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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le vendredi 26 mai 1978 - Vol. 20 N° 96

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Question avec débat: Politique relative au placement et à la qualification professionnelle des travailleurs de la construction


Journal des débats

 

Question avec débat

Politique relative au placement et à la qualification professionnelle des travailleurs de la construction

(Neuf heures huit minutes)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission du travail et de la main-d'oeuvre est réunie ce matin comme prévu par le nouveau règlement, sans quorum, de telle sorte qu'on peut maintenant procéder sur la question avec débat du député de Beauce-Sud au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre sur le sujet suivant, à savoir la politique du gouvernement relativement au placement et à la qualification professionnelle des travailleurs de la construction. La parole est au député de Beauce-Sud.

Présentation du sujet M. Fabien Roy

M. Roy: Merci, M. le Président. Comme le prévoit notre règlement, j'ai voulu profiter de cette journée pour attirer l'attention du ministre et des membres de la commission relativement aux difficultés d'application que comportera le nouveau règlement qui doit entrer en vigueur une partie le 1er juin et l'autre partie le 1er juillet. On se rappellera que depuis l'adoption de la loi de la qualification professionnelle en vue du contrôle qualitatif et quantitatif de la main-d'oeuvre de la construction, plusieurs tentatives ont été faites de façon à trouver des formules pour régler et résoudre le fameux problème du placement dans l'industrie de la construction. On se rappellera également les rapports et l'attention qu'avait apportés la com- mission Cliche sur cette question.

M. le Président, le 30 septembre dernier, le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre nous annonçait que le Conseil des ministres avait approuvé le règlement relatif au placement des sa- lariés dans l'industrie de la construction, document préparé et adopté par l'Office de la construc- tion du Québec. À cette occasion, M. Réal Mireault, président de l'office, déclarait que le mandat confié à son organisme en matière de placement des salariés de la construction répondait à la volonté des législateurs de dégager une fois pour toutes le placement du contexte de la négociation où pendant trop longtemps la main-d'oeuvre a fait l'objet d'un marchandage. On ne pouvait que se réjouir de cette volonté gouvernementale de mettre enfin de l'ordre dans une industrie vertement décriée depuis plusieurs années.

Lors de la présentation du nouveau règlement de placement, nous avons cru que le gouvernement s'était enfin décidé à civiliser ce que plusieurs appellent la jungle du travail dans l'indus- trie de la construction et qu'il allait, dans son règlement, se rendre à une des recommandations du rapport de la commission Cliche, à savoir l'abolition pure et simple des bureaux de placement régionaux.

On se rappellera, à l'époque quelle a été l'attitude de l'Opposition officielle du temps, soit le Parti québécois, à l'Assemblée nationale. Mais cela nous semblait tellement évident, à cause de la clarté même de la recommandation de la commission Cliche et aussi parce que, comme le déclarait M. Brian Mulroney, le 5 février 1976, l'abolition des bureaux de placement syndicaux demeure la clé de voûte des problèmes de la construction au Québec, et le gouvernement devra se résoudre, tôt ou tard, à s'y attaquer. Autrement, la réforme entreprise tournera court. Donc, face à la commission Cliche, le gouvernement n'a rien trouvé de mieux que de nous présenter un règlement de placement qui, dans ses grandes lignes, nous apporte peu de nouveau. Sa seule valeur, c'est d'avoir effectué la codification...

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. Il y aurait possibilité, me dit-on, de descendre à la salle 81-A, où on n'aurait aucun bruit. Si vous êtes d'accord, on pourrait descendre.

M. Roy: Je tiens bien à être compris, M. le Président. Je n'ai pas d'objection à l'autre salle.

(Suspension de la séance à 9 h 13)

(Reprise de la séance à 9 h 16)

Le Président (M. Jolivet): Je profite de la circonstance pour vous donner les membres de cette commission: M. Bellemare (Johnson), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gravel (Limoilou), M. Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois), M. Pagé (Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud), M. Vaillancourt (Jonquière); M. Fontaine (Nicolet-Yamaska) remplace M. Bellemare (Johnson). Est-ce qu'il y a d'autres remplacements? M. Godin (Mercier) remplace M. Bisaillon (Sainte-Marie).

Je laisse au député de Beauce-Sud le libre choix de recommencer ou de continuer là où il était rendu, compte tenu de ce petit dérangement qui nous est apparu.

M. Roy: On me demande de recommencer.

M. le Président, le 30 septembre dernier, le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre nous annonçait que le Conseil des ministres avait approuvé le règlement relatif au classement des salariés dans l'industrie de la construction, document préparé et adopté par l'Office de la construction du Québec. Est-ce qu'on m'entend mieux?

M. Chevrette: Très bien. On ne comprend pas mieux, mais on entend mieux.

M. Roy: À cette occasion, M. Réal Mireault, président de l'office, déclarait que le mandat confié à son organisme en matière de placement des salariés de la construction répondait à la volonté du législateur de dégager une fois pour toutes le placement du contexte de la négociation où pendant trop longtemps la main-d'oeuvre a fait l'objet d'un marchandage. On ne pouvait que se réjouir de cette volonté gouvernementale de mettre enfin de l'ordre dans une industrie vertement décriée depuis plusieurs années.

Lors de la présentation du nouveau règlement de placement, nous avons cru que le gouvernement s'était enfin décidé à civiliser la jungle du travail dans l'industrie de la construction et qu'il allait, dans son règlement, se rendre à une des recommandations du rapport de la commission Cliche, à savoir l'abolition pure et simple des bureaux de placement syndicaux.

Cela nous semblait tellement évident, à cause de la clarté même de la recommandation de la commission et aussi parce que, comme le déclarait M. Brian Mulroney, le 5 février 1976, l'abolition des bureaux de placement syndicaux demeure la clé de voûte des problèmes de la construction au Québec, et le gouvernement devra se résoudre, tôt ou tard, à s'y attaquer. Autrement, la réforme entreprise tournera court.

Face à la commission Cliche, qui a étudié le problème en profondeur, face aux nombreuses analyses faites au ministère du Travail, le gouvernement n'a rien trouvé de mieux que de nous présenter un règlement de placement qui, dans ses grandes lignes, nous apporte que peu de nouveautés. Sa seule valeur, c'est d'avoir effectué la codification de tout ce qui concerne le placement et la division du territoire du Québec en treize grandes régions.

Donc, si l'on ne change rien fondamentalement, comment peut-on prévoir régler quoi que ce soit dans l'industrie de la construction? Avec ce règlement, ce ne sont pas les travailleurs — et j'insiste là-dessus — qui y gagneront, mais bien certains bureaucrates qui, une fois de plus, étendront leurs tentacules dans une nouvelle sphère d'activité.

Regardons maintenant les principaux éléments de ce fameux règlement. D'abord, prenons le titre d'une circulaire de l'Office de la construction du Québec: "Pour les vrais travailleurs de la construction", comme s'il y avait de vrais et de faux travailleurs dans cette industrie; ce titre est pompeux, on pouvait difficilement faire mieux. Depuis quand se permet-on, et qui va se permettre de distinguer entre les bons et les méchants, parce que s'il y a des bons, il doit nécessairement y avoir des méchants?

Il s'agit, à mon avis, d'un véritable pétage de bretelles. Il faut appeler les choses par leur nom, car il n'existe pas de vrais et de faux travailleurs de la construction. Lorsqu'un gars travaille dans la construction, il est un travailleur de la construc- tion, point. Vouloir distinguer les vrais et les faux travailleurs, c'est un arbitrage inacceptable. Qui va le décider, et à partir de quoi tranchera-t-on la question? — Je ne suis pas fâché, je veux rassurer tout de suite mon collègue que je ne suis aucunement fâché, c'est le ton habituel que j'utilise.

M. Godin: Votre pression!

M. Roy: Comme c'est une question extrêmement sérieuse, et comme il y a bien des travailleurs de toutes les régions du Québec qui sont concernés et qu'il y a des gens qui sont placés dans des situations épouvantables — c'est le terme que j'emploie, des situations épouvantables — je ne peux pas demeurer indifférent devant cette question, surtout quand je suis obligé d'aller rencontrer d'honnêtes travailleurs de mon comté, des pères de famille qui sont derrière les bureaux — derrière les barreaux, pas derrière les bureaux, je m'excuse, c'est bien important de bien préciser...

M. Chevrette: Pour le journal des Débats, il y a toute la différence.

M. Roy: ... pour aller les rencontrer, et c'est la raison pour laquelle parfois j'élèverai encore la voix. Je ne veux surprendre personne durant ces discussions. Quand un travailleur de la construction doit aller travailler pendant un an, un an et demi, à l'extérieur ou dans d'autres domaines, parce qu'il n'a pas de travail, et qu'il revient reprendre sa profession et son métier, parce qu'il a été ailleurs plutôt que de recevoir du bien-être social, devient-il un faux travailleur? J'aimerais que quelqu'un puisse clarifier la situation là-dessus et me donne des critères.

Que veut le gouvernement par ce nouveau règlement? Toujours selon l'OCQ, ce règlement a pour principal objectif de régulariser le marché du travail. C'est ce qui est dit dans la circulaire, ici: "L'Office de la construction du Québec, l'OCQ, a élaboré une politique de service de main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction ayant pour principal objectif de régulariser le marché du travail." Maintenant, que veut le gouvernement par ce nouveau règlement? Toujours selon l'OCQ, ce règlement a pour principal objectif, comme je viens de le dire, de régulariser le marché du travail, et pour y arriver, il axe sa politique sur trois points principaux, à savoir la reconnaissance des vrais travailleurs de la construction, la préférence d'embauche régionale et quelle région, la mise en place d'un nouveau système de placement. Ce sont les trois points de départ.

Ce qu'il est intéressant de constater au départ, c'est cette volonté ferme que l'on a de régulariser le marché du travail dans une industrie que même le ministre d'État au développement économique qualifiait de cyclique. Je cite le ministre à la suite d'une question qui a été posée par le leader de l'Opposition officielle qui demandait: Ne me parlez pas de la Colombie-Britannique, ne me parlez pas de Toronto, parlez-moi du Québec, ne me parlez pas des États-Unis non plus, parlez-moi des chô-

meurs du Québec, dans le domaine de la construction.

Et voici ce qu'a répondu M. Landry: M. le Président, ce n'est pas parce que je me sens plus quelconque que les autres que je réponds. Il y en a eu trois d'apostrophés, c'est parce que, précisément dans les premières semaines où j'ai occupé ces fonctions de ministre d'État au développement économique, j'ai rencontré les gens du secteur de la construction, des associations générales et quelques associations sectorielles. Savez-vous ce qu'ils m'ont dit, M. le Président. Ils m'ont dit: Le malheur de notre industrie, c'est qu'elle est cyclique, c'est la problématique la plus sérieuse de l'industrie de la construction, non seulement au Québec, mais aussi dans toutes les autres places que le député de Laval a mentionnées.

Comment peut-on logiquement régulariser un marché de travail, alors que l'industrie elle-même est considérée comme cyclique par le gouvernement? Cet objectif occasionnera beaucoup de frais, beaucoup d'études et d'analyses de la part des fonctionnaires, et peut-être qu'un jour on arrivera à régulariser l'irrégularité, mais encore faudrait-il que l'on connaisse l'industrie de la construction, d'abord, pour ensuite, songer au marché du travail. De la façon dont veut gérer l'OCQ, c'est, à mon avis, mettre la charrue devant les boeufs, et lui-même lorsqu'il est venu devant la commission parlementaire, il y a déjà de cela quelques années, nous a dit qu'on n'avait aucune étude quant aux projections futures, des besoins de main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction, et on admet volontiers que, d'une année à l'autre parfois, il y a des variantes de 50%, 75% et même 80% dans la main-d'oeuvre globale.

Revenons à l'axe premier de ce nouveau règlement, la reconnaissance des vrais travailleurs de la construction. Cette reconnaissance, selon le règlement, se fera à partir du nombre d'heures travaillées dans l'industrie de la construction et ce, sur une période de référence portant sur douze mois et correspondant à l'année civile précédente, la date de délivrance ou le renouvellement du certificat de qualification. Si l'ouvrier a travaillé le nombre d'heures requis, l'office lui délivre automatiquement le certificat de classification; cependant, si un ouvrier titulaire de certificat de classification A ou B, durant la période référence, a travaillé moins de 500 heures, l'office devra, sur demande, lui délivrer un certificat de classification C.

Ici, que veut dire "sur demande" et qui doit faire la demande auprès de l'office? J'aimerais ajouter ceci: Qu'arrive-t-il dans les régions rurales où certains entrepreneurs de la construction font de la construction domiciliaire, de la construction commerciale, de la construction industrielle et aussi de la construction pour la classe agricole, construction de porcheries, construction de granges-étables, construction de bâtisses de fermes, alors que ces heures ne sont pas régies par l'Office de la construction du Québec, alors que la qualification professionnelle n'est pas exigée et que les gens qui, à cause justement des be- soins des régions rurales du Québec, à l'occasion d'une année par rapport à une autre, vont travailler 25%, 30% de plus dans la construction agricole que dans la construction résidentielle? Comme leurs heures ne comptent pas, est-ce que ces gens-là, qui sont des travailleurs de la construction, que je sache, seront lourdement pénalisés parce que, de la carte de classification A qu'ils détiendront, ils détiendront automatiquement la carte C, pour la bonne raison qu'il n'y a aucun contrôle de ce côté-là et que les heures ne comptent pas?

En ce qui concerne les autres salariés désireux de travailler dans l'industrie de la construction — je parle des nouveaux venus — ils devront faire la preuve qu'ils ont obtenu une garantie d'emploi et un certificat leur sera émis seulement s'il n'existe aucun autre travailleur disponible pour le métier ou l'emploi recherché, et cela, dans la région désignée dans le règlement. De plus, si l'on regarde l'article 3.12, là, on se rend compte que tout le fardeau de la preuve appartient aux salariés, et ce n'est pas facile. Ils n'ont pas tous des cours de droit. Même là, ce dernier n'est pas assuré d'obtenir un certificat de classification, car l'on ne fait aucune obligation à l'office de délivrer un tel permis et, dans le paragraphe d) de l'article 3.12, on lit: "... ou pour tout autre cas non prévu par le présent règlement". Donc, la porte est ouverte à l'arbitraire.

Ici, nous sommes obligés de constater que les pouvoirs de l'office lui donnent une importance pouvant aller jusqu'à l'arbitraire et on sait que l'arbitraire n'est pas synonyme de justice. En démocratie, on ne peut pas gouverner par l'arbitraire.

Ce fameux certificat de classification, qui deviendra obligatoire pour tous les salariés de la construction le 1er juillet 1978, remplacera, au dire même de l'OCQ, l'ancien permis de travail des salariés qualifiés. Que l'on appelle ce permis permis de travail ou certificat de classification, nous sommes devant une même réalité, et cette réalité est aussi inacceptable aujourd'hui que par le passé. Obliger un travailleur à détenir un certificat de classification qui, ne l'oublions pas, vient s'ajouter à l'obligation qu'il a de détenir un certificat de formation professionnelle, un certificat de qualification professionnelle, s'est l'encar-caner au point de lui enlever toute liberté de travail. La liberté d'un peuple ne peut s'acquérir au détriment de la liberté individuelle, et c'est cette liberté que l'on enlève aux travailleurs actuellement. D'ailleurs, sur ce même sujet des permis de travail, qu'il me soit permis de rappeler une affirmation du président de la CTC d'alors, M. Donald MacDonald, qui, en 1972, à la suite d'une déclaration de Pierre Elliott Trudeau, encore premier ministre du pays, disait entrevoir le jour où tout citoyen désireux de travailler devra posséder un permis de travail. Il déclarait son opposition à un tel système de permis de travail et ce, à cause des abus commis dans d'autres pays qui appliquent ce régime et à cause de la monstrueuse bureaucratie à laquelle un tel régime donne naissance habituel-

lement. Et, M. le Président, je pourrais citer la déclaration qui avait paru dans le journal Dimanche Matin du 24 septembre 1972. "Peut-on croire qu'un tel système de permis de travail sera meilleur chez nous? Peut-on croire que notre bureaucratie sera moins lourde? " J'aimerais qu'on réponde à ces questions.

Ces questions, nous devons nous les poser, et nous nous devons de le faire sérieusement. Un travailleur qui possède un certificat de qualification pour un métier donné, une carte de compétence, n'a que faire de la multiplication des certificats. Sa compétence au travail est le seul gage de sa réussite et le droit au travail, d'exercer sa profession, son métier, est un droit fondamental qu'on considère parmi les droits de base de la personne. (9 h 30)

En ce qui concerne les deux points, sur la référence dans l'embauche régionale, nous ne pouvons en discuter que par rapport au point 3 concernant la mise en place d'un nouveau système de placement. En effet, ce n'est que par ce système de placement que se fera cette préférence d'embauche régionale. Ainsi donc, après avoir contrôlé et fiché comme il se doit le travailleur salarié de la construction, l'office nous annonce les principaux éléments de son nouveau système de placement.

Quelle est donc cette nouveauté que nous propose l'Office de la construction du Québec? Cette nouveauté, c'est le remplacement des bureaux de placement syndicaux par des agences de placement syndicales contrôlées par l'Office de la construction du Québec. De plus, on ajoute que ces nouvelles agences devront, pour fonctionner, obtenir une licence délivrée par l'OCQ, respecter les priorités de placement, se soumettre à un code d'éthique et, pour la protection des personnes lésées, on y ajoutera un droit d'appel.

Ces mesures, le moins que l'on puisse dire, ne correspondent pas tellement à ce que recommandait la commission Cliche entre autres, qui, on se souvient, demandait textuellement que l'existence d'un bureau de placement dirigé par un syndicat, une union ou une association patronale soit formellement interdite par la loi et que toute violation de cette interdiction soit passible d'amende sévère pour les autres contrevenants.

Au lieu de respecter cette recommandation, le gouvernement choisit de conserver les agences de placement syndicales, mais les assujettit au contrôle de l'office et à un code d'éthique. À l'exemple de M. Michel Bourdon, de la CSN, je serais tenté de dire: De la construction, le PQ improvise comme les libéraux. Cette phrase n'est pas de moi, elle est de M. Bourdon. Tel que proposé, le système de placement maintiendra l'emprise des syndicats sur leurs membres et ce n'est pas, comme le dit l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, un code d'éthique contrôlé par l'Office de la construction qui y changera quelque chose. Avec ce nouveau système de placement, le travailleur salarié devra, pour obtenir un emploi, soit s'adresser à une agence de placement ou directement à l'employeur, et, selon les qualifications requises et la préférence d'emploi, ce travailleur pourra être embauché.

Et si, à cause de la multiplicité des critères que l'on a établis, il semble utopique de croire que beaucoup de travailleurs s'adresseront directement à l'employeur pour obtenir un emploi, surtout dans les grands centres, cela va être différent dans les localités rurales, ils s'adresseront surtout à une association reconnue qui possède les données requises. Dans cette perspective, qui contrôlera l'embauche sinon encore les syndicats, au nombre de trois, qui sont en concurrence entre eux et dont on connaît la vigueur de cette concurrence?

En ce qui concerne l'employeur, celui-ci pourra faire appel à une agence de placement syndicale, pourra embaucher directement ou pourra faire appel à l'office qui lui référera les employés disponibles. De plus, il est fait à l'employeur l'obligation d'aviser l'OCQ de toute embauche ou mise à pied et ce, au plus tard dans la journée qui suit l'événement.

A-t-on pensé sérieusement aux effectifs, aux services, aux appareils téléphoniques, au personnel dont devra disposer l'Office de la construction pour pouvoir tenir à jour, quotidiennement, le va-et-vient, et, quand on sait toute la mobilité qu'il y a dans l'industrie de la construction, pour suivre à jour sur des fichiers le va-et-vient, la mobilité des travailleurs, quand on sait que, selon les chiffres mêmes qui nous sont fournis par l'office, il y a 20 375 employeurs? Vous voyez cela d'ici: 20 375 employeurs qui devront au moins, au minimum, faire en moyenne un appel téléphonique par semaine.

Que ce soit de la construction qui ait lieu dans une petite localité du comté de Duplessis, au bout de la Gaspésie, dans le fin fond du Nord-Ouest québécois, comme de la Beauce, des Cantons de l'Est ou du Bas-Saint-Laurent, on voit cela d'ici, la mise en place d'un tel système, ce que cela va coûter pour appliquer un tel système, l'efficacité de ce système, et surtout, quelles seront les sanctions qui seront imposées aux personnes qui oublieront de le faire ou qui ne pourront pas avoir la ligne.

Là-dessus, nous n'avons pas eu d'éclairage. Quand on sait aussi que toute personne qui effectue de la construction, voire de la rénovation — il va y en avoir, de la rénovation, avec les programmes de rénovation urbaine — des réparations à la maison, sera tenue aux mêmes obligations, de par la loi, qu'un entrepreneur qui construit un édifice, un hôtel de trente étages, pour des petites réparations de $500 à une propriété, qui emploie non pas des entrepreneurs, mais des travailleurs artisans; on va obliger ces gens de toutes les régions du Québec, de toutes les municipalités et localités de la province, à téléphoner à l'OCQ quotidiennement pour lui dire: Aujourd'hui, j'ai engagé un peintre pour peindre le balcon. Demain, j'engage un ouvrier, un journalier, pour réparer l'asphalte de la montée. La semaine prochaine, je vais engager un travailleur pour réparer l'escalier arrière.

Et vous voyez tous ces propriétaires qui sont

considérés comme des employeurs dans la loi, dans la définition de la Loi des entreprises de construction du Québec, qui doivent détenir un permis pour satisfaire les exigences de la loi, appeler quotidiennement l'Office de la construction pour lui faire part de toute cette mobilité.

M. le Président, je m'excuse, mais dans ce domaine, je dois dire que je n'ai pas la foi. Il y a des limites. Je n'ai jamais entendu parler que cela ait pu se faire ailleurs, de cette façon. Les travailleurs du Québec — non seulement de la région que je représente, mais de bien d'autres régions — démissionnent, vont travailler ailleurs, vont travailler dans les autres provinces, vont travailler aux États-Unis, pour avoir la paix, parce que, dans le Québec, on est en train d'étouffer.

Comme on peut le constater, tant pour le salarié que pour l'employeur, ce nouveau système de placement leur occasionnera quantité d'obligations, à un point tel que l'on se demande où se situe l'efficacité. En plus de ne presque rien modifier dans ce système de placement, on établit une foule de contraintes qui n'auront pour effet que d'alourdir encore davantage une industrie qui n'en avait pas besoin, et surtout à ce moment-ci.

À ce stade, je me permets de relever un passage attribué à M. Michel Mireault, dans un article de presse. Je vais le citer plusieurs fois. Quand il a des bonnes citations cela me fait plaisir de le dire.

M. Johnson: M. Réal Mireault.

M. Mercier: M. Réal Bourdon et M. Michel Mireault.

M. Roy: Je vais me reprendre. M. Chevrette: Non, non.

M. Roy: À ce stade, je me permets de relever un passage attribué à M. Réal Mireault. Pourtant, je l'avais bien dit.

M. Chevrette: Tu as dit Michel. M.Roy: Je m'excuse du lapsus.

M. Chevrette: Vous êtes obnubilé par Michel Bourdon.

M. Roy: Dans un article paru dans le quotidien La Presse du 1er février 1977, je cite: "S'il faut une volonté de changer les traditions, d'améliorer les choses, et même du courage, cessons de changer le cap selon les rêves de réformateurs perpétuels. Essayons donc de baser nos actions sur les réalités de l'industrie". C'est un très bon passage, c'est pourquoi il me fait plaisir de le lire.

Je me demande si le nouveau règlement de placement des salariés de la construction est réellement basé sur les réalités de l'industrie. Je me permets d'en douter, surtout lorsqu'on nous apprend que l'OCQ effectuera, au cours des mois prochains, le recensement des travailleurs de la construction.

On établit un règlement, on le met en application et, par la suite, on fait le recensement. Voilà une pratique qui me semble, pour le moins manquer de logique. Habituellement, on cherche à connaître une industrie avant d'en faire les règlements.

J'aimerais terminer cette intervention en vous citant deux paragraphes d'un éditorial de Jean-Claude Leclerc publié dans le Devoir du 24 mai dernier. "La commission Cliche n'a rien réglé. Ni la tutelle, ni le nouvel Office de la construction du Québec, ni l'arrivée d'un nouveau gouvernement n'ont réussi à mettre en déroute la mafia de la construction. Cette pègre du bâtiment se comporte comme s'il lui fallait simplement laisser passer une tempête, le temps pour ses amis en poste dans l'appareil gouvernemental et dans les partis politiques de faire semblant qu'ils nettoient la place. "Le Parti Québécois et le nouveau Parti libéral nous assurent qu'ils ont rompu avec la triste tradition des caisses sales. L'on voudrait avoir l'assurance qu'ils ont aussi coupé les liens avec les fiers-à-bras qui, jusqu'à une date encore récente, faisaient la différence les soirs d'élections entre la victoire et la défaite dans bon nombre de comtés de Montréal et de la Rive-Sud. L'on voudrait être certain que la timidité des parlementaires et des gouvernements à l'égard des rackets et des violences dans la construction provient de la "complexité ' du problème, et non point d'une contrepartie pour services rendus. "

Si j'ai cité ces deux extraits du journal Le Devoir, c'était justement pour faire allusion à l'établissement de rackets et au fait qu'on fait en sorte de rendre encore plus complexe le problème dans l'industrie de la construction, en obligeant les gens à faire rapport de tout ce qu'ils ont à faire dans ce secteur et à se soumettre à une réglementation qui, pour le moins, sera impossible à appliquer sur le territoire du Québec.

À mon avis, il y a cinq grandes lacunes de la politique gouvernementale relative au placement dans l'industrie de la construction. Je les cite.

Premièrement, il n'y a aucune protection pour les travailleurs d'une localité, d'une ville ou d'une autre, en ce sens que, dans une localité, les travailleurs de classe A étant placés, on ne pourra pas embaucher les travailleurs ayant un certificat de classification B dans la même localité à moins d'aller chercher les travailleurs de la classe A des localités voisines, voire même des comtés voisins. Là-dessus, il y a une lacune extrêmement sérieuse lorsque dans les municipalités, dans les petites villes du Québec, il y a toutes sortes d'organismes qui travaillent à stimuler l'emploi sur le plan local, à développer l'économie. On fait en sorte d'obliger les gens à venir d'autres localités parce qu'il faudra placer les travailleurs de classe A dans une région avant d'employer les travailleurs de classe B. Je dis qu'il y a là une lacune qu'il est important de corriger.

Deuxième lacune: il n'y a aucune distinction entre les grands centres et les villages ruraux. Alors, on applique le même règlement dans toute

la grande région métropolitaine et dans les villages ruraux des régions éloignées du Québec. Le règlement s'applique partout à Montréal ou dans le village de Saint-Eloigné, qui peut être dans le comté de Belleterre.

Troisièmement, il n'y a aucune distinction entre la construction commerciale ou industrielle et l'habitation familiale. Des régions rurales — combien de municipalités avons-nous au Québec qui ont moins de 1000 âmes; il serait étonnant de faire la liste des localités qui ont moins de 500 âmes et pour lesquelles il y a une ou deux constructions par année, et des petites réparations — devont se soumettre à la même réglementation que les centres où on construit des édifices de vingt ou trente étages.

Quatrièmement, il n'y a aucune distinction entre la construction, la rénovation et les réparations. Il suffit qu'il y ait quelqu'un quelque part qui rapporte qu'une personne a embauché un travailleur pour faire des réparations à son domicile pour que cette personne se retrouve hors-la-loi, qu'elle reçoive une sommation et qu'elle soit dans l'obligation de se présenter devant les tribunaux. C'est tellement vrai, M. le Président, que cela vaudrait la peine que le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre fasse une enquête à l'heure actuelle pour évaluer ou dénombrer le nombre de causes qu'il y a devant les tribunaux de droit commun chaque semaine à l'échelle du Québec.

Il y a plus de causes de travailleurs de la construction, selon les renseignements dont je dispose, qui sont actuellement poursuivis devant les tribunaux que l'ensemble des autres causes de droit commun. Certains lundis, dans les différentes régions de la province, la presque totalité des causes qui passent devant les tribunaux sont des causes qui concernent les travailleurs de la construction. L'amende minimale est de $200. Les $200 s'appliquent également à l'employeur. Il y a des gens qui doivent payer ces amendes avec des chèques d'assurance-chômage. Il y a des gens qui doivent payer ces amendes avec des chèques de bien-être social. Ils doivent payer cette amende parce que, justement, ces règlements sont inapplicables dans leur localité. (9 h 45)

Cinquièmement, le rétablissement du permis de travail pour les journaliers, qui avait été abandonné parce que non applicable. Lorsque le gouvernement, par l'entremise de l'Office de la construction ou la Régie de la construction d'alors, a décidé d'appliquer le permis de travail pour les journaliers, nous en étions rendus — quand je dis nous, j'exclus la personne qui parle — les inspecteurs en étaient rendus à exiger un permis de travail pour le conducteur du camion qui allait livrer des voyages de gravier ou de terre pour faire le terrassement dans les endroits où il se faisait de la construction domiciliaire. Le permis de travail pour les journaliers a été aboli parce que incontrôlable. Et aujourd'hui, on le rétablit.

Ce sont les cinq grandes lacunes de la politique gouvernementale relativement au placement dans l'industrie de la construction. Je suis conscient du fait que dans les grands centres, pour la construction industrielle, la construction commerciale, il y a des problèmes particuliers, mais il faudrait qu'il y ait des solutions particulières et qu'on ne fasse pas en sorte de paralyser ou de pénaliser les travailleurs de la petite construction des régions rurales.

M. le Président, je me réfère actuellement à ce que nous savons du règlement de l'industrie de la construction. Je vais prendre, à titre d'exemple, la grande région de Québec, parce que la région de Québec est une des régions qui ont été définies à la page 12 et à la page 13 du règlement relatif au placement des salariés de la construction, puisqu'on parle de placement régional. La région de Québec comprend tout le Québec métropolitain. On va jusqu'à La Malbaie, Baie-Saint-Paul, le village de Cap-à-l'Aigle, Pointe-au-Pic, Rivière-du-Gouffre. On va dans le comté de Portneuf, Donna-cona, Lac-Saint-Joseph, et cela inclut également la partie non organisée du territoire de Chavigny. Cela comprend également les cités et villes de La Pocatière, L'Islet, Montmagny, Saint-Pamphile, Notre-Dame-du-Rosaire, Sainte-Lucie-de-Beaure-gard, Notre-Dame-Auxiliaire-de-Buckland, Saint-Cajetan-d'Armagh, etc. etc. Cela comprend aussi les cités et villes de Rivière-du-Loup, Trois-Pistoles, Cabano, Notre-Dame-du-Portage, Saint-Jean-Baptiste-de-l'lsle-Verte, Saint-Jean-de-la-Lande, du comté de Témiscouata. Cela comprend aussi les villes de Beauceville, Beauceville-Ouest, Beauceville-Est, Saint-Georges, Saint-Joseph, Saint-Philibert, Saint-Hilaire-de-Dorset et Saint-Robert-Bellarmin.

Si on applique le règlement à la lettre et qu'il faille placer les travailleurs de classe A dans la région de Québec avant d'engager des travailleurs de la classe B et les travailleurs de la classe C, est-ce que cela veut dire que les citoyens qui demeurent à Saint-Jean-de-la-Lande, dans le comté de Témiscouata, devront faire venir des travailleurs de Rivière-du-Gouffre, comté de Charlevoix, pour faire effectuer des travaux de rénovation ou des travaux d'agrandissement à leur propriété? Or, on sait qu'en vertu du décret de la construction, ils sont obligés de payer les dépenses de voyage, ils sont obligés de payer les frais de pension et toutes les dépenses qui en découlent. Si c'est cela le règlement de la construction puis le nouveau règlement de placement, j'aimerais qu'on nous le dise, parce qu'il est temps qu'on l'examine sérieusement. C'est une des grandes responsabilités, je pense, des membres de l'Assemblée nationale.

M. le Président, je pense que ce matin c'était mon devoir de soulever cette question, ici en commission parlementaire.

Je veux, en terminant, remercier le ministre de sa disponibilité, puisque j'ai appris après que la motion fut inscrite au feuilleton et qu'elle eut été acceptée que le ministre avait un engagement extrêmement sérieux. M. le Président, j'écoute avec attention le ministre donner ses explications, parce que je pense que la population du Québec en a besoin, et non seulement les parlementaires qui siègent autour de cette table. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, avant de vous donner la parole, j'aimerais connaître les gens qui vous entourent de façon que si jamais ils interviennent on sache qui c'est.

M. Johnson: C'est vrai. À ma droite, M. Mireault, commissaire à l'Office de la construction du Québec, des fonctionnaires de son groupe, M. Dallaire, directeur général de la main-d'oeuvre au ministère du Travail, et des fonctionnaires de la section de la main-d'oeuvre.

Le Président (M. Jolivet): Merci.

Réponse du ministre

M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson: M. le Président, tout d'abord, je dois remercier le député de Beauce-Sud d'avoir accepté que nous puissions mettre fin à cette commission à 11 heures, étant donné que je dois être à Montréal pour midi et quart, où j'ai effectivement un engagement devant le Conseil du patronat, qui est prévu déjà depuis quatre mois.

Je ne suis pas sûr de quelle façon je vais aborder ce qui me paraît être un peu pamphlétaire de la part du député de Beauce-Sud, dont on connaît d'une part les ressources. Je me rends compte que son document est passablement é-tayé. On sent qu'il y a eu une recherche. Il y a, à mon avis, des défauts d'interprétation assez graves, mais il y a sûrement une volonté de recherche dans ce document.

Je voudrais simplement, d'abord, commencer par faire allusion aux dernières remarques de son document au sujet des tutelles et de l'éditorial de M. Leclerc dans le Devoir.

Je voudrais simplement rassurer, sans m'emporter, bien que ça me tente de le faire, le député de Beauce-Sud, les membres de cette commission et tous ceux qui peuvent être intéressés à la question, que celui qui vous parle, pas plus que le gouvernement auquel il appartient, ne doit absolument rien à qui que ce soit dans ceux qu'on qualifie la mafia de la construction, et ils seront obligés de prendre ma parole là-dessus.

Je pense que le gouvernement a démontré, ar la vigueur qu'il a mise à entreprendre une nouvelle phase dans les tutelles, particulièrement dans le cas du 144, qu'il entendait continuer à investir le type d'énergie qu'il y a mis depuis un an et demi, jusqu'à ce que la démocratie syndicale soit restaurée au 144 et que les événements de cassage de chaises et d'omelettes qui se sont produits récemment dans une assemblée syndicale, d'abord, étaient attendus et, deuxièmement, donneront lieu, sur rapport d'enquête de la police, aux poursuites criminelles qui pourraient avoir lieu si, effectivement, on a des rapports concluants et des témoignages qui permettent de telles poursuites et, enfin, toutes les poursuites nécessaires et possibles en vertu de la Loi des tutelles elle-même.

Le gouvernement n'entend pas se laisser impressionner par un groupe de quelques individus, lanceurs de chaises et d'oeufs. Il fera en sorte que les plombiers du 144 reprennent, eux-mêmes, en main, éventuellement, leur propre syndicat. Je considère que ce qui s'est passé à Montréal, récemment, est un malheureux épisode, ce qui n'aura pas empêché que l'assemblée de Trois-Rivières se tienne et que les autres assemblées se tiennent. La tutelle continuera, en dépit du type d'activité qu'on a vu récemment. Je pense que les Québécois en ont assez de l'intimidation. Le gouvernement prendra les moyens que lui donnent les lois, et pas l'arbitraire, par exemple, dénoncé par le député de Beauce-Sud et que je dénonce également. Quand il y a de l'arbitraire, il faut s'arranger pour qu'il n'y en ait pas. Il faut s'arranger pour y mettre fin. Ce qu'on peut reprocher à un certain groupe au 144, dans lequel on a déjà commencé à faire maison nette, entre autres, en mettant à pied certains agents d'affaires, était à partir de la conviction que ces gens-là exerçaient un pouvoir arbitraire, basé sur l'intimidation. Ce qui s'est passé récemment à Montréal démontre de quel bois ces gens se chauffent. Le gouvernement prendra les moyens que lui accorde la loi pour essayer d'y mettre fin.

Sur les autres aspects, maintenant, du règlement de placement. Cela pourrait être bien long. On pourrait y passer plusieurs heures. Mais simplement, de façon générale, je voudrais peut-être resituer le règlement de placement dans une perspective plus globale dans le secteur de l'industrie de la construction. L'industrie de la construction est, c'est vrai, une industrie cyclique; je pense que personne va mettre ça en doute. Les premiers à le savoir, ce sont les travailleurs de la construction et les employeurs dans ce secteur-là, qui sont plus de 20 000.

Le type d'inflation d'activité qu'on a connu, entre autres, dans le cadre de la construction des Jeux olympiques à Montréal qui, évidemment, embauchait une main-d'oeuvre considérable et a fait travailler littéralement des centaines d'entreprises, a donné lieu, par la suite, à une période plutôt déflationniste de ce côté-là. Et le niveau d'activité est moindre, il correspond d'ailleurs à une baisse de l'activité de ce genre un peu partout ailleurs au Canada.

Cependant, je voudrais simplement rassurer le député de Beauce-Sud que le gouvernement se fait peut-être des illusions, mais il pense qu'il peut gouverner. On a été habitué au Québec, pendant quelques années, à se dire qu'un gouvernement ne pouvait pas nécessairement changer les choses. On se berce peut-être d'illusions, mais on pense qu'un gouvernement peut gouverner. Alors, on essaie de faire certaines choses. Parmi ces choses, on a pris en considération tout récemment un rapport de l'OCQ qui était en préparation depuis déjà quelque temps et qui vise à mettre les bases de ce que pourrait être une politique d'intervention gouvernementale dans le secteur de

la construction pour contrer les effets de la dimension cyclique de cette industrie. Je m'explique.

Il existe, dans certains pays — je ne vois pas pourquoi cela n'existerait pas au Québec, sauf que cela prend un peu de temps à mettre cela sur pied — des banques de projets publics. À titre d'exemple, 40% de l'activité de la construction au Québec, pour l'année 1976 — je n'ai pas les données de 1977 — provenait d'investissements publics. Or, cela représente quasiment la moitié de l'activité de la construction. C'est 40% des investissements, dans le secteur de la construction, qui provenaient de sources publiques. Or, la question qu'il faut se poser, dans le contexte d'une industrie cyclique, est la suivante: Est-ce qu'il n'est pas possible, pour le gouvernement, d'essayer de contrer les périodes de creux de cycle et d'envoyer dans la nature certains projets? Cela présuppose évidemment, une certaine planification interministérielle, une coordination entre le ministère des Travaux publics, le ministère des Affaires municipales responsable de la Société d'habitation du Québec et le ministère des Transports. Finalement, c'est l'ensemble des ministères et des organismes gouvernementaux qui, en cours d'activité, prennent des décisions qui impliquent de la construction. Cela, le gouvernement est prêt à le faire. En ce moment, les suites du rapport de l'OCQ ont commencé à porter des fruits au niveau d'un effort de coordination interministérielle. Je ne veux pas fixer de date, mais j'espère que, normalement, d'ici un an ou un an et demi, on devrait commencer à assister à un minimum d'interventions significatives dans ce domaine. C'est cela qu'un gouvernement provincial peut faire, entre autres, dans le domaine de la construction. Cela, c'était pour une chose un peu plus générale.

Un autre commentaire un peu plus général, c'est la notion que le député de Beauce-Sud évoque au sens de vrais par rapport à faux ou méchants travailleurs de la construction. Qu'on se comprenne bien. Ce n'est pas un jugement moral que de parler des vrais travailleurs de la construction. Je me dis qu'un homme qui, dans une période d'activité moyenne ou normale de la construction, ou même inflationniste de la construction, en haute courbe cyclique, n'a pas travaillé 500 heures dans un an à $10 l'heure, cela veut dire qu'il n'a pas fait $5000 dans son année. On peut présumer qu'il ne doit pas vivre de la construction. Par contre, celui qui a fait 1000 heures, par exemple, on peut présumer que, probablement, c'est son gagne-pain. Or, on sait qu'à l'OCQ il y au-delà de 200 000 inscriptions de personnes qui sont passées dans la construction à titre de travailleurs de la construction. On sait aussi, par les études qui sont faites par l'OCQ et les spécialistes dans le domaine de la construction au Québec, et j'inclus là-dedans les associations patronales, sectorielles ou les associations générales comme l'AEQ, qu'à activité moyenne ou normale dans le secteur de la construction, il y a de la place pour à peu près 90 000 à 110 000 travailleurs. Or, qu'est-ce qu'il arrive si on en a 200 000 qui sont inscrits à l'OCQ?

On a des situations un peu aberrantes où on a des gens qui sont de passage dans la construction. Que ce soient des pompiers qui travaillent en fin de semaine dans la construction, que ce soient des employés du secteur hospitalier qui, de temps en temps, vont travailler comme journaliers, que ce soient des gens qui font autre chose ou que ce soient des professeurs qui s'en vont travailler dans la construction, quand ces gens arrivent dans la construction, ils se font un revenu d'appoint. Tant mieux. Si on avait un plein emploi au Québec, si on avait 0,3% de chômeurs, je dirais qu'on est une société qui a les moyens de se permettre que, dans une industrie aussi stratégique que celle de la construction, il y ait des gens qui viennent se faire un revenu d'appoint, mais ce n'est pas le cas.

Or, ces gens qui viennent se chercher un revenu d'appoint dans la construction menacent la sécurité de ceux qui sont les véritables travailleurs de la construction. Quand les hommes — je dis "les hommes" parce qu'il y a relativement peu de femmes dans ce domaine; il y en a quelques-unes — de la construction sont menacés dans leur sécurité d'emploi par le passage de personnes qui viennent y chercher un revenu d'appoint, on assiste à ce à quoi on a assisté depuis 15 ans au Québec dans la construction et ce à quoi on va continuer d'assister finalement, mais qu'on peut réduire. L'insécurité suscite — le mot anglais, c'est de l'"unrest" — de l'instabilité et une forme d'anxiété chez ces hommes. Quand cela arrive, cela fait des problèmes de relations de travail. Cela fait le genre d'affrontementqu'on a vu dans le passé. Je ne prétends pas que cela va tout régler les problèmes, le règlement de placement. Je me dis que, si on permet aux hommes, qui gagnent leur vie à partir de la construction, d'avoir une forme de sécurité d'emploi qui n'est pas totale, qui n'est pas complète, qui — c'est vrai — se fait partiellement au détriment d'autres qui n'en font pas leur vie, je me dis qu'on pourrait peut-être avoir une certaine stabilité du climat de la construction. En tout cas, c'est un élément essentiel à cette stabilité de climat. (10 heures)

C'est dans cette perspective qu'on a établi le règlement de placement. C'est dans ce sens qu'on parle de vrais travailleurs de la construction, c'esf à-dire les hommes qui vraiment comptent sur ce travail pour gagner leur vie et qui n'ont pas de revenus d'appoint ailleurs, sauf leur chèque d'assurance-chômage ou le bien-être, en période de chômage.

Sur certaines choses spécifiques, maintenant, quant aux régions. Le député de Beauce-Sud me dit: La région de Québec, par exemple, les régions qu'on retrouve dans le règlement de la construction, ce sont les régions du ministère de l'Industrie et du Commerce, à deux exceptions près. Dans le cas du comté de Labelle, on a raccroché une série de localités à la région de Hull pour des raisons évidentes de communication plutôt que les rattacher à Montréal. Dans le cas des Îles-de-la-Madeleine, évidemment, on en a fait une zone particulière.

Ces régions du ministère de l'Industrie et du Commerce, c'est vrai dans une localité donnée. Le député de Beauce-Sud a raison. Techniquement, si vous avez vidé le bassin des A, de ceux qui ont un certificat A dans une localité, à l'intérieur de la région de Québec, les B passent derrière les A qui appartiennent à la même région mais qui sont d'autres localités. Cependant, le tempérament que l'OCQ y apporte, c'est le suivant: Dans sa référence — les employeurs, à un moment donné, vont demander des listes des gens accessibles — l'OCQ va fournir des listes de référence à partir de sous-régions. Il y a 30 sous-régions au Québec. Finalement, c'est déjà améliorer le bassin.

Je vais dire au député de Beauce-Sud que cette notion, par exemple, d'une région plus large peut servir autant qu'elle va desservir. C'est un donnant-donnant à partir du moment où on décide de réglementer dans le domaine, en ce sens que le travailleur qui a un certificat A dans une localité de Beauce-Sud peut très bien aller travailler ailleurs. Il va passer avant un B de la ville de Québec dans les gros projets de construction de la ville de Québec. S'il n'y a pas d'activités de construction dans Beauce-Sud, on sait qu'il y en a un peu plus dans la ville de Québec. Il a peut-être des chances d'aller à Québec, tandis que, si on lui faisait vraiment une sous-région à lui tout seul, il pourrait peut-être se ramasser, à cause d'une absence d'activité économique et d'une absence d'activité de construction, avec du monde qui ne travaille pas du tout et qui ne peut pas non plus aller dans le reste de la région. Finalement, cela joue dans les deux sens. Je pense qu'il faut l'accepter comme étant un moindre mal.

Sur d'autres choses concernant le certificat de classification et de qualification, on me dit: Comment va-t-on distinguer un véritable travailleur d'un faux ou d'un méchant? Cela n'a rien à voir avec les faux et les méchants. Cela a à voir avec ceux qui n'ont pas d'affaire à être là, d'une certaine façon. D'abord, il y a la classification. L'ensemble des heures faites dans l'ensemble des activités de construction au Québec, y compris sur les fermes, est compté dans les heures de qualification. Dans les heures de classification, cependant, on a recours aux heures faites dans le cadre des travaux assujettis au décret de la construction. C'est vrai que cela exclut les fermes définies comme étant des exploitations agricoles avec moins de trois salariés. Or, ces certificats vont prévoir que, pour avoir un certificat A, il faut que dans les douze derniers mois, à partir de la période de référence, il y ait eu 1000 heures qui aient été faites par un salarié pour avoir un certificat A, ou 1500 heures faites dans les 24 derniers mois. 1000 heures, dans une année, à $10 l'heure — en prenant à peu près les meilleurs métiers — cela fait $10 000 par année. On peut présumer que c'est un gars qui vit de cela. 1500 heures en deux ans, cela fait environ $7000 par année. On peut présumer, cependant, qu'à cause de la dimension cyclique de la construction c'est pour cela qu'on a introduit la notion d'une période de référence de 24 mois. C'est pour aller chercher ceux qui, finalement, pour que la période de référence de cette année aille jusqu'en 1976 en récupèrent le maximum. On s'arrange pour attraper ceux qui, de fait, ont été des travailleurs de la construction sur une période de deux ans. Le certificat B, c'est entre 500 et 1000 heures, dans la dernière année de référence.

Maintenant, les certificats spéciaux. C'est vrai qu'il y a une dimension — comme on l'appelle — arbitraire. L'objet de cette disposition, c'est de permettre — par exemple, à celui qui aurait souffert d'incapacité à la suite d'un accident de travail, qui revient sur le marché du travail après un an ou un an et demi, et qui a peut-être passé quinze ans de sa vie dans le métier — d'obtenir un certificat de classification spécial. Il y a des cas d'espèce. Il y a des règles qui vont être faites. Il y a une révision de cette procédure.

Je vais déposer devant l'Assemblée nationale, avant mercredi prochain, un projet de loi amendant la Loi des relations de l'industrie de la construction, ce qu'on appelle la loi 82 pour des procédures d'appel dans le cas de la classification pour permettre justement de faire en sorte qu'il y ait un minimum de règles auxquelles se réfèrent ceux qui décideront des certificats spéciaux. Je pense qu'on pourra donner une chance aux gens. Quant à la notion de bureaucratie, j'en conviens, un règlement de placement, à partir du moment où on parle d'une industrie où il y a plusieurs milliards d'activité économique qui sont produits, où il y a près de 20 000 entreprises de toutes dimensions et où il y a à peu près 110 000 travailleurs qualifiables au sens de la classification, ou classifiables plutôt que qualifiables, c'est clair, on parle, c'est vrai, de s'équiper en termes d'informatique et en termes de communication, en termes de personnel, mais je ferai remarquer au député de Beauce-Sud que dans le cas des journaliers que l'on n'assujettissait pas à ces règlements de permis de travail, c'est qu'on n'avait pas les données.

Mais là, on les a sur le plan de l'informatique. L'informatique permet de retracer les heures travaillées de l'ensemble des salariés de la construction au Québec. Cela devient une opération informatique et, à ce niveau, il y a des progrès considérables qui ont été accomplis à l'OCQ depuis plusieurs mois. Il y a vraiment un système d'informatique qui est capable de fournir les données y compris celles qui risquent de ne pas plaire à certaines personnes et qui ont fait l'objet de certains articles dans les journaux récemment. Mais il y en a de l'informatique. Il y a des données disponibles pour identifier les personnes. Encore une fois, et à part cela, ces données sont disponibles sur une base régionale et sous-régionale. Donc, on a une connaissance de cette main-d'oeuvre dans le secteur.

Je pense que c'est encore une fois une garantie d'assurer une certaine justice. C'est quoi l'alternative que nous proposerait peut-être le député de Beauce-Sud? C'est le laisser-faire total. Écoutez, la société, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, c'est un immense malentendu qui est

d'ailleurs particulièrement entretenu par les hommes politiques et les avocats. Mais que voulez-vous? Il y en a un malentendu dans la société et la société se donne des lois. Elle se donne des règlements. On a un Parlement. On a des bureaucraties. On a des droits. On n'a pas seulement des droits individuels, on a aussi des droits collectifs. La conception de John Adam Smith et de John Locke avec le siècle des philosophes éclairés du droit individuel, je pense qu'il faut arriver en ville. Ce n'est pas moi qui le dis, d'ailleurs, c'est John Cabot-Lodge, ancien ministre du Travail et des Affaires internationales dans le cabinet Kennedy qu'on ne peut quand même pas qualifier d'être un néo-marxiste qui, dans un article du Harvard Business Review récemment, disait: Dans le fond, l'époque où la société est basée sur la concurrence parfaite, le droit de propriété sacro-saint et les droits individuels inatteignables, c'est fini.

C'est fini et la société américaine qui a été le bastion de l'individualisme elle-même est changée. ITT va devant une commission sénatoriale américaine et a dit: Vous savez, agacez-nous pas avec la Loi antitrust parce que nous autres, on est obligé de se battre au nom de l'Amérique contre les Japonais. Ils ne parlent plus de droit individuel.

M. Roy: Est-ce que le ministre me permet une question?

M. Johnson: Oui.

M. Roy: Est-ce que le ministre est au courant des problèmes qu'il y a dans le monde? Ce ne sont pas des problèmes individuels, mais ce sont des guerres de systèmes. Parce que chacun veut imposer le sien. C'est beau tous ces philosophes...

M. Johnson: Cela peut être aussi des systèmes de valeurs individuelles.

M. Roy: ... mais ce que vient de dire le ministre, à un moment donné, je ne lui conseillerais pas d'aller citer cela à des travailleurs de la construction qui auraient du travail chez eux et dont les règlements ne leur permettront pas de travailler.

M. Johnson: Oui, mais on pourrait peut-être, par exemple, le citer au député de Beauce.

M. Roy: II faut revenir les deux pieds sur terre. Si on veut faire un'débat philosophique ce matin, on peut en faire un. Je vais aller chercher d'autres secteurs.

M. Johnson: Le député de Beauce-Sud dont je connais les antécédents très philosophiques du Crédit social et qui a bâti sa carrière politique sur une philosophie...

M. Roy: Est-ce que vous avez des objections à cela?

M. Johnson:... pourrait peut-être être sensible à cela.

M. Roy: Est-ce que vous avez des comptes à me rendre sur la façon dont vous avez bâti la vôtre?

M. Johnson: Absolument pas.

M. Roy: Alors, je n'ai pas abordé cette question et je ne veux pas que, ce matin...

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre!

M. Roy: ... on tourne cela en démagogie et er combat personnel.

M. Johnson: C'est cela.

M. Roy: Parce que si on veut toucher à cela, on va toucher à toutes sortes de choses.

M. Johnson: C'est cela, je ne voudrais pas qu'on... C'est justement parce que je ne veux pas qu'on tourne cela en démagogie que je dis au député de Beauce-Sud que l'alternative qu'il propose, c'est vrai, va impliquer une bureaucratie, va impliquer des dépenses d'à peu près $2 millions à l'OCQ pour mettre sur pied l'informatique, les communications etc. C'est à peu près $2 millions que cela va coûter. L'alternative à cela, c'est le laisser-faire total. Puis le laisser-faire total, je pense que cela n'existe plus en 1978, qu'on y fasse face un peu. On dépense $12 milliards au gouvernement du Québec. Il faudrait peut-être se rendre compte que c'est fini l'individualisme total et que le bien collectif n'est pas l'addition des biens individuels, toujours. Des fois, cela peut l'être, mais ce n'est pas toujours cela. Je pense que la construction en est un exemple.

Effectivement, dans le cas du travailleur de Beauce-Sud qui pense qu'il pourrait avoir un travail, bien, je pourrais aussi lui dire que le travailleur de Beauce-Sud...

M. Roy: Le travailleur de Beauce-Sud? Je n'ai pas posé cette question devant la commission parlementaire, ce matin, pour régler le problème de Beauce-Sud. Je tiens bien à dire cela au ministre. J'ai parlé de l'ensemble du territoire québécois.

M. Johnson: D'accord, voilà. Moi aussi...

M. Roy: Je n'ai pas donné une dimension locale.

M. Johnson: Bien oui, d'accord, sauf que ce qu'on reproche au règlement du placement c'est évidemment d'être une solution qui s'applique à l'ensemble des travailleurs de la construction du Québec. J'ai dit que c'est vrai, qu'on est bien conscient que cela peut poser des problèmes, mais on pense que cela peut en régler d'autres. C'est une affaire de donnant-donnant, puis il n'y a

personne qui prétend que c'est parfait. S'il y a des ajustements de tir à faire en cours de route, on est ouvert à cela. Ce ne sera pas pour le 1er juillet, par exemple. On va l'essayer comme il est là, le règlement de placement. Il n'est pas question de le changer avant le 1er juillet. Qu'on se comprenne bien là-dessus. On va l'essayer comme il est là.

Je n'ai pas repris chacun des éléments, je pourrais le faire. Le député de Joliette-Montcalm aussi, qui est un ancien membre de la commission Cliche, on se le rappelle, qui a eu un rôle actif à l'intérieur du gouvernement quant à ce règlement de placement, qui a apporté ses lumières, son expérience et sa connaissance de l'industrie, à cause de son rôle à la commission Cliche, dans l'élaboration du règlement de placement, j'en suis sûr, pourrait répondre à certains détails particuliers, comme je pourrais le faire. En cours de route, j'aimerais lui laisser la parole.

Je voudrais simplement terminer en disant au député de Beauce-Sud que je comprends ses préoccupations. Il pourra me citer probablement plusieurs dizaines d'exemples de travailleurs pour qui c'est peut-être une injustice, en cours de route, que l'application de certains articles du règlement: 3.04, 3.07, 12.02 et les autres, mais je pourrais peut-être lui dire aussi que sans le règlement de placement je pourrais sûrement lui donner un char et une barge de travailleurs pour qui le système qui existait antérieurement était injuste, parce que, entre autres, dans certains cas, il n'y avait pas un contrôle adéquat sur certains bureaux de placement syndicaux qui, par ailleurs, font très bien leur travail dans bien des cas. Ce n'est pas tout le monde qui est pris avec le genre de personnes avec qui ont été pris les travailleurs du 144. Il y a des syndicats qui font très bien leur boulot dans les bureaux de placement. Il y a des entreprises, d'ailleurs, qui préfèrent traiter avec ces syndicats, parce qu'ils ont une bonne connaissance de la compétence des hommes, de leur disponibilité, de leur capacité et de détails aussi simples que celui de savoir si un gaucher peut travailler dans un tunnel haut de 5 pieds 9 pouces. Parfois, l'employeur n'a pas ces données, l'OCQ non plus, dans certains cas. Peut-être que le syndicat peut les donner. Je pense qu'il faut essayer de valoriser cela dans la mesure où cela peut être utile. Dans la mesure où le syndicat respecte un certain code d'éthique, je pense qu'il faut permettre aussi au syndicat de donner un sens à ce qu'est la connaissance des hommes du syndicat et un service à ces hommes.

Si on balise comme il faut pour qu'il n'y ait pas d'abus ni d'arbitraire ni de gens qui se font prendre sur le bras, je pense qu'on aura réussi à retirer le maximum de ce qui est souhaitable de retirer de la part des bureaux de placement syndicaux dans ce cadre.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Est-ce que le député de Joliette avait...

M. Chevrette: J'ai demandé la parole après que les Oppositions auront parlé.

Autres opinants M. Michel Pagé

M. Pagé: M. le Président, je vais tenter d'être bref, mais je vais adresser une couple de questions au ministre.

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Pagé: Je suis conscient que le débat qui est sur la table ce matin, appelé par le député de Beauce-Sud, met en relief un problème qui n'est pas facile à régler, un problème épineux et qui s'inscrit dans le cadre des interventions de l'État, que ce soit par le gouvernement du Parti québécois, le précédent gouvernement ou, somme toute, les gouvernements qui ont eu à agir au chapitre de la construction depuis une quinzaine d'années. Le ministre, dans sa spontanéité habituelle, nous a dit tout à l'heure: On a encore l'illusion de gouverner. On l'a, tout au moins, et on croit qu'avec un règlement comme celui-là on sera en mesure de régler le problème. Ce problème n'est pas facile à régler. Somme toute, vous faites face, actuellement, à une situation qui a prévalu sous d'autres gouvernements. Vous avez 200 000 personnes qui veulent travailler dans la construction et, actuellement, vous avez de la place pour à peu près 100 000. Le problème est là. (10 h 15)

Par des mécanismes réglementaires, des mécanismes d'admissibilité au travail — là, je ne yeux pas entrer dans les principes du droit au travail, etc. — vous êtes obligé de réglementer et d'adopter des mesures. C'est vrai qu'il y a deux côtés à une médaille et ce qu'évoque le député de Beauce-Sud aujourd'hui reflète la complication et la préoccupation que votre règlement et vos différentes mesures réglementaires au chapitre de la construction engendrent dans des régions qui ne sont pas nécessairement des régions privilégiées pour la construction au Québec.

Ma perception est peut-être fausse, mais, pour moi, il y a deux mondes dans la construction. Il y a ce qu'on appelle ou ce qu'on pourrait qualifier la construction de gros projets comme la Baie James, comme les investissements sur la Côte-Nord, comme les projets de construction d'édifices ici, avec le complexe G, etc. On pourrait donner des milliers d'exemples. Il y a aussi la construction dans des régions qui ne sont pas nécessairement favorisées par ce type de construction, mais où il y a de la construction domiciliaire et résidentielle. Le règlement vient compartimenter, vient réglementer, mais il vient aussi donner des droits à des travailleurs.

Le ministre évoquait tout à l'heure le fait que le travailleur qui sera classifié A, de Donnacona ou de Montmagny-L'Islet, pourra venir travailler à Québec. C'est vrai que si on le prend dans ce sens, c'est un avantage, mais il faut aussi consta-

ter que cela engendrera des problèmes qui seront, d'une part, insurmontables, peut-être, mais qui, d'autre part, entraîneront par le fait même une perte de la crédibilité de vos mesures et de vos réglementations. Je vais vous donner des exemples bien spécifiques qu'a évoqués le député de Beauce-Sud tantôt. Avec ce règlement, ce que j'entrevois, c'est l'entrepreneur qui, dans une région comme la mienne, dans un comté comme Montmagny, dans un comté comme Charlevoix, ou peu importe dans quel comté du Québec, aura besoin de travailleurs dans sa région, dans sa ville, dans son patelin à lui. S'il y en avait un de disponible et que le gars soit classifié B, il se ferait répondre: Monsieur, il y a des travailleurs classifiés A dans la région qui sont disponibles. Mais ces gars-là sont à Québec, M. le ministre.

Vous êtes en train de faire la même erreur que nous avons faite, je crois, celle de ne pas être en mesure de saisir la dimension du problème. Ces gars-là sont à Québec et ils ne sont pas nécessairement intéressés à venir travailler sur "une job" qui va durer une semaine à Sainte-Marie-de-Beauce, à Beauceville, à Cabano ou à Donnacona. Le problème est là et il entraîne des irrégularités, des entraves au règlement. Dieu sait si les inspecteurs ont l'inspection facile et cela entraîne des inspections. Quand le député de Beauce-Sud évoquait tout à l'heure que les causes pendantes devant les tribunaux relèvent en majorité de plaintes portées en vertu des règlements et des différentes mesures législatives qui régissent la construction, le député de Beauce-Sud a parlé du droit commun, remarquez qu'il y a peut-être eu une erreur d'interprétation, mais je suis convaincu qu'en termes de plaintes portées en vertu du droit statutaire, la majorité des plaintes viennent de chez vous et cela engendre des problèmes partout.

La solution à cela, je ne l'ai pas. Je pense que personne ne peut arriver aujourd'hui et dire: La solution, c'est cela. M. le Président, je me permets de poser une question au ministre et peut-être à M. Mireault. Ne croyez-vous pas que plutôt que d'adopter des mesures réglementaires, qui régissent l'ensemble de la construction, l'ensemble des activités, vous pourriez y aller de façon sectorielle en distinguant, dans un premier temps, ce qu'on pourrait qualifier de grosse construction, d'un côté, et de la construction résidentielle de l'autre côté? Vous auriez déjà, selon moi, un paquet de problèmes de réglés en donnant une certaine latitude.

Je me permets 30 secondes entre parenthèses. Quand j'ai été élu député, un des premiers dossiers avec lequel j'ai été confronté a été celui d'un type d'environ 60 ans qui voulait se construire une maison, une petite maison, car il venait de vendre sa ferme. On était en septembre et il devait livrer sa ferme et pour le 1er novembre. Le 15 octobre, il n'avait pas trouvé personne encore. On lui disait: Monsieur, il y a de la disponibilité de main-d'oeuvre, mais cette main-d'oeuvre est à Québec. Lui-même voulait construire, il voulait s'engager des menuisiers et on a le droit, encore aujourd'hui, de le faire. Il a été pris pour engager des gens disponibles, qui s'y connaissaient, mais qui, malheureusement, n'avaient pas leur carte parce qu'ils n'avaient pas passé leurs examens. C'est un autre chapitre sur lequel on pourra revenir, il y aurait beaucoup à dire là-dessus. Ces gens ont été poursuivis devant les tribunaux et cela a coûté $300 ou $400 d'amende à chacun, cela a coûté des procédures judiciaires, les frais d'avocat, etc. C'étaient des gens qui voulaient travailler, des gens qui devaient avoir un toit sur la tête avant le 1er novembre. J'avoue bien humblement que ces mesures réglementaires ont été adoptées par le gouvernement dont j'étais membre en tant que formation politique. Vous vous posez des questions face à tout cela.

Je n'ai pas la prétention de croire que la solution est facile, mais la première question que je veux poser est la suivante: Ne croyez-vous pas qu'en agissant, non pas sur une base régionale, mais de façon sectorielle en termes de type de construction, cela pourrait contribuer tout au moins à alléger le fardeau des problèmes qu'on aura à vivre avec un tel règlement?

M. Mireault (Réal): J'ai deux réflexes rapides. D'abord, il est reconnu à peu près par tout le monde qu'il y a une mobilité d'un secteur à l'autre dans l'industrie de la construction; il n'y a donc pas nécessairement — c'est particulièrement vrai chez ceux qu'on appelle non qualifiés — de gens qui travaillent strictement dans le domaine industriel, commercial ou résidentiel. À essayer de réglementer par secteur industriel, je me demande si on n'ajouterait pas à ce moment-là des contraintes supplémentaires, si on peut passer de l'un à l'autre ou si celui qui est déjà dans tel domaine aurait une préférence par rapport à l'autre.

Je peux vous dire qu'on y a réfléchi. Au niveau de la consultation avec les parties, c'est un sujet qui a aussi été abordé. Du consensus de presque tous les gens, on a pensé que le meilleur système était celui qui s'appliquait aux travailleurs de la construction de façon générale.

M. Pagé: Dans l'ancien règlement, combien aviez-vous de travailleurs qu'on qualifiait de travailleurs artisans? Vous en aviez à peu près...

M. Mireault: 3500 travailleurs enregistrés à l'office.

M. Pagé: Êtes-vous d'accord avec moi pour dire que les artisans travaillaient surtout dans les secteurs résidentiel ou domiciliaire?

M. Mireault: Je serais porté à croire que oui.

M. Pagé: Oui.

M. Johnson: À l'oeil, probablement.

M. Pagé: Je vous invite à songer à cette possibilité. Je suis d'accord pour dire que cela

entraînera — parce que quand on commence à réglementer, on sait d'où l'on part, mais on ne sait pas où arrêter — évidemment des mécanismes, des ajustements réglementaires. Mais j'invite le ministre et ses collaborateurs à songer à cette possibilité.

Vous savez que les plus grandes critiques — bien souvent, abstraction faite des milieux de Québec, des pôles urbains de Québec et de Montréal — au niveau local viennent de ce secteur. Je pense que le député de Beauce-Sud abondera dans le même sens que moi. Le problème est là et c'est là que le droit des gens au travail et les libertés des gens sont peut-être le plus remis en cause.

Quand le bonhomme, à 75 milles d'un milieu urbain, se fait dire: Toi, tu as une carte B, c'est bien dommage, tu ne peux pas travailler ce matin, parce qu'il y a un gars à 75 milles d'ici qui a une carte A et il ne veut pas venir travailler. C'est cela le problème.

M. Johnson: Je ne nie pas la difficulté que le député de Portneuf soulève et que M. Roy a soulevée tout à l'heure. Dans le cas des artisans, cependant, il faut bien préciser — cela a fait l'objet de discussions...

M. Pagé: Je vais vous dire, M. le ministre — pour permettre d'ajouter ceci à mon commentaire — qu'avec la Loi sur la régie des entrepreneurs en construction, le problème est de beaucoup facilité maintenant.

M. Johnson: Voilà. Sauf qu'il y a un grand paradoxe. Dans une étude qui m'a été fournie par la Régie des entreprises de construction il y a quelques mois, à partir de l'expérience en Californie, on a constaté que le nombre d'entreprises en construction qui sont enregistrées en Californie auprès des institutions analogues à notre régie augmente avec une diminution de l'activité économique dans la construction. Cela s'explique: il y a un tas de salariés qui décident de devenir des entrepreneurs. Donc, l'augmentation du nombre d'entrepreneurs enregistrés ne correspond pas nécessairement à une activité croissante, mais souvent correspond à une activité décroissante. Cela pose le problème de ce qu'on appelle les "scalpers" dans le domaine où, à titre d'entrepreneurs, ils font des contrats à forfait qui, de fait, font que ces salariés, sur une base individuelle, devenant entrepreneurs, acceptent un taux qui, au bout de la ligne, est inférieur au taux du salarié de la construction. S'ils travaillent à forfait à titre d'entrepreneurs, de fait, ils mettent dans leur poche au moins, disons, $8.15 l'heure, parce qu'ils font partie de telle catégorie de métier.

Évidemment, la réaction des salariés de la construction, qui sont dans des entreprises de construction relativement bien établies — il y en a qui sont de toute petite dimension, mais qui sont bien établies — est la suivante: Ces gens-là m'arrachent le pain de la bouche à cause du décret. L'Ontario, il y a effectivement une régle- mentation dans le secteur industriel; dans le secteur domiciliaire, ils ne sont pas syndicables. Mais je vous jure que cela ne produit pas un climat très, très "jojo". Quand arrivent les questions de négociation dans le secteur industriel et le transfert des gens du secteur domiciliaire au secteur industriel, cela cause d'autres types de problèmes. Je pense que, d'une certaine façon, le député de Portneuf apporte un éclairage que je trouve intéressant quand il nous dit de ne pas nous faire d'illusions, que c'est à peu près insoluble le problème du contingentement ou de la régularité.

M. Pagé: Tant et aussi longtemps que vous en aurez 200 000 et qu'il en faudra seulement 100 000, le problème va être là.

M. Johnson: C'est cela. Et le règlement de placement, en ce moment, est un premier effort de ce côté-là, où on pense que le premier effet sera d'épurer le domaine d'une série de personnes qui, depuis deux ans — puisque la période de référence peut-être de 24 mois — nous démontrent, avec le nombre d'heures qu'ils ont travaillé, que c'est clair que ce n'est pas leur gagne-pain et qu'ils ont donc leur gagne-pain ailleurs. On va me dire que dans certains cas leur gagne-pain était l'assurance-chômage et le bien-être. Je suis bien d'accord. Mais, dans un tas de cas, c'est du monde qui vient de l'extérieur de l'industrie, qui gagne des salaires ailleurs, qui vient y rechercher un revenu d'appoint et qui menace la sécurité d'emploi de ceux qui y sont vraiment. Je pense qu'un des premiers effets du règlement de placement sera cela. C'est clair que les inconvénients qu'on en retire sont ceux qui ont été soulignés jusqu'à maintenant. Je ne les admets pas tous parce que je pense qu'il y a aussi des avantages, et ce n'est pas le rôle du député de Beauce-Sud d'insister sur les avantages mais plutôt ses inconvénients. Mais je pense que de façon générale...

M. Roy: Je voudrais que vous me citiez les avantages.

M. Johnson: J'en ai cité un tout à l'heure. M.Roy: Oui, vous en avez cité un.

M. Johnson: L'exemple c'est que la création d'une région joue dans les deux sens. Cela peut être un avantage pour...

M. Roy: Ce n'est pas un avantage, c'est une réalité!

M. Johnson: Oui, oui, c'est cela, c'est une réalité.

M. Roy: C'est une réalité, ce n'est pas un avantage!

M. Johnson: Oui, mais s'il n'y avait pas de règlement de placement...

M. Roy: Cela se faisait déjà.

M. Johnson: Non, pas nécessairement. Justement pas.

M. Roy: Oui, cela se faisait déjà.

M. Johnson: Oui, cela se faisait, et par les bureaux de placement syndicaux que le député de Beauce-Sud dénonce!

M. Roy: Avant même qu'il y ait des bureaux de placement syndicaux cela se faisait aussi.

M. Johnson: Les bureaux de placement syndicaux existent depuis le XIXe siècle.

M. Roy: Le monde n'a pas commencé à tourner...

M. Johnson: Je m'excuse! Les bureaux de placement syndicaux au Québec... Si vous me parlez du local des plombiers, pour parler de celui-là parce qu'on en a entendu parler, cela existe depuis 1892. Ce n'est pas d'hier que les bureaux de placement syndicaux existent!

M. Roy: À Montréal. Mais, quand vous arrivez dans d'autres villes, cela n'existait pas.

M. Johnson: Je ferai remarquer au député de Beauce-Sud qu'il n'y a pas trois bureaux de placement syndicaux au Québec, il y en a 59 enregistrés au moment où on se parle. Quand on dit qu'il y en a trois, c'est parce qu'on pense à la CSN, à la FTQ et à la CSD. D'abord il y a quatre centrales, techniquement, il y a également le Syndicat de la construction de la Côte-Nord, mais qui est marginal, qui a eu très peu de votes et qui a très peu de membres. Ce ne sont pas les centrales qui ont les bureaux de placement. De fait, il y a 40 bureaux de placement qui sont affiliés à la FTQ, mais là-dedans on retrouve probablement les 23 métiers de qualification de la construction qui sont des métiers affiliés à la FTQ. Dans d'autres cas il y en a 17 à la CSN, il y en a un de la CSD et il y en a un du syndicat de la Côte-Nord. Je pense que les bureaux de placement syndicaux peuvent jouer un rôle très concret à ce niveau-là. Ils peuvent même par une forme de contingentement accepté par les travailleurs dans certaines régions, dire: Si tu es dans la ville de Québec et qu'on t'offre "une job" dans Beauce-Sud, écoute, ne t'en fais pas. On va essayer de te trouver "une job" et on va te référer à Québec, et on te demande de ne pas accepter "une job" dans la Beauce-Sud parce qu'il y a des B. Et nous, comme bureau de placement syndical, on ne référera pas. On va demander à nos A de ne pas aller travailler dans la Beauce-Sud. Il faut se fier à un moment donné à certains mécanismes que les travailleurs se donnent quant à leur vie là-dedans. Là où c'est inacceptable, c'est quand cela se fait par la contrainte, le "bras", le "skylocking" et tout le reste. Mais on pense que cela s'épure. Ce n'est pas vrai pour tout, ce n'est pas vrai pour l'ensemble, ce n'est pas la règle.

M. Roy: Quand vous parlez du "skylocking" et des "bras", j'aimerais bien que vous spécifiez bien clairement que ce sont des choses qu'on ne retrouve pas tellement ailleurs que dans les grands centres, dans les centres où il y a de la grosse construction. Vous ne voyez pas cela, sauf en de très rares exceptions; je pourrais dire qu'il y a une absence totale de ce genre de choses dans la construction domiciliaire dans des centres de moins de 3000 âmes dans la province.

M. Chevrette: Me permettez-vous de répondre, M. le Président?

Je voudrais dire que ce qu'on appelle la gaffe dans l'industrie de la construction, vous la retrouvez dans la grosse industrie, ce qu'on appelle la construction industrielle, mais c'est quel que soit le site. Cela peut être sur la Côte-Nord, cela peut être à Trois-Rivières comme cela peut être dans la Beauce-Sud, s'il y a un édifice d'importance.

M. Roy: Cela peut être n'importe où ailleurs, mais dans la grosse construction.

M. Chevrette: Mais dans la grosse construction.

M. Roy: Dans la grosse construction, d'accord. (10 h 30)

M. Chevrette: Pourquoi? Parce qu'il y a facilement collusion d'abord entre certains contremaîtres et certains leaders pour que certains types de travailleurs se ramassent dans ces chantiers. On n'a qu'à penser à Saint-Félicien au projet Do-nohue et on se rend compte qu'il y a des indésirables de la construction qui ont paradé devant l'enquête Cliche. Ils occupent des postes d'importance à Saint-Félicien. Ces gars ne sont pas là par enchantement. Ils ne sont pas là par le fruit de la spontanéité. Ils sont là parce que des contremaîtres ou des surintendants ont accepté, d'un commun accord, que ces gars soient là et qu'ils occupent des postes de commande. Cela est arrivé au stade olympique, après avoir fait destituer des gars du local 791, on les retrouvait comme agents de sécurité sur le site olympique avec des salaires de $600 à $700 par semaine, sinon plus. Il est vrai d'admettre que, dans la construction industrielle, il se glisse beaucoup plus de "racketeers" comme on dit, mais ce n'est pas dit que, dans les grosses entreprises qui construisent des plans complets de domiciles pour vente, la même chose ne se produit pas.

Le Président: M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, question de règlement. Bien souvent, c'est au nom de la paix syndicale.

M. Chevrette: Oui...

M. Johnson: Vous savez que c'est un mécanisme et on voit cela, en ce moment, dans un autre domaine.

M. Pagé: Des rapports de force.

M. Johnson: On le voit avec la guilde des musiciens qui fait le tour des producteurs québécois et qui leur dit: On va vous demander un dépôt de tant sans cela vous n'en n'aurez pas de gars qui vont venir chanter à la Place des Arts ou ailleurs. C'est vrai. Qu'est-ce que vous voulez? C'est dans notre système depuis des années. D'année en année, on a donné un petit morceau de steak à ces gens, on disait "oui, oui, j'achète la paix" et à un moment donné les gars disent "nous voulons le boeuf au complet". Si on les a nourris au steak pendant 15 ans, il ne faut pas se surprendre qu'ils demandent le boeuf.

M. Pagé: Dans ce cas, c'est possible.

M. Johnson: À un moment donné, il faut arrêter de donner du steak.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Ils ne sont pas sur le bras, mais ils sont sur l'archet.

M. le Président, j'aurais une dernière question à poser au ministre. On a commencé à évoquer tout à l'heure l'Opposition entre les droits individuels et les droits collectifs. On pourrait aller très loin à cet égard. Le ministre plaide, ce matin, au nom des droits de la collectivité. Cela engendre des situations qui sont souvent malheureuses prises individuellement. Est-ce que cela veut dire que votre règlement et votre position annoncée dans votre déclaration de ce matin, par l'approbation dudit règlement, que tous les étudiants qui actuellement suivent des cours dans nos polyvalentes pour s'acheminer dans le secteur de la construction, que cela est fini? Vous savez que les étudiants qui ont choisi de s'en aller dans un métier de menuisier ou autres, en tout cas qui était relatif au secteur de la construction... On les invite. Le ministère de l'Éducation, par ses politiques et ses programmes — Dieu sait! — vous savez que le budget du ministère de l'Éducation est assez élevé et ce sont des sommes importantes qui sont affectées dans ce secteur de l'éducation, somme toute, on prend un jeune homme qui termine sa onzième année et qui s'en va dans ce secteur; on le forme; on l'éduque; on lui enseigne et il termine son cours. La phase suivante, après cette fin du cours, c'est de s'en aller à l'Office de la construction et de demander un carnet d'apprentissage. On lui dit non. Il n'est pas question que tu aies un carnet d'apprentissage parce que tu sais qu'il y a trop de monde dans la construction. Le petit gars s'en va chez eux, Gros-Jean comme devant, il a étudié pendant deux ou trois ans. Cela revient encore au niveau des problèmes régionaux. Bien souvent cet étudiant connaît quelqu'un dans le secteur de la construction. Il connaît un entrepreneur. Bien souvent, avant de terminer son cours, il a déjà fait des contacts. Les entrepreneurs sont intéressés à l'engager et, somme toute, à lui faire faire les 6000 heures ou plus nécessaires pour sa période d'apprentissage.

M. Johnson: ... métier.

M. Pagé: Là, il se fait dire non.

M. Johnson: Plus maintenant. L'article 502 du...

M. Pagé: Cela c'est un problème.

M. Johnson: L'article 502 du règlement de placement prévoit maintenant que l'apprenti, donc celui qui suit un cours secondaire court ou long, pourra, s'il a une garantie de 150 heures d'un employeur, obtenir un certificat. On règle ce problème. Évidemment, je vais vous le dire tout de suite, il y a eu une drôle de résistance de la part des compagnons, c'est-à-dire des syndicats et des gars qui ont du métier depuis bien des années. Ils disent: Voyons donc! Dans certains cas, je n'aurai pas réussi à faire mes 1500 heures en deux ans. Je vais me ramasser avec un certificat B et un apprenti va passer devant moi? On dit que l'État, depuis 15 ans au Québec, a mis des millions dans l'éducation, dans ce secteur là, entre autres, et on n'a pas le droit de dire que ce monde débouche sur un cul-de-sac. On dit: Si, effectivement, vous avez affaire à un apprenti qui est débrouillard, qui s'est arrangé, qui est allé se gosser dans le bois et qui a réussi à se trouver, dans cette forêt, une garantie de 150 heures, il va avoir un certificat et il va avoir le droit. À partir de là, il faut qu'il fasse ses heures pour être classifié l'année suivante.

M. Pagé: Cela, c'est un élément positif de votre règlement. Je vous remercie. M. le Président, je terminerai donc en formulant à nouveau l'invitation que j'ai lancée tout à l'heure au ministre, à ses collaborateurs et aux gens de l'OCQ de songer éventuellement et de se pencher peut-être plus sérieusement sur la possibilité qu'il y aurait d'y aller par interventions sectorielles en divisant le secteur résidentiel et domiciliaire avec tout ce qu'on appelle commercial, industriel et bâtisses administratives. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je pense que ce qui se dégage ce matin... Pour moi, il y a un grand facteur qui est assez déterminant dans l'industrie de la construction. On s'aperçoit — la phrase a été répétée à quelques reprises — qu'il y a trop de monde actuellement dans l'industrie de la construction. Selon mes renseignements, actuellement, il y aurait... Les personnes qui ont voté, qui sont enregistrées dans les syndicats. Selon ce qu'on me dit, il y a 174 000 travailleurs qui sont

enregistrés à la FTQ et il y en aurait 60 000 à la CSN. Alors, cela fait 234 000 personnes qui sont enregistrées dans l'industrie de la construction alors qu'on en a besoin d'environ 90 000 ou 100 000.

Alors, on s'aperçoit qu'il y a un problème de placement, un problème de chômage qui en découle. Face à cela, je voudrais aborder un autre aspect qui n'a pas été touché ce matin. C'est la question des relations avec les autres provinces. On sait que M. Lévesque est allé rencontrer le premier ministre de l'Ontario, M. Davis, cette semaine. Il semble qu'il y aurait eu une certaine entente entre les deux premiers ministres.

Le premier volet de ma question: Est-ce que le ministre pourrait expliquer un peu l'entente et l'influence que cela pourrait avoir sur le placement de nos travailleurs à l'extérieur? Deuxième volet: Est-ce qu'il y a des pourparlers d'entente également entre les premiers ministres ou les ministres du Travail des autres provinces?

M. Johnson: Oui. Effectivement, le premier ministre a rencontré M. Davis cette semaine. J'ai eu moi-même l'occasion de rencontrer Mme Ste-phenson, lors de la conférence des ministres de la Main-d'Oeuvre à Victoria. J'ai rencontré son sous-ministre à la conférence des ministres du Travail du Québec quelques mois après, et nos fonctionnaires se sont rencontrés à plusieurs reprises depuis.

Le problème, dans les régions frontalières, en pratique, provient surtout — en fait, on pourrait parler du Nord-Ouest, c'est dans la région de Hull que le problème se pose — provient du fait que l'Ontario ne peut pas garantir au travailleur québécois qu'il ait un accès libre au marché ontarien. Ce qui n'empêche pas l'Ontario de demander que le Québec garantisse un accès libre des Ontariens sur le marché québécois. Je m'explique. L'Ontario, au nom d'un principe de la mobilité de la main-d'oeuvre qui, quant à moi, est un peu un principe comme celui de la tarte aux pommes et de la maternité... On ne peut pas être contre cela, sauf qu'il faut regarder, en pratique, ce que cela représente. Il y a très peu de mobilité de la main-d'oeuvre québécoise, pour un tas de raisons qui ne sont pas seulement linguistiques, qui ne sont pas nécessairement des raisons de qualification; il y a peut-être quelque chose de plus profondément culturel là-dedans. Les Québécois, ce n'est pas vraiment du monde mobile, à l'exception, cependant, de certains métiers. S'il y a des plombiers, en ce moment, à Syncrude, en Alberta, ce n'est pas parce qu'ils ont les yeux bleus et qu'ils parlent français, c'est parce qu'en Alberta, ils n'ont pas de plombiers; ils ont besoin de bons plombiers et les bons plombiers, on les retrouve au Québec, entre autres. Il y a une activité et il y a un "boom" économique important en Alberta, en ce moment.

Par ailleurs, moi, je vois mal le Québécois se promenant dans sa maison mobile d'une "mare" à l'autre, au Canada. Je pense que c'est un grand rêve que chérit M. Trudeau, mais qui m'apparaît très loin des réalités, puisque le Canada est, par définition, un pays de 3000 milles de longueur et de 150 milles de largeur à peu près, peuplé avec quelqu'un à tous les deux bouts de forêts. En tout cas, il y a un problème géographique. Si on parlait de mobilité sur un territoire un peu plus limité, je compendrais cela. Il y a des problèmes géographiques considérables. Il y a aussi un problème de langue et il y a un problème historique de mobilité québécoise.

Pour revenir, cependant, spécifiquement à la question de Hull, le problème provient du fait que l'Ontario, au nom de ce principe sacro-saint de la mobilité, nous dit: Nous autres, on veut que les gars d'Ottawa, de Sarnia ou de quelques autres villes de l'Ontario puissent aller travailler à Hull, par exemple, avec les entrepreneurs ontariens qui y seraient, ou pour un entrepreneur québécois. Or, il y a déjà des choses dans le règlement de placement sur lesquelles nous sommes prêts à faire certaines ouvertures. Particulièrement quand on parle de la main-d'oeuvre régulière des employeurs. Si un Ontarien, une entreprise ontarien-ne obtient un contrat de construction au Québec, si cette entreprise, par définition, pour obtenir un contrat est enregistrée auprès de l'OCQ, probablement que l'article qui prévoit le transfert des "key men", comme on dit dans le métier, pourrait s'appliquer à ces gens.

Or, il semble, d'après les statistiques qu'on a, que 87% des quelque 2000 Ontariens qui viennent au Québec appartiennent à cette catégorie de travailleurs qui sont des réguliers d'entrepreneurs. Donc, en soi, sur le plan pratique, cela diminue de beaucoup l'importance du problème. L'Ontario voudrait qu'on aille plus loin et dit: Écoutez, d'abord, on vous demanderait d'amender votre règlement de placement. Quant à moi, c'est une affaire dont on va discuter. Je ne leur demande pas moi, de faire une loi et de créer un OCQ. L'Ontario nous dit: Écoutez, les Québécois sont protégés, ils peuvent venir en Ontario. Un instant, le placement en Ontario est contrôlé par les syndicats, et les syndicats ontariens, il n'y a rien qui les oblige à employer des gens du Québec.

Si on fournit cette garantie aux Ontariens que les Ontariens peuvent venir dans la région de Hull ou n'importe où au Québec, d'une part, on les privilégie par rapport aux Québécois, parce qu'on permet à des gens de l'Ontario de venir à Hull, alors qu'on ne permet pas aux gars de Beauharnois, qui est dans la région de Montréal, d'aller à Hull. Là-dessus, je me pose de sérieuses questions. Ce n'est pas une affaire de chauvinisme. C'est une affaire de justice envers tous ceux qui sont impliqués. Deuxièmement, les Québécois, je n'ai aucune garantie qu'effectivement ils vont pouvoir travailler en Ontario. Ce que je sais cependant, c'est que nos gars des métiers spécialisés qui sont en Ontario, on ne les appelle pas parce qu'ils ont de beaux yeux, on les appelle parce qu'on en a besoin. C'est aussi simple que cela.

Le jour où des Québécois voudront travailler dans la région d'Ottawa et que le syndicat de tel métier à Ottawa, qui est une union internationale...

Les électriciens, c'est un bel exemple. La FIPOE, la Fraternité interprovinciale des travailleurs en électricité est un syndicat québécois, malgré son nom, qui s'est détaché de l'union internationale, l'AEU, il y a quelques années et qui depuis accepte que les travailleurs québécois n'aient pas de mobilité parce qu'ils ne sont pas reconnus dans le reste du Canada. Si les électriciens de l'Ontario ont décidé qu'ils ne voulaient pas voir un seul gars de la FIPOE, parce que c'est l'union internationale qui contrôle le placement, Mme Stephenson ne peut pas me donner la garantie que les Québécois vont pouvoir y aller parce qu'elle n'a pas d'OCQ, qu'elle n'a pas de règlement de placement, qu'elle n'a pas le type de mesures réglementaires qu'on a. Ceci dit, on est prêt à discuter. Ce à quoi les premiers ministres se sont engagés, c'est de faire en sorte que Mme Stephenson et moi, nous nous rencontrions d'ici le 1er juillet. On va essayer de trouver des coins dans nos horaires tous les deux pour faire en sorte d'arriver à des accommodements pratiques permettant un minimum d'échanges entre les deux. Mais je voudrais juste qu'on soit très conscient des difficultés que cela pose pour les Québécois. Je ne voudrais pas, pour ne pas faire de la discrimination contre les Ontariens, en faire contre les Québécois. Il faut tenir compte de cette réalité.

M. Fontaine: Donc, il n'y a pas de grande possibilité pour les Québécois d'aller travailler dans les autres provinces.

M. Johnson: C'est-à-dire qu'on peut nous dire qu'il n'y a pas de règlement qui l'interdit, mais, en pratique, les Québécois ont peu de mobilité. Ce n'est pas seulement parce qu'il n'y a pas de grande possibilité, et cela, je ne suis pas capable de le déterminer précisément, on n'a pas les chiffres, parce qu'il n'y a pas de source pour les chiffres, sauf les unions internationales dans les autres provinces. On sait qu'elles présentent cela à leur façon et on l'a vu dans les chiffres contradictoires qu'elles nous ont donnés avec ceux que nous, nous pouvions contrôler sur le territoire québécois.

Deuxièmement, il y a le fait que, historiquement, les Québécois, ce n'est pas vrai que c'est du monde qui désire avoir cette mobilité. Il y en a qui aiment cela, mais c'est relativement marginal dans les phénomènes québécois de main-d'oeuvre..

(10 h 45)

M. Roy: J'aimerais tout simplement, souligner pour illustrer ce que vient de dire le député de Nicolet-Yamaska au ministre, qu'il y a beaucoup plus de travailleurs de la construction au Québec qui vont travailler à l'extérieur du Québec. Il faut aller dans les États de la Nouvelle-Angleterre, pour en trouver des centaines et des centaines, mais je pense que, s'il y avait un recensement, on pourrait en trouver des milliers, à un moment donné. Il y en a un certain nombre qui travaillent en Ontario, il y en a un certain nombre qui vont travailler en Alberta, surtout en Alberta, et quelques-uns en Colombie-Britannique. Il y a une mobilité assez surprenante. Le problème qu'il y a et qui doit être souligné ici, c'est que ces gens qui doivent quitter le Québec, à un moment donné, pour avoir du travail, parce qu'il est impossible d'en avoir chez nous, ne peuvent pas faire compter leurs heures pour la délivrance de leur certificat.

M. Johnson: Ce n'est pas exact.

M. Roy: J'aimerais bien qu'on me rassure là-dessus.

M. Johnson: Oui, je peux vous rassurer, l'article 3.11 du règlement de placement prévoit que les heures faites par un travailleur domicilié au Québec à l'extérieur du Québec sont des heures qui peuvent compter pour son certificat de classification, mais à la condition, évidemment, qu'il en fasse la preuve.

M. Roy: Oui, mais quand on parle d'un travailleur domicilié au Québec, on sait très bien que le travailleur qui va travailler en Alberta élit domicile en Alberta pendant un an, pendant deux ans.

M. Johnson: Non, il est résident d'Alberta, mais il est encore domicilié au Québec. La notion de domicile, c'est la notion de droit civil de domicile.

M. Roy: C'est celle que vous retenez. D'accord.

M. Johnson: Celle qu'on retient, ce n'est pas une notion de résidence, c'est une notion de domicile. S'il laisse sa femme et ses enfants ici, on peut présumer qu'il n'élit pas domicile, à moins qu'il soit bigame ou autre chose.

M. Fontaine: M. le Président, j'aurais encore quelques questions, mais, étant donné qu'il est près de 11 heures, je vais laisser la parole à l'ex-commissaire de la commission Cliche.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: C'est vrai qu'il est difficile de changer de chapeau, M. le Président. Je voudrais dans un premier temps relever certains points...

M. Roy: Nos gestes nous suivent. M.Guy Chevrette

M. Chevrette: Oui, surtout quand on est cohérent, M. Roy.

Je voudrais dans un premier temps relever certains points. Quand vous dites que la commission Cliche n'aura servi à rien, et je regarde non pas une seule recommandation, comme vous l'avez fait, sortie du contexte d'un rapport, mais il faut prendre l'ensemble des recommandations qui faisaient partie du chapitre de la politique de la

main-d'oeuvre. Vous vous rendrez compte que le règlement de placement qui est présenté par le ministre du Travail tient compte de plusieurs dimensions qui ont été mises de l'avant par le rapport Cliche, en particulier l'autorité de l'OCQ sur le placement dans l'industrie de la construction.

Je vous rappellerai qu'une vingtaine de groupes qui avaient paradé devant les commissaires de la commission Cliche avaient réclamé un contingentement dont parlait le député de Portneuf; 19 groupes au moins sur 20 s'étaient entendus et, à l'unanimité pratique, on demandait un contingentement assuré dans l'industrie de la construction; c'était un non-sens de voir le nombre d'individus qui sortaient bien souvent sous libération conditionnelle et qui se ramassaient à la baie James, sans avoir préalablement fait aucune heure de travail dans l'industrie de la construction. C'était sur le bras que les engagements se faisaient. C'est à cause de cela qu'on avait d'abord demandé que i'OCQ prenne une autorité certaine dans le domaine du placement et que le ministère du Travail, par la direction générale de la main-d'oeuvre, voie à assurer une plus grande qualité de la qualification professionnelle. C'est d'ailleurs, ce sur quoi je finirai mon intervention, tantôt.

Si vous lisez attentivement les recommandations 109 à 111, vous verrez que ce que j'avance est véridique. Vous verrez que le rôle qu'on voulait faire jouer à I'OCQ était vraiment celui d'une autorité. Cela aurait l'avantage, tout au moins, de connaître les règles du jeu, même dans la réglementation des syndicats, ce qu'on ne pouvait connaître auparavant. Un syndicat devra publier ses règlements, en vertu du nouveau règlement, de sorte qu'on pourra voir si, oui ou non, il y a du favoritisme à l'intérieur des critères qu'utilisent les syndicats. C'est un avantage certain. Vous vouliez des avantages tantôt, cela en sera un majeur parce qu'on ne pouvait pas, auparavant, savoir si, véritablement, on respectait le tableau d'affichage dans les locaux. On pouvait aussi bien envoyer le 300e individu que le 1er. Si, vraiment, dans la réglementation du local, c'est par voie d'affichage et par ordre chronologique, on le verra et on pourra le faire respecter; sinon, il y aura perte de licence ou de permis de placement dans les syndicats.

Bien sûr, vous me direz: Tu avais recommandé, cependant, Chevrette, en tant que commissaire à la commission Cliche, l'abolition totale des bureaux de placement syndicaux. Je peux vous dire: oui. Dans le contexte où cela se déroulait, dans le' contexte où il n'y avait aucune tutelle, dans le contexte où des locaux se permettaient des actes de banditisme, on n'avait pas d'autre choix que celui de soustraire complètement l'opération placement aux locaux de la construction. Cependant, il n'y a pas de cachette et je pense qu'il faut se le dire carrément. Je suis loin d'être certain, et encore moins depuis 18 mois, que nos centres de main-d'oeuvre sont capables d'effectuer le placement dans l'industrie de la construction, en particulier quand on demande un type de plombier bien spécifique, un type d'électricien. On n'envoie pas dans la grosse industrie un petit électricien qui est habitué à passer des fils dans les plafonds d'un petit domicile, parce qu'il n'est pas capable. Il va refuser carrément, d'abord, d'y aller et, s'il y va, il va risquer la sécurité et il risque de bousiller de bonne foi certains travaux d'envergure dans la grosse industrie.

Cet inventaire fait aussi partie d'une des recommandations de la commission Cliche, si vous vous êtes donnés la peine de les lire, entre 109 et 122. C'est une autre dimension dont on tient compte et dont le précédent gouvernement aurait dû tenir compte dès la parution du rapport, de toute façon. Je voudrais également vous dire qu'on se fait une montagne avec les règlements de placement pour les motifs suivants. À peine 15% du placement dans toute l'industrie de la construction fait justement l'objet de demandes et 85% est directement de l'embauche par l'employeur. Il faut dire que la main-d'oeuvre, chez les petits entrepreneurs régionaux, est une main-d'oeuvre permanente et que cet individu, comme employeur, a le droit d'amener avec lui sa main-d'oeuvre permanente. Donc, cela efface énormément de l'argumentation que vous mettiez de l'avant tantôt en disant: Si j'ai besoin d'un gars, j'irai le chercher. Les gars qui construisent dans le domaine domiciliaire ont leur main-d'oeuvre permanente qui, d'année en année, demeure avec eux et qui travaille sept ou huit mois par année, qui fait trois ou quatre mois de chômage pour revenir avec le même employeur l'année suivante.

Dans le domaine domiciliaire, dans nos petites régions, c'est exactement le cas qui se produit le plus fréquemment. C'est dans la grosse industrie que le placement va jouer un rôle spécifique et c'est peut-être là, par les contrôles plus sévères, qu'on pourra s'assurer... Quand on dit "les véritables travailleurs de la construction", ce n'est pas entre les bons et les méchants, mais c'est bien entre ceux qui font une vie professionnelle de la construction; autrement dit, le professionnel de la construction aura une préséance sur l'occasionnel qui, lui, se branche, de temps à autre, choisit l'industrie de la construction parce que, temporairement il y a une mise à pied dans l'industrie privée, dans une usine quelconque.

D'après moi, cela amènera sans doute des effets bénéfiques et, en particulier, toute la question de l'inventaire de la main-d'oeuvre qui sera fait. Cela servira non seulement à I'OCQ, mais également à la direction générale de la main-d'oeuvre pour bâtir une politique de main-d'oeuvre beaucoup plus cohérente que celle que nous avons présentement.

On a touché le problème des artisans; je ne voudrais pas y revenir. On a parlé d'arbitraire; je voudrais bien que le député de Beauce-Sud mette de l'avant des formules sur la question d'arbitraire parce que, moi aussi, j'avais plusieurs points d'interrogation tout comme lui. Mais il n'y en a pas de recette miracle pour dire: L'OCQ va-t-elle accorder un permis de travail à quelqu'un qui a été victime de discrimination?

Pour donner un permis de travail à quelqu un qui a été victime de discrimination, il faut au moins savoir les faits; il faut donc recourir à

l'arbitrage. Bien sûr, l'OCQ se constitue en arbitre, mais, dans n'importe quel type de grief ou dans n'importe quel type de différend, un arbitre a toujours une discrimination sur une sentence.

M. Johnson: II va y avoir des appels.

M. Chevrette: II y en aura toujours et il y aura des appels certainement en vertu...

M. Johnson: On va avoir une procédure d'appel dans le dépôt d'une loi la semaine prochaine.

M. Chevrette: Personnellement, je ne peux pas vous dire que je suis entiché du règlement de placement. Au contraire, je pense que n'importe qui autour de cette table aurait des nuances à apporter. Pour ma part, il y aura des nuances à l'usage qu'il faudra apporter. Il y en a une en particulier: c'est sur les A, B et C. À mon avis, à l'usage il faudra se rendre compte qu'il y aura uniquement deux catégories. Après quelques mois d'utilisation de ce règlement, on pourra se rendre compte qu'on aura les véritables travailleurs de la construction et les occasionnels qui font partie d'une classe à part. À ce moment-là, M. le député de Beauce-Sud, ce sera d'autant plus facile de corriger les lacunes sur le plan régional, celles que vous avez soulignées.

S'il y a un facteur sur lequel j'attendais plusieurs interrogations de votre part, c'est peut-être la grandeur des régions. Mais on sait que la grandeur des régions peut quand même jouer à l'inverse. Si vous formez une région dans la Beauce, par exemple, et qu'il n'y ait pas de construction, votre gars n'a pas la priorité, il va rester dans cette région sans travail. J'ai également apporté cet argument et j'ai exactement soutenu votre thèse au niveau de la consultation. Mais il y a deux côtés à la médaille et c'est à l'usage qu'on verra ce que cela représente.

Ce que je pense qu'il faudrait souligner ce matin, c'est d'inviter le plus grand nombre de travailleurs, surtout dans les métiers généraux, à utiliser la main-d'oeuvre régionale plutôt que de transporter sa main-d'oeuvre permanente. Cela pourrait être une incitation au niveau du règlement de placement parce que, si un employeur de Québec obtient un contrat à Joliette, qu'il amène ses hommes de métiers généraux, c'est bien évident qu'on va crier dans la région. Je suis entièrement d'accord avec vous. Mais je pense que, par des directives administratives, en incitant les employeurs, d'abord ils sauvent sur les frais de séjour et sur les frais de transport, donc, je pense que, déjà, là, à l'intérieur du décret, il y a tout au moins une incitation. Je pense qu'il y a un problème beaucoup plus grave au niveau de toute la construction, c'est le domaine de la qualification professionnelle.

J'ai dit que je terminais là-dessus, M. le Président, mais, pour moi, c'est aberrant. Je sais qu'il y a un travail immense à faire, je ne dis pas cela pour dénigrer la Direction générale de la main- d'oeuvre, qui travaille sur des formules présentement, et je sais qu'il y a déjà eu des comités de travail. Mais je suis persuadé que le système d'examens au niveau de la classification professionnelle est dérisoire présentement. Je pourrais donner l'exemple de gars qui travaillent depuis 20 ans sur un rouleau compresseur pour l'asphalte et qui ratent systématiquement leurs examens; ils ne veulent pas avoir autre chose, pour avoir l'occasion de conduire le rouleau compresseur. Personnellement, j'ai hâte qu'on invente un système pratique d'examens et qu'on spécifie que c'est tel instrument, s'il le faut. Le gars n'en demande pas plus. Je pense que c'est encore plus frustrant pour un salarié, pour un travailleur qui, depuis 20 ans, travaille pour un type d'employeur et qui se voit refuser une carte de compétence, uniquement parce qu'il a bloqué un examen, qu'on lui a transposé des milles en kilomètres, des pieds en mètres, et le pauvre gars est complètement perdu.

Je crois que c'est là un des problèmes les plus graves. Si on fait de la projection, M. le député de Beauce-Sud, il y aura d'autres problèmes très graves auxquels on aura à faire face parce que nous sommes en perpétuelle évolution dans le domaine de la construction. Il y a toute la question de l'usinage des maisons. Vous verrez tantôt dans quel cul-de-sac cela nous amènera face au décret de la construction, des types qui n'ont aucune spécialité, qui passent les fils dans les maisons usinées et qui, théoriquement, enlèvent de l'emploi aux salariés compétents qui se sont spécialisés dans le domaine de l'électricité. J'ai été heureux de voir que le ministre du Travail ouvre une porte à une certaine planification des travaux. Il a souligné lui-même qu'il y a 40% des investissements du domaine de la construction qui émanent des deux paliers de gouvernement, fédéral et provincial. C'est extrêmement important, parce que, s'il y avait une certaine planification des travaux, on connaîtrait moins de hauts et de bas dans l'industrie de la construction. Quand on voit des chantiers olympiques qui créent des besoins de main-d'oeuvre de 130 000 personnes avec tout ce que cela crée comme activité économique, et qu'on se ramasse au lendemain d'un chantier de cette envergure avec des besoins de 70 000 personnes, il ne faut pas se surprendre d'avoir les problèmes qu'on a aujourd'hui. À mon sens, ce sera là un des problèmes à envisager au niveau des différents ministères.

Je terminerai en disant qu'il y a peut-être un aspect qui n'a pas été souligné ce matin et qui me paraît un problème majeur dans le domaine du placement, c'est celui des juridictions de métiers. On n'en a pas parlé plus qu'il pe faut, mais à mon sens, c'est un autre problème. La question d'inventaire qui sera faite par l'OCQ aidera à résoudre et aidera à clarifier. Les fameux "green books" américains... on pourra peut-être s'écrire un livre blanc québécois qui permettra de faire la lumière sur les juridictions de métiers au Québec.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci, M. le Président. Je veux remercier le ministre ainsi que mes collègues, tant de l'Opposition officielle que de l'Union Nationale ainsi que mon collègue de Joliette-Montcalm, de leur participation positive à cette commission parlementaire de ce matin pour l'examen du dossier du placement dans l'industrie de la construction.

Le député de Joliette-Montcalm a parlé des juridictions de métiers. J'aurais pu en parler également, mais nous sommes limités dans le temps. Compte tenu que nous n'avions que deux heures, j'ai voulu concentrer mon intervention sur le domaine du règlement de placement comme tel. Je partage entièrement son point de vue. Je pourrais même en ajouter en ce qui a trait aux examens de qualification professionnelle. On fait passer des examens d'opérateur de machinerie lourde avec une feuille de papier et un crayon.

M. Pagé: On pose des questions sur l'asphalte.

M. Roy: C'est un peu comme demander à quelqu'un de conduire une automobile et lui demander de faire un dessin au tableau pour ensuite lui donner un permis de conduire. C'est aussi ridicule que cela. Il y en aurait long à dire.

Je voudrais partager l'optimisme du ministre et de mon collègue de Joliette pour le nouveau règlement de placement. Je pense que ce qui a été dit ici, à la commission, illustre très bien actuellement qu'on cherche une formule qui apporterait une solution à un problème, mais on cherche une solution à partir des conséquences. On ne cherche pas une solution à partir du point de départ. D'abord, vouloir régulariser la main-d'oeuvre ou la répartir sur une base de douze mois, cela peut se faire dans la construction commerciale et industrielle. Cela peut se faire dans les gros chantiers au niveau de la construction domiciliaire, mais dans les petits centres de construction domiciliaire, c'est impossible à cause d'un facteur qui ne dépend pas du ministre, ni du Parti québécois, ni du Parti libéral et ni de qui que ce soit mais nous avons quatre mois d'hiver qui ne favorisent pas la petite construction privée. Cette dernière embauche un grand pourcentage de la main-d'oeuvre. (11 heures)

Deuxièmement, on dit qu'il y a 200 000 travailleurs de la construction dans le Québec et qu'il y a du travail pour 100 000. Je suis d'accord, mais il faudrait ajouter aussi qu'on a 10% à 14% de chômage au Québec. C'est un problème d'ensemble. Ce n'est pas le problème de l'industrie de la construction. Quand on réussit, sur le plan de l'économie générale, à relancer l'économie, à faire un boom économique, c'est quand on réussit à stimuler et à développer l'industrie de la construction. Cela a toujours été le facteur qui a contribué à apporter une prospérité économique ou une crise économique. C'est la construction qui a toujours été le facteur no un de la prospérité économique dans des périodes. C'est tellement cyclique, pas seulement cyclique sur une base annuelle, mais sur une base d'un certain nombre d'années.

Comment peut-on, logiquement et intelligemment, régler le problème et apporter des solutions avec un règlement de placement, à partir de ces données de base? Le ministre disait tout à l'heure que je devrais apporter une barge. Je devrais offrir une barge pour les difficultés que pourrait créer l'absence d'un tel règlement de placement, puisqu'on pourrait amener, évidemment, des cas individuels. Ce règlement de placement, actuellement, nécessiterait une barge pour transporter les cas. Je tiens à dire au ministre que je voudrais partager son optimisme. J'ai l'impression que cela va lui prendre non pas une barge, mais des navires, parce que, actuellement — on se ferme les yeux de ce côté — ce ne sont pas les professeurs qui se retrouvent devant les tribunaux, ce ne sont pas les pompiers de fin de semaine qui se retrouvent devant les tribunaux dans l'industrie de la construction, ce sont des travailleurs de 15 ans, de 20 ans et de 25 ans qui se retrouvent devant les tribunaux. Ils sont poursuivis. J'aimerais qu'on fasse l'inventaire de cela et qu'on examine la situation pour voir, actuellement, si tous ces règlements sont des règlements qui protègent les travailleurs ou qui pénalisent les travailleurs. Troisièmement, je ne peux pas, en ce qui me concerne — le ministre non plus — changer la géographie du Québec et, malgré tous les auteurs qu'il nous a cités ce matin, convaincre les gens et changer la coutume.

Quand il y a des travaux de construction dans une localité rurale, dans une petite ville de 3000 à 4000 âmes, on travaille au niveau des organismes locaux à faire en sorte de stimuler le développement économique de la localité, en plus d'abaisser le taux de chômage de la localité. On appelle cela la décentralisation, se prendre en charge, des citoyens responsables, des citoyens qui veulent faire leur part dans le développement économique. Si, à la suite d'efforts collectifs qui se font dans certaines localités du Québec, pour tâcher de trouver du travail à leur main-d'oeuvre locale on les oblige à importer de la main-d'oeuvre d'autres régions, d'autres comtés, par le fait que les régions sont beaucoup trop grandes... Quand je regarde seulement la région de Québec... Ce sont des régions beaucoup trop grandes.

Si je vais un peu plus loin, prenons la région de Rimouski. La région de Rimouski comprend également la Gaspésie et les gens ont fait en sorte que les travailleurs de la construction de tout le bassin de la Gaspésie, à partir de Rimouski, soient aussi interdépendants et soient aussi mobiles que les travailleurs de l'île de Montréal comme telle. On fait la même chose avec la Côte-Nord et le Saguenay-Lac-Saint-Jean. Les régions sont beaucoup trop grandes. Cela m'amènerait, M. le Président, à dire, en terminant, qu'on n'a pas apporté de solution ce matin au problème. Je tiens à dire qu'il va y avoir une multitude d'injustices qui vont être créées si l'Office de la construction applique ce règlement à la lettre. S'il ne l'applique pas à la iettre, il va falloir qu'il l'applique avec discrétion.

S'il l'applique avec discrétion, on ouvre la porte à l'arbitraire, parce que je ne vois pas les gens de Québec aller faire du travail de construction domiciliaire dans des petites localités comme Notre-Dame-du-Rosaire, Sainte-Lucie-de-Beauregard, Saint-Georges-de-Cacouna, Saint-Jean-de-la-Lande, Notre-Dame-du-Portage. Je ne vois pas les gens non plus de La Pocatière aller faire ce travail dans le comté de Portneuf, dans la partie non organisée du comté de Chavigny.

M. Pagé: Du canton Chavigny.

M. Roy: Du canton Chavigny.

M. Pagé: II n'y a pas de construction là.

M. Roy: II n'y en a peut-être pas, mais, advenant le cas où il y en aurait une, si on l'a mise ici, c'est parce qu'on a l'intention d'y appliquer le règlement. Ce n'est pas moi qui l'ai ajoutée, cette partie. C'est dans le règlement, je le lis. Je dis, M. le Président, que si cela fait sourire les gens de simplement lire ce qui est écrit dans le règlement relativement aux dispositions ou aux compositions des régions, je pense que c'est assez significatif. Cela se passe même de commentaire.

M. le Président, il va falloir que le gouvernement du Québec tienne compte de cinq critères de base dans l'élaboration d'un règlement qui ne sera jamais parfait, qui ne pourra jamais être parfait, à cause des facteurs que j'ai énumérés tantôt. Il va falloir qu'il y ait des mesures pour favoriser la protection des travailleurs d'une localité, d'une ville et d'une petite région avant d'aller dans les grandes régions. On me dit que cela joue dans les deux sens. C'est vrai que cela joue dans les deux sens. Mais ce qui est vrai pour le comté de Portneuf, c'est vrai pour Beauce-Sud, ce qui est vrai pour Gaspé, c'est vrai pour Rimouski, c'est également vrai pour Nicolet. C'est la réalité, la coutume, les habitudes de la population. C'est une chose. Deuxièmement, on ne fait pas de distinction entre les grands centres et les villes et les villages ruraux. On ne fait pas de distinction, non plus, entre la construction commerciale, industrielle et l'habitation familiale. Ce matin, les remarques que nous avons reçues en commission parlementaire nous ont démontré que les grands problèmes qu'on tente de résoudre sont des problèmes qui regardent la grosse construction. On a parlé des Jeux olympiques, on a parlé des gros chantiers de construction, on a parlé de la construction de la Donohue à Saint-Félicien, on a parlé de la construction à la baie James, mais il ne semble pas qu'il y ait des problèmes véritables et qu'il y ait eu tellement de problèmes lorsqu'on regarde la construction domiciliaire des petites localités du Québec. Si on veut régler un problème au niveau de la grosse construction dans les grands centres, pourquoi étend-on la réglementation dans les petits centres et fait-on en sorte de créer de la persécution — j'emploie le terme — persécuter les travailleurs de la construction des petits centres?

Quatrièmement, il n'y a aucune distinction entre la construction, la rénovation et les réparations. Il faut dire qu'on n'en a pas parlé tellement de cela ce matin. C'est le même règlement qui s'applique dans la réparation de résidences domiciliaires que dans la construction. C'est le même règlement de placement. Je me demande sérieusement comment, encore une fois, l'Office de la construction pourra recevoir tous les appels téléphoniques, parce que même s'il y a un certain nombre de travailleurs qui suivent dans les grosses entreprises de construction, il y a une mobilité extrêmement grande, à ce niveau, puisque s'il y a un certain nombre de travailleurs à la base qui ont un emploi stable dans les grandes entreprises de construction, je dois dire que cela ne représente pas 50% des travailleurs qui sont à l'emploi de la même entreprise, parce qu'il y a une mobilité de 60%, 70%, 75%, il y a une variance qui se fait quotidiennement.

M. le Président, en terminant, je voudrais demander au ministre de prendre l'initiative, peut-être qu'un comité ou une commission parlementaire devra réexaminer sérieusement ce dossier du placement...

M. Johnson: Ah, non!

M. Roy: ... et qu'on fasse en sorte qu'au niveau des parlementaires, des députés, membres de l'Assemblée nationale, on puisse se pencher sérieusement sur cette question, puisque je pense que le problème demeure entier. Je ne crois pas, personnellement — j'insiste bien gros là-dessus — à l'application réaliste de ce règlement de placement dans l'industrie de la construction, à moins que le gouvernement se décide d'utiliser ses centres de main-d'oeuvre locaux qui pourraient faire en sorte, avec une responsabilité additionnelle, peut-être de ramener le plus près possible des gens les régions, l'application du règlement pour ce qui a trait à l'emploi des travailleurs de classe A et de classe B, dans les localités, dans les petites villes.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Johnson: M. le Président, je vais être extrêmement bref dans mes remarques, étant donné que le député de Beauce-Sud a eu la gentillesse de me dire qu'on terminerait à 11 heures.

Je pense que le député de Joliette a soulevé avec exactitude le problème, entre autres, de la qualification et du type d'examen qu'on fait passer, c'est vrai. La Direction générale de la main-d'oeuvre en est bien consciente. Une des avenues, ce serait la qualification par tâche, bien plus que par métier. Je pense que le député de Joliette et les membres de l'Opposition savent aussi qu'évidemment la résistance première vient des syndicats eux-mêmes, des corps de métiers. Mais on fait des recherches dans ce domaine, on a des groupes qui y ont travaillé et on essaie de les sensibiliser à cela.

Pour terminer, je voudrais remercier le député de Beauce-Sud de nous avoir donné l'occasion de

discuter de ce règlement et lui dire qu'à la lumière, plutôt qu'à la lueur, de nos discussions...

M. Roy: C'est une lueur très faible.

M. Johnson: ... et de discussions qui durent depuis fort longtemps d'ailleurs, le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre n'entretient pas un optimisme démesuré, mais il entretient cependant une bonne dose d'espoir à l'égard de l'application du règlement de placement. Merci.

Le Président (M. Jolivet): Je vous remercie et je termine cette réunion.

(Fin de la séance à 11 h 11)

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