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Etude du projet de loi no 59
(Quinze heures douze minutes)
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission du travail et de la main-d'oeuvre est réunie cet
après-midi pour entendre les représentants des associations
concernant le projet de loi no 59, Loi modifiant le Code du travail.
Les membres de la commission sont, dans l'ordre: M. Brochu (Richmond)
remplace M. Bellemare (Johnson), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette
(Joliette-Montcalm), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gravel (Limoilou), M.
Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois); M. Raynauld (Outremont) remplace M.
Pagé (Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud), M. Vaillancourt
(Jonquière).
Les intervenants sont: M. Blank (Saint-Louis), M. Brochu (Richmond), M.
Gosselin (Sherbrooke), M. Jolivet (Laviolette), M. Laplante (Bourassa), M.
Lefebvre (Viau), M. Paquette (Rosemont), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M.
Samson (Rouyn-Noranda).
Est-ce qu'il y a un rapporteur? M. Gravel (Limoilou).
Audition des organismes médicaux et
d'accueil
Les organismes qui ont été convoqués pour cet
après-midi sont, dans l'ordre: L'Association des conseils des
médecins et dentistes du Québec, la Corporation des
médecins du Québec, l'Association des hôpitaux de la
province de Québec, la Fédération des centres locaux de
services communautaires du Québec, l'Association des centres d'accueil
du Québec, l'Association des centres de services sociaux du
Québec, l'Association des directeurs et des établissements
privés de santé et de bien-être de la province de
Québec, l'Association des établissements privés de
santé et de bien-être de la province de Québec. Nous allons
débuter par l'Association des conseils des médecins et dentistes
du Québec, et la Corporation des médecins du Québec. M. le
ministre.
M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, en fait,
l'Association des conseils des médecins et dentistes du Québec,
ainsi que la Corporation des médecins du Québec ne figurait pas
à l'ordre de la Chambre quant à cette convocation. Cependant, les
partis d'Opposition ont bien voulu nous donner leur consentement à ce
que nous entendions ces deux groupes, qui sont entendus, par le fait,
finalement, dans le cas de l'association, qu'elles représentent ces
médecins qui sont en milieu hospitalier, et qui peuvent donc être
appelés, à titre de médecins impliqués dans le
milieu hospitalier, et à ce titre seulement, à avoir des choses
à dire qui touchent la question des services essentiels. Il en va de
même, je présume, pour la Corporation des médecins, qui est
là, comme on le sait, en principe, pour représenter
l'intérêt public en ce qui a trait à la pratique de la
médecine. (15 h 15)
Je suggérerais donc que nous procédions d'abord à
l'audition ça ne durera pas trop longtemps? du
mémoire de l'Association des conseils des médecins et dentistes,
ensuite à l'audition du mémoire de la Corporation des
médecins et enfin aux questions adressées aux deux, donc un bloc,
si ça va à ces messieurs de l'Opposition.
Le Président (M. Boucher): Pour le temps, je crois qu'il y
aurait lieu de limiter, dans la mesure du possible, tant du côté
ministériel que du côté de l'Opposition, à 20
minutes chacun. On essaiera de s'en tenir à cette période, autant
pour les mémoires que pour chacun des partis.
Alors, si vous voulez bien vous identifier et présenter les gens
qui vous accompagnent.
Association des conseils des médecins et
dentistes du Québec
M. Lambert (Jacques): M. le Président, je vous remercie,
ainsi que M. le ministre.
Jacques Lambert, président de l'Association des conseils des
médecins et dentistes; à ma gauche, le Dr Marc Bouchard, de
l'hôpital de l'Enfant-Jésus de Québec,
vice-président de l'association; à ma droite, le Dr Jacques
Létourneau, vice-président également de l'association, de
l'Hôtel-Dieu de Québec; et le Dr Augustin Roy, président de
la Corporation des médecins du Québec. Derrière, Me
Jacques Laurent, qui est le conseiller juridique de l'Association des conseils
des médecins et dentistes.
Au nom de l'Association des conseils des médecins et dentistes du
Québec, je tiens à remercier les membres de cette commission de
nous avoir permis de vous faire part de la position des médecins
travaillant dans les établissements de santé quant aux
dispositions nouvelles proposées par le projet de loi no 59.
Je tiens d'abord à préciser et à vous informer que
notre association regroupe la majorité des conseils des médecins
et dentistes du Québec, lesquels comptent environ 7000 médecins
et dentistes, autant omnipraticiens que spécialistes, répartis
sur tout le territoire québécois.
Les conseils des médecins et dentistes, mieux connus comme
étant les CMD, tiennent leur existence légale de la Loi sur les
services de santé et les services sociaux (chapitre 48 des lois de
1971).
L'article 75 de cette Loi sur les services de santé et les
services sociaux définit ce que représente le conseil des
médecins et dentistes, alors que l'article 76 détermine
précisément les responsabilités de ce conseil.
Un tel conseil existe dans chaque établissement de santé,
soit tous les centres hospitaliers et les centres locaux de services
communautaires où exercent au moins trois médecins ou dentistes
et il se compose de tous les médecins et dentistes exerçant dans
l'établissement.
L'Association des conseils des médecins et dentistes a soumis un
mémoire à la commission Martin-Bouchard, qui avait
été créée afin de faire rapport sur les
régimes de négociations collectives dans le secteur public et
parapublic.
Compte tenu des champs d'activités des CMD, le mémoire
présenté à la commission Martin-Bouchard de même que
le présent mémoire ne se rapportent qu'au milieu hospitalier.
Dans le mémoire présenté à cette commission
notre association préconisait le maintien du droit à la
grève. Cependant, elle formulait des conditions et réticences
à l'exercice du droit à la grève, en rappelant que les
services de santé ne sont pas assimilables à d'autres services
publics et que le droit de recevoir les soins médicaux appropriés
doit être maintenu et respecté, même en temps de
grève.
De plus, notre association était d'avis que l'exercice du droit
de grève devait se concilier avec les obligations des personnes et des
groupes directement ou indirectement affectés par l'exercice de ce
droit.
En effet, la loi sur les services de santé et les services
sociaux rend le CMD responsable envers le conseil d'administration de
l'établissement du contrôle et de l'appréciation des actes
médicaux et dentaires posés dans les établissements et le
tient également responsable du maintien de la compétence des
médecins et dentistes exerçant dans l'établissement
à un niveau suffisant pour assurer des services de qualité
à la population (article 76).
Pour concilier le poids de la responsabilité que peut encourir le
conseil des médecins et dentistes et l'exercice du droit de
grève, il est indispensable que ce groupe, d'ailleurs reconnu par la
loi, ait à jouer un rôle actif important dans la
détermination des services à maintenir lors d'un conflit de
travail dans le secteur hospitalier.
D'autres facteurs militent aussi en faveur d'un rôle actif du CMD,
tels que la compétence à donner une expertise d'ordre
médical et la position du conseil des médecins et dentistes en
tant que tierce partie dans les conflits administration-syndiqués.
Le rapport Martin-Bouchard proposait la création de deux
organismes ayant pour tâche de déterminer les services essentiels:
1) un comité mixte permanent chargé de tenir à jour une
liste des services essentiels, soit la proposition 51 ; 2) un comité
protecteur de bénéficiaires constitué par l'Office des
professions, soit la proposition 54.
Le projet de loi no 59 n'a pas retenu la proposition 51 visant la
création d'un comité mixte permanent et la proposition 54 visant
la création d'un comité protecteur des
bénéficiaires n'a pas été entérinée
totalement. Certes, l'article 99i de ce projet de loi propose la
création d'un conseil sur le maintien des services de santé et
des services sociaux. Il s'agit évidemment d'un des
éléments les plus importants de cette nouvelle loi. Ce conseil,
toutefois, n'est pas formé par l'Office des professions, tel que le
proposait la commission Martin-Bouchard, mais par le juge en chef du Tribunal
du travail après consultation de la Commission des droits de la personne
et d'autres personnes ou organismes.
Nous croyons qu'il aurait été préférable de
retenir la proposition des commissaires Martin et Bouchard visant à
octroyer à l'Office des professions la responsabilité de former
ce conseil, étant donné la composition de cet office et son
caractère reconnu de représentativité
particulièrement dans les domaines médicaux, hospitaliers. A tout
le moins, l'association des médecins et dentistes estime qu'elle doit
être consultée lors de la formation de ce conseil sur le maintien
des services de santé et des services sociaux et qu'au moins un membre
de notre association ou des CMD qu'elle regroupe doit en faire partie.
Nous estimons également que les pouvoirs de ce conseil sur le
maintien des services sont pour le moins limités. La commission
Martin-Bouchard, dans son rapport, avait proposé un rôle beaucoup
plus actif. Ce rôle actif du conseil nous apparaît essentiel si
l'on veut éviter que soient perpétuées les règles
antérieures et que la santé publique soit mise en
péril.
La proposition 59 du rapport Martin recommandait que le conseil forme
des sous-tables provinciales, ce qui aurait eu pour effet de prendre en
considération les besoins locaux.
La proposition 71 du rapport Martin donnait au conseil le pouvoir
d'évaluer les services essentiels décrits dans les avis syndicaux
et si le conseil jugeait les services décrits comme insuffisants, il
devait tenter une médiation obligatoire visant à concilier les
positions des parties locales (proposition 72).
En cas d'échec de la médiation, on prévoyait la
publication de l'évaluation et l'indication des insuffisances
(proposition 73).
De plus, la proposition 74 donnait au conseil de protection des
bénéficiaires le pouvoir de recommander au lieutenant-gouverneur
en conseil d'adopter un arrêt décrétant que le droit de
grève soit différé jusqu'à ce que le syndicat ait
soumis une entente ou une liste de services jugée suffisante.
Le comité protecteur, par la proposition 80, pouvait recommander
la suspension du droit de grève ou la présentation d'une
requête en injonction si les services déterminés
n'étaient pas assurés.
Aucune des propositions précitées n'a été
retenue par le projet de loi no 59. Le pouvoir du conseil sur le maintien des
services se limite à l'information du public, à la consultation
d'experts et à la vérification du maintien des services
déterminés, selon l'article 99i, paragraphe 3. Quant à la
consultation d'experts, la proposition 82 de la commission Martin-Bouchard
était beaucoup plus claire car elle nommait certains organismes, tels la
Commission des droits de la personne
et les conseils de médecins et dentistes, tandis que le
paragraphe 3 de l'article 99i est beaucoup plus général et ne
prescrit que la ratification du choix des experts par le juge en chef du
Tribunal du travail.
Nous croyons que le conseil sur le maintien des services,
constitué par l'article 99i, n'a pas tous les pouvoirs
nécessaires à la réalisation d'objectifs réels et
pratiques, telles l'évaluation progressive des soins à dispenser
dans un établissement donné et la détermination des
services médicaux ou hospitaliers à assurer. Ce conseil n'a que
des pouvoirs de contrôle, mais non de détermination ni
d'évaluation.
La médiation obligatoire proposée par la commission
Martin-Bouchard, si les services déterminés étaient
jugés insuffisants, permettait d'en arriver à un compromis ou
à une solution plus juste pour la population nécessitant des
services de santé.
Le projet de loi no 59, au lieu d'assujettir les parties au
contrôle d'une tierce partie, quant à la détermination des
services essentiels, ce qui aurait permis que le public ne soit pas l'otage des
parties, établit à l'article 99j que les services à
maintenir seront déterminés par entente entre les parties.
S'il n'y a pas d'entente, l'association accréditée devra
transmettre à l'autre partie et au conseil sur le maintien des services,
une liste décrivant les services qu'elle entend maintenir. C'est la
liste des services déposée qui fera la loi des parties, à
moins d'entente ultérieure.
En toute déférence, nous ne croyons pas qu'il y ait grand
changement entre ce projet de loi 59 et les articles 7 et 55 de la loi visant
à assurer les services de santé et les services sociaux
essentiels en cas de conflit de travail, mieux connue comme étant la loi
253.
L'article 99i assujettit le droit de grève à la
nécessité du dépôt de la liste visée à
l'article 99j ou d'une entente entre les parties. Nous croyons que l'expertise
des services à maintenir et de la quantité des effectifs
nécessaires doit être confiée à une tierce partie
dont la connaissance du milieu et de l'expertise puisse la guider dans la
détermination de tels services.
Seuls les besoins de la population doivent servir de critère, et
pour assurer cette détermination des services à maintenir en
fonction des besoins de la population, l'expertise doit nécessairement
être faite par des personnes compétentes et douées dans ce
domaine, ne subissant pas les tensions aussi déformatrices que les
parties en conflit.
Le projet de loi 59 ne prévoit pas d'évaluation des
services à maintenir, d'une façon progressive, alors qu'il est
reconnu qu'au cours d'une grève, il peut survenir des faits qui
nécessitent des changements au niveau des besoins à combler.
Le conseil sur le maintien des services devrait, à tout le moins,
pouvoir recommander la suspension de l'exercice du droit de grève
lorsque la santé publique est en danger, même si l'article 99i
prévoit que le lieutenant-gouverneur puisse le faire proprio motu.
En effet, c'est plus souvent au niveau local que sur la colline
parlementaire, que l'on peut se rendre compte d'une situation périlleuse
pour les malades, sans compter qu'un tel pouvoir de recommandation
accroîtrait l'autorité tout au moins morale du conseil, et
éliminerait les accusations d'ingérance politique qui ne
manqueront pas de faire surface aussitôt que le conseil exécutif
exercera les droits prévus au deuxième alinéa de l'article
99i.
Nous croyons de plus que la proposition 71 du rapport Martin-Bouchard,
relative à l'évaluation des services essentiels décrits
aux avis syndicaux, devrait être retenue car, même s'il y a entente
entre les parties du dépôt d'une liste des services que le
syndicat entend maintenir, et même si le conseil sur le maintien des
services vérifie que ces services soient assurés, cette
disposition ne garantit aucunement que les services déterminés
soient suffisants, eu égard au besoin des patients et malades.
Enfin, et brièvement, en ce qui a trait à l'information du
public, l'article 99e du projet de loi 59 crée un conseil d'information
sur les négociations. Les pouvoirs octroyés à ce conseil
ne sont pas énormes. Il ne nous apparaît pas que ces informations
seront utiles au public en général à moins que l'individu
informé ne soit touché directement par le conflit. (15 h 30)
II nous semble qu'il serait plus utile d'informer avant tout et de
manière préférentielle tous les groupes d'individus, soit
les syndiqués, les cadres et les adjoints, les médecins et autres
qui travaillent à l'établissement et ce, au fur et à
mesure de la teneur des négociations ainsi que des écarts
séparant les parties.
Dans le cadre actuel et avec la lenteur que connaissent souvent les
communications, il pourra S'écouler de longues périodes avant que
les renseignements précis sur la situation ne soient connus de ceux qui
en ont vraiment besoin dans l'exercice de leurs fonctions.
Somme toute, nous estimons que les dispositifs prévus par le
projet de loi no 59 manquent d'autorité en ce qui a trait au domaine
médico-hospitalier qui, à notre humble avis, ne peut être
assimilé aux autres activités dites publiques et/ou
parapubliques.
Il ne s'agit pas d'abolir le droit de grève qui, soit dit en
passant, n'existe ni en Ontario, ni en Alberta dans le domaine des
hôpitaux et, de façon bien encadrée, dans les autres
provinces (voir page 153 du rapport Martin-Bouchard), mais bien de maintenir
à un niveau suffisant les services de santé auxquels les citoyens
ont droit en tout temps.
C'est pourquoi notre association, dont les membres se considèrent
comme tierces parties aux conflits administration-syndiqués, s'est fait
un devoir de vous faire connaître son point de vue et ses
suggestions.
A nouveau, nous vous remercions de nous avoir invités et entendus
et vous rappelons notre entière disposition.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Lambert. Maintenant,
nous entendrons le mémoire de la Corporation professionnelle des
médecins le Dr Roy.
Corporation des médecins du
Québec
M. Roy (Augustin): M. le Président, M. le ministre, MM.
les membres de la commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre,
nous vous remercions de nous donner l'occasion de nous faire entendre
brièvement sur le projet de loi no 59. Vous verrez que nous avons
adopté une attitude très pragmatique pour respecter
l'économie de la loi. Nous notons que nous avons déjà fait
nos représentations à la commission Martin-Bouchard. Nous avons
déjà également fait des remarques en ce qui concerne ce
rapport Martin-Bouchard. Nous avons également émis des remarques
lors de l'assemblée annuelle de la corporation, tenue il y a deux
semaines et qui seront publiées dans le bulletin actuel de la
corporation, qui sera mis sous presse bientôt.
Vous noterez que le ton de notre mémoire, qui est très
court, est peut-être un peu plus politique que celui de mes
confrères de l'Association des conseils de médecins et dentistes,
mais n'y voyez aucune partisanerie. Je suis rendu à prendre mes
précautions, parce qu'en fait, avoir des propos politiques ne veut pas
nécessairement être partisan, cela veut tout simplement dire
s'occuper des choses de l'Etat et de la nation.
Vous verrez que...
M. Johnson: Vous avez déjà de l'expérience
dans ce domaine, docteur.
M. Roy (Augustin): Vous verrez, d'ailleurs, que nous
commençons par un message évangélique que
reconnaîtraient sûrement les députés de Saint-Henri,
Chauveau et Gaspé. Il y a des choses intéressantes dans
l'évangile, comme dans la Bible et le Coran. Dans l'évangile
d'hier, Jésus disait, et je cite: "Ce ne sont pas les gens bien portants
qui ont besoin du médecin, mais les malades".
En suivant le même raisonnement, on peut affirmer que ce ne sont
pas les gens en bonne santé qui ont besoin de l'hôpital, mais les
malades. Or, la maladie peut frapper en tout temps et en tout lieu, qu'on soit
riches ou pauvres, forts ou faibles. C'est à ce moment critique que tous
les malades veulent, sans distinction d'âge, de sexe, de race, de rang
social ou d'autres considérations, des services médicaux
immédiats prodigués par la personne la plus compétente et
au meilleur endroit.
Comment alors concilier ce droit aux services de santé garanti
par la loi avec l'exercice du droit de grève dans les centres
hospitaliers, alors qu'il s'agit de choses, en apparence, incompatibles? Le but
avoué d'une grève est de faire du tort, de causer au moins des
ennuis et des inconvénients sérieux, tandis que le but de
recevoir et de traiter les malades est de vouloir les aider. C'est le
défi auquel l'Etat et les syndicats doivent faire face en ayant toujours
à l'esprit que le bien commun doit avoir préséance sur les
intérêts individuels.
Nous sommes tout à fait d'accord avec l'intention du gouvernement
d'établir des règles du jeu particulières, bien connues
à l'avance, en ce qui concerne les négociations des conditions de
travail dans les secteurs publics et parapublics. Sans minimiser l'importance
de tout le chapitre V A du projet de loi 59, nous limiterons nos commentaires
aux articles 99j et 99i, dans le contexte unique des établissements de
santé.
Nous notons d'abord qu'il n'est plus question d'ententes sur les
services essentiels, mais plutôt sur les services à maintenir en
cas de conflits de travail et sur la façon de les maintenir. Pour nous,
il s'agit de la même chose exprimée en termes différents.
Il est évident que la loi fait appel à la bonne foi et au sens
des responsabilités des parties en cause. Il ne faut toutefois pas
verser dans l'angélisme et s'imaginer que la loi va changer subitement
les moeurs et les attitudes trop souvent déplorables et mesquines. Le
gouvernement doit se souvenir des événements du passé et
éviter toute forme de naïveté.
Est-il nécessaire de lui rappeler qu'il a été
élu pour gouverner et qu'il doit user de fermeté lorsque
nécessaire? Donner aux parties la chance de s'entendre sur les services
à maintenir est important et tout à fait logique. C'est
sûrement l'idéal à atteindre. Mais ajouter qu'à
défaut d'une entente, c'est le syndicat qui décide seul de
l'établissement de cette liste, c'est sombrer dans l'illogisme, jouer
avec le feu et courir au désastre.
Certains traiteront ces propos d'alarmistes. Nous les pensons
réalistes. Nous aimerions bien nous tromper et être témoins
de la grande maturité des syndicats. Hélas! les arrêts de
travail et les grèves illégales qui se produisent
régulièrement dans les hôpitaux nous ramènent vite
à la réalité.
Appartient-il, en effet, aux employés syndiqués ou cadres
d'un hôpital de déterminer si une personne a besoin de soins ou
non? Quant à nous, nous n'hésitons pas à affirmer qu'il
s'agit là d'une responsabilité médicale. C'est au
médecin que revient le rôle difficile de décider de
l'admission ou non d'un malade dans un hôpital, après avoir
procédé à son examen. Quand une personne va à
l'hôpital, c'est parce qu'à son avis elle a besoin d'aide. En cas
de conflit, comme en tout temps d'ailleurs, le médecin doit
déterminer si les services demandés sont essentiels,
c'est-à-dire indispensables et par le fait même obligatoires,
parce qu'omettre de les fournir pourrait avoir des conséquences graves
sur la santé et même la vie de cette personne. Chaque cas devient
un cas particulier.
On ne peut donc établir les services à rendre en
pourcentage et, pis encore, fixer ce pourcentage pour une période de
temps, la situation variant de jour en jour. L'important, c'est qu'il soit
accepté que toute personne se présentant à l'hôpital
puisse être examinée par un médecin qui doit décider
s'il est nécessaire de donner des soins à cette personne ou non.
Dans l'affirmative.
il doit être possible de fournir les soins requis. A cause du
rôle important du médecin et des conditions très variables
d'un hôpital à un autre, nous croyons que la loi aurait des
meilleures chances d'être bien appliquée si l'entente
prévue au premier paragraphe de l'article 99j était conclue
après consultation du conseil des médecins et dentistes de
l'établisement, c'est-à-dire au niveau local.
La Loi sur les services de santé et les services sociaux
confère une entité juridique au conseil des médecins et
dentistes. Nous estimons que les parties en cause doivent utiliser son
expertise et demandons respectueusement que la loi soit amendée en ce
sens.
Comme nous l'avons mentionné auparavant, le libellé du
deuxième paragraphe du même article 99j nous rend fort sceptiques.
Il est basé uniquement sur la bonne foi de la partie syndicale. Si cette
bonne foi n'existe pas, les règles du jeu seront complètement
faussées dès le départ. Or, l'expérience du
passé nous laisse perplexes et nous fait même soupçonner
qu'il sera fort difficile d'en arriver à une entente
négociée si la loi permet à une des parties
d'établir seule sa liste des services à maintenir.
L'intérêt de cette partie pourrait vraisemblablement
être de ne pas faire d'efforts exagérés pour chercher
à s'entendre. Nous serions plutôt portés à
suggérer que si l'entente s'avère difficile, le conseil
visé à l'article 99i soit tenu d'intervenir comme
médiateur avant la décision finale et, ensuite, d'informer le
public de la situation. La partie fautive serait alors clairement
identifiée.
Il est de notre devoir de donner notre totale approbation au
deuxième paragraphe de l'article 99i. Le gouvernement est responsable de
la santé publique. Il doit avoir le courage de suspendre l'exercice du
droit de grève lorsque la santé de la population est mise en
danger. Ne pas le faire serait faire preuve d'irresponsabilité.
On connaît le sort que l'électorat réserve
généralement à un gouvernement mou et impuissant. Le
gouvernement fait bien également d'abolir les amendes excessives et les
recours exagérés aux injonctions. Il doit cependant être
réaliste et établir des peines pour les syndicats et/ou les
syndiqués récalcitrants. Il ne nous appartient pas de
suggérer des sanctions possibles. Dans les cas d'employés
cependant, la suspension ou le congédiement pourrait être des
moyens dissuasifs fort efficaces pour ceux qui ne voudraient pas obéir
à la loi.
Nous demandons au gouvernement d'être juste et ferme à la
foi et de résister à toute forme de chantage, quelle que soit sa
provenance. Il peut paraître noble de faire confiance aux syndicats qui
promettent soudainement de se comporter de façon responsable et
correcte. Il ne faut cependant pas être dupe et avoir la foi absolue dans
ces élans subits de sincérité.
Le gouvernement est responsable du bon fonctionnement de la
société. Il sera jugé à ses oeuvres. Nous faisons
confiance à l'intégrité et à la compétence
du ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre et l'assurons de toute notre collaboration s'il respecte
les règles du jeu qu'il aura lui-même établies.
Nous espérons ne plus jamais revivre les épisodes de 1972
et de 1976 entre autres, et misons sur le bon sens des dirigeants syndicaux,
qui n'ont sûrement pas l'intention de se suicider et savent, en effet,
que le public ne leur pardonnerait plus jamais les incartades du
passé.
Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci, Dr Roy. M. le
ministre.
Remarques générales
M. Johnson: Merci d'abord de vos deux exposés.
Vous soulevez le problème de fond, qui est le suivant et qui est
double, celui du paradoxe que représente la notion de services
essentiels dans un contexte de crise, dans un contexte de relations de travail
où quelqu'un a décidé de procéder à la
grève, de telle sorte qu'on peut se demander, si on définit ce
que sont les services essentiels pendant une grève: Qu'est-ce que c'est
pendant les deux ans qui précèdent? Ce n'est pas essentiel ce qui
se fait dans cet hôpital. C'est cela le grand paradoxe que de
définir des services essentiels dans le secteur hospitalier.
A partir du moment où on sait que, ce paradoxe existe, je pense
que cela ne doit pas nous empêcher d'essayer d'y trouver une solution qui
postule une première chose, soit que le droit de grève existe
dans le secteur hospitalier comme ailleurs, que le gouvernement a
décidé de ne pas le remettre en cause en vertu du principe que
même s'il n'existait et que cette absence de droit donne lieu à
l'exercice de la grève dans un contexte d'illégalité, les
problèmes ne seraient pas réglés pour autant.
Le deuxième aspect du paradoxe que pose la question des services
essentiels, c'est celui de savoir qui va déterminer ce que sont les
services essentiels. Comme membre de la corporation et membre d'un conseil de
médecins et dentistes, je comprends les préoccupations des
représentants qui nous ont adressé ces mémoires. Il est
très clair que le jugement d'hospitaliser une personne ou pas est un
jugement de nature médicale. Je peux difficilement concevoir qu'on
présume que c'est quelqu'un d'autre, finalement, qui a une formation
médicale qui va décider qui sera hospitalisé et qui ne le
sera pas.
Comment en pratique tout cela peut-il se résoudre et qu'est-ce
que ce qu'on a essayé de faire par ce projet de loi? C'est d'abord de
retirer d'un champ de négociabilité la question des services
essentiels au-delà de ce qui est réglé entre les parties.
On peut présumer qu'un directeur d'hôpital responsable je
pense qu'on doit présumer que l'ensemble de cela ne signera pas
une entente avec un syndicat ou des syndicats qui ne comprend pas une analyse
de la situation vue par l'oeil des médecins également. En
l'absen-
ce d'entente, nous nous en remettons à la liste syndicale en
faisant cette double présomption que le syndicat est capable, de
façon responsable, d'agir de façon responsable, nonobstant
l'historique que nous a donné le docteur Roy et, deuxièmement,
est très conscient comme il le dit lui-même à la fin
de son texte que cela pourrait être suicidaire pour lui que d'agir
de façon irresponsable.
Ce serait très facile pour le gouvernement et pour cette
assemblée de décider d'abolir le droit de grève dans le
secteur hospitalier, et je pense même que ce serait une mesure
extrêmement populaire au Québec. Je ne suis pas sûr que ce
serait une mesure, cependant, qui respecterait l'évolution sociale et le
type d'évolution sociale qu'on souhaite.
Mais à partir du moment où un syndicat n'est pas parvenu
à s'entendre avec la direction de l'hôpital, on peut
présumer que la liste des services essentiels qu'il soumettra,
étant donné que le droit de grève dépend de cette
liste qu'il dépose, vaudra quelque chose, c'est dans cette perspective
qu'il faut envisager les articles 99 et suivants. (15 h 45)
La motivation pour le syndicat ou l'incitation à établir
une liste de services essentiels qui tient debout vient, d'une part, d'un sens
des responsabilités qu'on peut présumer et, d'autre part, du fait
qu'il sait très bien que la sanction d'une attitude irresponsable, c'est
la suspension du droit de grève, au niveau local, plutôt que de
façon générale.
Le Dr Lambert a soulevé la question et a insisté beaucoup
sur la question du comité que proposait Martin, celui de la protection
des bénéficiaires, qu'il trouve un peu, je pense,
émasculée dans notre projet de loi. Il est vrai que nous avons
décidé, dans ce projet, de ne pas donner un rôle de
médiation à ce comité pour une raison fort simple, c'est
qu'on ne veut pas que les listes qui s'échangent soient des positions de
négociations. Plaçons-nous bien concrètement dans ce qui
arriverait dans le contexte où, possiblement, il pourrait y avoir une
grève dans le secteur hospitalier. L'hôpital va avoir tendance
à dire: Pour moi, les services essentiels, c'est 98,3% des effectifs
dans tous les services. Le syndicat va peut-être avoir tendance à
dire que c'est 10% et ils peuvent partir de là et "négocier", ce
que, comme médecins, on peut trouver aberrant, mais que, comme
témoins d'une évolution sociale qui est un peu chaotique, on peut
comprendre, même si on se l'explique mal parfois.
Si ce comité-là était effectivement un
comité de médiation, ce à quoi on pourrait assister, c'est
effectivement cela, des positions de négociation. Cela m'apparaît
dangereux. C'est un peu une notion de "last offer", si vous voulez, qu'on
introduit. On dit: Les parties s'entendent; si elles ne s'entendent pas, il y a
une liste syndicale et, si la liste syndicale est insuffisante, il y a
suspension du droit de grève.
Avec les balises que les parties se donneront lors de rencontres qui
auront lieu au cours de l'été, avec la nécessité
pour le syndicat et/ou l'hôpital avec le syndicat, six mois avant
l'expiration du droit de grève, de déposer l'entente ou la liste,
on peut donc présumer qu'il y a là au moins les moyens de
définir, dans un premier temps, à partir d'une connaissance la
plus concrète possible, ce que sont en gros des services essentiels.
On va répondre à cela que la situation des services
essentiels dans un hôpital, c'est une chose très mouvante; c'est
vrai, cela dépend du taux d'occupation. Une liste établie au mois
de janvier 1979 ne tiendra pas nécessairement compte d'une
épidémie de méningite, à l'automne 1979, à
l'hôpital de Mégantic. J'ai de bonnes raisons de croire que, s'il
y a eu une entente entre les parties, s'il y a une épidémie de
méningite, il n'y aura pas de problème. S'il n'y a pas eu
d'entente entre les parties, on peut en revenir à une notion du taux
d'occupation et du taux d'activité de l'hôpital et finalement,
à un jugement, qui est: Est-ce que, oui ou non, la santé publique
est en danger? Il y a les conséquences que cela implique en vertu des
articles 99 et suivants.
J'aurais maintenant une question précise à poser au Dr
Lambert et je laisserai aux gens de l'Opposition, et à mes
collègues aussi je sais qu'ils ont des questions à poser
le soin d'y revenir. Le comité d'information sur les services
essentiels nommé par le juge en chef en vertu des articles 99 et
suivants est un comité qui n'a pas de pouvoir de recommandation. Il
pourra toujours le faire s'il le veut, remarquez, mais je peux peut-être
vous éclairer. La raison pour laquelle on ne lui donne pas ce pouvoir,
c'est parce que je pense que cela aurait été un "challenge " de
trouver du monde qui y siégerait. Je ne connais pas beaucoup de citoyens
au Québec qui ont le goût de dire: Je vais me transformer en
appréciateur des services essentiels et en "recommandeur" du droit de
grève, de la suspension ou de la non-suspension au gouvernement. Il faut
aussi être réaliste. On peut faire une bien belle structure et
donner beaucoup de pouvoir, mais, si on n'a personne à mettre dedans, on
peut avoir des difficultés, d'où l'importance, à nos yeux,
des consultations. Vous nous demandez en fait, si je comprends bien, que votre
association soit parmi les organismes consultés au niveau de la
formation et au-delà de cela, vous demandez même qu'un membre
désigné par votre association fasse partie de ce comité et
je vous avoue que, compte tenu des orientations et des préoccupations de
votre association, je trouve que c'est une suggestion extrêmement
intéressante. On aura peut-être à y revenir un peu plus
tard. Voilà, c'est ce que j'avais à dire pour maintenant.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président. Comme le ministre a
pris avantage de cette première séance d'audiences pour y aller
de quelques commentaires, je m'en voudrais de ne pas l'imiter au moins, en
partie, pour lui dire que l'Opposition officielle
aborde la discussion de cette question des négociations
particulièrement dans le secteur des affaires sociales, avec un
sentiment inusité de sympathie et de solidarité. La
première idée qui nous vient à l'esprit est de souhaiter
bonne chance au gouvernement, quelles que soient les options qu'il prenne,
puisqu'en lui souhaitant bonne chance, nous souhaitons bonne chance à
l'ensemble de la population du Québec qui, au moment d'un
éventuel conflit qui déboucherait sur des arrêts de
travail, serait la première à bénéficier du
succès gouvernemental ou du succès d'une nouvelle formule.
Cela étant dit, je suis frappé que
précisément le ministre responsable de la présentation de
ces lois à l'Assemblée nationale, ait manifestement eu à
l'esprit plus de commentaires de son cru que de questions. Cela ne
m'étonne pas outre mesure, M. le Président, parce que j'ai
l'impression, d'ailleurs je l'ai dit à l'Assemblée nationale la
semaine dernière, que ces deux jours sont beaucoup plus une soupape de
sûreté permettant à différents groupes de se faire
entendre une dernière fois avant que la porte ne soit fermée pour
deux ou trois ans, mais que toutes les décisions ont été
prises, que la plupart des groupes qui vont se faire entendre, en public cette
fois-ci, se sont déjà exprimés devant les commissaires de
la commission Martin-Bouchard avec un succès variable, qu'ils se sont
exprimés une deuxième fois, privément, face au ministre et
à d'autres de ses collègues, il y a environ un mois, avec un
succès un peu moins évident cette fois-là. Leur
succès prévisible dans la troisième apparition qu'ils font
devant les auditeurs du côté gouvernemental est peut-être
moins destiné que jamais à se traduire par des changements dans
la loi, puisque la loi est déjà déposée et que
notre calendrier législatif suppose que dès jeudi de cette
semaine, la deuxième lecture sera faite.
C'est donc dire qu'à partir de la législation que nous
avons devant nous, nous pouvons essentiellement procéder à une
évaluation avant le fait des probabilités de succès des
options qu'a retenues le gouvernement et, à cet égard cependant,
les audiences auxquelles nous assisterons sont extrêmement valables
puisqu'elles nous permettront d'évaluer les réactions de
différents groupes, face à ces projets de législation.
C'est en cela que je vois le mérite de ces audiences, soit de permettre,
d'apprécier si oui ou non les hypothèses de base qui ont servi au
gouvernement dans la rédaction de ses projets de loi... je parle des
amendements au Code du travail comme de la loi 95, mais certainement davantage
de l'amendement au Code du travail. Cela est extrêmement utile.
Pour ce qui est de l'hypothèse fondamentale dont le ministre
vient de faire état, à savoir qu'il faut essentiellement s'en
remettre au sens des responsabilités des parties en présence, je
crois personnellement, M. le Président, qu'il est toujours opportun de
faire appel au sens des responsabilités et il sera toujours
nécessaire d'y compter, pour une part au moins, mais que cet appel au
sens des responsabilités, à moins d'être
étayé par des précautions soigneusement conçues,
risque d'être insuffisant.
En effet, s'en remettre au sens des responsabilités, presque
seulement, c'est supposer qu'il n'y en avait pas avant, ni chez les syndicats
en cause, ni du côté de l'administration des établissements
ou à supposer que ce sens des responsabilités, même s'il
était présent, était, de toute manière,
insuffisant. C'est tenir, au départ, pour acquis que la
législation qu'on se prépare à faire adopter sera, elle
aussi viciée à sa source; en particulier, la proposition selon
laquelle une des parties à une négociation peut,
unilatéralement, déterminer ce en quoi consistent les services
essentiels ne doit certainement pas être présentée comme
une approche nouvelle au problème.
Aucune loi, aucune mesure administrative, aucune stratégie de
négociation n'ont jusqu'à maintenant empêché les
syndicats et les syndiqués qui le désiraient de faire preuve de
toute la responsabilité possible et imaginable. Il n'est même pas
nécessaire de supposer qu'ils n'avaient pas de sens des
responsabilités pour faire la preuve que cette attitude n'a pas
été suffisante, dans un contexte de conflit pour assurer la
provision ininterrompue de services dits essentiels.
Je me demande si le ministre, qui n'a pas été très
tranchant sur la question fondamentale du droit de grève et de son
exercice dans tout ce secteur, ne tend pas un piège aux organisations
syndicales en leur faisant ce cadeau empoisonné d'un pouvoir de
déterminer unilatéralement les services essentiels, de
façon à pouvoir, à l'issue d'une nouvelle ronde de
négociations, dire qu'il a fait la preuve que la bonne foi ou le sens
des responsabilités étaient insuffisants.
Nous aurons l'occasion demain d'entendre les organisations syndicales et
de leur poser directement la question. Mais, encore une fois, le sens des
responsabilités qu'on les invite à avoir, s'il était dans
le passé suffisant pour assurer le succès, il l'aurait
déjà assuré dans le passé, parce que personne, ni
rien, ni aucune loi surtout, n'empêchait qui que ce soit d'agir de
façon responsable. C'est le contexte du conflit, son caractère
global et général, à travers tout le Québec, qui,
à mon avis, sont responsables plus que tout autre facteur, de
confrontations qui dépassent les individus qui sont impliqués,
qui dépassent leurs pouvoirs de se comporter précisément
de façon responsable.
Et, du côté d'un réaménagement de la
structure de la négociation, d'une nécessité qui me semble
évidente de rapprocher cette négociation des gens qu'elle affecte
des deux côtés de la table de négociation, loin d'avoir un
progrès, on a, au contraire, une façon beaucoup plus
accusée de confier au Conseil du trésor et au gouvernement non
seulement le rôle d'un partenaire, mais le rôle de l'acteur
principal du côté patronal, donc de confirmer que cette
confrontation, si elle vient, sera massive, généralisée,
et précisément de nature à échapper au
contrôle d'à peu près tout le monde.
Quoi qu'il en soit, j'aimerais poser un certain
nombre de questions, M. le Président. La première que
j'adresserais au Dr Lambert ou à ses collègues de l'Association
des conseils de médecins et dentistes, c'est si, selon eux, et
abandonnant pour quelques secondes le cadre presque prescrit par les lois
actuelles ou les lois envisagées, cette distinction entre des services
essentiels et des services non essentiels leur apparaît suffisamment
valable pour fonder un mécanisme quelconque d'intervention permettant
d'éviter le pire.
Autrement dit, est-ce que cette distinction est suffisamment capable de
s'articuler, même par un moyen qu'eux concevraient, qui pourrait
être différent de celui qui est prévu dans la loi, pour
constituer une pierre d'assise acceptable pour permettre, d'une part, le
maintien du droit de grève et de l'exercice de la grève dans le
secteur des affaires sociales, et, d'autre part, permettre que le public ait un
minimum de garanties quant à ce qui est véritablement
indispensable, à un moment donné?
Le Président (M. Boucher): Dr Lambert.
M. Lambert: Je demanderais au Dr Marc Bouchard de
répondre.
Le Président (M. Boucher): Le Dr Bouchard. (16 heures)
M. Bouchard (Marc): A notre avis, il est extrêmement
difficile, dans le secteur de la santé, de distinguer les services
essentiels des services non essentiels. Il y a probablement des services de
luxe dans le secteur de la santé, mais je pense que, lorsqu'on est en
conflit, cette notion disparaît complètement, c'est pour cela que
nous croyons que la meilleure façon de protéger le malade, c'est
qu'il y ait une liste indicative au niveau provincial ce serait possible
pour les choses très nettes mais qu'il y ait aussi un
mécanisme qui puisse assurer l'évaluation de la situation dans
les hôpitaux au jour le jour. Suivant l'impact de la grève, de son
étendue, ce qui devient un service essentiel accessible ou non peut
varier beaucoup.
Si, dans une région, par exemple, c'est le seul hôpital et
qu'il ne fonctionne plus du tout, cela peut être très grave pour
certains malades. Dans une autre région où il y a plus de
ressources, l'arrêt complet d'un hôpital, peut être marginal,
jusqu'à un certain point.
Pour répondre d'une façon précise à la
question, je pense que c'est possible d'établir une liste de services
dits essentiels, par pathologie, c'est-à-dire où l'intervention
médicale est exacte, mais cette liste va nécessairement faire
appel continuellement à des exceptions, parce que, comme vous le savez,
la médecine, ce n'est pas une science, c'est un art. Ce qui nous force
à pratiquer cet art, c'est le malade qui se présente. Je ne sais
pas si cela répond à la question de M. Forget.
M. Forget: Croyez-vous que des syndiqués de bonne foi,
mettant de côté la question de bonne foi ou de sens des
responsabilités, des syndiqués qui ne sont pas médecins,
mais qui connaissent bien le milieu hospitalier parce qu'ils y travaillent,
soit à titre d'infirmiers ou d'infirmières, de techniciens ou a
tout autre titre, ont la compétence nécessaire pour faire cette
définition précise, dans des circonstances bien
particularisées?
M. Bouchard: Je suis persuadé que non. C'est comme si vous
voulez construire un pont. Je n'ai pas l'impression que le manoeuvre qui
contribue à la construction du pont puisse décider, de bon aloi,
ce qu'il faut faire. Or, pour décider si un service est essentiel,
urgent et nécessaire immédiatement pour un malade, cela prend une
certaine expertise. Cette expertise n'appartient, comme on le dit dans notre
mémoire, ni aux cadres, ni au personnel syndiqué, ni aux
techniciens, mais elle appartient aux médecins, évidemment sous
l'impulsion de la demande du malade. C'est lui qui ressent ces malaises.
Evidemment, c'est accorder, ce faisant, certains pouvoirs aux
médecins, mais tous les pouvoirs, comme vous le savez, peuvent
être abusifs. Peut-être que le médecin, dans une telle
situation, est le moins en conflit, parce qu'il y a très peu de
médecins qui, au moment d'un conflit, sont en position de perdre des
revenus. Je peux nommer les gens qui, au moment d'un conflit, sont en mauvaise
position au point de vue de la rémunération, ce sont surtout les
chirurgiens, les anesthésistes, les gens qui travaillent dans les
laboratoires, mais cela affecte beaucoup moins tous les autres qui font
beaucoup de bureau, cela peut même les aider dans certains cas.
M. Forget: Si je comprends bien, il y a deux
éléments à votre position. Il y a, d'une part, le fait que
vous êtes une tierce partie, comme conseil ou porte-parole du Conseil des
médecins et dentistes et, d'autre part, l'élément
compétence scientifique ou technique, si l'on veut, qui vous
amène à dire: Nous devons avoir une contribution dans la
détermination des services essentiels.
M. Bouchard (Marc): C'est cela.
M. Forget: Advenant le cas où votre point de vue ne se
traduirait pas par une modification à la loi proposée par le
gouvernement, c'est-à-dire que l'implication formelle au niveau de la
Loi de l'Association des conseils de médecins et dentistes ne se ferait
pas, est-ce que votre association a considéré ou serait
prête à considérer la possibilité de faire tout ce
que vous suggérez dans votre mémoire, mais à titre, en
quelque sorte, volontaire et spontané?
Ce que je veux dire, c'est que rien n'empêche votre association,
prétendument, de jeter les bases d'un plan d'action ou d'intervention
strictement non officiel, mais suffisamment bien structuré pour
s'exprimer en temps utile, pour faire ce que vous recommandez de faire,
même si la loi ne le dit pas. Ce qui veut dire que le gouvernement
serait, de toute manière, dans une telle circonstance, dans le contexte
d'une action de sa part qui serait toujours précédée par
une intervention de
votre association quant aux plans de services essentiels qui seraient
déposés par les syndicats.
M. Bouchard: Vous me rappelez des souvenirs, M. Forget. Je pense
qu'on l'a fait dans le passé.
M. Forget: Oui, mais de façon assez sporadi-que...
M. Bouchard: Oui, on l'a fait d'une façon moins
systématique.
M. Forget: ... une façon peut-être très
dramatique, une conférence de presse en parlant de la situation
provinciale. C'est ce que j'ai à l'esprit, c'est quelque chose qui est
beaucoup plus près de votre texte actuel, c'est-à-dire une
intervention localisée et particularisée.
M. Bouchard: Oui, je pense qu'on pourrait toujours le faire, mais
si on prend une décision, à savoir qu'il est nécessaire
d'intervenir dans tel ou tel cas, et si on n'a aucun pouvoir pour intervenir,
qu'est-ce que vous voulez? On va être paralysé, soit par les
syndicats, par l'administration hospitalière, parce qu'il ne faut pas se
faire d'illusion, si l'administration ferme une partie des salles
d'opération, ferme des lits, ferme ceci, si les syndicats ne veulent pas
fonctionner, les médecins, actuellement, n'ont qu'un pouvoir moral.
Alors, le pouvoir moral, avant que sa force ne se manifeste, il faut que cela
passe par le canal des journaux et des moyens d'information publique. Cela peut
être assez long. Evidemment, les médecins ont toujours tendance
à considérer le malade, d'abord, ce qui est un cas individuel, et
c'est là que le tort est fait souvent. C'est à ce niveau que,
souvent, il faut intervenir rapidement. Je ne suis pas sûr que, dans le
passé, on ait pu le faire.
M. Forget: Vous dites, à la page 7 de votre
mémoire, que vous ne voyez pas beaucoup de différence entre le
projet de loi 59 et les articles 7 et 55 de la loi 253. Malgré tout, il
y a des différences au moins formelles. Pourriez-vous expliquer en quoi
cela ne consiste pas en des différences fondamentales quant à
vous?
M. Bouchard: Je ne vois pas de différence en ce sens...
C'est-à-dire qu'il y a une différence fondamentale, c'est que le
pouvoir pour la détermination des services essentiels, pour l'ancienne
loi, était aux mains de ('"establishment" classique de la
société, c'est-à-dire les juges, les administrations
hospitalières, les commissaires, tandis que, là, il passe
complètement aux mains du syndicat, et, comme le disait avec justesse,
je crois, le Dr Roy cela me surprendrait que, dans un cas où le conflit
se durcisse, il n'utilise pas cela, je serais extrêmement surpris de
cela. Evidemment, il est possible que le gouvernement, en proposant cela,
gagne, mais il est aussi possible qu'il perde. Il n'est pas du tout sûr
qu'en donnant plus de pouvoirs au syndicat, le résultat soit meilleur
que dans l'autre cas où il y en avait davantage pour l'autre partie,
parce que, comme vous vous souvenez, l'autre partie, dans d'autres cas,
c'était tout à fait aberrant, il y a des gens qui demandaient
plus de services en période de grève qu'il n'y en avait en
période normale. Ce que je reproche un peu au projet de loi actuel,
c'est qu'on fait peut-être trop pencher la balance du côté
des syndicats. J'aimerais mieux avoir un petit peu plus de mesure,
c'est-à-dire que ce soit... Je pense que la commission Martin, dans
l'ensemble de ses recommandations, respectait la balance qu'il devait y avoir
dans le pouvoir des différents groupes bien davantage que celui qui est
proposé dans le projet de loi.
M. Forget: Une dernière question. Vous affirmez aussi dans
votre mémoire, à peu près vers la fin, que même si
les parties réussissent à s'entendre, vous n'êtes pas
nécessairement rassurés pour autant, qu'il est en quelque sorte
possible que l'administration d'un établissement et le syndicat local
fassent sur les services essentiels une entente qui soit insuffisante pour
protéger le public. Est-ce que vous avez déjà fait
l'expérience de telles situations ou si c'est une conjecture gratuite en
quelque sorte de votre part?
M. Lambert: C'est une affirmation, M. Forget, basée sur
l'expérience vécue en 1972 et en 1976, et pour la plupart des
membres de l'association ayant vécu ces périodes
troublées, en 1972 et particulièrement en 1976, où, dans
certains hôpitaux, il y avait soit-disant une entente et où,
concrètement, si vous voulez, la population souffrait et où il y
a des gens qui n'ont pas eu les soins auxquels ils avaient droit et auxquels
ils auraient eu droit. C'est forts de cette situation réelle et
concrète qui, en fait, a peut-être été mal
décrite dans le public et mal portée à la connaissance du
public que nous avons écrit cette liste. Cela a été
réel, particulièrement en 1976, où le syndicat et
l'administration soi-disant s'entendaient entre eux pour un service ou des
services essentiels dans un établissement alors qu'on a vu mourir des
patients, au-delà de 100, à cause d'un manque de services
essentiels.
M. Forget: Pour bien préciser, dans ces cas-là, les
ententes que vous jugez insuffisantes étaient respectées
cependant?
M. Lambert: Etaient respectées.
M. Forget: Est-ce que vous croyez que c'était des cas
nombreux?
M. Lambert: II y en a eu assez pour sentir gronder, dans les
hôpitaux urbains, enfin, des réactions très violentes qui
se préparaient. C'est à ce moment-là que nous avons senti
le besoin on l'a fait de faire au mieux de notre
inexpérience et, à l'occasion, en 1976, de proclamer, aux vues de
tout le monde, qu'il était question d'une situation de guerre dans les
hôpitaux, une situa-
tion de guerre qui, dans certains établissements, était
réelle, de guerre en ce sens que des patients sont
décédés et d'autres n'avaient pas les soins auxquels
normalement, au front, sans avoir connu la guerre personnellement, la
population civile a droit.
M. Bouchard: Je voudrais intervenir sur cette question, si vous
me permettez, M. le Président.
La tactique syndicale influence aussi beaucoup le fonctionnement des
hôpitaux et cela a été particulièrement le cas en
1976. J'ai l'impression, enfin, je suis un scientifique, j'aurais de la
difficulté à prouver ça scientifiquement, que c'est
beaucoup plus dommageable, pour la population en général, de
faire fonctionner les hôpitaux, je ne sais pas, moi, à 45% pendant
des mois et des mois comme cela a été le cas en 1976 que de faire
une grève qui dure dix jours, ensuite c'est fini, ou même quinze
jours, et qu'on n'en parle plus. Parce que les dommages pour le malade, ce
n'est pas simplement le cas urgent, mais c'est le cas sur lequel on n'est pas
intervenu et qui entraîne des dommages irréversibles. On pourrait
citer de nombreux exemples. On en a parlé, d'ailleurs, à la
commission Martin.
M. Raynauld: M. le Président, je voudrais ajouter une
question.
Le Président (M. Boucher): M. le député
d'Outremont.
M. Raynauld: Je voudrais ajouter une question justement dans
cette ligne de pensée.
La notion de services essentiels, pour moi, a l'air d'être une
notion qui est basée sur le fait qu'il y ait une distinction entre des
services qui doivent être maintenus et d'autres dont on peut se
dispenser. Comme vous, après votre dernière observation, de
l'extérieur, j'ai l'impression que les services essentiels ont bien plus
trait au nombre de jours que ça dure qu'à la nature du service.
Est-ce qu'à ce moment-là, il est possible d'imaginer une autre
formule de services essentiels ou de définition de services essentiels?
Je peux comprendre qu'on ne soit pas obligé de laver des vitres dans un
hôpital. Cela, c'est clair; ça peut attendre un petit bout de
temps, mais pour tous les services vraiment proches des soins, pour ma part, il
me semble que c'est la durée qui est bien plus importante que la nature
du service. Quant aux soins, je ne sais pas, moi, l'entretien, la nourriture,
l'alimentation, ensuite, les soins aux malades par les médecins ou des
choses semblables, je suis surpris qu'on en soit à discuter encore de
cette vieille notion je pense qu'elle est vieille de services
essentiels non pas en fonction, encore une fois, d'une durée, parce que
j'ai un peu l'impression que ça se pourrait, en tout cas, sauf des
exceptions je pense qu'il y en a tout le temps là-dedans
une grève de trois jours pourrait être moins dommageable qu'une
grève de plusieurs mois où on aurait maintenu des services
soi-disant essentiels.
M. Bouchard: C'est tout à fait exact. Je pense qu'il faut
distinguer les services urgents où l'intervention vraiment doit
être immédiate pour éviter un dommage irréparable au
malade, et il y a aussi des services qui, sans être absolument urgents,
pour assurer une meilleure chance de guérison au malade, il faudrait
intervenir immédiatement.
J'ai l'impression que si vous prenez un enfant, par exemple, en
leucémie aiguë, si vous n'intervenez pas immédiatement,
ça change son pronostic. Si vous prenez un homme qui fait de
l'insuffisance cérébrale transitoire et qui devrait
bénéficier d'une greffe, si vous la lui faites dans un mois,
peut-être que dans un mois il sera mort. Ce sont toutes ces
choses-là aussi qui sont difficiles à mesurer d'une façon
scientifique, mais qui sont très réelles, parce qu'il y a
beaucoup de cas pathologiques où la rapidité de l'intervention,
même si ce n'est pas urgent, peut changer le sort du malade. Je ne sais
pas si ça répond à votre question.
M. Raynauld: Oui. Maintenant, avez-vous essayé de
définir ce que pourraient être des services essentiels, suivant
cette notion de temps, par exemple? Sur quelle base pourrait-on définir
des choses comme ça? (16 h 15)
M. Lambert: Ecoutez! Cela met en cause la relation
patient-médecin. C'est l'individu qui a une douleur dans le thorax, qui
a une petite bronchite et qui fait un infarctus. L'individu ne le sait pas; il
se sent mal. S'il n'a pas accès à un médecin qui,
normalement, est qualifié pour déterminer s'il s'agit d'une
petite atteinte virale ou vraiment d'une pathologie qui va l'emporter, comme la
maladie cardiaque, c'est très facile à défaire, cette
relation patient-médecin. Sans vouloir jeter la pierre à la
partie syndicale, quand on entend des déclarations de principe,
d'intention comme celle-ci récemment: La population a une
capacité de souffrance presque infinie et que le droit syndical,
à ce moment-là, doit primer, cela nous effraie. Une
capacité infinie de souffrance; ce sont des notions qui, pour nous, nous
font, pour l'avenir, nous poser un tas de questions sur l'intention
syndicale.
Il y aurait peut-être lieu de faire préciser ce que la
partie syndicale entend par cela. Mais pour nous, cela se traduit par un
arrêt, un blocage de la relation patient-médecin. Le patient a une
douleur thoracique. Pour le syndicat, cela peut vraiment être quelque
chose qui n'est pas essentiel. L'individu qui se présente à la
porte d'un hôpital; il a une douleur thoracique. Vous reviendrez la
semaine prochaine. Pour nous, une douleur thoracique peut vouloir dire
l'antichambre de la mort ou le patient peut mourir quelque temps après,
immédiatement, pour ne pas avoir reçu de soins, d'examens, de
diagnostic, etc.
Le Président (M. Boucher): Docteur Roy.
M. Roy (Augustin): En fait, je voudrais faire quelques
commentaires. Disons que la question du temps joue sûrement en ce qui
concerne les dommages qui peuvent être causés lors d'un
arrêt de travail.
Plus la grève dure longtemps, plus l'arrêt de travail dure
longtemps, plus il y a risque de dommages irréparables. Mais, même
si la grève ne dure qu'une ou deux journées, supposons qu'elle
soit totale, elle peut également causer des dommages irréparables
dans le cas d'individus, par exemple, qui se présentent à
l'hôpital avec un infarctus du myocarde et qui vont
décéder. C'est extrêmement fluctuant, la notion de temps en
ce qui concerne les services essentiels.
En fait, ce qui est important, c'est de pouvoir permettre au malade
d'être examiné par un médecin qui va déterminer s'il
a besoin de soins ou non. Quant au reste, pour répondre à ce que
le député de Saint-Laurent demandait tout à l'heure, c'est
vrai que, dans le contexte de la grève de 1976, il y a eu des incidents
malheureux dans des endroits où il y avait entente entre les parties.
Mais, s'il y a eu ces incidents malheureux, c'était à cause de
l'insuffisance de la loi 253 qui disait que, dès qu'il y avait entente
entre les parties, il était présumé que les services
essentiels étaient assurés. Or, les parties pouvaient s'entendre
pour assurer 10% des services essentiels. Alors, il y avait quelque chose de
fautif dans la loi elle-même. Je pense aussi, en répondant
à une autre de ses questions, qu'on pourrait dire qu'à la limite,
des syndiqués de bonne foi c'est extrêmement important, de
bonne foi pourraient dire que certains cas sont essentiels alors que
d'autres pourraient ne pas l'être. Par exemple, des cas
d'obstétrique. Je pense qu'il n'est pas nécessaire d'être
intelligent pour savoir qu'une femme est à la veille d'accoucher et de
dire: C'est un cas essentiel; il faut qu'elle entre à l'hôpital.
Dans le cas d'accidents de la route: les polytraumatisés avec multiples
fractures.
Mais, dans d'autres cas, même avec la bonne foi, dans le cas d'un
individu qui se présente de lui-même avec une douleur thoracique,
le syndiqué, quelle que soit sa bonne foi et sa bonne volonté,
n'a pas ia compétence pour déterminer si la personne a besoin de
soins urgents ou non, de soins essentiels ou non.
M. Johnson: Docteur Roy, si vous me le permettez, je vais vous
interrompre. Je pense que, nulle part, il n'est dit dans ce texte qu'on
s'attend que quelqu'un d'autre qu'un médecin décide si une
personne a besoin de soins ou non. On se comprend bien. Il faudrait quand
même ne pas faire miroiter à travers la pièce ici l'image
que c'est le syndiqué qui va décider si monsieur Un tel a besoin
de soins, docteur Roy. Il n'a jamais été question de cela. Ce
dont il est question, c'est que la liste dont il s'agit sera ou
négociée entre les parties ou encore ce sera la liste syndicale.
Les médecins conserveront leur rôle dans chaque cas de poser des
gestes. Si des médecins en fin de compte se rendent compte, dans une
salle d'urgence, qu'effectivement il manque d'effectif dans une salle
d'opération. Ce qu'on peut souhaiter, tout le monde, c'est
qu'effectivement les techniciens, les gens qui s'occupent de désinfecter
la salle, les techniciens de laboration qui servent de soutien aux
médecins en salle d'opération, soient là pour les aider.
Mais il n'est question nulle part qu'il y ait un syndiqué à la
porte avec son casque FTQ, CSN ou CSD, qui décide que lui rentre, lui ne
rentre pas. Il y a une façon aussi de présenter les choses.
M. Roy (Augustin): M. le ministre, je dois vous dire que ce sont
malheureusement des événements qui se sont produits. Je me
souviens très bien d'un cas qui s'est produit à Sainte-Justine
où un enfant n'a pas eu une greffe reinale qui lui aurait sauvé
la vie parce que des syndiqués à la porte lui ont refusé
l'admission.
Il n'est pas question de blâmer une partie plutôt que
l'autre, mais de tenter de trouver une solution qui favorise la population,
parce que je pense qu'il y a une distinction bien nette qui doit être
faite entre les services de santé et les autres services publics en cas
de grève. Je pense bien que personne ne va se plaindre, et la population
ne déplorera pas tellement que les employés, par exemple, du
gouvernement, au ministère des Finances, ou du Revenu, les
employés de l'impôt fassent la grève. Je pense que personne
ne va déplorer que les fonctionnaires du gouvernement fassent la
grève à l'impôt pendant un mois, deux mois, mais ils vont
déplorer, par exemple, que les hôpitaux soient fermés
pendant une semaine.
Je pense qu'il faut accéder aux désirs de la population et
lui donner les soins accessibles, auxquels elle a droit. Il n'est pas question
d'enlever le droit de grève nulle part et, dans notre mémoire, il
n'est pas question non plus de recourir à l'arbitrage obligatoire, parce
qu'on sait fort bien que les experts qui se sont penchés sur la question
voient dans l'arbitrage obligatoire pratiquement la négation même
de la véritable négociation collective.
Alors, je pense que le projet de loi, comme tel dans son ensemble, a
énormément de bon. Tout ce qu'on cherche c'est d'essayer de
bonifier encore et on croit que l'établissement des listes dans les
hôpitaux, entre la partie patronale et la partie syndicale, devrait
être fait avec la consultation des conseils de médecins et
dentistes qui ont l'expertise voulue. C'est extrêmement difficile
d'établir ces listes. Il faudra se garder un peu de jeu aussi pour tenir
compte des situations extrêmement mouvantes. M. le ministre ayant
déjà travaillé dans des salles d'urgence sait ce qui se
produit. Il y a des fois où c'est actif, des fois où cela ne
l'est pas. Il faudra aussi qu'on s'entende pour que, si la liste est uniquement
une liste syndicale, que les gens de la région ne soient pas
brimés injustement. Encore là, il faut tenir compte de
considérations locales. A Montréal quelqu'un pourra
peut-être aller dans un autre hôpital, mais dans un endroit
où l'hôpital est à 40 milles, ou 50 milles, ce serait
peut-être une tout autre question. J'ai tout de suite à l'esprit
ce qui s'est passé il n'y a pas tellement longtemps, l'hiver dernier
à l'hôpital d'Alma, qui a été paralysé
pendant presque six semaines pour une question insignifiante, banale, idiote.
Evidemment, je veux bien faire confiance aux patrons et aux syndiqués,
mais je ne voudrais pas non plus être naïf et dire que le public ne
sera
pas lésé lorsqu'il y aura un arrêt de travail dans
les services de santé.
Le Président (M. Boucher): Merci, Dr Roy. M. le
député de Richmond.
M. Brochu: M. le Président, sur le même sujet,
j'aimerais revenir sur cette dernière question que vient de traiter le
Dr Roy. Je me réfère à votre mémoire, Dr Roy,
où vous indiquez à la page 2, tout au bas, que "l'important c'est
qu'il soit accepté que toute personne se présentant à
l'hôpital puisse être examinée par un médecin qui
doit décider s'il est nécessaire de donner des soins à
cette personne ou non. Dans l'affirmative, il doit être possible de
fournir les services requis ". Vous avez fait état de certains cas qui
se sont produits lors des derniers conflits majeurs. On pourrait
également, de notre côté, vous citer des cas qui
malheureusement se sont produits également, où des personnes ont
eu à subir de graves préjudices dans de telles situations. Est-ce
qu'on doit comprendre, de cette préoccupation, que vous exprimez ici,
que vous seriez favorable, que vous désireriez que, dans la loi, on
reconnaisse de façon générale un principe non
négociable et essentiel sur ce point-là, au fait de
l'accès possible du citoyen, qui prétend être malade,
à son médecin pour un examen dans un centre hospitalier. Est-ce
que vous voulez que ce soit reconnu dans le cadre de la loi comme un principe
non négociable au point de départ, pour la protection du
public.
M. Roy (Augustin): Je vais vous répondre, M. le
député de Richmond que c'est exactement ce que nous avons dit
dans notre mémoire, lorsque nous disons que les services essentiels ne
doivent pas être négociables. Nous ne disons pas que la liste ne
doit pas être négociable, mais on dit que lorsque quelqu'un se
présente à l'hôpital, en danger pour sa vie ou sa
santé et que c'est déclaré par un médecin, ce n'est
plus négociable, on doit le soigner, on ne doit pas le laisser mourir;
on doit trouver des mécanismes pour que cet individu ne soit pas mis
à la porte ou qu'il soit obligé de s'en retourner chez lui pour
mourir ou souffrir indûment des délais causés par
l'arrêt de travail. C'est ça qu'on veut dire quand on dit que
ça ne doit pas être négociable. On est d'accord pour que
les deux parties s'entendent sur la négociation de listes de bonne foi,
mais encore une fois, il n'y a pas de solution magique, de recette miracle qui
va dire: Voici la liste des pathologies qui sont essentielles et celles qui ne
le sont pas. Cela varie d'un endroit à l'autre, d'un individu à
l'autre, selon que la grève est dure ou non, selon que les
syndiqués sont de bonne foi ou non, selon que la grève est longue
ou ne l'est pas et selon de multiples autres facteurs.
Je pense que c'est ça qu'il faut prendre en considération.
Je voudrais en profiter pour désamorcer une attaque qui va
peut-être venir des syndicats en ce qui concerne les médecins. Ce
que je dis est complètement dénué de tout
intérêt personnel de la part des médecins, il n'est pas
question de conflit d'intérêts. On nous dit souvent: Vous autres,
vous avez intérêt à ce qu'il n'y ait pas de grève
dans les hôpitaux, parce que s'il y a une grève, vous perdez des
revenus.
Je dois complètement me dissocier de tout propos semblable, parce
que les médecins peuvent quand même prendre des congés en
d'autres occasions et ce n'est pas une question de grève dans les
hôpitaux de quelques jours ou même de quelques semaines qui va
affecter terriblement leurs revenus. Alors, je voudrais quand même
désamorcer ces affirmations des syndicats, en ce sens qu'il n'est pas
question de conflit d'intérêts dans notre cas, nous sommes une
corporation, nous défendons le public, les fédérations
négocient pour les médecins. Nous disons ici simplement que nous
prenons l'intérêt de la population et des malades. Nous allons
assez loin en gardant le droit de grève, comme le ministre le dit, parce
que l'enlever, à notre avis, ne réglerait rien, recourir à
l'arbitrage obligatoire ne réglerait rien non plus.
Je pense que la solution générale de cette loi n'est pas
mauvaise, si on peut la bonifier en introduisant l'expertise des
médecins et dentistes à l'intérieur des hôpitaux, en
éduquant la partie patronale et la partie syndicale. Quand je dis la
partie patronale, j'inclus évidemment le gouvernement afin qu'il informe
la population convenablement, parce qu'en dernier ressort, c'est la population
qui est le juge, parce que c'est elle qui souffre et qui est la victime de
toutes ces grèves dans les services publics, particulièrement
dans les services de santé.
M. Brochu: Si on reconnaît que l'expertise doit d'abord
être faite par les spécialistes en question, comme le mentionnait
tout à l'heure le Dr Lambert ou son collègue, je pense qu'au
point de départ, à ce moment-là, le principe se raccroche
à ce niveau-là, la personne doit au moins avoir accès
à son spécialiste pour que le diagnostic soit établi.
Donc, vous voudriez que ce soit dans le cadre juridique que le principe
soit généralement adopté, que l'accès
général du public à son médecin puisse être
reconnu de sorte que même en cas de grève, ce ne soit pas
fixé par une liste arbitraire.
M. Roy (Augustin): C'est déjà garanti dans la Loi
sur les services de santé et les services sociaux, c'est un droit
fondamental que le droit à la santé et tout le monde est d'accord
avec ça, syndiqués et non-syndiqués, membres du
gouvernement ou membres de l'Opposition, tout le monde est d'accord avec ce
droit sacré qu'est le droit à la santé. Il suffit
simplement de trouver des mécanismes pour que, dans le cas de
grève, ce droit n'affecte pas d'une façon outrageuse ou
dangereuse la santé publique.
Parce que, encore là, on a affaire à la vie, à la
santé des gens et c'est ce qu'il y a de plus précieux. Je pense
que les règles du jeu doivent être différentes dans un
secteur comme celui des
hôpitaux d'un secteur des commissions scolaires et d'un secteur
des employés du service public du gouvernement. Je pense qu'on touche
des choses différentes.
M. Brochu: Merci.
Le Président (M. Boucher): M. le député...
Le Dr Lambert.
M. Lambert: Un commentaire supplémentaire sur les propos
du Dr Roy. C'est l'accessibilité du patient à l'hôpital,
parce qu'une grève dans les hôpitaux ne touche pas les cabinets
privés. Il y a un tas de pathologies qui peuvent être
traitées, en cas de grève, dans les cabinets privés. Dans
le passé, on a vu que, lors de ralentissement de travail dans les
hôpitaux, la quantité de patients dans les cabinets privés
avait augmenté. Maintenant, accès du patient à
l'hôpital, possibilité pour le médecin à
l'hôpital de traiter.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Johnson: Avant de laisser, je pense que le
député de Sainte-Marie a une question. Je voudrais poser une
question au Dr Lambert. Verriez-vous le CMD local comme intervenant dans
l'entente entre le syndicat et l'hôpital?
M. Lambert: Ecoutez, comme on l'a dit dans notre mémoire,
on souhaiterait que le CMD, un groupe soit un tiers au moins pour observer et
conseiller l'une et l'autre des parties, par des mécanismes qui sont
sûrement... (16 h 30)
M. Johnson: ... j'essaie de voir, concrètement, dans un
hôpital de la dimension de Maisonneuve-Rosemont, ou de Sainte-Justine ou
d'ailleurs. Je vois assez mal le directeur de l'hôpital, qui est un
diplômé en administration hospitalière, décider ce
que sont les services essentiels. Il le fait, entre autres, avec la
collaboration du directeur des services professionnels, je présume, de
la directrice du nursing, et également, dans la mesure où ils
sont actifs ou impliqués, et pas à cheval sur les structures,
avec les médecins du CMD.
M. Lambert: Mais, M. le ministre, il y a des gens, dans les
hôpitaux, comme vous le mentionnez, un CMD, c'est une structure
juridique. C'est un corps organisé mais qui, en cas de grève ou
de conflit, a peu de pouvoirs sinon un pouvoir moral. Ce qu'on souhaiterait,
c'est de l'articuler davantage, le CMD. L'article 76 dit: Responsable de la
qualité des soins. Je serais porté à dire: "surtout en cas
de crise" et là, élaborer des modalités vis-à-vis
des autres structures hospitalières.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: M. le Président, il est évident que
l'exercice du droit de grève dans le secteur hospitalier pose
énormément de problèmes depuis un certain nombre
d'années, non seulement à des personnes qui travaillent du
côté patronal ou à des professionnels de la santé,
mais aussi à des syndicalistes reconnus.
On a reçu aujourd'hui un vibrant appel au réalisme. On
nous a demandé de ne pas être naïfs et angéliques. Il
faut bien admettre que si on veut être réalistes, l'absence du
droit de grève n'aurait pas les effets souhaités,
c'est-à-dire que les travailleurs du secteur hospitalier ont aussi droit
à des conditions de travail, à un revenu normal, et, dans ce
sens-là, les mêmes règles doivent s'appliquer tant à
eux qu'aux autres travailleurs. Que cet exercice soit contingenté, soit
limité, je pense que ce sont les objectifs qu'on poursuit, avec la loi
59.
J'aurais un certain nombre de questions en fait, j'en ai trois
qui vont dans le sens du réalisme. Je vais adresser ma
première question au Dr Lambert. Dans votre mémoire, à la
page 5, vous revenez avec une suggestion qui permettrait au comité
protecteur de présenter des requêtes en injonction.
Ne pensez-vous pas, à partir de l'expérience vécue
et dans le sens où le Dr Roy en a parlé, que c'est très
peu réaliste de suggérer d'avoir recours à des injonctions
quand on connaît les effets que les injonctions ont eus, les effets non
seulement immédiats, mais aussi plus lointains. C'est-à-dire que
cela a fait en sorte de cristalliser des oppositions, du mécontentement,
et cela a fait pire que bloquer. Non seulement, cela n'a pas obtenu les effets
souhaités, mais c'est allé au-delà de ce qu'on aurait
souhaité comme effet.
Ne pensez-vous pas que c'est irréaliste, cette suggestion que
vous nous faites?
M. Lambert: Je ne crois pas qu'on'demande d'avoir le pouvoir de
faire des injonctions ou de recommander des injonctions, sinon que de porter un
jugement de valeur sur une situation critique et que ce soit directement fait
par le comité protecteur. Dans le projet de loi 59, on parle du
lieutenant-gouverneur en conseil qui intervient directement...
M. Bisaillon: II suspend le droit de grève.
M. Lambert: ... et suspend le droit de grève.
Peut-être qu'on irait dans le sens de ce comité de maintien des
services, pour avoir quelque chose de plus fort, pour...
M. Bisaillon: Là, vous retenez quand même la
possibilité de requête en injonction. C'est uniquement
là-dessus, comme moyen, est-ce que vous seriez...
M. Lambert: On n'a pas retenu ce moyen, l'injonction, comme force
d'action, pour maintenir les services.
M. Bisaillon: Deuxième aspect. Dans les deux
mémoires, on fait toujours référence à la
grève. On semble oublier que dans certains hôpitaux, il y a eu des
lock-out dans le passé. Le lock-out est une
décision de l'administration. Ce n'est pas une décision
des syndiqués. Or, les deux mémoires ne traitent pas de la
question des lock-out. Qu'est-ce que vous pensez du contenu de la loi face au
lockout, c'est-à-dire au moment où il y aurait entente sur les
services essentiels, l'interdiction du lockout, pour l'employeur?
M. Lambert: Dr Bouchard.
M. Bouchard: Je vais rassurer le député de
Sainte-Marie. Grève ou lock-out, en notre esprit, c'est exactement la
même chose. Tout ce qu'on regrette, c'est, lorsque le syndicat
déclenche une grève, qu'il est pénalisé
jusqu'à un certain point, tandis que les administrations
hospitalières, par leurs bras, c'est-à-dire la direction
générale et le comité de régie, lorsqu'elles
décrètent un lockout, ne sont pas pénalisées.
Enfin, je pense que c'est le point de vue de l'association. On trouve cela
très emmerdant, parce que, dans un conflit, vous savez, souvent, toutes
les parties ont des torts. Il est peut-être anormal qu'il y ait seulement
une partie qui supporte l'odieux de tout cela, la perte de revenus, etc., tout
cela finalement sur le dos des malades, en définitive, parce qu'il se
règle de petites chicanes personnelles à ces occasions aussi.
M. Bisaillon: Si on excluait je termine, M. le
Président la question, pour l'instant, des soins à donner
aux malades, vous admettez que la question de lock-out dans un service
parapublic ne joue pas le même rôle que la grève. Dans une
grève, il y a quelqu'un de pénalisé, il perd des revenus.
Dans un lock-out, évidemment, personne ne perd de revenus. Dans ce sens,
vous êtes d'accord avec l'article de la loi qui parle de la suspension du
droit de lock-out.
Ma deuxième question, peut-être que cela pourrait
être pris comme une boutade, mais ce n'en n'est pas une
véritablement. Vous vous êtes présentés comme
étant les professionnels qui devraient être au-dessus des parties
pour déterminer quels devraient être les soins à donner au
moment de l'exercice d'un droit de grève. Là-dessus, le ministre
a clairement établi que, quant à nous, il n'était pas
question d'enlever ce droit de jugement du médical. Par ailleurs, je
dois vous dire que je suis un peu étonné que, quand il s'agit de
tiers, vous puissiez vous mettre au-dessus des parties mais que, quand vous
êtes impliqués, les ralentissements de travail et les
grèves n'ont pas l'air de vous embêter plus qu'il faut. Est-il
déjà arrivé dans le milieu médical que des
médecins aient pratiqué des ralentissements de travail ou des
arrêts de travail? Comment fonctionniez-vous à l'époque? On
pourrait peut-être retenir la façon d'agir que vous avez
utilisée à ce moment-là.
M. Lambert: M. le Président, c'est une excellente question
qu'on attendait. Au niveau de l'Association des conseils de médecins, on
n'a jamais déclenché et on n'a pas non plus l'autorité
pour déclencher, proposer une grève, au contrai- re. Les conseils
de médecins sont là et c'est la responsabilité
fondamentale du conseil des médecins de donner des soins de
qualité et en continuité.
Il est évident que, dans le passé, il y a eu des choses
qui se sont passées, qui finalement, avec le recul, sont
déplorables. A ma connaissance, juridiquement, le médecin n'a pas
le droit de grève. Je vous répondrais d'une façon
jésuitique...
M. Bisaillon: ... non plus.
M. Lambert: Les policiers non plus. ... que ce sont d'autres
organismes qui ont élaboré une stratégie qui est pour un
retrait de services et ce n'est vraiment pas notre responsabilité, quant
à nous, au conseil des médecins. On est toujours allé,
dans le passé, dans les trente ans de l'association, dans le sens d'une
continuité des services.
Une Voix: Chapeau!
M. Lambert: Au niveau de l'association, je ne le crois pas.
Maintenant, d'autres pourront commenter les événements de 1970,
là-dessus.
M. Bisaillon: Si vous me permettez, avant que le Dr Bouchard et
le Dr Roy interviennent là-dessus, je voudrais préciser que, si
j'ai soulevé cela, c'est que je serais quand même
intéressé, peu importe que ce soit... je sais que ce n'est pas la
corporation qui est responsable et que ce n'est pas l'association, c'est la
fédération, mais ce sont les mêmes personnes. Les individus
qui sont à l'intérieur, ce sont les mêmes personnes. Si je
vous ai posé la question, c'est que je voudrais qu'on retienne les
moyens que vous avez dû utiliser en 1970 pour assurer les services
essentiels. On pourrait peut-être retenir ce moyen.
M. Lambert: D'accord. Je vous répondrais, sur le plan
personnel, que je suis contre la grève et qu'en 1970, dans les dix jours
que cela a duré, j'ai oeuvré à peu près seize
heures par jour à l'hôpital Cartierville de Montréal.
Là aussi a commencé pour moi une espèce de
dégoût de ces situations épouvantables où on voyait,
à Cartierville, 35 ambulances dans la cour de l'urgence qui venaient du
nord de la province et de partout. Quant à moi, c'est déplorable.
Les objectifs des fédérations sont différents et ils l'ont
toujours été, je pense, des objectifs de l'Association des
conseils de médecins et dentistes.
Le Président (M. Boucher): Dr Roy.
M. Roy (Augustin): J'aurais été surpris que la
commission parlementaire se termine pas sans qu'on ne pose cette question. Je
suis, par ailleurs, heureux que le député de Sainte-Marie, qui
est un ardent syndicaliste, un très bon militant que je connais bien,
l'ait posée pour qu'on ajoute des clarifications. J'avais quand
même aussi envie d'en parler avant que d'autres en parlent avec un autre
éclairage.
Cette grève, il faut l'appeler grève, même si on
peut dire que les médecins n'avaient pas le droit de faire la
grève, ils l'ont quand même faite, qu'on appelle cela grève
ou arrêt de travail. Evidemment, cela s'est passé en 1970. Je peux
vous garantir une chose: Je crois que c'est un incident qui ne se
répétera plus jamais et que les médecins sont
demeurés extrêmement traumatisés par cette grève de
1970. D'ailleurs, une seule fédération a fait la grève, la
fédération des spécialistes. Les omnipra-ticiens n'ont
jamais fait de grève; un seul syndicat l'a faite. Je peux vous dire que,
d'après ce que je connais des médecins, on ne les y reprendra
plus jamais.
De toute façon, durant cette grève de 1970, que j'ai
vécue jour après jour, en collaboration avec les fonctionnaires
du ministère des Affaires sociales, il y avait un contrôle
quotidien de tout ce qui se passait dans les hôpitaux, avec des rapports
qui étaient contrôlés d'heure en heure au ministère
et dans chaque hôpital qui était demeuré ouvert. La
fédération des spécialistes avait pris la
précaution d'établir de très bonnes équipes pour
assurer les soins d'urgence à travers la province. Elle ne donnait pas
de soins dans certains hôpitaux, mais elle donnait des soins entiers dans
tous les autres hôpitaux où il n'y avait pas grève.
Je peux vous dire que, même de l'avis d'infirmières ou
d'employés d'hôpitaux à ce moment, en ce qui concerne les
hôpitaux qui étaient ouverts, cela n'a jamais si bien
fonctionné, parce que les patrons étaient là tout le
temps. Cela allait très vite à la salle d'urgence, parce
qu'évidemment ils ne se fiaient pas sur les internes et les externes
pour faire le travail.
Je m'en souviens d'autant plus qu'en 1970, c'est moi qui ai eu, je ne
sais pas si je devrais appeler cela un privilège, mais à la
demande du président de l'époque, l'insigne honneur d'aller
à la télévision demander aux médecins de revenir au
travail. Soit qu'ils étaient à New York, à Ottawa ou
à d'autres endroits, ils ne voulaient pas retourner au travail,
même après que la loi eut été adoptée, pour
ne pas perdre la face. Je me souviens très bien d'être allé
à la télévision leur demander de revenir au travail, les
supplier d'obéir au moins à la loi.
De toute façon, c'est un événement
déplorable; c'est une chose du passé. Je peux vous assurer qu'il
n'y a eu aucun incident durant cette grève, qui a été
très bien suivie. Peut-être devrait-on suivre l'exemple de la
fédération des spécialistes, qui avait instauré un
très bon système à ce moment.
Pour continuer, en ce qui concerne les injonctions, vous avez vu que,
dans notre mémoire, nous ne voulons plus que vous ayez recours aux
injonctions. Nous croyons qu'il est beaucoup plus raisonnable que le
gouvernement prenne ses responsabilités, comme vous l'indiquez à
l'article 991, car c'est au gouvernement qu'il appartient de gouverner et non
pas aux tribunaux.
Je me souviens qu'en 1976 plusieurs juges que j'ai rencontrés me
demandaient, et dans certains cas, me suppliaient même de faire des
déclarations pour empêcher le gouvernement de recourir en trop
grand nombre aux injonctions, parce que c'étaient eux qui avaient
l'odieux de trancher les débats qu'ils n'avaient pas
créés. Je crois que c'est le gouvernement qui a les
responsabilités de prévoir les moyens ordonnés et
civilisés pour que la réduction radicale des services de
santé en période de conflit ne conduise pas à des
situations socialement inacceptables.
En ce qui concerne le lock-out, nous n'avons rien à dire parce
que nous sommes d'accord avec ce que le projet de loi propose à ce
sujet. Je sais que dans les endroits où il y a eu des lock-out ou dans
les endroits, en 1972 ou en 1976, où la grève a été
dure, c'étaient des endroits où déjà il y avait des
problèmes avant que la grève ne se déclare.
C'étaient des endroits où on avait des comptes à
régler. On a profité de la grève pour régler ses
comptes. C'est pour cela qu'il faut que dans les hôpitaux, il
règne un climat harmonieux d'une façon constante. C'est le devoir
du personnel syndiqué, des patrons et également des
médecins de voir à ce que règne cette harmonie constante
dans les hôpitaux. Ainsi, on évitera les affrontements en
période de crise.
Le Président (M. Boucher): Merci, Dr Roy. Compte tenu du
temps et du nombre d'organismes que nous avons à rencontrer aujourd'hui,
je vais permettre encore deux intervenants, soit le député de
Saint-Laurent et le député de Joliette-Montcalm.
M. Brochu: Je ne voudrais pas être
désagréable à votre endroit, mais j'ai posé
simplement une ou deux sous-questions rapidement tantôt.
Le Président (M. Boucher): Je comprends que vous avez
posé une ou deux questions, mais compte tenu de l'heure et des
organismes que nous avons à rencontrer, nous allon limiter le temps.
M. Brochu: M. le Président, je m'excuse d'insister, mais
vous avez quand même permis des questions à deux intervenants du
côté de l'Opposition officielle. Je pense que l'Union Nationale a
quand même le droit de poser un certain nombre de questions, très
brièvement.
Une Voix: On n'aura pas d'objection, quant à nous.
Le Président (M. Boucher): Avec le consentement,
après le député de Joliette-Montcalm, je vous donnerai la
parole, M. le député de Richmond. (16 h 45)
M. Forget: Merci, M. le Président.
On vient de faire allusion à des problèmes de lock-out,
à des questions également de déroulement ou de
stratégie des parties dans le contexte d'un conflit.
J'ai un peu l'impression qu'on est, dans la loi proposée, de
même que dans la discussion d'au-
jourd'hui, un peu en retard sur les stratégies utilisées
par les parties au moment d'un conflit, en particulier dans le secteur
hospitalier.
En particulier, il y a la question du piquetage, à laquelle le Dr
Lambert, je crois, a peut-être fait indirectement allusion tout à
l'heure, mais qui n'est pas autrement mentionnée dans le mémoire.
La question du piquetage revêt toute son importance parce qu'on a
développé une stratégie, du côté syndical,
extrêmement habile, particulièrement en 1976, qui ne consiste pas,
précisément, à paralyser, par la grève, l'ensemble
d'un établissement hospitalier, mais à provoquer des
débrayages pour une journée, rarement davantage, dans un service,
avec une catégorie d'employés. Cela peut être la cuisine,
ça peut être la buanderie. Il est même possible que ces
débrayages soient tellement bien circonscrits que, techniquement, on se
conforme à des ententes sur les services essentiels. Mais comme le
groupe qui sort une journée donnée, le mardi, ça peut
être, par exemple, les buandiers, et qui installent des piquets de
grève autour de l'établissement, les autres syndicats refusent de
pénétrer, reçoivent quand même leur salaire pendant
cette journée-là, donc, la question de pénalisation qu'a
soulevée le député de Sainte-Marie est, en partie, un
contraste illusoire. Tout le monde est payé, à l'exception
peut-être de 5% des employés, mais personne ne travaille et,
effectivement, même si, techniquement, on respecte ou on a l'air de
vouloir respecter les décrets ou les ententes sur les services
essentiels, il demeure qu'il n'y a aucun service de fourni.
Est-ce qu'il ne vous apparaît pas, dans ce contexte-là,
qu'il y a quelque chose dans les lois pertinentes qui devrait être inclus
et qui ne l'est pas dans le moment pour restreindre le piquetage à ce
que certains, au moins, considèrent être sa seule justification,
c'est-à-dire un effort pour informer et sensibiliser le public sur
l'existence d'une difficulté non réglée au niveau des
relations de travail, plutôt que d'en faire des barrages que les gens
hésitent à franchir ou ne franchissent tout simplement pas dans
les circonstances de conflit?
Ce n'est pas mentionné. Vous ne mentionnez pas non plus, dans ce
contexte-là, que dans un certain nombre de pays, il y a certaines
règles explicites sur le piquetage qui doivent être
observées comme conditions à l'exercice normal de ce qu'on
appelle le droit de grève.
M. Lambert: M. le député, je pense que vous avez
absolument raison et ça va dans le sens de notre intervention.
Maintenant, c'est à dessein que nous n'avons pas parlé de
piquetage, pour ne pas irriter l'aspect, le côté syndical, sachant
très bien que c'est une de ses armes et qui, dans le cas de
l'hôpital, peut être catastrophique, soit de la part des
techniciennes en laboratoire, ou des buandiers, ou de tous les
différents groupes qui font partie de l'organisation
hospitalière.
Il est évident que celui qui est en charge de la buanderie, qui
est dans la rue avec son piquet de grève, empêche la relation
patient-médecin, l'accessibilité à l'hôpital du
citoyen québécois, et c'est dans ce sens-là que l'on
partage vos propos. Qu'il y ait une provision pour garantir
l'accessibilité du Québécois à l'hôpital,
quel que soit le débrayage ou le groupe qui débraie, pour une
question d'heures, une question de jours, avec une variété qu'on
connaît, qu'on a vécue en 1976.
Le Président (M. Boucher): Dr Létourneau.
M. Létourneau (Jacques): Oui. ... on établit une
distinction fondamentale entre la production d'une liste de soins essentiels ou
de soins à maintenir et l'accessibilité. Ce sont deux notions
différentes dans notre esprit. Jamais le malade ne doit se voir
brimé dans l'accessibilité à l'hôpital, et si vous
mettez en prémisses la définition des soins essentiels, il est
évident que vous allez brimer l'accessibilité du malade au centre
hospitalier. Vous allez la restreindre aux services qui sont fournis. Donc, ce
que nous disons, accessibilité non discutable, non négociable,
donc, nulle nécessité des piquets de grève, comme vous
dites, à toutes fins utiles. Une fois sur place, une fois le malade
évalué, s'il y a production d'une liste des services à
maintenir, la responsabilité de l'établissement et des
médecins à définir la situation médicale qui se
présente chez monsieur X et, de là, à le rédiger
où le service est assuré.
Donc, dans notre esprit, il y a une distinction fondamentale entre
l'accessibilité du malade au centre hospitalier et la production d'une
liste des services essentiels. Dans aucun cas, la production de la liste des
services essentiels ne doit restreindre l'accessibilité à
l'hôpital.
Le Président (M. Boucher): M. le
député...
M. Forget: J'ai une autre question, M. le Président;
j'avais deux questions.
Le Président (M. Boucher): Allez-y.
M. Forget: J'aimerais savoir de l'un ou l'autre groupe comment,
à votre avis, après la lecture que vous avez faite du projet de
loi 59, se dérouleraient les choses subséquemment à la
violation d'un décret du Conseil des ministres suspendant le droit de
grève, parce que le Conseil des ministres aurait jugé qu'il n'y a
pas eu d'entente, qu'il n'y a pas eu d'avis syndical ou que l'avis est
insuffisant selon le Conseil des ministres. Qu'est-ce qui va suivre, selon
vous? Parce que je pense que votre interprétation de cette
conséquence est importante pour comprendre votre attitude face au projet
de loi. Qu'est-ce qui va suivre après?
M. Johnson: M. le Président, si vous me le permettez. Si
nous étions dans une cour de justice, le député de
Saint-Laurent m'aurait vu bondir de mon siège et dire que je m'opposais
en vertu du fait qu'il s'agit d'une question qui est purement
spéculative, qui présume d'intentions et qui est purement
hypothétique. Mais, enfin, je veux bien qu'on permettre à nos
invités de répondre.
M. Raynauld: Cela veut dire qu'ils ne le feront jamais.
M. Johnson: Je suis sûr que le juge aurait
été d'accord avec moi.
M. Forget: Je vais laisser au ministre ses illusions, M. le
Président, sans le contester.
M. Lambert: Ecoutez! On a souvent parlé je vais
répondre brièvement récemment de
désobéissance civile et on trouverait déplorable que cela
se reproduise dans le contexte du Québec.
M. Forget: Ce que je veux dire, c'est ceci: Est-ce que, selon
vous, il va y avoir une demande d'injonction et, selon vous, est-ce que cette
demande d'injonction... On va prendre des procédures, il y a un
décret, une décision du Conseil des ministres qui est
violée par hypothèse. Qu'est-ce qui va s'ensuivre? Est-ce que,
selon vous, tout groupe de citoyens aurait le droit de se plaindre de la
non-observance d'une loi d'intérêt public ou si le gouvernement
devra, seul, faire une demande d'injonction, à ce moment-là,
puisqu'un de ses ordres a été l'objet d'une
désobéissance?
M. Lambert: Je vais laisser le docteur Roy répondre.
M. Roy (Augustin): Vous avez remarqué, M. le
député de Saint-Laurent, que nous n'avons pas voulu nous
aventurer beaucoup dans les mécanismes et les différents
dispositifs du Code du travail parce que nous ne sommes pas des experts dans le
domaine. Après tout, nous ne sommes que médecins; nous n'avons
pas avantage, comme le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, d'être
aussi avocats donc, de connaître toutes les différentes
modalités de la loi. Nous n'avons pas voulu présenter de solution
précise, mais vous avez remarqué qu'à la fin de notre
texte, nous avons quand même déploré le fait qu'il n'y
avait pas de sanction prévue à la désobéissance
à la loi. Je pense qu'une loi sans dents est une loi qui risque de ne
pas être respectée. Sans aller à des amendes excessives ou
au recours aux injonctions, je pense qu'il faudrait peut-être penser
à des mécanismes comme la question de la suspension ou du
congédiement; il y a aussi celle très discutée de la
"décertification". Mais, encore là, ce sont des questions
d'experts et, comme nous ne sommes que des petits médecins, nous ne
voulons pas nous aventurer sur ce terrain-là.
Mais je dois vous dire que...
M. Forget: Docteur Roy, mais...
M. Roy (Augustin): ...je suis d'accord avec vous par
ailleurs.
M. Forget: ...si vous me le permettez. Vous avez applaudi, dans
un des deux textes, à la disparition d'amendes excessives; fort bien.
C'est donc que vous êtes d'avis que cela ne devrait pas être des
amendes. Cependant, s'il s'agit de désobéissance à une
décision du Conseil des ministres et qu'il n'y a pas de sanctions
prévues autres que celles des mécanismes ordinaires du Code du
travail, si je comprends bien, ce ne seront pas nécessairement des
amendes; ce pourrait être la désobéissance à un
ordre de la cour, donc l'emprisonnement. Donc, on revient à
l'emprisonnement. Est-ce que c'est cela, votre compréhension? Est-ce
pour cela que vous applaudissez à la disparition des amendes?
M. Roy (Augustin): Vous avez dû remarquer, M. le
député de Saint-Laurent, que nous n'avons pas parlé
d'emprisonnement, ni l'un ni l'autre. Je pense que le gouvernement dont vous
avez fait partie vous n'étiez pas encore membre à ce
moment-là, en 1972 a goûté à ce piège
épouvantable qu'est cette sanction exagérée, cet
emprisonnement pour des méfaits, non pas criminels...
M. Forget: ...d'ailleurs.
M. Roy (Augustin): ... mais celui-ci a également des
problèmes à résoudre à l'heure actuelle.
Evidemment, je ne veux pas faire de politique; ce n'est pas mon intention,
d'aucune façon. De toute façon, je ne connais pas beaucoup ce
domaine-là non plus. Je dois vous dire que je pense que l'emprisonnement
n'est pas non plus la façon de résoudre le problème. Je
pense qu'il faut miser sur la bonne foi et le sens des responsabilités,
mais, encore là, on a affaire à des humains. Je pense qu'il faut
quand même qu'il y ait certaines sanctions et je pense qu'il vous
appartient, à vous les législateurs, d'explorer le genre de
santions à garder dans les lois. J'ai donné la question de la
suspension, du congédiement, qui est quand même une peine assez
sérieuse, assez lourde dans certains cas. Il y a peut-être la
décertification du syndicat. Je pense que c'est à vous de
trouver. Mais je suis d'accord avec vous, M. le député de
Saint-Laurent, lorsque vous dites que les soi-disant arrêts de travail,
les harcèlements, les journées d'étude, les grèves
soi-disant spontanées, sont pires en général que la
grève organisée, parce qu'au moins la grève
organisée, on peut la prévoir, on peut s'y préparer, mais
le harcèlement qui a été vécu dans le monde
hospitalier au cours dès grèves antérieures était
pire que la grève elle-même et ce sont des choses qu'il ne faut
plus jamais revivre. Mais, encore là, j'espère qu'il faut
bâtir un climat plus harmonieux dans notre société et ce
climat appartient et à la partie patronale, dont fait partie le
gouvernement, et à l'Association des hôpitaux et également
à la partie syndicale, qui devrait être assez mature pour
comprendre que le Québec n'a plus l'intention de tolérer des
incidents semblables. Je pense que c'est clair que s'il y avait un
référendum aujourd'hui sur la question du droit de grève
dans les hôpitaux, le référendum serait positif et le
gouvernement le gagnerait facilement. Je ne parle pas d'autre sorte de
référendum.
Le Président (M. Boucher): Merci, Dr Roy. Dr Bouchard.
M. Bouchard: Ma réponse va être très
brève, M. Forget. J'ai l'impression que si le conflit s'envenime, la
solution ne peut être que politique. Elle a toujours été
politique dans le passé et, étant donné l'ensemble des
enjeux, je pense qu'il faut que ce soit politique. Mais ce que le gouvernement
doit faire je préférerais cette solution c'est
qu'il y ait un certain nombre d'étapes avant qu'il soit obligé
d'agir et que ces étapes favorisent l'entente entre les parties, parce
que grèves, emprisonnements, j'ai l'impression que cela ne change rien,
quand, à un moment donné, le législateur, soit le
lieutenant-gouverneur en conseil ou d'une autre façon, est obligé
d'intervenir.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Je suis heureux de la fin de la phrase du Dr
Bouchard, parce qu'il m'apparaît que la phase la plus importante, avant
d'envisager la fin d'un conflit, sont peut-être les étapes
préliminaires à la négociation et le climat dans lequel
cela se fait. Est-ce que cela se fait dans un climat d'affrontement ou non?
Est-ce que cela se fait dans un climat de bonne foi ou non? Si on pensait
à consacrer beaucoup plus d'énergie à ce niveau-là,
on en consacrerait beaucoup moins à se casser la tête à
trouver un mécanisme de règlement final. Si c'est dans cet esprit
qu'est votre intervention, permettez-moi de vous féliciter. C'est un
premier point. Le deuxième point, je voudrais partir aussi d'une fin de
phrase du Dr Roy, qui disait que les médecins avaient vécu en
1970 une expérience qu'ils ne voulaient plus répéter.
Est-ce qu'il est possible, selon vous, Dr Roy, qu'il y ait un groupe fort
imposant de syndiqués qui ne sont plus intéressés non plus
à revivre des situations, après expérience vécue?
Si c'est un oui à la question que je vous pose, je dirais que tous les
gens évoluent dans le même sens et, quel que soit leur
degré de formation, ils ont le droit d'évoluer dans un même
sens, n'est-ce pas?
M. Roy (Augustin): M. le député, je vais vous
répondre et, évidemment, c'est quelque chose de très
subjectif, mais, d'après la connaissance que j'ai des syndiqués,
je vous répondrais que c'est oui. Je crois que les syndiqués ne
sont plus intéressés à vivre des grèves dans les
services publics. Evidemment, je pourrais m'étendre longuement sur un
grand débat politique en ce qui concerne la démocratisation des
syndicats, des votes secrets et de l'ouverture de cette transparence que l'on
souhaite, et du monde patronal et du monde syndical, mais je pense que non
seulement la population en a soupé de ces grèves, non seulement
les malades en ont soupé également, parce qu'il faut quand
même lire le mémoire extrêmement intéressant du
Comité provincial des malades, le document 29, à la commission
Martin-Bouchard, pour voir que les malades en ont assez de cela. Je pense
qu'également les syndiqués eux- mêmes souffrent
énormément des grèves et en ont assez également. Il
faut prendre les moyens pour que la base, la majorité des
syndiqués, soit bien éclairée quant aux propositions que
l'on présente de part et d'autre. Cela n'a peut-être
malheureusement pas toujours été le cas. Les membres de
l'Opposition ici qui ont vécu la grève de 1976 vont
peut-être être d'accord sur le fait que les syndiqués ne
connaissaient peut-être pas toutes les données de la question. (17
heures)
Je pense que c'est dans ce but qu'il y a, à l'article 99i du
bill, du projet de loi 59 excusez la francisation, c'est important
il y a un nouveau comité d'information dont le rôle
prévu à l'article 99e va justement être d'informer
le public de ce qui se passe au jour le jour, de même que le fait l'autre
conseil sur le maintien des services de santé et des services sociaux
à l'article 99i.
Je pense qu'il est important que des échéanciers comme
celui prévu dans le projet de loi 59 soient adoptés de
façon que tout le monde connaisse bien les règles du jeu, ce
qu'il faut respecter, les délais, de même que les sanctions et les
contrôles appropriés qui seront apportés en temps et
lieu.
Comme l'a dit tout à l'heure le Dr Bouchard, c'est une question
politique qui intéresse souverainement toute la population, parce que
toute la population, vous et moi, peut être malade à n'importe
quel moment qu'elle ne connaît jamais. A ce moment-là, on voudra,
nous et notre famille, avoir recours aux meilleurs services de santé. Je
pense que c'est le rôle du gouvernement, aidé en cela par les
divers partis d'Opposition, de faire en sorte qu'il n'y ait pas d'anarchie qui
règne au Québec, qu'on respecte les libertés des gens, de
même que la vie humaine, et qu'on s'assure que les services de
santé demeurent accessibles en tout temps à la population qui en
a besoin.
Le Président (M. Boucher): Dr Bouchard.
M. Bouchard: II est facile de faire des autopsies. Il est
beaucoup plus difficile de prévoir ce qui se passera à l'avenir,
que ce soit dans le cas des médecins, ou dans le cas d'autres
syndiqués. Ce qui est important dans une organisation sociale, c'est
d'aménager les structures de pouvoir. Tous les pouvoirs, dans la
meilleure hypothèse, sont tendancieux, y compris le pouvoir
médical. Ils sont, dans la pire hypothèse, répressifs. Or,
il s'agit de trouver une formule pour que chacun des pouvoirs se tempère
l'un l'autre, donc, pour que les individus puissent parler entre eux pour en
arriver à un consensus sur certaines choses que la société
considère comme essentielles.
Je crois que c'est le rôle du législateur de faire ce
travail. Comme je le disais tout à l'heure, je n'ai pas l'impression que
le projet de loi, tel que présenté, en faisant pencher la balance
de l'autre côté, serve ces intérêts.
M. Chevrette: Justement à partir de ça.
étant donné que vous avez affirmé vous-même que
la
pression, à toutes fins utiles, ne reposait que sur les
épaules de la partie syndicale, je pense que c'est le Dr Roy qui a
affirmé cela, il regrettait même que les parties n'aient pas un
fardeau équitable de pression sur les épaules... Quand vous avez
à établir une liste pour assurer les besoins essentiels, vous ne
pouvez deviner, parce qu'il y aura un comité d'experts qui pourra
conseiller le lieutenant-gouverneur en conseil, tel que le stipule la loi...
Toute la pression retombe sur le dos de la partie syndicale qui a à
présenter une liste qui ne peut être refusée, sinon, la
sanction prévue dans le projet de loi qui vous est
présenté, c'est la suspension du droit de grève. Qui plus
est, je ne vous ai pas entendu dire ça, mais il y a une deuxième
dimension. Même si la liste est raisonnable, le lieutenant-gouverneur en
conseil a un deuxième pouvoir. Devant le fait que la santé
publique est en danger, il a encore le pouvoir de le suspendre, au-delà
de la liste. Donc, il y a deux possibilités, deux interventions
possibles pour le lieutenant-gouverneur en conseil. Le syndicat doit
prévoir que cette liste est raisonnable, s'il veut se prévaloir
de son droit.
Je ne sais pas si je résume bien en disant que vos
inquiétudes portaient surtout sur deux points: à savoir, d'abord,
que vous aimeriez être consultés à titre de corporation par
le comité d'experts et, deuxièmement, vous avez tenté de
dissocier nettement l'accessibilité à l'hôpital par rapport
à toute la question des services essentiels... empêcher les
individus de pouvoir au moins se faire examiner d'une façon
convenable.
A partir de là, si on vous enlève vos deux
inquiétudes, je le dis d'une façon très théorique,
abstraite même, mais si vos deux inquiétudes sont facilement
rassasiées, que vous êtes d'accord, est-ce qu'à partir de
là la formule est valable?
M. Johnson: Si je peux me permettre. Le député de
Joliette-Montcalm entamait un peu le sommaire des interventions qu'on essaie de
faire. Il y a deux notions qui m'ont frappé effectivement dans votre
mémoire comme il le dit, la notion d'une distinction à faire
entre l'accessibilité d'une part, et l'existence ou non de services
suffisants en quantité et en continuité à
l'intérieur de l'hôpital. Je pense qu'il faut retenir cette
préoccupation et voir ce à quoi cela donnera lieu techniquement,
par la suite.
Il y a, deuxièmement, une notion de participation des CMD quelque
part, en cours de route. Il y a différentes possibilités
d'intervention.
Je pense que la question que posait M. Chevrette, en admettant que,
techniquement et législativement, on en arrive à répondre
à une partie de vos préoccupations quant à la question de
l'accessibilité et de la participation des CMD, est-ce que, de
façon générale, vous pensez que la formule est
adéquate, et la moins adéquate?
M. Lambert: Purement. Oui.
M. Bouchard: Si ces technicités nous permettaient d'agir
rapidement, lorsqu'on parle de mala- des, on parle toujours d'actions dans un
bref délai dans ces conditions, sans cela, ce ne sont plus des services
urgents ni des services essentiels. Je pense que c'est extrêmement
important, la notion de temps.
M. Forget: Est-ce que vous dites intervenir rapidement? Les
suggestions du ministre ne vous donnaient pas nécessairement des
pouvoirs d'intervention, à moins qu'il précise ses
intentions.
M. Bouchard: Même si on n'a pas de pouvoir d'intervention,
si on a un pouvoir de véhiculer les problèmes existants d'une
façon rapide, ce serait déjà énorme. Ce serait
déjà un gain considérable sur ce qu'on avait
antérieurement.
M. Roy (Augustin): Je pense qu'il n'est pas question de demander
un pouvoir d'intervention de la part des médecins. Je pense que cette
intervention appartient aux deux parties en cause. On demande tout simplement
un pouvoir d'être consulté en ce qui concerne
l'établissement des listes sur les services et qu'en cas où la
liste ne soit pas définissable et acceptable par les deux parties, avant
que la liste syndicale prévaille, que le conseil formé à
99i soit consulté de façon à éviter des conflits
exagérés.
Je ne pense pas que cela nous appartienne d'être partie au conflit
entre deux parties déjà bien organisées, bien
structurées, avec, par-dessus des conseils d'information et des conseils
sur le maintien, et par-dessus le législateur et la gouvernement, dont
le rôle est de voir à la bonne marche de l'Etat.
Je pense que le pouvoir du gouvernement de mettre fin à une
grève par une loi, évidemment, est un pouvoir extrêmement
grave qu'un gouvernement n'utilise qu'à bon escient, après
mûre réflexion et après de longues journées de
grève où il y a déjà eu beaucoup d'incidents qui se
sont produits. Ce sont des incidents semblables qu'il faut tenter
d'éviter parce que, souvent, il est question de stratégie
à l'intérieur des conflits de travail et il peut arriver qu'un
syndicat soit intéressé à poursuivre la grève et
à ne la voir se terminer que par une loi-matraque, que par une loi
d'exception du gouvernement, parce qu'il peut sauver la face devant ses
syndiqués.
Il faut peut-être penser à tous ces
événements, à cette stratégie qui se joue en
sous-main, et qui fait souvent que, par une loi d'exception, un syndicat peut
obtenir plus que par négociation. J'ai des exemples que je connais bien
à ce sujet.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Richmond.
M. Brochu: M. le Président, j'aimerais revenir à la
page 4 du mémoire qu'a présenté le Dr Lambert tout
à l'heure. D'abord, en ce qui concerne la nomination des membres du
conseil, vous indiquez ici: Ce conseil, toutefois, n'est pas formé par
l'Office des professions, tel que le proposait la commission Martin-Bouchard,
mais par le juge en
chef du Tribunal du travail, après consultation de la Commission
des droits de la personne et d'autres personnes ou organismes à son
choix."
Plus loin, vous indiquez votre préoccupation que cela aurait
dû être l'Office des professions qui ait la responsabilité
de former ce conseil, à cause de son expertise et de son implication
dans le domaine comme tel.
Etant donné que, dans le projet de loi, il n'est pas question,
comme vous le dites vous-même, de cela, est-ce que vous seriez favorable
à une position de compromis où on pourrait dire que le conseil
est formé par le juge en chef du Tribunal du travail, mais après
consultation avec l'Office des professions.
M. Lambert: Oui.
M. Brochu: ... soit, d'une part, pour la nomination des
membres...
M. Lambert: Oui.
M. Brochu: ... mais aussi, quand on regarde l'article 99,
peut-être également sur la question des choix d'experts à
venir pour fixer nos...
M. Lambert: Oui. Sûrement, peut-être en n'excluant
pas l'Association des conseils de médecins, qui représente un
thermomètre, si vous voulez, de ce qui se passe dans les hôpitaux
d'un peu plus près que l'Office des professions. L'Office des
professions regroupe une quantité de corporations professionnelles qui
touchent plus que le domaine de la santé et le domaine hospitalier. On
souhaiterait que l'Association des conseils de médecins et dentistes
qui, en fait, est beaucoup plus près du domaine hospitalier et,
particulièrement, dans le cas de crises, de conflits, puisse être
consultée ou avisée d'une façon opportune par le juge en
chef, si cette chose est juridiquement ou législativement possible.
M. Létourneau: En vertu d'un simple principe que le
conseil des médecins possède l'expertise locale.
M. Brochu: Locale.
M. Létourneau: Dès que le conseil médical
possède une expertise locale, il peut évaluer. On a
affirmé tout à l'heure, en partant, le principe que la situation
médicale est toujours en mouvement dans un centre hospitalier. Le groupe
qui a le plus l'expertise médicale pour intervenir est le conseil des
médecins local.
M. Brochu: Vous avez donc deux arguments, la connaissance
inhérente au domaine, d'une part, et, deuxièmement, l'implication
locale au niveau du conflit comme tel.
M. Létourneau: L'expertise médicale locale. M.
Roy (Augustin): M. le Président, très rapi- dement, pour
être bien clair, on est d'accord avec la consultation des conseils de
médecins et dentistes, mais je dois vous dire que, dans notre
con-tremémoire au rapport Martin-Bouchard, nous nous sommes
opposés à ce que ce soit l'Office des professions qui ait ce
rôle de protecteur des bénéficiaires, parce que ce n'est
pas le rôle que lui confie la loi. L'Office des professions doit veiller
à ce que chaque corporation professionnelle assure la protection du
public et doit s'occuper des corporations comme telles. Nous croyons que la
solution qu'a adoptée le gouvernement dans le projet de loi 59, en ce
qui nous concerne, est meilleure que celle que recommandait le rapport
Martin-Bouchard. Je voulais dire ceci pour être absolument clair quant
à notre position, qui a été transmise d'ailleurs au
gouvernement.
M. Brochu: Mais lorsque vous parlez justement du mandat de
l'Office des professions, soit la protection du public, la proposition de
compromis à laquelle je fais allusion actuellement ne
répondrait-elle pas, dans un sens, à cette préoccupation
de protection du public, pour en même temps éviter de donner
à l'Office des professions toute la responsabilité et de la
formation du comité et, ensuite, du choix d'experts, par exemple?
Si, par exemple, l'Office des professions devenait consultatif sur la
nomination des membres, d'une part, et, deuxièmement, lorsqu'il s'agira
de faire un choix d'experts dans une situation précise, d'être
consulté également, d'avoir son mot à dire, est-ce que ce
ne serait pas, Dr Roy, un moyen terme, pour permettre justement à
l'office d'exercer sa responsabilité face au public?
M. Roy (Augustin): Quant à nous, M. le
député de Richmond, nous sommes prêts à faire
confiance au conseil, tel que proposé à l'article 99i. Nous
croyons que le juge en chef du tribunal va sûrement, en plus de consulter
la Commission des droits de la personne, consulter les autres personnes ou
organismes, des gens qui sont dans le métier, c'est-à-dire, dans
les hôpitaux, des administrateurs d'hôpitaux, y compris des
médecins. Nous sommes prêts à faire confiance au conseil
qui apparaît à l'article 99i et nous croyons que cela ne devrait
pas être un grief devant prêter à une très forte
argumentation. Je préfère ce conseil à l'Office des
professions du Québec, dont le rôle est spécifiquement un
rôle de protection vis-à-vis des corporations et non pas
vis-à-vis de l'ensemble du monde hospitalier, non pas vis-à-vis
de l'ensemble du monde scolaire, etc.
C'est pour cela que je pense que ce conseil doit consulter, avant de
nommer les personnes. Il s'agit de lui faire confiance. Il a une très
grande responsabilité. C'est, en fait, une espèce de tribunal de
sages, de gens au-dessus du conflit, qui analysent la situation et qui
informent le public. Je pense que le juge en chef, avant de former son conseil,
aura une très grande responsabilité, parce qu'il devra choisir
des gens au-dessus de tout soupçon, absolument pas impliqués dans
le conflit en cause, et des gens de bonne foi.
M. Brochu: Dr Lambert, une dernière question.
M. Forget: Une question supplémentaire. Le
député de Richmond me permettrait-il de poser une question
supplémentaire...
M. Brochu: Oui, d'accord.
M. Forget: ... parce que je ne suis pas sûr de bien saisir?
Dans le mémoire de l'association, on dit, avec raison, à la page
4, non pas du collège, mais de l'association, que le conseil
prévu n'est pas formé dans la loi, tel que le recommandait la
commission Martin-Bouchard, c'est-à-dire qu'il ne sera pas formé
par l'Office des professions, mais par le juge en chef du tribunal du travail.
Je pense que c'est là-dessus que le Dr Roy s'exprimait. (17 h 15)
M. Lambert: C'est exact.
M. Forget: Cependant, il me semblait déceler dans la
question du député de Richmond la préoccupation suivante,
à savoir, en plus de vous consulter, croyez-vous qu'il serait
approprié de consulter dans la formation de ce conseil, par exemple,
l'Office des professions ou le Conseil interprofessionnel? Le sens de cela,
c'est d'avoir des suggestions émanant du plus grand nombre possible
d'organismes neutres et possédant une certaines expertise. Je traduis
finalement la question du député de Richmond. Ce que cela veut
dire en pratique, et là, je voudrais être bien sûr qu'on se
comprend aussi, c'est que normalement, le juge en chef du Tribunal du travail,
s'il n'a aucune autre disposition dans le projet de loi, va former ce conseil
à partir de gens qu'il connaît. Parmi les gens qu'il connaît
bien, il y a la liste des arbitres qui, souvent, entendent des griefs dans le
milieu hospitalier. D'ailleurs, c'était à même cette liste
qu'on a choisi tous les commissaires aux services essentiels il y a deux ans.
Si, au contraire, au lieu de donner la discrétion absolue au
président du Tribunal du travail, on lui demande de consulter la
Commmission des droits de la personne, l'Office des professions, l'Association
des conseils de médecins et dentistes, il risque d'avoir comme
suggestion, non pas des arbitres, mais des médecins, des
infirmières, des juristes, etc., donc un conseil d'une composition
radicalement différente.
J'aimerais savoir de nos invités quel genre de composition, en
plus de savoir qui devrait être consulté, s'ils ont
là-dessus une idée qu'ils pourraient nous communiquer, quel genre
de personnes, quelles sont les qualifications. Ils ont beaucoup insisté
sur la compétence professionnelle et médicale. Donc, je
présume qu'ils ne veulent pas des arbitres que pourrait normalement
désigner le président du Conseil du Tribunal du travail. Ils
veulent des médecins, des infirmières, des spécialistes de
la question technique ou professionnelle en cause.
M. Lambert: Et des syndicalistes. C'est-à-dire les
représentants de tous les gens qui sont compétents dans le milieu
hospitalier, administrateurs, syndicalistes, médecins et
infirmières, tous les gens qui sont directement impliqués qui
peuvent apporter une compétence.
M. Forget: Et non pas des arbitres. M. Lambert: Et non pas
des arbitres.
M. Roy (Augustin): Je pense qu'il serait bon d'ajouter, les
consommateurs des services de santé. Je pense que le juge en chef doit
éviter le piège et l'écueil de nommer des gens de son
milieu, de ses arbitres. Il doit absolument nommer des gens totalement
indifférents au conflit. J'aurais grandement confiance, j'aurais plus
confiance en des gens du peuple, des cultivateurs, des plombiers, des ouvriers,
comme arbitres, comme conseillers à ce juge, à condition,
évidemment, qu'ils soient informés sur le plan technique.
J'aurais plus confiance en des gens ordinaires, du monde ouvrier ou rural qu'en
des professionnels du Code du travail, qu'en des avocats. Je pense qu'il faut
miser sur la confiance qu'on doit donner aux consommateurs qui ont à
souffrir de ces arrêts de travail.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Richmond, vous aviez terminé?
M. Brochu: Une dernière question, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): Une dernière?
Rapidement, vous voyez l'heure.
M. Brochu: Oui, comme toujours.
M. Bisaillon: Ce sont les questions du député de
Saint-Laurent qui sont les plus longues.
M. Brochu: Elle s'adresse au Dr Lambert. Je me
réfère à son document, à la page 6, où il
dit: "Nous croyons que le conseil sur le maintien des services constitué
par l'article 99i n'a pas tous les pouvoirs nécessaires à la
réalisation d'objectifs réels et pratiques, tels
l'évaluation progressive des soins à dispenser dans un
établissement donné et la détermination des services
médicaux ou hospitaliers à assurer. Ce conseil n'a que des
pouvoirs de contrôle, mais non de détermination ni
d'évaluation".
J'achoppe un peu sur le terme "détermination" ici. J'aimerais
peut-être vous demander ce que vous en pensez exactement et
jusqu'où, dans votre esprit, ce pouvoir de détermination
devrait-il aller. Est-ce que ce serait aller dans le sens que le conseil fixe
lui-même les services ou est-ce qu'il doit y avoir un genre de
médiation? De quelle façon est-ce que...
M. Lambert: Ce qu'on entend, c'est la détermination de la
liste, détermination des services essentiels ou minimaux à offrir
à la population, et
surtout l'évaluation de l'efficacité de cette liste aussi
souvent qu'il pourrait être nécessaire, d'heure en heure, dans
certaines régions, dans certains établissements, évaluer
si la liste est efficace quant aux soins, aux services à donner a la
population.
M. Johnson: M. le Président.
M. Brochu: Mais...
M. Johnson: Ah! je m'excuse.
M. Brochu: Seulement une petite dernière... A la page 8,
vous dites que le conseil sur le maintien des services devrait, à tout
le moins, pouvoir recommander la suspension de l'exercice du droit de
grève. Est-ce que le pouvoir de détermination va dans ce
sens-là aussi?
M. Lambert: Oui, c'est dans ce sens-là aussi.
C'est-à-dire que le lieutenant-gouverneur en conseil, d'après
l'article 99, a le pouvoir de suspendre le droit de grève pour 30 jours.
Maintenant, on pense que le comité, tel que formé, pourrait avoir
des pouvoirs supplémentaires, en plus de ceux déjà
prévus pour le lieutenant-gouverneur en conseil, quitte à le
temporiser par un rapport au lieutenant-gouverneur en conseil.
M. Brochu: A ce moment-là, docteur, est-ce qu'on
n'impliquerait pas ce groupe directement dans le conflit en lui donnant ce
pouvoir de vie ou de mort, en fait, sur la grève?
M. Lambert: A un moment donné...
M. Brochu: On le place comme juge et arbitre.
M. Lambert: Oui, mais d'une façon temporaire, si vous
voulez. Les 30 jours de suspension est un moyen temporaire pour essayer de
trouver une solution positive au conflit.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le ministre, un
dernier mot.
M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, en
terminant. D'abord, je voudrais, sans doute au nom de tous les membres de la
commission, ainsi qu'au mien, remercier les membres de l'association et de la
corporation d'être venus nous faire part de leurs appréhensions,
qui sont, je pense, plus que légitimes. Si on pense que le serment
d'Hippocrate a encore une signification, il faudrait voir dans leur
démarche quelque chose qui en découle.
Je retiens deux éléments et peut-être un
troisième, la notion d'accessibilité, qui m'apparaît assez
fondamentale, évidemment; deuxièmement, une notion
d'élargissement et de participation au maximum des groupes qui sont
également techniquement intéressés, si on veut, par leur
expertise. J'y inclus donc les CMD. A savoir comment ça se traduira
d'ici à la troisième lecture, on verra, mais je retiens ces
suggestions que vous nous faites.
Un troisième problème a été
évoqué par le député de Saint-Laurent, soit la
question des suites de la suspension, du droit de grève
éventuellement, et du non-respect comme donnant possiblement ouverture
à l'injonction.
Je vous remercie.
Le Président (M. Boucher): Je remercie, au nom de tous les
membres aussi...
M. Forget: Ce n'était pas une suggestion, c'était
une question.
Le Président (M. Boucher): ... les représentants de
l'Association des médecins et de la corporation, et je donne la parole
au Dr Lambert pour le mot de la fin.
M. Lambert: M. le Président, M. le ministre, messieurs les
députés, au nom de l'association, nous vous remercions de la
diligence que vous avez eue à écouter nos propos, et au nom du Dr
Roy...
M. Roy (Augustin): Au nom des médecins du
Québec...
M. Lambert: ... nous vous remercions bien.
Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup.
Alors, j'appelle immédiatement l'Association des hôpitaux
de la province de Québec, représentée par M. Maurice
Cardinal, président.
Si vous voulez bien vous approcher.
M. Johnson: M. le Président, si vous permettez vous
pouvez prendre place si je comprends bien, il nous reste l'AHPQ, ainsi
que six autres associations...
Le Président (M. Boucher): Cinq.
M. Johnson: ... cinq autres associations, pardon. Je pense que
l'AHPQ va nous présenter un mémoire qui peut être
considéré comme conjoint de l'ensemble et y ajouter son propre
mémoire, si je ne me trompe pas, ce qui nous permettra de nous rendre
jusqu'à 6 heures, fin de lecture des mémoires. La période
des questions pourrait commencer à 8 heures.
Est-ce que ça vous va?
Une Voix: Excellent.
Le Président (M. Boucher): Alors, c'est d'accord?
M. Johnson: Cela va.
M. Forget: Cela va.
Le Président (M. Boucher): M. Cardinal.
M. Brissette (Florian): ... d'accord avec ça, M. le
Président. Peut-être qu'on pourrait inviter les
représentants des autres associations d'établissements
à s'asseoir avec nous.
Le Président (M. Boucher): D'accord.
M. Brissette: J'aimerais aussi, M. le Président, le temps
que les gens prennent place, vous informer que M. Cardinal n'a pu être
présent ici. Mon nom est Florian Brissette, je le remplace.
Le Président (M. Boucher): M. Brissette. Si vous voulez
bien présenter les autres qui vous accompagnent.
M. Brissette: De l'AHPQ, il y a M. Tremblay, qui est
vice-président exécutif, directeur général...
Le Président (M. Boucher): Parlez plus fort. Si vous
voulez approcher votre micro, s'il vous plaît.
M. Brissette: Je demanderais aux autres personnes de se
présenter individuellement.
Le Président (M. Boucher): Nous allons commencer par
l'extrême droite.
M. Bisaillon (André): Je suis André Bisaillon,
directeurs général de l'Association des établissements
privés.
M. Bégin (Maurice): Je suis Maurice Bégin,
président de l'Association des établissements privés.
Est-ce que je parle assez fort?
M. Cloutier (Pierre): Je suis Pierre Cloutier, directeur
général de l'Association des centres d'accueil.
Mme Côté (Eva): Je suis Eva Côté,
présidente de l'Association des centres de services sociaux du
Québec.
M. Matteau (Arthur): Je suis Arthur Matteau, président de
l'Association des directeurs et propriétaires des établissements
privés.
M. Beaulieu (Jean-Guy): Je suis Jean-Guy Beaulieu, directeur des
ressources humaines à l'Association des centres de services sociaux.
M. Groulx (André): Je suis André Groulx,
vice-président de l'Association des directeurs des établissements
privés.
M. Boutin (Claude): Je suis Claude Boutin, directeur des
relations de travail à l'Association des centres d'accueil du
Québec.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. Brissette, vous avez
la parole.
Association des hôpitaux de la province de
Québec
M. Brissette: M. le Président, M. le ministre, messieurs
les membres de la commission parle- mentaire, je vais vous lire les
commentaires généraux qui ont fait l'objet d'un consensus des six
associations ici présentes.
Ces associations d'établissements du réseau des affaires
sociales veulent faire part à la commission de quelques réactions
communes au projet de loi 59. Ces associations ont cherché à
soumettre, dans la mesure du possible, un point de vue commun sur les
différents éléments de ce projet de loi et nous vous le
soumettons dans ce qui suit. Chacune des associations séparément
se réserve toutefois la liberté d'intervenir sur d'autres points
ou d'expliciter le contenu de ce document.
Les principaux points autour desquels s'organise notre réaction
sont: premièrement, le maintien des services de santé et des
services sociaux en cas de conflit de travail; le conseil d'information; le
calendrier des négociations et, quatrièmement, l'avis de
grève.
Le maintien des services de santé et des services sociaux en cas
de conflit de travail. Dans un premier temps, nous désirons affirmer que
les associations d'établissements sont d'accord pour que soit
abrogée la loi 253, c'est-à-dire la Loi visant à assurer
les services de santé. De plus, nous désirons affirmer que nous
sommes d'accord sur l'esprit du projet de loi, à savoir que
l'établissement des services à maintenir en cas de conflit repose
sur des ententes à convenir par négociation locale.
Il nous semble aussi que le mécanisme prévu en cas
d'absence d'entente est, d'une part, compatible avec le droit de grève,
tel qu'il est reconnu actuellement et, d'autre part, susceptible
d'éviter des débats qui n'ont, dans le passé, au niveau
local ou devant les tribunaux, qu'envenimé les rapports entre les
parties.
M. Brochu: M. le Président, j'essaie de me retrouver dans
le mémoire.
Le Président (M. Boucher): II va venir tantôt. M.
Johnson: ... texte-là.
Le Président (M. Boucher): C'est un résumé,
je crois, que vous avez préparé?
M. Brissette: Ce sont les commentaires généraux qui
ont fait l'objet d'un consensus des six associations
d'établissement.
Le Président (M. Boucher): Ah! bon.
M. Brissette: Par la suite, on vous présentera le
mémoire.
M. Brochu: Très bien, merci pour la précision.
M. Brissette: Enfin, nous sommes d'accord avec la création
d'un conseil sur le maintien des services de santé et des services
sociaux en cas de conflit de travail.
Toutefois, tel que stipulé, il nous semble que le projet fait
trop facilement abstraction des responsabilités dévolues aux
établissements en re-
gard des services à maintenir envers la population, compte tenu
des devoirs qui leur sont dévolus en vertu de la Loi sur les services de
santé et les services sociaux.
Nous nous référons particulièrement à
l'article 99j, deuxième alinéa du projet, où la
responsabilité de décider des services à maintenir et de
la façon de maintenir, en cas de mésentente au niveau local, est
remise au syndicat. Il nous apparaît que cette responsabilité
devrait rester celle de l'établissement et que le syndicat devrait
plutôt être tenu d'établir une liste du personnel qu'il
entend mettre à la disposition de l'établissement en cas de
conflit de travail.
Quant au mandat qui est donné au conseil sur le maintien des
services de santé et des services sociaux en cas de conflit de travail,
nous comprenons qu'il est clairement établi que le conseil puisse porter
des jugements publics sur la qualité et la quantité des services
qui sont maintenus lors d'un conflit de travail.
Nous souhaitons également que, dans l'information que ce
comité fera en regard des listes syndicales, donc en regard des
situations où il a été impossible aux parties de
s'entendre, le comité rendra publique la position patronale.
Nous croyons que, si le public a accès aux positions respectives
des parties, cela pourrait influencer positivement la situation. Le conseil
d'information sur les négociations...
M. Johnson: M. Brissette, pourriez-vous parler plus près
du micro?
M. Brissette: Je vais essayer, M. le ministre. Les associations
tiennent à affirmer qu'elles sont également d'accord avec la
création de ce comité, tout en s'interrogeant sur la
possibilité qu'il aura d'interpréter les enjeux de la
négociation.
De plus, nous nous interrogeons sur les moyens dont disposera ce
comité pour cueillir des informations lui permettant d'assurer son
mandat. Il nous semble, par ailleurs, que le fait que le comité
interviendra principalement sur la demande des parties l'obligera à
établir sa crédibilité envers elles, ce qui nous
apparaît une bonne chose.
Le calendrier des négociations: Sur ce point, nous sommes
unanimes pour dire que les étapes prévues, bien avant
l'expiration du contrat de travail, sont souhaitées par tous, mais nous
ne retrouvons dans le projet aucun élément susceptible d'en
garantir l'observance. (17 h 30)
Avis de grève. Il nous semble enfin que l'avis de grève
réduit par le projet à 48 heures plutôt qu'à huit
jours risque de compromettre la poursuite des activités des
établissements.
Ce sont les commentaires généraux des six associations
d'établissements. Si vous permettez, M. le Président, je voudrais
vous présenter le rapport de l'AHPQ. On peut aussi vous dire que, sur le
fond, les autres associations d'établissements sont là.
Alors, au nom des quelques 200 conseils d administration, membres de
l'association dont j'assume présentement la présidence, je vous
remercie d'avoir bien voulu nous inviter à participer à la
présente commission parlementaire. Comme tous ceux qui sont ici
présents le savent déjà, l'Association des hôpitaux
de la province de Québec n'a jamais ménagé ses efforts
pour faire en sorte que s'améliore toujours plus le climat des relations
de travail dans les centres hospitaliers publics.
Dès 1976, l'Association des hôpitaux profitait de son
mémoire adressé au premier ministre du Québec, ayant pour
titre "Un programme de collaboration" pour soulever quelques interrogations
à ce sujet et suggérer plusieurs solutions susceptibles de
contribuer à l'amélioration du régime des relations de
travail dans les hôpitaux.
En 1977, l'Association des hôpitaux a décidé de
faire porter la totalité de son mémoire au premier ministre sur
certaines questions des relations de travail. C'est avec satisfaction que,
à la suite de la présentation de son mémoire en 1977,
l'Association des hôpitaux a appris la création par le
gouvernement de la commission d'étude et de consultation sur la
révision du régime de la négociation collective dans les
secteurs public et parapublic. C'est avec non moins de satisfaction que
l'Association des hôpitaux s'est par la suite rendu compte que les
différents domaines qui ont fait l'objet des préoccupations des
commissaires nommés par le gouvernement sont ceux-là mêmes
dont traitait l'AHPQ dans son mémoire, à savoir: 1) la
détermination des parties à la négociation; 2) la teneur
et la détermination de la politique salariale applicable dans le secteur
public et parapublic; 3) la portée des stipulations à être
négociées; 4) les rapports entre l'Etat et les centres
hospitaliers publics d'une part et entre les centres hospitaliers publics et
les autres instituts des secteurs public et parapublic d'autre part; 5) le
droit de grève dans les centres hospitaliers publics; 6) le
caractère essentiel des services hospitaliers; 7) les mécanismes
de négociation.
C'est par la suite avec empressement et de façon positive que
nous avons discuté de la teneur de notre mémoire 1977 avec les
membres de la commission d'étude et de consultation, puisque nous avons
poursuivi par la suite des discussions sur le régime de la
négociation collective dans le secteur public et parapublic avec le
ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, puis celui des Affaires sociales,
qui ont bien voulu nous convoquer pour faire suite au dépôt du
rapport Martin-Bouchard.
Dans les quelques minutes qui vont suivre, c'est notre intention de vous
faire part de notre réaction aux trois principaux points dont traite le
projet de loi no 59, soit l'information du public, le déroulement des
négociations et le maintien des services en cas de conflit de
travail.
L'information au public. C'est par l'addition au Code du travail des
articles 99e et 99i, tel que prévu à l'article 4 du projet de loi
no 59, que l'on
traite de cette question d'information du public. L'article 99e traite
de l'information du public en ce qui concerne les négociations en
général alors que l'article 99i traite de l'information du public
en ce qui concerne les services de santé et les services sociaux
à maintenir en cas de conflit de travail.
Eu égard à l'information du public sur les
négociations, à la page 5, si vous voulez, l'Association des
hôpitaux souscrit entièrement aux dispositions du projet de loi no
59. La création du conseil d'information de même que le mandat qui
lui est dévolu constituent une réponse à cette
préoccupation de l'Association des hôpitaux qui, dans son
mémoire de 1977, demandait que les règles relatives au cadre
juridique, tout en respectant le caractère privé de la
négociation, permettent une information objective graduelle et
complète du public quant à l'état des négociations
et quant aux positions respectives des parties en cause.
Si le conseil bénéficie d'un mandat dont
l'interprétation nous apparaît très claire lorsqu'il s'agit
de l'information à donner relativement aux positions respectives des
parties, aux écarts séparant les parties et relativement enfin au
déroulement de la négociation, il demeure qu'il est plus
difficile de cerner le sens exact de l'information que devrait donner ce
conseil quant aux enjeux de la négociation.
Nous aimerions ici apprendre du ministre ce qu'il entend exactement par
le type d'information que doit donner le conseil en ce qui concerne les enjeux
de la négociation et nous nous permettons ici de lui recommander que ce
sens soit le plus large possible.
D'après nous, les conséquences tant sociales
qu'économiques qui découlent des négociations dans les
secteurs public et parapublic commandent que le public ait en sa possession le
plus d'éléments possible susceptibles de lui permettre
d'apprécier les événements au fur et à mesure
qu'ils se déroulent.
Nous nous permettons de recommander, de plus, que le conseil
d'information, en plus de faire rapport au public, le 30e jour qui suit la date
du dépôt des propositions patronales, de même qu'à la
date d'expiration d'une convention collective ou de ce qui en tient lieu,
puisse agir proprio motu et non pas uniquement à la demande de l'une ou
l'autre des parties.
Nous croyons cette dernière recommandation utile, si nous voulons
que l'information soit véritablement objective et qu'elle ne
réponde pas à de pures préoccupations d'ordre
stratégique de la part de l'une ou l'autre des parties en
négociation.
L'information du public sur le maintien des services de santé et
des services sociaux en cas de conflit de travail. (Au milieu de la page 7.) Si
l'Association des hôpitaux constate que les moyens retenus dans le projet
de loi no 59 pour informer le public sur le maintien des services de
santé et des services sociaux en cas de conflit de travail sont
différents de ceux qu'elle proposait dans son mémoire sur les
relations de travail dans les centres hospitaliers publics, elle
n'hésite pas à reconnaître que la proposition
gouvernementale peut permettre d'atteindre les objectifs qu'elle poursuivait
dans ce mémoire.
On se souvient, en effet, que l'Association des hôpitaux soutenait
qu'il est impératif que le législateur se dote de l'instrument le
plus objectif possible pour lui permettre de mesurer l'effet des arrêts
de travail sur la vie et la santé de la population et que se devaient
d'être publics les rapports obtenus sur ce sujet par le gouvernement,
à la suite de la mise en place de l'instrument requis. L'Association des
hôpitaux appuie donc l'orientation retenue par le gouvernement dans son
projet de loi no 59, en ce qui concerne l'information du public sur le maintien
des services de santé et des services sociaux en cas de conflit de
travail, et souhaite que le mandat confié à ce conseil soit
interprété de la façon la plus large possible.
De fait, cette information du public, obtenue et dispensée par le
conseil, sur le maintien des services de santé et des services sociaux
devrait constituer un des éléments les plus importants permettant
au lieutenant-gouverneur en conseil de décider de suspendre ou non
l'exercice du droit de grève, selon qu'il croit ou non que, dans un
établissement, une grève appréhendée ou en cours
met en danger la santé ou la sécurité publique, le tout
comme le prévoit l'article 991.
Sans vouloir mettre en cause un seul instant l'autorité, la
compétence ou encore l'intégrité du Tribunal du travail ou
de son juge en chef, on nous permettra de déplorer ici que l'on n'ait
pas cru bon de prévoir de façon expresse la participation des
professionnels de la santé, les médecins en particulier, en ce
qui concerne l'évaluation à faire de l'impact pour la population
qui découle des conflits de travail dans les centres hospitaliers. Nous
souhaitons ici que le conseil, tel que formé par le juge en chef du
Tribunal du travail, saura mettre à contribution les professionnels de
la santé dans l'exécution du mandat qui lui sera confié en
vertu de la prochaine loi.
Le déroulement de la négociation. Page 10. L'AHPQ constate
tout d'abord avec satisfaction certaines similitudes entre la teneur du projet
de loi et sa propre position, telle qu'exprimée dans le mémoire
qu'elle a déjà présenté au premier ministre et aux
membres de la commission d'étude et de consultation sur la
révision du régime de négociation collective dans les
secteurs public et parapublic. Dans les deux cas, en effet, les
négociations doivent débuter longtemps avant l'expiration de la
convention collective; dans les deux cas, il est prévu que les demandes
syndicales et les offres patronales doivent être déposées
de façon complète à une date donnée au cours du
processus de négociation.
Dans les deux cas encore, on prévoit une phase conciliatrice
effectuée par le conciliateur, selon les dispositions
générales prévues au Code du travail dans le projet
gouvernemental, alors que la position de l'AHPQ était de confier cette
responsabilité à un commissaire à la négociation
avec un mandat un peu plus étendu que celui qui, habituellement, est
dévolu à un conciliateur.
Enfin, on ne peut s'empêcher de remarquer que, si le droit de
grève est maintenu, aussi bien
dans le texte gouvernemental que dans le mémoire de
l'association, dans les deux cas, ce droit de grève ne peut être
exercé dès qu'il met en danger la santé ou la
sécurité publique. Comme le gouvernement, l'Association des
hôpitaux croit qu'à court terme le législateur n'a pas
d'autres choix que de maintenir le droit de grève, étant
donné, d'une part, que nous n'avons pas trouvé de substitut
à ce droit qui permette aux mécanismes de négociation de
jouer pleinement en son absence et aussi parce qu'il serait irréaliste
de croire que le simple fait de radier un tel droit éliminerait les
arrêts de travail.
Cette constatation ne doit cependant pas nous porter à abdiquer
au niveau des responsabilités que l'on doit assumer en ce qui concerne
la protection de la santé publique en cas de conflit de travail,
d'où l'importance du deuxième alinéa de l'article 991 qui
prévoit la suspension de l'exercice du droit de grève si le
lieutenant-gouverneur en conseil est d'avis que la santé ou la
sécurité publique est menacée.
Il ne fait nul doute dans notre esprit qu'il appartient au gouvernement
de résoudre cette antinomie qui peut découler de l'existence du
droit à la grève, d'une part, et du droit aux services de
santé et aux services sociaux, d'autre part.
Nous sommes confiants que le gouvernement n'hésitera pas à
assumer pleinement ce rôle d'arbitre. Aussi, manifestons-nous notre
accord quant à l'essentiel avec les éléments contenus au
projet de loi en ce qui concerne le déroulement de la
négociation.
Les services à maintenir en cas de conflit de travail. C'est au
bas de la page 13.
L'association constate que la législation à venir ne parle
plus de services essentiels, mais de services à maintenir en cas de
conflit de travail. Convaincu comme nous le sommes que sauf exception, il soit
impossible d'assurer les services essentiels, alors que l'on permet que
s'exerce le droit de grève, nous considérons que le gouvernement
a raison de ne pas vouloir introduire dans la législation quelque
procédure que ce soit pouvant laisser croire que les services essentiels
seront effectivement maintenus pendant les arrêts de travail.
A notre avis, toute tentative en ce sens ne pourrait constituer qu'un
leurre pour la population.
Cela étant dit, il est bien évident que si la
totalité des services essentiels peut ne pas être maintenue
pendant les arrêts de travail, il importe que le plus grand nombre de ces
services le soit. Pour permettre qu'il en soit ainsi, l'Association des
hôpitaux a toujours cru qu'il fallait imposer aux parties le devoir de
discuter localement de cette question du volume possible de services qui
pourraient demeurer accessibles à la population. Elle constate avec
satisfaction, encore ici, que le projet de loi no 59 contient une telle
obligation de par la teneur de l'éventuel article 99j du Code du
travail.
L'Association des hôpitaux entretient cependant de très
sérieuses réserves relativement au libellé utilisé
dans le projet de loi et qui consacre le fait de la
prépondérance, de la liste syndicale décrivant les
services à maintenir, et la façon de les maintenir, à
défaut d'entente entre les parties patronale et syndicale, a ce
sujet.
L'Association des hôpitaux ne s'en prend pas ici à la
logique de la démarche proposée. De fait, dès que l'on
accepte qu'il n'y a pas de tiers qui viennent imposer aux parties la liste des
services à maintenir et la façon de le faire, on accepte, par le
fait même, que les services à maintenir dépendent du bon
vouloir de la partie syndicale.
Si, à la rigueur, il peut être acceptable qu'une entente
entre les parties puissent porter sur les services à maintenir et la
façon de maintenir lesdits services, il nous semble inadmissible qu'on
puisse abandonner au syndicat le droit de décrire tels services et la
façon de les maintenir. A moins que l'on se donne une définition
restrictive de ce qu'on doit comprendre par liste décrivant les services
à maintenir et la façon de les maintenir, il faut admettre qu'une
telle liste ne peut pas être décidée unilatéralement
par la partie syndicale.
Par exemple, les priorités quant aux soins médicaux ou aux
soins infirmiers à rendre aux bénéficiaires, de même
que la façon de rendre ces soins ne peuvent être laissées
à la discrétion syndicale.
Que dire enfin des imbroglios qui découleront très
certainement en cette matière et qui résulteront du fait de la
multiplicité syndicale dans les établissements de santé?
De fait, les établissements pourraient se voir pris avec
différents syndicats qui décident de maintenir des services
différents pendant un conflit de travail, d'où
l'impossibilité absolue dans laquelle se trouverait la partie patronale
de fonctionner avec un minimum de cohérence.
Que dire enfin du fait que la dispensation des services et la
façon de maintenir lesdits services ne dépendent pas uniquement
du personnel syndiqué et que concourent à la dispensation de ces
services plusieurs catégories de cadres dans les
établissements.
Il nous semble inadmissible d'admettre que, pendant les conflits de
travail, ce soient les syndiqués qui décident de la contribution
des cadres dans la dispensation des services, de même que de la
façon pour eux d'accomplir leurs tâches.
Pour ne pas reprendre la logique de l'approche suggérée
dans le projet de loi 59, mais pour faire en sorte que cette approche permette
de fonctionner avec un maximum d'efficacité en cas de conflit de
travail, nous suggérons que la liste syndicale
prépondérante ne porte que sur le nombre de salariés
rendus disponibles par le syndicat pendant les arrêts de travail. (17 h
45)
Laissons aux administrations hospitalières le soin de
décider des services à rendre et de la façon de les
rendre. Nous ne pouvons voir, ni au niveau des principes, ni au niveau de
l'expérience passée, quelque justification que ce soit pour
retirer aux employeurs le droit de décider de ces matières,
même en période de conflit de travail.
Voilà en quelques mots, M. le Président, les observations
que l'Association des hôpitaux de la province de Québec voulait
vous faire relativement au projet de loi no 59. Cependant, avant de terminer,
vous nous permettrez d'adresser au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre
un certain nombre de questions dans le but de pouvoir par la suite être
plus en mesure de comprendre le projet de loi et d'en saisir la portée
réelle.
Existe-t-il une relation directe entre l'information publique qui est
appelée à faire le conseil sur les maintiens des services de
santé et de services sociaux et la décision du
lieutenant-gouverneur en conseil voulant suspendre ou non l'exercice du droit
de grève?
Qu'advient-il si l'une ou l'autre des parties, à la
négociation, fait défaut de s'exécuter en ce qui concerne
le délai imparti au projet de loi pour formuler leurs demandes et leurs
offres?
Est-il possible que les mêmes individus soient appelés
à former le conseil sur les maintiens des services de santé et
des services sociaux et le conseil d'information sur les
négociations?
Pour quelle raison a-t-on prévu que la liste syndicale dont fait
état l'article 99j n'est pas modifiable, sauf par entente?
Doit-on conclure, du dernier alinéa de l'article 99j, que des
cadres ne pourraient pas rendre des services que le syndicat n'a pas inclus
dans sa liste?
Doit-on conclure, de ce même alinéa, que les cadres doivent
se conformer aux décisions syndicales, quant à la façon de
maintenir les services que les cadres dispensent.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Brisset-te.
M. Johnson: M. Brissette ou, en fait, M. le Président, si
vous permettez, je suggérerais peut-être qu'on suspende nos
travaux à 20 heures, pour reprendre la période des questions. Je
vous remercie de l'excellente lecture.
Le Président (M. Boucher): Y a-t-il consentement?
M. Forget: Consentement.
Le Président (M. Boucher): La commission suspend ses
travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 47)
Reprise de la séance à 20 h 8
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, messieurs!
A la suspension de 18 heures, nous avions terminé la lecture du
mémoire de l'Association des hôpitaux. Nous en étions
à la période des questions. M. le ministre.
Remarques générales
M. Johnson: M. le Président, madame et messieurs des
associations, d'abord, j'ai été frappé par le ton positif
des deux documents. Ceci dit, je suis bien conscient qu'ils soulèvent
des problèmes qui pourraient même résulter en des
divergences. Si je comprends bien, vous m'adressez quelques questions. C'est
une technique, d'ailleurs, qui commence à se répandre. Je vais
tenter de vous donner quelques-unes des réponses à ces
questions.
D'abord, il y en a une dans le texte qui n'est pas reprise dans vos
conclusions, c'est: Est-ce que le groupe, proprio motu, peut décider de
rendre public? Non. La réponse est très claire. Le groupe
d'information sur la négociation ne doit pas prendre l'initiative de
commenter publiquement le déroulement des négociations autrement
qu'au temps prévu par la loi. Ceci dit, je pense qu'il doit être
accessible pour les media, au sens où il a entre ses mains une
série de données et de faits qui seront interprétés
par les media. Je pense que cela peut être une source d'information
intéressante pour les media. C'est une source qui n'est pas alternative,
mais additionnelle à leurs sources habituelles.
Quant à la question de l'information du public sur le maintien
des services essentiels...
M. Raynauld: Si j'ai bien compris, vous dites que le groupe
n'aura pas l'initiative de transmettre les renseignements, vous avez dit
non.
M. Johnson: Non, il n'a pas l'initiative, proprio motu, de
commenter. La loi fixe des périodes très précises
où il intervient publiquement pour faire le point. Ceci dit, rien
n'empêche que ce groupe puisse, à la demande des media,
répondre à leurs demandes. Est-ce qu'il est exact que l'offre
patronale sur les gens qui sont classés catégorie 8 dans tel
secteur est de tant? C'est une source d'information, ce qui est fort
différent des temps forts de leur intervention, au sens où ils
interviennent sur la place publique pour dire: Voici le sommaire du
déroulement de la négociation, etc.
Quant à la question de la décision que le
lieutenant-gouverneur en conseil pourrait prendre, soit suspendre l'exercice du
droit de grève, est-ce qu'il y a une relation entre ça? Pas
nécessairement. Je pense que la décision de suspendre le droit de
grève est une décision qui doit se faire à partir d'une
expertise qu'on peut retrouver, entre autres, au ministère des Affaires
sociales, à partir de données... Cela n'écarte pas,
évidemment, que le comité d'information puisse avoir des... Cela,
c'est très différent de ce que proposait la commission
Martin-Bouchard, dans la mesure où Martin-Bouchard prévoyait que
le lieutenant-gouverneur en conseil ne pourrait pas suspendre le droit de
grève si le groupe en question n'avait pas demandé que le droit
de grève soit suspendu.
Ce qu'il y a comme principe derrière ça, c'est que je
pense que l'Etat, en tant que responsable de la santé publique, n'a pas
à se soumettre à
l'arbitrage d'un tiers quand il prend une décision qui touche la
santé publique.
Sur la question qu'on retrouve à la page 18, au sujet des
délais impartis au projet de loi, quelle est la sanction pour les
parties? La sanction, si on regarde le Code du travail, c'est $500 d'amende. Si
vous voulez faire vos chèques tout de suite. Dans le fond, la sanction,
elle est publique et morale, très clairement. Cette sanction publique et
morale implique que le groupe d'information, évidemment, va faire
état... Et je présume que, de toute façon, les media
seront, a priori, aux aguets du dépôt des demandes et des offres.
Il est bien évident que la partie syndicale et la partie patronale,
s'ils ne répondaient pas à ces demandes et à ces offres,
ce qu'ils risquent, évidemment, c'est de subir l'opprobre. Dans le cas
de l'Etat, qui prend à peine un an avant de proposer un projet de loi
pour fixer des échéanciers, s'il ne les respecte pas, je pense
que l'Etat employeur, le gouvernement employeur, dans ce cas-là
je pense à une sanction politique très claire face à
l'opinion publique quant aux syndicats, je pense que c'est le même
type de problème qui se pose.
Ensuite, est-il possible que les mêmes individus siègent
aux deux groupes, celui de l'information du public sur les négociations
et l'autre sur les services essentiels? Je pense qu'il est
préférable que non. La loi, cependant, n'empêche pas que ce
soit tel. Je présume que le débat de deuxième lecture et
celui de l'étude article par article nous permettront de préciser
certaines choses à ce sujet-là. Je pense que ça
n'empêche pas que ça se produise, mais, a priori, il me semble que
c'est préférable que non, étant donné que les
objets sont finalement fort différents, et que l'expertise, dans les
deux cas, est sans doute très différente.
Ensuite, pour quelle raison a-t-on prévu que la liste syndicale,
dont fait état 99j, n'est pas modifiable, sauf par entente, mais c'est
une notion que j'ai déjà évoquée, la notion du
"last offer"; dans la mesure... Si le syndicat peut modifier sa liste, pourquoi
soumettrait-il une liste qui doit être considérée comme
plus ou moins définitive? Dans le fond, il risque de soumettre une liste
qui est une position de négociation. On veut éviter cela et on
veut que, clairement, lors du dépôt de cette liste, il y ait
là, s'il n'y a pas eu d'entente, carrément l'effort syndical pour
assurer les services en cas de grève.
La dernière question est beaucoup plus complexe. C'est celle qui
touche les cadres. Qu'on y réponde d'une façon ou d'une autre, le
problème reste entier. D'abord, le syndicat a-t-il je sais que
c'est une préoccupation de l'AHPQ qui l'a déjà
véhiculée le pouvoir de déterminer quels cadres
travailleront dans sa liste des services essentiels? Si on regarde les
principes généraux de notre droit du travail, non. Le droit de
gérance est une affaire qui appartient à l'employeur. (20 h
15)
Cependant, si on exclut les cadres de la description des services
essentiels, est-ce qu'on ne risque pas d'avoir un syndicat qui décrit
des services dits essentiels à un minimum en tenant compte du fait que
les cadres peuvent travailler 24 heures par jour et six jours par semaine? Dans
un cas comme dans l'autre, le problème se pose. Je me permettrai ici de
faire une parenthèse que j'ai déjà faite lors de
discussions qu'on a eues ensemble: Pour avoir vécu dans un
hôpital, pour avoir vu et connu beaucoup de gens qui ont vécu ces
crises-là dans nos hôpitaux en 1976 et en 1972, je pense que c'est
très clair qu'il faut que le personnel non syndiqué dans les
hôpitaux soit bien conscient qu'en temps de crise, c'est en temps de
crise. Dans les circonstances, il est appelé à faire des efforts
qui sont autres que du neuf à cinq. Entre cela, par exemple, et
l'épuisement physique total comme je l'ai déjà vu
dans certains cas il y a une marge. Mais je ne pense pas que ce soit la
loi qui puisse l'établir. C'est vraiment chaque situation dans chaque
hôpital.
Nonobstant cette réserve, je suis très conscient que 99j,
à cet effet, pose le problème de façon entière.
C'est ce que j'avais à répondre à vos questions. Je
ne sais pas si mes réponses vous satisfont. Moi, j'ai quelques
questions.
D'abord, j'en ai une au sujet de l'avis de 48 heures. Le mémoire
que vous avez lu, au nom de l'ensemble des associations qui sont devant nous,
évoque le problème de l'avis de 48 heures. J'aimerais entendre
particulièrement l'AHPQ à ce sujet puisqu'il n'est pas
mentionné dans votre second mémoire comment vous voyez le
problème de l'avis de 48 heures.
Le Président (M. Boucher): M. Brissette.
M. Brissette: Nous n'avons pas mentionné l'avis de 48
heures dans notre mémoire, mais on devait le faire. Vu que cela l'avait
été dans le mémoire conjoint, on ne l'a pas
répété, mais on pense qu'un avis de 48 heures n'est pas
suffisant pour nous permettre de prendre les dispositions nécessaires en
fonction d'une grève qui s'en vient. Cela vient
déséquilibrer, je pense, le fonctionnement d'un hôpital
quand on vit dans une période de prégrève, si on peut
dire, ou à un moment où le syndicat aurait droit à la
grève en 48 heures. On pense qu'un délai minimal de huit jours
nous est nécessaire pour nous permettre de diminuer le taux d'occupation
et de prendre les mesures nécessaires, d'autant plus que si la liste du
personnel n'est pas tellement élevée, à ce
moment-là, on devra nécessairement retourner chez eux certains
patients et diminuer les services. On ne peut le faire dans une période
de 48 heures. Cela ne nous apparaît pas matériellement
possible.
M. Johnson: La question que je vous poserais est la suivante:
Dans le fond, on sent venir une grève dans un hôpital, je pense,
sur le plan local. Je me posais la question de la façon suivante: Avant,
vous aviez l'avis de huit jours, mais vous aviez l'avis de huit jours en salve.
Alors, le syndicat envoyait un avis de huit jours le lundi pour pouvoir
déclencher la grève le mardi suivant, mais il pouvait
aussi répéter ce même avis le mardi, le mercredi ou le
jeudi pour avoir droit à la grève le mercredi, le jeudi ou le
vendredi suivant.
Donc à partir du lundi, du premier lundi dont je parle, le jour
de la réception de l'avis, vous aviez huit jours pour prendre des
mesures et vous préparer à faire face à une grève
dans l'hôpital huit jours après. Mais si vous preniez ces mesures,
dans certains cas vous vidiez partiellement l'hôpital et il pouvait
très bien ne pas y avoir de grève. S'il n'y avait pas de
grève et que vous remontiez le taux d'occupation dans les 24 heures ou
dans les 48 heures en acceptant plus d'urgence, vous aviez toujours une
grève qui vous pendait au bout du nez pas même avec une heure
d'avis, parce qu'on avait donné l'avis en salve, tandis que dans ce
qu'on prévoit, on dit: C'est 48 heures, et c'est 48 heures fermes dans
la mesure où, si le droit de grève n'est pas exercé au
moment de la tombée de l'avis, le syndicat est obligé d'envoyer
un second avis de 48 heures.
Je comprends que pour le premier avis, dans le fond, ce que vous pouviez
faire en pratique, je ne sais pas si cela se faisait de façon
générale, moi je l'ai vu faire à une couple de places. A
partir du moment où vous aviez un premier avis de 8 jours, vous vidiez,
en partie, votre hôpital. Là, ça continuait comme
ça.
M. Brissette: La dernière fois, le syndicat a fait un abus
de ces avis successifs, on en avait pour 25 jours à venir. C'est bien
sûr que c'est une tactique qu'ils ont. Je comprends qu'avec le projet de
loi qu'on a devant nous, c'est fermé, cette procédure, sauf qu'il
y a 48 heures entre les deux. Le syndicat ne peut pas envoyer 25 avis avec des
délais de 48 heures chaque fois. Il devrait recommencer, s'il n'exerce
ps...
M. Johnson: La notion, c'est qu'il ne peut pas le faire en
salle.
M. Brissette: C'est ça.
M. Johnson: II donne un avis de 48 heures; disons qu'il donne un
avis le lundi, les employés ont droit à la grève le
mercredi. Le lundi à 8 heures, cela veut dire qu'ils ont le droit de
grève le mercredi suivant à 8 heures. S'ils ne font pas la
grève le mercredi, ils sont obligés, le mercredi soir, de vous
envoyer un autre avis et ils ne peuvent pas exercer la grève le jeudi et
ça retourne au vendredi soir.
M. Brissette: Nous, on pense...
M. Johnson: Cela n'a pas le même effet, c'est très
différent.
M. Raynauld:... même effet, parce qu'au bout de 48 heures,
ils recommencent. Il y a toujours un avis de 48 heures de donné.
Essentiellement, pour moi, c'est la même chose.
M. Johnson: La différence, c'est qu'il y a un avis de 48
heures au lieu d'un avis d'une heure.
M. Raynauld: Oui, c'est ça.
M. Johnson: C'est ça la grande différence, à
partir du deuxième jour.
M. Raynauld: C'est ça, à partir du deuxième
jour, d'accord.
M. Johnson: Oui.
M. Brisette: Une fois qu'on a reçu l'avis, on doit
présumer que la grève va s'exercer. Si on ne le présume
pas, à ce moment-là, on n'assure pas la sécurité
des malades à l'intérieur. On ne peut pas jouer avec la
sécurité des malades.
M. Boutin (Claude): Si vous me permettez, M. le Président,
pour répondre à la question du ministre. En tout cas, pour ce qui
est des centres d'accueil, pour connaître ce qui se vit chez nous, c'est
peut-être aussi compliqué dans les hôpitaux, si ce ne l'est
pas plus. Dans une situation où on a une centaine de
bénéficiaires et deux ou trois cadres, il est sûr que s'il
y a une grève appréhendée à 24 ou 48 heures d'avis,
il y a évidemment des dispositions à prendre pour faire face
à cette situation. C'est extrêmement important, si on veut assurer
la sécurité des bénéficiaires.
Avec un préavis de 48 heures, on pense qu'on est dans une
situation où on est constamment menacé de grève. Donc,
à toutes les 48 heures on est susceptible d'avoir des avis. Compte tenu
des implications de l'exercice du droit de grève dans les services
publics, c'est-à-dire santé et sécurité du public,
on pense que ça n'est pas un grave inconvénient pour les
syndiqués qui veulent exercer leur droit de grève de soumettre un
avis de 8 jours et qu'au terme de ces 8 jours, s'ils n'exercent pas leur droit
de grève, ils puissent soumettre un autre avis de 8 jours. Il me semble
que c'est peut-être aller trop loin par rapport à ce qu'on veut
sauvegarder qui est l'intérêt et la sécurité
publics.
M. Johnson: D'autres commentaires sur l'avis de quarante-huit
heures?
M. Beaulieu (Jean-Guy): Oui, d'autant plus que je pense que lors
des représentations qu'on vous avait faites récemment, on pensait
s'être compris sur la situation suivante: Le Code du travail, à
l'heure actuelle, comme esprit, voulait que ce soit huit jours, avec la
même philosophie que vous prenez pour quarante-huit heures.
On disait qu'il fallait corriger cette situation parce que ce n'est pas
suffisamment clair et que cela produit des abus. On avait cru comprendre, lors
du dépôt initial de vos orientations, que vous vous dirigiez
nettement vers le code actuel, de huit jours, mais avec les vrais huit jours,
tel qu'on l'interprétait.
M. Cloutier (Pierre): Cela est quand même un
problème important, ce sont les premières quarante-huit heures.
Cet avis, au contraire, ne permet pas du tout d'assurer la
sécurité publique. Avoir un avis de grève à huit
heures le lundi matin pour mercredi matin, huit heures, c'est courir un grand
risque. Il y aurait tout au moins celui-là, au minimum, sans enlever les
considérations qui viennent déjà d'être faites.
M. Johnson: Ce que vous me dites c'est que pour vous,
quarante-huit heures, c'est nettement insuffisant. Mais est-ce qu'en pratique
vous ne savez pas quand une grève s'en vient, dans un hôpital, en
période de négociations? Bien avant quarante-huit heures?
M. Tremblay (Jean-Claude): M. le ministre, est-ce qu'on va vider
un établissement? Est-ce qu'on va réduire le taux d'occupation
dans un établissement, avec des patients qui sont quelquefois dans un
état plutôt urgent, plutôt sérieux, sur une
présomption de grève? Je pense que la loi doit être claire
là-dessus. Quand on prend l'initiative de diminuer un taux d'occupation
d'une façon rigoureuse pour faire face à une situation d'urgence,
il faudrait que la loi prévoie qu'on ne le fasse pas sur une base de
présomption ou d'hypothèse.
M. Johnson: Moi, ça va pour cela, pour la question des
quarante-huit heures.
M. Raynauld: Vider un hôpital avant qu'un avis soit
donné.
M. Johnson: Je n'ai pas d'autres questions pour le moment.
Le Président (M. Boucher): Vous n'avez pas d'autres
questions, M. le ministre? M. le député de Saint-Laurent.
M. Forget: J'avais pensé poser des questions sur le
même sujet, en deuxième lieu. Je vais le faire tout de suite pour
qu'on suive le fil. Est-ce que vous pourriez nous dire, parmi les mesures que
vous devez prendre, pour faire face à une grève
appréhendée et annoncée par un avis, qu'est-ce qu'il faut
comprendre? Est-ce qu'il faut comprendre surtout la diminution des malades,
l'évacuation partielle, en quelque sorte, de l'hôpital.
M. Brissette: Les mesures que l'on prend, c'est qu'on
arrête immédiatement toute admission élective. C'est la
première mesure. On demande à nos médecins de classifier
leurs malades par catégorie A, B, C, ceux qui peuvent partir, ceux qui
peuvent partir avec aide, ceux qui ne peuvent pas partir. On annule les
opérations qui étaient prévues dans les jours suivants et
qui demandaient un séjour de six, ou sept, ou huit jours après
l'opération. Ces opérations sont automatiquement annulées.
On garde, en somme, seule- ment ceux qui sont nécessairement
obligés de rester à l'hôpital et la catégorie B,
ceux qui peuvent partir avec aide, mais, si on a un avis de huit jours,
généralement, dans ces huit jours, cette catégorie
pourrait quitter l'hôpital. Ce sont les premières mesures que l'on
prend.
M. Forget: Je sais qu'il est difficile de parler de façon
générale de ces situations qui diffèrent tellement d'une
place à l'autre, mais pourriez-vous nous indiquer, de façon assez
générale et peut-être plus au niveau des impressions que
vous en avez, l'évolution du taux d'occupation jour après jour,
après qu'une décision comme celle-là est prise? J'imagine
que la première journée, il n'y a presque pas de
réduction. Il y en a une plus sensible au fur et à mesure que le
délai, dans le fond, court.
M. Brissette: Le taux d'occupation; si on prend des chiffres pour
l'expliquer, si, avant la réception de l'avis de grève, on avait
un taux d'occupation de 80%, on tend à le diminuer le plus possible.
Comme vous le disiez vous-même tantôt, dans les premiers jours,
cela diminue, mais, quand les urgences reviennent par la salle d'urgence, ce
taux a tendance à remonter. Selon la durée du conflit, il
fluctue. C'est pour cela que la liste qu'on mentionnait tantôt, il nous
apparaît nécessaire qu'elle soit fluctuante, selon la fluctuation
du volume de services qu'on a à rendre, parce que les services qu'on a
à rendre aujourd'hui ne sont pas nécessairement les services de
demain et ceux d'hier.
M. Forget: Je comprends qu'il y a des fluctuations, mais les
fluctuations s'établissent autour d'un niveau moyen beaucoup plus bas,
à ce moment-là.
M. Brissette: Oui.
M. Forget: N'avez-vous pas l'impression que plus le délai
dont vous bénéficierez sera long, plus, par corrélation,
les services essentiels qui vous seront définis, soit par le syndicat
unilatéralement, soit par n'importe quel organisme extérieur,
seront réduits? C'est, j'imagine, un des facteurs dont un comité,
un groupe quelconque qui cherche à définir quels sont les
services essentiels, doit tenir compte. Prenons un cas extrême. A
supposer que l'avis soit d'une heure, dans une heure, il est probablement
impossible de faire quoi que ce soit.
Donc, les services essentiels sont les services nécessaires pour
faire fonctionner l'hôpital sans aucune réduction de la
clientèle. Si vous donnez, à la limite, quinze jours, il est
possible, mais non pas dans les hôpitaux chroniques je pense que
c'est entièrement un autre problème de réduire
à 10% le taux d'occupation et, bien sûr, d'avoir des fluctuations
de 5% à 15%, ou quelque chose de ce genre. A ce moment, la
définition des services essentiels va tenir compte du fait que vous avez
un délai de quinze jours. Tout compte
fait, à supposer que les nouvelles règles sur les services
essentiels soient plus efficaces et surtout mieux observées que par le
passé, est-ce que vous n'êtes pas mieux avec un petit délai
et, pour la protection du public, les services essentiels définis de
façon plus généreuse qu'un long délai et des
services essentiels réduits à leur plus simple expression? (20 h
30)
Je ne sais pas si on peut lier les deux idées aussi
étroitement que cela, mais j'ai l'impression qu'il sera important,
à un moment ou l'autre, que ceux qui définissent les services
essentiels tiennent compte de la durée du délai, surtout s'il
n'est pas répétitif, c'est-à-dire non concurrent, mais
successif, tel que le ministre suggère qu'il le soit.
M. Brissette: Sûrement qu'il y a une relation certaine
entre le délai et la nécessité du volume de services
à maintenir, mais il reste que huit jours, c'est peut-être trop,
et que 48 heures, ce n'est peut-être pas assez. Vous savez, en 48 heures,
commencer à évacuer des patients, rejoindre les familles, etc. On
parlait tantôt d'un hôpital qui pouvait desservir une
clientèle à 50 milles de sa place de service. Parfois, on n'a pas
de famille ou il faut trouver des parents, des amis. En 48 heures, c'est
difficile de s'organiser, même en temps de conflit. Peut-être que
48 heures, c'est trop court, et que huit jours, c'est trop long. Je pense qu'il
y a une relation entre ce que vous dites, c'est-à-dire que plus le
délai est long, moins il y a nécessité d'avoir des
services et plus il est court, plus c'est nécessaire d'en avoir.
M. Johnson: Dans cette ligne de questions, une fois que vous avez
pris la décision de diminuer votre occupation, je parle surtout des
hôpitaux par opposition aux centres d'accueil qui, à toutes fins
pratiques, sont extrêmement limités dans leur capacité de
vider les lits, après cela, une fois que vous fonctionnez à 40%
d'occupation, ces 40% fluctuent, mais pas tellement finalement. Vous êtes
en période de crise. Vous ne rappelez pas les gens le lendemain matin.
Par la suite, cela vous prend combien de temps à vous rajuster? Disons
que le travail reprend, vous ne remplirez pas l'hôpital pour autant.
Disons qu'il y a une autre grève qui est déclenchée, vous
rajustez, mais cette fois avec un taux d'occupation minimal, Cela ne devrait
pas prendre trop de temps.
Je m'explique: Par exemple, le premier avis pourrait être de huit
jours, les avis subséquents, eux, pourraient être de 48 ou de 24
heures. Serait-ce concevable? Finalement, à partir du deuxième
avis vous fonctionnez avec une occupation minimale.
M. Tremblay (Jean-Claude): M. le Président, je ne sais pas
comment on peut lier très étroitement la période de temps
d'un avis de grève et son effet réel. Je pense que le
problème est essentiellement pratique. Qu'une grève soit
entreprise avec un avis de 48 heures ou de huit jours, elle aura toujours
essentiellement les mêmes effets.
Toutefois, dans votre proposition, il y a l'idée d'une
espèce de planification de contingence qu'un établissement peut
faire et qui lui permet, après une deuxième tentative,
peut-être de prévoir ou, en tout cas, d'amenuiser les impacts que
peut causer le fait qu'une grève se produit. Il n'en reste pas moins que
le lien n'est peut-être pas aussi étroit qu'on serait porté
à le croire entre la longueur de l'avis et les effets d'une grève
comme telle. C'est toujours difficile un peu de démontrer, d'une
façon statistique, les opinions qu'on émet. Sur ce sujet, il me
semblerait difficile, en tout cas, de démontrer qu'un avis de 48 heures
ou qu'un avis de huit jours va changer d'une façon très
importante les impacts négatifs que la grève va causer.
M. Johnson: Mais l'avis de huit jours, pour répondre un
peu à votre argument je m'excuse d'empiéter sur le temps
du député de Saint-Laurent l'avis de 48 heures, vous le
trouvez insuffisant, parce que vous dites: En 48 heures, à cause de la
classification A, B, C des patients, particulièrement ceux qui sont
classés B, ça pose des problèmes. Classés B,
ça signifie, pour les fins du journal des Débats, ceux qui, en
fait, peuvent sortir de l'hôpital, à condition qu'on soit
assuré de l'environnement dans lequel ils se retrouvent après.
Ils sont sortables à condition qu'ils soient accompagnés,
etc.
Cela, je veux bien comprendre que c'est difficile, en 48 heures, de le
régler dans un hôpital de la dimension de Saint-Luc, par exemple.
Mais, à partir du moment où vous avez fait ça, parce que
vous avez un avis de huit jours, comme vous avez eu en 1976 et en 1972, quand
le problème s'est posé, effectivement, vous contingentez votre
hôpital. Vous avez un taux d'occupation nettement inférieur, et,
s'il y a une reprise du travail et un nouveau débrayage par la suite,
vous n'avez plus le problème des B, ou vous l'avez, mais de façon
beaucoup plus marginale. Les C, par exemple, qui se sont
améliorés, dans le cas où ça pourrait arriver, ou
les A qui se sont détériorés, ça arrive
aussi...
M. Raynauld: Qui sont morts.
M. Johnson: Oui, mais ça, ça fait partie du pain
quotidien dans les hôpitaux, indépendamment des
négociations. C'est un peu en ce sens que... J'irais plutôt dans
le sens de ce qu'a dit le député de Saint-Laurent, que je
comprends le problème que ça pose pour le premier avis, mais, par
la suite, à partir du moment où vous êtes
contingentés, il y a moins de problèmes, il n'y a plus de B dans
l'hôpital.
M. Brissette: C'est sûr que ce serait déjà
mieux, après un avis de huit jours et, après ça, de 48
heures que de commencer tout de suite par un avis de 48 heures. C'est
évident.
M. Johnson: Le député de Sainte-Marie
négocie.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: En réservant mon jugement sur la question
comme, je pense, nos invités, je suis porté à croire qu'il
ne faut pas mélanger les deux questions. La question des avis
concurrents, je pense que c'est bien de la régler, de vouloir, comme
monnaie d'échange, offrir une réduction de l'avis. Cela
entraîne un autre genre de préoccupation, mais la notion que je
trouve la plus pernicieuse, M. le ministre, si vous le permettez, c'est qu'un
premier avis entraîne le déclenchement jusqu'à la signature
de la convention collective pour tous les hôpitaux qui l'ont reçu,
la notion de fonctionner, disons, à 40%.
Quand on se rend compte de la durée des négociations,
espérons que ça pourra s'améliorer, mais sans se faire des
illusions, quand on sait que ça peut se prolonger pendant quatre, cinq
ou six mois, la notion qu'une fois que le premier avis a été
livré, tout le monde, dans le fond, est averti que s'il fonctionne
à plus de 40%, il est coupable, a priori, d'imprudence, même si
aucun deuxième avis n'est délivré, dans un grand nombre de
cas cela constitue une grève sans grève à 60% du
système.
Je n'envie pas la partie patronale dans une situation comme
celle-là, ni même le gouvernement parce que, finalement, tout le
monde, le contribuable en premier, va payer ce qu'il paierait pour tout le
fonctionnement d'un réseau qui ne fonctionne pas ou qui fonctionne
à 40%. Je pense qu'il faudrait, avant d'en venir à des
conclusions, même du côté gouvernemental, qu'on y
réfléchisse sérieusement. Cela me fait un peu peur. Je
pense que j'aimerais mieux un compromis sur la durée de l'avis, mais que
ce soit un avis qui, à moins d'être redonné, ne crée
aucune présomption selon laquelle cela va se reproduire
nécessairement.
L'expérience montre quand même qu'il y a un peu de
sélection dans les endroits où les grèves ont lieu et ce
n'est pas le même hôpital qui est constamment frappé. Alors,
autant lui permettre de refonctionner à 100% le plus tôt possible
dans l'intérêt de tout le monde.
Vous faites allusion enfin, plus que cela vous mentionnez
spécifiquement que, même si vos recommandations n'ont pas
été retenues sur l'information publique qu'est appelé
à faire le conseil sur le maintien des services de santé, vous
êtes quand même satisfaits du caractère public des choses
qui vont être faites là-dessus. La question que je vous pose est
la suivante: Croyez-vous que le public puisse tirer une utilité
quelconque d'une information qui prendrait la forme d'une
énumération de pourcentage, de capacité dans tel ou tel
hôpital? On dirait: A la suite des décisions qu'a prises le
conseil, on vous informe qu'à l'Hôtel-Dieu de Lévis, ce
sera 28%; à l'Hôtel-Dieu de Québec, ce sera 42%; à
Saint-Sacrement, ce sera 35%; à Laval, en cardiologie, ce sera 60%, etc.
Cela apparaîtrait dans un communiqué, j'imagine, quelque part.
Quelle est la possibilité pour le pu- blic, autrement dit, de comprendre
une information comme celle-là, à moins qu'on ne lui fournisse en
même temps un barème d'évaluation? On ne peut pas
être absolu, bien sûr. Mais cela pourrait consister dans une
recommandation, la recommandation patronale qui n'aurait pas d'application, par
définition, si c'est la liste syndicale qui prévaut; on dirait: A
l'Hôtel-Dieu de Lévis, le syndicat et la partie patronale n'ont
pas pu s'entendre; donc, la liste syndicale est prépondérante.
Elle prévoit... J'utilise un pourcentage, ce pourrait être autre
chose; ce pourrait être une énumération de services,
présumément, Dieu sait quoi, mais, pour les fins de la
discussion, c'est plus court, disons que c'est 30%. La partie patronale, pour
sa part, réclamait 48%.
Est-ce que cette information supplémentaire ne devrait pas
accompagner les données qui, autrement, ne sont pas
compréhensibles pour le grand public? Ou alors, si on hésite
à confronter la position patronale et la position syndicale, à ce
moment-là, est-ce que le conseil auquel on faisait allusion, qui est
prévu, le conseil pour la protection des utilisateurs, ne devrait pas,
en tout état de cause, en même temps qu'il fait la
publicité de ces décisions, des décisions rendues, des
ententes ou des listes syndicales, formuler lui-même, sans lier personne,
sa propre recommandation? Et il dirait, dans ce cas-ci: Le syndicat offre 28%,
nous recommandions 35%. Il se peut très bien que la partie patronale
fasse savoir que, par ailleurs, elle demandait 48% ou 64%.
Cela permettrait au public de juger si on s'occupe effectivement de son
intérêt plutôt que de fonctionner sur cette
présomption que, parce que la loi dit que cela doit se faire de telle et
telle façon, tout doit aller pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Encore une fois, c'est très joli de dire que le public doit être
informé. La question est de savoir: Est-ce qu'on lui donne suffisamment
d'instruments pour qu'il apprécie à sa juste valeur l'information
qu'on lui transmet?
M. Chevrette: Me permettriez-vous une petite question?
M. Forget: Oui, mais si on permet au représentant de
répondre; après je vous permettrai toutes les questions.
M. Chevrette: Cela leur permettrait de faire la nuance, avec ce
que je vais vous poser.
M. Forget: Je me méfie de vous, là.
Le Président (M. Boucher): Est-ce que vous le permettez,
M. le député de Saint-Laurent?
M. Chevrette: Je suis sûr qu'il va me le permettre.
M. Forget: Oui.
Le Président (M. Boucher): Alors, M. le
député de Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Votre question, M. le député de
Saint-Laurent, a une approche différente d'un milieu à un autre.
Je voudrais donner l'exemple de l'est de la ville de Montréal. Vous
pouvez avoir quatre hôpitaux collés les "unes" sur les autres par
rapport à une région où il n'y en a pas... Les uns sur les
autres, excusez-moi, M. le député de Sainte-Marie. Si vous prenez
quatre hôpitaux collés, il peut y avoir des ententes très
différentes au point qu'il y en a un qui peut fermer complètement
ses portes et que les trois autres offrent au public un accès assez
facile. Vous ne pouvez pas juger de la même façon. Est-ce que
votre question sous-tend cela?
M. Forget: C'est une autre question, parce que la loi non plus ne
prévoit pas cela. Elle prévoit que la liste syndicale dans un
établissement, et plus que cela, pour un syndicat dans un
établissement, va donner la situation qui va prévaloir et qui va
avoir force de loi. Elle ne prévoit pas que s'il y a d'autres
hôpitaux fermés... Enfin, prétendument, on devra en tenir
compte, mais il y a finalement une liste. On dit: II y a des gens qui doivent
faire la publicité de cela. Est-ce que c'est une publicité qui va
mettre les gens en position de juger? C'est la question que j'adresse à
nos invités.
M. Tremblay (Jean-Claude): M. le Président, c'est une
question à laquelle, vous le comprendrez, il est un peu difficile de
répondre. Il faudrait que je me réfère aux schèmes
de référence qui nous ont guidés tout au long de la
rédaction de divers documents, en commençant par le
mémoire, suivi de la présentation qu'on a faite à la
commission Martin, plus, bien sûr, les discussions qu'on a eues avec le
ministre, qui ont été faites sur les mêmes
prémisses.
Au point de départ, on croit que la formule que vous
suggérez présume que le public est bien informé, ce sur
quoi on est d'accord. Cela va de soi. L'information au public, cela peut
toutefois être assez difficile. L'évaluation est souvent faite par
des gens du public qui ne sont pas toujours en position de faire une relation
statistique entre le pourcentage de services offerts et le pourcentage de
services dont on aurait normalement besoin pour maintenir la vie ou la
santé d'une population dans un état satisfaisant, même
pendant une période d'urgence.
Donc, la question que vous avez posée pose aussi celle de faire
appel à un certain nombre d'experts et vous aurez noté sans
doute, dans le mémoire qu'on a présenté à la
commission qu'on était tout à fait d'accord avec les
présentations qui nous ont précédés selon
lesquelles les médecins devraient être appelés à
participer non pas sur une base statistique, ce n'est probablement pas non plus
ce que vous avez à l'esprit, à savoir que c'est 48% dont on a
besoin, mais c'est une situation évolutive... (20 h 45)
Quant à nous, l'information au public et c'est un point
fondamental qu'on a tenté de soutenir tout au long du processus de
consulta- tion ne doit pas nécessairement faire du public autre
chose qu'un témoin. C'est au gouvernement qu'il revient d'arbitrer entre
le droit à la santé et le droit à la grève. Ce que
nous trouvons, je ne dirai pas inquiétant, mais ce que nous
souhaiterions, c'est que la relation entre le rapport du comité
d'information et la décision que le gouvernement aura
éventuellement à prendre sur la suspension temporaire du droit de
grève, soit plus étroite. Parce qu'à notre avis, c'est
vraiment là que le problème de l'information au public se pose.
Mise à part l'information comme telle, tout le mouvement doit nous
servir, doit servir au gouvernement à arbitrer pour assurer une
protection plus entière de la santé publique.
M. Forget: Si je comprends bien, vous seriez d'accord avec la
notion qu'avant que le Conseil des ministres n'émette un décret
suspendant le droit de grève, s'il en vient à la conclusion que
ça doit être fait dans le cas d'un établissement
particulier, il devrait déposer un avis de cet aréopage de sages,
auquel on a fait allusion, et que cet avis devrait être publié au
moins en même temps que la décision gouvernementale.
M. Tremblay (Jean-Claude): C'est-à-dire qu'on souhaiterait
que le système lie plus étroitement le rapport du comité
d'information à la décision que le gouvernement a à
prendre. Quant à savoir si ledit jugement devrait aussi être rendu
public, on n'a pas insisté, dans notre présentation, pour qu'il
le soit. On a dit tout simplement... Pardon?
M. Forget: Qu'est-ce que vous voulez dire par cette expression?
Cela fait deux fois que vous utilisez l'expression: On voudrait que ce soit
lié plus étroitement. Je veux bien, mais ça veut dire
quoi, en pratique?
M. Tremblay (Jean-Claude): C'est que dans la lecture qu'on a
faite du projet de loi qu'on a devant nous, il n'y a pas de lien direct entre
le comité d'information et le comité des services essentiels qui
pourrait éventuellement être, selon ce que le ministre nous a dit
tantôt, il n'est pas souhaitable que ce soient les mêmes personnes,
mais on comprend que ça pourrait être le même comité;
alors on voudrait qu'il y ait un lien très étroit entre le
rapport sur les enjeux de la négociation et les informations que le
gouvernement aura à prendre en considération pour juger si la
santé publique est menacée, dans le cas d'une grève.
M. Forget: Oui, mais je reviens à ma question,
excusez-moi, un lien étroit, dans l'esprit du ministre du Travail, un
lien étroit dans les délibérations du Conseil des
ministres, un lien étroit dans l'information du public, il faut bien que
le lien se fasse quelque part, qu'il soit incarné par quelque chose.
Vous suggérez quoi comme lien étroit? Est-ce que les deux
décisions, c'est-à-dire la décision du gouvernement et le
jugement que porte le comité sur les services essentiels, devraient
être
publiées au même moment de façon à permettre
de juger si elles sont suffisamment motivées ou si vous n'avez pas
l'intention de demander qu'elles soient publiées en même temps?
C'est un exemple parmi d'autres, mais qu'est-ce que ça veut dire, dans
votre esprit, ça?
M. Tremblay (Jean-Claude): J'ai l'impression que la question que
vous posez, fondamentalement, il faudrait que tout soit public pour forcer le
gouvernement à agir. On n'a pas dit ça actuellement, il n'est pas
nécessaire que tout soit rendu public, on a dit au contraire qu'on
tenait pour acquis que le gouvernement allait effectivement exercer son
rôle d'arbitre dans les cas où la santé publique est mise
en cause et à partir de cette prémisse, on dit: Le système
qu'on a n'est peut-être pas parfait, tout système est perfectible,
mais on est prêt à vivre avec celui-là tant et aussi
longtemps qu'on n'aura pas fait la preuve que le système n'est pas bon
ou qu'on ne nous proposera pas quelque chose de mieux.
M. Forget: C'est une façon bien longue de dire que vous
faites confiance aveuglément au gouvernement, non? C'est une mauvaise
interprétation de ce que vous dites?
Le Président (M. Boucher): M. Matteau? M. Bégin:
Bégin.
Le Président (M. Boucher): M. Bégin.
M. Bégin: M. le Président, ma question s'adresse
à M. le ministre du Travail. Suite à une de ses interventions
tout à l'heure, il nous a dit qu'il appartenait au gouvernement de juger
si la santé publique était en danger, on ne le nie pas, bien
sûr, c'est bien entendu. J'aimerais savoir de quelle manière le
ministre va pouvoir savoir que la santé publique est en danger dans
telle ou telle institution, par quel truchement, par quel mécanisme? Je
pense que ma question est intimement liée à l'intervention de M.
Forget.
M. Johnson: De deux façons. Une façon qui est
accessoire, mais qui n'est pas celle sur laquelle le gouvernement doit compter,
même s'il peut s'en servir, c'est le comité d'information qui, on
le présume, va s'adjoindre une certaine expertise. Mais ce n'est pas
obligatoire. Je sens que c'est important qu'on marque la différence,
parce que le comité d'information a essentiellement une vocation
d'information.
Deuxièmement, par des mécanismes que la population du
Québec et son gouvernement se sont donnés depuis 1966, à
cause des conflits de travail qui ont sévi dans le domaine hospitalier,
il existe, au ministère des Affaires sociales le
député de Saint-Laurent le sait des moyens, à
travers le réseau, de connaître l'évaluation de
l'état des soins, de façon quotidienne, et même deux fois
par jour dans certains cas.
C'est là-dessus que le gouvernement doit tabler, comme source
d'information.
M. Bégin: Les mécanismes prévus dans la loi
59, de toute façon...
M. Johnson: Ils n'ont rien à voir avec la loi. C'est
simplement sur un plan administratif que le ministère des Affaires
sociales a la responsabilité de la santé publique, en vertu de la
loi constitutive du ministère, et qu'il a les moyens pour évaluer
cette situation.
M. Bégin: Je ne veux pas interpréter les propos de
M. Forget, mais j'ai pensé qu'il voulait vous faire dire ou nous faire
dire quels seraient les moyens qu'on utiliserait à ce moment-là.
Je pense que ce serait important de les connaître, peut-être pas
dans les précisions coutumières, journalières, mais il me
semble qu'on devrait connaître la position des organismes qui seraient
consultés, des gens qui seraient consultés, des gens qui sont en
place. Il me semble que cela reste flou et que cela ouvre la porte à
n'importe quel genre de consultation qui fera que la santé publique sera
en danger. D'ailleurs, à la suite de toutes les interventions que j'ai
entendues tantôt, j'ai compris que la santé publique était
en danger, au moment d'un conflit, presque tout le temps. Evidemment, quand le
gouvernement interviendra-t-il? Dans quel genre de danger public? Qu'est-ce qui
va être un danger public? Est-ce qu'il faut qu'il y ait dix morts, quinze
morts? J'aimerais savoir, dune façon plus précise, ce qu'on
entend faire à ce sujet, si on peut répondre à mes
questions, évidemment?
M. Johnson: La seule réponse que je peux vous faire
à cela, c'est que cela appartient au gouvernement et au réseau
des affaires sociales de l'évaluer. Je vais vous donner un exemple bien
concret. Prenez l'est de Montréal, avec Santa Cabrini,
Maisonneuve-Rosemont, Repentigny et un autre que j'oublie, et évidemment
Notre-Dame, mais là, on est un peu plus à l'ouest.
Maisonneuve-Rosemont peut fonctionner à 40%. Si Santa Cabrini a un
département de chirurgie qui fonctionne pour les polytraumatisés
je ne dis pas que tu n'as pas besoin de Maisonneuve-Rosemont. Mais si c'est une
fin de semaine où il fait beau, où il y a bien du monde sur
l'autoroute et dans le tunnel Hippolyte-Lafontaine, il y a des chances que ce
soit dangereux si tu as 25 accidents cette nuit-là et que le
département soit bourré de polytraumatisés. Mais si tu as
affaire à un jour de semaine tranquille où il n'y a pas
d'accident pendant la nuit sur l'autoroute et dans le tunnel
Hippolyte-Lafontaine, il y a peut-être des chances que ce qui est
décrit dans les services essentiels et l'état de fonctionnement
de ces deux hôpitaux soient suffisants. C'est extrêmement
variable.
Maintenant, qu'on attende les morts, je ne pense pas. Je pense que poser
la question, c'est peut-être y répondre. Vous êtes d'accord
avec moi?
M. Bégin: Je n'exige pas de réponse
là-dessus non plus. C'est une remarque.
M. Johnson: En fait, i! s'agit vraiment d'une évaluation
technique par les services du ministère des Affaires sociales. C'est une
évaluation extrêmement difficile à faire. Je nourris
personnellement des hypothèses de ce côté-là. Mais
je suis sûr que le ministère des Affaires sociales
s'équipe, de façon adéquate, pour faire face à
cette situation, comme cela a été le cas en 1976 et en 1972.
M. Bégin: M. le Président, ce que nous essayons
d'évaluer en pertes, c'est la différence avec le passé,
quand on aura la nouvelle loi 59. A quelle place, dans la loi 59, cela
offre-t-il plus de garanties? C'est un peu cela qu'on cherche à
déterminer ou à comprendre.
M. Johnson: Ce n'est pas dans la loi que vous allez avoir la
garantie, quant à cela. Quant à d'autres choses, je pense qu'il y
a des mécanismes qui sont peut-être plus incitateurs que ce qu'il
y avait dans 253, bien que cela soit ouvert à la discussion.
Mais quant à savoir ce qu'est une situation mettant en
péril la santé publique à tel endroit
précisément, je n'ai pas de réponse à cela dans un
texte de loi, à moins vraiment que notre société soit
parvenue à un tel consensus et qu'on dise: On va mettre cela entre les
mains d'une dizaine de personnes qui vont prendre toutes les décisions
à la place des hôpitaux, à la place des syndicats et
à la place du gouvernement. C'est peut-être l'utopie. Remarquez
que cela existe dans certaines sociétés civilisées. Je
trouve cela dommage qu'on en soit loin. Nous ne sommes pas encore
là.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Une dernière question, M. le Président.
A la page 16, vous suggérez que la liste syndicale
prépondérante ne porte que sur le nombre de salariés
rendus disponibles par le syndicat pendant les arrêts de travail. Ce que
vous suggérez, c'est plutôt le nombre de postes, j'imagine, qu'on
est prêt à combler plutôt qu'une liste limitative de
salariés qui permettrait à certains de travailler dans toutes les
circonstances et, à d'autres, d'être en grève aussi dans
toutes les circonstances. C'est un nombre de postes qu'on serait prêt
à combler dans chaque service.
M. Brissette: On ne serait pas d'accord du tout que le texte de
loi, tel que proposé, demeure tel qu'il est en ce sens que la liste des
services du syndicat, s'il n'y a pas d'entente, devienne
prépondérante. On pense que c'est la responsabilité du
conseil d'administration de définir et de décider des services
qui seront maintenus, soit par du personnel fourni par le syndicat, soit par
l'affectation des cadres, et de la façon de les maintenir
également.
On pense que le projet de loi devrait dire que, s'il n'y a pas entente,
le syndicat devra fournir la liste du personnel qu'il veut fournir, mais pas
une liste de services ni la façon de les maintenir. Nous, comme
association représentant des établisse- ments, des centres
hospitaliers, on ne peut pas accepter que le syndicat ait ce pouvoir. Cela
revient à dire que, durant la période de grève, s'il y en
a une, l'hôpital est sous la tutelle du syndicat, et on ne peut pas
accepter une tutelle semblable.
M. Forget: Est-ce que la distinction est tellement nette?
J'imagine qu'un syndicat, étant donné l'affectation des
syndiqués à des postes assez bien prescrits, assez bien
définis, dans le cas d'un syndicat d'infirmières, par exemple,
préciserait quand même assez dans les détails l'endroit
où se situe chacun des postes, soit les unités de soins, soit les
services opératoires, soit d'autres services bien particuliers. Est-ce
que, dans le fond, cela ne revient pas à peu près au
même?
M. Brissette: Non, il y a une notion bien différente. S'il
y a une entente avec le syndicat et qu'on convient du nombre de postes,
à l'étage du "nursing" par exemple... mais il reste qu'il y a une
notion différente, une nuance très importante dans le sens que
c'est du personnel qui est fourni par le syndicat, mais ce n'est pas le
syndicat qui décide de maintenir ce service, par exemple, au
quatrième étage. Supposons qu'on nous fournisse deux personnes au
quatrième étage et qu'on en ait besoin de cinq, nous pourrions
envoyer trois cadres pour compléter la liste du personnel que le
syndicat entend fournir, mais il ne décidera pas que le quatrième
va être ouvert ou fermé. Il n'aura pas le droit de regard sur les
patients qui seront admis ou non à l'hôpital. Il ne
décidera pas si telle salle d'opération en particulier sera
ouverte ou fermée. On va dire, par exemple: Vous laissez cinq personnes
à la salle d'opération. On va décider quelle salle, quelle
spécialité quelle salle spécialisée on va ouvrir.
Cela n'appartient pas au syndicat et il n'a pas la compétence de le
faire.
M. Forget: D'accord, je vous remercie.
M. Brissette: M. le Président, si vous permettez...
Le Président (M. Boucher): Oui.
M. Brissette: ... il y a aussi le fait qu'on retrouvait cette
expression dans un autre contexte qui était celui de la loi 253, les
services à maintenir et la façon de les maintenir. Mais dans le
contexte de la loi 253, vous me permettrez de vous faire remarquer qu'il ne
s'agissait, en aucune façon, d'une liste de services
prépondérante du syndicat, alors que dans le projet de loi 59, on
est confronté, advenant une non-entente, à une liste syndicale de
services prépondérante et à la responsabilité
syndicale de déterminer la façon de maintenir ces services. A
cause du contexte nouveau dans lequel, en particulier, les mots "la
façon de maintenir ces services" sont employés, on est d'avis que
c'est une négation totale et complète du droit de gérance
en période de grève.
J'aimerais, avec votre permission, revenir sur une remarque que le
ministre nous a faite précédemment quant à ce qui concerne
la participation
des cadres aux services essentiels. M. le ministre nous laissait
entendre que, si on le prévoyait, on aurait à faire face à
un minimum de services essentiels, parce que le syndicat tiendrait compte du
fait que les cadres peuvent contribuer au maintien de tels services. (21
heures)
Or, le projet de loi, tel que rédigé actuellement,
à l'article 99j, prévoit que nul ne peut contrevenir aux
dispositions de l'entente conclue, ni déroger à la liste
déposée. La question qu'on se pose, c'est que, dans
l'éventualité où les cadres s'ajoutent au niveau des
services qu'on donne en période de grève, est-il possible qu'ils
fassent l'objet d'une pénalisation quelconque, d'après les mots
que je lis? Ce n'est peut-être pas le cas, mais la loi nous...
M. Johnson: Je suis d'accord avec vous que le texte, dans ce
sens, est ambigu. D'ailleurs, en cours de route, le député de
Sainte-Marie va revenir sur la question qui est posée par la... Quel est
le contenu, finalement, de la liste? En pratique, quel est le rôle des
cadres? Dans quelle mesure est-il affecté par cela? Je pense qu'il
fournira des éléments de réponse en cours de route. Je ne
voudrais pas interrompre l'Opposition.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Richmond.
M. Brochu: Merci, M. le Président. J'aimerais revenir au
document qui a été présenté, plus
précisément à la page 15 de votre document. Vous dites, au
bas de la page: "... à moins que l'on ne se donne une définition
restrictive de ce que l'on doit comprendre par la liste décrivant les
services à maintenir et la façon de les maintenir, il faut
admettre qu'une telle liste ne peut être décidée
unilatéralement par la partie syndicale. " Est-ce qu'on doit comprendre
par là que vous souhaiteriez, par exemple, que l'établissement de
cette liste se fasse de façon conjointe, et avec l'administration et
avec la partie syndicale, ou si c'est une autre formule que vous envisagez?
M. Brissette: Je ne voudrais pas qu'on parle de liste de
services, parce que, s'il n'y a pas entente sur des services c'est ce
que M. Tremblay a dit tantôt comment allons-nous pouvoir maintenir
un service ouvert quand la loi dit qu'on ne peut pas dépasser soit
l'entente, soit la liste de services prépondérante? C'est pour
cela qu'on ne peut pas accepter une liste de services, qu'elle soit paritaire
ou non. On ne peut pas l'accepter non plus.
M. Brochu: C'est le principe de la liste, au point de
départ, que vous rejetez.
M. Brissette: C'est le principe de la liste des services.
M. Tremblay (Jean-Claude): En plus, monsieur, comme vous aurez pu
le noter dans notre texte, on est d'accord que, dans un premier temps, il doit
y avoir négociation. Alors, l'hypothèse qu'on envisage, c'est
quand il n'y a pas eu entente entre les deux parties. On trouve
inquiétant que ce soit l'une des parties ce serait
peut-être aussi inquiétant que ce soit l'autre, remarquez
qui établisse cette liste, parce qu'on ne pense pas qu'elle est
habilitée à le faire. Il faudrait, à ce moment, qu'elle
ait un droit de regard ou un contrôle sur l'admission, qu'elle soit
assurée d'une collaboration très étroite des
médecins qui pratiquent dans les établissements. On pense que
cette situation n'est pas envisageable.
M. Brochu: L'argument de fond sur lequel vous appuyez votre
opinion, à ce moment, revient un peu à ce qu'on a entendu cet
après-midi de la part des spécialistes du côté de la
santé, c'est-à-dire que cela doit être des personnes
habilitées à décrire les services essentiels.
M. Brissette: Dans nos établissements, dans les
hôpitaux en particulier, nous avons tous des conseils de médecins
et dentistes. Quand ces choses se produisent, le conseil d'administration
consulte son conseil des médecins et dentistes quant aux besoins
à donner ou aux services à maintenir en temps de grève.
C'est l'organisme habilité pour conseiller le conseil d'administration
sur la façon de le faire. Il ne faudrait pas laisser cela à la
partie syndicale. C'est inacceptable.
M. Brochu: Maintenant, j'aimerais revenir à la page 11 de
votre document où vous dites: "L'Association des hôpitaux croit
qu'à court terme, le législateur n'a pas d'autre option que celle
de maintenir le droit de grève, étant donné, d'une part,
que nous n'avons pas trouvé de substitut à ce droit qui permette
au mécanisme de négociation de jouer pleinement en son absence."
Vous parlez du court terme par rapport à des mécanismes
substituts possibles au recours qu'est la grève actuellement. Il y a eu
certaines hypothèses qui ont déjà été
avancées à ce sujet. Lorsque vous dites à court terme
on va prendre cela est-ce que. derrière cette forme de
pensée, vous croyez qu'éventuellement la négociation
permanente, par exemple, pourrait devenir un mécanisme substitut qui
pourrait peut-être, dans un avenir rapproché ou à moyen
terme, remplacer efficacement le droit de grève, ou du moins pallier les
situations, devenir une sorte de remède?
M. Brissette: Disons qu'on n'a pas totalement
réfléchi à votre question, mais il ne nous apparaît
pas que le fait de négocier de façon permanente va enlever
nécessairement l'exercice légal ou illégal du droit de
grève, parce qu'actuellement les gens n'ont pas le droit de faire la
grève et ils la font quand même.
M. Brochu: D'accord. C'est parce que vous mentionniez à
court terme, on se limite à cela, et je voulais savoir s'il n'y avait
pas une autre option que vous aviez à proposer.
M. Brissette: Quand on dit cela, on prétend et on
répète ce que M. Tremblay a dit tantôt, c'est qu'il y a
deux notions, deux droits, le droit à la grève que le
législateur consent actuellement au syndicat et également le
droit à la santé tel que défini dans le chapitre 48.
Dans notre position profonde, on dit: Le gouvernement, avec les moyens
qu'il voudra, doit arbitrer ces deux droits pour s'assurer que l'état de
santé de la population est protégé. Fondamentalement,
c'est notre approche. Il y a deux droits: Un à la grève, un
à la santé. L'arbitre, c'est l'Assemblée nationale, je
pense. Elle doit agir. Si elle n'agit pas, l'Assemblée nationale, on va
avoir des problèmes.
M. Brochu: L'essentiel, selon votre mémoire, c'est de
tracer la ligne entre ces deux objectifs pour que le tout fonctionne de
façon normale sans qu'il n'y ait de conséquences.
M. Brissette: Pour la protection de la santé du
public.
M. Brochu: Oui.
M. Brissette: Mais il y a aussi la dernière partie de
notre mémoire, la question de la liste de services, on est prêt
à jaser longtemps là-dessus, si vous voulez.
Le Président (M. Boucher): M. Bégin.
M. Bégin: Oui, M. le Président. Ma question
s'adresse à M. le député. Est-ce que vous, vous avez
pensé à une solution de rechange au droit de grève? Vous
savez, je pose la question parce qu'on est peut-être la seule association
qui ait demandé le retrait du droit de grève dans notre
mémoire devant la commission. On le pense encore et ça rend nos
travaux très difficiles, d'étudier une loi telle que le projet de
loi no 59 et de faire des recommandations quand on est contre la grève,
point. On est contre la grève dans les services publics et on voudrait
qu'elle soit remplacée par autre chose. Ce qui nous surprend tous les
jours... D'ailleurs, on ne peut pas être les seuls à y trouver une
solution; on n'a même pas les effectifs.
Mais on croit encore que tout le travail qu'on a fait aujourd'hui, avec
le travail qu'on fait depuis dix ou quinze ans, si on l'avait fait dans le but
de trouver un remplacement au droit de grève, on l'aurait trouvé
à ce moment-ci et il y a toutes sortes de moyens. On pourrait vous faire
toutes sortes de suggestions, mais on n'est pas ici ce soir pour ça.
Mais je me demandais si en vous, au moins, je trouverais un allié, j'en
cherche.
M. Brochu: C'est un peu le sens dans lequel je posais la question
aussi, parce que, en fait, c'est le noeud du problème quand on parle de
la question des services publics et ces choses. Ce que je disais, j'en parle en
référence surtout avec des déclarations qui avaient
été faites par M. Bellema- re, que je remplace, d'ailleurs, et
qui est retenu comme vous le savez, à l'hôpital actuellement. Je
sais qu'il avait fait état de ces choses au ministre et le ministre
avait dit: On y songe, nous aussi, je pense. J'ai les déclarations aussi
que le ministre avait faites à ce sujet-là, il n'y avait pas
d'approche strictement spécifique à cette façon de
procéder, mais disons que je le soulevais à titre de
préoccupation en disant: Est-ce que vous voyez là-dedans un
moyen, parce que le problème, vous l'avez en entier sur les bras et vous
vivez avec?
Disons que je n'ai pas la réponse définitive. Je pose la
question de façon entière: Est-ce que ça ne serait pas une
façon... Le ministre lui-même a déjà dit: On regarde
cela nous aussi.
M. Bégin: En fait, c'était de vous demander si vous
étiez prêt à y travailler avec nous autres. Je sais que le
ministre est prêt; il me l'a déjà dit d'ailleurs.
M. Johnson: J'ai un peu l'impression, M. Bégin, que ce
serait à M. Brochu à vous demander si vous êtes prêt
à travailler avec lui pour un tas de raisons, d'ailleurs.
M. Brochu: De toute façon, je pense qu'on est pas mal
occupés de tous bords et de tous côtés.
M. le Président, si vous me permettez, une dernière
question que j'aimerais poser ici, concernant une recommandation qui avait
été faite, sur laquelle j'aimerais connaître votre opinion,
la recommandation qui était au rapport Martin-Bouchard et que le
gouvernement n'a pas retenue, en fin de compte, et c'est celle de constituer un
centre de données de base sur toute cette question. Aux yeux de la
commission, un tel centre de données, je cite ici, on disait, à
ce moment-là, que c'était "d'une importance primordiale et
ça s'impose comme le préalable le plus significatif de l'amorce
de négociations collectives dans le secteur public et parapublic".
En fait, dès le 27 septembre 1977, les membres de la commission
Martin-Bouchard ont écrit au premier ministre lui demandant qu'il
procède là-dedans aussi. Par après, j'ai ici une copie de
la correspondance, où M. Martin déclare aussi que ce ne soit pas
fait, ce centre de données.
Est-ce que vous vous êtes penchés sur cette question et
quelle en est votre perception? On n'en a pas discuté encore. Il y a
d'autres groupes qui sont venus devant nous, et je profite de l'occasion pour
vous demander comment vous entrevoyez ça. ce centre de données?
Est-ce que cela aurait une utilité vraiment réelle?
M. Tremblay (Jean-Claude): Avant le rapport Martin-Bouchard et,
bien sûr, la création de la commission, il y avait eu le sommet
économique auquel on a eu le plaisir de participer, et, dès ce
moment-là, on s'était mis d'accord sur le bien-fondé de la
création d'un centre qui nous permettrait de comparer des choses qui
sont comparables. On pense toujours que la création d'un bureau
d'information, enfin, d'une régie, appe-
Ions-la comme on veut et je pense que je fais
référence à votre idée serait une chose
éminemment souhaitable. J'ai des informations, d'autre part, qui me
portent à croire que le gouvernement actuel a l'intention,
effectivement, d'établir une telle régie. Je crois savoir qu'il a
choisi de ne pas le faire dans le cadre de la présente loi, mais je
présume de son intention à l'effet qu'il souhaite lui aussi en
établir une.
Je réponds à votre question en vous disant qu'on est
effectivement très favorable à l'établissement d'une
région dont le mandat serait essentiellement de ramasser des
statistiques qui seraient disponibles à tout le monde et qui nous
permettraient probablement de parler un langage un peu plus similaire, un peu
plus comparable quand on s'asseoit aux diverses tables de
négociations.
M. Brochu: Vous faites référence au sommet
économique à propos duquel il y avait un consensus où on
sentait le besoin d'avoir justement ce centre de données. Je retournerai
peut-être la question au ministre; vous l'avez posée
vous-même.
M. le ministre, sur ce même point, auriez-vous une
déclaration à nous faire? Quelles sont vos intentions à ce
sujet? Je sais qu'on en a fait état au sommet économique comme
monsieur le mentionnait. Il n'y a pas eu de décisions annoncées
par la suite. Y a-t-il des choses en préparation de ce
côté-là?
M. Johnson: Oui, il y a des choses en préparation au sens
où le gouvernement possède déjà, lui, des
données considérables dans le domaine de la
rémunération, entre autres, dans le secteur public et le secteur
parapublic. Il entend rendre ces données disponibles et accessibles aux
courtiers.
La première hypothèse qui avait été
évoquée lors du sommet économique était la
création d'un organisme tripartite ou avec un conseil d'administration
de type Sénat et un directeur général. Il y a aussi
d'autres mécanismes autrement que de passer carrément par une
loi; quand on connaît le processus, on sait ce que cela signifie. Je peux
cependant m'engager à dire que le gouvernement effectivement rendra ces
données disponibles pour la prochaine négociation.
M. Brochu: Merci.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: M. le Président, vous soulevez dans votre
mémoire une hypothèse qui voudrait que le conciliateur, ou la
personne qui sera appelée à agir comme conciliateur, ait un
rôle un peu différent et des pouvoirs peut-être accrus.
Pourrais-je savoir ce que vous voulez dire exactement par pouvoirs accrus?
Qu'est-ce qui vous amène à faire cette recommandation? Et, selon
vous, qu'est-ce que cela ajouterait dans le système ou dans le
déroulement des négociations?
M. Larouche (Réjean): En fait, la procédure qui
était suggérée originellement par l'Association des
hôpitaux à ce chapitre, c'était d'avoir une espèce
d'étape où on aurait un conciliateur qui aurait également
les pouvoirs, ceux qu'on rencontre habituellement chez les "fact-finding
boards", et qui, à l'expiration de son mandat, rendrait publiques les
positions respectives des parties. En fait, avec le rôle que le projet de
loi prévoit déjà pour le conseil chargé d'informer
le public, quant au déroulement des négociations, on a
l'impression que ce conseil pourra jouer un peu le rôle qu'on avait
prévu dans notre mémoire pour cette espèce de
"fact-finding board". C'est un peu la raison pour laquelle on dit que,
même si les moyens suggérés dans le projet de loi 59 sont
différents de ceux suggérés par le mémoire de
l'AHPQ là-dessus il y a une certaine similitude et que les projets
finissent par se rejoindre.
M. Bisaillon: Ce que vous vouliez donc dire, c'est un pouvoir
moral additionnel.
M. Larouche (Réjean): En fait, on voulait qu'à un
moment donné dans les différentes phases de négociations,
que le public soit averti des positions respectives des parties par une
espèce de tiers objectif. Vous ne le taites pas dans le processus de
négociations, mais vous le faites par le biais d'un conseil
d'information. Alors, jusqu'à un certain point, sur ce plan-là,
l'objectif est réalisé.
M. Bisaillon: Ce qui m'amène à vous parler
justement du conseil d'information. Vous souhaitiez aussi dans votre
mémoire qu'il y ait un lien plus étroit entre, d'une part, le
conseil d'information et, d'autre part, la décision à prendre par
le lieutenant-gouverneur en conseil. Pour que le mécanisme nouveau du
conseil d'information puisse jouer correctement, ne pensez-vous pas que ce
conseil d'information doit être au-delà de toute implication
future, c'est-à-dire qu'on soit certain de son objectivité pour
qu'il conserve sa crédibilité? On sera certain de son
objectivité à partir du moment où on saura qu'en soi et,
de par les membres qui le composent, il n'y aura rien à jouer dans une
décision à venir quant à la suspension du droit de
grève. Ne pensez-vous pas que, pour que le mécanisme joue
pleinement, il faut qu'effectivement il n'y ait pas de lien du tout justement
entre le strict objectif d'informer la population et, par ailleurs, la
décision à prendre par ceux qui sont vraiment responsables,
c'est-à-dire le cabinet des ministres. (21 h 15)
M. Larouche: Je préciserais au départ qu'il s'agit
de deux conseils distincts, alors que le fait de prévoir, pour le
premier conseil, cette information très objective quant au
déroulement du processus même de la négociation
n'empêcherait pas la possibilité pour un autre conseil, qui est
distinct, qui est différent dans le projet de loi 59, de faire de
l'information au public qui peut entraîner par la suite un comportement
quelconque du gou-
vernement, à la suite de l'appréciation qu'il fait de
l'impact pour le public qui découle des arrêts de travail. Ce
rôle qu'on voudrait voir confier au deuxième conseil ne nuit pas
du tout aux travaux du comité qui est chargé de surveiller le
processus de négociation, parce que ce sont deux entitées
distinctes dans le projet de loi.
Le Président (M. Boucher): M. Bégin.
M. Bégin: Pour ajouter à ce qui vient d'être
dit, personnellement, je ne peux pas concevoir de l'information sans la partie
strictement d'information qui tient compte des faits et la partie
éditoriale qui commente les faits pour mieux renseigner le public.
Evidemment, il n'y a jamais d'objectivité, c'est l'ensemble des sources
d'information qui constitue l'objectivité, je pense bien. Il faut tout
de même avoir confiance en quelqu'un. Si on met sur pied un organisme qui
est nommé par le président et le reste et qu'on dise: Cet
organisme aura la crédibilité... S'il a la
crédibilité, il y aura la crédibilité, s'il
réussit à la conserver; mais s'il ne réussit pas à
la conserver, il faudra changer l'organisme, il faudra changer le genre, le
moyen de locomotion de l'information. Mais je ne peux pas concevoir de
l'information simplement en donnant des statistiques et des faits. Ce n'est
même pas de l'information. Cette question a été
posée plusieurs fois aujourd'hui, vous savez bien que le public ne
I'écoutera même pas. Cette information est commode pour une
certaine classe de public qui peut continuer de la commenter, mais on a besoin
d'ajouter à cela le commentaire des experts qui fournissent
l'information. Sans cela, il n'y a pas de compréhension du public.
M. Bisaillon: Est-ce que je pourrais me permettre de souligner
à M. Bégin qu'il me semble en nette contradiction avec ce que
vient de dire M. Larouche? Un des objectifs, je ne dis pas l'ensemble des
objectifs, mais un des objectifs qui est poursuivi par ces conseils
d'information, c'est d'arrêter cette espèce de propagande qui
existait autrefois au moment des négociations où à la fois
le gouvernement, une institution hospitalière, les syndicats, pour
être en réponse, publiaient des pages complètes d'annonces
dans les journaux. Il y avait une surenchère là-dedans, chacun
s'accusait de véhiculer de l'information faussée. Dans le fond,
c'est cela qu'on veut arrêter, en assurant cependant le public qu'il y a
des gens qui sont spécialement affectés à surveiller,
d'une part, le déroulement des négociations et, d'autre part, le
déroulement d'une grève et que ces organismes, leur travail, leur
mission dans le fond, c'est justement de surveiller l'intérêt
public et de donner l'information et toute l'information, sans qu'il y ait de
surenchère entre les parties.
M. Bégin: Je ne sais pas, M. le député, avec
qui je suis en désaccord ou en accord.
M. Bisaillon: C'est avec les deux. Vous êtes autant en
désaccord avec moi qu'avec M. Larouche.
M. Bégin: Mais si j'ai bien compris votre intervention,
vous n'avez peut-être pas compris la mienne; je l'ai peut-être mal
faite, je vais la reprendre. J'ai dit qu'il ne peut pas y avoir d'information
sans un commentaire objectif de quelqu'un sup-posément objectif. Il ne
peut pas y avoir d'information en publiant nettement des statistiques, parce
que le public ne les lit pas, ne les écoute pas et ne les entend pas.
C'est ma conception de l'information. On ne peut pas non plus concevoir un
journal sans éditorial. Evidemment, vous avez mentionné
tantôt que vous voulez arrêter cette escalade d'information. Est-ce
qu'il y a quelque chose de prévu dans le projet de loi 59 qui dit que
les syndicats ne pourront pas faire leur propre propagande dans leurs journaux
et que la partie patronale ne pourra pas en faire autant? Je pense que M.
Johnson a déjà répondu à cette question et il nous
a dit qu'il n'est question d'arrêter personne. Alors, l'escalade va
rester là. Mais l'autre, au centre de cela, si elle passe pour la partie
objective, il faudrait bien qu'elle dise quelque chose aussi. Je pense que ce
sont eux qui devraient être habilités à faire ce travail et
qui auront peut-être la crédibilité du public et même
de la partie patronale et de la partie syndicale. Parce que, quand quelqu'un
est vraiment objectif, il fait son chemin. Il y a une différence entre
l'objectivité et la propagande.
M. Bisaillon: Je pense qu'il va falloir qu'il y ait une certaine
logique dans tout ce que vous dites. J'ai 20 minutes, M. le
député.
M. Chevrette: Vous êtes bien pressé, vous?
M. Bisaillon: II va falloir qu'il y ait une certaine logique.
D'une part, vous jugez, lorsque, par exemple, vous nous donnez vos commentaires
sur le droit de grève en soi, vous vous sentez, dans le fond, lorsque
vous dites cela, appuyé par le public.
Et au moment où vous dites: Le public m'appuierait dans la
suppression du droit de grève, vous trouvez ce public intelligent,
capable de juger fortement les choses, et, d'autre part, vous me dites, au
niveau de l'information, que les gens ne seront pas capables
d'apprécier, ne seront pas capables de comprendre, qu'ils ne lisent pas.
Si les gens ont de la maturité à un moment, ils vont en avoir
à l'autre. Il me semble que tout cela se tient.
M. Bégin: Dans mon esprit, si vous écoutez une
bonne pièce de musique, ça prend généralement les
commentaires appropriés pour la mieux comprendre et la faire mieux
comprendre. Alors, c'est ce que j'ai dit, l'information... Je n'ai pas dit que
les gens n'étaient pas intelligents, parce que les statistiques ne les
intéressaient pas. Ils peuvent être paresseux et intelligents
quand même.
M. Bisaillon: Moi, en tout cas, M. le Président, ce que je
comprends, c'est qu'il faut dissocier la partie d'information et la partie de
prise de décision pour conseiller le ministre responsable et pour
conseiller le gouvernement au moment où il aura à se prononcer
sur la suppression d'un droit
de grève. Il y a les parties qui sont là qui vont le
conseiller, il y a les employés des différents ministères
qui vont être dans le champ, qui vont pouvoir le conseiller. Autrement
dit, le lieutenant-gouverneur en conseil va aller chercher ses informations
chez ceux qui vivent les situations quotidiennement.
Il y a aussi les professionnels de la santé qui vont avoir un mot
à dire. C'est une chose de prendre la décision de supprimer le
droit de grève et c'est autre chose de protéger une information
objective pour le public. Pour ne pas qu'on s'étende trop, étant
donné que j'ai seulement vingt minutes, je voudrais en venir rapidement
à l'essentiel, dans le fond, de...
M. Raynauld: ... Il ne le sait pas, mais cela fait vingt-cinq
minutes qu'il parle.
M. Bisaillon: J'ai commencé à 21 h 15.
M. Chevrette: Vous, c'est parce que vous avez hâte de
parler. Ecoutez, vous allez trouver ça intéressant et vous allez
être correct.
M. Raynauld: ...
M. Bisaillon: Je voudrais en venir à l'aspect qui est
peut-être le plus important pour vous, c'est-à-dire la liste
syndicale, et reprendre deux arguments au départ, c'est-à-dire
l'inquiétude que vous avez soulevée sur la multiplicité
des syndicats qu'il pouvait y avoir dans une entreprise... Ce que je comprends
du projet de loi si je me trompe, le ministre pourra me reprendre
c'est qu'il doit y avoir une entente négociée sur les services
que le syndicat doit continuer à dispenser pendant une période de
grève. S'il n'y a pas entente, le projet de loi prévoit une liste
syndicale des services qui devront continuer à être
dispensés.
On parle d'une liste syndicale pour une entreprise donnée, ce qui
suppose, pour moi, si ce n'est pas clair, je pense que c'est l'esprit de ce
qu'il y a dans la loi et on pourrait effectivement le dire clairement, mais
ça suppose une concertation entre les différents syndicats qui
sont là pour assurer l'ensemble des services qui doivent être
dispensés. Il me semble que je ne me trompe pas en prétendant que
c'est ce que je comprends qu'il y a dans le projet de loi. Si ce n'est pas
clairement exprimé, je pense que ça pourrait l'être et
ça réglerait le problème que vous soulevez sur la
multiplicité.
D'autre part, vous avez souhaité que le syndicat vous fournisse
uniquement le nombre de personnes. Je voudrais vous souligner deux choses:
premièrement, vous indiquer pourquoi on a favorisé cette
formule... Il est clair que ce que le projet de loi favorise et
privilégie, ce sont les ententes. Or, pour éviter ce qui s'est
passé dans le passé, pour éviter les situations qu'on a
déjà connues, il est clair que pour qu'il y ait des ententes, il
faut qu'il y ait un rapport de forces. Et à ça on
n'échappera pas. Le rapport de forces existe au moment où vous
savez que s'il n'y a pas d'entente, c'est une liste syndicale qui va être
fournie.
Notre prétention, c'est que ça amène donc les
parties à avoir un intérêt à rédiger une
entente. On pourrait objecter que le syndicat n'a qu'à ne pas
s'entendre, sachant que ça va être sa liste, mais ce n'est pas
vrai. La pression, pour le syndicat, repose justement sur
l'établissement de cette liste, parce que si elle n'est pas suffisante
pour assurer les services essentiels et protéger le public, il y a la
suppression de son droit de grève au bout. Donc, le syndicat n'a aucun
intérêt à présenter une liste qui ne soit pas
conforme à ce qu'il faut assumer. C'est là ma
compréhension de ce que devrait être le rapport de forces, si on
veut en arriver à ce qu'effectivement, il y ait des ententes.
D'autre part, je veux vous souligner le danger de votre formule. Le
syndicat, par exemple, pourrait vous dire: Je fournirai 50 personnes et ce que
vous demandez, c'est de pouvoir affecter ces 50 personnes. Je comprends qu'il
s'agit de syndiqués tout le temps, j'exclus les cadres, même si je
suis conscient que les cadres pourraient faire partie ou être l'objet
d'ententes. Mais s'il n'y a pas entente j'exclus les cadres, et je parle
uniquement de syndiqués le syndicat pourrait vous dire: Je
fournis cinquante personnes. Et ces cinquante personnes pourraient être
jugées suffisantes et acceptables par les observateurs autour. Et vous
pourriez avoir de la difficulté avec ces cinquante personnes, dans
l'affectation de ces personnes, à assurer les services qu'il faut
maintenir.
Si le syndicat vous fournit une liste complète,
c'est-à-dire l'affectation des personnes, vous pouvez, dans chacun des
secteurs, faire la preuve que dans ce secteur donné, trois, quatre ou
cinq postes, ce n'est pas suffisant. Autrement dit, vous avez un pouvoir de
preuve ou d'intervention dans chacun des secteurs donnés plutôt
que sur l'ensemble de ce qui vous est offert. Il me semble qu'il y a un
intérêt dans cette formule, dans votre propre intérêt
à vous. Je ne sais pas ce que vous en pensez.
M. Brissette: On va y aller par la multiplicité dont vous
avez parlé. On comprend, dans le projet de loi, si c'était
retenu, que si un établissement avait dix certificats
d'accréditation, il aurait dix listes prépondérantes
éventuelles, s'il n'y avait pas entente.
Et on se demande comment on va pouvoir coordonner dix listes
prépondérantes qui ont été faites de façon
isolée, etc. Quand vous dites qu'il y a une concertation prévue,
cela m'apparaît difficile, surtout si on sort d'une période de
maraudage; la concertation ne sera pas facile.
M. Bisaillon: Dans le cas où vous recevriez effectivement
dix listes, cela serait à votre avantage.
M. Brissette: Pas nécessairement, dépendant de la
composition de la liste et de la nature de la liste aussi.
M. Bisaillon: Quelle est la formule que vous
préféreriez?
M. Brissette: Nous, on préférerait et c'est
plus qu'une préférence que le projet de loi prévoie
que s'il n'y a pas entente au niveau local, que la liste soit une liste de
personnel, par catégories de personnel.
M. Bisaillon: J'ai compris cela, mais en dehors de cela?
M. Brissette: Pardon?
M. Bisaillon: Supposons que la liste resterait telle qu'elle
l'est dans le projet de loi, c'est-à-dire une liste syndicale de
l'ensemble des services à maintenir, ou à fournir, je vous
demande ce que vous privilégeriez à ce moment-là, compte
tenu de ce que je vous dis? Est-ce que vous privilégeriez une liste
unique pour l'ensemble de l'entreprise ou, s'il y a dix unités
syndicales, dix listes?
M. Brissette: Si cela devait rester comme cela, c'est bien
sûr qu'on aimerait mieux une liste unique. C'est sûr. Si cela
devait rester comme cela. Mais si cela devait rester comme cela aussi, vous
verriez dans quelle difficulté notre association se trouverait
vis-à-vis ses membres, à l'effet de leur recommander ou non de
négocier le droit de gérance par les services. A ce
moment-là, lorsqu'on aura une décision à prendre, elle
sera difficile. On la prendra. Est-ce qu'on conseillera à nos membres de
s'abstenir de négocier des services ou de les négocier?
M. Bisaillon: Ne retombez pas dans la même erreur que la
dernière fois. Ne retombons pas collectivement dans ces mêmes
erreurs.
M. Brissette: Ce n'est pas une erreur. On ne peut pas admettre
qu'on laisse le syndicat déterminer des services qui vont être
rendus. C'est un droit de gérance. On ne peut pas le négocier
avant que les négociations ne soient faites.
M. Bisaillon: Ce qu'on défend par le projet de loi 59 et
ce que vous représentez aujourd'hui et ce que les médecins sont
venus nous dire aujourd'hui, et probablement ce que les syndicats vont nous
dire eux aussi, c'est le droit à la santé qu'on
défend.
M. Brissette: Oui.
M. Bisaillon: On va arrêter de parler d'un
côté, du droit de grève et de son exercice total, et de
l'autre côté, on va arrêter de parler, dans certains cas, du
droit de gérance. Si on veut défendre véritablement le
droit à la santé, on ne va parler que de cela.
M. Brissette: Vous devez admettre cependant...
M. Ciaccia:... c'est bien plus simple.
M. Forget: C'est cela qu'ils vont faire, mais à la fin des
négociations seulement.
M. Raynauld: C'est bien plus simple.
M. Bisaillon: Est-ce que je peux demander au député
d'attendre son tour de parole. Il pourra nous...
M. Raynauld: Non, M. le Président, j'ai quand même
le droit d'avoir des réactions.
M. Forget: ... il a le droit de...
M. Raynauld: Cela fait longtemps que j'attends.
M. Brissette: A ce moment-là, il faudrait amender le
chapitre 48.
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!
M. Brissette: C'est le conseil d'administration de
l'établissement qui est responsable de cela. Est-ce que cette loi ou ce
projet de loi va venir amender le chapitre 48, en temps de conflit?
M. Johnson: Si vous permettez, c'est seulement parce que je
voudrais qu'on...
M. Forget: Vous avez tous les droits, M. le ministre.
M. Johnson: J'essaie de voir concrètement. Pourriez-vous
me donner, à l'aide d'un ou deux exemples j'en ai un à
l'esprit, par exemple. Dans un hôpital, vous avez un laboratoire de
biochimie, d'hématologie, de microbiologie et vous pouvez avoir un
laboratoire avec des effets spéciaux, par exemple, l'hématologie
usuelle est séparée du "cross-matching ' dans le cas des
transfusions de sang. Vous avez cinq unités de laboratoire. Vous avez un
même syndicat qui représente l'ensemble des techniciens. Ce que
vous craignez, vous, c'est que le syndicat dise: Très bien, nous autres,
on fournit trois techniciens en biochimie et un technicien en microbiologie et
aucun en hémato. C'est cela qui vous fait peur? (21 h 30)
M. Tremblay (Jean-Claude): Ou encore, M. le ministre, qu'un
syndicat nous dise: On vous laisse un technicien en radiologie. Vous le savez,
cela...
M. Johnson: Qu'est-ce qui le dit?
M. Tremblay (Jean-Claude): Un technicien en radiologie.
M. Johnson: Oui.
M. Tremblay (Jean-Claude): II y a des exemples assez
récents qui prouvent que le fait de faire
cela comme tel, de façon isolée, cela ruine à peu
près complètement le fonctionnement de votre salle d'urgence et
de votre hôpital. Vous êtes, à toutes fins utiles,
obligé de fermer la clinique externe et la salle d'urgence.
M. Johnson: Avec un technicien en radiologie, je suis d'accord
avec vous; mais, en pratique, comment verriez-vous la solution de cela, dans le
cadre où on reconnaît le droit de grève?
M. Tremblay (Jean-Claude): Justement, j'allais dire l'abolition
du droit de grève.
M. Johnson: Vous savez comme moi qu'un radiologiste, qu'un
interne, qu'un résident peuvent servir de technicien en radiologie dans
une salle d'urgence. J'en sais quelque chose, j'étais interne quand
c'est arrivé, dans un hôpital universitaire, bien entendu, parce
qu'il n'y en a pas partout. D'accord.
M. Tremblay (Jean-Claude): M. le ministre... M. Johnson:
Oui.
M. Tremblay (Jean-Claude): ... si la liste, par hasard,
était une liste de personnes disponibles ou de postes que le syndicat va
nous laisser, on pourrait toujours tenter de combler cette lacune par un cadre
ou un médecin. Si vous avez une liste de services c'est tout autre
chose.
M. Johnson: Donnez-moi un exemple, toujours en prenant la
radiologie, entre une liste de services et une liste de personnes
disponibles.
M. Tremblay (Jean-Claude): Selon le taux d'occupation que
l'établissement décide de maintenir, c'est toujours, en soi, une
décision difficile à prendre. Cela dépend, cela aussi, du
nombre de personnes disponibles. Evidemment, c'est la quadrature du cercle
d'une certaine façon. Tous ces services sont tellement
interreliés étroitement qu'il est extrêmement difficile de
parler d'un des éléments sans le relier à l'autre. Je
pense que vous allez en convenir.
Dans le cas que vous citez, on pourrait, selon la décision qui
est prise de maintenir X patients, à cause de leur état et d'un
certain nombre d'autres considérations, dont le nombre de personnes
qu'on nous donne, essayer de faire des affectations qui puissent nous permettre
de maintenir le taux d'occupation dont on a besoin en n'acceptant à
l'urgence que les cas vraiment urgents qui nécessitent eux aussi, vous
le savez, l'utilisation de la radiologie. Je ne pense pas pouvoir vous donner
une meilleure réponse que celle-là. Malheureusement, nous non
plus on n'a pas de solution magique à vous offrir, sinon on vous
l'aurait donnée dans le mémoire.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Sainte-Marie, avez-vous terminé?
M. Bisaillon: Ma dernière question s'adresse aux
représentants des hôpitaux privés que j'ai d'ailleurs
prévenus de ma question. Cela va permettre à M. Bégin de
nous répondre. Comme il est, je pense, assez reconnu que les
hôpitaux privés fonctionnent souvent avec un personnel restreint
par rapport aux hôpitaux publics, les restrictions ou l'orientation de la
loi créent-t-elle plus de problèmes à votre niveau qu'elle
pourraient en créer au niveau des hôpitaux publics?
M. Bégin: C'était peut-être une colle que
vous vouliez me poser. Je vais essayer d'y répondre par une autre.
M. Bisaillon: Je vous pensais mieux que cela, M.
Bégin.
M. Bégin: Premièrement, la clientèle des
hôpitaux privés, comme vous le savez sans doute, se situe dans les
maladies chroniques et aux centres d'acceuil. Pour les malades de longue
durée, généralement, vous avez une idée des soins
qu'on doit leur donner. On ne peut pas se permettre de les laver seulement une
fois par semaine, quand ces gens-là sont incontinents dans leur lit.
Vous comprendrez cela facilement. Si cela prend dix personnes pour laver des
fesses le matin, évidemment, si vous avez seulement une personne, il y a
des fesses qui ne sont pas lavées. Vous savez ce que cela fait dans un
hôpital. A peu près tous les services sont sur cette base et le
personnel, évidemment, on l'a toujours prétendu et on le
prétend encore, est réduit chez nous plus qu'ailleurs
généralement.
Il faut dire aussi que je ne voudrais pas donner raison au projet
de loi 59 dans nos hôpitaux, dans le passé, on n'a pas eu
de ralentissement de travail et on a eu les services essentiels, presque
à 100% partout, après négociation avec le syndicat et
après entente. Le syndicat a travaillé très fort pour
convaincre notre personnel qu'on devait réduire à 30%, à
40%, mais, finalement, on a convaincu le personnel que c'est lui qui aurait
à faire le travail quand même, parce que, dans un hôpital de
soixante lits comme chez nous, s'il y a deux cadres, cela n'aide pas tellement
si on coupe le personnel de moitié. Comme je vous le disais
tantôt, quand bien même j'irais laver des fesses le matin, je
pourrais en laver seulement une certaine quantité, parce que, donner un
bain, cela prend un certain temps et il faut qu'il se donne, de toute
façon, parce qu'on ne peut même pas négliger de lui donner,
sans cela, on va se réveiller avec des plaies de lit et avec de la
pourriture quelque part. Je parle dans des termes pour être compris. Vous
m'avez posé cette question et j'essaie d'y répondre.
M. Bisaillon: Cela veut dire qu'à votre niveau les
ententes sont possibles?
M. Bégin: Dans le passé, des ententes ont
été possibles. Il faut préciser aussi je n'aime pas
nommer des centrales syndicales que là, on était, en
général, avec la FTQ; on a seulement quelques
établissements avec la CSN et on a eu des problèmes avec la CSN.
Il y a eu quelques
ralentissements de travail, et dans les hôpitaux où il y
avait la CSN. On ne l'a pas eu avec le 298.
Le Président (M. Boucher): Terminé? M. Laplante:
Du sabotage!
Le Président (M. Boucher): M. le député
d'Outremont...
M. Raynauld: M. le Président...
Le Président (M. Boucher): Un instant, s'il vous
plaît! Oui?
M. Groulx (André): Je m'excuse, mais on l'a demandé
aux hôpitaux privés. Pour répondre à la question, je
pense que, malheureusement, je ne peux pas dire la même chose que mon
confrère, parce que nous, antérieurement, sur la loi 253, on a eu
des services négociés qui n'ont pas été
respectés. On a une clientèle qui est lourde, mais,
d'après les dernières demandes d'autres organismes, entre autres,
l'ACAQ, on a les mêmes problèmes. On a des gens aux boîtes
qu'on ne peut pas sortir et à qui il faut donner les services. Pour ces
gens, on choisit on l'avait dit, d'ailleurs, dans le mémoire
dans la liste fournie par le syndicat sur le nombre d'employés,
parce qu'on pense qu'à l'intérieur de nos boîtes, c'est
nécessaire, ce qu'on a. Même si je définissais que je peux
en sauver un ou deux, est-ce que la qualité de soins que je vais donner
est fonction du nombre de personnes que j'ai, et je ne peux pas le
réduire? Si le syndicat, parce qu'il a un droit de grève,
prétend qu'il me donne seulement X personnes, l'administration, quant
à nous, ne peut pas être de connivence avec cela. C'est bien
clair, quant à nous.
M. Bisaillon: Dans votre cas, je comprends que, comme la
dernière fois, vous aviez eu des ententes mais qui n'ont pas
été respectées, pour vous, dans ses modalités
d'application, puisque, dans tel cas, cela aurait été la
suspension du droit de grève, c'est une grosse amélioration que
la loi 59.
M. Bégin: Je le souhaiterais, mais je ne suis pas
prophète. Je ne peux pas me prononcer, si c'est une amélioration
ou pas. C'est un changement. Si la notion de services essentiels n'est pas
changée telle qu'elle est présentée, en tout cas, on ne
pense pas que cela résolve le problème, et la
responsabilité des conseils d'administration est celle, en vertu du bill
47, de donner les soins; on n'entend pas la laisser à d'autres.
Le Président (M. Boucher): M. le député
d'Outremont.
M. Raynauld: M. le Président, j'ai manifesté
quelques signes d'impatience aux questions du député de
Sainte-Marie, parce qu'il posait certaines questions que je voulais poser.
C'est pour cela.
M. Bisaillon: Ah! Vous voyez que les grands esprits se
rencontrent.
M. Raynauld: Je ne voulais pas qu'il me les enlève
toutes.
M. Laplante: Cela vous prouve l'intelligence du
député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Cela me fait peur!
M. Raynauld: C'est cela. En effet, il y a eu deux choses qui ont
été mentionnées à propos des services essentiels.
Je pense que les réponses n'ont pas été apportées,
en tout cas, il me semble, pas encore de façon satisfaisante. Il y a le
problème de la multiplicité des syndicats. On a
répété je pense que vous le dites vous-même
dans votre mémoire que les services essentiels, ce n'est pas
quelque chose qui est fixé une fois pour toutes et que cela doit
évoluer. Je ne sais pas quelles sont les réponses à ces
questions, mais il me semble que cela n'a pas été traité
de façon satisfaisante. Je ne sais pas si la concertation des syndicats,
vous avez déjà répondu à cet aspect des choses,
mais la réflexion que je me faisais, c'était que s'il est
question de concertation des syndicats, c'est peut-être l'esprit de la
loi, mais ce n'est pas dans la loi. C'est clair, ce n'est pas dans la loi. A ce
moment, cela voudrait dire que le gouvernement pourrait peut-être vouloir
changer la loi, amender sa loi. Si c'était amendé, à ce
moment, la question se poserait: Est-ce que, pour vous, c'est une solution, la
concertation, pour résoudre le problème de la multiplicité
des syndicats, du fait aussi qu'un syndicat peut avoir le droit de grève
à un moment différent d'un autre syndicat?
M. Laplante: Les questions du député de
Saint-Laurent étaient meilleures.
M. Raynauld: Ce n'est pas à vous que je pose les
questions, c'est à eux. Ce sont eux, les experts.
M. Laplante: Excusez, c'est parce que vous me regardiez.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Bourassa, s'il vous plaît!
M. Chevrette: Accordez-vous donc!
M. Raynauld: Ma deuxième question ensuite: Pour les
services essentiels qui ne sont pas constants, qui ne sont pas les mêmes,
est-ce que vous avez pensé à des solutions à ce
problème? Dans le projet de loi, à l'heure actuelle, si je
comprends bien, c'est fixé, une fois pour toutes, c'est même 60
jours avant le début des opérations, à ce moment, est-ce
que vous avez pensé à un mécanisme qui permettrait
d'adapter ces services essentiels aux situations changeantes qui se
produisent?
Le Président (M. Boucher): M. Tremblay.
M. Tremblay (Jean-Claude): M. le Président, pour commencer
avec la première question, la multiplicité des syndicats, il faut
peut-être la comprendre dans le cadre local de l'exercice d'un droit de
grève dans le même établissement, et le fonctionnement d'un
établissement est perturbé si on est d'avis que la loi permet
cette multiplicité de listes, dans la mesure où le service d'un
syndicat qui représente un certain type d'employés n'est pas le
même que celui qu'on devrait avoir pour faciliter l'unité de
fonctionnement du même établissement dans lequel le même
droit de grève s'exerce.
Alors, il va de soi qu'on souhaite ardemment qu'il y ait une certaine
unicité au niveau des services essentiels. J'ai entendu tantôt une
proposition selon laquelle le projet de loi pourrait le prévoir, j'en
suis fort heureux; c'est ce qu'on souhaite ardemment.
Quand à votre deuxième question, nous pensons par
expérience ça fait depuis 1966 qu'on a vu fonctionner
diverses négociations; je parle surtout de ceux qui m'ont
précédé, parce que, personnellement, je n'ai pas cet
historique on pense que la notion de services essentiels doit
nécessairement évoluer non seulement pour tenir compte de cas
d'épidémies qui pourraient, hypothétiquement, toutefois,
nous servir de preuve selon laquelle les services, par entente ou par liste
syndicale prépondérante, comme le prévoit le projet de
loi, devraient faire l'objet d'une révision...
On a été surpris, d'ailleurs de voir que la commission sur
les services n'est pas habilitée à porter un jugement, au point
de départ, sur la nature de ces services. Elle peut, toutefois
c'est notre compréhension des choses porter un jugement sur le
maintien de la liste de services, mais, quant à la notion de suffisance
de ces services, ainsi que leur évolution dans le temps, pour tenir
compte d'une situation qui est, elle-même, évolutive, on aurait
souhaité que le projet de loi permette, non seulement par voie
d'entente, mais peut-être aussi par voie d'un arbitrage quelconque, de
mieux tenir compte de la situation évolutive, quant à l'admission
ou à la santé d'une population, mais, à ce
moment-là, disons, localement ou, au mieux, régionalement.
M. Raynauld: Une autre question, M. le Président, à
propos de cette liste prépondérante, la liste syndicale.
Je pense que, là aussi, il y a des problèmes
sérieux au sujet des responsabilités que vous avez. Est-ce qu'on
ne s'enferme pas un peu quand on se limite à considérer
simplement des listes syndicales qui seraient soit du personnel, tel que vous
le suggérez, du personnel qui serait à offrir, soit la
proposition du projet de loi, qui est une définition de services?
Est-ce qu'il ne serait pas possible d'envisager cette liste, même
si elle est syndicale, de façon qu'elle pourrait laisser une certaine
flexibilité à l'administration des hôpitaux, de
façon que ce soit encore à ceux qui sont chargés de la
gestion des hôpitaux de prendre les décisions qui s'imposent,
suivant leur propre jugement? Si vous envisagez seulement des salariés,
comme vous dites dans votre mémoire, les salariés qui seraient
offerts, ça suppose, comme on a tenté de vous le faire dire, que
ces salariés seraient définis. Ce ne serait pas n'importe quel
salarié. Ce seraient des salariés qui seraient des techniciens de
laboratoire, étage no 3. A ce moment-là, c'est vrai que ça
revient pas mal à la même chose que de définir les
services, mais est-ce qu'il ne serait pas possible d'imaginer que le syndicat
serait tenu de fournir des services ou tenu de fournir des gens, mais en
fonction de choix et de préférences, de décisions qui
seraient prises par l'administration?
Il me semble que c'est un très beau cas où, pour
régler un problème ou des conflits de travail, on est
amené à envisager des décisions où la
responsabilité de prendre des décisions sur le choix d'un service
plutôt qu'un autre n'appartient plus à ceux qui en sont
chargés, mais appartient à des syndicats. Moi, ça me
paraît aberrant. Je ne sais pas si on a pensé à la
portée d'une décision comme celle-là, mais moi, ça
me paraît aberrant. A ce moment-là, il me semble qu'il faudrait
dire: Dans les cas de conflits de travail, c'est le syndicat qui va
gérer les hôpitaux. (21 h 45)
M. Chevrette: Ah! Voyons!
M. Raynauld: Ce sont les syndicats qui vont décider quels
sont les services qui doivent être maintenus, quels sont les services qui
ne seront pas maintenus. Je demande...
M. Chevrette: En vertu de l'article 100...
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Raynauld: Quand il y a une entente, il n'y a pas de
problème; quand il n'y a pas d'entente, il y a des
difficultés.
Je demande simplement: Y a-t-il une certaine flexibilité qui
pourrait être introduite même au-delà de ce que vous avez
proposé, puisqu'il semble y avoir des objections même à la
formule que vous avez proposée?
M. Tremblay (Jean-Claude): En guise d'introduction, j'aimerais
rappeler qu'on ne voudrait pas obtenir du syndicat parce qu'il y a un
certain nombre de catégories de personnel mobile dans un
établissement, les infirmières, par exemple on ne voudrait
pas obtenir du syndicat une liste qui dise: Mlle Bourdeau, au bloc 4, demain
matin. On voudrait obtenir du syndicat un nombre total d'infirmières qui
nous seraient disponibles et qu'on pourrait peut-être affecter à
divers services. Je pense qu'il y a une notion qui est quand même
extrêmement importante. C'est ce qu'on reproche à la version
actuelle du projet de loi dans la mesure où notre opinion est que la
façon de maintenir les services dans le contexte d'une liste syndicale
prépondérante ne nous permettrait plus de procéder
à cette affectation dans la mesure où elle
est possible. A ce moment-là, cela affecte
considérablement le fonctionnement de l'établissement en
période de grève.
M. Raynauld: M. le Président, j'avais une dernière
question sur le conseil d'information qu'on a appelé comité
d'après l'article 99e. Je peux vous montrer l'article; cela s'appelle
conseil, conseil d'information, à moins que vous ne l'ayez
changé.
Tout à l'heure, nous avons obtenu des réponses
intéressantes sur la convergence qu'il pouvait y avoir entre le conseil
d'information et les "fact-finding boards" qui sont de plus en plus
répandus. Ce que je voudrais savoir, c'est ceci: Dans la perspective
justement où on a un conseil qui est indépendant, qui donne des
renseignements, est-ce que dans cette perspective, l'article 2, tel qu'il est
là, vous satisfait ou bien si vous désirez qu'il soit
élargi? Je n'ai pas très bien compris votre position à ce
sujet.
M. Tremblay (Jean-Claude): Je vais tenter de l'exprimer le plus
clairement possible. D'une façon pratique, l'information sur la
négociation, après un temps assez court, n'intéresse que
ceux qui participent directement à la négociation ou encore les
patients qui attendent pour entrer à l'hôpital. Je pense qu'on
s'est aperçu, en tout cas dans la dernière négociation,
que l'information... Par ailleurs, le projet n'empêchera pas la partie
syndicale et la partie patronale de fournir leurs propres renseignements en
plus du comité qui est créé et qui, lui, a le mandat de le
faire sur une base objective.
Toutefois, il y a un degré de saturation qu'on pense, par
expérience, atteindre quand même assez rapidement. On pourrait
peut-être citer plusieurs exemples de ces cas-là. Ce n'est donc
pas le fait de prendre le public à témoin des négociations
comme telles qui peut favoriser rapidement un règlement. On pense que la
valeur de l'agence qui est créée, de la régie ou de la
commission, c'est son objectivité. C'est son mandat de pouvoir aller
d'une partie à l'autre et d'avoir le droit, même la
responsabilité, d'informer le public sur les positions des parties. On
souhaiterait que cela aille jusqu'aux enjeux des négociations comme
telles. J'avoue que c'est un peu plus difficile, quand on parle des enjeux, de
représenter publiquement et objectivement les positions des deux
parties, mais encore une fois je reviendrai à notre hypothèse de
base. C'est que l'arbitrage ultime ne peut être fait que par le
gouvernement et dans ce sens-là on croit qu'une information au public
peut être déterminante dans les décisions que le
gouvernement aura à prendre dans l'arbitrage qu'il a à faire.
Je suis conscient de ne pas répondre complètement à
votre question.
M. Raynauld: Je vais être un peu plus précis sur un
point particulier. Ce conseil d'information existe; il est prévu par la
loi. Alors, vous dites: On veut qu'un conseil d'information existe; il existe
suivant le projet de loi actuel. La question que je vais donc poser de
façon un peu plus précise et particulière est la suivante:
Est-ce que vous préfé- reriez que ce conseil d'information ait
plus de liberté, plus d'initiative, de pouvoirs d'initiative sur le plan
de cette information ou qu'il s'en tienne exactement à ce qui est
indiqué ici? Le conseil peut faire rapport en tout temps à la
demande d'une des parties. Mais à ce moment-là, cela voudrait
dire qu'il ne pourrait pas de lui-même décider que là ce
serait le moment de donner de l'information au public, parce que cela aurait un
certain impact ou parce que cela ferait avancer les négociations.
M. Tremblay (Jean-Claude): Non, on n'est pas de ceux qui
redoutent l'information au public, au contraire, on le mentionne à la
page 8 de notre présentation, et on souhaiterait, on parle toujours de
souhaits, que le mandat de cette commission puisse être le plus large
possible, pour que le public soit informé des enjeux de la
négociation.
M. Raynauld: Les enjeux de la négociation sont
indiqués également à l'article 99e, est-ce que, pour vous,
cela implique la même chose que ce que vous dites en page 8, je vais vous
citer: "Pour mesurer l'effet des arrêts de travail sur la vie et la
santé de la population..." Est-ce que les enjeux de la
négociation comprennent cela?
M. Tremblay (Jean-Claude): Au risque de me répéter,
je pense qu'on souhaiterait voir un lien plus étroit entre la commission
d'information et le bagage d'informations que le gouvernement aura à
considérer lorsqu'il aura à suspendre temporairement le droit de
grève.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Je voudrais revenir, M. le Président, sur un
point, la multiplicité des listes syndicales, pour faire suite à
ce que dit le député d'Outrement. Je vais tenir pour acquis que
le patron est intelligent quand il négocie, même dans les
hôpitaux, et je le dis à plus forte raison, puisque j'ai
été membre d'un conseil d'administration d'hôpital.
Une Voix: Ah! c'est pour cela.
Une Voix: Cela explique tout.
M. Chevrette: Je voudrais dire que c'est peut-être plus
facile, je fais une affirmation et je voudrais entendre vos commentaires, de
négocier des services essentiels à partir de services, en
identifiant des services, si on a une unité d'accréditation
devant nous. Mais, d'autre part, s'il y a une multiplicité
d'accrédiations, qui est basée un peu sur des services, n'est-ce
pas plus facile de laisser tomber éventuellement un service au complet?
Prenons la radiologie, parce que l'exemple a été pris, il ne
veulent rien savoir, ils sont difficiles. Vous ne discutez pas et ils vous
offrent un radiologiste. Vous savez, à toutes fins utiles, que le
lieutenant-gouverneur en conseil n'acceptera
jamais qu'il y ait grève avec un seul radiologiste, oui, un
technicien en radiologie. Est-ce qu'à ce moment-là cela ne
devient pas d'autre part un aspect très facile? Tout en regardant le
portrait global, car vous avez à regarder le portrait global de
l'hôpital, il y a neuf services, théoriquement, donnons un
exemple, les techniciens en radiologie vous offrent un seul technicien. C'est
une unité. Vous vous arrangez avec les huit autres, vous laissez tomber.
C'est la liste qui joue et ils vous offrent un technicien. Vous savez
pertinemment que cela joue pour vous autres. Je pense qu'il y a une
incompréhension au niveau de la négociation, de ce que c'est que
la négociation elle-même. Je tiens pour acquis que quand vous avez
à négocier les services essentiels, vous regardez le portrait
global des services à dispenser dans le cas d'une fermeture
éventuelle due à une grève. S'il y a des unités qui
ne fonctionnent pas avec le schéma ou le patron que vous vous êtes
donnés, à ce moment-là, vous avez deux recours
éventuellement, le recours d'un refus de liste dans un premier temps par
le lieutenant-gouverneur en conseil ou le recours par le deuxième
pouvoir qui est donné au lieutenant-gouverneur en conseil par le danger
de la santé publique, qui est aussi dévolu au
lieutenant-gouverneur en conseil. Si vous avez des corrections, apportez-les
tout de suite parce que je vais embarquer là-dedans.
M. Brissette: C'est que le refus de liste par le
lieutenant-gouverneur en conseil, on n'a pas vu cela dans le projet de loi.
M. Chevrette: Ce n'est pas le refus de liste, mais c'est
l'insuffisance de la dernière liste fournie, advenant une
mésentente.
M. Brissette: A ce moment-là, cela veut dire la suspension
automatique du droit de grève.
M. Chevrette: La suspension automatique du droit de
grève.
M. Brissette: Ce sont deux notions bien différentes.
M. Chevrette: C'est cela. Quand je dis refus de liste, c'est le
lieutenant-gouverneur en conseil qui juge que la dernière liste fournie,
parce qu'il n'y a pas eu entente entre le patron et le syndicat, est
insuffisante pour donner les services essentiels; donc, cela vous donne deux
recours éventuellement.
M. Tremblay (Jean-Claude): Oui, mais on a compris, dans le projet
de loi, que le gouvernement n'intervenait que lorsque l'exercice du droit de
grève était en place et que la santé publique était
menacée. Alors, on le suspend. Donc...
M. Chevrette: Cela peut même être avant l'utilisation
du droit de grève. Cela peut être dès l'émission de
l'avis.
M. Tremblay (Jean-Claude): Je n'avais pas lu cela. C'est une
notion avec laquelle...
M. Johnson: C'est la notion de grève
appréhendée, en fait.
M. Tremblay (Jean-Claude): La notion de grève
appréhendée.
M. Chevrette: A ce moment-là, il y a deux recours
possibles.
M. Tremblay (Jean-Claude): Je pars de la même
hypothèse que vous, au fond. Vous présumez que les patrons sont
intelligents; moi, je présume qu'un syndicat multiple d'un
établissement est assez intelligent pour développer une
stratégie qui va peut-être nous mettre, plus souvent qu'autrement,
dans une situation, étant donné que la grève comme telle
est une pression pour obtenir que l'employeur concède un peu plus dans
une négociation... les syndicats ne sont pas fous non plus.
Alors, on part de la même présomption, vous et moi. On se
dit: Dans ce cas-là, pour éviter qu'il y ait une distorsion, en
principe et en pratique, je pense que vous la concevez aussi en pratique...
elle va rendre plus difficile le fonctionnement de nos établissements.
Je pense qu'il faut en convenir. Si c'était possible, cela l'est
peut-être, il serait beaucoup plus facile et plus souhaitable d'envisager
une liste unique. Qu'on demande aux syndicats accrédités dans
l'établissement où la grève s'exerce de se concerter pour
établir une liste qu'ils puissent offrir sur une base concertée
à l'employeur.
M. Chevrette: Le projet de loi, vous concevez qu'il est
basé sur l'unité d'accréditation et qu'il peut même
y avoir différentes allégeances syndicales à
l'intérieur des unités accréditées.
M. Tremblay (Jean-Claude): Oui, mais je comprends aussi que
l'esprit du projet de loi n'est pas de permettre à tout prix et le plus
fréquemment possible au gouvernement, au lieutenant-gouverneur en
conseil d'intervenir dans des établissements pour forcer des ententes ou
définir des listes. Je pense que l'esprit du projet, c'est qu'il y ait
une entente sans intervention de tiers. Dans les cas où ça ne se
fait pas, il y a une liste avec laquelle il faut vivre. On essaie de vous
présenter des problèmes pratico-pratiques qui vont se poser et on
se dit: Avant d'adopter le projet de loi qu'on a devant nous, on souhaiterait
que vous considériez ces éléments qui vont peut-être
rendre difficile la tâche qu'on a à accomplir quand on consent
à exercer un droit de grève en même temps que le droit
à la santé.
M. Chevrette: Dans le gros concret, au niveau des services
généraux, il n'y a pas tellement de difficulté, même
pour une concertation. C'est plutôt au niveau des services
spécialisés que vous avez, bien souvent, des unités
marginales, même
quant à l'allégeance. Ce peuvent être des
groupements indépendants. On peut avoir une divergence de vue dans une
concertation globale. Mais à ce moment-là j'aurais
aimé d'ailleurs que le député d'Outremont soit ici
s'il y a une unité d'accréditation isolée qui
décide de faire cavalier seul, qui risque de compromettre la vision
globale des services essentiels que vous aviez au départ, le
lieutenant-gouverneur en conseil peut juger de la validité de cette
liste dans un premier temps et, dans un deuxième temps, il peut
même se prononcer sur les dangers que représente une grève
dans un tel secteur.
Donc, ça atténue de beaucoup... je pense qu'il ne faut pas
prendre panique face à la situation concrète qui peut se
présenter. C'est ce que je voulais décrire un peu. On semble
dramatiser autour de la multiplicité des unités
d'accréditation. Si on tient pour acquis que le patron est intelligent,
on doit présumer aussi, tout aussi intelligemment, que le syndicat a une
capacité de concertation. S'il y a une chose, c'est que les syndicats
ont démontré une capacité de concertation dans le
passé, peut-être plus que du côté patronal, du moins
dans certains secteurs. On ne se le cachera pas ici.
Donc, à partir de là, il reste peut-être des
unités isolées qui ne "clickeront" pas avec la majorité
des unités accréditées au sein d'un établissement,
mais qui peuvent, par exemple, être contraintes d'en arriver à
fournir quelque chose de valable, parce qu'il y a deux contraintes. C'est
ça que je voulais démontrer. Le député d'Outremont
n'y étant pas, il lira dans le journal des Débats que vous
étiez d'accord avec moi.
M. Bégin: Sur la capacité de concertation des
syndicats, je ferai remarquer à M. le député qu'elle se
fait quand il s'agit de faire du mal, pas quand il s'agit de faire du bien.
Ça ne va pas tout à fait aussi bien...
M. Chevrette: Ce n'est vraiment plus la même
présomption que vous faites avec M. Tremblay. C'est Tremblay, votre
nom?
M. Bégin: Je parle au nom de mon association,
c'était convenu dès le début. (22 heures)
M. Chevrette: J'ai compris que c'était une autre
divergence de plus à votre palmarès.
M. Tremblay (Jean-Claude): C'est toujours difficile de faire
front commun.
M. Chevrette: J'ai remarqué cela. D'ailleurs, j'en ai
vécu.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Chevrette: Ce n'est pas vous.
M. Forget: Merci, M. le Président. J'ai une brève
question, suggérée par les propos qu'on vient d'entendre de la
part du député de Joliette-
Montcalm, qui suggère que c'est tellement tentant pour tout le
monde de s'entendre qu'il n'y aura pas de problème, qu'il ne veut pas
dramatiser, qu'il veut essayer de faire la démonstration que tout allait
bien dans le meilleur des mondes. Je me demande jusqu'à quel point les
représentants des différents groupes qui sont ici croient
qu'effectivement il y aura, en vertu de cette nouvelle loi 59, des amendements
au Code du travail, une incitation véritablement plus sensible, ou plus
forte, pour les différentes parties, à en venir à des
ententes sur les services essentiels.
J'écoutais le député de Sainte-Marie, ou
peut-être était-ce le député de Joliette-Montcalm,
un peu plus tôt, qui a tenté une démonstration à cet
effet. Cela m'a laissé un peu sceptique. Il est vrai que, du
côté syndical, on ne peut pas le nier, il y a toujours la
tentation de présenter une offre ou une liste très modeste, la
plus modeste possible, avec la chance, qui va peut-être se
matérialiser dans certains cas, que la responsabilité d'une liste
extrêmement modeste soit partagée avec l'administration,
contribuant ainsi, et utilisant, en quelque sorte, la force de l'adversaire,
à son propre avantage de négociation, ce qui est
évidemment toujours intéressant, en faisant consentir l'autre
partie à une privation de services vraiment la plus considérable
possible. Si cela ne marche pas, il reste toujours la possibilité que la
liste syndicale ait préséance.
Du côté du syndicat, il y a, bien sûr, une certaine
indication à avoir une liste, mais une liste qui n'a peut-être pas
grand-chance d'être acceptée. Du côté patronal, je ne
sais pas s'il y a une grande incitation non plus à concourir. Dans te
fond, pourquoi concourir à une liste et en assumer une partie de la
responsabilité, avec toutes les difficultés de négociation
que cela comporte, si, en s'abstenant de la négocier, on peut faire
assumer par le gouvernement la responsabilité des décisions qui
devront être prises?
En définitive, puisque le ministre ou le Conseil des ministres
peut suspendre le droit de grève, s'il n'est pas satisfait du
résultat final qui est la liste prépondérante, pourquoi
les deux parties assumeraient-elles cette responsabilité, alors qu'elles
peuvent la faire assumer par quelqu'un d'autre? Quel intérêt
ont-elles à assumer une partie de la responsabilité, étant
donné que de toute façon, quant à l'ensemble des
négociations, le gouvernement assume presque tout le pouvoir de
décision? Quel altruisme ferait bouger les administrateurs dans les
centres hospitaliers en particulier, d'assumer le coût d'une partie de la
négociation, et peut-être la plus odieuse, et de dire: Nous sommes
satisfaits qu'on va donner vraiment tous les services essentiels, avec ce qu'on
vient de signer? Peut-être que cela ne marchera pas, peut-être que
c'est vraiment insuffisant, peut-être qu'on a fait une erreur.
Peut-être que le fameux conseil de sages va décider, après
coup, qu'on s'est trompé et qu'on a conclu une entente qui va à
l'encontre de l'intérêt public.
Si on n'est pas soi-même vitalement et centralement engagé
dans les négociations, je me demande quel est le ressort sur lequel le
gouverne-
ment et le député de Joliette-Montcalm, en particulier,
comptent, pour qu'il y ait cet altruisme extraordinaire au moment de l'entente
sur les services essentiels. Est-ce que cela vous impressionne qu'il y ait
effectivement une motivation forte pour des ententes locales?
M. Tremblay (Jean-Claude): On peut vous dire que les
consultations récentes qu'on a pu effectuer auprès du
réseau hospitalier et je voudrais m'exprimer d'une façon
très candide démontrent l'existence de deux factions qui
sont tout à fait à l'opposé, l'une de l'autre. Il y a des
administrateurs qui disent: II n'est pas question qu'on en vienne à une
liste syndicale prépondérante, donc, on va négocier
à tout prix.
Il y a une autre faction qui dit: Etant donné que si le
résultat de mes négociations n'est pas probant, c'est le syndicat
qui détermine les services, je ne perdrai pas mon temps à
négocier; je vais leur offrir tout de suite la liste syndicale. Sur la
base des consultations qu'on a effectuées d'une façon bien
candide, je vous dis clairement qu'il y a deux factions dans ce
cas-là.
Je peux peut-être ajouter que si on parle d'une liste de services
et de la façon de les maintenir, je pense que la deuxième faction
va devenir beaucoup plus importante qu'elle ne l'est actuellement. C'est sur la
base des consultations effectuées jusqu'à maintenant, en clair,
l'opinion qu'on peut vous donner de nos conseils d'administrations
d'établissement.
Le Président (M. Boucher): M. Bégin, vous
aviez...
M. Johnson: Oui, M. Bégin.
Le Président (M. Boucher): M. Bégin.
M. Johnson: Non... comme un mécanisme. Vous êtes
bien conscients que le chapitre 48 prévoit également la
possibilité de mise en tutelle d'un conseil d'administration.
J'espère que vos membres qui voudraient, par leur attachement à
une conception du "law and order" qui dépasse peut-être un peu
l'évolution de la société, s'adonner à des
pratiques jusqu'au-boutistes sont très conscients que la sanction, c'est
la mise en tutelle de l'hôpital, ce que le gouvernement n'a pas le
goût d'essayer, pas plus qu'il a l'intention, a priori, de menacer tout
le monde de suspendre le droit de grève, la sanction d'une attitude
irresponsable et il faudra que ce soit cela dans un cas comme dans l'autre.
Je connais les efforts que déploie votre association cependant
auprès de ses membres pour les inciter à avoir des relations de
travail qui soient les plus saines possibles. Je ne voudrais qu'en aucune
façon cela ne soit le reflet, sur vous en tant qu'association, de mes
commentaires. D'ailleurs, tout récemment, on a vécu et on vit
encore, dans le cas d'un hôpital, une situation un peu de ce type
où, finalement, un conseil d'administration s'installe derrière
le rempart de la loi et fait sem- blant de ne pas s'apercevoir qu'il y a des
problèmes qui peuvent être réglés autrement que par
une attitude juridique et juridiste bornée, parce que c'est cela dans le
cas qui me préoccupe.
Je reviens sur cette question qui m'apparaît essentielle,
puisqu'on parle de services essentiels, de la définition de la liste
syndicale et du problème que cela vous pose. Je pense que le mot clef
qui vous fatiguait, c'est le mot "maintenir" par opposition, par exemple, au
mot "fournir". La notion de maintenir semble recouvrir pour vous finalement la
possibilité pour le syndicat de décider que... Au texte, cela
représente l'article 99j, deuxième paragraphe. On dit: "...
transmettre à l'autre partie et au conseil visés dans l'article
99i, une liste décrivant les services qu'elle entend maintenir... " de
là la construction juridique que vous vous faites, de dire: Dans le
fond, ce que vous donnez au syndicat, c'est un pouvoir qui est normalement
afférent au droit de gérance qui est de dire: II y a tant
d'infirmières et il va y en avoir au bloc 4.
Si le texte disait "les services qu'elle entend fournir en cas
d'arrêt de travail", je suis bien conscient que c'est peut-être
insuffisant, mais je pense qu'on rejoindrait un peu votre
préoccupation.
Ce que vous voulez, c'est que le syndicat fournisse un chiffre du nombre
de personnes qui sont disponibles, deuxièmement qu'on modifie le texte
qui fait qu'on ne met évidemment pas les cadres dans des situations
aberrantes. C'est plus ou moins tenu pour acquis. C'est peut-être un
problème de technique législative bien plus qu'autre chose.
Je suis d'accord. Pour revenir à ce qu'on disait avec les
interlocuteurs qui vous ont précédés, cet
après-midi, je ne pense pas qu'il appartienne à un syndicat de
dire que M. Untel a besoin de soins. Je pense que c'est une décision
médicale. De la même façon, dire que c'est le bloc 4A qui a
besoin de trois infirmières versus cinq, je ne pense pas que c'est
à lui de décider à l'intérieur d'un hôpital,
une fois qu'on a décidé de le contingenter. Ce qu'on dit, c'est
au syndicat, qu'il a d'avoir la possibilité, s'il n'y a pas eu
d'entente, d'exprimer la quantité de services qu'il est prêt
à fournir dans un contexte précis qui peut être
décrit comme étant le contingentement à 40% d'occupation,
etc. Est-ce que je vous comprends bien? Non, ce n'est pas suffisant?
M. Tremblay (Jean-Claude): II nous resterait peut-être une
difficulté, M. le ministre. Je voudrais voir comment vous
répondez, avant qu'on vous réponde, pour notre part, d'une
manière officielle. Si vous parlez du maintien de services à
fournir, est-ce qu'il ne serait pas possible de concevoir qu'on puisse ensemble
s'entendre pour que ce soit du maintien du personnel à fournir, pour
assurer les services? C'est cette notion qui reste encore un peu difficile.
M. Johnson: Parce que, dans le fond, il y a eu des ententes dans
le passé, 50% des cas en 1976. Elles devaient comprendre quelque chose,
ces ententes. Il y avait des listes. La seule différence
entre la liste syndicale et une entente, c'est le fait qu'elle est
signée par une personne. En principe, son contenu évoque les
mêmes objets que les ententes, mais si, dans le passé, vous
êtes parvenus à conclure des ententes, pourquoi les listes ne
refléteraient-elles pas les mêmes notions?
M. Tremblay (Jean-Claude): C'est parce que, dans le cas d'une
entente, il y a deux parties qui sont impliquées, alors que, dans le cas
de la liste, c'est une liste unique de la partie syndicale qui est
prépondérante. Il serait souhaitable, dans ce contexte, qu'on
parle de personnel qu'on va fournir, pour assurer le maintien des services par
l'administration de l'établissement. C'est là qu'est notre
accrochage peut-être.
M. Brissette: M. le Président, on pourrait peut-être
trouver un texte, le nombre de personnes par catégorie et par service
qu'il entend fournir.
M. Johnson: J'essaie de cerner la notion. On ne fera pas de
technique législative ce soir. Il va nous rester quelques jours pour le
faire.
M. Brissette: II y a une différence fondamentale.
M. Johnson: C'est cela. Je posais la question tout à
l'heure au représentant des affaires sociales avec nous. On arrive dans
un hôpital X, il y a une série de cadres, de médecins, de
différents professionnels non syndiqués; ils ne sont aucunement
couverts. En principe, ils ont accès et ils peuvent s'adonner aux
activités usuelles ou extraordinaires dans un contexte de crise.
Deuxièmement, il y a des syndiqués. Les syndiqués ont une
allégeance syndicale, ils peuvent être FTQ, CSN, COPS et autres.
Il y a ceux qui ne seront pas impliqués dans un conflit, en principe,
l'an prochain, c'est-à-dire COPS et la FIQ; c'est déjà un
gros morceau pour bien des hôpitaux. Cela ne simplifie pas le portrait,
remarquez, on est bien conscient de cela. Il y a, d'autre part, la
différence entre l'allégeance syndicale, FTQ, CSN; donc,
personnes en conflit, personnes non en conflit, différents syndicats
possibles. En général, chacune des unités
accréditées représente un corps d'emploi relativement
précis dans l'hôpital; est-ce que ce n'est pas exact? Vous n'avez
pas, habituellement, dans une même unité accréditée,
des infirmières, des techniciens de laboratoire et des gens des
cuisines. Vous avez, en général, des infirmières qui sont
dans une unité, des techniciens de laboratoire dans une autre.
Evidemment, si on parle de l'hôpital de Mégantic où il y a
quinze personnes, c'est peut-être un peu différent, mais, en
général...
M. Tremblay (Jean-Claude): On me fait remarquer, M. le ministre,
que le cas se pose, par exemple, pour les infirmières auxiliaires qui
sont membres de la CSN et des infirmiers qui sont membres de COPS, où il
y a une interrelation très étroite à faire entre le
travail de l'un et de l'autre.
M. Johnson: D'accord. C'est un exemple.
M. Tremblay (Jean-Claude): Oui. Est-ce que vous me permettez de
continuer sur la question...
M. Johnson: Est-ce que c'est le seul cas où c'est un
exemple? Oui, évidemment...
M. Tremblay (Jean-Claude): On pourrait en sortir d'autres.
M. Johnson: Oui, on n'a pas l'inventaire des 2000 certificats,
mais...
M. Tremblay (Jean-Claude): Oui, c'est ça. Il y a pas mal
de classification et de syndicats, mais ce serait relativement facile de vous
fournir une réponse rapide à l'intérieur de 24 heures
là-dessus.
M. Johnson: Oui.
En d'autres termes, à partir du moment où en
général, l'unité accréditée correspond
à un corps d'emploi et un corps d'emploi, en général,
correspond à une unité accréditée, bien qu'il
puisse y avoir des exceptions comme celle-là, à partir du moment
où c'est cette unité accréditée qui fournit sa
liste, en fait, vous avez là la liste d'un corps d'emploi. (22 h 15)
M. Tremblay (Jean-Claude): II y a, d'autre part, plusieurs corps
d'emploi qui sont regroupés dans le même syndicat. Le
problème peut se poser à l'inverse.
M. Johnson: Bon! Cela, par exemple, c'est le cas d'un petit
hôpital où le technicien en radiologie, celui du laboratoire de
biochimie et celui d'un autre laboratoire, et peut-être la technicienne
qui fait les prélèvements de sang en hématologie, sont
tous les quatre dans la même unité. Cela, c'est une
possibilité, et si on vous envoie un technicien en radiologie, ça
ne fait pas de bien bonnes prises de sang. Oui, de toute façon,
remarquez que dans un hôpital où il y a seulement quatre
techniciens, il y a bien des chances qu'il ne fonctionne pas beaucoup, s'il n'y
en a pas quatre sur quatre.
M. Larouche (Réjean): A titre d'information, M. le
ministre...
M. Johnson: M. Larouche.
M. Larouche: ... je pense qu'on peut affirmer que la règle
générale aux Affaires sociales, c'est qu'on a un syndicalisme de
type industriel. Le contraire est l'exception. Ce qui fait qu'on a plusieurs
catégories occupationnelles dans les mêmes unités de
négociation beaucoup plus souvent qu'autrement.
L'exception, elle se rencontre cependant, la plupart du temps, au niveau
des mêmes catégories occupationnelles, à savoir les
infirmières ou les techniciens. Ceux-ci sont souvent dans des syndicats
à part. Pour les autres catégories de salariés, vous
avez...
M. Johnson: Par exemple, les cuisines, l'entretien, la buanderie,
ça peut être la même unité
d'accréditation?
M. Larouche: C'est généralement la même
chose. C'est très rare que ce n'est pas la même chose.
M. Johnson: En pratique, si, par exemple, l'unité X, qui
représente les six personnes de la buanderie, les six personnes qui
s'occupent de l'entretien ménager et les douze des cuisines, si, eux,
vous disent: On vous en donne trois de disponibles, un total de huit de
disponibles, ce que vous voulez, vous, c'est pouvoir dire: On veut deux
cuisiniers ou trois cuisiniers, deux à l'entretien, trois à
l'autre, par opposition à ce qu'on vous désigne deux personnes
pour les cuisines et six pour l'entretien ménager?
M. Larouche: C'est le sens, je pense, des représentations
qui ont été faites. Cela s'inspire un peu, si vous voulez, de
l'interprétation... En règle générale, les gens ont
fait de la teneur de la loi 253 qui, pourtant, employait les termes que vous
utilisez dans le projet de loi no 59...
Dans la loi 253 on disait, à un moment donné: Un accord ou
une décision porte notamment sur le nombre minimal de postes, d'emplois
qui doivent être occupés. Généralement, les ententes
ont porté là-dessus. Les gens ont interprété les
termes généraux de la loi 253 comme signifiant cette
interprétation ou cette précision que ce paragraphe, que je viens
de lire, apportait.
Alors, dans le fond, les ententes ont porté sur les nombres de
postes, très souvent. En tout cas, pour ma part, je ne connais pas
d'ententes où on décrit la façon de maintenir les
services, par exemple. Je ne dis pas que ça n'existe pas, mais moi, je
n'en ai jamais vu. Et les gens s'entendaient sur des nombres de postes.
M. Cloutier (Pierre): Dans le cas des centres d'accueil, vous
allez retrouver aussi, dans la même unité de négociation,
des infirmières, à l'occasion, des éducateurs, les gens
des cuisines, les gens préposés à l'entretien
ménager. C'est relativement courant et c'est ce qui constitue tout le
problème dont vous parliez tantôt.
M. Johnson: Donc, pour vous, il faudrait qu'il y ait une
référence au poste d'emploi, le nombre de personnes disponibles
par poste.
M. Cloutier (Pierre): Catégorie de poste. M. Johnson:
Par catégorie de poste.
M. Cloutier (Pierre): Je vois mal quelqu'un qui est
généralement à la cuisine dans un centre d'accueil pour
mésadaptés sociaux affectifs de 17 et 18 ans se ramasser dans les
unités sécuritaires avec ces enfants-là. Je pense que la
dame trouverait les temps difficiles.
M. Larouche (Réjean): Si cette approche était
retenue, je pense que cela laisserait le choix pour la partie
complémentaire de services qui peuvent être rendus par des gens
qui ne proviennent pas des unités de négociation. En fait, si on
employait une formule comme celle-là, toute la
complémentarité de services qui peuvent être
dispensés par des gens qui ne sont pas syndiqués demeurerait
à la discrétion de la partie patronale et on pourrait, selon les
impératifs du moment, décider d'en donner plus ou moins.
M. Bisaillon: Par des cadres.
M. Larouche (Réjean): Par des cadres, oui.
M. Johnson: Les non-syndiqués cadres.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, c'est un bref commentaire
étant donné le caractère des remarques que le ministre a
faites tout à l'heure. J'aime mieux l'attitude qu'il a adoptée
durant les dernières minutes que celle qui a immédiatement
précédé à savoir de considérer
sérieusement les objections soulevées par les groupes qui sont
devant nous, relativement justement à l'objet sur lequel doit porter la
garantie des services essentiels, la formulation de ces choses qui, selon nos
invités, devrait porter sur le nombre de postes plutôt que sur les
services à fournir et les moyens de les maintenir. Je l'invite
également à accorder le même sérieux au moins
à la considération sur les délais.
Je pense que de ce côté-là il y a deux
problèmes qui sont sérieux et qui peuvent mettre en péril,
à supposer même que l'application de la loi soit observée
à 100%.
Pour ce qui est des remarques que le ministre a faites tout à
l'heure et que l'on pourrait qualifier de menaces de tutelle... Oui, j'emploie
le conditionnel; j'aurais pu être plus direct, mais laissons le
conditionnel. Je crois que ce serait une victoire à la Pyrrhus pour le
gouvernement de mettre à exécution une telle menace dans un
contexte comme celui qui est envisagé. De toute façon, les
hôpitaux ont déjà connu cela sous un gouvernement qui a
précédé à la fois l'actuel et le
précédent, pour ne pas le nommer, et ils ont survécu. Mais
ce qui n'a pas nécessairement survécu ou qui a pris plus de temps
à se restaurer, c'est un certain sens de collaboration active et
positive. Je pense que, avant de considérer des mesures aussi
extrêmes, le ministre fait bien d'être effectivement attentif et
soigneux dans la préparation et la version finale de ce projet de
loi.
De toute manière, même s'il mettait sa démarche ou
sa menace à exécution, il ne ferait qu'obtenir, par sa propre
initiation, ce qu'il voudrait éviter au départ,
c'est-à-dire le fait de se retrouver, comme gouvernement, avec la
responsabilité intégrale de la négociation, ce que,
visiblement, il
cherche à éviter dans une certaine mesure et qui ne peut
être évité qu'avec la collaboation des parties patronales
qui sont les partenaires du gouvernement. Pour cela, je pense qu'il a besoin de
les écouter avec attention, même s'ils sont extrêmement
prudents et mesurés dans leurs commentaires sur un projet de loi sur
lequel ils ne sont visiblement pas d'accord dans tous ses détails. Je
crois qu'ils ont fait leur part pour ne pas provoquer l'irritation ou la
mauvaise humeur gouvernementale et qu'ils méritent donc une oreille plus
attentive, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Johnson: M. le Président, je ne voudrais pas qu'on se
relance les derniers commentaires pendant une demi-heure, mais, sur le dernier
commentaire du député de Saint-Laurent, je n'ai fait aucune
menace à nos interlocuteurs. J'ai simplement évoqué le
fait, comme la déclaration gouvernementale le faisait, il y a un mois et
demi, qu'une des sanctions possibles ou un des modes d'intervention du
gouvernement dans une situation de crise dans le secteur hospital ier.c'est,
entre autres, la mise en tutelle, si cela est jugé nécessaire.
Et, si je le dis, je pense que l'ancien ministre des Affaires sociales en est
parfaitement conscient, c'est que je pense que l'AHPQ ne peut pas être
responsable des gestes de tous et chacun des directeurs de personnel des
quelques centaines d'institutions hospitalières qu'elle
représente.
Il y a, je suis sûr, à l'intérieur du réseau
des affaires sociales, de la même façon qu'à
l'intérieur des réseaux syndicaux, des gens dont le degré
d'éveil aux transformations de notre société est assez
variable et je pense que ces perceptions peuvent influencer
considérablement, dans certaines occasions, leur comportement, les
amener à poser des gestes qui sont regrettables et devant lesquels le
gouvernement ne peut pas faire autrement qu'agir. C'était simplement la
perspective dans laquelle je voulais situer cette discussion et j'ai pris la
peine de dire que je sais que l'AHPQ fait des efforts considérables pour
venir en aide, finalement, à des conseils d'administration qui, dans
certains cas, sont un peu pris au dépourvu devant...
Vous savez, c'est comme la PME qui voit arriver la CSN. C'est la
perception de certaines centrales syndicales par certaines des petites
entreprises, les voir comme des ogres qui vont venir les bouffer
complètement. On sait qu'il y a des groupes comme la chambre de commerce
qui essaie d'apprendre aux dirigeants d'entreprise qu'on peut vivre avec un
syndicat et je me dis que, dans le secteur hospitalier, il y a peut-être
parfois des réflexes PME dans certains hôpitaux, compte tenu du
type de composition de nos conseils d'administration d'hôpitaux depuis le
fameux bill 65.
C'est seulement dans cette perspective, d'ailleurs, que fort sagement la
réforme Castonguay a fait en sorte que le gouvernement conserve ce droit
d'intervention par tutelle, si ça devenait nécessaire. Ce
n'était pas du tout agressif, c'était plutôt une
constatation de fait.
M. Forget: Ils ont à choisir entre la CSN ou le
ministre.
M. Chevrette: Vous savez bien qu'ils vont choisir le
ministre.
Le Président (M. Boucher): Oui?
M. Lavigne: Si vous permettez, avant de terminer, j'aurais
aimé que la rencontre se termine sur la note du ministre, mais tenant
compte que je n'ai pas eu l'occasion d'intervenir, je voudrais seulement
soulever un point que le député de Saint-Laurent a soulevé
tout à l'heure et le reprendre en disant que c'est minimiser ou ne pas
avoir confiance aux représentants, autant syndicaux que patronaux, que
de soupçonner que les deux parties, plutôt que de se pencher sur
une liste de services essentiels à mettre à jour, refileraient la
décision au gouvernement.
Je pense que c'est ne pas leur faire confiance et ne pas croire que les
deux parties, lors d'une telle négociation, sont là pour
justement voir aux services essentiels. Ce sont, je pense, des gens qui ont des
consciences. Ils ont été nommés et on leur fait confiance
dans chacun de leur secteur. Prétendre que ces gens mettraient de
côté la liste sur laquelle ils devraient travailler pour la
refiler au gouvernement, je pense que c'est minimiser le rôle, la
responsabilité et la valeur de chacun de ces hommes.
Je pense qu'on doit leur faire confiance. Même si chacune des deux
parties est au seuil d'une négociation, il y a deux forces qui doivent
s'affronter et qui ne doivent pas, en dépit de ce fait, perdre de vue
qu'ils sont les gens du domaine de la santé, les gens qui ont entre les
mains les malades. Je pense que ce serait ne pas leur faire confiance que de
prétendre qu'ils pourraient mettre de côté une chose aussi
essentielle que les services essentiels de santé pour sauvegarder leur
force de négociation.
Donc, je regrette un peu le manque de confiance que le
député de Saint-Laurent a démontré face aux deux
parties en cause.
M. Forget: ... sûrement.
M. Lavigne: Je n'arrive pas au pays, c'est exactement la remarque
que vous avez faite tout à l'heure en disant qu'ils étaient pour
refiler ça au ministre.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Beauharnois. M. le ministre, pour le mot de la fin.
M. Johnson: M. le Président, je veux simplement remercier
les représentants de toutes les associations qui sont venues nous
rencontrer. Je pense que cela a produit quelque chose, malgré les
appréhensions du député de Saint-Laurent qui voyait
là un exercice purement formel.
M. Forget: L'éducation du ministre.
M. Johnson: Pas seulement l'éducation. Je pense que les
membres de cette commission ont pu être saisis de problèmes
réels qui peuvent être posés par cette loi. En terminant,
je vous remercie et je nous souhaite tous bonne chance.
Le Président (M. Boucher): Je vous remercie.
M. Brissette: M. le Président, je voudrais vous remercier,
ainsi que tous vos collègues, d'avoir bien voulu nous entendre.
J'espère que vous allez retenir l'essentiel de ce qu'on a voulu vous
livrer.
Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup. Au nom de tous
les membres de la commission, je vous remercie.
Demain matin, avec l'ordre de la Chambre, les organismes qui sont
invités pour la journée sont: La Centrale des syndicats
démocratiques, le Syndicat des employés d'hôpitaux de
Montréal Inc., l'Union des ergothérapeutes du Québec, le
Cartel des organismes professionnels de la santé Inc., la
Confédération des syndicats nationaux, la Centrale de
l'enseignement du Québec, la Fédération des travailleurs
du Québec, la Fédération des infirmières et
infirmiers du Québec, la Fédération des employés
municipaux et scolaires du Québec et le Montreal Council of Hospital
Syndicates.
La commission du travail et de la main-d'oeuvre ajourne ses travaux sine
die.
(Fin de la séance à 22 h 30)