions que ça soit nommé, écrit mot pour mot. La ministre, souvent, nous décrit, puis je la respecte beaucoup, c'est très correct, nous dit : Voici comment vont être gérés... Et l'objectif n'est pas de distribuer des fonds vers le fonds consolidé, je la crois sur parole, mais je pense qu'il n'y a rien de mieux que quand c'est écrit clairement dans la loi. Souhaitez-vous que ce soit écrit clairement dans la loi?

M. Berwald (Marc) : Oui, ça, vous avez notre appui là-dessus. Puis ça fait depuis le début, je pense, du débat qu'on dit que c'est une promesse qui a été faite, puis pas juste par l'Assemblée nationale, c'est une promesse qui a été faite par le gouvernement fédéral que tous les profits de la légalisation iraient vers la prévention, iraient vers la prévention, la réadaptation. Puis on voudrait que la promesse soit gardée.

M. Pagé : Et je suis allé vous visiter, je pense, c'est le printemps dernier ou je ne sais plus quelle date, puis je veux vous féliciter aussi pour le travail que vous faites. Et j'ai compris que le financement des organismes comme le vôtre et la majorité des organismes, là, qui oeuvrent dans le milieu de la dépendance est bien peu pour réussir à faire tout le travail que vous faites. On peut présumer que vous... peut-être qu'à court terme il y aura peut-être même plus de sollicitation auprès de vos organisations. Et, bon, la ministre nous parle souvent du 25 millions qui est inscrit dans la loi. On ne peut que se réjouir d'inscrire un montant dans la loi, mais 25 millions nous apparaît bien peu par rapport à des responsabilités que nous aurons. Comment vous évaluez vos besoins ou comment vous évaluez l'ensemble des besoins? Comment devrait-on refinancer tout ça pour arriver à vous soutenir très correctement?

M. Berwald (Marc) : Le refinancement, c'est une grande question. Bien, premièrement, on applaudit l'établissement d'un fonds pour y déposer les profits de la SQC, c'est une bonne étape. De garantir un montant, aussi, on était heureux de voir ça, qu'on ne pourrait pas tout engranger les recettes avec les dépenses, il y aurait un minimum de 25 millions. 25 millions, les commentaires précis sur comment... Est-ce que c'est assez? Ça dépend comment il serait ventilé, mais, en regardant... Si on regarde toutes les régions du Québec, les défis en réadaptation, les défis en prévention puis ces choses-là, notre impression, c'est que ça va passer vite. Mais, d'un autre côté, on est très ravis qu'il y ait au moins un montant de garanti.

M. Pagé : ...pas vu la ventilation du montant, là, alors on ne sait pas comment on a fait l'évaluation. Est-ce que des organismes comme les vôtres ont été contactés pour vous dire : Bien, dans le 25 millions, là, on vous garantit déjà, là, qu'il y aura... Est-ce qu'on le sait, ça?

M. Berwald (Marc) : Non. Non, on n'a pas eu d'information là-dedans. Je pense qu'il est un peu tôt pour le savoir.

M. Pagé : O.K. Vous avez glissé un mot sur — je sais qu'il ne reste pas beaucoup de temps — la vente en ligne. Vous n'avez pas eu le temps, mais en disant... Vous avez une opinion là-dessus. J'aimerais vous entendre là-dessus parce que c'est une grande préoccupation aussi que...

M. Berwald (Marc) : Écoutez, on n'a pas de recommandation précise là-dessus, sauf qu'il y a beaucoup de risques de tout ce qui est vente en ligne, point. Que ça soit de cannabis ou autre chose, on sait que les jeunes achètent facilement en ligne. Ils vont probablement le faire. On sait aussi qu'en général les pirateurs de sites sont pas mal plus efficaces que beaucoup de propriétaires de sites. Ça fait qu'on pense qu'il y a beaucoup de risques. Il y a des risques à tous les égards de vente de produits au nom de la SQC sans que la personne le sache, de promotion alentour du site de la SQC, même si ce n'est pas directement de la SQC. Il y a beaucoup de risques, qui sont les mêmes risques qu'on rencontrerait partout, qu'on rencontre dans la distribution de médicaments aussi par l'Internet, qui n'est pas sans avoir ses problèmes. Mais, un, on n'est pas experts dans la vente de détail par Internet, mais on voit là qu'il y a des grands risques, puis surtout dans notre population la plus vulnérable que sont les jeunes.

• (16 h 10) •

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. le député de Labelle, pour ce bloc d'échange avec nos invités. Nous allons maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Repentigny, vous disposez de 6 min 30 s. À vous la parole.

Mme Lavallée : Merci beaucoup. Merci. Bienvenue ici. On parle toujours de l'âge des premières consommations. Je vois dans votre document qu'à peu près 400 jeunes se retrouvent chez vous en bas de 18 ans avec des problèmes de consommation reliés au cannabis. Donc, lorsqu'on dit qu'on veut prendre soin de la santé de nos jeunes puis les éloigner du milieu illicite, mais, en bas de 18 ans, qui sont aussi des consommateurs, qui se retrouvent dans les écoles, qui trouvent le moyen d'acheter du illicite, on n'a pas réglé le problème. Donc, je pense que d'avoir des programmes de prévention pour cette clientèle-là et pour la clientèle avant 21 ans, c'est une priorité. C'est là parce que, lorsqu'on dit qu'on légalise à partir de 18 ans, on envoie le signal qu'à partir de 18 ans ce n'est pas dangereux, alors que ce n'est pas le cas. Donc, il y a des groupes qui vont dans le sens que vous l'affirmez.

Parmi les jeunes, la clientèle qui se retrouve chez vous, par curiosité, tout ce débat-là de la légalisation, ils reçoivent ça comment? Qu'est-ce qu'ils en pensent, eux autres?

M. Berwald (Marc) : Bien, justement, on leur a demandé, on leur pose la question. Puis j'étais à Saint-Malachie, d'ailleurs, la semaine dernière, puis il y avait des jeunes filles qui venaient d'arriver, une jeune de Thetford, l'autre du Saguenay. Je leur ai posé la question. Les deux ont dit... Puis ça, c'était assez rapide, puis c'est ce qu'on reçoit pas mal. Elles ont dit : Bien, deux choses. On pense que ce n'est pas une bonne idée — mais ça, c'est des jeunes qui ont des problèmes avec ça — puis on se demande un peu pourquoi ça se passe.

L'autre chose qui m'a frappé un peu, c'est qu'il y en a une qui venait d'arriver, ça faisait à peu près deux semaines, qui disait : Il y a deux semaines, j'aurais dit : Je m'en fous, qu'ils fassent ce qu'ils veulent. Moi, je m'en fous, etc. Elle dit : Maintenant que je suis ici puis j'ai reconnu mon problème, là, je ne m'en fous plus, dit : Tout ce qu'on peut faire pour réduire mon exposition... Elle dit : C'est parce qu'un des problèmes, surtout quand on est toxicomane, quand on a des problèmes avec les substances, c'est que le plus elles sont disponibles, le plus elles sont présentes, le plus ça nous tente. C'est un... c'est ça. Ça fait que moi, je n'aimerais pas ça que ce soit plus visible pour moi — pour cette personne-là.

Ça fait que, pour les gens, pour notre population qui est très vulnérable, ils sont conscients qu'un accès plus généralisé, un accès plus ouvert va leur occasionner des problèmes. Ce qui veut dire qu'il va falloir leur montrer, leur montrer à faire ça. On le fait avec l'illicite, mais là c'est un petit peu différent.

Mais comment est-ce qu'ils reçoivent ça? C'est pas mal comme ça. Au début, ils se demandent exactement pourquoi que les gouvernements font ça. D'un côté, ils ne pensent pas que c'est une très bonne idée. Et puis, pour eux, le moins ils peuvent être exposés, le plus ça va être facile.

Le Président (M. Merlini) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui. Madame messieurs, bonjour. Merci d'être présents à la commission parlementaire. Les gens que vous recevez au Portage, c'est quoi, leur réalité quand ils arrivent chez vous par rapport à des gens qui ont des dépendances avec le cannabis? C'est quoi, la réalité de ces jeunes-là?

M. Berwald (Marc) : Bien, les gens qui arrivent chez nous, premièrement, c'est des gens qui ont normalement des gros problèmes avec la consommation. C'est pour ça que, quand on parle d'abus et de dépendance, ce n'est pas quelqu'un qui va fumer de temps en temps dans un party, c'est des gens qui vont fumer de façon régulière plusieurs fois par jour. Normalement, c'est des gens qui ont commencé entre 12 et 13 ans, O.K., ils étaient en sixième année, ils étaient en septième année. C'est des gens qui n'ont presque plus de relations avec leurs parents. C'est des gens qui ont très peu de relations, de bonnes relations, avec leurs amis, avec beaucoup de problèmes interpersonnels. Ils vont souvent commencer à être réservés et ils sont pas mal à bout. Ils veulent juste changer le reste. Ça fait que ça, je parle surtout des jeunes.

Si on veut parler des adultes, c'est un autre profil. Mais je parle d'eux parce que, quand on dit 88 %, quand on dit : Qu'est-ce que tu consommes, c'est quoi, ton problème?, le premier, il peut y en avoir d'autres, 88 %, c'est le cannabis chez les jeunes. Après ça, il y a l'alcool, il y a les amphétamines, il y a d'autres choses.

M. Jolin-Barrette : Tout à l'heure, vous disiez : On a un piètre bilan. Supposons, sur l'île de Montréal, on rejoint juste 14 % des gens... ou 12 %, là, des gens qui ont une problématique en matière de prévention, de réadaptation. Dans les autres régions, c'est un petit peu plus, mais ce n'est pas très élevé. Qu'est-ce qui explique ça? Parce que, dans le fond, actuellement, là, on se retrouve avec la légalisation du cannabis, et là on se dit : Bien, écoutez, bien, c'est légalisé. Donc, la substance, oui, on va savoir d'où elle vient, mais déjà, pour les gens en bas de 18 ans, on a des problématiques. Ce n'est pas vrai parce qu'avec la légalisation, là, on commence à faire de la prévention. Mais ça veut dire qu'on a échoué à faire de la prévention jusqu'à ce jour, jusqu'à juillet 2018, si on ne réussit pas à sensibiliser puis à faire de la réadaptation envers toutes les personnes qui consomment.

Le Président (M. Merlini) : Il reste une minute à ce bloc d'échange.

M. Cuillerier (Gilles) : Bien là, vous ouvrez une question qu'en une minute... qu'il est impossible de répondre. Mais, pour moi, ce qui est important, c'est d'avoir une vision globale et de bien saisir que la réadaptation et la prévention sont des vases communicants. Et il y a un problème éthique important si on investit massivement en prévention, qui prévoit notamment des activités de repérage et de détection, sans nécessairement soutenir les centres de réadaptation, pas uniquement Portage, mais l'ensemble des autres établissements comme le nôtre qui reçoivent des personnes qui, somme toute, sont une minorité, mais qui ont des problèmes de dépendance. Donc, l'enjeu, quand on parle de prévention, c'est d'inscrire, comme disait le forum d'experts, dans un continuum de soins où des activités de prévention sont associées à des activités de soins et de services également... donc, d'offrir un continuum de soins. Et là-dessus je pense qu'il y a un enjeu particulièrement que la légalisation nous offre, mais également un enjeu organisationnel au Québec.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. Berwald, Mme Harding et M. Cuillerier, représentants de l'organisme Portage. Merci de votre présence et votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends quelques instants et j'invite la Fédération médicale étudiante du Québec à venir prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 17)

(Reprise à 16 h 20)

Le Président (M. Merlini) : Nous reprenons donc nos travaux. Nous avons le plaisir d'accueillir la Fédération médicale étudiante du Québec. Je vous demanderais de vous présenter lorsque vous débuterez votre présentation, et ensuite vous disposez de 10 minutes. Et nous aurons les échanges après avec les membres de la commission. Bienvenue à la CSSS. La parole est à vous.

Fédération médicale étudiante du Québec (FMEQ)

M. Simard (Philippe) : Merci beaucoup. Tout d'abord, nous tenons à remercier la commission de nous inviter ici aujourd'hui. C'est très apprécié de savoir que la voix et les préoccupations des étudiants en médecine de la province seront entendues. Rapidement, la FMEQ, Fédération médicale étudiante du Québec, nous représentons l'ensemble des 4 200 étudiants et étudiantes en médecine de la province.

Mon nom est Philippe Simard, je suis vice-président de la fédération. Je suis accompagné aujourd'hui de Yasmine Nadifi, étudiante en deuxième année à l'Université Laval, Mme Tara D'Ignazio, étudiante en quatrième année à l'Université de Montréal, et M. Laurent Elkrief, étudiant en deuxième année à l'Université de Montréal.

Ma présentation aujourd'hui va se résumer en quatre parties. Tout d'abord, nous allons aborder les effets du cannabis sur la santé pour, ensuite, parler des usages médicaux reconnus du cannabis, et aborder ensuite le trouble lié à l'usage ou la dépendance au cannabis, et finalement vous présenter nos recommandations officielles.

M. Elkrief (Laurent) : Depuis les premières études modernes sur les usages de cannabis médical, au XIXe siècle, il fut établi que la plante du cannabis contient plus de 70 molécules cannabinoïdes. Celles-ci sont similaires en forme et en fonction aux molécules endocannabinoïdes, des neuromédiateurs créés naturellement par le cerveau. Parmi les cannabinoïdes se retrouvant dans la plante de marijuana, le plus puissant est le THC. Il semble que ce dernier soit responsable de la plupart des effets physiologiques et psychologiques liés à la consommation de cannabis.

Nous avons entendu tous parler de cette sensation de bien-être et de calme souvent relatée après avoir consommé le cannabis, le «high». Les études faites auprès de fumeurs de cannabis ont démontré qu'après le «high» plusieurs consommateurs disent ressentir des états passifs de tristesse, d'anxiété, de paranoïa, de fatigue et de baisse de motivation. Ces effets liés à la consommation, qu'ils soient positifs ou négatifs, dépendent de la dose, ce qui signifie que plus la concentration de THC dans le cannabis est élevée, plus l'effet sur le cerveau est important. De plus, certaines études suggèrent qu'une forte concentration de THC augmente le risque d'accoutumance et de dépendance et diminue les effets positifs du «high». Il a également été démontré qu'avec une consommation accrue il y a une augmentation de la fréquence de pensées suicidaires et de tentatives de suicide, un enjeu public majeur au Québec.

Enfin, la consommation de marijuana augmente potentiellement le risque de développer une psychose aiguë ou même la schizophrénie. Il reste toujours que certains extraits de cannabinoïdes, et même le cannabis en tant que tel, peuvent être bénéfiques pour la santé lorsqu'utilisés à bon escient. Comme nous l'expliquerons sous peu, il pourrait y avoir des indications d'utilisation du cannabis pour traiter ou soulager certains symptômes suite à l'échec de thérapies plus conventionnelles.

Mme D'Ignazio (Tara) : À l'état actuel, l'usage du cannabis n'est pas reconnu par Santé Canada ni par le Collège des médecins du Québec comme traitement médical. Pourtant, l'usage des cannabinoïdes synthétiques est indiqué pour certains usages médicaux.

Malgré le manque de recherches qui entourent le cannabis inhalé, il présente quand même quelques pistes intéressantes de recherche, notamment dans la gestion de la douleur chronique. En fait, une étude qui a été faite avec le cannabis inhalé a démontré une diminution significative de la douleur, qui se compare quand même à l'efficacité à d'autres classes d'analgésiques, mais de manière non dose-dépendante. Le cannabis, comme Laurent a décrit, a des effets secondaires qui sont reliés à la dose, malgré que l'effet... l'antidouleur ne l'est pas.

Une autre étude a démontré qu'on peut quand même prescrire les opioïdes avec du cannabis inhalé de manière sécuritaire pour aller chercher un effet antidouleur augmenté chez des patients souffrant de douleurs chroniques. À l'heure actuelle au Québec, on a 35 % de patients au-delà de 65 ans qui souffrent de douleurs chroniques, et c'est une population qui consomme énormément d'opioïdes. On se pose la question si on ne pourrait pas utiliser le cannabis, évidemment encadré par la recherche, pour l'heure actuelle, pour diminuer la consommation d'opioïdes chez cette population-là.

Finalement, malgré... Le problème, c'est qu'il y a un énorme potentiel du cannabis comme traitement médical, mais il y a un manque flagrant de données pour quelconque indication médicale. Donc, toutes les études qui ont été faites à date ont exclu des patients avec des antécédents psychiatriques et utilisaient surtout des patients qui étaient non naïfs au cannabis.

Le cannabis pourrait traiter les symptômes de la douleur chronique, de l'anorexie, de l'épilepsie, mais actuellement nous ne sommes pas en mesure de l'appuyer comme traitement médical à cause des lacunes de recherche qui existent et notre manque de compréhension de ses bénéfices et de ses effets secondaires à long terme.

Nadifi (Yasmine) : Donc, contrairement à la croyance populaire, la dépendance au cannabis est un phénomène qui existe et qui est courant. Donc, dans les DSM-V, ils ont rajouté un nouveau diagnostic qui s'appelle le «trouble de l'usage du cannabis». Ça se caractérise par une altération du fonctionnement, une détresse qui est significative, des symptômes, puis ça perdure sur une durée de plus de 12 mois.

Donc, cette dépendance a deux aspects. Donc, le premier aspect est plus psychologique parce que la consommation procure un plaisir, donc ça incite à consommer davantage. Puis il y a aussi un aspect plus physique. Donc, ça s'observe par des symptômes de sevrage qui vont apparaître après l'arrêt de l'effet du THC sur les récepteurs cannabinoïdes. La physiologie derrière ça, en fait, ça s'explique par les molécules cannabinoïdes, qui sont le THC et le CBD, qui est le cannabidiol. Donc, le THC, lui, va créer une dépendance qui va être en lien avec la dose de THC. Puis, à l'inverse, le CBD aurait plutôt un rôle protecteur.

Donc, c'est pour ça que c'est important de faire une prise en charge des patients qui sont pris de dépendance au cannabis. La première chose à faire, c'est vraiment d'inciter les gens à aller consulter en cas de problème. Ensuite, c'est de mettre en place un réseau avec différentes ressources, donc à l'école, dans les centres jeunesse, réseau public, réseau privé, communautaire, etc., parce que ça a été prouvé comme quoi que c'était une intervention bénéfique puisque ces patients-là vont consulter différentes ressources. Puis c'est important aussi que ça soit accessible et dans un langage commun.

Pour ce qui est des thérapies, la priorité, c'est de promouvoir les thérapies interdisciplinaires. Les thérapies qui ont été plus efficaces, c'est : thérapie cognitivo-comportementale ainsi que l'approche motivationnelle. Le rôle du médecin là-dedans, c'est vraiment de faire un suivi régulier des patients pour s'assurer de réévaluer si la thérapie correspond aux besoins du patient et si le patient suit bien sa thérapie. Puis il y a aussi l'option de faire un traitement pharmacologique, donc, chez les patients qui ont des symptômes de sevrage, soit la rispéridone.

Donc, au final, la dépendance au cannabis est réelle, puis ça requiert un investissement en santé pour s'assurer d'avoir des interventions interdisciplinaires, différentes ressources accessibles, puis de permettre aux médecins de faire un suivi régulier.

M. Simard (Philippe) : Donc, le cannabis est une substance fort complexe, qui possède à la fois des effets néfastes mais également bénéfiques sur la santé. La FMEQ, on n'a pas voulu se positionner pour ou contre la légalisation, mais bien en faveur d'une approche basée sur la réduction des méfaits et la sensibilisation à une consommation responsable de la substance. On n'est pas des experts sur le sujet, on demeure des étudiants, puis on n'est pas ici pour faire la morale non plus. Ce qu'on désire vous apporter, c'est les préoccupations de la relève médicale, car c'est nous qui allons devoir faire face aux conséquences de ce projet de loi dans cinq, 10 et 15 ans.

Nos recommandations sont donc basées sur trois enjeux majeurs : la protection des citoyens, l'investissement en recherche et en formation de la main-d'oeuvre médicale et l'accès au cannabis médical.

Dans un premier temps, nous demandons au gouvernement de mettre en place des processus qui visent à protéger les populations vulnérables, notamment les autochtones et les jeunes, afin d'oeuvrer avec les groupes qui oeuvrent dans le domaine. Nous demandons également de fixer une concentration maximale de THC dans les produits vendus, sans nous positionner sur la concentration comme telle. Les études ont démontré que, plus le cannabis est concentré, plus il y a de risque de dépendance au long terme. Nous voulons également rappeler au gouvernement qu'il est important de maintenir... d'interdire la publicité aux jeunes et de maintenir un emballage neutre avec des mises en garde sur les effets nocifs du cannabis. L'on doit saluer l'initiative du gouvernement de mettre en place la tolérance zéro en termes de conduite jusqu'à ce qu'on ait un outil fiable pour tester le degré d'affectation des capacités cognitives liées au THC.

Là où on veut vraiment mettre l'emphase, nous, c'est sur l'importance d'investir en recherche et en formation de la main-d'oeuvre, recherche tant fondamentale qu'appliquée, afin que nous ayons des données probantes sur les usages médicaux du cannabis pour ensuite pouvoir outiller nos professionnels en santé, pour qu'ils puissent prendre en charge la population qui serait à dépendance au cannabis ou qui désire du cannabis pour des raisons médicales.

Finalement, nous croyons que c'est important de protéger l'accès au cannabis médical et d'outiller les médecins pour répondre aux questions de leurs patients. Ce qu'on veut à tout prix éviter, c'est qu'un patient décide de s'automédicamenter pour cette substance, alors que ce n'est pas un usage reconnu. Par exemple, l'anxiété, qui est très reconnu... qui est très répandu dans la population, mais qui n'a nullement d'effets bénéfiques du cannabis là-dessus, même au contraire.

Donc, finalement, le cannabis, c'est une substance qui a beaucoup d'effets sur la santé. On a ici la chance de faire les choses comme il faut et de ne pas répéter les mêmes erreurs qu'avec l'alcool et le tabac. Nous espérons qu'on va réussir du premier coup. Merci beaucoup.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup pour cet exposé. Nous allons débuter les échanges avec Mme la ministre et députée de Soulanges. Vous disposez de 14 min 30 s. La parole est à vous.

• (16 h 30) •

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. Merci, M. Simard, Mme Nadifi, Mme D'Ignazio — O.K., je le prononce comme il faut? — et M. Elkrief. Bon, je m'excuse si je prononce mal, mais j'ai fait mon possible. Merci d'être là.

Honnêtement, la première pensée que j'ai eue, quand je vous regarde, des jeunes étudiants en médecine, c'est toujours, je me dis toujours : Wow! Ça, c'est du monde qui ont des belles cotes R, certain, pour être rendus là. Mais, ceci étant dit, c'est une blague, mais il n'en demeure pas moins que vous êtes des gens qui ont beaucoup de connaissances, compétences, mais surtout, surtout beaucoup de passion dans ce que vous faites. La preuve, c'est que vous venez ici représenter déjà les intérêts de la population, vous venez donner votre point de vue, puis c'est tout à votre honneur. Honnêtement, vous commencez votre implication de façon remarquable.

Et vous avez dit : On n'est pas ici pour se prononcer pour ou contre la légalisation. Nous non plus, parce que c'est légalisé au niveau du fédéral. Nous, ce qu'on cherche à faire, au gouvernement du Québec et l'ensemble des parlementaires, sans partisanerie, depuis le début, on travaille dans ce sens-là, de faire en sorte que nous puissions protéger la santé et la sécurité de notre population. C'est ce qu'on cherche à faire depuis le début.

Ceci étant dit, il y a des choses que je peux tout de suite camper, notamment pour la publicité. Je vous rassure, je l'ai dit au groupe qui vous a précédés, mais en privé parce que je n'ai pas eu le temps au micro : il y aura zéro publicité, sauf que pour donner de l'information, tant sur les produits que dans la boutique ou sur le site en ligne. Le but n'est pas de vendre plus de cannabis, là, c'est de ramener les gens du marché illicite vers un marché licite, qu'on puisse mieux contrôler la qualité du produit puis qu'on puisse échanger avec les gens, leur donner davantage d'information. C'est tout ça, le but.

Comment on va faire ça... Puis, moi, c'est pour ça qu'on écoute beaucoup, l'ensemble des parlementaires, pour bien partir l'affaire, parce que ce qu'on souhaite, à la Société québécoise du cannabis, un, c'est d'avoir des travailleurs formés, puis il y aura une formation qui va être donnée, qui va être bâtie par le ministère de la Santé pour déjà donner des informations aux gens qui vont travailler...

Donc, vous comprenez que ça ne pourra pas être les mêmes travailleurs qui sont à la Société des alcools et à la Société québécoise du cannabis. C'est impossible parce que la formation ne sera pas la même. Le but de la société d'État n'est pas d'en vendre plus, mais bien de faire en sorte, comme je vous dis, de ramener les gens vers un marché légal, licite, et de protéger leur santé, et ce n'est pas d'augmenter les ventes. Donc, on enlève ça tout de suite.

Je vous entends parler beaucoup de cannabis médical. Nous, on ne traite pas ça dans le projet de loi n° 157. Ça reste de compétence... dans le projet de loi fédéral, tout ce qui entoure le cannabis médical. Par contre, ça m'interpelle quand même parce que j'ai entendu parler d'automédicamenter, puis je soupçonne, parce que je me... on se l'est fait dire en consultation avec la population, les organismes, et tout, qu'il y aurait des gens qui chercheraient à faire ça. Alors, comment vous voyez, dans la prévention, qu'est-ce qu'on peut faire de bien ou de mieux que ce qui... Parce que vous savez qu'on a gardé 25 millions exactement, cinq ans, garantis, puis, s'il y a des ventes qui excèdent, on va en avoir plus.

Mais, ceci étant dit, comment vous voyez comment on peut faire une bonne prévention pour dire aux gens : Attention, là! ce n'est pas un produit banal, puis vous ne pouvez pas vous automédicamenter parce que les autres produits que vous prenez, ou si vous consommez à risque avec de l'alcool, ou... Je vais vous laisser parler, là, parce que c'est vous autres, les médecins, ce n'est pas moi. Mais dites-moi comment on peut bien faire les choses.

M. Simard (Philippe) : Bien, tout d'abord, si j'avais la réponse à comment on convainc les gens de ne pas avoir des habitudes de vie néfastes, je pense qu'on n'aurait tous pas de job ici. Rapidement, je pense que, tout d'abord, ça passe par informer la population sans être paternaliste avec la population. Les campagnes sur le tabac ont été très efficaces pour ça.

Deuxième chose, veux veux pas, bien, pour pouvoir informer les gens, il faut avoir l'information nous-mêmes. Même dans le moment, au niveau des professionnels médicaux, professionnels du milieu médical, on a peu d'information. Il y a la recherche qui est en développement, c'est clair. Mais je peux vous dire qu'en tant qu'étudiants on a peu d'information qui nous est donnée dans notre cursus sur c'est quoi, les usages reconnus du cannabis, dans quels cas c'est utile, dans quels cas ça n'a pas d'effet, dans quel cas c'est neutre. Le plus gros outil qu'on a, c'est une revue de littérature qui a été faite par l'académie des sciences, aux États-Unis, qu'on a annexée dans notre mémoire. Mais ça reste surtout basé sur des niveaux d'évidence faibles, modérés, parfois forts, mais il y en a très peu.

Donc, je pense que la première chose qu'il faut faire, c'est d'investir en recherche pour avoir vraiment des données probantes avec des indications claires. Deuxième chose, c'est que les organismes qui régulent la profession médicale produisent des recommandations claires sur quand est-ce qu'on peut prescrire du cannabis, donc CMQ, Santé Canada et différents ordres professionnels. Troisièmement, je pense qu'il faut absolument informer la population que, oui, le cannabis est une substance récréative maintenant, mais le cannabis médical demeure une drogue qui est comme tout autre médicament. Vous devez voir votre médecin, vous devez au moins voir un professionnel de la santé qui est formé, qui est bien certifié afin de connaître les usages et de ne pas le prendre n'importe comment.

Puis je pense qu'il n'y aura pas de solution magique à ça. Il va y avoir des gens, malheureusement, qui vont consommer le cannabis pour des fausses indications. Mais ce qu'on peut faire, c'est nous assurer que le filet de sécurité derrière, qui est le système de la santé, soit bien équipé pour informer ces patients-là, les prendre en charge et les orienter vers des indications thérapeutiques optimales.

Mme Charlebois : Dû au fait qu'on sait que, sur l'ensemble de la population qui consomme le cannabis, il y a 42 % des jeunes de 18 à 24 ans qui sont les consommateurs de cannabis, est-ce que vous pensez qu'on fait une bonne chose de mettre l'âge à 18 ans dans le projet de loi pour justement avoir une bonne rétention de ces jeunes-là, pour pouvoir leur parler, pour pouvoir les référer, pour pouvoir les informer? Parce que, de toute façon, à mon avis, ils vont faire l'acquisition sur le marché noir. Puis ces gens-là, sur le marché illicite, ils se soucient très peu de leur état de santé et surtout pas de leur qualité de produit.

M. Simard (Philippe) : Alors, la fameuse question : l'âge. Pour être franc avec vous, la fédération ne s'est pas positionnée sur l'âge parce que c'est très polémique, puis nos membres n'arrivaient pas à s'entendre sur un chiffre. Si je vous parlais purement d'un point de vue médical, ça serait 25 afin de protéger le cerveau, afin de s'assurer que le développement n'est pas affecté par le cannabis. Si on regarde que la plus grosse tranche de consommateurs ont entre 18 et 24 ans puis que le but du projet de loi, c'est de diminuer la consommation dans le marché noir, peut-être que 25 ans, ce n'est pas la meilleure option. Nous n'avons pas de position là-dessus. Donc, je ne peux malheureusement pas vous répondre.

Mme Charlebois : Bien, merci beaucoup pour votre franchise. Puis moi aussi, j'ai vu que 25 ans... Mais on sait que, dans la réalité, malheureusement... Ça serait mieux, dans un monde idéal, qu'il n'y ait pas de drogue du tout, mais, bon, il y en a.

Dites-moi, au niveau de la prévention, quand on vous parle de 25 millions qui sont prévus au projet de loi, il y en a qui nous disent : C'est trop peu. Il y en a qui nous disent : C'est correct. Mais on dit que, s'il y a profit... Parce que, les premières années, il va falloir bâtir notre réseau de vente, qui est la Société québécoise du cannabis. Il va falloir avoir notre site en ligne. Il va falloir bâtir nos programmes de prévention. Il y a beaucoup de choses à faire autour de ça, la formation des travailleurs. Est-ce que vous considérez, vous, de la façon qu'on a fait ça, que les fonds qui vont aux fonds généraux du bureau de vente, là, une fois qu'on va... si on commence à faire de l'argent à un moment donné, ce que pense... vont payer les dettes, vont payer les frais d'opération? Bon, une fois ça vidé, la majorité s'en va à la prévention. Comment vous voyez ça, cette optique de, justement, 25 millions de base pour cinq ans et une possibilité... Puis j'espère qu'on ne le bonifiera pas trop parce que ça veut dire qu'on va vendre beaucoup de cannabis, ça. Si on bonifie parce qu'on fait des profits... Ah! en tout cas, on va en avoir vendu beaucoup.

M. Simard (Philippe) : On ne se le cachera pas, le marché du cannabis est actuellement un marché qui a beaucoup de potentiel pour faire de l'argent. Selon des estimations, on parle d'un marché de milliards de dollars au Canada. Je ne suis pas économiste, je ne connais pas les chiffres, je ne connais pas les retombées. Ce que je peux vous dire, c'est que, pour les étudiants en médecine, c'est important que tous les profits qui sont faits par la vente du cannabis aillent en sensibilisation, en prévention, en recherche et formation des professionnels médicaux, les professionnels dans les SQC, mais également en programmes pour traiter les patients.

Comme Yasmine en a parlé, le trouble lié à l'usage du cannabis, là, la dépendance, c'est beaucoup plus répandu qu'on pense. Puis c'est quelque chose qui va avoir beaucoup de conséquences au long terme. Donc, c'est clair qu'il faut investir en amont, mais il ne faut pas oublier tous les patients qui sont déjà dépendants ou qui vont le devenir, veux veux pas. Puis il faut pouvoir les prendre en charge, ces patients-là. Donc, pour nous, c'est là que l'argent devrait aller, puis pas nécessairement pour d'autres programmes que les programmes liés à la drogue et aux prises en charge des patients dépendants.

Mme Charlebois : Même pas à la sécurité publique? O.K.

M. Simard (Philippe) : Je n'ai pas de position là-dessus.

Mme Charlebois : Non. Dites-moi, est-ce vrai, parce que j'ai entendu ça dans mes consultations, que la formation que vous avez en médecine est un petit peu de base, pour ne pas dire presque absente, au niveau justement du cannabis, de tous ce que... Je sais que vous me dites qu'il faut faire plus de recherche, on manque de données probantes, ça fait que, donc, ça doit être difficile de faire de la formation sur le cannabis, s'il n'y a pas des recherches concluantes, selon vous. Est-ce que vous pensez qu'on peut déjà commencer à faire un petit peu mieux pour les cohortes à venir?

• (16 h 40) •

M. Elkrief (Laurent) : Je vais répondre à cette question. Bien sûr. Alors, moi, je suis en deuxième année, alors je n'ai pas fait tout mon parcours en médecine encore. Mais, après avoir parlé à mes amis externes qui sont en troisième et quatrième année, ils n'ont pas eu plus d'exposition au sujet. À mon expérience, on a parlé du cannabis pas plus que trois heures. Et c'est un grand problème. C'est un grand problème non seulement parce que les étudiants en médecine ne sont, un, pas des étudiants qui vont savoir c'est quoi, le cannabis, et, deuxièmement, on est tous intéressés au sujet, mais il y a tellement d'information et tellement de... il y a tellement d'information qu'on doit avoir quelque chose de plus structuré.

Alors, nous, dans notre programme, on a reçu... on a parlé vite fait ou à côté du cannabis, et pas directement. Alors, nous, on suggère à voir implémenter un programme comme le Collège des médecins, ils ont implémenté pour les opioïdes. Même chose, que le gouvernement aide aux ordres professionnels à nous créer un programme dans les années prémédicales et médicales. Et aussi on ne peut pas oublier les médecins qui n'ont pas été formés, alors on doit aussi investir dans la formation des médecins actuels aussi.

Mme Charlebois : O.K. J'entends ça. Ça va être... Je le retiens, puis, si vous le dites, je vous fais confiance.

Dites-moi, j'ai été étonnée de lire... vous nous parlez d'interdire de fumer du cannabis dans les voitures. C'est parce que vous avez des gens que vous avez eu vent qui consomment dans la voiture, puis j'espère que... pas avec des enfants.

M. Simard (Philippe) : Bien, c'est quelque chose qui est répandu, le «hotbox», comme on l'appelle, là, donc consommer dans une voiture, les fenêtres fermées, pour augmenter l'effet. C'est juste que, tout le cadre, nous, on pense que vraiment, pour l'instant, cannabis et voiture devraient être totalement dissociés. Ces mesures-là, c'est juste une façon supplémentaire de dissuader les gens de fumer et d'ensuite conduire.

Mme Charlebois : Est-ce que... bien là, vous savez que le tabac est interdit dans les voitures, c'est sûr que le cannabis va suivre parce qu'on fait les lieux d'usage Tabac Plus. Ça fait que ça va être interdit. Mais là il va falloir suivre ça, puis j'ose espérer qu'il n'y a pas d'enfant dans la voiture parce que ça, ça va me faire... bon.

Dites-moi, au-delà des lieux d'usage, on parle de la voiture, on a mis dans les lieux d'usage Tabac Plus, donc on a dit campus universitaires, cégeps, tout ça. Il y a des profs d'université qui nous ont dit : Bien là, faites contact avec la réalité parce qu'il y en a pas mal sur les campus. Ce n'est pas une bonne idée parce que, de toute façon, dans un 5 à 7, tout le monde prend de la boisson, puis ça y va par là. Ça fait qu'il a dit : C'est sûr que le cannabis est présent. Vous pensez quoi de ça? Je fais quoi, moi, avec ça, là, une affirmation de même? Est-ce que je laisse la restriction comme c'est écrit au projet de loi ou bien si on devrait reconsidérer pour les campus universitaires?

M. Simard (Philippe) : Bien, nous, on est allés même presque plus loin que ça. Nos recommandations, c'est qu'on devrait restreindre la consommation de cannabis dans les lieux publics à l'instar de l'alcool. Il ne faut pas oublier que le cannabis a une capacité intoxicante, affecte les capacités cognitives, affecte le comportement. C'est certain qu'en général les gens qui consomment du cannabis le font dans un parc, le font dans des milieux... un environnement peut-être social. Je vous dirais que ce n'est pas la recommandation sur laquelle on est le plus fermement assis, là. Il faut être réalistes dans ce projet de loi là. Mais c'est certain qu'il y a de la fumée secondaire avec le cannabis quand il est fumé, tout comme avec la cigarette. Puis, tout comme avec le tabac, on ne devrait pas devoir incommoder les gens qui ne consomment pas du cannabis par son désir d'en fumer soi-même. Donc, nous, on trouve normal que ça soit assujetti à la loi au tabac.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Ça met un terme à ce bloc d'échange avec nos invités. Nous allons maintenant vers l'opposition officielle. Mme la députée de Taillon, vous disposez de neuf minutes. À vous la parole.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue à Philippe Simard, Yasmine Nadifi, Tara D'Ignazio, Laurent Elkrief. Bienvenue, tous les quatre, merci d'être là. Intéressant, votre mémoire. Je vais peut-être essayer d'aborder d'autres aspects.

À la page 22, vous parlez de votre recommandation 4, de restriction sur le produit, donc au niveau d'un certain contrôle que vous aimeriez avoir sur le produit. Donc, vous dites : «Établir une limite de teneur en [tétrahydrocannabinol] THC des produits de cannabis et interdire les produits à teneur plus élevée.» Est-ce que vous avez un peu plus de précisions sur ce que vous voulez recommander ou interdire dans cette recommandation-là?

M. Simard (Philippe) : Donc, cette recommandation-là touchait surtout la concentration en THC. Je l'ai abordé brièvement tantôt, les études démontrent que plus le cannabis est concentré, plus il y a un risque de développer une dépendance et plus les effets secondaires néfastes sont présents. Selon les quelques études qu'on a, le 15 % semble un peu le «cutoff», si on veut, donc le chiffre à partir duquel cette concentration-là devient plus nocive pour la santé sans nécessairement entraîner plus d'effets que les gens recherchent avec le cannabis, donc le sentiment d'euphorie puis de bien-être.

On n'a pas été jusqu'à se positionner sur un chiffre en tant que tel parce qu'on trouvait qu'on manquait possiblement d'expertise là-dessus. On a mentionné le 15 % selon les études qu'il y avait, mais on fait confiance un peu au gouvernement puis aux gens plus compétents que nous pour établir vraiment cette limite-là, qu'il faut, veux veux pas, équilibrer avec le fait que le cannabis qui est vendu actuellement sur le marché noir est souvent beaucoup plus potent que ça, de l'ordre de 20 %, même 30 %, puis que le but premier de ce projet de loi là, c'est que les gens sortent du marché noir pour aller vers un marché contrôlé, réglementé et mieux encadré.

Mme Lamarre : Donc, effectivement, on sait qu'on a des concentrations qui peuvent être très, très différentes d'un produit à un autre, ça peut fluctuer entre 3 % et 30 %. Donc, vous allez vers le 15 %. Vous, vous dites : Essayons d'aller vers un juste milieu, dans le fond. Il y a aussi toute la dimension, puis je suis sûre que Mme la ministre va être sensible à ça aussi... parce que, dans le tabagisme, on en avait parlé, mais tous les additifs, en fait, tous les additifs, saveurs qui peuvent s'ajouter, on l'a vu avec le tabagisme, on peut penser que, même avec la marijuana, on va avoir des variations qui vont élargir, si on peut dire, là, le spectre du marché. Donc, est-ce que vous verriez d'un bon oeil qu'on restreigne, d'une part, les saveurs ou des ajouts particuliers et, d'autre part, peut-être qu'on exerce un contrôle aussi sur des contaminants potentiels de cette production-là?

M. Simard (Philippe) : Bien, on avait eu, la fédération, le plaisir de présenter lors des auditions sur la Loi sur le tabac. Pour nous, à ce moment-là, c'était clair que, pour le tabac, il ne devrait pas avoir d'additifs, de saveurs, tout ça, parce que ça incitait les jeunes à consommer. Ce n'est pas formellement dans nos recommandations, mais, pour nous, ça allait de soi, le cannabis devrait être assujetti à la Loi sur le tabac puis il ne devrait pas avoir de saveurs, tout ça, qui inciteraient les jeunes à consommer.

M. Elkrief (Laurent) : J'aimerais juste ajouter qu'on ne peut pas arrêter là. La vérité, c'est qu'en sciences on ne sait pas qu'est-ce que les additifs, ils vont faire dans le cannabis. Alors, si on prend une position, on doit investir dans la recherche qui va aller prouver ou démontrer qu'est-ce que les additifs vont faire et être flexible pour changer la loi avec les données probantes.

Mme Lamarre : Mais en fait c'est un peu particulier parce qu'on est dans un contexte récréatif, c'est le mot qui est utilisé. Et c'est ça qui fait un peu que, dans le mot «récréatif», bien, on peut tolérer une saveur de gomme balloune, de menthe fraîche ou de melon, là. Alors, c'est un peu ces éléments-là auxquels il faudrait peut-être que nous, on réfléchisse, dans notre projet de loi, pour éviter ces éléments-là qui, dans le fond, ont un effet attrayant ou peuvent donner l'illusion que l'utilisateur change de produit. On en prend un qui libère quelque chose, à un moment donné, dans la soirée, puis on change en cours de soirée. Donc, il y a peut-être un élément là-dessus qu'on devrait essayer de circonscrire un petit peu, et je comprends que vous êtes assez d'accord.

Est-ce que vous avez... Moi, j'essaie de faire le parallèle un peu avec certains médicaments qu'on utilise, qu'on considère être d'utilité, qu'on appelle les codéinés exonérés, c'est-à-dire des médicaments qui contiennent de la codéine — la codéine, normalement, c'est un opioïde — mais à petite dose. Jusqu'à huit milligrammes, on considère que les avantages de l'offrir en vente libre, mais derrière le comptoir du pharmacien, dépassent les risques parce qu'il y aurait comme, si vous voulez, un côté pratique à ça.

Est-ce que vous avez pensé... est-ce qu'il y aurait un avantage à limiter, par exemple, la quantité par format qu'on mettrait de disponible? Parce que, dans les codéinés exonérés, on ne peut pas avoir des formats, par exemple, de plus de 24 comprimés. Alors, c'est sûr qu'on peut acheter, dans trois pharmacies différentes, trois formats de 24, mais, à un moment donné, il y a comme un désincitatif à ce que les gens soient obligés de se déplacer à trois endroits, tandis qu'on ne peut pas acheter un format, un gros format de ça, on ne peut pas acheter des formats importants pour ces substances-là. Est-ce que vous voyez un peu la même dimension, le même effet, la même balise qu'on pourrait ajouter pour l'achat de la marijuana?

M. Elkrief (Laurent) : Bien, premièrement, je ne crois pas qu'on a une position exacte sur ce sujet. Mais on doit séparer l'usage récréatif de l'usage médical. Et, pour l'instant, l'usage médical n'a pas des indications claires. Avant qu'on ait des indications claires, on ne peut pas dire quand ou comment on peut utiliser la marijuana pour des usages médicaux.

• (16 h 50) •

Mme Lamarre : Non, justement, dans le récréatif, là, dans le récréatif, est-ce qu'on serait d'accord pour que les gens achètent une grande quantité à la fois ou si on préfère qu'ils reviennent avec des quantités plus limitées? Bien, c'est votre impression, là. Moi, je ne vous demande pas une donnée scientifique. Mais c'est peut-être juste l'utilisation, la facilitation qu'on met à l'achat et à la consommation. Sans être trop restrictif, c'est sûr, on peut le prendre même sur un sac de chips. On a un 500 grammes, il est déjà prévu...

Une voix : ...

Mme Lamarre : D'accord. Donc, pas plus qu'une certaine quantité à la fois. O.K.

M. Simard (Philippe) : ...j'allais répondre. Je pense que le gouvernement fédéral proposait déjà une limite de 30 grammes d'avoir en sa possession en tout temps. Nous, notre recommandation, c'était un petit peu plus large pour la simplifier parce que, dans le fond, la quantité qui serait permise ne doit pas permettre d'induire une overdose, une surdose excusez-moi. C'est certain que la quantité que ça prend est assez importante, là. Ça dépasse de loin le 30 grammes. Mais on était satisfait avec la réglementation fédérale du 30 grammes. Donc, on était un peu dans le même sens que ça. Pour ce qui est de la capacité à acheter d'un seul coup, on n'a pas de position là-dessus dans le moment.

Le Président (M. Merlini) : Une minute, Mme la députée.

Mme Lamarre : Merci. Le dernier élément que je voudrais voir, c'est... on veut contrôler les ventes en ligne. Puis je pense que le projet de loi est bon pour ça parce qu'il réussit à le faire. Mais, dans les cas où les produits viendraient de Chine ou d'Inde, on sait... ou d'autres pays, là, comment vous voyez qu'on pourrait exercer un contrôle? Parce qu'à ce moment-là on perd effectivement... on est vraiment dans le marché illicite. Mais, comme c'est légal d'en consommer dorénavant, il faudrait que ce soit légal de consommer seulement celui qui est produit ici. Comment on peut interférer avec l'achat, l'acquisition d'un pays qui n'aurait pas les mêmes standards que nous?

Le Président (M. Merlini) : En 40 secondes, s'il vous plaît.

M. Simard (Philippe) : On ne s'est pas vraiment... Nous, on s'est vraiment focusés sur l'aspect médical, protection des citoyens puis formation de la relève. Donc, on n'a pas de position sur tout ce qui touche l'achat, l'approvisionnement. Mais on croit que c'est peut-être plus de compétence fédérale d'assurer comment va marcher l'échange, aux frontières, du cannabis. On n'a pas de position là-dessus.

Mme Lamarre : Il pourrait y avoir une sanction si les gens sont pris à consommer du cannabis qui vient d'un pays étranger qui n'est pas soumis aux mêmes restrictions et contrôles de qualité que nous avons ici.

M. Simard (Philippe) : Je pense que vous posez des bonnes questions, mais on n'a pas la réponse.

Mme Lamarre : D'accord. Merci.

Le Président (M. Merlini) : Merci, Mme la députée de Taillon pour ces échanges avec nos invités. Nous allons maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Repentigny, vous avez six minutes. À vous la parole.

Mme Lavallée : Merci beaucoup. Bienvenue chez vous et chez nous. Vous étudiez dans le domaine de la santé, et il y a comme deux visions de tout le dossier de la légalisation du cannabis. Tout à l'heure, je ne sais pas si vous avez écouté les gens qui représentaient le Portage, où eux autres privilégient la santé des jeunes versus ceux qui ont une approche de la santé publique où on veut permettre l'usage du cannabis à partir de 18 ans. Nous, on s'est positionnés là-dessus de façon plus sévère, 21 ans, mais avec une approche beaucoup plus préventive, parce que je pense qu'il est là, le problème. On se préoccupe de la santé des jeunes et du fait qu'on les éloigne du milieu illicite. Mais ceux qui ont moins de 18 ans, qui sont aussi des bons consommateurs, vont rester en lien avec ces gens-là qui vont leur vendre n'importe quoi.

Donc, à ce moment-là, compte tenu des recherches qui démontrent que la consommation avant 25 ans est quand même dangereuse... Là, je comprends que vous n'avez pas pris de position, mais vous travaillez dans le domaine de la santé, vous devez en avoir une, vous, personnelle, sur la légalisation du cannabis avant 21 ans, hein, qui semble la norme au niveau de la santé.

M. Simard (Philippe) : Je vais sortir mon petit côté politicien pour dire qu'on n'est pas ici en notre nom personnel, mais bien au nom de tous les étudiants en médecine de la province. On ne peut pas vraiment parler en notre nom. J'ai énuméré un peu les arguments tantôt, là, 25 versus 18. Tout ce que je veux dire, c'est que l'important derrière tout ça, c'est de vraiment mettre l'emphase sur informer les citoyens, la population, de c'est quoi, les effets de consommer puis offrir les outils nécessaires à tous les organismes, tous les professionnels qui oeuvrent... Là, je ne parle pas juste des médecins, mais je parle aussi des pharmaciens, des infirmières, je parle des organismes qu'il y a avec les gens qui souffrent de dépendance. Je pense que ces organismes-là devraient être outillés puis que, veux veux pas, l'argent qu'on va faire avec ce projet de loi là doit aller envers ces gens-là.

Mme Lavallée : On parle beaucoup du fait que le but de l'encadrement prévu par la loi, ce n'est pas d'encourager les jeunes à consommer, mais de faire beaucoup de sensibilisation, de prévention. Et il y a un article, 55, dans la loi qui ouvre une porte au privé. Et, cette semaine, il y a eu des groupes qui sont venus nous rencontrer, la semaine passée, des groupes qui sont venus nous rencontrer, qui sont dans le privé, qui investissent des millions d'argent. Et, quand on visite leur site, on voit qu'ils annoncent des spéciaux. Est-ce que, pour vous, vous voyez, malgré que vous faites attention à ce que vous dites, là, mais vous voyez une problématique, un manque de cohérence entre le fait qu'on se préoccupe de la santé de nos jeunes, qu'on veut faire de la prévention, mais qu'on ouvre une porte vers le public, qui, eux autres, vont chercher à faire du profit et non pas à se préoccuper de prévention?

M. Simard (Philippe) : Je pense qu'un peu tout notre message est centré sur l'importance d'axer sur la réduction des méfaits. Puis je pense que je parle pour tout le monde en disant que le profit ne rime pas avec réduction des méfaits, malheureusement; profit rime avec faire le plus d'argent possible. Une recommandation met d'ailleurs clairement l'emphase sur le fait que... d'interdire la publicité envers les jeunes puis d'instaurer un emballage neutre avec des mises en garde sur les effets du cannabis. Puis nous, on croit qu'avec une société d'État c'est ça qui permet de bien encadrer la vente. Ça serait que les gens qui vendent le cannabis sont bien formés, puis que le prix qui est mis sur le cannabis, toute l'approche autour d'acheter le produit n'est pas une approche commerciale, mais une approche vraiment d'information puis de sensibilisation de la population.

Mme Lavallée : Donc, vous fermeriez la porte parce qu'on comprend que, si on ouvre au privé, ces gens-là ne réinvestiront pas auprès des organisations qui doivent faire de la prévention puis intervenir en santé publique. Donc, on fait d'un côté... et on a tout cet aspect-là, qui est quand même louable, dans la loi, mais, avec cette ouverture-là, on n'atteindra pas nécessairement à 100 % les objectifs.

M. Simard (Philippe) : On ne s'est pas formellement positionnés pour ou contre une vente privée. On l'avait offert à nos membres. Ils ont décidé qu'ils ne désiraient pas se positionner sur la distribution en tant que telle. Nous, on croit juste que le plus important, c'est de s'assurer que, quand le produit est vendu, ce ne soit pas une optique de profit, mais bien une optique d'information et sensibilisation.

Le Président (M. Merlini) : 1 min 15 s, Mme la députée.

Mme Lavallée : Parfait. Puis, dans votre document, parce que je vois que vous êtes assez prudents dans vos positions, mais il reste qu'il y a plusieurs pages où on parle de tous les risques qui sont associés à la consommation du cannabis. C'est quand même assez impressionnant, la recherche qui a été faite là-dessus, ce n'est pas banal. Et je pense qu'on a à se préoccuper du sort de nos jeunes parce que, quand on parle de troubles bipolaires, d'anxiété, de dépression, de risques de suicide, troubles psychotiques, je comprends que vous ne voulez pas vous positionner sur l'âge, mais il reste qu'avant 25 ans c'est reconnu que tous ces effets-là sont beaucoup plus importants. Et à long terme on risque d'avoir des problèmes qui vont nous suivre le reste de notre vie.

M. Elkrief (Laurent) : Le cannabis, c'est une drogue. Ça a un effet sur le cerveau, et aussi sur les poumons et sur le reste du corps. Alors, bien sûr, on doit faire attention et on veut que notre population ne consomme pas. Mais ce n'est pas le cas, et le cannabis va être légal. Alors, notre position est : on doit réduire les méfaits, et donner l'information, et outiller notre population à savoir comment ou qu'est-ce qui va arriver si vous allez consommer.

Le Président (M. Merlini) : Merci, Mme la députée pour ce bloc d'échange avec nos invités. Nous allons maintenant vers le député de Mercier. Vous avez 2 min 30 s. À vous la parole.

• (17 heures) •

M. Khadir : Oui, merci, M. le Président. D'abord, bravo pour cette excellente présentation! Je vois un peu le sommaire que vous présentez des résultats des recherches, enfin, de la recension du National Academy of Sciences, puis les risques psychosociaux associés, «impaired academic achievement and educational outcomes». Donc, de toute évidence, il y a des évidences limitées qui associent les deux. On peut présumer que vous n'êtes pas des consommateurs... des «heavy consumers». Vous n'avez jamais été des... sans ça, ça ne serait pas... En tout cas, ça prouve que... ce rapport prouve qu'on est au sommet de sa forme intellectuelle aux alentours, justement, de 25 à 35 ans.

Vous mentionnez que votre approche «réduction des méfaits»... je pense, en tout cas, le gouvernement a notre appui dans ce projet de loi parce que nous pensons également qu'il faut avoir une approche réduction de méfaits dans le sens où... Et je tiens parfaitement compte des préoccupations de ma collègue de Repentigny sur les conséquences, les effets secondaires, bien entendu. Mais ces effets secondaires sont déjà en opération sur le terrain. Il y a de la consommation. L'idée, c'est d'assurer un minimum de protection, de faire en sorte que ça ne profite pas au crime organisé et que l'argent de sa vente actuelle et future, plus les taxes qui seront associées, soit consacré à des programmes de prévention.

Si vous avez une mesure importante que vous pensez, dans la revue de littérature que vous avez faite, qui pourrait réduire les méfaits dans la catégorie de 18 à 25 ans, ça serait quoi, cette mesure-là, une mesure ou quelques mesures parmi les plus importantes?

Le Président (M. Merlini) : En 45 secondes.

M. Simard (Philippe) : La question du siècle en 45 secondes. Je pense que c'est d'agir tôt, dès le secondaire. Les jeunes commencent à consommer tôt, là. Je vous parle par... personnel, mais des amis qui consommaient jeunes au secondaire. Puis je pense que c'est d'informer les jeunes sans être paternaliste, sans stigmatiser. Il faut que la... On approche le cannabis non pas avec : Le cannabis, c'est mal, mais voici ce que le cannabis va occasionner comme effet, voici les conséquences. Puis, tu sais, si vous choisissez de consommer, bien, réalisez qu'en consommant voici à quoi vous vous exposez. Je pense que, s'il y avait un message à retenir, c'est vraiment informer les jeunes le plus tôt possible.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le député de Mercier, pour ce bloc d'échange avec nos invités. M. Laurent Elkrief, Mme Tara D'Ignazio, Mme Yasmine Nadifi, M. Philippe Simard, représentant la Fédération médicale étudiante du Québec, merci de votre présence et merci de votre participation aux travaux de la commission.

Je suspends donc quelques instants et j'invite l'Association québécoise des programmes pour premiers épisodes psychotiques à prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 2)

(Reprise à 17 h 6)

Le Président (M. Merlini) : Alors, nous reprenons donc nos travaux. Nous recevons maintenant l'Association québécoise des programmes pour premiers épisodes psychotiques. Je vous demande de vous identifier au début de votre présentation. Vous disposez de 10 minutes, et ensuite nous procéderons aux échanges avec les membres de la commission. Bienvenue à la CSSS, la parole est à vous.

Association québécoise des programmes pour
premiers épisodes psychotiques (AQPPEP)

Mme Abdel-Baki (Amal) : Bonjour. Alors, mon nom est Dre Amal Abdel-Baki. Je suis médecin psychiatre, je suis présidente de l'Association québécoise des programmes pour premiers épisodes psychotiques. Avec mon collègue Dr Marc-André Roy, nous sommes tous les deux professeurs à l'université, chercheurs mais surtout cliniciens, et c'est à ce titre que nous nous présentons devant vous.

M. Roy (Marc-André) : Mais je tiens à souligner que Dre Abdel-Baki a été ma résidente en psychiatrie, donc ma stagiaire, ce qui fait que probablement pas mal toutes les choses pertinentes qu'elle va dire aujourd'hui en découlent, mais que, d'autre part, si jamais elle commettait des erreurs, ça ne fait pas loin de 20 ans qu'elle est à Montréal.

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Abdel-Baki (Amal) : D'accord. Alors, l'Association québécoise des programmes pour premiers...

Une voix : ...

Mme Abdel-Baki (Amal) : Ça se ressemble à Québec, hein, c'est ça? Alors, l'Association québécoise des programmes pour premiers épisodes psychotiques est un organisme regroupant des professionnels de clinique oeuvrant auprès de personnes souffrant d'un premier épisode psychotique. Elle représente toutes les cliniques PEP du Québec, PEP étant pour «premier épisode psychotique». Elle a pour mandat de participer à la sensibilisation du grand public en vue de diminuer la stigmatisation de personnes souffrant d'un premier épisode psychotique, d'améliorer l'identification et la référence de ces personnes vers les services appropriés, de sensibiliser les administrateurs du réseau de la santé et les autorités publiques et de même que la population à l'importance des enjeux reliés aux premiers épisodes psychotiques.

Dans le contexte du projet de loi, nous tenons à souligner l'importance que la population soit informée des risques de la consommation de cannabis pour la santé mentale, surtout lorsque celle-ci débute à l'adolescence ou au début de l'âge adulte, l'importance que des services de détection et d'intervention précoce intensive spécialisés pour la psychose débutante soient accessibles facilement et rapidement partout au Québec, que ces services aient suffisamment de ressources pour respecter le Cadre de référence des programmes pour premiers épisodes psychotiques, publié tout récemment, en novembre 2017, par le ministère de la Santé et des Services sociaux, et ainsi offrir des services de pointe pouvant améliorer de façon significative le pronostic et réduire les risques de chronicisation de maladies psychotiques, et également des services... que ces services adéquats soient accessibles dans le cadre de ces cliniques pour ceux qui présentent une toxicomanie comorbide. On parle de 60 % de ces jeunes.

Ces recommandations sont basées sur les faits suivants. Donc, le risque de psychose est évalué à 3 % dans la population en général. Cette estimation peut augmenter de 10 % jusqu'à 50 % en cas d'antécédents familiaux de premier degré. La psychose se déclenche principalement chez les jeunes de 15 à 30 ans, et la schizophrénie de même que la maladie bipolaire psychotique sont les formes de psychose les plus fréquentes. 10 % de ces jeunes décèdent par suicide, et, pour une majorité, dans les premières années qui suivent le déclenchement de la maladie, parfois même avant même qu'elle soit diagnostiquée. Les psychoses sont des problèmes de santé chroniques associés à la majorité des hospitalisations en psychiatrie, une des premières causes d'invalidité mondiale engendrant des coûts directs et indirects très importants pour la société, sans compter la souffrance des personnes atteintes et de leurs proches. Il s'agit de la maladie la plus grave en santé mentale.

Le cannabis peut déclencher la psychose chez les gens vulnérables génétiquement et en aggrave le pronostic. Le lien entre la consommation de cannabis et l'augmentation du risque de troubles psychotiques est indéniable. On parle d'un risque de psychose qui augmente de 40 % chez les personnes ayant déjà consommé du cannabis; il est doublé chez les consommateurs quotidiens, surtout s'il y a une forte concentration en THC du cannabis, et même 3,9 fois plus grand chez les gros consommateurs. Une concentration de THC de 10 % et plus est souvent utilisée pour désigner une concentration élevée.

• (17 h 10) •

L'utilisation de cannabis avant l'âge de 16 ans est particulièrement associée à une grande probabilité de développer un trouble psychotique. Le PEP chez les consommateurs de cannabis tend à  survenir en moyenne 2,7 ans plus tôt, ce qui a un impact majeur sur son pronostic. En plus des risques de psychose, la consommation de cannabis cause notamment, lorsque l'usage régulier a débuté à l'adolescence, des troubles cognitifs pouvant persister à long terme, ce qui influence très négativement le succès scolaire.

Le risque de dépendance est de 9 % chez les personnes qui expérimentent le cannabis, un taux qui augmente à 16 % si le cannabis est débuté tôt à l'adolescence. Dans ce contexte, l'âge moyen de 16 ans d'initiation des drogues chez les jeunes, selon l'Enquête de surveillance canadienne de consommation d'alcool et de drogues, est jugé par tous les psychiatres comme étant préoccupant.

Donc, nos recommandations. Il est donc essentiel d'adopter une approche psychoéducative, tant pour le jeune que pour ses proches. Pour ce faire, nous recommandons qu'un maximum d'intervenants, que ce soient des professeurs, des parents, les responsables des services de garde, les intervenants en centres communautaires, les éducateurs en centres jeunesse, voire même les policiers, etc., soient formés sur comment discuter de la contribution du cannabis au déclenchement des troubles psychotiques sévères et persistants, soient formés afin de détecter les signes précoces de début de psychose, donc le prodrome, qu'on appelle, de la maladie, et sachent où et comment référer ces jeunes à une équipe ayant la capacité de préciser le diagnostic et d'offrir le suivi requis. Nous recommandons qu'il en soit de même pour les gens travaillant aux points de vente prévus par la loi.

Nous recommandons également d'implanter des programmes PEP dans toutes les régions du Québec. Dans la dernière année, le ministère de la Santé et des Services sociaux a annoncé l'ajout d'une quinzaine de cliniques PEP à travers la province, notamment dans les régions où les ressources en santé mentale étaient déficientes. Toutefois, certaines régions du Québec n'ont toujours pas de tels programmes.

Il est urgent de mettre à niveau les 19 cliniques d'intervention précoce déjà mises en place dans les 10 dernières années, suite à l'initiative de cliniciens, mais avec des ressources insuffisantes. À titre d'exemple, pour la plupart, elles n'ont pas la moitié des effectifs requis par le cadre de référence publié par le ministère. Les centres jeunesse n'ont pas accès à des programmes PEP dédiés. Pourtant, la clientèle qu'ils desservent est nettement parmi les plus à risque de toxicomanie et de troubles psychotiques à cause des traumatismes qu'ils ont subis, comme ça a été démontré par plusieurs études. Il en est de même pour les jeunes en situation d'itinérance, dont 50 % à 75 % sont issus des centres jeunesse.

Pourquoi suivre ces recommandations? 45 % des jeunes souffrant d'un premier épisode psychotique sont atteints d'un trouble de l'usage du cannabis. On parle d'études qui sont faites au Québec. Pour les personnes qui développent la schizophrénie, la consommation de cannabis est associée à davantage de symptômes et de rechutes. À l'inverse, l'arrêt de la consommation améliore significativement le pronostic après un premier épisode psychotique, tant au niveau des symptômes de psychose que du fonctionnement. On parle de retour aux études, retour au travail. En effet, près du tiers des personnes présentant un PEP cessent l'usage de substances dans la première année suivant l'admission à un programme spécialisé d'intervention précoce pour la psychose, et, à deux ans, c'est même jusqu'à 47 % lorsqu'on leur offre le suivi approprié pour les troubles comorbides au sein d'une même clinique des soins qui sont intégrés.

Chez ceux qui ont cessé la consommation, l'évolution devient similaire à ceux qui n'ont jamais consommé, alors que ceux qui continuent à consommer abusivement du cannabis ont un mauvais pronostic et continuent à se détériorer aux niveaux symptomatique, psychotique, et dépressif, et fonctionnel au niveau de l'emploi, études, autonomie en hébergement, et ce, malgré le traitement. Donc, ça suggère qu'il y a vraiment un effet délétère de cette substance. De plus, les jeunes avec un trouble de l'usage du cannabis sont beaucoup plus souvent hospitalisés et consultent beaucoup plus souvent à l'urgence, on parle de deux, trois fois plus au moins, et engendrent des coûts importants pour le système de santé, et figurent malheureusement le plus souvent parmi ceux qui décèdent par suicide.

En conclusion, le gouvernement doit s'assurer d'entreprendre rapidement la sensibilisation et l'éducation du public, notamment des jeunes eux-mêmes et des personnes qui les côtoient, mais également de s'assurer de rendre plus accessibles les soins médicaux aux personnes qui deviendraient dépendantes de cette substance ou qui développeraient un PEP.

Sur ce, j'aimerais vous raconter une histoire d'un jeune, des jeunes qu'on rencontre très souvent. Ce n'est pas une histoire caricaturale. D'ailleurs, je l'ai tirée d'un article scientifique, là, qu'on avait écrit avec des collègues dans Santé mentale au Québec. Pierre est un jeune homme de 20 ans originaire de la Beauce. Il se désintéresse de l'école au milieu de ses études secondaires. Comme il a de plus en plus de difficultés à se concentrer et à comprendre les consignes, il se décourage. Il devient convaincu que professeurs et étudiants manigancent pour le faire échouer. Il décide donc d'arrêter sa scolarisation, il cesse même de voir des amis, sauf lors des fêtes, lorsqu'il consomme avec eux. Il augmente sa consommation de cannabis pour finalement en prendre sur une base quotidienne.

Pierre quitte sa région pour s'installer à Montréal, souhaitant vivre la liberté et trouver un emploi. Arrivé au centre-ville, il rencontre un jeune homme qui lui propose de partager un petit appartement. Il trouve ensuite un emploi qu'il n'occupera que quelques semaines à cause de ses retards et son inefficacité. Il ne parvient plus à payer son loyer, il se retrouve sans domicile. Il fréquente le Refuge des jeunes et s'isole de plus en plus, il se sent de plus en plus menacé. Finalement, il accepte de vendre des drogues pour financer sa consommation. Pris sur le fait par des policiers, il doit passer 24 heures en prison avant de comparaître en cour.

Pierre consulte à l'urgence. Le médecin réalise qu'il présente un épisode psychotique. Il tente de le référer en psychiatrie. Pierre ne pense pas que les médicaments et les rendez-vous pourront l'aider, il ne donne pas suite. À nouveau, les intervenants au Refuge des jeunes le trouvent désorganisé. Ils tentent de le convaincre de consulter. Pierre monte le ton, il se braque. Ils doivent appeler les policiers, notant une dangerosité, et Pierre est hospitalisé contre son gré. Dès que sa désorganisation disparaît, il signe un refus de traitement, ne va pas chercher la médication, ne se présente pas aux rendez-vous. Pendant trois ans, l'histoire se répète. Il sera réhospitalisé quatre fois.

Mais l'histoire pourrait être autrement, et c'est ce qui se passe quand il y a des cliniques pour premiers épisodes psychotiques. Donc, lorsque Pierre perd son logement et son emploi, il commence à fréquenter le Refuge des jeunes. Un intervenant, préoccupé de le voir trop souvent sous l'effet des drogues, lui parle et essaie de le convaincre de consulter à la clinique pour premiers épisodes psychotiques. Pierre est ambivalent, mais il accepte finalement une rencontre à laquelle il sera accompagné par un intervenant. Après quelques rencontres, Pierre accepte un suivi, et on l'aide à trouver un hébergement stable, à faire des démarches pour recevoir des prestations d'aide financière. Grâce à la psychoéducation, il prend tranquillement conscience de la part que les drogues jouent dans sa consommation. Il reprend peu à peu une routine active, participe à ses rencontres hebdomadaires avec son psychiatre et accepte un traitement pharmacologique.

Malgré l'amélioration notée, Pierre, comme plusieurs jeunes, s'ennuie de l'esprit de fête du centre-ville et des hallucinations agréables qu'il avait à l'occasion. Il décide d'arrêter la médication, de reprendre la consommation active, voulant être comme tout le monde, ce qui fait ressurgir la psychose à nouveau. Après un court séjour à l'urgence parce qu'il a été déstabilisé, il accepte à nouveau de reprendre les rencontres de groupe, de reprendre son suivi avec son psychiatre et son intervenante et de reprendre la médication. Il accepte à ce moment-là de participer à des thérapies pour le double diagnostic, donc pour la toxicomanie, qui sont intégrées dans la clinique. Graduellement, Pierre entreprend une recherche d'emploi avec son intervenante. Elle s'avérera fructueuse. Pierre attendait cela depuis longtemps, ça lui          Je vous remercie.

Le Président (M. Merlini) : Merci, Dre Abdel-Baki, pour cette présentation. Nous allons débuter les échanges. Mme la ministre, il vous reste 13 minutes. À vous la parole.

• (17 h 20) •

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. D'abord, vous saluer, Dre Abdel-Baki et Dr Roy. Merci pour la lecture de ce dernier témoignage parce que ça nous fait voir pourquoi on légifère en ce moment. On est en train, nous, ici, au Québec, de baliser sur l'encadrement de tout ce qui concerne le cannabis, alors qu'au fédéral ils légalisent. J'ai le goût de vous dire : Ça existe déjà. Vous le savez, je ne vous apprends rien, puisque vous êtes en fonction, vous traitez avec ces gens-là régulièrement. Ça fait que ça nous ramène, en tout cas, moi, ça... puis je suis certaine que ce n'est pas différent pour les autres parlementaires, ça nous ramène carrément dans le pourquoi on fait ce qu'on fait, comment on doit bien faire, puis enlever nos préjugés, puis vraiment travailler pour le mieux de l'ensemble des gens avec qui on va... qu'on va servir et côtoyer.

J'ai entendu vos risques de psychose. C'est comme... Je suis obligée de vous dire que, de par le ministère que j'occupe, les fonctions que j'occupe, c'est des histoires que j'ai déjà entendues, que j'ai vues, j'ai côtoyé des gens. C'est difficile de voir d'autres personnes qui sont dans des situations, honnêtement, de perte de contrôle puis que ça prend des gens spécialisés pour les aider. Puis en même temps il y en a d'autres qui me disent : Oui, mais, moi, ça ne m'est jamais arrivé. Alors là, il faut que je pense à l'ensemble de la population, comment bien soutenir l'ensemble de la population.

Je vois toutes vos... J'ai écouté, j'ai pris des notes, là : les risques de psychose, 3 %, concentration à 10 %. Ça fait en sorte qu'on a plus de risques de psychose. Plus on commence jeune, plus on a des chances de devenir bipolaire. L'usage avant 16 ans, on dirait que c'est comme du déjà vécu, pas pour moi, mais pour des gens qui m'entourent, que je connais.

Et j'ai le goût de vous demander tout de suite d'entrée de jeu : Comment on fait... Tu sais, idéalement, là, ce qu'on souhaite, c'est qu'ils n'en prennent pas, là, du cannabis. Mais ça arrive puis ça va arriver encore après la légalisation. Comment on fait pour bien faire? Est-ce que l'âge qu'on a mis au projet de loi, vous trouvez ça un petit peu... tu sais, vous auriez souhaité qu'on mette plus tard, sachant qu'ils vont continuer de s'approvisionner sur un marché illégal? Est-ce qu'on est mieux de les amener vers nous, les faire voir... Puis j'apprécie le fait que vous avez dit : Les gens qui vendront le cannabis dans les sociétés québécoises du cannabis, ça leur prend une formation. Et là j'entends le PEP. Ça, c'est quelque chose que je vais retenir.

Dites-moi, là, comment vous voyez un encadrement au niveau de l'âge, au niveau dans les boutiques, des travailleurs, ce qu'ils auront à faire avec les personnes qu'ils vont rencontrer? Parce qu'évidemment ils vont avoir des jeunes de 18 à 24 ans, si on laisse le projet de loi tel quel, là. Puis ce que... Pourquoi je l'ai laissé là, moi, à cet âge-là, le choix qu'on a fait, nous au gouvernement, c'est parce que... ce n'est pas idéologique, c'est parce qu'on se dit : Ils consomment déjà. J'aime mieux prendre la chance de leur parler, de les attirer, de pouvoir les référer vers des bonnes ressources. Comment vous voyez ça, vous, là? Est-ce que je suis carrément dans le champ ou si on fait bien?

Mme Abdel-Baki (Amal) : Bien, puis mon collègue pourra compléter, en fait, la raison pour laquelle nous, on avait recommandé plus l'âge de 21 ans, c'était vraiment... c'était un compromis, mais l'idée, c'était vraiment de dire : Il ne faut pas banaliser la substance, hein? Quand on saute en bas d'un avion, on aime bien être sûr que le parachute va fonctionner puis on aime bien savoir, hein, comment on peut faire pour se prémunir des dangers. C'est la même chose, je pense, pour le cannabis.

Donc, effectivement, on sait que les 18-24 ans c'est la tranche d'âge qui consomme le plus, on parle... c'est 33 %, là, des utilisateurs, puis même 15 à 17 ans, c'est 20 %, hein, des utilisateurs, donc c'est quand même très fréquent. Et effectivement le message, c'est qu'il faut pouvoir les sensibiliser, eux, détecter qui commence à... Comme on voit dans l'histoire que je racontais, on commence à voir qu'il consomme plus que les autres, puis les conséquences sur son état mental ou sur son comportement est plus important que sur celui des autres. Puis c'est ça qu'il faudrait que les gens dans les points de vente puissent apprendre à détecter puis ils puissent savoir comment référer et référer de façon rapide. Les cliniques comme celle que Dr Roy et moi dirigeons, on répond à l'intérieur de 24, 48 heures. La limite est 72 heures pour donner un premier rendez-vous d'évaluation aux jeunes.

Donc, il faut que ces cliniques-là existent partout pour que les jeunes puissent être référés rapidement à ces cliniques-là. Mais il faut que les cliniques qui sont mises sur pied aient le moyen de pouvoir offrir ce service-là. Donc, comme je disais, là, la plupart des cliniques actuellement n'ont pas les effectifs requis pour le faire. Donc, c'était le but un peu, je pense, du message qu'on essaie de passer. Il faut être prêt à recevoir ces jeunes-là puis leur offrir les services. Actuellement, il y a beaucoup de jeunes au Québec qui n'ont pas du tout accès à ces services-là.

M. Roy (Marc-André) : Je voudrais...

Mme Charlebois : Je vous entends... Oui, excusez-moi. Allez-y.

M. Roy (Marc-André) : ...si vous permettez... Ah! bien, est-ce que c'est...

Mme Charlebois : Non, non, c'est vous. Allez-y.

M. Roy (Marc-André) : Oui, O.K. J'ajouterais que je pense qu'il faut comprendre aussi que les jeunes qui ont des troubles psychotiques, souvent, comme dans la vignette que nous présentait ma collègue, ne reconnaissent pas présenter un problème de santé mentale, mais que néanmoins ça peut paraître dans la façon d'être, dans la façon de parler, dans le contact, et tout ça, d'où la très grande importance qu'il y ait des professionnels ou qu'il y ait des... à tout le moins, même des gens qui sont tout simplement des commis, tout ça, avec une formation, je pense, peuvent avoir quand même une bonne idée, et qu'ils aient accès facilement à des services.

Traditionnellement, avoir accès aux services, c'est une course à obstacles, mais, dans le contexte de l'organisation du cadre de référence pour les interventions précoces, ce qu'on préconise, c'est que n'importe qui puisse référer et aussi que les services puissent se déplacer. Donc, c'est vraiment essentiel. Et, dans ce sens-là, moi, je vous dirais, dans un contexte où on parle de vente par Internet, c'est certain qu'on a une inquiétude non seulement par rapport à la qualité du produit et combien il va être contrôlé, mais aussi sur l'absence de contact avec une autre personne. Nos jeunes ont tendance à rester cloîtrés chez eux, à surfer, à jouer, et donc le contact social avec une personne qui puisse... qui soit qualifiée pour identifier les manifestations est certainement quelque chose qui serait très précieux.

Mme Abdel-Baki (Amal) : Si je peux me permettre, là, ce qu'on propose n'est pas une lubie, là. Il y a des pays qui ont démontré que, quand on fait des campagnes de sensibilisation pour la détection précoce et qu'on offre les services, on peut réduire... La moyenne, en fait, de psychoses non traitées dans les pays où il n'y a pas ces campagnes-là sont... est d'environ 50 semaines, donc près d'un an, ce qui altère vraiment le pronostic. Et on a pu démontrer qu'on peut réduire ça jusqu'à quatre semaines seulement. Donc, c'est vraiment important d'agir à ce niveau-là.

Mme Charlebois : Agir tôt, ça fait toute la différence.

Mme Abdel-Baki (Amal) : Tout à fait.

Mme Charlebois : Je pense que vous avez raison, tout à fait. Dites-moi, dans le programme de formation, parce qu'on parle des boutiques, les seuls qui vont pouvoir vendre au Québec, ça sera la Société québécoise du cannabis, première des choses. Ça fait que le produit, le contrôle de qualité va se faire là. Mais la deuxième des choses, dans les boutiques, et même le site Internet va être bâti de façon à ce que... On va trouver le moyen, là — je ne sais pas encore comment, là, je ne veux pas vous dire que je le sais aujourd'hui — mais d'avoir une interaction avec notre consommateur, puis il va y avoir des banques de prévention, tout ça. Dans les boutiques, il y aura des travailleurs formés. Mais je comprends que, dans la formation, on devrait déjà prévoir le programme PEP, que vous appelez.

J'ai le goût de vous demander... Parce que moi, je suis déjà dans le programme de prévention au-delà de tout le projet de loi parce que, tantôt, on a entendu : Ça devrait commencer au secondaire. Moi, je suis déjà à la fin du primaire parce que j'ai entendu, en consultation, que la moyenne, c'est 12 ans. Moi, je pense qu'il faut commencer... Puis je vous raconte une petite anecdote drôle, là, mais ça ne veut... pas que ça ne veut rien dire, mais ça donne une image. Ma petite-fille m'a vue à la télé parlant du cannabis, puis là je ne sais pas pourquoi ça passait à la télé la fin de semaine, elle était chez moi, elle a six ans. Puis là elle écoute ça comme ça, puis tout à coup elle se revire, elle me regarde puis elle dit : Grand-maman Lucie, elle dit, c'est quoi, du cannabis? Là, elle a six ans. Mais la ministre, elle a dû réfléchir deux, trois minutes avant de répondre. J'ai dit : Laisse un petit temps à grand-maman, là, je vais méditer là-dessus. Parce que ma fille me dit : Bien oui, c'est ça, réponds à la question. Mais là je me suis dit : La petite fille va grandir, puis ce n'est pas bien loin, là, 10 ans, 12 ans.

Est-ce que vous pensez que vous... Il doit y avoir des gens, là, qui... dans votre programme PEP, il doit y avoir une expertise en quelque part. Quand on va faire de la prévention, qu'on va commencer au primaire... Parce que ce n'est pas vrai qu'en cinquième, sixième année, puis rendu au secondaire I à V, on dit toujours la même chose. La formation va devoir être adaptée. Mais moi, j'irais même plus loin que ça, c'est : Il faut parler aux parents.

Mme Abdel-Baki (Amal) : Tout à fait.

Mme Charlebois : Il faut parler à l'entourage pour qu'on puisse détecter justement ces signes de psychose que vous nous faites mention. Comment vous voyez ça, globalement, un bon programme de prévention pour l'ensemble du Québec? Vous nous en avez parlé un peu, mais toucher les humains autour qui n'ont pas toute votre connaissance, là.

Mme Abdel-Baki (Amal) : Tout à fait. Bien, je dirais, deux, trois points. Vous avez tout à fait raison d'insister sur le jeune âge. En fait, la moyenne d'âge de scolarisation de nos jeunes est de 10 ans, donc la plupart n'ont pas terminé les études secondaires, mais ça inclut des jeunes qui sont universitaires. Donc, quand on regarde, là, nos... ceux qui consomment du cannabis, notamment, ils se retrouvent à avoir neuf ans, en moyenne, là, d'études. Et, si on prend ceux qui sortent des centres jeunesse, et tout ça, on est à secondaire II, à peu près, de moyenne. Donc, il y en a que c'est moins que ça. Ça fait qu'effectivement, si on attend de faire, à la fin du secondaire, ce genre d'éducation là, il sera trop tard. On devrait probablement s'y prendre, on n'est pas spécialistes, là, du domaine, mais vers la fin du primaire, début du secondaire. Sinon, vous parliez... Effectivement, les campagnes de détection de la maladie, oui, on doit s'adresser aux jeunes. Les jeunes peuvent apprendre à reconnaître chez leurs amis des signes, mais notamment les parents, puis sur comment s'adresser aussi à leurs jeunes.

Parce que c'est sûr que, si tout ce qu'on fait, c'est démoniser le cannabis, on n'ira pas les chercher. Il y a des façons de faire, là, il y a sûrement des gens qui se sont présentés à vous là-dessus, mais il faut vraiment bien le faire puis apprendre aux parents que... on en entend souvent parler à la télévision, et tout ça, de savoir comment on en parle. Et sur Internet, hein, les jeunes sont tout le temps sur Internet, sur YouTube, sur Netflix, etc. Il faut pouvoir leur parler. Puis on suggérait même que, s'il y a de la vente qui se fait par Internet, qu'il y ait des liens directement sur «entendez-vous des voix» ou «vous sentez-vous plus méfiant». Clique ici puis peut-être que tu pourras avoir accès à des services, savoir où pouvoir avoir accès à des services.

Mme Charlebois : Il faut surtout leur manifester notre confiance, les jeunes, je pense, puis pouvoir les informer adéquatement.

Parlez-moi de la production personnelle. Vous n'en avez pas parlé, et nous autres, on a mis zéro plant dans notre projet de loi. Puis j'ai appris aujourd'hui que le Nouveau-Brunswick vient de déposer son projet de loi, il est allé à la même place que nous autres, ils sont allés à la même place que nous autres, au Nouveau-Brunswick. Alors, comment vous voyez ça, vous? Est-ce que c'est trop ou pas assez? Comment vous voyez ça?

Mme Abdel-Baki (Amal) : Bien, pour différentes raisons, je pense qu'on appuie cette recommandation-là. C'était dans nos recommandations. Premièrement, je pense que le fait d'en avoir à la maison, ça banalise énormément, je pense, ce qu'est cette substance-là. Ça augmente les risques de consommation par erreur. Ça augmente les risques de... Tu sais, on a tous été dans le bar de nos parents prendre un peu d'alcool quand on était jeunes. Prendre une couple de feuilles dans le plant, ça ne paraîtra pas, certainement. Donc, je pense que ça augmente beaucoup les risques de consommation, de banalisation. On est vraiment en faveur de cette recommandation-là.

Je ne sais pas si tu avais...

• (17 h 30) •

M. Roy (Marc-André) : Non, je ne pense pas.

Mme Charlebois : Je veux juste corriger, j'ai dit Nouveau-Brunswick, mais c'est Manitoba. Puis je suis très sobre.

Mme Abdel-Baki (Amal) : Si je peux ajouter, là, tout ce qui va dans le sens de banaliser la consommation, incluant les lieux de consommation également... Moi, j'habite sur Le Plateau—Mont-Royal, c'est devenu difficile de traverser le parc La Fontaine sans consommer du cannabis, là, tu sais. Ça devient incommodant. On va patiner sur le Mont-Royal...

Mme Charlebois : Qu'est-ce que vous recommandez pour les lieux publics, donc? Est-ce qu'on laisse la réglementation aux municipalités ou si, tout de suite, nous autres, on interdit ça comme l'alcool?

Mme Abdel-Baki (Amal) : Bien, moi, je pense que les mêmes règles devraient s'appliquer que les règles qui concernent le tabac et l'alcool combinés. Je trouve que c'est un minimum. C'est un minimum. J'entendais les collègues, là, étudiants en médecine, de dire... même de respect, là, je pense, mais de respect de la santé des gens aussi, puis vraiment de ne pas banaliser parce que c'est sûr que les jeunes qui sortent de l'école puis que ça sent le cannabis partout... J'ai donné quelques conférences à des étudiants du secondaire, puis leur logique, c'est : Bien, tu sais, si c'était dangereux, le gouvernement ne légaliserait pas. Donc, il faut essayer de les informer, là. C'est vraiment une logique un peu simple parfois, là, mais qui se...

M. Roy (Marc-André) : C'est vraiment ce qui nous inquiète beaucoup, c'est la banalisation chez des gens qui ont déjà un peu tendance à banaliser leurs difficultés.

Mme Charlebois : ...des adultes à faire cette affirmation-là aussi, malheureusement.

Le Président (M. Merlini) : Merci, Mme la ministre. Ça met un terme à ce bloc d'échange avec nos invités. Nous allons vers l'opposition officielle, M. le député de Labelle, pour un bloc de neuf minutes. À vous la parole.

M. Pagé : Oui. Bien, en fait, juste une ou deux questions parce que je vais laisser ma collègue... Bonjour, bienvenue chez vous, à l'Assemblée nationale.

Vous avez parlé de consommation à risque. Quelle est votre définition d'une consommation à risque? Est-ce que... Quelle fréquence? À partir de quand et comment les parents devraient s'inquiéter? J'imagine que, comme parent, mon enfant fumerait une fois par mois, bon, j'imagine que ce n'est pas inquiétant, mais c'est quoi, la fréquence? Et quel genre de consommation peut-on vraiment considérer comme à risque, selon vous?

Mme Abdel-Baki (Amal) : Je dirais que la difficulté de répondre à cette question-là, c'est que tout dépend de la génétique de chaque personne, puis on n'a pas de test pour déterminer ça. C'est-à-dire que des gens qui ont une vulnérabilité plus importante génétiquement à la psychose, avec une très petite quantité de cannabis, peuvent développer la psychose. À l'inverse, des gens qui ont une faible vulnérabilité, ça va leur prendre des quantités plus élevées. Mais ce qu'on sait...

Quand vous disiez : Bien, moi, comme parent, quand est-ce que je dois m'inquiéter? En tout cas, moi, comme parent, je m'inquiéterais dès que mon jeune consomme parce qu'on sait que plus les jeunes consomment tôt, plus ils sont à risque de devenir dépendants. On sait que plus ils consomment tôt, plus ils sont à risque de développer une psychose. Donc, un jeune qui consomme, plus il est jeune, plus on devrait s'inquiéter. Et surtout on sait que plus il consomme régulièrement... Ce qu'on voit souvent, c'est des jeunes qui vont... Tu sais, ce qu'on entend, nous, comme consommation régulière dans les enquêtes, là, dès que ça dépasse une fois par mois, c'est considéré comme une consommation régulière. Bon, nous, on voit des jeunes qui consomment parfois quotidiennement puis des quantités astronomiques, mais il y en a aussi qui ne consomment pas ces quantités-là. Il ne faut pas banaliser en disant : Il faut vraiment consommer énormément pour que ça donne des impacts. On voit de tout, là.

M. Roy (Marc-André) : Donc, c'est difficile de mettre un seuil. Ça aurait un caractère un peu arbitraire parce qu'il y a vraiment une relation linéaire entre la quantité de THC ingérée, parce que c'est vraiment la quantité de THC, ce n'est pas nécessairement juste la fréquence, mais la concentration aussi qui a vraiment un effet très, très important. Et donc c'est certain que ce qui est mieux pour la santé, c'est l'abstinence. À quand s'inquiéter, là, je pense que c'est vraiment difficile de répondre à ça.

M. Pagé : Une petite dernière très rapidement. Vous souhaitez que, dans toutes les régions du Québec, qu'on puisse rendre disponible le programme PEP. Donc, je pense que c'est un programme qui est fort intéressant. Moi, je suis surpris d'apprendre qu'il n'est pas disponible dans toutes les régions du Québec. Est-ce que vous pourriez éventuellement nous faire parvenir la liste, là, des régions où ce n'est pas disponible? Ou à moins qu'il y en ait juste deux ou trois puis que vous les connaissiez.

Mme Abdel-Baki (Amal) : En fait, il y a vraiment plusieurs régions où ce n'est pas disponible actuellement. Dans la prochaine année, là, il y a plusieurs programmes qui vont se développer suite aux investissements gouvernementaux. On pourra vous faire parvenir effectivement la liste des régions où ce n'est pas disponible, également la liste des cliniques qui sont disponibles. C'est sur le site de l'AQPPEP. Donc on pourra joindre ça au document qu'on vous a envoyé.

M. Roy (Marc-André) : Puis je souhaiterais réitérer que ce n'est pas parce qu'une région en a qu'il y en a assez. Certains services... je prends la clinique où je travaille, ici, à Québec, est menacée actuellement dans son intégrité par les difficultés de gestion des effectifs médicaux.

M. Pagé : De là l'importance que tout l'argent qui pourra... tous les profits qui seront générés aillent justement en prévention, en dépendances, et tout le reste. Je vais laisser ma collègue députée de Taillon.

Le Président (M. Merlini) : Mme la députée de Taillon, à vous la parole. Il reste 5 min 30 s.

Mme Lamarre : Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, Dre Abdel-Bakiet Dr Roy. En fait, ce qu'on comprend, c'est que, globalement, on vise, par le projet de loi qui nous est imposé, là, au niveau fédéral, à ce qu'il y ait une consommation moins risquée avec des produits contrôlés et moins de marché noir, mais individuellement on augmente le risque que les gens sensibles développent une maladie psychiatrique grave, et donc on sait qu'on va avoir besoin de plus de soutien au niveau santé mentale. C'est malheureusement l'équation qu'on est obligés de faire. Et je vais un peu dans le sens de mon collègue le député de Labelle, donc, combien ça coûte, une clinique PEP actuellement, pour garder une clinique PEP en fonction, en opération? Qu'est-ce que ce sont, les coûts? Parce que, si on veut être vraiment dans la prévention puis bien anticiper, je pense qu'il faut se préparer. Ça va arriver et c'est inévitable.

Mme Abdel-Baki (Amal) : En fait, ce que le gouvernement a investi, ils ont investi 10 millions par année, là, pour 15 nouvelles cliniques PEP. Ça fait que ça vous donne un petit peu une idée, là. C'est sûr que, là, la façon dont ils ont fait, ils ont essayé de calculer à peu près, selon la prévalence dans la population. Est-ce que c'est suffisant partout? C'est à voir, mais ça peut représenter une moyenne, là.

Mme Lamarre : ...accompagner combien de personnes, à peu près, par année dans une clinique PEP?

Mme Abdel-Baki (Amal) : Combien de personnes?

Mme Lamarre : Oui.

Mme Abdel-Baki (Amal) : En fait, par 100 000 de population, là, on parle à peu près de 35 nouveaux cas par année, là, en moyenne.

Mme Lamarre : Donc, 35 actuellement.

Mme Abdel-Baki (Amal) : Pardon, pouvez-vous répéter?

Mme Lamarre : Actuellement, vous êtes à 35 par 100 000 habitants.

Mme Abdel-Baki (Amal) : Oui, c'est ça, environ. Puis là il faut dire que ça varie un peu, tu sais, d'un endroit à l'autre, là. Au centre-ville de Montréal, c'est peut-être un petit peu plus élevé parce que, comme dans l'histoire de Pierre, il y en a plusieurs, hein, qui partent des régions pour venir au centre-ville. Mais ça reste que, théoriquement, là, la prévalence est quand même relativement similaire, un peu plus importante. Plus la densité de population est élevée, et plus la consommation de cannabis est élevée. Ça, c'est vraiment démontré dans plusieurs études épidémiologiques.

M. Roy (Marc-André) : Oui. Mais je pense que, dans ce sens-là, on peut se servir de l'expérience des Anglais qui ont installé... en fait, qui ont fait un peu comme au Québec. Ils ont installé de façon systématique, sur l'ensemble du territoire, des cliniques, mais en accordant les mêmes ressources à chaque clinique par tête de pipe. Et ce dont ils se sont rendu compte, c'est que, dans certains secteurs, et comme ma collègue le disait, notamment en lien avec la teneur en cannabis et la fréquence de la consommation, il y en avait beaucoup plus. Je dirais qu'il y a d'autres facteurs aussi, comme, par exemple, la présence d'immigrants, puisque l'immigration est aussi un facteur de risque pour le développement de la psychose. Donc, c'est certain que ça serait intéressant, dans ce contexte-là, qu'il y ait une possibilité d'ajustement de l'ampleur des ressources en fonction des besoins réels.

Mme Abdel-Baki (Amal) : Je vais vous donner une idée, là, dans le cadre de référence du ministère, qui est quand même assez bien fait, qui est basé, là, sur des données probantes, là, et sur les guides de pratique de plusieurs pays, on parle d'un intervenant par 16 patients, donc, dans les cliniques. Ça fait que ça donne un petit peu une idée, là, de... Et comme ces cliniques-là offrent des services sur trois à cinq ans, selon encore le même cadre de référence, ça vous donne un peu une idée, là, de l'ampleur des cliniques, là.

Mme Lamarre : Parce que le grand défi, c'est le suivi de ces patients-là. Moi, j'ai travaillé huit ans dans une pharmacie à côté du parc La Fontaine, donc je les avais au quotidien, ces gens et ces jeunes. Et effectivement c'est l'adhésion au traitement qui est souvent l'enjeu parce qu'ils abandonnent à un moment donné. Et donc l'importance d'avoir une capacité de se réseauter autour d'eux, que ce soit avec une infirmière pivot, ou un travailleur social, ou des logements supervisés, nous, on préconise ça.

Moi, j'ai été assez scandalisée, je vous avoue, qu'on ait été obligés, au Québec, de faire intervenir des policiers qui ont dû mettre à mort des personnes atteintes d'une schizophrénie qui était décompensée. Et je me dis : Il faut vraiment travailler mieux. Si ces gens-là avaient été en hémorragie physique, on les aurait accompagnés différemment, je pense. Alors, on est un peu démunis, et je pense que, là, il faut anticiper vraiment des équipes, des équipes de première ligne, puis des équipes spécialisées. On sait que le recours aux psychiatres n'est pas facile actuellement. Donc, dans vos équipes d'intervenants, avez-vous d'autres professionnels que... Vous devez avoir des infirmières, mais aussi des travailleurs sociaux, des psychologues.

Mme Abdel-Baki (Amal) : Travailleurs sociaux, psychologues, ergothérapeutes, psychiatres, principalement.

Une voix : Psychoéducateurs.

Mme Abdel-Baki (Amal) : Oui, infirmières.

• (17 h 40) •

Mme Lamarre : Parce que, dans votre simulation, il y avait voir un psychiatre à toutes les semaines. Ça, ce n'est pas beaucoup, je n'en connais pas beaucoup qui réussissent à faire ça au Québec.

Mme Abdel-Baki (Amal) : Parce que le temps filait, mais effectivement, là, dans le vrai texte, on parle des ergothérapeutes et des... et c'est effectivement eux qui font l'essentiel du traitement, là, je dirais. Puis, si un jeune a cinq rencontres, il y en a quatre qui sont faites par d'autres professionnels que nous, là.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Mme la députée de Taillon. Ça met un terme à ce bloc d'échange avec l'opposition officielle. Maintenant, du deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Repentigny, vous avez un bloc de six minutes. À vous la parole.

Mme Lavallée : Merci beaucoup. Bienvenue. Je vais poser la première question. Après, mon collègue va continuer. En août dernier, vous vous étiez associés avec l'Association des médecins psychiatres du Québec pour recommander que l'âge légal pour consommer et acheter du cannabis soit à 21 ans. Est-ce que c'est toujours votre position?

Mme Abdel-Baki (Amal) : Comme j'ai expliqué tout à l'heure, au début, dans le fond, notre objectif était de dire qu'il ne faut pas banaliser et que le cerveau se développe jusqu'à 25 ans. Donc, dans un monde idéal, si on était capables d'empêcher les jeunes de consommer jusqu'à 25 ans, c'est un peu ça, l'idée, là. Est-ce que la meilleure façon, c'est d'être coercitif puis d'augmenter dans la loi l'âge légal à 21 ans? C'est sûr qu'on n'est pas experts de ça, hein? Nous, on est experts de la santé, on est experts de savoir que les jeunes consomment beaucoup trop tôt puis qu'il faut trouver les moyens de les aider. C'est sûr qu'on sait qu'ils consomment déjà, hein, les jeunes qu'on soigne, là, ils consomment depuis le début de l'adolescence.

M. Khadir : ...

Mme Abdel-Baki (Amal) : Pardon?

M. Khadir : Et c'est illégal.

Mme Abdel-Baki (Amal) : Puis c'est illégal actuellement. Bon, là, ça va être légal. Est-ce qu'ils vont consommer plus? Est-ce qu'ils vont consommer mieux? Mais je pense qu'on a le devoir, en tout cas, d'essayer de les sensibiliser, d'essayer de... comme c'est légalisé, de pouvoir leur permettre de savoir ce qu'ils consomment et surtout de leur offrir les services, si jamais ils développent, là, des troubles.

M. Jolin-Barrette : Bonjour à vous deux. Merci de votre présence ici. J'en suis, de donner des services, de donner de la prévention, dans le fond, peu importe l'âge à laquelle on fixe l'âge pour en acheter, pour en consommer. Le Manitoba vient d'annoncer, dans le fond, que... Parce que, vous savez, là, c'est un débat de société présentement, là, à savoir : Est-ce qu'on fixe à 18 ans, comme le gouvernement veut? Est-ce qu'on fixe à 21 ans, comme nous, on le souhaite, sur une question de littérature scientifique? Le Manitoba, ils ont peut-être tranché la poire en deux, ils ont dit : Bien, écoutez, chez nous, au Manitoba, l'alcool, c'est 18 ans. Par contre, on constate qu'il y a des conséquences à consommer du cannabis et on va le retarder parce que... on le fixe à 19 ans parce qu'il y a des conséquences, puis on est conscients de ces conséquences-là.

Vous nous dites : Écoutez, il n'y a pas d'âge précis, nos recommandations... Mais, dans l'ensemble des statistiques que vous nous avez présentées, sur lesquelles vous vous êtes appuyés, votre mémoire, je comprends que ça touche uniquement 3 % de la population qui sont à risque, mais 3 %, c'est quand même 240 000 personnes au Québec. Alors, vous, dans votre pratique quotidienne, vous en voyez plein, des gens qui se retrouvent dans cette situation-là.

Mme Abdel-Baki (Amal) : Bien, nous, on ne fait que ça puis on est très occupés, je peux vous le dire. Ça fait qu'effectivement c'est... Puis ce qui est très triste, c'est que ce sont des jeunes qui sont en plein développement. Puis on voit vraiment comment la psychose vient mettre un frein dans toutes les sphères de développement de la personne, là, que ce soit son développement vocationnel, qu'on appelle, là, scolaire, académique, mais c'est aussi dans son développement social, les liens familiaux qui sont interrompus, etc.

M. Roy (Marc-André) : Et c'est potentiellement à long terme. Donc, oui, on peut quand même composer, apprendre à composer avec la maladie et s'améliorer, aller mieux, mais généralement on a besoin de soins pour des décennies. Donc, c'est des conséquences vraiment, quand même, énormes en termes de coûts sociaux.

Mme Abdel-Baki (Amal) : Pour donner un exemple, là, c'est 80 % de taux de rechute, cette maladie-là. Donc, ce n'est pas quelque chose qui est comme... qu'on a une fois, puis c'est fini, là.

M. Jolin-Barrette : Je serais curieux de vous entendre. Quand vous traitez des jeunes qui sont aux prises avec une situation comme celle-là, avec un trouble psychotique ou avec une dépendance associée, supposons, à la consommation de cannabis, c'est quoi, l'impact que vous voyez, dans votre pratique médicale, en lien avec la famille? Dans le fond, c'est quoi, la conséquence du projet de vie du jeune à partir du moment, là, où vous le voyez?

Mme Abdel-Baki (Amal) : Bien, je pense que ça a des impacts majeurs parce que, souvent, on dit que, tu sais, la maladie touche le jeune, mais ça touche beaucoup la famille, hein? Souvent, les gens, quand les jeunes sont à cet âge-là, ils imaginent qu'ils vont prendre leur retraite. Des fois, ils ont eux-mêmes des problèmes de santé puis ils souhaitent que leurs enfants puissent s'occuper d'eux à long terme, puis, tu sais, ce qu'ils voient, quand la maladie arrive, c'est que, dans le fond, c'est eux qui vont devoir souvent s'occuper de leurs jeunes pendant plus longtemps, pendant très longtemps, subvenir à leurs besoins. Il y a une énorme détresse familiale qui est, en tout cas, presque aussi intense que celle que le jeune vit, là.

Il y a souvent une rupture des liens familiaux aussi parce que, souvent, les familles vont... Bon, des fois, ils ne savaient pas que leur jeune consommait. Des fois, ils le savaient puis ils s'étaient opposés à ça. Puis finalement, bien, ils ont l'impression que c'est juste dû à la drogue parce qu'ils n'ont pas les connaissances par rapport à la maladie. Puis ça va souvent vers une rupture de liens familiaux, ils vont mettre le jeune dehors. Donc, c'est très, très, très lourd de conséquences, là.

M. Roy (Marc-André) : Et je pense que, dans ce sens-là, c'est aussi... ça souligne l'importance d'une bonne formation des intervenants à tous les niveaux parce qu'il faut voir que, dans les études sur le retard, le délai à consulter, il y a une bonne partie de ce délai-là qui se passe après les premières demandes d'aide. Et, souvent, c'est qu'on a affaire à des gens qui sont des médecins de famille, qui sont des psychologues scolaires, et tout ça, qui ne sont pas formés à reconnaître... Je pense que les pharmaciens, par exemple... L'exemple que Mme Lamarre donnait est excellent. Je pense que ça peut être un pharmacien aussi. Ça va être, donc, important de prévoir, du côté universitaire aussi et de toutes les professions, de penser à la formation des professionnels qui vont être en contact avec les jeunes et aussi de suivre par la recherche ce qui va se passer, et pas de la recherche avec de l'argent grappillé d'endroits où il n'y en a pas assez. Mais, bon, on va avoir des sources de revenus qui vont permettre aussi des investissements en recherche, ce serait dommage qu'on ne profite pas de cette expérience-là, de cette occasion-là pour aller chercher... améliorer notre connaissance et améliorer nos soins au fur et à mesure.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le député de Borduas, ça met un terme à cet échange avec le deuxième groupe d'opposition. M. le député de Mercier, vous disposez de 2 min 30 s. À vous la parole.

M. Khadir : Bravo pour cette présentation! Donc, ce que je comprends de l'intervention et de ceux qu'on a entendus avant : utiliser les revenus éventuels de cette activité de l'État et des taxes pour soutenir le travail de groupes communautaires en intervention en toxicomanie, de bien mettre en place et répandre la présence, la multiplication des cliniques PEP, éventuellement former les cliniciens, meilleure formation de tous les intervenants sociaux, à la fois les urgentologues, les médecins de famille et les différents intervenants psychosociaux. Donc, j'adhère à ces recommandations.

Je veux juste préciser quelque chose à la page 2 : «Le risque de psychose est évalué à 3 % dans la population générale.» Et donc vous parlez d'une augmentation de 10 % à 50 % de ce 3 %. Donc, ça veut dire que, lorsqu'il y a des antécédents familiaux de premier degré, ça passe de 3 % à 3,3 % ou jusqu'à 4,5 %. D'accord? C'est ça?

M. Roy (Marc-André) : En fait, on dit, chez les jumeaux monozygotes, c'est 50 %.

M. Khadir : 50 % de risque?

M. Roy (Marc-André) : 50 % de risque chez les jumeaux monozygotes d'une personne avec un diagnostic de psychose.

M. Khadir : Donc, le risque, qui est de 3 %, augmente jusqu'à 50 %.

Mme Abdel-Baki (Amal) : 50 %, exactement.

M. Roy (Marc-André) : Oui, pour un jumeau monozygote.

M. Khadir : O.K. Donc, peut augmenter à 10 % à 50 %...

Mme Abdel-Baki (Amal) : Oui, tout à fait, on pourrait le corriger.

M. Khadir : ...plutôt que 2 %. Parce qu'il y a une erreur ici.

Mme Abdel-Baki (Amal) : Oui. D'accord.

M. Khadir : Très bien. O.K. Je veux juste...

M. Roy (Marc-André) : Ça, c'est la portion où elle vient de Montréal.

M. Khadir : Ah! voilà, voilà. Je le savais. Peut-être parce qu'elle a passé trop souvent dans le parc La Fontaine.

Une voix : ...

M. Khadir : Il y a eu... Et là mon collègue en profite pour le prendre au sérieux. Dans le groupe d'étudiants qui a fait une revue de littérature, dans leur conclusion, ils ont fait une recension de la littérature et reposent, disons, leurs observations sur un document du comité-conseil qui a été formé par le ministère là-dessus. L'expérience dans d'autres pays où c'est légalisé montre que la décriminalisation des drogues douces n'entraîne pas une augmentation de la consommation. Nous, on part avec ce constat aussi qu'on retrouve partout, mais on aimerait justement voir si vous avez une recommandation à faire pour cibler les groupes vulnérables, donc avant 25 ans. Et on comprend que ce n'est pas juste de 18 à 25, mais du début du secondaire, probablement, jusqu'à 25. Ce seraient quoi les... mettons, quelques mesures-phares?

Le Président (M. Merlini) : En 45 secondes, s'il vous plaît.

Mme Abdel-Baki (Amal) : Pouvez-vous répéter?

M. Khadir : Quelles mesures-phares, quelles mesures importantes outre utiliser les ressources pour soutenir l'activité?

Mme Abdel-Baki (Amal) : Oui, d'accord. Bien, je dirais vraiment investir dans l'éducation et vraiment la détection précoce, donc de former les professeurs, les éducateurs, tous les gens qui sont en lien.

M. Khadir : Campagne de détection précoce, prévention.

Mme Abdel-Baki (Amal) : C'est ça. Puis vous parlez des organismes communautaires. Si je peux me permettre de faire du pouce là-dessus, on a beaucoup de difficultés actuellement à héberger les jeunes qui ont des problèmes de toxicomanie et de psychose, alors que c'est eux qui sont le plus dans le besoin, parce que les organismes communautaires n'ont pas le support nécessaire et la formation nécessaire pour les héberger. Ça fait que ça serait vraiment une cible importante, et, à cause de ça, ces jeunes-là se retrouvent souvent dans l'itinérance. Et on le sait c'est qui, les jeunes qui sont les plus vulnérables, c'est les jeunes qui ont vécu des traumatismes dans leur vie, qui sont dans les centres jeunesse. Ils sont beaucoup, beaucoup, beaucoup plus à risque que les autres, mais, bien sûr, toute la population est à risque.

M. Roy (Marc-André) : Les immigrants aussi.

Mme Abdel-Baki (Amal) : Oui, les immigrants aussi, tout à fait.

Le Président (M. Merlini) : Dre Amal Abdel-Baki et Dr Marc-André Roy, représentants de l'Association québécoise des programmes pour premiers épisodes psychotiques, merci de votre présence, merci pour votre contribution aux travaux de la commission.

La commission, donc, ajourne ses travaux à demain, le mercredi 6 décembre, après les affaires courantes, où nous espérons poursuivre notre mandat.

(Fin de la séance à 17 h 50)

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