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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le mercredi 17 mai 1978 - Vol. 20 N° 81

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition des parties en cause dans le conflit au journal Le Soleil


Journal des débats

 

Audition des parties en cause dans le conflit du journal Le Soleil

(Dix heures trois minutes)

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît! La commission permanente du travail et de la main-d oeuvre est réunie ce matin pour entendre les représentants des parties syndicale et patronale dans le conflit au quotidien Le Soleil.

Les membres de la commission sont M. Bellemare (Johnson), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Ciaccia (Mont-Royal) remplace M. Forget (Saint-Laurent); M. Gravel (Limoilou), M. Johnson (Anjou), M. Guay (Taschereau), M. Pagé (Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud), M. Charron (Saint-Jacques) remplace M. Vaillancourt (Jonquière). Les intervenants sont M. Blank (Saint-Louis), M. Brochu (Richmond), M. O'Neill (Chauveau) remplace M. Gosselin (Sherbrooke); M. Jolivet (Laviolette) remplacé par M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes); M. Laplante (Bourassa), M. Lefebvre (Viau), M. Lavigne (Beauharnois) remplace M. Paquette (Rosemont), M. Garneau (Jean-Talon) remplace M. Saint-Germain (Jacques-Cartier) et M. Samson (Rouyn-Noranda).

Est-ce qu'il y a un rapporteur? M. Laplante, député de Bourassa, comme rapporteur.

M. Laplante: D'accord.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Saint-Jacques.

Préliminaires

M. Charron: M. le Président, la tenue d'une commission parlementaire de ce genre, qui a été le voeu de I'Assemblée nationale la semaine dernière, a quand même un caractère, tous les membres l'admettront, irrégulier. En ce sens, aucune règle pratique de travail de la commission parlementaire n'est, par notre règlement, déjà fixée. Il faut donc, avant même d'entamer la rencontre avec nos invités et la discussion entre parlementaires avec les invités, que nous nous entendions sur une façon de travailler la plus adéquate possible.

Je voudrais donc, M. le Président, faire une proposition à la commission sur une méthode de travail pour la journée d'aujourd'hui qui a fait I'objet d'une consultation, j'en saisis les membres, de la part du ministre du Travail auprès de nos invités et que nos invités ont acceptée. Il s agirait, d une part, après rexposé préliminaire de mon collègue du Travail, que les critiques de chacun des partis à la table auraient l'occasion de commenter, d'ajouter leurs propres commentaires, comme il se doit à l'ouverture d'une commission parlementaire et passer immédiatement ensuite à I'audition des opinions émises par nos invités qui ont accepté de se limiter, dans un premier temps, à vingt minutes chacun. D'abord, prendraient la parole les représentants du Syndicat des journalistes; ensuite, le représentant du Syndicat des employés du personnel de soutien de la rédaction, vingt minutes également, et M. Paul Audet, au nom de la partie patronale du Soleil, prendrait également vingt minutes, ou quelqu'un d'autre, enfin, celui qu'elle choisira de déléguer. Donc, cette heure occupée à entendre les opinions serait immédiatement suivie d'une période qui pourra occuper nos travaux jusqu'à 18 heures ce soir, si bon nous semble.

Il y aurait une période de questions de la part des membres de la commission auprès de n'importe quelle personne parmi celles qui sont à la table et qui alternerait, M. le Président; une série de quinze minutes de questions provenant de votre droite, c est-à-dire du côté ministériel, et une quinzaine de minutes que vous accorderiez, par la suite, à votre gauche, à l'Opposition, jusqu'à ce que toutes les questions que les membres ont envie de poser dans la journée d'aujourd'hui aient obtenu réponse.

J'en fais donc, sans en faire une motion formelle, une proposition immédiate pour que nous puissions entamer les travaux, si cette méthode de travail convient aux membres de la commission, comme elle a convenu à nos invités.

M. Bellemare: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Je n'ai pas besoin de vous dire que lexposé que vient de faire le ministre nous plaît et nous acceptons, sauf la dernière partie, où vous limitez le droit de l'Opposition à quinze minutes dans les questions. Vous vous accordez quinze minutes, le gouvernement, je n'ai aucune objection, mais qu'on ait, de ce côté-ci, un groupe, I'Union Nationale, et un petit groupe, le Parti libéral, au moins chacun quinze minutes de questions. Parce que, dans un débat comme celui-là, c'est sûr et certain que, si vous prenez vos quinze minutes pour questionner, je pense bien qu'il n'y aura pas d objection à ce que vous nous donniez chacun une période de quinze minutes.

Dans les circonstances, la proposition, telle que mentionnée, c'est une coutume, une tradition qu'on suivra, sauf pour la limitation du quinze minutes de questions à chacune des oppositions.

M. Roy: M. le Président, quelques brefs commentaires...

Le Président (M. Boucher): Le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Je suis d'accord sur la deuxième partie de la proposition que nous a faite le ministre, mais je ne peux pas être d'accord sur la dernière partie, à savoir qu'il limite à quinze minutes le temps de l'Opposition.

Le député de Johnson a parlé de l'Opposition qui est à sa gauche. Il a un penchant pour la gauche, ce matin. Mais je tiens à dire que je suis légalement membre de la commission et que j'aimerais pouvoir poser des questions. Je ne voudrais pas être tenu de faire un débat de procédure pour pouvoir poser quelques questions, ne serait-ce qu'un petit cinq minutes.

J'aimerais qu'il y ait une certaine répartition du temps, de façon équitable, pour permettre aux partis d'Opposition qui siègent à cette commission d'avoir un temps de parole convenable.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, c'est plus ou moins grave, on en conviendra. Mais effectivement, puisque l'Opposition est divisée, morcelée, il faut tenir compte de cette situation politique.

M. Bellemare: ... morcelée, mais on a absolument nos droits.

M. Roy: II n'est pas question d'être divisé ou morcelé. Je m'excuse.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bellemare: M. le Président, je n'ai pas besoin de ces remarques désobligeantes, certainement pas.

M. Charron: Ce que nous pouvons faire, M. le Président...

M. Bellemare: Vous avez été assez longtemps six, de l'autre côté.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît, M. le député de Johnson! M. le député de Saint-Jacques, vous avez la parole.

M. Roy: Ne faites pas en sorte qu'il y ait un conflit à cette table. Nous sommes réunis pour en régler un autre.

M. Charron: Je vais vous proposer une solution, M. le Président. En fin de compte, je préface ma suggestion de cette remarque-ci. Nous ne sommes pas à nous chronométrer. Le député de Beauce-Sud vient de le rappeler. L'importance fondamentale de cette commission n'est pas dans le partage du temps, en minutes, il est dans la qualité des questions qui seront posées à nos invités. En ce sens, il y a autant de qualité de questions, on en conviendra, qui peuvent venir de ce côté-ci de la table, que de l'autre. Ce n'est pas un spectacle de partis politiques qui se succèdent et qui réclament le même temps de tribune. Il s'agit très sincèrement de remarquer, entre nous, en oubliant nos allégeances personnelles, qu'il se peut très bien qu'un député d'Opposition pose la question pertinente qu'un député ministériel s'apprêtait à poser, ou l'inverse.

En ce sens, M. le Président, quel que soit le partage auquel on arrive, nous aurons toujours besoin, non seulement de votre souplesse person- nelle, mais de la souplesse de tout le monde également.

Reconnaissant que l'Opposition est formée de trois partis, représentés devant nous, je proposerais qu'avec votre jugement, vous alterniez, d'abord un quinze minutes de questions du côté ministériel, qui est le plus nombreux à la table — il faut reconnaître le droit de chaque député à poser des questions — et d'autre part, vingt minutes, comme bon vous semblera, du côté de l'Opposition, en alternant entre nos amis qui sont à votre gauche, et en admettant que nous aurons aussi, tout au cours de la journée, de la souplesse pour ne pas vous obliger à chronométrer d'une façon ridicule notre temps de parole, mais plutôt pour essayer, dans l'intérêt public, de faire la lumière sur le conflit qui nous réunit ici ce matin et qui, sans aucun doute, attire beaucoup l'attention de l'opinion publique, du moins celle de la capitale nationale.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: M. le Président, vendredi dernier, on a encore eu une commission parlementaire extraordinaire sur la grève qui sévit, le lock-out qui sévit à Radio-Québec. Cela n'a pas été déterminé, à la minute et à la seconde, pour les questions. On a fait un succès de notre affaire. Je pense que cela a été très bon pour Radio-Québec. Il y a des vérités que les parties ne s'étaient jamais dites l'une à l'autre qui se sont dites ici. Je pense que si nous apportons notre participation, comme disait le député de Saint-Jacques, tout à l'heure, ce n'est pas pour faire un show, mais bien pour aider à régler un conflit malheureux et j'espère qu'on aura la liberté de poser les questions qu'on voudra.

M. Charron: C'est cela. D'accord, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): D'accord, monsieur. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Peut-être qu'on aurait dû éviter cette discussion sur le temps. Si les ministériels nous avaient consultés, on aurait pu s'entendre plus facilement. Nous acceptons l'esprit dans lequel la suggestion est faite. Je suggère qu'on commence par entendre les invités.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Mont-Royal.

Comme on a dit, il y aura d'abord un exposé préliminaire de la part du ministre et de chacun des représentants de l'Opposition.

M. le ministre.

Exposé du ministre M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson: M. le Président, je voudrais tout d'abord souhaiter la bienvenue à nos invités, c'est-

à-dire les représentants du Syndicat des journalistes du Soleil et des employés de soutien de la rédaction et la direction du Soleil.

Deuxièmement, j'aimerais souligner que nous avons distribué, en date d'hier matin, une série de documents pour tous les membres de la commission, qui comprennent entre autres un document qui s'intitule "Livre de bord chronologique des principales étapes du conflit opposant le Soleil Ltée à ses 109 journalistes et ses 33 employés de soutien", des textes de l'ancienne convention collective, les demandes et les offres, les rapports de médiation de M. Leboeuf.

Je voudrais également souligner la présence avec nous aujourd'hui du sous-ministre, du directeur général adjoint des relations de travail, M. Blais, et de celui qui a été à la fois conciliateur et médiateur dans ce dossier, M. Leboeuf. (10 h 15)

Brièvement, la convention collective, dans le cas des journalistes, est venue à expiration le 14 décembre 1976. Le droit de grève a été exercé, conformément au Code du travail, à compter du 27 août 1977, et il est toujours exercé. En septembre et novembre, des pourparlers ont eu lieu entre les parties en présence d'un conciliateur, M. Defoy, à l'époque. A compter du 8 février, M. Leboeuf a été nommé conciliateur dans ce dossier. A ce moment, il y avait quelque 250 paragraphes en litige dans le cas des journalistes, en tout cas. Il y eut environ 75 à 85 rencontres entre M. Leboeuf et les employés de soutien ou les journalistes et, d'autre part, M. Leboeuf et la direction du Soleil. A la fin de mars, le contentieux était réduit à quelque 150 éléments. Au début d'avril, je nommais M. Leboeuf médiateur dans ce dossier, avec mandat, entre autres, de faire des ou une proposition sur les deux conventions collectives.

M. Leboeuf, après réflexion et d'autres consultations, remit une proposition globale couvrant les quelque 150 points en litige le 24 avril, dans le cas des journalistes comme dans le cas des employés de soutien. L'employeur fit savoir, malgré certaines réticences, qu'il se pliait à ce rapport dans son ensemble. Le syndicat des journalistes et celui des employés de soutien annonçait quelques jours après — après consultation de leurs membres — qu'il le rejetait. Cependant, une proposition nouvelle de la part du syndicat des journalistes, entre autres, démontrait que le syndicat, finalement, ratifiait une bonne partie des éléments du rapport.

Il y eut, toujours au mois de mai, malgré ce rejet, d'autres rencontres, en particulier dans le cas du syndicat des journalistes, mettant en présence, M. Leboeuf à nouveau, M. Beauvais, représentant de l'employeur, et M. Garon, représentant des journalistes.

Finalement, les pourparlers furent définitivement rompus lorsque l'Assemblée nationale décida, suite à différentes motions et à une préoccupation qu'on peut comprendre de la part du Parlement, de convoquer cette commission parlementaire.

Nous sommes ici aujourd'hui pour entendre les parties nous parler des points en litige. Je souhaite qu'on limite le contenu de ces exposés aux questions qui font l'objet du litige entre la direction du Soleil et ses employés de soutien et ses journalistes. A partir de là, quant à moi, je suis prêt, après avoir entendu le résumé ou l'intervention de chacun des membres de l'Opposition, à ce que nous procédions le plus rapidement possible à l'audition de nos invités.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre.

M. le député de Mont-Royal.

Commentaires de l'Opposition M. John Ciaccia

M. Ciaccia: M. le Président, très brièvement, au nom de l'Opposition officielle, je voudrais souhaiter la bienvenue aux représentants des syndicats, ainsi qu'aux représentants de la partie patronale.

Inutile de dire que nous réalisons l'importance du journal Le Soleil, le rôle qu'il joue. C'est une institution, au Québec. Nous souhaiterions, par l'entremise de cette commission, que les parties, après avoir donné leur point de vue, aboutissent à une solution. Je crois que de ce côté-ci de la table, ainsi que de l'autre, nous avons le même objectif.

Nous réitérons notre attachement à la liberté de la presse. C'est une liberté fondamentale dans une société libre, et nous voulons absolument que cette liberté soit maintenue et qu'il n'y ait pas atteinte, en aucune façon, au principe de cette liberté.

On aurait souhaité que la commission soit convoquée plus tôt, parce que ça fait assez longtemps que ce conflit persiste. Nous avons demandé, il y a plusieurs mois, que la commission soit convoquée. En démontrant et en rendant publics les différents points de vue, on pourra aider à résoudre le problème.

Alors, c'est l'objectif que nous poursuivons ici. Je peux assurer les invités et les membres de la commission que les questions que nous allons poser seront strictement dans le but d'essayer de faire la lumière sur les points en litige, afin que les parties puissent s'entendre et que Le Soleil puisse recommencer à publier.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Mont-Royal.

M. le député de Johnson.

M. Maurice Bellemare

M. Bellemare: M. le Président, bienvenue aux membres qui représentent le grand quotidien Le Soleil, bienvenue à ceux qui se battent présentement dans les syndicats et bienvenue, aussi, à tous ceux qui, dans cette commission parlementaire, veulent apporter leur expérience personnelle ou encore certains faits nouveaux.

Une commission parlementaire comme celle-ci met en vedette le grand quotidien Le Soleil.

Vous ne sauriez croire, messieurs, combien cette information, que vous avez pendant des années distribuée à travers toute la province et particulièrement toute la partie qui va jusqu'en Gaspésie, manque aujourd'hui. C'est un besoin pour toute la population de voir ce conflit réglé le plus tôt possible.

M y a des divergences d'opinions, c'est sûr; il y a aussi des faits malheureux qui ont pu arriver, mais n'oubliez jamais qu'il y a un grand public qui vous attend. M y a un grand public qui, depuis huit mois, est impatient de lire ce journal qu'on voyait entre les mains de presque tous ceux qui habitent l'Est du Québec. Il a hâte de le lire, de voir la nouvelle. Vous allez dire: II y en a d'autres quotidiens; d'autres modes d'information existent encore. Le Soleil a été le pain quotidien de dizaines, de milliers et de milliers de personnes, qui souffrent énormément de cet état latent dans lequel vous les laissez vivre.

Ce n'est pas notre rôle, en commission parlementaire, de régler des problèmes ni des conflits. Notre rôle, et c'est un rôle extraordinaire ce matin de permettre... Je remercie le gouvernement de l'avoir fait; je sais gré au gouvernement de vous avoir convoqués... C'est la troisième fois en très peu de temps qu'on a ce privilège insigne de recevoir des délégations qui veulent trouver un terrain d'entente et se servent aujourd'hui du plus haut tribunal possible, le Parlement lui-même, par le biais d'une commission parlementaire, pour essayer de découvrir ce qui ne va pas.

Vous avez pu avoir des dialogues de sourds, vous avez pu avoir des interventions qui, d'une part, étaient justifiées et d'autre part ne l'étaient pas. Mais ici ce matin, j'espère que vous allez être francs, que vous allez nous dire ce qui se passe exactement pour qu'on vous aide ou bien parce que vous n'avez jamais eu l'occasion de le dire à ceux qui sont vos patrons.

Nous, on est loin, on vit de bien des commérages, de bien des reportages de certains journaux. Mais, véritablement, est-ce que l'on connaît — on le connaît parce qu'on a reçu une pile de dossiers depuis quelque temps sur lesquels on a jeté le regard — mais quel est véritablement le point stratégique qui empêche le règlement de ce conflit?

Je peux vous dire qu on a eu la United Aircraft ici — cette grève durait depuis des mois et des mois — et on a pu obtenir de la compagnie le dépôt des bilans qu'on n'avait jamais pu obtenir. C'est grâce à la commission parlementaire que le jour s est fait, c est grâce à la commission parlementaire si on a connu véritablement les dessous cachés qui faisaient peser bien des soupçons et bien des doutes sur le patron. A la minute qu'on l''a su, je pense que cela a éclairé le débat et, huit jours plus tard, la grève était réglée. Nous avons eu vendredi dernier une commission parlementaire sur Radio-Québec. On a entendu le PDG pendant presque une journée avant et, vendredi passé, on a entendu les syndicats et les comités régionaux qui sont affectés aussi par le lock-out de Radio-Québec. Là, on a vu véritablement sortir encore la queue du chat. On voyait la tête mais on ne voyait pas la queue et, à un moment donné, on a sorti le chat du sac. Aujourd'hui, les nouvelles que j'ai, c est que cela a aidé, c'est sûr. Ce n'est pas notre rôle de régler les conflits, mais c'est notre rôle, par exemple, quand c'est rendu surtout dans l'information et que le peuple en souffre énormément, de prendre nos responsabilités et d essayer de vous aider, pas vous nuire, pas vous faire accuser les uns les autres, mais vous dire véritablement des vérités qui concernent ce problème.

M. le Président, la grève dure depuis neuf mois. Vous I'avez dit M. le ministre, il y a eu deux conciliateurs dont le dernier, M. Leboeuf, était par la suite nommé médiateur. Son rapport a été déposé le 24 avril dernier, vous nous l'avez dit. C'était une hypothèse globale du règlement, mais je demanderais au ministre si c'était bien son mandat de produire un rapport global ou s'il n'avait pas plutôt dans son mandat l'option de suggérer plusieurs règlements, plusieurs hypothèses de règlement. Il a soumis une hypothèse globale, d accord... Pardon?

M. Johnson: Est-ce que vous me posez vraiment la question?

M. Bellemare: J'espère que vous allez répondre, vous aurez sûrement...

M. Johnson: Avec plaisir. Si vous me donnez le temps de répondre, cela me fera plaisir.

M. Bellemare: Si je vous donne le temps? Ecoutez, je n'ai jamais vu un ministre qui n'avait pas le temps. J'ai déjà vu l'Opposition qui ne I'avait pas, mais...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Johnson, est-ce que vous voulez que le ministre réponde tout de suite?

M. Johnson: Est-ce que vous voulez que je réponde immédiatement?

M. Bellemare: Pas tout de suite, non. Ce n'est pas parce que j'ai peur de la réponse, mais la réponse à la fin de mon texte va faire la même chose.

M. le Président, on sait de quelle façon la partie patronale acceptait le rapport globalement, I'hypothèse du rapport, tandis que le syndicat, lui, le rejetait à 76%, malgré le chantage de fermeture ou d'extinction du journal qu'on a pu faire. Ne faites pas cela, de grâce! Le Soleil, cher monsieur, ce n'est peut-être pas brillant actuellement, mais cela a été brillant, c est lu et c est bien vu. Là, on est dans un beau champ, mais, en tout cas, ce qu on veut, c'est la paix, cest le règlement du conflit.

M. le Président, ce pourcentage de 77%, dans les circonstances toutes particulières où étaient plongés le syndicat et tous ceux qui en ont souffert, est une partie très importante. Il existe un

problème très sérieux, j'aimerais bien qu on essaie de trouver ensemble une solution tous et chacun, syndicats, patrons et la commission parlementaire. Celle-ci est faite d'hommes élus, d'hommes véritablement mandatés par le gouvernement pour vous entendre ce matin pour vous faciliter la tâche, pour aider à trouver une solution. Tous ces gens qui sont à cette table, M. le Président, n'ont qu'un seul désir, essayer de trouver un modus vivendi; en français, c'est le moyen de vous entendre, pour régler le problème.

M. le Président, nous savons qu'il y a quatre grandes causes et là, je pense que j'arrive au point ' crucial. Je le dis...

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, je pensais qu'on ferait des exposés vraiment préliminaires.

M. Bellemare: J'achève, j'achève, patientez deux minutes, M. le Président, j'ai des choses à dire moi aussi; si vous n'en aviez pas, moi, j'en ai.

M. Johnson: Mais est-ce que je pourrais...

M. Bellemare: C'est clair, ça, je vous respecte, M. le ministre...

M. Johnson: Est-ce que je pourrais demander...

M. Bellemare: ... laissez-moi finir et ne m'interrompez pas, M. le Président, ce n'est pas conforme au règlement.

M. Johnson: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Johnson...

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, j'ai volontairement restreint mon exposé.

M. Bellemare: C'est votre affaire, ce n'est pas la mienne.

M. Johnson: Si le député de Johnson veut, à l'aide des documents que je lui ai remis, faire un résumé de la situation...

M. Bellemare: Pas seulement ceux que vous m'avez remis, mais ceux que j'ai obtenus aussi.

M. Johnson: ... oui, on pourrait peut-être procéder à une analyse exhaustive des documents, mais...

M. Bellemare: Laissez-moi finir, laissez-moi finir et ne venez pas me déranger. J'ai mes vingt minutes et je les prends.

M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Johnson...

M. Bellemare: C'est Johnson contre Johnson.

Le Président (M. Boucher): ... dans l'entente préalable, on avait parlé d'un court exposé et tout le monde...

M. Bellemare: Oui, j'achève.

Le Président (M. Boucher):... s'était entendu. Alors, je vous demande de continuer.

M. Bellemare: Vous me faites perdre un temps considérable...

Le Président (M. Boucher): D'accord, allez-y.

M. Bellemare: ... et vous me "switchez" ailleurs.

Le Président (M. Boucher): Allez-y immédiatement. (10 h 30)

M. Bellemare: Le ministre essaie de m'en-voyer sur la "side track", voyons donc.

Nous savons déjà qu'il y a quatre grands points et c'est important de le dire pour qu'on puisse entendre ces gens. Je veux savoir s'ils vont nous répondre, l'un ou l'autre. Ces grands points qui empêchent le règlement sont, premièrement, les ententes particulières, vous lirez le mémoire que vous nous avez remis, le dossier volumineux; il y a, deuxièmement, le plancher d'emploi. Cela aussi, c'est en discussion et ce n'est pas réglé. Il y a la vente des textes, ce n'est pas réglé; il y a le statu quo ante, ce n'est pas réglé.

Ce sont les quatre points importants et j'espère que les unions vont nous dire, en face du patron, pourquoi ce n'est pas réglé et les patrons vont répondre. Là, on saura véritablement si c'est vrai que ces quatre points sont cruciaux dans le litige. C'est précisément, M. le Président, autour de ces points drôlement importants que se situent le coeur même du conflit et les opposants des deux parties.

J'aimerais que l'on m'explique clairement tantôt la position de chacune des parties. Le Soleil étant une entreprise privée, mais assumant un service public, se doit à la tâche difficile de diffuser, au plus grand public possible, le meilleur produit, tout en conciliant les exigences de la concurrence et du respect des employés.

Je cite, pour le bon souvenir de ceux qui écrivaient autrefois de beaux articles, comme M. Beauchamp, le 14 février 1973, cette petite phrase qui va vous en dire beaucoup. "Le point central se fait au niveau de l'embauche des gens, disait-il, le 14 février 1973. Si vous engagez des gens en leur faisant passer tous les tests psychologiques pour être bien certain qu'ils sont des "company men", pour être bien certain qu'ils sont des gens qui n'ont aucun esprit critique et qui sont engagés à fond dans le système actuel, il est bien évident que vous allez avoir une salle de rédaction, après cela, tout à fait amorphe et vous n'aurez plus besoin d'y

aller avec le couteau. Ou vous passez là un an ou deux ans à emmerder les journalistes chaque fois qu'ils écrivent un papier et qu'ils se dégagent des communiqués reçus, ou d'un an... Ils sont tannés de se battre. Ils viennent à créer un climat qui tue tout dynamisme et tout syndicalisme". C'est M. Beauchamp qui a écrit cela. C'est lui qui est le PDG aujourd'hui. C'est lui qui est capable de répondre si c'est vrai ou non, ce qu'il écrivait il y a cinq ans.

Vous savez, quand on est dans l'Opposition, on fait bien des déclarations. Mais quand on arrive au pouvoir, quelquefois, cela nous revient sur le nez. Je dis à M. Beauchamp aujourd'hui que ce qui a été écrit par lui, avec beaucoup d'emphase, revient aujourd'hui dans un texte qu'on lui lit, puisqu'il est le responsable.

M. le Président, j'en aurais encore une autre belle à vous citer. Mais j'abrège, parce que cela vous impatiente d'entendre le député de Johnson. Mais il a mandat, comme tout le monde, de le faire.

J'aimerais poser plusieurs questions bien précises, auxquelles nous attendons des réponses non moins précises, et ce, à la lumière des rapports qui nous seront donnés, particulièrement à cause des conditions qui sont arrivées dans d'autres journaux du Québec. Pourquoi les pompiers, les policiers de Montréal exigent-ils le même salaire que les gens de Toronto? Est-ce que c'est moins bien à Québec qu'à Montréal? Est-ce qu'il y a une différence dans l'évolution de l'information et de la communication qu'on doit donner? Il sera d'autant plus facile, M. le Président, de se livrer à cet exercice de la petite école, parce que les derniers événements qui se sont déroulés dans d'autres quotidiens viennent de redéfinir les conditions du marché des quotidiens.

Mes questions seront nombreuses, parce que, en tant qu'ancien ministre, j'ai à coeur de vérifier par moi-même le chemin accompli par les parties en présence, à compter sur leurs positions respectives et particulièrement — et je termine — en exprimant, de bonne foi, véritablement, non pas en stratège, les véritables raisons qui empêchent le grand quotidien Le Soleil de paraître. Merci, M. le Président. Cela n'a pas été long, n'est-ce pas?

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Johnson. Est-ce que vous désirez que M. le ministre réponde à votre question maintenant?

M. Bellemare: Oui, bien sûr.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Roy: M. le Président, peut-être avant, au cas où il y aurait d'autres questions, il pourrait répondre en même temps. Il peut toujours exercer un droit de réplique et répondre à l'ensemble.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy

M. Roy: Merci, je vais être très bref. A mon tour, j'aimerais souhaiter la bienvenue à ceux qui sont ici ce matin, en commission parlementaire, particulièrement à ceux que nous aurons l'avantage d'entendre à cette table, que ce soit des gens de la partie patronale, ou des gens de la partie syndicale.

Je suis très heureux qu'enfin cette commission parlementaire ait lieu, étant donné qu'il n'y a pas eu de règlement de ce conflit qui perdure depuis le 30 août dernier et qui prive quelque 150 000 lecteurs d'un quotidien, particulièrement ceux de ma région, ceux que j'ai le plaisir et l'honneur de représenter.

Il faut, à un moment donné, se rendre compte des inconvénients et des problèmes que cette situation peut susciter. Pour reprendre ce qui vient d'être dit, un quotidien, aujourd'hui, n'est pas placé dans la même situation qu'il y a plusieurs années, il y avait trois quotidiens de langue française à Québec. En somme, à l'heure actuelle, celui qui dessert toutes les régions, qui est représenté dans différentes régions, il n'y en a plus qu'un seul, c'est le quotidien Le Soleil.

Etant donné le rôle et la qualité de l'information que ce journal dispensait dans nos régions, je pense que nous devons tout mettre en oeuvre, travailler en toute sincérité, des deux côtés de la table, pour tâcher de faire en sorte que ceux qui sont ici ce matin — je fais appel à leur collaboration, à leur bonne volonté et à leur franchise — mettent cartes sur table et que, s'il y a lieu, on permette aux parlementaires, aux membres de la commission, des deux côtés de la table, de pouvoir faire des commentaires à leur tour, voire faire des recommandations si c'est nécessaire.

Je comprends que le gouvernement ait bien hésité avant de convoquer cette commission parlementaire. C est toujours très délicat pour des hommes politiques, que de considérer la question de I'information, puisqu il faut éviter que linformation ne devienne sous tutelle politique. Il faut éviter ce genre de chose. C'est pourquoi je comprends les hésitations que le gouvernement a eues. Cependant, étant donné les circonstances, même si cette motion est inscrite depuis le 5 avril, je pense que le 17 mai, il est temps plus que jamais d agir.

Je formule le voeu, M. le Président, que cette séance de la commission parlementaire puisse déboucher sur une meilleure collaboration, sur un rapprochement entre les deux parties de façon que, dans I'intérêt de la population concernée, on puisse avoir à nouveau ce service public que constitue un quotidien comme le Soleil dans nos régions.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Beauce-Sud.

M. le ministre, si vous voulez...

Réponse du ministre

M. Johnson: Brièvement, pour répondre à la question du député de Johnson au sujet du mandat du médiateur, M. Leboeuf, ce mandat était de soumettre toute hypothèse susceptible de favoriser un règlement au Soleil. Il était plus ou moins convenu que cela impliquait une acceptation ou un refus de la proposition globale qu'il soumettait.

Ce qui est advenu, c'est qu'effectivement il y a eu rejet par les syndicats de la proposition globale soumise par M. Leboeuf.

Cependant, dans le cas des journalistes, dans la nouvelle demande globale qu'ils ont soumise suite au rapport de M. Leboeuf, il y avait implicitement ou explicitement l'acceptation d'une série des propositions de M. Leboeuf.

Je rappelle que je considère qu'une commission parlementaire est un moyen exceptionnel dont il ne faut surtout pas abuser. Il y avait, à l'origine, 250 paragraphes en litige. La présence de M. Leboeuf à titre de conciliateur à compter du mois de février a quand même permis un élagage de plus de 100 points qui étaient en litige au départ. Son rapport de médiation a laissé, je pense, après la proposition globale du syndicat qui a suivi le rejet du rapport de M. Leboeuf, à peu près 60 points en litige qui, eux-mêmes, ont fait I objet de discussions subséquentes entre M. Garon, le représentant de I'employeur, M. Beauvais, et M. Leboeuf. On en est arrivé à quelque 25 ou 26 points en litige qui sont résumés dans un des documents que je vous ai fait parvenir, I'un qui s'intitule "Points en litige, Syndicat des journalistes et I'autre, "Points en litige, Syndicat des employés de soutien de rédaction ".

M. Bellemare: Est-ce que c'est vrai que, depuis janvier, il y a trois syndicats qui ont signé avec le Soleil, celui des typographes, celui des pressiers et celui des photograveurs? Est-ce que c'est vrai?

M. Johnson: C est vrai. C'était d'ailleurs à pleines pages dans les journaux.

M. Bellemare: C'était quoi?

M. Johnson: C'était à pleines pages dans certains journaux qui publiaient.

M. Bellemare: Pas dans le Soleil certainement.

M. Johnson: Très fort!

M. Bellemare: Ah bien! vous vous y exposez, vous I'avez.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre.

Tel qu'entendu, nous allons maintenant procéder à I'audition des parties. Le premier organisme convoqué, le Syndicat des journalistes de Québec Inc., CSN, dont M. Jean Garon est le porte-parole. Je vous prierais, M. Garon, de vous identifier et d'identifier ceux qui sont avec vous, s'il vous plaît!

Syndicat des journalistes Inc., CSN

M. Garon (Jean): Oui, M. le Président. Je m'appelle Jean Garon. A ma droite, les membres du comité de négociation du syndicat des journalistes, Ghislaine Rhéault, Vincent Cliche et Benoît Routhier...

M. Bellemare: Gisèle...

M. Garon (Jean): Ghislaine Rhéault.

M. Bellemare: Je suis vieux et j'entends mal. Ghislaine Moreau...

M. Garon (Jean): Vincent Cliche... M. Bellemare: Vincent Cliche. Très bien. M. Garon (Jean): Benoît Routhier. M. Bellemare: Benoît Routhier.

M. Garon (Jean): Egalement, Jean-Paul Gagné.

M. Bellemare: Jean-Paul?

M. Garon (Jean): Gagné.

M. Bellemare: Gagnon. Vous, c'est?

M. Garon (Jean): Gagné.

M. Bellemare: Gagné. Vous, c'est?

M. Chevrette: Gagné.

M. Bellemare: Vous vous mêlez de ce qui ne vous regarde pas. C'est M. Caron, votre nom?

Le Président (M. Boucher): M. Garon, vous avez la parole.

M. Garon (Jean): M. le Président, MM. les membres de la commission, depuis le 30 août dernier, près d'un million de lecteurs de l'Est du Québec ont été forcés de satisfaire leurs besoins d'information régionale en se rabattant sur l'information chronométrée, les media électroniques ou sur la nomenclature des faits divers diffusés quotidiennement par le Journal de Québec.

A elle seule, cette première conséquence de la grève pose les véritables paramètres du conflit. En l'absence de concurrents véritables, le Soleil détient le monopole de l'information pour tout l'Est du Québec. Cette mainmise l'oblige donc, à titre de service public, à livrer à ses lecteurs une information complète, continue et approfondie. Elle suppose, en outre, que l'entreprise fournit à

son personnel le temps, les moyens et la liberté de produire une telle information. Or, c'est précisément ce qui est remis en cause depuis le jour où, en 1974, l'homme d'affaires Jacques Francoeur, propriétaire de la chaîne Uni Média, a fait l'acquisition du Soleil. Le conflit actuel n'est rien d'autre que l'aboutissement logique de cette remise en cause. Jusqu'en 1974, on ne peut dire que les relations de travail aient véritablement fait problème à la rédaction du Soleil. La direction de la rédaction et ses journalistes s'entendaient sur les objectifs d'information poursuivis. Même s'il y eut des accidents de parcours, l'ère était à la consultation et au consensus.

S'il est exact qu'entre 1965 et 1974, plusieurs personnes se sont succédé à la direction de la rédaction du Soleil, il est faux de prétendre que ces départs soient attribuables aux relations tendues avec le syndicat. Les Cardinal, Sauvageau, Rondeau sont allés poursuivre ailleurs une carrière dont le Soleil n'était qu'une étape. Des directeurs qui ont quitté le Soleil au cours de cette période, un seul est parti à la suite d'une mésentente profonde avec le syndicat. Encore faut-il ajouter que le même homme avait aussi été désavoué par ses cadres.

L'achat du Soleil par Jacques Francoeur a, cependant, changé tout cela. La nouvelle administration a vite fait de renverser les valeurs en mettant l'information au service du marketing et du tirage. Pour nous, ce coup de barre s'est concrétisé par une détérioration de la pratique quotidienne de notre métier. On aurait tort de réduire l'explication de notre grève à des abstractions idéologiques, à la résistance au changement, au chauvinisme des journalistes à l'çgard de leurs patrons montréalais, à un quelconque complot de cogestion. Ce sont là des explications simplistes autant qu'erronées.

De plus, est-il besoin de préciser à nouveau ici que la lutte des 112 journalistes et correcteurs syndiqués du Soleil dépasse largement le simple antagonisme que certains pourraient avoir contre l'actuel rédacteur en chef. Pour être clair, la grève du Soleil ne s'explique pas par la volonté du syndicat d'obtenir la tête de Claude Beauchamp. Il s'agit de s'opposer à un style de gestion dangereux pour la liberté d'information, style qu'on tente d'imposer depuis 1974.

Pour nous, le nouveau style de gestion du tandem Francoeur-Beauchamp s'est traduit par une intervention constante et autocratique de la direction dans notre travail professionnel: censure, abandon de secteurs complets d'information, modifications apportées aux textes des journalistes, accroissement du travail des pigistes, pressions et menaces visant à imposer aux journalistes des ententes particulières contrevenant à la convention collective, etc.

Les mécanismes de consultation dont disposaient les journalistes depuis nombre d'années ont été purement et simplement contournés par la direction. S'il est vrai qu'il existe à la rédaction du Soleil un comité paritaire qui, depuis 1968, servait à administrer la convention collective, il n'en est pas moins vrai que la nouvelle direction n'a rien ménagé pour le rendre inopérant. C'est donc dans ce contexte difficile que nous avons tenté de renégocier notre contrat de travail. L'ardeur mise par notre patron à renier les droits acquis nous a obligés, dans un premier temps, à sauvegarder ces droits. (10 h 45)

On oublie trop souvent, en effet, que, le 29 août dernier, quelques heures avant le déclenchement de la grève et après plusieurs mois de négociations, le Soleil proposait à ses journalistes une convention collective qui contenait d'importants reculs.

La direction s'était proposée de se servir des négociations en cours pour retirer aux journalistes le droit au grief d'information et à la sécurité d'emploi pour les forcer à accepter les ententes particulières, pour abolir le comité de révision et de correction, pour miner les pouvoirs des journalistes au comité paritaire, pour allonger la semaine de travail et pour augmenter substantiellement le personnel affecté aux horaires irréguliers.

Le syndicat devait, en outre, étoffer une convention dont le nouveau patron avait su exploiter toutes les failles. Quatre grands principes ont été défendus par le syndicat et demeurent en suspens à ce jour, malgré d'importantes concessions de notre part. Il s'agit des ententes particulières, du plancher d'emploi, des clauses anticoncentration et du statu quo ante. Il nous faut vous expliquer pourquoi nous tenons tant à ces objectifs.

Depuis 1974, la direction de la rédaction a tenté, parfois avec succès, d'implanter, le plus souvent par la menace et les pressions, un régime de conditions de travail parallèle à la convention collective. Bien entendu, ces ententes particulières se tramaient toujours en l'absence du syndicat et violaient la convention collective.

C'est ainsi, par exemple, que l'administration est parvenue à tripler le nombre des journalistes du secteur général affectés au régime de travail à heures irrégulières, à allonger la semaine de travail d'un éditorialiste ou à préparer pour la couverture des Jeux olympiques et la campagne électorale provinciale un plan de semaine de travail, de rémunération et de conditions matérielles à rabais. Tout cela allait à l'encontre de la convention collective.

Jadis, le Soleil respectait sa déclaration de principe en vertu de laquelle le journal se reconnaît au service de la communauté de l'Est du Québec.

Depuis la venue du tandem Francoeur-Beauchamp, on a assisté à l'érosion de secteurs importants de l'actualité comme l'environnement, les communications, l'immigration, le municipal, le travail, qui ont été éliminés ou restreints. La direction a aussi tenté de diminuer la couverture de l'information régionale en en confiant une bonne partie à une équipe de pointeurs anonymes.

Ces pratiques sont d'autant plus inquiétantes pour des journalistes soucieux de protéger, à la fois l'emploi et la qualité de l'information que Claude Beauchamp s'est vanté, à plusieurs repri-

ses, d'être capable de produire le Soleil avec peu de journalistes, et je le cite: "... comme le Journal de Québec".

D'autant plus inquiétant aussi que l'actuel propriétaire du Soleil est aussi propriétaire du Dimanche-Matin, un hebdo reconnu pour être produit avec peu d'employés permanents et beaucoup de pigistes, peu d'information et beaucoup de publicité.

Par ailleurs, le Soleil est le seul grand quotidien francophone du Québec qui peut vendre les textes de ses journalistes sans aucune contrainte. Tirant profit d'une brèche dans la convention, la direction du Soleil a mis sur pied un vaste réseau de vente de textes à d'autres journaux, soit Le Quotidien, de Chicoutimi, qui appartient à la chaîne Uni Média, Le Nouvelliste, de Trois-Rivières, La Tribune, de Sherbrooke, et Le Droit, d'Ottawa. Ce réseau, qui comprend déjà sept chroniques régulières, est d'ailleurs appelé à s'étendre. Il s'agit là, selon nous, d'une atteinte grave à la diversité de l'information, dans une province où les quotidiens francophones sont déjà peu nombreux.

D'ailleurs, on pourrait souligner par exemple — le député de Johnson est conscient de la situation — que le Nouvelliste de Trois-Rivières, propriété de Power Corporation, avec la venue de ces "columnists", n'a jamais remplacé le chroniqueur parlementaire qu'il avait à temps plein à l'Assemblée nationale. Pour nous, c'est une des illustrations des effets de cette concentration et de ces mécanismes.

Dans le même ordre d'idée, la direction du Soleil refuse de s'engager à ne pas utiliser de façon régulière et continue les services de journalistes d'autres quotidiens du Québec, ne nous laissant guère d'autre choix que d'exiger des garanties contre ces formes déguisées et insidieuses de concentration de la presse.

Depuis 1974, la direction de la rédaction a multiplié les entorses aux dispositions de la convention collective, sachant fort bien que le seul recours des syndiqués résidait dans le grief et que l'accumulation des griefs équivalait à reporter aux calendes grecques la soumission des différends aux arbitres. Plus il y a de griefs accumulés, moins rapidement ils sont entendus et plus la direction peut bafouer la convention. Telle est la règle d'or qui a permis à l'actuelle administration de laisser en suspens depuis des années des griefs aussi fondamentaux que celui d'Anne-Marie Voisard, dont un texte avait été ouvertement censuré, ou celui des correcteurs de copies qu'on avait mutés de façon à faire disparaître le comité de révision et de correction.

Seul le gel des situations avant larbitrage permettrait de mettre fin à cette pratique qui permet à la direction de vider la convention collective de son sens et de son esprit.

Le rapport du médiateur laissait en plan ces quatre points fondamentaux, bien que, comme le ministre Johnson l'a souligné, il y eût des avenues indiquées dans le rapport de médiation, même si on devait le rejeter globalement, qui ont servi à la rédaction de la contreproposition qu'on devait déposer le 29 avril.

Aussi ne faut-il pas s étonner que les journalistes laient rejeté massivement. Il ne faut pas s étonner davantage que la direction I ait, quant à elle, accepté. Car, bien qu elle ait feint d'y déceler "de nombreuses contraintes", ce rapport lui permettrait, dans les faits, de poursuivre une politique et des comportements qui sont à l'origine de la détérioration du climat au Soleil.

Pour notre part, il n'est pas question d'accepter une convention qui nous refuserait les garanties qu ont déjà obtenues nos confrères journalistes du Québec, parfois depuis plusieurs années. Car, bien que la direction du Soleil s ingénie à caricaturer nos demandes en additionnant les nouveaux mots et les nouvelles virgules, nous ne demandons rien qui n'existe déjà ailleurs. Au contraire, on découvrira, en lisant le document déposé en annexe, que nos demandes sont équivalentes, voire inférieures sur de nombreux points, aux clauses négociées dans les autres journaux. On y verra, par exemple, que le Devoir, le Droit et le Journal de Montréal disposent déjà d'un plancher d emploi, ou encore que ni la Presse, ni le Montréal-Matin, ni le Devoir ne sont autorisés à vendre des textes de leurs journalistes sans l'accord des syndicats concernés.

On aurait tort de voir en nous des radicaux. Nos propositions sont modérées et notre désir de négocier et de mettre fin au conflit est manifeste. Car, si nous avons refusé le rapport du médiateur, il ne nous aura fallu que trois jours pour présenter une contreproposition globale qui comprenait 70% des propositions du médiateur.

Cette invitation à négocier a été suivie de lannonce par Jacques Francoeur de la fermeture indéfinie de I entreprise, de la mise à pied des cadres et du personnel non syndiqué. Ce geste belliqueux ne nous a pas empêchés quelques jours plus tard d'inviter à nouveau la partie patronale à la table des négociations à la suite d une suggestion du premier ministre, qui venait de demander aux parties de faire un ultime effort de négociation avant la convocation d une commission parlementaire.

Nous avons présenté une nouvelle série de concessions majeures, la deuxième en moins de quinze jours, ce qui n a pas davantage amené la partie patronale à négocier. Ces concessions incluaient pourtant les quatre points fondamentaux et ramenaient à 22, ou environ, les clauses normatives encore en suspens.

Plus récemment encore, au cours des derniers jours, le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre a tenté de trouver une nouvelle formule de médiation pouvant mettre fin au conflit. Nous avons participé dès le début et de bonne foi à cette tentative. Celle-ci a malheureusement échoué par suite d une obstination patronale qui, en matière de relations de travail, relève d un autre âge.

En dépit, donc, de I'entêtement du patron à ne pas vouloir négocier, en dépit de son refus de nous accorder la parité avec les autres journaux, nous demeurons, quant à nous, ouverts à toute nouvelle formule de médiation.

Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Garon. Maintenant, nous entendrons le Syndicat des employés du personnel de soutien de la rédaction dont M. André Dionne est le porte-parole. M. Dionne, si vous voulez vous identifier, ainsi que ceux qui sont avec vous.

M. Dionne, vous avez la parole.

Syndicat des employés du personnel de soutien de la rédaction

M. Paradis (André): Je suis André Paradis, président du syndicat.

Le Président (M. Boucher): M. André Paradis.

M. Paradis (André): A ma gauche, Louise Grenon du comité de négociations; à ma droite, Daniel Nolin et André Dionne, également du comité de négociations.

M. Johnson: Est-ce que vous avez un texte? Avez-vous fait distribuer un texte, M. Paradis?

Le Président (M. Boucher): Avez-vous un texte?

M. Paradis: Oui.

Le Président (M. Boucher): Pourriez-vous préciser lequel?

M. Paradis: Le document rouge. Le document synthèse.

M. Johnson: Document synthèse?

Le Président (M. Boucher): Allez-y, M. Paradis.

M. Paradis: M. le Président, messieurs les membres de la commission. La rédaction du projet de convention collective du Syndicat des employés de soutien de la rédaction et son acceptation par l'assemblée générale remonte à l'automne 1976. Dessinées au cours de la précédente convention, les revendications contenues dans ce projet sont connues de l'employeur depuis maintenant 17 mois.

Ce projet de convention vise essentiellement trois objectifs. Premièrement, obtenir la parité avec les autres travailleurs de la salle de rédaction du Soleil avec lesquels les employés de soutien partagent l'ensemble de la tâche; deuxièmement, obtenir la parité quant aux conditions de rémunération avec les autres travailleurs occupant des postes identiques dans des entreprises de presse du Québec; troisièmement, apporter des corrections importantes, suite à des situations difficiles vécues par des travailleurs, situations imputables au texte de l'ancienne convention et surtout au style de gestion de la salle de rédaction. Cela veut simplement dire faire disparaître cette notion d'employés de second ordre dont l'employeur qualifie les employés de soutien de la rédaction.

Avant de traiter du contenu même de la convention dans ses clauses essentielles, il est bon de rappeler l'appartenance des employés de soutien à la salle de rédaction, reconnue comme service fort distinct au sein de l'entreprise. Le fonctionnement de la rédaction est nettement distinct des autres services de l'entreprise puisqu'il est actif pendant les sept jours de la semaine et les horaires quotidiens de certains employés couvrent jusqu'à 23 heures par jour. L'ensemble du travail donné par les employés de soutien lie très intimement ceux-ci aux journalistes avec qui ils partagent la tâche de produire quotidiennement un journal. Tous les employés de soutien, à quelques rares exceptions, sont associés directement à la cueillette de l'information, à la recherche journalistique et au travail de pupitre, la salle de dépêches, le centre de documentation, le secrétariat de la salle de rédaction et le secrétaire des parlements. Tous les employés de la rédaction vivent au même rythme, qu'ils soient journalistes ou employés de soutien. Le plus bel exemple est la période d'une campagne électorale. Quant à l'employeur, il se sert de la notion d'employé de bureau pour justifier des conditions de travail inférieures à celles consenties aux employés dits demétier de l'entreprise.

Les objectifs de la négociation se traduisent dans le texte de la convention collective par divers articles et clauses. Il est opportun de revoir un à un les articles qui font encore l'objet d'un profond désaccord. Ces points sont les suivants: juridiction, sécurité d'emploi, semaine de travail, classification et rémunération.

L'évolution technologique a obligé les syndicats, notamment les unions américaines, à définir le travail effectué par les employés membres d'une unité de négociation comme faisant partie de leur juridiction. Une telle clause a pour effet direct de prévenir l'impact des changements technologi-queschez les employés et d'éviter toute bataille intersyndicale suite à ces changements. L'activité de travail est ainsi définie par un partage de cette activité tout au long de la chaîne de production entre les diverses unités.

Or, l'employeur a accepté l'inscription de cette clause dans toutes les conventions, sauf celle des employés de soutien de la rédaction. Certes, le texte de juridiction apparaît nettement insuffisant puisqu'il se détruit par lui-même. Ce texte reconnaît le travail présentement effectué par les employés de soutien, mais face aux changements technologiques ou à toute autre décision de l'employeur, il devient inopérant. La demande syndicale n'a pourtant rien d'exorbitant, puisque ce n'est qu'obtenir ce que toutes les autres unités syndicales de l'entreprise ont déjà, journalistes, pressiers, photograveurs, typographes et employés de bureau. Une telle clause bien affirmée dans la convention collective a un effet direct sur l'ensemble des clauses de sécurité d'emploi. Toutes les clauses de juridictions, de changements opérationnels, celle traitant de l'utilisation de personnes à temps partiel, de surnuméraires, les autres traitant de l'obligation de combler les postes vacants, formant un ensemble

visant à protéger le travailleur à son poste et dans son emploi.

D'une part, la sécurité de l'emploi est assurée au sein de l'entreprise et c'est le cas dans la proposition patronale du 29 avril 1977, mais, d'autre part, d'autres textes ne doivent pas en diminuer la portée permettant les changements continuels et injustifiés d'un poste à un autre, augmentant le fardeau de la tâche par l'abolition inconsidérée de postes à temps complet. Ces chanqements sont tous aussi "insécures" pour les travailleurs que la perte de l'emploi comme tel, même si les conséquences sont moins dramatiques. Ainsi, le syndicat a la ferme intention de maintenir le droit acquis lors de la dernière convention collective limitant l'utilisation d'employés à temps partiel et surnuméraires. L'employeur devra également combler tout poste vacant afin d'éviter à chaque employé une nouvelle répartition des tâches, soit temporaires, soit permanentes. Par ailleurs, le syndicat est disposé à permettre l'abolition de postes ou de passer outre à l'obligation de combler tel poste, si telle intention est justifiée. De plus, on accepte d'élargir le concept d'abolition des postes lors de changements technologiques importants et c'est seulement dans le cadre de clauses bien structurées que tel droit de l'employeur peut être acceptable. (11 heures)

L'abolition de postes suite à une décision unilatérale de l'employeur ne peut plus être acceptée surtout pour les travailleurs membres d'une petite unité syndicale. Souvent, la seule justification de l'employeur est l'abaissement du coût de production en augmentant sans cesse le fardeau de tâche. L'ensemble de ces clauses doit permettre une sécurité d'emploi la plus totale possible, sans pour autant paralyser la gestion, à la condition que celle-ci soit respectueuse des travailleurs, ce qui n'a pas toujours été le cas au Soleil, particulièrement à la rédaction.

L'installation de la semaine de quatre jours de travail est, sans contesté, l'une des revendications les plus fondamentales décidées par les membres, à la fin de 1976. Jouir d'une semaine de travail de quatre jours signifie, pour les employés, adopter le fonctionnement de près de 75% des autres employés du Soleil. La vie de travail sur quatre jours n'est pas chose nouvelle dans cette entreprise. Journalistes, pressiers, photograveurs et typographes travaillent selon des horaires depuis quelques années.

De plus, à la rédaction, le travail est continu, sept jours sur sept et 24 heures sur 24, ce qui est fort différent dans d'autres services. Le rythme habituel des heures de travail à la rédaction est de quatre jours, trois jours, de sorte qu'il est facile de l'appliquer sans augmentation de personnel, permettant une efficacité et une souplesse tout aussi grande.

D'autre part, le 29 avril 1977, l'employeur a évoqué cette possibilité, "l'employeur n'est disposé à étudier la semaine de quatre jours qu'à la condition où, à productivité égale, il obtienne la garantie que ce nouvel horaire puisse s'implanter et s'appliquer de façon durable, sans augmentation systématique du travail supplémentaire pour satisfaire en qualité et en quantité aux besoins des opérations." II y a aussi une autre phrase qui dit: "Sans augmentation de l'effectif régulier ". Il a, par la suite, retiré cette proposition.

La proposition syndicale répond essentiellement à cette demande, puisque les horaires de travail proposés n'auront comme seule conséquence que l'augmentation de 20 h 30 de travail par semaine, réparties au niveau de deux emplois à temps partiel, soit moins de deux tiers de la semaine normale d'un employé régulier.

Cela suppose aussi que l'employeur comble les postes vacants, suite à certaines promotions ou départs, selon l'engagement pris envers le syndicat. Les employés de soutien au journal La Presse l'ont obtenu intégralement et ceux du journal de Montréal partiellement.

Il faut également mentionner que l'employeur et le syndicat avaient, d'un commun accord, instauré partiellement, au cours de la dernière convention, janvier 1975, cette semaine de quatre jours de travail pour les téléphonistes et les commis aux dépêches. Malgré cette entente écrite, l'employeur a mis fin unilatéralement à cette pratique en décembre suivant.

Une semaine de quatre jours de travail pour les employés de soutien est donc tout aussi possible que pour les gens de métier. Les horaires de travail proposés par le syndicat le démontrent. Cela suppose, bien sûr, outre la volonté de le faire, un peu d'originalité sur le plan de l'organisation du travail de soutien à la rédaction. Les demandes syndicales pour obtenir des conditions décentes de rémunération tiennent compte de plusieurs facteurs: l'ancienne convention, la première, dans l'histoire de ce syndicat, avait permis un rattrapage important, mais les salaires établis en 1974 ont vite fait d'être dépassés puisque le taux d'inflation a réduit considérablement le pouvoir d'achat des employés de soutien. Ainsi, un nouveau rattrapage s'impose, d'abord pour rétablir une certaine décence au niveau du revenu et, ensuite, obtenir une rémunération équivalente à celle perçue par les employés de soutien des salles de rédaction des journaux comme la Presse, Montréal-Matin, le Journal de Montréal, et ce, au cours de cette convention.

Avant d'établir le taux, il a fallu corriger la classification. De six classes, elle passe à quatre classes, permettant ainsi un meilleur équilibre et, à partir de cette nouvelle classification, détacher une échelle salariale qui assure aux employés la parité salariale avec les camarades des journaux de Montréal. Le 31 décembre 1976, à la fin de la convention, le salaire moyen des employés de soutien était de $158.75 par semaine; l'écart entre le plus bas salarié, et le plus haut était de $82. L'offre patronale, en abusant des pourcentages, agrandit sensiblement cet écart sur une période de 36 mois. Il passe de $82 à $112 par semaine.

Ces pourcentages font aussi que le plus bas salarié reçoit, au 1er janvier, une augmentation de $15 par semaine, comparativement à $32 par

semaine pour le plus haut salarié. Sur une période de 36 mois, l'augmentation totale du plus bas salarié sera de $43.14 et celle du plus haut salarié de $73.50. Bref, obtenir la parité avec les travailleurs de soutien des autres entreprises de presse du Québec corrigerait une foule d'injustices pour les travailleurs de soutien de la rédaction.

D'autres points moins importants font toujours l'objet de mésentente, les congés autorisés et toute autre condition de travail pouvant être apparentée à la partie pécuniaire de la convention.

D'intenses négociations se sont poursuivies jusqu'à la fin d'avril 1977, sans que les parties puissent en arriver à un accord. Les grands objectifs définis par l'assemblée générale des membres n'ont pu être atteints. Puis, ce fut la médiation; le rapport remis par la suite ne répondait pas non plus à ces objectifs. Davantage, sur certains points, les recommandations offraient moins que les propositions patronales dites globale^ et finales, déposées le 29 avril 1977. L'assemblée générale n'avait-elle d'autre choix que de répondre par un refus massif?

Toujours un peu à la remorque, le Syndicat des employés de soutien a toujours éprouvé de la difficulté à se faire entendre pour exposer ses véritables besoins et davantage au cours de la semaine dernière, alors que I employeur refusait de rencontrer le syndicat.

Malgré les difficultés qui se sont accumulées dans le temps, la détermination des employés de soutien n en demeure pas moins aussi vive qu au début de la négociation, de même que sa volonté de parvenir à une entente négociée.

Nous demeurons donc disponibles pour participer à toute activité de négociation, sous quelque forme que ce soit. Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Paradis. Nous entendrons maintenant le journal Le Soleil Inc., représenté par M. Beauvais.

M. Beauvais (Jean): Jean Beauvais.

Le Président (M. Boucher): Voulez-vous vous identifier et identifier ceux qui sont avec vous?

Journal Le Soleil Inc.

M. Beauvais: M. le Président, M. Jacques Francoeur est à ma droite, M. Claude Beauchamp à ma gauche, M. Jean-Guy Faucher et M. Paul Audet.

M. le Président, nous avons déposé sur la table, à gauche, pour les membres de la commission, notre mémoire, ainsi que des annexes. Est-ce qu il y aurait possibilité de faire distribuer ces dossiers orange aux membres, afin qu ils puissent suivre notre exposé?

Le Président (M. Boucher): Vous pouvez y aller, M. Beauvais.

M. Beauvais: M. le Président, MM. les ministres, MM. les députés, après huit mois de grève au Soleil, vous nous avez demandé de venir exposer devant la commission parlementaire permanente du travail et de la main-d oeuvre la situation actuelle de ce conflit. La direction du quotidien Le Soleil accepte de collaborer pleinement avec vous pour faire connaître publiquement les problèmes qui confrontent les parties à I'occasion du renouvellement des conventions collectives de travail, des employés de la salle de rédaction, journalistes et employés de soutien.

Dans notre exposé, que nous voulons court et factuel, nous n avons pas à discuter des conditions de travail des autres employés du Soleil, puisque des ententes sont intervenues en décembre 1977 avec tous les autres syndicats de I'entreprise, à savoir les typographes, 123 employés, les expéditeurs, 22 employés, les pressiers, 42 employés, les photograveurs, 13 employés, et tous les employés de bureau des services autres que la rédaction, à savoir 134 employés.

Pour vous permettre de vous rendre compte de l'état actuel du conflit, nous croyons utile de vous brosser un bref historique de cette négociation. En décembre 1976, le Syndicat des journalistes dépose des demandes pour le renouvellement de la convention collective de travail qui expirait le 16 décembre de cette année. Le syndicat propose de modifier de fond en comble la convention, en reformulant 253 des quelque 350 clauses de la convention. Ces demandes visaient à permettre aux syndiqués de purement et simplement contrôler la salle de rédaction.

Pour bien démontrer de quelle façon le syndicat a voulu engager cette négociation, nous vous citons le passage suivant du document que le Soleil transmettait au syndicat, le 24 août 1977:

Le syndicat exige en effet, comme condition de départ, que lemployeur accepte en bloc tous ses principes de négociation. Le syndicat ne laisse aucune place à la négociation véritable, au compromis. C'est tout ou rien. Le syndicat s'est donc enfermé dans une stratégie qui ne laisse aucun choix à I'employeur, d'autant plus que des demandes qualifiées de non négociables par le syndicat à la table de négociation heurtent le simple bon sens.

Voici quelques exemples de demandes qu'il serait tout spécialement suicidaire d accepter pour quelque entreprise que ce soit:

Interdiction totale faite à l'employeur de toucher, sans la permission du syndicat, au contenu de son journal. La référence est aux demandes originaires du syndicat en décembre 1976;

Obligation totale imposée au journal de publier intégralement n'importe quel texte, même si l'employeur le juge libelleux, diffamatoire, faux, mensonger ou incomplet; article 7-11.

Impossibilité totale en pratique, pour le journal, de faire appel à des collaborateurs, correspondants étrangers, spécialistes, experts, etc., en matière d'information et d'actualité;

Fixation par le syndicat du nombre de journalistes que le journal doit avoir à son emploi;

Cloisonnement total des tâches et en même temps droit absolu du journaliste d'abandonner son poste à sa guise;

Obligation pour l'employeur d'empêcher ces journalistes d'animer, en dehors de leurs heures de travail, une émission de radio ou de télévision;

La semaine de trente heures, six mois de congé sabbatique et de quatre à sept semaines de vacances, alors que déjà un journaliste, sans compter les très nombreux jours de maladie, de congés syndicaux et de congés spéciaux auxquels il a droit dans une année, travaille moins d'une journée sur deux, c'est-à-dire exactement 182 jours par année.

Malgré le caractère outrancier d'un grand nombre des demandes du syndicat, le Soleil a poursuivi les négociations de bonne foi pendant huit mois et le 27 août 1977, il dépose une offre globale sur les clauses normatives en proposant environ quarante modifications. Il offre des augmentations de salaire de 8% et 6% pour une convention de deux ans, alors que la Loi antiinflation permet des augmentations de 6% et 4%.

Non seulement le Syndicat des journalistes n'a pas répondu à ces offres, mais il a déclenché la grève le 29 août sans avoir fait le moindre effort de rapprochement et, fait extraordinaire, sans changer un mot à ses demandes originales du mois de décembre 1976.

En novembre, sous la conciliation de M. Defoy, le Soleil dépose de nouvelles offres sur les clauses professionnelles. Pour la première fois, après dix mois de négociations dont deux mois de grève, le syndicat modifie légèrement quelques-unes de ses 253 demandes, mais après quelques jours de conciliation, il rompt à nouveau les pourparlers parce que ses objectifs n'étaient pas satisfaits intégralement.

En février, M. Raymond Leboeuf est nommé conciliateur et il consacre cinq semaines à faire la navette entre les parties, le négociateur syndical refusant de rencontrer face à face les représentants du Soleil, sauf dans les quelques derniers jours.

Au milieu de mars, la conciliation s'avérant totalement infructueuse, le Soleil dépose au syndicat une offre globale de règlement qui fut rejetée. Le syndicat dépose alors un nouveau texte incorporant évidemment toutes les améliorations contenues dans l'offre du Soleil, mais en maintenant essentiellement toutes ses demandes.

Au début d'avril, le conciliateur doit malheureusement constater l'impossibilité de conclure une entente négociée, le syndicat se refusant à tout compromis.

Devant les conséquences tragiques du prolongement de cette grève qui prive de leur emploi 600 employés non-grévistes et de leur journal 150 000 abonnés, le Soleil s'est alors adressé au ministre du Travail pour lui demander de nommer un médiateur dans le conflit. Cette demande, plutôt inhabituelle de la part d'un employeur dans un conflit relatif à l'établissement de conditions de travail dans une entreprise privée, constituait, de la part du Soleil, une tentative ultime pour provoquer une solution élaborée par un spécialiste indépendant et investi de l'autorité du ministère du Travail.

Après trois autres semaines de consultation auprès des parties, le médiateur a déposé une hypothèse globale de règlement fondée sur les argumentations, les suggestions et les représentations exprimées de part et d'autre.

Le 25 avril, malgré les nombreuses contraintes que contient le rapport du médiateur, le Soleil l'accepte globalement. Le lendemain, le syndicat le rejette globalement.

Le 1er mai, le syndicat transmet au Soleil, par l'entremise de M. Leboeuf, de nouvelles propositions dans lesquelles il revient en demande sur 64 clauses du rapport du médiateur et exige l'acceptation par le Soleil de la plupart des demandes syndicales qui n'avaient pas été satisfaites pendant la négociation, la conciliation ou la médiation. Il formule également des demandes salariales supérieures au règlement qui venait d'intervenir à la Presse. (11 h 15)

En d autres termes, le syndicat ne considère pas le rapport du médiateur comme l'aboutissement d'un long processus de négociation, de conciliation et de médiation, mais plutôt comme le point de départ d'une nouvelle négociation qui mènerait à la réalisation intégrale de ces objectifs. Au moment du déclenchement de la grève, le Soleil offrait déjà à ses journalistes une convention collective extrêmement avantageuse, que le rapport de médiation est venu améliorer au point où, aujourd'hui, il se voit offrir des conditions de travail souvent supérieures à celles des autres journalistes du Québec.

Quelle est cette convention qui est maintenant offerte aux journalistes? L'examen du dossier du Soleil doit, en effet, tenir compte des caractéristiques particulières de la convention en vigueur avant le 16 décembre 1976. Déjà, il était reconnu que le Soleil avait une convention collective d'avant-garde dans laquelle sont venues piger d'autres conventions collectives. Certaines dispositions demeurent toujours uniques, telles que le comité conjoint paritaire qui permet au syndicat d'être profondément impliqué dans la gestion courante de la rédaction; une clause de sécurité d'emploi; la semaine de travail de 32 heures répartie sur quatre jours consécutifs et les libertés et garanties professionnelles les plus complètes qui soient. Nous vous référons à l'annexe 3 du dossier qui est devant vous où toutes ces garanties professionnelles sont énumérées.

A ces acquis déjà considérables, sont venues s'ajouter de nombreuses autres concessions du Soleil dans trois offres globales, notamment sur la juridiction syndicale, le rôle des collaborateurs et pigistes, les mutations, le statu quo ante et les clauses professionnelles.

Enfin, le rapport du médiateur a ajouté à I'ensemble de ces avantages de nombreuses clauses qui imposent au Soleil des contraintes considérables, qu'il a acceptées dans le seul but de mettre un terme au conflit.

Dans l'introduction de son rapport, le médiateur indique qu'il a formulé 150 interventions sur des questions qui n'avaient pas été résolues par

les parties en négociation ou en conciliation. Nous désirons attirer votre attention sur certaines de ces recommandations portant sur les questions les plus litigieuses et identifiées par le syndicat comme constituant ces objectifs fondamentaux de négociation.

Les ententes particulières: II n'existait pas de clause sur ce sujet dans la convention expirée et le syndicat en a fait une priorité. Le médiateur, après examen de cette question et de longues discussions avec chacune des parties, a tranché en faveur du syndicat sur cette question. Il a recommandé I'insertion dans la convention de la clause en vigueur au journal Le Devoir.

Sur la juridiction: Elle n était pas définie dans I'ancienne convention. En s'inspirant largement des dispositions de la convention collective de la Presse, le médiateur répond à la demande syndicale en cette matière et précise les conditions de participation des journalistes-cadres de la rédaction.

Collaborateurs et pigistes: Le médiateur a donné suite aux demandes syndicales sur la collaboration extérieure en restreignant à un caractère complémentaire cette participation.

Plancher quantitatif et qualitatif d information: Le médiateur introduit une clause qui oblige le Soleil à couvrir les principaux secteurs d actualité dont il établit, dans son rapport, une liste précise et explicite.

Définition des tâches: Le médiateur impose au Soleil I'obligation de définir le contenu et les exigences de chacun des postes de la salle de rédaction et de les discuter au comité conjoint.

Mutations: Le médiateur accorde à tout employé muté de poste, même à l'intérieur d'une section, le droit de contester par grief cette mutation, si elle est discriminatoire à son égard ou si elle n'est pas fondée sur un motif raisonnable. Le médiateur répond ainsi à la demande qui a été l'objet du plus grand nombre d'interventions de la part des négociateurs syndicaux.

Les changements technologiques: En s'inspirant d'une clause de la convention de la Presse, le médiateur a prévu des dispositions particulières dans le cas d'implantation d'écrans cathodiques, garantissant la juridiction du syndicat, la protection du salaire des journalistes et leur adaptation graduelle au nouveau système.

Fusion ou intégration: Le médiateur introduit une clause protégeant les journalistes, dans le cas de fusion de la salle avec une autre salle de rédaction.

Griefs ouverts: Dans la convention expirée, un grief ne pouvait porter que sur une mésentente relative à I'interprétation ou à I'application de la convention, étant donné que le comité conjoint avait le pouvoir de discuter de toute autre question soulevée par le syndicat. Le médiateur, néanmoins, recommande I introduction du grief ouvert dans la convention en permettant le droit de grief sur toute mésentente qui concerne les conditions de travail, d'emploi et de bien-être des employés, prévues ou non à la convention.

Clauses salariales: Aux termes de la conven- tion collective expirée, I'écart entre I'échelle salariale du Soleil et celle de la Presse s établissait à S25 par semaine. Le médiateur recommande un règlement qui réduit cette différence à $20 aux termes de la convention.

Un journaliste avec sept années d'expérience, et 90% des journalistes du Soleil sont au sommet de l'échelle, touche $480 par semaine le 1er octobre 1980 et $490 au début de 1981, en raison d'une clause d'indexation proposée par le médiateur. Si on ajoute à cette rémunération de base les primes de fonction, les primes d'heures libres ainsi que les primes de soir et de nuit, le salaire moyen du journaliste au Soleil dépassera largement $500 par semaine, aux termes de la convention, pour une semaine de 32 heures, répartie sur quatre jours consécutifs.

Depuis 1974, les journalistes du Soleil sont les seuls, dans les quotidiens du Québec, à jouir de la semaine de travail de quatre jours consécutifs. A la Presse et dans les autres journaux, qui ont consenti la semaine de quatre jours, elle est répartie sur quatre jours non consécutifs. Le médiateur a également ajouté aux propositions du Soleil une fête chômée payée additionnelle et il a apporté des améliorations au régime de vacances ainsi qu'aux congés de maternité.

La situation actuelle dans le dossier des journalistes: le 25 avril, le Soleil a accepté l'hypothèse globale de règlement proposée par le médiateur. Le Soleil est toujours disposé, pour le moment, à signer une convention collective de travail conforme en tous points à ce rapport.

De son côté, le 1er mai, le syndicat a exigé du Soleil 64 modifications au rapport du médiateur, dont un grand nombre portent sur des points majeurs. Le Soleil considère que le syndicat se montre irréductible en refusant le compromis proposé par le médiateur.

Les améliorations apportées à la convention par les offres du Soleil en négociation, en plus de celles acquises en conciliation et auxquelles sont venues s'ajouter les nombreuses recommandations du médiateur, font que les employés se voient offrir une convention exemplaire, en particulier en ce qui concerne la liberté professionnelle du journaliste et la protection du droit du public à l'information.

En voici une brève énumération: liberté des journalistes dans l'exercice de leur travail et reconnaissance de leur indépendance professionnelle, clause 7.03; liberté absolue du journaliste face au contenu de la politique éditoriale du journal, clause 7.04; liberté de refuser tout changement pouvant modifier le sens de leurs articles, clauses 7.14 et 7.15; liberté de signer ou non leurs nouvelles, clause 7.16; liberté de répliquer à toute critique dont ils peuvent être l'objet, clause 7.23; liberté d'accepter ou de refuser Une mission considérée dangereuse, telle une manifestation publique, clause 7.12; liberté d'accepter ou de refuser toute participation à la promotion du Soleil, clause 7.10; liberté d'accepter ou de refuser que leurs textes soient publiés ailleurs que dans le Soleil, clause 7.22; liberté de collaborer à certains

autres media d'information, clause 7.13; garantie et sécurité d'emploi pour toute la durée de la convention; garantie que tous les principaux domaines de l'actualité seront couverts; garantie que le journaliste pourra s'opposer à toute mutation pour des motifs valables; garantie qu'aucune entente particulière ne pourra modifier les termes de la convention collective; garantie contre toute ingérence de la publicité; garantie contre toute forme de discrimination, d'interférence, de contrainte, de coercition, clause 11.22; garantie du paiement du salaire, du cautionnement, des frais de défense et autres frais dans le cas d'une poursuite, d'une arrestation ou d'une incarcération conséquente à l'exercice des fonctions de journaliste; garantie que le contenu rédactionnel sera intégralement respecté tout au long du processus de production; garantie que les documents et autre matériel d'information recueillis par un journaliste dans l'exercice de ses fonctions ne seront pas livrés aux forces policières; garantie d'une semaine de travail de 32 heures répartie sur quatre jours consécutifs.

Les employés de soutien: En ce qui concerne les employés de soutien, il faut tenir compte qu'une convention collective de travail est intervenue en décembre 1977, avec l'union représentant les 134 employés de bureau des services autres que la rédaction. Le Soleil a offert aux employés de soutien de la rédaction des conditions de travail identiques, en tous points, à celles de ses autres employés de bureau. Une description élaborée de ces conditions de travail se retrouve à l'annexe 8 du présent document.

Les offres salariales pour une semaine de 32 heures comportent les augmentations suivantes: en 1977, 15,6%; en 1978, 7%, et en 1979, 11,6%. le niveau salarial des employés de bureau du Soleil est parmi les plus élevés de la région de Québec. Ces employés jouissent également de la pleine sécurité d emploi. Enfin, nous désirons souligner que le rapport du médiateur, que le Soleil a également accepté dans le cas des employés de soutien, leur accorde certains bénéfices supérieurs à ceux prévus dans les autres conventions, en insérant la notion du grief ouvert et en améliorant le congé de maternité.

Le Soleil considère que les hypothèses globales de règlement proposées par le médiateur sont I'aboutissement du long processus de négociation, de conciliation et de médiation. Elles ne peuvent, en aucune façon, être considérées comme étant le départ d'une nouvelle négociation. Nous espérons qu'une analyse plus poussée de la situation permettra aux journalistes et aux employés de soutien de réviser leur position à ce sujet.

En acceptant les solutions proposées par le médiateur qui lui imposent plusieurs contraintes sur le plan de la gestion, le Soleil a voulu mettre fin à ces conflits. Les changements que le Soleil accepte ainsi d apporter aux conventions se situent à la limite des concessions qu il peut faire. Pour le Soleil, ces négociations sont terminées.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Beau- vais. Alors, tel que convenu, nous allons procéder à la période des questions en commençant par le côté ministériel et. par la suite, lOpposition. M. le ministre.

Questions aux témoins

M. Johnson: Huit mois; c'est quand même un peu étonnant. J'ai relevé, à la fois dans le mémoire patronal et dans le mémoire des journalistes — je reviendrai aux employés de soutien de rédaction et éventuellement sur d'autres sujets — certains éléments. D'abord, M. Garon, vous nous dites, dans votre mémoire, à la page 10, que le rapport du médiateur laissait en plan les quatre points fondamentaux. Aussi ne faut-il pas s étonner que les journalistes l'aient rejeté massivement. Vous parlez donc du statu quo ante dans la question du plancher d emploi, de la question de la circulation des textes et, finalement, de la question des ententes particulières. Je ne me trompe pas, c'est bien cela?

M. Garon: C'est exact.

M. Johnson: II y a eu, d'une part, la demande syndicale dont on a pris connaissance et dont vous avez évoqué les fondements dans votre mémoire et, d autre part, semble-t-il, au niveau des offres patronales au tout début, ce qui semblait être a priori un refus de considérer. Mais il y a eu dans la proposition de M. Leboeuf, dans son rapport de médiation du 24, sur chacun de ces points, des modalités proposées qui constituaient ce qui me semble être un compromis dans la mesure où il y avait, d une part, des demandes et, d'autre part, un refus devant ces demandes. Il y a un contenu qui, de fait, est élaboré par le médiateur sur ces quatre questions. Je voudrais savoir pourquoi vous nous dites dans le mémoire et vous semblez considérer que, finalement, il n'y a jamais rien eu dans le rapport de médiation là-dessus. Si je comprends bien, vous n'êtes pas satisfait de ce que propose le médiateur. Mais il y a eu quelque chose de proposé sur ces quatres questions.

M. Garon: Oui. Ecoutez! Je vais revenir sur I'explication que je donnais tout à l'heure quant à notre attitude face au rapport de médiation et je pense que c est important qu'on le considère d'abord au niveau du mandat confié au médiateur. Je reprends le mandat tel que demandé par la partie patronale dans son télégramme. Il nous apparaissait être un mandat restrictif qui équivalait, à toutes fins pratiques, à un arbitrage. On demandait à Me Leboeuf de produire un rapport que les parties devraient accepter ou rejeter globalement.

A ce moment-là, j'étais à I'Assemblée nationale et vous annonciez la nomination de Me Leboeuf. J'ai moi-même communiqué avec Me Leboeuf lui expliquant qu'on considérait que ce mandat était trop contraignant, ce avec quoi il s'était montré d'accord. Lors de votre intervention à I'Assemblée nationale, vous parliez d'hypothèses

de règlement, vous les mettiez au pluriel. De la même façon, vous avez fait une déclaration à Radio-Canada. J'ai la copie entre les mains, je vous cite au texte: M. Leboeuf est nommé médiateur, c'est-à-dire qu'il a le pouvoir d'établir des hypothèses de règlement. En d'autres termes, c'est un rôle beaucoup plus dynamique. Cela présuppose évidemment que les parties consentent, que les parties sont prêtes à négocier de bonne foi. (11 h 30)

Donc, pour nous, la question ne se posait pas quant à l'étendue du mandat et on croyait que la demande patronale était trop contraignante. On a informé Me Leboeuf, lors du dépôt de son document, qu'on trouvait, à toutes fins pratiques, qu'il nous plaçait face à un ultimatum: Acceptez cela globalement ou rejetez cela globalement. On lui a dit: On va le soumettre à l'assemblée générale, et c'est au scrutin secret que 76,7% des membres du syndicat l'ont rejeté globalement.

Mais il s'est passé des choses par la suite. On a déposé des contre-propositions, comme on le souligne dans le document, qui reprenaient — en tout cas, la première série de contre-propositions — 70% du contenu et, ce que je vous disais tout à l'heure, c'est que le rapport du médiateur n'était pas satisfaisant sur ces quatre points-là, mais il offrait des avenues.

Les membres de la commission ont en main, je pense, le document jaune, le document comparatif. Si vous regardez à la page 5, en ce qui a trait au plancher d'emploi... Oui?

M. Johnson: M. Garon, si vous permettez, vous dites, à la page 10, c'est seulement cela que j essaie de comprendre...

M. Garon (Jean): Page 5.

M. Johnson: Non, mais vous dites à la page 10, et c'est ce que j'ai compris de ce qui a entouré le refus, au vote secret, par une très forte majorité de journalistes, que le rapport du médiateur laissait en plan ces quatre points fondamentaux.

M. Garon (Jean): C'est-à-dire qu'il les laissait en plan dans la mesure où, selon l'analyse qu'on faisait du document qui était déposé, il n'y avait pas... Quand on parle d'un plancher d'emploi, il faut parler en termes numériques, il faut également parler de l'obligation qui est faite à l'employeur, à ce moment-là, de combler les postes devenus vacants par départ, par attrition ou autrement. Alors, dans...

M. Johnson: Si vous permettez, brièvement, parce que je ne voudrais pas qu'on s'engage dans quelque chose de trop formaliste, il demeure quand même que, sur le plancher d'emploi, dans la suggestion du médiateur, dans la proposition globale du médiateur, on prévoit... Et si je me souviens bien de la déclaration de principe que le syndicat avait faite à l'origine, c'était pour les fins de garantir l'information à la population. Or, le médiateur propose un plancher non pas d'emploi, mais un plancher d'information en décrivant les secteurs qui doivent faire l'objet d'effectif d'une part.

M. Garon (Jean): Oui.

M. Johnson: Deuxièmement, il y a des clauses qui prévoient, quant à la question de l'emploi des journalistes, la sécurité d'emploi pour la durée de la convention collective. Si on regarde les deux combinés, je veux bien croire que cela ne s'appelle peut-être pas techniquement un plancher d'emploi, mais si le plancher d'information est là et que le plancher en termes de sécurité d'emploi est là, je ne vois pas vraiment où cela devient un problème.

M. Garon (Jean): Alors, il faut lire à ce moment-là, dans le document que je viens de vous citer, à la page 5, l'alinéa c) du texte qu'on appelle texte patronal, mais qui est évidemment le texte du médiateur, puisque la partie patronale l'a accepté.

C) Les alinéas a) et b) de la présente clause ne doivent pas être interprétés comme limitant le nombre de sections ou le droit de l'employeur de créer ou d'abolir des postes ni comme lui faisant obligation de combler tel poste en particulier, sauf selon les dispositions prévues aux autres paragraphes. Donc, ce qui arrive, c'est que le plancher d'information est un plancher qui n'est pas fictif. Il est là, il existe, on dit: Le Soleil doit couvrir ces secteurs de l'actualité, mais on ne parle aucunement du nombre de journalistes qui doivent être affectés. Il y a une relation directe entre ces deux éléments. On peut dire: Vous avez à couvrir tant de secteurs et, après cela, vous regardez à la page suivante, à la page 6, le b) où on dit: La liste des sections prévues au paragraphe a) est automatiquement modifiée si l'employeur crée ou abolit une section ou s'il fusionne des sections. Autrement dit, le principe d'un plancher d'information était présenté, mais on en évacue le contenu par deux alinéas. Un plancher d'emploi, c'est assez clair, c'est un nombre minimum d'effectifs, c'est ce qui existe. On aurait pris la formule qui existe au Montréal-Matin, le nombre de journalistes, au moment du déclenchement de la grève, était de 108 ou 112 membres. Ce que nous demandons, c'est: Pendant toute la durée de la convention, l'employeur ne peut avoir à son emploi moins de 100 employés. Donc, cela prend un chiffre, c'est un minimum, c'est une base qu'on considère. De toute façon, au cours des dix dernières années, je pense que ce n'est jamais beaucoup descendu en bas de 100 et cela a toujours été supérieur au cours des quatre dernières années.

M. Bellemare: Montréal-Matin a une garantie de 80 sur 96?

M. Garon (Jean): C'est cela, 80 sur 96 à Montréal-Matin, et c'est le même principe au Journal de Montréal, vous arrivez à une énuméra-

tion de postes que l'entreprise est obligée de combler et cela donne aux environs d'une quarantaine de journalistes. C'est toujours cela le principe, il y a toujours un minimum d'effectif.

Le Droit, c'est une énumération. Au Droit d'Ottawa, qui n'est quand même pas un journal aussi gros que le Soleil, on accepte une énumération exhaustive de tous les postes. Au Devoir, on dit qu'il ne doit jamais y avoir moins de 28 employés. Vous avez des exemples partout de ce qu'est un plancher d'information, avec des formes plus ou moins contraignantes. Ce qu'on a choisi, comme forme, c'est celle qui nous apparaissait la moins contraignante; un minimum d'effectif qui ne correspond même pas au nombre réel d'employés au moment du déclenchement de la grève et une formule, en reprenant l'esprit de ce que le médiateur a choisi, c'est une des avenues... On reprend les secteurs d'actualité, mais on dit que pour que cela ait un sens, page 5, paragraphe b): "Pendant la durée de la convention, l'employeur s'engage à couvrir les secteurs d'actualité suivants et à y affecter un ou des employés." Elle est là, l'obligation.

On dit aussi plus loin que l'employeur ne peut pas abolir les postes; sans cela, ça n'a plus de sens, ça ne constitue plus un plancher d'emploi. Donc, ce que nous offrait le médiateur, c'était un plancher d'information; il nous l'a expliqué comme tel. Quand on dit que ça laisse en plan nos demandes, je pense que c'est clair. Ce qu'on demande, c'est un plancher d'emploi avec un minimum d'effectif. On se retrouve ainsi avec un plancher d'information.

M. Johnson: Par contre, si l'objectif recherché est la sécurité d'emploi, elle est prévue dans la convention.

M. Garon (Jean): Oui, mais dans une convention comme celle de Montréal-Matin, vous avez un plancher d'emploi et une sécurité d'emploi individuelle. Ce n'est pas la panacée absolue, on est dans une entreprise qui a quand même un caractère particulier, qui a une fonction particulière. Alors, la sécurité d'emploi, je pense que c'est un objectif que tous les travailleurs, quels qu'ils soient, recherchent, mais en plus de ça, il y a une dimension particulière aux médias et c'est celle-là qu'on inscrit dans notre demande de plancher d'emploi.

M. Johnson: Quant à la question des ententes particulières, le rapport propose la formule qui s'applique au Devoir. Encore une fois, je pense qu'on ne peut pas dire que cela ait été laissé en plan.

M. Garon (Jean): La demande initiale qu'a faite le syndicat, légèrement modifiée par la suite, c'était intégralement les textes signés à la Presse, au Montréal-Matin et au Journal de Montréal, textes avec lesquels ces journaux vivent, certains, depuis déjà huit ans. Ces entreprises, je pense, sont bien gérées; on n'a pas vu leur situation dépérir à cause de l'introduction d'une clause comme celle-là.

L'idée des ententes particulières, c'est assez simple: la convention collective doit s'appliquer à l'ensemble; elle est négociée pour un groupe d'employés, pour la totalité des employés. Alors, toutes les ententes particulières doivent être portées à la connaissance du syndicat. Celles qui sont dérogatoires, ça va un peu de soi, parce que ce sont celles qui vont à l'encontre de ce qui est écrit dans la convention. C'est évident que s'il doit y avoir modification, il faut qu'il y ait une entente avec le mandataire, entre les parties. On trouvait que la réponse faite par le médiateur ne correspondait pas à l'objectif. On dit, à la page 1, au paragraphe d) du texte syndical: "Aucune autre entente particulière ne peut être négociée entre un employé ou un groupe d'employés et l'employeur hors de la présence d'un représentant de l'exécutif du syndicat.

Donc, là, c'est une demande d'information. On dit que le syndicat doit être informé de toute autre entente particulière. Alors, cette dimension existait dans le texte original à la Presse et au Montréal-Matin. On y disait qu'aucune entente particulière ne pouvait se faire en dehors de la connaissance du syndicat; elle devait être approuvée, qu'elle soit ou non dérogatoire à la convention.

On accepte le principe proposé par le médiateur et le mécanisme, mais on dit que l'élément essentiel, c'est-à-dire que toutes les ententes soient portées à la connaissance du syndicat...

M. Johnson: C'est la première demande syndicale, suite au refus du rapport. C'est contenu dans votre nouvelle demande du 9 mai.

M. Garon (Jean): Oui, Encore là, cette demande est en-dessous des conditions négociées depuis déjà plusieurs conventions, tant à la Presse qu'au Montréal-Matin.

M. Bellemare: ... de travail sont assurés des mêmes postes.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Johnson, s'il vous plaît.

M. Bellemare: Cela fait suite à la question.

Le Président (M. Boucher): Vous poserez vos questions tout à l'heure. M. le ministre.

M. Bellemare: II pourrait peut-être me dire...

M. Johnson: Je pense que le député de Johnson s'est rendu compte...

M. Bellemare: Posez-la donc, M. le ministre.

M. Johnson: ... que mes questions sont assez brèves.

M. Bellemare: D'accord, posez-la donc, la question, pour qu'on sache...

M. Johnson: Pas de problème, c'est parce que je veux lui permettre de pouvoir continuer...

M. Bellemare: ... s'ils vont occuper le même poste à leur retour au travail. Je n'aurai pas besoin de la poser.

M. Johnson: Circulation des textes. Il y a, dans le rapport du médiateur ce qui me semble également un compromis dans la mesure où on prévoit qu'il y a nécessité de l'acquiescement par le journaliste, qui peut être assisté du syndicat, s'il le désire, dans la conclusion de cette entente concernant la circulation des textes...

M. Garon (Jean): Sur le fond, là aussi, on doit dire qu'on s'est inspiré des conditions qui existent ailleurs, à La Presse, au Montréal-Matin, au Devoir, qui existent aussi au Droit, mais dans son aire de distribution, et existent sous une certaine forme au Journal de Montréal, c est-à-dire que les échanges de textes peuvent se faire à lintérieur même du consortium, mais ne peuvent pas se faire à I'extérieur.

Donc, le principe, là-dedans, c'est le concept de l'anticoncentration. Or, comme c'est un principe, dans une certaine mesure qui est un principe d ordre moral, il est évident que les négociateurs de tous les autres syndicats, quand ils ont inclus cela, cela devait être formellement une entente employeur, employés et syndicats. Le représentant collectif doit être partie à ces ententes.

Ce n'est pas suffisant de dire: Si l'employé y consent. C'était particulièrement flagrant au Soleil, puisque les gens qui rédigeaient au moment où le Soleil publiait ces chroniques étaient rentrés avec déjà un accord là-dessus, c'est-à-dire qu ils étaient d'accord avec ce phénomène et ce principe de circulation. Ceci faisait qu'à toutes fins pratiques, l'attitude collective que le syndicat pouvait prendre était automatiquement niée.

Pour nous, le fait que ce soit uniquement l'employé qui y consente, cela ne peut pas répondre aux objectifs visés par cela. Encore là, ce sont des objectifs qui ne nous sont pas particuliers. Ce sont des objectifs qu on poursuit et qui existent dans d'autres journaux.

M. Johnson: Avant de passer à la question du statu quo ante et de terminer, je veux juste vous mentionner que quant à la question des ententes particulières pour la circulation des textes, par analogie, on pourrait dire que c'est une sorte de formule Rand de contenu, ou une sorte de "closed shop" pour les fins de la circulation des textes.

M. Garon (Jean): Je pense que c'est peut-être un peu trop large. Si vous regardez la convention collective, en tout cas, les ententes auxquelles on est arrivé avec la partie patronale, il y a place pour la collaboration et la pige. Là, on a repris ce qui était en-dessous de nos demandes, les conditions existant à la Presse également. Autrement dit, la partie patronale peut utiliser des collaborateurs et des pigistes, pour autant que cela ne dépasse pas 6% de la masse salariale, exception faite du temps supplémentaire.

Or, la partie patronale est la première à reconnaître qu'elle n atteint jamais même la moitié; elle fait à peu près de 3% à 4% par année. Cela veut dire que ces besoins, sur lesquels il n'y a aucune contrainte, sont pleinement satisfaits par les clauses de collaboration et de pige, de la même façon, vous avez des dispositions particulières touchant I'intervention d'autres personnes, les agences de presse internationales, nationales. Il y a aussi les opinions du lecteur. Enfin, il y a toutes sortes de dispositions qui font que ce que le syndicat cherche, ce n'est pas empêcher la libre circulation des informations. C'est s'assurer, parce que... on considère que les effets de la concentration sont nocifs, ne sont pas bons. Je pense qu'il y a suffisamment de déclarations du rédacteur en chef et éditeur adjoint, dans le passé, qui ont démontré que la concentration des entreprises de presse ne constitue pas un bénéfice net pour la qualité et la libre circulation des informations.

M. Johnson: Sur le statu quo ante, encore une fois, dans son rapport de médiation, le médiateur propose qu en matière disciplinaire, il soit accordé ce statu quo ante, sauf évidemment dans les cas spécifiés, tels que rassaut sur la personne, etc.

En d autres termes, peut-être pour le bénéfice du journal des Débats et des gens qui nous écoutent, le statu quo ante, c est un principe qui veut qu une décision affectant une personne n entraîne pas une perte de privilège, une perte de situation ou un remplacement, etc., tant et aussi longtemps que, si un grief a été fait, ! arbitre n ait pas décidé finalement de ce qu il adviendrait.

Or, en pratique, le statu quo ante intégral que vous semblez réclamer voudrait dire ceci. Je vais vous donner un exemple. Il y a deux personnes qui s occupent de la chronique de musique et il y en a une qui, hier soir, en s en allant au Grand Théâtre, se fait écraser par une calèche. Le lendemain, il faut remplacer le directeur de la chronique de musique.

Selon ce que vous dites, si I employeur nomme un nouveau directeur à la chronique de musique, il y a un grief qui est fait; parce que vous parlez, dans votre demande, de tout droit collectif ou individuel. Il ny aura pas de directeur tant et aussi longtemps qu un arbitre n aura pas décidé que c est M. Untel qui est directeur et que c est une situation acceptable.

Si je comprends bien, cependant, le rapport de M. Leboeuf dit: Statu quo ante intégral, non. Cependant, on considère qu en matière disciplinaire, le statu quo ante pourrait s'appliquer. On sait d ailleurs que c est une pratique qui est de plus en plus courante et qui contient évidemment des exceptions, dans le cas d assaut sur la personne, etc.. ce qui ne devrait pas arriver souvent, j espère. Remarquez qu à entendre les descriptions qu on me fait des... (11 h 45)

M. Garon (Jean): Au Journal de Montréal, il y a assaut sur cadres.

M. Johnson: II y a assaut sur cadres, oui. J'espère que cela n'arrive pas trop souvent au Soleil. Je sais que vous êtes tous des gens très pacifiques, du côté des journalistes, des employés de soutien et même de la direction, à ce qu'on me dit.

Finalement, il y a eu une proposition de compromis sur le statu quo ante, c'est-à-dire en matière de discipline.

M. Garon (Jean): Sur le statu quo ante, lorsque vous parlez du statu quo ante complet, cela faisait effectivement partie de nos demandes au départ. C'est un texte qui était emprunté, si vous voulez, du Montréal-Matin.

Or, nous avons modifié ces demandes et le statu quo ante, tel qu'on le demande maintenant en page 30 du document jaune que vous avez entre les mains, parle, dans un premier temps, au 11.10a du statu quo ante, c'est-à-dire du maintien de la situation telle qu'elle existait avant la décision contestée de l'employeur. C'est le texte du Devoir qui est également celui du Journal de Montréal, c'est-à-dire le statu quo ante sur un grief de nature collective.

Evidemment, ce n'est pas un grief de nature collective sur un préjudice moral. Je veux dire qu'il faut qu'il y ait des effets collectifs, que la décision ait des effets collectifs pour qu'on puisse la contester.

Dans un deuxième temps, le B touche les mesures disciplinaires, ce qui est aussi standard dans les journaux, excepté que ce qu'on a refusé, ce que l'assemblée générale a refusé et ce qu'on continuera toujours à refuser, c'est — vous retrouvez cela du côté du texte patronal, qui est le texte du médiateur — "Cependant — la fin du dernier paragraphe, du deuxième paragraphe — cet alinéa ne s'applique pas dans le cas de vols, assauts, dommages à la propriété — ce qu'on accepte évidemment — et refus de travailler."

Vous devez comprendre que, dans une entreprise, le refus de travailler, je veux dire que cela prend n'importe quelle forme, c'est l'arbitraire total. Si vous refusez de tourner à gauche, parce qu'on vous demande de tourner à gauche, cela peut être un refus de travailler. Si vous refusez de modifier votre texte, cela peut être un refus de travailler. Pour nous, c'est totalement inacceptable. Je pense qu'il n'y a aucun statu quo ante, de toute façon, en mesures disciplinaires, qui est accepté comme cela. Moi, en tout cas, je ne l'ai jamais vu. Je ne pense pas que le refus de travailler puisse constituer une exception à un statu quo ante sur les mesures disciplinaires.

On a pris vols, assauts et dommages à la propriété, ce qui est standard, et on a modifié notre demande quant à la première partie du statu quo ante en demandant le statu quo ante sur les griefs de nature collective. Il y a peut-être aussi un autre élément qui est important dans le B, c'est qu'on demande le statu quo ante sur les mutations. Il faut comprendre que, dans le cas des mutations, à l'intérieur d'un journal ou ailleurs...

M. Johnson: On sait ce que la mutation a causé à la section des sports dans un autre journal.

M. Garon (Jean): A ce moment-là, c'était la nomination et non pas la mutation. Dans notre cas à nous, si vous demandez la mutation, la procédure habituelle est la procédure de grief. Quand on sait qu'un contrat de travail, c'est un contrat privé, que tous les recours en justice sont possibles, il est évident que, si quelqu'un est muté, s'il loge un grief, s'il a le droit de loger un grief, il peut rester assis dans son nouveau siège pendant six mois, un an. On pense que, dans le cas des mutations, puisqu'il y a une procédure qui prévoit que, quand on est muté, on n'est pas d'accord, on fait appel au rédacteur en chef, on l'informe des motifs qui, selon nous, justifient de ne pas être muté. Après cela, le rédacteur en chef en saisit le comité paritaire qui, lui, son nom l'indique, ne vote pas, mais, s'il n'y a pas entente au comité paritaire, on va au grief. Il y a au moins sept à huit jours pour que les deux parties s'expriment sur la question, l'individu touché, l'employeur et le syndicat et, en fin de compte, si l'employeur maintient sa décision, on demande effectivement le statu quo ante sur une mutation, de façon qu'il n'y ait pas... A mon avis, c'est une injustice criante. On mute quelqu'un. Le gars peut rester un an dans un nouveau poste. Disons que l'arbitre donne raison au journaliste en question, on revient et on est obligé de déplacer une deuxième personne qui a rempli le poste que l'autre personne occupait avant.

On pense qu'il est plus normal, quand on fonctionne dans un esprit de consensus et de consultation, que les journalistes puissent avoir un mécanisme de défense et que la justice ne soit pas trop expéditive dans ces cas-là.

M. Johnson: Avant de passer à une ou deux questions que j'aurais pour la partie patronale, je voudrais simplement vous souligner que vous citez souvent, pour chacune des demandes que vous faites, l'exemple d'un autre journal. Vous savez, les Américains ont une belle expression pour cela, c'est "the best contract". Si vous prenez les meilleures clauses de toutes les conventions collectives qui affectent les journaux, il est évident que vous aurez "la" convention collective, si vos demandes devaient faire l'objet d'une entente et d'une convention collective. Il faut aussi comprendre que, quand on a un texte de 350 paragraphes, les questions ne sont pas toutes d'égale importance, je suis sûr de cela, M. Garon. Vous êtes conscient qu'on peut peut-être démontrer que dans tel journal, il y a telle clause, mais peut-être qu'il n'y a pas telle autre que vous avez. Il y a une affaire, à un moment donné, d'échange sur certaines choses qui peut se faire. Je voudrais qu'on se comprenne bien. C'est parce que cela peut devenir un petit peu facile de dire: A tel endroit, les gens ont telle clause. Si vous prenez le "package deal " qu'ils ont à tel endroit aussi, ils

n'ont peut-être pas le nombre de congés payés, ils n'ont peut-être pas d'autre chose. Ils n'ont peut-être pas, par exemple, l'horaire de quatre jours consécutifs, comme vous avez, etc.

M. Garon (Jean): Les quatre clauses qui sont au coeur du conflit sont, ce qu'on appelle... Ce n'est pas la notion du "best contract" qui nous a inspirer là-dedans. D'ailleurs, sur les derniers textes qu'on a déposés, on demande dans certains cas des demandes inférieures à ce qui existe ailleurs. Donc, on est déjà sortis du "best contract ". C'est bien évident qu'on ne demande pas la totalité de ce qui existe ailleurs. Quand on pense au plancher d'emploi, au statu quo ante, le meilleur exemple, c'est Montréal-Matin, et quand on pense à la survie du Soleil, je pense que Montréal-Matin a connu une période largement plus difficile que celle du Soleil et il n'en est pas mort. Il vit avec ces conditions. Le plancher d'emploi, le statu quo ante, une sécurité d'emploi, la question des ententes particulières, tout cela est réuni à l'intérieur de cette même convention.

Le Devoir aussi a une convention exemplaire. On n'a pas essayé de rapatrier la totalité. Vous vous trouvez, évidemment, au coeur de la convention collective. Pour nous, ce n'est pas de penser de rapailler les morceaux un petit peu partout qui sont les meilleurs. C'était peut-être, originellement, dans les demandes initiales que le syndicat a déposées, une convention modèle. La négociation, c'est cela. On l'a faite, la négociation. On a aménagé nos demandes. On en a retiré certaines. Puis, comme on vous l'a démontré, il y a certaines demandes sur les points fondamentaux où on a, non pas reculé, mais diminué nos demandes par rapport à ce qui existe ailleurs. On n'a pas cherché à avoir la meilleure convention collective, parce qu'encore là, on serait au texte du 15 décembre 1976 et on n'aurait pas changé d'attitude. Je pense qu'il y a peut-être aussi une notion, c'est que quand vous parlez des situations qui n'existent pas ailleurs, le Journal de Montréal, par exemple, a la semaine de quatre jours depuis déjà plusieurs années, au moins depuis deux conventions. Donc, on n'a rien inventé quand, en 1974, on a négocié notre propre semaine de quatre jours. Cela existait ailleurs. On vit avec. Le Journal de Montréal n'est pas moribond non plus. Je pense que c'est dans ce contexte qu'il faut comprendre, et aussi peut-être le dernier élément...

M. Johnson: Par contre, vous avez qualifié tout à l'heure le Journal de Québec d'anecdotique, je pense, dans votre texte, de faits divers.

M. Garon (Jean): Oui, je vous parle du Journal de Montréal...

M. Johnson: II y a aussi le fait que c'est peut-être différent.

M. Garon (Jean): ... mais je parle des conditions qui existent dans la convention collective. Je ne parle pas du contenu, je parle du cadre conventionnel qui existe au Journal de Montréal. Je pense qu'on objective la situation et on regarde les conditions, comme elles le sont vraiment.

M. Johnson: D'accord. J'essaie de faire ressortir ceci. En fait, vous allez me permettre ainsi de faire l'introduction à une ou deux questions à l'endroit de la direction. Dans le fond, j'aimerais bien qu'on retienne une chose, pour les fins de la discussion à cette commission. Quand on parle de ces quatre points majeurs, et la discussion qu'on a eue, vous référez quand vous parlez de vos demandes à des choses qui sont subséquentes au rapport de médiation, vous avez effectivement modifié certaines demandes. Ce sont des demandes qui remontent au 9 mai. Je pense que c'est important pour comprendre un peu le déroulement de la négociation, le devoir que vous avez... Vous avez modifié certaines de vos demandes après le rapport de médiation.

M. Garon (Jean): Au moment du dépôt du rapport de médiation, on demandait la parité absolue sur ces points. Les contre-propositions qu'on a faites le 29 avril, et au début de mai sont, comme vous avez pu le constater, dans certains cas, contiennent des demandes inférieures à la parité avec la Presse, le Montréal-Matin, le Devoir, le Journal de Montréal.

M. Johnson: A la direction maintenant. Il faut tenir compte, évidemment, du fait que dans chaque entreprise, et particulièrement, quand on parle des media d'information, dans le contexte d'une démocratie qui a un côté exemplaire, au Québec, la liberté de parole existe de façon générale. Je pense que la population, malgré certaines carences, et malgré des améliorations qu'on pourra toujours apporter dans le secteur de l'information publique, ne serait-ce qu'au niveau de l'intérêt que la population peut avoir de lire ou de ne pas lire les journaux — et on a vu certains sondages significatifs — de façon générale, on vit dans une société où la liberté d'expression est plus facile, en tout cas, que dans bien d'autres endroits auxquels on pourrait se comparer.

Dans ce contexte, la vie, l'âme et l'atmosphère qui existent dans une boîte déterminée, qu'elle s'appelle le Soleil, le Montréal-Matin, le Journal de Montréal ou le Journal de Québec, ou n'importe quel autre, c'est bien important. La qualité du climat qui existe dans la boîte m'apparaît bien importante. J'ai été frappé par la qualification qu'on fait, dans le mémoire syndical, du comité paritaire, que vous avez, M. Beauvais, évoqué comme une innovation, qui est antérieure à la présente négociation. Je pense que ce n'est plus une innovation, il existe ailleurs maintenant; mais vous avez été les premiers à le créer. Cependant, j'ai entendu la partie syndicale, tout à l'heure, nous dire que, de toute façon, l'employeur faisait tout ce qu'il pouvait pour que ce comité ne soit pas opérant; j'aimerais vous entendre un peu là-dessus.

M. Beauvais: M. le ministre, le comité paritaire, au Soleil, existe, je crois, depuis 1968. Il siège mensuellement et on peut y traiter de deux ordres de questions: premièrement, de l'interprétation et de l'application de la convention, mais également de toute question d'ordre professionnel ou de relations de travail prévue ou non à la convention. C'est un outil de gestion qui a été utilisé pendant des années par le syndicat pour venir discuter de toutes les questions possibles avec la direction de la rédaction. C'est vraiment un outil spécial au Soleil. Il n'existe pas dans la convention de la Presse.

M. Johnson: Est-ce qu'il fonctionne?

M. Beauvais: Un comité fonctionne suivant l'état des relations entre les humains à un moment déterminé. Là-dessus, M. Garon, tout à l'heure, a mentionné qu'avant 1974, il n'y avait pas de problèmes de relations de travail au Soleil et que tout est subitement apparu en 1974. Je dois vous dire que le comité conjoint a eu des difficultés avant 1974, depuis 1974 et il en aura à l'avenir aussi, c'est normal. Mais les relations de travail avant 1974 n'étaient pas sous les augures les plus beaux, étant donné que nous avons eu neuf directeurs de la rédaction entre 1965 et 1974. Neuf fois nous avons dû remplacer le directeur de la rédaction. Nous avons eu neuf grèves, dont une seule légale pendant la même période. Alors, affirmer que c'est depuis 1974 ou depuis une nouvelle administration que nous avons des difficultés, ce n'est pas conforme aux faits.

Effectivement, il y a eu moins de griefs et moins d'arrêts de travail depuis 1974.

M. Johnson: J'aurais une question. D'abord, une question plus générale pour M. Beauchamp: Est-ce que vous respectez ça, une convention collective, M. Beauchamp?

M. Beauvais: M. le ministre, le président du Soleil m'a demandé de répondre aux interventions ici. Nous avions prévu une question comme celle que vous venez de poser. Depuis trois ans, nous avons reçu peu de griefs. 95% des griefs qui ont été plaidés pendant la présente convention collective dataient de l'ancienne convention. Si nous ne respections pas les dispositions de la convention, vous pouvez facilement imaginer que le syndicat ferait valoir ses droits.

Les droits déjà prévus dans la convention, en matière de griefs, prévoyaient deux ordres de griefs, celui d'interprétation et d'application de la convention, mais également des griefs en matière d'information. C'est aussi un domaine dans lequel la convention du Soleil est à l'avant-garde. Vous avez, dans le dossier que nous vous avons remis, la déclaration de principe du Soleil, qui décrit notre fonction sociale et qui remplit bien les objectifs que tout à l'heure nous portait M. Belle-mare dans notre rôle social.

Le journaliste est protégé dans ses droits et il peut loger des griefs là-dessus. Nous n'avons eu que trois ou quatre griefs à l'arbitrage pendant la durée de la dernière convention.

M. Johnson: Au total?

M. Beauvais: Si nous n'avions pas respecté la convention collective, il y en aurait certainement eu plus.

M. Bellemare: ... 29. M. Beauvais: 29 griefs? M. Bellemare: Oui.

M. Beauvais: Au moment de la signature de la dernière convention collective, M. Bellemare, il y avait certainement 45 griefs en suspens — je vous parle de 1973, là — qui dataient d'avant la nouvelle administration. Au départ de la nouvelle administration, avec mon concours, nous avons décidé de liquider, de laver ce dossier. Les trois quarts ont été réglés à l'amiable, au niveau du comité conjoint qui, là-dessus, a bien fonctionné et les autres ont été plaidés.

M. Bellemare: ... d'Anne-Marie Voisard?

Le Président (M. Boucher): M. le député de Johnson, vous allez avoir...

M. Bellemare: Je n'ai pas parlé, non.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre. (12 heures)

M. Johnson: C'est ça, on n'a rien entendu.

Donc, vous me dites que le bilan des griefs depuis trois ans n est quand même pas... ou, en termes comparatifs, pourriez-vous me donner des comparaisons avec d'autres salles de rédaction?

M. Beauvais: D'après les renseignements que nous avons, M. Johnson, ce n'est pas du tout pire qu'ailleurs au cours des trois dernières années. J'aimerais préciser que le comité conjoint se réunit tous les mois et règle des problèmes tous les mois. Le comité conjoint fonctionne.

M. Johnson: Aux employés de soutien maintenant brièvement, j'ai une question de fait, quant au contenu. Je vais simplement évoquer ce qui me semble être au coeur de vos demandes: c'est d'être assimilés pour les fins d'un ensemble de conditions aux journalistes, c'est-à-dire d'être assimilables au personnel de rédaction d'une certaine façon. Est-ce que je me trompe?

M. Paradis: C'est exact.

M. Johnson: C'est exact, d accord.

M. Paradis: Ce sont essentiellement les demandes, on vise ce genre de rapprochement.

M. Johnson: D'accord. Est-ce que cela existe dans d'autres journaux?

M. Paradis: Je vous donne l'exemple de la Presse, c'est sensiblement la même chose que nous, à I'exception que les employés de soutien à la Presse font partie du Syndicat des journalistes, c'est un tout. Donc, ils ont les mêmes conditions, ils ont une convention collective alors que, chez nous, on en a deux.

M. Johnson: D'accord. L'autre question est une question de développement historique de la médiation des demandes et des offres. Est-ce qu'il est exact qu'après le rapport du médiateur, vous êtes arrivés avec de nouvelles demandes?

M. Paradis: On ne peut pas qualifier le nouveau texte qu'on a déposé dans le sens qu'il y avait de nouvelles demandes. Il y avait des précisions. Par exemple, dans le rapport de médiation, on parlait du grief ouvert, le grief ouvert est un fonctionnement comme le Syndicat des journalistes avec un comité paritaire. Donc, les conséquences du grief ouvert et le fonctionnement du grief ouvert à la discussion devaient se rapporter au comité conjoint. On a donc mis les pouvoirs conséquents au comité conjoint.

M. Johnson: Cela n était pas inclus dans vos demandes initiales, si je comprends bien. C'est vrai — si je comprends bien — pour quelques-uns des points qui sont présentement en litige et dont on a une liste ici. M. Dionne?

M. Dionne (André): Ce point-là en particulier était dans les demandes originales. Il concerne toutes les mésententes au niveau du comité conjoint qui deviennent arbitrables. C'est dans le dossier original du Syndicat des employés de soutien et cela remonte à décembre 1976. Cette mésentente...

M. Johnson: M. Dionne.

M. Dionne: Au cours des négociations très internes au mois d'avril 1977, la mésentente nommément a été abandonnée au niveau du texte du comité conjoint. Le rapport de M. Leboeuf faisait état du grief ouvert et, à ce moment-là, on a cru bon ajuster le texte du comité conjoint, qui était d'ailleurs un texte proposé aux journalistes, et on a cru bon de le remettre au niveau du comité conjoint; il dit substantiellement qu'en cas de désaccord au comité conjoint, la mésentente est arbitrable tout simplement.

M. Charron: Est-ce exact ou non qu'après le rapport du médiateur, votre syndicat a proposé des demandes qui n avaient jamais été présentées?

M. Dionne: Non. C'est faux.

M. Charron: C'était la question du ministre.

M. Dionne: C'est parce que M. Leboeuf n'était pas au dossier, d'abord en conciliation, parce que la conciliation chez les employés de soutien remonte loin dans le temps, étant donné que la date de la grève était le 15 avril 1977. Alors, il y a eu une période très active à ce moment-là et ce droit n a pas été appliqué; on a préféré attendre celui des journalistes.

Le Président (M. Boucher): Compte tenu de I'heure et qu'on a largement dépassé, dans ce premier tour de table, les questions de la partie ministérielle, je vais donner la parole à ma gauche, au député de Mont-Royal. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. J'ai deux documents devant moi. J'ai le document du Syndicat des journalistes de Québec et, ce matin, j'ai reçu — en plus du document de l'autre syndicat — le document de la direction du Soleil. Je dois admettre qu'à la première lecture de votre document, celui des syndicats, cela évoque chez moi une certaine sympathie. D'autre part, quand je lis le document des dirigeants du Soleil, je vois certaines contradictions, certains points que la direction du Soleil dit admettre et que dans votre document on ne semble pas accepter. On semble faire certaines critiques à la direction du Soleil, qui ne veut pas accepter certains de vos points en litige.

Je voudrais, brièvement, poser une question sur certains de ces points qui sont soulevés par votre document et qui, d'après les représentations de la direction du Soleil, seraient des choses qu'elle serait prête à accepter. Je voudrais avoir vos commentaires et savoir si vraiment c'est le cas ou s il y a des nuances à apporter. Le premier, par exemple, la question de la liberté de refuser tout changement pouvant modifier le sens des articles des journalistes. D'après la direction, elle est prête à accepter cela.

M. Garon (Jean): Ce que je pourrais dire en commentaire à ce moment, c'est qu'il faut comprendre que l'élément dont vous parlez fait partie, à la page 2 du document du texte patronal, de demandes originales qui n'existent plus, c'est-à-dire qu'elles ne sont plus formulées comme cela. Alors, quand on pense à cette question particulière des changements à apporter au texte, la demande initiale du syndicat était effectivement très rigide. Elle a été modifiée par la suite. Alors, quant à l'interdiction de changer les textes, cette demande syndicale n'existe plus, c'est fini. On a tenté d'en arriver à une autre formule en s'inspirant de ce qui existait dans l'ancienne convention. C'est une façon de corriger ce qui nous apparaît être des abus.

M. Ciaccia: Si je comprends bien, vous avez changé la demande quant à cet aspect.

M. Garon (Jean): C'est cela, quant à ce cas particulier.

M. Ciaccia: Ce n'est pas que vous acceptiez que la direction change...

M. Garon (Jean): Non, ce n'est pas une question d'accepter ou de refuser, c'est que ces textes ou ces attitudes, dans la plupart des cas, n'existent plus puisque les demandes syndicales ont été changées. Donc, ce n'est plus en discussion sous cette forme-là.

M. Ciaccia: Sur ce point, pour que je puisse comprendre, à la page 9 de son texte, quand la partie patronale dit qu'elle accepte de vous accorder la liberté de refuser tout changement pouvant modifier le sens du texte, vous dites que vous avez changé votre demande. En quel sens avez-vous changé votre demande pour que cet article ou cet aspect ne s'applique plus quant au patronat?

M. Garon (Jean): Là, il faudrait, pour prendre la demande à jour, vous référer au document jaune, à la page 13 du texte syndical. Vous avez la formule. On s'inspire, on a repris la nomenclature, telle que présentée par le médiateur, c'est-à-dire l'article 714. On s'entend, c'est le même texte. C'est à la clause 715 b) qu'il y a une modification.

S'il s'agit d'une nouvelle, tous les efforts doivent être faits pour consulter le journaliste avant la publication. Advenant l'impossibilité de procéder à cette consultation ou si le journaliste refuse, le changement est fait, mais le texte ainsi publié doit obligatoirement porter la mention "d'après suivi des différentes sources d'information, y compris le nom de l'auteur ayant servi à sa rédaction définitive".

Or, le sens de cette modification, c'est qu'évidemment on peut loger un grief, si on pense que le changement altère le sens ou la portée de notre article, mais il faut penser, et je pense faire référence à la réponse de tout à l'heure, que les griefs, quand on n'a pas de statu quo ante, on peut les loger et faire comme c'est arrivé dans notre cas, gagner à l'arbitrage et se rendre jusqu'en Cour suprême. Donc, un grief qui actuellement a trois ans d'âge n'est pas réglé. C'est peut-être aussi pour cela qu'il y a eu pénurie de griefs au Soleil au cours des trois dernières années; il n'y a pas eu pénurie de problèmes, mais de griefs.

Alors, si on en revient à cette question particulière, le journaliste porte la responsabilité des textes qu'il écrit, mais il la porte doublement dans la mesure où non seulement il signe le texte, mais généralement le journaliste est attaché à une couverture régulière, par exemple, celui qui couvre la commission parlementaire aujourd'hui. Si la direction décide de modifier son texte de façon substantielle et si le journaliste est en désaccord, le seul fait d'enlever la signature du journaliste ne change rien au fait que c'est le journaliste qui a fait le travail. On modifie son texte et c'est lui qui a continué malgré tout à en porter la responsabilité parce que les principaux acteurs identifient le journaliste en question qui couvre la commission parlementaire. Alors, c'est lui, ce n'est pas la direction de la rédaction qui a à répondre des modifications ou du changement de sens ou de la portée de l'article qu'on retrouve dans le journal le lendemain.

Donc, s'il doit y avoir changement, que ça se fait contre la volonté de l'individu et qu'on se sert des informations qu'il y a dans son texte, on dit: Dites d'après un texte de X, le journaliste en question, et si vous ajoutez d'autres sources d'information, que ce soient par exemple des textes d'agence comme la Presse canadienne, ajoutez d'après M. X et d'après la Presse canadienne, pour qu'il y ait identification, qu'il y ait une multiplicité de sources d'information et qu'on identifie le produit comme étant un produit modifié et non pas simplement en rayant la signature.

C'est l'esprit du changement.

M. Ciaccia: Si je comprends bien, le texte auquel vous vous référez, d'après ce que je peux lire, à la page 9, vous parlez de certains changements, certaines modifications. La direction du Soleil, elle l'affirme s'engage à ne pas faire ces changements à moins d'avoir le consentement du journaliste.

M. Garon (Jean): Non. Elle peut le faire, si elle n'a pas le consentement du journaliste, elle biffe la signature et ça se termine là. Donc, elle peut faire tous les changements qui lui semblent bons. Le paragraphe b) du texte patronal, même page 13 dit: "S'il s'agit d'une nouvelle, tous les efforts doivent être faits pour consulter le journaliste avant publication. Advenant l'impossibilité de procéder à cette consultation, le changement est fait, mais la signature est retirée". C'est ça qu'on trouve insuffisant, le seul retrait de la signature ne nous apparaît pas satisfaisant, quant à l'intégrité du travail produit par le journaliste.

M. Ciaccia: Est-ce que ce serait possible d'avoir un commentaire de M. Beauvais sur cet aspect?

Le Président (M. Boucher): M. Beauvais.

M. Beauvais: M. le député, la question que vous soulevez est extrêmement intéressante. Le texte qui est ici, dans le rapport du médiateur, est un texte que le médiateur nous a apporté de la Presse. Il est maintenant refusé par le syndicat. Le texte que nous avions était excellent. Le médiateur a jugé, après les discussions avec les parties, de nous proposer le texte de la Presse, nous l'acceptons.

Deuxièmement, il faut distinguer entre un texte de nouvelle ou une chronique, une analyse ou un commentaire. Si vous prenez le rapport de médiation, à la page 35, la clause 7.15a dit: "S'il s'agit d'un texte d'analyse ou de commentaire, d'une chronique ou d'un billet et que l'auteur refuse un changement ou ne peut être rejoint, le texte n'est tout simplement pas publié et toutes les copies lui sont remises. Or, lorsqu'on parle d'un texte où un journaliste exprime son opinion, on ne peut pas y toucher, et s'il ne veut pas y toucher, il n'est pas publié.

Le paragraphe b) concerne la nouvelle, c'est notre obligation, c'est l'obligation de l'éditeur de

renseigner le public sur les nouvelles à rapporter. Un journaliste présente un texte, désaccord entre le pupitre et le journaliste. Si le journaliste refuse le changement qu'on veut apporter, on retire sa signature. Ce n'est plus son texte, c'est un texte publié par le journal. Je vous souligne que, dans tous les cas, c'est Le Soleil qui demeure responsable de tous les dommages ou de tous les pots cassés, s'il en est par la suite.

Il faut que l'éditeur assume ses responsabilités par la suite et il assumera également la défense du journaliste, paiera les amendes, les frais, les dommages et intérêts et tout. Je vous réfère à l'article 7.24 du même texte. Aujourd'hui, nous acceptons simplement le texte de la Presse et c'est un minimum de droit que nous devons conserver pour pouvoir remplir notre obligation de renseigner le public.

M. Ciaccia: Nous pouvons peut-être revenir, à moins que vous ne vouliez ajouter quelque chose pour vous donner l'opportunité...

Le Président (M. Boucher): M. Garon.

M. Garon (Jean): Sur cette chose, il faut dire que le texte du médiateur, c'est aussi le texte, mutatis mutandis, de l'ancienne convention. Les changements qu'on y a apportés, nous apparaissent importants. Prenons l'exemple que je vous citais tout à l'heure. Si, au Devoir, par exemple, c'est peut-être Descôteaux ici, qui va servir de cobaye, Descôteaux fait un texte sur la commission parlementaire, si on biffe son nom, en modifiant les articles — et quand on modifie les articles, ce n'est pas pour des questions de libelle diffamatoire, je pense qu'un journaliste, quand on lui prouve, par A plus B, qu'il vient de commettre une erreur, il ne mettra ni sa réputation journalistique, ni sa carrière en jeu, juste pour le plaisir de publier un texte libellé ou diffamatoire.

C'est donc évident que le journaliste en question, si on publie son texte et qu'on biffe sa signature, est identifié. C'est Descôteaux qui va avoir couvert la commission parlementaire. Nous, on dit: Si, dans ces cas, le journaliste refuse, on ne veut pas que la nouvelle ne soit pas publiée, on n'interdit pas le changement. On dit: Le changement aura lieu, mais on identifiera les sources d'information. On dira: "D'après ". (12 h 15)

C'est ce qu'on fait quand on prend, par exemple, un texte de la Presse canadienne, qu'on n'utilise pas intégralement. On apprend par téléphone qu'il y a tel autre élément d'information à ajouter. On ne met pas: PC. On met: D'après PC, parce qu'on a modifié le texte.

On pense que ce qui s'applique à une agence de presse pourrait fort bien s'appliquer, à plus forte raison, pour un journaliste.

M. Ciaccia: Je pense que c'est pas mal un des points principaux, la question du contenu. Si on a le temps cet après-midi, on peut continuer de parler un peu sur cet aspect.

Il y a une autre déclaration de la partie patronale. Vous vous étiez référé dans votre mémoire au fait qu'il y avait certains domaines qui ne seraient pas couverts et vous insistiez, pour la meilleure diffusion de l'information, pour que tous les domaines des différents secteurs soient couverts.

La partie patronale, à la page 9, dit: II est garanti que tous les principaux domaines de l'actualité seront couverts.

M. Garon (Jean): C'est l'addition qui a été faite par le médiateur. Cela n'existait pas.

M. Ciaccia: Est-ce acceptable? J'essaie de trouver où sont les différences.

M. Garon (Jean): Vous voyez, dans notre texte, à l'article 4, en page 5, ce qu'on a fait, avec la suggestion du médiateur, qui nous semblait effectivement intéressante. En réponse à notre demande de plancher d'emploi qui était une énuméra- tion exhaustive de tous les postes dans la salle de rédaction, la partie patronale avait répondu sur le tard, en énumérant les sections qui existaient à l'intérieur de l'entreprise.

Le médiateur a repris le concept de la section, et y a ajouté les secteurs de l'actualité à couvrir.

Dans notre dernière contre-proposition, on a repris la notion de section, on a repris également les secteurs d'actualité.

M. Ciaccia: On a ajouté certains points d'après vous?

M. Garon (Jean): On a mis des garanties autour pour avoir la certitude que ces choses vont se faire, on a accepté le concept tel que suggéré par le médiateur, parce que, dans ce contexte, c'est un concept qui n'est pas totalement nouveau, car on le retrouve ailleurs mais il est formulé de façon particulière ou originale, par rapport à ce qui existe ailleurs. On a obtenu le concept.

M. Ciaccia: Est-ce que vous avez des objections? Pourquoi vous opposiez-vous à cette suggestion du syndicat?

Le Président (M. Boucher): M. Beauvais.

M. Beauvais: M. le député, je crois que nous tournons autour de la notion du plancher d'emploi, en revenant sur cette question du secteur d'actualité.

M. Garon affirme que tout ce qu il veut, c est ce qui existe à la Presse. Premièrement, à la Presse, il n y a pas de sécurité d emploi. Au Soleil, il existe une sécurité d emploi. Déjà le contexte dans lequel nous travaillons est différent. Il faut connaître en quelques mots l'historique de cette clause de sécurité d emploi qui date de la dernière convention et où les journalistes avaient peur que le Soleil passe de cent journalistes à soixante.

Nous avons dit: Ne vous inquiétez pas, les cent personnes qui sont à notre emploi le jour de la signature de la convention le seront le jour où la

convention se terminera. Nous renouvelons à nouveau cet engagement. Premier point, nous donnons la sécurité d'emploi individuelle à chaque journaliste à l'emploi du Soleil au moment de la signature de la convention.

Le médiateur, devant l'insistance syndicale, dans son rapport, dit qu'il introduit un plancher quantitatif et qualitatif d emploi. Il vient ajouter à une disposition qui nous est particulière, celle de la sécurité d'emploi, certains éléments de couverture qui sont immuables et ne peuvent pas être Changés. C'est le 4.01.

En second lieu, il énumère les sections auxquelles vont être rattachés les journalistes.

En troisième lieu, il nous impose une obligation que nous n'avions pas précédemment et que nous refusions jusqu'à ce moment, celle de définir le contenu et les exigences de chacune des tâches de chacun des postes de la salle de rédaction.

Si vous ajoutez à ces trois dispositions les obligations contractées par le Soleil dans sa déclaration de principe et le droit du syndicat de loger des griefs d'information, vous avez un ensemble de dispositions qui est infiniment supérieur à tout ce que vous avez à la Presse et qui garantit absolument tous les objectifs que propose M. Garon. Mais, ce que fait le syndicat, il sort de la Presse et il va chercher une clause dans Montréal-Matin. Il dit: Dans Montréal-Matin, on indique le nombre de journalistes. Ajoutez le nombre de journalistes. On ne peut pas appliquer la théorie du "best contract" sur chacun des points de cette façon. Le train de mesures proposées par le médiateur, même s il est extrêmement contraignant pour nous, garantit les objectifs tels que proposés par les syndicats. Nous l'acceptons, mais nous n'acceptons pas d'aller y ajouter les meilleures clauses à l'épi que le syndicat pourrait aller piger dans les autres conventions sur cette question.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter? Je ne veux pas vous enlever le droit de...

M. Garon (Jean): Oui, j'ai certainement quelque chose à ajouter, parce que là on fait de la haute voltige. Dans le cas de ce qu'on recherche, il faudrait comprendre qu'on a clarifié cette théorie du "best contract " en disant que ce n'est pas ce qu'on recherchait, mais on ne recherche pas non plus à avoir la totalité de la convention de la Presse. Je pense qu'il faudrait arrêter de se servir de cela comme étant un leitmotiv, une porte ouverte sur des déclarations d'intention qui ne correspondent pas aux faits.

Dans le texte du médiateur...

M. Ciaccia: Si je comprends bien, vous dites que vous n'êtes pas prêt à accepter totalement le règlement de la Presse...

M. Garon (Jean): Non, parce qu'il n'y a pas de contrainte. Ce qu'on a dit, ce qu'on a répondu et ce qu'on a maintenu — je pense qu'on est capable de le démontrer et on l'a fait — c'est que le texte de médiation accepté par la partie patronale ne constitue pas une contrainte réelle pour l'employeur. Quand on entend parler de la question des contenus et des exigences de chacun des postes, c'est évident que cela n'existait pas dans l'ancienne convention, mais cela existe aussi — pour reprendre le train des comparaisons — ailleurs. Je pense que les journaux ne sont pas en perdition pour ces motifs. Vous reprenez, au 4.01 du texte du médiateur: "L'employeur a le droit d'abolir les postes." Vous reprenez au 4.14, quand on parle des sections: "II a le droit de les abolir, de les créer, de les fusionner." Où est-elle la contrainte quant à la partie patronale dans un cas comme celui-là? Il faudrait le prouver ou matérialiser cela.

M. Ciaccia: La sécurité d'emploi ne répond pas à cette objection?

M. Garon (Jean): Non, la sécurité d'emploi est d'une nature individuelle. Les exigences et les garanties qu'on veut obtenir sont des garanties de nature collective. La sécurité d'emploi individuelle, c'est effectif, on l'a. Il faut comprendre aussi que, même sur la sécurité d'emploi, ce que le syndicat a accepté de négocier avec la partie patronale, c'est moins que ce qu'il avait dans l'ancienne convention.

M. Ciaccia: Quant aux ententes particulières, si je comprends bien la proposition du médiateur acceptée par la partie patronale, qui n'affectent pas, qui ne changent pas la convention collective, il y aurait une prohibition de faire des changements par des ententes particulières à la convention collective. Quant aux autres ententes particulières, est-ce que le seul point qui vous divise, c'est la présence d'un représentant syndical?

M. Garon (Jean): C'est-à-dire pour fins d'information, c'est ce qui nous divise. On comprend mal pourquoi le Soleil, avec son actuel rédacteur en chef, ne serait pas capable de vivre de ce avec quoi le rédacteur en chef vivait quand il était syndiqué à la Presse. Nous autres, ce qu'on vit, au niveau des ententes particulières, c'est la nécessité que le syndicat soit collectivement informé des ententes particulières qui sont celles qui ne sont pas dérogatoires à la convention, mais qui sont, dans le fond, des ententes sur des choses sur lesquelles la convention est muette. C'est inférieur, effectivement, à ce qui a été négocié à la Presse, et à ce qui existe depuis plusieurs années à la Presse. Je ne vois pas comment ce qu'on était capable de faire et ce avec quoi on était capable de vivre ailleurs, on ne serait pas capable de le faire au Soleil. Je ne pense pas que ce soit une atteinte aux droits de l'employeur. C'est tout simplement la nécessité normale. Dans une convention collective, si on doit ajouter des choses, sous forme de précédents, de nouvelles conditions, il faut que le syndicat en soit informé.

M. Ciaccia: La forme d'information que vous exigez, c'est qu'il soit présent, pas seulement que vous soyez informés après...

M. Garon (Jean): C'est cela. La seule façon d'être informé, c'est qu'au moment où c'est négocié, il y ait une représentation syndicale.

M. Ciaccia: Est-ce que vous avez des commentaires à ce sujet?

M. Beauvais: Sur les ententes particulières, ce serait une longue histoire, M. le député, pour décrire les discussions là-dessus. Je vais résumer la question en quelques mots. Le médiateur, après de longues discussions avec chacune des parties là-dessus, a proposé le texte qui vient de la convention du Devoir. Il faut également ajouter à cela que nous avons une disposition à 10.23, et je la cite: L'employeur ou l'employé ne peuvent suggérer, proposer ou accepter quelque compromis que ce soit, au niveau des dépenses, du salaire, du temps supplémentaire, des vacances, des congés, de la semaine de travail, si ce compromis va à l'encontre de l'une ou l'autre des clauses de la présente convention. Nous avons également dans l'article horaire de travail une disposition qui prévoit que toute discussion relative à l'application de la clause horaire de travail doit se faire au niveau du comité conjoint. Dans les discussions que nous avons eues avec la partie syndicale sur cette question, ce qui est ressorti, c'est que le syndicat voudrait nous empêcher d'avoir des relations quotidiennes sur n'importe quel sujet non prévu à la convention, sans qu'il y ait toujours le représentant syndical présent.

C'est un style de gestion qu'on ne peut accepter, et l'objectif poursuivi par le syndicat des journalistes dans le cadre de cette convention-ci, sur les ententes particulières, n'est pas du tout l'objectif atteint au journal La Presse. C'est un contexte absolument différent. J'imagine que c'est à la lumière de cet ensemble de discussions que le médiateur a proposé l'entente du Devoir, qui protège le journaliste contre toute entente dérogatoire à la convention.

Maintenant, en plus de ça, si jamais on discutait de quelque chose non prévu à la convention avec quelqu'un, le syndicat peut, en tout temps, l'amener au comité conjoint.

M. Ciaccia: Si c'est seulement — pour mon information — une question d'information, est-ce que c'est nécessaire — je le demande sincèrement — d'être présent au moment où les discussions ont lieu ou si c'est seulement nécessaire d'exiger que vous soyez informés de l'entente qu'il y aurait eu?

M. Garon (Jean): Non, mais je pense qu'il est peut-être plus utile d'être présent pour connaître les implications d'une telle entente, le précédent que cela pourrait créer, car, quand on n'est pas au courant, évidemment, c'est après le fait qu'on tente de se défendre ou d'intervenir. Ce qui est important, et je pense qu'à moins qu'on ait quelque chose à cacher, quand on fait des ententes particulières, ça devrait résister à l'analyse, ça ne serait pas, d'abord, dérogatoire, c'est prévu, mais si on fait une entente particulière, je ne vois pas pourquoi on aurait intérêt à la cacher. Si on a intérêt à la cacher, c'est parce qu'on ne veut pas que ce soit connu du syndicat. Si ça ne doit pas être connu du syndicat, ça doit être parce qu'il y a anguille sous roche, parce que si on veut faire... Tout ce qu'on demande, c'est de l'information. On n'exige pas de droit de veto là-dessus. Tout ce qu'on demande, c'est la possibilité de le savoir, et c'est au moment où c'est discuté qu'on connaît les implications, ce n'est pas quand on se fait dire: Ecoutez! La semaine dernière, on a conclu telle entente avec M. X et la chose est en marche. Il est un peu tard pour réagir ou même pour formuler — car on pourrait en formuler — des recommandations, suggérer des choses à I'employeur dans un cadre comme celui-là. Après, quand on est aux prises avec la situation existante, le précédent est créé et c'est extrêmement difficile de revenir sur des situations comme celle-là. Parfois, c'est une attitude qui mène aux affrontements, le fait de refuser l'information.

M. Ciaccia: Si je comprends bien, c'est le refus de l'information, le refus de participer aux discussions.

Une dernière question à la partie patronale. Dans le dernier paragraphe de votre mémoire, vous dites: "Pour le Soleil, les négociations sont terminées". Vous ne trouvez pas ça un peu récalcitrant, un peu dur? Quand on parle de... Peut-être que c'est une question de langage, mais on cherche ici des moyens de trouver une possibilité de résoudre le conflit et de permettre la publication du Soleil. Ne trouvez-vous pas cette attitude un peu dure?

M. Beauvais: M. le député, cette phrase est évidemment dure. La déclaration de M. Francoeur en date du 2 mai, par laquelle il informait le public qu'il maintenait le Soleil fermé indéfiniment, signifiait que nous avions déployé tous les efforts possibles dans trois offres globales dans une participation active avec les conciliateurs désignés par le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, par I'acceptation d'un rapport de médiation qui n'est pas bien habituel dans des conflits d'ordre privé sur des relations de travail. Nous avons multiplié les suggestions de compromis au médiateur au moment de la préparation de son rapport; il faisait la navette entre les parties. Nous sommes allés à la limite des compromis sur les questions majeures qui permettent au Soleil d'envisager l'avenir de façon viable. Sur les questions majeures, nous n'avons plus de compromis à faire. Il y a une expression en négociation que tout le monde connaît: On a touché le fond du baril. Par ailleurs, sur certains points techniques, certains ajustements — j'en ai même indiqué quelques-uns à M. Garon à I'occasion de la rencontre officieuse en présence de M. Leboeuf — le Soleil ne se montrerait pas intraitable au point de ne pas changer une virgule ou un iota.

Sur les points majeurs, des compromis ont été élaborés à travers le processus de négociation, de conciliation et de médiation; le médiateur a pigé dans les conventions collectives de tous les quotidiens de la province, ce qui nous impose une foule de contraintes. Nous sommes incapables de reprendre ces points et de continuer à en ajouter. C'est dans ce sens-là que les négociations pour le Soleil sont terminées.

M. Ciaccia: Une dernière question. Est-ce que les deux parties...

Le Président (M. Boucher): Alors, M. le...

M. Ciaccia: Une dernière question. Est-ce que les deux parties accepteraient l'arbitrage?

M. Garon: Pour répondre à votre question, je pense que l'arbitrage...

M. Charron: Vous pourrez réfléchir à cette question jusqu'à la reprise des travaux.

Le Président (M. Boucher): Nous sommes à l'heure de l'ajournement.

M. Ciaccia: Très habilement fait, M. le ministre. Pour leur permettre de répondre et de sauver...

M. Charron: De même à M. Beauvais.

Le Président (M. Boucher): Nous sommes à l'heure de l'ajournement et on m'informe que cet après-midi il sera probablement possible, pour autant que l'on aura l'ordre de la Chambre, de revenir après la période des questions vers seize heures. Nous ajournons nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 31)

Reprise de la séance à 16 h 42

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, messieurs! La commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre est de nouveau réunie pour entendre les parties dans le conflit du journal Le Soleil. Les membres de la commission sont: M. Bellemare (Johnson), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Ciaccia (Mont-Royal) remplace M. Forget (Saint-Laurent); M. Gravel (Limoilou), M. Johnson (Anjou), M. Guay (Taschereau) remplace M. Lavigne (Beauharnois); M. Pagé (Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud) et M. Charron (Saint-Jacques) remplace M. Vaillancourt (Jonquière).

Les intervenants sont: M. Blank (Saint-Louis), M. Brochu (Richmond), M. O'Neill (Chauveau) remplace M. Gosselin (Sherbrooke); M. de Belle-feuille (Deux-Montagnes) remplace M. Jolivet (Laviolette); M. Laplante (Bourassa), M. Lefebvre (Viau), M. Lavigne (Beauharnois) remplace M. Paquette (Rosemont); M. Garneau (Jean-Talon) remplace M. Saint-Germain (Jacques-Cartier); M. Samson (Rouyn-Noranda).

A l'ajournement de ce midi, nous en étions au député de Mont-Royal, qui avait posé une question aux deux parties patronale et syndicale concernant l'arbitrage.

M. le député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, en m'excusant préalablement auprès de ceux qui se préparent à nous donner cette réponse, nous reprenons nos travaux avec un peu de retard, c'est régulier dans un sens, et nous devrons arrêter nos travaux ce soir à 18 h 30 et les ajourner sine die.

M. Ciaccia: Excusez-moi, je n'ai pas entendu.

Le Président (M. Boucher): On vient d'annoncer que cela pourrait continuer jusqu'à 18 h 30. Alors, avec le consentement de la commission, nous pourrons continuer jusqu'à 18 h 30.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, j'avais posé une question avant l'ajournement à 12 h 30, demandant si les parties accepteraient l'arbitrage.

M. Garon (Jean): Je pense que la meilleure façon de répondre à votre question est de rappeler le fondement de l'attitude du syndicat depuis le début. Nous avons toujours souhaité une solution négociée au conflit qui nous oppose au Soleil depuis le 29 août. Je pense que, là-dessus aussi, notre mémoire est clair et les gestes qu'on a posés au cours des derniers jours et des dernières semaines, sont aussi très clairs. La conclusion de l'intervention du mémoire patronal est aussi très claire. De la même façon qu'on fonctionnait dans la salle de rédaction, qu'on a fonctionné au cours des négociations, on en arrive en commission parlementaire à se faire dire que les négociations sont terminées, que, donc, il ne se passera plus rien. Quant à nous, nous avons participé, on l'a dit et on l'a répété dans le mémoire, de bonne foi à l'élaboration d'une formule de médiation au cours de la dernière semaine, formule que la partie patronale a, dans un premier temps, agréée pour ensuite refuser sa participation.

Or, nous pensions, à ce moment-là, et c'est une suggestion que nous avions d'ailleurs faite à Me Leboeuf alors qu'il n'était à cette époque, que conciliateur, que s'adjoindre quelqu'un du monde de l'information permettrait d'en arriver à trouver des formules de règlements pour regarder ces problèmes dans le cadre où ils s'appliquent. Le conflit de travail au Soleil, dans un certain sens et même dans tous les sens, n'est pas un conflit comme les autres, c'est un conflit qui se passe dans le domaine de l'information.

Or, cette formule, à cette époque, n'a pas été retenue pour toutes sortes de raisons. Elle est revenue, au cours des derniers jours, comme tentative ultime du ministère avant la convocation de la commission parlementaire. Le syndicat s'est montré prêt à y participer et se montre encore prêt à participer à une formule de ce genre. Nous avons également répondu, dans notre mémoire, que nous étions prêts à envisager toute formule de médiation.

C'est notre position quant à la question que le député de Mont-Royal nous posait.

Le Président (M. Boucher): M. Beauvais.

M. Beauvais: Voici, il y a deux parties à la question. Le député a, en premier lieu, demandé si les parties accepteraient l'arbitrage et je comprends que le syndicat n'y soit pas disposé. Je dois dire que le Soleil non plus n'est pas disposé à accepter l'arbitrage. La deuxième partie concerne la médiation.

En fait, lorsque le Soleil a demandé au ministre du Travail de désigner un médiateur, c'était une formule d'arbitrage non obligatoire. Il y avait, à ce moment-là, 150 clauses en suspens. Des efforts considérables avaient été faits par le conciliateur, M. Leboeuf, pour rapprocher les parties. Il s'avérait absolument impossible d'en venir à un règlement négocié. Qu est-ce qui restait à faire? Ce n'est pas habituel, pour un employeur, de demander au ministère du Travail la médiation dans la forme où nous l'avons fait. Je suis convaincu que M. le ministre n'a pas souvent reçu de telles demandes.

Nous demandions au ministre d'envoyer une tierce partie, investie de l'autorité du ministère, qui examinerait et discuterait avec les parties des 150 questions en suspens. C'est le travail que le médiateur a fait; il a pris trois semaines. Nous lui avons même formulé 68 suggestions, je crois. Un rapport a été déposé. C'est un rapport d'arbitrage, non obligatoire. C'est une médiation. Nous l'avons acceptée. Nous ne voyons aucunement un autre médiateur, ou d'autres médiateurs, venir faire des recommandations sur les recommandations du médiateur. La médiation a lieu une fois et les parties la prennent ou la laissent. Mais elle est faite. On veut suggérer une formule où des gens du monde de l'information seraient impliqués. Je dois vous dire que nous n'avons pas reçu de proposition formelle pour une telle idée, mais un appel téléphonique d'un officier du ministère nous demandant ce que nous pensions de l'idée. On a même avancé un nom à ce moment-là.

J'ai eu trois rencontres, au début du mois de mai, en présence de M. Leboeuf et de M. Garon, où nous avons parcouru, page par page, le rapport du médiateur. En aucun moment, M. Garon ou moi-même n'avons soulevé la moindre difficulté, dans le rapport de médiation, sur la gestion d'une salle de rédaction. M. Leboeuf a consacré onze semaines à l'analyse du dossier et son rapport est sans aucune bavure quant à la fonction ou à la façon de fonctionner dans une salle de rédaction. Qu'est-ce que viendrait ajouter aujourd'hui la présence d'une personne du monde de l'information, si on en trouvait qui aurait les caractères d'objectivité voulus dans le présent conflit? Parce que les gens versés dans le domaine font partie soit de la rédaction, soit de salles de rédaction, à titre de cadres ou de syndiqués. Nous ne voyons aucunement l'utilité d'une nouvelle médiation sur une médiation déjà complétée.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Johnson: Est-ce qu'on pourrait savoir ce que les employés de soutien ont à dire à ce sujet?

Le Président (M. Boucher): M. Dionne.

M. Oionne: On adopte exactement la même position que celle du SJQ là-dessus.

Le Président (M. Boucher): Je donne maintenant la parole au député de Johnson.

M. Bellemare: Pas pour me la retirer trop tôt, n'est-ce pas?

Le Président (M. Boucher): On va essayer de respecter la période de quinze minutes.

M. Bellemare: Je voudrais parler un peu, si c'est possible, à M. Beauchamp. Est-ce qu'il est muet? Est-ce qu'il veut répondre? Ou avez-vous un mandat de représenter M. Beauchamp, tout ce qu'il peut penser et dire? Je voudrais bien lui poser certaines questions.

M. Beauchamp (Claude): Je n'ai pas de micro.

M. Bellemare: Vous n'avez pas de micro? On va vous en fournir un, parce que c'est bien important.

Est-ce que la nouvelle formule de médiation qui a été proposée, celle d'avoir un expert, un véritable connaisseur des salles de rédaction, n'était pas de M. Sauvageau?

M. Beauchamp: A qui posez-vous la question? On ne m'a fait aucune proposition et je n'ai pas parlé avec qui que ce soit de ce sujet-là.

M. Bellemare: M. Sauvageau n'a pas été proposé comme...

M. Beauchamp: Pas à moi, à M. Beauvais. M. Bellemare: A M. Beauvais? M. Beauchamp: Oui.

M. Bellemare: M. Beauvais. vous allez me répondre en attendant que je pose d'autres questions à M. Beauchamp. Est-ce que c'est vrai que cette proposition a été soumise?

M. Beauvais: Le nom de M. Sauvageau m'a été avancé samedi matin dernier, vers 10 h 15, par un officier du ministère. La réponse que j'ai donnée, c'est qu'en ce qui concerne le Soleil, nous voyons difficilement comment M. Sauvageau pourrait venir jouer un rôle dans le présent conflit. M. Sauvageau était directeur de la rédaction au Soleil à I'automne 1973, au moment où débutaient des négociations pour le renouvellement de la convention collective des journalistes. Les journalistes avaient fait exactement les mêmes demandes syndicales que celles que vous voyez dans le début de notre rapport. Ils se plaignaient des mêmes points. ils avaient les mêmes griefs et les mêmes commentaires à l'égard du directeur de la rédaction.

M. le député, nous avons eu neuf directeurs de la rédaction. M. Sauvageau a été confronté à ces problèmes et certaines des questions qui ont été discutées dans la présente négociation relevaient de sa responsabilité lorsqu'elles ont été posées. Comment peut-il aujourd'hui venir agir comme tiers indépendant dans un conflit, dans une salle de rédaction, si vous permettez, dont il a été le directeur en chef pendant une bonne période?

M. Bellemare: M. Sauvageau a donc été refusé par vous?

M. Beauvais: Oui. monsieur.

M. Bellemare: Bon, premier principe.

M. Johnson: Si le député de Johnson, le permet, étant donné, qu'on a mentionné que c'était venu suite à une conversation, je pense, entre M. Garon et M. Blain et ensuite entre M. Beauvais et M. Blain, qui est directeur général des relations de travail, je peux dire qu'en aucun temps, cependant. M. Sauvageau n'a été approché par nous pour jouer un tel rôle. Je voudrais être juste à son égard et à l'égard de tout le monde. C est une hypothèse qui avait été avancée par quelqu'un. En faisant le travail qui est celui, je pense, de la direction générale du travail, M. Blain a envoyé ce que les Français appellent un "feeler ' pour voir comment les parties pourraient réagir et peut-être s'éviter une commission parlementaire. Je pense qu'on en a le résultat.

M. Bellemare: M. Sauvageau a donc été refusé par la partie patronale? Vrai ou faux?

M. Beauvais: C'est exact, M. le député.

M. Bellemare: Merci infiniment. Il aurait été de bonne convenance, même si vous ajoutez qu'il a pu participer à certaines autres négociations, que de consulter un homme comme lui qui, véritablement, aurait pu faire partie d'un conseil de médiation avec un représentant patronal, syndical et gouvernemental, le médiateur du temps, M. Le-boeuf. Je pense qu'avec ces quatre ensemble, on aurait pu trouver véritablement un moyen d'arriver peut-être à une entente. Quand j'ai entendu votre panégyrique ce matin... M. Beauchamp, vous avez participé à la rédaction de ce magnifique document que le patron nous a lu ce matin, magnifique! Toutes des concessions et du bon vouloir, et la gifle que vous nous donnez en dernier où il est dit: "Pour le Soleil, les négociations sont terminées." Pensez-vous que c'est de la bonne foi de la part du patron? Est-ce qu'on ne doit pas garder un espoir pour régler ce problème? La gifle que vous nous avez donnée, on n'y est pas insensible. Vous nous dites: "Pour le Soleil, les négociations sont terminées." Qu'est-ce que vous faites ici? Pourquoi donc argumenter avec nous autres si c'est fini? On essaie de vous aider et vous nous dites: Vlan! Vous, M. Beauchamp, particulièrement, qui connaissez l'art dramatique du journalisme, vous devez avoir lu cette phrase, je pense bien. Cela ne vous a pas fait quelque chose de dire cela?

M. Beauchamp: Non. il y en a une autre qui précède celle-là et qui demande, en quelque sorte, à la commission parlementaire d'amener les syndicats concernés à bien examiner ce qu'ils ont devant eux et à réaliser, eux, qu'ils ont, comme vous dites, une convention collective magnifique.

M. Bellemare: Cela veut dire que ce n'est pas vrai que les négociations sont terminées.

M. Beauchamp: En ce qui nous concerne, les négociations sont terminées. C'est bien écrit dans le document que M. Beauvais vous a lu ce matin.

M. Bellemare: Oui. comme M. Francoeur a dit, que le journal était pour fermer aussi!

M. Beauchamp: M. Francoeur a dit que le journal... je pense que vous avez en annexe la déclaration de M. Francoeur.

M. Bellemare: Oui, je l'ai lue.

M. Beauchamp: Cette déclaration dit qu'étant donné que le syndicat ne veut pas accepter le même compromis que nous...

M. Bellemare: Pourquoi, à la page 7 dites-vous: "Le médiateur, après examen de cette question et de longues discussions avec chacune des parties, a tranché en faveur du syndicat sur cette question. Il recommande l'insertion dans la convention de la clause en vigueur." Ce n'est pas là, c'est l'autre page, je me suis trompé, un instant.

Dans une de vos déclarations, onze sujets sur lesquels vous nous dites ne pas être capable de répondre. Je voudrais la trouver. Seulement un instant, je l'ai soulignée. Alors, passons, je l'ai manquée celle-là, mais cela ne fait rien, on va y revenir.

Je suis bien content de voir que, au moins, vous vous êtes parlé ce matin. Il y a eu un commencement de dialogue sensible, raisonnable et qui peut produire des effets.

Vous nous avez dit dans votre mémoire que, pour les ententes particulières, il n'y avait pas de problème, parce que, en 1970, à la Presse et à Montréal-Matin, cela avait déjà été reconnu.

Je suis content de voir qu'il n'y a plus d'objection à reconnaître les ententes particulières. Vrai ou faux?

M. Beauchamp: C'est reconnu, M. Bellemare, comme c'est marqué dans le rapport du médiateur, nous acceptons la...

M. Bellemare: M. Garon, je vous pose la question, à savoir si c'est bien ça que vous avez compris, vous aussi.

M. Garon (Jean): En partie. Ce que M. Beau-champ répond, c'est qu'il s'en tient toujours au

texte du médiateur, ce qui est différent de notre demande à nous.

M. Bellemare: II fait quoi? Oui, vous avez expliqué ça brièvement ce matin, à une question qui vous a été posée par le député de Mont-Royal...

M. Garon (Jean): Oui.

M. Bellemare: ... mais j'ai compris qu'il y avait là-dedans une intention presque partielle, mais qui existait, que vous sembleriez vouloir accepter ce principe qui a été émis par la partie patronale, donc, un progrès sensible.

Deuxième chose, le plancher d'emploi. Est-ce que, M. Beauchamp, les 100 personnes qui sont en grève vont pouvoir occuper de nouveau leur poste avec les mêmes avantages qu'elles avaient auparavant?

M. Beauchamp: M. Bellemare, c'est marqué dans le rapport du médiateur que nous avons accepté, que nous accordons la pleine sécurité d'emploi à tous ceux qui sont à l'emploi du Soleil au moment de la rentrée.

M. Bellemare: Avec le nombre de 100?

M. Beauchamp: Tous ceux qui vont être là, je ne sais pas s'il y en a qui vont abandonner le Soleil...

M. Bellemare: Non, non...

M. Beauchamp: ... mais tous ceux qui vont être là.

M. Bellemare: On vous demande 100, oui ou non?

M. Beauchamp: Nous reprenons tous les employés qui vont revenir.

M. Bellemare: Alors, M. Garon, qu'est-ce que vous dites?

M. Garon (Jean): Ce qu'on comprend de ça, c'est, si on est prêt à donner au moins 100 journalistes, pourquoi refuser de l'inscrire dans la convention collective?

M. Bellemare: Bon! Alors, un autre point de gagné.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais...

M. Bellemare: Troisièmement...

Le Président (M. Boucher): ... s'il vous plaît... M. le député de Johnson, s'il vous plaît! Je demanderais à la salle, s'il vous plaît, de ne pas manifester, étant donné qu'en vertu du règlement...

M. Bellemare: Mais vous ne pouvez pas les empêcher de rire, voyons!

Le Président (M. Boucher): ... et vous avez provoqué...

M. Bellemare: C'est impossible. Ils ne peuvent pas parler.

Le Président (M. Boucher):... autre chose que des rires, M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Troisièmement, vendre des textes des journalistes à d autres, c'est interdit ailleurs. Est-ce que vous avez dit, ce matin, dans votre rapport, que vous consentiez à faire certaines concessions?

M. Beauchamp: Nous disons que, sur ce point-là, en ce qui nous concerne, c'est la liberté absolue du journaliste d'accepter ou de refuser de vendre ses articles.

M. Bellemare: Bon! Alors, vous, M. Garon, qu est-ce que vous dites?

M. Garon (Jean): Là-dessus, on a répondu assez clairement ce matin que ce n'était pas notre position... (17 heures)

M. Bellemare: Un autre point de gagné!

Quatrièmement, le statu quo ante, grief collectif avant sentence arbitrale. Monsieur, j'ai entendu de Me Marsolais l'explication tacite, moins le cas particulier d'un employé qui s'appelle Mme...

M. Johnson: Mme Voisard.

M. Bellemare: ... Voisard. C'est cela. Je vous remercie de m'aider, vous autres. Mme Anne-Marie Voisard. J'ai compris que, dans votre déclaration, ce matin, vous ouvriez grandes les portes au statu quo ante et que c'était facile de trouver la solution finale. Vrai ou faux?

M. Beauchamp: Nous avons accordé, dans la convention collective, un texte nouveau qui n'existait pas dans l'ancienne et par lequel nous accordons le statu quo ante sur toutes les mesures disciplinaires.

M. Bellemare: On a vu cela avec le pouvoir de grief devant...

M. Beauchamp: C'est cela.

M. Bellemare: M. Garon, répondez-vous?

M. Garon: Là-dessus, c'est évident. Cette position a été constatée insatisfaisante par le syndicat. Là-dessus, on a toujours considéré que le statu quo ante, selon la formule suggérée par la partie patronale et la formule suggérée par le médiateur, n'est pas suffisant et c'est trop limitatif.

M. Bellemare: Ecoutez! C'est bien proche; où cela accroche-t-il?

M. Garon: Ce n'est pas proche.

M. Bellemare: Ce n'est pas proche?

M. Garon: Non, ce n'est pas proche là-dessus.

Une Voix: Un autre point de gagné.

M. Bellemare: Non, un instant. On a fait des progrès, on a fait des progrès. Attendez! La commission parlementaire prouve à l'évidence, cet après-midi, qu'on a fait des progrès. Et vous dites que, dans le statu quo ante...

M. Garon: Dans le statu quo ante, on n'est certainement pas près l'un et l'autre puisque, d'abord, on demande un statu quo ante sur les griefs de nature collective.

M. Bellemare: Vous ne refusez pas de négocier?

M. Garon: On n'a jamais refusé de négocier.

M. Bellemare: Bon. M. Beauchamp, refusez-vous de négocier sur ce point-là?

M. Beauchamp: Non seulement on ne refuse pas de négocier, M. Bellemare, mais on a même accepté un règlement complet qui s'appelle le rapport du médiateur.

M. Bellemare: Alors, vous seriez prêts à négocier?

M. Beauchamp: Oui, mais je pense que...

M. Bellemare: Alors, ce que vous avez écrit, que les négociations étaient finies, ce n'est pas vrai.

M. Beauchamp: On a accepté un règlement, M. Bellemare, qui est le rapport du médiateur que vous avez devant vous.

M. Bellemare: Vous n'êtes pas ici...

M. Beauchamp: On a accepté un règlement au complet.

M. Bellemare: Vous n'êtes pas ici, mon cher monsieur, pour nous dire que c'était impossible de négocier. On veut savoir si vous êtes de bonne foi. Au moins, si un verre de lait est renversé, tu ne peux pas le remettre dans une fiole, ça, on le sait.

M. Beauchamp: M. Beauvais...

M. Bellemare: II reste un fait certain, c'est que...

M. Beauchamp: M. Beauvais a répondu très clairement là-dessus. En ce qui concerne les points fondamentaux pour le journal Le Soleil, les négociations sont terminées. Nous sommes évidemment ouverts à regarder tous les aménagements techniques qui pourraient être apportés; nous ne sommes pas fermés à cela, pas du tout.

M. Bellemare: Je suis bien d'accord, M. le Président, pour dire que la communication qui s'est établie entre la partie patronale et la partie syndicale s'est améliorée d'au moins 75%. Je suis content de voir cela. Cela m'encourage à continuer mon travail et à vous solliciter de le parfaire.

Les conventions collectives, je n'ai pas besoin de vous dire que j'en ai vu plusieurs dans ma vie, et même si on barrait les portes pour finir les derniers moments, c'est déjà arrivé, c'est vrai, mais on réussissait quand même à s'entendre, parce que des hommes, entre eux, cela ne peut pas ne pas finir par s'entendre, c'est impossible. Il ne vous reste presque plus rien à décider entre vous. Il y a sûrement, M. le Président, dans les mémoires qui nous ont été donnés, des dispositions assez merveilleuses, de bonne entente et de bonne participation des deux côtés. La partie syndicale a dit qu'elle avait fait certaines concessions après avoir été au summum, avoir demandé ce qu'il y avait de mieux, le ministre ce matin a dit: Ecoutez, il ne faudrait pas que vous essayiez de prendre the best...

M. Johnson: The best contract.

M. Bellemare: ... the best contract, c'est vrai, il ne faudrait pas essayer de prendre ce qui est meilleur de tout ce qui existe et essayer de l'appliquer. Je l'ai dit à M. Garon, ce matin, et je le répète, une convention collective, s'il n'y a pas des deux parties des concessions majeures, on ne peut pas obtenir en même temps tous les avantages qu'on désirerait obtenir. Les conventions collectives se négocient deux ans, trois ans, quatre ans et, après cela, encore une autre négociation. Il y a eu, en 1974, bien des droits acquis que vous avez essayé, vous M. Beauchamp, de faire disparaître. Ah oui! Dans votre texte et dans les questions qu'on pourrait vous poser. Je vous reproche cela. On ne peut pas, mon cher, en relations de travail, essayer de brimer le syndicat, parce que cela nous nuit, parce qu'on n'aime pas les syndicalistes. Untel, Untel. On connaît cela. Mais il reste une chose certaine, les droits acquis, que vous avez essayé de retirer, je pense que le syndicat a fait sa part pour modérer ses ambitions, modérer ses revendications.

Il est rendu actuellement à une question un peu drôle quand il dit, par exemple, qu'il ne voudrait pas qu'on le taxe... à la résistance au changement, au chauvinisme des journalistes à l'égard de leurs patrons montréalais, à un quelconque complot de congestion de cogestion.

Vous savez, cela peut vous faire rire, mais celui qui vous parle n'a pas un cours universitaire. Et je suis bien content d'avoir été au moins chercher la philosophie du trottoir des gens, cela m'aide encore bien plus qu'autre chose.

M. Guay: Qu'est-ce que vous faisiez dans la vie?

M. Bellemare: Ceux qui ont de grands diplômes sur les murs... Il reste un point de stratégie aussi. Est-ce que vous seriez prêt, demain matin, à l'encontrer le médiateur, que je félicite en passant. Il a fait un travail extraordinaire. Je pense que le travail qu'il a fait mérite qu'on le souligne, parce que véritablement il a apporté, dans l'étude de ce problème difficile, le meilleur de lui-même. M. le Président, je lui rends témoignage puisque personne ne l'a fait avant moi et son travail a été merveilleux. Surtout, il a trouvé des solutions, pas tout à fait à 100%, mais à 99%.

Il reste un sujet, M. le Président, que je voudrais simplement développer pendant deux minutes, parce que je sais que mon ami de Sainte-Marie m'a dit tout à l'heure: Si, M. Bellemare, vous prenez tout le temps, je n'aurai pas le temps de parler. C'est vrai. Le député de Sainte-Marie est un homme qui connaît les relations de travail, c'est surtout un homme brillant, sauf qu'il a commis, comme d'autres, un péché quand il s'est présenté... En tout cas.

M. le Président, à la clause 11. 101 au deuxième paragraphe, lorsqu'il est fait mention de mesures disciplinaires, pouvez-vous nous donner des exemples de l'application et aussi de la non-application de ce paragraphe, s'il vous plaît?

M. Beauvais: Est-ce que la question est adressée au Soleil, M. Bellemare?

Le Président (M. Boucher): Vous adressez votre question...

M. Beauvais: Elle est adressée à M. Marsolais. Le Président (M. Boucher): A M. Beauvais? M. Bellemare: M. Beauvais. Le Président (M. Boucher): M. Beauvais.

M. Bellemare: Est-ce que j'en ai des gens qui me surveillent, hein? Au moins, ça va reposer les gens un peu, ça va les faire rire. Si on n'est pas bon pour une risée, on n'est pas bon pour grand-chose.

Dans les conditions, M. le Président, du paragraphe 2, lorsqu'il est fait mention de mesures disciplinaires, pouvez-vous nous donner des exemples de leur application, M. Beauvais?

M. Beauvais: M. Bellemare, si, au Soleil un journaliste commet des actes dérogatoires, et que le Soleil en vient à la conclusion qu'il veut le congédier, en suivant une procédure bien définie dans la convention, un avis de congédiement lui est alors transmis. Avec cette clause qui est nouvelle, le congédiement ne prend pas effet, si un grief est logé, avant que la sentence arbitrale soit prononcée. C'est l'effet de cette clause.

Ce que le syndicat voudrait, c'est d'étendre cette clause à toute décision pouvant intéresser l'ensemble des journalistes et aux cas de mutation; ce qui veut dire que si nous voulons muter un journaliste d'un endroit à un autre, pour reprendre l'exemple donné par M. le ministre ce matin, si un journaliste est accidenté et que nous devons le remplacer immédiatement, si celui qu'on veut mettre à ce poste refuse et dépose un grief, nous ne pourrons pas effectuer la mutation tant et aussi longtemps que la sentence arbitrale ne sera pas rendue.

C'est ce que nous refusons. Mais nous acceptons, que dans tous les cas de mesures disciplinaires, sauf les quelques cas graves mentionnés dans la clause 11-10b, de suspendre l'application de notre décision jusqu'à la sentence arbitrale. Même pour une suspension, le même principe s'applique. Cette clause avait été proposée avant le déclenchement de la grève, elle a été améliorée par le médiateur, qui a pris textuellement la clause de la Presse, nous l'acceptons. Le syndicat la refuse et voudrait aller plus loin.

M. Bellemare: M. Beauvais, est-ce que, dans votre mémoire, à la page 6, vous ne vous dites pas, d après le rapport du médiateur, qu'il s'y ajoute onze nouvelles clauses qui imposent au Soleil des contraintes considérables qu'il a acceptées. Pourriez-vous nous en citer quelques-unes?

M. Beauvais: Elles sont toutes énumérées à la page 6, le plancher quantitatif et qualitatif d'information en est un, l'obligation de procéder dans les 90 jours de la signature de la convention à la description de chacune des exigences et de la nature de chacun des postes de la salle de rédaction, c'en est une autre. Dans le cas de mutation d'un employé, il n'existait pas de droit de grief: il existe maintenant, que ce soit d'une section à une autre, ou même à l'intérieur d'une section. Le grief ouvert n'existait pas dans l'ancienne convention, il existe maintenant et c'est le médiateur qui nous l'a imposé. Dans le cas de fusion et d'intégration, toute la page 6 et toute la page 7 constituent des interventions du conciliateur. Nous ne les aimons pas toutes.

M. Bellemare: Est-ce que M. Garon peut me dire s'il est satisfait de ces onze offres nouvelles faites par le médiateur?

M. Garon: Non. Quand on a déposé notre projet de convention collective et le résultat des négociations, cela a été une tentative de mettre à jour la convention collective. On insiste dans le rapport qu'on a présenté, dans le mémoire qu'on a déposé ce matin, pour dire que le Soleil a changé fondamentalement entre la période où il était, la propriété des frères Gilbert, donc une entreprise familiale, et le moment où il est passé à l'intérieur d'un consortium. Ce qu'on a fait, c'est tenter d'adapter notre convention collective, qui était peut-être bonne dans le temps, mais qui avait besoin d'être mise à jour. C'est un peu une nouvelle convention collective que nous étions en

train de négocier, à la limite une première convention collective. C'est pour cela qu'on retrouve un certain nombre de ces éléments.

Si on revient à la question des mesures disciplinaires, les mutations, pour nous, cela peut constituer — et souvent cela constitue — des mesures disciplinaires. On a déjà logé deux griefs, que le syndicat a d'ailleurs gagnés, concernant des mutations. On pense que les mutations devraient être aussi sujettes au statu quo ante. C'est évident que les explications...

M. Bellemare: Mais les concessions qu'a faites le médiateur, qu'il vous a faites à vous...

M. Garon: Cela ne constitue pas des contraintes, selon nous.

M. Bellemare: Cela ne constitue pas des contraintes.

M. Garon: Parce qu'il n'y a pas d'obligation réelle d'appliquer...

M. Bellemare: Mais c'est un pas considérable en avant. Vous l'admettez?

M. Garon: C'est un changement, évidemment, avec la situation antérieure. Mais si l'entreprise était demeurée la même, dans le même contexte, avec le même mode de fonctionnement, c'eût été différent. Mais le pas est moins grand lorsqu'on songe aux changements qu'a subis l'entreprise, à la modification de ses opérations et de son mode de gestion.

M. Bellemare: Mais le médiateur a fait sa part pour vous offrir quelque chose qui soit une amélioration.

M. Garon: Oui. Mais quand on parle d'un plancher d'information, ce n'est pas un plancher d'emploi. Quand on parle d'un plancher d'information, ce n'est pas contraignant de la façon que le médiateur nous le suggère. On introduit le principe, mais si on ne met rien pour asseoir le principe et s'assurer qu'il soit appliqué de façon absolue, c'est une amélioration qui est un peu chambranlante.

M. Bellemare: M. Garon, je suis content de voir que votre pensée s'est améliorée énormément depuis ce matin. Je vous félicite. Je suis sûr que maintenant que la commission parlementaire a entendu ces mémoires, comme ceux des employés de soutien, on pourra facilement trouver une solution qui soit pour le plus grand bénéfice de tout le monde.

Je termine ma série de questions en vous disant que le travail parlementaire qu'a fait ce matin la commission a été très utile, parce que, véritablement, on a débouché les oreilles des sourds. On a permis à ceux qui ne parlaient pas de s'exprimer, non seulement devant un bureau de direction, confortablement assis avec un bon salaire qui peut dire: Vous autres les gars de la grève, arrangez-vous. Non. Je pense qu'on a pris conscience d'un fait, c'est qu'il y a une grève, qu'il y a des gens qui sont malheureux. Le pain quotidien qui manque sur les tables depuis neuf mois, cela commence à faire mal à du monde. Cela commence à faire mal aussi aux patrons. Cela va prendre des années pour se reprendre.

Je suis bien content, M. le Président, des quelques défauts de parole que j'ai pu avoir. Vous m'avez corrigé et je vous en remercie. Mais je suis sûr, M. le Président, qu'on va arriver avant six heures à un bon consensus. Vous allez partir la main dans la main et le "Soleil" va briller d'ici peu. (17 h 15)

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Johnson.

M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci, M. le Président. Avec les progrès qui viennent d'être accomplis, il va falloir que je sois prudent dans mes questions.

J'aimerais, tout simplement pour m'éclairer et, je pense bien, pour éclairer aussi les membres de la commission... Je m'adresserai plutôt à M. Beau-vais à ce moment-ci. On a beaucoup insisté, ce matin, dans votre mémoire et par les réponses qui ont été données aux questions qui ont été posées, sur le fait qu'on ne veut pas, du côté de l'employeur, accepter une cogestion de la salle de rédaction. Ai-je bien compris?

M. Beauvais: Oui, monsieur.

M. Roy: J'ai cru comprendre — je m'adresserai à M. Garon — qu'il ne semblait pas être exigeant au niveau de la cogestion de la salle de rédaction, mais que c'était plutôt au niveau de l'information. Ai-je encore bien compris?

M. Garon (Jean): Vous avez bien compris.

M. Roy: En somme, je pense que, de ce côté-là, il y aurait lieu de réexaminer la question, parce que, si on parle d'information, cela n'a pas la même signification que la cogestion. Je pense qu'il y a là un point fondamental, du moins de par les rumeurs qui ont circulé, les nouvelles qui ont circulé, les nouvelles qu'on a pu obtenir, il semblait que c'était une question fondamentale dans le présent conflit. Si, du côté syndical, on parle d'information et qu'on ne demande pas la cogestion, je pense que, du côté de l'employeur, on n'a pas à refuser la cogestion puisqu'on ne la demande pas. Ce serait peut-être un point, M. le Président, que nos interlocuteurs devraient examiner de près, du moins le regarder avec des lunettes d'approche, mais faire attention de les poser dans la bonne direction, parce que, si on les pose à l'envers, cela éloigne.

J'aurais un deuxième point. On a fait état aussi de l'article 4.14 pour ce qui a trait aux sections d'information. Dans le texte patronal — je me réfère au document jaune qu'on nous a remis — au sous-paragraphe b) de l'article 14, on dit: "La

liste des sections prévues au paragraphe a) est automatiquement modifiée, si l'employeur crée ou abolit une section ou s'il fusionne des sections." Ceci, par ce que j'ai entendu de la part de la partie syndicale, M. Garon, remet en cause les concessions que le syndicat a pu obtenir dans les clauses précédentes. Je ne suis pas un expert en...

M. Garon (Jean): C'est parce que le paragraphe b) détruit le principe qui est introduit précédemment, de la même façon dans le 4.01, sur les secteurs d'actualité. On les énumère, mais, plus loin, on dit qu'on peut abolir les postes et qu'on peut faire les modifications que l'on veut.

M. Roy: Est-ce que, du côté patronal, on est prêt à examiner, à réexaminer cette disposition, cet article? Est-on prêt à l'examiner à nouveau, à l'analyser à nouveau?

M. Beauvais: M. le député, je crois que vous avez fait référence au texte syndical et non pas au texte patronal.

M. Roy: Ici, le texte patronal dit ceci: l'article 4.14.

M. Beauvais: Permettez-moi, en premier lieu, de souligner que ce qu'on indique comme texte patronal, c'est le texte du médiateur dans ce document.

M. Roy: Ah bon! Document comparatif des clauses en suspens.

M. Beauvais: D'accord. Quel est le sens de votre question, s'il vous plaît, M. le député?

M. Roy: Ma question, c'était pour savoir si, du côté patronal, ce sous-paragraphe b) est un paragraphe auquel le côté patronal tient sans aucune discussion, tient mordicus. Il se lit comme suit: La liste des sections prévues au paragraphe a) est automatiquement modifiée si l'employeur crée ou abolit une section ou s'il fusionne des sections." Du côté patronal, est-ce discutable, cette question?

M. Beauvais: C'est un droit que l'éditeur veut conserver, celui d'adapter la structure de la salle de rédaction aux changements dans le domaine de l'information. Pour vous donner un cas bien vécu, qui a même été cité dans le mémoire syndical de ce matin, nous avons créé, il y a quelques années, une section environnement. Le syndicat nous reproche amèrement d'avoir aboli la section environnement. Est-ce que cela veut dire qu'on ne couvre plus cette matière ou ce secteur d'activité? Pas du tout. Ce qui s'est produit, c'est que l'environnement a pris tellement d'importance que le chroniqueur de chasse et de pêche parlait d'environnement, que celui préposé aux finances pouvait en parler à l'occasion du coût de construction d'un projet, qu'un autre dans un autre secteur en parlait et que tout le monde se pilait sur les pieds.

On a décidé de reporter à chacune des sections le sujet environnement et de réaffecter le spécialiste en environnement dans une autre section pour parler de l'environnement sur un point plus particulier. Nous devons être en mesure en tout temps, dans un journal, d'adapter la structure et les sections suivant la réalité changeante de

I'information.

M. Roy: Concernant ces changements, dans le passé, est-ce que cela a été discuté avec la partie syndicale ou sont-ce des décisions qui ont été prises de façon unilatérale, sans consultation, sans avis, sans information aux employés qui étaient les plus directement concernés, puisqu'il s'agit de leur fonction qui est en cause?

M. Beauvais: II est bien évident que tout changement de cette nature doit être discuté au préalable, avant l'exécution de toute décision avec la partie syndicale. Le comité conjoint le prévoit spécifiquement.

M. Roy: Est-ce que vous seriez prêt à accepter une clause dans la convention collective?

M. Beauvais: Elle y est déjà, mais s'il fallait la reformuler pour donner plus de garanties quant à ses droits de consultation, il n'y aurait aucun problème là-dessus.

M. Roy: J'aimerais avoir le commentaire de M. Garon là-dessus.

M. Garon (Jean): C'est totalement faux. Pour la disparition de l'environnement, le syndicat n'a jamais été consulté là-dessus. Secundo, au cours de la négociation, on a fait une démonstration assez claire. Il y avait un comité, qu'on appelait le conseil de rédaction, qui était un comité consultatif qui existait par le passé. A un certain moment, le syndicat a mis la main sur un document patronal signé de la main du directeur de l'information où on parlait de l'introduction d'une nouvelle politique de l'information au Soleil. On disait:

II y a deux façons d'introduire cette nouvelle politique de l'information. C'est de l'appliquer de haut en bas dans la structure décisionnelle, que les cadres l'appliquent, l'imposent aux employés, ou qu'on procède par voie de consultation à ce fameux comité, qui s'appelait le conseil de rédaction. Il était prévu dans la convention que cela devait passer par le conseil de rédaction. Ce n'est jamais passé par le conseil de rédaction. Tous les changements qui ont été faits, quant au secteur de couverture ou quant à la façon de modifier les structures de la rédaction, ne se sont jamais faits en consultation avec le syndicat.

M. Roy: J'aimerais avoir les commentaires de M. Beauvais sur ce que vient de dire M. Garon.

M. Beauvais: Sur le plan des faits, je crois qu'il serait plus conforme de dire que cette question a été soumise au conseil de rédaction. Pendant les négociations, le syndicat a demandé

l'abolition du conseil de rédaction. Nous avons trouvé malheureuse cette suggestion syndicale. Nous avons aboli le conseil de rédaction et nous avons accepté de reporter au comité conjoint les sujets qui, auparavant, allaient au conseil de rédaction.

L'idée du Soleil, à ce sujet, était d'avoir deux forums, un qui discute de relations de travail, de problèmes de gestion quotidienne où le syndicat et le Soleil discuteraient, et un autre forum où on aborderait les questions plus professionnelles. Nous avions même prévu dans la dernière convention, à la demande du syndicat, la désignation de personnes de l'extérieur. Tout cela n'a pas fonctionné. Le conseil de rédaction est devenu un forum de négociations. Nous avons maintenant accepté de l'enlever. En cours de négociations, nous avons même suggéré au syndicat la création de réunions, l'institutionnalisation de réunions mensuelles de sections pour examiner la couverture, les changements à apporter, de quelle façon les journalistes et les cadres pourraient fonctionner. Le syndicat n'en a pas voulu. Le Soleil est ouvert et désireux de créer toutes les institutions possibles de communications avec le syndicat des journalistes, avec les journalistes au niveau des sections pour partager leurs vues sur la façon de couvrir l'information. Nous sommes ouverts là-dessus. Si le syndicat veut des clauses concernant ces questions... On a fait des propositions; si le syndicat en a de meilleures, qu'il les mette sur la table.

M. Roy: Autrement dit, vous êtes prêts à discuter avec le syndicat des négociations.

M. Beauvais: Oui. Le problème n'est plus là, M. Roy. Le problème a été posé sur quatre questions bien particulières qui ne concernent plus l'information. Quand on vous parle du statu quo ante, on ne parle pas de l'information. Quand on vous parle d'ententes particulières, on ne parle pas d'information. Ce sont des questions concernant les droits individuels dans la salle. Les grandes questions d'information au Soleil, quant à la qualité de l'information pour le public lecteur du Soleil, elles sont réglées et on n'en discute plus.

M. Bellemare: Sur les ententes particulières?

M. Beauvais: Ce n'est pas une question concernant l'information sur les ententes particulières. C'est un refus de permettre à l'employeur de dialoguer un peu avec les employés sur des sujets non prévus à la convention.

M. Bellemare: Plancher d'emploi?

M. Beauvais: Pardon?

M. Bellemare: Le plancher d'emploi?

M. Beauvais: Pour le plancher d'emploi, j'ai expliqué ce matin que nous avions des dispositions, à partir de la sécurité d'emploi, de l'obligation de couvrir des secteurs, des discussions sur la composition des sections, du respect de nos obligations à l'égard du publié par la déclaration de principe, du grief d'information. Toutes les garanties appropriées se trouvaient dans la convention collective.

Le Président (M. Boucher): M. Garon, avez-vous...

M. Garon (Jean): Là-dessus, quand on pense à l'abolition du conseil de rédaction, c'est que le syndicat préférait ne pas multiplier les institutions, mais préférait plutôt tenter de les faire fonctionner. Le conseil de rédaction étant, à toutes fins pratiques, inopérant, puisqu'on ne le consultait pas vraiment et que c'était un endroit où on nous informait de décisions déjà prises, on a préféré éliminer cette instance, puisqu'elle était devenue inutile. Alors, pour nous, le comité conjoint et le comité paritaire... Au comité conjoint, on n'a jamais demandé de nouveaux pouvoirs. Ce qu'on a dit, c'est qu'on va réunir, à l'intérieur de ce même comité, tous les pouvoirs qui existaient avant dans l'ancien conseil de rédaction et au comité conjoint de façon qu'on puisse se parler, et je pense qu'il ne faut pas craindre de le qualifier comme ça. On est dans un journal. Ce n'est pas une entreprise comme les autres. Quand on parle de plancher d'emploi, on parle de plancher d'emploi en matière d'information aussi. Le plancher d'emploi, cela a des implications, et vous le voyez tant dans la proposition du médiateur que dans le texte du syndicat. Cela a des implications en matière d'information. On parle de couvrir des secteurs d'actualité. Cela, il me semble que c'est de l'information.

M. Johnson: ... oui...

M. Garon (Jean): La vente de textes aussi, c'est une matière d'information. Le statu quo ante sur les mutations, quand on pense à des mutations en matière d'information qui peuvent constituer; des mesures disciplinaires.. Les ententes particulières, c'est aussi une matière qui touche directement l'information. Au contraire, on voulait signifier tout à l'heure qu'on était dans un journal. C'est un conflit qui dure depuis maintenant au-delà! de huit mois, et c'est un conflit d'information dani un journal.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud, permettez-vous une question de la part du ministre?

M. Johnson: Est-ce que le député... Le Président (M. Boucher): D'accord.

M. Johnson: Le député de Beauce-Sud me permettra peut-être d'ajouter quelque chose. Cela m'apparaît pas mal important ce que vous venez de dire, M. Garon.

Est-ce que vous faites une distinction entre ce qui l'est la présence du syndicat et le rôle du syndicat au niveau de l'information — je pense

qu'il peut y en avoir un, de fait — et la dimension du statut de l'homme qui est le professionnel de l'information, qui s'appelle un journaliste? En ce sens-là, est-ce que la double structure, qui a déjà existé, mais qui, semble-t-il, était inopérante, selon ce que vous dites — je ne sais pas si M. Beauvais est d'accord avec ça — est-ce que c'était inopérant? Vous reconnaissez que c'était inopérant, le conseil de rédaction?

M. Beauvais: A notre point de vue, ce n'était pas inopérant. En ce qui nous concerne, nous aimerions le conserver, mais si...

M. Johnson: Bon! On va prendre deux hypothèses. L'hypothèse 1 : il était inopérant; hypothèse 2: il était opérant. Bon! Quelle que soit l'hypothèse, est-ce que cette distinction qui me semble être faite, à la fois au niveau de vos revendications et au niveau de la perception, par la direction du Soleil... Il existe une telle chose que la vie syndicale et des mécanismes qui sont, dans un cadre de revendications d'un mieux-être constant des travailleurs de l'information... il existe aussi une dimension de nature vraiment professionnelle, reliée au métier du journaliste. Est-ce que vous faites cette distinction?

M. Garon (Jean): Vous remarquerez que dans notre convention collective, à l'article 7, ce qui est négocié par le syndicat, ça s'appelle les conditions de travail professionnel, qui s'appliquent à la fois collectivement et individuellement. On ne pense pas qu'un journaliste ait à porter deux chapeaux et à changer, dans le courant de la journée, de son chapeau de professionnel à celui de syndiqué. C'est un employé syndiqué de l'entreprise.

Dans la convention collective, on veut que les mécanismes de représentation collective fonctionnent. On n'a jamais interdit à l'employeur de parler avec les employés et de se concerter de discuter des problèmes d'ordre professionnel. Ce qu'on dit, c'est qu'il y a des mécanismes collectifs qui doivent fonctionner, et la distinction, ça ne doit pas être une césure. Les journalistes sont des journalistes chez nous, des employés syndiqués.

M. Johnson: Simplement pour finir là-dessus. Je vais vous donner un exemple qu'on peut vivre au niveau du gouvernement. D'accord? Le ministre du Travail, en principe, est là pour donner des services aux parties dans un contexte de libre négociation prévue dans le Code du travail, mais il est aussi membre du Conseil des ministres et, en principe, solidaire des décisions gouvernementales, par exemple, en matière de politique salariale dans le secteur public et parapublic. C'est un double chapeau. Il n'est pas facile à porter, mais c'est un double chapeau, de la même façon qu'un député est à la fois législateur et représentant d'intérêts très particuliers dans son comté. Il va se battre pour que le gouvernement offre tel type de service dans son comté, mais il va aussi se battre comme législateur solidaire d'une majorité ministérielle sur une orientation qui fait que ce n'est pas drôle pour le député de Sherbrooke de voir la décision gouvernementale au sujet des autobus GM ou Bombardier, mais il faut qu'il apprenne à vivre avec ces deux chapeaux.

Ce que je vous demande, c'est: Est-ce qu'un journaliste aussi, des fois, dans la réalité, ça doit porter deux chapeaux? (17 h 30)

M. Garon (Jean): C'est-à-dire que de la façon que ça s'exprime... Vous savez comment fonctionne un syndicat. A l'intérieur d'une salle de rédaction, quand le syndicat prend des positions collectives, ce sont des positions qui sont décidées en assemblée générale. Les journalistes sont là comme individus dans une assemblée générale, et s'ils décident, par exemple, que le syndicat ne participera pas à tel type d'entente qui est possible ou qu'on peut prévoir à la convention, le syndicat décide majoritairement et dit: On ne participera pas à telle chose. Il y a une décision collective qui se prend. Je pense que cela va de soi et il n'y a pas de contrainte. De toute façon, il n'y a pas de contradiction, puisque les employeurs eux-mêmes ont accepté d'introduire à l'intérieur des conventions collectives des clauses qu'on appelle les clauses dites professionnelles. Mais on retrouve à travers chacune des clauses des implications tant individuelles que collectives qui touchent la profession, le métier pratiqué par les individus, mais on les a toujours pris dans une perspective collective et avec des implications individuelles. On ne voit pas de contradiction entre les deux.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci, M. le Président. A la suite d'une question qui a été posée par mon collègue, le député de Johnson, tout à l'heure, j'ai cru comprendre que la partie patronale avait accepté de reconnaître le plancher de cent emplois. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Beauvais: Non, nous n'avons pas accepté de reconnaître un plancher de cent emplois. Nous avons accepté de reprendre, à la fin du conflit, tous les journalistes à l'emploi du journal Le Soleil.

M. Bellemare: Mais vous m'avez répondu "oui" pour cent, s'il y en a cent...

M. Beauvais: S'il y en a cent, nous en reprenons cent: s'il y en a 104, nous en reprenons 104.

M. Bellemare: C'est la question qui a été posée.

M. Beauvais: D'accord.

M. Bellemare: C'est ce que vous m'aviez répondu. C'est pour cela que j'ai dit à l'honorable député: Ils m'ont dit "oui".

M. Beauvais: C'est inscrit dans le texte à 601.

M. Bellemare: Et qu'il n'y aura pas de discrimination à la reprise de leur emploi.

M. Beauvais: Aucunement.

M. Bellemare: Aucunement. Et que les cent ou 104 seront repris.

M. Roy: En tout cas, si ce n'est pas écrit dans la convention, cela va sûrement être écrit dans le journal des Débats.

Le Président (M. Boucher): M. le député... M. Roy: J'aurais une dernière question.

Le Président (M. Boucher): Une dernière question, M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Le journal des Débats peut valoir une bonne convention.

J'aurais une dernière question. Ce matin, on a parlé des griefs et on a fait état qu'il y avait très peu de griefs. J'aimerais savoir ce qui arrive lorsqu'il y a des griefs qui sont effectivement déposés. Est-ce que cela prend du temps avant que les griefs soient étudiés et examinés? Je ne le sais pas. En supposant, par exemple, que l'étude d'un grief pourrait être extrêmement longue, il est évident que cela décourage un peu les gens d'en faire. Alors, il peut y avoir différentes causes au fait qu'il y a peu de griefs. La cause principale — c'est celle que je souhaiterais — c'est qu'il n'y en ait pas de griefs effectivement, parce que personne n'a à se plaindre. Deuxièmement, si cela ne donne rien de faire des griefs comme dans certains endroits, parfois cela décourage les gens d'en faire. J'aimerais savoir combien de temps cela peut prendre, en moyenne, pour examiner un grief avant de rendre une décision.

M. Beauvais: Je n'ai pas de statistiques ici avec moi, M. Roy. J'aimerais cependant dire que le syndicat a proposé cette année des modifications à la procédure de règlement des griefs dans le but de l'accélérer et nous avons accepté cette accélération. Nous sommes d'accord pour que les griefs fassent d'abord l'objet d'une discussion au comité conjoint pour tenter de les régler, parce qu'un règlement est toujours mieux qu'un arbitrage.

M. Roy: Dans un délai de...?

M. Beauvais: C'est sept jours, je crois. Dans le cas des griefs d'information, c'est 48 heures. Nous avons des délais extrêmement courts dans la convention collective. Il peut y avoir des délais plus longs une fois la demande d'arbitrage faite, mais nous savons les efforts que le ministère fait pour accélérer les sentences arbitrales et le nouveau Code du travail a même des dispositions à ce sujet.

M. Bellemare: Pourquoi les 45 jours dans ce cas-là?

Le Président (M. Boucher): Votre temps est expiré.

M. Bellemare: C'est vrai.

Le Président (M. Boucher): Votre temps est expiré.

M. Bellemare: C'est vrai.

M. Roy: Je n'ai pas d'objection, M. le Président. Il peut le prendre sur mon temps; on n'est pas ici pour trancher le temps à la hache...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud, vous pourrez...

M. Roy: ... au couteau, pas de guillotine, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Si vous acceptez la question, dites-le; c'est pris sur votre temps.

M. Roy: J'accepte, j'accepte. Comme j'ai accepté pour le ministre tout à l'heure. Si cela peut apporter de l'éclairage, apporter du soleil, je n'ai rien contre cela.

Le Président (M. Boucher): D'accord. M. le député de Johnson, M. le député de Beauce-Sud accepte.

M. Bellemare: C'est fini, c'est fini. J'ai demandé pourquoi les 45 jours dans la convention.

M. Beauvais: Pardon?

M. Bellemare: 45 jours dans la convention.

M. Beauvais: Cela a été rédigé avant les amendements au Code du travail. C'est une clause sur laquelle on s'était entendu il y a un certain temps déjà.

M. Bellemare: Oui? M. Beauvais: Oui.

M. Roy: J'aimerais avoir les commentaires — ce sera ma dernière question — de M. Garon à ce sujet.

Le Président (M. Boucher): M. Garon.

M. Garon: Là-dessus, je pense qu'il y a une distinction à faire entre la procédure de grief comme telle, qui tend à se standardiser quant au délai, et le règlement des griefs. On a deux cas patents chez nous; le cas du grief d'Anne-Marie Voisard, qui s'est rendu en Cour suprême, mais qui, après plus de trois ans, n'a pas trouvé son règlement final. Il y a également le cas de deux correcteurs de copies qui ont été déplacés de la salle de rédaction à l'étage de la photocomposition; ce grief a été logé en décembre 1975 et le

cas n'est pas encore réglé. Donc, la procédure, à ce moment-là, c'est exclusivement une mécanique. On peut passer à travers, mais, compte tenu qu'il y a des recours, qu'il y a tous les recours possibles et impossibles avant un règlement final de grief, c'est le statu quo ante. C'est dans ce sens qu'on le soulignait ce matin. Le statu quo ante a une signification dans la mesure où on s'assure qu'il y ait un règlement rapide, et, dès que vous avez le statu quo ante, les parties sont intéressées encore à accélérer le processus et à en arriver à un règlement. C'est le sens de notre intervention quant aux griefs.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Beauce-Sud. Je vais donner la parole aux membres situés à ma droite, dans l'ordre, au député de Taschereau, après, ce sera le député de Joliette-Montcalm et le député de Sainte-Marie, compte tenu de la limite de temps qu'on a adoptée ce matin, je demande qu'on respecte les quinze minutes le plus possible.

M. Guay: Une des quatre questions qui ont été soulevées par le syndicat, comme étant le noeud du conflit... Vous n'entendez pas? Une des quatre questions qui ont été soulevées par le syndicat comme étant au coeur du conflit, porte sur ce que le syndicat appelle les clauses anticoncentration, c'est-à-dire, si j'ai bien compris, les chroniques régulières que le Soleil revend à d'autres quotidiens. Soit M. Beauvais ou M. Garon, est-ce que l'un ou l'autre pourrait nous donner la liste de ces sept chroniques? Il y a sans doute MM. Poliquin et Lesage qui sont là-dedans, j'imagine, mais les autres, j'avoue que cela ne me semble pas évident, et j'aimerais bien qu'on nous éclaire là-dessus.

M. Beauvais: On pourrait ajouter M. Larochelle aux deux noms que vous venez de mentionner.

M. Guay: C'est au service des sports? M. Beauvais: C'est cela. M. Guay: Cela en fait trois. M. Beauvais: Oui.

M. Guay: Le syndicat mentionne sept chroniques régulières, à la page 8 du mémoire du syndicat.

M. Garon (Jean): II y a la chronique du professeur Jissé, qui est une chronique d'énigmes, il y a la philatélie, il y a la chronique sur les chats, chiens, chevaux et animaux de tous genres.

M. Guay: Est-ce que la quatrième est de cet ordre-là?

M. Garon (Jean): Oui. Il y avait la chronique de Jean-Claude Tremblay. Il y avait également, plus épisodiquement, une chronique sur les mines, qui était de Jacques Forget, qu'on retrouvait dans le Quotidien de Chicoutimi.

M. Guay: La raison pour laquelle je pose cette question, c est que les restrictions que semble vouloir apporter le syndicat à la diffusion de ces chroniques, en tout cas au moins un certain nombre, je passe sous silence les chats, les chiens et les poissons, ceux-là, je pense que ce n'est pas bien grave, mais si on prend les deux ou les trois plus connues, celles qui existaient, Jean-Marc Poliquin, M. Larochelle et Gilles Lesage, le syndicat me corrigera, le cas échéant, il me semble que le résultat de la non-diffusion de telles chroniques, qui sont des commentaires d'actualité, des analyses en profondeur de l'actualité, par des journalistes qui, au fil des annés ont acquis une certaine expérience et un certain renom, si on ne les diffuse pas, ou si on ne peut pas les diffuser ailleurs au Québec, c'est qu'on risque de voir les journaux québécois francophones acheter et traduire ou acheter la traduction française — et cela sans aucune restriction. La Presse pourra publier, le Soleil pourra le publier, le Nouvelliste, la Voix de l'Est, ainsi de suite — des analyses politiques de la politique fédérale faites par des commentateurs du Canada anglais — je pense à Richard Gwynn, ou à Jeffrey Stevens, ou à d'autres — si bien que, d'une part, les meilleurs journalistes ou les journalistes "syndicated columnists" comme on les appelle, ceux parmi les meilleurs journalistes francophones qui en sont rendus à l'étape de leur carrière où ils sont des analystes et des commentateurs, une, deux, trois fois par semaine, je ne sais pas, ne pourront pas être lus en dehors de la zone de diffusion du journal pour lequel ils travaillent en exclusivité. Par contre, on admet, sans aucune restriction, que les mêmes "columnists" mais du Canada anglais, puissent être lus à la grandeur du Québec, ce qui veut dire que l'analyse que les Québécois, dans l'ensemble du Québec, risquent d avoir, de la politique fédérale en particulier, ce sera la traduction française des columnists " du Canada anglais. Est-ce qu'il n'y a pas là un danger, en ce qui a trait au droit du public à I'information, je veux dire le droit du public à l'analyse de l'information, l'analyse de l'événement, peut-être pas de l'information brute, mais à l'analyse de l'événement?

M. Garon (Jean): La réponse qu'on peut faire, c'est que dans les faits, la prolifération de ce type de chronique fait que, dans une certaine mesure, l'information brute comme telle disparaît elle-même. On a donné l'exemple du Nouvelliste qui n'a pas remplacé son chroniqueur à l'Assemblée nationale, qui jouit évidemment des services de la chronique de Gilles Lesage. On l'a toujours souligné, on ne met pas en question la qualité professionnelle du travail de ces personnes, mais l'effet premier, c'est ça, c'est une des formes de la concentration de la presse.

Ce qu'on dit, c'est que bien loin d'assurer une diversité d'information, ça tend plutôt à l'unicité de l'information. Parce qu'on se retrouve... que ce soient les commentaires qui viennent d'Ottawa ou de l'Assemblée nationale à Québec, le public lecteur du Quotidien de Chicoutimi, du Soleil de Québec, de la Tribune de Sherbrooke, du Nouvel-

liste de Trois-Rivières et du Droit d'Ottawa, a un seul et même commentaire sur la vie politique à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des communes.

On ne pense pas, quand ça sert comme fins premières, d'éviter à ces entreprises... et il faut aussi voir à qui appartiennent ces journaux, quand on pense au Nouvelliste, quand on pense à la Tribune, ça appartient à Paul Desmarais. Quand on pense au Soleil, au Quotidien de Chicoutimi, ça appartient aussi à Jacques Francoeur. Je ne crois pas que ces entrepreneurs soient actuellement dans la dèche, malgré les conflits en cours.

Donc, quand on prend la décision de ne pas avoir un journaliste du Nouvelliste à l'Assemblée nationale, c'est une décision économique qui est servie évidemment...

M. Guay: Si vous permettez, si je peux vous arrêter là-dessus. L'exemple que vous donnez, je suis parfaitement d'accord avec vous qu'il n'y a pas de raison que le Nouvelliste n'ait pas de chroniqueur parlementaire à l'Assemblée nationale, il n'y a aucune raison que la dimension mauricienne de la nouvelle nationale, de ce qui se passe à l'Assemblée nationale ne soit pas traitée et qu'il n'y ait pas quelqu'un ici pour le faire, c'est évident.

Mais est-ce qu'il n'y a pas aussi moyen de trouver une formule de compromis? En ce sens que la chronique de Gilles Lesage ne constitue pas des informations, ce qu'on appelle le "hard news" en anglais, c'est une analyse, ce n'est pas l'information quotidienne que les journalistes et reporters véhiculent ou que les agences de presse véhiculent, d'une part.

D'autre part, est-ce que le fait de ne pas permettre la diffusion de telles analyses — quand elles peuvent bénéficier au public lecteur dans l'ensemble du Québec, ce sont quand même, dans la plupart des cas, des analyses de qualité qui sont extrêmement intéressantes et dont peut bénéficier l'ensemble des citoyens qui lisent les quotidiens québécois — de les restreindre à un seul journal, d'abord, ne prive pas le public à l'extérieur de ce journal du droit ou, en tout cas, de l'intérêt qu'il pourrait éprouver à lire ces chroniques dans la mesure où on les distinguerait non seulement dans la facture, mais peut-être aussi dans le temps, de l'information brute? De plus, est-ce que le fait de restreindre ces chroniqueurs à un seul journal ne risque pas de compromettre l'existence même de ces analystes, étant donné que généralement, ils commandent des salaires assez élevés qui sont compensés, si je ne m'abuse, par le fait de pouvoir les revendre.

M. Garon (Jean): II est évident qu'actuellement, dans la situation qu'on connaît, c'est justement parce qu'ils existent, qu'on ne remplace pas les journalistes. Il y a une relation de cause à effet entre les deux. C'est évident que dans une situation... posez l'hypothèse, où on se retrouve dans une situation où les journaux remplissent, de façon la plus complète possible et en faisant tous les efforts, leur fonction de journaux et de diffuseurs d'information et que les journaux régionaux, on ne peut pas... Il faudrait qu'on nous prouve...

M. Guay: M. Garon...

M. Garon (Jean): ... que le Nouvelliste et la Tribune ne sont pas capables de se payer les services de journalistes à temps plein.

M. Guay: M. Garon, il y a une distinction entre un journaliste à temps plein...

M. Garon (Jean): Oui, c'est interdit à la Presse, au Montréal-Matin, au Journal de Montréal, à l'extérieur du consortium...

M. Bellemare: La vente des textes. M. Garon (Jean): Oui, au Droit aussi.

M. Guay: Ce n'est peut-être pas non plus la trouvaille du siècle, pour employer l'expression connue. J'ai dit que ce n'était peut-être pas non plus la trouvaille du siècle, le fait d'avoir cette restriction systématique. Je ne dis pas qu'on devrait aussi permettre la libre circulation absolue, je ne parle pas de ça, mais il y a peut-être aussi moyen de trouver un modus vivendi, comme disait le député de Johnson.

M. Bellemare: Mutatis mutandis.

M. Guay: Le chroniqueur du Nouvelliste auquel vous faites allusion, c'était un reporter, tout d'abord, ou un analyste, qu'on n'a pas remplacé? (17 h 45)

M. Garon (Jean): C'est un reporter, mais qui finissait par faire des analyses, par produire des analyses. Le journaliste qui couvre l'Assemblée nationale ne se contente pas exclusivement de traduire les faits bruts. Il fait ce travail-là, mais il fait aussi de l'interprétation, il fait de l'analyse, il fait du commentaire. Il n'est pas limité à la seule fonction de dire: J'ai vu, cet après-midi, M. X, ou j'ai entendu M. X dire telle chose. Au bout de la semaine, il fait la somme de ces interventions et il fait des commentaires et des analyses.

Ce journaliste n'existe plus et la chronique, actuellement, dans le contexte où on se retrouve, sert à remplacer... Posez une autre hypothèse. La raison pour laquelle il existe des consortiums et que la concentration se fait, se réalise, c'est pour profiter des économies d'échelle qu'offre cette solution.

On va poser l'hypothèse à l'autre limite; on va se retrouver avec un chroniqueur à l'Assemblée nationale qui va desservir tout le monde, et un chroniqueur à la Chambre des communes qui va desservir tout le monde. Si la protection n'existait pas ailleurs...

M. Guay: Dans l'absolu, si on passe à l'autre extrême. Remarquez bien que je n'ai rien contre une certaine restriction. Je cherche tout simple-

ment un moyen pour que cette restriction n'aille pas aussi à l'encontre du droit du public à bénéficier de ces analyses. Est-ce que vous avez déjà songé, par exemple, à ce que cette restriction se situe, dans le temps, beaucoup plus... Que ce soit non pas une restriction absolue, il n'y a absolument aucun droit, à moins d'accord avec le syndicat, ce qui est votre proposition, si je ne m'abuse...

M. Garon (Jean): Entre l'employeur, l'employé et le syndicat. Les trois. C'est ce qui existe ailleurs aussi.

M. Guay: D'accord. Est-ce qu'on a déjà songé plutôt à en limier la diffusion soit en quantité, soit dans le temps? Par exemple, les chroniques de Lesage et de Poliquin dans le Soleil. Si elles ne sont pas reproduites le même jour dans les autres quotidiens, s'il y a même un délai de prévu, cela ne concurrence pas la nouvelle brute, cela n'enlève pas le besoin, pour le Nouvelliste, d'avoir un reporter commentateur sur place qui, lui, va alimenter quotidiennement le journal de Trois-Rivières.

M. Garon (Jean): Oui. Mais pour ce problème-là comme pour le reste, on s'est retrouvé face à des fins de non-recevoir. Il n'y a aucune solution de compromis. C'est évident que la solution qui était la nôtre au début, on l'a reformulée avec le temps, pour se coller peut-être plus à la réalité qui existe dans les autres quotidiens. Mais on n'a pas eu de contre-proposition là-dessus. C'est le texte, avec la modification apportée par le médiateur, qui dit: Si l'employé y consent. Mais sur le principe comme tel, il n'y a eu aucune contre-proposition qui aurait peut-être permis d'en arriver à une solution de compromis. Mais on n'a jamais vu la couleur de cela. Je pense que le syndicat a fait amplement de ces compromis et de ces modifications.

M. Guay: Est-ce que le syndicat est ouvert à une solution de compromis?

M. Garon (Jean): Le syndicat a toujours été ouvert à la négociation; c'est évident qu'on n'est pas en train de négocier ici; donc, il faudrait qu'on ne soit pas face à un refus de négocier, de toute façon, pour l'ensemble comme pour ces points. C'est évident.

M. Guay: J'ai l'impression, M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Taschereau, compte tenu du temps, si d'autres collègues désirent intervenir...

M. Guay: C'est ma dernière intervention, je termine. Je voudrais simplement souligner que, dans ce domaine-là comme dans d'autres, pour les ententes particulières, le plancher d'emploi ou le statu quo ante, autant les positions peuvent sembler, a priori, irréconciliables, autant j'ai l'impression qu'en mettant un peu d'eau dans son vin de part et d'autre, il y a moyen d'en arriver à une solution. Par exemple, dans les ententes particulières, que le syndicat soit informé, il y a les modalités de l'information qu'il reste peut-être à déterminer, mais cela me semble aller de soi. Je ne sais pas si... Cela m'étonnerait que la direction du Soleil s'oppose très farouchement à cela.

Bref, je pense que, pour peu que l'on ne se retranche pas dans des positions où on dit: Ces quatre points, de la part du syndicat, ce n'est pas négociable et il nous faut absolument tout cela ou on ne reviendra jamais au travail; et que, du côté patronal, on ne dise pas: La négociation est finie, j'ai l'impression qu'il y a moyen d'en arriver à des aménagements qui feraient que, finalement, et en particulier dans la région de Québec, parce que c'est quand même le public de la capitale nationale qui est privé depuis neuf mois de son principal quotidien, dans la capitale nationale, les Québécois pourraient retrouver cet outil essentiel d'information. J'espère bien que, si on peut arriver à cela, quand on arrivera à la question de savoir les modalités de l'information du syndicat sur les ententes particulières et la mécanique et la quincaillerie beaucoup plus que les grands principes, on ne fera pas un mois ou deux mois de plus de grève sur le dos du public, simplement là-dessus. J'ai l'impression qu'il y a moyen. L'entente n'est pas si lointaine que cela, aussi "irréconciliable" que cela, en tout cas d'après les propos que j'ai entendus ici aujourd'hui.

Pour ma part, je vous invite, et la direction du Soleil et les syndicats, à tenter un ultime effort, parce que l'enjeu est trop important.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: M. le Président, je commencerai par quelques questions et je terminerai par certains commentaires. Ma première question s'adresse à M. Beauvais. Je voudrais savoir quel est le taux de roulement chez les journalistes, annuellement; le pourcentage.

M. Beauvais: Environ 4% à 5%.

M. Chevrette: 4% à 5%. Vous avez bien dit tantôt, en réponse à une question du député de Johnson, que si les 104 journalistes entraient, vous les prendriez à nouveau le lendemain matin.

Cependant, pour ma part, il ne m'est pas apparu aussi clair que c'est apparu au député de Beauce-Sud et au député de Johnson que vous assuriez un plancher, en ce sens que si 90 journalistes reviennent, vous en reprenez 90, même s'il en existait 104. Il n'est pas du tout obligatoire, en vertu même du rapport du médiateur, que vous deviez vous rendre à 104. Ai-je bien compris?

M. Beauvais: Vous avez très bien compris.

M. Chevrette: Avec la clause des mutations ou de la fusion des sections à l'intérieur de la convention collective, s'il en revenait 80, vous

pourriez affecter à diverses sections plusieurs journalistes, parmi les 90 qui reviendraient, par exemple?

M. Beauvais: C'est une vision...

M. Chevrette: Théoriquement, je parle toujours sur le plan théorique.

M. Beauvais: ... M. le député, théorique. Oui, sur un plan théorique, ce serait possible; sur le plan pratique, c'est difficile à envisager.

M. Chevrette: Mais sur le plan théorique, selon la clause qui est offerte présentement, vous pourriez, avec les pouvoirs qui sont dévolus en vertu de la dernière position, affecter des individus sans qu'il y ait de refus, avant la sentence arbitrale, si j'ai bien compris...

M. Beauvais: C'est exact.

M. Chevrette: ... ce qui voudrait donc dire qu'il pourrait y avoir une quinzaine de journalistes qui se verraient affectés à une double tâche pour une période d'un mois, deux mois, trois mois, suivant le temps du grief et de la sentence arbitrale.

M. Beauvais: M. le député, je ne vois pas comment on pourrait leur donner une double tâche. Ils auraient une simple tâche à un endroit différent.

M. Chevrette: Vous ne pourriez pas combiner certaines activités à l'intérieur des sections, puisque vous avez le pouvoir de fusionner des sections en vertu de l'article 4.14 au dernier paragraphe?

M. Beauvais: Des modifications comme celles-là, au niveau des assignations, cela se fait couramment. Il n'y a rien de particulier à cela. Etant donné la mobilité du secteur dans lequel on se trouve, s'il arrive trois gros congrès dans la province en même temps, il y a des gens qui, habituellement, ne couvrent pas un congrès pour tel sujet, qui vont aller le couvrir pour ce sujet. Il y a une semaine de 32 heures ou plus, et parfois du travail supplémentaire.

M. Chevrette: Non, mais je pense à un chroniqueur syndical, par exemple, actuellement, qui couvrirait les congrès des centrales syndicales et, à l'intérieur de ses 32 heures, puisque vous avez aboli la section de la condition féminine, vous pourriez lui demander d'aller couvrir un congrès de la condition féminine.

M. Beauvais: II existe un "pool" général pour voir à ce genre de besoin. Il y a une trentaine de journalistes dans le "pool" général justement pour aller couvrir ce qui n'est pas spécifiquement prévu. Tous les secteurs ne sont pas spécialisés.

M. Chevrette: Je me permets tout d'abord un commentaire. J'ai l'impression — cela transpire de vos textes et même de vos mémoires — qu'il y a de la stratégie en ce sens que le syndicat n'obtenant pas un plancher fixe à l'intérieur de la convention collective, à savoir que nous sommes 104, nous voulons avoir un minimum de 104 tout le temps, il se retourne et dit: D'abord, on va maintenir des sections, ce qui est un moyen d'aller chercher une sécurité d'emploi que vous ne pouvez pas leur donner en vertu de la clause de la sécurité d'emploi qui est négociée à l'article 7.

Puisque vous n'assurez pas un plancher minimal, j'ai l'impression, l'intuition, pour avoir négocié quelques conventions... les clauses d'une convention ne sont pas isolées les unes des autres. Une convention, c'est un tout. Quand on ne peut pas obtenir quelque chose dans une clause, on essaie de se reprendre avec les autres clauses pour atteindre l'objectif qu'on recherche, à savoir la sécurité d'emploi pour une centaine de personnes pour venir à bout d'assurer une tâche constante et non pas une augmentation de tâches.

M. Beauvais: M. Chevrette, quand on a négocié la dernière convention en 1973, c'est exactement la thèse qu'avait soutenue le syndicat. Trois ans plus tard, nous avons plus de journalistes au Soleil qu'on en avait à ce moment-là.

M. Chevrette: Ce n'est pas écrit. C'est peut-être dans les faits, mais par écrit, cela n'existe pas.

M. Beauvais: Nous ne savons pas quel sera l'avenir. Une fois qu'on aura rentré une clause avec 100 ou 90 journalistes dans une convention, nous ne connaissons pas la conjoncture économique pour les quinze années à venir, mais nous connaissons les syndicats et leurs droits acquis. Ils n'iront pas négocier à 99 la fois suivante, à moins de se ramasser dans un conflit. C'est à ce principe qu'on en a.

M. Bellemare: ... 93.

M. Beauvais: A Montréal-Matin, cela a été un des problèmes de la négociation, tout le monde le sait. L'approche qui a été prise par le médiateur, c'est d'identifier des objectifs et de dire: Très bien, vous allez vous engager à couvrir des secteurs, vos sections vont être connues. Vous discuterez avec le syndicat s'il y a des changements dans les sections et vous allez assurer une certaine qualité d'information. Cet ensemble de mesures remplit les objectifs, sans qu'on dise: II va y avoir 100 journalistes dans la salle.

Maintenant, sur le plan de la sécurité d'emploi, nous savons très bien qu'il va en revenir au moins une centaine, avec le bas taux de roulement. Quand il y a un départ à la page financière, le lendemain matin, il faut trouver quelqu'un pour la page financière. Il y a des spécialités dans cela. Tout mouvement d'attrition n'implique pas nécessairement la possibilité de diminuer le nombre de journalistes à notre emploi.

M. Chevrette: Ce matin, le porte-parole syndical a dit que vous aviez admis en négociation que vous n'atteigniez même pas 3% en termes d'engagement de l'extérieur, que cela ne totalisait pas 3% ou à peu près 3%. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Garon (Jean): Cela touchait les collaborateurs, les pigistes. C'est-à-dire le pourcentage de la masse salariale qui était consacré à l'utilisation de collaborateurs et de pigistes.

M. Chevrette: Dans votre dernière demande au niveau syndical, vous demandez 2 1/2%?

M. Garon (Jean): Non, cela est sur le pourcentage...

M. Chevrette: C'est sur le pourcentage...

M. Garon (Jean): ... que l'entreprise doit donner au syndicat, doit verser au syndicat. Le pourcentage, c'est 6%.

M. Chevrette: D'accord. Dans les ententes particulières, vous avez dit ce matin, M. Beauvais, qu'il y avait un article 10 ou un autre — je ne me souviens plus, je n'ai pas pu le prendre — où vous ne pouviez pas conclure d'entente particulière en-deçà des heures, en-deçà des salaires fixés dans la convention collective. A partir du fait qu'il y a une obligation formelle pour l'employeur de ne pas conclure d'entente particulière en-deçà des clauses bien spécifiques du contrat collectif, quelle est votre raison fondamentale pour refuser la présence d'un délégué syndical quand vous vouliez, par une autre clause à l'intérieur de cette même convention... pour ne pas aller en-deçà des clauses négociées?

M. Beauvais: Sur tout ce qui concerne l'interprétation ou l'application de la convention, y compris les modalités d'application de certaines clauses qui ne peuvent être précisées de A à Z, étant donné le caractère particulier d'une salle de rédaction, nous voulons la liberté de pouvoir rencontrer quelqu'un et de discuter de problèmes professionnels ou de faire des ententes, sans que, nécessairement, il y ait un représentant syndical. Nous avons accepté la partie proposée à nouveau par le médiateur en ce qui concerne la vente de textes. Vous avez vu que dans le cas de vente de textes, on ne peut pas en vendre sans le consentement du journaliste. Le médiateur a ajouté une phrase pour dire: Si le journaliste le désire, il se fait accompagner d'un représentant syndical. En dehors de cela, nous ne voyons pas l'objectif syndical du tout.

M. Chevrette: Vous parlez au niveau des discussions préliminaires qu'il peut y avoir, mais la clause pourrait aussi bien être interprétée au moment où vous concluez une entente particulière, que le représentant du syndicat soit là. Est-ce que vous auriez des objections dans ce sens?

M. Beauvais: Une clause sur quel sujet, M. Chevrette?

M. Chevrette: Vous dites que vous voulez avoir la liberté de pouvoir discuter d'une façon informelle avec quelqu'un pour conclure une entente. Vous pourriez tout aussi bien le faire dans un restaurant ou dans une auberge quelconque et je pense bien que le syndicat ne le saurait même pas. Ce que je veux savoir, c'est au moment où vous concluez véritablement une entente, au moment où vous êtes rendus à la conclusion même de l'entente, est-ce que votre argumentation tient encore?

M. Beauvais: Surtout...

M. Bellemare: Par chance qu'on ne l'a pas réglé.

M. Beauvais: Pardon?

M. Bellemare: Ce serait une prudence, parce qu'après, le problème ne serait pas réglé. Oui, certain...

M. Beauvais: Toutes les ententes dans le cadre formel de la convention, des dispositions appropriées ont déjà été négociées, ne créent pas de problème. Celle qui garde un problème, c est la clause 102, sur des questions non prévues à la convention, sur ce qu'on aurait pu oublier dans la convention; mais sur toutes les questions prévues à la convention, le syndicat peut avoir son représentant.

M. Chevrette: Vous dites: Toute entente doit être constatée par écrit, communiquée au syndicat par écrit dans les deux jours qui suivent la décision.

M. Beauvais: Toute entente dérogatoire aux dispositions de la convention. C'est le texte du Devoir.

M. Chevrette: Aux dispositions de la convention. Je prends des problèmes concrets qui sont déjà arrivés dans d'autres secteurs d'activité, même dans le secteur privé. Il est facile, pour un employeur... D'abord, le Code du travail lui-même permet toujours de payer, d'une façon supérieure au contrat collectif, parce que le contrat collectif est un minimum et non un maximum, mais je suppose que l'employeur, dans chaque salle de rédaction ou dans chaque service de son entreprise, engage quelqu'un et donne des avantages passablement avantageux à un individu, par rapport à un groupe d'individus pour des emplois pratiquement similaires, même si c'est du temps partiel. (18 heures)

Je pense, moi, que vous avez avantage à ce que ce soit discuté avec le syndicat pour éviter précisément qu'il se crée de l'animosité entre les travailleurs de ce service et l'individu que vous

engagez. Sinon, vous risquez de contribuer à dégrader le climat à l'intérieur du service. Il me semble que cela, c'est admis dans le secteur public et parapublic, c'est admis dans plusieurs entreprises privées présentement. Je me demande s'il n'y aurait pas lieu, vraiment, d'introduire une clause — si vous n'aimez pas celle qui est là — qui aurait pour objectif de démontrer vraiment que vous ne voulez pas, à l'intérieur du contrat collectif, vous garder des prérogatives visant à exercer du favoritisme en dehors du contrat collectif.

M. Beauvais: M. Chevrette, sur chacun des cas concrets qui ont été soulevés par le syndicat sur des questions comme celles que vous venez de mentionner, nous avons accepté des clauses dans la convention. A titre d'exemple, si nous voulons avoir une collaboration continue, nous devons d'abord aller en discuter au comité conjoint. Si nous engageons des employés à temps partiel, nous devons en informer le syndicat. Le nombre des employés à temps partiel est rigoureusement limité à un nombre infime dans la convention. Le syndicat est informé de tout ce qui se passe.

M. Chevrette: Je comprends, mais, monsieur, je pourrais vous donner un exemple assez stupide. Vous pourriez engager un employé temporaire, à l'intérieur du nombre permis dans la convention et lui offrir une automobile. Là, le gars arrive avec l'auto du Soleil, il se promène...

M. Beauvais: ...

M. Chevrette: Cela crée un climat épouvantable à l'intérieur d'un service, et vous vous ramassez, au prochain contrat collectif, avec une demande, que vous aurez vous-mêmes suscitée, d'une façon indirecte, peut-être sans le vouloir, mais vous l'aurez suscitée, parce que vous n'avez pas préalablement discuté avec les représentants du syndicat.

Je vais me permettre un simple commentaire, parce que je sais qu'il y en a d'autres qui veulent parler. Je regrette, parce que j'aurais eu encore quelques questions. J'en avais une autre au représentant syndical aussi, mais...

Personnellement, M. le Président, quand je vois qu'on considère que la médiation est faite, que la négociation est terminée, on est un peu masochiste que de chercher à tendre des perches pour un règlement. J'aimerais bien arborer tout l'optimisme du député de Johnson, mais, personnellement, la seule façon de régler, ce serait peut-être, dans le cas présent, de prendre sa vieille formule, les placer dans une salle verrouillée.

M. Bellemare: Ah oui!

M. Chevrette: ... monter le thermostat à 90 degrés...

M. Bellemare: Ah Ça, je proteste!

M. Chevrette: ... leur donner des sandwiches...

M. Bellemare: Je proteste contre le thermostat.

M. Chevrette: ... en leur promettant un steak à la signature.

M. Bellemare: La barrure, ça, c'est vrai.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Joliette.

M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, j'aurais, au départ, une question à poser à M. Garon, à la suite de quoi je vais faire une intervention parsemée de questions à chacune des parties. Je leur demanderais de les prendre en note et d'y répondre à la fin.

M. Garon, le comité conjoint, est-il réglé actuellement? S'il est réglé, est-il identique ou semblable, en tout cas... Est-ce qu'il fonctionne de la même façon que dans la convention collective passée?

M. Garon (Jean): Le comité adjoint, qui est à l'article 11.02, que vous retrouvez à la page 29 du document jaune, le paragraphe 11.02a...

M. Bisaillon: Je m'excuse, M. Garon... M. Garon (Jean): Oui.

M. Bisaillon: ... je pense que vous alliez être tenté de me répondre en vertu de vos demandes par rapport au texte patronal, ce que je ne veux pas...

M. Garon (Jean): Ce n'est pas réglé de façon effective. Ce qu'on a fait, c'est de maintenir les pouvoirs que le comité conjoint avait par le passé, c'est-à-dire depuis 1968, en y ajoutant la notion introduite par le médiateur, qui est celle du grief ouvert. Autrement dit — c'est le premier paragraphe de notre texte — le comité conjoint a pour rôle de statuer sur toute question soumise par l'une ou l'autre des parties qui est susceptible de faire l'objet d'un grief tel que défini aux clauses 11.07 et 11.14 de la convention...

M. Bisaillon: Bon! Je vais poser ma question autrement. Pouvez-vous me faire la différence entre le comité conjoint qui existait dans l'ancienne convention collective et ce qui s'appelle "texte patronal" sur la feuille qu'on a ici? Quelles sont les différences?

M. Garon (Jean): La différence avec l'ancienne convention collective?

M. Bisaillon: Oui.

M. Bellemare: ... sujet, maintenant, à l'article b): Le comité a aussi un rôle pour discuter de toute autre question qui est soumise par l'une ou l'autre des parties. C'est la différence.

M. Garon (Jean): L'ancienne convention traitait de toute question concernant l'application ou

l'interprétation de la convention. Ce qu'il y a dans notre nouveau texte, c'est en vertu du grief ouvert. Autrement dit, tout ce sur quoi on peut loger un grief peut faire l'objet de discussions au comité conjoint. Donc, cela dépasse, d'une certaine façon, la stricte notion d'interprétation et d'application de la convention.

Une Voix: Comité de relations professionnelles.

M. Garon (Jean): Parce qu'il faut le voir également en regard du texte du médiateur. Notre 11.02a, c'est la même chose que le 11.02 du texte du médiateur. Comme c'est le texte patronal, je pense qu'il devrait y avoir effectivement entente. C'est sur le reste que cela achoppe; on n'a pas voulu limiter, puisque maintenant on a un grief ouvert, l'application, le droit de grief dans le cas du comité conjoint, comme cela est fait dans la contre-proposition patronale et, en partie, dans le texte du médiateur. Les relations entre les parties, selon nous, c'est un sujet qui est soumis au grief; les relations entre les parties, c'est l'ensemble de la convention.

Or, dans la contre-proposition, dans le texte du médiateur, il y a un certain nombre de points qui sont éliminés du grief. Evidemment, ce sont des droits de grief qu'on avait auparavant; donc, on veut les conserver, c'est bien évident.

Par rapport au premier paragraphe qui dit: On peut discuter de tout ce qui est sujet au grief ouvert, donc, cela veut dire à peu près tout. On ne voit pas pourquoi on exclurait la possibilité de loger des griefs et de les énumérer comme cela: relations entre les parties, conditions d'exercice de la liberté de la presse au Soleil. Si on pense que tout l'article 7 — le début de l'article 7, en particulier — donne le droit au grief sur les quatre principes qui sont: le droit du public à l'information, libre exercice de la profession de journaliste... on ne peut pas l'exclure, par ailleurs, dans le comité conjoint, en disant que ce sujet de discussion ne peut pas faire l'objet d'un grief. On a voulu clarifier la situation. Mais on ne demande pas dans notre texte de nouveaux pouvoirs pour le comité conjoint; c'est la façon simple.

M. Bisaillon: M. le Président, êtes-vous d'accord avec l'explication qui a été donnée?

M. Beauvais: Peut-être que je pourrais simplifier la question...

M. Bisaillon: La réponse.

M. Beauvais: La réponse. Quand nous avons déclaré ce matin que le journal Le Soleil était disposé à faciliter la communication sur un texte comme celui-là, l'aménagement technique peut être très simple. La différence fondamentale entre le comité conjoint de l'ancien texte et le nouveau est la conséquence du grief ouvert. C'est que, maintenant, il va siéger comme comité de grief chaque fois que le syndicat va juger à propos de loger un grief, non seulement sur l'interprétation et l'application de la convention, mais sur toutes les autres questions concernant les relations de travail, d'emploi ou de bien-être des employés. C'est la différence fondamentale. Nous sommes disposés à ouvrir le dialogue à ce sujet; il n'y a pas de problème.

M. Bellemare: ... il n'y a pas de droit de vote M. Beauvais: Non. M. Bellemare: Bon.

M. Beauvais: C'est une phrase que le syndicat voudrait faire ajouter. Il n'y a pas de problème à ce sujet.

M. Bisaillon: A ce sujet, il y a encore une marge de manoeuvre quant à l'aménagement interne au niveau du...

M. Beauvais: Oui, monsieur.

M. Bisaillon: Je vais revenir tantôt sur l'utilisation possible du comité conjoint. M. le Président, je voudrais souligner que l'historique que la partie patronale nous a fait dans son texte de ce matin nous fait évidemment comprendre le conflit qui existe au Soleil, mais par rapport au passé. La partie patronale est remontée d'assez loin pour nous expliquer le moment où on en est rendu aujourd'hui. Quant à moi, je voudrais surtout m'attacher à aujourd'hui pour savoir où on en est rendu et où on peut aller avec la marge de manoeuvre qui peut rester. Pour moi, qui prends connaissance aujourd'hui du texte que vous nous présentez ou des textes que vous nous présentez, il est peu utile de savoir qu'en 1973, cela se passait de telle façon et, en 1968, cela se passait de telle façon, sauf peut-être pour me faire comprendre qu'il y a peut-être un paquet de demandes syndicales qui se sont retrouvées dans les demandes originales et qui étaient justifiées par un climat qui pouvait exister ou une façon de procéder contre laquelle on pouvait en avoir.

Par ailleurs, à leur face même, les documents qui nous sont présentés démontrent qu'il y a eu un énorme progrès qui a été fait par le syndicat quant à ses demandes initiales par rapport à la position où il se retrouve aujourd'hui. Qu'est-ce que c'est pour nous, la position où on se retrouve, c'est qu'un médiateur a soumis un rapport que la partie patronale accepte et le syndicat, dans son document, nous déclare qu'il y a près de 70% ou 75% des clauses soumises par le médiateur qu'il accepte telles quelles lui aussi? Sur la balance, parce que c'est cela qui nous sépare, c'est la différence entre de nouvelles demandes reformulées, améliorées, enlevées, bien souvent, par rapport aux demandes initiales, que le syndicat présente par rapport à la position du médiateur, donc à la position patronale. C'est cela qui nous sépare.

Dans ce qui nous sépare, j'ai fait le bilan des points qu'on pourrait qualifier d'accrochages ma-

jeurs, ententes particulières, plancher d'emploi, statu quo ante, circulation des textes, etc. Là, je me pose un certain nombre de questions parce que, à partir des suggestions qui ont été faites par la commission parlementaire, à partir de plusieurs remarques que M. Beauvais a faites et de quelques remarques aussi que M. Garon a lancées tout au long de la journée, je ne vois vraiment pas ce qui peut vraiment diviser à ce point les parties, sur au moins trois de ces quatres clauses.

Si vous me permettez, je vais les prendre une par une et, avant, je vais demander au Syndicat des employés de soutien de prendre en note une question. On vous a accusés de façon claire ou détournée de négocier à la hausse. J'aimerais connaître votre opinion là-dessus, parce que je pense bien que, dans le monde syndical comme du côté patronal, le fait de négocier à la hausse est une procédure qui, en termes de négociation, n'est pas acceptée de façon habituelle. Je voudrais savoir comment vous pouvez répondre à cette accusation à peine voilée qui vous a été faite de négocier à la hausse. Je veux terminer en faisant état d'un certain nombre de clauses.

Les ententes particulières. Si j'ai bien compris la position exprimée par M. Beauvais et la position exprimée par M. Garon, la seule différence qui existe entre la position patronale et la position syndicale réside dans le fait que, sur ce qui est non dérogatoire à la convention collective, en termes d'ententes particulières, le syndicat veut être informé. Or, il demande une façon d'être mis au courant, et sa façon à lui, dans sa demande, c'est d'être mis en présence de l'employé qui doit négocier une entente particulière non prévue à la convention collective. Par ailleurs, il me semble, M. Beauvais, que vous aviez fait, consciemment ou inconsciemment, une ouverture assez large cet après-midi en parlant du comité conjoint. Vous avez dit: De toute façon, le syndicat a toujours le comité conjoint au niveau duquel il peut soulever la question par la suite. Je voudrais vous poser cette question. Je vous demande de la prendre en note. Est-ce qu'il serait possible pour vous d'évaluer comme moyen d'informer le syndicat sur les ententes non dérogatoires à la convention collée tive? Est-ce qu'il serait évaluable ou pensable pour vous de prévenir le syndicat ou d'informer le syndicat préalablement au niveau du comité conjoint, autrement dit le présenter l'entente particulière non dérogatoire à la convention collective, préalablement au comité conjoint? Ceci me semblerait une façon satisfaisante d'une part pour le syndicat pour présenter des commentaires qu'il peut faire. Cela, d'autre part, ne vous empêche pas, vous, par la suite, de négocier les ententes particulières que vous voulez conserver le droit de négocier et que le syndicat ne vous refuse pas. Le syndicat ne prétend pas que vous ne devez pas en négocier du tout, il dit seulement que vous devez cependant l'en informer. Alors, sur la façon de l'informer, est-ce qu'il n'y aurait pas une ouverture possible du côté du comité conjoint?

Sur le statu quo ante, je veux vous faire remarquer que la seule différence que je vois, c'est sur le grief collectif. Mon expérience me démontre que ça devient de plus en plus, en termes de relations de travail, la meilleure façon de régler les griefs collectifs. De façon générale, on a remarqué, durant les dix dernières années, que souvent la procédure de grief ou le fait d'amener l'employé à apporter un grief était une façon de contourner le problème et quand le grief se règle, un an ou deux ans après, souvent, les employés, collectivement, sont brimés, sont bafoués. (18 h 15)

Le statu quo ante, dans la position du syndicat, quand ça regarde le grief collectif, me semble être une façon, non seulement de respecter et de se rapprocher de la position syndicale, mais aussi de bien fonctionner à l'intérieur d'une convention collective.

J'achève, il me reste deux petites choses. Sur la circulation des textes, je dois vous avouer que votre position me surprend un peu, parce qu'habituellement ça ressemble à l'exclusivité du travail. Habituellement, l'exclusivité du travail, il me semble que c'est toujours exigé par la partie patronale, beaucoup plus que par la partie syndicale. Je voudrais savoir quels sont les vrais motifs, profonds, qui font en sorte que, s'ils sont autres qu'économiques, vous ne pouvez pas en faire un bout au niveau de la circulation des textes dans le sens des aménagements qui ont été suggérés par le député de Taschereau tantôt. Là-dessus, le président du syndicat, il me semble, avait indiqué qu'il y avait évidemment des discussions à faire, mais qu'il était ouvert à des discussions sur ce sujet.

En terminant, M. le Président, c'est ma dernière remarque, je veux vous dire que j'ai été fort surpris et un peu déçu par deux phrases qui se retrouvaient dans le mémoire patronal, quand on parlait des tentatives ultimes et finir en disant que les négociations étaient terminées. Là, on parle d'un règlement complet. Que ce soit l'une ou l'autre des parties, il me semble qu'on peut parler d'un règlement complet à partir du moment où une convention collective est déposée au ministère du Travail.

Ma question s'adresse beaucoup plus à M. Francoeur. Je sais qu'on s'est déjà rencontrés dans des circonstances où M. Francoeur défendait les Québécois. Il n'y aurait pas de raison qu'aujourd'hui sa position soit changée. J'aimerais savoir de vous, M. Francoeur, compte tenu des approches qui pourraient se faire, des aménagements que M. Beauvais a déclaré être disposé à faire, si vous pouvez vraiment nous dire aujourd'hui que, quant à vous, compte tenu de tout ce qui s'est dit, c'est vraiment une négociation terminée?

Est-ce que vous ne souhaitez pas, comme tout le monde, un règlement complet, c'est-à-dire une convention collective déposée au ministère du Travail, qui signifierait que les deux parties s'entendent sur un texte? Est-ce que vous ne reconnaissez pas aussi que par rapport aux demandes initiales, le syndicat a déjà fait un bon bout de chemin? Il nous a dit aujourd'hui qu'il était prêt à en faire un autre, pour autant qu'on trouve une

formule négociée. La négociation pourrait se faire. Moi, je ne la repousserais pas du revers de la main. Ça pourrait se faire par le biais d'un conseil de médiation. Tous les mécanismes sont bons quand il s'agit, dans les derniers milles, de trouver le règlement final.

J'ai posé quelques questions.

Le Président (M. Boucher): M. Francoeur?

M. Ciaccia: Excusez, avant que les invités répondent, est-ce que vous me permettez, pour enchaîner, de poser une question additionnelle? Il pourrait répondre...

Le Président (M. Boucher): Globalement? M. Ciaccia: Globalement.

Le Président (M. Boucher): D'accord. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Le député de Sainte-Marie, de même que tous les membres de cette commission, fait référence à la durée de ce conflit. Il me semble que, pour qu'un conflit dure huit ou neuf mois, il doit y avoir une philosophie qui sous-tend l'approche des syndicats, qui est peut-être un peu différente de la philosophie ou des objectifs que vise l'administration.

J'adresse la question aux deux parties. Est-ce que vous voyez une distinction ou un lien entre la gestion du journal Le Soleil et la responsabilité financière? Autrement dit, est-ce que ceux qui ont la responsabilité financière doivent aussi avoir la responsabilité de la gestion? Est-ce que cela se pose au Soleil? Est-ce que le syndicat voit pour l'administration un rôle encore plus restreint qu'il le juge à la page neuf de son mémoire?

En terminant, j'aimerais faire un commentaire sur une déclaration qu'avait faite M. Jacques Pari-zeau, à ce moment-là le 30 août 1976, à la suite de la fermeture du journal Le Jour.

J'aimerais avoir les commentaires des trois parties. Peut-être que cela ne s'applique pas. Mais si cela s'applique, j'aimerais savoir quelle est votre réaction. Quand il a donné sa démission, il a fait une déclaration. En parlant de son geste et de la situation au journal Le Jour, il disait qu'il s'agissait d'une autogestion assez spéciale en vertu de laquelle la direction n'aurait à peu près pas de contrôle sur le contenu, qu'elle-même se ferait interdire l'accès à la première page et devrait cependant continuer à trouver, semaine après semaine, avec l'aide de l'administration, l'argent nécessaire au fonctionnement du journal.

Il s'agissait, en somme, de l'autogestion, sans la responsabilité financière. C'est et ce sera toujours inadmissible.

On essaie de trouver ce qui peut durer neuf mois. Est-ce que cela fait partie du problème?

Le Président (M. Boucher): M. Beauvais. M. Beauvais: M. le député, je crois que votre question recoupe ce que le ministre Johnson a dit un peu plus tôt cet après-midi, en ce qui concerne les distinctions à établir entre les relations de travail, les conditions d'emploi et de bien-être des journalistes et les aspects professionnels.

Il existe au Soleil un problème majeur à ce sujet. Le syndicat, à travers toute la négociation, à travers ses demandes, a toujours voulu traiter du sujet globalement. Dans les contacts quotidiens d'une salle de rédaction, faire affaire avec deux ou trois journalistes spécialisés dans un secteur, concernant un problème qui se pose à un moment donné, ou constamment être obligé de faire affaire avec une structure syndicale, ce sont deux choses différentes.

Le Syndicat des journalistes du Soleil a des concepts différents de la majorité des autres syndicats des grands quotidiens du Québec. Ils ne font d'ailleurs pas partie de la fédération professionnelle des journalistes.

Vous avez mis le doigt sur un problème sous-jacent à toute la négociation.

Deuxièmement, vous avez demandé, M. Bisaillon, si le Soleil était prêt à regarder un, deux, trois ou quatre points que vous avez mentionnés. J'aimerais revenir sur un aspect fondamental. Le médiateur a produit un rapport qui constitue un compromis. Il a regardé 150 clauses en litige et il a suggéré des solutions pour chacune d'entre elles.

Le syndicat ramasse les objectifs sur lesquels il obtient entière satisfaction, mais le grief ouvert il l'a eu en entier, il le prend. La loi, on n'en a pas beaucoup parlé aujourd'hui, il en est satisfait, etc. Il y en a des pages.

Ensuite, il dresse la liste des objectifs qu'il n'a pas réalisés de façon objective. Vous venez aujourd'hui nous dire: Sur ces points, qu'et-ce que vous êtes prêts à faire?

S'il faut reprendre toute la négociation, nous allons prendre les aspects du rapport de médiation que nous n'aimons pas et ceux que le syndicat n'aime pas et nous allons tout recommencer. Je pense bien que les 600 employés mis à pied nous regarderaient avec assez d'amertume si jamais on repartait dans une telle direction. Nous faisons une ouverture sur un aménagement technique, à partir des compromis proposés par le médiateur, mais non pas pour remettre en question un équilibre de fond qu'il a établi là, qui nous satisfait plus ou moins, qui satisfait le syndicat plus ou moins.

Il nous semble que c'était le sens des responsabilités que nous devions tous les deux exercer au moment du dépôt du rapport du médiateur.

M. Bellemare: Est-ce vrai que les droits acquis ont été lésés dans cette convention, comparativement à l'ancienne?

M. Beauvais: Dans le rapport du médiateur, il n'y a pas de droits acquis. Il peut y avoir une ou deux "clausettes" qui auraient pu mal fonctionner et qui, à un moment donné, suite à des représentations que nous avons exprimées ont été retenues, mais des questions de droits acquis perdus par les

journalistes du Soleil dans la médiation ou que nous essayerions de leur faire perdre, il n'est pas question de cela.

M. Bellemare: Aucunement? M. Garon? Le Président (M. Boucher): M. Garon.

M. Garon (Jean): J'aimerais peut-être, avant d'en arriver aux commentaires que vous venez de faire, répondre à la question du député de Mont-Royal par une question aussi: En quoi les quatre choses qui sont encore au coeur du conflit, c'est-à-dire les ententes particulières, le statu quo ante, la distribution des textes, la vente des textes à l'extérieur de même que le plancher d'emploi mettent-elles en danger la survie de l'entreprise Le Soleil Ltée?

Dans un second temps, quant à la poursuite et à la situation dans laquelle on se retrouve, c'est assez simple, on a procédé d'ultimatum en ultimatum depuis le début. On s'est retrouvés aujourd'hui — pour nous ce n'est pas très neuf — avec un ultimatum qui disait: Maintenant, c'est fini, on ne négocie plus.

Dans un dernier temps, il faut comprendre — je pense qu'on n'a peut-être pas assez insisté là-dessus aujourd'hui — même si on a effectivement repris 70% des textes qu'on retrouvait dans le rapport de médiation. Il y a la théorie du "best contract", mais l'assemblée générale du syndicat des journalistes à 76,7%, au scrutin secret, a décidé que le rapport de médiation, dans sa totalité, c'était le "worst contract", et qu'il n'était pas intéressé à rentrer au travail avec ces conditions. Je pense que c'est quand même une notion qui est assez claire. Cela s'est fait après huit mois de conflit. Les gens ont pris la décision de façon sérieuse. Ils l'ont envisagée, ils l'ont regardée. Quand on parle du "worst contract", c'est peut-être aussi une façon de retrouver dans certains cas les clauses inférieures qu'on retrouve dans toutes les autres conventions collectives. Je pense que la décision de l'assemblée générale a été assez claire là-dessus. L'assemblée générale n'est pas revenue et je pense que sous aucune forme, on ne devrait tenter de remettre en question une décision qui s'est prise librement et démocratiquement. Alors, le jugement a été porté sur le rapport du médiateur, quand on a forcé le syndicat à décider ou à prendre une position globale.

Une fois cela fait, parce qu'on a dit que c'était un ultimatum, on a dit qu'on refusait ce type d'ultimatum, on a réglé ce problème, et on est revenu, par la suite, avec une solution qui nous apparaissait plus sage, et une façon de fonctionner qui était plus susceptible d'en arriver à un règlement. C'est là où on se retrouve aujourd'hui. On a dit tout à l'heure que cela soit fait comme un "feeler", comme le ministre l'a dit. Pour nous, cela nous apparaissait la formule de médiation sur laquelle on a travaillé en fin de semaine, cela nous apparaissait une formule susceptible d'amener un règlement, de la même façon, quand on parle d'une nouvelle formule de médiation, on est prêt à trouver des formules. Ce qu'on dit, c'est qu'on n'arrêtera pas au rapport du médiateur, et sur les problèmes de fond. Je pense que la position du syndicat a été très claire là-dessus. Ce n'est pas une position rigide non plus, mais on dit: On n'arrête pas là, il faut aller plus loin pour qu'on puisse en arriver à un règlement satisfaisant. Ces conditions du climat de travail pour les prochaines années, c'est le contrat de travail avec lequel on va devoir vivre, c'est le contrat de travail avec lequel on va devoir remplir notre fonction habituelle. Je pense qu'il faut garder cela bien en mémoire.

Enfin, pour ce qui est de votre intervention concernant les droits acquis, c'est évident que le rapport du médiateur ne faisait plus état des tentatives de recul qu'il y avait pu avoir dans le cours de la négociation. Il y en a eu tout au long de la négociation, mais le rapport du médiateur, lui, n'a pas essayé de nous imposer des reculs, sinon que nous, on a accepté une formule... Pardon?

M. Bellemare: Pour vous, est-ce que vous admettez qu'il y a un recul, qu'il y a des droits acquis qui ont été...

M. Garon (Jean): Non, mais on a eu des tentatives d'éliminer des droits acquis pendant le cours de la négociation.

M. Bellemare: Ce ne sont pas des tentatives, il n'y en a pas eu. Vos droits acquis sont reconnus. Vrai ou faux?

M. Garon (Jean): Oui, nos droits acquis sont là, c'est exact.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Garon (Jean): Mais on n'avait pas l'intention, comme vous l'avez dit vous-même, de renégocier des droits acquis.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): Avant de...

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): Excusez, M. le député de Mont-Royal...

M. Ciaccia: ... j'avais demandé...

Le Président (M. Boucher): II reste trois minutes à peu près avant l'heure de l'ajournement, à moins que les membres en décident autrement. Si vous voulez continuer, je pense qu'en Chambre le leader a été assez clair en disant qu'on pouvait prolonger aussi lontemps qu'on voulait. Alors, si vous voulez en disposer autrement, je vous ferai

remarquer que je dois donner la parole à chacun des représentants des partis environ une minute avant d'ajourner.

M. Bisaillon: M. le Président, j'ai posé des questions et j'aimerais avoir des réponses. J'ai posé des questions à des gens identifiés. Y a-t-il possibilité d'avoir une réponse? Je n'ai pris que huit minutes. Y a-t-il possibilité d'avoir des réponses aux questions que j'ai posées? J'ai posé une question...

Le Président (M. Boucher): Ecoutez! Est-ce que vous désirez...

M. Bisaillon: Moi, je suis prêt à continuer, M. le Président.

Le Président (M. Boucher):... continuer après 6 h 30?

M. Ciaccia: Quelques minutes, est-ce qu'on peut continuer dix ou quinze minutes?

M. Bisaillon: Pour autant, M. le député de Mont-Royal, que j'aurai l'assurance que vous allez commencer par entendre les réponses aux questions que j'ai posées. Après cela, c'est ouvert. J'ai toute la vie devant moi.

Le Président (M. Boucher): Est-ce que les membres sont d'accord pour prolonger de quinze minutes?

M. Roy: D'accord!

Le Président (M. Boucher): Quinze minutes, soit jusqu'à 18 h 45. M. le député de Portneuf.

M. Bisaillon: Non, non. M. le Président, j'ai posé des questions. Je voudrais avoir des réponses.

Le Président (M. Boucher): Vous aviez posé vos questions à la direction du Soleil. M. Beauvais.

Une Voix: ... à M. Francoeur.

Le Président (M. Boucher): M. Francoeur.

M. Bisaillon: J'ai posé à peu près six questions. Il y en a une qui s'adressait au syndicat de soutien. Je lui ai demandé: Vous avez été accusés de négocier à la hausse. Quelles sont vos réactions là-dessus? J'ai posé quatre questions à M. Beauvais. Il m'a répondu globalement. Je voudrais qu'il réponde aux quatre questions. Après cela, j'ai posé une dernière question à M. Francoeur qui, dans le fond, pour moi, est une des plus importantes. J'attends sa réponse aussi.

Le Président (M. Boucher): Qui veut commencer à répondre? M. Beauvais.

M. Beauvais: Qui a la parole?

Le Président (M. Boucher): M. Beauvais.

M. Beauvais: M. Bisaillon, vous avez posé certaines questions bien précises sur des sujets en litige, après avoir dit qu'il ne restait plus que quatre questions. J'ai fait une liste des points en suspens à la suite du dialogue avec M. Garon. Au moment où nous nous parlons, il reste 48 points en question... (18 h 30)

M. Bisaillon: Je vous arrête...

M. Beauvais: Si vous me permettez...

M. Bisaillon: Je n'ai pas dit: II reste quatre questions, j'ai dit: II y a quatre questions dont on parle et qu'on a définies toute la journée comme étant le coeur du conflit. Je ne vous ai parlé que de ces quatre questions. Je sais qu'il y en a d'autres, mais je parle seulement de ces quatre-là.

M. Beauvais: Je veux répondre en replaçant les points dans l'ensemble. Après huit mois de négociations et deux mois de grève, le syndicat n'avait pas changé un seul iota à ses demandes: c'était en novembre. Par la suite, on a fait trois offres globales. Par la suite, on a eu la conciliation avec 150 points en suspens.

M. Bisaillon: M. le Président, je ne voudrais pas être désagréable envers M. Beauvais, mais je connais le portrait, il nous a été tracé toute la journée. Vous nous avez remis des documents; je les ai lus d'ailleurs. J'ai lu ceux du syndicat; je connais tout cela. Je ne veux pas que vous me recommenciez l'historique. Je vous ai posé quatre petites questions bien précises, bien simples. Vous me répondez "oui", vous me répondez "non", vous me répondez "peut-être ". Vous faites comme les Normands, peut-être bien que oui, peut-être bien que non. Je vais être heureux si vous répondez sur ces quatre points. Pour le reste, je l'ai le portrait.

M. Beauvais: Ce que je vous réponds sur ces quatre questions, c'est que nous acceptons le rapport du médiateur sur chacun de ces points-là comme faisant partie d'un tout et d'un ensemble. Nous ne retirons aucunement notre acceptation de ces quatre articles où les sujets en question sont traités. Nos réponses n'ont pas changé là-dessus. Maintenant, dans le cadre de l'aménagement technique qui pourrait être proposé pour en venir à un règlement, nous serons certainement disposés à faire un effort...

Le Président (M. Boucher): M. Paradis, est-ce que vous désirez répondre à M. le député de Sainte-Marie?

M. Dionne: Je vais répondre à cela. En tout cas, on va essayer d'être bref. Il semble que ce soit un problème tellement important que cela va être difficile. En tout cas, on va repasser un à un les amendements qui ont été déposés en date du 29

avril. Le texte de juridiction a été amendé par rapport à notre position originale à la suite de rencontres avec l'International Typographical Union; il fallait ajuster le texte pour ne pas déborder les juridictions. Cela a été fait. Cependant, il n'y a pas eu de rencontres et on n'a pas pu déposer l'amendement, on a été obligé d'attendre un peu.

Sur les ententes particulières, c'est un amendement au texte que nous avions déposé en demande. Comme celui qui avait été déposé chez le SJQ était quand même très bon, alors on a pris exactement la même formule.

Au niveau des changements opérationnels, il y a des amendements importants qui ont été apportés à l'ensemble du texte, c'est-à-dire à l'ensemble de la clause 5 qui traite aussi de l'embauche et du mouvement de personnel. A ce chapitre, le texte de M. Leboeuf, le texte du médiateur consacre la perte d'un droit acquis très important au niveau des employés à temps partiel et des surnuméraires. Là-dessus, écoutez, il n'en est pas question. D'autre part, ces amendements au niveau des changements opérationnels permettent explicitement l'abolition de postes, ce qui n'avait pas été fait depuis le début de la négociation. C'est explicite, c'est la clause 5.27.

Au niveau des vacances, au niveau des familiaux, il y a deux petits points et là-dessus, je m'excuse, ce matin je me suis trompé, j'ignorais ces points qui sont deux points très mineurs sur lesquels on va prendre amendement en plus parce qu'on avait demandé à M. Leboeuf, dans son mémoire de recommandations, de ne pas oublier que ce sont des gens qui vivent ensemble et que sur des questions où cela s'applique également, il pourrait donner la même chose. Ce qui fait que le congé d'adoption, par exemple, lui-même a admis l'avoir oublié, il pensait l'avoir donné dans notre texte et il n'y était pas. Alors cela en est un.

Au niveau des congés de maladie, il y a un amendement à la clause 6.32. Cet amendement vise simplement à protéger les trois personnes qui sont déjà sur un régime de trois jours de travail. Dans la mesure où on demandait douze jours, on pouvait éviter ce problème et leur enlever le nombre d'heures équivalant à l'absence, c'est-à-dire douze heures. Mais, dans la mesure où on accepte le six jours, qui n'est pas beaucoup, on dit, à ce moment-là, pas plus de huit heures d'enlevées aux personnes qui travaillent, en fait, généralement, dix et douze heures.

A la clause 8.02 a) b) et c) concernant les définitions de tâches, je regrette, c'était dans le document original et c'étaient les clauses 6.01 et 6.02 qu'on a reprises, qu'on a réinsérées dans le texte du 29 avril.

Au niveau du comité conjoint, c'est un amendement auquel je tiens beaucoup, au chapitre de la mésentente, c'est-à-dire que le désaccord soit arbitrable comme les autres. On a tout simplement remis le texte original qui était là.

Le Président (M. Boucher): Vous n'avez pas terminé?

M. Dionne: Si cela pose un problème à ce point-là, ce serait peut-être bon qu'on se rencontre. On n'a pas eu de séances de négociations.

M. Johnson: Excusez-moi de vous interrompre. M. Dionne, je pourrais peut-être vous interrompre. Je voudrais simplement faire remarquer que c'est le député de Sainte-Marie qui est revenu sur le sujet parce que je l'avais oublié et pour des raisons auxquelles, je considère, il a droit. Je ne pense pas qu'on puisse parler de problèmes insurmontables à cause de cela. C'est simplement que cela avait été évoqué au niveau de l'analyse, qu'il y avait des demandes, ou en fait, des amendements aux demandes additionnels. C'est tout. Je ne voulais pas qu'on en fasse un plat quand même.

M. Dionne: C'est parce que, contrairement à l'ancienne convention collective, il y avait quand même des droits communs entre les journalistes et les employés de soutien. Maintenant, cet écart devient tellement grand que ce n'est pas acceptable pour eux. Je pense que c'est bien clair. En lisant le rapport du médiateur, cela saute aux yeux. Ce n'est pas plus difficile que cela. D'autre part, comme je le disais tantôt, si cela pose un problème à ce point-là, il serait peut-être bon de se rencontrer. Les séances de négociations à notre niveau sont vraiment très parcellaires, mon Dieu, cela remonte même loin dans le temps. On nous a placés à la remorque du SJQ, carrément. Si nous sommes véritablement à la remorque du SJQ, les conditions applicables aux journalistes pourraient peut-être aussi s'appliquer chez les employés de soutien avec lesquels il vivent. C'est l'essentiel des amendements.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Dionne. M. Francoeur, avez-vous une réponse pour le député de Sainte-Marie?

M. Francoeur (Jacques): J'aimerais simplement que M. Bisaillon formule de nouveau sa question, afin de répondre exactement à ce qu'il m'a demandé. Cela fait déjà environ 20 minutes de cela.

M. Bisaillon: Ma deuxième question sera peut-être moins bonne que ma première. Ma première était très bonne, mais peut-être que...

Ce que je voulais savoir de vous, M. Francoeur, c'est ceci: On arrive ce matin avec un texte, un mémoire patronal, qui dit dès le départ, dans la deuxième ou la troisième page: Pour nous, l'acceptation du texte du médiateur ou de la position du médiateur a été une tentative ultime. On sait ce que cela veut dire "ultime". La position présentée par le médiateur, au fond, on a pris cela un peu comme: c'est tout ou rien. C'est un peu ce que M. Beauvais nous a dit: Pour nous, c'est comme un arbitrage le rapport du médiateur; c'est cela, je le prends, ou cela, je ne le prends pas.

A la fin de votre texte, vous disiez: "Quant à nous, les négociations sont terminées". Ce que j'ai

remarqué tout au long de la journée et je pense que vous l'avez remarqué aussi, c'est qu'il y a eu des suggestions faites par plusieurs des députés à cette table. Je vous ai vu réagir à certaines, parce que je vous regardais beaucoup. Je vous ai vu réagir à plusieurs de ces suggestions. J'ai remarqué aussi que le président du syndicat avait laissé entendre qu'il y avait encore des ouvertures possibles, qu'il était prêt à discuter, qu'il voulait négocier et M. Beauvais a fait la même chose aussi, sur plusieurs des clauses, même s'il n'a pas voulu me répondre et s'il a continué à me répondre...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Sainte-Marie, vous êtes encore dans le préambule de la question.

M. Bisaillon: Non, non. J'arrive à la question.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît, la question.

M. Bisaillon: Même si M. Beauvais n'a pas voulu me répondre partiellement et qu'il m'a répondu globalement, il a compris ce que j'ai voulu dire et vous aussi. Je vous demande ceci: Est-ce vrai que c'est vraiment terminé? Avons-nous perdu toute la journée ou pensez-vous qu'avec un peu de bonne volonté encore il pourrait y avoir un mécanisme de règlement qui serait trouvé? Seriez-vous prêt à encourager un retour à la table de négociation et un retour à l'acceptation d'un mécanisme de règlement, quel qu'il soit, pour que l'entreprise reparte, que les syndiqués travaillent à nouveau et que la population ait de l'information dans la région?

M. Francoeur: Je vais vous éviter la répétition — d'ailleurs que vous avez demandé d'éviter tout à l'heure — du pourquoi nous sommes ici, et le cheminement.

M. Bisaillon, vous êtes un expert négociateur, M. Chevrette aussi. Dans la négociation, il y a un moment où vous laissez allez des choses finales dans l'espoir d'un règlement. Nous l'avons fait dans une offre finale, une offre globale, pour être plus précis, avant la médiation. Nous avons demandé un médiateur qui, pour nous, devenait l'arbitre ultime après ce que je vous évite de relater.

Il y a certains points fondamentaux sur lesquels nous considérons que l'avenir même du Soleil... nos responsabilités envers les 600 autres employés parce que le Soleil n'est pas seulement une rédaction, c'est un ensemble, c'est un tout... Nous avons une responsabilité envers le public, envers nos autres employés, envers la société, etc. Certaines des demandes rendraient presque impossible une gestion saine de la rédaction et, partant de cela, une gestion saine du Soleil. Régler aujourd'hui pour avoir des problèmes majeurs dans deux ans ou dans cinq ans qui, je crains, peuvent arriver ailleurs, non. Nous avons accepté le rapport du médiateur même si nous étions malheureux de plusieurs de ses recomman- dations; nous croyons que c'est un bon rapport, nous sommes prêts — comme nous l'avons dit dans ce rapport — à faire des modifications d'ordre technique concernant les questions encore en litige. Nous sommes toujours ouverts aux suggestions du ministère du Travail qui, à ce jour, a tout fait pour régler le conflit.

Mais s'asseoir, renégocier et, encore une fois, partir à zéro... nous serons encore ici dans huit mois parce que si le syndicat n'est pas prêt à accepter le rapport du médiateur, nous, nous ne sommes pas prêts à accepter certaines clauses. Là, on repart à zéro. Ce que je veux dire, c'est que, depuis le début, l'attitude du syndicat a été à peu près celle-ci: On s'arrange pour continuer à négocier, on va encore aller chercher quelque chose. C'est ce qui est arrivé avec la médiation. Vous feriez une autre médiation, il y aurait encore des choses qu'il n'aimerait pas, et il aurait encore gagné quelque chose de nouveau sur la dernière médiation.

Nous, de bonne foi, nous avons, dans notre dernière offre globale et également dans notre acceptation du rapport du médiateur, laissé aller tout ce qu'on pouvait laisser aller sans compromettre le Soleil. Dans les circonstances, une négociation comme telle, non; il ne peut pas en être question. Nous sommes prêts, si le ministre a des suggestions d'ordre technique qui faciliteraient les choses, à les étudier; nous sommes prêts à en faire, nous aussi. Mais sur certains points de base, la négociation, à notre point de vue, ne donnerait rien.

M. Bellemare: ... l'éditorial.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre s'il vous plaît. Il ne reste que trois minutes avant le moins quart, alors, est-ce que les membres sont prêts à continuer...?

M. Ciaccia: Une petite question, vous aviez reconnu le droit de parole au député de...

M. Bellemare: Si je n'ai pas le droit de poser des questions, je m'en vais.

Le Président (M. Boucher): Une courte question, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: C'est un commentaire, M. le Président qui est très bref...

Le Président (M. Boucher): C est un commentaire...

M. Pagé: Je n'ai quand même pas abusé de mon droit de parole aujourd'hui, vous l'avez reconnu tout à Iheure.

Le Président (M. Boucher): Alors, allez-y rapidement.

M. Pagé: M. le Président, évidemment, avec le temps très bref, je n'aurai pas de question spé-

cifique, précise à poser, parce qu'on a fait le tour de presque tous les sujets aujourd'hui et, selon moi, cela a très bien été, respectant le mandat de notre commission d'entendre les parties.

Des rapprochements ont été faits. Je pense que les questions formulées par les députés, les membres de la commission, nous permettent de constater que, somme toute, vous n'êtes pas aussi éloignés qu'on pouvait le croire au début des travaux de cette commission.

M. le Président, j'aurais un très bref commentaire, avant de déposer une motion qui, j'en suis convaincu, sera acceptée à l'unanimité des membres de cette commission. Je vous donne un préavis du dépôt de cette motion.

Je suis un peu surpris de la réponse de M. Francoeur à la question du député de Sainte-Marie parce que, quant à moi — je vous ai écouté aujourd'hui, j'ai suivi le conflit, c'est dans ma région, cela touche mon comté — je crois qu'il y a certainement un manque de bonne volonté quelque part.

D'une part, vous acceptez un rapport de médiation et vous dites: C'est cela ou cela va fermer. Moi, je l'interprète un peu en voulant dire: Cela va plier ou bien casser. Par surcroît, vous ajoutez qu'il n'est pas question de négocier. (18 h 45)

J'en reviens un peu au rôle de cette commission. C'est une émanation de l'Assemblée nationale. On n'a pas de pouvoirs, comme tels, mais c'est tout au moins, nous l'espérons, un pouvoir incitatif pour tenter de rapprocher les parties, pour tenter de faire en sorte qu'une négociation aboutisse. C'est le sens de ma motion, M. le Président.

Je me permettrai de vous faire part, M. Francoeur, avant de présenter cette motion, que vous pouvez la rejeter du revers de la main et ne pas y donner suite. Mais je vous demanderais de tenir compte du droit du public à l'information dans l'est du Québec. Je vous demanderais de tenir compte des 600 travailleurs qui sont affectés par le conflit et qui sont sans emploi actuellement, des personnes qui sont en grève depuis neuf mois, qui ont peut-être aussi, à un certain moment, eu un manque de bonne volonté et si j'avais eu plus de temps, je l'aurais exposé.

Le Président (M. Boucher): Compte tenu de l'heure, M. le député de Portneuf, vous ne pourrez pas présenter votre motion.

M. Pagé: M. le Président, j'en arrive à ma motion: Que cette commission parlementaire invite les parties concernées à reprendre sans délai les négociations. J'espère qu'elle va être adoptée. J'aurais aimé ajouter une minute ou deux sur...

Le Président (M. Boucher): Pourriez-vous m'apporter le texte, s'il vous plaît?

M. Pagé: ... les motifs invoqués à l'adoption de cette motion, mais vous m'avez coupé dans mon temps.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, est-ce que je pourrais vous demander que les députés qui interviendront sur la motion présentée par le député fassent en même temps — puisque le sujet nous y invite — la conclusion de cette séance de la commission, peut-être en cédant la parole immédiatement au député de Johnson en laissant au ministre du Travail le soin de conclure cette journée de travail.

M. Bellemare: M. le ministre, d'abord à tout seigneur tout honneur et après cela je terminerai.

M. Johnson: Je préférerais conclure, si vous n'avez pas d'objection.

Le Président (M. Boucher): Alors, on peut commencer par le député de Beauce-Sud. M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: C'est une motion incitative. Cela n'est pas une motion par laquelle la commission parlementaire peut imposer aux parties en cause de se rencontrer. Disons que cela ne me donne pas entière satisfaction, mais je pense bien que la commission parlementaire peut difficilement agir autrement. J'aimerais m'adresser aux deux parties, tout simplement pour dire, qu'aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, vous avez vu une préoccupation unanime de tous les membres des formations politiques autour de cette table. C'est assez rare qu'il y a unanimité des membres de l'Assemblée nationale de toutes les formations politiques. La plus récente unanimité a été sur la taxe de vente. Je serais tenté de dire aux deux parties peut-être de ne pas faire comme M. Chrétien, vous enrouler dans la broche piquante, dans le barbelé et il ne faudrait pas oublier — je le dis de façon très sérieuse, le député de Portneuf a parlé de sa région, de son comté. Le comté que je représente est également concerné, durement touché par la grève du journal Le Soleil.

Nous sommes en face d'une entreprise privée de droit. Je pense que dans une question de service public, la propriété privée de strict droit est dépassée, il y a aussi une propriété publique. Le public de nos régions, de nos comtés, la région de Québec, de l'est du Québec a droit à ce service et je m'adresse aux deux parties. Ce n'est pas mon rôle de prendre pour l'une ou l'autre des deux parties. Je vous inviterais sérieusement à mettre de l'eau dans votre vin, chacun de votre côté et de faire en sorte que cela puisse en venir à une solution satisfaisante — je ne dis pas la solution idéale pour l'une ou pour l'autre des deux parties — à un compromis acceptable, un "gentlemen's agreement" parce que la motion que j'ai inscrite au feuilleton de la Chambre, le 5 avril dernier, n'est pas une motion qui se termine avec la fin de la présente session de la commission parlementaire.

Nous allons sûrement suivre l'évolution de ce dossier de très très près et si nécessaire — j'espère que cela ne sera pas nécessaire — nous allons sûrement y revenir à la première occasion dans l'intérêt des populations concernées, dans l'intérêt du droit de nos comtés, de notre population, à une information.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Beauce-Sud. M. le député de Johnson.

M. Bellemare: M. le Président, je suis très heureux ce soir de voir qu'on a fait un cheminement difficile, mais progressif. Je pense que les parties ont eu une soupape pour se dire véritablement des choses qu'elles n'ont pu se dire durant la médiation même. On s'est dit aujourd'hui des choses véritables dans un échange de vues qui va certainement aider au règlement du conflit.

La commission parlementaire aura donc, M. le Président, joué son rôle: celui d'entendre les parties et d'essayer de les rapprocher sur certains sujets qui ne semblent pas si difficiles que cela. Le député de Sainte-Marie disait tout à l'heure qu'il y avait eu beaucoup de bonne volonté manifestée. Je pense que tout le monde, à cette table, a remarqué que la partie patronale y est allée avec beaucoup de prudence, que la partie syndicale, elle aussi, a fait, sans l'écrire, des concessions possibles. Je pense que le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre pourrait compléter aujourd'hui cette constatation non pas en obligeant mais en sollicitant les parties de se revoir le plus tôt possible. Tandis que le fer est chaud, c'est le temps de le battre.

Je pense que vous avez tous oublié le grand principe qui est en cause, celui de l'information du public. Vous réglez votre problème, c'est vrai, entre vous autres par des négociations, par de la médiation, mais le grand public qui attend que le conflit du Soleil se règle... Je répète ce que j'ai dit ce matin, c'est presque dans tous les foyers du Québec, surtout dans l'est du Québec, que l'on lit le Soleil, qu'on prend connaissance de ce qui se passe dans la province. Je ne dis pas cela au détriment des autres journaux, il y a beaucoup d'autres journaux dans la province, mais le Soleil, c'est un pain quotidien pour bien des familles. J'espère qu'on ne l'oubliera pas. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Johnson, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Brièvement, je voudrais appuyer la motion du député de Portneuf. Il a adressé ses paroles un peu à l'administration du Soleil; je voudrais suggérer aussi que les autres parties songent très sérieusement à régler ce conflit et peut-être qu'aujourd'hui certains principes fondamentaux on été soulevés des deux côtés.

Le député de Johnson a référé au droit du public à l'information. Je voudrais aussi vous suggérer de penser aux autres employés, aux autres syndiqués dont le problème est déjà réglé depuis quelque temps, et qui attendent. En plus de la question du droit à l'information, je pense que c'est une situation très humaine pour ces gens qui attendent et qui n'ont pas d'emploi. Il s'ensuit qu'aujourd'hui on aura, je pense, dégagé quelques principes, quelques changements, quelques positions et peut-être pourrez-vous vous approcher. Mettre un peu d'eau dans son vin grandit parfois les parties plutôt que de les réduire à garder leur position, dans le conflit, dans la société.

Je suggère fortement, tenant compte des besoins de tous ceux qui dépendent de vos décisions... Vous êtes les dirigeants des différentes parties, pensez à ceux qui dépendent de vos décisions. Je souhaite vraiment que vous apportiez une autre approche plus positive, des deux côtés, pour résoudre ce conflit qui semble être assez pénible.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Mont-Royal. M. le ministre.

M. Johnson: M. le Président, est-ce que je dois considérer que je suis le dernier à prendre la parole? Est-ce que le député de Portneuf a l'intention de conclure sur sa motion? Non?

Le Président (M. Boucher): Non, nous prendrons le vote immédiatement après.

M. Johnson: Bon. Alors, je tiendrai pour acquis qu'il s'agit de la dernière intervention à cette commission. Le député de Portneuf a présenté une motion, ce que j'aurais fait dans d'autres circonstances. Cette motion nous dit qu'elle invite, non pas avec le pouvoir coercitif parce que nous n'en avons pas — ne nous faisons pas d'illusion, on ne réglera pas le problème du Soleil par une loi spéciale — mais au moins le pouvoir de ce que représentent ceux qui sont élus par la population et qui, je pense, sont aussi représentatifs qu'un propriétaire d'entreprise ou qu'un prési-sident de syndicat. C'est pour cela que vous avez été convoqués, pour que ceux qui représentent les citoyens du Québec vous disent combien ils sont troublés par ce conflit qui dure depuis longtemps, et combien ils sentent que cela remet en cause des choses assez profondes.

Il est essentiel qu'à la lumière du cheminement qui a duré à peu près quatre heures, ici, aujourd'hui, vous considériez qu'il y a encore de la place pour un règlement. C'est une affaire d'attitude, ce n'est plus une question de fond; ce n'est même plus une question de la sacro-sainte valeur de la liberté des journalistes ou du sacro-saint droit de gérance d'un employeur avec sa conception d'un style de gestion. Au-delà de cela, il y a un intérêt, celui de l'ensemble des Québécois qui sont touchés par cette grève, c'est-à-dire 150 000 abonnés et sûrement beaucoup plus de lecteurs qu'il y a d'abonnés, il y a l'intérêt à l'information, ce droit qu'ils ont à l'information.

Dans les circonstances, j'espère que pour l'ensemble de ceux qui bénéficient directement

par l'emploi, évidemment, ou indirectement parce que cela peut impliquer d'activités économiques dans le cas du Soleil qui est une des grandes entreprises de la ville de Québec et, également, pour l'ensemble des Québécois qui sont des lecteurs et qui ont droit à l'information, j'espère, M. Garon, M. Paradis, M. Dionne, M. Francoeur, M. Beauvais, M. Beauchamps, que dans les jours qui viendront, vous réussirez à vous asseoir. Je vous dirai simplement, en terminant, qu'il y a un homme à travers tout cela qui connaît le dossier sans doute mieux que tous les membres de cette commission et qui est à votre disposition. C'est M. Leboeuf qui, pendant quatre mois comme conciliateur et comme médiateur et qui aujourd'hui vous a écoutés avec une attention particulière, a peut-être senti des nuances qui, pour nous, n'étaient peut-être pas précises. M. Leboeuf peut sûrement vous aider dans les circonstances.

C'est pourquoi, évidemment, je ne peux pas faire autrement qu'être d'accord avec la motion à laquelle j'ajouterais, cependant, cet amendement selon lequel vous avez à votre disposition le ministère du Travail, en la personne de M. Leboeuf, quelqu'un qui peut sûrement vous aider considérablement.

Je vous remercie d'être venus, de vous être déplacés et je souhaite, évidemment, pour l'ensemble de ceux qui sont impliqués, qu'on voie un règlement au plus tôt dans le conflit du Soleil. Merci.

Le Président (M. Boucher): Est-ce que la motion du député de Portneuf pour que cette commission parlementaire invite les parties concernées à reprendre sans délai les négociations est adoptée?

M. Bellemare: Avec l'amendement de M. le Ministre.

Le Président (M. Boucher): ... avec l'amendement de M. le Ministre, est-ce adopté? Adopté. Alors, au nom de tous les membres de la commission, je remercie tous les participants et, particulièrement les gens de la salle qui ont été d'une tranquillité exemplaire. Merci beaucoup.

La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 59)

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