Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Question avec débat
Politique relative au placement et à la
qualification professionnelle des travailleurs de la construction
(Neuf heures huit minutes)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission du travail et de la main-d'oeuvre est réunie ce
matin comme prévu par le nouveau règlement, sans quorum, de telle
sorte qu'on peut maintenant procéder sur la question avec débat
du député de Beauce-Sud au ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre sur le sujet suivant, à savoir la politique du
gouvernement relativement au placement et à la qualification
professionnelle des travailleurs de la construction. La parole est au
député de Beauce-Sud.
Présentation du sujet
M. Fabien
Roy
M. Roy: Merci, M. le Président. Comme le prévoit
notre règlement, j'ai voulu profiter de cette journée pour
attirer l'attention du ministre et des membres de la commission relativement
aux difficultés d'application que comportera le nouveau règlement
qui doit entrer en vigueur une partie le 1er juin et l'autre partie le 1er
juillet. On se rappellera que depuis l'adoption de la loi de la qualification
professionnelle en vue du contrôle qualitatif et quantitatif de la
main-d'oeuvre de la construction, plusieurs tentatives ont été
faites de façon à trouver des formules pour régler et
résoudre le fameux problème du placement dans l'industrie de la
construction. On se rappellera également les rapports et l'attention
qu'avait apportés la com- mission Cliche sur cette question.
M. le Président, le 30 septembre dernier, le ministre du Travail
et de la Main-d'Oeuvre nous annonçait que le Conseil des ministres avait
approuvé le règlement relatif au placement des sa- lariés
dans l'industrie de la construction, document préparé et
adopté par l'Office de la construc- tion du Québec. À
cette occasion, M. Réal Mireault, président de l'office,
déclarait que le mandat confié à son organisme en
matière de placement des salariés de la construction
répondait à la volonté des législateurs de
dégager une fois pour toutes le placement du contexte de la
négociation où pendant trop longtemps la main-d'oeuvre a fait
l'objet d'un marchandage. On ne pouvait que se réjouir de cette
volonté gouvernementale de mettre enfin de l'ordre dans une industrie
vertement décriée depuis plusieurs années.
Lors de la présentation du nouveau règlement de placement,
nous avons cru que le gouvernement s'était enfin décidé
à civiliser ce que plusieurs appellent la jungle du travail dans
l'indus- trie de la construction et qu'il allait, dans son règlement, se
rendre à une des recommandations du rapport de la commission Cliche,
à savoir l'abolition pure et simple des bureaux de placement
régionaux.
On se rappellera, à l'époque quelle a été
l'attitude de l'Opposition officielle du temps, soit le Parti
québécois, à l'Assemblée nationale. Mais cela nous
semblait tellement évident, à cause de la clarté
même de la recommandation de la commission Cliche et aussi parce que,
comme le déclarait M. Brian Mulroney, le 5 février 1976,
l'abolition des bureaux de placement syndicaux demeure la clé de
voûte des problèmes de la construction au Québec, et le
gouvernement devra se résoudre, tôt ou tard, à s'y
attaquer. Autrement, la réforme entreprise tournera court. Donc, face
à la commission Cliche, le gouvernement n'a rien trouvé de mieux
que de nous présenter un règlement de placement qui, dans ses
grandes lignes, nous apporte peu de nouveau. Sa seule valeur, c'est d'avoir
effectué la codification...
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. Il y aurait
possibilité, me dit-on, de descendre à la salle 81-A, où
on n'aurait aucun bruit. Si vous êtes d'accord, on pourrait
descendre.
M. Roy: Je tiens bien à être compris, M. le
Président. Je n'ai pas d'objection à l'autre salle.
(Suspension de la séance à 9 h 13)
(Reprise de la séance à 9 h 16)
Le Président (M. Jolivet): Je profite de la circonstance
pour vous donner les membres de cette commission: M. Bellemare (Johnson), M.
Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Forget
(Saint-Laurent), M. Gravel (Limoilou), M. Johnson (Anjou), M. Lavigne
(Beauharnois), M. Pagé (Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud), M. Vaillancourt
(Jonquière); M. Fontaine (Nicolet-Yamaska) remplace M. Bellemare
(Johnson). Est-ce qu'il y a d'autres remplacements? M. Godin (Mercier) remplace
M. Bisaillon (Sainte-Marie).
Je laisse au député de Beauce-Sud le libre choix de
recommencer ou de continuer là où il était rendu, compte
tenu de ce petit dérangement qui nous est apparu.
M. Roy: On me demande de recommencer.
M. le Président, le 30 septembre dernier, le ministre du Travail
et de la Main-d'Oeuvre nous annonçait que le Conseil des ministres avait
approuvé le règlement relatif au classement des salariés
dans l'industrie de la construction, document préparé et
adopté par l'Office de la construction du Québec. Est-ce qu'on
m'entend mieux?
M. Chevrette: Très bien. On ne comprend pas mieux, mais on
entend mieux.
M. Roy: À cette occasion, M. Réal Mireault,
président de l'office, déclarait que le mandat confié
à son organisme en matière de placement des salariés de la
construction répondait à la volonté du législateur
de dégager une fois pour toutes le placement du contexte de la
négociation où pendant trop longtemps la main-d'oeuvre a fait
l'objet d'un marchandage. On ne pouvait que se réjouir de cette
volonté gouvernementale de mettre enfin de l'ordre dans une industrie
vertement décriée depuis plusieurs années.
Lors de la présentation du nouveau règlement de placement,
nous avons cru que le gouvernement s'était enfin décidé
à civiliser la jungle du travail dans l'industrie de la construction et
qu'il allait, dans son règlement, se rendre à une des
recommandations du rapport de la commission Cliche, à savoir l'abolition
pure et simple des bureaux de placement syndicaux.
Cela nous semblait tellement évident, à cause de la
clarté même de la recommandation de la commission et aussi parce
que, comme le déclarait M. Brian Mulroney, le 5 février 1976,
l'abolition des bureaux de placement syndicaux demeure la clé de
voûte des problèmes de la construction au Québec, et le
gouvernement devra se résoudre, tôt ou tard, à s'y
attaquer. Autrement, la réforme entreprise tournera court.
Face à la commission Cliche, qui a étudié le
problème en profondeur, face aux nombreuses analyses faites au
ministère du Travail, le gouvernement n'a rien trouvé de mieux
que de nous présenter un règlement de placement qui, dans ses
grandes lignes, nous apporte que peu de nouveautés. Sa seule valeur,
c'est d'avoir effectué la codification de tout ce qui concerne le
placement et la division du territoire du Québec en treize grandes
régions.
Donc, si l'on ne change rien fondamentalement, comment peut-on
prévoir régler quoi que ce soit dans l'industrie de la
construction? Avec ce règlement, ce ne sont pas les travailleurs
et j'insiste là-dessus qui y gagneront, mais bien certains
bureaucrates qui, une fois de plus, étendront leurs tentacules dans une
nouvelle sphère d'activité.
Regardons maintenant les principaux éléments de ce fameux
règlement. D'abord, prenons le titre d'une circulaire de l'Office de la
construction du Québec: "Pour les vrais travailleurs de la
construction", comme s'il y avait de vrais et de faux travailleurs dans cette
industrie; ce titre est pompeux, on pouvait difficilement faire mieux. Depuis
quand se permet-on, et qui va se permettre de distinguer entre les bons et les
méchants, parce que s'il y a des bons, il doit nécessairement y
avoir des méchants?
Il s'agit, à mon avis, d'un véritable pétage de
bretelles. Il faut appeler les choses par leur nom, car il n'existe pas de
vrais et de faux travailleurs de la construction. Lorsqu'un gars travaille dans
la construction, il est un travailleur de la construc- tion, point. Vouloir
distinguer les vrais et les faux travailleurs, c'est un arbitrage inacceptable.
Qui va le décider, et à partir de quoi tranchera-t-on la
question? Je ne suis pas fâché, je veux rassurer tout de
suite mon collègue que je ne suis aucunement fâché, c'est
le ton habituel que j'utilise.
M. Godin: Votre pression!
M. Roy: Comme c'est une question extrêmement
sérieuse, et comme il y a bien des travailleurs de toutes les
régions du Québec qui sont concernés et qu'il y a des gens
qui sont placés dans des situations épouvantables c'est le
terme que j'emploie, des situations épouvantables je ne peux pas
demeurer indifférent devant cette question, surtout quand je suis
obligé d'aller rencontrer d'honnêtes travailleurs de mon
comté, des pères de famille qui sont derrière les bureaux
derrière les barreaux, pas derrière les bureaux, je
m'excuse, c'est bien important de bien préciser...
M. Chevrette: Pour le journal des Débats, il y a toute la
différence.
M. Roy: ... pour aller les rencontrer, et c'est la raison pour
laquelle parfois j'élèverai encore la voix. Je ne veux surprendre
personne durant ces discussions. Quand un travailleur de la construction doit
aller travailler pendant un an, un an et demi, à l'extérieur ou
dans d'autres domaines, parce qu'il n'a pas de travail, et qu'il revient
reprendre sa profession et son métier, parce qu'il a été
ailleurs plutôt que de recevoir du bien-être social, devient-il un
faux travailleur? J'aimerais que quelqu'un puisse clarifier la situation
là-dessus et me donne des critères.
Que veut le gouvernement par ce nouveau règlement? Toujours selon
l'OCQ, ce règlement a pour principal objectif de régulariser le
marché du travail. C'est ce qui est dit dans la circulaire, ici:
"L'Office de la construction du Québec, l'OCQ, a élaboré
une politique de service de main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction
ayant pour principal objectif de régulariser le marché du
travail." Maintenant, que veut le gouvernement par ce nouveau règlement?
Toujours selon l'OCQ, ce règlement a pour principal objectif, comme je
viens de le dire, de régulariser le marché du travail, et pour y
arriver, il axe sa politique sur trois points principaux, à savoir la
reconnaissance des vrais travailleurs de la construction, la
préférence d'embauche régionale et quelle région,
la mise en place d'un nouveau système de placement. Ce sont les trois
points de départ.
Ce qu'il est intéressant de constater au départ, c'est
cette volonté ferme que l'on a de régulariser le marché du
travail dans une industrie que même le ministre d'État au
développement économique qualifiait de cyclique. Je cite le
ministre à la suite d'une question qui a été posée
par le leader de l'Opposition officielle qui demandait: Ne me parlez pas de la
Colombie-Britannique, ne me parlez pas de Toronto, parlez-moi du Québec,
ne me parlez pas des États-Unis non plus, parlez-moi des chô-
meurs du Québec, dans le domaine de la construction.
Et voici ce qu'a répondu M. Landry: M. le Président, ce
n'est pas parce que je me sens plus quelconque que les autres que je
réponds. Il y en a eu trois d'apostrophés, c'est parce que,
précisément dans les premières semaines où j'ai
occupé ces fonctions de ministre d'État au développement
économique, j'ai rencontré les gens du secteur de la
construction, des associations générales et quelques associations
sectorielles. Savez-vous ce qu'ils m'ont dit, M. le Président. Ils m'ont
dit: Le malheur de notre industrie, c'est qu'elle est cyclique, c'est la
problématique la plus sérieuse de l'industrie de la construction,
non seulement au Québec, mais aussi dans toutes les autres places que le
député de Laval a mentionnées.
Comment peut-on logiquement régulariser un marché de
travail, alors que l'industrie elle-même est considérée
comme cyclique par le gouvernement? Cet objectif occasionnera beaucoup de
frais, beaucoup d'études et d'analyses de la part des fonctionnaires, et
peut-être qu'un jour on arrivera à régulariser
l'irrégularité, mais encore faudrait-il que l'on connaisse
l'industrie de la construction, d'abord, pour ensuite, songer au marché
du travail. De la façon dont veut gérer l'OCQ, c'est, à
mon avis, mettre la charrue devant les boeufs, et lui-même lorsqu'il est
venu devant la commission parlementaire, il y a déjà de cela
quelques années, nous a dit qu'on n'avait aucune étude quant aux
projections futures, des besoins de main-d'oeuvre dans l'industrie de la
construction, et on admet volontiers que, d'une année à l'autre
parfois, il y a des variantes de 50%, 75% et même 80% dans la
main-d'oeuvre globale.
Revenons à l'axe premier de ce nouveau règlement, la
reconnaissance des vrais travailleurs de la construction. Cette reconnaissance,
selon le règlement, se fera à partir du nombre d'heures
travaillées dans l'industrie de la construction et ce, sur une
période de référence portant sur douze mois et
correspondant à l'année civile précédente, la date
de délivrance ou le renouvellement du certificat de qualification. Si
l'ouvrier a travaillé le nombre d'heures requis, l'office lui
délivre automatiquement le certificat de classification; cependant, si
un ouvrier titulaire de certificat de classification A ou B, durant la
période référence, a travaillé moins de 500 heures,
l'office devra, sur demande, lui délivrer un certificat de
classification C.
Ici, que veut dire "sur demande" et qui doit faire la demande
auprès de l'office? J'aimerais ajouter ceci: Qu'arrive-t-il dans les
régions rurales où certains entrepreneurs de la construction font
de la construction domiciliaire, de la construction commerciale, de la
construction industrielle et aussi de la construction pour la classe agricole,
construction de porcheries, construction de granges-étables,
construction de bâtisses de fermes, alors que ces heures ne sont pas
régies par l'Office de la construction du Québec, alors que la
qualification professionnelle n'est pas exigée et que les gens qui,
à cause justement des be- soins des régions rurales du
Québec, à l'occasion d'une année par rapport à une
autre, vont travailler 25%, 30% de plus dans la construction agricole que dans
la construction résidentielle? Comme leurs heures ne comptent pas,
est-ce que ces gens-là, qui sont des travailleurs de la construction,
que je sache, seront lourdement pénalisés parce que, de la carte
de classification A qu'ils détiendront, ils détiendront
automatiquement la carte C, pour la bonne raison qu'il n'y a aucun
contrôle de ce côté-là et que les heures ne comptent
pas?
En ce qui concerne les autres salariés désireux de
travailler dans l'industrie de la construction je parle des nouveaux
venus ils devront faire la preuve qu'ils ont obtenu une garantie
d'emploi et un certificat leur sera émis seulement s'il n'existe aucun
autre travailleur disponible pour le métier ou l'emploi
recherché, et cela, dans la région désignée dans le
règlement. De plus, si l'on regarde l'article 3.12, là, on se
rend compte que tout le fardeau de la preuve appartient aux salariés, et
ce n'est pas facile. Ils n'ont pas tous des cours de droit. Même
là, ce dernier n'est pas assuré d'obtenir un certificat de
classification, car l'on ne fait aucune obligation à l'office de
délivrer un tel permis et, dans le paragraphe d) de l'article 3.12, on
lit: "... ou pour tout autre cas non prévu par le présent
règlement". Donc, la porte est ouverte à l'arbitraire.
Ici, nous sommes obligés de constater que les pouvoirs de
l'office lui donnent une importance pouvant aller jusqu'à l'arbitraire
et on sait que l'arbitraire n'est pas synonyme de justice. En
démocratie, on ne peut pas gouverner par l'arbitraire.
Ce fameux certificat de classification, qui deviendra obligatoire pour
tous les salariés de la construction le 1er juillet 1978, remplacera, au
dire même de l'OCQ, l'ancien permis de travail des salariés
qualifiés. Que l'on appelle ce permis permis de travail ou certificat de
classification, nous sommes devant une même réalité, et
cette réalité est aussi inacceptable aujourd'hui que par le
passé. Obliger un travailleur à détenir un certificat de
classification qui, ne l'oublions pas, vient s'ajouter à l'obligation
qu'il a de détenir un certificat de formation professionnelle, un
certificat de qualification professionnelle, s'est l'encar-caner au point de
lui enlever toute liberté de travail. La liberté d'un peuple ne
peut s'acquérir au détriment de la liberté individuelle,
et c'est cette liberté que l'on enlève aux travailleurs
actuellement. D'ailleurs, sur ce même sujet des permis de travail, qu'il
me soit permis de rappeler une affirmation du président de la CTC
d'alors, M. Donald MacDonald, qui, en 1972, à la suite d'une
déclaration de Pierre Elliott Trudeau, encore premier ministre du pays,
disait entrevoir le jour où tout citoyen désireux de travailler
devra posséder un permis de travail. Il déclarait son opposition
à un tel système de permis de travail et ce, à cause des
abus commis dans d'autres pays qui appliquent ce régime et à
cause de la monstrueuse bureaucratie à laquelle un tel régime
donne naissance habituel-
lement. Et, M. le Président, je pourrais citer la
déclaration qui avait paru dans le journal Dimanche Matin du 24
septembre 1972. "Peut-on croire qu'un tel système de permis de travail
sera meilleur chez nous? Peut-on croire que notre bureaucratie sera moins
lourde? " J'aimerais qu'on réponde à ces questions.
Ces questions, nous devons nous les poser, et nous nous devons de le
faire sérieusement. Un travailleur qui possède un certificat de
qualification pour un métier donné, une carte de
compétence, n'a que faire de la multiplication des certificats. Sa
compétence au travail est le seul gage de sa réussite et le droit
au travail, d'exercer sa profession, son métier, est un droit
fondamental qu'on considère parmi les droits de base de la personne. (9
h 30)
En ce qui concerne les deux points, sur la référence dans
l'embauche régionale, nous ne pouvons en discuter que par rapport au
point 3 concernant la mise en place d'un nouveau système de placement.
En effet, ce n'est que par ce système de placement que se fera cette
préférence d'embauche régionale. Ainsi donc, après
avoir contrôlé et fiché comme il se doit le travailleur
salarié de la construction, l'office nous annonce les principaux
éléments de son nouveau système de placement.
Quelle est donc cette nouveauté que nous propose l'Office de la
construction du Québec? Cette nouveauté, c'est le remplacement
des bureaux de placement syndicaux par des agences de placement syndicales
contrôlées par l'Office de la construction du Québec. De
plus, on ajoute que ces nouvelles agences devront, pour fonctionner, obtenir
une licence délivrée par l'OCQ, respecter les priorités de
placement, se soumettre à un code d'éthique et, pour la
protection des personnes lésées, on y ajoutera un droit
d'appel.
Ces mesures, le moins que l'on puisse dire, ne correspondent pas
tellement à ce que recommandait la commission Cliche entre autres, qui,
on se souvient, demandait textuellement que l'existence d'un bureau de
placement dirigé par un syndicat, une union ou une association patronale
soit formellement interdite par la loi et que toute violation de cette
interdiction soit passible d'amende sévère pour les autres
contrevenants.
Au lieu de respecter cette recommandation, le gouvernement choisit de
conserver les agences de placement syndicales, mais les assujettit au
contrôle de l'office et à un code d'éthique. À
l'exemple de M. Michel Bourdon, de la CSN, je serais tenté de dire: De
la construction, le PQ improvise comme les libéraux. Cette phrase n'est
pas de moi, elle est de M. Bourdon. Tel que proposé, le système
de placement maintiendra l'emprise des syndicats sur leurs membres et ce n'est
pas, comme le dit l'Association des entrepreneurs en construction du
Québec, un code d'éthique contrôlé par l'Office de
la construction qui y changera quelque chose. Avec ce nouveau système de
placement, le travailleur salarié devra, pour obtenir un emploi, soit
s'adresser à une agence de placement ou directement à
l'employeur, et, selon les qualifications requises et la
préférence d'emploi, ce travailleur pourra être
embauché.
Et si, à cause de la multiplicité des critères que
l'on a établis, il semble utopique de croire que beaucoup de
travailleurs s'adresseront directement à l'employeur pour obtenir un
emploi, surtout dans les grands centres, cela va être différent
dans les localités rurales, ils s'adresseront surtout à une
association reconnue qui possède les données requises. Dans cette
perspective, qui contrôlera l'embauche sinon encore les syndicats, au
nombre de trois, qui sont en concurrence entre eux et dont on connaît la
vigueur de cette concurrence?
En ce qui concerne l'employeur, celui-ci pourra faire appel à une
agence de placement syndicale, pourra embaucher directement ou pourra faire
appel à l'office qui lui référera les employés
disponibles. De plus, il est fait à l'employeur l'obligation d'aviser
l'OCQ de toute embauche ou mise à pied et ce, au plus tard dans la
journée qui suit l'événement.
A-t-on pensé sérieusement aux effectifs, aux services, aux
appareils téléphoniques, au personnel dont devra disposer
l'Office de la construction pour pouvoir tenir à jour, quotidiennement,
le va-et-vient, et, quand on sait toute la mobilité qu'il y a dans
l'industrie de la construction, pour suivre à jour sur des fichiers le
va-et-vient, la mobilité des travailleurs, quand on sait que, selon les
chiffres mêmes qui nous sont fournis par l'office, il y a 20 375
employeurs? Vous voyez cela d'ici: 20 375 employeurs qui devront au moins, au
minimum, faire en moyenne un appel téléphonique par semaine.
Que ce soit de la construction qui ait lieu dans une petite
localité du comté de Duplessis, au bout de la Gaspésie,
dans le fin fond du Nord-Ouest québécois, comme de la Beauce, des
Cantons de l'Est ou du Bas-Saint-Laurent, on voit cela d'ici, la mise en place
d'un tel système, ce que cela va coûter pour appliquer un tel
système, l'efficacité de ce système, et surtout, quelles
seront les sanctions qui seront imposées aux personnes qui oublieront de
le faire ou qui ne pourront pas avoir la ligne.
Là-dessus, nous n'avons pas eu d'éclairage. Quand on sait
aussi que toute personne qui effectue de la construction, voire de la
rénovation il va y en avoir, de la rénovation, avec les
programmes de rénovation urbaine des réparations à
la maison, sera tenue aux mêmes obligations, de par la loi, qu'un
entrepreneur qui construit un édifice, un hôtel de trente
étages, pour des petites réparations de $500 à une
propriété, qui emploie non pas des entrepreneurs, mais des
travailleurs artisans; on va obliger ces gens de toutes les régions du
Québec, de toutes les municipalités et localités de la
province, à téléphoner à l'OCQ quotidiennement pour
lui dire: Aujourd'hui, j'ai engagé un peintre pour peindre le balcon.
Demain, j'engage un ouvrier, un journalier, pour réparer l'asphalte de
la montée. La semaine prochaine, je vais engager un travailleur pour
réparer l'escalier arrière.
Et vous voyez tous ces propriétaires qui sont
considérés comme des employeurs dans la loi, dans la
définition de la Loi des entreprises de construction du Québec,
qui doivent détenir un permis pour satisfaire les exigences de la loi,
appeler quotidiennement l'Office de la construction pour lui faire part de
toute cette mobilité.
M. le Président, je m'excuse, mais dans ce domaine, je dois dire
que je n'ai pas la foi. Il y a des limites. Je n'ai jamais entendu parler que
cela ait pu se faire ailleurs, de cette façon. Les travailleurs du
Québec non seulement de la région que je
représente, mais de bien d'autres régions
démissionnent, vont travailler ailleurs, vont travailler dans les autres
provinces, vont travailler aux États-Unis, pour avoir la paix, parce
que, dans le Québec, on est en train d'étouffer.
Comme on peut le constater, tant pour le salarié que pour
l'employeur, ce nouveau système de placement leur occasionnera
quantité d'obligations, à un point tel que l'on se demande
où se situe l'efficacité. En plus de ne presque rien modifier
dans ce système de placement, on établit une foule de contraintes
qui n'auront pour effet que d'alourdir encore davantage une industrie qui n'en
avait pas besoin, et surtout à ce moment-ci.
À ce stade, je me permets de relever un passage attribué
à M. Michel Mireault, dans un article de presse. Je vais le citer
plusieurs fois. Quand il a des bonnes citations cela me fait plaisir de le
dire.
M. Johnson: M. Réal Mireault.
M. Mercier: M. Réal Bourdon et M. Michel Mireault.
M. Roy: Je vais me reprendre. M. Chevrette: Non, non.
M. Roy: À ce stade, je me permets de relever un passage
attribué à M. Réal Mireault. Pourtant, je l'avais bien
dit.
M. Chevrette: Tu as dit Michel. M.Roy: Je m'excuse
du lapsus.
M. Chevrette: Vous êtes obnubilé par Michel
Bourdon.
M. Roy: Dans un article paru dans le quotidien La Presse du 1er
février 1977, je cite: "S'il faut une volonté de changer les
traditions, d'améliorer les choses, et même du courage, cessons de
changer le cap selon les rêves de réformateurs perpétuels.
Essayons donc de baser nos actions sur les réalités de
l'industrie". C'est un très bon passage, c'est pourquoi il me fait
plaisir de le lire.
Je me demande si le nouveau règlement de placement des
salariés de la construction est réellement basé sur les
réalités de l'industrie. Je me permets d'en douter, surtout
lorsqu'on nous apprend que l'OCQ effectuera, au cours des mois prochains, le
recensement des travailleurs de la construction.
On établit un règlement, on le met en application et, par
la suite, on fait le recensement. Voilà une pratique qui me semble, pour
le moins manquer de logique. Habituellement, on cherche à
connaître une industrie avant d'en faire les règlements.
J'aimerais terminer cette intervention en vous citant deux paragraphes
d'un éditorial de Jean-Claude Leclerc publié dans le Devoir du 24
mai dernier. "La commission Cliche n'a rien réglé. Ni la tutelle,
ni le nouvel Office de la construction du Québec, ni l'arrivée
d'un nouveau gouvernement n'ont réussi à mettre en déroute
la mafia de la construction. Cette pègre du bâtiment se comporte
comme s'il lui fallait simplement laisser passer une tempête, le temps
pour ses amis en poste dans l'appareil gouvernemental et dans les partis
politiques de faire semblant qu'ils nettoient la place. "Le Parti
Québécois et le nouveau Parti libéral nous assurent qu'ils
ont rompu avec la triste tradition des caisses sales. L'on voudrait avoir
l'assurance qu'ils ont aussi coupé les liens avec les
fiers-à-bras qui, jusqu'à une date encore récente,
faisaient la différence les soirs d'élections entre la victoire
et la défaite dans bon nombre de comtés de Montréal et de
la Rive-Sud. L'on voudrait être certain que la timidité des
parlementaires et des gouvernements à l'égard des rackets et des
violences dans la construction provient de la "complexité ' du
problème, et non point d'une contrepartie pour services rendus. "
Si j'ai cité ces deux extraits du journal Le Devoir,
c'était justement pour faire allusion à l'établissement de
rackets et au fait qu'on fait en sorte de rendre encore plus complexe le
problème dans l'industrie de la construction, en obligeant les gens
à faire rapport de tout ce qu'ils ont à faire dans ce secteur et
à se soumettre à une réglementation qui, pour le moins,
sera impossible à appliquer sur le territoire du Québec.
À mon avis, il y a cinq grandes lacunes de la politique
gouvernementale relative au placement dans l'industrie de la construction. Je
les cite.
Premièrement, il n'y a aucune protection pour les travailleurs
d'une localité, d'une ville ou d'une autre, en ce sens que, dans une
localité, les travailleurs de classe A étant placés, on ne
pourra pas embaucher les travailleurs ayant un certificat de classification B
dans la même localité à moins d'aller chercher les
travailleurs de la classe A des localités voisines, voire même des
comtés voisins. Là-dessus, il y a une lacune extrêmement
sérieuse lorsque dans les municipalités, dans les petites villes
du Québec, il y a toutes sortes d'organismes qui travaillent à
stimuler l'emploi sur le plan local, à développer
l'économie. On fait en sorte d'obliger les gens à venir d'autres
localités parce qu'il faudra placer les travailleurs de classe A dans
une région avant d'employer les travailleurs de classe B. Je dis qu'il y
a là une lacune qu'il est important de corriger.
Deuxième lacune: il n'y a aucune distinction entre les grands
centres et les villages ruraux. Alors, on applique le même
règlement dans toute
la grande région métropolitaine et dans les villages
ruraux des régions éloignées du Québec. Le
règlement s'applique partout à Montréal ou dans le village
de Saint-Eloigné, qui peut être dans le comté de
Belleterre.
Troisièmement, il n'y a aucune distinction entre la construction
commerciale ou industrielle et l'habitation familiale. Des régions
rurales combien de municipalités avons-nous au Québec qui
ont moins de 1000 âmes; il serait étonnant de faire la liste des
localités qui ont moins de 500 âmes et pour lesquelles il y a une
ou deux constructions par année, et des petites réparations
devont se soumettre à la même réglementation que les
centres où on construit des édifices de vingt ou trente
étages.
Quatrièmement, il n'y a aucune distinction entre la construction,
la rénovation et les réparations. Il suffit qu'il y ait quelqu'un
quelque part qui rapporte qu'une personne a embauché un travailleur pour
faire des réparations à son domicile pour que cette personne se
retrouve hors-la-loi, qu'elle reçoive une sommation et qu'elle soit dans
l'obligation de se présenter devant les tribunaux. C'est tellement vrai,
M. le Président, que cela vaudrait la peine que le ministère du
Travail et de la Main-d'Oeuvre fasse une enquête à l'heure
actuelle pour évaluer ou dénombrer le nombre de causes qu'il y a
devant les tribunaux de droit commun chaque semaine à l'échelle
du Québec.
Il y a plus de causes de travailleurs de la construction, selon les
renseignements dont je dispose, qui sont actuellement poursuivis devant les
tribunaux que l'ensemble des autres causes de droit commun. Certains lundis,
dans les différentes régions de la province, la presque
totalité des causes qui passent devant les tribunaux sont des causes qui
concernent les travailleurs de la construction. L'amende minimale est de $200.
Les $200 s'appliquent également à l'employeur. Il y a des gens
qui doivent payer ces amendes avec des chèques
d'assurance-chômage. Il y a des gens qui doivent payer ces amendes avec
des chèques de bien-être social. Ils doivent payer cette amende
parce que, justement, ces règlements sont inapplicables dans leur
localité. (9 h 45)
Cinquièmement, le rétablissement du permis de travail pour
les journaliers, qui avait été abandonné parce que non
applicable. Lorsque le gouvernement, par l'entremise de l'Office de la
construction ou la Régie de la construction d'alors, a
décidé d'appliquer le permis de travail pour les journaliers,
nous en étions rendus quand je dis nous, j'exclus la personne qui
parle les inspecteurs en étaient rendus à exiger un permis
de travail pour le conducteur du camion qui allait livrer des voyages de
gravier ou de terre pour faire le terrassement dans les endroits où il
se faisait de la construction domiciliaire. Le permis de travail pour les
journaliers a été aboli parce que incontrôlable. Et
aujourd'hui, on le rétablit.
Ce sont les cinq grandes lacunes de la politique gouvernementale
relativement au placement dans l'industrie de la construction. Je suis
conscient du fait que dans les grands centres, pour la construction
industrielle, la construction commerciale, il y a des problèmes
particuliers, mais il faudrait qu'il y ait des solutions particulières
et qu'on ne fasse pas en sorte de paralyser ou de pénaliser les
travailleurs de la petite construction des régions rurales.
M. le Président, je me réfère actuellement à
ce que nous savons du règlement de l'industrie de la construction. Je
vais prendre, à titre d'exemple, la grande région de
Québec, parce que la région de Québec est une des
régions qui ont été définies à la page 12 et
à la page 13 du règlement relatif au placement des
salariés de la construction, puisqu'on parle de placement
régional. La région de Québec comprend tout le
Québec métropolitain. On va jusqu'à La Malbaie,
Baie-Saint-Paul, le village de Cap-à-l'Aigle, Pointe-au-Pic,
Rivière-du-Gouffre. On va dans le comté de Portneuf, Donna-cona,
Lac-Saint-Joseph, et cela inclut également la partie non
organisée du territoire de Chavigny. Cela comprend également les
cités et villes de La Pocatière, L'Islet, Montmagny,
Saint-Pamphile, Notre-Dame-du-Rosaire, Sainte-Lucie-de-Beaure-gard,
Notre-Dame-Auxiliaire-de-Buckland, Saint-Cajetan-d'Armagh, etc. etc. Cela
comprend aussi les cités et villes de Rivière-du-Loup,
Trois-Pistoles, Cabano, Notre-Dame-du-Portage,
Saint-Jean-Baptiste-de-l'lsle-Verte, Saint-Jean-de-la-Lande, du comté de
Témiscouata. Cela comprend aussi les villes de Beauceville,
Beauceville-Ouest, Beauceville-Est, Saint-Georges, Saint-Joseph,
Saint-Philibert, Saint-Hilaire-de-Dorset et Saint-Robert-Bellarmin.
Si on applique le règlement à la lettre et qu'il faille
placer les travailleurs de classe A dans la région de Québec
avant d'engager des travailleurs de la classe B et les travailleurs de la
classe C, est-ce que cela veut dire que les citoyens qui demeurent à
Saint-Jean-de-la-Lande, dans le comté de Témiscouata, devront
faire venir des travailleurs de Rivière-du-Gouffre, comté de
Charlevoix, pour faire effectuer des travaux de rénovation ou des
travaux d'agrandissement à leur propriété? Or, on sait
qu'en vertu du décret de la construction, ils sont obligés de
payer les dépenses de voyage, ils sont obligés de payer les frais
de pension et toutes les dépenses qui en découlent. Si c'est cela
le règlement de la construction puis le nouveau règlement de
placement, j'aimerais qu'on nous le dise, parce qu'il est temps
qu'on l'examine sérieusement. C'est une des grandes
responsabilités, je pense, des membres de l'Assemblée
nationale.
M. le Président, je pense que ce matin c'était mon devoir
de soulever cette question, ici en commission parlementaire.
Je veux, en terminant, remercier le ministre de sa disponibilité,
puisque j'ai appris après que la motion fut inscrite au feuilleton et
qu'elle eut été acceptée que le ministre avait un
engagement extrêmement sérieux. M. le Président,
j'écoute avec attention le ministre donner ses explications, parce que
je pense que la population du Québec en a besoin, et non seulement les
parlementaires qui siègent autour de cette table. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, avant de vous
donner la parole, j'aimerais connaître les gens qui vous entourent de
façon que si jamais ils interviennent on sache qui c'est.
M. Johnson: C'est vrai. À ma droite, M. Mireault,
commissaire à l'Office de la construction du Québec, des
fonctionnaires de son groupe, M. Dallaire, directeur général de
la main-d'oeuvre au ministère du Travail, et des fonctionnaires de la
section de la main-d'oeuvre.
Le Président (M. Jolivet): Merci.
Réponse du ministre
M. Pierre-Marc Johnson
M. Johnson: M. le Président, tout d'abord, je dois
remercier le député de Beauce-Sud d'avoir accepté que nous
puissions mettre fin à cette commission à 11 heures, étant
donné que je dois être à Montréal pour midi et
quart, où j'ai effectivement un engagement devant le Conseil du
patronat, qui est prévu déjà depuis quatre mois.
Je ne suis pas sûr de quelle façon je vais aborder ce qui
me paraît être un peu pamphlétaire de la part du
député de Beauce-Sud, dont on connaît d'une part les
ressources. Je me rends compte que son document est passablement
é-tayé. On sent qu'il y a eu une recherche. Il y a, à mon
avis, des défauts d'interprétation assez graves, mais il y a
sûrement une volonté de recherche dans ce document.
Je voudrais simplement, d'abord, commencer par faire allusion aux
dernières remarques de son document au sujet des tutelles et de
l'éditorial de M. Leclerc dans le Devoir.
Je voudrais simplement rassurer, sans m'emporter, bien que ça me
tente de le faire, le député de Beauce-Sud, les membres de cette
commission et tous ceux qui peuvent être intéressés
à la question, que celui qui vous parle, pas plus que le gouvernement
auquel il appartient, ne doit absolument rien à qui que ce soit dans
ceux qu'on qualifie la mafia de la construction, et ils seront obligés
de prendre ma parole là-dessus.
Je pense que le gouvernement a démontré, ar la vigueur
qu'il a mise à entreprendre une nouvelle phase dans les tutelles,
particulièrement dans le cas du 144, qu'il entendait continuer à
investir le type d'énergie qu'il y a mis depuis un an et demi,
jusqu'à ce que la démocratie syndicale soit restaurée au
144 et que les événements de cassage de chaises et d'omelettes
qui se sont produits récemment dans une assemblée syndicale,
d'abord, étaient attendus et, deuxièmement, donneront lieu, sur
rapport d'enquête de la police, aux poursuites criminelles qui pourraient
avoir lieu si, effectivement, on a des rapports concluants et des
témoignages qui permettent de telles poursuites et, enfin, toutes les
poursuites nécessaires et possibles en vertu de la Loi des tutelles
elle-même.
Le gouvernement n'entend pas se laisser impressionner par un groupe de
quelques individus, lanceurs de chaises et d'oeufs. Il fera en sorte que les
plombiers du 144 reprennent, eux-mêmes, en main, éventuellement,
leur propre syndicat. Je considère que ce qui s'est passé
à Montréal, récemment, est un malheureux épisode,
ce qui n'aura pas empêché que l'assemblée de
Trois-Rivières se tienne et que les autres assemblées se
tiennent. La tutelle continuera, en dépit du type d'activité
qu'on a vu récemment. Je pense que les Québécois en ont
assez de l'intimidation. Le gouvernement prendra les moyens que lui donnent les
lois, et pas l'arbitraire, par exemple, dénoncé par le
député de Beauce-Sud et que je dénonce également.
Quand il y a de l'arbitraire, il faut s'arranger pour qu'il n'y en ait pas. Il
faut s'arranger pour y mettre fin. Ce qu'on peut reprocher à un certain
groupe au 144, dans lequel on a déjà commencé à
faire maison nette, entre autres, en mettant à pied certains agents
d'affaires, était à partir de la conviction que ces
gens-là exerçaient un pouvoir arbitraire, basé sur
l'intimidation. Ce qui s'est passé récemment à
Montréal démontre de quel bois ces gens se chauffent. Le
gouvernement prendra les moyens que lui accorde la loi pour essayer d'y mettre
fin.
Sur les autres aspects, maintenant, du règlement de placement.
Cela pourrait être bien long. On pourrait y passer plusieurs heures. Mais
simplement, de façon générale, je voudrais peut-être
resituer le règlement de placement dans une perspective plus globale
dans le secteur de l'industrie de la construction. L'industrie de la
construction est, c'est vrai, une industrie cyclique; je pense que personne va
mettre ça en doute. Les premiers à le savoir, ce sont les
travailleurs de la construction et les employeurs dans ce secteur-là,
qui sont plus de 20 000.
Le type d'inflation d'activité qu'on a connu, entre autres, dans
le cadre de la construction des Jeux olympiques à Montréal qui,
évidemment, embauchait une main-d'oeuvre considérable et a fait
travailler littéralement des centaines d'entreprises, a donné
lieu, par la suite, à une période plutôt
déflationniste de ce côté-là. Et le niveau
d'activité est moindre, il correspond d'ailleurs à une baisse de
l'activité de ce genre un peu partout ailleurs au Canada.
Cependant, je voudrais simplement rassurer le député de
Beauce-Sud que le gouvernement se fait peut-être des illusions, mais il
pense qu'il peut gouverner. On a été habitué au
Québec, pendant quelques années, à se dire qu'un
gouvernement ne pouvait pas nécessairement changer les choses. On se
berce peut-être d'illusions, mais on pense qu'un gouvernement peut
gouverner. Alors, on essaie de faire certaines choses. Parmi ces choses, on a
pris en considération tout récemment un rapport de l'OCQ qui
était en préparation depuis déjà quelque temps et
qui vise à mettre les bases de ce que pourrait être une politique
d'intervention gouvernementale dans le secteur de
la construction pour contrer les effets de la dimension cyclique de
cette industrie. Je m'explique.
Il existe, dans certains pays je ne vois pas pourquoi cela
n'existerait pas au Québec, sauf que cela prend un peu de temps à
mettre cela sur pied des banques de projets publics. À titre
d'exemple, 40% de l'activité de la construction au Québec, pour
l'année 1976 je n'ai pas les données de 1977
provenait d'investissements publics. Or, cela représente quasiment la
moitié de l'activité de la construction. C'est 40% des
investissements, dans le secteur de la construction, qui provenaient de sources
publiques. Or, la question qu'il faut se poser, dans le contexte d'une
industrie cyclique, est la suivante: Est-ce qu'il n'est pas possible, pour le
gouvernement, d'essayer de contrer les périodes de creux de cycle et
d'envoyer dans la nature certains projets? Cela présuppose
évidemment, une certaine planification interministérielle, une
coordination entre le ministère des Travaux publics, le ministère
des Affaires municipales responsable de la Société d'habitation
du Québec et le ministère des Transports. Finalement, c'est
l'ensemble des ministères et des organismes gouvernementaux qui, en
cours d'activité, prennent des décisions qui impliquent de la
construction. Cela, le gouvernement est prêt à le faire. En ce
moment, les suites du rapport de l'OCQ ont commencé à porter des
fruits au niveau d'un effort de coordination interministérielle. Je ne
veux pas fixer de date, mais j'espère que, normalement, d'ici un an ou
un an et demi, on devrait commencer à assister à un minimum
d'interventions significatives dans ce domaine. C'est cela qu'un gouvernement
provincial peut faire, entre autres, dans le domaine de la construction. Cela,
c'était pour une chose un peu plus générale.
Un autre commentaire un peu plus général, c'est la notion
que le député de Beauce-Sud évoque au sens de vrais par
rapport à faux ou méchants travailleurs de la construction. Qu'on
se comprenne bien. Ce n'est pas un jugement moral que de parler des vrais
travailleurs de la construction. Je me dis qu'un homme qui, dans une
période d'activité moyenne ou normale de la construction, ou
même inflationniste de la construction, en haute courbe cyclique, n'a pas
travaillé 500 heures dans un an à $10 l'heure, cela veut dire
qu'il n'a pas fait $5000 dans son année. On peut présumer qu'il
ne doit pas vivre de la construction. Par contre, celui qui a fait 1000 heures,
par exemple, on peut présumer que, probablement, c'est son gagne-pain.
Or, on sait qu'à l'OCQ il y au-delà de 200 000 inscriptions de
personnes qui sont passées dans la construction à titre de
travailleurs de la construction. On sait aussi, par les études qui sont
faites par l'OCQ et les spécialistes dans le domaine de la construction
au Québec, et j'inclus là-dedans les associations patronales,
sectorielles ou les associations générales comme l'AEQ,
qu'à activité moyenne ou normale dans le secteur de la
construction, il y a de la place pour à peu près 90 000 à
110 000 travailleurs. Or, qu'est-ce qu'il arrive si on en a 200 000 qui sont
inscrits à l'OCQ?
On a des situations un peu aberrantes où on a des gens qui sont
de passage dans la construction. Que ce soient des pompiers qui travaillent en
fin de semaine dans la construction, que ce soient des employés du
secteur hospitalier qui, de temps en temps, vont travailler comme journaliers,
que ce soient des gens qui font autre chose ou que ce soient des professeurs
qui s'en vont travailler dans la construction, quand ces gens arrivent dans la
construction, ils se font un revenu d'appoint. Tant mieux. Si on avait un plein
emploi au Québec, si on avait 0,3% de chômeurs, je dirais qu'on
est une société qui a les moyens de se permettre que, dans une
industrie aussi stratégique que celle de la construction, il y ait des
gens qui viennent se faire un revenu d'appoint, mais ce n'est pas le cas.
Or, ces gens qui viennent se chercher un revenu d'appoint dans la
construction menacent la sécurité de ceux qui sont les
véritables travailleurs de la construction. Quand les hommes je
dis "les hommes" parce qu'il y a relativement peu de femmes dans ce domaine; il
y en a quelques-unes de la construction sont menacés dans leur
sécurité d'emploi par le passage de personnes qui viennent y
chercher un revenu d'appoint, on assiste à ce à quoi on a
assisté depuis 15 ans au Québec dans la construction et ce
à quoi on va continuer d'assister finalement, mais qu'on peut
réduire. L'insécurité suscite le mot anglais, c'est
de l'"unrest" de l'instabilité et une forme
d'anxiété chez ces hommes. Quand cela arrive, cela fait des
problèmes de relations de travail. Cela fait le genre
d'affrontementqu'on a vu dans le passé. Je ne prétends pas que
cela va tout régler les problèmes, le règlement de
placement. Je me dis que, si on permet aux hommes, qui gagnent leur vie
à partir de la construction, d'avoir une forme de sécurité
d'emploi qui n'est pas totale, qui n'est pas complète, qui c'est
vrai se fait partiellement au détriment d'autres qui n'en font
pas leur vie, je me dis qu'on pourrait peut-être avoir une certaine
stabilité du climat de la construction. En tout cas, c'est un
élément essentiel à cette stabilité de climat. (10
heures)
C'est dans cette perspective qu'on a établi le règlement
de placement. C'est dans ce sens qu'on parle de vrais travailleurs de la
construction, c'esf à-dire les hommes qui vraiment comptent sur ce
travail pour gagner leur vie et qui n'ont pas de revenus d'appoint ailleurs,
sauf leur chèque d'assurance-chômage ou le bien-être, en
période de chômage.
Sur certaines choses spécifiques, maintenant, quant aux
régions. Le député de Beauce-Sud me dit: La région
de Québec, par exemple, les régions qu'on retrouve dans le
règlement de la construction, ce sont les régions du
ministère de l'Industrie et du Commerce, à deux exceptions
près. Dans le cas du comté de Labelle, on a raccroché une
série de localités à la région de Hull pour des
raisons évidentes de communication plutôt que les rattacher
à Montréal. Dans le cas des Îles-de-la-Madeleine,
évidemment, on en a fait une zone particulière.
Ces régions du ministère de l'Industrie et du Commerce,
c'est vrai dans une localité donnée. Le député de
Beauce-Sud a raison. Techniquement, si vous avez vidé le bassin des A,
de ceux qui ont un certificat A dans une localité, à
l'intérieur de la région de Québec, les B passent
derrière les A qui appartiennent à la même région
mais qui sont d'autres localités. Cependant, le tempérament que
l'OCQ y apporte, c'est le suivant: Dans sa référence les
employeurs, à un moment donné, vont demander des listes des gens
accessibles l'OCQ va fournir des listes de référence
à partir de sous-régions. Il y a 30 sous-régions au
Québec. Finalement, c'est déjà améliorer le
bassin.
Je vais dire au député de Beauce-Sud que cette notion, par
exemple, d'une région plus large peut servir autant qu'elle va
desservir. C'est un donnant-donnant à partir du moment où on
décide de réglementer dans le domaine, en ce sens que le
travailleur qui a un certificat A dans une localité de Beauce-Sud peut
très bien aller travailler ailleurs. Il va passer avant un B de la ville
de Québec dans les gros projets de construction de la ville de
Québec. S'il n'y a pas d'activités de construction dans
Beauce-Sud, on sait qu'il y en a un peu plus dans la ville de Québec. Il
a peut-être des chances d'aller à Québec, tandis que, si on
lui faisait vraiment une sous-région à lui tout seul, il pourrait
peut-être se ramasser, à cause d'une absence d'activité
économique et d'une absence d'activité de construction, avec du
monde qui ne travaille pas du tout et qui ne peut pas non plus aller dans le
reste de la région. Finalement, cela joue dans les deux sens. Je pense
qu'il faut l'accepter comme étant un moindre mal.
Sur d'autres choses concernant le certificat de classification et de
qualification, on me dit: Comment va-t-on distinguer un véritable
travailleur d'un faux ou d'un méchant? Cela n'a rien à voir avec
les faux et les méchants. Cela a à voir avec ceux qui n'ont pas
d'affaire à être là, d'une certaine façon. D'abord,
il y a la classification. L'ensemble des heures faites dans l'ensemble des
activités de construction au Québec, y compris sur les fermes,
est compté dans les heures de qualification. Dans les heures de
classification, cependant, on a recours aux heures faites dans le cadre des
travaux assujettis au décret de la construction. C'est vrai que cela
exclut les fermes définies comme étant des exploitations
agricoles avec moins de trois salariés. Or, ces certificats vont
prévoir que, pour avoir un certificat A, il faut que dans les douze
derniers mois, à partir de la période de référence,
il y ait eu 1000 heures qui aient été faites par un
salarié pour avoir un certificat A, ou 1500 heures faites dans les 24
derniers mois. 1000 heures, dans une année, à $10 l'heure
en prenant à peu près les meilleurs métiers cela
fait $10 000 par année. On peut présumer que c'est un gars qui
vit de cela. 1500 heures en deux ans, cela fait environ $7000 par année.
On peut présumer, cependant, qu'à cause de la dimension cyclique
de la construction c'est pour cela qu'on a introduit la notion d'une
période de référence de 24 mois. C'est pour aller chercher
ceux qui, finalement, pour que la période de référence de
cette année aille jusqu'en 1976 en récupèrent le maximum.
On s'arrange pour attraper ceux qui, de fait, ont été des
travailleurs de la construction sur une période de deux ans. Le
certificat B, c'est entre 500 et 1000 heures, dans la dernière
année de référence.
Maintenant, les certificats spéciaux. C'est vrai qu'il y a une
dimension comme on l'appelle arbitraire. L'objet de cette
disposition, c'est de permettre par exemple, à celui qui aurait
souffert d'incapacité à la suite d'un accident de travail, qui
revient sur le marché du travail après un an ou un an et demi, et
qui a peut-être passé quinze ans de sa vie dans le métier
d'obtenir un certificat de classification spécial. Il y a des cas
d'espèce. Il y a des règles qui vont être faites. Il y a
une révision de cette procédure.
Je vais déposer devant l'Assemblée nationale, avant
mercredi prochain, un projet de loi amendant la Loi des relations de
l'industrie de la construction, ce qu'on appelle la loi 82 pour des
procédures d'appel dans le cas de la classification pour permettre
justement de faire en sorte qu'il y ait un minimum de règles auxquelles
se réfèrent ceux qui décideront des certificats
spéciaux. Je pense qu'on pourra donner une chance aux gens. Quant
à la notion de bureaucratie, j'en conviens, un règlement de
placement, à partir du moment où on parle d'une industrie
où il y a plusieurs milliards d'activité économique qui
sont produits, où il y a près de 20 000 entreprises de toutes
dimensions et où il y a à peu près 110 000 travailleurs
qualifiables au sens de la classification, ou classifiables plutôt que
qualifiables, c'est clair, on parle, c'est vrai, de s'équiper en termes
d'informatique et en termes de communication, en termes de personnel, mais je
ferai remarquer au député de Beauce-Sud que dans le cas des
journaliers que l'on n'assujettissait pas à ces règlements de
permis de travail, c'est qu'on n'avait pas les données.
Mais là, on les a sur le plan de l'informatique. L'informatique
permet de retracer les heures travaillées de l'ensemble des
salariés de la construction au Québec. Cela devient une
opération informatique et, à ce niveau, il y a des progrès
considérables qui ont été accomplis à l'OCQ depuis
plusieurs mois. Il y a vraiment un système d'informatique qui est
capable de fournir les données y compris celles qui risquent de ne pas
plaire à certaines personnes et qui ont fait l'objet de certains
articles dans les journaux récemment. Mais il y en a de l'informatique.
Il y a des données disponibles pour identifier les personnes. Encore une
fois, et à part cela, ces données sont disponibles sur une base
régionale et sous-régionale. Donc, on a une connaissance de cette
main-d'oeuvre dans le secteur.
Je pense que c'est encore une fois une garantie d'assurer une certaine
justice. C'est quoi l'alternative que nous proposerait peut-être le
député de Beauce-Sud? C'est le laisser-faire total.
Écoutez, la société, comme j'ai déjà eu
l'occasion de le dire, c'est un immense malentendu qui est
d'ailleurs particulièrement entretenu par les hommes politiques
et les avocats. Mais que voulez-vous? Il y en a un malentendu dans la
société et la société se donne des lois. Elle se
donne des règlements. On a un Parlement. On a des bureaucraties. On a
des droits. On n'a pas seulement des droits individuels, on a aussi des droits
collectifs. La conception de John Adam Smith et de John Locke avec le
siècle des philosophes éclairés du droit individuel, je
pense qu'il faut arriver en ville. Ce n'est pas moi qui le dis, d'ailleurs,
c'est John Cabot-Lodge, ancien ministre du Travail et des Affaires
internationales dans le cabinet Kennedy qu'on ne peut quand même pas
qualifier d'être un néo-marxiste qui, dans un article du Harvard
Business Review récemment, disait: Dans le fond, l'époque
où la société est basée sur la concurrence
parfaite, le droit de propriété sacro-saint et les droits
individuels inatteignables, c'est fini.
C'est fini et la société américaine qui a
été le bastion de l'individualisme elle-même est
changée. ITT va devant une commission sénatoriale
américaine et a dit: Vous savez, agacez-nous pas avec la Loi antitrust
parce que nous autres, on est obligé de se battre au nom de
l'Amérique contre les Japonais. Ils ne parlent plus de droit
individuel.
M. Roy: Est-ce que le ministre me permet une question?
M. Johnson: Oui.
M. Roy: Est-ce que le ministre est au courant des
problèmes qu'il y a dans le monde? Ce ne sont pas des problèmes
individuels, mais ce sont des guerres de systèmes. Parce que chacun veut
imposer le sien. C'est beau tous ces philosophes...
M. Johnson: Cela peut être aussi des systèmes de
valeurs individuelles.
M. Roy: ... mais ce que vient de dire le ministre, à un
moment donné, je ne lui conseillerais pas d'aller citer cela à
des travailleurs de la construction qui auraient du travail chez eux et dont
les règlements ne leur permettront pas de travailler.
M. Johnson: Oui, mais on pourrait peut-être, par exemple,
le citer au député de Beauce.
M. Roy: II faut revenir les deux pieds sur terre. Si on veut
faire un'débat philosophique ce matin, on peut en faire un. Je vais
aller chercher d'autres secteurs.
M. Johnson: Le député de Beauce-Sud dont je connais
les antécédents très philosophiques du Crédit
social et qui a bâti sa carrière politique sur une
philosophie...
M. Roy: Est-ce que vous avez des objections à cela?
M. Johnson:... pourrait peut-être être sensible
à cela.
M. Roy: Est-ce que vous avez des comptes à me rendre sur
la façon dont vous avez bâti la vôtre?
M. Johnson: Absolument pas.
M. Roy: Alors, je n'ai pas abordé cette question et je ne
veux pas que, ce matin...
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre!
M. Roy: ... on tourne cela en démagogie et er combat
personnel.
M. Johnson: C'est cela.
M. Roy: Parce que si on veut toucher à cela, on va toucher
à toutes sortes de choses.
M. Johnson: C'est cela, je ne voudrais pas qu'on... C'est
justement parce que je ne veux pas qu'on tourne cela en démagogie que je
dis au député de Beauce-Sud que l'alternative qu'il propose,
c'est vrai, va impliquer une bureaucratie, va impliquer des dépenses
d'à peu près $2 millions à l'OCQ pour mettre sur pied
l'informatique, les communications etc. C'est à peu près $2
millions que cela va coûter. L'alternative à cela, c'est le
laisser-faire total. Puis le laisser-faire total, je pense que cela n'existe
plus en 1978, qu'on y fasse face un peu. On dépense $12 milliards au
gouvernement du Québec. Il faudrait peut-être se rendre compte que
c'est fini l'individualisme total et que le bien collectif n'est pas l'addition
des biens individuels, toujours. Des fois, cela peut l'être, mais ce
n'est pas toujours cela. Je pense que la construction en est un exemple.
Effectivement, dans le cas du travailleur de Beauce-Sud qui pense qu'il
pourrait avoir un travail, bien, je pourrais aussi lui dire que le travailleur
de Beauce-Sud...
M. Roy: Le travailleur de Beauce-Sud? Je n'ai pas posé
cette question devant la commission parlementaire, ce matin, pour régler
le problème de Beauce-Sud. Je tiens bien à dire cela au ministre.
J'ai parlé de l'ensemble du territoire québécois.
M. Johnson: D'accord, voilà. Moi aussi...
M. Roy: Je n'ai pas donné une dimension locale.
M. Johnson: Bien oui, d'accord, sauf que ce qu'on reproche au
règlement du placement c'est évidemment d'être une solution
qui s'applique à l'ensemble des travailleurs de la construction du
Québec. J'ai dit que c'est vrai, qu'on est bien conscient que cela peut
poser des problèmes, mais on pense que cela peut en régler
d'autres. C'est une affaire de donnant-donnant, puis il n'y a
personne qui prétend que c'est parfait. S'il y a des ajustements
de tir à faire en cours de route, on est ouvert à cela. Ce ne
sera pas pour le 1er juillet, par exemple. On va l'essayer comme il est
là, le règlement de placement. Il n'est pas question de le
changer avant le 1er juillet. Qu'on se comprenne bien là-dessus. On va
l'essayer comme il est là.
Je n'ai pas repris chacun des éléments, je pourrais le
faire. Le député de Joliette-Montcalm aussi, qui est un ancien
membre de la commission Cliche, on se le rappelle, qui a eu un rôle actif
à l'intérieur du gouvernement quant à ce règlement
de placement, qui a apporté ses lumières, son expérience
et sa connaissance de l'industrie, à cause de son rôle à la
commission Cliche, dans l'élaboration du règlement de placement,
j'en suis sûr, pourrait répondre à certains détails
particuliers, comme je pourrais le faire. En cours de route, j'aimerais lui
laisser la parole.
Je voudrais simplement terminer en disant au député de
Beauce-Sud que je comprends ses préoccupations. Il pourra me citer
probablement plusieurs dizaines d'exemples de travailleurs pour qui c'est
peut-être une injustice, en cours de route, que l'application de certains
articles du règlement: 3.04, 3.07, 12.02 et les autres, mais je pourrais
peut-être lui dire aussi que sans le règlement de placement je
pourrais sûrement lui donner un char et une barge de travailleurs pour
qui le système qui existait antérieurement était injuste,
parce que, entre autres, dans certains cas, il n'y avait pas un contrôle
adéquat sur certains bureaux de placement syndicaux qui, par ailleurs,
font très bien leur travail dans bien des cas. Ce n'est pas tout le
monde qui est pris avec le genre de personnes avec qui ont été
pris les travailleurs du 144. Il y a des syndicats qui font très bien
leur boulot dans les bureaux de placement. Il y a des entreprises, d'ailleurs,
qui préfèrent traiter avec ces syndicats, parce qu'ils ont une
bonne connaissance de la compétence des hommes, de leur
disponibilité, de leur capacité et de détails aussi
simples que celui de savoir si un gaucher peut travailler dans un tunnel haut
de 5 pieds 9 pouces. Parfois, l'employeur n'a pas ces données, l'OCQ non
plus, dans certains cas. Peut-être que le syndicat peut les donner. Je
pense qu'il faut essayer de valoriser cela dans la mesure où cela peut
être utile. Dans la mesure où le syndicat respecte un certain code
d'éthique, je pense qu'il faut permettre aussi au syndicat de donner un
sens à ce qu'est la connaissance des hommes du syndicat et un service
à ces hommes.
Si on balise comme il faut pour qu'il n'y ait pas d'abus ni d'arbitraire
ni de gens qui se font prendre sur le bras, je pense qu'on aura réussi
à retirer le maximum de ce qui est souhaitable de retirer de la part des
bureaux de placement syndicaux dans ce cadre.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Est-ce que le député de Joliette
avait...
M. Chevrette: J'ai demandé la parole après que les
Oppositions auront parlé.
Autres opinants M. Michel Pagé
M. Pagé: M. le Président, je vais tenter
d'être bref, mais je vais adresser une couple de questions au
ministre.
Le Président (M. Jolivet): Oui.
M. Pagé: Je suis conscient que le débat qui est sur
la table ce matin, appelé par le député de Beauce-Sud, met
en relief un problème qui n'est pas facile à régler, un
problème épineux et qui s'inscrit dans le cadre des interventions
de l'État, que ce soit par le gouvernement du Parti
québécois, le précédent gouvernement ou, somme
toute, les gouvernements qui ont eu à agir au chapitre de la
construction depuis une quinzaine d'années. Le ministre, dans sa
spontanéité habituelle, nous a dit tout à l'heure: On a
encore l'illusion de gouverner. On l'a, tout au moins, et on croit qu'avec un
règlement comme celui-là on sera en mesure de régler le
problème. Ce problème n'est pas facile à régler.
Somme toute, vous faites face, actuellement, à une situation qui a
prévalu sous d'autres gouvernements. Vous avez 200 000 personnes qui
veulent travailler dans la construction et, actuellement, vous avez de la place
pour à peu près 100 000. Le problème est là. (10 h
15)
Par des mécanismes réglementaires, des mécanismes
d'admissibilité au travail là, je ne yeux pas entrer dans
les principes du droit au travail, etc. vous êtes obligé de
réglementer et d'adopter des mesures. C'est vrai qu'il y a deux
côtés à une médaille et ce qu'évoque le
député de Beauce-Sud aujourd'hui reflète la complication
et la préoccupation que votre règlement et vos différentes
mesures réglementaires au chapitre de la construction engendrent dans
des régions qui ne sont pas nécessairement des régions
privilégiées pour la construction au Québec.
Ma perception est peut-être fausse, mais, pour moi, il y a deux
mondes dans la construction. Il y a ce qu'on appelle ou ce qu'on pourrait
qualifier la construction de gros projets comme la Baie James, comme les
investissements sur la Côte-Nord, comme les projets de construction
d'édifices ici, avec le complexe G, etc. On pourrait donner des milliers
d'exemples. Il y a aussi la construction dans des régions qui ne sont
pas nécessairement favorisées par ce type de construction, mais
où il y a de la construction domiciliaire et résidentielle. Le
règlement vient compartimenter, vient réglementer, mais il vient
aussi donner des droits à des travailleurs.
Le ministre évoquait tout à l'heure le fait que le
travailleur qui sera classifié A, de Donnacona ou de Montmagny-L'Islet,
pourra venir travailler à Québec. C'est vrai que si on le prend
dans ce sens, c'est un avantage, mais il faut aussi consta-
ter que cela engendrera des problèmes qui seront, d'une part,
insurmontables, peut-être, mais qui, d'autre part, entraîneront par
le fait même une perte de la crédibilité de vos mesures et
de vos réglementations. Je vais vous donner des exemples bien
spécifiques qu'a évoqués le député de
Beauce-Sud tantôt. Avec ce règlement, ce que j'entrevois, c'est
l'entrepreneur qui, dans une région comme la mienne, dans un
comté comme Montmagny, dans un comté comme Charlevoix, ou peu
importe dans quel comté du Québec, aura besoin de travailleurs
dans sa région, dans sa ville, dans son patelin à lui. S'il y en
avait un de disponible et que le gars soit classifié B, il se ferait
répondre: Monsieur, il y a des travailleurs classifiés A dans la
région qui sont disponibles. Mais ces gars-là sont à
Québec, M. le ministre.
Vous êtes en train de faire la même erreur que nous avons
faite, je crois, celle de ne pas être en mesure de saisir la dimension du
problème. Ces gars-là sont à Québec et ils ne sont
pas nécessairement intéressés à venir travailler
sur "une job" qui va durer une semaine à Sainte-Marie-de-Beauce,
à Beauceville, à Cabano ou à Donnacona. Le problème
est là et il entraîne des irrégularités, des
entraves au règlement. Dieu sait si les inspecteurs ont l'inspection
facile et cela entraîne des inspections. Quand le député de
Beauce-Sud évoquait tout à l'heure que les causes pendantes
devant les tribunaux relèvent en majorité de plaintes
portées en vertu des règlements et des différentes mesures
législatives qui régissent la construction, le
député de Beauce-Sud a parlé du droit commun, remarquez
qu'il y a peut-être eu une erreur d'interprétation, mais je suis
convaincu qu'en termes de plaintes portées en vertu du droit statutaire,
la majorité des plaintes viennent de chez vous et cela engendre des
problèmes partout.
La solution à cela, je ne l'ai pas. Je pense que personne ne peut
arriver aujourd'hui et dire: La solution, c'est cela. M. le Président,
je me permets de poser une question au ministre et peut-être à M.
Mireault. Ne croyez-vous pas que plutôt que d'adopter des mesures
réglementaires, qui régissent l'ensemble de la construction,
l'ensemble des activités, vous pourriez y aller de façon
sectorielle en distinguant, dans un premier temps, ce qu'on pourrait qualifier
de grosse construction, d'un côté, et de la construction
résidentielle de l'autre côté? Vous auriez
déjà, selon moi, un paquet de problèmes de
réglés en donnant une certaine latitude.
Je me permets 30 secondes entre parenthèses. Quand j'ai
été élu député, un des premiers dossiers
avec lequel j'ai été confronté a été celui
d'un type d'environ 60 ans qui voulait se construire une maison, une petite
maison, car il venait de vendre sa ferme. On était en septembre et il
devait livrer sa ferme et pour le 1er novembre. Le 15 octobre, il n'avait pas
trouvé personne encore. On lui disait: Monsieur, il y a de la
disponibilité de main-d'oeuvre, mais cette main-d'oeuvre est à
Québec. Lui-même voulait construire, il voulait s'engager des
menuisiers et on a le droit, encore aujourd'hui, de le faire. Il a
été pris pour engager des gens disponibles, qui s'y
connaissaient, mais qui, malheureusement, n'avaient pas leur carte parce qu'ils
n'avaient pas passé leurs examens. C'est un autre chapitre sur lequel on
pourra revenir, il y aurait beaucoup à dire là-dessus. Ces gens
ont été poursuivis devant les tribunaux et cela a
coûté $300 ou $400 d'amende à chacun, cela a
coûté des procédures judiciaires, les frais d'avocat, etc.
C'étaient des gens qui voulaient travailler, des gens qui devaient avoir
un toit sur la tête avant le 1er novembre. J'avoue bien humblement que
ces mesures réglementaires ont été adoptées par le
gouvernement dont j'étais membre en tant que formation politique. Vous
vous posez des questions face à tout cela.
Je n'ai pas la prétention de croire que la solution est facile,
mais la première question que je veux poser est la suivante: Ne
croyez-vous pas qu'en agissant, non pas sur une base régionale, mais de
façon sectorielle en termes de type de construction, cela pourrait
contribuer tout au moins à alléger le fardeau des
problèmes qu'on aura à vivre avec un tel règlement?
M. Mireault (Réal): J'ai deux réflexes rapides.
D'abord, il est reconnu à peu près par tout le monde qu'il y a
une mobilité d'un secteur à l'autre dans l'industrie de la
construction; il n'y a donc pas nécessairement c'est
particulièrement vrai chez ceux qu'on appelle non qualifiés
de gens qui travaillent strictement dans le domaine industriel,
commercial ou résidentiel. À essayer de réglementer par
secteur industriel, je me demande si on n'ajouterait pas à ce
moment-là des contraintes supplémentaires, si on peut passer de
l'un à l'autre ou si celui qui est déjà dans tel domaine
aurait une préférence par rapport à l'autre.
Je peux vous dire qu'on y a réfléchi. Au niveau de la
consultation avec les parties, c'est un sujet qui a aussi été
abordé. Du consensus de presque tous les gens, on a pensé que le
meilleur système était celui qui s'appliquait aux travailleurs de
la construction de façon générale.
M. Pagé: Dans l'ancien règlement, combien
aviez-vous de travailleurs qu'on qualifiait de travailleurs artisans? Vous en
aviez à peu près...
M. Mireault: 3500 travailleurs enregistrés à
l'office.
M. Pagé: Êtes-vous d'accord avec moi pour dire que
les artisans travaillaient surtout dans les secteurs résidentiel ou
domiciliaire?
M. Mireault: Je serais porté à croire que oui.
M. Pagé: Oui.
M. Johnson: À l'oeil, probablement.
M. Pagé: Je vous invite à songer à cette
possibilité. Je suis d'accord pour dire que cela
entraînera parce que quand on commence à
réglementer, on sait d'où l'on part, mais on ne sait pas
où arrêter évidemment des mécanismes, des
ajustements réglementaires. Mais j'invite le ministre et ses
collaborateurs à songer à cette possibilité.
Vous savez que les plus grandes critiques bien souvent,
abstraction faite des milieux de Québec, des pôles urbains de
Québec et de Montréal au niveau local viennent de ce
secteur. Je pense que le député de Beauce-Sud abondera dans le
même sens que moi. Le problème est là et c'est là
que le droit des gens au travail et les libertés des gens sont
peut-être le plus remis en cause.
Quand le bonhomme, à 75 milles d'un milieu urbain, se fait dire:
Toi, tu as une carte B, c'est bien dommage, tu ne peux pas travailler ce matin,
parce qu'il y a un gars à 75 milles d'ici qui a une carte A et il ne
veut pas venir travailler. C'est cela le problème.
M. Johnson: Je ne nie pas la difficulté que le
député de Portneuf soulève et que M. Roy a soulevée
tout à l'heure. Dans le cas des artisans, cependant, il faut bien
préciser cela a fait l'objet de discussions...
M. Pagé: Je vais vous dire, M. le ministre pour
permettre d'ajouter ceci à mon commentaire qu'avec la Loi sur la
régie des entrepreneurs en construction, le problème est de
beaucoup facilité maintenant.
M. Johnson: Voilà. Sauf qu'il y a un grand paradoxe. Dans
une étude qui m'a été fournie par la Régie des
entreprises de construction il y a quelques mois, à partir de
l'expérience en Californie, on a constaté que le nombre
d'entreprises en construction qui sont enregistrées en Californie
auprès des institutions analogues à notre régie augmente
avec une diminution de l'activité économique dans la
construction. Cela s'explique: il y a un tas de salariés qui
décident de devenir des entrepreneurs. Donc, l'augmentation du nombre
d'entrepreneurs enregistrés ne correspond pas nécessairement
à une activité croissante, mais souvent correspond à une
activité décroissante. Cela pose le problème de ce qu'on
appelle les "scalpers" dans le domaine où, à titre
d'entrepreneurs, ils font des contrats à forfait qui, de fait, font que
ces salariés, sur une base individuelle, devenant entrepreneurs,
acceptent un taux qui, au bout de la ligne, est inférieur au taux du
salarié de la construction. S'ils travaillent à forfait à
titre d'entrepreneurs, de fait, ils mettent dans leur poche au moins, disons,
$8.15 l'heure, parce qu'ils font partie de telle catégorie de
métier.
Évidemment, la réaction des salariés de la
construction, qui sont dans des entreprises de construction relativement bien
établies il y en a qui sont de toute petite dimension, mais qui
sont bien établies est la suivante: Ces gens-là
m'arrachent le pain de la bouche à cause du décret. L'Ontario, il
y a effectivement une régle- mentation dans le secteur industriel; dans
le secteur domiciliaire, ils ne sont pas syndicables. Mais je vous jure que
cela ne produit pas un climat très, très "jojo". Quand arrivent
les questions de négociation dans le secteur industriel et le transfert
des gens du secteur domiciliaire au secteur industriel, cela cause d'autres
types de problèmes. Je pense que, d'une certaine façon, le
député de Portneuf apporte un éclairage que je trouve
intéressant quand il nous dit de ne pas nous faire d'illusions, que
c'est à peu près insoluble le problème du contingentement
ou de la régularité.
M. Pagé: Tant et aussi longtemps que vous en aurez 200 000
et qu'il en faudra seulement 100 000, le problème va être
là.
M. Johnson: C'est cela. Et le règlement de placement, en
ce moment, est un premier effort de ce côté-là, où
on pense que le premier effet sera d'épurer le domaine d'une
série de personnes qui, depuis deux ans puisque la période
de référence peut-être de 24 mois nous
démontrent, avec le nombre d'heures qu'ils ont travaillé, que
c'est clair que ce n'est pas leur gagne-pain et qu'ils ont donc leur gagne-pain
ailleurs. On va me dire que dans certains cas leur gagne-pain était
l'assurance-chômage et le bien-être. Je suis bien d'accord. Mais,
dans un tas de cas, c'est du monde qui vient de l'extérieur de
l'industrie, qui gagne des salaires ailleurs, qui vient y rechercher un revenu
d'appoint et qui menace la sécurité d'emploi de ceux qui y sont
vraiment. Je pense qu'un des premiers effets du règlement de placement
sera cela. C'est clair que les inconvénients qu'on en retire sont ceux
qui ont été soulignés jusqu'à maintenant. Je ne les
admets pas tous parce que je pense qu'il y a aussi des avantages, et ce n'est
pas le rôle du député de Beauce-Sud d'insister sur les
avantages mais plutôt ses inconvénients. Mais je pense que de
façon générale...
M. Roy: Je voudrais que vous me citiez les avantages.
M. Johnson: J'en ai cité un tout à l'heure.
M.Roy: Oui, vous en avez cité un.
M. Johnson: L'exemple c'est que la création d'une
région joue dans les deux sens. Cela peut être un avantage
pour...
M. Roy: Ce n'est pas un avantage, c'est une
réalité!
M. Johnson: Oui, oui, c'est cela, c'est une
réalité.
M. Roy: C'est une réalité, ce n'est pas un
avantage!
M. Johnson: Oui, mais s'il n'y avait pas de règlement de
placement...
M. Roy: Cela se faisait déjà.
M. Johnson: Non, pas nécessairement. Justement pas.
M. Roy: Oui, cela se faisait déjà.
M. Johnson: Oui, cela se faisait, et par les bureaux de placement
syndicaux que le député de Beauce-Sud dénonce!
M. Roy: Avant même qu'il y ait des bureaux de placement
syndicaux cela se faisait aussi.
M. Johnson: Les bureaux de placement syndicaux existent depuis le
XIXe siècle.
M. Roy: Le monde n'a pas commencé à tourner...
M. Johnson: Je m'excuse! Les bureaux de placement syndicaux au
Québec... Si vous me parlez du local des plombiers, pour parler de
celui-là parce qu'on en a entendu parler, cela existe depuis 1892. Ce
n'est pas d'hier que les bureaux de placement syndicaux existent!
M. Roy: À Montréal. Mais, quand vous arrivez dans
d'autres villes, cela n'existait pas.
M. Johnson: Je ferai remarquer au député de
Beauce-Sud qu'il n'y a pas trois bureaux de placement syndicaux au
Québec, il y en a 59 enregistrés au moment où on se parle.
Quand on dit qu'il y en a trois, c'est parce qu'on pense à la CSN,
à la FTQ et à la CSD. D'abord il y a quatre centrales,
techniquement, il y a également le Syndicat de la construction de la
Côte-Nord, mais qui est marginal, qui a eu très peu de votes et
qui a très peu de membres. Ce ne sont pas les centrales qui ont les
bureaux de placement. De fait, il y a 40 bureaux de placement qui sont
affiliés à la FTQ, mais là-dedans on retrouve probablement
les 23 métiers de qualification de la construction qui sont des
métiers affiliés à la FTQ. Dans d'autres cas il y en a 17
à la CSN, il y en a un de la CSD et il y en a un du syndicat de la
Côte-Nord. Je pense que les bureaux de placement syndicaux peuvent jouer
un rôle très concret à ce niveau-là. Ils peuvent
même par une forme de contingentement accepté par les travailleurs
dans certaines régions, dire: Si tu es dans la ville de Québec et
qu'on t'offre "une job" dans Beauce-Sud, écoute, ne t'en fais pas. On va
essayer de te trouver "une job" et on va te référer à
Québec, et on te demande de ne pas accepter "une job" dans la Beauce-Sud
parce qu'il y a des B. Et nous, comme bureau de placement syndical, on ne
référera pas. On va demander à nos A de ne pas aller
travailler dans la Beauce-Sud. Il faut se fier à un moment donné
à certains mécanismes que les travailleurs se donnent quant
à leur vie là-dedans. Là où c'est inacceptable,
c'est quand cela se fait par la contrainte, le "bras", le "skylocking" et tout
le reste. Mais on pense que cela s'épure. Ce n'est pas vrai pour tout,
ce n'est pas vrai pour l'ensemble, ce n'est pas la règle.
M. Roy: Quand vous parlez du "skylocking" et des "bras",
j'aimerais bien que vous spécifiez bien clairement que ce sont des
choses qu'on ne retrouve pas tellement ailleurs que dans les grands centres,
dans les centres où il y a de la grosse construction. Vous ne voyez pas
cela, sauf en de très rares exceptions; je pourrais dire qu'il y a une
absence totale de ce genre de choses dans la construction domiciliaire dans des
centres de moins de 3000 âmes dans la province.
M. Chevrette: Me permettez-vous de répondre, M. le
Président?
Je voudrais dire que ce qu'on appelle la gaffe dans l'industrie de la
construction, vous la retrouvez dans la grosse industrie, ce qu'on appelle la
construction industrielle, mais c'est quel que soit le site. Cela peut
être sur la Côte-Nord, cela peut être à
Trois-Rivières comme cela peut être dans la Beauce-Sud, s'il y a
un édifice d'importance.
M. Roy: Cela peut être n'importe où ailleurs, mais
dans la grosse construction.
M. Chevrette: Mais dans la grosse construction.
M. Roy: Dans la grosse construction, d'accord. (10 h 30)
M. Chevrette: Pourquoi? Parce qu'il y a facilement collusion
d'abord entre certains contremaîtres et certains leaders pour que
certains types de travailleurs se ramassent dans ces chantiers. On n'a
qu'à penser à Saint-Félicien au projet Do-nohue et on se
rend compte qu'il y a des indésirables de la construction qui ont
paradé devant l'enquête Cliche. Ils occupent des postes
d'importance à Saint-Félicien. Ces gars ne sont pas là par
enchantement. Ils ne sont pas là par le fruit de la
spontanéité. Ils sont là parce que des contremaîtres
ou des surintendants ont accepté, d'un commun accord, que ces gars
soient là et qu'ils occupent des postes de commande. Cela est
arrivé au stade olympique, après avoir fait destituer des gars du
local 791, on les retrouvait comme agents de sécurité sur le site
olympique avec des salaires de $600 à $700 par semaine, sinon plus. Il
est vrai d'admettre que, dans la construction industrielle, il se glisse
beaucoup plus de "racketeers" comme on dit, mais ce n'est pas dit que, dans les
grosses entreprises qui construisent des plans complets de domiciles pour
vente, la même chose ne se produit pas.
Le Président: M. le député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, question de
règlement. Bien souvent, c'est au nom de la paix syndicale.
M. Chevrette: Oui...
M. Johnson: Vous savez que c'est un mécanisme et on voit
cela, en ce moment, dans un autre domaine.
M. Pagé: Des rapports de force.
M. Johnson: On le voit avec la guilde des musiciens qui fait le
tour des producteurs québécois et qui leur dit: On va vous
demander un dépôt de tant sans cela vous n'en n'aurez pas de gars
qui vont venir chanter à la Place des Arts ou ailleurs. C'est vrai.
Qu'est-ce que vous voulez? C'est dans notre système depuis des
années. D'année en année, on a donné un petit
morceau de steak à ces gens, on disait "oui, oui, j'achète la
paix" et à un moment donné les gars disent "nous voulons le boeuf
au complet". Si on les a nourris au steak pendant 15 ans, il ne faut pas se
surprendre qu'ils demandent le boeuf.
M. Pagé: Dans ce cas, c'est possible.
M. Johnson: À un moment donné, il faut
arrêter de donner du steak.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Ils ne sont pas sur le bras, mais ils sont sur
l'archet.
M. le Président, j'aurais une dernière question à
poser au ministre. On a commencé à évoquer tout à
l'heure l'Opposition entre les droits individuels et les droits collectifs. On
pourrait aller très loin à cet égard. Le ministre plaide,
ce matin, au nom des droits de la collectivité. Cela engendre des
situations qui sont souvent malheureuses prises individuellement. Est-ce que
cela veut dire que votre règlement et votre position annoncée
dans votre déclaration de ce matin, par l'approbation dudit
règlement, que tous les étudiants qui actuellement suivent des
cours dans nos polyvalentes pour s'acheminer dans le secteur de la
construction, que cela est fini? Vous savez que les étudiants qui ont
choisi de s'en aller dans un métier de menuisier ou autres, en tout cas
qui était relatif au secteur de la construction... On les invite. Le
ministère de l'Éducation, par ses politiques et ses programmes
Dieu sait! vous savez que le budget du ministère de
l'Éducation est assez élevé et ce sont des sommes
importantes qui sont affectées dans ce secteur de l'éducation,
somme toute, on prend un jeune homme qui termine sa onzième année
et qui s'en va dans ce secteur; on le forme; on l'éduque; on lui
enseigne et il termine son cours. La phase suivante, après cette fin du
cours, c'est de s'en aller à l'Office de la construction et de demander
un carnet d'apprentissage. On lui dit non. Il n'est pas question que tu aies un
carnet d'apprentissage parce que tu sais qu'il y a trop de monde dans la
construction. Le petit gars s'en va chez eux, Gros-Jean comme devant, il a
étudié pendant deux ou trois ans. Cela revient encore au niveau
des problèmes régionaux. Bien souvent cet étudiant
connaît quelqu'un dans le secteur de la construction. Il connaît un
entrepreneur. Bien souvent, avant de terminer son cours, il a
déjà fait des contacts. Les entrepreneurs sont
intéressés à l'engager et, somme toute, à lui faire
faire les 6000 heures ou plus nécessaires pour sa période
d'apprentissage.
M. Johnson: ... métier.
M. Pagé: Là, il se fait dire non.
M. Johnson: Plus maintenant. L'article 502 du...
M. Pagé: Cela c'est un problème.
M. Johnson: L'article 502 du règlement de placement
prévoit maintenant que l'apprenti, donc celui qui suit un cours
secondaire court ou long, pourra, s'il a une garantie de 150 heures d'un
employeur, obtenir un certificat. On règle ce problème.
Évidemment, je vais vous le dire tout de suite, il y a eu une
drôle de résistance de la part des compagnons, c'est-à-dire
des syndicats et des gars qui ont du métier depuis bien des
années. Ils disent: Voyons donc! Dans certains cas, je n'aurai pas
réussi à faire mes 1500 heures en deux ans. Je vais me ramasser
avec un certificat B et un apprenti va passer devant moi? On dit que
l'État, depuis 15 ans au Québec, a mis des millions dans
l'éducation, dans ce secteur là, entre autres, et on n'a pas le
droit de dire que ce monde débouche sur un cul-de-sac. On dit: Si,
effectivement, vous avez affaire à un apprenti qui est
débrouillard, qui s'est arrangé, qui est allé se gosser
dans le bois et qui a réussi à se trouver, dans cette
forêt, une garantie de 150 heures, il va avoir un certificat et il va
avoir le droit. À partir de là, il faut qu'il fasse ses heures
pour être classifié l'année suivante.
M. Pagé: Cela, c'est un élément positif de
votre règlement. Je vous remercie. M. le Président, je terminerai
donc en formulant à nouveau l'invitation que j'ai lancée tout
à l'heure au ministre, à ses collaborateurs et aux gens de l'OCQ
de songer éventuellement et de se pencher peut-être plus
sérieusement sur la possibilité qu'il y aurait d'y aller par
interventions sectorielles en divisant le secteur résidentiel et
domiciliaire avec tout ce qu'on appelle commercial, industriel et
bâtisses administratives. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je pense que ce qui
se dégage ce matin... Pour moi, il y a un grand facteur qui est assez
déterminant dans l'industrie de la construction. On s'aperçoit
la phrase a été répétée à
quelques reprises qu'il y a trop de monde actuellement dans l'industrie
de la construction. Selon mes renseignements, actuellement, il y aurait... Les
personnes qui ont voté, qui sont enregistrées dans les syndicats.
Selon ce qu'on me dit, il y a 174 000 travailleurs qui sont
enregistrés à la FTQ et il y en aurait 60 000 à la
CSN. Alors, cela fait 234 000 personnes qui sont enregistrées dans
l'industrie de la construction alors qu'on en a besoin d'environ 90 000 ou 100
000.
Alors, on s'aperçoit qu'il y a un problème de placement,
un problème de chômage qui en découle. Face à cela,
je voudrais aborder un autre aspect qui n'a pas été touché
ce matin. C'est la question des relations avec les autres provinces. On sait
que M. Lévesque est allé rencontrer le premier ministre de
l'Ontario, M. Davis, cette semaine. Il semble qu'il y aurait eu une certaine
entente entre les deux premiers ministres.
Le premier volet de ma question: Est-ce que le ministre pourrait
expliquer un peu l'entente et l'influence que cela pourrait avoir sur le
placement de nos travailleurs à l'extérieur? Deuxième
volet: Est-ce qu'il y a des pourparlers d'entente également entre les
premiers ministres ou les ministres du Travail des autres provinces?
M. Johnson: Oui. Effectivement, le premier ministre a
rencontré M. Davis cette semaine. J'ai eu moi-même l'occasion de
rencontrer Mme Ste-phenson, lors de la conférence des ministres de la
Main-d'Oeuvre à Victoria. J'ai rencontré son sous-ministre
à la conférence des ministres du Travail du Québec
quelques mois après, et nos fonctionnaires se sont rencontrés
à plusieurs reprises depuis.
Le problème, dans les régions frontalières, en
pratique, provient surtout en fait, on pourrait parler du Nord-Ouest,
c'est dans la région de Hull que le problème se pose
provient du fait que l'Ontario ne peut pas garantir au travailleur
québécois qu'il ait un accès libre au marché
ontarien. Ce qui n'empêche pas l'Ontario de demander que le Québec
garantisse un accès libre des Ontariens sur le marché
québécois. Je m'explique. L'Ontario, au nom d'un principe de la
mobilité de la main-d'oeuvre qui, quant à moi, est un peu un
principe comme celui de la tarte aux pommes et de la maternité... On ne
peut pas être contre cela, sauf qu'il faut regarder, en pratique, ce que
cela représente. Il y a très peu de mobilité de la
main-d'oeuvre québécoise, pour un tas de raisons qui ne sont pas
seulement linguistiques, qui ne sont pas nécessairement des raisons de
qualification; il y a peut-être quelque chose de plus profondément
culturel là-dedans. Les Québécois, ce n'est pas vraiment
du monde mobile, à l'exception, cependant, de certains métiers.
S'il y a des plombiers, en ce moment, à Syncrude, en Alberta, ce n'est
pas parce qu'ils ont les yeux bleus et qu'ils parlent français, c'est
parce qu'en Alberta, ils n'ont pas de plombiers; ils ont besoin de bons
plombiers et les bons plombiers, on les retrouve au Québec, entre
autres. Il y a une activité et il y a un "boom" économique
important en Alberta, en ce moment.
Par ailleurs, moi, je vois mal le Québécois se promenant
dans sa maison mobile d'une "mare" à l'autre, au Canada. Je pense que
c'est un grand rêve que chérit M. Trudeau, mais qui
m'apparaît très loin des réalités, puisque le Canada
est, par définition, un pays de 3000 milles de longueur et de 150 milles
de largeur à peu près, peuplé avec quelqu'un à tous
les deux bouts de forêts. En tout cas, il y a un problème
géographique. Si on parlait de mobilité sur un territoire un peu
plus limité, je compendrais cela. Il y a des problèmes
géographiques considérables. Il y a aussi un problème de
langue et il y a un problème historique de mobilité
québécoise.
Pour revenir, cependant, spécifiquement à la question de
Hull, le problème provient du fait que l'Ontario, au nom de ce principe
sacro-saint de la mobilité, nous dit: Nous autres, on veut que les gars
d'Ottawa, de Sarnia ou de quelques autres villes de l'Ontario puissent aller
travailler à Hull, par exemple, avec les entrepreneurs ontariens qui y
seraient, ou pour un entrepreneur québécois. Or, il y a
déjà des choses dans le règlement de placement sur
lesquelles nous sommes prêts à faire certaines ouvertures.
Particulièrement quand on parle de la main-d'oeuvre
régulière des employeurs. Si un Ontarien, une entreprise
ontarien-ne obtient un contrat de construction au Québec, si cette
entreprise, par définition, pour obtenir un contrat est
enregistrée auprès de l'OCQ, probablement que l'article qui
prévoit le transfert des "key men", comme on dit dans le métier,
pourrait s'appliquer à ces gens.
Or, il semble, d'après les statistiques qu'on a, que 87% des
quelque 2000 Ontariens qui viennent au Québec appartiennent à
cette catégorie de travailleurs qui sont des réguliers
d'entrepreneurs. Donc, en soi, sur le plan pratique, cela diminue de beaucoup
l'importance du problème. L'Ontario voudrait qu'on aille plus loin et
dit: Écoutez, d'abord, on vous demanderait d'amender votre
règlement de placement. Quant à moi, c'est une affaire dont on va
discuter. Je ne leur demande pas moi, de faire une loi et de créer un
OCQ. L'Ontario nous dit: Écoutez, les Québécois sont
protégés, ils peuvent venir en Ontario. Un instant, le placement
en Ontario est contrôlé par les syndicats, et les syndicats
ontariens, il n'y a rien qui les oblige à employer des gens du
Québec.
Si on fournit cette garantie aux Ontariens que les Ontariens peuvent
venir dans la région de Hull ou n'importe où au Québec,
d'une part, on les privilégie par rapport aux Québécois,
parce qu'on permet à des gens de l'Ontario de venir à Hull, alors
qu'on ne permet pas aux gars de Beauharnois, qui est dans la région de
Montréal, d'aller à Hull. Là-dessus, je me pose de
sérieuses questions. Ce n'est pas une affaire de chauvinisme. C'est une
affaire de justice envers tous ceux qui sont impliqués.
Deuxièmement, les Québécois, je n'ai aucune garantie
qu'effectivement ils vont pouvoir travailler en Ontario. Ce que je sais
cependant, c'est que nos gars des métiers spécialisés qui
sont en Ontario, on ne les appelle pas parce qu'ils ont de beaux yeux, on les
appelle parce qu'on en a besoin. C'est aussi simple que cela.
Le jour où des Québécois voudront travailler dans
la région d'Ottawa et que le syndicat de tel métier à
Ottawa, qui est une union internationale...
Les électriciens, c'est un bel exemple. La FIPOE, la
Fraternité interprovinciale des travailleurs en
électricité est un syndicat québécois,
malgré son nom, qui s'est détaché de l'union
internationale, l'AEU, il y a quelques années et qui depuis accepte que
les travailleurs québécois n'aient pas de mobilité parce
qu'ils ne sont pas reconnus dans le reste du Canada. Si les électriciens
de l'Ontario ont décidé qu'ils ne voulaient pas voir un seul gars
de la FIPOE, parce que c'est l'union internationale qui contrôle le
placement, Mme Stephenson ne peut pas me donner la garantie que les
Québécois vont pouvoir y aller parce qu'elle n'a pas d'OCQ,
qu'elle n'a pas de règlement de placement, qu'elle n'a pas le type de
mesures réglementaires qu'on a. Ceci dit, on est prêt à
discuter. Ce à quoi les premiers ministres se sont engagés, c'est
de faire en sorte que Mme Stephenson et moi, nous nous rencontrions d'ici le
1er juillet. On va essayer de trouver des coins dans nos horaires tous les deux
pour faire en sorte d'arriver à des accommodements pratiques permettant
un minimum d'échanges entre les deux. Mais je voudrais juste qu'on soit
très conscient des difficultés que cela pose pour les
Québécois. Je ne voudrais pas, pour ne pas faire de la
discrimination contre les Ontariens, en faire contre les
Québécois. Il faut tenir compte de cette
réalité.
M. Fontaine: Donc, il n'y a pas de grande possibilité pour
les Québécois d'aller travailler dans les autres provinces.
M. Johnson: C'est-à-dire qu'on peut nous dire qu'il n'y a
pas de règlement qui l'interdit, mais, en pratique, les
Québécois ont peu de mobilité. Ce n'est pas seulement
parce qu'il n'y a pas de grande possibilité, et cela, je ne suis pas
capable de le déterminer précisément, on n'a pas les
chiffres, parce qu'il n'y a pas de source pour les chiffres, sauf les unions
internationales dans les autres provinces. On sait qu'elles présentent
cela à leur façon et on l'a vu dans les chiffres contradictoires
qu'elles nous ont donnés avec ceux que nous, nous pouvions
contrôler sur le territoire québécois.
Deuxièmement, il y a le fait que, historiquement, les
Québécois, ce n'est pas vrai que c'est du monde qui désire
avoir cette mobilité. Il y en a qui aiment cela, mais c'est relativement
marginal dans les phénomènes québécois de
main-d'oeuvre..
(10 h 45)
M. Roy: J'aimerais tout simplement, souligner pour illustrer ce
que vient de dire le député de Nicolet-Yamaska au ministre, qu'il
y a beaucoup plus de travailleurs de la construction au Québec qui vont
travailler à l'extérieur du Québec. Il faut aller dans les
États de la Nouvelle-Angleterre, pour en trouver des centaines et des
centaines, mais je pense que, s'il y avait un recensement, on pourrait en
trouver des milliers, à un moment donné. Il y en a un certain
nombre qui travaillent en Ontario, il y en a un certain nombre qui vont
travailler en Alberta, surtout en Alberta, et quelques-uns en
Colombie-Britannique. Il y a une mobilité assez surprenante. Le
problème qu'il y a et qui doit être souligné ici, c'est que
ces gens qui doivent quitter le Québec, à un moment donné,
pour avoir du travail, parce qu'il est impossible d'en avoir chez nous, ne
peuvent pas faire compter leurs heures pour la délivrance de leur
certificat.
M. Johnson: Ce n'est pas exact.
M. Roy: J'aimerais bien qu'on me rassure là-dessus.
M. Johnson: Oui, je peux vous rassurer, l'article 3.11 du
règlement de placement prévoit que les heures faites par un
travailleur domicilié au Québec à l'extérieur du
Québec sont des heures qui peuvent compter pour son certificat de
classification, mais à la condition, évidemment, qu'il en fasse
la preuve.
M. Roy: Oui, mais quand on parle d'un travailleur
domicilié au Québec, on sait très bien que le travailleur
qui va travailler en Alberta élit domicile en Alberta pendant un an,
pendant deux ans.
M. Johnson: Non, il est résident d'Alberta, mais il est
encore domicilié au Québec. La notion de domicile, c'est la
notion de droit civil de domicile.
M. Roy: C'est celle que vous retenez. D'accord.
M. Johnson: Celle qu'on retient, ce n'est pas une notion de
résidence, c'est une notion de domicile. S'il laisse sa femme et ses
enfants ici, on peut présumer qu'il n'élit pas domicile, à
moins qu'il soit bigame ou autre chose.
M. Fontaine: M. le Président, j'aurais encore quelques
questions, mais, étant donné qu'il est près de 11 heures,
je vais laisser la parole à l'ex-commissaire de la commission
Cliche.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: C'est vrai qu'il est difficile de changer de
chapeau, M. le Président. Je voudrais dans un premier temps relever
certains points...
M. Roy: Nos gestes nous suivent. M.Guy Chevrette
M. Chevrette: Oui, surtout quand on est cohérent, M.
Roy.
Je voudrais dans un premier temps relever certains points. Quand vous
dites que la commission Cliche n'aura servi à rien, et je regarde non
pas une seule recommandation, comme vous l'avez fait, sortie du contexte d'un
rapport, mais il faut prendre l'ensemble des recommandations qui faisaient
partie du chapitre de la politique de la
main-d'oeuvre. Vous vous rendrez compte que le règlement de
placement qui est présenté par le ministre du Travail tient
compte de plusieurs dimensions qui ont été mises de l'avant par
le rapport Cliche, en particulier l'autorité de l'OCQ sur le placement
dans l'industrie de la construction.
Je vous rappellerai qu'une vingtaine de groupes qui avaient
paradé devant les commissaires de la commission Cliche avaient
réclamé un contingentement dont parlait le député
de Portneuf; 19 groupes au moins sur 20 s'étaient entendus et, à
l'unanimité pratique, on demandait un contingentement assuré dans
l'industrie de la construction; c'était un non-sens de voir le nombre
d'individus qui sortaient bien souvent sous libération conditionnelle et
qui se ramassaient à la baie James, sans avoir préalablement fait
aucune heure de travail dans l'industrie de la construction. C'était sur
le bras que les engagements se faisaient. C'est à cause de cela qu'on
avait d'abord demandé que i'OCQ prenne une autorité certaine dans
le domaine du placement et que le ministère du Travail, par la direction
générale de la main-d'oeuvre, voie à assurer une plus
grande qualité de la qualification professionnelle. C'est d'ailleurs, ce
sur quoi je finirai mon intervention, tantôt.
Si vous lisez attentivement les recommandations 109 à 111, vous
verrez que ce que j'avance est véridique. Vous verrez que le rôle
qu'on voulait faire jouer à I'OCQ était vraiment celui d'une
autorité. Cela aurait l'avantage, tout au moins, de connaître les
règles du jeu, même dans la réglementation des syndicats,
ce qu'on ne pouvait connaître auparavant. Un syndicat devra publier ses
règlements, en vertu du nouveau règlement, de sorte qu'on pourra
voir si, oui ou non, il y a du favoritisme à l'intérieur des
critères qu'utilisent les syndicats. C'est un avantage certain. Vous
vouliez des avantages tantôt, cela en sera un majeur parce qu'on ne
pouvait pas, auparavant, savoir si, véritablement, on respectait le
tableau d'affichage dans les locaux. On pouvait aussi bien envoyer le 300e
individu que le 1er. Si, vraiment, dans la réglementation du local,
c'est par voie d'affichage et par ordre chronologique, on le verra et on pourra
le faire respecter; sinon, il y aura perte de licence ou de permis de placement
dans les syndicats.
Bien sûr, vous me direz: Tu avais recommandé, cependant,
Chevrette, en tant que commissaire à la commission Cliche, l'abolition
totale des bureaux de placement syndicaux. Je peux vous dire: oui. Dans le
contexte où cela se déroulait, dans le' contexte où il n'y
avait aucune tutelle, dans le contexte où des locaux se permettaient des
actes de banditisme, on n'avait pas d'autre choix que celui de soustraire
complètement l'opération placement aux locaux de la construction.
Cependant, il n'y a pas de cachette et je pense qu'il faut se le dire
carrément. Je suis loin d'être certain, et encore moins depuis 18
mois, que nos centres de main-d'oeuvre sont capables d'effectuer le placement
dans l'industrie de la construction, en particulier quand on demande un type de
plombier bien spécifique, un type d'électricien. On n'envoie pas
dans la grosse industrie un petit électricien qui est habitué
à passer des fils dans les plafonds d'un petit domicile, parce qu'il
n'est pas capable. Il va refuser carrément, d'abord, d'y aller et, s'il
y va, il va risquer la sécurité et il risque de bousiller de
bonne foi certains travaux d'envergure dans la grosse industrie.
Cet inventaire fait aussi partie d'une des recommandations de la
commission Cliche, si vous vous êtes donnés la peine de les lire,
entre 109 et 122. C'est une autre dimension dont on tient compte et dont le
précédent gouvernement aurait dû tenir compte dès la
parution du rapport, de toute façon. Je voudrais également vous
dire qu'on se fait une montagne avec les règlements de placement pour
les motifs suivants. À peine 15% du placement dans toute l'industrie de
la construction fait justement l'objet de demandes et 85% est directement de
l'embauche par l'employeur. Il faut dire que la main-d'oeuvre, chez les petits
entrepreneurs régionaux, est une main-d'oeuvre permanente et que cet
individu, comme employeur, a le droit d'amener avec lui sa main-d'oeuvre
permanente. Donc, cela efface énormément de l'argumentation que
vous mettiez de l'avant tantôt en disant: Si j'ai besoin d'un gars,
j'irai le chercher. Les gars qui construisent dans le domaine domiciliaire ont
leur main-d'oeuvre permanente qui, d'année en année, demeure avec
eux et qui travaille sept ou huit mois par année, qui fait trois ou
quatre mois de chômage pour revenir avec le même employeur
l'année suivante.
Dans le domaine domiciliaire, dans nos petites régions, c'est
exactement le cas qui se produit le plus fréquemment. C'est dans la
grosse industrie que le placement va jouer un rôle spécifique et
c'est peut-être là, par les contrôles plus
sévères, qu'on pourra s'assurer... Quand on dit "les
véritables travailleurs de la construction", ce n'est pas entre les bons
et les méchants, mais c'est bien entre ceux qui font une vie
professionnelle de la construction; autrement dit, le professionnel de la
construction aura une préséance sur l'occasionnel qui, lui, se
branche, de temps à autre, choisit l'industrie de la construction parce
que, temporairement il y a une mise à pied dans l'industrie
privée, dans une usine quelconque.
D'après moi, cela amènera sans doute des effets
bénéfiques et, en particulier, toute la question de l'inventaire
de la main-d'oeuvre qui sera fait. Cela servira non seulement à I'OCQ,
mais également à la direction générale de la
main-d'oeuvre pour bâtir une politique de main-d'oeuvre beaucoup plus
cohérente que celle que nous avons présentement.
On a touché le problème des artisans; je ne voudrais pas y
revenir. On a parlé d'arbitraire; je voudrais bien que le
député de Beauce-Sud mette de l'avant des formules sur la
question d'arbitraire parce que, moi aussi, j'avais plusieurs points
d'interrogation tout comme lui. Mais il n'y en a pas de recette miracle pour
dire: L'OCQ va-t-elle accorder un permis de travail à quelqu'un qui a
été victime de discrimination?
Pour donner un permis de travail à quelqu un qui a
été victime de discrimination, il faut au moins savoir les faits;
il faut donc recourir à
l'arbitrage. Bien sûr, l'OCQ se constitue en arbitre, mais, dans
n'importe quel type de grief ou dans n'importe quel type de différend,
un arbitre a toujours une discrimination sur une sentence.
M. Johnson: II va y avoir des appels.
M. Chevrette: II y en aura toujours et il y aura des appels
certainement en vertu...
M. Johnson: On va avoir une procédure d'appel dans le
dépôt d'une loi la semaine prochaine.
M. Chevrette: Personnellement, je ne peux pas vous dire que je
suis entiché du règlement de placement. Au contraire, je pense
que n'importe qui autour de cette table aurait des nuances à apporter.
Pour ma part, il y aura des nuances à l'usage qu'il faudra apporter. Il
y en a une en particulier: c'est sur les A, B et C. À mon avis, à
l'usage il faudra se rendre compte qu'il y aura uniquement deux
catégories. Après quelques mois d'utilisation de ce
règlement, on pourra se rendre compte qu'on aura les véritables
travailleurs de la construction et les occasionnels qui font partie d'une
classe à part. À ce moment-là, M. le député
de Beauce-Sud, ce sera d'autant plus facile de corriger les lacunes sur le plan
régional, celles que vous avez soulignées.
S'il y a un facteur sur lequel j'attendais plusieurs interrogations de
votre part, c'est peut-être la grandeur des régions. Mais on sait
que la grandeur des régions peut quand même jouer à
l'inverse. Si vous formez une région dans la Beauce, par exemple, et
qu'il n'y ait pas de construction, votre gars n'a pas la priorité, il va
rester dans cette région sans travail. J'ai également
apporté cet argument et j'ai exactement soutenu votre thèse au
niveau de la consultation. Mais il y a deux côtés à la
médaille et c'est à l'usage qu'on verra ce que cela
représente.
Ce que je pense qu'il faudrait souligner ce matin, c'est d'inviter le
plus grand nombre de travailleurs, surtout dans les métiers
généraux, à utiliser la main-d'oeuvre régionale
plutôt que de transporter sa main-d'oeuvre permanente. Cela pourrait
être une incitation au niveau du règlement de placement parce que,
si un employeur de Québec obtient un contrat à Joliette, qu'il
amène ses hommes de métiers généraux, c'est bien
évident qu'on va crier dans la région. Je suis entièrement
d'accord avec vous. Mais je pense que, par des directives administratives, en
incitant les employeurs, d'abord ils sauvent sur les frais de séjour et
sur les frais de transport, donc, je pense que, déjà, là,
à l'intérieur du décret, il y a tout au moins une
incitation. Je pense qu'il y a un problème beaucoup plus grave au niveau
de toute la construction, c'est le domaine de la qualification
professionnelle.
J'ai dit que je terminais là-dessus, M. le Président,
mais, pour moi, c'est aberrant. Je sais qu'il y a un travail immense à
faire, je ne dis pas cela pour dénigrer la Direction
générale de la main- d'oeuvre, qui travaille sur des formules
présentement, et je sais qu'il y a déjà eu des
comités de travail. Mais je suis persuadé que le système
d'examens au niveau de la classification professionnelle est dérisoire
présentement. Je pourrais donner l'exemple de gars qui travaillent
depuis 20 ans sur un rouleau compresseur pour l'asphalte et qui ratent
systématiquement leurs examens; ils ne veulent pas avoir autre chose,
pour avoir l'occasion de conduire le rouleau compresseur. Personnellement, j'ai
hâte qu'on invente un système pratique d'examens et qu'on
spécifie que c'est tel instrument, s'il le faut. Le gars n'en demande
pas plus. Je pense que c'est encore plus frustrant pour un salarié, pour
un travailleur qui, depuis 20 ans, travaille pour un type d'employeur et qui se
voit refuser une carte de compétence, uniquement parce qu'il a
bloqué un examen, qu'on lui a transposé des milles en
kilomètres, des pieds en mètres, et le pauvre gars est
complètement perdu.
Je crois que c'est là un des problèmes les plus graves. Si
on fait de la projection, M. le député de Beauce-Sud, il y aura
d'autres problèmes très graves auxquels on aura à faire
face parce que nous sommes en perpétuelle évolution dans le
domaine de la construction. Il y a toute la question de l'usinage des maisons.
Vous verrez tantôt dans quel cul-de-sac cela nous amènera face au
décret de la construction, des types qui n'ont aucune
spécialité, qui passent les fils dans les maisons usinées
et qui, théoriquement, enlèvent de l'emploi aux salariés
compétents qui se sont spécialisés dans le domaine de
l'électricité. J'ai été heureux de voir que le
ministre du Travail ouvre une porte à une certaine planification des
travaux. Il a souligné lui-même qu'il y a 40% des investissements
du domaine de la construction qui émanent des deux paliers de
gouvernement, fédéral et provincial. C'est extrêmement
important, parce que, s'il y avait une certaine planification des travaux, on
connaîtrait moins de hauts et de bas dans l'industrie de la construction.
Quand on voit des chantiers olympiques qui créent des besoins de
main-d'oeuvre de 130 000 personnes avec tout ce que cela crée comme
activité économique, et qu'on se ramasse au lendemain d'un
chantier de cette envergure avec des besoins de 70 000 personnes, il ne faut
pas se surprendre d'avoir les problèmes qu'on a aujourd'hui. À
mon sens, ce sera là un des problèmes à envisager au
niveau des différents ministères.
Je terminerai en disant qu'il y a peut-être un aspect qui n'a pas
été souligné ce matin et qui me paraît un
problème majeur dans le domaine du placement, c'est celui des
juridictions de métiers. On n'en a pas parlé plus qu'il pe faut,
mais à mon sens, c'est un autre problème. La question
d'inventaire qui sera faite par l'OCQ aidera à résoudre et aidera
à clarifier. Les fameux "green books" américains... on pourra
peut-être s'écrire un livre blanc québécois qui
permettra de faire la lumière sur les juridictions de métiers au
Québec.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Merci, M. le Président. Je veux remercier le
ministre ainsi que mes collègues, tant de l'Opposition officielle que de
l'Union Nationale ainsi que mon collègue de Joliette-Montcalm, de leur
participation positive à cette commission parlementaire de ce matin pour
l'examen du dossier du placement dans l'industrie de la construction.
Le député de Joliette-Montcalm a parlé des
juridictions de métiers. J'aurais pu en parler également, mais
nous sommes limités dans le temps. Compte tenu que nous n'avions que
deux heures, j'ai voulu concentrer mon intervention sur le domaine du
règlement de placement comme tel. Je partage entièrement son
point de vue. Je pourrais même en ajouter en ce qui a trait aux examens
de qualification professionnelle. On fait passer des examens d'opérateur
de machinerie lourde avec une feuille de papier et un crayon.
M. Pagé: On pose des questions sur l'asphalte.
M. Roy: C'est un peu comme demander à quelqu'un de
conduire une automobile et lui demander de faire un dessin au tableau pour
ensuite lui donner un permis de conduire. C'est aussi ridicule que cela. Il y
en aurait long à dire.
Je voudrais partager l'optimisme du ministre et de mon collègue
de Joliette pour le nouveau règlement de placement. Je pense que ce qui
a été dit ici, à la commission, illustre très bien
actuellement qu'on cherche une formule qui apporterait une solution à un
problème, mais on cherche une solution à partir des
conséquences. On ne cherche pas une solution à partir du point de
départ. D'abord, vouloir régulariser la main-d'oeuvre ou la
répartir sur une base de douze mois, cela peut se faire dans la
construction commerciale et industrielle. Cela peut se faire dans les gros
chantiers au niveau de la construction domiciliaire, mais dans les petits
centres de construction domiciliaire, c'est impossible à cause d'un
facteur qui ne dépend pas du ministre, ni du Parti
québécois, ni du Parti libéral et ni de qui que ce soit
mais nous avons quatre mois d'hiver qui ne favorisent pas la petite
construction privée. Cette dernière embauche un grand pourcentage
de la main-d'oeuvre. (11 heures)
Deuxièmement, on dit qu'il y a 200 000 travailleurs de la
construction dans le Québec et qu'il y a du travail pour 100 000. Je
suis d'accord, mais il faudrait ajouter aussi qu'on a 10% à 14% de
chômage au Québec. C'est un problème d'ensemble. Ce n'est
pas le problème de l'industrie de la construction. Quand on
réussit, sur le plan de l'économie générale,
à relancer l'économie, à faire un boom économique,
c'est quand on réussit à stimuler et à développer
l'industrie de la construction. Cela a toujours été le facteur
qui a contribué à apporter une prospérité
économique ou une crise économique. C'est la construction qui a
toujours été le facteur no un de la prospérité
économique dans des périodes. C'est tellement cyclique, pas
seulement cyclique sur une base annuelle, mais sur une base d'un certain nombre
d'années.
Comment peut-on, logiquement et intelligemment, régler le
problème et apporter des solutions avec un règlement de
placement, à partir de ces données de base? Le ministre disait
tout à l'heure que je devrais apporter une barge. Je devrais offrir une
barge pour les difficultés que pourrait créer l'absence d'un tel
règlement de placement, puisqu'on pourrait amener, évidemment,
des cas individuels. Ce règlement de placement, actuellement,
nécessiterait une barge pour transporter les cas. Je tiens à dire
au ministre que je voudrais partager son optimisme. J'ai l'impression que cela
va lui prendre non pas une barge, mais des navires, parce que, actuellement
on se ferme les yeux de ce côté ce ne sont pas les
professeurs qui se retrouvent devant les tribunaux, ce ne sont pas les pompiers
de fin de semaine qui se retrouvent devant les tribunaux dans l'industrie de la
construction, ce sont des travailleurs de 15 ans, de 20 ans et de 25 ans qui se
retrouvent devant les tribunaux. Ils sont poursuivis. J'aimerais qu'on fasse
l'inventaire de cela et qu'on examine la situation pour voir, actuellement, si
tous ces règlements sont des règlements qui protègent les
travailleurs ou qui pénalisent les travailleurs. Troisièmement,
je ne peux pas, en ce qui me concerne le ministre non plus
changer la géographie du Québec et, malgré tous les
auteurs qu'il nous a cités ce matin, convaincre les gens et changer la
coutume.
Quand il y a des travaux de construction dans une localité
rurale, dans une petite ville de 3000 à 4000 âmes, on travaille au
niveau des organismes locaux à faire en sorte de stimuler le
développement économique de la localité, en plus
d'abaisser le taux de chômage de la localité. On appelle cela la
décentralisation, se prendre en charge, des citoyens responsables, des
citoyens qui veulent faire leur part dans le développement
économique. Si, à la suite d'efforts collectifs qui se font dans
certaines localités du Québec, pour tâcher de trouver du
travail à leur main-d'oeuvre locale on les oblige à importer de
la main-d'oeuvre d'autres régions, d'autres comtés, par le fait
que les régions sont beaucoup trop grandes... Quand je regarde seulement
la région de Québec... Ce sont des régions beaucoup trop
grandes.
Si je vais un peu plus loin, prenons la région de Rimouski. La
région de Rimouski comprend également la Gaspésie et les
gens ont fait en sorte que les travailleurs de la construction de tout le
bassin de la Gaspésie, à partir de Rimouski, soient aussi
interdépendants et soient aussi mobiles que les travailleurs de
l'île de Montréal comme telle. On fait la même chose avec la
Côte-Nord et le Saguenay-Lac-Saint-Jean. Les régions sont beaucoup
trop grandes. Cela m'amènerait, M. le Président, à dire,
en terminant, qu'on n'a pas apporté de solution ce matin au
problème. Je tiens à dire qu'il va y avoir une multitude
d'injustices qui vont être créées si l'Office de la
construction applique ce règlement à la lettre. S'il ne
l'applique pas à la iettre, il va falloir qu'il l'applique avec
discrétion.
S'il l'applique avec discrétion, on ouvre la porte à
l'arbitraire, parce que je ne vois pas les gens de Québec aller faire du
travail de construction domiciliaire dans des petites localités comme
Notre-Dame-du-Rosaire, Sainte-Lucie-de-Beauregard, Saint-Georges-de-Cacouna,
Saint-Jean-de-la-Lande, Notre-Dame-du-Portage. Je ne vois pas les gens non plus
de La Pocatière aller faire ce travail dans le comté de Portneuf,
dans la partie non organisée du comté de Chavigny.
M. Pagé: Du canton Chavigny.
M. Roy: Du canton Chavigny.
M. Pagé: II n'y a pas de construction là.
M. Roy: II n'y en a peut-être pas, mais, advenant le cas
où il y en aurait une, si on l'a mise ici, c'est parce qu'on a
l'intention d'y appliquer le règlement. Ce n'est pas moi qui l'ai
ajoutée, cette partie. C'est dans le règlement, je le lis. Je
dis, M. le Président, que si cela fait sourire les gens de simplement
lire ce qui est écrit dans le règlement relativement aux
dispositions ou aux compositions des régions, je pense que c'est assez
significatif. Cela se passe même de commentaire.
M. le Président, il va falloir que le gouvernement du
Québec tienne compte de cinq critères de base dans
l'élaboration d'un règlement qui ne sera jamais parfait, qui ne
pourra jamais être parfait, à cause des facteurs que j'ai
énumérés tantôt. Il va falloir qu'il y ait des
mesures pour favoriser la protection des travailleurs d'une localité,
d'une ville et d'une petite région avant d'aller dans les grandes
régions. On me dit que cela joue dans les deux sens. C'est vrai que cela
joue dans les deux sens. Mais ce qui est vrai pour le comté de Portneuf,
c'est vrai pour Beauce-Sud, ce qui est vrai pour Gaspé, c'est vrai pour
Rimouski, c'est également vrai pour Nicolet. C'est la
réalité, la coutume, les habitudes de la population. C'est une
chose. Deuxièmement, on ne fait pas de distinction entre les grands
centres et les villes et les villages ruraux. On ne fait pas de distinction,
non plus, entre la construction commerciale, industrielle et l'habitation
familiale. Ce matin, les remarques que nous avons reçues en commission
parlementaire nous ont démontré que les grands problèmes
qu'on tente de résoudre sont des problèmes qui regardent la
grosse construction. On a parlé des Jeux olympiques, on a parlé
des gros chantiers de construction, on a parlé de la construction de la
Donohue à Saint-Félicien, on a parlé de la construction
à la baie James, mais il ne semble pas qu'il y ait des problèmes
véritables et qu'il y ait eu tellement de problèmes lorsqu'on
regarde la construction domiciliaire des petites localités du
Québec. Si on veut régler un problème au niveau de la
grosse construction dans les grands centres, pourquoi étend-on la
réglementation dans les petits centres et fait-on en sorte de
créer de la persécution j'emploie le terme
persécuter les travailleurs de la construction des petits centres?
Quatrièmement, il n'y a aucune distinction entre la construction,
la rénovation et les réparations. Il faut dire qu'on n'en a pas
parlé tellement de cela ce matin. C'est le même règlement
qui s'applique dans la réparation de résidences domiciliaires que
dans la construction. C'est le même règlement de placement. Je me
demande sérieusement comment, encore une fois, l'Office de la
construction pourra recevoir tous les appels téléphoniques, parce
que même s'il y a un certain nombre de travailleurs qui suivent dans les
grosses entreprises de construction, il y a une mobilité
extrêmement grande, à ce niveau, puisque s'il y a un certain
nombre de travailleurs à la base qui ont un emploi stable dans les
grandes entreprises de construction, je dois dire que cela ne représente
pas 50% des travailleurs qui sont à l'emploi de la même
entreprise, parce qu'il y a une mobilité de 60%, 70%, 75%, il y a une
variance qui se fait quotidiennement.
M. le Président, en terminant, je voudrais demander au ministre
de prendre l'initiative, peut-être qu'un comité ou une commission
parlementaire devra réexaminer sérieusement ce dossier du
placement...
M. Johnson: Ah, non!
M. Roy: ... et qu'on fasse en sorte qu'au niveau des
parlementaires, des députés, membres de l'Assemblée
nationale, on puisse se pencher sérieusement sur cette question, puisque
je pense que le problème demeure entier. Je ne crois pas,
personnellement j'insiste bien gros là-dessus à
l'application réaliste de ce règlement de placement dans
l'industrie de la construction, à moins que le gouvernement se
décide d'utiliser ses centres de main-d'oeuvre locaux qui pourraient
faire en sorte, avec une responsabilité additionnelle, peut-être
de ramener le plus près possible des gens les régions,
l'application du règlement pour ce qui a trait à l'emploi des
travailleurs de classe A et de classe B, dans les localités, dans les
petites villes.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Johnson: M. le Président, je vais être
extrêmement bref dans mes remarques, étant donné que le
député de Beauce-Sud a eu la gentillesse de me dire qu'on
terminerait à 11 heures.
Je pense que le député de Joliette a soulevé avec
exactitude le problème, entre autres, de la qualification et du type
d'examen qu'on fait passer, c'est vrai. La Direction générale de
la main-d'oeuvre en est bien consciente. Une des avenues, ce serait la
qualification par tâche, bien plus que par métier. Je pense que le
député de Joliette et les membres de l'Opposition savent aussi
qu'évidemment la résistance première vient des syndicats
eux-mêmes, des corps de métiers. Mais on fait des recherches dans
ce domaine, on a des groupes qui y ont travaillé et on essaie de les
sensibiliser à cela.
Pour terminer, je voudrais remercier le député de
Beauce-Sud de nous avoir donné l'occasion de
discuter de ce règlement et lui dire qu'à la
lumière, plutôt qu'à la lueur, de nos discussions...
M. Roy: C'est une lueur très faible.
M. Johnson: ... et de discussions qui durent depuis fort
longtemps d'ailleurs, le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre
n'entretient pas un optimisme démesuré, mais il entretient
cependant une bonne dose d'espoir à l'égard de l'application du
règlement de placement. Merci.
Le Président (M. Jolivet): Je vous remercie et je termine
cette réunion.
(Fin de la séance à 11 h 11)