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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le lundi 12 juin 1978 - Vol. 20 N° 127

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 59 - Loi modifiant le Code du travail


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 59

(Quinze heures douze minutes)

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission du travail et de la main-d'oeuvre est réunie cet après-midi pour entendre les représentants des associations concernant le projet de loi no 59, Loi modifiant le Code du travail.

Les membres de la commission sont, dans l'ordre: M. Brochu (Richmond) remplace M. Bellemare (Johnson), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gravel (Limoilou), M. Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois); M. Raynauld (Outremont) remplace M. Pagé (Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud), M. Vaillancourt (Jonquière).

Les intervenants sont: M. Blank (Saint-Louis), M. Brochu (Richmond), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Jolivet (Laviolette), M. Laplante (Bourassa), M. Lefebvre (Viau), M. Paquette (Rosemont), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson (Rouyn-Noranda).

Est-ce qu'il y a un rapporteur? M. Gravel (Limoilou).

Audition des organismes médicaux et d'accueil

Les organismes qui ont été convoqués pour cet après-midi sont, dans l'ordre: L'Association des conseils des médecins et dentistes du Québec, la Corporation des médecins du Québec, l'Association des hôpitaux de la province de Québec, la Fédération des centres locaux de services communautaires du Québec, l'Association des centres d'accueil du Québec, l'Association des centres de services sociaux du Québec, l'Association des directeurs et des établissements privés de santé et de bien-être de la province de Québec, l'Association des établissements privés de santé et de bien-être de la province de Québec. Nous allons débuter par l'Association des conseils des médecins et dentistes du Québec, et la Corporation des médecins du Québec. M. le ministre.

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, en fait, l'Association des conseils des médecins et dentistes du Québec, ainsi que la Corporation des médecins du Québec ne figurait pas à l'ordre de la Chambre quant à cette convocation. Cependant, les partis d'Opposition ont bien voulu nous donner leur consentement à ce que nous entendions ces deux groupes, qui sont entendus, par le fait, finalement, dans le cas de l'association, qu'elles représentent ces médecins qui sont en milieu hospitalier, et qui peuvent donc être appelés, à titre de médecins impliqués dans le milieu hospitalier, et à ce titre seulement, à avoir des choses à dire qui touchent la question des services essentiels. Il en va de même, je présume, pour la Corporation des médecins, qui est là, comme on le sait, en principe, pour représenter l'intérêt public en ce qui a trait à la pratique de la médecine. (15 h 15)

Je suggérerais donc que nous procédions d'abord à l'audition — ça ne durera pas trop longtemps? — du mémoire de l'Association des conseils des médecins et dentistes, ensuite à l'audition du mémoire de la Corporation des médecins et enfin aux questions adressées aux deux, donc un bloc, si ça va à ces messieurs de l'Opposition.

Le Président (M. Boucher): Pour le temps, je crois qu'il y aurait lieu de limiter, dans la mesure du possible, tant du côté ministériel que du côté de l'Opposition, à 20 minutes chacun. On essaiera de s'en tenir à cette période, autant pour les mémoires que pour chacun des partis.

Alors, si vous voulez bien vous identifier et présenter les gens qui vous accompagnent.

Association des conseils des médecins et dentistes du Québec

M. Lambert (Jacques): M. le Président, je vous remercie, ainsi que M. le ministre.

Jacques Lambert, président de l'Association des conseils des médecins et dentistes; à ma gauche, le Dr Marc Bouchard, de l'hôpital de l'Enfant-Jésus de Québec, vice-président de l'association; à ma droite, le Dr Jacques Létourneau, vice-président également de l'association, de l'Hôtel-Dieu de Québec; et le Dr Augustin Roy, président de la Corporation des médecins du Québec. Derrière, Me Jacques Laurent, qui est le conseiller juridique de l'Association des conseils des médecins et dentistes.

Au nom de l'Association des conseils des médecins et dentistes du Québec, je tiens à remercier les membres de cette commission de nous avoir permis de vous faire part de la position des médecins travaillant dans les établissements de santé quant aux dispositions nouvelles proposées par le projet de loi no 59.

Je tiens d'abord à préciser et à vous informer que notre association regroupe la majorité des conseils des médecins et dentistes du Québec, lesquels comptent environ 7000 médecins et dentistes, autant omnipraticiens que spécialistes, répartis sur tout le territoire québécois.

Les conseils des médecins et dentistes, mieux connus comme étant les CMD, tiennent leur existence légale de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre 48 des lois de 1971).

L'article 75 de cette Loi sur les services de santé et les services sociaux définit ce que représente le conseil des médecins et dentistes, alors que l'article 76 détermine précisément les responsabilités de ce conseil.

Un tel conseil existe dans chaque établissement de santé, soit tous les centres hospitaliers et les centres locaux de services communautaires où exercent au moins trois médecins ou dentistes et il se compose de tous les médecins et dentistes exerçant dans l'établissement.

L'Association des conseils des médecins et dentistes a soumis un mémoire à la commission Martin-Bouchard, qui avait été créée afin de faire rapport sur les régimes de négociations collectives dans le secteur public et parapublic.

Compte tenu des champs d'activités des CMD, le mémoire présenté à la commission Martin-Bouchard de même que le présent mémoire ne se rapportent qu'au milieu hospitalier.

Dans le mémoire présenté à cette commission notre association préconisait le maintien du droit à la grève. Cependant, elle formulait des conditions et réticences à l'exercice du droit à la grève, en rappelant que les services de santé ne sont pas assimilables à d'autres services publics et que le droit de recevoir les soins médicaux appropriés doit être maintenu et respecté, même en temps de grève.

De plus, notre association était d'avis que l'exercice du droit de grève devait se concilier avec les obligations des personnes et des groupes directement ou indirectement affectés par l'exercice de ce droit.

En effet, la loi sur les services de santé et les services sociaux rend le CMD responsable envers le conseil d'administration de l'établissement du contrôle et de l'appréciation des actes médicaux et dentaires posés dans les établissements et le tient également responsable du maintien de la compétence des médecins et dentistes exerçant dans l'établissement à un niveau suffisant pour assurer des services de qualité à la population (article 76).

Pour concilier le poids de la responsabilité que peut encourir le conseil des médecins et dentistes et l'exercice du droit de grève, il est indispensable que ce groupe, d'ailleurs reconnu par la loi, ait à jouer un rôle actif important dans la détermination des services à maintenir lors d'un conflit de travail dans le secteur hospitalier.

D'autres facteurs militent aussi en faveur d'un rôle actif du CMD, tels que la compétence à donner une expertise d'ordre médical et la position du conseil des médecins et dentistes en tant que tierce partie dans les conflits administration-syndiqués.

Le rapport Martin-Bouchard proposait la création de deux organismes ayant pour tâche de déterminer les services essentiels: 1) un comité mixte permanent chargé de tenir à jour une liste des services essentiels, soit la proposition 51 ; 2) un comité protecteur de bénéficiaires constitué par l'Office des professions, soit la proposition 54.

Le projet de loi no 59 n'a pas retenu la proposition 51 visant la création d'un comité mixte permanent et la proposition 54 visant la création d'un comité protecteur des bénéficiaires n'a pas été entérinée totalement. Certes, l'article 99i de ce projet de loi propose la création d'un conseil sur le maintien des services de santé et des services sociaux. Il s'agit évidemment d'un des éléments les plus importants de cette nouvelle loi. Ce conseil, toutefois, n'est pas formé par l'Office des professions, tel que le proposait la commission Martin-Bouchard, mais par le juge en chef du Tribunal du travail après consultation de la Commission des droits de la personne et d'autres personnes ou organismes.

Nous croyons qu'il aurait été préférable de retenir la proposition des commissaires Martin et Bouchard visant à octroyer à l'Office des professions la responsabilité de former ce conseil, étant donné la composition de cet office et son caractère reconnu de représentativité particulièrement dans les domaines médicaux, hospitaliers. A tout le moins, l'association des médecins et dentistes estime qu'elle doit être consultée lors de la formation de ce conseil sur le maintien des services de santé et des services sociaux et qu'au moins un membre de notre association ou des CMD qu'elle regroupe doit en faire partie.

Nous estimons également que les pouvoirs de ce conseil sur le maintien des services sont pour le moins limités. La commission Martin-Bouchard, dans son rapport, avait proposé un rôle beaucoup plus actif. Ce rôle actif du conseil nous apparaît essentiel si l'on veut éviter que soient perpétuées les règles antérieures et que la santé publique soit mise en péril.

La proposition 59 du rapport Martin recommandait que le conseil forme des sous-tables provinciales, ce qui aurait eu pour effet de prendre en considération les besoins locaux.

La proposition 71 du rapport Martin donnait au conseil le pouvoir d'évaluer les services essentiels décrits dans les avis syndicaux et si le conseil jugeait les services décrits comme insuffisants, il devait tenter une médiation obligatoire visant à concilier les positions des parties locales (proposition 72).

En cas d'échec de la médiation, on prévoyait la publication de l'évaluation et l'indication des insuffisances (proposition 73).

De plus, la proposition 74 donnait au conseil de protection des bénéficiaires le pouvoir de recommander au lieutenant-gouverneur en conseil d'adopter un arrêt décrétant que le droit de grève soit différé jusqu'à ce que le syndicat ait soumis une entente ou une liste de services jugée suffisante.

Le comité protecteur, par la proposition 80, pouvait recommander la suspension du droit de grève ou la présentation d'une requête en injonction si les services déterminés n'étaient pas assurés.

Aucune des propositions précitées n'a été retenue par le projet de loi no 59. Le pouvoir du conseil sur le maintien des services se limite à l'information du public, à la consultation d'experts et à la vérification du maintien des services déterminés, selon l'article 99i, paragraphe 3. Quant à la consultation d'experts, la proposition 82 de la commission Martin-Bouchard était beaucoup plus claire car elle nommait certains organismes, tels la Commission des droits de la personne

et les conseils de médecins et dentistes, tandis que le paragraphe 3 de l'article 99i est beaucoup plus général et ne prescrit que la ratification du choix des experts par le juge en chef du Tribunal du travail.

Nous croyons que le conseil sur le maintien des services, constitué par l'article 99i, n'a pas tous les pouvoirs nécessaires à la réalisation d'objectifs réels et pratiques, telles l'évaluation progressive des soins à dispenser dans un établissement donné et la détermination des services médicaux ou hospitaliers à assurer. Ce conseil n'a que des pouvoirs de contrôle, mais non de détermination ni d'évaluation.

La médiation obligatoire proposée par la commission Martin-Bouchard, si les services déterminés étaient jugés insuffisants, permettait d'en arriver à un compromis ou à une solution plus juste pour la population nécessitant des services de santé.

Le projet de loi no 59, au lieu d'assujettir les parties au contrôle d'une tierce partie, quant à la détermination des services essentiels, ce qui aurait permis que le public ne soit pas l'otage des parties, établit à l'article 99j que les services à maintenir seront déterminés par entente entre les parties.

S'il n'y a pas d'entente, l'association accréditée devra transmettre à l'autre partie et au conseil sur le maintien des services, une liste décrivant les services qu'elle entend maintenir. C'est la liste des services déposée qui fera la loi des parties, à moins d'entente ultérieure.

En toute déférence, nous ne croyons pas qu'il y ait grand changement entre ce projet de loi 59 et les articles 7 et 55 de la loi visant à assurer les services de santé et les services sociaux essentiels en cas de conflit de travail, mieux connue comme étant la loi 253.

L'article 99i assujettit le droit de grève à la nécessité du dépôt de la liste visée à l'article 99j ou d'une entente entre les parties. Nous croyons que l'expertise des services à maintenir et de la quantité des effectifs nécessaires doit être confiée à une tierce partie dont la connaissance du milieu et de l'expertise puisse la guider dans la détermination de tels services.

Seuls les besoins de la population doivent servir de critère, et pour assurer cette détermination des services à maintenir en fonction des besoins de la population, l'expertise doit nécessairement être faite par des personnes compétentes et douées dans ce domaine, ne subissant pas les tensions aussi déformatrices que les parties en conflit.

Le projet de loi 59 ne prévoit pas d'évaluation des services à maintenir, d'une façon progressive, alors qu'il est reconnu qu'au cours d'une grève, il peut survenir des faits qui nécessitent des changements au niveau des besoins à combler.

Le conseil sur le maintien des services devrait, à tout le moins, pouvoir recommander la suspension de l'exercice du droit de grève lorsque la santé publique est en danger, même si l'article 99i prévoit que le lieutenant-gouverneur puisse le faire proprio motu.

En effet, c'est plus souvent au niveau local que sur la colline parlementaire, que l'on peut se rendre compte d'une situation périlleuse pour les malades, sans compter qu'un tel pouvoir de recommandation accroîtrait l'autorité tout au moins morale du conseil, et éliminerait les accusations d'ingérance politique qui ne manqueront pas de faire surface aussitôt que le conseil exécutif exercera les droits prévus au deuxième alinéa de l'article 99i.

Nous croyons de plus que la proposition 71 du rapport Martin-Bouchard, relative à l'évaluation des services essentiels décrits aux avis syndicaux, devrait être retenue car, même s'il y a entente entre les parties du dépôt d'une liste des services que le syndicat entend maintenir, et même si le conseil sur le maintien des services vérifie que ces services soient assurés, cette disposition ne garantit aucunement que les services déterminés soient suffisants, eu égard au besoin des patients et malades.

Enfin, et brièvement, en ce qui a trait à l'information du public, l'article 99e du projet de loi 59 crée un conseil d'information sur les négociations. Les pouvoirs octroyés à ce conseil ne sont pas énormes. Il ne nous apparaît pas que ces informations seront utiles au public en général à moins que l'individu informé ne soit touché directement par le conflit. (15 h 30)

II nous semble qu'il serait plus utile d'informer avant tout et de manière préférentielle tous les groupes d'individus, soit les syndiqués, les cadres et les adjoints, les médecins et autres qui travaillent à l'établissement et ce, au fur et à mesure de la teneur des négociations ainsi que des écarts séparant les parties.

Dans le cadre actuel et avec la lenteur que connaissent souvent les communications, il pourra S'écouler de longues périodes avant que les renseignements précis sur la situation ne soient connus de ceux qui en ont vraiment besoin dans l'exercice de leurs fonctions.

Somme toute, nous estimons que les dispositifs prévus par le projet de loi no 59 manquent d'autorité en ce qui a trait au domaine médico-hospitalier qui, à notre humble avis, ne peut être assimilé aux autres activités dites publiques et/ou parapubliques.

Il ne s'agit pas d'abolir le droit de grève qui, soit dit en passant, n'existe ni en Ontario, ni en Alberta dans le domaine des hôpitaux et, de façon bien encadrée, dans les autres provinces (voir page 153 du rapport Martin-Bouchard), mais bien de maintenir à un niveau suffisant les services de santé auxquels les citoyens ont droit en tout temps.

C'est pourquoi notre association, dont les membres se considèrent comme tierces parties aux conflits administration-syndiqués, s'est fait un devoir de vous faire connaître son point de vue et ses suggestions.

A nouveau, nous vous remercions de nous avoir invités et entendus et vous rappelons notre entière disposition.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Lambert. Maintenant, nous entendrons le mémoire de la Corporation professionnelle des médecins le Dr Roy.

Corporation des médecins du Québec

M. Roy (Augustin): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre, nous vous remercions de nous donner l'occasion de nous faire entendre brièvement sur le projet de loi no 59. Vous verrez que nous avons adopté une attitude très pragmatique pour respecter l'économie de la loi. Nous notons que nous avons déjà fait nos représentations à la commission Martin-Bouchard. Nous avons déjà également fait des remarques en ce qui concerne ce rapport Martin-Bouchard. Nous avons également émis des remarques lors de l'assemblée annuelle de la corporation, tenue il y a deux semaines et qui seront publiées dans le bulletin actuel de la corporation, qui sera mis sous presse bientôt.

Vous noterez que le ton de notre mémoire, qui est très court, est peut-être un peu plus politique que celui de mes confrères de l'Association des conseils de médecins et dentistes, mais n'y voyez aucune partisanerie. Je suis rendu à prendre mes précautions, parce qu'en fait, avoir des propos politiques ne veut pas nécessairement être partisan, cela veut tout simplement dire s'occuper des choses de l'Etat et de la nation.

Vous verrez que...

M. Johnson: Vous avez déjà de l'expérience dans ce domaine, docteur.

M. Roy (Augustin): Vous verrez, d'ailleurs, que nous commençons par un message évangélique que reconnaîtraient sûrement les députés de Saint-Henri, Chauveau et Gaspé. Il y a des choses intéressantes dans l'évangile, comme dans la Bible et le Coran. Dans l'évangile d'hier, Jésus disait, et je cite: "Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades".

En suivant le même raisonnement, on peut affirmer que ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin de l'hôpital, mais les malades. Or, la maladie peut frapper en tout temps et en tout lieu, qu'on soit riches ou pauvres, forts ou faibles. C'est à ce moment critique que tous les malades veulent, sans distinction d'âge, de sexe, de race, de rang social ou d'autres considérations, des services médicaux immédiats prodigués par la personne la plus compétente et au meilleur endroit.

Comment alors concilier ce droit aux services de santé garanti par la loi avec l'exercice du droit de grève dans les centres hospitaliers, alors qu'il s'agit de choses, en apparence, incompatibles? Le but avoué d'une grève est de faire du tort, de causer au moins des ennuis et des inconvénients sérieux, tandis que le but de recevoir et de traiter les malades est de vouloir les aider. C'est le défi auquel l'Etat et les syndicats doivent faire face en ayant toujours à l'esprit que le bien commun doit avoir préséance sur les intérêts individuels.

Nous sommes tout à fait d'accord avec l'intention du gouvernement d'établir des règles du jeu particulières, bien connues à l'avance, en ce qui concerne les négociations des conditions de travail dans les secteurs publics et parapublics. Sans minimiser l'importance de tout le chapitre V A du projet de loi 59, nous limiterons nos commentaires aux articles 99j et 99i, dans le contexte unique des établissements de santé.

Nous notons d'abord qu'il n'est plus question d'ententes sur les services essentiels, mais plutôt sur les services à maintenir en cas de conflits de travail et sur la façon de les maintenir. Pour nous, il s'agit de la même chose exprimée en termes différents. Il est évident que la loi fait appel à la bonne foi et au sens des responsabilités des parties en cause. Il ne faut toutefois pas verser dans l'angélisme et s'imaginer que la loi va changer subitement les moeurs et les attitudes trop souvent déplorables et mesquines. Le gouvernement doit se souvenir des événements du passé et éviter toute forme de naïveté.

Est-il nécessaire de lui rappeler qu'il a été élu pour gouverner et qu'il doit user de fermeté lorsque nécessaire? Donner aux parties la chance de s'entendre sur les services à maintenir est important et tout à fait logique. C'est sûrement l'idéal à atteindre. Mais ajouter qu'à défaut d'une entente, c'est le syndicat qui décide seul de l'établissement de cette liste, c'est sombrer dans l'illogisme, jouer avec le feu et courir au désastre.

Certains traiteront ces propos d'alarmistes. Nous les pensons réalistes. Nous aimerions bien nous tromper et être témoins de la grande maturité des syndicats. Hélas! les arrêts de travail et les grèves illégales qui se produisent régulièrement dans les hôpitaux nous ramènent vite à la réalité.

Appartient-il, en effet, aux employés syndiqués ou cadres d'un hôpital de déterminer si une personne a besoin de soins ou non? Quant à nous, nous n'hésitons pas à affirmer qu'il s'agit là d'une responsabilité médicale. C'est au médecin que revient le rôle difficile de décider de l'admission ou non d'un malade dans un hôpital, après avoir procédé à son examen. Quand une personne va à l'hôpital, c'est parce qu'à son avis elle a besoin d'aide. En cas de conflit, comme en tout temps d'ailleurs, le médecin doit déterminer si les services demandés sont essentiels, c'est-à-dire indispensables et par le fait même obligatoires, parce qu'omettre de les fournir pourrait avoir des conséquences graves sur la santé et même la vie de cette personne. Chaque cas devient un cas particulier.

On ne peut donc établir les services à rendre en pourcentage et, pis encore, fixer ce pourcentage pour une période de temps, la situation variant de jour en jour. L'important, c'est qu'il soit accepté que toute personne se présentant à l'hôpital puisse être examinée par un médecin qui doit décider s'il est nécessaire de donner des soins à cette personne ou non. Dans l'affirmative.

il doit être possible de fournir les soins requis. A cause du rôle important du médecin et des conditions très variables d'un hôpital à un autre, nous croyons que la loi aurait des meilleures chances d'être bien appliquée si l'entente prévue au premier paragraphe de l'article 99j était conclue après consultation du conseil des médecins et dentistes de l'établisement, c'est-à-dire au niveau local.

La Loi sur les services de santé et les services sociaux confère une entité juridique au conseil des médecins et dentistes. Nous estimons que les parties en cause doivent utiliser son expertise et demandons respectueusement que la loi soit amendée en ce sens.

Comme nous l'avons mentionné auparavant, le libellé du deuxième paragraphe du même article 99j nous rend fort sceptiques. Il est basé uniquement sur la bonne foi de la partie syndicale. Si cette bonne foi n'existe pas, les règles du jeu seront complètement faussées dès le départ. Or, l'expérience du passé nous laisse perplexes et nous fait même soupçonner qu'il sera fort difficile d'en arriver à une entente négociée si la loi permet à une des parties d'établir seule sa liste des services à maintenir.

L'intérêt de cette partie pourrait vraisemblablement être de ne pas faire d'efforts exagérés pour chercher à s'entendre. Nous serions plutôt portés à suggérer que si l'entente s'avère difficile, le conseil visé à l'article 99i soit tenu d'intervenir comme médiateur avant la décision finale et, ensuite, d'informer le public de la situation. La partie fautive serait alors clairement identifiée.

Il est de notre devoir de donner notre totale approbation au deuxième paragraphe de l'article 99i. Le gouvernement est responsable de la santé publique. Il doit avoir le courage de suspendre l'exercice du droit de grève lorsque la santé de la population est mise en danger. Ne pas le faire serait faire preuve d'irresponsabilité.

On connaît le sort que l'électorat réserve généralement à un gouvernement mou et impuissant. Le gouvernement fait bien également d'abolir les amendes excessives et les recours exagérés aux injonctions. Il doit cependant être réaliste et établir des peines pour les syndicats et/ou les syndiqués récalcitrants. Il ne nous appartient pas de suggérer des sanctions possibles. Dans les cas d'employés cependant, la suspension ou le congédiement pourrait être des moyens dissuasifs fort efficaces pour ceux qui ne voudraient pas obéir à la loi.

Nous demandons au gouvernement d'être juste et ferme à la foi et de résister à toute forme de chantage, quelle que soit sa provenance. Il peut paraître noble de faire confiance aux syndicats qui promettent soudainement de se comporter de façon responsable et correcte. Il ne faut cependant pas être dupe et avoir la foi absolue dans ces élans subits de sincérité.

Le gouvernement est responsable du bon fonctionnement de la société. Il sera jugé à ses oeuvres. Nous faisons confiance à l'intégrité et à la compétence du ministre du Travail et de la

Main-d'Oeuvre et l'assurons de toute notre collaboration s'il respecte les règles du jeu qu'il aura lui-même établies.

Nous espérons ne plus jamais revivre les épisodes de 1972 et de 1976 entre autres, et misons sur le bon sens des dirigeants syndicaux, qui n'ont sûrement pas l'intention de se suicider et savent, en effet, que le public ne leur pardonnerait plus jamais les incartades du passé.

Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci, Dr Roy. M. le ministre.

Remarques générales

M. Johnson: Merci d'abord de vos deux exposés.

Vous soulevez le problème de fond, qui est le suivant et qui est double, celui du paradoxe que représente la notion de services essentiels dans un contexte de crise, dans un contexte de relations de travail où quelqu'un a décidé de procéder à la grève, de telle sorte qu'on peut se demander, si on définit ce que sont les services essentiels pendant une grève: Qu'est-ce que c'est pendant les deux ans qui précèdent? Ce n'est pas essentiel ce qui se fait dans cet hôpital. C'est cela le grand paradoxe que de définir des services essentiels dans le secteur hospitalier.

A partir du moment où on sait que, ce paradoxe existe, je pense que cela ne doit pas nous empêcher d'essayer d'y trouver une solution qui postule une première chose, soit que le droit de grève existe dans le secteur hospitalier comme ailleurs, que le gouvernement a décidé de ne pas le remettre en cause en vertu du principe que même s'il n'existait et que cette absence de droit donne lieu à l'exercice de la grève dans un contexte d'illégalité, les problèmes ne seraient pas réglés pour autant.

Le deuxième aspect du paradoxe que pose la question des services essentiels, c'est celui de savoir qui va déterminer ce que sont les services essentiels. Comme membre de la corporation et membre d'un conseil de médecins et dentistes, je comprends les préoccupations des représentants qui nous ont adressé ces mémoires. Il est très clair que le jugement d'hospitaliser une personne ou pas est un jugement de nature médicale. Je peux difficilement concevoir qu'on présume que c'est quelqu'un d'autre, finalement, qui a une formation médicale qui va décider qui sera hospitalisé et qui ne le sera pas.

Comment en pratique tout cela peut-il se résoudre et qu'est-ce que ce qu'on a essayé de faire par ce projet de loi? C'est d'abord de retirer d'un champ de négociabilité la question des services essentiels au-delà de ce qui est réglé entre les parties. On peut présumer qu'un directeur d'hôpital responsable — je pense qu'on doit présumer que l'ensemble de cela — ne signera pas une entente avec un syndicat ou des syndicats qui ne comprend pas une analyse de la situation vue par l'oeil des médecins également. En l'absen-

ce d'entente, nous nous en remettons à la liste syndicale en faisant cette double présomption que le syndicat est capable, de façon responsable, d'agir de façon responsable, nonobstant l'historique que nous a donné le docteur Roy et, deuxièmement, est très conscient — comme il le dit lui-même à la fin de son texte — que cela pourrait être suicidaire pour lui que d'agir de façon irresponsable.

Ce serait très facile pour le gouvernement et pour cette assemblée de décider d'abolir le droit de grève dans le secteur hospitalier, et je pense même que ce serait une mesure extrêmement populaire au Québec. Je ne suis pas sûr que ce serait une mesure, cependant, qui respecterait l'évolution sociale et le type d'évolution sociale qu'on souhaite.

Mais à partir du moment où un syndicat n'est pas parvenu à s'entendre avec la direction de l'hôpital, on peut présumer que la liste des services essentiels qu'il soumettra, étant donné que le droit de grève dépend de cette liste qu'il dépose, vaudra quelque chose, c'est dans cette perspective qu'il faut envisager les articles 99 et suivants. (15 h 45)

La motivation pour le syndicat ou l'incitation à établir une liste de services essentiels qui tient debout vient, d'une part, d'un sens des responsabilités qu'on peut présumer et, d'autre part, du fait qu'il sait très bien que la sanction d'une attitude irresponsable, c'est la suspension du droit de grève, au niveau local, plutôt que de façon générale.

Le Dr Lambert a soulevé la question et a insisté beaucoup sur la question du comité que proposait Martin, celui de la protection des bénéficiaires, qu'il trouve un peu, je pense, émasculée dans notre projet de loi. Il est vrai que nous avons décidé, dans ce projet, de ne pas donner un rôle de médiation à ce comité pour une raison fort simple, c'est qu'on ne veut pas que les listes qui s'échangent soient des positions de négociations. Plaçons-nous bien concrètement dans ce qui arriverait dans le contexte où, possiblement, il pourrait y avoir une grève dans le secteur hospitalier. L'hôpital va avoir tendance à dire: Pour moi, les services essentiels, c'est 98,3% des effectifs dans tous les services. Le syndicat va peut-être avoir tendance à dire que c'est 10% et ils peuvent partir de là et "négocier", ce que, comme médecins, on peut trouver aberrant, mais que, comme témoins d'une évolution sociale qui est un peu chaotique, on peut comprendre, même si on se l'explique mal parfois.

Si ce comité-là était effectivement un comité de médiation, ce à quoi on pourrait assister, c'est effectivement cela, des positions de négociation. Cela m'apparaît dangereux. C'est un peu une notion de "last offer", si vous voulez, qu'on introduit. On dit: Les parties s'entendent; si elles ne s'entendent pas, il y a une liste syndicale et, si la liste syndicale est insuffisante, il y a suspension du droit de grève.

Avec les balises que les parties se donneront lors de rencontres qui auront lieu au cours de l'été, avec la nécessité pour le syndicat et/ou l'hôpital avec le syndicat, six mois avant l'expiration du droit de grève, de déposer l'entente ou la liste, on peut donc présumer qu'il y a là au moins les moyens de définir, dans un premier temps, à partir d'une connaissance la plus concrète possible, ce que sont en gros des services essentiels.

On va répondre à cela que la situation des services essentiels dans un hôpital, c'est une chose très mouvante; c'est vrai, cela dépend du taux d'occupation. Une liste établie au mois de janvier 1979 ne tiendra pas nécessairement compte d'une épidémie de méningite, à l'automne 1979, à l'hôpital de Mégantic. J'ai de bonnes raisons de croire que, s'il y a eu une entente entre les parties, s'il y a une épidémie de méningite, il n'y aura pas de problème. S'il n'y a pas eu d'entente entre les parties, on peut en revenir à une notion du taux d'occupation et du taux d'activité de l'hôpital et finalement, à un jugement, qui est: Est-ce que, oui ou non, la santé publique est en danger? Il y a les conséquences que cela implique en vertu des articles 99 et suivants.

J'aurais maintenant une question précise à poser au Dr Lambert et je laisserai aux gens de l'Opposition, et à mes collègues aussi — je sais qu'ils ont des questions à poser — le soin d'y revenir. Le comité d'information sur les services essentiels nommé par le juge en chef en vertu des articles 99 et suivants est un comité qui n'a pas de pouvoir de recommandation. Il pourra toujours le faire s'il le veut, remarquez, mais je peux peut-être vous éclairer. La raison pour laquelle on ne lui donne pas ce pouvoir, c'est parce que je pense que cela aurait été un "challenge " de trouver du monde qui y siégerait. Je ne connais pas beaucoup de citoyens au Québec qui ont le goût de dire: Je vais me transformer en appréciateur des services essentiels et en "recommandeur" du droit de grève, de la suspension ou de la non-suspension au gouvernement. Il faut aussi être réaliste. On peut faire une bien belle structure et donner beaucoup de pouvoir, mais, si on n'a personne à mettre dedans, on peut avoir des difficultés, d'où l'importance, à nos yeux, des consultations. Vous nous demandez en fait, si je comprends bien, que votre association soit parmi les organismes consultés au niveau de la formation et au-delà de cela, vous demandez même qu'un membre désigné par votre association fasse partie de ce comité et je vous avoue que, compte tenu des orientations et des préoccupations de votre association, je trouve que c'est une suggestion extrêmement intéressante. On aura peut-être à y revenir un peu plus tard. Voilà, c'est ce que j'avais à dire pour maintenant.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. Comme le ministre a pris avantage de cette première séance d'audiences pour y aller de quelques commentaires, je m'en voudrais de ne pas l'imiter au moins, en partie, pour lui dire que l'Opposition officielle

aborde la discussion de cette question des négociations particulièrement dans le secteur des affaires sociales, avec un sentiment inusité de sympathie et de solidarité. La première idée qui nous vient à l'esprit est de souhaiter bonne chance au gouvernement, quelles que soient les options qu'il prenne, puisqu'en lui souhaitant bonne chance, nous souhaitons bonne chance à l'ensemble de la population du Québec qui, au moment d'un éventuel conflit qui déboucherait sur des arrêts de travail, serait la première à bénéficier du succès gouvernemental ou du succès d'une nouvelle formule.

Cela étant dit, je suis frappé que précisément le ministre responsable de la présentation de ces lois à l'Assemblée nationale, ait manifestement eu à l'esprit plus de commentaires de son cru que de questions. Cela ne m'étonne pas outre mesure, M. le Président, parce que j'ai l'impression, d'ailleurs je l'ai dit à l'Assemblée nationale la semaine dernière, que ces deux jours sont beaucoup plus une soupape de sûreté permettant à différents groupes de se faire entendre une dernière fois avant que la porte ne soit fermée pour deux ou trois ans, mais que toutes les décisions ont été prises, que la plupart des groupes qui vont se faire entendre, en public cette fois-ci, se sont déjà exprimés devant les commissaires de la commission Martin-Bouchard avec un succès variable, qu'ils se sont exprimés une deuxième fois, privément, face au ministre et à d'autres de ses collègues, il y a environ un mois, avec un succès un peu moins évident cette fois-là. Leur succès prévisible dans la troisième apparition qu'ils font devant les auditeurs du côté gouvernemental est peut-être moins destiné que jamais à se traduire par des changements dans la loi, puisque la loi est déjà déposée et que notre calendrier législatif suppose que dès jeudi de cette semaine, la deuxième lecture sera faite.

C'est donc dire qu'à partir de la législation que nous avons devant nous, nous pouvons essentiellement procéder à une évaluation avant le fait des probabilités de succès des options qu'a retenues le gouvernement et, à cet égard cependant, les audiences auxquelles nous assisterons sont extrêmement valables puisqu'elles nous permettront d'évaluer les réactions de différents groupes, face à ces projets de législation. C'est en cela que je vois le mérite de ces audiences, soit de permettre, d'apprécier si oui ou non les hypothèses de base qui ont servi au gouvernement dans la rédaction de ses projets de loi... je parle des amendements au Code du travail comme de la loi 95, mais certainement davantage de l'amendement au Code du travail. Cela est extrêmement utile.

Pour ce qui est de l'hypothèse fondamentale dont le ministre vient de faire état, à savoir qu'il faut essentiellement s'en remettre au sens des responsabilités des parties en présence, je crois personnellement, M. le Président, qu'il est toujours opportun de faire appel au sens des responsabilités et il sera toujours nécessaire d'y compter, pour une part au moins, mais que cet appel au sens des responsabilités, à moins d'être étayé par des précautions soigneusement conçues, risque d'être insuffisant.

En effet, s'en remettre au sens des responsabilités, presque seulement, c'est supposer qu'il n'y en avait pas avant, ni chez les syndicats en cause, ni du côté de l'administration des établissements ou à supposer que ce sens des responsabilités, même s'il était présent, était, de toute manière, insuffisant. C'est tenir, au départ, pour acquis que la législation qu'on se prépare à faire adopter sera, elle aussi viciée à sa source; en particulier, la proposition selon laquelle une des parties à une négociation peut, unilatéralement, déterminer ce en quoi consistent les services essentiels ne doit certainement pas être présentée comme une approche nouvelle au problème.

Aucune loi, aucune mesure administrative, aucune stratégie de négociation n'ont jusqu'à maintenant empêché les syndicats et les syndiqués qui le désiraient de faire preuve de toute la responsabilité possible et imaginable. Il n'est même pas nécessaire de supposer qu'ils n'avaient pas de sens des responsabilités pour faire la preuve que cette attitude n'a pas été suffisante, dans un contexte de conflit pour assurer la provision ininterrompue de services dits essentiels.

Je me demande si le ministre, qui n'a pas été très tranchant sur la question fondamentale du droit de grève et de son exercice dans tout ce secteur, ne tend pas un piège aux organisations syndicales en leur faisant ce cadeau empoisonné d'un pouvoir de déterminer unilatéralement les services essentiels, de façon à pouvoir, à l'issue d'une nouvelle ronde de négociations, dire qu'il a fait la preuve que la bonne foi ou le sens des responsabilités étaient insuffisants.

Nous aurons l'occasion demain d'entendre les organisations syndicales et de leur poser directement la question. Mais, encore une fois, le sens des responsabilités qu'on les invite à avoir, s'il était dans le passé suffisant pour assurer le succès, il l'aurait déjà assuré dans le passé, parce que personne, ni rien, ni aucune loi surtout, n'empêchait qui que ce soit d'agir de façon responsable. C'est le contexte du conflit, son caractère global et général, à travers tout le Québec, qui, à mon avis, sont responsables plus que tout autre facteur, de confrontations qui dépassent les individus qui sont impliqués, qui dépassent leurs pouvoirs de se comporter précisément de façon responsable.

Et, du côté d'un réaménagement de la structure de la négociation, d'une nécessité qui me semble évidente de rapprocher cette négociation des gens qu'elle affecte des deux côtés de la table de négociation, loin d'avoir un progrès, on a, au contraire, une façon beaucoup plus accusée de confier au Conseil du trésor et au gouvernement non seulement le rôle d'un partenaire, mais le rôle de l'acteur principal du côté patronal, donc de confirmer que cette confrontation, si elle vient, sera massive, généralisée, et précisément de nature à échapper au contrôle d'à peu près tout le monde.

Quoi qu'il en soit, j'aimerais poser un certain

nombre de questions, M. le Président. La première que j'adresserais au Dr Lambert ou à ses collègues de l'Association des conseils de médecins et dentistes, c'est si, selon eux, et abandonnant pour quelques secondes le cadre presque prescrit par les lois actuelles ou les lois envisagées, cette distinction entre des services essentiels et des services non essentiels leur apparaît suffisamment valable pour fonder un mécanisme quelconque d'intervention permettant d'éviter le pire.

Autrement dit, est-ce que cette distinction est suffisamment capable de s'articuler, même par un moyen qu'eux concevraient, qui pourrait être différent de celui qui est prévu dans la loi, pour constituer une pierre d'assise acceptable pour permettre, d'une part, le maintien du droit de grève et de l'exercice de la grève dans le secteur des affaires sociales, et, d'autre part, permettre que le public ait un minimum de garanties quant à ce qui est véritablement indispensable, à un moment donné?

Le Président (M. Boucher): Dr Lambert.

M. Lambert: Je demanderais au Dr Marc Bouchard de répondre.

Le Président (M. Boucher): Le Dr Bouchard. (16 heures)

M. Bouchard (Marc): A notre avis, il est extrêmement difficile, dans le secteur de la santé, de distinguer les services essentiels des services non essentiels. Il y a probablement des services de luxe dans le secteur de la santé, mais je pense que, lorsqu'on est en conflit, cette notion disparaît complètement, c'est pour cela que nous croyons que la meilleure façon de protéger le malade, c'est qu'il y ait une liste indicative au niveau provincial — ce serait possible pour les choses très nettes — mais qu'il y ait aussi un mécanisme qui puisse assurer l'évaluation de la situation dans les hôpitaux au jour le jour. Suivant l'impact de la grève, de son étendue, ce qui devient un service essentiel accessible ou non peut varier beaucoup.

Si, dans une région, par exemple, c'est le seul hôpital et qu'il ne fonctionne plus du tout, cela peut être très grave pour certains malades. Dans une autre région où il y a plus de ressources, l'arrêt complet d'un hôpital, peut être marginal, jusqu'à un certain point.

Pour répondre d'une façon précise à la question, je pense que c'est possible d'établir une liste de services dits essentiels, par pathologie, c'est-à-dire où l'intervention médicale est exacte, mais cette liste va nécessairement faire appel continuellement à des exceptions, parce que, comme vous le savez, la médecine, ce n'est pas une science, c'est un art. Ce qui nous force à pratiquer cet art, c'est le malade qui se présente. Je ne sais pas si cela répond à la question de M. Forget.

M. Forget: Croyez-vous que des syndiqués de bonne foi, mettant de côté la question de bonne foi ou de sens des responsabilités, des syndiqués qui ne sont pas médecins, mais qui connaissent bien le milieu hospitalier parce qu'ils y travaillent, soit à titre d'infirmiers ou d'infirmières, de techniciens ou a tout autre titre, ont la compétence nécessaire pour faire cette définition précise, dans des circonstances bien particularisées?

M. Bouchard: Je suis persuadé que non. C'est comme si vous voulez construire un pont. Je n'ai pas l'impression que le manoeuvre qui contribue à la construction du pont puisse décider, de bon aloi, ce qu'il faut faire. Or, pour décider si un service est essentiel, urgent et nécessaire immédiatement pour un malade, cela prend une certaine expertise. Cette expertise n'appartient, comme on le dit dans notre mémoire, ni aux cadres, ni au personnel syndiqué, ni aux techniciens, mais elle appartient aux médecins, évidemment sous l'impulsion de la demande du malade. C'est lui qui ressent ces malaises.

Evidemment, c'est accorder, ce faisant, certains pouvoirs aux médecins, mais tous les pouvoirs, comme vous le savez, peuvent être abusifs. Peut-être que le médecin, dans une telle situation, est le moins en conflit, parce qu'il y a très peu de médecins qui, au moment d'un conflit, sont en position de perdre des revenus. Je peux nommer les gens qui, au moment d'un conflit, sont en mauvaise position au point de vue de la rémunération, ce sont surtout les chirurgiens, les anesthésistes, les gens qui travaillent dans les laboratoires, mais cela affecte beaucoup moins tous les autres qui font beaucoup de bureau, cela peut même les aider dans certains cas.

M. Forget: Si je comprends bien, il y a deux éléments à votre position. Il y a, d'une part, le fait que vous êtes une tierce partie, comme conseil ou porte-parole du Conseil des médecins et dentistes et, d'autre part, l'élément compétence scientifique ou technique, si l'on veut, qui vous amène à dire: Nous devons avoir une contribution dans la détermination des services essentiels.

M. Bouchard (Marc): C'est cela.

M. Forget: Advenant le cas où votre point de vue ne se traduirait pas par une modification à la loi proposée par le gouvernement, c'est-à-dire que l'implication formelle au niveau de la Loi de l'Association des conseils de médecins et dentistes ne se ferait pas, est-ce que votre association a considéré ou serait prête à considérer la possibilité de faire tout ce que vous suggérez dans votre mémoire, mais à titre, en quelque sorte, volontaire et spontané?

Ce que je veux dire, c'est que rien n'empêche votre association, prétendument, de jeter les bases d'un plan d'action ou d'intervention strictement non officiel, mais suffisamment bien structuré pour s'exprimer en temps utile, pour faire ce que vous recommandez de faire, même si la loi ne le dit pas. Ce qui veut dire que le gouvernement serait, de toute manière, dans une telle circonstance, dans le contexte d'une action de sa part qui serait toujours précédée par une intervention de

votre association quant aux plans de services essentiels qui seraient déposés par les syndicats.

M. Bouchard: Vous me rappelez des souvenirs, M. Forget. Je pense qu'on l'a fait dans le passé.

M. Forget: Oui, mais de façon assez sporadi-que...

M. Bouchard: Oui, on l'a fait d'une façon moins systématique.

M. Forget: ... une façon peut-être très dramatique, une conférence de presse en parlant de la situation provinciale. C'est ce que j'ai à l'esprit, c'est quelque chose qui est beaucoup plus près de votre texte actuel, c'est-à-dire une intervention localisée et particularisée.

M. Bouchard: Oui, je pense qu'on pourrait toujours le faire, mais si on prend une décision, à savoir qu'il est nécessaire d'intervenir dans tel ou tel cas, et si on n'a aucun pouvoir pour intervenir, qu'est-ce que vous voulez? On va être paralysé, soit par les syndicats, par l'administration hospitalière, parce qu'il ne faut pas se faire d'illusion, si l'administration ferme une partie des salles d'opération, ferme des lits, ferme ceci, si les syndicats ne veulent pas fonctionner, les médecins, actuellement, n'ont qu'un pouvoir moral. Alors, le pouvoir moral, avant que sa force ne se manifeste, il faut que cela passe par le canal des journaux et des moyens d'information publique. Cela peut être assez long. Evidemment, les médecins ont toujours tendance à considérer le malade, d'abord, ce qui est un cas individuel, et c'est là que le tort est fait souvent. C'est à ce niveau que, souvent, il faut intervenir rapidement. Je ne suis pas sûr que, dans le passé, on ait pu le faire.

M. Forget: Vous dites, à la page 7 de votre mémoire, que vous ne voyez pas beaucoup de différence entre le projet de loi 59 et les articles 7 et 55 de la loi 253. Malgré tout, il y a des différences au moins formelles. Pourriez-vous expliquer en quoi cela ne consiste pas en des différences fondamentales quant à vous?

M. Bouchard: Je ne vois pas de différence en ce sens... C'est-à-dire qu'il y a une différence fondamentale, c'est que le pouvoir pour la détermination des services essentiels, pour l'ancienne loi, était aux mains de ('"establishment" classique de la société, c'est-à-dire les juges, les administrations hospitalières, les commissaires, tandis que, là, il passe complètement aux mains du syndicat, et, comme le disait avec justesse, je crois, le Dr Roy cela me surprendrait que, dans un cas où le conflit se durcisse, il n'utilise pas cela, je serais extrêmement surpris de cela. Evidemment, il est possible que le gouvernement, en proposant cela, gagne, mais il est aussi possible qu'il perde. Il n'est pas du tout sûr qu'en donnant plus de pouvoirs au syndicat, le résultat soit meilleur que dans l'autre cas où il y en avait davantage pour l'autre partie, parce que, comme vous vous souvenez, l'autre partie, dans d'autres cas, c'était tout à fait aberrant, il y a des gens qui demandaient plus de services en période de grève qu'il n'y en avait en période normale. Ce que je reproche un peu au projet de loi actuel, c'est qu'on fait peut-être trop pencher la balance du côté des syndicats. J'aimerais mieux avoir un petit peu plus de mesure, c'est-à-dire que ce soit... Je pense que la commission Martin, dans l'ensemble de ses recommandations, respectait la balance qu'il devait y avoir dans le pouvoir des différents groupes bien davantage que celui qui est proposé dans le projet de loi.

M. Forget: Une dernière question. Vous affirmez aussi dans votre mémoire, à peu près vers la fin, que même si les parties réussissent à s'entendre, vous n'êtes pas nécessairement rassurés pour autant, qu'il est en quelque sorte possible que l'administration d'un établissement et le syndicat local fassent sur les services essentiels une entente qui soit insuffisante pour protéger le public. Est-ce que vous avez déjà fait l'expérience de telles situations ou si c'est une conjecture gratuite en quelque sorte de votre part?

M. Lambert: C'est une affirmation, M. Forget, basée sur l'expérience vécue en 1972 et en 1976, et pour la plupart des membres de l'association ayant vécu ces périodes troublées, en 1972 et particulièrement en 1976, où, dans certains hôpitaux, il y avait soit-disant une entente et où, concrètement, si vous voulez, la population souffrait et où il y a des gens qui n'ont pas eu les soins auxquels ils avaient droit et auxquels ils auraient eu droit. C'est forts de cette situation réelle et concrète qui, en fait, a peut-être été mal décrite dans le public et mal portée à la connaissance du public que nous avons écrit cette liste. Cela a été réel, particulièrement en 1976, où le syndicat et l'administration soi-disant s'entendaient entre eux pour un service ou des services essentiels dans un établissement alors qu'on a vu mourir des patients, au-delà de 100, à cause d'un manque de services essentiels.

M. Forget: Pour bien préciser, dans ces cas-là, les ententes que vous jugez insuffisantes étaient respectées cependant?

M. Lambert: Etaient respectées.

M. Forget: Est-ce que vous croyez que c'était des cas nombreux?

M. Lambert: II y en a eu assez pour sentir gronder, dans les hôpitaux urbains, enfin, des réactions très violentes qui se préparaient. C'est à ce moment-là que nous avons senti le besoin — on l'a fait — de faire au mieux de notre inexpérience et, à l'occasion, en 1976, de proclamer, aux vues de tout le monde, qu'il était question d'une situation de guerre dans les hôpitaux, une situa-

tion de guerre qui, dans certains établissements, était réelle, de guerre en ce sens que des patients sont décédés et d'autres n'avaient pas les soins auxquels normalement, au front, sans avoir connu la guerre personnellement, la population civile a droit.

M. Bouchard: Je voudrais intervenir sur cette question, si vous me permettez, M. le Président.

La tactique syndicale influence aussi beaucoup le fonctionnement des hôpitaux et cela a été particulièrement le cas en 1976. J'ai l'impression, enfin, je suis un scientifique, j'aurais de la difficulté à prouver ça scientifiquement, que c'est beaucoup plus dommageable, pour la population en général, de faire fonctionner les hôpitaux, je ne sais pas, moi, à 45% pendant des mois et des mois comme cela a été le cas en 1976 que de faire une grève qui dure dix jours, ensuite c'est fini, ou même quinze jours, et qu'on n'en parle plus. Parce que les dommages pour le malade, ce n'est pas simplement le cas urgent, mais c'est le cas sur lequel on n'est pas intervenu et qui entraîne des dommages irréversibles. On pourrait citer de nombreux exemples. On en a parlé, d'ailleurs, à la commission Martin.

M. Raynauld: M. le Président, je voudrais ajouter une question.

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Je voudrais ajouter une question justement dans cette ligne de pensée.

La notion de services essentiels, pour moi, a l'air d'être une notion qui est basée sur le fait qu'il y ait une distinction entre des services qui doivent être maintenus et d'autres dont on peut se dispenser. Comme vous, après votre dernière observation, de l'extérieur, j'ai l'impression que les services essentiels ont bien plus trait au nombre de jours que ça dure qu'à la nature du service. Est-ce qu'à ce moment-là, il est possible d'imaginer une autre formule de services essentiels ou de définition de services essentiels? Je peux comprendre qu'on ne soit pas obligé de laver des vitres dans un hôpital. Cela, c'est clair; ça peut attendre un petit bout de temps, mais pour tous les services vraiment proches des soins, pour ma part, il me semble que c'est la durée qui est bien plus importante que la nature du service. Quant aux soins, je ne sais pas, moi, l'entretien, la nourriture, l'alimentation, ensuite, les soins aux malades par les médecins ou des choses semblables, je suis surpris qu'on en soit à discuter encore de cette vieille notion — je pense qu'elle est vieille — de services essentiels non pas en fonction, encore une fois, d'une durée, parce que j'ai un peu l'impression que ça se pourrait, en tout cas, sauf des exceptions — je pense qu'il y en a tout le temps là-dedans — une grève de trois jours pourrait être moins dommageable qu'une grève de plusieurs mois où on aurait maintenu des services soi-disant essentiels.

M. Bouchard: C'est tout à fait exact. Je pense qu'il faut distinguer les services urgents où l'intervention vraiment doit être immédiate pour éviter un dommage irréparable au malade, et il y a aussi des services qui, sans être absolument urgents, pour assurer une meilleure chance de guérison au malade, il faudrait intervenir immédiatement.

J'ai l'impression que si vous prenez un enfant, par exemple, en leucémie aiguë, si vous n'intervenez pas immédiatement, ça change son pronostic. Si vous prenez un homme qui fait de l'insuffisance cérébrale transitoire et qui devrait bénéficier d'une greffe, si vous la lui faites dans un mois, peut-être que dans un mois il sera mort. Ce sont toutes ces choses-là aussi qui sont difficiles à mesurer d'une façon scientifique, mais qui sont très réelles, parce qu'il y a beaucoup de cas pathologiques où la rapidité de l'intervention, même si ce n'est pas urgent, peut changer le sort du malade. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Raynauld: Oui. Maintenant, avez-vous essayé de définir ce que pourraient être des services essentiels, suivant cette notion de temps, par exemple? Sur quelle base pourrait-on définir des choses comme ça? (16 h 15)

M. Lambert: Ecoutez! Cela met en cause la relation patient-médecin. C'est l'individu qui a une douleur dans le thorax, qui a une petite bronchite et qui fait un infarctus. L'individu ne le sait pas; il se sent mal. S'il n'a pas accès à un médecin qui, normalement, est qualifié pour déterminer s'il s'agit d'une petite atteinte virale ou vraiment d'une pathologie qui va l'emporter, comme la maladie cardiaque, c'est très facile à défaire, cette relation patient-médecin. Sans vouloir jeter la pierre à la partie syndicale, quand on entend des déclarations de principe, d'intention comme celle-ci récemment: La population a une capacité de souffrance presque infinie et que le droit syndical, à ce moment-là, doit primer, cela nous effraie. Une capacité infinie de souffrance; ce sont des notions qui, pour nous, nous font, pour l'avenir, nous poser un tas de questions sur l'intention syndicale.

Il y aurait peut-être lieu de faire préciser ce que la partie syndicale entend par cela. Mais pour nous, cela se traduit par un arrêt, un blocage de la relation patient-médecin. Le patient a une douleur thoracique. Pour le syndicat, cela peut vraiment être quelque chose qui n'est pas essentiel. L'individu qui se présente à la porte d'un hôpital; il a une douleur thoracique. Vous reviendrez la semaine prochaine. Pour nous, une douleur thoracique peut vouloir dire l'antichambre de la mort ou le patient peut mourir quelque temps après, immédiatement, pour ne pas avoir reçu de soins, d'examens, de diagnostic, etc.

Le Président (M. Boucher): Docteur Roy.

M. Roy (Augustin): En fait, je voudrais faire quelques commentaires. Disons que la question du temps joue sûrement en ce qui concerne les dommages qui peuvent être causés lors d'un arrêt de travail.

Plus la grève dure longtemps, plus l'arrêt de travail dure longtemps, plus il y a risque de dommages irréparables. Mais, même si la grève ne dure qu'une ou deux journées, supposons qu'elle soit totale, elle peut également causer des dommages irréparables dans le cas d'individus, par exemple, qui se présentent à l'hôpital avec un infarctus du myocarde et qui vont décéder. C'est extrêmement fluctuant, la notion de temps en ce qui concerne les services essentiels.

En fait, ce qui est important, c'est de pouvoir permettre au malade d'être examiné par un médecin qui va déterminer s'il a besoin de soins ou non. Quant au reste, pour répondre à ce que le député de Saint-Laurent demandait tout à l'heure, c'est vrai que, dans le contexte de la grève de 1976, il y a eu des incidents malheureux dans des endroits où il y avait entente entre les parties. Mais, s'il y a eu ces incidents malheureux, c'était à cause de l'insuffisance de la loi 253 qui disait que, dès qu'il y avait entente entre les parties, il était présumé que les services essentiels étaient assurés. Or, les parties pouvaient s'entendre pour assurer 10% des services essentiels. Alors, il y avait quelque chose de fautif dans la loi elle-même. Je pense aussi, en répondant à une autre de ses questions, qu'on pourrait dire qu'à la limite, des syndiqués de bonne foi — c'est extrêmement important, de bonne foi — pourraient dire que certains cas sont essentiels alors que d'autres pourraient ne pas l'être. Par exemple, des cas d'obstétrique. Je pense qu'il n'est pas nécessaire d'être intelligent pour savoir qu'une femme est à la veille d'accoucher et de dire: C'est un cas essentiel; il faut qu'elle entre à l'hôpital. Dans le cas d'accidents de la route: les polytraumatisés avec multiples fractures.

Mais, dans d'autres cas, même avec la bonne foi, dans le cas d'un individu qui se présente de lui-même avec une douleur thoracique, le syndiqué, quelle que soit sa bonne foi et sa bonne volonté, n'a pas ia compétence pour déterminer si la personne a besoin de soins urgents ou non, de soins essentiels ou non.

M. Johnson: Docteur Roy, si vous me le permettez, je vais vous interrompre. Je pense que, nulle part, il n'est dit dans ce texte qu'on s'attend que quelqu'un d'autre qu'un médecin décide si une personne a besoin de soins ou non. On se comprend bien. Il faudrait quand même ne pas faire miroiter à travers la pièce ici l'image que c'est le syndiqué qui va décider si monsieur Un tel a besoin de soins, docteur Roy. Il n'a jamais été question de cela. Ce dont il est question, c'est que la liste dont il s'agit sera ou négociée entre les parties ou encore ce sera la liste syndicale. Les médecins conserveront leur rôle dans chaque cas de poser des gestes. Si des médecins en fin de compte se rendent compte, dans une salle d'urgence, qu'effectivement il manque d'effectif dans une salle d'opération. Ce qu'on peut souhaiter, tout le monde, c'est qu'effectivement les techniciens, les gens qui s'occupent de désinfecter la salle, les techniciens de laboration qui servent de soutien aux médecins en salle d'opération, soient là pour les aider. Mais il n'est question nulle part qu'il y ait un syndiqué à la porte avec son casque FTQ, CSN ou CSD, qui décide que lui rentre, lui ne rentre pas. Il y a une façon aussi de présenter les choses.

M. Roy (Augustin): M. le ministre, je dois vous dire que ce sont malheureusement des événements qui se sont produits. Je me souviens très bien d'un cas qui s'est produit à Sainte-Justine où un enfant n'a pas eu une greffe reinale qui lui aurait sauvé la vie parce que des syndiqués à la porte lui ont refusé l'admission.

Il n'est pas question de blâmer une partie plutôt que l'autre, mais de tenter de trouver une solution qui favorise la population, parce que je pense qu'il y a une distinction bien nette qui doit être faite entre les services de santé et les autres services publics en cas de grève. Je pense bien que personne ne va se plaindre, et la population ne déplorera pas tellement que les employés, par exemple, du gouvernement, au ministère des Finances, ou du Revenu, les employés de l'impôt fassent la grève. Je pense que personne ne va déplorer que les fonctionnaires du gouvernement fassent la grève à l'impôt pendant un mois, deux mois, mais ils vont déplorer, par exemple, que les hôpitaux soient fermés pendant une semaine.

Je pense qu'il faut accéder aux désirs de la population et lui donner les soins accessibles, auxquels elle a droit. Il n'est pas question d'enlever le droit de grève nulle part et, dans notre mémoire, il n'est pas question non plus de recourir à l'arbitrage obligatoire, parce qu'on sait fort bien que les experts qui se sont penchés sur la question voient dans l'arbitrage obligatoire pratiquement la négation même de la véritable négociation collective.

Alors, je pense que le projet de loi, comme tel dans son ensemble, a énormément de bon. Tout ce qu'on cherche c'est d'essayer de bonifier encore et on croit que l'établissement des listes dans les hôpitaux, entre la partie patronale et la partie syndicale, devrait être fait avec la consultation des conseils de médecins et dentistes qui ont l'expertise voulue. C'est extrêmement difficile d'établir ces listes. Il faudra se garder un peu de jeu aussi pour tenir compte des situations extrêmement mouvantes. M. le ministre ayant déjà travaillé dans des salles d'urgence sait ce qui se produit. Il y a des fois où c'est actif, des fois où cela ne l'est pas. Il faudra aussi qu'on s'entende pour que, si la liste est uniquement une liste syndicale, que les gens de la région ne soient pas brimés injustement. Encore là, il faut tenir compte de considérations locales. A Montréal quelqu'un pourra peut-être aller dans un autre hôpital, mais dans un endroit où l'hôpital est à 40 milles, ou 50 milles, ce serait peut-être une tout autre question. J'ai tout de suite à l'esprit ce qui s'est passé il n'y a pas tellement longtemps, l'hiver dernier à l'hôpital d'Alma, qui a été paralysé pendant presque six semaines pour une question insignifiante, banale, idiote. Evidemment, je veux bien faire confiance aux patrons et aux syndiqués, mais je ne voudrais pas non plus être naïf et dire que le public ne sera

pas lésé lorsqu'il y aura un arrêt de travail dans les services de santé.

Le Président (M. Boucher): Merci, Dr Roy. M. le député de Richmond.

M. Brochu: M. le Président, sur le même sujet, j'aimerais revenir sur cette dernière question que vient de traiter le Dr Roy. Je me réfère à votre mémoire, Dr Roy, où vous indiquez à la page 2, tout au bas, que "l'important c'est qu'il soit accepté que toute personne se présentant à l'hôpital puisse être examinée par un médecin qui doit décider s'il est nécessaire de donner des soins à cette personne ou non. Dans l'affirmative, il doit être possible de fournir les services requis ". Vous avez fait état de certains cas qui se sont produits lors des derniers conflits majeurs. On pourrait également, de notre côté, vous citer des cas qui malheureusement se sont produits également, où des personnes ont eu à subir de graves préjudices dans de telles situations. Est-ce qu'on doit comprendre, de cette préoccupation, que vous exprimez ici, que vous seriez favorable, que vous désireriez que, dans la loi, on reconnaisse de façon générale un principe non négociable et essentiel sur ce point-là, au fait de l'accès possible du citoyen, qui prétend être malade, à son médecin pour un examen dans un centre hospitalier. Est-ce que vous voulez que ce soit reconnu dans le cadre de la loi comme un principe non négociable au point de départ, pour la protection du public.

M. Roy (Augustin): Je vais vous répondre, M. le député de Richmond que c'est exactement ce que nous avons dit dans notre mémoire, lorsque nous disons que les services essentiels ne doivent pas être négociables. Nous ne disons pas que la liste ne doit pas être négociable, mais on dit que lorsque quelqu'un se présente à l'hôpital, en danger pour sa vie ou sa santé et que c'est déclaré par un médecin, ce n'est plus négociable, on doit le soigner, on ne doit pas le laisser mourir; on doit trouver des mécanismes pour que cet individu ne soit pas mis à la porte ou qu'il soit obligé de s'en retourner chez lui pour mourir ou souffrir indûment des délais causés par l'arrêt de travail. C'est ça qu'on veut dire quand on dit que ça ne doit pas être négociable. On est d'accord pour que les deux parties s'entendent sur la négociation de listes de bonne foi, mais encore une fois, il n'y a pas de solution magique, de recette miracle qui va dire: Voici la liste des pathologies qui sont essentielles et celles qui ne le sont pas. Cela varie d'un endroit à l'autre, d'un individu à l'autre, selon que la grève est dure ou non, selon que les syndiqués sont de bonne foi ou non, selon que la grève est longue ou ne l'est pas et selon de multiples autres facteurs.

Je pense que c'est ça qu'il faut prendre en considération. Je voudrais en profiter pour désamorcer une attaque qui va peut-être venir des syndicats en ce qui concerne les médecins. Ce que je dis est complètement dénué de tout intérêt personnel de la part des médecins, il n'est pas question de conflit d'intérêts. On nous dit souvent: Vous autres, vous avez intérêt à ce qu'il n'y ait pas de grève dans les hôpitaux, parce que s'il y a une grève, vous perdez des revenus.

Je dois complètement me dissocier de tout propos semblable, parce que les médecins peuvent quand même prendre des congés en d'autres occasions et ce n'est pas une question de grève dans les hôpitaux de quelques jours ou même de quelques semaines qui va affecter terriblement leurs revenus. Alors, je voudrais quand même désamorcer ces affirmations des syndicats, en ce sens qu'il n'est pas question de conflit d'intérêts dans notre cas, nous sommes une corporation, nous défendons le public, les fédérations négocient pour les médecins. Nous disons ici simplement que nous prenons l'intérêt de la population et des malades. Nous allons assez loin en gardant le droit de grève, comme le ministre le dit, parce que l'enlever, à notre avis, ne réglerait rien, recourir à l'arbitrage obligatoire ne réglerait rien non plus.

Je pense que la solution générale de cette loi n'est pas mauvaise, si on peut la bonifier en introduisant l'expertise des médecins et dentistes à l'intérieur des hôpitaux, en éduquant la partie patronale et la partie syndicale. Quand je dis la partie patronale, j'inclus évidemment le gouvernement afin qu'il informe la population convenablement, parce qu'en dernier ressort, c'est la population qui est le juge, parce que c'est elle qui souffre et qui est la victime de toutes ces grèves dans les services publics, particulièrement dans les services de santé.

M. Brochu: Si on reconnaît que l'expertise doit d'abord être faite par les spécialistes en question, comme le mentionnait tout à l'heure le Dr Lambert ou son collègue, je pense qu'au point de départ, à ce moment-là, le principe se raccroche à ce niveau-là, la personne doit au moins avoir accès à son spécialiste pour que le diagnostic soit établi.

Donc, vous voudriez que ce soit dans le cadre juridique que le principe soit généralement adopté, que l'accès général du public à son médecin puisse être reconnu de sorte que même en cas de grève, ce ne soit pas fixé par une liste arbitraire.

M. Roy (Augustin): C'est déjà garanti dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux, c'est un droit fondamental que le droit à la santé et tout le monde est d'accord avec ça, syndiqués et non-syndiqués, membres du gouvernement ou membres de l'Opposition, tout le monde est d'accord avec ce droit sacré qu'est le droit à la santé. Il suffit simplement de trouver des mécanismes pour que, dans le cas de grève, ce droit n'affecte pas d'une façon outrageuse ou dangereuse la santé publique.

Parce que, encore là, on a affaire à la vie, à la santé des gens et c'est ce qu'il y a de plus précieux. Je pense que les règles du jeu doivent être différentes dans un secteur comme celui des

hôpitaux d'un secteur des commissions scolaires et d'un secteur des employés du service public du gouvernement. Je pense qu'on touche des choses différentes.

M. Brochu: Merci.

Le Président (M. Boucher): M. le député... Le Dr Lambert.

M. Lambert: Un commentaire supplémentaire sur les propos du Dr Roy. C'est l'accessibilité du patient à l'hôpital, parce qu'une grève dans les hôpitaux ne touche pas les cabinets privés. Il y a un tas de pathologies qui peuvent être traitées, en cas de grève, dans les cabinets privés. Dans le passé, on a vu que, lors de ralentissement de travail dans les hôpitaux, la quantité de patients dans les cabinets privés avait augmenté. Maintenant, accès du patient à l'hôpital, possibilité pour le médecin à l'hôpital de traiter.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Johnson: Avant de laisser, je pense que le député de Sainte-Marie a une question. Je voudrais poser une question au Dr Lambert. Verriez-vous le CMD local comme intervenant dans l'entente entre le syndicat et l'hôpital?

M. Lambert: Ecoutez, comme on l'a dit dans notre mémoire, on souhaiterait que le CMD, un groupe soit un tiers au moins pour observer et conseiller l'une et l'autre des parties, par des mécanismes qui sont sûrement... (16 h 30)

M. Johnson: ... j'essaie de voir, concrètement, dans un hôpital de la dimension de Maisonneuve-Rosemont, ou de Sainte-Justine ou d'ailleurs. Je vois assez mal le directeur de l'hôpital, qui est un diplômé en administration hospitalière, décider ce que sont les services essentiels. Il le fait, entre autres, avec la collaboration du directeur des services professionnels, je présume, de la directrice du nursing, et également, dans la mesure où ils sont actifs ou impliqués, et pas à cheval sur les structures, avec les médecins du CMD.

M. Lambert: Mais, M. le ministre, il y a des gens, dans les hôpitaux, comme vous le mentionnez, un CMD, c'est une structure juridique. C'est un corps organisé mais qui, en cas de grève ou de conflit, a peu de pouvoirs sinon un pouvoir moral. Ce qu'on souhaiterait, c'est de l'articuler davantage, le CMD. L'article 76 dit: Responsable de la qualité des soins. Je serais porté à dire: "surtout en cas de crise" et là, élaborer des modalités vis-à-vis des autres structures hospitalières.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, il est évident que l'exercice du droit de grève dans le secteur hospitalier pose énormément de problèmes depuis un certain nombre d'années, non seulement à des personnes qui travaillent du côté patronal ou à des professionnels de la santé, mais aussi à des syndicalistes reconnus.

On a reçu aujourd'hui un vibrant appel au réalisme. On nous a demandé de ne pas être naïfs et angéliques. Il faut bien admettre que si on veut être réalistes, l'absence du droit de grève n'aurait pas les effets souhaités, c'est-à-dire que les travailleurs du secteur hospitalier ont aussi droit à des conditions de travail, à un revenu normal, et, dans ce sens-là, les mêmes règles doivent s'appliquer tant à eux qu'aux autres travailleurs. Que cet exercice soit contingenté, soit limité, je pense que ce sont les objectifs qu'on poursuit, avec la loi 59.

J'aurais un certain nombre de questions — en fait, j'en ai trois — qui vont dans le sens du réalisme. Je vais adresser ma première question au Dr Lambert. Dans votre mémoire, à la page 5, vous revenez avec une suggestion qui permettrait au comité protecteur de présenter des requêtes en injonction.

Ne pensez-vous pas, à partir de l'expérience vécue et dans le sens où le Dr Roy en a parlé, que c'est très peu réaliste de suggérer d'avoir recours à des injonctions quand on connaît les effets que les injonctions ont eus, les effets non seulement immédiats, mais aussi plus lointains. C'est-à-dire que cela a fait en sorte de cristalliser des oppositions, du mécontentement, et cela a fait pire que bloquer. Non seulement, cela n'a pas obtenu les effets souhaités, mais c'est allé au-delà de ce qu'on aurait souhaité comme effet.

Ne pensez-vous pas que c'est irréaliste, cette suggestion que vous nous faites?

M. Lambert: Je ne crois pas qu'on'demande d'avoir le pouvoir de faire des injonctions ou de recommander des injonctions, sinon que de porter un jugement de valeur sur une situation critique et que ce soit directement fait par le comité protecteur. Dans le projet de loi 59, on parle du lieutenant-gouverneur en conseil qui intervient directement...

M. Bisaillon: II suspend le droit de grève.

M. Lambert: ... et suspend le droit de grève. Peut-être qu'on irait dans le sens de ce comité de maintien des services, pour avoir quelque chose de plus fort, pour...

M. Bisaillon: Là, vous retenez quand même la possibilité de requête en injonction. C'est uniquement là-dessus, comme moyen, est-ce que vous seriez...

M. Lambert: On n'a pas retenu ce moyen, l'injonction, comme force d'action, pour maintenir les services.

M. Bisaillon: Deuxième aspect. Dans les deux mémoires, on fait toujours référence à la grève. On semble oublier que dans certains hôpitaux, il y a eu des lock-out dans le passé. Le lock-out est une

décision de l'administration. Ce n'est pas une décision des syndiqués. Or, les deux mémoires ne traitent pas de la question des lock-out. Qu'est-ce que vous pensez du contenu de la loi face au lockout, c'est-à-dire au moment où il y aurait entente sur les services essentiels, l'interdiction du lockout, pour l'employeur?

M. Lambert: Dr Bouchard.

M. Bouchard: Je vais rassurer le député de Sainte-Marie. Grève ou lock-out, en notre esprit, c'est exactement la même chose. Tout ce qu'on regrette, c'est, lorsque le syndicat déclenche une grève, qu'il est pénalisé jusqu'à un certain point, tandis que les administrations hospitalières, par leurs bras, c'est-à-dire la direction générale et le comité de régie, lorsqu'elles décrètent un lockout, ne sont pas pénalisées. Enfin, je pense que c'est le point de vue de l'association. On trouve cela très emmerdant, parce que, dans un conflit, vous savez, souvent, toutes les parties ont des torts. Il est peut-être anormal qu'il y ait seulement une partie qui supporte l'odieux de tout cela, la perte de revenus, etc., tout cela finalement sur le dos des malades, en définitive, parce qu'il se règle de petites chicanes personnelles à ces occasions aussi.

M. Bisaillon: Si on excluait — je termine, M. le Président — la question, pour l'instant, des soins à donner aux malades, vous admettez que la question de lock-out dans un service parapublic ne joue pas le même rôle que la grève. Dans une grève, il y a quelqu'un de pénalisé, il perd des revenus. Dans un lock-out, évidemment, personne ne perd de revenus. Dans ce sens, vous êtes d'accord avec l'article de la loi qui parle de la suspension du droit de lock-out.

Ma deuxième question, peut-être que cela pourrait être pris comme une boutade, mais ce n'en n'est pas une véritablement. Vous vous êtes présentés comme étant les professionnels qui devraient être au-dessus des parties pour déterminer quels devraient être les soins à donner au moment de l'exercice d'un droit de grève. Là-dessus, le ministre a clairement établi que, quant à nous, il n'était pas question d'enlever ce droit de jugement du médical. Par ailleurs, je dois vous dire que je suis un peu étonné que, quand il s'agit de tiers, vous puissiez vous mettre au-dessus des parties mais que, quand vous êtes impliqués, les ralentissements de travail et les grèves n'ont pas l'air de vous embêter plus qu'il faut. Est-il déjà arrivé dans le milieu médical que des médecins aient pratiqué des ralentissements de travail ou des arrêts de travail? Comment fonctionniez-vous à l'époque? On pourrait peut-être retenir la façon d'agir que vous avez utilisée à ce moment-là.

M. Lambert: M. le Président, c'est une excellente question qu'on attendait. Au niveau de l'Association des conseils de médecins, on n'a jamais déclenché et on n'a pas non plus l'autorité pour déclencher, proposer une grève, au contrai- re. Les conseils de médecins sont là et c'est la responsabilité fondamentale du conseil des médecins de donner des soins de qualité et en continuité.

Il est évident que, dans le passé, il y a eu des choses qui se sont passées, qui finalement, avec le recul, sont déplorables. A ma connaissance, juridiquement, le médecin n'a pas le droit de grève. Je vous répondrais d'une façon jésuitique...

M. Bisaillon: ... non plus.

M. Lambert: Les policiers non plus. ... que ce sont d'autres organismes qui ont élaboré une stratégie qui est pour un retrait de services et ce n'est vraiment pas notre responsabilité, quant à nous, au conseil des médecins. On est toujours allé, dans le passé, dans les trente ans de l'association, dans le sens d'une continuité des services.

Une Voix: Chapeau!

M. Lambert: Au niveau de l'association, je ne le crois pas. Maintenant, d'autres pourront commenter les événements de 1970, là-dessus.

M. Bisaillon: Si vous me permettez, avant que le Dr Bouchard et le Dr Roy interviennent là-dessus, je voudrais préciser que, si j'ai soulevé cela, c'est que je serais quand même intéressé, peu importe que ce soit... je sais que ce n'est pas la corporation qui est responsable et que ce n'est pas l'association, c'est la fédération, mais ce sont les mêmes personnes. Les individus qui sont à l'intérieur, ce sont les mêmes personnes. Si je vous ai posé la question, c'est que je voudrais qu'on retienne les moyens que vous avez dû utiliser en 1970 pour assurer les services essentiels. On pourrait peut-être retenir ce moyen.

M. Lambert: D'accord. Je vous répondrais, sur le plan personnel, que je suis contre la grève et qu'en 1970, dans les dix jours que cela a duré, j'ai oeuvré à peu près seize heures par jour à l'hôpital Cartierville de Montréal. Là aussi a commencé pour moi une espèce de dégoût de ces situations épouvantables où on voyait, à Cartierville, 35 ambulances dans la cour de l'urgence qui venaient du nord de la province et de partout. Quant à moi, c'est déplorable. Les objectifs des fédérations sont différents et ils l'ont toujours été, je pense, des objectifs de l'Association des conseils de médecins et dentistes.

Le Président (M. Boucher): Dr Roy.

M. Roy (Augustin): J'aurais été surpris que la commission parlementaire se termine pas sans qu'on ne pose cette question. Je suis, par ailleurs, heureux que le député de Sainte-Marie, qui est un ardent syndicaliste, un très bon militant que je connais bien, l'ait posée pour qu'on ajoute des clarifications. J'avais quand même aussi envie d'en parler avant que d'autres en parlent avec un autre éclairage.

Cette grève, il faut l'appeler grève, même si on peut dire que les médecins n'avaient pas le droit de faire la grève, ils l'ont quand même faite, qu'on appelle cela grève ou arrêt de travail. Evidemment, cela s'est passé en 1970. Je peux vous garantir une chose: Je crois que c'est un incident qui ne se répétera plus jamais et que les médecins sont demeurés extrêmement traumatisés par cette grève de 1970. D'ailleurs, une seule fédération a fait la grève, la fédération des spécialistes. Les omnipra-ticiens n'ont jamais fait de grève; un seul syndicat l'a faite. Je peux vous dire que, d'après ce que je connais des médecins, on ne les y reprendra plus jamais.

De toute façon, durant cette grève de 1970, que j'ai vécue jour après jour, en collaboration avec les fonctionnaires du ministère des Affaires sociales, il y avait un contrôle quotidien de tout ce qui se passait dans les hôpitaux, avec des rapports qui étaient contrôlés d'heure en heure au ministère et dans chaque hôpital qui était demeuré ouvert. La fédération des spécialistes avait pris la précaution d'établir de très bonnes équipes pour assurer les soins d'urgence à travers la province. Elle ne donnait pas de soins dans certains hôpitaux, mais elle donnait des soins entiers dans tous les autres hôpitaux où il n'y avait pas grève.

Je peux vous dire que, même de l'avis d'infirmières ou d'employés d'hôpitaux à ce moment, en ce qui concerne les hôpitaux qui étaient ouverts, cela n'a jamais si bien fonctionné, parce que les patrons étaient là tout le temps. Cela allait très vite à la salle d'urgence, parce qu'évidemment ils ne se fiaient pas sur les internes et les externes pour faire le travail.

Je m'en souviens d'autant plus qu'en 1970, c'est moi qui ai eu, je ne sais pas si je devrais appeler cela un privilège, mais à la demande du président de l'époque, l'insigne honneur d'aller à la télévision demander aux médecins de revenir au travail. Soit qu'ils étaient à New York, à Ottawa ou à d'autres endroits, ils ne voulaient pas retourner au travail, même après que la loi eut été adoptée, pour ne pas perdre la face. Je me souviens très bien d'être allé à la télévision leur demander de revenir au travail, les supplier d'obéir au moins à la loi.

De toute façon, c'est un événement déplorable; c'est une chose du passé. Je peux vous assurer qu'il n'y a eu aucun incident durant cette grève, qui a été très bien suivie. Peut-être devrait-on suivre l'exemple de la fédération des spécialistes, qui avait instauré un très bon système à ce moment.

Pour continuer, en ce qui concerne les injonctions, vous avez vu que, dans notre mémoire, nous ne voulons plus que vous ayez recours aux injonctions. Nous croyons qu'il est beaucoup plus raisonnable que le gouvernement prenne ses responsabilités, comme vous l'indiquez à l'article 991, car c'est au gouvernement qu'il appartient de gouverner et non pas aux tribunaux.

Je me souviens qu'en 1976 plusieurs juges que j'ai rencontrés me demandaient, et dans certains cas, me suppliaient même de faire des déclarations pour empêcher le gouvernement de recourir en trop grand nombre aux injonctions, parce que c'étaient eux qui avaient l'odieux de trancher les débats qu'ils n'avaient pas créés. Je crois que c'est le gouvernement qui a les responsabilités de prévoir les moyens ordonnés et civilisés pour que la réduction radicale des services de santé en période de conflit ne conduise pas à des situations socialement inacceptables.

En ce qui concerne le lock-out, nous n'avons rien à dire parce que nous sommes d'accord avec ce que le projet de loi propose à ce sujet. Je sais que dans les endroits où il y a eu des lock-out ou dans les endroits, en 1972 ou en 1976, où la grève a été dure, c'étaient des endroits où déjà il y avait des problèmes avant que la grève ne se déclare. C'étaient des endroits où on avait des comptes à régler. On a profité de la grève pour régler ses comptes. C'est pour cela qu'il faut que dans les hôpitaux, il règne un climat harmonieux d'une façon constante. C'est le devoir du personnel syndiqué, des patrons et également des médecins de voir à ce que règne cette harmonie constante dans les hôpitaux. Ainsi, on évitera les affrontements en période de crise.

Le Président (M. Boucher): Merci, Dr Roy. Compte tenu du temps et du nombre d'organismes que nous avons à rencontrer aujourd'hui, je vais permettre encore deux intervenants, soit le député de Saint-Laurent et le député de Joliette-Montcalm.

M. Brochu: Je ne voudrais pas être désagréable à votre endroit, mais j'ai posé simplement une ou deux sous-questions rapidement tantôt.

Le Président (M. Boucher): Je comprends que vous avez posé une ou deux questions, mais compte tenu de l'heure et des organismes que nous avons à rencontrer, nous allon limiter le temps.

M. Brochu: M. le Président, je m'excuse d'insister, mais vous avez quand même permis des questions à deux intervenants du côté de l'Opposition officielle. Je pense que l'Union Nationale a quand même le droit de poser un certain nombre de questions, très brièvement.

Une Voix: On n'aura pas d'objection, quant à nous.

Le Président (M. Boucher): Avec le consentement, après le député de Joliette-Montcalm, je vous donnerai la parole, M. le député de Richmond. (16 h 45)

M. Forget: Merci, M. le Président.

On vient de faire allusion à des problèmes de lock-out, à des questions également de déroulement ou de stratégie des parties dans le contexte d'un conflit.

J'ai un peu l'impression qu'on est, dans la loi proposée, de même que dans la discussion d'au-

jourd'hui, un peu en retard sur les stratégies utilisées par les parties au moment d'un conflit, en particulier dans le secteur hospitalier.

En particulier, il y a la question du piquetage, à laquelle le Dr Lambert, je crois, a peut-être fait indirectement allusion tout à l'heure, mais qui n'est pas autrement mentionnée dans le mémoire. La question du piquetage revêt toute son importance parce qu'on a développé une stratégie, du côté syndical, extrêmement habile, particulièrement en 1976, qui ne consiste pas, précisément, à paralyser, par la grève, l'ensemble d'un établissement hospitalier, mais à provoquer des débrayages pour une journée, rarement davantage, dans un service, avec une catégorie d'employés. Cela peut être la cuisine, ça peut être la buanderie. Il est même possible que ces débrayages soient tellement bien circonscrits que, techniquement, on se conforme à des ententes sur les services essentiels. Mais comme le groupe qui sort une journée donnée, le mardi, ça peut être, par exemple, les buandiers, et qui installent des piquets de grève autour de l'établissement, les autres syndicats refusent de pénétrer, reçoivent quand même leur salaire pendant cette journée-là, donc, la question de pénalisation qu'a soulevée le député de Sainte-Marie est, en partie, un contraste illusoire. Tout le monde est payé, à l'exception peut-être de 5% des employés, mais personne ne travaille et, effectivement, même si, techniquement, on respecte ou on a l'air de vouloir respecter les décrets ou les ententes sur les services essentiels, il demeure qu'il n'y a aucun service de fourni.

Est-ce qu'il ne vous apparaît pas, dans ce contexte-là, qu'il y a quelque chose dans les lois pertinentes qui devrait être inclus et qui ne l'est pas dans le moment pour restreindre le piquetage à ce que certains, au moins, considèrent être sa seule justification, c'est-à-dire un effort pour informer et sensibiliser le public sur l'existence d'une difficulté non réglée au niveau des relations de travail, plutôt que d'en faire des barrages que les gens hésitent à franchir ou ne franchissent tout simplement pas dans les circonstances de conflit?

Ce n'est pas mentionné. Vous ne mentionnez pas non plus, dans ce contexte-là, que dans un certain nombre de pays, il y a certaines règles explicites sur le piquetage qui doivent être observées comme conditions à l'exercice normal de ce qu'on appelle le droit de grève.

M. Lambert: M. le député, je pense que vous avez absolument raison et ça va dans le sens de notre intervention. Maintenant, c'est à dessein que nous n'avons pas parlé de piquetage, pour ne pas irriter l'aspect, le côté syndical, sachant très bien que c'est une de ses armes et qui, dans le cas de l'hôpital, peut être catastrophique, soit de la part des techniciennes en laboratoire, ou des buandiers, ou de tous les différents groupes qui font partie de l'organisation hospitalière.

Il est évident que celui qui est en charge de la buanderie, qui est dans la rue avec son piquet de grève, empêche la relation patient-médecin, l'accessibilité à l'hôpital du citoyen québécois, et c'est dans ce sens-là que l'on partage vos propos. Qu'il y ait une provision pour garantir l'accessibilité du Québécois à l'hôpital, quel que soit le débrayage ou le groupe qui débraie, pour une question d'heures, une question de jours, avec une variété qu'on connaît, qu'on a vécue en 1976.

Le Président (M. Boucher): Dr Létourneau.

M. Létourneau (Jacques): Oui. ... on établit une distinction fondamentale entre la production d'une liste de soins essentiels ou de soins à maintenir et l'accessibilité. Ce sont deux notions différentes dans notre esprit. Jamais le malade ne doit se voir brimé dans l'accessibilité à l'hôpital, et si vous mettez en prémisses la définition des soins essentiels, il est évident que vous allez brimer l'accessibilité du malade au centre hospitalier. Vous allez la restreindre aux services qui sont fournis. Donc, ce que nous disons, accessibilité non discutable, non négociable, donc, nulle nécessité des piquets de grève, comme vous dites, à toutes fins utiles. Une fois sur place, une fois le malade évalué, s'il y a production d'une liste des services à maintenir, la responsabilité de l'établissement et des médecins à définir la situation médicale qui se présente chez monsieur X et, de là, à le rédiger où le service est assuré.

Donc, dans notre esprit, il y a une distinction fondamentale entre l'accessibilité du malade au centre hospitalier et la production d'une liste des services essentiels. Dans aucun cas, la production de la liste des services essentiels ne doit restreindre l'accessibilité à l'hôpital.

Le Président (M. Boucher): M. le député...

M. Forget: J'ai une autre question, M. le Président; j'avais deux questions.

Le Président (M. Boucher): Allez-y.

M. Forget: J'aimerais savoir de l'un ou l'autre groupe comment, à votre avis, après la lecture que vous avez faite du projet de loi 59, se dérouleraient les choses subséquemment à la violation d'un décret du Conseil des ministres suspendant le droit de grève, parce que le Conseil des ministres aurait jugé qu'il n'y a pas eu d'entente, qu'il n'y a pas eu d'avis syndical ou que l'avis est insuffisant selon le Conseil des ministres. Qu'est-ce qui va suivre, selon vous? Parce que je pense que votre interprétation de cette conséquence est importante pour comprendre votre attitude face au projet de loi. Qu'est-ce qui va suivre après?

M. Johnson: M. le Président, si vous me le permettez. Si nous étions dans une cour de justice, le député de Saint-Laurent m'aurait vu bondir de mon siège et dire que je m'opposais en vertu du fait qu'il s'agit d'une question qui est purement spéculative, qui présume d'intentions et qui est purement hypothétique. Mais, enfin, je veux bien qu'on permettre à nos invités de répondre.

M. Raynauld: Cela veut dire qu'ils ne le feront jamais.

M. Johnson: Je suis sûr que le juge aurait été d'accord avec moi.

M. Forget: Je vais laisser au ministre ses illusions, M. le Président, sans le contester.

M. Lambert: Ecoutez! On a souvent parlé — je vais répondre brièvement — récemment de désobéissance civile et on trouverait déplorable que cela se reproduise dans le contexte du Québec.

M. Forget: Ce que je veux dire, c'est ceci: Est-ce que, selon vous, il va y avoir une demande d'injonction et, selon vous, est-ce que cette demande d'injonction... On va prendre des procédures, il y a un décret, une décision du Conseil des ministres qui est violée par hypothèse. Qu'est-ce qui va s'ensuivre? Est-ce que, selon vous, tout groupe de citoyens aurait le droit de se plaindre de la non-observance d'une loi d'intérêt public ou si le gouvernement devra, seul, faire une demande d'injonction, à ce moment-là, puisqu'un de ses ordres a été l'objet d'une désobéissance?

M. Lambert: Je vais laisser le docteur Roy répondre.

M. Roy (Augustin): Vous avez remarqué, M. le député de Saint-Laurent, que nous n'avons pas voulu nous aventurer beaucoup dans les mécanismes et les différents dispositifs du Code du travail parce que nous ne sommes pas des experts dans le domaine. Après tout, nous ne sommes que médecins; nous n'avons pas avantage, comme le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, d'être aussi avocats donc, de connaître toutes les différentes modalités de la loi. Nous n'avons pas voulu présenter de solution précise, mais vous avez remarqué qu'à la fin de notre texte, nous avons quand même déploré le fait qu'il n'y avait pas de sanction prévue à la désobéissance à la loi. Je pense qu'une loi sans dents est une loi qui risque de ne pas être respectée. Sans aller à des amendes excessives ou au recours aux injonctions, je pense qu'il faudrait peut-être penser à des mécanismes comme la question de la suspension ou du congédiement; il y a aussi celle très discutée de la "décertification". Mais, encore là, ce sont des questions d'experts et, comme nous ne sommes que des petits médecins, nous ne voulons pas nous aventurer sur ce terrain-là.

Mais je dois vous dire que...

M. Forget: Docteur Roy, mais...

M. Roy (Augustin): ...je suis d'accord avec vous par ailleurs.

M. Forget: ...si vous me le permettez. Vous avez applaudi, dans un des deux textes, à la disparition d'amendes excessives; fort bien. C'est donc que vous êtes d'avis que cela ne devrait pas être des amendes. Cependant, s'il s'agit de désobéissance à une décision du Conseil des ministres et qu'il n'y a pas de sanctions prévues autres que celles des mécanismes ordinaires du Code du travail, si je comprends bien, ce ne seront pas nécessairement des amendes; ce pourrait être la désobéissance à un ordre de la cour, donc l'emprisonnement. Donc, on revient à l'emprisonnement. Est-ce que c'est cela, votre compréhension? Est-ce pour cela que vous applaudissez à la disparition des amendes?

M. Roy (Augustin): Vous avez dû remarquer, M. le député de Saint-Laurent, que nous n'avons pas parlé d'emprisonnement, ni l'un ni l'autre. Je pense que le gouvernement dont vous avez fait partie — vous n'étiez pas encore membre à ce moment-là, en 1972 — a goûté à ce piège épouvantable qu'est cette sanction exagérée, cet emprisonnement pour des méfaits, non pas criminels...

M. Forget: ...d'ailleurs.

M. Roy (Augustin): ... mais celui-ci a également des problèmes à résoudre à l'heure actuelle. Evidemment, je ne veux pas faire de politique; ce n'est pas mon intention, d'aucune façon. De toute façon, je ne connais pas beaucoup ce domaine-là non plus. Je dois vous dire que je pense que l'emprisonnement n'est pas non plus la façon de résoudre le problème. Je pense qu'il faut miser sur la bonne foi et le sens des responsabilités, mais, encore là, on a affaire à des humains. Je pense qu'il faut quand même qu'il y ait certaines sanctions et je pense qu'il vous appartient, à vous les législateurs, d'explorer le genre de santions à garder dans les lois. J'ai donné la question de la suspension, du congédiement, qui est quand même une peine assez sérieuse, assez lourde dans certains cas. Il y a peut-être la décertification du syndicat. Je pense que c'est à vous de trouver. Mais je suis d'accord avec vous, M. le député de Saint-Laurent, lorsque vous dites que les soi-disant arrêts de travail, les harcèlements, les journées d'étude, les grèves soi-disant spontanées, sont pires en général que la grève organisée, parce qu'au moins la grève organisée, on peut la prévoir, on peut s'y préparer, mais le harcèlement qui a été vécu dans le monde hospitalier au cours dès grèves antérieures était pire que la grève elle-même et ce sont des choses qu'il ne faut plus jamais revivre. Mais, encore là, j'espère qu'il faut bâtir un climat plus harmonieux dans notre société et ce climat appartient et à la partie patronale, dont fait partie le gouvernement, et à l'Association des hôpitaux et également à la partie syndicale, qui devrait être assez mature pour comprendre que le Québec n'a plus l'intention de tolérer des incidents semblables. Je pense que c'est clair que s'il y avait un référendum aujourd'hui sur la question du droit de grève dans les hôpitaux, le référendum serait positif et le gouvernement le gagnerait facilement. Je ne parle pas d'autre sorte de référendum.

Le Président (M. Boucher): Merci, Dr Roy. Dr Bouchard.

M. Bouchard: Ma réponse va être très brève, M. Forget. J'ai l'impression que si le conflit s'envenime, la solution ne peut être que politique. Elle a toujours été politique dans le passé et, étant donné l'ensemble des enjeux, je pense qu'il faut que ce soit politique. Mais ce que le gouvernement doit faire — je préférerais cette solution — c'est qu'il y ait un certain nombre d'étapes avant qu'il soit obligé d'agir et que ces étapes favorisent l'entente entre les parties, parce que grèves, emprisonnements, j'ai l'impression que cela ne change rien, quand, à un moment donné, le législateur, soit le lieutenant-gouverneur en conseil ou d'une autre façon, est obligé d'intervenir.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Je suis heureux de la fin de la phrase du Dr Bouchard, parce qu'il m'apparaît que la phase la plus importante, avant d'envisager la fin d'un conflit, sont peut-être les étapes préliminaires à la négociation et le climat dans lequel cela se fait. Est-ce que cela se fait dans un climat d'affrontement ou non? Est-ce que cela se fait dans un climat de bonne foi ou non? Si on pensait à consacrer beaucoup plus d'énergie à ce niveau-là, on en consacrerait beaucoup moins à se casser la tête à trouver un mécanisme de règlement final. Si c'est dans cet esprit qu'est votre intervention, permettez-moi de vous féliciter. C'est un premier point. Le deuxième point, je voudrais partir aussi d'une fin de phrase du Dr Roy, qui disait que les médecins avaient vécu en 1970 une expérience qu'ils ne voulaient plus répéter. Est-ce qu'il est possible, selon vous, Dr Roy, qu'il y ait un groupe fort imposant de syndiqués qui ne sont plus intéressés non plus à revivre des situations, après expérience vécue? Si c'est un oui à la question que je vous pose, je dirais que tous les gens évoluent dans le même sens et, quel que soit leur degré de formation, ils ont le droit d'évoluer dans un même sens, n'est-ce pas?

M. Roy (Augustin): M. le député, je vais vous répondre et, évidemment, c'est quelque chose de très subjectif, mais, d'après la connaissance que j'ai des syndiqués, je vous répondrais que c'est oui. Je crois que les syndiqués ne sont plus intéressés à vivre des grèves dans les services publics. Evidemment, je pourrais m'étendre longuement sur un grand débat politique en ce qui concerne la démocratisation des syndicats, des votes secrets et de l'ouverture de cette transparence que l'on souhaite, et du monde patronal et du monde syndical, mais je pense que non seulement la population en a soupé de ces grèves, non seulement les malades en ont soupé également, parce qu'il faut quand même lire le mémoire extrêmement intéressant du Comité provincial des malades, le document 29, à la commission Martin-Bouchard, pour voir que les malades en ont assez de cela. Je pense qu'également les syndiqués eux- mêmes souffrent énormément des grèves et en ont assez également. Il faut prendre les moyens pour que la base, la majorité des syndiqués, soit bien éclairée quant aux propositions que l'on présente de part et d'autre. Cela n'a peut-être malheureusement pas toujours été le cas. Les membres de l'Opposition ici qui ont vécu la grève de 1976 vont peut-être être d'accord sur le fait que les syndiqués ne connaissaient peut-être pas toutes les données de la question. (17 heures)

Je pense que c'est dans ce but qu'il y a, à l'article 99i du bill, du projet de loi 59 — excusez la francisation, c'est important — il y a un nouveau comité d'information dont le rôle — prévu à l'article 99e — va justement être d'informer le public de ce qui se passe au jour le jour, de même que le fait l'autre conseil sur le maintien des services de santé et des services sociaux à l'article 99i.

Je pense qu'il est important que des échéanciers comme celui prévu dans le projet de loi 59 soient adoptés de façon que tout le monde connaisse bien les règles du jeu, ce qu'il faut respecter, les délais, de même que les sanctions et les contrôles appropriés qui seront apportés en temps et lieu.

Comme l'a dit tout à l'heure le Dr Bouchard, c'est une question politique qui intéresse souverainement toute la population, parce que toute la population, vous et moi, peut être malade à n'importe quel moment qu'elle ne connaît jamais. A ce moment-là, on voudra, nous et notre famille, avoir recours aux meilleurs services de santé. Je pense que c'est le rôle du gouvernement, aidé en cela par les divers partis d'Opposition, de faire en sorte qu'il n'y ait pas d'anarchie qui règne au Québec, qu'on respecte les libertés des gens, de même que la vie humaine, et qu'on s'assure que les services de santé demeurent accessibles en tout temps à la population qui en a besoin.

Le Président (M. Boucher): Dr Bouchard.

M. Bouchard: II est facile de faire des autopsies. Il est beaucoup plus difficile de prévoir ce qui se passera à l'avenir, que ce soit dans le cas des médecins, ou dans le cas d'autres syndiqués. Ce qui est important dans une organisation sociale, c'est d'aménager les structures de pouvoir. Tous les pouvoirs, dans la meilleure hypothèse, sont tendancieux, y compris le pouvoir médical. Ils sont, dans la pire hypothèse, répressifs. Or, il s'agit de trouver une formule pour que chacun des pouvoirs se tempère l'un l'autre, donc, pour que les individus puissent parler entre eux pour en arriver à un consensus sur certaines choses que la société considère comme essentielles.

Je crois que c'est le rôle du législateur de faire ce travail. Comme je le disais tout à l'heure, je n'ai pas l'impression que le projet de loi, tel que présenté, en faisant pencher la balance de l'autre côté, serve ces intérêts.

M. Chevrette: Justement à partir de ça. étant donné que vous avez affirmé vous-même que la

pression, à toutes fins utiles, ne reposait que sur les épaules de la partie syndicale, je pense que c'est le Dr Roy qui a affirmé cela, il regrettait même que les parties n'aient pas un fardeau équitable de pression sur les épaules... Quand vous avez à établir une liste pour assurer les besoins essentiels, vous ne pouvez deviner, parce qu'il y aura un comité d'experts qui pourra conseiller le lieutenant-gouverneur en conseil, tel que le stipule la loi... Toute la pression retombe sur le dos de la partie syndicale qui a à présenter une liste qui ne peut être refusée, sinon, la sanction prévue dans le projet de loi qui vous est présenté, c'est la suspension du droit de grève. Qui plus est, je ne vous ai pas entendu dire ça, mais il y a une deuxième dimension. Même si la liste est raisonnable, le lieutenant-gouverneur en conseil a un deuxième pouvoir. Devant le fait que la santé publique est en danger, il a encore le pouvoir de le suspendre, au-delà de la liste. Donc, il y a deux possibilités, deux interventions possibles pour le lieutenant-gouverneur en conseil. Le syndicat doit prévoir que cette liste est raisonnable, s'il veut se prévaloir de son droit.

Je ne sais pas si je résume bien en disant que vos inquiétudes portaient surtout sur deux points: à savoir, d'abord, que vous aimeriez être consultés à titre de corporation par le comité d'experts et, deuxièmement, vous avez tenté de dissocier nettement l'accessibilité à l'hôpital par rapport à toute la question des services essentiels... empêcher les individus de pouvoir au moins se faire examiner d'une façon convenable.

A partir de là, si on vous enlève vos deux inquiétudes, je le dis d'une façon très théorique, abstraite même, mais si vos deux inquiétudes sont facilement rassasiées, que vous êtes d'accord, est-ce qu'à partir de là la formule est valable?

M. Johnson: Si je peux me permettre. Le député de Joliette-Montcalm entamait un peu le sommaire des interventions qu'on essaie de faire. Il y a deux notions qui m'ont frappé effectivement dans votre mémoire comme il le dit, la notion d'une distinction à faire entre l'accessibilité d'une part, et l'existence ou non de services suffisants en quantité et en continuité à l'intérieur de l'hôpital. Je pense qu'il faut retenir cette préoccupation et voir ce à quoi cela donnera lieu techniquement, par la suite.

Il y a, deuxièmement, une notion de participation des CMD quelque part, en cours de route. Il y a différentes possibilités d'intervention.

Je pense que la question que posait M. Chevrette, en admettant que, techniquement et législativement, on en arrive à répondre à une partie de vos préoccupations quant à la question de l'accessibilité et de la participation des CMD, est-ce que, de façon générale, vous pensez que la formule est adéquate, et la moins adéquate?

M. Lambert: Purement. Oui.

M. Bouchard: Si ces technicités nous permettaient d'agir rapidement, lorsqu'on parle de mala- des, on parle toujours d'actions dans un bref délai dans ces conditions, sans cela, ce ne sont plus des services urgents ni des services essentiels. Je pense que c'est extrêmement important, la notion de temps.

M. Forget: Est-ce que vous dites intervenir rapidement? Les suggestions du ministre ne vous donnaient pas nécessairement des pouvoirs d'intervention, à moins qu'il précise ses intentions.

M. Bouchard: Même si on n'a pas de pouvoir d'intervention, si on a un pouvoir de véhiculer les problèmes existants d'une façon rapide, ce serait déjà énorme. Ce serait déjà un gain considérable sur ce qu'on avait antérieurement.

M. Roy (Augustin): Je pense qu'il n'est pas question de demander un pouvoir d'intervention de la part des médecins. Je pense que cette intervention appartient aux deux parties en cause. On demande tout simplement un pouvoir d'être consulté en ce qui concerne l'établissement des listes sur les services et qu'en cas où la liste ne soit pas définissable et acceptable par les deux parties, avant que la liste syndicale prévaille, que le conseil formé à 99i soit consulté de façon à éviter des conflits exagérés.

Je ne pense pas que cela nous appartienne d'être partie au conflit entre deux parties déjà bien organisées, bien structurées, avec, par-dessus des conseils d'information et des conseils sur le maintien, et par-dessus le législateur et la gouvernement, dont le rôle est de voir à la bonne marche de l'Etat.

Je pense que le pouvoir du gouvernement de mettre fin à une grève par une loi, évidemment, est un pouvoir extrêmement grave qu'un gouvernement n'utilise qu'à bon escient, après mûre réflexion et après de longues journées de grève où il y a déjà eu beaucoup d'incidents qui se sont produits. Ce sont des incidents semblables qu'il faut tenter d'éviter parce que, souvent, il est question de stratégie à l'intérieur des conflits de travail et il peut arriver qu'un syndicat soit intéressé à poursuivre la grève et à ne la voir se terminer que par une loi-matraque, que par une loi d'exception du gouvernement, parce qu'il peut sauver la face devant ses syndiqués.

Il faut peut-être penser à tous ces événements, à cette stratégie qui se joue en sous-main, et qui fait souvent que, par une loi d'exception, un syndicat peut obtenir plus que par négociation. J'ai des exemples que je connais bien à ce sujet.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Richmond.

M. Brochu: M. le Président, j'aimerais revenir à la page 4 du mémoire qu'a présenté le Dr Lambert tout à l'heure. D'abord, en ce qui concerne la nomination des membres du conseil, vous indiquez ici: Ce conseil, toutefois, n'est pas formé par l'Office des professions, tel que le proposait la commission Martin-Bouchard, mais par le juge en

chef du Tribunal du travail, après consultation de la Commission des droits de la personne et d'autres personnes ou organismes à son choix."

Plus loin, vous indiquez votre préoccupation que cela aurait dû être l'Office des professions qui ait la responsabilité de former ce conseil, à cause de son expertise et de son implication dans le domaine comme tel.

Etant donné que, dans le projet de loi, il n'est pas question, comme vous le dites vous-même, de cela, est-ce que vous seriez favorable à une position de compromis où on pourrait dire que le conseil est formé par le juge en chef du Tribunal du travail, mais après consultation avec l'Office des professions.

M. Lambert: Oui.

M. Brochu: ... soit, d'une part, pour la nomination des membres...

M. Lambert: Oui.

M. Brochu: ... mais aussi, quand on regarde l'article 99, peut-être également sur la question des choix d'experts à venir pour fixer nos...

M. Lambert: Oui. Sûrement, peut-être en n'excluant pas l'Association des conseils de médecins, qui représente un thermomètre, si vous voulez, de ce qui se passe dans les hôpitaux d'un peu plus près que l'Office des professions. L'Office des professions regroupe une quantité de corporations professionnelles qui touchent plus que le domaine de la santé et le domaine hospitalier. On souhaiterait que l'Association des conseils de médecins et dentistes qui, en fait, est beaucoup plus près du domaine hospitalier et, particulièrement, dans le cas de crises, de conflits, puisse être consultée ou avisée d'une façon opportune par le juge en chef, si cette chose est juridiquement ou législativement possible.

M. Létourneau: En vertu d'un simple principe que le conseil des médecins possède l'expertise locale.

M. Brochu: Locale.

M. Létourneau: Dès que le conseil médical possède une expertise locale, il peut évaluer. On a affirmé tout à l'heure, en partant, le principe que la situation médicale est toujours en mouvement dans un centre hospitalier. Le groupe qui a le plus l'expertise médicale pour intervenir est le conseil des médecins local.

M. Brochu: Vous avez donc deux arguments, la connaissance inhérente au domaine, d'une part, et, deuxièmement, l'implication locale au niveau du conflit comme tel.

M. Létourneau: L'expertise médicale locale. M. Roy (Augustin): M. le Président, très rapi- dement, pour être bien clair, on est d'accord avec la consultation des conseils de médecins et dentistes, mais je dois vous dire que, dans notre con-tremémoire au rapport Martin-Bouchard, nous nous sommes opposés à ce que ce soit l'Office des professions qui ait ce rôle de protecteur des bénéficiaires, parce que ce n'est pas le rôle que lui confie la loi. L'Office des professions doit veiller à ce que chaque corporation professionnelle assure la protection du public et doit s'occuper des corporations comme telles. Nous croyons que la solution qu'a adoptée le gouvernement dans le projet de loi 59, en ce qui nous concerne, est meilleure que celle que recommandait le rapport Martin-Bouchard. Je voulais dire ceci pour être absolument clair quant à notre position, qui a été transmise d'ailleurs au gouvernement.

M. Brochu: Mais lorsque vous parlez justement du mandat de l'Office des professions, soit la protection du public, la proposition de compromis à laquelle je fais allusion actuellement ne répondrait-elle pas, dans un sens, à cette préoccupation de protection du public, pour en même temps éviter de donner à l'Office des professions toute la responsabilité et de la formation du comité et, ensuite, du choix d'experts, par exemple?

Si, par exemple, l'Office des professions devenait consultatif sur la nomination des membres, d'une part, et, deuxièmement, lorsqu'il s'agira de faire un choix d'experts dans une situation précise, d'être consulté également, d'avoir son mot à dire, est-ce que ce ne serait pas, Dr Roy, un moyen terme, pour permettre justement à l'office d'exercer sa responsabilité face au public?

M. Roy (Augustin): Quant à nous, M. le député de Richmond, nous sommes prêts à faire confiance au conseil, tel que proposé à l'article 99i. Nous croyons que le juge en chef du tribunal va sûrement, en plus de consulter la Commission des droits de la personne, consulter les autres personnes ou organismes, des gens qui sont dans le métier, c'est-à-dire, dans les hôpitaux, des administrateurs d'hôpitaux, y compris des médecins. Nous sommes prêts à faire confiance au conseil qui apparaît à l'article 99i et nous croyons que cela ne devrait pas être un grief devant prêter à une très forte argumentation. Je préfère ce conseil à l'Office des professions du Québec, dont le rôle est spécifiquement un rôle de protection vis-à-vis des corporations et non pas vis-à-vis de l'ensemble du monde hospitalier, non pas vis-à-vis de l'ensemble du monde scolaire, etc.

C'est pour cela que je pense que ce conseil doit consulter, avant de nommer les personnes. Il s'agit de lui faire confiance. Il a une très grande responsabilité. C'est, en fait, une espèce de tribunal de sages, de gens au-dessus du conflit, qui analysent la situation et qui informent le public. Je pense que le juge en chef, avant de former son conseil, aura une très grande responsabilité, parce qu'il devra choisir des gens au-dessus de tout soupçon, absolument pas impliqués dans le conflit en cause, et des gens de bonne foi.

M. Brochu: Dr Lambert, une dernière question.

M. Forget: Une question supplémentaire. Le député de Richmond me permettrait-il de poser une question supplémentaire...

M. Brochu: Oui, d'accord.

M. Forget: ... parce que je ne suis pas sûr de bien saisir? Dans le mémoire de l'association, on dit, avec raison, à la page 4, non pas du collège, mais de l'association, que le conseil prévu n'est pas formé dans la loi, tel que le recommandait la commission Martin-Bouchard, c'est-à-dire qu'il ne sera pas formé par l'Office des professions, mais par le juge en chef du tribunal du travail. Je pense que c'est là-dessus que le Dr Roy s'exprimait. (17 h 15)

M. Lambert: C'est exact.

M. Forget: Cependant, il me semblait déceler dans la question du député de Richmond la préoccupation suivante, à savoir, en plus de vous consulter, croyez-vous qu'il serait approprié de consulter dans la formation de ce conseil, par exemple, l'Office des professions ou le Conseil interprofessionnel? Le sens de cela, c'est d'avoir des suggestions émanant du plus grand nombre possible d'organismes neutres et possédant une certaines expertise. Je traduis finalement la question du député de Richmond. Ce que cela veut dire en pratique, et là, je voudrais être bien sûr qu'on se comprend aussi, c'est que normalement, le juge en chef du Tribunal du travail, s'il n'a aucune autre disposition dans le projet de loi, va former ce conseil à partir de gens qu'il connaît. Parmi les gens qu'il connaît bien, il y a la liste des arbitres qui, souvent, entendent des griefs dans le milieu hospitalier. D'ailleurs, c'était à même cette liste qu'on a choisi tous les commissaires aux services essentiels il y a deux ans. Si, au contraire, au lieu de donner la discrétion absolue au président du Tribunal du travail, on lui demande de consulter la Commmission des droits de la personne, l'Office des professions, l'Association des conseils de médecins et dentistes, il risque d'avoir comme suggestion, non pas des arbitres, mais des médecins, des infirmières, des juristes, etc., donc un conseil d'une composition radicalement différente.

J'aimerais savoir de nos invités quel genre de composition, en plus de savoir qui devrait être consulté, s'ils ont là-dessus une idée qu'ils pourraient nous communiquer, quel genre de personnes, quelles sont les qualifications. Ils ont beaucoup insisté sur la compétence professionnelle et médicale. Donc, je présume qu'ils ne veulent pas des arbitres que pourrait normalement désigner le président du Conseil du Tribunal du travail. Ils veulent des médecins, des infirmières, des spécialistes de la question technique ou professionnelle en cause.

M. Lambert: Et des syndicalistes. C'est-à-dire les représentants de tous les gens qui sont compétents dans le milieu hospitalier, administrateurs, syndicalistes, médecins et infirmières, tous les gens qui sont directement impliqués qui peuvent apporter une compétence.

M. Forget: Et non pas des arbitres. M. Lambert: Et non pas des arbitres.

M. Roy (Augustin): Je pense qu'il serait bon d'ajouter, les consommateurs des services de santé. Je pense que le juge en chef doit éviter le piège et l'écueil de nommer des gens de son milieu, de ses arbitres. Il doit absolument nommer des gens totalement indifférents au conflit. J'aurais grandement confiance, j'aurais plus confiance en des gens du peuple, des cultivateurs, des plombiers, des ouvriers, comme arbitres, comme conseillers à ce juge, à condition, évidemment, qu'ils soient informés sur le plan technique. J'aurais plus confiance en des gens ordinaires, du monde ouvrier ou rural qu'en des professionnels du Code du travail, qu'en des avocats. Je pense qu'il faut miser sur la confiance qu'on doit donner aux consommateurs qui ont à souffrir de ces arrêts de travail.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Richmond, vous aviez terminé?

M. Brochu: Une dernière question, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Une dernière? Rapidement, vous voyez l'heure.

M. Brochu: Oui, comme toujours.

M. Bisaillon: Ce sont les questions du député de Saint-Laurent qui sont les plus longues.

M. Brochu: Elle s'adresse au Dr Lambert. Je me réfère à son document, à la page 6, où il dit: "Nous croyons que le conseil sur le maintien des services constitué par l'article 99i n'a pas tous les pouvoirs nécessaires à la réalisation d'objectifs réels et pratiques, tels l'évaluation progressive des soins à dispenser dans un établissement donné et la détermination des services médicaux ou hospitaliers à assurer. Ce conseil n'a que des pouvoirs de contrôle, mais non de détermination ni d'évaluation".

J'achoppe un peu sur le terme "détermination" ici. J'aimerais peut-être vous demander ce que vous en pensez exactement et jusqu'où, dans votre esprit, ce pouvoir de détermination devrait-il aller. Est-ce que ce serait aller dans le sens que le conseil fixe lui-même les services ou est-ce qu'il doit y avoir un genre de médiation? De quelle façon est-ce que...

M. Lambert: Ce qu'on entend, c'est la détermination de la liste, détermination des services essentiels ou minimaux à offrir à la population, et

surtout l'évaluation de l'efficacité de cette liste aussi souvent qu'il pourrait être nécessaire, d'heure en heure, dans certaines régions, dans certains établissements, évaluer si la liste est efficace quant aux soins, aux services à donner a la population.

M. Johnson: M. le Président.

M. Brochu: Mais...

M. Johnson: Ah! je m'excuse.

M. Brochu: Seulement une petite dernière... A la page 8, vous dites que le conseil sur le maintien des services devrait, à tout le moins, pouvoir recommander la suspension de l'exercice du droit de grève. Est-ce que le pouvoir de détermination va dans ce sens-là aussi?

M. Lambert: Oui, c'est dans ce sens-là aussi. C'est-à-dire que le lieutenant-gouverneur en conseil, d'après l'article 99, a le pouvoir de suspendre le droit de grève pour 30 jours. Maintenant, on pense que le comité, tel que formé, pourrait avoir des pouvoirs supplémentaires, en plus de ceux déjà prévus pour le lieutenant-gouverneur en conseil, quitte à le temporiser par un rapport au lieutenant-gouverneur en conseil.

M. Brochu: A ce moment-là, docteur, est-ce qu'on n'impliquerait pas ce groupe directement dans le conflit en lui donnant ce pouvoir de vie ou de mort, en fait, sur la grève?

M. Lambert: A un moment donné...

M. Brochu: On le place comme juge et arbitre.

M. Lambert: Oui, mais d'une façon temporaire, si vous voulez. Les 30 jours de suspension est un moyen temporaire pour essayer de trouver une solution positive au conflit.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le ministre, un dernier mot.

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, en terminant. D'abord, je voudrais, sans doute au nom de tous les membres de la commission, ainsi qu'au mien, remercier les membres de l'association et de la corporation d'être venus nous faire part de leurs appréhensions, qui sont, je pense, plus que légitimes. Si on pense que le serment d'Hippocrate a encore une signification, il faudrait voir dans leur démarche quelque chose qui en découle.

Je retiens deux éléments et peut-être un troisième, la notion d'accessibilité, qui m'apparaît assez fondamentale, évidemment; deuxièmement, une notion d'élargissement et de participation au maximum des groupes qui sont également techniquement intéressés, si on veut, par leur expertise. J'y inclus donc les CMD. A savoir comment ça se traduira d'ici à la troisième lecture, on verra, mais je retiens ces suggestions que vous nous faites.

Un troisième problème a été évoqué par le député de Saint-Laurent, soit la question des suites de la suspension, du droit de grève éventuellement, et du non-respect comme donnant possiblement ouverture à l'injonction.

Je vous remercie.

Le Président (M. Boucher): Je remercie, au nom de tous les membres aussi...

M. Forget: Ce n'était pas une suggestion, c'était une question.

Le Président (M. Boucher): ... les représentants de l'Association des médecins et de la corporation, et je donne la parole au Dr Lambert pour le mot de la fin.

M. Lambert: M. le Président, M. le ministre, messieurs les députés, au nom de l'association, nous vous remercions de la diligence que vous avez eue à écouter nos propos, et au nom du Dr Roy...

M. Roy (Augustin): Au nom des médecins du Québec...

M. Lambert: ... nous vous remercions bien.

Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup.

Alors, j'appelle immédiatement l'Association des hôpitaux de la province de Québec, représentée par M. Maurice Cardinal, président.

Si vous voulez bien vous approcher.

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez — vous pouvez prendre place — si je comprends bien, il nous reste l'AHPQ, ainsi que six autres associations...

Le Président (M. Boucher): Cinq.

M. Johnson: ... cinq autres associations, pardon. Je pense que l'AHPQ va nous présenter un mémoire qui peut être considéré comme conjoint de l'ensemble et y ajouter son propre mémoire, si je ne me trompe pas, ce qui nous permettra de nous rendre jusqu'à 6 heures, fin de lecture des mémoires. La période des questions pourrait commencer à 8 heures.

Est-ce que ça vous va?

Une Voix: Excellent.

Le Président (M. Boucher): Alors, c'est d'accord?

M. Johnson: Cela va.

M. Forget: Cela va.

Le Président (M. Boucher): M. Cardinal.

M. Brissette (Florian): ... d'accord avec ça, M. le Président. Peut-être qu'on pourrait inviter les

représentants des autres associations d'établissements à s'asseoir avec nous.

Le Président (M. Boucher): D'accord.

M. Brissette: J'aimerais aussi, M. le Président, le temps que les gens prennent place, vous informer que M. Cardinal n'a pu être présent ici. Mon nom est Florian Brissette, je le remplace.

Le Président (M. Boucher): M. Brissette. Si vous voulez bien présenter les autres qui vous accompagnent.

M. Brissette: De l'AHPQ, il y a M. Tremblay, qui est vice-président exécutif, directeur général...

Le Président (M. Boucher): Parlez plus fort. Si vous voulez approcher votre micro, s'il vous plaît.

M. Brissette: Je demanderais aux autres personnes de se présenter individuellement.

Le Président (M. Boucher): Nous allons commencer par l'extrême droite.

M. Bisaillon (André): Je suis André Bisaillon, directeurs général de l'Association des établissements privés.

M. Bégin (Maurice): Je suis Maurice Bégin, président de l'Association des établissements privés. Est-ce que je parle assez fort?

M. Cloutier (Pierre): Je suis Pierre Cloutier, directeur général de l'Association des centres d'accueil.

Mme Côté (Eva): Je suis Eva Côté, présidente de l'Association des centres de services sociaux du Québec.

M. Matteau (Arthur): Je suis Arthur Matteau, président de l'Association des directeurs et propriétaires des établissements privés.

M. Beaulieu (Jean-Guy): Je suis Jean-Guy Beaulieu, directeur des ressources humaines à l'Association des centres de services sociaux.

M. Groulx (André): Je suis André Groulx, vice-président de l'Association des directeurs des établissements privés.

M. Boutin (Claude): Je suis Claude Boutin, directeur des relations de travail à l'Association des centres d'accueil du Québec.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. Brissette, vous avez la parole.

Association des hôpitaux de la province de Québec

M. Brissette: M. le Président, M. le ministre, messieurs les membres de la commission parle- mentaire, je vais vous lire les commentaires généraux qui ont fait l'objet d'un consensus des six associations ici présentes.

Ces associations d'établissements du réseau des affaires sociales veulent faire part à la commission de quelques réactions communes au projet de loi 59. Ces associations ont cherché à soumettre, dans la mesure du possible, un point de vue commun sur les différents éléments de ce projet de loi et nous vous le soumettons dans ce qui suit. Chacune des associations séparément se réserve toutefois la liberté d'intervenir sur d'autres points ou d'expliciter le contenu de ce document.

Les principaux points autour desquels s'organise notre réaction sont: premièrement, le maintien des services de santé et des services sociaux en cas de conflit de travail; le conseil d'information; le calendrier des négociations et, quatrièmement, l'avis de grève.

Le maintien des services de santé et des services sociaux en cas de conflit de travail. Dans un premier temps, nous désirons affirmer que les associations d'établissements sont d'accord pour que soit abrogée la loi 253, c'est-à-dire la Loi visant à assurer les services de santé. De plus, nous désirons affirmer que nous sommes d'accord sur l'esprit du projet de loi, à savoir que l'établissement des services à maintenir en cas de conflit repose sur des ententes à convenir par négociation locale.

Il nous semble aussi que le mécanisme prévu en cas d'absence d'entente est, d'une part, compatible avec le droit de grève, tel qu'il est reconnu actuellement et, d'autre part, susceptible d'éviter des débats qui n'ont, dans le passé, au niveau local ou devant les tribunaux, qu'envenimé les rapports entre les parties.

M. Brochu: M. le Président, j'essaie de me retrouver dans le mémoire.

Le Président (M. Boucher): II va venir tantôt. M. Johnson: ... texte-là.

Le Président (M. Boucher): C'est un résumé, je crois, que vous avez préparé?

M. Brissette: Ce sont les commentaires généraux qui ont fait l'objet d'un consensus des six associations d'établissement.

Le Président (M. Boucher): Ah! bon.

M. Brissette: Par la suite, on vous présentera le mémoire.

M. Brochu: Très bien, merci pour la précision.

M. Brissette: Enfin, nous sommes d'accord avec la création d'un conseil sur le maintien des services de santé et des services sociaux en cas de conflit de travail.

Toutefois, tel que stipulé, il nous semble que le projet fait trop facilement abstraction des responsabilités dévolues aux établissements en re-

gard des services à maintenir envers la population, compte tenu des devoirs qui leur sont dévolus en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Nous nous référons particulièrement à l'article 99j, deuxième alinéa du projet, où la responsabilité de décider des services à maintenir et de la façon de maintenir, en cas de mésentente au niveau local, est remise au syndicat. Il nous apparaît que cette responsabilité devrait rester celle de l'établissement et que le syndicat devrait plutôt être tenu d'établir une liste du personnel qu'il entend mettre à la disposition de l'établissement en cas de conflit de travail.

Quant au mandat qui est donné au conseil sur le maintien des services de santé et des services sociaux en cas de conflit de travail, nous comprenons qu'il est clairement établi que le conseil puisse porter des jugements publics sur la qualité et la quantité des services qui sont maintenus lors d'un conflit de travail.

Nous souhaitons également que, dans l'information que ce comité fera en regard des listes syndicales, donc en regard des situations où il a été impossible aux parties de s'entendre, le comité rendra publique la position patronale.

Nous croyons que, si le public a accès aux positions respectives des parties, cela pourrait influencer positivement la situation. Le conseil d'information sur les négociations...

M. Johnson: M. Brissette, pourriez-vous parler plus près du micro?

M. Brissette: Je vais essayer, M. le ministre. Les associations tiennent à affirmer qu'elles sont également d'accord avec la création de ce comité, tout en s'interrogeant sur la possibilité qu'il aura d'interpréter les enjeux de la négociation.

De plus, nous nous interrogeons sur les moyens dont disposera ce comité pour cueillir des informations lui permettant d'assurer son mandat. Il nous semble, par ailleurs, que le fait que le comité interviendra principalement sur la demande des parties l'obligera à établir sa crédibilité envers elles, ce qui nous apparaît une bonne chose.

Le calendrier des négociations: Sur ce point, nous sommes unanimes pour dire que les étapes prévues, bien avant l'expiration du contrat de travail, sont souhaitées par tous, mais nous ne retrouvons dans le projet aucun élément susceptible d'en garantir l'observance. (17 h 30)

Avis de grève. Il nous semble enfin que l'avis de grève réduit par le projet à 48 heures plutôt qu'à huit jours risque de compromettre la poursuite des activités des établissements.

Ce sont les commentaires généraux des six associations d'établissements. Si vous permettez, M. le Président, je voudrais vous présenter le rapport de l'AHPQ. On peut aussi vous dire que, sur le fond, les autres associations d'établissements sont là.

Alors, au nom des quelques 200 conseils d administration, membres de l'association dont j'assume présentement la présidence, je vous remercie d'avoir bien voulu nous inviter à participer à la présente commission parlementaire. Comme tous ceux qui sont ici présents le savent déjà, l'Association des hôpitaux de la province de Québec n'a jamais ménagé ses efforts pour faire en sorte que s'améliore toujours plus le climat des relations de travail dans les centres hospitaliers publics.

Dès 1976, l'Association des hôpitaux profitait de son mémoire adressé au premier ministre du Québec, ayant pour titre "Un programme de collaboration" pour soulever quelques interrogations à ce sujet et suggérer plusieurs solutions susceptibles de contribuer à l'amélioration du régime des relations de travail dans les hôpitaux.

En 1977, l'Association des hôpitaux a décidé de faire porter la totalité de son mémoire au premier ministre sur certaines questions des relations de travail. C'est avec satisfaction que, à la suite de la présentation de son mémoire en 1977, l'Association des hôpitaux a appris la création par le gouvernement de la commission d'étude et de consultation sur la révision du régime de la négociation collective dans les secteurs public et parapublic. C'est avec non moins de satisfaction que l'Association des hôpitaux s'est par la suite rendu compte que les différents domaines qui ont fait l'objet des préoccupations des commissaires nommés par le gouvernement sont ceux-là mêmes dont traitait l'AHPQ dans son mémoire, à savoir: 1) la détermination des parties à la négociation; 2) la teneur et la détermination de la politique salariale applicable dans le secteur public et parapublic; 3) la portée des stipulations à être négociées; 4) les rapports entre l'Etat et les centres hospitaliers publics d'une part et entre les centres hospitaliers publics et les autres instituts des secteurs public et parapublic d'autre part; 5) le droit de grève dans les centres hospitaliers publics; 6) le caractère essentiel des services hospitaliers; 7) les mécanismes de négociation.

C'est par la suite avec empressement et de façon positive que nous avons discuté de la teneur de notre mémoire 1977 avec les membres de la commission d'étude et de consultation, puisque nous avons poursuivi par la suite des discussions sur le régime de la négociation collective dans le secteur public et parapublic avec le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, puis celui des Affaires sociales, qui ont bien voulu nous convoquer pour faire suite au dépôt du rapport Martin-Bouchard.

Dans les quelques minutes qui vont suivre, c'est notre intention de vous faire part de notre réaction aux trois principaux points dont traite le projet de loi no 59, soit l'information du public, le déroulement des négociations et le maintien des services en cas de conflit de travail.

L'information au public. C'est par l'addition au Code du travail des articles 99e et 99i, tel que prévu à l'article 4 du projet de loi no 59, que l'on

traite de cette question d'information du public. L'article 99e traite de l'information du public en ce qui concerne les négociations en général alors que l'article 99i traite de l'information du public en ce qui concerne les services de santé et les services sociaux à maintenir en cas de conflit de travail.

Eu égard à l'information du public sur les négociations, à la page 5, si vous voulez, l'Association des hôpitaux souscrit entièrement aux dispositions du projet de loi no 59. La création du conseil d'information de même que le mandat qui lui est dévolu constituent une réponse à cette préoccupation de l'Association des hôpitaux qui, dans son mémoire de 1977, demandait que les règles relatives au cadre juridique, tout en respectant le caractère privé de la négociation, permettent une information objective graduelle et complète du public quant à l'état des négociations et quant aux positions respectives des parties en cause.

Si le conseil bénéficie d'un mandat dont l'interprétation nous apparaît très claire lorsqu'il s'agit de l'information à donner relativement aux positions respectives des parties, aux écarts séparant les parties et relativement enfin au déroulement de la négociation, il demeure qu'il est plus difficile de cerner le sens exact de l'information que devrait donner ce conseil quant aux enjeux de la négociation.

Nous aimerions ici apprendre du ministre ce qu'il entend exactement par le type d'information que doit donner le conseil en ce qui concerne les enjeux de la négociation et nous nous permettons ici de lui recommander que ce sens soit le plus large possible.

D'après nous, les conséquences tant sociales qu'économiques qui découlent des négociations dans les secteurs public et parapublic commandent que le public ait en sa possession le plus d'éléments possible susceptibles de lui permettre d'apprécier les événements au fur et à mesure qu'ils se déroulent.

Nous nous permettons de recommander, de plus, que le conseil d'information, en plus de faire rapport au public, le 30e jour qui suit la date du dépôt des propositions patronales, de même qu'à la date d'expiration d'une convention collective ou de ce qui en tient lieu, puisse agir proprio motu et non pas uniquement à la demande de l'une ou l'autre des parties.

Nous croyons cette dernière recommandation utile, si nous voulons que l'information soit véritablement objective et qu'elle ne réponde pas à de pures préoccupations d'ordre stratégique de la part de l'une ou l'autre des parties en négociation.

L'information du public sur le maintien des services de santé et des services sociaux en cas de conflit de travail. (Au milieu de la page 7.) Si l'Association des hôpitaux constate que les moyens retenus dans le projet de loi no 59 pour informer le public sur le maintien des services de santé et des services sociaux en cas de conflit de travail sont différents de ceux qu'elle proposait dans son mémoire sur les relations de travail dans les centres hospitaliers publics, elle n'hésite pas à reconnaître que la proposition gouvernementale peut permettre d'atteindre les objectifs qu'elle poursuivait dans ce mémoire.

On se souvient, en effet, que l'Association des hôpitaux soutenait qu'il est impératif que le législateur se dote de l'instrument le plus objectif possible pour lui permettre de mesurer l'effet des arrêts de travail sur la vie et la santé de la population et que se devaient d'être publics les rapports obtenus sur ce sujet par le gouvernement, à la suite de la mise en place de l'instrument requis. L'Association des hôpitaux appuie donc l'orientation retenue par le gouvernement dans son projet de loi no 59, en ce qui concerne l'information du public sur le maintien des services de santé et des services sociaux en cas de conflit de travail, et souhaite que le mandat confié à ce conseil soit interprété de la façon la plus large possible.

De fait, cette information du public, obtenue et dispensée par le conseil, sur le maintien des services de santé et des services sociaux devrait constituer un des éléments les plus importants permettant au lieutenant-gouverneur en conseil de décider de suspendre ou non l'exercice du droit de grève, selon qu'il croit ou non que, dans un établissement, une grève appréhendée ou en cours met en danger la santé ou la sécurité publique, le tout comme le prévoit l'article 991.

Sans vouloir mettre en cause un seul instant l'autorité, la compétence ou encore l'intégrité du Tribunal du travail ou de son juge en chef, on nous permettra de déplorer ici que l'on n'ait pas cru bon de prévoir de façon expresse la participation des professionnels de la santé, les médecins en particulier, en ce qui concerne l'évaluation à faire de l'impact pour la population qui découle des conflits de travail dans les centres hospitaliers. Nous souhaitons ici que le conseil, tel que formé par le juge en chef du Tribunal du travail, saura mettre à contribution les professionnels de la santé dans l'exécution du mandat qui lui sera confié en vertu de la prochaine loi.

Le déroulement de la négociation. Page 10. L'AHPQ constate tout d'abord avec satisfaction certaines similitudes entre la teneur du projet de loi et sa propre position, telle qu'exprimée dans le mémoire qu'elle a déjà présenté au premier ministre et aux membres de la commission d'étude et de consultation sur la révision du régime de négociation collective dans les secteurs public et parapublic. Dans les deux cas, en effet, les négociations doivent débuter longtemps avant l'expiration de la convention collective; dans les deux cas, il est prévu que les demandes syndicales et les offres patronales doivent être déposées de façon complète à une date donnée au cours du processus de négociation.

Dans les deux cas encore, on prévoit une phase conciliatrice effectuée par le conciliateur, selon les dispositions générales prévues au Code du travail dans le projet gouvernemental, alors que la position de l'AHPQ était de confier cette responsabilité à un commissaire à la négociation avec un mandat un peu plus étendu que celui qui, habituellement, est dévolu à un conciliateur.

Enfin, on ne peut s'empêcher de remarquer que, si le droit de grève est maintenu, aussi bien

dans le texte gouvernemental que dans le mémoire de l'association, dans les deux cas, ce droit de grève ne peut être exercé dès qu'il met en danger la santé ou la sécurité publique. Comme le gouvernement, l'Association des hôpitaux croit qu'à court terme le législateur n'a pas d'autres choix que de maintenir le droit de grève, étant donné, d'une part, que nous n'avons pas trouvé de substitut à ce droit qui permette aux mécanismes de négociation de jouer pleinement en son absence et aussi parce qu'il serait irréaliste de croire que le simple fait de radier un tel droit éliminerait les arrêts de travail.

Cette constatation ne doit cependant pas nous porter à abdiquer au niveau des responsabilités que l'on doit assumer en ce qui concerne la protection de la santé publique en cas de conflit de travail, d'où l'importance du deuxième alinéa de l'article 991 qui prévoit la suspension de l'exercice du droit de grève si le lieutenant-gouverneur en conseil est d'avis que la santé ou la sécurité publique est menacée.

Il ne fait nul doute dans notre esprit qu'il appartient au gouvernement de résoudre cette antinomie qui peut découler de l'existence du droit à la grève, d'une part, et du droit aux services de santé et aux services sociaux, d'autre part.

Nous sommes confiants que le gouvernement n'hésitera pas à assumer pleinement ce rôle d'arbitre. Aussi, manifestons-nous notre accord quant à l'essentiel avec les éléments contenus au projet de loi en ce qui concerne le déroulement de la négociation.

Les services à maintenir en cas de conflit de travail. C'est au bas de la page 13.

L'association constate que la législation à venir ne parle plus de services essentiels, mais de services à maintenir en cas de conflit de travail. Convaincu comme nous le sommes que sauf exception, il soit impossible d'assurer les services essentiels, alors que l'on permet que s'exerce le droit de grève, nous considérons que le gouvernement a raison de ne pas vouloir introduire dans la législation quelque procédure que ce soit pouvant laisser croire que les services essentiels seront effectivement maintenus pendant les arrêts de travail.

A notre avis, toute tentative en ce sens ne pourrait constituer qu'un leurre pour la population.

Cela étant dit, il est bien évident que si la totalité des services essentiels peut ne pas être maintenue pendant les arrêts de travail, il importe que le plus grand nombre de ces services le soit. Pour permettre qu'il en soit ainsi, l'Association des hôpitaux a toujours cru qu'il fallait imposer aux parties le devoir de discuter localement de cette question du volume possible de services qui pourraient demeurer accessibles à la population. Elle constate avec satisfaction, encore ici, que le projet de loi no 59 contient une telle obligation de par la teneur de l'éventuel article 99j du Code du travail.

L'Association des hôpitaux entretient cependant de très sérieuses réserves relativement au libellé utilisé dans le projet de loi et qui consacre le fait de la prépondérance, de la liste syndicale décrivant les services à maintenir, et la façon de les maintenir, à défaut d'entente entre les parties patronale et syndicale, a ce sujet.

L'Association des hôpitaux ne s'en prend pas ici à la logique de la démarche proposée. De fait, dès que l'on accepte qu'il n'y a pas de tiers qui viennent imposer aux parties la liste des services à maintenir et la façon de le faire, on accepte, par le fait même, que les services à maintenir dépendent du bon vouloir de la partie syndicale.

Si, à la rigueur, il peut être acceptable qu'une entente entre les parties puissent porter sur les services à maintenir et la façon de maintenir lesdits services, il nous semble inadmissible qu'on puisse abandonner au syndicat le droit de décrire tels services et la façon de les maintenir. A moins que l'on se donne une définition restrictive de ce qu'on doit comprendre par liste décrivant les services à maintenir et la façon de les maintenir, il faut admettre qu'une telle liste ne peut pas être décidée unilatéralement par la partie syndicale.

Par exemple, les priorités quant aux soins médicaux ou aux soins infirmiers à rendre aux bénéficiaires, de même que la façon de rendre ces soins ne peuvent être laissées à la discrétion syndicale.

Que dire enfin des imbroglios qui découleront très certainement en cette matière et qui résulteront du fait de la multiplicité syndicale dans les établissements de santé? De fait, les établissements pourraient se voir pris avec différents syndicats qui décident de maintenir des services différents pendant un conflit de travail, d'où l'impossibilité absolue dans laquelle se trouverait la partie patronale de fonctionner avec un minimum de cohérence.

Que dire enfin du fait que la dispensation des services et la façon de maintenir lesdits services ne dépendent pas uniquement du personnel syndiqué et que concourent à la dispensation de ces services plusieurs catégories de cadres dans les établissements.

Il nous semble inadmissible d'admettre que, pendant les conflits de travail, ce soient les syndiqués qui décident de la contribution des cadres dans la dispensation des services, de même que de la façon pour eux d'accomplir leurs tâches.

Pour ne pas reprendre la logique de l'approche suggérée dans le projet de loi 59, mais pour faire en sorte que cette approche permette de fonctionner avec un maximum d'efficacité en cas de conflit de travail, nous suggérons que la liste syndicale prépondérante ne porte que sur le nombre de salariés rendus disponibles par le syndicat pendant les arrêts de travail. (17 h 45)

Laissons aux administrations hospitalières le soin de décider des services à rendre et de la façon de les rendre. Nous ne pouvons voir, ni au niveau des principes, ni au niveau de l'expérience passée, quelque justification que ce soit pour retirer aux employeurs le droit de décider de ces matières, même en période de conflit de travail.

Voilà en quelques mots, M. le Président, les observations que l'Association des hôpitaux de la province de Québec voulait vous faire relativement au projet de loi no 59. Cependant, avant de terminer, vous nous permettrez d'adresser au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre un certain nombre de questions dans le but de pouvoir par la suite être plus en mesure de comprendre le projet de loi et d'en saisir la portée réelle.

Existe-t-il une relation directe entre l'information publique qui est appelée à faire le conseil sur les maintiens des services de santé et de services sociaux et la décision du lieutenant-gouverneur en conseil voulant suspendre ou non l'exercice du droit de grève?

Qu'advient-il si l'une ou l'autre des parties, à la négociation, fait défaut de s'exécuter en ce qui concerne le délai imparti au projet de loi pour formuler leurs demandes et leurs offres?

Est-il possible que les mêmes individus soient appelés à former le conseil sur les maintiens des services de santé et des services sociaux et le conseil d'information sur les négociations?

Pour quelle raison a-t-on prévu que la liste syndicale dont fait état l'article 99j n'est pas modifiable, sauf par entente?

Doit-on conclure, du dernier alinéa de l'article 99j, que des cadres ne pourraient pas rendre des services que le syndicat n'a pas inclus dans sa liste?

Doit-on conclure, de ce même alinéa, que les cadres doivent se conformer aux décisions syndicales, quant à la façon de maintenir les services que les cadres dispensent.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Brisset-te.

M. Johnson: M. Brissette ou, en fait, M. le Président, si vous permettez, je suggérerais peut-être qu'on suspende nos travaux à 20 heures, pour reprendre la période des questions. Je vous remercie de l'excellente lecture.

Le Président (M. Boucher): Y a-t-il consentement?

M. Forget: Consentement.

Le Président (M. Boucher): La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 47)

Reprise de la séance à 20 h 8

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, messieurs!

A la suspension de 18 heures, nous avions terminé la lecture du mémoire de l'Association des hôpitaux. Nous en étions à la période des questions. M. le ministre.

Remarques générales

M. Johnson: M. le Président, madame et messieurs des associations, d'abord, j'ai été frappé par le ton positif des deux documents. Ceci dit, je suis bien conscient qu'ils soulèvent des problèmes qui pourraient même résulter en des divergences. Si je comprends bien, vous m'adressez quelques questions. C'est une technique, d'ailleurs, qui commence à se répandre. Je vais tenter de vous donner quelques-unes des réponses à ces questions.

D'abord, il y en a une dans le texte qui n'est pas reprise dans vos conclusions, c'est: Est-ce que le groupe, proprio motu, peut décider de rendre public? Non. La réponse est très claire. Le groupe d'information sur la négociation ne doit pas prendre l'initiative de commenter publiquement le déroulement des négociations autrement qu'au temps prévu par la loi. Ceci dit, je pense qu'il doit être accessible pour les media, au sens où il a entre ses mains une série de données et de faits qui seront interprétés par les media. Je pense que cela peut être une source d'information intéressante pour les media. C'est une source qui n'est pas alternative, mais additionnelle à leurs sources habituelles.

Quant à la question de l'information du public sur le maintien des services essentiels...

M. Raynauld: Si j'ai bien compris, vous dites que le groupe n'aura pas l'initiative de transmettre les renseignements, vous avez dit non.

M. Johnson: Non, il n'a pas l'initiative, proprio motu, de commenter. La loi fixe des périodes très précises où il intervient publiquement pour faire le point. Ceci dit, rien n'empêche que ce groupe puisse, à la demande des media, répondre à leurs demandes. Est-ce qu'il est exact que l'offre patronale sur les gens qui sont classés catégorie 8 dans tel secteur est de tant? C'est une source d'information, ce qui est fort différent des temps forts de leur intervention, au sens où ils interviennent sur la place publique pour dire: Voici le sommaire du déroulement de la négociation, etc.

Quant à la question de la décision que le lieutenant-gouverneur en conseil pourrait prendre, soit suspendre l'exercice du droit de grève, est-ce qu'il y a une relation entre ça? Pas nécessairement. Je pense que la décision de suspendre le droit de grève est une décision qui doit se faire à partir d'une expertise qu'on peut retrouver, entre autres, au ministère des Affaires sociales, à partir de données... Cela n'écarte pas, évidemment, que le comité d'information puisse avoir des... Cela, c'est très différent de ce que proposait la commission Martin-Bouchard, dans la mesure où Martin-Bouchard prévoyait que le lieutenant-gouverneur en conseil ne pourrait pas suspendre le droit de grève si le groupe en question n'avait pas demandé que le droit de grève soit suspendu.

Ce qu'il y a comme principe derrière ça, c'est que je pense que l'Etat, en tant que responsable de la santé publique, n'a pas à se soumettre à

l'arbitrage d'un tiers quand il prend une décision qui touche la santé publique.

Sur la question qu'on retrouve à la page 18, au sujet des délais impartis au projet de loi, quelle est la sanction pour les parties? La sanction, si on regarde le Code du travail, c'est $500 d'amende. Si vous voulez faire vos chèques tout de suite. Dans le fond, la sanction, elle est publique et morale, très clairement. Cette sanction publique et morale implique que le groupe d'information, évidemment, va faire état... Et je présume que, de toute façon, les media seront, a priori, aux aguets du dépôt des demandes et des offres. Il est bien évident que la partie syndicale et la partie patronale, s'ils ne répondaient pas à ces demandes et à ces offres, ce qu'ils risquent, évidemment, c'est de subir l'opprobre. Dans le cas de l'Etat, qui prend à peine un an avant de proposer un projet de loi pour fixer des échéanciers, s'il ne les respecte pas, je pense que l'Etat employeur, le gouvernement employeur, dans ce cas-là — je pense à une sanction politique très claire face à l'opinion publique — quant aux syndicats, je pense que c'est le même type de problème qui se pose.

Ensuite, est-il possible que les mêmes individus siègent aux deux groupes, celui de l'information du public sur les négociations et l'autre sur les services essentiels? Je pense qu'il est préférable que non. La loi, cependant, n'empêche pas que ce soit tel. Je présume que le débat de deuxième lecture et celui de l'étude article par article nous permettront de préciser certaines choses à ce sujet-là. Je pense que ça n'empêche pas que ça se produise, mais, a priori, il me semble que c'est préférable que non, étant donné que les objets sont finalement fort différents, et que l'expertise, dans les deux cas, est sans doute très différente.

Ensuite, pour quelle raison a-t-on prévu que la liste syndicale, dont fait état 99j, n'est pas modifiable, sauf par entente, mais c'est une notion que j'ai déjà évoquée, la notion du "last offer"; dans la mesure... Si le syndicat peut modifier sa liste, pourquoi soumettrait-il une liste qui doit être considérée comme plus ou moins définitive? Dans le fond, il risque de soumettre une liste qui est une position de négociation. On veut éviter cela et on veut que, clairement, lors du dépôt de cette liste, il y ait là, s'il n'y a pas eu d'entente, carrément l'effort syndical pour assurer les services en cas de grève.

La dernière question est beaucoup plus complexe. C'est celle qui touche les cadres. Qu'on y réponde d'une façon ou d'une autre, le problème reste entier. D'abord, le syndicat a-t-il — je sais que c'est une préoccupation de l'AHPQ qui l'a déjà véhiculée — le pouvoir de déterminer quels cadres travailleront dans sa liste des services essentiels? Si on regarde les principes généraux de notre droit du travail, non. Le droit de gérance est une affaire qui appartient à l'employeur. (20 h 15)

Cependant, si on exclut les cadres de la description des services essentiels, est-ce qu'on ne risque pas d'avoir un syndicat qui décrit des services dits essentiels à un minimum en tenant compte du fait que les cadres peuvent travailler 24 heures par jour et six jours par semaine? Dans un cas comme dans l'autre, le problème se pose. Je me permettrai ici de faire une parenthèse que j'ai déjà faite lors de discussions qu'on a eues ensemble: Pour avoir vécu dans un hôpital, pour avoir vu et connu beaucoup de gens qui ont vécu ces crises-là dans nos hôpitaux en 1976 et en 1972, je pense que c'est très clair qu'il faut que le personnel non syndiqué dans les hôpitaux soit bien conscient qu'en temps de crise, c'est en temps de crise. Dans les circonstances, il est appelé à faire des efforts qui sont autres que du neuf à cinq. Entre cela, par exemple, et l'épuisement physique total — comme je l'ai déjà vu dans certains cas — il y a une marge. Mais je ne pense pas que ce soit la loi qui puisse l'établir. C'est vraiment chaque situation dans chaque hôpital.

Nonobstant cette réserve, je suis très conscient que 99j, à cet effet, pose le problème de façon entière.

C'est ce que j'avais à répondre à vos questions. Je ne sais pas si mes réponses vous satisfont. Moi, j'ai quelques questions.

D'abord, j'en ai une au sujet de l'avis de 48 heures. Le mémoire que vous avez lu, au nom de l'ensemble des associations qui sont devant nous, évoque le problème de l'avis de 48 heures. J'aimerais entendre particulièrement l'AHPQ à ce sujet puisqu'il n'est pas mentionné dans votre second mémoire comment vous voyez le problème de l'avis de 48 heures.

Le Président (M. Boucher): M. Brissette.

M. Brissette: Nous n'avons pas mentionné l'avis de 48 heures dans notre mémoire, mais on devait le faire. Vu que cela l'avait été dans le mémoire conjoint, on ne l'a pas répété, mais on pense qu'un avis de 48 heures n'est pas suffisant pour nous permettre de prendre les dispositions nécessaires en fonction d'une grève qui s'en vient. Cela vient déséquilibrer, je pense, le fonctionnement d'un hôpital quand on vit dans une période de prégrève, si on peut dire, ou à un moment où le syndicat aurait droit à la grève en 48 heures. On pense qu'un délai minimal de huit jours nous est nécessaire pour nous permettre de diminuer le taux d'occupation et de prendre les mesures nécessaires, d'autant plus que si la liste du personnel n'est pas tellement élevée, à ce moment-là, on devra nécessairement retourner chez eux certains patients et diminuer les services. On ne peut le faire dans une période de 48 heures. Cela ne nous apparaît pas matériellement possible.

M. Johnson: La question que je vous poserais est la suivante: Dans le fond, on sent venir une grève dans un hôpital, je pense, sur le plan local. Je me posais la question de la façon suivante: Avant, vous aviez l'avis de huit jours, mais vous aviez l'avis de huit jours en salve. Alors, le syndicat envoyait un avis de huit jours le lundi pour pouvoir

déclencher la grève le mardi suivant, mais il pouvait aussi répéter ce même avis le mardi, le mercredi ou le jeudi pour avoir droit à la grève le mercredi, le jeudi ou le vendredi suivant.

Donc à partir du lundi, du premier lundi dont je parle, le jour de la réception de l'avis, vous aviez huit jours pour prendre des mesures et vous préparer à faire face à une grève dans l'hôpital huit jours après. Mais si vous preniez ces mesures, dans certains cas vous vidiez partiellement l'hôpital et il pouvait très bien ne pas y avoir de grève. S'il n'y avait pas de grève et que vous remontiez le taux d'occupation dans les 24 heures ou dans les 48 heures en acceptant plus d'urgence, vous aviez toujours une grève qui vous pendait au bout du nez pas même avec une heure d'avis, parce qu'on avait donné l'avis en salve, tandis que dans ce qu'on prévoit, on dit: C'est 48 heures, et c'est 48 heures fermes dans la mesure où, si le droit de grève n'est pas exercé au moment de la tombée de l'avis, le syndicat est obligé d'envoyer un second avis de 48 heures.

Je comprends que pour le premier avis, dans le fond, ce que vous pouviez faire en pratique, je ne sais pas si cela se faisait de façon générale, moi je l'ai vu faire à une couple de places. A partir du moment où vous aviez un premier avis de 8 jours, vous vidiez, en partie, votre hôpital. Là, ça continuait comme ça.

M. Brissette: La dernière fois, le syndicat a fait un abus de ces avis successifs, on en avait pour 25 jours à venir. C'est bien sûr que c'est une tactique qu'ils ont. Je comprends qu'avec le projet de loi qu'on a devant nous, c'est fermé, cette procédure, sauf qu'il y a 48 heures entre les deux. Le syndicat ne peut pas envoyer 25 avis avec des délais de 48 heures chaque fois. Il devrait recommencer, s'il n'exerce ps...

M. Johnson: La notion, c'est qu'il ne peut pas le faire en salle.

M. Brissette: C'est ça.

M. Johnson: II donne un avis de 48 heures; disons qu'il donne un avis le lundi, les employés ont droit à la grève le mercredi. Le lundi à 8 heures, cela veut dire qu'ils ont le droit de grève le mercredi suivant à 8 heures. S'ils ne font pas la grève le mercredi, ils sont obligés, le mercredi soir, de vous envoyer un autre avis et ils ne peuvent pas exercer la grève le jeudi et ça retourne au vendredi soir.

M. Brissette: Nous, on pense...

M. Johnson: Cela n'a pas le même effet, c'est très différent.

M. Raynauld:... même effet, parce qu'au bout de 48 heures, ils recommencent. Il y a toujours un avis de 48 heures de donné. Essentiellement, pour moi, c'est la même chose.

M. Johnson: La différence, c'est qu'il y a un avis de 48 heures au lieu d'un avis d'une heure.

M. Raynauld: Oui, c'est ça.

M. Johnson: C'est ça la grande différence, à partir du deuxième jour.

M. Raynauld: C'est ça, à partir du deuxième jour, d'accord.

M. Johnson: Oui.

M. Brisette: Une fois qu'on a reçu l'avis, on doit présumer que la grève va s'exercer. Si on ne le présume pas, à ce moment-là, on n'assure pas la sécurité des malades à l'intérieur. On ne peut pas jouer avec la sécurité des malades.

M. Boutin (Claude): Si vous me permettez, M. le Président, pour répondre à la question du ministre. En tout cas, pour ce qui est des centres d'accueil, pour connaître ce qui se vit chez nous, c'est peut-être aussi compliqué dans les hôpitaux, si ce ne l'est pas plus. Dans une situation où on a une centaine de bénéficiaires et deux ou trois cadres, il est sûr que s'il y a une grève appréhendée à 24 ou 48 heures d'avis, il y a évidemment des dispositions à prendre pour faire face à cette situation. C'est extrêmement important, si on veut assurer la sécurité des bénéficiaires.

Avec un préavis de 48 heures, on pense qu'on est dans une situation où on est constamment menacé de grève. Donc, à toutes les 48 heures on est susceptible d'avoir des avis. Compte tenu des implications de l'exercice du droit de grève dans les services publics, c'est-à-dire santé et sécurité du public, on pense que ça n'est pas un grave inconvénient pour les syndiqués qui veulent exercer leur droit de grève de soumettre un avis de 8 jours et qu'au terme de ces 8 jours, s'ils n'exercent pas leur droit de grève, ils puissent soumettre un autre avis de 8 jours. Il me semble que c'est peut-être aller trop loin par rapport à ce qu'on veut sauvegarder qui est l'intérêt et la sécurité publics.

M. Johnson: D'autres commentaires sur l'avis de quarante-huit heures?

M. Beaulieu (Jean-Guy): Oui, d'autant plus que je pense que lors des représentations qu'on vous avait faites récemment, on pensait s'être compris sur la situation suivante: Le Code du travail, à l'heure actuelle, comme esprit, voulait que ce soit huit jours, avec la même philosophie que vous prenez pour quarante-huit heures.

On disait qu'il fallait corriger cette situation parce que ce n'est pas suffisamment clair et que cela produit des abus. On avait cru comprendre, lors du dépôt initial de vos orientations, que vous vous dirigiez nettement vers le code actuel, de huit jours, mais avec les vrais huit jours, tel qu'on l'interprétait.

M. Cloutier (Pierre): Cela est quand même un problème important, ce sont les premières quarante-huit heures. Cet avis, au contraire, ne permet pas du tout d'assurer la sécurité publique. Avoir un avis de grève à huit heures le lundi matin pour mercredi matin, huit heures, c'est courir un grand risque. Il y aurait tout au moins celui-là, au minimum, sans enlever les considérations qui viennent déjà d'être faites.

M. Johnson: Ce que vous me dites c'est que pour vous, quarante-huit heures, c'est nettement insuffisant. Mais est-ce qu'en pratique vous ne savez pas quand une grève s'en vient, dans un hôpital, en période de négociations? Bien avant quarante-huit heures?

M. Tremblay (Jean-Claude): M. le ministre, est-ce qu'on va vider un établissement? Est-ce qu'on va réduire le taux d'occupation dans un établissement, avec des patients qui sont quelquefois dans un état plutôt urgent, plutôt sérieux, sur une présomption de grève? Je pense que la loi doit être claire là-dessus. Quand on prend l'initiative de diminuer un taux d'occupation d'une façon rigoureuse pour faire face à une situation d'urgence, il faudrait que la loi prévoie qu'on ne le fasse pas sur une base de présomption ou d'hypothèse.

M. Johnson: Moi, ça va pour cela, pour la question des quarante-huit heures.

M. Raynauld: Vider un hôpital avant qu'un avis soit donné.

M. Johnson: Je n'ai pas d'autres questions pour le moment.

Le Président (M. Boucher): Vous n'avez pas d'autres questions, M. le ministre? M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: J'avais pensé poser des questions sur le même sujet, en deuxième lieu. Je vais le faire tout de suite pour qu'on suive le fil. Est-ce que vous pourriez nous dire, parmi les mesures que vous devez prendre, pour faire face à une grève appréhendée et annoncée par un avis, qu'est-ce qu'il faut comprendre? Est-ce qu'il faut comprendre surtout la diminution des malades, l'évacuation partielle, en quelque sorte, de l'hôpital.

M. Brissette: Les mesures que l'on prend, c'est qu'on arrête immédiatement toute admission élective. C'est la première mesure. On demande à nos médecins de classifier leurs malades par catégorie A, B, C, ceux qui peuvent partir, ceux qui peuvent partir avec aide, ceux qui ne peuvent pas partir. On annule les opérations qui étaient prévues dans les jours suivants et qui demandaient un séjour de six, ou sept, ou huit jours après l'opération. Ces opérations sont automatiquement annulées. On garde, en somme, seule- ment ceux qui sont nécessairement obligés de rester à l'hôpital et la catégorie B, ceux qui peuvent partir avec aide, mais, si on a un avis de huit jours, généralement, dans ces huit jours, cette catégorie pourrait quitter l'hôpital. Ce sont les premières mesures que l'on prend.

M. Forget: Je sais qu'il est difficile de parler de façon générale de ces situations qui diffèrent tellement d'une place à l'autre, mais pourriez-vous nous indiquer, de façon assez générale et peut-être plus au niveau des impressions que vous en avez, l'évolution du taux d'occupation jour après jour, après qu'une décision comme celle-là est prise? J'imagine que la première journée, il n'y a presque pas de réduction. Il y en a une plus sensible au fur et à mesure que le délai, dans le fond, court.

M. Brissette: Le taux d'occupation; si on prend des chiffres pour l'expliquer, si, avant la réception de l'avis de grève, on avait un taux d'occupation de 80%, on tend à le diminuer le plus possible. Comme vous le disiez vous-même tantôt, dans les premiers jours, cela diminue, mais, quand les urgences reviennent par la salle d'urgence, ce taux a tendance à remonter. Selon la durée du conflit, il fluctue. C'est pour cela que la liste qu'on mentionnait tantôt, il nous apparaît nécessaire qu'elle soit fluctuante, selon la fluctuation du volume de services qu'on a à rendre, parce que les services qu'on a à rendre aujourd'hui ne sont pas nécessairement les services de demain et ceux d'hier.

M. Forget: Je comprends qu'il y a des fluctuations, mais les fluctuations s'établissent autour d'un niveau moyen beaucoup plus bas, à ce moment-là.

M. Brissette: Oui.

M. Forget: N'avez-vous pas l'impression que plus le délai dont vous bénéficierez sera long, plus, par corrélation, les services essentiels qui vous seront définis, soit par le syndicat unilatéralement, soit par n'importe quel organisme extérieur, seront réduits? C'est, j'imagine, un des facteurs dont un comité, un groupe quelconque qui cherche à définir quels sont les services essentiels, doit tenir compte. Prenons un cas extrême. A supposer que l'avis soit d'une heure, dans une heure, il est probablement impossible de faire quoi que ce soit.

Donc, les services essentiels sont les services nécessaires pour faire fonctionner l'hôpital sans aucune réduction de la clientèle. Si vous donnez, à la limite, quinze jours, il est possible, mais non pas dans les hôpitaux chroniques — je pense que c'est entièrement un autre problème — de réduire à 10% le taux d'occupation et, bien sûr, d'avoir des fluctuations de 5% à 15%, ou quelque chose de ce genre. A ce moment, la définition des services essentiels va tenir compte du fait que vous avez un délai de quinze jours. Tout compte

fait, à supposer que les nouvelles règles sur les services essentiels soient plus efficaces et surtout mieux observées que par le passé, est-ce que vous n'êtes pas mieux avec un petit délai et, pour la protection du public, les services essentiels définis de façon plus généreuse qu'un long délai et des services essentiels réduits à leur plus simple expression? (20 h 30)

Je ne sais pas si on peut lier les deux idées aussi étroitement que cela, mais j'ai l'impression qu'il sera important, à un moment ou l'autre, que ceux qui définissent les services essentiels tiennent compte de la durée du délai, surtout s'il n'est pas répétitif, c'est-à-dire non concurrent, mais successif, tel que le ministre suggère qu'il le soit.

M. Brissette: Sûrement qu'il y a une relation certaine entre le délai et la nécessité du volume de services à maintenir, mais il reste que huit jours, c'est peut-être trop, et que 48 heures, ce n'est peut-être pas assez. Vous savez, en 48 heures, commencer à évacuer des patients, rejoindre les familles, etc. On parlait tantôt d'un hôpital qui pouvait desservir une clientèle à 50 milles de sa place de service. Parfois, on n'a pas de famille ou il faut trouver des parents, des amis. En 48 heures, c'est difficile de s'organiser, même en temps de conflit. Peut-être que 48 heures, c'est trop court, et que huit jours, c'est trop long. Je pense qu'il y a une relation entre ce que vous dites, c'est-à-dire que plus le délai est long, moins il y a nécessité d'avoir des services et plus il est court, plus c'est nécessaire d'en avoir.

M. Johnson: Dans cette ligne de questions, une fois que vous avez pris la décision de diminuer votre occupation, je parle surtout des hôpitaux par opposition aux centres d'accueil qui, à toutes fins pratiques, sont extrêmement limités dans leur capacité de vider les lits, après cela, une fois que vous fonctionnez à 40% d'occupation, ces 40% fluctuent, mais pas tellement finalement. Vous êtes en période de crise. Vous ne rappelez pas les gens le lendemain matin. Par la suite, cela vous prend combien de temps à vous rajuster? Disons que le travail reprend, vous ne remplirez pas l'hôpital pour autant. Disons qu'il y a une autre grève qui est déclenchée, vous rajustez, mais cette fois avec un taux d'occupation minimal, Cela ne devrait pas prendre trop de temps.

Je m'explique: Par exemple, le premier avis pourrait être de huit jours, les avis subséquents, eux, pourraient être de 48 ou de 24 heures. Serait-ce concevable? Finalement, à partir du deuxième avis vous fonctionnez avec une occupation minimale.

M. Tremblay (Jean-Claude): M. le Président, je ne sais pas comment on peut lier très étroitement la période de temps d'un avis de grève et son effet réel. Je pense que le problème est essentiellement pratique. Qu'une grève soit entreprise avec un avis de 48 heures ou de huit jours, elle aura toujours essentiellement les mêmes effets.

Toutefois, dans votre proposition, il y a l'idée d'une espèce de planification de contingence qu'un établissement peut faire et qui lui permet, après une deuxième tentative, peut-être de prévoir ou, en tout cas, d'amenuiser les impacts que peut causer le fait qu'une grève se produit. Il n'en reste pas moins que le lien n'est peut-être pas aussi étroit qu'on serait porté à le croire entre la longueur de l'avis et les effets d'une grève comme telle. C'est toujours difficile un peu de démontrer, d'une façon statistique, les opinions qu'on émet. Sur ce sujet, il me semblerait difficile, en tout cas, de démontrer qu'un avis de 48 heures ou qu'un avis de huit jours va changer d'une façon très importante les impacts négatifs que la grève va causer.

M. Johnson: Mais l'avis de huit jours, pour répondre un peu à votre argument — je m'excuse d'empiéter sur le temps du député de Saint-Laurent — l'avis de 48 heures, vous le trouvez insuffisant, parce que vous dites: En 48 heures, à cause de la classification A, B, C des patients, particulièrement ceux qui sont classés B, ça pose des problèmes. Classés B, ça signifie, pour les fins du journal des Débats, ceux qui, en fait, peuvent sortir de l'hôpital, à condition qu'on soit assuré de l'environnement dans lequel ils se retrouvent après. Ils sont sortables à condition qu'ils soient accompagnés, etc.

Cela, je veux bien comprendre que c'est difficile, en 48 heures, de le régler dans un hôpital de la dimension de Saint-Luc, par exemple. Mais, à partir du moment où vous avez fait ça, parce que vous avez un avis de huit jours, comme vous avez eu en 1976 et en 1972, quand le problème s'est posé, effectivement, vous contingentez votre hôpital. Vous avez un taux d'occupation nettement inférieur, et, s'il y a une reprise du travail et un nouveau débrayage par la suite, vous n'avez plus le problème des B, ou vous l'avez, mais de façon beaucoup plus marginale. Les C, par exemple, qui se sont améliorés, dans le cas où ça pourrait arriver, ou les A qui se sont détériorés, ça arrive aussi...

M. Raynauld: Qui sont morts.

M. Johnson: Oui, mais ça, ça fait partie du pain quotidien dans les hôpitaux, indépendamment des négociations. C'est un peu en ce sens que... J'irais plutôt dans le sens de ce qu'a dit le député de Saint-Laurent, que je comprends le problème que ça pose pour le premier avis, mais, par la suite, à partir du moment où vous êtes contingentés, il y a moins de problèmes, il n'y a plus de B dans l'hôpital.

M. Brissette: C'est sûr que ce serait déjà mieux, après un avis de huit jours et, après ça, de 48 heures que de commencer tout de suite par un avis de 48 heures. C'est évident.

M. Johnson: Le député de Sainte-Marie négocie.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: En réservant mon jugement sur la question comme, je pense, nos invités, je suis porté à croire qu'il ne faut pas mélanger les deux questions. La question des avis concurrents, je pense que c'est bien de la régler, de vouloir, comme monnaie d'échange, offrir une réduction de l'avis. Cela entraîne un autre genre de préoccupation, mais la notion que je trouve la plus pernicieuse, M. le ministre, si vous le permettez, c'est qu'un premier avis entraîne le déclenchement jusqu'à la signature de la convention collective pour tous les hôpitaux qui l'ont reçu, la notion de fonctionner, disons, à 40%.

Quand on se rend compte de la durée des négociations, espérons que ça pourra s'améliorer, mais sans se faire des illusions, quand on sait que ça peut se prolonger pendant quatre, cinq ou six mois, la notion qu'une fois que le premier avis a été livré, tout le monde, dans le fond, est averti que s'il fonctionne à plus de 40%, il est coupable, a priori, d'imprudence, même si aucun deuxième avis n'est délivré, dans un grand nombre de cas cela constitue une grève sans grève à 60% du système.

Je n'envie pas la partie patronale dans une situation comme celle-là, ni même le gouvernement parce que, finalement, tout le monde, le contribuable en premier, va payer ce qu'il paierait pour tout le fonctionnement d'un réseau qui ne fonctionne pas ou qui fonctionne à 40%. Je pense qu'il faudrait, avant d'en venir à des conclusions, même du côté gouvernemental, qu'on y réfléchisse sérieusement. Cela me fait un peu peur. Je pense que j'aimerais mieux un compromis sur la durée de l'avis, mais que ce soit un avis qui, à moins d'être redonné, ne crée aucune présomption selon laquelle cela va se reproduire nécessairement.

L'expérience montre quand même qu'il y a un peu de sélection dans les endroits où les grèves ont lieu et ce n'est pas le même hôpital qui est constamment frappé. Alors, autant lui permettre de refonctionner à 100% le plus tôt possible dans l'intérêt de tout le monde.

Vous faites allusion — enfin, plus que cela — vous mentionnez spécifiquement que, même si vos recommandations n'ont pas été retenues sur l'information publique qu'est appelé à faire le conseil sur le maintien des services de santé, vous êtes quand même satisfaits du caractère public des choses qui vont être faites là-dessus. La question que je vous pose est la suivante: Croyez-vous que le public puisse tirer une utilité quelconque d'une information qui prendrait la forme d'une énumération de pourcentage, de capacité dans tel ou tel hôpital? On dirait: A la suite des décisions qu'a prises le conseil, on vous informe qu'à l'Hôtel-Dieu de Lévis, ce sera 28%; à l'Hôtel-Dieu de Québec, ce sera 42%; à Saint-Sacrement, ce sera 35%; à Laval, en cardiologie, ce sera 60%, etc. Cela apparaîtrait dans un communiqué, j'imagine, quelque part. Quelle est la possibilité pour le pu- blic, autrement dit, de comprendre une information comme celle-là, à moins qu'on ne lui fournisse en même temps un barème d'évaluation? On ne peut pas être absolu, bien sûr. Mais cela pourrait consister dans une recommandation, la recommandation patronale qui n'aurait pas d'application, par définition, si c'est la liste syndicale qui prévaut; on dirait: A l'Hôtel-Dieu de Lévis, le syndicat et la partie patronale n'ont pas pu s'entendre; donc, la liste syndicale est prépondérante. Elle prévoit... J'utilise un pourcentage, ce pourrait être autre chose; ce pourrait être une énumération de services, présumément, Dieu sait quoi, mais, pour les fins de la discussion, c'est plus court, disons que c'est 30%. La partie patronale, pour sa part, réclamait 48%.

Est-ce que cette information supplémentaire ne devrait pas accompagner les données qui, autrement, ne sont pas compréhensibles pour le grand public? Ou alors, si on hésite à confronter la position patronale et la position syndicale, à ce moment-là, est-ce que le conseil auquel on faisait allusion, qui est prévu, le conseil pour la protection des utilisateurs, ne devrait pas, en tout état de cause, en même temps qu'il fait la publicité de ces décisions, des décisions rendues, des ententes ou des listes syndicales, formuler lui-même, sans lier personne, sa propre recommandation? Et il dirait, dans ce cas-ci: Le syndicat offre 28%, nous recommandions 35%. Il se peut très bien que la partie patronale fasse savoir que, par ailleurs, elle demandait 48% ou 64%.

Cela permettrait au public de juger si on s'occupe effectivement de son intérêt plutôt que de fonctionner sur cette présomption que, parce que la loi dit que cela doit se faire de telle et telle façon, tout doit aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Encore une fois, c'est très joli de dire que le public doit être informé. La question est de savoir: Est-ce qu'on lui donne suffisamment d'instruments pour qu'il apprécie à sa juste valeur l'information qu'on lui transmet?

M. Chevrette: Me permettriez-vous une petite question?

M. Forget: Oui, mais si on permet au représentant de répondre; après je vous permettrai toutes les questions.

M. Chevrette: Cela leur permettrait de faire la nuance, avec ce que je vais vous poser.

M. Forget: Je me méfie de vous, là.

Le Président (M. Boucher): Est-ce que vous le permettez, M. le député de Saint-Laurent?

M. Chevrette: Je suis sûr qu'il va me le permettre.

M. Forget: Oui.

Le Président (M. Boucher): Alors, M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Votre question, M. le député de Saint-Laurent, a une approche différente d'un milieu à un autre. Je voudrais donner l'exemple de l'est de la ville de Montréal. Vous pouvez avoir quatre hôpitaux collés les "unes" sur les autres par rapport à une région où il n'y en a pas... Les uns sur les autres, excusez-moi, M. le député de Sainte-Marie. Si vous prenez quatre hôpitaux collés, il peut y avoir des ententes très différentes au point qu'il y en a un qui peut fermer complètement ses portes et que les trois autres offrent au public un accès assez facile. Vous ne pouvez pas juger de la même façon. Est-ce que votre question sous-tend cela?

M. Forget: C'est une autre question, parce que la loi non plus ne prévoit pas cela. Elle prévoit que la liste syndicale dans un établissement, et plus que cela, pour un syndicat dans un établissement, va donner la situation qui va prévaloir et qui va avoir force de loi. Elle ne prévoit pas que s'il y a d'autres hôpitaux fermés... Enfin, prétendument, on devra en tenir compte, mais il y a finalement une liste. On dit: II y a des gens qui doivent faire la publicité de cela. Est-ce que c'est une publicité qui va mettre les gens en position de juger? C'est la question que j'adresse à nos invités.

M. Tremblay (Jean-Claude): M. le Président, c'est une question à laquelle, vous le comprendrez, il est un peu difficile de répondre. Il faudrait que je me réfère aux schèmes de référence qui nous ont guidés tout au long de la rédaction de divers documents, en commençant par le mémoire, suivi de la présentation qu'on a faite à la commission Martin, plus, bien sûr, les discussions qu'on a eues avec le ministre, qui ont été faites sur les mêmes prémisses.

Au point de départ, on croit que la formule que vous suggérez présume que le public est bien informé, ce sur quoi on est d'accord. Cela va de soi. L'information au public, cela peut toutefois être assez difficile. L'évaluation est souvent faite par des gens du public qui ne sont pas toujours en position de faire une relation statistique entre le pourcentage de services offerts et le pourcentage de services dont on aurait normalement besoin pour maintenir la vie ou la santé d'une population dans un état satisfaisant, même pendant une période d'urgence.

Donc, la question que vous avez posée pose aussi celle de faire appel à un certain nombre d'experts et vous aurez noté sans doute, dans le mémoire qu'on a présenté à la commission qu'on était tout à fait d'accord avec les présentations qui nous ont précédés selon lesquelles les médecins devraient être appelés à participer non pas sur une base statistique, ce n'est probablement pas non plus ce que vous avez à l'esprit, à savoir que c'est 48% dont on a besoin, mais c'est une situation évolutive... (20 h 45)

Quant à nous, l'information au public — et c'est un point fondamental qu'on a tenté de soutenir tout au long du processus de consulta- tion — ne doit pas nécessairement faire du public autre chose qu'un témoin. C'est au gouvernement qu'il revient d'arbitrer entre le droit à la santé et le droit à la grève. Ce que nous trouvons, je ne dirai pas inquiétant, mais ce que nous souhaiterions, c'est que la relation entre le rapport du comité d'information et la décision que le gouvernement aura éventuellement à prendre sur la suspension temporaire du droit de grève, soit plus étroite. Parce qu'à notre avis, c'est vraiment là que le problème de l'information au public se pose. Mise à part l'information comme telle, tout le mouvement doit nous servir, doit servir au gouvernement à arbitrer pour assurer une protection plus entière de la santé publique.

M. Forget: Si je comprends bien, vous seriez d'accord avec la notion qu'avant que le Conseil des ministres n'émette un décret suspendant le droit de grève, s'il en vient à la conclusion que ça doit être fait dans le cas d'un établissement particulier, il devrait déposer un avis de cet aréopage de sages, auquel on a fait allusion, et que cet avis devrait être publié au moins en même temps que la décision gouvernementale.

M. Tremblay (Jean-Claude): C'est-à-dire qu'on souhaiterait que le système lie plus étroitement le rapport du comité d'information à la décision que le gouvernement a à prendre. Quant à savoir si ledit jugement devrait aussi être rendu public, on n'a pas insisté, dans notre présentation, pour qu'il le soit. On a dit tout simplement... Pardon?

M. Forget: Qu'est-ce que vous voulez dire par cette expression? Cela fait deux fois que vous utilisez l'expression: On voudrait que ce soit lié plus étroitement. Je veux bien, mais ça veut dire quoi, en pratique?

M. Tremblay (Jean-Claude): C'est que dans la lecture qu'on a faite du projet de loi qu'on a devant nous, il n'y a pas de lien direct entre le comité d'information et le comité des services essentiels qui pourrait éventuellement être, selon ce que le ministre nous a dit tantôt, il n'est pas souhaitable que ce soient les mêmes personnes, mais on comprend que ça pourrait être le même comité; alors on voudrait qu'il y ait un lien très étroit entre le rapport sur les enjeux de la négociation et les informations que le gouvernement aura à prendre en considération pour juger si la santé publique est menacée, dans le cas d'une grève.

M. Forget: Oui, mais je reviens à ma question, excusez-moi, un lien étroit, dans l'esprit du ministre du Travail, un lien étroit dans les délibérations du Conseil des ministres, un lien étroit dans l'information du public, il faut bien que le lien se fasse quelque part, qu'il soit incarné par quelque chose. Vous suggérez quoi comme lien étroit? Est-ce que les deux décisions, c'est-à-dire la décision du gouvernement et le jugement que porte le comité sur les services essentiels, devraient être

publiées au même moment de façon à permettre de juger si elles sont suffisamment motivées ou si vous n'avez pas l'intention de demander qu'elles soient publiées en même temps? C'est un exemple parmi d'autres, mais qu'est-ce que ça veut dire, dans votre esprit, ça?

M. Tremblay (Jean-Claude): J'ai l'impression que la question que vous posez, fondamentalement, il faudrait que tout soit public pour forcer le gouvernement à agir. On n'a pas dit ça actuellement, il n'est pas nécessaire que tout soit rendu public, on a dit au contraire qu'on tenait pour acquis que le gouvernement allait effectivement exercer son rôle d'arbitre dans les cas où la santé publique est mise en cause et à partir de cette prémisse, on dit: Le système qu'on a n'est peut-être pas parfait, tout système est perfectible, mais on est prêt à vivre avec celui-là tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas fait la preuve que le système n'est pas bon ou qu'on ne nous proposera pas quelque chose de mieux.

M. Forget: C'est une façon bien longue de dire que vous faites confiance aveuglément au gouvernement, non? C'est une mauvaise interprétation de ce que vous dites?

Le Président (M. Boucher): M. Matteau? M. Bégin: Bégin.

Le Président (M. Boucher): M. Bégin.

M. Bégin: M. le Président, ma question s'adresse à M. le ministre du Travail. Suite à une de ses interventions tout à l'heure, il nous a dit qu'il appartenait au gouvernement de juger si la santé publique était en danger, on ne le nie pas, bien sûr, c'est bien entendu. J'aimerais savoir de quelle manière le ministre va pouvoir savoir que la santé publique est en danger dans telle ou telle institution, par quel truchement, par quel mécanisme? Je pense que ma question est intimement liée à l'intervention de M. Forget.

M. Johnson: De deux façons. Une façon qui est accessoire, mais qui n'est pas celle sur laquelle le gouvernement doit compter, même s'il peut s'en servir, c'est le comité d'information qui, on le présume, va s'adjoindre une certaine expertise. Mais ce n'est pas obligatoire. Je sens que c'est important qu'on marque la différence, parce que le comité d'information a essentiellement une vocation d'information.

Deuxièmement, par des mécanismes que la population du Québec et son gouvernement se sont donnés depuis 1966, à cause des conflits de travail qui ont sévi dans le domaine hospitalier, il existe, au ministère des Affaires sociales — le député de Saint-Laurent le sait — des moyens, à travers le réseau, de connaître l'évaluation de l'état des soins, de façon quotidienne, et même deux fois par jour dans certains cas.

C'est là-dessus que le gouvernement doit tabler, comme source d'information.

M. Bégin: Les mécanismes prévus dans la loi 59, de toute façon...

M. Johnson: Ils n'ont rien à voir avec la loi. C'est simplement sur un plan administratif que le ministère des Affaires sociales a la responsabilité de la santé publique, en vertu de la loi constitutive du ministère, et qu'il a les moyens pour évaluer cette situation.

M. Bégin: Je ne veux pas interpréter les propos de M. Forget, mais j'ai pensé qu'il voulait vous faire dire ou nous faire dire quels seraient les moyens qu'on utiliserait à ce moment-là. Je pense que ce serait important de les connaître, peut-être pas dans les précisions coutumières, journalières, mais il me semble qu'on devrait connaître la position des organismes qui seraient consultés, des gens qui seraient consultés, des gens qui sont en place. Il me semble que cela reste flou et que cela ouvre la porte à n'importe quel genre de consultation qui fera que la santé publique sera en danger. D'ailleurs, à la suite de toutes les interventions que j'ai entendues tantôt, j'ai compris que la santé publique était en danger, au moment d'un conflit, presque tout le temps. Evidemment, quand le gouvernement interviendra-t-il? Dans quel genre de danger public? Qu'est-ce qui va être un danger public? Est-ce qu'il faut qu'il y ait dix morts, quinze morts? J'aimerais savoir, dune façon plus précise, ce qu'on entend faire à ce sujet, si on peut répondre à mes questions, évidemment?

M. Johnson: La seule réponse que je peux vous faire à cela, c'est que cela appartient au gouvernement et au réseau des affaires sociales de l'évaluer. Je vais vous donner un exemple bien concret. Prenez l'est de Montréal, avec Santa Cabrini, Maisonneuve-Rosemont, Repentigny et un autre que j'oublie, et évidemment Notre-Dame, mais là, on est un peu plus à l'ouest. Maisonneuve-Rosemont peut fonctionner à 40%. Si Santa Cabrini a un département de chirurgie qui fonctionne pour les polytraumatisés je ne dis pas que tu n'as pas besoin de Maisonneuve-Rosemont. Mais si c'est une fin de semaine où il fait beau, où il y a bien du monde sur l'autoroute et dans le tunnel Hippolyte-Lafontaine, il y a des chances que ce soit dangereux si tu as 25 accidents cette nuit-là et que le département soit bourré de polytraumatisés. Mais si tu as affaire à un jour de semaine tranquille où il n'y a pas d'accident pendant la nuit sur l'autoroute et dans le tunnel Hippolyte-Lafontaine, il y a peut-être des chances que ce qui est décrit dans les services essentiels et l'état de fonctionnement de ces deux hôpitaux soient suffisants. C'est extrêmement variable.

Maintenant, qu'on attende les morts, je ne pense pas. Je pense que poser la question, c'est peut-être y répondre. Vous êtes d'accord avec moi?

M. Bégin: Je n'exige pas de réponse là-dessus non plus. C'est une remarque.

M. Johnson: En fait, i! s'agit vraiment d'une évaluation technique par les services du ministère des Affaires sociales. C'est une évaluation extrêmement difficile à faire. Je nourris personnellement des hypothèses de ce côté-là. Mais je suis sûr que le ministère des Affaires sociales s'équipe, de façon adéquate, pour faire face à cette situation, comme cela a été le cas en 1976 et en 1972.

M. Bégin: M. le Président, ce que nous essayons d'évaluer en pertes, c'est la différence avec le passé, quand on aura la nouvelle loi 59. A quelle place, dans la loi 59, cela offre-t-il plus de garanties? C'est un peu cela qu'on cherche à déterminer ou à comprendre.

M. Johnson: Ce n'est pas dans la loi que vous allez avoir la garantie, quant à cela. Quant à d'autres choses, je pense qu'il y a des mécanismes qui sont peut-être plus incitateurs que ce qu'il y avait dans 253, bien que cela soit ouvert à la discussion.

Mais quant à savoir ce qu'est une situation mettant en péril la santé publique à tel endroit précisément, je n'ai pas de réponse à cela dans un texte de loi, à moins vraiment que notre société soit parvenue à un tel consensus et qu'on dise: On va mettre cela entre les mains d'une dizaine de personnes qui vont prendre toutes les décisions à la place des hôpitaux, à la place des syndicats et à la place du gouvernement. C'est peut-être l'utopie. Remarquez que cela existe dans certaines sociétés civilisées. Je trouve cela dommage qu'on en soit loin. Nous ne sommes pas encore là.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Une dernière question, M. le Président. A la page 16, vous suggérez que la liste syndicale prépondérante ne porte que sur le nombre de salariés rendus disponibles par le syndicat pendant les arrêts de travail. Ce que vous suggérez, c'est plutôt le nombre de postes, j'imagine, qu'on est prêt à combler plutôt qu'une liste limitative de salariés qui permettrait à certains de travailler dans toutes les circonstances et, à d'autres, d'être en grève aussi dans toutes les circonstances. C'est un nombre de postes qu'on serait prêt à combler dans chaque service.

M. Brissette: On ne serait pas d'accord du tout que le texte de loi, tel que proposé, demeure tel qu'il est en ce sens que la liste des services du syndicat, s'il n'y a pas d'entente, devienne prépondérante. On pense que c'est la responsabilité du conseil d'administration de définir et de décider des services qui seront maintenus, soit par du personnel fourni par le syndicat, soit par l'affectation des cadres, et de la façon de les maintenir également.

On pense que le projet de loi devrait dire que, s'il n'y a pas entente, le syndicat devra fournir la liste du personnel qu'il veut fournir, mais pas une liste de services ni la façon de les maintenir. Nous, comme association représentant des établisse- ments, des centres hospitaliers, on ne peut pas accepter que le syndicat ait ce pouvoir. Cela revient à dire que, durant la période de grève, s'il y en a une, l'hôpital est sous la tutelle du syndicat, et on ne peut pas accepter une tutelle semblable.

M. Forget: Est-ce que la distinction est tellement nette? J'imagine qu'un syndicat, étant donné l'affectation des syndiqués à des postes assez bien prescrits, assez bien définis, dans le cas d'un syndicat d'infirmières, par exemple, préciserait quand même assez dans les détails l'endroit où se situe chacun des postes, soit les unités de soins, soit les services opératoires, soit d'autres services bien particuliers. Est-ce que, dans le fond, cela ne revient pas à peu près au même?

M. Brissette: Non, il y a une notion bien différente. S'il y a une entente avec le syndicat et qu'on convient du nombre de postes, à l'étage du "nursing" par exemple... mais il reste qu'il y a une notion différente, une nuance très importante dans le sens que c'est du personnel qui est fourni par le syndicat, mais ce n'est pas le syndicat qui décide de maintenir ce service, par exemple, au quatrième étage. Supposons qu'on nous fournisse deux personnes au quatrième étage et qu'on en ait besoin de cinq, nous pourrions envoyer trois cadres pour compléter la liste du personnel que le syndicat entend fournir, mais il ne décidera pas que le quatrième va être ouvert ou fermé. Il n'aura pas le droit de regard sur les patients qui seront admis ou non à l'hôpital. Il ne décidera pas si telle salle d'opération en particulier sera ouverte ou fermée. On va dire, par exemple: Vous laissez cinq personnes à la salle d'opération. On va décider quelle salle, quelle spécialité quelle salle spécialisée on va ouvrir. Cela n'appartient pas au syndicat et il n'a pas la compétence de le faire.

M. Forget: D'accord, je vous remercie.

M. Brissette: M. le Président, si vous permettez...

Le Président (M. Boucher): Oui.

M. Brissette: ... il y a aussi le fait qu'on retrouvait cette expression dans un autre contexte qui était celui de la loi 253, les services à maintenir et la façon de les maintenir. Mais dans le contexte de la loi 253, vous me permettrez de vous faire remarquer qu'il ne s'agissait, en aucune façon, d'une liste de services prépondérante du syndicat, alors que dans le projet de loi 59, on est confronté, advenant une non-entente, à une liste syndicale de services prépondérante et à la responsabilité syndicale de déterminer la façon de maintenir ces services. A cause du contexte nouveau dans lequel, en particulier, les mots "la façon de maintenir ces services" sont employés, on est d'avis que c'est une négation totale et complète du droit de gérance en période de grève.

J'aimerais, avec votre permission, revenir sur une remarque que le ministre nous a faite précédemment quant à ce qui concerne la participation

des cadres aux services essentiels. M. le ministre nous laissait entendre que, si on le prévoyait, on aurait à faire face à un minimum de services essentiels, parce que le syndicat tiendrait compte du fait que les cadres peuvent contribuer au maintien de tels services. (21 heures)

Or, le projet de loi, tel que rédigé actuellement, à l'article 99j, prévoit que nul ne peut contrevenir aux dispositions de l'entente conclue, ni déroger à la liste déposée. La question qu'on se pose, c'est que, dans l'éventualité où les cadres s'ajoutent au niveau des services qu'on donne en période de grève, est-il possible qu'ils fassent l'objet d'une pénalisation quelconque, d'après les mots que je lis? Ce n'est peut-être pas le cas, mais la loi nous...

M. Johnson: Je suis d'accord avec vous que le texte, dans ce sens, est ambigu. D'ailleurs, en cours de route, le député de Sainte-Marie va revenir sur la question qui est posée par la... Quel est le contenu, finalement, de la liste? En pratique, quel est le rôle des cadres? Dans quelle mesure est-il affecté par cela? Je pense qu'il fournira des éléments de réponse en cours de route. Je ne voudrais pas interrompre l'Opposition.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président. J'aimerais revenir au document qui a été présenté, plus précisément à la page 15 de votre document. Vous dites, au bas de la page: "... à moins que l'on ne se donne une définition restrictive de ce que l'on doit comprendre par la liste décrivant les services à maintenir et la façon de les maintenir, il faut admettre qu'une telle liste ne peut être décidée unilatéralement par la partie syndicale. " Est-ce qu'on doit comprendre par là que vous souhaiteriez, par exemple, que l'établissement de cette liste se fasse de façon conjointe, et avec l'administration et avec la partie syndicale, ou si c'est une autre formule que vous envisagez?

M. Brissette: Je ne voudrais pas qu'on parle de liste de services, parce que, s'il n'y a pas entente sur des services — c'est ce que M. Tremblay a dit tantôt — comment allons-nous pouvoir maintenir un service ouvert quand la loi dit qu'on ne peut pas dépasser soit l'entente, soit la liste de services prépondérante? C'est pour cela qu'on ne peut pas accepter une liste de services, qu'elle soit paritaire ou non. On ne peut pas l'accepter non plus.

M. Brochu: C'est le principe de la liste, au point de départ, que vous rejetez.

M. Brissette: C'est le principe de la liste des services.

M. Tremblay (Jean-Claude): En plus, monsieur, comme vous aurez pu le noter dans notre texte, on est d'accord que, dans un premier temps, il doit y avoir négociation. Alors, l'hypothèse qu'on envisage, c'est quand il n'y a pas eu entente entre les deux parties. On trouve inquiétant que ce soit l'une des parties — ce serait peut-être aussi inquiétant que ce soit l'autre, remarquez — qui établisse cette liste, parce qu'on ne pense pas qu'elle est habilitée à le faire. Il faudrait, à ce moment, qu'elle ait un droit de regard ou un contrôle sur l'admission, qu'elle soit assurée d'une collaboration très étroite des médecins qui pratiquent dans les établissements. On pense que cette situation n'est pas envisageable.

M. Brochu: L'argument de fond sur lequel vous appuyez votre opinion, à ce moment, revient un peu à ce qu'on a entendu cet après-midi de la part des spécialistes du côté de la santé, c'est-à-dire que cela doit être des personnes habilitées à décrire les services essentiels.

M. Brissette: Dans nos établissements, dans les hôpitaux en particulier, nous avons tous des conseils de médecins et dentistes. Quand ces choses se produisent, le conseil d'administration consulte son conseil des médecins et dentistes quant aux besoins à donner ou aux services à maintenir en temps de grève. C'est l'organisme habilité pour conseiller le conseil d'administration sur la façon de le faire. Il ne faudrait pas laisser cela à la partie syndicale. C'est inacceptable.

M. Brochu: Maintenant, j'aimerais revenir à la page 11 de votre document où vous dites: "L'Association des hôpitaux croit qu'à court terme, le législateur n'a pas d'autre option que celle de maintenir le droit de grève, étant donné, d'une part, que nous n'avons pas trouvé de substitut à ce droit qui permette au mécanisme de négociation de jouer pleinement en son absence." Vous parlez du court terme par rapport à des mécanismes substituts possibles au recours qu'est la grève actuellement. Il y a eu certaines hypothèses qui ont déjà été avancées à ce sujet. Lorsque vous dites à court terme — on va prendre cela — est-ce que. derrière cette forme de pensée, vous croyez qu'éventuellement la négociation permanente, par exemple, pourrait devenir un mécanisme substitut qui pourrait peut-être, dans un avenir rapproché ou à moyen terme, remplacer efficacement le droit de grève, ou du moins pallier les situations, devenir une sorte de remède?

M. Brissette: Disons qu'on n'a pas totalement réfléchi à votre question, mais il ne nous apparaît pas que le fait de négocier de façon permanente va enlever nécessairement l'exercice légal ou illégal du droit de grève, parce qu'actuellement les gens n'ont pas le droit de faire la grève et ils la font quand même.

M. Brochu: D'accord. C'est parce que vous mentionniez à court terme, on se limite à cela, et je voulais savoir s'il n'y avait pas une autre option que vous aviez à proposer.

M. Brissette: Quand on dit cela, on prétend et on répète ce que M. Tremblay a dit tantôt, c'est qu'il y a deux notions, deux droits, le droit à la grève que le législateur consent actuellement au syndicat et également le droit à la santé tel que défini dans le chapitre 48.

Dans notre position profonde, on dit: Le gouvernement, avec les moyens qu'il voudra, doit arbitrer ces deux droits pour s'assurer que l'état de santé de la population est protégé. Fondamentalement, c'est notre approche. Il y a deux droits: Un à la grève, un à la santé. L'arbitre, c'est l'Assemblée nationale, je pense. Elle doit agir. Si elle n'agit pas, l'Assemblée nationale, on va avoir des problèmes.

M. Brochu: L'essentiel, selon votre mémoire, c'est de tracer la ligne entre ces deux objectifs pour que le tout fonctionne de façon normale sans qu'il n'y ait de conséquences.

M. Brissette: Pour la protection de la santé du public.

M. Brochu: Oui.

M. Brissette: Mais il y a aussi la dernière partie de notre mémoire, la question de la liste de services, on est prêt à jaser longtemps là-dessus, si vous voulez.

Le Président (M. Boucher): M. Bégin.

M. Bégin: Oui, M. le Président. Ma question s'adresse à M. le député. Est-ce que vous, vous avez pensé à une solution de rechange au droit de grève? Vous savez, je pose la question parce qu'on est peut-être la seule association qui ait demandé le retrait du droit de grève dans notre mémoire devant la commission. On le pense encore et ça rend nos travaux très difficiles, d'étudier une loi telle que le projet de loi no 59 et de faire des recommandations quand on est contre la grève, point. On est contre la grève dans les services publics et on voudrait qu'elle soit remplacée par autre chose. Ce qui nous surprend tous les jours... D'ailleurs, on ne peut pas être les seuls à y trouver une solution; on n'a même pas les effectifs.

Mais on croit encore que tout le travail qu'on a fait aujourd'hui, avec le travail qu'on fait depuis dix ou quinze ans, si on l'avait fait dans le but de trouver un remplacement au droit de grève, on l'aurait trouvé à ce moment-ci et il y a toutes sortes de moyens. On pourrait vous faire toutes sortes de suggestions, mais on n'est pas ici ce soir pour ça. Mais je me demandais si en vous, au moins, je trouverais un allié, j'en cherche.

M. Brochu: C'est un peu le sens dans lequel je posais la question aussi, parce que, en fait, c'est le noeud du problème quand on parle de la question des services publics et ces choses. Ce que je disais, j'en parle en référence surtout avec des déclarations qui avaient été faites par M. Bellema- re, que je remplace, d'ailleurs, et qui est retenu comme vous le savez, à l'hôpital actuellement. Je sais qu'il avait fait état de ces choses au ministre et le ministre avait dit: On y songe, nous aussi, je pense. J'ai les déclarations aussi que le ministre avait faites à ce sujet-là, il n'y avait pas d'approche strictement spécifique à cette façon de procéder, mais disons que je le soulevais à titre de préoccupation en disant: Est-ce que vous voyez là-dedans un moyen, parce que le problème, vous l'avez en entier sur les bras et vous vivez avec?

Disons que je n'ai pas la réponse définitive. Je pose la question de façon entière: Est-ce que ça ne serait pas une façon... Le ministre lui-même a déjà dit: On regarde cela nous aussi.

M. Bégin: En fait, c'était de vous demander si vous étiez prêt à y travailler avec nous autres. Je sais que le ministre est prêt; il me l'a déjà dit d'ailleurs.

M. Johnson: J'ai un peu l'impression, M. Bégin, que ce serait à M. Brochu à vous demander si vous êtes prêt à travailler avec lui pour un tas de raisons, d'ailleurs.

M. Brochu: De toute façon, je pense qu'on est pas mal occupés de tous bords et de tous côtés.

M. le Président, si vous me permettez, une dernière question que j'aimerais poser ici, concernant une recommandation qui avait été faite, sur laquelle j'aimerais connaître votre opinion, la recommandation qui était au rapport Martin-Bouchard et que le gouvernement n'a pas retenue, en fin de compte, et c'est celle de constituer un centre de données de base sur toute cette question. Aux yeux de la commission, un tel centre de données, je cite ici, on disait, à ce moment-là, que c'était "d'une importance primordiale et ça s'impose comme le préalable le plus significatif de l'amorce de négociations collectives dans le secteur public et parapublic".

En fait, dès le 27 septembre 1977, les membres de la commission Martin-Bouchard ont écrit au premier ministre lui demandant qu'il procède là-dedans aussi. Par après, j'ai ici une copie de la correspondance, où M. Martin déclare aussi que ce ne soit pas fait, ce centre de données.

Est-ce que vous vous êtes penchés sur cette question et quelle en est votre perception? On n'en a pas discuté encore. Il y a d'autres groupes qui sont venus devant nous, et je profite de l'occasion pour vous demander comment vous entrevoyez ça. ce centre de données? Est-ce que cela aurait une utilité vraiment réelle?

M. Tremblay (Jean-Claude): Avant le rapport Martin-Bouchard et, bien sûr, la création de la commission, il y avait eu le sommet économique auquel on a eu le plaisir de participer, et, dès ce moment-là, on s'était mis d'accord sur le bien-fondé de la création d'un centre qui nous permettrait de comparer des choses qui sont comparables. On pense toujours que la création d'un bureau d'information, enfin, d'une régie, appe-

Ions-la comme on veut — et je pense que je fais référence à votre idée — serait une chose éminemment souhaitable. J'ai des informations, d'autre part, qui me portent à croire que le gouvernement actuel a l'intention, effectivement, d'établir une telle régie. Je crois savoir qu'il a choisi de ne pas le faire dans le cadre de la présente loi, mais je présume de son intention à l'effet qu'il souhaite lui aussi en établir une.

Je réponds à votre question en vous disant qu'on est effectivement très favorable à l'établissement d'une région dont le mandat serait essentiellement de ramasser des statistiques qui seraient disponibles à tout le monde et qui nous permettraient probablement de parler un langage un peu plus similaire, un peu plus comparable quand on s'asseoit aux diverses tables de négociations.

M. Brochu: Vous faites référence au sommet économique à propos duquel il y avait un consensus où on sentait le besoin d'avoir justement ce centre de données. Je retournerai peut-être la question au ministre; vous l'avez posée vous-même.

M. le ministre, sur ce même point, auriez-vous une déclaration à nous faire? Quelles sont vos intentions à ce sujet? Je sais qu'on en a fait état au sommet économique comme monsieur le mentionnait. Il n'y a pas eu de décisions annoncées par la suite. Y a-t-il des choses en préparation de ce côté-là?

M. Johnson: Oui, il y a des choses en préparation au sens où le gouvernement possède déjà, lui, des données considérables dans le domaine de la rémunération, entre autres, dans le secteur public et le secteur parapublic. Il entend rendre ces données disponibles et accessibles aux courtiers.

La première hypothèse qui avait été évoquée lors du sommet économique était la création d'un organisme tripartite ou avec un conseil d'administration de type Sénat et un directeur général. Il y a aussi d'autres mécanismes autrement que de passer carrément par une loi; quand on connaît le processus, on sait ce que cela signifie. Je peux cependant m'engager à dire que le gouvernement effectivement rendra ces données disponibles pour la prochaine négociation.

M. Brochu: Merci.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, vous soulevez dans votre mémoire une hypothèse qui voudrait que le conciliateur, ou la personne qui sera appelée à agir comme conciliateur, ait un rôle un peu différent et des pouvoirs peut-être accrus. Pourrais-je savoir ce que vous voulez dire exactement par pouvoirs accrus? Qu'est-ce qui vous amène à faire cette recommandation? Et, selon vous, qu'est-ce que cela ajouterait dans le système ou dans le déroulement des négociations?

M. Larouche (Réjean): En fait, la procédure qui était suggérée originellement par l'Association des hôpitaux à ce chapitre, c'était d'avoir une espèce d'étape où on aurait un conciliateur qui aurait également les pouvoirs, ceux qu'on rencontre habituellement chez les "fact-finding boards", et qui, à l'expiration de son mandat, rendrait publiques les positions respectives des parties. En fait, avec le rôle que le projet de loi prévoit déjà pour le conseil chargé d'informer le public, quant au déroulement des négociations, on a l'impression que ce conseil pourra jouer un peu le rôle qu'on avait prévu dans notre mémoire pour cette espèce de "fact-finding board". C'est un peu la raison pour laquelle on dit que, même si les moyens suggérés dans le projet de loi 59 sont différents de ceux suggérés par le mémoire de l'AHPQ là-dessus il y a une certaine similitude et que les projets finissent par se rejoindre.

M. Bisaillon: Ce que vous vouliez donc dire, c'est un pouvoir moral additionnel.

M. Larouche (Réjean): En fait, on voulait qu'à un moment donné dans les différentes phases de négociations, que le public soit averti des positions respectives des parties par une espèce de tiers objectif. Vous ne le taites pas dans le processus de négociations, mais vous le faites par le biais d'un conseil d'information. Alors, jusqu'à un certain point, sur ce plan-là, l'objectif est réalisé.

M. Bisaillon: Ce qui m'amène à vous parler justement du conseil d'information. Vous souhaitiez aussi dans votre mémoire qu'il y ait un lien plus étroit entre, d'une part, le conseil d'information et, d'autre part, la décision à prendre par le lieutenant-gouverneur en conseil. Pour que le mécanisme nouveau du conseil d'information puisse jouer correctement, ne pensez-vous pas que ce conseil d'information doit être au-delà de toute implication future, c'est-à-dire qu'on soit certain de son objectivité pour qu'il conserve sa crédibilité? On sera certain de son objectivité à partir du moment où on saura qu'en soi et, de par les membres qui le composent, il n'y aura rien à jouer dans une décision à venir quant à la suspension du droit de grève. Ne pensez-vous pas que, pour que le mécanisme joue pleinement, il faut qu'effectivement il n'y ait pas de lien du tout justement entre le strict objectif d'informer la population et, par ailleurs, la décision à prendre par ceux qui sont vraiment responsables, c'est-à-dire le cabinet des ministres. (21 h 15)

M. Larouche: Je préciserais au départ qu'il s'agit de deux conseils distincts, alors que le fait de prévoir, pour le premier conseil, cette information très objective quant au déroulement du processus même de la négociation n'empêcherait pas la possibilité pour un autre conseil, qui est distinct, qui est différent dans le projet de loi 59, de faire de l'information au public qui peut entraîner par la suite un comportement quelconque du gou-

vernement, à la suite de l'appréciation qu'il fait de l'impact pour le public qui découle des arrêts de travail. Ce rôle qu'on voudrait voir confier au deuxième conseil ne nuit pas du tout aux travaux du comité qui est chargé de surveiller le processus de négociation, parce que ce sont deux entitées distinctes dans le projet de loi.

Le Président (M. Boucher): M. Bégin.

M. Bégin: Pour ajouter à ce qui vient d'être dit, personnellement, je ne peux pas concevoir de l'information sans la partie strictement d'information qui tient compte des faits et la partie éditoriale qui commente les faits pour mieux renseigner le public. Evidemment, il n'y a jamais d'objectivité, c'est l'ensemble des sources d'information qui constitue l'objectivité, je pense bien. Il faut tout de même avoir confiance en quelqu'un. Si on met sur pied un organisme qui est nommé par le président et le reste et qu'on dise: Cet organisme aura la crédibilité... S'il a la crédibilité, il y aura la crédibilité, s'il réussit à la conserver; mais s'il ne réussit pas à la conserver, il faudra changer l'organisme, il faudra changer le genre, le moyen de locomotion de l'information. Mais je ne peux pas concevoir de l'information simplement en donnant des statistiques et des faits. Ce n'est même pas de l'information. Cette question a été posée plusieurs fois aujourd'hui, vous savez bien que le public ne I'écoutera même pas. Cette information est commode pour une certaine classe de public qui peut continuer de la commenter, mais on a besoin d'ajouter à cela le commentaire des experts qui fournissent l'information. Sans cela, il n'y a pas de compréhension du public.

M. Bisaillon: Est-ce que je pourrais me permettre de souligner à M. Bégin qu'il me semble en nette contradiction avec ce que vient de dire M. Larouche? Un des objectifs, je ne dis pas l'ensemble des objectifs, mais un des objectifs qui est poursuivi par ces conseils d'information, c'est d'arrêter cette espèce de propagande qui existait autrefois au moment des négociations où à la fois le gouvernement, une institution hospitalière, les syndicats, pour être en réponse, publiaient des pages complètes d'annonces dans les journaux. Il y avait une surenchère là-dedans, chacun s'accusait de véhiculer de l'information faussée. Dans le fond, c'est cela qu'on veut arrêter, en assurant cependant le public qu'il y a des gens qui sont spécialement affectés à surveiller, d'une part, le déroulement des négociations et, d'autre part, le déroulement d'une grève et que ces organismes, leur travail, leur mission dans le fond, c'est justement de surveiller l'intérêt public et de donner l'information et toute l'information, sans qu'il y ait de surenchère entre les parties.

M. Bégin: Je ne sais pas, M. le député, avec qui je suis en désaccord ou en accord.

M. Bisaillon: C'est avec les deux. Vous êtes autant en désaccord avec moi qu'avec M. Larouche.

M. Bégin: Mais si j'ai bien compris votre intervention, vous n'avez peut-être pas compris la mienne; je l'ai peut-être mal faite, je vais la reprendre. J'ai dit qu'il ne peut pas y avoir d'information sans un commentaire objectif de quelqu'un sup-posément objectif. Il ne peut pas y avoir d'information en publiant nettement des statistiques, parce que le public ne les lit pas, ne les écoute pas et ne les entend pas. C'est ma conception de l'information. On ne peut pas non plus concevoir un journal sans éditorial. Evidemment, vous avez mentionné tantôt que vous voulez arrêter cette escalade d'information. Est-ce qu'il y a quelque chose de prévu dans le projet de loi 59 qui dit que les syndicats ne pourront pas faire leur propre propagande dans leurs journaux et que la partie patronale ne pourra pas en faire autant? Je pense que M. Johnson a déjà répondu à cette question et il nous a dit qu'il n'est question d'arrêter personne. Alors, l'escalade va rester là. Mais l'autre, au centre de cela, si elle passe pour la partie objective, il faudrait bien qu'elle dise quelque chose aussi. Je pense que ce sont eux qui devraient être habilités à faire ce travail et qui auront peut-être la crédibilité du public et même de la partie patronale et de la partie syndicale. Parce que, quand quelqu'un est vraiment objectif, il fait son chemin. Il y a une différence entre l'objectivité et la propagande.

M. Bisaillon: Je pense qu'il va falloir qu'il y ait une certaine logique dans tout ce que vous dites. J'ai 20 minutes, M. le député.

M. Chevrette: Vous êtes bien pressé, vous?

M. Bisaillon: II va falloir qu'il y ait une certaine logique. D'une part, vous jugez, lorsque, par exemple, vous nous donnez vos commentaires sur le droit de grève en soi, vous vous sentez, dans le fond, lorsque vous dites cela, appuyé par le public.

Et au moment où vous dites: Le public m'appuierait dans la suppression du droit de grève, vous trouvez ce public intelligent, capable de juger fortement les choses, et, d'autre part, vous me dites, au niveau de l'information, que les gens ne seront pas capables d'apprécier, ne seront pas capables de comprendre, qu'ils ne lisent pas. Si les gens ont de la maturité à un moment, ils vont en avoir à l'autre. Il me semble que tout cela se tient.

M. Bégin: Dans mon esprit, si vous écoutez une bonne pièce de musique, ça prend généralement les commentaires appropriés pour la mieux comprendre et la faire mieux comprendre. Alors, c'est ce que j'ai dit, l'information... Je n'ai pas dit que les gens n'étaient pas intelligents, parce que les statistiques ne les intéressaient pas. Ils peuvent être paresseux et intelligents quand même.

M. Bisaillon: Moi, en tout cas, M. le Président, ce que je comprends, c'est qu'il faut dissocier la partie d'information et la partie de prise de décision pour conseiller le ministre responsable et pour conseiller le gouvernement au moment où il aura à se prononcer sur la suppression d'un droit

de grève. Il y a les parties qui sont là qui vont le conseiller, il y a les employés des différents ministères qui vont être dans le champ, qui vont pouvoir le conseiller. Autrement dit, le lieutenant-gouverneur en conseil va aller chercher ses informations chez ceux qui vivent les situations quotidiennement.

Il y a aussi les professionnels de la santé qui vont avoir un mot à dire. C'est une chose de prendre la décision de supprimer le droit de grève et c'est autre chose de protéger une information objective pour le public. Pour ne pas qu'on s'étende trop, étant donné que j'ai seulement vingt minutes, je voudrais en venir rapidement à l'essentiel, dans le fond, de...

M. Raynauld: ... Il ne le sait pas, mais cela fait vingt-cinq minutes qu'il parle.

M. Bisaillon: J'ai commencé à 21 h 15.

M. Chevrette: Vous, c'est parce que vous avez hâte de parler. Ecoutez, vous allez trouver ça intéressant et vous allez être correct.

M. Raynauld: ...

M. Bisaillon: Je voudrais en venir à l'aspect qui est peut-être le plus important pour vous, c'est-à-dire la liste syndicale, et reprendre deux arguments au départ, c'est-à-dire l'inquiétude que vous avez soulevée sur la multiplicité des syndicats qu'il pouvait y avoir dans une entreprise... Ce que je comprends du projet de loi — si je me trompe, le ministre pourra me reprendre — c'est qu'il doit y avoir une entente négociée sur les services que le syndicat doit continuer à dispenser pendant une période de grève. S'il n'y a pas entente, le projet de loi prévoit une liste syndicale des services qui devront continuer à être dispensés.

On parle d'une liste syndicale pour une entreprise donnée, ce qui suppose, pour moi, si ce n'est pas clair, je pense que c'est l'esprit de ce qu'il y a dans la loi et on pourrait effectivement le dire clairement, mais ça suppose une concertation entre les différents syndicats qui sont là pour assurer l'ensemble des services qui doivent être dispensés. Il me semble que je ne me trompe pas en prétendant que c'est ce que je comprends qu'il y a dans le projet de loi. Si ce n'est pas clairement exprimé, je pense que ça pourrait l'être et ça réglerait le problème que vous soulevez sur la multiplicité.

D'autre part, vous avez souhaité que le syndicat vous fournisse uniquement le nombre de personnes. Je voudrais vous souligner deux choses: premièrement, vous indiquer pourquoi on a favorisé cette formule... Il est clair que ce que le projet de loi favorise et privilégie, ce sont les ententes. Or, pour éviter ce qui s'est passé dans le passé, pour éviter les situations qu'on a déjà connues, il est clair que pour qu'il y ait des ententes, il faut qu'il y ait un rapport de forces. Et à ça on n'échappera pas. Le rapport de forces existe au moment où vous savez que s'il n'y a pas d'entente, c'est une liste syndicale qui va être fournie.

Notre prétention, c'est que ça amène donc les parties à avoir un intérêt à rédiger une entente. On pourrait objecter que le syndicat n'a qu'à ne pas s'entendre, sachant que ça va être sa liste, mais ce n'est pas vrai. La pression, pour le syndicat, repose justement sur l'établissement de cette liste, parce que si elle n'est pas suffisante pour assurer les services essentiels et protéger le public, il y a la suppression de son droit de grève au bout. Donc, le syndicat n'a aucun intérêt à présenter une liste qui ne soit pas conforme à ce qu'il faut assumer. C'est là ma compréhension de ce que devrait être le rapport de forces, si on veut en arriver à ce qu'effectivement, il y ait des ententes.

D'autre part, je veux vous souligner le danger de votre formule. Le syndicat, par exemple, pourrait vous dire: Je fournirai 50 personnes et ce que vous demandez, c'est de pouvoir affecter ces 50 personnes. Je comprends qu'il s'agit de syndiqués tout le temps, j'exclus les cadres, même si je suis conscient que les cadres pourraient faire partie ou être l'objet d'ententes. Mais s'il n'y a pas entente — j'exclus les cadres, et je parle uniquement de syndiqués — le syndicat pourrait vous dire: Je fournis cinquante personnes. Et ces cinquante personnes pourraient être jugées suffisantes et acceptables par les observateurs autour. Et vous pourriez avoir de la difficulté avec ces cinquante personnes, dans l'affectation de ces personnes, à assurer les services qu'il faut maintenir.

Si le syndicat vous fournit une liste complète, c'est-à-dire l'affectation des personnes, vous pouvez, dans chacun des secteurs, faire la preuve que dans ce secteur donné, trois, quatre ou cinq postes, ce n'est pas suffisant. Autrement dit, vous avez un pouvoir de preuve ou d'intervention dans chacun des secteurs donnés plutôt que sur l'ensemble de ce qui vous est offert. Il me semble qu'il y a un intérêt dans cette formule, dans votre propre intérêt à vous. Je ne sais pas ce que vous en pensez.

M. Brissette: On va y aller par la multiplicité dont vous avez parlé. On comprend, dans le projet de loi, si c'était retenu, que si un établissement avait dix certificats d'accréditation, il aurait dix listes prépondérantes éventuelles, s'il n'y avait pas entente.

Et on se demande comment on va pouvoir coordonner dix listes prépondérantes qui ont été faites de façon isolée, etc. Quand vous dites qu'il y a une concertation prévue, cela m'apparaît difficile, surtout si on sort d'une période de maraudage; la concertation ne sera pas facile.

M. Bisaillon: Dans le cas où vous recevriez effectivement dix listes, cela serait à votre avantage.

M. Brissette: Pas nécessairement, dépendant de la composition de la liste et de la nature de la liste aussi.

M. Bisaillon: Quelle est la formule que vous préféreriez?

M. Brissette: Nous, on préférerait — et c'est plus qu'une préférence — que le projet de loi prévoie que s'il n'y a pas entente au niveau local, que la liste soit une liste de personnel, par catégories de personnel.

M. Bisaillon: J'ai compris cela, mais en dehors de cela?

M. Brissette: Pardon?

M. Bisaillon: Supposons que la liste resterait telle qu'elle l'est dans le projet de loi, c'est-à-dire une liste syndicale de l'ensemble des services à maintenir, ou à fournir, je vous demande ce que vous privilégeriez à ce moment-là, compte tenu de ce que je vous dis? Est-ce que vous privilégeriez une liste unique pour l'ensemble de l'entreprise ou, s'il y a dix unités syndicales, dix listes?

M. Brissette: Si cela devait rester comme cela, c'est bien sûr qu'on aimerait mieux une liste unique. C'est sûr. Si cela devait rester comme cela. Mais si cela devait rester comme cela aussi, vous verriez dans quelle difficulté notre association se trouverait vis-à-vis ses membres, à l'effet de leur recommander ou non de négocier le droit de gérance par les services. A ce moment-là, lorsqu'on aura une décision à prendre, elle sera difficile. On la prendra. Est-ce qu'on conseillera à nos membres de s'abstenir de négocier des services ou de les négocier?

M. Bisaillon: Ne retombez pas dans la même erreur que la dernière fois. Ne retombons pas collectivement dans ces mêmes erreurs.

M. Brissette: Ce n'est pas une erreur. On ne peut pas admettre qu'on laisse le syndicat déterminer des services qui vont être rendus. C'est un droit de gérance. On ne peut pas le négocier avant que les négociations ne soient faites.

M. Bisaillon: Ce qu'on défend par le projet de loi 59 et ce que vous représentez aujourd'hui et ce que les médecins sont venus nous dire aujourd'hui, et probablement ce que les syndicats vont nous dire eux aussi, c'est le droit à la santé qu'on défend.

M. Brissette: Oui.

M. Bisaillon: On va arrêter de parler d'un côté, du droit de grève et de son exercice total, et de l'autre côté, on va arrêter de parler, dans certains cas, du droit de gérance. Si on veut défendre véritablement le droit à la santé, on ne va parler que de cela.

M. Brissette: Vous devez admettre cependant...

M. Ciaccia:... c'est bien plus simple.

M. Forget: C'est cela qu'ils vont faire, mais à la fin des négociations seulement.

M. Raynauld: C'est bien plus simple.

M. Bisaillon: Est-ce que je peux demander au député d'attendre son tour de parole. Il pourra nous...

M. Raynauld: Non, M. le Président, j'ai quand même le droit d'avoir des réactions.

M. Forget: ... il a le droit de...

M. Raynauld: Cela fait longtemps que j'attends.

M. Brissette: A ce moment-là, il faudrait amender le chapitre 48.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!

M. Brissette: C'est le conseil d'administration de l'établissement qui est responsable de cela. Est-ce que cette loi ou ce projet de loi va venir amender le chapitre 48, en temps de conflit?

M. Johnson: Si vous permettez, c'est seulement parce que je voudrais qu'on...

M. Forget: Vous avez tous les droits, M. le ministre.

M. Johnson: J'essaie de voir concrètement. Pourriez-vous me donner, à l'aide d'un ou deux exemples — j'en ai un à l'esprit, par exemple. Dans un hôpital, vous avez un laboratoire de biochimie, d'hématologie, de microbiologie et vous pouvez avoir un laboratoire avec des effets spéciaux, par exemple, l'hématologie usuelle est séparée du "cross-matching ' dans le cas des transfusions de sang. Vous avez cinq unités de laboratoire. Vous avez un même syndicat qui représente l'ensemble des techniciens. Ce que vous craignez, vous, c'est que le syndicat dise: Très bien, nous autres, on fournit trois techniciens en biochimie et un technicien en microbiologie et aucun en hémato. C'est cela qui vous fait peur? (21 h 30)

M. Tremblay (Jean-Claude): Ou encore, M. le ministre, qu'un syndicat nous dise: On vous laisse un technicien en radiologie. Vous le savez, cela...

M. Johnson: Qu'est-ce qui le dit?

M. Tremblay (Jean-Claude): Un technicien en radiologie.

M. Johnson: Oui.

M. Tremblay (Jean-Claude): II y a des exemples assez récents qui prouvent que le fait de faire

cela comme tel, de façon isolée, cela ruine à peu près complètement le fonctionnement de votre salle d'urgence et de votre hôpital. Vous êtes, à toutes fins utiles, obligé de fermer la clinique externe et la salle d'urgence.

M. Johnson: Avec un technicien en radiologie, je suis d'accord avec vous; mais, en pratique, comment verriez-vous la solution de cela, dans le cadre où on reconnaît le droit de grève?

M. Tremblay (Jean-Claude): Justement, j'allais dire l'abolition du droit de grève.

M. Johnson: Vous savez comme moi qu'un radiologiste, qu'un interne, qu'un résident peuvent servir de technicien en radiologie dans une salle d'urgence. J'en sais quelque chose, j'étais interne quand c'est arrivé, dans un hôpital universitaire, bien entendu, parce qu'il n'y en a pas partout. D'accord.

M. Tremblay (Jean-Claude): M. le ministre... M. Johnson: Oui.

M. Tremblay (Jean-Claude): ... si la liste, par hasard, était une liste de personnes disponibles ou de postes que le syndicat va nous laisser, on pourrait toujours tenter de combler cette lacune par un cadre ou un médecin. Si vous avez une liste de services c'est tout autre chose.

M. Johnson: Donnez-moi un exemple, toujours en prenant la radiologie, entre une liste de services et une liste de personnes disponibles.

M. Tremblay (Jean-Claude): Selon le taux d'occupation que l'établissement décide de maintenir, c'est toujours, en soi, une décision difficile à prendre. Cela dépend, cela aussi, du nombre de personnes disponibles. Evidemment, c'est la quadrature du cercle d'une certaine façon. Tous ces services sont tellement interreliés étroitement qu'il est extrêmement difficile de parler d'un des éléments sans le relier à l'autre. Je pense que vous allez en convenir.

Dans le cas que vous citez, on pourrait, selon la décision qui est prise de maintenir X patients, à cause de leur état et d'un certain nombre d'autres considérations, dont le nombre de personnes qu'on nous donne, essayer de faire des affectations qui puissent nous permettre de maintenir le taux d'occupation dont on a besoin en n'acceptant à l'urgence que les cas vraiment urgents qui nécessitent eux aussi, vous le savez, l'utilisation de la radiologie. Je ne pense pas pouvoir vous donner une meilleure réponse que celle-là. Malheureusement, nous non plus on n'a pas de solution magique à vous offrir, sinon on vous l'aurait donnée dans le mémoire.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Sainte-Marie, avez-vous terminé?

M. Bisaillon: Ma dernière question s'adresse aux représentants des hôpitaux privés que j'ai d'ailleurs prévenus de ma question. Cela va permettre à M. Bégin de nous répondre. Comme il est, je pense, assez reconnu que les hôpitaux privés fonctionnent souvent avec un personnel restreint par rapport aux hôpitaux publics, les restrictions ou l'orientation de la loi créent-t-elle plus de problèmes à votre niveau qu'elle pourraient en créer au niveau des hôpitaux publics?

M. Bégin: C'était peut-être une colle que vous vouliez me poser. Je vais essayer d'y répondre par une autre.

M. Bisaillon: Je vous pensais mieux que cela, M. Bégin.

M. Bégin: Premièrement, la clientèle des hôpitaux privés, comme vous le savez sans doute, se situe dans les maladies chroniques et aux centres d'acceuil. Pour les malades de longue durée, généralement, vous avez une idée des soins qu'on doit leur donner. On ne peut pas se permettre de les laver seulement une fois par semaine, quand ces gens-là sont incontinents dans leur lit. Vous comprendrez cela facilement. Si cela prend dix personnes pour laver des fesses le matin, évidemment, si vous avez seulement une personne, il y a des fesses qui ne sont pas lavées. Vous savez ce que cela fait dans un hôpital. A peu près tous les services sont sur cette base et le personnel, évidemment, on l'a toujours prétendu et on le prétend encore, est réduit chez nous plus qu'ailleurs généralement.

Il faut dire aussi que — je ne voudrais pas donner raison au projet de loi 59 — dans nos hôpitaux, dans le passé, on n'a pas eu de ralentissement de travail et on a eu les services essentiels, presque à 100% partout, après négociation avec le syndicat et après entente. Le syndicat a travaillé très fort pour convaincre notre personnel qu'on devait réduire à 30%, à 40%, mais, finalement, on a convaincu le personnel que c'est lui qui aurait à faire le travail quand même, parce que, dans un hôpital de soixante lits comme chez nous, s'il y a deux cadres, cela n'aide pas tellement si on coupe le personnel de moitié. Comme je vous le disais tantôt, quand bien même j'irais laver des fesses le matin, je pourrais en laver seulement une certaine quantité, parce que, donner un bain, cela prend un certain temps et il faut qu'il se donne, de toute façon, parce qu'on ne peut même pas négliger de lui donner, sans cela, on va se réveiller avec des plaies de lit et avec de la pourriture quelque part. Je parle dans des termes pour être compris. Vous m'avez posé cette question et j'essaie d'y répondre.

M. Bisaillon: Cela veut dire qu'à votre niveau les ententes sont possibles?

M. Bégin: Dans le passé, des ententes ont été possibles. Il faut préciser aussi — je n'aime pas nommer des centrales syndicales — que là, on était, en général, avec la FTQ; on a seulement quelques établissements avec la CSN et on a eu des problèmes avec la CSN. Il y a eu quelques

ralentissements de travail, et dans les hôpitaux où il y avait la CSN. On ne l'a pas eu avec le 298.

Le Président (M. Boucher): Terminé? M. Laplante: Du sabotage!

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Outremont...

M. Raynauld: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): Un instant, s'il vous plaît! Oui?

M. Groulx (André): Je m'excuse, mais on l'a demandé aux hôpitaux privés. Pour répondre à la question, je pense que, malheureusement, je ne peux pas dire la même chose que mon confrère, parce que nous, antérieurement, sur la loi 253, on a eu des services négociés qui n'ont pas été respectés. On a une clientèle qui est lourde, mais, d'après les dernières demandes d'autres organismes, entre autres, l'ACAQ, on a les mêmes problèmes. On a des gens aux boîtes qu'on ne peut pas sortir et à qui il faut donner les services. Pour ces gens, on choisit — on l'avait dit, d'ailleurs, dans le mémoire — dans la liste fournie par le syndicat sur le nombre d'employés, parce qu'on pense qu'à l'intérieur de nos boîtes, c'est nécessaire, ce qu'on a. Même si je définissais que je peux en sauver un ou deux, est-ce que la qualité de soins que je vais donner est fonction du nombre de personnes que j'ai, et je ne peux pas le réduire? Si le syndicat, parce qu'il a un droit de grève, prétend qu'il me donne seulement X personnes, l'administration, quant à nous, ne peut pas être de connivence avec cela. C'est bien clair, quant à nous.

M. Bisaillon: Dans votre cas, je comprends que, comme la dernière fois, vous aviez eu des ententes mais qui n'ont pas été respectées, pour vous, dans ses modalités d'application, puisque, dans tel cas, cela aurait été la suspension du droit de grève, c'est une grosse amélioration que la loi 59.

M. Bégin: Je le souhaiterais, mais je ne suis pas prophète. Je ne peux pas me prononcer, si c'est une amélioration ou pas. C'est un changement. Si la notion de services essentiels n'est pas changée telle qu'elle est présentée, en tout cas, on ne pense pas que cela résolve le problème, et la responsabilité des conseils d'administration est celle, en vertu du bill 47, de donner les soins; on n'entend pas la laisser à d'autres.

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: M. le Président, j'ai manifesté quelques signes d'impatience aux questions du député de Sainte-Marie, parce qu'il posait certaines questions que je voulais poser. C'est pour cela.

M. Bisaillon: Ah! Vous voyez que les grands esprits se rencontrent.

M. Raynauld: Je ne voulais pas qu'il me les enlève toutes.

M. Laplante: Cela vous prouve l'intelligence du député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Cela me fait peur!

M. Raynauld: C'est cela. En effet, il y a eu deux choses qui ont été mentionnées à propos des services essentiels. Je pense que les réponses n'ont pas été apportées, en tout cas, il me semble, pas encore de façon satisfaisante. Il y a le problème de la multiplicité des syndicats. On a répété — je pense que vous le dites vous-même dans votre mémoire — que les services essentiels, ce n'est pas quelque chose qui est fixé une fois pour toutes et que cela doit évoluer. Je ne sais pas quelles sont les réponses à ces questions, mais il me semble que cela n'a pas été traité de façon satisfaisante. Je ne sais pas si la concertation des syndicats, vous avez déjà répondu à cet aspect des choses, mais la réflexion que je me faisais, c'était que s'il est question de concertation des syndicats, c'est peut-être l'esprit de la loi, mais ce n'est pas dans la loi. C'est clair, ce n'est pas dans la loi. A ce moment, cela voudrait dire que le gouvernement pourrait peut-être vouloir changer la loi, amender sa loi. Si c'était amendé, à ce moment, la question se poserait: Est-ce que, pour vous, c'est une solution, la concertation, pour résoudre le problème de la multiplicité des syndicats, du fait aussi qu'un syndicat peut avoir le droit de grève à un moment différent d'un autre syndicat?

M. Laplante: Les questions du député de Saint-Laurent étaient meilleures.

M. Raynauld: Ce n'est pas à vous que je pose les questions, c'est à eux. Ce sont eux, les experts.

M. Laplante: Excusez, c'est parce que vous me regardiez.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Bourassa, s'il vous plaît!

M. Chevrette: Accordez-vous donc!

M. Raynauld: Ma deuxième question ensuite: Pour les services essentiels qui ne sont pas constants, qui ne sont pas les mêmes, est-ce que vous avez pensé à des solutions à ce problème? Dans le projet de loi, à l'heure actuelle, si je comprends bien, c'est fixé, une fois pour toutes, c'est même 60 jours avant le début des opérations, à ce moment, est-ce que vous avez pensé à un mécanisme qui permettrait d'adapter ces services essentiels aux situations changeantes qui se produisent?

Le Président (M. Boucher): M. Tremblay.

M. Tremblay (Jean-Claude): M. le Président, pour commencer avec la première question, la multiplicité des syndicats, il faut peut-être la comprendre dans le cadre local de l'exercice d'un droit de grève dans le même établissement, et le fonctionnement d'un établissement est perturbé si on est d'avis que la loi permet cette multiplicité de listes, dans la mesure où le service d'un syndicat qui représente un certain type d'employés n'est pas le même que celui qu'on devrait avoir pour faciliter l'unité de fonctionnement du même établissement dans lequel le même droit de grève s'exerce.

Alors, il va de soi qu'on souhaite ardemment qu'il y ait une certaine unicité au niveau des services essentiels. J'ai entendu tantôt une proposition selon laquelle le projet de loi pourrait le prévoir, j'en suis fort heureux; c'est ce qu'on souhaite ardemment.

Quand à votre deuxième question, nous pensons par expérience — ça fait depuis 1966 qu'on a vu fonctionner diverses négociations; je parle surtout de ceux qui m'ont précédé, parce que, personnellement, je n'ai pas cet historique — on pense que la notion de services essentiels doit nécessairement évoluer non seulement pour tenir compte de cas d'épidémies qui pourraient, hypothétiquement, toutefois, nous servir de preuve selon laquelle les services, par entente ou par liste syndicale prépondérante, comme le prévoit le projet de loi, devraient faire l'objet d'une révision...

On a été surpris, d'ailleurs de voir que la commission sur les services n'est pas habilitée à porter un jugement, au point de départ, sur la nature de ces services. Elle peut, toutefois — c'est notre compréhension des choses — porter un jugement sur le maintien de la liste de services, mais, quant à la notion de suffisance de ces services, ainsi que leur évolution dans le temps, pour tenir compte d'une situation qui est, elle-même, évolutive, on aurait souhaité que le projet de loi permette, non seulement par voie d'entente, mais peut-être aussi par voie d'un arbitrage quelconque, de mieux tenir compte de la situation évolutive, quant à l'admission ou à la santé d'une population, mais, à ce moment-là, disons, localement ou, au mieux, régionalement.

M. Raynauld: Une autre question, M. le Président, à propos de cette liste prépondérante, la liste syndicale.

Je pense que, là aussi, il y a des problèmes sérieux au sujet des responsabilités que vous avez. Est-ce qu'on ne s'enferme pas un peu quand on se limite à considérer simplement des listes syndicales qui seraient soit du personnel, tel que vous le suggérez, du personnel qui serait à offrir, soit la proposition du projet de loi, qui est une définition de services?

Est-ce qu'il ne serait pas possible d'envisager cette liste, même si elle est syndicale, de façon qu'elle pourrait laisser une certaine flexibilité à l'administration des hôpitaux, de façon que ce soit encore à ceux qui sont chargés de la gestion des hôpitaux de prendre les décisions qui s'imposent, suivant leur propre jugement? Si vous envisagez seulement des salariés, comme vous dites dans votre mémoire, les salariés qui seraient offerts, ça suppose, comme on a tenté de vous le faire dire, que ces salariés seraient définis. Ce ne serait pas n'importe quel salarié. Ce seraient des salariés qui seraient des techniciens de laboratoire, étage no 3. A ce moment-là, c'est vrai que ça revient pas mal à la même chose que de définir les services, mais est-ce qu'il ne serait pas possible d'imaginer que le syndicat serait tenu de fournir des services ou tenu de fournir des gens, mais en fonction de choix et de préférences, de décisions qui seraient prises par l'administration?

Il me semble que c'est un très beau cas où, pour régler un problème ou des conflits de travail, on est amené à envisager des décisions où la responsabilité de prendre des décisions sur le choix d'un service plutôt qu'un autre n'appartient plus à ceux qui en sont chargés, mais appartient à des syndicats. Moi, ça me paraît aberrant. Je ne sais pas si on a pensé à la portée d'une décision comme celle-là, mais moi, ça me paraît aberrant. A ce moment-là, il me semble qu'il faudrait dire: Dans les cas de conflits de travail, c'est le syndicat qui va gérer les hôpitaux. (21 h 45)

M. Chevrette: Ah! Voyons!

M. Raynauld: Ce sont les syndicats qui vont décider quels sont les services qui doivent être maintenus, quels sont les services qui ne seront pas maintenus. Je demande...

M. Chevrette: En vertu de l'article 100...

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Raynauld: Quand il y a une entente, il n'y a pas de problème; quand il n'y a pas d'entente, il y a des difficultés.

Je demande simplement: Y a-t-il une certaine flexibilité qui pourrait être introduite même au-delà de ce que vous avez proposé, puisqu'il semble y avoir des objections même à la formule que vous avez proposée?

M. Tremblay (Jean-Claude): En guise d'introduction, j'aimerais rappeler qu'on ne voudrait pas obtenir du syndicat — parce qu'il y a un certain nombre de catégories de personnel mobile dans un établissement, les infirmières, par exemple — on ne voudrait pas obtenir du syndicat une liste qui dise: Mlle Bourdeau, au bloc 4, demain matin. On voudrait obtenir du syndicat un nombre total d'infirmières qui nous seraient disponibles et qu'on pourrait peut-être affecter à divers services. Je pense qu'il y a une notion qui est quand même extrêmement importante. C'est ce qu'on reproche à la version actuelle du projet de loi dans la mesure où notre opinion est que la façon de maintenir les services dans le contexte d'une liste syndicale prépondérante ne nous permettrait plus de procéder à cette affectation dans la mesure où elle

est possible. A ce moment-là, cela affecte considérablement le fonctionnement de l'établissement en période de grève.

M. Raynauld: M. le Président, j'avais une dernière question sur le conseil d'information qu'on a appelé comité d'après l'article 99e. Je peux vous montrer l'article; cela s'appelle conseil, conseil d'information, à moins que vous ne l'ayez changé.

Tout à l'heure, nous avons obtenu des réponses intéressantes sur la convergence qu'il pouvait y avoir entre le conseil d'information et les "fact-finding boards" qui sont de plus en plus répandus. Ce que je voudrais savoir, c'est ceci: Dans la perspective justement où on a un conseil qui est indépendant, qui donne des renseignements, est-ce que dans cette perspective, l'article 2, tel qu'il est là, vous satisfait ou bien si vous désirez qu'il soit élargi? Je n'ai pas très bien compris votre position à ce sujet.

M. Tremblay (Jean-Claude): Je vais tenter de l'exprimer le plus clairement possible. D'une façon pratique, l'information sur la négociation, après un temps assez court, n'intéresse que ceux qui participent directement à la négociation ou encore les patients qui attendent pour entrer à l'hôpital. Je pense qu'on s'est aperçu, en tout cas dans la dernière négociation, que l'information... Par ailleurs, le projet n'empêchera pas la partie syndicale et la partie patronale de fournir leurs propres renseignements en plus du comité qui est créé et qui, lui, a le mandat de le faire sur une base objective.

Toutefois, il y a un degré de saturation qu'on pense, par expérience, atteindre quand même assez rapidement. On pourrait peut-être citer plusieurs exemples de ces cas-là. Ce n'est donc pas le fait de prendre le public à témoin des négociations comme telles qui peut favoriser rapidement un règlement. On pense que la valeur de l'agence qui est créée, de la régie ou de la commission, c'est son objectivité. C'est son mandat de pouvoir aller d'une partie à l'autre et d'avoir le droit, même la responsabilité, d'informer le public sur les positions des parties. On souhaiterait que cela aille jusqu'aux enjeux des négociations comme telles. J'avoue que c'est un peu plus difficile, quand on parle des enjeux, de représenter publiquement et objectivement les positions des deux parties, mais encore une fois je reviendrai à notre hypothèse de base. C'est que l'arbitrage ultime ne peut être fait que par le gouvernement et dans ce sens-là on croit qu'une information au public peut être déterminante dans les décisions que le gouvernement aura à prendre dans l'arbitrage qu'il a à faire.

Je suis conscient de ne pas répondre complètement à votre question.

M. Raynauld: Je vais être un peu plus précis sur un point particulier. Ce conseil d'information existe; il est prévu par la loi. Alors, vous dites: On veut qu'un conseil d'information existe; il existe suivant le projet de loi actuel. La question que je vais donc poser de façon un peu plus précise et particulière est la suivante: Est-ce que vous préfé- reriez que ce conseil d'information ait plus de liberté, plus d'initiative, de pouvoirs d'initiative sur le plan de cette information ou qu'il s'en tienne exactement à ce qui est indiqué ici? Le conseil peut faire rapport en tout temps à la demande d'une des parties. Mais à ce moment-là, cela voudrait dire qu'il ne pourrait pas de lui-même décider que là ce serait le moment de donner de l'information au public, parce que cela aurait un certain impact ou parce que cela ferait avancer les négociations.

M. Tremblay (Jean-Claude): Non, on n'est pas de ceux qui redoutent l'information au public, au contraire, on le mentionne à la page 8 de notre présentation, et on souhaiterait, on parle toujours de souhaits, que le mandat de cette commission puisse être le plus large possible, pour que le public soit informé des enjeux de la négociation.

M. Raynauld: Les enjeux de la négociation sont indiqués également à l'article 99e, est-ce que, pour vous, cela implique la même chose que ce que vous dites en page 8, je vais vous citer: "Pour mesurer l'effet des arrêts de travail sur la vie et la santé de la population..." Est-ce que les enjeux de la négociation comprennent cela?

M. Tremblay (Jean-Claude): Au risque de me répéter, je pense qu'on souhaiterait voir un lien plus étroit entre la commission d'information et le bagage d'informations que le gouvernement aura à considérer lorsqu'il aura à suspendre temporairement le droit de grève.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Je voudrais revenir, M. le Président, sur un point, la multiplicité des listes syndicales, pour faire suite à ce que dit le député d'Outrement. Je vais tenir pour acquis que le patron est intelligent quand il négocie, même dans les hôpitaux, et je le dis à plus forte raison, puisque j'ai été membre d'un conseil d'administration d'hôpital.

Une Voix: Ah! c'est pour cela.

Une Voix: Cela explique tout.

M. Chevrette: Je voudrais dire que c'est peut-être plus facile, je fais une affirmation et je voudrais entendre vos commentaires, de négocier des services essentiels à partir de services, en identifiant des services, si on a une unité d'accréditation devant nous. Mais, d'autre part, s'il y a une multiplicité d'accrédiations, qui est basée un peu sur des services, n'est-ce pas plus facile de laisser tomber éventuellement un service au complet? Prenons la radiologie, parce que l'exemple a été pris, il ne veulent rien savoir, ils sont difficiles. Vous ne discutez pas et ils vous offrent un radiologiste. Vous savez, à toutes fins utiles, que le lieutenant-gouverneur en conseil n'acceptera

jamais qu'il y ait grève avec un seul radiologiste, oui, un technicien en radiologie. Est-ce qu'à ce moment-là cela ne devient pas d'autre part un aspect très facile? Tout en regardant le portrait global, car vous avez à regarder le portrait global de l'hôpital, il y a neuf services, théoriquement, donnons un exemple, les techniciens en radiologie vous offrent un seul technicien. C'est une unité. Vous vous arrangez avec les huit autres, vous laissez tomber. C'est la liste qui joue et ils vous offrent un technicien. Vous savez pertinemment que cela joue pour vous autres. Je pense qu'il y a une incompréhension au niveau de la négociation, de ce que c'est que la négociation elle-même. Je tiens pour acquis que quand vous avez à négocier les services essentiels, vous regardez le portrait global des services à dispenser dans le cas d'une fermeture éventuelle due à une grève. S'il y a des unités qui ne fonctionnent pas avec le schéma ou le patron que vous vous êtes donnés, à ce moment-là, vous avez deux recours éventuellement, le recours d'un refus de liste dans un premier temps par le lieutenant-gouverneur en conseil ou le recours par le deuxième pouvoir qui est donné au lieutenant-gouverneur en conseil par le danger de la santé publique, qui est aussi dévolu au lieutenant-gouverneur en conseil. Si vous avez des corrections, apportez-les tout de suite parce que je vais embarquer là-dedans.

M. Brissette: C'est que le refus de liste par le lieutenant-gouverneur en conseil, on n'a pas vu cela dans le projet de loi.

M. Chevrette: Ce n'est pas le refus de liste, mais c'est l'insuffisance de la dernière liste fournie, advenant une mésentente.

M. Brissette: A ce moment-là, cela veut dire la suspension automatique du droit de grève.

M. Chevrette: La suspension automatique du droit de grève.

M. Brissette: Ce sont deux notions bien différentes.

M. Chevrette: C'est cela. Quand je dis refus de liste, c'est le lieutenant-gouverneur en conseil qui juge que la dernière liste fournie, parce qu'il n'y a pas eu entente entre le patron et le syndicat, est insuffisante pour donner les services essentiels; donc, cela vous donne deux recours éventuellement.

M. Tremblay (Jean-Claude): Oui, mais on a compris, dans le projet de loi, que le gouvernement n'intervenait que lorsque l'exercice du droit de grève était en place et que la santé publique était menacée. Alors, on le suspend. Donc...

M. Chevrette: Cela peut même être avant l'utilisation du droit de grève. Cela peut être dès l'émission de l'avis.

M. Tremblay (Jean-Claude): Je n'avais pas lu cela. C'est une notion avec laquelle...

M. Johnson: C'est la notion de grève appréhendée, en fait.

M. Tremblay (Jean-Claude): La notion de grève appréhendée.

M. Chevrette: A ce moment-là, il y a deux recours possibles.

M. Tremblay (Jean-Claude): Je pars de la même hypothèse que vous, au fond. Vous présumez que les patrons sont intelligents; moi, je présume qu'un syndicat multiple d'un établissement est assez intelligent pour développer une stratégie qui va peut-être nous mettre, plus souvent qu'autrement, dans une situation, étant donné que la grève comme telle est une pression pour obtenir que l'employeur concède un peu plus dans une négociation... les syndicats ne sont pas fous non plus.

Alors, on part de la même présomption, vous et moi. On se dit: Dans ce cas-là, pour éviter qu'il y ait une distorsion, en principe et en pratique, je pense que vous la concevez aussi en pratique... elle va rendre plus difficile le fonctionnement de nos établissements. Je pense qu'il faut en convenir. Si c'était possible, cela l'est peut-être, il serait beaucoup plus facile et plus souhaitable d'envisager une liste unique. Qu'on demande aux syndicats accrédités dans l'établissement où la grève s'exerce de se concerter pour établir une liste qu'ils puissent offrir sur une base concertée à l'employeur.

M. Chevrette: Le projet de loi, vous concevez qu'il est basé sur l'unité d'accréditation et qu'il peut même y avoir différentes allégeances syndicales à l'intérieur des unités accréditées.

M. Tremblay (Jean-Claude): Oui, mais je comprends aussi que l'esprit du projet de loi n'est pas de permettre à tout prix et le plus fréquemment possible au gouvernement, au lieutenant-gouverneur en conseil d'intervenir dans des établissements pour forcer des ententes ou définir des listes. Je pense que l'esprit du projet, c'est qu'il y ait une entente sans intervention de tiers. Dans les cas où ça ne se fait pas, il y a une liste avec laquelle il faut vivre. On essaie de vous présenter des problèmes pratico-pratiques qui vont se poser et on se dit: Avant d'adopter le projet de loi qu'on a devant nous, on souhaiterait que vous considériez ces éléments qui vont peut-être rendre difficile la tâche qu'on a à accomplir quand on consent à exercer un droit de grève en même temps que le droit à la santé.

M. Chevrette: Dans le gros concret, au niveau des services généraux, il n'y a pas tellement de difficulté, même pour une concertation. C'est plutôt au niveau des services spécialisés que vous avez, bien souvent, des unités marginales, même

quant à l'allégeance. Ce peuvent être des groupements indépendants. On peut avoir une divergence de vue dans une concertation globale. Mais à ce moment-là — j'aurais aimé d'ailleurs que le député d'Outremont soit ici — s'il y a une unité d'accréditation isolée qui décide de faire cavalier seul, qui risque de compromettre la vision globale des services essentiels que vous aviez au départ, le lieutenant-gouverneur en conseil peut juger de la validité de cette liste dans un premier temps et, dans un deuxième temps, il peut même se prononcer sur les dangers que représente une grève dans un tel secteur.

Donc, ça atténue de beaucoup... je pense qu'il ne faut pas prendre panique face à la situation concrète qui peut se présenter. C'est ce que je voulais décrire un peu. On semble dramatiser autour de la multiplicité des unités d'accréditation. Si on tient pour acquis que le patron est intelligent, on doit présumer aussi, tout aussi intelligemment, que le syndicat a une capacité de concertation. S'il y a une chose, c'est que les syndicats ont démontré une capacité de concertation dans le passé, peut-être plus que du côté patronal, du moins dans certains secteurs. On ne se le cachera pas ici.

Donc, à partir de là, il reste peut-être des unités isolées qui ne "clickeront" pas avec la majorité des unités accréditées au sein d'un établissement, mais qui peuvent, par exemple, être contraintes d'en arriver à fournir quelque chose de valable, parce qu'il y a deux contraintes. C'est ça que je voulais démontrer. Le député d'Outremont n'y étant pas, il lira dans le journal des Débats que vous étiez d'accord avec moi.

M. Bégin: Sur la capacité de concertation des syndicats, je ferai remarquer à M. le député qu'elle se fait quand il s'agit de faire du mal, pas quand il s'agit de faire du bien. Ça ne va pas tout à fait aussi bien...

M. Chevrette: Ce n'est vraiment plus la même présomption que vous faites avec M. Tremblay. C'est Tremblay, votre nom?

M. Bégin: Je parle au nom de mon association, c'était convenu dès le début. (22 heures)

M. Chevrette: J'ai compris que c'était une autre divergence de plus à votre palmarès.

M. Tremblay (Jean-Claude): C'est toujours difficile de faire front commun.

M. Chevrette: J'ai remarqué cela. D'ailleurs, j'en ai vécu.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent.

M. Chevrette: Ce n'est pas vous.

M. Forget: Merci, M. le Président. J'ai une brève question, suggérée par les propos qu'on vient d'entendre de la part du député de Joliette-

Montcalm, qui suggère que c'est tellement tentant pour tout le monde de s'entendre qu'il n'y aura pas de problème, qu'il ne veut pas dramatiser, qu'il veut essayer de faire la démonstration que tout allait bien dans le meilleur des mondes. Je me demande jusqu'à quel point les représentants des différents groupes qui sont ici croient qu'effectivement il y aura, en vertu de cette nouvelle loi 59, des amendements au Code du travail, une incitation véritablement plus sensible, ou plus forte, pour les différentes parties, à en venir à des ententes sur les services essentiels.

J'écoutais le député de Sainte-Marie, ou peut-être était-ce le député de Joliette-Montcalm, un peu plus tôt, qui a tenté une démonstration à cet effet. Cela m'a laissé un peu sceptique. Il est vrai que, du côté syndical, on ne peut pas le nier, il y a toujours la tentation de présenter une offre ou une liste très modeste, la plus modeste possible, avec la chance, qui va peut-être se matérialiser dans certains cas, que la responsabilité d'une liste extrêmement modeste soit partagée avec l'administration, contribuant ainsi, et utilisant, en quelque sorte, la force de l'adversaire, à son propre avantage de négociation, ce qui est évidemment toujours intéressant, en faisant consentir l'autre partie à une privation de services vraiment la plus considérable possible. Si cela ne marche pas, il reste toujours la possibilité que la liste syndicale ait préséance.

Du côté du syndicat, il y a, bien sûr, une certaine indication à avoir une liste, mais une liste qui n'a peut-être pas grand-chance d'être acceptée. Du côté patronal, je ne sais pas s'il y a une grande incitation non plus à concourir. Dans te fond, pourquoi concourir à une liste et en assumer une partie de la responsabilité, avec toutes les difficultés de négociation que cela comporte, si, en s'abstenant de la négocier, on peut faire assumer par le gouvernement la responsabilité des décisions qui devront être prises?

En définitive, puisque le ministre ou le Conseil des ministres peut suspendre le droit de grève, s'il n'est pas satisfait du résultat final qui est la liste prépondérante, pourquoi les deux parties assumeraient-elles cette responsabilité, alors qu'elles peuvent la faire assumer par quelqu'un d'autre? Quel intérêt ont-elles à assumer une partie de la responsabilité, étant donné que de toute façon, quant à l'ensemble des négociations, le gouvernement assume presque tout le pouvoir de décision? Quel altruisme ferait bouger les administrateurs dans les centres hospitaliers en particulier, d'assumer le coût d'une partie de la négociation, et peut-être la plus odieuse, et de dire: Nous sommes satisfaits qu'on va donner vraiment tous les services essentiels, avec ce qu'on vient de signer? Peut-être que cela ne marchera pas, peut-être que c'est vraiment insuffisant, peut-être qu'on a fait une erreur. Peut-être que le fameux conseil de sages va décider, après coup, qu'on s'est trompé et qu'on a conclu une entente qui va à l'encontre de l'intérêt public.

Si on n'est pas soi-même vitalement et centralement engagé dans les négociations, je me demande quel est le ressort sur lequel le gouverne-

ment et le député de Joliette-Montcalm, en particulier, comptent, pour qu'il y ait cet altruisme extraordinaire au moment de l'entente sur les services essentiels. Est-ce que cela vous impressionne qu'il y ait effectivement une motivation forte pour des ententes locales?

M. Tremblay (Jean-Claude): On peut vous dire que les consultations récentes qu'on a pu effectuer auprès du réseau hospitalier — et je voudrais m'exprimer d'une façon très candide — démontrent l'existence de deux factions qui sont tout à fait à l'opposé, l'une de l'autre. Il y a des administrateurs qui disent: II n'est pas question qu'on en vienne à une liste syndicale prépondérante, donc, on va négocier à tout prix.

Il y a une autre faction qui dit: Etant donné que si le résultat de mes négociations n'est pas probant, c'est le syndicat qui détermine les services, je ne perdrai pas mon temps à négocier; je vais leur offrir tout de suite la liste syndicale. Sur la base des consultations qu'on a effectuées d'une façon bien candide, je vous dis clairement qu'il y a deux factions dans ce cas-là.

Je peux peut-être ajouter que si on parle d'une liste de services et de la façon de les maintenir, je pense que la deuxième faction va devenir beaucoup plus importante qu'elle ne l'est actuellement. C'est sur la base des consultations effectuées jusqu'à maintenant, en clair, l'opinion qu'on peut vous donner de nos conseils d'administrations d'établissement.

Le Président (M. Boucher): M. Bégin, vous aviez...

M. Johnson: Oui, M. Bégin.

Le Président (M. Boucher): M. Bégin.

M. Johnson: Non... comme un mécanisme. Vous êtes bien conscients que le chapitre 48 prévoit également la possibilité de mise en tutelle d'un conseil d'administration. J'espère que vos membres qui voudraient, par leur attachement à une conception du "law and order" qui dépasse peut-être un peu l'évolution de la société, s'adonner à des pratiques jusqu'au-boutistes sont très conscients que la sanction, c'est la mise en tutelle de l'hôpital, ce que le gouvernement n'a pas le goût d'essayer, pas plus qu'il a l'intention, a priori, de menacer tout le monde de suspendre le droit de grève, la sanction d'une attitude irresponsable et il faudra que ce soit cela dans un cas comme dans l'autre.

Je connais les efforts que déploie votre association cependant auprès de ses membres pour les inciter à avoir des relations de travail qui soient les plus saines possibles. Je ne voudrais qu'en aucune façon cela ne soit le reflet, sur vous en tant qu'association, de mes commentaires. D'ailleurs, tout récemment, on a vécu et on vit encore, dans le cas d'un hôpital, une situation un peu de ce type où, finalement, un conseil d'administration s'installe derrière le rempart de la loi et fait sem- blant de ne pas s'apercevoir qu'il y a des problèmes qui peuvent être réglés autrement que par une attitude juridique et juridiste bornée, parce que c'est cela dans le cas qui me préoccupe.

Je reviens sur cette question qui m'apparaît essentielle, puisqu'on parle de services essentiels, de la définition de la liste syndicale et du problème que cela vous pose. Je pense que le mot clef qui vous fatiguait, c'est le mot "maintenir" par opposition, par exemple, au mot "fournir". La notion de maintenir semble recouvrir pour vous finalement la possibilité pour le syndicat de décider que... Au texte, cela représente l'article 99j, deuxième paragraphe. On dit: "... transmettre à l'autre partie et au conseil visés dans l'article 99i, une liste décrivant les services qu'elle entend maintenir... " de là la construction juridique que vous vous faites, de dire: Dans le fond, ce que vous donnez au syndicat, c'est un pouvoir qui est normalement afférent au droit de gérance qui est de dire: II y a tant d'infirmières et il va y en avoir au bloc 4.

Si le texte disait "les services qu'elle entend fournir en cas d'arrêt de travail", je suis bien conscient que c'est peut-être insuffisant, mais je pense qu'on rejoindrait un peu votre préoccupation.

Ce que vous voulez, c'est que le syndicat fournisse un chiffre du nombre de personnes qui sont disponibles, deuxièmement qu'on modifie le texte qui fait qu'on ne met évidemment pas les cadres dans des situations aberrantes. C'est plus ou moins tenu pour acquis. C'est peut-être un problème de technique législative bien plus qu'autre chose.

Je suis d'accord. Pour revenir à ce qu'on disait avec les interlocuteurs qui vous ont précédés, cet après-midi, je ne pense pas qu'il appartienne à un syndicat de dire que M. Untel a besoin de soins. Je pense que c'est une décision médicale. De la même façon, dire que c'est le bloc 4A qui a besoin de trois infirmières versus cinq, je ne pense pas que c'est à lui de décider à l'intérieur d'un hôpital, une fois qu'on a décidé de le contingenter. Ce qu'on dit, c'est au syndicat, qu'il a d'avoir la possibilité, s'il n'y a pas eu d'entente, d'exprimer la quantité de services qu'il est prêt à fournir dans un contexte précis qui peut être décrit comme étant le contingentement à 40% d'occupation, etc. Est-ce que je vous comprends bien? Non, ce n'est pas suffisant?

M. Tremblay (Jean-Claude): II nous resterait peut-être une difficulté, M. le ministre. Je voudrais voir comment vous répondez, avant qu'on vous réponde, pour notre part, d'une manière officielle. Si vous parlez du maintien de services à fournir, est-ce qu'il ne serait pas possible de concevoir qu'on puisse ensemble s'entendre pour que ce soit du maintien du personnel à fournir, pour assurer les services? C'est cette notion qui reste encore un peu difficile.

M. Johnson: Parce que, dans le fond, il y a eu des ententes dans le passé, 50% des cas en 1976. Elles devaient comprendre quelque chose, ces ententes. Il y avait des listes. La seule différence

entre la liste syndicale et une entente, c'est le fait qu'elle est signée par une personne. En principe, son contenu évoque les mêmes objets que les ententes, mais si, dans le passé, vous êtes parvenus à conclure des ententes, pourquoi les listes ne refléteraient-elles pas les mêmes notions?

M. Tremblay (Jean-Claude): C'est parce que, dans le cas d'une entente, il y a deux parties qui sont impliquées, alors que, dans le cas de la liste, c'est une liste unique de la partie syndicale qui est prépondérante. Il serait souhaitable, dans ce contexte, qu'on parle de personnel qu'on va fournir, pour assurer le maintien des services par l'administration de l'établissement. C'est là qu'est notre accrochage peut-être.

M. Brissette: M. le Président, on pourrait peut-être trouver un texte, le nombre de personnes par catégorie et par service qu'il entend fournir.

M. Johnson: J'essaie de cerner la notion. On ne fera pas de technique législative ce soir. Il va nous rester quelques jours pour le faire.

M. Brissette: II y a une différence fondamentale.

M. Johnson: C'est cela. Je posais la question tout à l'heure au représentant des affaires sociales avec nous. On arrive dans un hôpital X, il y a une série de cadres, de médecins, de différents professionnels non syndiqués; ils ne sont aucunement couverts. En principe, ils ont accès et ils peuvent s'adonner aux activités usuelles ou extraordinaires dans un contexte de crise. Deuxièmement, il y a des syndiqués. Les syndiqués ont une allégeance syndicale, ils peuvent être FTQ, CSN, COPS et autres. Il y a ceux qui ne seront pas impliqués dans un conflit, en principe, l'an prochain, c'est-à-dire COPS et la FIQ; c'est déjà un gros morceau pour bien des hôpitaux. Cela ne simplifie pas le portrait, remarquez, on est bien conscient de cela. Il y a, d'autre part, la différence entre l'allégeance syndicale, FTQ, CSN; donc, personnes en conflit, personnes non en conflit, différents syndicats possibles. En général, chacune des unités accréditées représente un corps d'emploi relativement précis dans l'hôpital; est-ce que ce n'est pas exact? Vous n'avez pas, habituellement, dans une même unité accréditée, des infirmières, des techniciens de laboratoire et des gens des cuisines. Vous avez, en général, des infirmières qui sont dans une unité, des techniciens de laboratoire dans une autre. Evidemment, si on parle de l'hôpital de Mégantic où il y a quinze personnes, c'est peut-être un peu différent, mais, en général...

M. Tremblay (Jean-Claude): On me fait remarquer, M. le ministre, que le cas se pose, par exemple, pour les infirmières auxiliaires qui sont membres de la CSN et des infirmiers qui sont membres de COPS, où il y a une interrelation très étroite à faire entre le travail de l'un et de l'autre.

M. Johnson: D'accord. C'est un exemple.

M. Tremblay (Jean-Claude): Oui. Est-ce que vous me permettez de continuer sur la question...

M. Johnson: Est-ce que c'est le seul cas où c'est un exemple? Oui, évidemment...

M. Tremblay (Jean-Claude): On pourrait en sortir d'autres.

M. Johnson: Oui, on n'a pas l'inventaire des 2000 certificats, mais...

M. Tremblay (Jean-Claude): Oui, c'est ça. Il y a pas mal de classification et de syndicats, mais ce serait relativement facile de vous fournir une réponse rapide à l'intérieur de 24 heures là-dessus.

M. Johnson: Oui.

En d'autres termes, à partir du moment où en général, l'unité accréditée correspond à un corps d'emploi et un corps d'emploi, en général, correspond à une unité accréditée, bien qu'il puisse y avoir des exceptions comme celle-là, à partir du moment où c'est cette unité accréditée qui fournit sa liste, en fait, vous avez là la liste d'un corps d'emploi. (22 h 15)

M. Tremblay (Jean-Claude): II y a, d'autre part, plusieurs corps d'emploi qui sont regroupés dans le même syndicat. Le problème peut se poser à l'inverse.

M. Johnson: Bon! Cela, par exemple, c'est le cas d'un petit hôpital où le technicien en radiologie, celui du laboratoire de biochimie et celui d'un autre laboratoire, et peut-être la technicienne qui fait les prélèvements de sang en hématologie, sont tous les quatre dans la même unité. Cela, c'est une possibilité, et si on vous envoie un technicien en radiologie, ça ne fait pas de bien bonnes prises de sang. Oui, de toute façon, remarquez que dans un hôpital où il y a seulement quatre techniciens, il y a bien des chances qu'il ne fonctionne pas beaucoup, s'il n'y en a pas quatre sur quatre.

M. Larouche (Réjean): A titre d'information, M. le ministre...

M. Johnson: M. Larouche.

M. Larouche: ... je pense qu'on peut affirmer que la règle générale aux Affaires sociales, c'est qu'on a un syndicalisme de type industriel. Le contraire est l'exception. Ce qui fait qu'on a plusieurs catégories occupationnelles dans les mêmes unités de négociation beaucoup plus souvent qu'autrement.

L'exception, elle se rencontre cependant, la plupart du temps, au niveau des mêmes catégories occupationnelles, à savoir les infirmières ou les techniciens. Ceux-ci sont souvent dans des syndicats à part. Pour les autres catégories de salariés, vous avez...

M. Johnson: Par exemple, les cuisines, l'entretien, la buanderie, ça peut être la même unité d'accréditation?

M. Larouche: C'est généralement la même chose. C'est très rare que ce n'est pas la même chose.

M. Johnson: En pratique, si, par exemple, l'unité X, qui représente les six personnes de la buanderie, les six personnes qui s'occupent de l'entretien ménager et les douze des cuisines, si, eux, vous disent: On vous en donne trois de disponibles, un total de huit de disponibles, ce que vous voulez, vous, c'est pouvoir dire: On veut deux cuisiniers ou trois cuisiniers, deux à l'entretien, trois à l'autre, par opposition à ce qu'on vous désigne deux personnes pour les cuisines et six pour l'entretien ménager?

M. Larouche: C'est le sens, je pense, des représentations qui ont été faites. Cela s'inspire un peu, si vous voulez, de l'interprétation... En règle générale, les gens ont fait de la teneur de la loi 253 qui, pourtant, employait les termes que vous utilisez dans le projet de loi no 59...

Dans la loi 253 on disait, à un moment donné: Un accord ou une décision porte notamment sur le nombre minimal de postes, d'emplois qui doivent être occupés. Généralement, les ententes ont porté là-dessus. Les gens ont interprété les termes généraux de la loi 253 comme signifiant cette interprétation ou cette précision que ce paragraphe, que je viens de lire, apportait.

Alors, dans le fond, les ententes ont porté sur les nombres de postes, très souvent. En tout cas, pour ma part, je ne connais pas d'ententes où on décrit la façon de maintenir les services, par exemple. Je ne dis pas que ça n'existe pas, mais moi, je n'en ai jamais vu. Et les gens s'entendaient sur des nombres de postes.

M. Cloutier (Pierre): Dans le cas des centres d'accueil, vous allez retrouver aussi, dans la même unité de négociation, des infirmières, à l'occasion, des éducateurs, les gens des cuisines, les gens préposés à l'entretien ménager. C'est relativement courant et c'est ce qui constitue tout le problème dont vous parliez tantôt.

M. Johnson: Donc, pour vous, il faudrait qu'il y ait une référence au poste d'emploi, le nombre de personnes disponibles par poste.

M. Cloutier (Pierre): Catégorie de poste. M. Johnson: Par catégorie de poste.

M. Cloutier (Pierre): Je vois mal quelqu'un qui est généralement à la cuisine dans un centre d'accueil pour mésadaptés sociaux affectifs de 17 et 18 ans se ramasser dans les unités sécuritaires avec ces enfants-là. Je pense que la dame trouverait les temps difficiles.

M. Larouche (Réjean): Si cette approche était retenue, je pense que cela laisserait le choix pour la partie complémentaire de services qui peuvent être rendus par des gens qui ne proviennent pas des unités de négociation. En fait, si on employait une formule comme celle-là, toute la complémentarité de services qui peuvent être dispensés par des gens qui ne sont pas syndiqués demeurerait à la discrétion de la partie patronale et on pourrait, selon les impératifs du moment, décider d'en donner plus ou moins.

M. Bisaillon: Par des cadres.

M. Larouche (Réjean): Par des cadres, oui.

M. Johnson: Les non-syndiqués cadres.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, c'est un bref commentaire étant donné le caractère des remarques que le ministre a faites tout à l'heure. J'aime mieux l'attitude qu'il a adoptée durant les dernières minutes que celle qui a immédiatement précédé à savoir de considérer sérieusement les objections soulevées par les groupes qui sont devant nous, relativement justement à l'objet sur lequel doit porter la garantie des services essentiels, la formulation de ces choses qui, selon nos invités, devrait porter sur le nombre de postes plutôt que sur les services à fournir et les moyens de les maintenir. Je l'invite également à accorder le même sérieux au moins à la considération sur les délais.

Je pense que de ce côté-là il y a deux problèmes qui sont sérieux et qui peuvent mettre en péril, à supposer même que l'application de la loi soit observée à 100%.

Pour ce qui est des remarques que le ministre a faites tout à l'heure et que l'on pourrait qualifier de menaces de tutelle... Oui, j'emploie le conditionnel; j'aurais pu être plus direct, mais laissons le conditionnel. Je crois que ce serait une victoire à la Pyrrhus pour le gouvernement de mettre à exécution une telle menace dans un contexte comme celui qui est envisagé. De toute façon, les hôpitaux ont déjà connu cela sous un gouvernement qui a précédé à la fois l'actuel et le précédent, pour ne pas le nommer, et ils ont survécu. Mais ce qui n'a pas nécessairement survécu ou qui a pris plus de temps à se restaurer, c'est un certain sens de collaboration active et positive. Je pense que, avant de considérer des mesures aussi extrêmes, le ministre fait bien d'être effectivement attentif et soigneux dans la préparation et la version finale de ce projet de loi.

De toute manière, même s'il mettait sa démarche ou sa menace à exécution, il ne ferait qu'obtenir, par sa propre initiation, ce qu'il voudrait éviter au départ, c'est-à-dire le fait de se retrouver, comme gouvernement, avec la responsabilité intégrale de la négociation, ce que, visiblement, il

cherche à éviter dans une certaine mesure et qui ne peut être évité qu'avec la collaboation des parties patronales qui sont les partenaires du gouvernement. Pour cela, je pense qu'il a besoin de les écouter avec attention, même s'ils sont extrêmement prudents et mesurés dans leurs commentaires sur un projet de loi sur lequel ils ne sont visiblement pas d'accord dans tous ses détails. Je crois qu'ils ont fait leur part pour ne pas provoquer l'irritation ou la mauvaise humeur gouvernementale et qu'ils méritent donc une oreille plus attentive, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Johnson: M. le Président, je ne voudrais pas qu'on se relance les derniers commentaires pendant une demi-heure, mais, sur le dernier commentaire du député de Saint-Laurent, je n'ai fait aucune menace à nos interlocuteurs. J'ai simplement évoqué le fait, comme la déclaration gouvernementale le faisait, il y a un mois et demi, qu'une des sanctions possibles ou un des modes d'intervention du gouvernement dans une situation de crise dans le secteur hospital ier.c'est, entre autres, la mise en tutelle, si cela est jugé nécessaire. Et, si je le dis, je pense que l'ancien ministre des Affaires sociales en est parfaitement conscient, c'est que je pense que l'AHPQ ne peut pas être responsable des gestes de tous et chacun des directeurs de personnel des quelques centaines d'institutions hospitalières qu'elle représente.

Il y a, je suis sûr, à l'intérieur du réseau des affaires sociales, de la même façon qu'à l'intérieur des réseaux syndicaux, des gens dont le degré d'éveil aux transformations de notre société est assez variable et je pense que ces perceptions peuvent influencer considérablement, dans certaines occasions, leur comportement, les amener à poser des gestes qui sont regrettables et devant lesquels le gouvernement ne peut pas faire autrement qu'agir. C'était simplement la perspective dans laquelle je voulais situer cette discussion et j'ai pris la peine de dire que je sais que l'AHPQ fait des efforts considérables pour venir en aide, finalement, à des conseils d'administration qui, dans certains cas, sont un peu pris au dépourvu devant...

Vous savez, c'est comme la PME qui voit arriver la CSN. C'est la perception de certaines centrales syndicales par certaines des petites entreprises, les voir comme des ogres qui vont venir les bouffer complètement. On sait qu'il y a des groupes comme la chambre de commerce qui essaie d'apprendre aux dirigeants d'entreprise qu'on peut vivre avec un syndicat et je me dis que, dans le secteur hospitalier, il y a peut-être parfois des réflexes PME dans certains hôpitaux, compte tenu du type de composition de nos conseils d'administration d'hôpitaux depuis le fameux bill 65.

C'est seulement dans cette perspective, d'ailleurs, que fort sagement la réforme Castonguay a fait en sorte que le gouvernement conserve ce droit d'intervention par tutelle, si ça devenait nécessaire. Ce n'était pas du tout agressif, c'était plutôt une constatation de fait.

M. Forget: Ils ont à choisir entre la CSN ou le ministre.

M. Chevrette: Vous savez bien qu'ils vont choisir le ministre.

Le Président (M. Boucher): Oui?

M. Lavigne: Si vous permettez, avant de terminer, j'aurais aimé que la rencontre se termine sur la note du ministre, mais tenant compte que je n'ai pas eu l'occasion d'intervenir, je voudrais seulement soulever un point que le député de Saint-Laurent a soulevé tout à l'heure et le reprendre en disant que c'est minimiser ou ne pas avoir confiance aux représentants, autant syndicaux que patronaux, que de soupçonner que les deux parties, plutôt que de se pencher sur une liste de services essentiels à mettre à jour, refileraient la décision au gouvernement.

Je pense que c'est ne pas leur faire confiance et ne pas croire que les deux parties, lors d'une telle négociation, sont là pour justement voir aux services essentiels. Ce sont, je pense, des gens qui ont des consciences. Ils ont été nommés et on leur fait confiance dans chacun de leur secteur. Prétendre que ces gens mettraient de côté la liste sur laquelle ils devraient travailler pour la refiler au gouvernement, je pense que c'est minimiser le rôle, la responsabilité et la valeur de chacun de ces hommes.

Je pense qu'on doit leur faire confiance. Même si chacune des deux parties est au seuil d'une négociation, il y a deux forces qui doivent s'affronter et qui ne doivent pas, en dépit de ce fait, perdre de vue qu'ils sont les gens du domaine de la santé, les gens qui ont entre les mains les malades. Je pense que ce serait ne pas leur faire confiance que de prétendre qu'ils pourraient mettre de côté une chose aussi essentielle que les services essentiels de santé pour sauvegarder leur force de négociation.

Donc, je regrette un peu le manque de confiance que le député de Saint-Laurent a démontré face aux deux parties en cause.

M. Forget: ... sûrement.

M. Lavigne: Je n'arrive pas au pays, c'est exactement la remarque que vous avez faite tout à l'heure en disant qu'ils étaient pour refiler ça au ministre.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Beauharnois. M. le ministre, pour le mot de la fin.

M. Johnson: M. le Président, je veux simplement remercier les représentants de toutes les associations qui sont venues nous rencontrer. Je pense que cela a produit quelque chose, malgré les appréhensions du député de Saint-Laurent qui voyait là un exercice purement formel.

M. Forget: L'éducation du ministre.

M. Johnson: Pas seulement l'éducation. Je pense que les membres de cette commission ont pu être saisis de problèmes réels qui peuvent être posés par cette loi. En terminant, je vous remercie et je nous souhaite tous bonne chance.

Le Président (M. Boucher): Je vous remercie.

M. Brissette: M. le Président, je voudrais vous remercier, ainsi que tous vos collègues, d'avoir bien voulu nous entendre. J'espère que vous allez retenir l'essentiel de ce qu'on a voulu vous livrer.

Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup. Au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie.

Demain matin, avec l'ordre de la Chambre, les organismes qui sont invités pour la journée sont: La Centrale des syndicats démocratiques, le Syndicat des employés d'hôpitaux de Montréal Inc., l'Union des ergothérapeutes du Québec, le Cartel des organismes professionnels de la santé Inc., la Confédération des syndicats nationaux, la Centrale de l'enseignement du Québec, la Fédération des travailleurs du Québec, la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec, la Fédération des employés municipaux et scolaires du Québec et le Montreal Council of Hospital Syndicates.

La commission du travail et de la main-d'oeuvre ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 22 h 30)

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