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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le mardi 20 juin 1978 - Vol. 20 N° 143

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projets de loi no 52 - Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction


Etude du projet de loi no 59 - Loi modifiant le Code du travail


Journal des débats

 

Etude des projets de loi nos 52 et 59

(Douze heures six minutes)

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, madame et messieurs! Veuillez prendre vos places, s'il vous plaît!

La commission du travail et de la main-d'oeuvre est réunie pour l'étude article par article du projet de loi 52, Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction, et du projet de loi 59, Loi modifiant le Code du travail.

Les membres de cette commission sont: M. Bellemare (Johnson), M. Bisaillon (Sainte-Marie)...

M. Brochu: M. Bellemare (Johnson) est remplacé par M. Brochu (Richmond).

Le Président (M. Laplante): M. Bellemare (Johnson) remplacé par M. Brochu (Richmond), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gravel (Limoilou), M. Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois), M. Pagé (Portneuf)...

M. Forget: M. Pagé (Portneuf) est remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie).

Le Président (M. Laplante): M. Pagé (Portneuf) remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Roy (Beauce-Sud), M. Vaillancourt (Jonquière).

Les intervenants sont: M. Blank (Saint-Louis), M. Brochu (Richmond), M. Gosselin (Sherbrooke)... Je m'excuse, M. Brochu (Richmond) disparaît. M. Jolivet (Laviolette), M. Laplante (Bourassa), M. Lefebvre (Viau), M. Paquette (Rosemont), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson (Rouyn-Noranda). Avez-vous un rapporteur à proposer?

M. Bisaillon: Le député de Limoilou.

Le Président (M. Laplante): M. Gravel (Limoilou) sera le rapporteur. Par quel projet préférez-vous commencer?

M. Brochu: Par le projet de loi 52, je pense.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre, par quel projet commencez-vous?

M. Johnson: Par le projet de loi no 52.

Projet de loi no 52

Le Président (M. Laplante): J'appelle le projet de loi no 52, Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction. M. le ministre.

Exposé préliminaire du ministre M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson: M. le Président, brièvement, étant donné que nous n'avons pas fait de discours en deuxième lecture, simplement quelques commentaires brefs sur le contenu de ce projet. Il y a deux domaines qui sont touchés par le projet de loi, d'abord la question qui est conséquente à l'adoption du règlement de placement, c'est-à-dire des mécanismes d'appel en matière de règlement de placement. Deux sortes de mécanismes d'appel pour deux sortes de droit finalement qui sont touchés: D'une part, ce qu'on pourrait appeler des droits collectifs et d'autre part, des droits reliés aux individus. Les droits collectifs appellent pour un reproche de discrimination ou une insatisfaction, par exemple, d'un bureau de placement syndical qui n'obtiendrait pas sa licence. Pour un recours de cette nature, pour un problème de cette nature, il y aurait appel au tribunal du travail de la décision de l'office de ne pas accorder une licence de bureau de placement à un bureau de placement syndical.

Deuxièmement, pour les recours dits individuels, la personne, par exemple, qui considère que son certificat ne fait pas état du bon nombre d'heures qu'elle a travaillé et ça peut signifier la différence entre être classé A ou B sur un certificat, donc, plus ou moins de chances d'avoir une priorité au niveau régional dans l'embauche — c'est un droit individuel — nous créons d'abord un droit de révision au niveau de l'office. Deuxièmement, nous créons un droit d'appel par un arbitre qu'on va appeler commissaire au placement, qui sera du ministère du Travail et qui pourra s'adjoindre ceux qui, à toutes fins pratiques, sont, par exemple, des arbitres dans le domaine des griefs, etc., pour prêter une plus grande mobilité à ces personnes, pour que les décisions soient rendues le plus rapidement possible, par des gens qui ont quand même une connaissance technique de ce que représente la computation des heures, etc.

Deuxième grand chapitre, c'est toute la question de ce que j'appellerais des mesures transitoires face à la prochaine négociation quant à la représentativité des groupes, etc. A ce sujet, d'ailleurs, les membres de la commission me permettront de déposer, avant même que nous n'abordions vraiment l'étude article par article, des projets d'amendements au projet de loi no 52, et je voudrais simplement, brièvement, en expliquer l'historique. J'avais déjà mentionné — parce que le comité Hébert, dont le rapport n'est pas encore rendu public, a dû tarder, pour des raisons qui étaient vraiment hors du contrôle des commissaires, à remettre son rapport — que nous pourrions peut-être procéder à une refonte de la loi 290 dès cet été, ou enfin, avant l'ajournement d'été. Malheureusement, le rapport Hébert a tardé de façon telle que j'ai dû procéder à la rédaction du projet de loi no 52, avant même d'avoir entre les mains le rapport Hébert, dans un but strictement de dispositions transitoires et de clarifier certaines choses pour la prochaine négociation.

Dans ce contexte, les centrales syndicales et particulièrement le Conseil des métiers et la CSN ont réagi au projet de loi no 52 et m'ont, tous deux, fait des représentations qui, je pense, souli-

gnent un minimum d'accord, particulièrement de la part de ces deux plus importantes centrales en termes de nombre, il ne faut pas se le cacher. En termes de nombre, ce sont vraiment les deux centrales qui représentent la très grande majorité des travailleurs de la construction.

A ce titre, j'ai tenu compte de certaines de leurs revendications et de leurs représentations, et je déposerais maintenant le texte d'amendements que j'apporterai et je pourrai, au fur et à mesure, élucider cette question. On pourrait peut-être distribuer les textes...

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent, il a été entendu que vous aviez des répliques.

Remarques de l'Opposition M. Claude Forget

M. Forget: Oui, merci M. le Président. De façon générale, on pourrait dire de ce projet de loi, on pourrait s'attendre à trouver dans ce projet de loi, l'indication qu'on trouve à la fin d'un certain roman feuilleton à suivre au prochain numéro. Il est certain, non seulement à cause du contenu de ce projet de loi, mais à cause de l'existence d'un comité d'étude sur l'ensemble des problèmes de la loi relative aux relations de travail dans l'industrie de la construction, que nous n'avons pas fini d'en entendre parler. On observait que depuis 1968, ce régime particulier des relations de travail a fait l'objet d'une législation presque annuelle, une espèce d'abonnement, et l'abonnement est maintenu par le ministre actuel; il a payé son écot et on va continuer à recevoir d'autres numéros d'un récit qui n'a pas toujours été gai, il y a eu des pages sombres, il y a eu des chapitres tragiques, il y a eu peu de chapitres comiques ou même réjouissants, mais malgré tout, dans l'ensemble, on doit noter une évolution depuis, en particulier, la publication du rapport de la commission Cliche; il y a eu un certain nombre de mesures qui ont été prises à la fois par les travailleurs eux-mêmes, les associations syndicales et par le gouvernement et l'Office de la construction qui semblent avoir contribué à assainir d'une façon notable le climat de travail, le climat des relations de travail dans l'industrie de la construction.

Nous sommes loin, malgré tout, d'une situation où tout aurait été dit. Le comité Hébert qui n'a pu présenter son rapport à temps, comme le ministre l'indiquait, va certainement — du moins, nous l'espérons de ce côté-ci de la table — amener des modifications importantes au régime de négociations qui est beaucoup plus, à l'heure actuelle, le résultat des événements que d'une véritable politique défendable, à long terme, dans un domaine aussi important que celui-là. (12 h 15)

Le fait même que, dans certains articles du projet de loi et des amendements qui nous sont proposés en dernière heure, on retrouve la désignation spécifique des parties à mon avis n'est pas tolerable à long terme, soit du côté syndical, soit du côté patronal, puisqu'il faut permettre dans ce secteur de notre activité économique, dans les autres secteurs, un exercice beaucoup plus libre du droit d'association. Cependant, il ne faut pas, sous prétexte de favoriser la liberté d'association, permettre n'importe quelle sorte de comportement et c'est la raison pour laquelle nous souscrirons, pour l'instant, et dans le contexte justement d'amendements en quelque sorte provisoires, aux propositions faites par le ministre et d'ailleurs appuyées par un consensus du côté syndical.

Il y a une autre modification dans ce projet de loi qui est du droit nouveau relativement parlant, c'est l'inscription d'un droit d'appel des décisions relatives au placement. Lorsqu'on touche au placement dans l'industrie de la construction, on touche à une dimension capitale des règles actuelles dans cette industrie, puisque ce ne sont pas seulement les relations de travail qui échappent au droit commun, au Code du travail, ce sont les activités de placement elles-mêmes, puisque, dans le reste des activités économiques, il n'y a pas de réglementation, il n'y a pas de loi propre à un secteur donné sur le placement, il n'y a pas non plus, et à plus forte raison, d'organisme parapublic ou péripublic ou semi-gouvernemental comme l'Office de la construction, qui a des responsabilités dans ce domaine. Je dois dire, M. le Président, que le règlement relatif au placement des salariés dans l'industrie de la construction, qui a été publié il y a un certain temps, en septembre 1977, et qui entrera en vigueur, si je comprends bien, le 1er juillet 1978, représente la dernière version des efforts gouvernementaux pour réglementer les activités de placement. Je puis dire que, presque indépendamment de son contenu, qui, à certains égards mineurs, présente peut-être certaines améliorations et, à d'autres égards, une détérioration par rapport aux règles précédentes, indépendamment de son contenu, on peut exprimer les doutes les plus sérieux quant au succès de cette ultime — enfin, on espérait qu'elle soit ultime — tentative du gouvernement pour intervenir de façon prédéterminée dans le placement des travailleurs de la construction au Québec. Il est assez remarquable que le Québec, de toutes les juridictions de l'Amérique du Nord, soit le seul endroit, à ma connaissance, où le gouvernement se mêle d'assumer des responsabilités relativement au placement des ouvriers de la construction autrement que par l'accessibilité à des services de placement généraux que les gouvernements maintiennent un peu partout.

Ce qui caractérise les efforts que I'on retrouve dans le règlement relatif au placement, c'est I'adoption de certains critères, de certaines normes de priorité quant au placement. C'est ce qui fait de ce règlement, de cette tentative, depuis le début d'ailleurs, un élément qui caractérise le Québec et qui le distingue, encore une fois, de toutes les autres juridictions en Amérique du Nord.

Quand on est si différent des autres, M. le Président, avec si peu de succès pendant si longtemps, le moment vient où on doit se poser

des questions fondamentales, non pas sur tel ou tel article du règlement relatif au placement, mais sur la conception même d'une responsabilité gouvernementale quant à des priorités, à des règles de priorité à respecter dans les activités de placement dans une industrie donnée. Dans le reste de l'Amérique du Nord, au Canada comme aux Etats-Unis, il est évident qu'il y a des choses qui sont équivalentes dans un certain sens aux responsabilités de placement assumées par le gouvernement du Québec par l'Office de la construction. Mais il est remarquable que ces équivalents, précisément, ne se retrouvent pas dans le secteur public. Ils se retrouvent dans des activités de placement qui sont assumées par les organismes syndicaux, organismes syndicaux qui, d'un autre côté, contrairement à ceux qui ont fonctionné au Québec, en parallèle avec l'Office de la construction et son prédécesseur, assument également la responsabilité d'appliquer les règles de priorité.

Il semble qu'en 1968, quand le gouvernement de l'époque a décidé d'intervenir dans l'industrie de la construction, il ait décidé, de façon, à mon avis, inexplicable, de ne pas trancher de façon cohérente le dilemme suivant: II y a, d'une part, un régime qu'on pourrait imaginer de placement syndical, c'est-à-dire des bureaux de placement syndicaux que le Québec, de toute façon, a continué à connaître depuis 1968, mais qui serait responsable et le seul responsable de l'application de règles de priorité dans l'emploi. Ces règles, on a essayé de les vulgariser en disant: Les vrais travailleurs de la construction devraient avoir la priorité d'embauche dans l'industrie de la construction, ce à quoi on a su ajouter des règles sur la possibilité, dans une région donnée, de donner la priorité aux travailleurs qui vivent dans cette région par rapport aux travailleurs qui exercent leur métier dans d'autres régions du Québec.

Toutes ces règles de priorité dans l'emploi peuvent, selon cette formule, être appliquées tant bien que mal par les organismes syndicaux eux-mêmes, qui, à ce moment-là, ont non seulement le pouvoir qui leur est reconnu d'intervenir dans le placement, mais également la responsabilité face à leurs membres d'appliquer des règles de priorité régionale en termes d'ancienneté ou de temps fait dans l'industrie, etc.

L'autre branche du dilemme serait un régime carrément gouvernemental où seul un organisme gouvernemental aurait le pouvoir d'intervenir et où, possiblement, des règles analogues quant aux priorités d'emploi pourraient être appliquées.

Cependant, le Québec, jusqu'à maintenant, n'a jamais choisi carrément ni l'une ni l'autre de ces alternatives. Ce qui semble s'être produit, c'est un régime où il y avait une action simultanée de bureaux de placement syndicaux et de bureaux de placement gouvernementaux, mais les bureaux de placement syndicaux plus en évidence, beaucoup plus actifs, beaucoup plus efficaces dans le domaine que les bureaux de placement gouvernementaux où, malgré tout, par des pouvoirs de réglementation, le gouvernement devait accepter, supporter la responsabilité de l'application de règles de priorité d'emploi.

C'est le mécanisme hybride qu'on voit consacré une autre fois, mais dans une autre version, par cette réglementation de l'Office de la construction, entérinée par le Conseil des ministres, relativement au placement des salariés.

C'est un régime hybride qui ne peut pas fonctionner. Avant même son entrée en vigueur, je peux faire la prédiction qu'il n'apportera pas plus de satisfaction que les régimes qui l'ont précédé, parce qu'il y a un divorce qui n'est pas tranché entre le pouvoir d'intervention, d'une part, et les responsabilités vis-à-vis des travailleurs, d'autre part. Ceux qui ont la responsabilité d'intervenir, qui ont le pouvoir d'intervenir ne sont pas les premiers responsables de l'application de la priorité et ceux qui sont les premiers responsables de l'application des priorités ne sont pas les premiers responsables de l'application du règlement.

Ceci est dû au fait que le gouvernement a accepté, à mon avis, trop rapidement et trop facilement surtout — du côté de la rapidité, on ne peut pas parler trop longtemps — l'argumentation de l'Office de la construction dans le sens que les pouvoirs que la loi de 1975 lui donne, suite au rapport de la commission Cliche, il ne pouvait pas les assumer. Il lui était nécessaire de disposer d'un délai beaucoup plus long pour le faire. Il se bornerait donc à édicter des règles d'éthique et à surveiller le respect des règles d'éthique. Ce sont tous des raisonnements qui ne sont que superficiellement valides. En fait, ce qui semble manifeste, c'est l'incapacité et l'absence de volonté de la part de l'Office de la construction d'assumer les responsabilités que la loi lui donne et que la commission Cliche voulait lui confier. (12 h 25)

Dès 1976, M. le Président, l'Office de la construction a présenté au gouvernement de l'époque, vers le 30 juin 1976, la veille du jour où le règlement devait être promulgué, un projet de règlement qui a été jugé par le gouvernement de l'époque inacceptable et qui a été retourné à l'Office de la construction comme étant inacceptable, parce qu'il ne comportait aucune disposition voulant faire assumer par l'office la responsabilité que la commission Cliche voulait lui faire assumer.

Quelle n'a donc pas été notre surprise de constater que le gouvernement actuel, comportant malgré tout, non pas parmi ses membres, mais parmi les députés et au nombre des adjoints parlementaires, à l'époque adjoint parlementaire du ministre du Travail, un ancien membre de la commission en question, la commission Cliche, s'est rendu si rapidement aux arguments de l'Office de la construction et a accepté, à toutes fins pratiques, d'entériner dans ses éléments essentiels le projet de règlement qui avait été soumis par l'Office de la construction... Dans la mesure au moins — c'est cela qui est capital — où l'office refusait toujours d'assumer la responsabilité qui était la sienne et qu'elle aurait eu le temps depuis 1975 de s'organiser pour l'assumer, qui était de

veiller au placement elle-même plutôt que par personne interposée, en se prévalant de soi-disant règles d'éthique, de surveillance et de tout ce qu'on veut, qui ne pourront pas fonctionner, à toutes fins pratiques. C'est l'expérience que l'on va vivre au cours de la prochaine année ou de la prochaine année et demie. C'est un règlement qui ne sera pas appliqué, que l'Office de la construction est incapable de faire appliquer effectivement, et on sera de retour ici dans un certain temps pour en faire le constat. Je pense qu'avant d'en faire le constat et de pleurer sur les pots cassés, on peut le prédire d'avance, le gouvernement aurait pu l'anticiper d'avance, ce qu'il n'a pas fait.

Si je mentionne ceci, dans le contexte de l'étude de la loi 52, c'est que la loi 52 propose l'établissement d'un mécanisme d'appel. Le mécanisme d'appel, même s'il comporte quelques failles, va malgré tout aider sous cet aspect. C'est que les problèmes d'application du règlement vont pouvoir être soulevés par les individus qui se sentent lésés et par les associations syndicales qui se sentent lésées et on aura là une source documentée de l'échec de l'application du règlement. C'est donc un grand progrès puisqu'on pourra parler sur la base d'une certitude, plutôt que sur la base d'opinions et de prédictions. Mais, dans le fond, le but essentiel auquel va servir cette commission d'appel ou ce comité d'appel, c'est de faire la preuve de l'impossibilité de la situation actuelle, de son caractère idéaliste et de la fausseté de la conception de base qui préside depuis dix ans à l'organisation du placement.

Encore une fois, il y a deux possibilités. A ce moment, je n'exprime pas de préférence pour l'une ou pour l'autre. Je ne fais pas un plaidoyer nécessairement pour que l'Office de la construction du Québec assume nécessairement la responsabilité du placement, de préférence, et par exclusion des bureaux de placement syndicaux. Je dis simplement: Voici une des possibilités qui n'est pas retenue dans la situation actuelle. L'autre possibilité, c'est de retourner carrément aux organisations syndicales toutes les responsabilités du placement, pas seulement la partie de la responsabilité qui peut faire l'affaire et qui peut être commode et qui donne un bon nom à une association syndicale vis-à-vis de ses membres, en termes d'efficacité, mais également la responsabilité de l'application de normes de priorité d'emploi, ect., ce qui est beaucoup plus difficile, ce qui est beaucoup plus exigeant, et une tâche vis-à-vis de laquelle les associations syndicales seraient effectivement en devoir d'assumer envers leurs membres des décisions qui ne seraient pas toujours agréables. Il y a un choix nécessaire entre les deux formules, un choix qui n'est pas fait. Tant qu'on ne l'aura pas fait, on va constater, d'autant plus clairement qu'il y a une procédure d'appel, que le régime actuel est invivable. (12 h 30)

On va, présumément, à l'aide de ces constatations et des recommandations du comité Hébert, si le comité Hébert fait porter ses remarques sur cet aspect, ce qu'on ne pourra savoir qu'en voyant son rapport, pouvoir venir à des conclu- sions différentes. A mon avis, le problème demeure entier. Le bureau d'appel qui est prévu ne fait qu'offrir une possibilité de documenter cet échec presque inévitable, de façon plus sérieuse, et peut-être, je l'espère, bien sûr, puisque, autrement, ce serait du pur cynisme, de régler à l'occasion certains problèmes individuels. Mais de ce côté, il ne faudra pas être trop exigeant, parce que les décisions qui seront révisées le seront a posteriori.

Il y a bien peu de chantiers de construction où une décision révisée relative au placement peut effectivement replacer les parties dans la situation dans laquelle elles auraient été si la décision initiale avait été différente. Il y en a, sans aucun doute, quelques-uns, mais il sera assez difficile de récrire l'histoire, et quand un chantier est fermé, de toute façon, si on y a placé les mauvaises personnes, on ne démolira pas la construction pour la recommencer avec celles qui auraient dû y être placées au départ. Dans une certaine mesure, c'est un remède qui ne peut pas être totalement efficace, et, pour cette raison-là, je pense qu'il servira seulement dans des circonstances véritablement exceptionnelles.

Un autre point que l'on retrouve dans ce projet de loi, c'est celui sur le caractère de représentativité. Etant donné le consensus intersyndical qui est intervenu, au moins entre les deux principaux groupes intéressés, et la décision du ministre d'introduire un certain nombre d'amendements, je n'ai pas, M. le Président, d'objection, ni de réserve à formuler, si ce n'est celle que j'indiquais au départ, à savoir que ce sont des mesures qui sont, dans une certaine proportion, provisoires et intérimaires. Il y a des problèmes fondamentaux qui devront être examinés. Je pense bien qu'il serait douteux de maintenir l'unité de représentation patronale jusqu'à la fin du siècle, sans révision et sans possibilité de révision autre que législative. De la même façon, du côté syndical, est-ce qu'on peut présumer que les mêmes associations vont conserver la même importance jusqu'en l'an 2050, ce qu'on présume toujours quand on adopte une loi qui a une valeur permanente. Je pense que ça aussi, ça mérite d'être regardé. Mais, encore là, je crois que les amendements sont bien inspirés.

Un dernier point, M. le Président, vise un article particulier, mais qui soulève une question d'intérêt plus général. C'est l'article 55b, et c'est généralement le caractère un peu odieux du régime des relations de travail dans l'industrie de la construction où on emploie le mot "quiconque", dans un article qui édicte des pénalités.

On y reviendra au moment de l'étude article par article, mais ce "quiconque", dans le fond, recouvre bien du monde. Je ne suis pas sûr qu'il soit d'intérêt public que "quiconque" soit passible d'amende pour des vices d'application d'une loi qui n'a pas pour but, dans le fond, vraiment, l'intérêt public dans son sens le plus élevé et le plus large, mais simplement l'aménagement de contrats de travail entre des employeurs et des syndiqués dans une industrie bien particulière.

Je pense que les parties à cette négociation, même si elle est sous la tutelle de l'Etat, les employeurs et ce que la loi, d'ailleurs, qualifie

d'employeurs professionnels, et les syndiqués, ont un intérêt à la respecter et devraient être punis s'ils font des infractions. Je crois que de rendre "quiconque" passible de pénalité, même lorsqu'ils sont de bonne foi, mais qu'ils ne sont pas des spécialistes de la loi et des règlements sur l'industrie de la construction, c'est odieux, cela a été odieux déjà, l'application de cette loi, dans certains cas où des propriétaires, des particuliers de bonne foi qui engagent du monde pour la construction se voient placés devant des situations qu'ils n'ont pas anticipées et qu'ils n'ont pas d'affaire à connaître dans tous les détails. Je pense qu'on élargit ainsi l'application de la loi des gens qui devraient être maintenus en dehors de son application. Je pense que c'est une question assez fondamentale pour le mentionner au moment de mes remarques préliminaires.

Je n'ai pas d'autres remarques à faire, M. le Président. Nous allons, de façon générale, concourir à l'adoption de cette loi. Je voulais simplement souligner que ce n'est pas la dernière fois qu'on va voir apparaître ce sujet à l'Assemblée nationale et que c'est largement pour cela qu'on peut accepter un projet de loi aussi partiel à ce moment-ci, à cause de l'urgence de la chose et que du côté du placement, étant donné qu'il n'y a pas eu de débat parlementaire sur la question du placement, mais qu'on y fait allusion par une procédure d'appel, un règlement qui va entrer en vigueur dans quelques jours, je m'en serais voulu de ne pas souligner que nous n'avons aucune confiance dans les possibilités de succès de ce nouveau règlement. Merci.

M. Chevrette: Appel au règlement, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. le député de...

M. Chevrette: Ce n'est que pour rectifier un fait avancé ou énoncé par le député de Saint-Laurent qui a affirmé que je m'étais empressé, en tant qu'ex-membre de la commission Cliche, d'entériner le rapport de l'OCQ. Je voudrais brièvement relater les faits, parce que je n'ai pas l'intention de me faire avoir aussi facilement, M. le député de Saint-Laurent...

Le Président (M. Laplante): Je préférerais, à ce moment-ci, M. le député de Joliette, parce que je le vois comme une question de privilège, actuellement...

M. Chevrette: Je m'excuse, mais c'est marqué...

Le Président (M. Laplante): Je verrais votre appel au règlement... Vous aurez la chance, vous aussi, d'intervenir après le député de Richmond et de corriger, dans votre...

M. Chevrette: M. le Président, je n'ai pas dit une question de privilège.

Le Président (M. Laplante): ... pour exposer des faits... Je le vois comme une question de privilège.

Le Président (M. Laplante): Je n'ai pas dit une question de privilège, il est écrit dans nos règlements...

Le Président (M. Laplante): Je le vois comme cela... M. le député de Richmond.

M. Chevrette: Je m'excuse, M. le Président, appel au règlement.

Le Président (M. Laplante): Sur une question de règlement.

M. Chevrette: Dans notre règlement, il est écrit que quand il y a un exposé et qu'on a des faits à rectifier, qu'on doit le faire immédiatement après l'exposé de la personne en question. Je n'ai pas interrompu le député de Saint-Laurent; j'ai attendu qu'il ait terminé pour rectifier. Je pense que je suis en plein dans l'esprit du règlement.

Le Président (M. Laplante): Vous ne trouveriez pas préférable, pour la bonne conduite des travaux, M. le député...

M. Chevrette: Ce n'est pas moi qui vais prolonger...

Le Président (M. Laplante): Vous allez avoir votre droit de réplique, tout à l'heure...

M. Chevrette: Ce n'est pas un droit de réplique!

Le Président (M. Laplante): ... immédiatement après le député de Richmond. S'il y a des faits que vous pensez avoir à corriger, vous aurez la chance de le faire à ce moment-là. M. le député de Richmond.

M. Forget: M. le Président, je crois que... M. Brochu: Merci, M. le Président.

M. Forget: C'est parce qu'il y a un article du règlement qui dit qu'un député qui veut corriger des faits a le droit de le faire tout de suite après... Je n'ai pas aucune objection, s'il y a quelque chose dans ce que j'ai dit qui fausse les perspectives dans lesquelles le député de Joliette-Montcalm s'est exprimé. Je suis tout à fait d'accord à ce qu'il s'exprime quant à moi et je pense qu'il a le droit de le faire en vertu du règlement, c'est à l'article 96.

M. Brochu: M. le Président, je conçois que le député a le droit de le faire, également. Je lui avais fait signe que, s'il voulait soulever sa question, il pouvait le faire. Je comprends que pour la bonne marche des travaux et compte tenu de l'heure,

j'apprécierais pouvoir faire les quelques remarques que j'ai à faire et on pourra reprendre au début de l'après-midi avec les remarques du député de Joliette-Montcalm, s'il n'a pas d'objection.

M. Chevrette: M. le Président, je vais vous demander une directive. Si je ne perds pas le droit de répliquer, comme vous le dites si bien, je vais consentir à accéder à vos préférences personnelles comme président.

Le Président (M. Laplante): Vous aurez le droit de répliquer, M. le député de Joliette-Montcalm. M. le député de Richmond.

M. Yvon Brochu

M. Brochu: M. le Président, je n'attaquerai pas toute la question de la philosophie générale du ministère du Travail ni de la question du placement. D'ailleurs, je pense qu'on en a discuté largement, il n'y a pas tellement longtemps. Il y avait eu une question avec débat, soulevée par le député de Beauce-Sud, si ma mémoire est bonne, et je pense qu'il y avait eu certaines indications données à ce moment-là. Je n'aborderai pas cette question avec le pessimisme qui était celui du député de Saint-Laurent ce matin; je ne sais pas si c'est la pression de fin de session, mais il semble être d'un pessimisme un peu spécial.

M. le Président, le comité Hébert, ayant pour mandat de faire rapport sur les modifications globales à apporter à la Loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction, mieux connue sous le nom de loi 290, n'a pas encore remis son rapport, comme l'a indiqué le ministre tout à l'heure. Ce dernier nous propose de procéder aujourd'hui à l'étude d'un certain nombre de modifications qui touchent en réalité deux domaines bien précis, d'abord le prochain vote d'adhésion syndicale des travailleurs de la construction, ou si on préfère, la fameuse question de la période de maraudage; deuxièmement, la mise en application du nouveau règlement de placement dans cette industrie.

Mis à part le retard de la parution du rapport du comité Hébert à la suite de l'hospitalisation de son président, M. Gérard Hébert, et les exigences découlant des nouveaux règlements de l'Assemblée nationale amenant l'introduction d'un calendrier à date fixe, le ministre du Travail a justifié la présentation du projet de loi 52, à ce moment-ci, en nous disant que les délais déjà établis d'une part, relativement à l'entrée en vigueur du nouveau règlement de placement dans l'industrie de la construction fixée au 1er juillet 1978 et d'autre part, relativement à la période de maraudage prévue pour le mois de novembre 1978 conformément aux dispositions de la loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction, ces délais déjà établis ne lui laissaient d'autre choix que de procéder immédiatement aux changements qui s'imposaient dans les circonstances actuelles, tel qu'il nous l'a d'ailleurs indiqué dans ses remarques préliminaires de ce matin.

Je crois cependant qu'il y a lieu d'examiner chacun de ces points d'un peu plus près, particulièrement en ce qui concerne les changements proposés en vue de la prochaine période de maraudage. Mais avant d'aborder cette question, je voudrais, dans un premier temps, assurer le ministre de notre appui sur cette partie du projet de loi qui traite des mécanismes d'appel des décisions prises par l'Office de la construction dans le cadre du règlement de placement de I'industrie de la construction. Outre quelques détails qui pourront être l'objet de notre discussion ce matin ou cet après-midi, nous sommes conscients de la nécessité de tels mécanismes et de l'urgence d'y pourvoir concrètement avant la mise en application du règlement fixé au 1er juillet prochain.

D'ailleurs, M. le Président, l'introduction de ces mécanismes d'appel au tribunal du travail en ce qui concerne les agences de placement, et à un commissaire au placement en ce qui concerne les travailleurs détenant un certificat de classification, aura des effets pratiques et immédiats sur la procédure de vote d'adhésion syndicale en novembre 1978. En effet, l'un des amendements proposés par le ministre et portant sur les nouvelles conditions d'admissibilité au vote d'adhésion syndicale tenu par l'Office de la construction réfère spécifiquement aux règlements de placement et au certificat de classification, d'où l'importance de tout mettre en oeuvre, dès le départ, en vue d'éviter des accrochages ou des malentendus qui pourraient compromettre le déroulement normal, souhaitable et paisible de la période de maraudage.

Les modifications que nous soumet le ministre sur cette question du vote d'adhésion syndicale sont à notre avis majeures et méritent qu'on s'y attarde quelque peu. Selon la loi actuelle, est admissible à voter, toute personne, quelle soit domiciliée ou non au Québec, qui a travaillé au moins une heure dans l'industrie de la construction, entre le 1er juillet 1977 et le 30 juin 1978.

Compte tenu du nouveau règlement de placement lequel, dit-on, vise essentiellement à protéger les véritables travailleurs de la construction, le ministre modifie les conditions d'admissibilité au vote d'adhésion syndicale comme suit: premièrement, détiennent un certificat de classification délivré par l'Office de la construction; deuxièmement, ont effectué au moins 300 heures de travail au cours des douze premiers des quinze mois civils précédant le mois durant lequel doit avoir lieu le scrutin prévu par la loi; troisièmement, sont domiciliés au Québec au dernier jour du huitième mois qui précède l'expiration du décret en question.

Ces nouvelles mesures permettront à environ 100 000 travailleurs de la construction de voter en novembre 1978. Nos consultations auprès de certains syndicats représentant l'immense majorité des travailleurs de la construction nous portent à croire aujourd'hui que ces nouvelles conditions d'admissibilité ne soulèvent aucune opposition, à toutes fins pratiques.

Ce sur quoi les associations syndicales ont attiré notre attention, c'est sur l'application pratique de l'introduction du principe d'un homme, un vote et de son effet sur la représentativité de l'association syndicale qui négociera la convention collective. La procédure actuelle pour établir le degré de représentativité de l'association syndicale qui négociera la convention collective comprend deux critères: premièrement, le pourcentage des salariés qui ont voté par rapport à l'ensemble des salariés qui ont droit de vote; deuxièmement, une pondération du vote exprimé selon une formule qui tient compte des heures travaillées.

Le ministre modifie cette procédure complexe en abandonnant le critère de la pondération des heures travaillées et en établissant clairement le principe d'un homme, un vote, de manière que le choix des représentants des travailleurs à la table des négociations de la prochaine convention collective soit l'expression démocratique de la volonté réelle et exprimée par les travailleurs de la construction.

Le ministre sait fort bien que cette question de représentativité a été l'objet de très vives discussions devant le comité Hébert. Entre autres, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction, FTQ-Construction, qui a obtenu la majorité des votes lors de la dernière période de maraudage, disait ce qui suit, dans son mémoire soumis au comité Hébert: "Nonobstant les solides arguments mentionnés précédemment, le CPQMC ne réclame pas, législativement, le monopole syndical. Nous croyons que, dans le but de développer une vie syndicale démocratique et saine, une certaine concurrence syndicale peut être souhaitable. (12 h 45) "Cependant, nous croyons que seules les associations syndicales qui représentent un nombre considérable de travailleurs de l'industrie devraient avoir droit de représenter des membres dans l'industrie de la construction. La liberté syndicale doit être contrebalancée par la règle de la démocratie."

Plus loin, le CPQMC ajoutait: "De plus, compte tenu des coûts impliqués, nous suggérons que seuls ceux qui veulent changer d'allégeance syndicale soient obligés de se présenter au bureau de l'office à une date fixe. Ainsi, on éviterait des milliers de déplacements inutiles et des pertes économiques".

Or, il appert, si nos informations sont exactes, qu'un fait un peu inusité se soit produit auquel le ministre a fait référence tout à l'heure et que nous soyons en présence d'un fait nouveau dans l'industrie de la construction. En effet, pour la première fois depuis l'adoption de la loi 290 en 1968, il y aurait eu une forme d'entente sur cette question de représentativité entre les deux principales associations syndicales représentant les travailleurs de la construction, soit la CPQMC-FTQ-Construction et la CSN. A eux seuls, ces deux groupements de syndicats représentent environ 95% de tous les travailleurs de la construction.

Cette entente de gré à gré porterait sur trois points bien précis. D'abord, en ce qui concerne le déroulement du vote, que la loi prévoie expressément que les salariés qui n'ont pas exercé leur droit de vote soient réputés avoir choisi l'association à laquelle ils avaient déjà adhéré antérieurement;

Deuxièmement, que toutes les associations représentatives à un degré de 15% et plus soient admises à la table de négociation;

Troisièmement, la nécessité de spécifier dans la loi les associations reconnues aux fins du vote d'adhésion syndicale.

Nous insistons sur ce dernier point pour obtenir plus d'éclairage du ministre. Cependant, il semble, à la lecture des amendements que le ministre nous a présentés tout à l'heure, qu'il y ait certaines modifications qui soient déjà apportées dans le sens du troisième point que j'avais l'intention de soulever au ministre.

C'est donc que le ministre semble être disposé à accueillir favorablement ces points, en particulier le troisième, qui sont l'objet de cette entente entre les parties. Comme ce n'est pas tous les jours dans l'industrie de la construction, M. le Président, que nous sommes témoins d'une entente entre des parties qui ont justement la réputation de ne pas pouvoir s'entendre, il semble donc que ce soit une heureuse approche et un phénomène intéressant qui se produise. Je suis content que, de la part du ministre, il y ait une certaine ouverture de ce côté-là et qu'on soit disposé, sinon à amender la loi, du moins à en discuter. Il semble même que les amendements vont dans ce sens.

Et, dans le but d'aider le ministre dans sa réflexion, je voudrais citer quelques remarques émises par M. Mathias Rioux, chroniqueur bien connu dans le domaine des relations de travail. Le ministre semble d'ailleurs avoir répondu favorablement à certaines de ces suggestions. Ce dernier écrivait ce qui suit relativement à la procédure préconisée par le ministre sur le vote d'adhésion syndicale et la question de la représentativité à la table de négociation, et je cite: "Cette nouvelle orientation est nettement plus démocratique et respectueuse des vrais travailleurs de la construction que la loi actuelle. Elle ne règle pas cependant de façon équitable le sort des groupes qui sortent minoritaires des votes d'adhésion syndicale. On comprend l'idée du gouvernement de vouloir placer devant le patronat unifié de la construction un seul porte-parole syndical. Est-ce nécessaire que la partie syndicale à la table de négociation soit la centrale qui a obtenu la majorité des voix lors du vote d'adhésion? Quel avantage y a-t-il pour les ouvriers d'avoir un porte-parole unique et un front syndical désuni et divisé contre lui-même? "Pourquoi ne pas envisager l'idée d'un front commun, CSN-FTQ-CSD-SCN, où le porte-parole officiel, à la table des négociations, serait celui qui a obtenu le plus de vote à l'élection syndicale, sans exclure pour autant les groupes minoritaires qui représentent, on le sait, des milliers de travailleurs.

"Au-delà des stratégies patronales, toujours possibles en vue de diviser ce front commun, nous croyons que cette formule serait plus efficace et plus équitable qu'un porte-parole unique non représentatif de l'ensemble des travailleurs de cette industrie. "La dernière ronde de négociation dans la construction est pourtant pleine de leçons à cet égard".

M. le Président, je pourrais également faire part au ministre d'un autre point qui a été soumis à notre attention et qui fait présentement l'objet de désaccord entre les deux grandes centrales syndicales dans l'industrie de la construction. Je fais allusion ici à la question très litigieuse de la participation des associations minoritaires à l'acceptation de clauses devant faire l'objet d'une convention collective.

J'aimerais, M. le Président, que, dans ses remarques de réplique, en plus de faire le point sur les quelques autres questions que j'ai soulevées dans mon intervention, le ministre prenne quelques minutes pour faire le point et répondre plus spécifiquement à ce point précis que je soulève, qui semble faire l'objet de certaines discussions entre les centrales elles-mêmes.

Pour le moment, M. le Président, je limiterai mes remarques à celles que je viens de faire en demandant au ministre de bien vouloir me répondre. Il semble qu'il soit dans de très bonnes dispositions ce matin. On le voit d'ailleurs par les amendements qu'il a déposés. Je pense que le travail de la commission parlementaire s'amorce d'une très bonne façon. J'aimerais l'entendre tout à l'heure sur ces questions et plus spécifiquement sur la dernière que j'ai portée à son attention.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, seulement avant de passer la parole à mon collègue, je voudrais faire une précision. Le comité Hébert m'a remis il y a quelques jours son rapport, effectivement, mais c'était bien hors délai. Le texte de loi 52 était déjà déposé et il n'a pas encore été rendu public. Il le sera au courant de l'été.

Je dois vous avouer d'ailleurs que jusqu'à maintenant ce que j'ai eu le temps de faire, c'est de consulter un résumé et de me rendre compte finalement que le type de suggestions qu'on y fait, si on devait y donner suite, devrait donner lieu à une refonte beaucoup plus importante que celle que nous amorçons aujourd'hui. Je ne voudrais pas qu'on ait l'impression que je n'ai pas reçu le rapport du comité Hébert, je l'ai reçu il y a quelques jours.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Joliette-Montcalm.

Autre intervention M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais tout d'abord rectifier certains faits qui ont été avancés par le député de Saint-Laurent avant de donner mon opinion générale sur le projet de loi qu'on est appelé à étudier, article par article, aujourd'hui. Je voudrais dire au député de Saint-Laurent que nous avons, dès la prise du pouvoir, étudié ce règlement de placement, la version originale de l'OCQ, et que plusieurs dimensions qui n'apparaissaient pas dans le règlement de placement, apparaissent aujourd'hui; par exemple, le droit d'appel; par exemple, le droit bien identifié à l'OCQ de faire du placement d'une façon spécifique; par exemple, de bien déterminer le rôle quant à l'inventaire à conduire au niveau des travailleurs pour connaître les spécialités et cela d'une façon beaucoup plus formelle.

On a changé quelques règles d'éthique qui figuraient dans le rapport de placement. Si vous regardez la version originale par rapport à la version qui a été entérinée par le Conseil des ministres il y a un certain temps, vous verrez qu'il y a énormément de chemin de parcouru par rapport à la version originale qui avait été déposée sur le bureau du ministre Harvey avant l'élection du 15 novembre 1976. Donc, ce ne fut pas un empressement d'entériner toute la réglementation de I'OCQ, tel que vous l'avez affirmé, et le droit d'appel constitue une des pierres d'achoppement, un des changements majeurs de ce règlement, puisque rien ne figurait dans le règlement de placement, en ce qui regarde le droit d'appel.

M. Forget: Voilà, concernant la loi.

M. Chevrette: Vous avez affirmé, d'une façon très catégorique, que le règlement de placement n avait rien de changé et qu'on avait entériné cela tout de suite. Donc, c'est une affirmation gratuite. Connaissant l'honnêteté intellectuelle du député de Saint-Laurent, il admettra qu'il a exagéré un tantinet dans les circonstances.

Mme Lavoie-Roux: M n'a pas le ferme propos. M. Johnson: II n'a pas l'air parti pour cela.

M. Chevrette: Ne m'obligez pas à retirer mes paroles. Face au projet de loi no 52, tout comme le député de Richmond, je dois dire qu'il est heureux que les centrales syndicales en soient arrivées à un consensus. Le pessimisme du député de Saint-Laurent m'effraie un peu — habituel d'ailleurs, je dois l'admettre — puisqu'en relations de travail, lorsque des parties en viennent à une entente, on devrait se réjouir, parce que c'est souvent là le principal atout pour avoir une application efficace. Donc, je suis passablement surpris de voir que le député de Saint-Laurent qui, lui, a toujours préconisé l'entente, a toujours favorisé, selon lui — du moins à ce qu'il dit — ce type d'entente de consensus, vient aujourd'hui affirmer devant cette commission, vient même se permettre des prédictions, je dirais, plutôt pessimistes, des prédictions d'un type de personnes qui... On dirait, à toutes fins pratiques, qu'il désire voir échouer l'application d'un tel règlement. Cela m'apparaît, j'allais dire antiparlementaire, mais je ne le dirai pas; ce

n'est pas antiparlementaire, c'est plutôt le propre d'un parti politique déchu qui n'a pas su dans son temps appliquer ou trouver des formules, ou encore dégager ce consensus qu'on a réussi à dégager par la présentation de ce projet de loi.

D'autre part, il faut bien l'admettre, il souscrit au projet de loi. Donc, c'est sans doute uniquement par son rôle de critique de l'Opposition qu'il se doit de montrer qu'il a des réticences, parce que, dans le fond, il affirme, dans un deuxième souffle, qu'il est d'accord avec le projet de loi, à quelques petits détails près.

Donc, on devrait normalement pouvoir adopter ici, article par article, probablement vers les... Non, on commence à 15 heures, à 16 heures, le projet de loi no 52 devrait être adopté, article par article.

M. Johnson: Ne les mets pas au défi. M. Forget: Vous êtes pressé.

M. Chevrette: Je ne vous mets surtout pas au défi, parce que je sais que vous êtes capables d'être long. Donc, ne prenez pas ça comme un défi. Je retire ce que j'ai dit si cela avait pour effet de...

M. le Président, en un mot, moi aussi, j'aurais peut-être souhaité que le droit d'appel prenne une autre forme, au lieu des amendes, que ce soit une réinstallation du travailleur. Mais, avec le rapport Hébert qui sera publié incessamment, on pourra sans doute se plonger plus sérieusement dans l'étude de la réforme même de la loi 290 comme telle, en entier et peut-être trouver des mécanismes plus appropriés encore tant au niveau de la représentativité dans les comités mixtes, la représentativité dans le domaine des négociations, que du droit d'appel avec une procédure très souple au niveau de l'application du règlement de placement. Mais dans les circonstances, il faut admettre que c'est un pas majeur que l'on franchit et que les employeurs ne pourront pas faire ce qu'ils voudront au niveau du placement. Ils auront des règles à suivre. Les syndicats aussi auront à publier leurs règles d'éthique quant au mode de fonctionnement dans le placement. Le travailleur de la base, comme on se plaît si bien à le dire, saura au moins les critères qui régissent l'industrie de la construction relativement au placement. (13 heures)

Pour ma part, je trouve que c'est un pas. Il n'est peut-être pas aussi grand qu'on l'aurait tous souhaité, mais c'est un pas qui m'apparaît important et c'est à l'usage qu'on pourra le raffiner, d'autant plus que l'usage nous démontre qu'on est, en tant que parti au pouvoir, capable de se retourner beaucoup plus rapidement que l'exemple qu'on a connu dans le passé.

M. le Président, j'espère avoir répondu à vos préférences et je propose l'ajournement à 15 heures.

M. Forget: Comme il n'est pas 13 heures, et en vertu de l'article 96, il reste que le même article qu'invoquait le député de Joliette-Montcalm — je crois qu'il a largement déformé mes propos pour avoir plus de plaisir à les commenter — il reste que je me réjouis, comme tous les membres de la commission, qu'il y ait une entente entre les centrales syndicales sur le processus de votation et le caractère de représentativité. Je m'en réjouis tellement que nous indiquons que nous allons voter pour ce projet de loi, ce que nous avons fait en deuxième lecture, d'ailleurs.

Le député de Joliette-Montcalm, par rénumération des changements apportés dans le projet de règlement de l'OCQ, ne m'a pas du tout impressionné. L'esprit fondamental du projet est demeuré intact. Et c'est l'esprit fondamental du projet, la conception même de tout ce système de placement, la confusion des rôles entre les organisations syndicales, l'Office de la construction et le gouvernement qui font qu'on peut être pessimistes, malheureusement, sur l'évolution future de cette procédure. Je voudrais bien être optimiste et applaudir à deux mains cette initiative, mais l'expérience a dû nous enseigner un certain nombre de choses, du moins de ce côté-ci de la table. En attendant que l'expérience se complète de l'autre côté de la table, on va devoir faire un certain nombre d'erreurs et apprendre avec ces erreurs.

Je souhaite simplement à nos collègues, en particulier à celui de Joliette-Montcalm, de faire ses classes rapidement.

Le Président (M. Laplante): N'en déplaise au député de Joliette-Montcalm, nous suspendons nos travaux à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 2)

Reprise de la séance à 15 h 12

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, s'il vous plaît!

Reprise des travaux sur le projet de loi no 52. Je vais demander la coopération des membres de cette commission pour bien numéroter ce projet de loi, parce qu'il y a des articles nouveaux à tous les articles. Presque tous les articles, ou à peu près tous, moins deux, je crois, sont des articles nouveaux ou corrigés.

Pour commencer, j'appelle l'article 1, qui est un nouvel article présenté par le ministre. M. le ministre.

Centrales représentatives

M. Johnson: Pour les fins de clarté au journal des Débats — je pense que les membres de l'Opposition ont reçu cela aussi, d'accord, pour simplifier les choses — nous allons refaire la numérotation au complet du projet de loi no 52.

L'article 1 se lirait comme suit: "Article 1. L'article 4 de la Loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction (1968, chapitre 45),

remplacé par l'article 5 du chapitre 28 des lois de 1973 et l'article 3 du chapitre 51 des lois de 1975, est de nouveau remplacé par le suivant: 4. "Seule la Centrale des syndicats démocratiques (CSD), la Confédération des syndicats nationaux (CSN), le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (FTQ), et le syndicat de la construction Côte-Nord de Sept-lles Inc., peuvent faire constater leur représentativité en présentant à l'office une demande à cette fin dans le cours du huitième mois qui précède la date d'expiration du décret".

M. le Président, très brièvement, l'objet de cet article est de limiter à ces quatre syndicats qui existent en ce moment dans le domaine de la construction, en vertu du chapitre 45 de la loi de 1968, la possibilité d'être sur le bulletin de vote ou sur la liste afin de pouvoir faire l'objet d'une adhésion syndicale par les travailleurs habilités à voter, comme on le verra plus loin.

Evidemment, on pourra toujours dire qu'il s'agit d'une restriction à la liberté d'association, ce qui est le principe général, et je dois dire que, comme disposition, elle me heurte a priori à cause de cela cependant. D'une part, il s'agit d'une disposition qui est de nature transitoire.

Deuxièmememt, il faut bien comprendre que, quand on parle de liberté d'association en vertu du Code du travail, on parle quand même de la représentation au départ d'au moins 35% des salariés qui peuvent faire appel au commissaire-enquêteur pour obtenir qu'un certificat d'accréditation soit éventuellement émis.

Troisièmement, nous avons affaire, dans la loi 290, à une seule association d'employeurs, qui est l'Association des entreprises de construction du Québec.

Quatrièmement, il s'agit d'une négociation sectorielle. Dans ce cadre, je pense que la prolifération d'unités autres que des unités qui auraient vraiment une base représentative risque de mettre en péril même cette notion d'une négociation sectorielle, qui est un choix fait en 1968 par le législateur.

Dans les circonstances, je pense que ces dispositions sont adéquates à la lumière de ce que j'ai dit et ne constituent pas finalement une entorse si profonde au principe de la liberté d'association, d'autant plus que cela n'est pas coulé dans le ciment ad vitam aeternam.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Une question pour préfacer mes remarques. Le huitième mois qui précède la date d'expiration du décret, c'est quel mois?

M. Johnson: Au mois de septembre.

M. Forget: Or, c'est durant septembre que chacun des organismes désignés devra faire connaître son intention de voir son nom sur le bulletin de vote, en quelque sorte. Je n'ai pas tellement de choses à dire là-dessus, je pense que j'aurais repris les mêmes exposés de motifs que le minis- tre relativement à cela. Je ne pense pas que cela représente nécessairement une situation permanente, comme je l'indiquais ce matin, mais dans le contexte des difficultés qu'a connues l'industrie de la construction et particulièrement certains syndicats dans leur fonctionnement interne, etc., les possibilités de voir surgir des groupes qui cherchent à obtenir la représentativité, sans être vraiment prêts à en assumer toutes les implications, il faut accepter cette restriction temporaire à la liberté d'association. Ce qui ne veut pas dire que dans un monde idéal, on retrouverait une porte ouverte à cent pour cent, non plus. Il faudrait exiger, avant d'inscrire sur un bulletin de vote provincial, le nom d'une association quelconque de salariés, d'un prétest, en quelque sorte, qu'ils parlent pour autre chose que le conseil d'administration, qu'il y ait plus de douze membres dans une association de salariés. Exactement quel mécanisme cela pourrait être, j'en n'ai pas d'idée précise, mais il faudra certainement trouver quelque chose qui évite de donner libre cours à des groupements qui seraient purement irresponsables et qui ne seraient pas représentatifs du tout et qui ne feraient que diminuer la force réelle des syndiqués dans le secteur de la construction.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Richmond.

M. Brochu: Lorsque je regarde l'ancienne loi ici, à l'article 4 que le ministre veut lui-même modifier, on dit: Toute association qui désire constater sa représentativité doit en faire la demande à l'office dans le cours du huitième mois qui précède la date d'expiration du décret. On se rend compte que tel que cela existait dans la loi à venir jusqu'à aujourd'hui, jusqu'à ce que l'amendement soit adopté, en fait, n'importe qui avait accès, pouvait faire une telle demande et entrer dans ce cadre juridique. On est conscient que l'amendement que propose le ministre apporte certaines restrictions. Par contre, les motifs qu'il a invoqués pour le faire nous apparaissent justifiables et dans ce sens, on souscrit à l'amendement que le ministre propose, d'ailleurs, c'est une préoccupation de l'ensemble des syndicats de voir leur dénomination clairement indiquée. En ce qui nous concerne, il nous apparaît que cela va être de nature — évidemment c'est une mesure provisoire, comme l'a indiqué le ministre — à assurer un déroulement paisible durant la prochaine période de maraudage. Dans ce sens, on est tout à fait prêt à en faire l'essai tel que le ministre l'a proposé, les motifs qu'il a invoqués nous paraissant fort justifiables.

Le Président (M. Laplante): Article 1, adopté?

M. Forget: Adopté.

M. Brochu: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Adopté. Je fais appel à un autre nouvel article, l'article 2 présenté par M. le ministre.

M. Johnson: L'article 2, M. le Président, se lit comme suit: L'article 5 de ladite loi, remplacé par l'article 5 du chapitre 28 des Lois de 1973 et l'article 3 du chapitre 51 des Lois de 1975, est de nouveau remplacé par le suivant: "5: L'Office doit, au plus tard le dernier jour du septième mois qui précède la date d'expiration du décret, faire publier dans la Gazette officielle du Québec et dans un quotidien de langue française, le nom des associations mentionnées à l'article 4 qui ont présenté une demande à l'Office."

En fait, il s'agit d'une concordance avec l'article que nous venons d'adopter. D'autre part, on aura peut-être remarqué que nous avons modifié, pour des fins de langue française, la notion "d'à travers le Québec " par "un quotidien de langue française".

M. Forget: M. le Président, quant à moi...

Le Président (M. Laplante): Adopté? Nouvel article 2, adopté?

M. Brochu: Adopté.

M. Johnson: Article 3, M. le Président?

Conditions d'éligibilité au vote d'adhésion syndicale

Le Président (M. Laplante): Maintenant, j'appelle l'article 1 du projet de loi no 52, qui deviendra l'article 3.

M. Johnson: Voilà, exactement. Alors, l'article 1 du projet de loi no 52 est modifié et il devient, d'une part, l'article 3 du projet de loi et, d'autre part, je veux vous faire lecture du texte tel qu'il devrait se lire en entier: L'article 3: Remplacer l'article 1 du projet de loi par le suivant: "3: L'article 6 de ladite loi, remplacé par l'article 5 du chapitre 28 des Lois de 1973 et l'article 3 du chapitre 51 des Lois de 1975, est de nouveau remplacé par le suivant: 6: L'Office doit dresser une liste de tous les salariés: a) détenteurs d'un certificat de classification délivré en vertu du règlement relatif au placement des salariés dans l'industrie de la construction; b) ayant effectué au moins 300 heures de travail au cours des douze premiers des quinze mois civils complets précédant le mois durant lequel a lieu le scrutin prévu à 7a, et c) domiciliés au Québec au dernier jour du huitième mois qui précède l'expiration du décret. "Le paragraphe b) du premier alinéa ne s'applique pas au salarié qui, le dernier jour du septième mois qui précède l'expiration du décret, est âgé de 50 ans ou plus. "Cette liste établit, de façon non contestable, le nom des seuls salariés pouvant se prévaloir de l'article 7a. "Au cours du septième mois qui précède l'expiration du décret, l'Office transmet, à chaque salarié dont le nom apparaît sur la liste établie suivant le présent article, une carte qui l'identifie comme votant aux fins de l'article 7a et qui mentionne son nom et son numéro d'assurance sociale. "Cette liste est transmise aux associations visées à l'article 5, au plus tard quinze jours avant la tenue du scrutin prévu à l'article 7a."

En fait, M. le Président, cet article a pour but de fixer les nouvelles conditions d'éligibilité au vote d'adhésion syndicale tenu par l'Office de la construction. Actuellement, pour avoir droit de vote, il suffit qu'un salarié ait son nom sur les rapports mensuels produits à l'office au cours des douze premiers des quinze mois civils complets précédant le mois durant lequel a lieu le scrutin. Cela, indépendamment du nombre d'heures effectuées.

Avec la présente modification, le salarié, à l'exception de celui qui, le dernier jour du septième mois précédant l'expiration du décret, est âgé de 50 ans ou plus, devra avoir effectué au moins 300 heures de travail durant cette période. De plus, le salarié devra être détenteur d'un certificat de classification délivré en vertu du règlement de placement et domicilié au Québec. Quant à cette dernière question de domicile, le dernier jour du huitième mois qui précède l'expiration du décret est la date la plus éloignée qui pouvait être retenue pour déterminer le domicile d'un salarié parce que l'office a l'obligation, en vertu de l'article 6 de la loi, de lui transmettre, au cours du septième mois précédant l'expiration du décret, sa carte qui l'identifie comme votant.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, s'il n'y a pas de problème avec la substitution des 300 heures, je crois qu'il s'agit là d'une règle qui permet d'identifier ceux qui ont un intérêt plus substantiel dans l'industrie de la construction, mais il y a quand même un phénomène qui est d'ordre technique et je me rends compte qu'on a adopté le même libellé que dans l'article 6 actuel, où la liste est dressée à partir des travailleurs qui ont accompli les 300 heures dans les douze premiers des quinze derniers mois, ce qui veut dire que la liste s'arrête trois mois avant le scrutin. Je pense qu'il est normal qu'il y ait certains délais pour permettre à l'office de compiler la liste et probablement pour les organisations syndicales, également, d'avoir accès à cette liste en fonction des exigences du scrutin. Trois mois, c'est peut-être long cependant, puisque c'est supérieur au délai dont on dispose lors d'une élection provinciale. Il se peut toujours qu'il y ait des gens qui n'ont pas 300 heures dans les douze premiers des quinze mois en question, mais qui les auraient si on comptait le treizième et le quatorzième. Je me demande jusqu'à quel point il est strictement nécessaire de disposer d'un délai aussi long. Cela serait ma première question.

M. Johnson: En fait, si on disait un mois au lieu de trois, on aurait peut-être le même problème, parce que quelqu'un n'aurait pas travaillé

suffisamment si on revenait à une période de deux mois, plus près de nous qu'autrement, d'une part. D'autre part, ce qu'on veut éviter, entre autres, c'est de compiler ceux qui... par exemple, les étudiants qui travaillent dans la construction pendant l'été; or, on sait que le règlement de placement entre en vigueur le 1er juillet et qu'une disposition transitoire du règlement de placement prévoit que ceux qui sont sur les chantiers au 1er juillet ont droit d'y rester. Il peut y avoir au mois de juin, à cause de la fin des classes, beaucoup d'étudiants sur certains chantiers et à ce moment-là on se trouve, à toutes fins pratiques, à éliminer ceux qui n'auraient pas commencé avant cela. Je pense que c'est plus juste en ce sens. C'est qu'on couvre vraiment des gens qui ont fait 300 heures en période normale, si on veut, à l'extérieur de la période estivale actuelle, pour éliminer ceux qui pourraient être des étudiants qui sont entrés sur les chantiers avant le 1er juillet, ou en pratique, entre le 1er juin et le 1er juillet...

M. Forget: ... oui...

M. Johnson: En plus de cela, on nous le souligne, il faut procéder d'une part à l'identification de ces personnes sur le plan informatique et ensuite procéder à l'expédition de tout cela. Cela prend quand même des délais, cela a beau être informatisé, on a beau avoir des machines Pitney Bowes, il faut quand même faire parvenir cela.

M. Forget: Cela ne vaut pas nécessairement lors d'un scrutin provincial, donc, c'est un argument qui n'a qu'une validité limitée, mais l'argument quant aux étudiants cela peut aussi valoir, enfin, je pense qu'il y a des éléments d'information qui sont utiles, mais en soi, cela n'est pas déterminant, c'est probablement un choix de convenance qui a été fait. Ce n'est peut-être pas tellement grave à ce bout du délai.

Mon autre question, M. le Président, concerne la durée de la période de calcul. L'industrie de la construction, on l'a souvent déploré, encore que d'aucuns disent qu'il s'agit là d'une caractéristique essentiellement liée à l'industrie de la construction et dont on ne pourra jamais se départir, est essentiellement cyclique, c'est-à-dire, qu'il y a des variations considérables entre les moments d'activité maximale et les moments d'activité minimale. Il y a, bien sûr, énormément de gens qui sont des travailleurs de la construction dans une année donnée, qui ne le sont pas une autre année. Par contre, le vote se prend dans une année donnée. Cette année-là peut coïncider, comme cela sera le cas cette fois-ci, avec un creux dans les activités. Ce qui veut dire, tout simplement, sur le plan même du contenu qu'il y a le droit de participer au scrutin et de participer au choix des associations syndicales, mais il y a également le droit de déterminer par son vote et autrement le contenu de ces conventions. On se trouve dans la situation probablement cette année où les mandats seront donnés par des organismes syndicaux qui parleront principalement au nom des membres relativement permanents d'une industrie qui ne l'est pas. En vertu de quoi vont-ils... (15 h 30)

II y a quand même des choix qui vont se faire entre des clauses de la convention collective qui favorisent davantage ceux qui sont permanents par rapport à ceux qui ne le sont pas et ces choix sont faits par ceux qui sont permanents. Cela pose tout le problème, bien sûr, de savoir si on peut identifier autrement qu'on ne le fait les travailleurs de la construction. Il y a la question des 300 heures et je n'éprouve pas de désaccord quant aux 300 heures, mais c'est 300 heures sur combien de temps? Dans le fond, cette formule est assez ambiguë; cela peut être 300 heures en un mois, cela peut être 300 heures en un an.

Je me demande si la formule qui serait la meilleure ne serait pas une formule qui tient compte à la fois du nombre d'heures travaillées dans l'industrie de la construction et du nombre de mois pendant lesquels on compte ce nombre d'heures. Ce qui nous permettrait, semble-t-il, d'allonger la période de référence, quitte à augmenter le nombre d'heures de manière à contrer les effets cycliques de l'industrie. Quelqu'un qui, durant les deux dernières années, a fait 500 heures ou qui a fait 250 heures par année, si on veut; on pourrait laisser le même critère mais permettre de l'étaler sur une plus longue période de manière à permettre une participation des travailleurs qui ont pu être très intensément engagés dans l'industrie il y a deux ans ou un an et demi, que les circonstances économiques ont évincés de l'industrie, mais qui demeurent, par leur formation, leur intérêt professionnel, leur intention même, des travailleurs de la construction même si, temporairement, ils sont chauffeurs de taxi ou laveurs de vaisselle dans un restaurant, ou Dieu sait quoi, mais qui demeurent avec l'intention de retourner à l'industrie de la construction, ou cultivateurs, on en trouve de toutes sortes.

Je trouve qu'il y aurait là, et je n'ai pas de formule à proposer au ministre... Il me semble que 300 heures sur un an, c'est très peu; cela peut aussi être 300 heures sur un mois et cela donne la même ouverture au droit de vote. Cela devrait peut-être être sur deux ans. A ce moment-là, cela pourrait vouloir dire 600 heures, ce qui serait la même chose, 600 heures sur deux ans ou 300 heures par année. Il me semble qu'il y a deux dimensions qu'on mélange dans le projet de loi actuel.

M. Johnson: En fait, peut-être que le député de Saint-Laurent n'aura pas besoin qu'on se creuse les méninges pour essayer de trouver une formule puisque, en fait, il faut lire l'article, le paragraphe a) en même temps. Il ne faut pas oublier que, pour avoir l'équivalent d'un coupon donnant le droit d'aller voter, il vaut être détenteur d'un certificat. Or, pour être détenteur d'un certificat... On a un certificat A, B ou C; si on a un certificat A, cela présuppose, au départ qu'on a travaillé 1000 heures dans les douze mois précé-

dant le 31 mars 1977 ou 1500 heures dans les 24 mois précédant le 31 mars 1978. Donc, en pratique, le bassin de ceux qui font de la construction vraiment leur métier, compte tenu de la question cyclique ou pas... On remonte quand même à mars 1976, d'une part. On dit, pour le reste, cependant, en d'autres termes, que ceux qui n'ont pas fait 500 heures dans la dernière année, à toutes fins pratiques, il y a une place pour ceux qui ont fait 300 heures. En pratique, ceux qu'on peut viser sont ceux qui auraient un certificat C, qui seraient sur un chantier au moment où est déclenché le processus, pour faire en sorte qu'ils puissent y avoir accès, mais ils ne sont quand même pas si peu présents comme si cela ne faisait que deux semaines qu'ils étaient là. 300 heures en deux semaines, sauf à la baie James où cela peut se faire, en général, 300 heures en deux semaines, c'est assez rare qu'on fait cela.

En pratique, vraiment, on identifie un bassin important avec les certificats A et B, en se référant à la période de référence qui est de 24 mois, 1500 heures, ou de 1000 heures à l'intérieur des douze mois ayant précédé le règlement de placement. Alors, je pense, finalement, qu'on vit ces...

M. Forget: Oui, peut-être que je n'en vois pas toutes les indications mais il me semble que, superficiellement du moins, vous allez avoir des gens qui ont un certificat de classification à cause de leur participation à l'industrie de la construction, disons à partir du milieu de 1976 au milieu de 1977 et qui, dans les quinze derniers mois, n'ont pas fait 300 heures. Donc, le règlement du placement va leur dire qu'ils jouissent, à certains égards, d'une certaine forme de priorité sur des nouveaux venus, totalement nouveaux, qu'ils ont en quelque sorte leur passeport pour l'industrie de la construction. D'un autre côté, on ne leur permettra pas de voter.

M. Johnson: Sauf s'ils ont 50 ans... M. Forget: Bien oui. M. Johnson: ... en vertu de b. M. Forget: Celui qui a 49 ans... M. Johnson: Celui qui a fait...

M. Forget: ... qui a son certificat et qui a seulement 275 heures dans les quinze derniers mois, ne pourra pas voter.

M. Johnson: C'est vrai.

M. Forget: II va dire: Pourquoi? Je pense bien qu il n'y a personne, dans cette chambre, qui pourrait lui faire comprendre et accepter pourquoi.

M. Johnson: D'accord.

M. Forget: Ce seront des situations assez curieuses. Dans le fond, il y a un besoin de corrélation entre les règles du placement, dans la mesure où on veut les conserver — je ne rouvrirai pas ce volet — et les règles de votation, parce que pour le monde ordinaire, qui n'est pas législateur, cela va être fatigant.

C'est à peu près tout cela que je voulais dire. Le ministre a répondu en disant: C'est vrai qu'on va loin dans le passé; mais si on va loin dans le passé pour une fin, les gens vont se demander pourquoi on ne va pas loin dans le passé pour donner le droit de vote.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Richmond.

M. Brochu: M. le Président, est-il exact que l'article tel que proposé, tel qu'amendé, va nous donner un chiffre approximatif de 100 000 travailleurs qui seront touchés par cela?

M. Johnson: Excusez-moi...

M. Brochu: Cela va. Est-ce que l'ordre de grandeur de l'article, tel que proposé, va rejoindre environ 100 000 travailleurs? Est-il exact de prétendre cela? Cela équivaut à quoi en termes de...

M. Johnson: Entre 90 000 et 100 000 travailleurs.

M. Brochu: N'était-ce pas un peu plus élevé que cela lors de la dernière ronde?

M. Johnson: C'était 145 000, si je me souviens bien.

M. Brochu: Environ 145 000.

M. Johnson: Le nombre total de personnes inscrites à IOCQ est environ 200 000, sauf que là-dedans, il faut faire la part des étudiants, des chauffeurs de taxi, etc. Le nombre sur lequel a porté le maraudage ayant précédé le dernier décret était environ 140 000. Cependant — et j'ai déjà eu l'occasion de l'affirmer — les études extrêmement bien faites qu'on a pu voir récemment, démontrent qu'au Québec, en période d'activité moyenne — dans la mesure où il existe une telle chose dans un pays où on s'est fait une expo et un stade olympique à l'intérieur de dix ans — il y a de la place pour à peu près 90 000 à 110 000 travailleurs de la construction; dans une période comme celle que nous connaissons en ce moment, c'est évidemment de beaucoup inférieur.

M. Brochu: Lorsqu'il est question du délai de trois mois avant le vote, est-il exact de croire aussi que le délai peut être fixé, compte tenu des problèmes d informatique que cela peut poser pour programmer ceux qui sont compris dans ce système...

M. Johnson: C'est cela. En fait, d'une part, c est le fait que l'office, depuis 1968, est habitué à

procéder avec ce délai et d'autre part, c est le fait qu'il y a des délais réels occasionnés par l'informatique, le recensement, l'expédition et le fait de régler les problèmes, éventuellement, des gens qui peuvent se plaindre, etc. Je pense que c'est raisonnable de prévoir trois mois dans les circonstances.

M. Brochu: D'accord, merci.

Le Président (M. Laplante): L article 1, devenant I article 3, adopté?

M. Forget: Adopté.

M. Brochu: Adopté. M. le Président.

Le Président (M. Laplante): J'appelle le nouvel article 4, proposé par M. le ministre.

M. Johnson: Le nouvel article 4 qui deviendrait I'article 4 du projet de loi no 52, se lit comme suit: L'article 7a de ladite loi édicté par l'article 3 du chapitre 51 des Lois de 1975 est remplacé par le suivant: "7a: Au cours du sixième mois qui précède I'expiration du décret, tout salarié dont le nom apparaît sur la liste dressée suivant I'article 6 peut, conformément au présent article, faire connaître à l'office le choix qu'il fait d'une association dont le nom a été publié suivant l'article 5. Ce choix s'exprime en secret par voie de scrutin tenu sous la surveillance d'un représentant de I'Office, aux dates et de la façon prévues par règlement de I'Office. Un salarié qui, ayant droit de faire connaître son choix, ne l'a pas exprimé suivant le premier alinéa, est réputé pour l'application des articles 7b, d et g, avoir choisi l'association en faveur de laquelle il a fait connaître son choix, lors du scrutin précédent ou à laquelle il a adhéré suivant l'article 7h depuis ce scrutin, à la condition que le nom de cette association soit publié suivant I'article 5. Tout litige relatif au vote ou découlant du scrutin est tranché par le représentant de I'Office dont la décision est sans appel".

En pratique un salarié actuellement est obligé de voter lors du scrutin d'allégeance syndicale tenu par l'Office. Aussi, cet amendement a pour but, d'une part, d'enlever cette obligation de voter et, d'autre part, d'édicter une présomption de vote en faveur du salarié qui avait le droit de voter, mais qui ne l'a pas fait. Ce salarié sera donc réputé avoir choisi l'association en faveur de laquelle il a fait connaître son choix lors du scrutin précédent ou à laquelle il a adhéré suivant l'article 7h, depuis ce scrutin. Le problème que cela peut soulever, évidemment, est le suivant: on instaure maintenant, à cause du règlement de placement entre autres et de son effet de contingentement partiel de la main-d'oeuvre dans le secteur, un mécanisme qui habilite les travailleurs à choisir entre quatre associations syndicales.

On peut présumer qu'il y a un minimum de participation des travailleurs dans le secteur de la construction à la vie syndicale, mais je pense qu'on n'a pas le droit de présumer que cela a à être supérieur à ce qu'on rencontre ailleurs, comme par exemple, dans les commissions scolaires ou autrement. Or, une des aberrations de la loi 290, c'est le fait qu'on disait que la majorité était obtenue — si je laisse tomber la question de la pondération en fonction des heures travaillées — sur une base absolue au sens ou il fallait qu'une centrale syndicale ait recruté plus de 50%, non pas des voix exprimées, mais de tous les votes potentiellement exprimables dans l'industrie, ce qui fait qu'on aurait pu très bien assister cette année à un vote où aucune association ne serait représentative, et, où même un groupement des associations ne serait pas représentatif, s'il y a un taux de participation relativement bas.

Or, dans les circonstances on dit: le vote n'est pas obligatoire. Cependant, dans le but, entre autres, comme on l'a mentionné, d'éviter d'être une incitation au maraudage sauvage dans l'industrie, et pour la computation des votes allant aux quatre centrales qui figurent sur le bulletin, on tiendra compte du vote ou de l'allégeance exprimée par le salarié qui est arrivé dans l'industrie et qui devait, au moment de son entrée dans l'industrie, faire un choix d'une des centrales, de toute façon. Et, on présumera que celui qui n'a pas changé son allégeance, qui n'a pas exprimé son droit de vote, l'a exprimé tacitement en faveur de

Iassociation à laquelle il appartenait avant le vote. Ceci permettra de garder la règle du calcul sur la base de l'ensemble des salariés admissibles au vote, mais en tenant compte aussi du fait qu'il est possible qu'il n'y ait pas un taux de participation qui tienne compte de cela.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, ces explications sont adéquates et, je pense, représentent également le voeu conjoint des organismes syndicaux.

II faut dire qu'il s'agit là d'une procédure sans guère de précédents connus. Et, c'est strictement, je pense, en tenant compte du consensus entre les organismes syndicaux qu'on peut être à moitié d'accord avec le principe et d'accord en pratique avec l'article en question, au moins à titre d'expérience. Parce qu'on se rend compte dans quelle situation, assez curieuse, on se trouverait si on adoptait cela pour les élections scolaires, municipales et les élections législatives. De faire bénéficier, par exemple, le gouvernement en place du vote implicite de la majorité silencieuse, selon l'expression bien connue, nous garantirait, probablement, la permanence au pouvoir de n'importe quel gouvernement, soit-il si odieux qu'on puisse imaginer.

M. Johnson: C'est une excellente chose dans le contexte actuel.

M. Forget: Oui, ce n'est pas sans sourire, évidemment, que le ministre l'affirme, mais il y a quelque chose de dérangeant dans cette notion et c'est seulement en faisant intervenir d'autres con-

sidérations sur la nécessité de se conformer à la règle de représentativité qui est une règle arithmétique, assez curieusement, dans cette loi, plutôt qu'une règle de faits, le législateur se mêlant de décréter des choses qui, dans le fond, ne devraient jamais être dans des lois, parce que ce qui est représentatif, c'est ce qui parle au nom de suffisamment de gens et à qui on reconnaît la légitimité. Ce n'est pas déduit d'un exercice arithmétique, la légitimité d'un organisme syndical, pas plus que d'un gouvernement. (15 h 45)

II reste que, comme le législateur s'est engagé à définir la légitimité ou la représentativité, il se voit acculé à des choix aussi surprenants que ceux-là. Ceci, joint à la description limitative des organisations syndicales qui peuvent participer au scrutin, fait qu'on aura, dans le domaine de l'industrie de la construction, du côté syndical comme du côté patronal, ce qu'on peut appeler la démocratie guidée par le législateur, dans une large mesure. Il faudra certainement que le ministre du Travail s'arrange pour que les syndiqués du milieu de la construction soient bien conscients du fait que, à défaut de s'exprimer, le ministre, le gouvernement et l'Assemblée nationale se sont exprimés à leur place, dans le fond. S'ils ne veulent pas que ce soit là leur dernier mot, il faudra qu'ils sortent de chez eux et qu'ils aillent exprimer un choix. Je pense que cela place une responsabilité assez nette sur le gouvernement de faire connaître la situation au moment du scrutin. A défaut de faire cela, on se trouvera dans des situations que les syndiqués eux-mêmes vont juger abracadabrantes, avec des majorités fantastiques ou certainement, du moins, une participation purement fictive. Et c'est dangereux, à long terme. Cela pourrait résulter en un taux de participation de plus en plus faible, d'ailleurs, à des scrutins successifs, de sorte que, pour assurer la représentativité, on aboutisse à une situation où on la perde complètement. Ce qui n'est pas un résultat inouï pour certains efforts législatifs d'arriver à des résultats absolument contraires à ceux recherchés. Cela s'est déjà vu et cela peut se reproduire. Je pense qu'il y a un risque certain qu'on arrive à une participation nulle, sous prétexte d'assurer la représentativité.

Il y a un danger que cela soulève et c'est un danger — je sais que le ministre en est conscient, par des remarques qu'il a tenues privément, mais je me demande si le texte en tient suffisamment compte — d'intimidation. Il est clair que si le seul fait de sortir de chez soi pour aller exprimer un choix devient la démonstration visible d'une dissidence, les dissidents sont facilement repérables et deviennent facilement la cible d'efforts de persuasion. Il n'y a pas d'objection à ce que ce soit seulement des efforts de persuasion, mais on sait que, dans des circonstances enflammées d'une rivalité intersyndicale, cela peut aller un peu plus loin, le zèle de certains représentants l'emportant et, en contravention avec toutes les directives des centrales syndicales, il reste que cela peut prendre cette dimension, hélas! le zèle intempestif, le prosélytisme intempestif. A ce moment, le ministre ne serait-il pas d'accord qu'au lieu de laisser la question de la réglementation sur la date et le moment du scrutin complètement ouverte, le législateur devrait aller un peu plus loin et inviter l'Office des professions à prévoir un étalement de la période de scrutin? Dans le moment, ce n'est pas exclu par la rédaction, mais ce n'est pas compris non plus que ce sera un étalement des dates. Dans le fond, on dit: Aux dates, mais est-ce que ce sont des dates différentes dans différentes régions, par exemple, ou si ce sont les deux mêmes jours partout au Québec?

Il me semble que le législateur devrait aller un peu plus loin et qu'il devrait donner des balises à l'Office de la construction pour dire: C'est peut-être la même date partout. Je ne sais pas quelle a été la pratique là-dedans, mais il semble qu'il y ait avantage à ce qu'un scrutin se déroule en même temps partout, à moins de difficultés administratives insurmontables. Il y aurait intérêt à ce que ce soit étalé pendant la période la plus longue possible, de manière que les dissidents ne soient pas trop visibles, et qu'on ne puisse pas les repérer trop facilement.

On peut s engager dans un cercle vicieux épouvantable. Etant donné qu'il s'agit d'être peu nombreux pour aller voter pour que le mécanisme joue, il y a une incitation pour être de moins en moins nombreux, si ceux qui y vont sont victimes de pressions qu'ils trouvent désagréables, alors on va arriver avec un statu quo et avec la perte de la représentativité. Cela peut être un facteur de perte de représentativité. Alors, il me semble que si on précisait un peu plus le deuxième paragraphe, cela serait plus acceptable, encore que tout ce processus est acceptable.

Je le dis encore une fois et je termine là-dessus seulement parce qu'il représente un consensus. On peut en faire l'expérience avec toutes sortes de réserves mentales qui nous amèneraient, un jour, à réviser notre position si on voyait que la première expérience n'est pas heureuse. Si elle l'est heureuse, bien tant mieux. On continuera à vivre avec.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Richmond, avez-vous des commentaires?

M. Brochu: Merci, M. le Président. A ce moment-ci, l'article tel qu'il est présenté nous apparaît logique. De toute façon, au point de départ, il fait l'objet d'un large consensus; je pense que la plupart des intéressés — pour ne pas dire la totalité des intéressés — se disent d'accord à ce sujet. Il faut mettre la formule à l'essai, il faut la vivre et voir en partant d expériences vécues ce que cela va donner.

Je comprends qu on peut avoir certaines réserves au point de départ. On est conscient du fait que cela peut, d'une certaine façon, apporter une certaine passivité du côté de la participation, mais encore-là, c est difficile de juger d'avance de la perception qu'auront les travailleurs de ces dispositions. Dans ce sens, cela sera surtout au niveau

de l'expérience qu'on pourra dire ce qui en sera exactement. De toute façon, il y a le comité Hébert qui va aussi reprendre certaines choses, qui va faire certaines recommandations au ministre lorsque le document sera rendu public. On va vivre l'expérience de l'automne, on sait que dans ce domaine de la construction on aura des échos, sûrement, de ce qui va se passer; cela va être public. On sait que les discussions sont, pour le moins, viriles à l'occasion, pour employer un terme qui est cher au ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières. On sait que parfois, même, les arguments sont frappants pour caricaturer un peu et la discussion qui aura lieu, à ce moment, va nous donner l'expérience du vécu de ce projet de loi.

Au point de départ, cela nous apparaît logique, cela nous apparaît une formule, comme je le disais au ministre, qui mérite d'être mise en application. Partant de l'expérience qu'on fera, il sera possible à la lumière également du rapport Hébert, de faire une réflexion en profondeur sur l'ensemble de la situation pour arriver finalement à la refonte de la loi 290, comme telle, mais avec une expérience solide, basée, au point de départ, sur une volonté commune de la part des syndicats dans ce secteur de faire une telle expérience.

Je pense, qu'en ce cas, toutes les chances sont du côté du bon sens au point de départ. Quant à nous, on est prêt à faire l'expérience. Il nous semble que c'est positif et à l'usage on fera les commentaires et les réserves nécessaires. S'il le faut, en cours de route, quand viendra le temps de la refonte du projet de loi 290, à ce moment, on fera les rajustements qui s'imposent.

Le Président (M. Laplante): Nouvel article...

M. Johnson: M. le Président, brièvement, pour répondre aux préoccupations du député de Richmond et du député de Saint-Laurent, deux choses. D'abord quant à la notion, si on veut, de la passivité capitalisée, au sens de la représentativité, je suis bien conscient que d'une certaine façon, on pourrait arriver à la situation absurde où aucune participation n'assure la représentativité. C'est bien évident. Ce n'est pas cela l'objet visé et dans le rapport du comité Hébert ou, enfin, ce que j'ai vu rapidement qui touchait ce sujet-là, quand le rapport m'est arrivé on me propose différents mécanismes, y compris, peut-être, une forme d'accessibilité pour n'importe quelle association, mais l'obligation pour elle de faire une démonstration qu'elle représente déjà un certain groupe et peut-être, même, un ballottage après un premier vote qui pourrait survenir... un ballottage survenant après un premier vote, dans le cas de celles qui n'auraient pas recueilli un minimum, en vertu de certains critères qui resteraient à établir. Je suis bien conscient de cela.

Quant à ce que le député de Saint-Laurent a appelé avec euphémisme le zèle intempestif qu'on peut rencontrer dans le cas de ceux qui seraient tentés d'inspirer ceux qui veulent changer d'allégeance syndicale, je suis très conscient que c'est un problème qui pourrait exister. Dans les circonstances, je pense qu'il est de I'intention de l'Office de faire en sorte qu'il y ait un étalement du vote, dans une période de temps, par règlement.

Durée du scrutin

II y aurait peut-être une formulation qu'on pourrait mettre dans la loi, en disant par exemple que ce vote doit s'étendre sur une période d'au moins six jours consécutifs, ou quelque chose comme cela. L'inconvénient que je vois à une formulation comme celle-là, c'est qu'il faut bien se rendre compte que cela a des implications considérables sur le plan financier, sur le plan de l'organisation. Nous avons connu cela récemment, alors que le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre avait la responsabilité de la surveillance du scrutin pour les élections du local 791. Cela s'est effectivement étendu dans le temps, mais cela variait selon les régions, cela dépend quels chantiers sont en activité, etc.

Il est très clair que notre intention, c'est de faire en sorte qu'effectivement il y ait un étalement dans le temps pour le travailleur, pour aller se présenter, afin de minimiser les occasions d'exclusivité de la présence, dis-je, exclusive de certains représentants au zèle intempestif.

Dans les circonstances, je serais plutôt tenté de dire que même si la loi ne me confère pas de pouvoir précis à l'égard de l'office qui, je présume, est peut-être un peu plus réceptif qu'il ne l'est à l'égard du gouvernement depuis quelque temps, pour des raisons qui ne sont pas nécessairement inspirantes, je pense qu'il est de l'intention de l'office de faire en sorte qu'il y ait un étalement sur le temps et je suis assuré qu'au niveau du comité mixte de l'office, la partie patronale et la partie syndicale, qui agissent comme conseillers de l'office, verront à ce que cette disposition soit applicable, mais en lui laissant la latitude nécessaire pour planifier cela sur le plan de l'organisation et sur le plan des implications financières que cela peut avoir, de la façon qui soit la plus adéquate possible.

M. Forget: M. le Président, sur ce point, je comprends que le ministre a de bonnes intentions, mais dans le fond, son argumentation principale pour dire qu'il n'est pas souhaitable de voir la loi modifiée pour prévoir que les élections doivent s'écouler sur une période minimum de six jours, ou des raisons d'implication financière et administrative... Ces motifs peuvent être réels. Je comprends que cela peut coûter plus cher, mais d'un autre côté, on ne peut pas gagner sur tous les plans. On ne peut pas sauver des principes, s'ajuster à un consensus intersyndical et, en plus, épargner de l'argent. A un moment donné, il faut ordonner les priorités et si on veut donner suite à un consensus intersyndical, bravo. Malgré les réserves de principes qu'on peut entretenir, je pense que si on veut en faire l'essai loyalement et qu'ils sont d'accord pour fonctionner dans ce cadre, tant mieux.

Mais il y a, malgré tout, les réserves de principe qui demeurent et qui sont importantes. Il me semble que si on doit faire un sacrifice, ce n'est pas au niveau des réserves sur les principes démocratiques en jeu, de représentativité, c'est au niveau des coûts administratifs et financiers que peut impliquer une prescription légale d'un minimum de six jours. Il me semble que c'est seulement dans ces circonstances à moins qu'on ait un autre mécanisme à l'esprit qui n'ait pas été mentionné mais il me semble que c'est seulement en étendant la période de scrutin qu'on rend plus facile l'exercice du droit de vote par un syndiqué, dans un contexte où cet exercice n'est certainement pas facilité par le reste de l'article.

Il me semble que ce serait assez important pour dire à l'office: Ecoutez, il y a une obligation légale, soumettez-nous les règlement, mais seulement dans la mesure où vous vous conformez à une restriction comme celle-là, six jours au moins. Il me semble que c'est un strict minimum.

M. Johnson: Par contre, je verrais plus cinq jours que six, puisqu'on implique une semaine ouvrable, au départ, une semaine de calendrier, en excluant le samedi et le dimanche, si le député de Saint-Laurent voulait en faire un amendement.

Cependant, je voudrais simplement souligner que le fait d'inscrire cela au niveau de la loi, est-ce que cela ne coule pas un peu les pieds de l'office dans le béton qui, peut-être pour un tas de raisons particulières, voudrait que, dans une région donnée, ce soit plus long. Et dans une région, il est possible que même trois jours, ce soit entièrement suffisant pour couvrir le bassin de personnes et permettre que toutes les personnes aient effectivement exercé leur droit.

C'est le genre d'implications que je n'ai pas pu analyser. Si nos juristes n'y voient pas, a priori, d'objection au niveau de l'interprétation, je verrais peut-être quelque chose comme: Toutefois, ce scrutin doit se tenir sur une période d'au moins cinq jours consécutifs. Cela donne au moins une balise à l'office. (16 heures)

M. Forget: On serait bien heureux que l'article soit amendé dans ce sens.

M. Johnson: Oui.

M. Forget: Cela fige effectivement l'office dans le béton dans une certaine mesure, mais c'est le but même de la loi de mettre des balises.

M. Johnson: D'accord. Après le second paragraphe de l'article 7a, on ajouterait, après le mot "office.", les mots suivants: Toutefois ce scrutin doit se tenir sur une période d'au moins cinq jours consécutifs".

M. Brochu: Pour autant que ce soit un minimum, que ce ne soit pas un maximum.

M. Johnson: Non, au moins.

M. Brochu: Au moins. M. Johnson: C'est cela. M. Brochu: D'accord.

M. Johnson: Est-ce que cela va pour les fins du greffier?

Une Voix: Cela va.

Le Président (M. Laplante): A la fin du deuxième paragraphe, n'est-ce pas?

M. Johnson: C'est cela, à la fin du deuxième paragraphe.

Le Président (M. Laplante): Après l'article 7a.

M. Johnson: Non. Je peux peut-être recommencer. Nous avons l'article 4 devant nous modifiant l'article 7a de la loi. L'article 7a a quatre paragraphes avec la nouvelle version que nous en faisons et, à la suite du second paragraphe, nous introduirions, après le mot "office.", les mots: "Toutefois ce scrutin doit se tenir sur une période d'au moins cinq jours consécutifs".

Si je comprends bien, c'est appuyé par le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Oui, M. le Président.

M. Johnson: Ce sous-amendement est-il adopté, M. le Président?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laplante): Adopté. Le nouvel article 4 qui devient l'article du ministre est adopté avec son amendement.

J'appelle l'article 2 du projet de loi 52 qui devient l'article 5. M. le ministre.

Certificat de représentativité

M. Johnson: M. le Président, remplacer l'article 2 du projet de loi par le suivant: "5. L'article 7c de ladite loi, édicté par l'article 3 du chapitre 51 des lois de 1975, est remplacé par le suivant: "7c. L'office constate le degré de représentativité d'une association conformément aux critères établis à l'article 7d. "Il délivre à chaque association dont le nom a été publié suivant l'article 5 un certificat établissant son degré de représentativité et la liste des salariés qui ont adhéré à cette association suivant l'article 7a. "Ce certificat prend effet le premier jour du deuxième mois précédant l'expiration du décret sauf pour les fins des chapitres IV et V pour lesquels il prend effet le premier jour du quatrième mois précédant l'expiration du décret. "

Quelques commentaires sur cet article: L'article 7c actuel prévoit que l'office doit faire parvenir

à chaque association un certificat de représentativité avant la fin du cinquième mois qui précède la date d expiration du décret.

Or, le présent article fait disparaître ce délai tout en prévoyant des dates d'entrée en vigueur d'un certificat de représentativité. Ainsi les nouveaux certificats émis à la suite d'un vote d'allégeance syndicale prendront effet en même temps que les certificats de classification émis en vertu du règlement de placement et les certificats d enregistrement prévus à l'article 7e, soit le premier jour du deuxième mois précédent l'expiration du décret.

Toutefois, pour les fins des chapitres IV et V de la loi, soit les négociations et l'extension juridique, les nouveaux certificats entrent en vigueur le premier jour du quatrième mois précédant l'expiration du décret.

Cet amendement ainsi que celui suggéré à I'article 7e ont pour but d'enlever toute ambiguïté dans le texte actuel de la loi. En effet, par le jeu de la définition de l'association représentative qui se réfère au certificat de représentativité, tous les droits et obligations passaient aux nouvelles associations représentatives dès l'émission du certificat et ce, malgré le fait que la carte d'adhésion délivrée aux salariés semblait prendre effet soit à une date d'expiration du décret à l'article 7f ou à sa date d'émission avant la fin du troisième mois précédant l'expiration du décret à l'article 7e.

Je suis sûr que cela va éclairer tout le monde dans la salle et particulièrement les conseillers juridiques des partis qui se référeront au journal des Débats.

M. Brochu: On ne vous demandera pas de résumer.

Le Président (M. Laplante): L'article 5 est-il adopté?

M. Brochu: Adopté.

M. Forget: Oui, adopté, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): J'appelle l'article 3 du projet de loi 52 qui devient l'article 6. Il n'y a pas de papillon.

M. Johnson: II reste tel quel, M. le Président, c'est-à-dire l'article 3 du projet de loi 52, tel qu'il figure en ce moment et qui devient l'article 6 maintenant de notre projet, qui se lit comme suit: L'article 7d de ladite loi édictée par l'article 3 du chapitre 51 des lois de 1975 est remplacé par le suivant: "7d: La représentativité d'une association de salariés correspond au pourcentage que représente le nombre de salariés qui ont fait connaître à l'Office, conformément à l'article 7a, leur choix en faveur de cette association par rapport au nombre total des salariés qui ont fait connaître leur choix.

Le Président (M. Laplante): Adopté? M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président...

M. Johnson: Peut-être quelques commentaires. L article, en fait, prévoit une nouvelle façon d établir la représentativité de l'association de salariés. La formule prévue actuellement à I article 7d établit la représentativité d une association de salariés en fonction du nombre de votants pondérés par le nombre d'heures de travail effectuées pour chacun d eux, comme je l'ai expliqué tout à I'heure. Avec les modifications proposées, la représentativité d'une association de salariés sera donc établie en fonction du total des salariés qui auraient effectivement voté ou qu'on présume avoir voté dorénavant à cause des modifications que nous avons apportées aux articles antérieurs. Enfin, on introduit un principe de base, qui est la notion un homme un vote, ce qui est un changement à la loi précédente.

M. Forget: Oui. Je n'ai certainement aucune objection à formuler sur le principe d'un homme un vote: autrement, encore là, il faudrait voir ce que l'équivalent donnerait dans d'autres situations. Je crois que c'est un principe qui est le bienvenu dans le cadre de cette loi.

Il me semble qu'il devrait y avoir à ce nouvel article 6, amendant l'article 7d, une concordance avec l'article 7a dans sa nouvelle rédaction, parce que cela va soulever une difficulté d'interprétation. L'article 7a prévoit deux façons pour un syndiqué de manifester, si c'est le mot approprié, son choix. L une est d aller voter et l'autre de ne pas y aller.

Or. lorsque I article 7d fait allusion au pourcentage que représente le nombre de salariés qui ont fait connaître à l'office leur choix, on ne fait allusion directement qu'à I'un des deux procédés. Il pourrait y avoir des contestations basées sur cette divergence au niveau de la formulation.

Ce que je suggérerais, c'est qu on ajoute quelques mots à I article 7d en disant: Au pourcentage que représente le nombre de salariés qui ont fait connaître à l'office, conformément à l'article 7a, leur choix ou qui sont réputés lavoir fait connaître en vertu de cet article. Autrement, vous pouvez avoir des contestations qui disent: La seule référence qui est contenue dans l'article 7d. c est à la première façon de s'exprimer, soit en allant voter, mais non pas à la deuxième façon, en restant chez soi.

M. Johnson: Je comprends très bien l'objectif du député de Saint-Laurent que je partage, qu'il n'y ait pas d'ambiguïté quant à cela. On a expliqué comment se fera le calcul tout à l'heure. C'est vrai que ces articles peuvent sembler... L'article 7d semble a priori incomplet. Cependant, si on va voir I'article 7a, au troisième paragraphe, on dit bien qu'un salarié qui, ayant le droit de faire connaître son choix, ne l'a pas exprimé suivant le premier alinéa, est réputé, pour l'application de l'article 7b, 7d et 7g, avoir choisi l'association en faveur de laquelle, etc.

Cependant, j'ai aussi eu le même réflexe que lui en refaisant la lecture du projet pour la nième fois aujourd'hui. Le problème qu'il ne pose pas. c'est le risque que l'article 7d soit interprété

comme référant aux deux premiers paragraphes seulement de l'article 7a, et non pas également au troisième paragraphe. J'aurais tendance aussi...

M. Forget: Je pense que oui.

M. Johnson: ... à souhaiter que ce soit plus clair, quitte à ce que ce soit une redondance.

M. Forget: C'est cela.

M. Johnson: C'est bien connu, le législateur n est pas censé parler pour ne rien dire. Cela paraît qu'il n'est pas venu souvent à Québec. On peut peut-être préciser à l'article 7d, effectivement... Ce serait: La représentativité d'une association de salariés correspond au pourcentage que représente le nombre de salariés qui ont fait connaître à l'office, conformément à l'article 7a, leur choix en faveur de cette association, ou qui sont réputés l'avoir fait en vertu...

M. Forget: Tout de suite après fait connaître".

M. Johnson: ... du troisième paragraphe de l'article 7a, au nombre total des salariés qui ont fait connaître leur choix...

M. Forget: Encore plus brièvement, il serait possible d'intercaler...

M. Johnson: ... et qui sont réputés l'avoir fait, encore une fois.

M. Forget: C'est cela. Il serait possible d'intercaler, après qui ont fait connaître ou qui sont réputés avoir fait connaître à l'office"...

M. Johnson: Ah oui!

M. Forget: ... conformément à l'article 7a.

M. Johnson: D'accord. Non, un instant! ... et qui ont fait connaître...

M. Forget: ... ou qui sont réputés avoir fait connaître...

M. Johnson: ... à l'office conformément à l'article 7a ce choix en faveur de cette association, par rapport au nombre total des salariés qui ont fait connaître leur choix ou sont réputés l'avoir fait connaître".

M. Forget: C'est ça, exactement.

M. Johnson: Je pense qu'il faut le mettre aux deux endroits.

M. Forget: Oui.

M. Johnson: Je sais que ce genre d'amendement très technique donne toujours des sueurs froides aux légistes. Vous savez, je pense que c'est agaçant pour les légistes quand le législateur se met à faire de la législation.

M. Forget: Oui, c'est à éviter strictement.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous êtes d'accord pour attendre le texte, M. le ministre?

M. Johnson: Oui, suspendu.

Le Président (M. Laplante): On va suspendre l'article 3, qui est maintenant l'article 6.

M. Johnson: D'accord. On peut suspendre et revenir avec un texte.

Le Président (M. Laplante): J'appelle l'article 4 qui devient l'article 7.

M. Johnson: Tel quel, M. le Président? Le Président (M. Laplante): Tel quel.

M. Johnson: Donc, l'article 4 du projet de loi no 52 deviendrait l'article 7 de la version finale qui sortira de la commission en se lisant comme suit: L'article 7e, de ladite loi, édicté par l'article 3 du chapitre 51 des lois de 1975 est remplacé par le suivant: "7e: L'Office fait parvenir à chaque salarié dont le nom figure sur la liste visée à 7b une carte portant mention notamment de son nom, de son numéro d'assurance-sociale, du nom de l'association représentative qu'il a choisie suivant l'article 7a. Cette carte prend effet à compter du premier jour du deuxième mois précédant l'expiration du décret."

Le Président (M. Laplante): Commentaires, le député de Richmond?

M. Brochu: Cela va.

Le Président (M. Laplante): Article 4 devenant l'article 7 adopté?

M. Johnson: Article 7. L'article suivant, M. le Président...

Le Président (M. Laplante): Article 8 du... M. Johnson: ... du projet d'amendement...

Le Président (M. Laplante): ... du... Attendez un peu, là! Article 5...

M. Johnson: L'article 5...

Le Président (M. Laplante): L'article 5 est remplacé complètement, n'est-ce pas?

M. Johnson: C'est ça.

Le Président (M. Laplante): II ne revient nulle part.

Carte de l'Office

M. Johnson: L'article 5 du projet de loi no 52...

Le Président (M. Laplante): ... devient l'article 8...

M. Johnson: ... et qui se lit comme suit: Article 8: "Remplacer l'article 5 du projet de loi par le suivant: 8. L'article 7f de ladite loi, édicté par l'article 3 du chapitre 51 des lois de 1975 est remplacé par le suivant, 7f: La carte visée à l'article 7e fait preuve non contestable de son contenu pour toute période comprise entre la date où elle prend effet et le dernier jour du troisième mois précédant l'expiration du décret et elle est la seule dont l'employeur doit tenir compte pour fins d'emploi d'un salarié et la seule également pour toutes les fins de l'office. "

Quelques commentaires brièvement: II s'agit d'une modification de concordance devenue nécessaire suite à la modification apportée à l'article 7e. Toutefois, dans le but d'éviter toute ambiguïté, il y a lieu de préciser la période durant laquelle la carte visée à 7e fait preuve non contestable de son contenu, soit à compter de son entrée en vigueur fixée par 7e au premier jour du deuxième mois précédant l'expiration du décret suivant.

Par exemple, le décret actuel expire le 30 avril 1979 et, dans le cas où le prochain décret n'expirerait que le 30 avril 1982, alors la carte ou le certificat d'enregistrement serait valide du 1er mars 1979 au 28 février 1982.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Richmond.

M. Brochu: Cela va.

Le Président (M. Laplante): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

Le Président (M. Laplante): Adopté.

M. Johnson: Adopté.

Le Président (M. Laplante): L'article 8 adopté. Un moment! L'article 6 du projet de loi no 52 devient l'article 9.

M. Johnson: 9, et se lit comme suit: "L'article 7h de ladite loi, édicté par l'article 3 du chapitre 51 des lois de 1975 est remplacé par le suivant, 7h: Aucun employeur ne peut employer un salarié à moins que ce salarié n'ait, au préalable, obtenu de l'office la carte visée à l'article 7e, après que ce salarié ait fait connaître à l'office, suivant la procédure établie par ce dernier, son adhésion à une association représentative et que l'office n'ait avisé en conséquence l'association intéressée."

Mme Lavoie-Roux: C'est simplement de la concordance.

M. Johnson: Essentiellement.

Une Voix: Adopté.

M. Johnson: Adopté, M. le Président?

Le Président (M. Laplante): Article 9 adopté. Maintenant...

M. Johnson: Article 10, M. le Président?

Le Président (M. Laplante): ... l'article 7 du projet de loi no 52 devient l'article 10.

M. Johnson: Non, ce n'est pas ça, M. le Président. Il y a un article à intercaler avant, qui est un nouvel article.

Le Président (M. Laplante): Je m'excuse.

(16 h 15)

M. Johnson: On n'est pas rendu à l'article 7, on est entre les articles 6 et 7 et on introduit l'article 10.

Le Président (M. Laplante): C'est cela, l'article10 sera un nouvel article.

M. Johnson: Voilà!

Le Président (M. Laplante): ... proposé par le ministre.

M. Johnson: L'article 10: Ladite loi est modifiée par l'insertion, après l'article 9, du suivant: 9a. "Une association représentative à un degré de 15% ou plus a le droit d'être présente lors des séances de négociation et de soumettre des demandes relatives au contenu de la convention collective."

Il s'agit évidemment d'une disposition qui est rendue possible, je ne dirai pas nécessaire, mais possible, parce qu'il y a une entente entre les deux associations représentatives, ou je devrais dire les deux associations les plus représentatives du secteur de la construction; celle qui est majoritaire acceptant que celle qui est minoritaire mais qui possède quand même des effectifs assez considérables dans le secteur, soit présente à la table de négociation pour formuler des demandes.

Je pense que c'est un pas dans la bonne direction par lequel l'ensemble des agents reconnus par la loi et l'ensemble des membres formant ces agents, éventuellement sont appelés à une participation à un stade ou à un autre de la négociation ou peut-être même, éventuellement, du vote. Je pense que c'est un pas dans cette direction qui fait en sorte que les conventions collectives s'ap-pliquant à l'ensemble des salariés de la construction soient négociées par l'éventail le plus large possible de ceux qui les représentent.

C'est un départ, c'est un pas, je pense. En pratique, cela veut dire, pour parler français et québécois, que la CSN sera assise à la table de négociation lors de la négociation du prochain décret, si elle obtient 15% du vote, ou encore la FTQ, si elle obtient 15%, pourra être présente, même si

c'est la CSD qui en a le plus. Enfin, ce sont différentes hypothèses qu'on peut évoquer, mais au moment où on se parle, cela voudrait dire que la CSN pourrait être assise à la table de négociation, ce qui est différent, évidemment, du dernier décret.

Mme Lavoie-Roux: C'est dans un esprit d'assurer une meilleure représentativité, dans le fond...

M. Johnson: Essentiellement, oui. D'autre part, je pense que cela pose une question de fond différente. Il s'agit, en fait, de négociations sectorielles, comme c'est le cas de l'éducation et le cas des affaires sociales au Québec. Dans ce contexte, on se rend compte, dans le cas de l'éducation ou des affaires sociales, que sont nés des fronts communs ou des tables centralisées où finalement, l'ensemble des salariés, par ses représentants, furent-ils d'une diversité importante quant à leur origine ou à leur étiquette, était présent au cours des négociations. Dans la construction, je pense qu'on vient de franchir ce pas par lequel une association, même si elle est minoritaire mais représentative au point où elle représente quand même 15 000 personnes, puisqu'on parle d'environ 15 000 personnes sur 100 000, elle serait présente à la table de négociation pour formuler des demandes.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Richmond.

M. Brochu: Oui, merci, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Excusez, aviez-vous une autre question, Mme le député de L'Acadie?

Mme Lavoie-Roux: Non.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Richmond.

M. Brochu: Sur l'amendement tel que proposé par le ministre, on ne peut qu'être d'accord; cela fait aussi l'objet d'une entente entre les parties. Je ne sais pas si cela a été la préoccupation du ministre, mais cela répond aussi aux demandes qui avaient été faites par M. Rioux, dans ses édito-riaux. Je ne sais pas si le ministre s'est basé exclusivement sur les remarques que M. Rioux a faites dans ses éditoriaux, mais cela rejoint quand même cette...

M. Johnson: Le moins possible.

M. Brochu: Cela rejoint quand même cette chose-là.

M. Johnson: Est-ce que c'est le même M. Rioux qui a une émission avec M. Cournoyer?

M. Brochu: On me dit que oui.

Mme Lavoie-Roux: Ne me dites pas que vous ne connaissez pas Mathias?

M. Brochu: M. le Président, je reviens sur un point sur lequel j'ai attiré l'attention du ministre, tout à l'heure avant qu'on aille dîner. J'avais indiqué au ministre que je pourrais lui faire part d'un autre point qui a été soumis à notre attention et qui fait présentement l'objet de certaines discussions entre les centrales dans l'industrie de la construction. Il s'agit de la question litigieuse de la participation des associations minoritaires à l'acceptation de clauses devant faire l'objet de convention collective.

J'avais demandé l'opinion du ministre sur ces questions. Disons que ce n'est pas directement, dans un premier temps, relié à cela, mais avec le prolongement du principe qu'on reconnaît dans l'amendement du ministre, éventuellement, lorsqu'on arrivera à l'autre étape, on devra faire face à cette situation. J'aimerais peut-être connaître les couleurs du ministre sur cette question plus particulière.

M. Johnson: Peut-être que le député de Sainte-Marie voudrait poser une sous-question sur le même sujet. Il pourrait peut-être poser sa sous-question et je répondrai à la question et à la sous-question.

M. Brochu: Le député de Sainte-Marie avait déjà une sous-question qui s'en venait?

M. Bisaillon: Ce n'est pas une sous-question, M. le Président. J'avais une vraie question qui découlait, selon moi de l'article 9a. Autrement dit, ma question n'est valable qu'au moment où l'article 9a est accepté. Si l'article 9a n'est pas voté, ma question tombe. Je pense qu'on devrait peut-être voter l'article 9a et revenir.

M. Brochu: II y a beaucoup de chance que la question ne tombe pas de la manière que c'est parti. Je ne pense pas.

M. Bisaillon: En fait, M. le Président, si on tient pour acquis que l'article 9a va être adopté tel quel, on se rend compte qu'une association représentative à un degré de 15% peut soumettre des demandes relatives au contenu de la convention collective; elle est présente à la table et peut soumettre des demandes relatives au contenu de la convention collective.

Il me semblait normal que l'on puisse étudier et je comprends, à partir des remarques que le ministre a faites tantôt sur la législation qui est faite au coin de la table, que ce ne sera pas pour aujourd'hui, mais j'aurais trouvé normal que l'on se penche aussi sur le problème du vote au moment de l'acceptation de la convention collective ou encore du rejet du contenu de la négociation et même un peu au-delà aussi sur le vote de grève. Est-ce que l'ensemble des travailleurs de la construction représentés à la table de négociation

aurait la possibilité de se prononcer sur ces questions?

C est dans le même sens, je pense, que celui du député de Richmond que mes questions allaient, sauf que je ne prévoyais pas qu'on pourrait régler ce problème-là aujourd'hui et je voulais demander au ministre à quel moment on pourrait se pencher sur ces problèmes-là et les inclure dans la loi.

M. Johnson: En fait, la question peut porter un non et je ne fais pas d'allusion à ce qui se passe à la chambre 81, mais c'est une notion, en fait, de référendum, si on veut, dans le secteur de la construction. Ce référendum pourrait s'exercer selon toute hypothèse à la fois sur le vote de grève, comme l'a bien souligné le député de Sainte-Marie, dans un sens positif ou négatif, pour ou contre la grève, et sur la convention collective ou le projet de convention collective lui-même.

Je pense qu'au moment où nous aurons à redéfinir ce qu'est une association représentative et les exigences que représente le fait d'être une association représentative, quant au nombre et quant à un tas d'autres critères, au moment où nous aurons fait notre lit dans une refonte possible de cette loi où ces associations représentatives ou certaines d'entre elles seraient automatiquement à la table de négociation avec les mêmes droits, il est clair que dans le cadre d'une négociation sectorielle, nous serions peut-être amenés à changer ou infléchir la notion de monopole de représentation. Cela existe déjà et c'est cela le grand paradoxe de la négociation sectorielle dans le cas de la construction.

Si on prend le dernier décret, le conseil des métiers était majoritaire avec 50,x%. Cependant, la formule Rand ne s'applique pas. Il y a la CSD, la CSN et la notion de monopole de représentation, si on regarde notre Code du travail et la façon avec laquelle il a évolué surtout en décembre dernier avec la formule Rand obligatoire, cette notion ne s'applique pas au domaine de la construction. Ce qui fait qu'il ne s'applique pas au domaine de la construction c'est que c est une négociation sectorielle. Je pense qu'on doit vraiment se poser la question si dans le cadre d'une refonte de la loi, qui nous amènerait à consacrer le principe de la négociation sectorielle dans la construction, on ne devrait pas se dire que tous ceux qui sont présents à la table de négociation devraient finalement pouvoir aller devant l'ensemble de leurs membres pour qu'ils se prononcent sur l'ensemble des sujets.

Effectivement, je pense que cela a besoin de raffinement et de discussion qu'on aura autour du rapport Hébert bientôt. Je pense que le gouvernement est bien conscient des implications déjà de la présence d'une centrale minoritaire à la table de négociation et l'aboutissement possible de ce principe qui est admis aujourd'hui.

M. Brochu: Est-ce qu'il se peut, M. le Président, une fois que le rapport de M. Hébert sera rendu public au cours de l'été, que ce soit l'intention du ministre de convoquer une commission parlementaire sur ce sujet précis, d une part? Deuxièmement, lorsqu'il parle de refonte de la loi 290, est-ce que, dans le calendrier de travail possible, on peut dire que ça se situe à lautomne, octobre ou novembre?

M. Johnson: M. le Président, j'ai eu une expérience récente des délais avec les conditions minimales. Certains de mes collègues en ont eu avec d'autres projets aussi. Je préférerais... C'est très clair qu'il y aura une consultation d'une façon ou d'autre autre qui se fera ou autour du rapport Hébert ou autour des projets de loi, une fois que le gouvernement aura décidé ce qu'il fait avec le rapport Hébert.

Je ne pourrais pas m'engager, ni dans un échéancier, ni quant à la forme de consultation. Est-ce qu'il y aura une commission parlementaire sur le rapport plutôt que sur la loi ou sur les deux ou sur aucun? Pour le moment, je préfère m'abs-tenir de commentaires. Je pense qu'il va falloir qu'on planifie l'année adéquatement avant de le faire.

Le Président (M. Laplante): Le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: A propos de ce que le ministre vient de dire, le maintien du pluralisme syndical dans l'industrie de la construction, par rapport à la représentativité du membership à la table de négociation, je me permettrai d'ajouter une nuance fondamentale qui existe entre les secteurs public et parapublic par rapport au domaine de la construction, parce que, même s'il existe des fronts communs au niveau des tables de l'Education et des Affaires sociales, à moins que cela ait changé dernièrement, dans ma mémoire, chaque groupe demeurait accrédité et gardait son droit de veto. Ce n'était que par entente de bonne foi entre les centrales qu'on réussissait à faire une table unique de négociation dans le secteur public.

D'autre part, c'est peut-être l'aberration de la loi 290, là-dessus, j'ai toujours été en faveur du fait que, lorsque tu reconnais une représentation, tu accordes éventuellement les pouvoirs normalement dévolus à une représentation. Je comprends que ça modifierait toute la loi en profondeur. J'accepte l'étape que le ministre propose, mais, à mon sens, si on maintient le principe du pluralisme et de la représentativité, il faudrait logiquement, dans une réforme, accorder les principes normalement dévolus à une représentativité reconnue. Sinon, ça devient une représentativité beaucoup plus pro forma que d'autre chose. D'ailleurs, là-dessus, le rapport Clicle y faisait allusion, même si je préfère ne pas en parler régulièrement, parce qu'on me le remet assez souvent sur le nez, il faut bien que je m'en serve pour me défendre, je vous dirai que le rapport Cliche, là-dessus, était cohérent par rapport aux recommandations faites. En effet, il exigeait une représentativité accrue pour s'assurer que le minimum qui aurait à se prononcer sur l'acceptation

des offres ou le rejet des offres serait assez élevé, je crois que c'est 75%, précisément en fonction de s'assurer qu'il y ait une proportion des travailleurs de la construction qui puissent se prononcer contre le rejet ou pour l'acceptation des offres, que ça devienne quelque chose qui s'apparente au moins à 50%.

Théoriquement, je me souviens, quand les premiers chiffres de dernière ronde de vote d'allégeance ont paru, c'était arrivé à 51% pour l'association majoritaire, et, par la suite, le pourcentage a augmenté, mais, immédiatement, le premier comptage était de 51%. Donc, théoriquement, si ces chiffres étaient demeurés à 51%, vous auriez pu avoir un vote uniquement d'une centrale représentative dans les circonstances, puisqu'elle détient 51%, mais vous ramasser avec 26% des salariés de l'industrie de la construction qui auraient pu accepter des propositions ou rejeter des propositions, alors que vous en auriez eu 49% qui, au départ, n'auraient pas eu la chance de s'exprimer du tout, et 25% qui auraient pu être contre, dans les circonstances... (16 h 30)

J'ai hâte qu'on fasse la réforme globale pour bien rediscuter tout cet aspect de représentativité pour arriver à avoir quelque chose de cohérent. Si on maintient le pluralisme, on va donner des pouvoirs à chacune des associations. Cela m'ap-paraît logique. Si on s'en va vers un monopole de représentations à la table, il faudra peut-être accepter que ce soit véritablement un vote qui aille vers le monopole syndical.

Maintenir le pluralisme en accordant le monopole de représentation à une table, c'est, à toutes fins pratiques, donner d'une main et enlever de l'autre. Accepter le pluralisme et donner le monopole de représentativité, c'est nier le pluralisme lui-même.

M. Johnson: Je ferai un commentaire rapide à ce que vient de nous dire le commissaire... le député Chevrette.

M. Chevrette: Ne charrie pas. Le ministre a le don de faire de l'humour. Etant parties d'un même gouvernement, on est obligé de le prendre.

M. Johnson: C'est parce qu'on aime cela aussi.

En fait, il y a deux choses. L'analogie qu'on fait avec les secteurs public et parapublic, dans le fond, c'est pour les fins d'une discussion un peu théorique. On peut peut-être en profiter, il fait chaud.

Le projet de loi 55 actuellement à l'étude, article par article, prévoit que tout syndicat qui est affilié à une centrale donnée doit avoir cette centrale comme agent négociateur et la seule façon pour lui de s'exprimer — on sait que le problème se pose en ce moment pour un groupe important à Montréal... Le problème pour lui de choisir un agent négociateur implique qu'il retire son allégeance de la centrale.

Deuxièmement, il y a une autre analogie qu'on peut faire avec la Loi des décrets. La Loi des décrets prévoit effectivement qu'un groupe majoritaire, dans un contexte de pluralité syndicale, peut quand même obtenir l'imposition des conditions à l'ensemble des salariés visés, y compris ceux qui ne font pas partie du syndicat qui a été à la base du premier règlement.

Il y a quand même des analogies. Ceci dit, je suis d'accord avec ce que dit le député de Joliette-Montcalm, qu'il y a une question de cohérence également. C'est la multiplicité ou la pluralité, si on veut, syndicale ou le monopole de représentation. Est-ce qu'il existe une formule entre les deux? Je ne le sais pas. Les Européens sont habitués à la pluralité syndicale, à l'intérieur même des entreprises, d'ailleurs. A partir du moment où il y a règlement avec un des syndicats, il y a convention collective, il y a contrat, ce qui pose cependant d'autres problèmes, comme le droit de grève permanent dans un contexte de pluralité syndicale par opposition au droit de grève balisé dans des délais très précis autour d'une convention.

L'ensemble de cette réflexion peut difficilement se faire en dehors d'un contexte de réflexion sur la Loi des décrets elle-même.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que le nouvel article 10 est adopté?

M. Johnson: Adopté, M. le Président. L'article 11, maintenant.

Le Président (M. Laplante): Auparavant, M. le ministre, j'appelle l'article 7 du projet de loi 52 qui deviendra l'article 11.

Appel au Tribunal du travail

M. Johnson: C'est cela. L'article 7 du projet de loi 52 devient donc l'article 11. Cependant, il y a des modifications partielles qui sont apportées à cet article 7, qui sont essentiellement des modifications de qualité d'écriture, de langue française.

L'article 11 se lirait comme suit: L'article 7 du projet de loi devient l'article 11 et les articles 47 et 48g, introduits par l'article 11 du projet de loi, sont remplacés par les suivants: 47. Une personne peut en appeler au Tribunal du travail de toute décision rendue par l'office. Est-ce que je peux disposer du reste de l'article?

Le Président (M. Laplante): Vous n'êtes pas obligé de le lire. Chacun a son...

M. Johnson: En fait, on a remplacé l'expression "émission" par "délivrance" et l'expression "opérée " par "exploitée ".

M. Brochu: Pendant ce temps-là, est-ce que je peux poser une question au ministre?

M. Johnson: Oui.

M. Brochu: Qu'est-ce qui arrive de I'article 46 tel qu'il était libellé dans la première présentation du projet de loi 52, qui était l'article 7, où on donnait la définition de certificat et de licence, a et b?

M. Johnson: II reste tel quel. M. Brochu: II reste tel quel.

M. Johnson: C'est cela. La seule chose qu'on fait, c'est qu'on prend le nouveau chapitre qu'on retrouve à la page 9 du projet de loi 52 qui s'appelle chapitre IX, Appel en matière de placement, paragraphe 1 ou enfin § 1.- Appel au Tribunal du travail" 46.

Cela se lit tel quel à l'exception cependant du mot émission" qu'on retrouve à l'article 47, qu on remplace par "délivrance", et du mot "opérer" qu'on retrouve à l'article 47 également, par le mot exploiter".

A l'article 48g, page 11, on remplace encore une fois les mêmes mots, "émission" par délivrance " et le mot "opérer" par "exploiter".

En fait, c'est l'article tel qu'il se trouve dans le projet de loi 52 initialement, sauf les deux remarques que je viens de faire.

M. Brochu: D'accord, cela va, M. le Président.

M. Chevrette: M. le ministre, j'aurais une question d'information.

M. Johnson: Oui.

Le Président (M. Laplante): Le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Cela me tracasse depuis le début. Il y a un droit d'appel sur la délivrance, d'accord, et il y a un droit d'appel pour celui qui embauche illégalement, en termes d'esprit, si je relis les articles 11 et 12 ensemble, dans les amendements fournis.

M. Johnson: Non, il n'y a pas de droit d'appel pour celui qui est embauché.

M. Chevrette: Pour celui qui embauche.

M. Johnson: Non, il n'y a pas de droit d'appel pour celui qui embauche.

M. Chevrette: Quiconque embauche un salarié contrairement au règlement adopté en vertu de l'article 32 ou garde ce salarié commet une infraction et est passible d'une amende. C'est-à-dire que ce n'est pas un droit d'appel, c'est une sanction.

M. Johnson: Ce n'est pas un droit d'appel, c'est une sanction.

M. Chevrette: D'accord. Par contre, il a un droit d'appel sur la délivrance.

M. Johnson: Sur la délivrance du certificat et de la licence. En d autres termes, je résume; il y a trois réalités qui peuvent se produire. Il y en a deux qui donnent lieu à une procédure d appel et une qui donne lieu à une sanction. Les trois situations sont les suivantes: Par exemple, un bureau de placement syndical n'obtient pas une licence ou n obtient pas son renouvellement ou sa délivrance, etc.; il peut aller en appel de cette décision de I office de ne pas lui accorder ou lui renouveler un permis, par exemple devant le Tribunal du travail, première situation et premier appel.

Deuxième situation, c'est le salarié qui obtient son certificat, mais qui, par exemple, a un certificat B, parce qu'on considère qu'il a fait moins de 1000 heures alors que lui prétend avoir fait plus de 1000 heures et qu'il devrait être détenteur d'un certificat A. Là, ses recours sont les suivants: Premièrement, une révision par l'office de l'émission, parce que cela peut être une erreur purement de copiste qui est corrigée par une révision et. deuxièmement, un appel devant celui qu on appelle le commissaire au placement ou les commissaires adjoints au placement qui sont en quelque sorte des arbitres en matière de placement dans I interprétation du règlement, des heures, etc.

M. Chevrette: Ma question...

M. Johnson: La troisième situation, je m excuse, c est I employeur, par exemple, qui embauche quelqu'un qui n'est pas détenteur d'un certificat B. qu'il emploie un C alors qu il y a des A et des B dans sa région. On crée une sanction pénale qui va jusqu'à S500 d amende par jour d'infraction, à partir du moment où il a été avisé qu il devait remplacer cette personne par une autre.

M. Chevrette: Ma question est assez simple, c est que le syndicat qui agirait illégalement par rapport à la licence qu'on lui a délivrée se voit possiblement enlever sa licence.

M. Johnson: II peut aller en appel devant les tribunaux.

M. Chevrette: Etant donné que I'OCQ a aussi le droit de faire du placement, au même titre qu un local ou qu'un syndicat, qu'est-ce qui arrive s il contrevient à la procédure de placement?

M. Johnson: II a un problème.

M. Chevrette: II va en appel devant lui.

M. Johnson: Non. L'OCQ, par définition, c'est la volonté du législateur. Il ne lui interdit pas par le règlement de placement de faire de la référence. Il peut y avoir une situation où l'OCQ est obligé de faire de la référence. Si, dans sa référence, I OCQ envoie quelqu'un qui n'a pas le certificat adéquat, qu il envoie un B au lieu d'un A régional, par exemple, à ce moment-là, l'employeur qui a eu recours aux services de l'OCQ peut se voir pénaliser.

ce qui fait que ce sera une incitation — on peut en présumer — pour les employeurs d'avoir recours dans bien des cas aux services de placement par un bureau de placement syndical. Quiconque embauche, ce n'est pas l'OCQ qui embauche, c'est l'employeur. Il n'y a pas de sanction financière contre l'OCQ, ce qui serait finalement punir les parties elles-mêmes pour une difficulté d'administration. Il y a — c'est très clair — une sanction contre l'employeur. J'ai l'impression que quand cela fera la troisième fois qu'il se fera passer quel-qu un, il va frapper une pelle.

Le Président (M. Laplante): Mme le député de L'Acadie, vous aviez demandé?

Mme Lavoie-Roux: Non.

Le Président (M. Laplante): Le nouvel article 11 est-il adopté?

Mme Lavoie-Roux: Je me demande si on pourrait passer paragraphe par paragraphe, parce qu'il y a certains paragraphes où j'aurais des questions à poser.

Le Président (M. Laplante): D'accord. On va commencer à l'article 11, paragraphe par paragraphe. 46?

Mme Lavoie-Roux: Adopté.

Le Président (M. Laplante): Adopté. 47?

Mme Lavoie-Roux: Adopté.

M. Brochu: Adopté.

Le Président (M. Laplante): 48? 47, c'est adopté tel que modifié.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

Le Président (M. Laplante): 48?

Mme Lavoie-Roux: C'est tel quel.

Le Président (M. Laplante): Adopté?

Mme Lavoie-Roux: Oui.

Le Président (M. Laplante): 48a?

Mme Lavoie-Roux: Adopté.

Appel au commissaire au placement

Le Président (M. Laplante): 48b?

Mme Lavoie-Roux: II y a une question que je voudrais poser au ministre. Quelle est la raison pour laquelle on limite le mandat à deux ans, alors que, d'une façon générale, dans la fonction publique, il n'y a pas cette limite?

M. Johnson: En fait, essentiellement, c'est parce qu'il s'agit d'une tâche administrative qu'on confie à un fonctionnaire ou enfin à quelqu'un qui devient fonctionnaire par la suite. On peut présumer qu'on va aller le recruter dans un domaine où il a une connaissance de ces problèmes. La loi ne devrait quand même pas forcer le gouvernement, puisqu'on crée son poste par la loi, par opposition à ce qu'on rencontre dans d'autres fonctions dans le secteur public; je pense qu'on devrait quand même pouvoir mettre une limite quant à son engagement, parce que, techniquement, il pourrait être là à demeure. Si jamais cet individu ne faisait pas un travail satisfaisant, il pourrait toujours dire: Je suis nommé en vertu de la loi. On fixe un maximum de deux ans, ce qui n'empêche aucunement que ce soit renouvelable, évidemment.

Mme Lavoie-Roux: Alors, comment se fait-il...

M. Johnson: C'est un acheminateur, comme on dit.

Mme Lavoie-Roux: Comment se fait-il, à ce moment, je m'excuse d'aller à 48e... Excusez, comment se fait-il que, dans le cas de 48d, où on nomme des commissaires adjoints, il n'y ait pas de limite de temps?

M. Johnson: En pratique, si on utilise la procédure que nous utilisons pour les arbitres de différends ou les arbitres de griefs dans le cas où les parties nous les réfèrent, parce qu'elles ne s'entendent pas, ce sont des gens qui sont payés à l'acte, c'est-à-dire que c'est un arbitrage, c'est tant par jour, ou c'est tant par jour sur tant d'arbitrages, etc. C'est pour donner le pouvoir au ministre de faire appel à la liste annotée des arbitres du CCTMO, mais qu'on ne soit pas obligé d'en engager à temps plein, alors que cela risque d'être extrêmement variable, cette banque d'appels en matière de classification. Il est possible que cela se règle rapidement, que de nombreux cas puissent être réglés, parce qu'un commissaire adjoint décèle une faille dans le calcul ou dans l'informatique et qu'on règle en même temps une série de problèmes, tandis que, si on devait les nommer de façon permanente ou si on devait avoir recours à d'autres personnes que des gens nommés à l'acte — c'est pour cela qu'on prévoit que le lieutenant-gouverneur en conseil fixe le type de traitement — c'est qu'on serait obligé littéralement d'ouvrir des postes permanents là-dessus, de la même façon qu'on n'en a pas pour les arbitres de différends, mais on a le responsable des arbitrages, qui est l'équivalent du commissaire au placement, qui achemine cela vers les commissaires adjoints qui sont les arbitres.

Le Président (M. Laplante): Sur le même paragraphe, M. le député de Richmond.

M. Brochu: Oui, M. le Président, une petite question au ministre. Etant donné que la prochai-

ne période de maraudage est quand même relativement proche, est-ce qu'il y eu un choix d'arrêté en ce qui concerne la personne du commissaire qui doit éventuellement occuper ce poste?

M. Johnson: Nous avons déjà pressenti quelques personnes. Cela devrait venir bientôt. Maintenant, ce n'est pas relié au maraudage, il faut bien se comprendre. Le commissaire au placement ne s'occupe que des appels de la décision en révision de l'office, quant à l'émission d'un certificat à un travailleur, quant au nombre d'heures travaillées. Est-ce qu'il est A, B ou C? Le travailleur dit: Vous m'avez classé B, alors que j'ai fait plus que 1000 heures. Il va à l'Office de construction, qui révise sa décision s'il y a lieu. Si l'office décide de ne pas la réviser, il peut aller en appel de cette décision de l'office chez le commissaire. C'est le seul rôle qu'il a à jouer. C'est en fonction du règlement de placement, ce qui rend la chose d'autant plus pressée, d'ailleurs, qu'elle entre en vigueur d'ici quelques semaines. (16 h 45)

M. Brochu: Compte tenu des conditions d'admissibilité, est-ce que ça ne peut pas, d'une certaine façon, affecter la question du maraudage?

M. Johnson: Ah oui! Je comprends ce que vous voulez dire, d'accord. Ah oui! Je comprends parfaitement ce que vous voulez dire.

Oui, c'est vrai, techniquement, ça se pourrait.

M. Brochu: II semble y avoir une incidence; du moins, il y a un rapport.

M. Johnson: Ah oui! D'accord, je comprends. Je n'avais pas saisi au début le lien que vous faisiez, mais je le comprends. S'il y avait, par exemple, 25 000 travailleurs qui prétendaient avoir obtenu des certificats B au lieu de certificats A, ça ne poserait pas de problème quant au maraudage, parce que, même s'ils ont des certificats B, il est prévu dans la loi, aux articles qu'on a adoptés ce matin, qu'ils vont pouvoir voter.

Par contre, s'il y a des travailleurs qui ne peuvent pas obtenir leur certificat C, point, et qui, en appel, pourraient obtenir un certificat A, B ou C, il est très clair que ça pourrait influer sur le nombre de votants. Maintenant, j'ai l'impression que ça risque d'être assez marginal, étant donné que les A, les B et les C, dans la mesure où ils auront fait 300 heures, auront le droit de vote. Au bout du compte, c'est un impact minime.

M. Brochu: Merci.

Le Président (M. Laplante): 48b?

M. Brochu: Adopté, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: Adopté.

Le Président (M. Laplante): 48c?

Mme Lavoie-Roux: Adopté.

M. Brochu: Adopté.

Le Président (M. Laplante): 48d?

M. Brochu: A 48d, on parle des commissaires adjoints. Combien le législateur a-t-il l'intention de nommer de commissaires adjoints?

M. Johnson: Le ministre entend-il... Cela va dépendre de la demande, en fait.

M. Brochu: Est-ce que ça va selon les régions du Québec?

M. Johnson: En pratique, c'est ça que ça va vouloir dire dans bien des cas. Dans certains cas, ça peut être des gens, par exemple, près du siège social de l'office, si ce sont des problèmes de vérification au niveau des listes elles-mêmes. Donc, en pratique, ça pourrait être des gens qui sont à Montréal. Dans d'autres cas, qu'il y ait un problème au niveau de l'entrée des données à l'office, d'heures vraiment accomplies en région, on présume que nos commissaires adjoints vont être itinérants à cette fin. Maintenant, le nombre n'est pas fixé. Il peut être extrêmement variable. Il se peut très bien qu'on ait besoin de très peu de commissaires adjoints au travail, comme il se peut très bien qu'on en ait besoin de beaucoup à certaines périodes.

M. Brochu: Cela va, quant à moi, M. le Président. Adopté.

Mme Lavoie-Roux: Cela va.

Le Président (M. Laplante): 48e?

M. Brochu: Adopté.

Le Président (M. Laplante): 48f?

Mme Lavoie-Roux: Adopté.

Le Président (M. Laplante): 48g?

Mme Lavoie-Roux: Avec des modifications.

Le Président (M. Laplante): Avec des modifications. 48h?

M. Brochu: M. le Président, à 48g, si vous me permettez, on indique, dans le dernier paragraphe, qu'un employeur peut également en appeler au commissaire au placement d'une telle décision dans le cas où il a intérêt à ce qu'une personne détienne un certificat". De son côté, est-ce que le syndicat peut en appeler? Est-ce que la contrepartie est prévue?

M. Johnson: Non, c'est le salarié ou encore son employeur dans la mesure où il peut prouver

qu'il a intérêt. Il n'y a pas d'appel d'associations de salariés dans cette matière, pas plus, d'ailleurs, qu'il n'y a d'appel d'associations d'employeurs dans ce cas-là. C'est vraiment dans le cas particulier de M. Untel ou de l'entreprise Unetelle. Je pense que c'est bien important qu'on sorte ça du champ de ce que pourraient être des batailles.

L'autre dimension, ce sont les certificats spéciaux qui pourraient être émis par l'OCQ pour un tas de raisons. Pour une main-d'oeuvre très particulière dans un type bien précis où il y a pénurie soudainement dans ce secteur au Québec, il va falloir des certificats spéciaux à ces gens-là. L'employeur, lui, a intérêt, évidemment, à aller en appel, si on ne veut pas donner de certificat spécial. On va lui permettre de le faire.

M. Brochu: D'accord. Adopté, M. le Président. Le Président (M. Laplante): 48h? 48i? 48j? Mme Lavoie-Roux: Adopté. Le Président (M. Laplante): 48k? 48l? 48m?

Mme Lavoie-Roux: J'aurais une question, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, il me semble que 48m soustrait ou enlève aux justiciables le pouvoir de se prévaloir de la protection des tribunaux supérieurs, puisqu'on dit qu'en vertu des articles 834 à 850 du Code de procédure civile ils ne peuvent pas l'utiliser.

Quel est le fondement d'une...

M. Johnson: Oui, en fait, sans faire une longue histoire, parce que cela a fait l'objet de traités par Me Dussault et bien d'autres, c'est tout le problème du tribunal de droit commun qu'est la Cour supérieure. C'est ce qu'on appelle la clause privative qu'on rencontre dans beaucoup de lois, qui, dans certains cas, a été déclarée inconstitutionnelle, dans d'autres cas, n'a pas été déclarée anticonstitutionnelle. Cependant, cette clause privative dont on n'aurait pas besoin si on avait l'équivalent, par exemple, d'un conseil d'Etat qui S'occupe des problèmes de juridiction entre les différents tribunaux, n'empêche jamais la Cour supérieure d'intervenir au nom de certains principes comme, par exemple, la règle audi alteram partem. On dit: La règle générale, c'est que la décision du commissaire adjoint est sans appel. Cependant, si le commissaire adjoint n'a pas suivi les règles normales de "justice naturelle" (entre guillemets), comme le dit la jurisprudence — pour rendre sa décision, il y a toujours une possibilité pour le salarié d'aller vers la Cour supérieure, qui déclarera que cette personne, qui est le commissaire adjoint et qui a des pouvoirs quasi judiciaires, n'a pas respecté les règles élémentaires de la justice. A ce moment-là, il y a possibilité de bref d'évocation en Cour supérieure.

En fait, c'est une formule assez consacrée dans notre droit administratif, dans ce sens; on sait que, dans certains cas, elle a été mise en péril, dans d'autre non, mais ce n'est rien d'anormal. Cela existe depuis des années au Québec qu'on met de telles clauses privatives; en d'autres termes, le message est envoyé là avec l'espoir que la jurisprudence change jusqu'en Cour suprême, et elle a évolué depuis 100 ans, c'est-à-dire que la Cour supérieure doit conserver, quant à ses décisions strictement un rôle d'intervention, si justice ne semble pas avoir été faite ou si justice n'a pas été faite dans les moyens qu'on a pris pour rendre justice, et non pas quant au fond du problème.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président. Vous me permettrez, pour poser ma question, de revenir à l'article 48h, mais elle s'inscrit à l'article 48h, 48i et 48j également. On dit à l'article 48h: "Une personne qui désire se prévaloir du recours prévu par l'article 48g doit, au préalable, adresser par écrit une plainte à l'office." Pourquoi passer par l'office, pourquoi faire ce détour plutôt que d'aller directement loger une plainte au commissaire? Est-ce que c'est seulement pour permettre à l'office de se ressaisir ou...?

M. Johnson: C'est cela. C'est pour permettre ce qu'on appelle le droit de révision. Par exemple, disons que l'office a émis un certificat B à quelqu'un parce que, sur le plan de l'informatique ou au niveau de la carte d'émission, le chiffre 1 ne sortait pas dans la colonne ce jour-là, comme cela peut arriver dans toutes les opérations mécanographiques. On dit: Monsieur a 850 heures, au lieu d'inscrire 1850 heures sur sa carte. C'est la différence entre avoir un certificat A et un certificat B. Ce qu'on dit, c'est qu'il doit d'abord aviser l'office qui va en appel et l'office a donc un délai pour réviser sa décision et il peut se rendre compte qu'il a fait une erreur mécanique et la corriger immédiatement sans qu'il y ait besoin d'une audition au niveau du commissaire adjoint. C'est simplement pour accélérer le processus si le règlement peut se faire sur une base de détail.

Le Président (M. Laplante): L'article 48m, adopté. L'article 48n adopté. Alors, l'article 11 est adopté. J'appelle l'article 8 du projet de loi 52, qui sera dorénavant l'article 12. M. le ministre.

M. Johnson: M. le Président, l'article 12 se lirait comme suit: Remplacer l'article 8 du projet de loi par le suivant: 12. "Ladite loi est modifiée par l'insertion, après l'article 55a, du suivant: 55b. "Quiconque embauche un salarié contrairement à un règlement adopté en vertu de l'article 32 ou garde au travail ce salarié commet une infraction et est passible pour chaque jour ou partie de jour que dure l'infraction, en outre des frais, des amendes prévues à l'article 56."

La seule modification qu'on y apporte, c'est pour les fins de la langue française, où nous

remplaçons l'expression "à son emploi" par "au travail"; "garde à son emploi" par "garde au travail".

Le Président (M. Laplante): Est-ce que l'article 13 est adopté?

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: A l'article 12, à la question du quiconque, il me semble qu'on jette le filet un peu trop largement dans la question des pénalités relativement à l'application d'une loi qui est finalement presque d'ordre privé beaucoup plus que d'ordre public. Quelqu'un, un particulier, pour ses propres fins, va engager quelqu'un pour peinturer sa cuisine ou réparer une gouttière du toit, et, dans certaines circonstances, il va enfreindre les règles relatives au placement dans l'industrie de la construction. Il peut recevoir sur la tête des amendes. Je comprends très bien qu'un entrepreneur, celui qui gagne sa vie à engager des gens dans l'industrie de la construction soit tenu à respecter des priorités, etc., mais il reste qu'il ne faut quand même pas bureaucratiser l'existence de tout le monde et soumettre des gens qui de bonne foi vont engager un bonhomme pour tondn leur gazon et qui à l'occasion va faire un travail de réparation, etc., une espèce d'homme à tout faire qui malgré tout représente une réalité sociale dans les petites municipalités, dans les petites localités en particulier. On se met à se poser des questions. Est-ce qu'il n'y a pas une amende de $500 si on fait ceci ou si on fait cela? Cela a déjà causé l'application de la loi et des règles du décret sur la construction des situations absolument aberrantes à ce point de vue-là où des gens de bonne foi, qui construisaient pour leurs propres fins à eux, ce n'étaient pas des entrepreneurs, c'étaient les utilisateurs éventuels des services, se sont vus l'objet de harassement de la part de l'inspecteur de l'Office de la construction, ae pénalités et d'amendes. Il me semble que ce n'est pas pour ces fins-là qu'a été faite la loi 290 et ses amendements successifs, et qu'on dépasse les objectifs originaux quand on devient aussi tatillon. Alors qu'on sait et tout le monde sait quels sont les abus de toutes sortes patronaux, syndicaux, gouvernementaux qui ont été commis dans l'industrie de la construction, il devient odieux pour le simple citoyen qui engage un bonhomme dans un village pour l'aider à faire des travaux, etc., tout à coup de se rendre compte qu'il est en contravention des lois et que non seulement il a une amende, mais il faut qu'il paie un supplément de salaire à des gens qui n'ont pas travaillé ou je ne sais quoi. Cela ne correspond pas à une réalité. Cela dépasse l'objectif voulu il me semble, par le législateur et cela me fait peur quand on dit: Quiconque... Je comprends que quiconque est censé connaître la loi; mais je ne sais pas combien de membres de l'Assemblée nationale ont lu et comprennent le décret de la construction et le règlement sur le placement. Je ferais un pari qu'il n'y en a pas un seul, à part le ministre et l'adjoint parlementaire et peut-être quelques autres, en espérant me trouver au nombre de ceux-là, M. le Président, mais encore que je ne proclamerai pas pouvoir expliquer à tout le monde toutes les dispositions de ce règlement et d'en comprendre véritablement le sens. Il faut être des spécialistes et il me semble que les pénalités, les amendes et tout cela ne devrait pas s'appliquer à ceux qui ne sont pas professionnellement engagés dans l'industrie soit comme travailleurs soit comme patrons.

Je comprends qu'il y a des risques que des gens "traficottent ' et tout cela. Je comprends qu'il y a des risques, mais il y a quand même un principe en cause. Est-ce que des citoyens ordinaires, de bonne foi... et on doit présumer de la bonne foi de façon générale, il ne faut pas, chaque fois qu on regarde une loi se dire: Est-ce qu'il n'y a pas quelqu'un, membre de la mafia, qui va vouloir bénéficier de cela? Peut-être. Mais j'aime mieux qu'il y en ait dix qui en bénéficient et qu'il n'y ait pas 10 000 citoyens de bonne foi qui soient pénalisés. C'est une balance d'avantages et d'inconvénients. Je pense qu'il y a des gens de bonne foi, j'en connais et j'en ai rencontré qui se sont fait pincer le doigt entre I arbre et lécorce alors que la loi ne leur était pas destinée. Il ne leur était jamais même venu à l'idée de la lire, évidemment, pensant que quand quelqu'un offre ses services et accepte les conditions qu'il est légalement autorisé de le faire et qu'on n'encourt pas des pénalités et des amendes en l'engageant aux conditions qu'il accepte, et qui n'étaient pas, de toute façon, des conditions odieuses et susceptibles d'être qualifiées d'exploitation de qui que ce soit. Cela s'est produit et il me semble que le plus tôt on pourrait revenir à une situation où les gens sont professionnellement dans le métier, dans le milieu de la construction respectent certaines règles et que si les autres ne les connaissent pas, ils n'ont pas à les respecter. S'ils s'adressent à un entrepreneur, l'entrepreneur doit le savoir, s'ils s'adressent à un travailleur, le travailleur doit le savoir, il doit être responsable quant à lui du respect des lois qui le régissent, mais personne d'autre. (17 heures)

M. Johnson: M. le Président, je comprends la préoccupation du député de Saint-Laurent. D'ailleurs cela a tait l'objet d'une discussion d'à peu près deux heures lors d'une question avec débat soulevée par le député de Beauce-Sud, récemment. Je comprends que ce n'est pas une excuse et, encore une fois, j'ai dit qu'il avait un caractère transitoire aux dispositions de cette loi, mais la loi, à son origine, en 1968, remodifiée en 1973 et en 1975, a toujours, pour toutes les infractions, prévu que quiconque enfreint un règlement de l'office ou d'une disposition de la loi, et à cet effet, on a répété la formule, en étant conscient qu'on peut dire que le citoyen de bonne foi, à Saint-Nazaire-d'Acton, qui décide d'engager quelqu'un pour réparer son sous-sol, pendant quinze jours, qui engage quelqu'un qui a un certificat B, techni-

quement s'expose aux pénalités prévues dans le règlement pour chaque jour d'infraction, même s'il était de bonne foi. Techniquement d'accord et c'est l'expression, mais on aurait pu faire le même raisonnement pour chacune des clauses pénales de la loi 290, depuis 1968.

Chaque fois que quelqu'un engageait une personne chez lui, en la payant à un taux inférieur au décret, les dispositions s'appliquaient toujours. En ce sens, je vais être sensible à ce que me dit le député de Saint-Laurent et je me dis qu'un jour, il va falloir qu'on ait un débat de fond sur la question des artisans versus les salariés. L'Ontario pense l'avoir réglée en partie et c'est ce que nous suggérait le député de Beauce-Sud, que les dispositions applicables au secteur domiciliaire soient différentes des dispositions applicables au secteur industriel; c'est le cas de l'Ontario.

Je pense qu'il faudra qu'on ait des débats de fond là-dessus. Je ne pense pas qu'à l'occasion de cette loi, on puisse vider la question. Je suis bien conscient de ça et si l'article 55b était quelque chose de nouveau, je comprendrais très bien et j'accepterais finalement les objections du député de Saint-Laurent, et je retirerais la notion de quiconque, et je mettrais peut-être l'employeur professionnel, etc. Mais c'est la formule consacrée pour tous les articles 54 et suivants de la loi elle-même. Donc, les citoyens ont toujours été couverts. Effectivement, quelqu'un qui employait un ouvrier, de bonne foi, pour faire refaire son sous-sol et le payait à un taux inférieur au décret, s'exposait à ce type d'amendes. Ce qu'on dit, c'est la même chose quant au règlement de placement et quant à toutes les autres.

M. Forget: Oui, sauf qu'il est encore plus difficile à comprendre pour un non impliqué que des taux de salaire — les taux de salaire... c'est déjà compliqué, parce qu'il y a tellement de catégories — mais les certificats A et B, ça commence à être compliqué à comprendre pour ceux qui ne sont pas dans l'industrie. Mais je suis malgré tout content du fait que le ministre partage un peu nos préoccupations de ce côté. Ce qui est arrivé au niveau des artisans, depuis 1968, à mon avis, est une véritable tragédie. C'est disparu, on est soit salarié ou on est strictement un travailleur ou alors, il y en a un certain nombre qui sont devenus chômeurs, parce qu'ils ne peuvent pas fonctionner en dehors d'un certain encadrement que permettait le fonctionnement de petits groupes.

Il faut être une grosse entreprise ou un individu, il n'y a plus rien entre les deux. On sait très bien que la réalité sociale, dans certains coins, peut-être pas dans les grandes villes, fait que si certains individus n'ont pas l'encadrement pour se trouver des emplois, de façon très concrète — ça ne passe pas par les bureaux de placement — ils sont incapables de se trouver de l'emploi. Ils n'ont pas de patrons, donc ils n'ont pas d'emplois. C'est aussi ridicule que ça peut-être, mais c'est la nature humaine qui fonctionne comme ça.

Le plus tôt on pourra corriger une telle situation, le mieux ce sera. Il ne faut pas oublier une chose, c'est que la loi 290 est une loi d'exception par rapport au Code du travail. On dit que pour ces travailleurs, le Code du travail ne s'applique pas. A mon avis, on ne devrait pas avoir, dans la Loi régissant les relations de travail dans l'industrie de la construction, des dispositions d'une nature, je ne dis pas exactement les mêmes dispositions, mais des dispositions d'une nature différente de celles qu'on pourrait envisager d'inclure dans un Code du travail.

Or, des dispositions sur des pénalités comme celles-là, si on voulait les transcrire dans le Code du travail, cela aurait l'équivalent suivant, qu'on décréterait que quiconque achète des produits qui ne portent pas l'étiquette syndicale, est passible des amendes prévues au Code du travail. Parce que s'il y a une certification, il faut reconnaître ça et il faut acheter des produits qui portent l'étiquette syndicale. Sinon, on a $500 d'amende, plus deux fois le prix qu'on a payé, enfin le genre de choses qui se produit dans l'industrie de la construction, non seulement on paye le produit, on le paye une deuxième fois, $500 d'amende, etc. C'est vraiment oppressif comme situation. Je pense bien qu'il n'y a personne, sérieusement, à jeun, qui pourrait proposer qu'on inclue dans le Code du travail une disposition de cette nature. Si syndicaliste soit-on, je pense qu'on n'irait pas jusqu'à dire: N'importe qui allant dans un magasin doit d'abord découvrir l'étiquette syndicale et, après seulement, s'il y en a une, doit s'en porter acquéreur; sinon, il commet une infraction.

Je pense que personne n'a jamais fait cette suggestion et pourtant, on la retrouve dans la loi 290, ou son équivalent. C'est d'autant moins nécessaire dans ce secteur-là qu'on a donné la syndicalisation, on l'a décrétée par la loi. On a donné des instruments extrêmement puissants aux organismes syndicaux pour défendre les travailleurs. Il ne me semble pas qu'on doive aller plus loin que cela.

M. Johnson: Cependant, si le député de Saint-Laurent veut évoquer ce débat de fond, je pourrais lui dire qu'une étude récente faite en Californie a démontré que la croissance des entrepreneurs autonomes, des petites entreprises, qui s'enregistrent auprès de l'équivalent de notre Régie des entreprises de construction, par exemple, au Québec, est proportionnelle à une diminution du taux de l'activité dans le secteur de la construction.

Je m'explique. Si la construction connaît un ralentissement, il y a une tendance, pour un tas de salariés, à se retirer du statut de salarié, à former une entreprise, à faire des contrats à forfait dont l'équivalent est inférieur à ce que constitueraient les émoluments qu'ils recevraient au taux du décret, au taux des conventions collectives.

C'est le genre de situation qu'on pourrait vivre. C'est le grand dilemme face à la question des artisans. D'une certaine façon, ils peuvent être dans une période de crise économique, où l'ensemble des travailleurs de la construction subissent une diminution de l'activité dans la construction, ils peuvent, en plus de cette situation qui est

déjà difficile dans certains cas, être carrément des coupe-gorge au niveau des prix et, finalement, susciter une diminution de l'activité par ceux qui suscitent beaucoup d'emplois.

C'est toujours de chercher cet équilibre qu'il est difficile à faire. La solution, est-ce que c'est de faire en sorte que les artisans... Que ce soit tout I'un ou tout l'autre. Ou on pratique un métier dans la construction, on s'inscrit à la Régie des entreprises de construction, mais les heures ne sont jamais comptées pour que cette personne soit considérée comme un salarié de la construction, au sens de la loi; ou encore, c'est une situation un peu comme celle que nous décrit le député de Saint-Laurent, où on permet effectivement aux artisans de vaquer librement à leur travail. C'est toujours une décision que de trancher quant aux effets collectifs d'une telle décision. Je comprends que, pour tel individu en particulier, cela peut paraître inique, mais il a toujours la possibilité de se former en entreprise, de payer $250 par année à la Régie des entreprises de construction et d'être considéré comme un entrepreneur pour ces fins-là.

Peut-être y a-t-il quelque chose à faire du côté de la Régie des entreprises de construction pour le baliser. Il faut être conscient qu'on tranche dans un sens ou dans l'autre. Si on a le statu quo, c'est une difficulté, c'est vrai, pour les citoyens d'avoir recours à des artisans et c'est peut-être une pression inflationniste également sur l'ensemble de l'économie, quand on connaît les taux au niveau du décret.

Mais le contraire amènerait peut-être une situation injuste pour l'ensemble des salariés qui ont vraiment un statut de salariés et qui travaillent vraiment pour des employeurs.

Le Président (M. Laplante): Article 12.

M. Forget: M. le Président, on tranche toujours un dilemme, de toute façon. On ne le laisse jamais là sur le mur. On le tranche. Et, dans le moment, on le tranche dans le sens suivant. C'est que, dans le fond, il y a le dilemme entre des emplois d'artisans et des emplois de salariés, mais il y a aussi le dilemme entre les emplois de salariés et le chômage.

Ceci ne fait que contribuer à accentuer les caractéristiques cycliques de l'industrie. Le mal dont on se plaint fréquemment et auquel on veut remédier par toutes sortes de solutions bureaucratiques, la plupart du temps, qui n'ont, à mon avis, aucune chance de succès, s'exprime de cette façon; un chômage élevé, dans des périodes de ralentissement de la demande pour les travailleurs de la construction.

Le choix qu'on fait, c'est entre ceux qui, à cause de leur ancienneté, à cause d'un tas de facteurs, parfois la chance, réussissent à demeurer actifs pendant les périodes de creux par rapport à ceux qui sont complètement évincés en devenant des chômeurs. Je ne sais pas quel est le meilleur dilemme, mais, de toute façon, on le tranche inévitablement. Dans le moment, on le tranche dans le fond en faveur de ceux qui restent dans l'industrie dans les moments de creux et contre ceux qui sont projetés dans le chômage à ces moments-là. Est-ce qu'on fait alors un meilleur choix? Je suis loin d'être convaincu. De toute façon, j'aimerais bien savoir ce que les chômeurs en pensent.

Il faut dire que, avec les règles actuelles sur la représentativité et tout cela, on ne s'assure pas très bien que les chômeurs aient le droit d'en discuter beaucoup, parce que ce sont ceux qui ont travaillé qui vont s'exprimer et ce sont également ceux qui travaillent dans les périodes de creux qui vont déterminer les mandats de négociation et la forme des conventions collectives.

Je sais très bien que, dans une industrie où je serais permanent alors qu'il y en a d'autres qui ne sont pas permanents, je serais porté à favoriser une augmentation continue des conditions de travail, même si cela devait rendre un peu moins probable la réintégration dans la main-d'oeuvre active de ceux qui en sont temporairement exclus. Le choix serait relativement facile à faire et le dilemme serait rapidement tranché.

Le Président (M. Laplante): Le député de Richmond.

M. Brochu: Oui, M. le Président. Je voudrais savoir du ministre si, par son amendement, il s'agit de poursuites prises en vertu de la Loi des poursuites sommaires devant les tribunaux de droit commun?

M. Johnson: Oui.

M. Brochu: On sait un peu les problèmes qui se posent de ce côté-là, comment les rôles sont chargés et tout ce que cela amène de délais. N avez-vous pas déjà pensé à confier ces pouvoirs au Tribunal du travail?

M. Johnson: Oui. Je ne veux pas donner la réponse des solutions globales. Les délais, de façon générale, sont assez longs dans l'ensemble des juridictions, c'est bien connu. Je veux dire qu'on est un peuple à tribunal.

M. Brochu: On ne pourrait pas inviter à un moment donné par exemple — je ne le sais pas, je ne dis pas que cela se fait — un patron à garder un employé en disant: Je vais payer l'amende au bout d'un an ou deux ans.

M. Johnson: Oui, voyez-vous, c'est une hypothèse qui a été posée d'ailleurs par le président de la Fédération nationale du bâtiment et du bois, M. Bourdon. Je vois assez mal l'employeur qui voudrait, de mauvaise foi, décider qu'il engage cinq agriculteurs sur un chantier et qui ne se plie pas à l'avis qui lui est donné qu'il faudrait qu'il engage quelqu'un d'autre ou de risquer de payer $500 par tête d'amende par jour d'infraction. C'est assez "désincitatif". On pourrait évidemment pousser la caricature au bout et dire qu'une grande entre-

prise engagerait cinquante personnes qui n'ont pas un certificat adéquat à la baie James sur un chantier pendant un an et, ultimement, si tu fais le cumul des jours possibles d'infraction, cela donne $6 millions au bout de l'année. A ce moment-là, on dit: Le juge ne condamnera jamais l'entreprise à payer $6 millions, parce qu'il ne voudra pas la mettre en faillite. Mais je pense que la loi est "désincitative" à passer à côté du règlement, et je ne vois pas vraiment l'alternative qu'il y a à cela. L'alternative, ce serait effectivement de forcer la réembauche de quelqu'un. A quel moment intervient cette décision? Qui était disponible ce jour-là, à cette heure précise sur le tableau ou sur l'écran cathodique de référence de l'OCQ, sur le tableau syndical du placement? Il devient bien difficile de trancher cela dans le temps.

Prenons l'exemple où on a trois personnes qui sont impliquées, un salarié qui est de catégorie C dans une région donnée, un autre qui est de catégorie A qui n'est pas placé et un autre qui est de catégorie A également, qui n'est pas placé non plus et qui a moins d'heures que le précédent. On identifie qu'il y a un C sur tel chantier, qu'il ne devrait pas y être. On avise l'employeur qu'il devrait s'en débarrasser. La technique c'est qu'on va le remplacer.

Dans les 24 heures qui suivent, peut-être que le premier A dont j'ai parlé est déjà placé ailleurs. Il travaille ou il va ailleurs pour trois jours, tandis que le A avec moins d'heures qui, lui, était le deuxième sur la liste sait que s'il va remplacer C, il en a pour trois semaines de travail. Ne pensez-vous pas qu'on va avoir à un moment donné un effet à rebondissement? On va se demander où cela commence. C'est un peu la poule et l'oeuf quand au nombre d'heures travaillées. Je vois vraiment beaucoup de difficultés, en pratique, à imposer ce type d'arbitrage. Je vois plutôt des sanctions extrêmement sévères à ceux qui dérogent au règlement. (17 h 15)

M. Brochu: Ma question allait surtout dans le sens d'être expéditifs. Est-ce qu'il n'y aurait pas plus de chance que ce soit plus expéditif si c'était spécifiquement au Tribunal du travail de trancher ou de prendre position plutôt qu'aux tribunaux de droit commun où il y a déjà un engorgement?

M. Johnson: S'il n'y a pas plus de juges qu'il y en a là en ce moment, je pense que ce ne serait pas tellement plus expéditif. Le Tribunal du travail est un des tribunaux québécois qui fonctionnent très bien; il a conservé sa crédibilité auprès de l'ensemble des intervenants. En pratique, c'est le milieu des relations de travail tant patronal que syndical. C'est un tribunal qui a un effectif relativement limité, qui devrait en avoir plus. Je sais que le juge en chef aimerait en voir plus. Pour le moment, il a un effectif limité. Cela m'apparaît difficile. Eventuellement, dans une réforme du Tribunal du travail, on va peut-être être appelés à parler un peu plus tard, d'ici un an ou deux, de choses qui touchent, par exemple, l'injonction dans les conflits de travail, etc., et d'une extension de la juridiction du Tribunal du travail. On pourra être appelés à créer de nouvelles divisions au tribunal ou encore à augmenter son effectif dans un premier temps, à créer de nouvelles divisions territoriales, etc., mais avant que cela soit fait, je ne vois vraiment pas l'utilité d'envoyer de telles sanctions pénales aux juges du Tribunal du travail.

M. Brochu: Adopté.

Le Président (M. Laplante): Article 12, adopté? Maintenant, nous retournons à la page 1...

M. Johnson: II y a les articles 13 et 14 qui reprennent les articles 9 et 10 du projet.

Le Président (M. Laplante): C'est que je voulais retourner à l'article qui n'était pas adopté.

M. Johnson: Oui. Est-ce qu'on pourrait faire cela à la fin?

Le Président (M. Laplante): Oui, je n'ai pas d'objection.

M. Johnson: Oui. Est-ce qu'on pourrait continuer aux articles 9 et 10?

Le Président (M. Laplante): Dans ce cas, on va appeler l'article 9 du projet de loi 52, qui devient l'article 13.

M. Johnson: C'est cela. Les sommes requises pour la mise en application du chapitre IX de ladite loi sont prises, pour l'année financière 1978/79, à même le fonds consolidé du revenu et, pour les années financières subséquentes, à même les deniers accordés annuellement à cette fin par la Législature.

Des Voix: Adopté.

M. Forget: Quelle dépense additionnelle implique ce projet de loi? Est-ce seulement des règles de procédures différentes? Il y a la procédure d'appel?

M. Johnson: Le commissaire au placement. M. Forget: Le commissaire au placement.

Le Président (M. Laplante): Article 13, adopté? L'article 10 de la loi 52 devient l'article 14. Adopté?

M. Forget: Adopté.

M. Johnson: Adopté.

Le Président (M. Laplante): Adopté.

M. Johnson: C'est cela. On retourne...

Le Président (M. Laplante): Nous revenons à la page 7, à l'article 6 renuméroté.

M. Johnson: Est-ce 5 ou 6? L'article 6, c'est cela. Le nouvel article 6, si on veut, l'ancien article 3... Sur la question de l'article 7a... Est-ce qu'on a adopté la question de la période de scrutin qui doit se dérouler au moins sur cinq jours?

Le Président (M. Laplante): Oui, c'est adopté.

M. Johnson: Alors, c'est seulement la question de la redondance possible ou de l'imprécision. Les juristes m'affirment, après consultation des officiers légistes du comité de législation, que si nous allions préciser à l'article 7d, il faudrait également le faire à trois autres endroits, qu'il s'agit d'une redondance et que ce qu'on retrouve en ce moment à l'article 7d... Ce n'est pas limpide, mais on m'assure... Est-ce qu'on peut suspendre la séance deux minutes?

Le Président (M. Laplante): On va suspendre la séance deux minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 18)

Reprise de la séance à 17 h 20

M. Johnson: Alors, je proposerais peut-être au député de Saint-Laurent, encore une fois, les législateurs se mêlent de faire de la législation, qu'on dise, pour que ce soit plus clair, 7d: "La représentativité d'une association de salariés correspond au pourcentage que représente le nombre de salariés qui ont fait, conformément à l'article 7a, leur choix en faveur de cette association par rapport au nombre total de salariés qui ont fait ce choix".

M. Forget: Excellent!

M. Johnson: Et, finalement, on ne serait pas limité à 7a, premier paragraphe, mais la notion de choix se retrouve dans les trois.

Alors, je répète, l'article se lirait comme suit: 7d: "La représentativité d'une association de salariés correspond au pourcentage que représente le nombre de salariés qui ont fait, conformément à l'article 7a, leur choix en faveur de cette association par rapport au nombre total des salariés qui ont fait leur choix". Donc, on supprime les mots "connaître à l'office " et le mot "connaître" une ligne plus bas. D'accord?

M. Forget: C'est très élégant, M. le ministre.

Le Président (M. Laplante): Vous faites disparaître seulement deux mots, vous n'en ajoutez pas?

M. Johnson: Trois, quatre mots.

M. Chevrette: dites donc "adopté" tout de suite.

Le Président (M. Laplante): "Connaître à l'Office" et "connaître".

M. Johnson: ... et "connaître" à la dernière ligne, d'accord? M. le Président, est-ce que l'ensemble du projet de loi no 52 est adopté? Oui?

Le Président (M. Laplante): L'ensemble du projet de loi no 52 est-il adopté avec les amendements?

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Laplante): Oui, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ... c'est parce que le ministre avait dit qu'il faudrait des amendements semblables dans les autres paragraphes. Est-ce que la même simplification serait une solution dans les autres paragraphes?

M. Johnson: Non, ce n'est pas le même mot.

M. Forget: Sûrement pas! Le choix "exprimé" dans 7b? C'est le choix exprimé ou réputé exprimé.

M. Johnson: ...oui...

M. Forget: Le choix fait, au lieu de "exprimé", dans 7b.

M. Chevrette: Pourquoi pas "exprimé"? Cela se dit très bien.

M. Forget: Oui, mais, dans certains cas, il n'est pas exprimé, justement. Si le législateur dit "exprimé", ce n'est pas une expression de choix.

M. Chevrette: Quand il est exprimé, il est fait.

M. Forget: Mais quand il est fait, il n'est pas nécessairement exprimé, en vertu de 7a. Il est fait en restant à domicile.

M. Chevrette: Vous avez raison. Il y avait beaucoup d'électeurs qui avaient fait leur choix mais qui ne l'avaient pas encore exprimé le 14 novembre 1976. C'est le 15 qu'ils l'ont exprimé, vous avez raison. Je comprends vite quand on m'explique...

M. Forget: Cela ne veut pas dire qu'ils ne le regrettent pas après.

M. Johnson: On me dit qu'il n'y a aucune autre interprétation possible de 7b.

M. Forget: ... M. le Président...

M. Johnson: Alors, à la rigueur, par l'absurde, d'ailleurs, comme bien des choses dans l'ensemble de la loi 290, on peut arriver à une réponse.

Le Président (M. Laplante): Le projet de loi 52 est adopté avec amendements.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. M. Johnson: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): J'appelle maintenant le projet de loi 59, Loi modifiant le Code du travail.

M. Johnson: M. le Président, est-ce que nous pourrions suspendre pour cinq minutes?

Le Président (M. Laplante): Suspension pour cinq minutes.

M. Forget: Même pour une demi-heure! (Suspension de la séance à 17 h 26)

Reprise de la séance à 17 h 41

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, messieurs! Reprise des travaux.

Projet de loi no 59

M. le ministre est prêt? On appelle le projet de loi 59, Loi modifiant le Code du travail. M. le ministre.

Remarques préliminaires

M. Johnson: M. le Président, je ne sais pas si le député de Saint-Laurent et le député de Richmond seraient d'accord pour que je me limite considérablement dans mon exposé préliminaire ou est-ce qu'ils ont l'intention de faire des exposés? J'allais me limiter à procéder à l'étude article par article. J'aurai cependant quelques amendements. Je sais que du côté de l'Opposition, en tout cas du côté de l'Opposition libérale il y a des projets d'amendement dont je ne connais pas la teneur. Du côté de l'Union Nationale...

M. Brochu: Nous avons des questions, nous n'avons pas d'amendement. Mais en ce qui nous concerne, je pense que les discours de deuxième lecture ont été faits sur ce projet de loi à l'Assemblée nationale. On serait prêt à passer à l'étude article par article.

M. Forget: M. le Président, puisque le ministre me pose une question, je vais dire que nous avons des amendements à proposer et, de plus, j'aurais quelques remarques préliminaires qui ne sont qu'un modeste effort pour compenser le caractère fort discret, presque occulte même du débat de deuxième lecture qui est intervenu entre minuit et 1 h 30 du matin, sans doute une chose qui fait honneur à nos traditions parlementaires sur le plan de l'assiduité et de la ténacité des membres de l'Assemblée de travailler à une heure aussi tardive, mais qui ne fait pas honneur à l'Assemblée nationale pour ce qui est de servir d'instrument d'éducation du public, d'information politique. C'est à une heure telle que les journalistes d'ailleurs s'en sont plaints, déclarant avoir été dans l'impossibilité pratique de suivre les débats et d'en connaître le déroulement. J'étais moi-même empêché de participer par un engagement que j'avais accepté il y a très longtemps de prononcer une conférence à Montréal le même soir. Alors, je vais devoir compenser quelque peu l'occultisme de ce débat de deuxième lecture au moment de mes remarques préliminaires.

Le Président (M. Laplante): On n'y fera pas obstacle, M. le député de Saint-Laurent. M. le ministre, si vous voulez procéder à vos remarques.

M. Johnson: Je remercie le député de Saint-Laurent, pour son cours sur les sciences occultes, c'est une des qualités que je ne lui connaissais pas. Je pense que je vais lui permettre de faire son exposé préliminaire assez rapidement. Je ne dis pas que tout a été dit sur la question, mais beaucoup a été dit; peut-être qu'en cours de route sur certains des articles j'aurai à faire dans mes commentaires quelques remarques très précises et je suis sûr que la foule des journalistes ici présente pourra prendre bonne note des remarques du député de Saint-Laurent.

M. Forget: C'est de bonne guerre, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Je dois conclure que vous avez terminé, M. le ministre?

M. Johnson: Oui. En fait, je veux bien laisser le député de Saint-Laurent peut-être nous...

Le Président (M. Laplante): Le député de Saint-Laurent...

M. Forget: C'est une générosité qui fait honneur au ministre, M. le Président.

Même si les journalistes ne peuvent entendre, on va leur faire au moins le compliment de supposer qu'ils peuvent lire, M. le Président. En faisant cette hypothèse qui est peut-être audacieuse, étant donné la masse de transcriptions de nos débats auxquels ils doivent s'attaquer, il demeure qu'au moins, en s'adressant à la postérité... il serait presque indécent de ma part de ne pas faire de commentaires d'ordre général sur une loi qui cherche à remplacer, tant bien que mal, une loi dont j'ai assumé la paternité à un autre moment, pas tellement éloigné d'ailleurs, en 1975, loi qui a été évidemment éprouvée par l'expérience de façon fort pénible, sur laquelle on porte un jugement, qu'on le veuille ou non, lorsque nous abordons l'étude de ce projet de loi 59 qui vise essentiellement le même objectif, qui est de garantir la prestation de services essentiels dans le domaine de la santé et des services sociaux au moment d'un conflit de travail.

Ce qui me frappe davantage dans ce projet de loi, c'est qu'on juge, du côté gouvernemental, approprié de l'adopter. J'avais l'impression le 15 novembre, le 16 novembre et le 17 novembre 1976, que le Québec était entré dans une période nouvelle de son histoire. Je peux à peine le dire sans m'étouffer, M. le Président. Cette période nouvelle de son histoire serait marquée par la paix sociale la plus sereine, la plus complète et nous avons eu, cela a été une coïncidence presque providentielle pour nous ramener les pieds sur terre, le malheur de vouloir débattre à l'Assemblée nationale ce projet de loi le jour même où les travaux de l'Assemblée nationale — je parle des débats en deuxième lecture — étaient interrompus et empêchés par une manifestation syndicale protestant contre un autre projet de loi du gouvernement.

Je pense que si on voulait, de façon graphique, démontrer que rien n'est changé au Québec, malheureusement...

Le Président (M. L-aplante): Je préférerais, M. le député de Saint-Laurent, étant donné que le débat d'ouverture est passé, que vous vous en teniez au projet de loi 59, s'il y a possibilité, s'il vous plaît!

M. Forget: Si vous soulevez une question de règlement...

Le Président (M. Laplante): Non, je ne veux pas être formel là-dessus. C'est pour la bonne compréhension des débats.

M. Forget: Puisque vous le mentionnez, vous me permettrez de rappeler que la tradition des commissions parlementaires, au moment de l'étude, article par article, veut que le débat autour de l'article 1, le débat préliminaire à l'adoption de l'article 1, soit très vaste, très large. Je pense que c'est dans ce contexte que je faisais les remarques que je viens de faire, puisqu'effectivement si nous avons des démonstrations autour d'un projet de loi gouvernemental qui vont jusqu'à bloquer le fonctionnement du Parlement, nous n'avons certainement pas un climat social qui soit différent de ce qu'il a été dans le passé et c'est seulement dans ce contexte là qu'on comprend mieux l'empressement qu'ont démontré l'Assemblée nationale et le gouvernement, en faisant adopter dès jeudi soir, dans la nuit, le jour même des événements, un projet de loi qui vise à assurer la prestation de services essentiels.

J'aurais aimé que cette perspective n'ait pas eu besoin d'être évoquée, M. le Président, mais je suis d'accord avec le principe du projet de loi, notant qu'il a été approuvé en deuxième lecture. Je pense bien qu'il n'est pas à l'encontre du règlement de dire que c'est absolument nécessaire d'avoir une intervention législative pour garantir les services essentiels, d'autant plus que, dans le secteur des services de santé et des services sociaux auquel ces amendements vont s'appliquer, les amendements au Code du travail, nous savons d'avance que les objectifs salariaux du gouvernement sont tels qu'un affrontement est inévitable. Cela fait presque un an et demi que le premier ministre et le ministre des Finances nous rappellent, à toutes les occasions, que, dans le secteur parapublic en particulier, le moment de l'austérité est arrivé, qu'il est temps que le rythme de progression des salaires ralentisse, de manière qu'on ne dépasse pas le rythme de progression observé dans le secteur privé, ce qui, selon certaines déclarations ministérielles, est déjà un fait accompli.

Je suis donc tout à fait d'accord pour dire que, si une loi pour garantir les services essentiels était nécessaire dans le passé, elle est au moins aussi nécessaire et peut-être même plus nécessaire pour l'avenir.

Comme on est d'accord sur les principes et comme le principe a été adopté en deuxième lecture, il faut se tourner vers les modalités d'application.

Je remarque un deuxième élément, c'est que, même si on fait mine d'abroger la loi 253, dans le fond, on la conserve dans la plupart de ses modalités essentielles. C'est d'ailleurs ce que les représentants syndicaux et patronaux ont dit, en substance, lorsqu'ils ont paru en commission parlementaire.

M. Johnson: Est-ce que le député de Saint-Laurent me permet? Je l'ai entendu dire tout à l'heure que sa formation politique avait voté pour en deuxième lecture. Est-ce exact?

M. Forget: Non, j'ai dit que l'Assemblée nationale avait adopté le principe du projet de loi.

M. Johnson: J'avais cru comprendre que vous aviez dit que vous aviez voté pour en deuxième lecture, ce qui n'est pas le cas.

M. Forget: Non. A moins que je n'aie commis un lapsus, M. le Président. Ce serait vraiment un lapsus et je remercie le ministre de l'avoir souligné, si c'était le cas. Il faudrait que je me relise. Il me semble avoir dit que cela avait été approuvé en principe par l'Assemblée nationale. J'aurais pu ajouter malgré l'opposition de notre formation politique, entre autres.

Quoiqu'il en soit, il reste que ce projet de loi qui semble viser à remplacer la loi 253 ne la remplace pas puisque tous les éléments essentiels de cette loi sont conservés, sauf une exception. Je devrais dire deux exceptions.

Il y a d'abord, sur le plan du mécanisme d'évaluation des listes de services essentiels à maintenir, il y a un mécanisme différent qui est mis sur pied non pas tellement par la façon, puisqu'il dépend encore du président du Tribunal du travail ou du juge en chef du Tribunal du travail de prendre l'initiative de sa formation, mais par la composition, ou la formation professionnelle, ou la qualification des gens qui seront appelés à porter des jugements au nom de l'intérêt public sur les services essentiels.

La loi 253 comportait un recours à la liste des arbitres dressée par le comité consultatif, le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. C'étaient des personnes et elles continuent d'être des personnes qui sont acceptables à la partie patronale comme à la partie syndicale dans le règlement des conflits, dans le règlement des griefs. Ce sont des personnes qui ont, plusieurs d'entre elles au moins, une assez bonne connaissance des relations de travail dans le secteur des affaires sociales, dans le secteur des services de santé et des services sociaux, pour être souvent appelées à trancher des griefs dans ce secteur et aussi dans d'autres secteurs, bien sûr.

Ce sont d'abord et avant tout des gens qui ont la capacité de déceler, entre la position respective du patron et du syndicat, des positions mitoyennes, raisonnables, applicables, par conséquent, au moins a priori. S'il en était autrement, les parties représentées au Conseil consultatif du travail auraient vite fait d'éliminer leurs noms de la liste des arbitres.

Le mécanisme envisagé par le projet de loi 59, même s'il est mis en action de la même façon que dans la loi 253 par le Tribunal du travail, portera sur des individus, impliquera des individus qui ne sont pas des arbitres, mais qui semblent... Puisque de ce côté-là, le gouvernement ne s'est pas engagé de façon très explicite malgré tout, par les réponses qu'il a fournies en commission parlementaire, le ministres indiqué que ce serait, par exemple, des médecins, des professionnels de la santé, des infirmières et autres, des syndiqués, j'imagine, des représentants du public en général, des utilisateurs de services de santé et de services sociaux.

Ce qui risque de se produire par un tel choix sur le plan des moyens, c'est qu'on va remplacer les gens qui avaient le sens du compromis, le sens de ce qui est possible, de ce qui est réalisable par des gens qui ne voient dans les services de santé et les services sociaux que l'aspect services à la population. C'est fort louable. Si on peut donner à cette intervention une efficacité quelconque, de toute façon, une efficacité supérieure à celle des commissaires aux services essentiels, mais c'est justement là où les questions se posent. Dans quelle mesure ces gens qui sont des médecins, par exemple — il semble acquis qu'il va y avoir au moins quelques médecins dans un tel conseil pour le maintien des services essentiels — peuvent-ils faire la part entre leur désir et les réalités? Le désir du maintien le plus intégral possible des services de santé et des services sociaux et la réalité d'un conflit patronal-syndical où, malgré tout, ce qui est réalisable est souvent en-deçà de ce qui est souhaitable.

J'ai l'impression que le gouvernement en quelque sorte, cherche à rivaliser avec la loi 253 sur le plan des bonnes intentions, mais qu'il ne se donne pas les moyens pour avoir plus de succès que la loi 253 en a eu, et qu'en particulier, les avis qu'il recevra et qui seront communiqués au public, de la part du conseil pour le maintien des services essentiels, ne seront, s'il y a quelque chose d'encore plus extrême, que ce que le rodage de la formule qui se trouvait dans la loi 253 aurait permis. Bien sûr, on nous cite souvent, comme si c'était une objection définitive, le fait que dans certains cas, certains commissaires ont pu donner droit à des représentations patronales où on accordait plus d'employés syndiqués qu'il n'y en a normalement, par exemple, les fins de semaine.

Il est possible que cela se soit produit dans certains cas, mais il faut bien se rendre compte du contexte dans lequel ces décisions ont été rendues. C'était le contexte où on envisageait d'abord une négociation de bonne foi entre les parties sur une entente portant sur les services essentiels, où au moins, une intervention auprès des commissaires sur les services essentiels des deux côtés. Il est évident que dans un processus d'adversaires devant un tribunal, il appartient au juge de trancher. On ne demande pas aux parties d'être raisonnables. Enfin, on leur demande rarement. On s'y attend encore moins. On s'attend que chacune des parties fasse la démonstration maximale de sa thèse à elle, et on sait ce qui arrive dans les procès ex parte, dans les procès où une des parties refuse de se présenter et de défendre sa cause devant le tribunal. Il arrive évidemment que la décision du tribunal est biaisée. Elle est tout entière portée d'un seul côté, puisque c'est le seul côté qui a fait la démonstration de ses besoins ou de son point de vue. C'est ce qui s'est passé devant les commissaires aux services essentiels. La partie patronale étant souvent la seule à se présenter, il y avait seulement son point de vue qui était documenté, donc, il y avait seulement son point de vue sur lequel le commissaire aux services essentiels pouvait effectivement se baser, s'il voulait une décision rapide. Il aurait, bien sûr, pu faire des études, etc., mais on se rend compte du nombre de décisions qui doivent être rendues. Il y a 615 unités d'accréditation dans l'ensemble des établissements, et donc, en théorie, jusqu'à 615 décisions devaient être rendues par les commissaires, ce qui impliquait une grande célérité dans l'action.

M. le Président, je remarque que vos yeux se sont tournés vers l'horloge et j'observe, moi aussi, qu'il est 18 heures. Je propose donc la suspension de nos travaux jusqu'à 20 heures.

Le Président (M. Laplante): La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

Reprise de la séance à 20 h 16

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, messieurs! Reprise des travaux de la commission parlementaire pour l'étude des projets de loi 52 et 59. Nous en étions au projet de loi 59 et la parole était au député de Saint-Laurent. M. le député.

M. Forget: Merci, M. le Président. J'en étais à exposer notre point de vue qui diverge de celui de nos amis d'en face quant aux moyens qu'a retenus

le gouvernement pour assurer le maintien des services essentiels. Je me résume brièvement quant à la première différence qu'on observe entre le projet de loi 253 et ce projet de loi 59.

Nous avons un mécanisme d'évaluation de la liste des services qui sont retenus comme étant les services essentiels qui doivent être maintenus. C'est un processus d'évaluation qui, selon la loi 253, reposait sur des spécialistes en relation de travail, les arbitres dont les noms figurent sur la liste agréée par le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, mais qui, selon la loi 59, consistera principalement, si on se fie aux informations qu'on a là-dessus, en des personnes qui ne font pas profession de s'occuper des relations de travail, mais qui, à divers titres, s'intéressent aux services fournis à la population, des médecins, des professionnels de la santé autres que des médecins, des utilisateurs de services, des syndiqués.

Il me semble bien, pour conclure sur cet aspect, qu'on est loin d'avoir là un mécanisme susceptible plus que ne l'était l'ancien de faire une détermination objective et pondérée de ce qu'il est raisonnable d'attendre comme services essentiels maintenus durant un conflit de travail. Nous aurons, par la voie de ce comité sur le maintien des services essentiels, l'expression d'un idéal que partagent les médecins, les utilisateurs de services, les malades, etc., la population en général puisqu'il y aura présumément, suite aux recommandations, par exemple, de la Commission des droits de la personne, des préoccupations qui seront beaucoup plus larges que celles qui sont directement pertinentes aux relations de travail. Il y a une très bonne raison pour laquelle on a un mécanisme qui a une composition distincte, c'est que ce mécanisme, dans la loi 59 n'est plus un mécanisme décisionnel. Il est un mécanisme d'information. Il est clair qu'un mécanisme qui vise simplement à passer un jugement de caractère plus ou moins théorique à savoir si oui ou non les services essentiels sont fournis, se sentira plus libre d'exprimer une conception qui se rapproche de l'idéal lorsqu'il faut au contraire trancher, imposer une décision, il faut être beaucoup plus réaliste et se tenir beaucoup plus près de ce qui est possible dans le contexte d'un conflit de travail.

J'ai expliqué, avant 18 heures, pourquoi je croyais que certaines décisions des commissaires avaient été, en 1976, exagérées dans l'absence de l'une des parties, la partie syndicale. Il était presque inévitable, dans le contexte d'un grand nombre de décisions à rendre dans un délai très court, que seule la partie qui s'était effectivement exprimée, qui avait explicité ses besoins soit la partie patronale, voie ses dires confirmés en l'absence et dans le silence de la partie syndicale. Mais c'est un accident de parcours et on peut vraiment s'interroger sur le mécanisme qui est suggéré dans la loi 59, indépendamment du fait que ces décisions ne sont pas obligatoires, quel sera l'effet sur l'opinion publique, d'évaluations faites par des gens qui ne se sentiront pas du tout liés premièrement par la responsabilité de rendre des décisions — ils n'en rendront pas — puis qui ne se sentiront pas du tout liés non plus par une perception qu'ils pourraient avoir et qu'ils n'auront pas, parce que ce ne sont pas des spécialistes des relations de travail, que même si on peut exprimer un idéal théorique dans ce domaine-là, il y a malgré tout des choses très concrètes, un contexte dont il faut tenir compte et que ce qui est possible est beaucoup moins que ce qui est souhaitable malheureusement dans certains cas. Si dans ce contexte le conseil sur les services essentiels émet des évaluations qui s'inspirent de sa situation concrète, de la composition qu'il y a, du contexte qu'il a, de la non-responsabilité où il se trouve de rendre des décisions, est-ce qu'il n'est pas susceptible d'émettre des évaluations et des opinions qui créeront, chez la population, des attentes très considérables?

C'est le premier élément. Le deuxième élément, M. le Président, par lequel la loi 59 diffère de la loi 253, c'est l'absence de sanctions. Le rapport Martin-Bouchard se permettant un jeu de mots d'un goût discutable, à mon avis, a énoncé l'idée que la loi 253 avait des dents et que c'est pour ça qu'elle a mordu la poussière. Peut-être. Une autre raison pour laquelle elle a mordu la poussière... Cela méritait, de la part de la commission Martin-Bouchard, si vraiment elle avait prétendu faire une analyse objective de cette loi et du contexte qui a entouré son application, ce que je ne pense pas qu'elle ait véritablement cherché à faire, sous cet aspect au moins, elle aurait évidemment fait la part de la stratégie syndicale et, parce que ce n'est pas sans pertinence, de la stratégie politique de l'Opposition de l'époque qui, après avoir approuvé à l'unanimité la loi 253, l'a dénoncée moins de deux mois après et s'est empressée d'ajouter sa voix à tous ceux qui, du côté syndical, cherchaient désespérément à trouver les moyens d'éviter leurs responsabilités sociales.

Dans un contexte comme celui-là, il est presque inévitable que des lois soient traitées avec légèreté. C'est effectivement ce qui est arrivé, le scrutin populaire ayant eu le résultat qu'on sait, le gouvernement, après avoir jeté de l'huile sur le feu, s'est empressé de disculper de façon générale ceux qui avaient mis le feu. Je ne sais pas jusqu'à quel point le gouvernement actuel se rend compte de la responsabilité qu'il a assumée en prenant une attitude, en premier lieu, aussi ambiguë, aussi fourbe d'ailleurs. Je crois que c'est le seul terme qui serve dans les circonstances quand après avoir fait preuve de fourberie, face à l'opinion publique, et étant devenu gouvernement, on s'est comporté de façon aussi irresponsable.

Voici que le même gouvernement, par un juste retour des choses, se retrouve devant des responsabilités qui, naguère, le faisaient rire — je ne sais pas si elles le feront rire, cette fois-ci — et qu'il a choisies, un peu forcé par l'attitude qu'il avait d'adopter, dans un passé aussi récent, et avec autant d'éclat, d'éliminer toutes les sanctions, cette fois-ci, a priori, plutôt qu'a posteriori, de son projet de loi.

Le ministre a répondu à ceci d'une façon qui soulève au moins autant de problèmes que cela en résout, qu'il y avait une sanction "politique", entre guillemets. Je ne sais absolument pas à quoi il peut faire allusion par une telle déclaration. Qu'est-ce qu'une sanction politique, face à la désobéissance à une loi? Est-ce que l'on doit supposer que le ministre fait allusion à la possibilité dont il dispose toujours de légiférer à nouveau et dans une situation de crise, pour remédier à une désobéissance massive, ou tout simplement à un non-fonctionnement des mécanismes prévus par la loi 59? Est-ce qu'il fait allusion plus profondément à la possibilité que certains ont évoquée, que toute cette opération de la loi 59 n'est qu'un vaste piège tendu aux organisations syndicales?

Je n'en sais rien. Nous en sommes quittes pour des conjectures que chacun peut faire. Mais, malgré tout, c'est assez mystérieux que cette sanction politique. En tout cas, qu'il y ait sanction politique ou pas, qu'on s'entende ou non sur la signification à donner à ce terme assez mystérieux, ce qu'on sait, c'est qu'il n'y a pas d'autres sanctions. On espère, et cela, contrairement à l'expérience de dix ans, que tout ira bien dans le meilleur des mondes. Si vraiment, c'était vrai qu'on pouvait le supposer, pourquoi la loi 59? Si vraiment on a l'impression que les listes syndicales sont impeccables et si vraiment on croit qu'une fois promulguées, elles seront respectées, on n'a pas du tout besoin de légiférer, M. le Président, on n'a qu'à le dire. Si les organisations syndicales font preuve d'une responsabilité au-dessus de tout reproche, pourquoi mettre dans les lois des mécanismes aussi compliqués que ceux prévus par la loi 59? Jamais personne n'a répondu à cette question.

Si cette supposition est fausse, comment expliquer les mécanismes qui s'appliqueront? Comment prévoir la réaction du gouvernement? Est-ce que c'est seulement un alibi que le gouvernement cherche à se donner face à un risque qui apparaît assez grave pour la plupart des gens en disant: Nous avons légiféré sans malgré tout prévoir les mécanismes d'application de la loi? Ou est-ce un alibi pour l'avenir que le gouvernement cherche à se ménager en disant: Nous avons mis un mécanisme en place qui place toute la responsabilité sur les organismes syndicaux et s'ils ne sont pas assez "matures" pour les faire fonctionner normalement, nous aurons tous les droits comme gouvernement de légiférer de la façon qui nous semble la plus appropriée pour restaurer un ordre qui aurait été troublé par ailleurs?

Sur le plan des mécanismes, M. le Président, je pense qu'il y a là un trou béant, un gouffre législatif. Un gouvernement n'a pas le droit de légiférer, à moins qu'il puisse dire aux citoyens qui sont confrontés à cette loi ce qui va se passer dans l'application de la loi. Le gouvernement actuel ne l'a pas dit et il ne semble pas avoir l'intention de le dire non plus, sauf à faire allusion sombrement et mystérieusement à un soi-disant mécanisme politique qui s'enclencherait Dieu sait comment, Dieu sait avec quelles conséquences. A moins qu'on ait l'intention de ne rien faire du tout, de toute manière. A ce moment-là, encore une fois, pourquoi la loi 59? (20 h 30)

Cela m'apparaît un geste gratuit, un geste qui n'est pas justifié, et doublement. Il n'est pas justifié parce que le mécanisme essentiel de la loi 253 demeure dans la nouvelle loi, sauf sur les deux points que j'ai mentionnés. Si on voulait diminuer la force des amendes ou le poids des amendes imposées par la loi, les pénalités imposées par la loi, on n'avait qu'à le faire par un amendement à la loi existante. Si on voulait modifier de façon mineure tel ou tel mécanisme, on n'avait qu'à l'amender. Je crois qu'il y a beaucoup plus de symbolisme dans toute cette opération qu'on ne peut...

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent. Je ne voudrais pas créer de précédent. Par l'article 160 — cela fait un peu plus de 30 minutes que vous parlez — j'aimerais, à ce moment, avoir au moins le consentement des membres de la commission pour que vous puissiez continuer sans qu'on établisse un précédent ce soir.

M. Johnson: Consentement.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur.

M. Forget: Merci, M. le Président. Comme je l'ai dit, j'ai fait cette intervention au tout début parce que je pense que l'esprit de notre position sur la loi 59 n'est pas facile à exprimer par rapport à tel ou tel article individuel, et que l'heure à laquelle le débat s'est fait, au moment de la deuxième lecture, nous autorise — j'en remercie le ministre — à un peu plus de libéralité quant à l'interprétation du règlement.

De toute manière, j'en étais presque à ma conclusion. Je pense que nous avons une loi qui n'est pas explicable quant à sa substance. Elle n'est pas nécessaire. Dans la mesure où elle introduit quelque chose de nouveau, c'est par défaut, c'est par privation en quelque sorte. L'absence de sanction et l'absence de justification de la tournure particulière que prend le conseil pour le maintien des services essentiels par rapport aux commissaires sur les services essentiels nous fait douter que le gouvernement vise par là un objectif véritablement substantiel. Il vise, bien sûr, à donner satisfaction à ceux qui ont demandé le retrait de la loi 253. Sur un plan formel, ce sera fait, mais dans le fond, les organisations syndicales et les organisations patronales qui se sont fait entendre au début de la semaine dernière devant la commission parlementaire n'entretiennent aucune illusion là-dessus. Elles nous ont dit qu'essentiellement, c'était la même disposition, le même mécanisme, et que dans la mesure où il y avait des innovations, cela ne leur apparaissait pas comme des innovations nécessairement positives.

Je peux dire que, avec l'expérience que j'ai acquise dans ce secteur qu'à moi non plus, ça ne m'apparaît pas comme des innovations positives. Au contraire, ça m'apparaît comme une régression, comme une détérioration, en quelque sorte, de l'état de notre droit du travail sur ce point-là, pour autant que le droit du travail peut résoudre ou aider à diminuer l'acuité d'un problème avec lequel il faut bien vivre, d'une façon ou d'une autre, tant que notre régime de relations de travail — ceci appartient à un autre débat qui aura lieu demain — dans les secteurs public et parapublic demeure inchangé.

Alors, M. le Président, nous sommes disposés à procéder à l'étude article par article du projet de loi.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre, j'appelle l'article 1. Excusez.

M. Johnson: M. le député de Richmond...

Le Président (M. Laplante): II n'avait pas exprimé le désir de parler, mais voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Brochu: Brièvement, M. le Président. Ce n'était pas mon intention, au point de départ, de faire de longs commentaires là-dessus. J'avais eu l'occasion, d'ailleurs, en deuxième lecture, pour l'Union Nationale, d'exprimer clairement nos couleurs là-dessus, de poser un certain nombre de questions au ministre.

Cependant, j'aimerais peut-être rappeler, dans un premier temps, un des éléments qui nous apparaît assez important, pour ne pas dire essentiel dans toute cette question, et c'est l'aspect de la confiance dans tout ce climat. On sait que toutes les parties, tant du côté patronal que du côté syndical, ont insisté aussi de leur côté, sans relâche, sur le fait que le succès des prochaines négociations dépendra largement, dans le secteur public comme dans le secteur parapublic, de l'existence de cette condition qui est sine qua non, celle de la confiance.

D'abord, je dirais confiance mutuelle entre les parties en présence. Deuxièmement, il y a la confiance dans les règles du jeu imposées tant par la loi que par le simple bon sens et, troisièmement, la confiance dans l'application de ces règles qui, sans être immuables, à notre sens, doivent s'appliquer de la même façon pour tous.

La question qu'on peut se poser en commençant nos travaux à la commission parlementaire, c'est: Est-ce qu'on retrouve, dans le projet de loi no 59 tel qu'il nous est présenté actuellement, les mécanismes qui seraient susceptibles de susciter ou de créer ce climat de confiance dans les prochaines négociations? Est-ce que le cadre de la loi, tel qu'on le veut actuellement, tel qu'on le propose actuellement, peut mettre en place, justement, les moyens de provoquer ou de créer cette confiance qui est si nécessaire?

On se rappellera, dans les quelques jours qui ont précédé notre commission parlementaire, qu'on a entendu des mémoires, qu'on a aussi reçu différents groupements touchant ces questions. Ce qu'on nous a rapporté à ce moment-là ne nous laisse pas croire, au point de départ, que cette confiance soit quelque chose d'acquis. Bien au contraire, c'est peut-être quelque chose qu'il va falloir gagner pas à pas, si c'est possible de le faire, si c'est possible d'y arriver.

Si les associations patronales s'inquiètent de la pertinence et de l'efficacité des moyens préconisés en vue de déterminer et d'assurer les services essentiels dans le domaine des hôpitaux et des services sociaux ainsi que du manque de sanctions réelles dans les cas d'infraction à la loi, les associations syndicales, pour leur part, ont carrément dénoncé les réformes du ministre du Travail et surtout le calendrier pour le déroulement des négociations, et je cite leurs propos: "comme une entrave à leur droit à la libre négociation. '

D'un côté comme de l'autre, on laisse subsister la crainte de l'affrontement, si le projet de loi 59 n'est pas modifié, et je le souligne, dans le sens souhaité, dans les deux sens. D'un côté comme de l'autre, on affirme clairement ne pas avoir confiance en réalité, dans le bien-fondé des réformes mises de l'avant par le gouvernement. Ce constat de réprobation m'inquiète, car, à l'instar de tous les Québécois, je souhaiterais grandement que la prochaine ronde de négociations dans ce secteur ne soit pas une répétition de la précédente. C'est un voeu que fait également le ministre dans son approche, même si on peut en discuter, même si elle peut être discutable. Je pense que le ministre vise à ce que la prochaine ronde de négociations se fasse dans le meilleur climat possible.

Quant au conseil sur le maintien des services de santé et des services sociaux en cas de conflit de travail, on sait que son rôle prévu par la loi est d'abord un rôle d'information. Cela veut dire que sa force repose essentiellement sur toute la question de l'opinion publique. Encore là, c'est un critère qui est mouvant et dont la mouvance a une vitesse fort relative. Cela nous place dans un cadre général où les balises sont difficiles à percevoir avant que les conflits ne se produisent. Etant donné la vitesse de réaction, parfois, de l'opinion publique, on risque d'aller ailleurs que là où on veut aller. Je comprends que ce rôle d'information soit fort louable; cependant, on peut se poser certaines questions à ce niveau. Qu'est-ce qui arrive si, au niveau du maintien des services essentiels, comme la détermination des services essentiels, cette force de persuasion ne vient pas à bout de régler le problème?

Je comprends que la solution du projet de loi 59, c'est que le lieutenant-gouverneur en conseil suspende le droit de grève pour trente jours, mais qu'est-ce qui arrive au-delà de cela, si on refuse de se soumettre à cette demande du lieutenant-gouverneur? Il reste toujours, l'injonction; par contre, le gouvernement a clairement exprimé sa volonté de recourir le moins possible à l'injonction.

Alors, le problème, dans ce sens, reste entier. Cela revient à ce que je citais comme l'élément

important, le nerf de la guerre dans le cas qui nous préoccupe, la question de la confiance mutuelle. Qu'est-ce qu'on est prêt à donner, de part et d'autre, pour en arriver à un terrain d'entente et à un modus vivendi qui ne se fasse pas sur le dos des citoyens?

Finalement, dans tout cela, au bout du compte, c'est toujours la population qui est à la merci de ce qui se passe; il ne faudrait pas que ce qui s'est passé déjà, dans le domaine public, se reproduise à l'avenir. Il faudrait trouver des mécanismes — je sais que ce n'est pas facile — et créer ce climat de confiance nécessaire pour que les gens du Québec n'aient pas à souffrir de grèves dans ce secteur.

Cela m'intéresserait de connaître le fond de la pensée du ministre sur ce problème qui n'est pas une mince affaire. Je comprends que le ministre ne peut pas non plus intervenir sur l'attitude des gens, sur leur façon de percevoir les problèmes et d'agir à l'intérieur des situations. L'humain étant ce qu'il est, je pense que les règles du jeu qu'on connaît vont être maintenues. Le ministre n'a pas de pouvoir là-dessus. Il pourrait cependant nous donner quelques précisions sur sa façon de voir.

M. le Président, je limiterai pour le moment mes remarques à ces quelques données. J'aurai l'occasion au cours de l'étude article par article de revenir sur des points plus précis.

M. Johnson: M. le Président, avant d'aborder l'article 1, si vous le permettez, brièvement, si le député de Saint-Laurent n'avait pas utilisé des mots comme fourberie, je ne serais peut-être pas intervenu à ce stade-ci de nos discussions.

Le député de Saint-Laurent nous dit que sous la loi 253 on avait recours à des arbitres de la liste annotée du CCTMO, ce qui est vrai. Il nous a lui-même donné certains exemples d'aberration que par inexpérience ou par le fait qu'il s'agissait de l'opérationalisation pour la première fois d'une nouvelle loi dans le domaine ont eu lieu. Il nous a parlé des faux espoirs que peuvent susciter les commentaires d'un groupe d'information sur les services essentiels, ainsi que l'absence de sanction, ce qui est un problème également qu'a évoqué le député de Richmond.

M. le Président, l'expérience nous a démontré certaines choses et je trouve dommage que le député de Saint-Laurent n'ait pas insisté, lui qui est un pragmatique sur le résultat de cette expérience depuis une dizaine d'années. Il y a une chose très sûre dans le geste du gouvernement, que le député de Saint-Laurent qualifie d'irresponsable. Des amendes de l'ordre de celles qui étaient prévues pour des gens qui gagnent $140 par semaine, c'était de l'aberration. Et dans ce contexte-là, ceux qui étaient susceptibles d'être condamnés par des juges exerçant leur juridiction avec l'entière latitude qu'ils ont dans notre système, il est très clair qu'on assistait à une prolifération de poursuites suite à un problème politique au Québec, et qu'on se le dise. Ce n'était pas seulement un problème de relations de travail ce qui s'est passé, dans le cas des hôpitaux, c'est un problème... Et quand je parle de sanctions politiques, je parle de celle-là. La sanction ultime sur le plan politique qu'un gouvernement peut connaître dans des circonstances d'une conflagration sociale comme celle qu'on a eue au Québec, avec cela et avec d'autres conflits du même ordre, c'est effectivement qu'un gouvernement se fasse battre et c'est ce qui est arrivé à nos prédécesseurs. C'est cela la sanction ultime. Je comprends que cela ne règle pas le problème du patient qui est au troisième A pendant le conflit de travail, mais ultimement dans une société, c'est cela la sanction politique, la perception par la population qu'un gouvernement est capable de prendre en main ses responsabilités et de ne pas être mou, qu'un gouvernement en occident ne soit pas sujet à des critiques, à des manifestations, à des oppositions, je pense que c'est sain et que c'est comme cela que les démocraties fonctionnent; mais la vraie sanction politique c'est celle-là, c'est celle dans une démocratie de citoyens qui, à un moment donné, disent: Assez, c'est assez, pour un tas de raisons qui sont souvent entremêlées, enchevêtrées, mais qui correspondent à une espèce de consensus d'une bonne partie de la population. C'est cela la sanction politique dont je parle. Il n'y a rien de très mystérieux. C'est la responsabilité que porte un gouvernement face à une opinion publique qui peut se modifier à son égard. Cela présuppose qu'on est prêt à prendre ses responsabilités et de préférence ne pas le faire de façon démagogique même si la politique, comme occupation qui nous préoccupe en principe à temps partiel, la plupart des parlementaires, nous amène parfois à des excès de langage. (20 h 45)

Très concrètement, cependant, l'expérience de la loi 253 nous a démontré, je pense, que le tiers intervenant, dans la définition des services essentiels, par le seul fait de son existence, a empêché certains règlements. C'est l'analyse d'ailleurs, qui a été faite par les responsables des commissaires aux services essentiels. Avant la loi 253, il y avait déjà, sur une base peut-être pas très formalisée, mais, comme en 1966, la dispensation, dans une bonne partie des hôpitaux, ou la prévision dans une bonne partie des hôpitaux, qu'il y aurait prestation des services essentiels ou dispensation de ces services.

Cependant, la loi 253, en introduisant un tiers qui, vraiment, au-delà des parties, indépendamment de leur volonté, pouvait décider ce qu'étaient des services essentiels, a fait que ce fut perçu par les parties et surtout par la partie syndicale, il ne faut pas se le cacher, comme un des moyens les plus importants de "désincitation", en même temps, possiblement, qu'une poignée ou une ganse politique, permettant de faire peut-être un peu pourrir le conflit avant même qu'il ne s'amorce réellement, face à la population.

En ce sens, on a assisté à une série de refus de conclure des ententes sur les services essentiels. Dans certains cas, c'étaient les administrations hospitalières; on sait, à un moment donné,

que le mot d'ordre s'est donné dans un des sous-réseaux du secteur des affaires sociales, qu'il ne fallait pas négocier les services essentiels et d'attendre que le commissaire vienne les définir.

En ce sens, c'est un peu ça le coeur du projet de loi sur la question des services essentiels. Nous verrons tout à l'heure, quand nous serons rendus à l'étude article par article, quelques modifications que je vais suggérer et qui ne devraient pas faire l'objet de grandes complications, mais elles devraient peut-être nous éclairer sur le sens qu'on veut donner à cette lot. Le coeur du projet de loi est de mettre les parties dans une situation où elles sont incitées, effectivement, à conclure ces ententes sur les services essentiels.

Il faut cependant une alternative à l'absence d'entente. L'alternative est: ou bien le tiers qui vient la déterminer ou encore, c'est qu'une des parties la définit unilatéralement. Or, dans le cas d'un tiers qui vient la déterminer, on a l'expérience de la loi 253 et de la non-conclusion d'ententes dans une multiplicité d'établissements, à cause du fait que cette loi venait modifier les règles du jeu dans l'esprit de plusieurs; deuxièmement, du fait que cette loi 253 était un tout et ce tout, entre autres, impliquait des sanctions extrêmement sévères pour des salariés sur un plan pécuniaire.

La deuxième partie de l'alternative, c'est de dire qu'une des deux parties, unilatéralement, définirait ces services en l'absence d'entente. Est-ce que ça peut être la partie patronale? Parlons avec un vocabulaire plus simple, est-ce que ça doit être l'administration hospitalière? On ne se fera pas tellement d'illusions sur la crédibilité qu'en général les institutions peuvent avoir quant à la définition des services essentiels. En effet, je connais très peu de directeurs de soins professionnels ou de directeurs d'hôpitaux qui pensent qu'un hôpital puisse fonctionner avec des services partiels, et que sa tendance toute naturelle est de faire en sorte que les services essentiels soient l'ensemble des services. Il y a cependant des exceptions. L'expérience de dix ans dans le domaine, je pense, a appris au gouvernement, autant qu'aux administrations hospitalières, qu'il fallait reconnaître qu'à partir du moment où le droit de grève existe, et, deuxièmement, à partir du moment où on constate qu'il est exercé au Québec, légalement ou illégalement, on a vu ça dans le cas des fonctionnaires récemment, c'est une situation à laquelle il faut savoir non pas s'en prendre, mais faire face.

Dans les circonstances, nous avons jugé que la définition du personnel disponible pour rendre des services essentiels pouvait être un acte unilatéral du syndicat. La sanction du syndicat, dans une définition qui serait insuffisante ou dans une définition telle qu'au niveau de la mise en vigueur ou de l'exercice réel du droit de grève, est que des services ne sont pas adéquats. C'est d'abord une sanction que j'appellerais publique, dans la mesure où on sait que les conflits dans le secteur hospitalier soulèvent l'ire de la population en général et on peut comprendre pourquoi, et que le syndicat qui ne fournit pas ce minimum de servi- ces s'expose à une attitude de réprobation. En général, cette réprobation coûte plus cher aux centrales syndicales qu'à qui que ce soit.

La deuxième sanction, c'est évidemment la possibilité pour le lieutenant-gouverneur en conseil de décider de suspendre le droit de grève. On me dira: II suspend le droit de grève et les gens décident quand même de faire la grève. Je dis que ce sont les règles normales qui s'appliquent. Ce n'est pas la première fois qu'on a vu cela. C'est l'attitude habituelle.

Mais ce qu'il faut faire quant aux services essentiels, c'est d'envisager que, dans l'ensemble des règles que l'Etat se doit d'adopter, il balise l'exercice civilisé du droit de grève dans le secteur hospitalier, parce que, comme je l'ai déjà dit lors de l'étude en commission parlementaire, lors de l'audition des parties, je pense qu'on ne peut pas faire une équation entre le gouvernement du Québec, l'Etat québécois et une entreprise privée qui suscite des profits. L'Etat québécois se finance à même les ressources des citoyens par la fiscalité, par les impôts, par les taxes. Et deuxièmement, l'Etat n'est pas là, par définition, pour faire des profits, sauf dans certaines sociétés d'Etat qui, d'une façon générale, ont la remarquable caractéristique d'être déficitaires, mais surtout pour fournir des services à la population. C'est pour cela que nous sommes élus. Cela vaut pour les deux côtés de la Chambre, sauf que ceux qui, parmi nous, appartiennent à la formation politique qui a le plus de sièges exercent le pouvoir exécutif.

Dans ces circonstances, le projet de loi 59 m'apparaît justement une résultante de l'expérience des dix dernières années. D'une part, on se rend compte que le tiers intervenant, par le seul fait qu'on le crée avant même qu'il ne soit question de négocier ou de s'entendre sur des services essentiels, le tiers intervenant, par sa seule existence, par sa seule présence, est une "désincitation" au règlement; mais, d'autre part, l'Etat ne peut pas fermer les yeux sur sa responsabilité dans ce domaine. Et il doit bien dire quel est le cadre dans lequel les administrations hospitalières et les groupements syndicaux doivent s'entendre sur la question de la définition des services essentiels.

Dans ce contexte, de façon additionnelle, le gouvernement introduit la notion d'un comité formé par le juge en chef du tribunal, donc un comité qui a toutes les garanties possibles et humaines, dans un contexte comme le nôtre, d'être neutre, sinon objectif, et ce comité a une vocation et un rôle d'information de la population. Il est formé, au niveau québécois, au niveau de l'ensemble du Québec, de cinq à sept membres. Il peut se donner des sous-comités régionaux ou locaux qui pourront diffuser, au niveau local ou régional, l'information sur l'état de la situation en matière de services essentiels.

Je pense que là, il faut y voir notre préoccupation de renseigner adéquatement le public, dans un sens comme dans l'autre, à cause des comportements irresponsables que pourraient avoir certaines personnes, dans un contexte de conflit

dans les hôpitaux, ou encore à cause de ragots ou de potins, ou de gens à la recherche de cadavres de fins de semaine, pour les journaux jaunes.

Dans ce contexte-là, je pense que le groupe d'information a un rôle extrêmement important. Finalement, la négociation dans le secteur public et parapublic, comme je le disais au début de mes propos, implique un engagement politique de la part du gouvernement. Et cela a toujours été le cas depuis le début des années soixante.

On a dit que les gouvernements ont mis leur tête sur la bûche, relativement, dans certains conflits de travail qui touchaient le secteur public et le secteur parapublic. Cela prouve une chose, de la même façon que le député de Saint-Laurent nous disait cet après-midi qu'il voulait quand même procéder à quelques commentaires, puisqu'il avait été dans l'impossibilité — ce que je comprends très bien — de les faire lors de la deuxième lecture en Chambre, parce que, nous disait-il, cela vaut peut-être la peine, le Parlement est aussi un processus d'information du public. Cette loi est aussi un processus d'éducation du public, en plus d'être très clairement ce qu'elle est, une loi avec des balises très précises, des obligations aux parties et des sanctions qui sont les sanctions pénales que l'on retrouve dans le Code du travail, qui sont les sanctions habituelles en matière de relations de travail.

Essentiellement, M. le Président, sur la partie qui touche les services essentiels, je pense que ce projet de loi, même s'il n'est pas parfait — je n'en connais pas qui pourraient être parfaits dans ce domaine, pour avoir vécu dans le contexte d'une salle d'urgence en plein milieu d'un conflit de travail — à partir du moment où le droit de grève existe, où on le reconnaît, et à partir du moment où on sait très bien que même si on décidait de l'abolir dans un texte de loi, il pourrait être exercé. Il faut prendre des moyens qui nous permettent de présumer que, dans un climat où il y a un minimum de confiance — je pense que le député de Richmond a abondamment détaillé ce sujet — il s'agit de faire en sorte que les dispositions de la loi, en plus de donner une orientation aux parties, nous permettent d'avoir des actions très précises dans ces cas où cela ne fonctionnerait pas.

Si, par contre, c'était — passez-moi l'expression — le chiard organisé et si, de façon systématique, les salariés ne respectaient pas des dispositions sur les services essentiels ou leurs propres ententes ou si leurs listes ne tenaient pas debout, le problème y serait tout entier et il serait tout entier devant le Parlement du Québec et le fait d'avoir une loi comme celle-là ou de ne pas en avoir ne changerait pas grand-chose.

Cependant, on présuppose qu'avec un minimum d'orientation donnée par cette loi, un minimum de climat de confiance qui ne sera évidemment pas parfait, il y a quand même une possibilité d'obtenir un règlement et de donner ces pouvoirs à l'Etat d'intervenir de façon ponctuelle pour essayer de régler localement un problème local dans les cas où, souvent, jouent des circonstances absolument en dehors du contrôle par exemple d'une association syndicale ou des salariés eux-mêmes, à cause de facteurs extérieurs ou de facteurs relevant purement des problèmes et des vices de la nature humaine.

M. le Président, je suis prêt à appeler l'article premier du projet de loi qui...

Etude du projet de loi

Le Président (M. Laplante): Article 1.

M. Johnson: ... a comme objet de modifier l'article 32 du Code du travail. Il s'agit essentiellement d'y insérer les mots "et, le cas échéant, l'article 99c". Il s'agit en fait de la révocation d'accréditation. C'est une concordance avec les nouveaux délais que nous créons à l'article 99c.

Le Président (M. Laplante): Dans l'article 1, M. le ministre, avez-vous des amendements, des corrections?

M. Johnson: Non, il n'y a pas d'amendement à l'article 1.

Le Président (M. Laplante): Article 1, adopté? M. Forget: Oui, c'est de la concordance.

M. Brochu: Ah bon! D'accord, c'est de la concordance, cela va.

M. Johnson: D'accord. Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Article 1, adopté. J'appelle l'article 2. M. le ministre.

M. Johnson: En fait, M. le Président, c'est également un article de concordance dans la mesure où les dispositions antibriseurs de grève aux articles 97a et suivants se rapportaient, on s'en souvient — on a eu une longue discussion là-dessus, un soir, lors de l'adoption du projet de loi 45, le député de Saint-Laurent s'en souviendra — à cette référence que nous faisions au nouveau Code du travail, le cas échéant, en vertu d'une loi portant sur les services essentiels. Il s'agit de modifier l'ensemble du texte de l'article 97 pour qu'on retrouve cette notion, dans les dispositions antibriseurs de grèves.

Le Président (M. Laplante): Article 2, adopté.

M. Forget: C'est ce qu'on appelle une modification cosmétique ou esthétique. Oui, adopté.

Le Président (M. Laplante): Adopté.

M. Johnson: L'article 3...

Le Président (M. Laplante): Article 3.

M. Johnson: La même chose, M. le Président, quant à l'article 97b toujours. C'est dans la foulée de l'article 97a.

M. Brochu: D'accord, adopté.

Le Président (M. Laplante): Article 3, adopté.

M. Forget: Cela va bien, n'est-ce pas?

Le Président (M. Laplante): Je sens que cela va arrêter tout à l'heure. Je pense que cela va commencer. Article 4?

M. Johnson: L'article 4 est-il adopté, M. le Président?

M. Forget: Non

Dispositions particulières applicables aux secteurs public et parapublic

M. Johnson: L'article 4 est adopté, n'est-ce pas?

Le Président (M. Laplante): Je sens qu'il y a des modifications.

M. Johnson: A l'article 4, M. le Président, je pourrais peut-être suggérer, pour les fins d'une discussion qui soit... Est-ce qu'on pourrait le faire par l'article 99a, b, c, etc.?

M. Forget: C'est une heureuse suggestion, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): J'appelle donc le premier alinéa de l'article 4. Est-il adopté?

M. Forget: Oui. "Ledit code est modifié, etc." les deux lignes, d'accord. (21 heures)

Le Président (M. Laplante): Paragraphe 99a?

M. Johnson: En d'autres termes, ce qu'on dit ici, à 99a, c'est que l'ensemble des dispositions du Code du travail s'applique au chapitre V pour le secteur défini comme public et parapublic, à l'exception, cependant, de la section I A du chapitre IV et simplement pour nous rafraîchir la mémoire, c'est la section prévoyant l'arbitrage d'une première convention collective qu'on soustrait, en fait, à ce domaine du public et du parapublic.

Deuxièmement, l'autre restriction, c'est que l'ensemble des dispositions du Code du travail s'applique dans le secteur public et parapublic, dans la mesure, cependant, où elles ne sont pas inconciliables avec les articles qu'on retrouve à 99a et suivants.

Le Président (M. Laplante): 99a?

M. Forget: M. le Président, sur ce paragraphe 99a, certaines personnes s'interrogent sur la nature de l'exclusion qui est faite de certains services qui échappent à cette définition, d'organismes publics ou d'organismes péripublics tels que l'Hydro-Québec, par exemple, de même que de certains services qui appartiennent au secteur public dans un certain sens, mais pas dans le sens étroit où il est utilisé ici. Je m'explique, les transports en commun, par exemple. C'est le secteur public dans le sens vulgaire de l'expression, mais pas dans le sens légal.

M. Johnson: C'est juste, pas au sens du code.

M. Forget: C'est juste. On peut s'interroger... Enfin, on peut au moins demander au ministre pourquoi il a jugé bon de les exclure de l'application de cette partie de ce qui est désormais le Code du travail.

M. Johnson: En fait, la conséquence de l'adoption de 99a, ce serait de dire: Les services publics au sens d'une commission de transport en commun, par exemple, sont soumis à la section I A du chapitre IV, la notion d'une première convention collective, mais pas ce qui relève finalement des réseaux. Les réseaux étant définis comme tout ce qui tombe sous le ministère des Affaires sociales et l'ensemble du secteur de l'éducation. La raison de fond, c'est finalement la même raison qui nous a amenés à ne pas choisir un arbitrage obligatoire comme solution possible d'un conflit dans le secteur public et parapublic, pour les mêmes raisons que celles que nous avons choisi de dire, contrairement, par exemple, à l'Ontario qui prévoit l'arbitrage obligatoire dans le secteur hospitalier dans les conventions collectives, la même raison qui nous a amenés à écarter cette possibilité nous amène donc, de façon cohérente, à écarter l'application de la section I A du chapitre IV. En d'autres termes, on dit: Dans le secteur public et parapublic, il n'y a pas d'arbitrage obligatoire, ni de première convention collective, ni quoi que ce soit. Ce sont les règles de la négociation qui s'appliquent, y compris la conciliation volontaire ou la conciliation désignée par le ministre. Donc, on va soustraire à l'application du code qu'une première convention collective, par exemple, une nouvelle unité ou un nouvel hôpital où aucun salarié n'a jamais été syndiqué, un nouveau syndicat apparaît, ils seront soumis aux mêmes règles que tout le secteur public et parapublic, c'est-à-dire pas de première convention collective obligatoire.

M. Forget: Le sens de mon interrogation était un peu différent. C'était l'exclusion de l'application des règles sur les services essentiels de l'Hydro-Québec du transport en commun. On dit: Tout ce qui appartient au secteur public et parapublic inclut un certain nombre de choses, mais cela en exclut d'autres également, auxquelles certaines personnes attribuent un caractère essentiel. C'est une interprétation de services essentiels qui est relativement étroite par rapport à d'autres interprétations possibles.

M. Johnson: D'accord. En fait, c'est l'article 99 du code qui s'applique dans ce cas tel quel...

M. Forget: Oui.

M. Johnson: ... qui a toujours existé et qui s'est toujours appliqué, dans le cas de l'Hydro comme ailleurs. D'ailleurs, dans le cas de l'Hydro, il faudrait peut-être souligner que lors du dernier conflit à l'Hydro-Québec, je pense que c'était au mois d'octobre 1976, ou à peu près à cette époque, il y a eu une demande d'injonction du lieutenant-gouverneur en conseil en vertu de 99, qui alléguait que les services essentiels n'étaient pas dispensés par l'Hydro-Québec. A la surprise du ministère public, le jugement de la Cour supérieure dit que les services essentiels étaient effectivement suffisants.

M. Forget: Oui.

M. Johnson: ... et il n'a pas accordé l'injonction en vertu de 99. Donc, le recours, tel qu'il existe en ce moment à 99, demeure pour le secteur des services publics qui ne sont pas les hôpitaux, à toutes fins pratiques. C'est ce que ça signifie.

Ceci dit, ça pose le problème de 99 lui-même, le recours à l'injonction. J'ai déjà dit et je le répète que le gouvernement espère bien pouvoir aboutir à des modifications quant à l'utilisation de l'injonction, y compris dans le cas de 99. Il faut cependant être bien conscient qu'il faut que l'Etat, quelque part, se réserve un dernier recours — ce n'est peut-être pas nécessairement l'injonction, le recours idéal — dans le cas des services publics.

L'exemple qu'on pourrait donner de ça, ce sont les aqueducs où certains techniciens, finalement, dispensent des services essentiels dans la mesure où l'absence de chloruration de l'eau, dans certains cas, peut produire des résultats tels qu'on peut avoir une épidémie, etc. C'est 99 qui s'applique toujours pour eux et le gouvernement n'a pas cru bon de régler le problème des services municipaux, entre autres — en pratique, c'est surtout là que ça se pose — dans le cadre de la Loi des services essentiels qui touche les secteurs public et parapublic. Cela fera l'objet, évidemment, de l'étude que nous entendons faire et à laquelle nous entendons faire participer au maximum, y compris l'Opposition, les parties impliquées dans l'utilisation de l'injonction en général dans les relations de travail.

M. Forget: M. le Président, si j'insiste, c'est que le ministre a, de façon fort complète, expliqué qu'il y avait une distinction et en quoi consistait la distinction. Cela aide à éclairer la commission sur l'existence de la distinction, mais c'est précisément là la source de ma question. Il y a une distinction, pourquoi? Parce que la question qui se pose dans le contexte du projet de loi no 59, comme elle ne s'est jamais posée avant, puisque, relativement aux services de santé et aux services sociaux, le gouvernement a dit: Au lieu de prendre la voie indirecte, puisqu'on pourrait la qualifier de telle, où le Conseil des ministres demande à un tribunal une injonction, donnons au Conseil des ministres le pouvoir, en somme, d'émettre l'injonction lui-même. Je caricature la situation, mais c'est un peu ça.

La décision de suspendre le droit de grève est prise directement par le Conseil des ministres, ce qui a un effet passablement analogue ou même identique à l'obtention d'une injonction en vertu de l'article 99. Ayant franchi ce pas, dans le contexte de discussions qui durent depuis longtemps, où on dit: On ne devrait pas, du côté gouvernemental, se servir des tribunaux pour intervenir dans des conflits de travail, mais où, par ailleurs — je pense que c'est justifiable — le gouvernement dit: II est impossible qu'au nom de l'intérêt public il n'y ait absolument aucun moyen pour le gouvernement d'intervenir si l'intérêt public est menacé, la conséquence de ce raisonnement, qui est logique jusqu'à ce point-ci, c'est de dire: Donnons au Conseil des ministres le pouvoir de décréter une suspension du droit de grève, lorsque l'intérêt public est menacé.

Cela me semble soutenu à la fois par les considérations d'intérêt public et les considérations relatives au rôle ambigu qu'on fait jouer aux tribunaux dans l'application de l'article 99. Mais si ce raisonnement est bon pour les services de santé et les services sociaux, pourquoi n'est-il pas bon pour les opérateurs d'usines de filtration, par exemple? Pourquoi n'est-il pas bon dans le cas de l'Hydro-Québec? Pourquoi n'est-il pas bon dans le cas du transport en commun? Supposant, d'ailleurs, toujours, que ce soit l'article 99 ou les nouvelles dispositions, que le gouvernement est amené à prendre une décision, demander ou non une injonction à la cour ou décréter ou non une suspension du droit de grève directement... Il le fait toujours au nom de l'intérêt public. Il peut toujours se tromper, bien sûr, et la cour également, mais la responsabilité est la sienne. On semble avoir trouvé enfin un mécanisme direct d'intervention, qui fait porter la responsabilité là où elle appartient, dans le fond, au Conseil des ministres. Je me dis: Pourquoi ne pas avoir étendu cette formule aux autres domaines et ne pas avoir mis fin à l'article 99 de façon définitive?

M. Johnson: Pour deux raisons. La première, c'est que cette réforme apportée par la loi 59 est extrêmement bien circonscrite quant aux personnes ou aux objets qu'elle vise; il s'agit des personnes, des corporations hospitalières et des associations syndicales. L'objet, c'est à la fois dans un calendrier de négociations et dans un effort de baliser l'exercice du droit du grève pour que les prestations de services essentiels soient assurées, pour faire en sorte que les parties aient effectivement des références.

L'article 99 est évidemment beaucoup plus large. Il s'applique, par exemple, aux municipalités; il s'applique aux hospices, aux universités, aux entreprises de téléphone, de télégraphe; c'est toute l'énumération, finalement, qu'on retrouve à l'article 1n du Code du travail. Je suis d'accord avec le député de Saint-Laurent qu'il faudra envisager, dans la mesure où le gouvernement consi-

dère qu'il faut peut-être essayer de substituer à l'injonction un mécanisme qui soit plus apte dans le cadre des relations de travail, il faudra peut-être faire une réflexion précise autour de ces services publics.

La question des services essentiels dans le cadre hospitalier, c'est très circonscrit dans le temps, également; le droit de grève s'ouvre pour tout le monde en même temps. La possibilité de crise ou de difficultés pour la population et, ultimement, la santé et même la vie des gens peuvent en dépendre. Tout cela se circoncrit bien quant aux acteurs, quant aux personnes qui sont bénéficiaires et quant au temps. Pour cette raison, nous n'avons pas jugé opportun, pour le moment, de procéder à des modifications de l'article 99 lui-même.

M. Forget: II y a deux points, M. le Président, que j'aimerais toucher. Il y a, malgré tout, dans la question que j'ai posée et dans la réponse que m'a formulée le ministre, des interprétations qui pourraient se glisser et je voudrais être bien clair lorsqu'il est question d'injonction.

Il y a deux sortes d'injonctions et je pense qu'il serait important, pour le bénéfice de ceux qui peuvent consulter le journal des Débats de même que pour la discussion publique, qu'on ne mêle pas les choux et les raves. Il y a l'injonction en vertu de l'article 99 du Code du travail, qui est une injonction de nature très particulière que seul le lieutenant-gouverneur en conseil, c'est-à-dire le gouvernement, peut invoquer pour des raisons d'ordre public, lorsque la prestation de services publics est interrompue; qu'il s'agisse de service de téléphone qui est un service entièrement privé, mais qui est une utilité publique, qui serait interrompu et qui pourrait mettre en danger la sécurité, par exemple, d'une façon ou d'une autre, par hypothèse, et il faudrait malgré tout que ce soit le gouvernement qui fasse la demande de l'injonction devant les tribunaux.

C'est ce genre de problèmes que l'article 59 règle pour les services de santé et les services sociaux seulement. Il reste que, dans les autres cas, cela demeure des injonctions qu'on peut invoquer seulement pour des raisons d'ordre public et à l'initiative gouvernementale. Donc, il y a une grande similitude de situations et l'accusation portée contre les gouvernements successifs d'utiliser les tribunaux pour des fins qui sont essentiellement "Politiques', avec un grand "P", porte essentiellement sur l'utilisation de l'article 99. Là-dessus, je souscris à ce que le ministre a dit quant au souhait qu'on peut formuler de remplacer le mécanisme de l'injonction par un mécanisme plus transparent au regard de la responsabilité qui est toujours celle du gouvernement dans ce cas. C'est prévu comme tel dans la loi et le recours aux tribunaux peut embrouiller ou obscurcir.

Cependant, il ne faudrait pas, lorsqu'on parle d'injonction, parler trop généralement de l'injonction. L'injonction est, malgré tout, un droit fondamental de tout particulier, de toute personne, de protéger ses droits par le recours aux tribunaux lorsqu'on croit que l'action d'un tiers peut endommager ou causer préjudice à l'exercice ou à la jouissance d'un droit qu'on a ou qu'on prétend avoir de façon irrémédiable et irréparable. Je pense qu'il serait absolument irrecevable que cette autre injonction qu'on invoque en vertu du Code de procédure civile soit modifiée de quelque façon substantielle que ce soit, ce qui n'exclut pas, évidemment, comme dans n'importe quelle autre partie du Code civil, des ajustements à l'occasion, mais il s'agit d'un droit fondamental de tout citoyen qui prétend avoir le droit de demander l'aide des tribunaux pour que ses droits soient respectés. L'injonction, c'est donc cela aussi; ce n'est pas seulement l'injonction selon l'article 99 du Code du travail. (21 h 15)

De ce côté-là, le ministre dit: On l'a circonscrit de façon très étroite en fonction des personnes, en fonction des services fournis. Dans le fond, il invoque comme explication la restriction du champ d'application des nouvelles dispositions de l'article 59 simplement en réitérant que c'est restreint.

M. le Président, c'est ce genre de raisonnement et ce genre d'explication qui n'en est pas qui nous amène à croire, ce qui semblerait autrement une simple allégation partisane, que l'ensemble de cet exercice législatif du projet de loi 59 n'a aucune raison d'être, si ce n'est de créer une apparence de renouveau. J'irais même plus loin. Je dirais qu'il devient assez évident, par les détours de raisonnement auxquels on doit se prêter de l'autre côté pour justifier les omissions et les inclusions et tout ce qu'on veut, que le gouvernement actuel n'aurait pas légiféré du tout sur les services essentiels, n'eût été le précédent embarrassant que créait la loi 253.

Il était évidemment assez impossible de légiférer pour abroger cette loi et de ne rien lui substituer, de créer en quelque sorte une espèce de vide. Tant qu'il n'y a pas eu de loi sur les services essentiels, on pouvait en parler sans rien faire. Depuis qu'elle existe, on doit continuer d'en parler et il faut au moins avoir l'air de faire quelque chose. C'est effectivement le but que poursuit, à mon avis, le gouvernement par la loi 59, avoir l'air de faire quelque chose et continuer de parler des services essentiels. Dans le fond, nous avons tous perdu notre virginité, en quelque sorte, relativement aux services essentiels. On ne peut plus retrouver l'état ex ante.

Le débat est ouvert, il n'a pas été réglé par la loi 253. Hélas! tout le monde le regrette bien sincèrement, maintenant, du moins, mais il reste qu'on ne peut plus se contenter de ne rien faire. Cela ne veut pas dire que n'importe quelle action est justifiable. Cela veut dire que, lorsque nous affirmons qu'il n'y rien de fondamental de changé, dans la mesure où il y a des choses de changées qui portent sur les modalités, on se heurtera nécessairement à des déceptions. On a, à mesure que le ministre parle, des raisons nouvelles de le dire.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que l'article 99a est adopté?

Une Voix: Adopté.

M. Brochu: Un instant, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Excusez. M. le député de Richmond. Je m'excuse, M. le député, vous aviez demandé la parole avant.

M. Brochu: J'ai quelques brèves questions de mon côté aussi, si le député de Saint-Laurent le permet. Je suis conscient que les dispositions du projet de loi 55 qui prévoient que les associations de salariés faisant partie d'un groupement de salariés négocient et agréent les stipulations à l'échelle nationale, locale et régionale par l'entremise d'agents négociateurs... Ce sont des questions que j'ai posées au ministre en deuxième lecture, mais qu'on s'est réservées pour de plus amples explications à ce moment-ci.

La question que j'avais posée au ministre à ce moment-là et sur laquelle je reviens, c'est de savoir si les structures de négocition mises en place par le projet de loi 55 permettront dans les faits de respecter l'esprit qui a présidé à la rédaction de 19b et 19c du Code du travail qui a été adopté dans la loi 45.

Je reviens aussi sur ce qui avait été indiqué par le rapport Martin-Bouchard à ce sujet-là. On disait, et je cite: "Dans les deux cas, le code exige la tenue d'un vote majoritaire des membres de l'association accréditée qui sont compris dans l'unité de négociation et qui exercent leur droit de vote. La difficulté qui se présente a trait aux modalités d'un tel vote au sein des associations qui se regroupent pour fins de négociation. On peut se demander comment s'effectuerait la consultation auprès des employés d'hôpitaux^ membres de diverses associations affiliées à une même centrale. Faudrait-il reconduire la pratique suivie jusqu'ici et ne procéder qu'à une seule consultation provinciale de l'ensemble des membres de l'association affiliée à une même centrale ou, au contraire, devrait-on tenir un vote par scrutin secret afin de dégager une majorité spécifique à chaque association. Dans le premier cas, il ne se dessinera pas, bon gré, mal gré, qu'une seule majorité au sein d'un large regroupement ainsi constitué, mais, dans le deuxième, la multiplicité des groupes ouvre la possibilité d'options différentes".

Je voudrais demander au ministre s'il pourrait nous assurer qu'il serait possible de respecter, en quelque sorte dans les faits, les recommandations émises par Martin-Bouchard ici et la recommandation suivante, où il disait: "A moins d'élever une fois pour toutes une cloison étanche entre les secteurs public et privé et de supprimer les dernières racines locales des associations et des établissements, la décision de déclencher une grève ou de signer une convention collective devrait être prise exclusivement par les gens du milieu directement intéressés. C'est pourquoi, afin d'écarter tout doute possible et d'aplanir toutes les difficultés qui pourraient se présenter, la commission recommande que le recours à la grève et l'autorisation de signer la convention collective soient sujets à un vote majoritaire des membres de l'association accréditée qui sont compris dans l'unité de négociation et qui exercent leur droit de vote conformément aux articles 19b et 19c du Code du travail."

Vu la structure de négociation que vous mettez en place par le projet de loi tel que prévu actuellement, est-ce qu'il n'y aurait pas une difficulté majeure d'application, en réalité, pour les articles 19b et 19c? En fait, c'est basé sur des unités de négociation.

M. Johnson: Non. On a fait longuement le tour de ce problème, très longuement d'ailleurs, on a consulté, à ce titre, l'ensemble des associations syndicales impliquées, on l'a retourné de tous bords et de tous côtés. La loi est très claire. Ce qu'elle dit au sujet du vote de grève, c'est qu'on doit procéder à un vote de grève par vote secret de la majorité des gens qui ont exprimé leur vote en faveur de la grève, qui sont membres de l'unité de négociation et membres dû syndicat représentant cette unité. Ce qui veut dire, en pratique, que, malgré la multiplicité — il y a au-delà de 600 accréditations dans le secteur hospitalier — chacun des syndicats, au niveau local, procédera effectivement au vote de grève ou au vote d'acceptation de la convention collective.

Dans le cas du vote de grève, que les centrales, que les grandes fédérations ou les grandes associations à multiples associations locales décident que, dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean, par exemple, ça prend un vote majoritaire de l'ensemble des salariés, non pas par unité d'accréditation, le vote va se prendre au niveau de chacune des unités d'accréditation et, si un hôpital vote majoritairement en faveur de la grève et que l'ensemble des autres hôpitaux vote majoritairement contre la grève, légalement, à l'endroit où on a voté en faveur de la grève, on pourrait la faire. Maintenant, le syndicat peut très bien donner une consigne à ses membres selon laquelle on tient compte de l'ensemble du vote. C'est une liberté qu'il conserve toujours.

Quant à la signature de la convention collective, il faut se rappeler que le résultat de la négociation ne sera pas une convention collective, mais bel et bien au-delà de 600 conventions collectives à travers tout le Québec. Chacune de ces conventions comprend les clauses dites locales et intègre l'entente nationale qui est intervenue. Or, en pratique, ce qu'on sait également, c'est que les syndicats, au niveau central, au niveau québécois, avant de signer l'entente dite nationale, procèdent à une consultation de l'ensemble de leurs membres. Cela se fait évidemment unité par unité.

On pourrait cependant avoir la situation absurde où une unité locale décide de ne pas approuver l'entente nationale, mais que la majorité des syndiqués de cette centrale syndicale décident

de l'accepter et il n'y a pas de convention collective au niveau local. Parce que c'est l'entente nationale qui est intégrée. Mais on ne peut pas tout faire en même temps, on ne peut pas prendre et donner en même temps. Ce qu'on dit, c'est que la règle normale qui s'applique, c'est au niveau local que ça va se décider, même si c'est une entente nationale qui est négociée et qui a des objets locaux dans à peu près 600 unités.

M. Brochu: Je suis content que le ministre apporte cette précision; c'était d'ailleurs le but de la question. Il nous semblait que ce n'était pas clairement exprimé que le tout se jouait au niveau local. On a la confirmation.

M. Johnson: Les dispositions du code s'appli-quant, c'est l'article 19a et les suivants, 19a prévoit, pour le vote de grève comme la ratification de la convention collective, un vote au niveau de l'unité locale.

M. Brochu: D'accord, merci.

M. Johnson: 99a adopté, M. le Président?

M. Brochu: Adopté.

M. Johnson: 99b, M. le Président?

Le Président (M. Laplante): 99b.

M. Johnson: II s'agit, en fait, de la définition de secteurs public et parapublic qui réfère, en fait, au projet de loi 55...

M. Forget: Je suis surpris, M. le Président, que le ministre des Finances ne se soit pas prévalu, pour faire considérer comme service essentiel, de la Société des alcools, de manière à prévenir toute interruption des recettes parafiscales du gouvernement à cet égard.

M. Johnson: Je ne sais pas. On a peut-être inclus Loto-Québec, par exemple.

M. Brochu: Le vin dans les épiceries a pallié cela, M. le député de Saint-Laurent.

Le Président (M. Laplante): 99b, adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laplante): 99c.

M. Johnson: En fait, M. le Président, il s'agit de fixer la période de maraudage; en pratique, cela signifie pour cette année que le maraudage s'effectuerait au cours du mois d'octobre.

Le Président (M. Laplante): 99c, adopté?

M. Brochu: C'est simplement la première étape du calendrier, si je comprends bien? C'est le premier pas dans le calendrier que vous avez fixé.

M. Johnson: En fait, cela correspond chronologiquement à la première étape du calendrier, entre le 1er octobre et le 1er novembre, c'est-à-dire entre le neuvième et le huitième mois, au cours du neuvième mois précédant l'expiration de ia convention collective, par opposition... et c'est différent de l'ensemble du code, le code prévoit trois mois avant l'expiration de la convention collective.

La raison pour laquelle on fait cela — et cela me permet peut-être maintenant de passer une courbe au député de Saint-Laurent, compte tenu de son dernier exposé — ce projet de loi ne vise pas seulement les services essentiels, il introduit également une notion de calendrier. Et pour ne pas arriver à l'aberration où on a le maraudage en plein milieu de la négociation, on a fixé que c'était avant.

M. Forget: Je ne comprends pas l'allusion, M. le Président.

M. Johnson: C'est parce que le député de Saint-Laurent avait l'air de nous dire, dans le fond, qu'on n'avait pas besoin du projet de loi 59. Mais il introduit quand même certaines choses assez importantes.

M. Forget: A ce moment-là, je comprends, M. le Président. Mais je le référerais à...

M. Johnson: A la question des services essentiels.

M. Forget: Non, à son collègue des Affaires sociales qui a tellement pris à coeur la question des délais que, la semaine dernière, quinze jours avant l'expiration des actuelles conventions collectives avec le COPS et la FIIQ, il n'y a pas eu encore de début de négociation avec la FIIQ, même pas de rencontre préliminaire pour le dépôt des demandes syndicales.

M. Johnson: Mais dans le cas du COPS, on pourrait peut-être tout de suite dire, pour être bien sûr que c'est bien clair au journal des Débats, pour le député de Saint-Laurent, que le gouvernement, dans un contexte où il n'y avait aucune obligation qui était faite aux parties de déposer leurs demandes, a reçu les demandes du COPS une semaine avant la déclaration du ministre des Affaires sociales.

M. Forget: Oui, mais est-ce que les mandats gouvernementaux sont parachevés, pour l'ensemble des infirmières? Si oui, cela ne fait pas longtemps, M. le Président. Cela ne fait pas longtemps.

M. Johnson: Ils seront parachevés en temps... M. Forget: En temps utile.

M. Johnson: Oui, tout à fait utile dans la mesure où on verra que l'esprit de cette loi est respecté.

M. Forget: L'esprit supposerait que cela a été fait en janvier dernier.

M. Johnson: Non. L'esprit prévoit 60 jours entre le dépôt des demandes et la réponse.

M. Forget: Cela nous met au moins à la fin d'avril ou au début de mai. Et nous sommes bien le 20 juin.

M. Johnson: Mais les demandes ont été déposées tout récemment.

Il y aura une réponse gouvernementale dans moins de 60 jours.

Le Président (M. Laplante): 19d, adopté?

M. Forget: Je suis édifié.

M. Johnson: Adopté, M. le Président?

M. Forget: Je suis édifié, M. le Président. En fait de courbe, c'est une courbe plate, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): L'article 99d est adopté. 99e.

M. Johnson: A 99e, M. le Président, j'aurais un amendement à apporter — l'article 99e vise à former le conseil d'information sur les négociations — à 99e, à la cinquième ligne du paragraphe 2, qui nous dit que le conseil doit faire rapport au public, au plus tard, le trentième jour qui suit la date de dépôt des propositions patronales et à la date d'expiration d'une convention collective ou ce qui en tient lieu. Le conseil doit aussi faire rapport en tout temps, à la demande de l'une des parties.

L'amendement que je suggère serait de biffer les mots "de l'une", pour se lire simplement "à la demande des parties". (21 h 30)

Je m'explique. L'article 99e prévoit la formation d'un conseil d'information où, en fait, on présume que le juge en chef dans son choix fera appel à des gens qui ont des capacités ou des talents en communications, une expérience dans le secteur de l'information, mais également une connaissance de ces grands dossiers des secteurs public et parapublic et du phénomène de la négociation.

Il pourrait ainsi faire appel, je présume, par exemple, à la consultation du Conseil de presse du Québec dans le choix de ses membres. Il s'agit d'un organisme dont la vocation est d'informer le plus "neutrement" possible la population. Ce n'est pas un comité qui est au service des parties, mais bel et bien une source additionnelle* d'information pour la population à laquelle pourront avoir recours les media, s'ils le désirent. Il pourra être assisté dans ses tâches d'un groupe d'analystes pour permettre effectivement de donner des briefings. J'insiste pour dire que le mot "briefing" est reconnu par l'Académie depuis quelque temps. Elle est rendue à la lettre "b" déjà.

M. Forget: "Br" en passant.

M. Johnson: Des briefings qui soient... "Br", oui. Il pourrait être assisté effectivement de groupes d'analystes. Dans ce contexte, on verra que le paragraphe 2 oblige le conseil à faire rapport à deux étapes, à un moment fixé comme étant trente jours après la réponse gouvernementale aux demandes syndicales, et à un autre moment qui se situe à l'expiration de la convention collective. Nous avions introduit une notion "ou à la demande d'une des parties". Je pense que les arguments que nous avons entendus tant du côté patronal que syndical nous ont convaincus que pour que ce groupe joue vraiment un rôle, dans la mesure où, du côté syndical, on acceptait qu'un tel comité existe, il ne faudrait pas qu'à la demande d'une seule des parties, il devienne finalement un instrument pour l'une des parties pour gagner des points sur une chose très précise, mais que si, d'un commun accord, les parties demandent à ce conseil d'intervenir sur la place publique, il puisse le faire.

Ceci dit, cela n'empêche aucunement que le comité, proprio motu, indépendamment de la demande des parties, puisse diffuser l'information qu'il juge adéquate.

M. Brochu: Cela répond à ma question, parce que je me demandais justement si, entre ces deux options, le comité pouvait d'office dire: On fait rapport.

M. Johnson: Ce que l'on dit, c'est qu'obligatoirement il doit faire rapport à la population dans trois circonstances, trente jours après que les offres patronales sont présentées au syndicat — donc, en pratique, 90 jours après le dépôt des demandes syndicales — deuxièmement, à l'expiration de la convention collective et, troisièmement, si les deux parties lui demandent de le faire. Dans les autres cas, évidemment, il n'est pas obligé de le faire, mais, par définition, proprio motu, il pourra le faire.

Une Voix: Adopté.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Forget: M. le Président, j'ai une motion d'amendement à présenter à cet article.

M. Johnson: Pourrait-on d'abord discuter de celui que j'ai présenté?

M. Forget: II est automatiquement reçu, M. le Président.

M. Johnson: II est reçu, bon!

Le Président (M. Laplante): Cela fait partie du...

M. Forget: M. le Président, sur un point... Je vais faire la lecture de l'amendement et j'en ferai

l'exposé subséquemment. "Que le sous-paragraphe 2 du paragraphe 99e de l'article 4 soit modifié en remplaçant, dans la quatrième ligne, les mots "doit aussi" par le mot "peut" et en remplaçant dans les quatrième et cinquième lignes, les mots "en tout temps, à la demande des parties", par les mots "au public, à tout moment qu'il juge opportun". Le conseil peut également prendre connaissance des banques de données, des sondages, des enquêtes, des analyses et de toutes autres sources sur lesquelles s'appuie chacune des parties pour formuler ses propositions".

M. le Président, sur un point, je dois avouer que nous avions envisagé également de supprimer la référence à l'une des parties. Là-dessus, je vois que le ministre a cheminé de la même façon que nous, lorsqu'en commission parlementaire on nous a représenté qu'il serait dangereux d'alimenter la stratégie d'une des parties en lui permettant ce recours de manière unilatérale. C'est fort bien, mais, en excluant cette possibilité et en permettant aux deux parties de demander un rapport, ce à quoi je ne suis pas nécessairement opposé, il reste que rien, dans le reste de l'article, ne permet de s'assurer non pas sur la question de ce qu'on appelle le "timing" — l'Académie française n'est pas rendue à "t", on ne sait pas encore si c'est francisé ou si cela le deviendra — mais sur la décision quant au moment, à l'opportunité d'émettre un avis ou non, on a donc une mesure par l'amendement que vient d'apporter le ministre qui empêche chacune des parties de jouer de stratégie quant au moment. Chacune des parties peut continuer à jouer de stratégie quant au contenu de l'information. Le reste de l'amendement vise justement à donner à ce conseil d'information un rôle qui soit autre que celui d'être l'espèce de porte-voix de l'une des parties ou même des deux parties en disant: Les patrons offrent telle chose qui a telle et telle implication. La partie syndicale demande telle chose qui a telle et telle implication. La seule base sur laquelle le conseil d'information pourrait s'asseoir ou asseoir ses renseignements, serait les dires, les allégués de l'une, de l'autre ou des deux parties. Or, on sait tous que l'information, ce qu'on choisit de dire, comme ce qu'on choisit de taire...

Le Président (M. Laplante): Est-ce que je dois comprendre, à ce moment, M. le député de Saint-Laurent que vous parlez sur la recevabilité, mais en même temps, vous parlez sur le fond?

M. Forget: Sur le fond. Personne n'a soulevé la question de recevabilité.

Le Président (M. Laplante): C'est parce que j'aimerais, pour être correct avec le journal des Débats...

M. Chevrette: C'est trop long de parler sur la recevabilité, on ne finit plus, on serait mieux de la battre si on n'est pas d'accord.

Le Président (M. Laplante): Je vais la juger recevable tout de suite pour enlever toute ambiguïté.

M. Chevrette: Cela va mieux comme cela. M. Forget: Oui.

Le Président (M. Laplante): Je la juge recevable tout de suite.

M. Forget: Vous la soulevez et vous la tranchez dans votre for intérieur.

Le Président (M. Laplante): Je la tranche en même temps. C'est pour le minutage surtout, au cas où cela s'éterniserait.

M. Johnson: M. le Président, si l'amendement est recevable...

Le Président (M. Laplante): Elle est recevable. Vous savez, on ne sait pas à quoi s'en tenir parfois, si vous commencez à parler pendant une demi-heure, trois quarts d'heure sur le même article, je suis obligé de vous arrêter à ce moment, parce qu'il y en a plusieurs qui voudront faire la même chose.

M. Forget: C'est juste, M. le Président. Vous êtes d'une sagesse exemplaire.

Le Président (M. Laplante): Merci, M. le député de Saint-Laurent. On peut continuer.

M. Forget: Est-ce que dans la foulée de cette sagesse, vous jugez l'amendement recevable ou dois-je plaider sur la recevabilité?

Le Président (M. Laplante): II est recevable.

M. Forget: Merci. On sait tous qu'on peut jouer de stratégie quant au moment où on invoque l'intervention d'un tiers. L'on peut également jouer de stratégie quant aux renseigements qu'on choisit de révéler ou aux renseignements qu'on choisit de taire. C'est essentiellement par rapport à cette possibilité de manipulation stratégique de l'information, suite à des représentations entendues en commission parlementaire, et je crois, des deux côtés, du côté patronal comme du côté syndical, qu'il nous est apparu que si ce conseil d'information jouissait d'une certaine autonomie pour avoir accès aux sources des parties, idéalement... le ministre a fait allusion à une espèce d'institut de recherches, etc., sur la rémunération, et tout, les banques de données, mais ce sont là des mesures administratives. Il reste que le conseil d'information, s'il doit avoir une véritable crédibilité auprès de l'information publique, il faut qu'il puisse dire: Voici l'information que nous ont transmise les patrons. Ils disent que cela va coûter $145 millions ou $85 millions. On a vérifié leurs chiffres, leurs hypothèses, leurs banques de données, et nous, on est d'avis que cela va coûter seulement $38 millions. Si le conseil d'information est incapable

de dire cela, qu'est-ce qu'il va devoir faire? Il va devoir simplement reproduire, d'une part, les allégations de la partie patronale, et d'autre part, les allégations de la partie syndicale. Est-ce que le public va véritablement être plus avancé?

On peut bien dire qu'il va pouvoir porter un jugement sur la régularité des rencontres, sur le genre de rhétorique utilisée par l'une ou l'autre des parties, ce genre de jugement de caractère impressionniste. C'est très joli tout cela, mais le public n'est pas tellement intéressé de savoir si les gens sont venus régulièrement, sont arrivés à l'heure, s'ils ont parlé pour ne rien dire, etc. Essentiellement, ce qu'ils veulent savoir, c'est si une évaluation impartiale des réclamations ou des offres des uns et des autres est raisonnablement justifiée par l'information qui devrait la sous-tendre de part et d'autre. On a eu des illustrations de cela durant la dernière négociation, alors que dans le secteur de l'enseignement, on faisait des propositions quant aux ratios que la partie patronale alléguait devoir coûter une somme fabuleuse et que la partie syndicale évaluait à $1 million, $2 millions ou $3 millions au plus. Ce n'était pas un ordre de grandeur du simple au double. C'était du simple au décuple. Il me semble que c'est dans cet esprit qu'un conseil d'information est créé. C'est afin de dégonfler les mythes, les exagérations et de ramener aussi un certain esprit de réalisme dans les positions respectives des parties.

Encore une fois, c'est compliqué. Les conventions collectives elles-mêmes font quelque centaines de pages avec les annexes. Cela prend tout le petit change de l'équipe de fonctionnaires du Conseil du trésor pour analyser les mandats et essayer de deviner les implications en coût sur une période d'années de demandes syndicales et même d'offres patronales, parce que le problème est aussi compliqué d'un côté que de l'autre. Je mets au défi un conseil d'information constitué d'honnêtes personnes, mais pas équipé, de passer des jugements qui ont quelque vraisemblance sur les chiffres et leurs implications. Alors, autrement dit, si on veut leur donner un rôle autre que celui de simplement dire: Ah oui! Il y avait une convocation d'une réunion à 8 heures. Les gens sont véritablement arrivés à 8 heures ou à 8 h 5 et ils ont effectivement parlé pendant douze heures cette journée. Ils avaient l'air de parler de quelque chose qui avait du bon sens, mais on n'est pas en mesure de dire si ce qu'ils disaient avait du sens ou non. Bon! C'est une espèce de rapport-progrès qui est dénué de toute signification, et je ne suis pas sûr que les services gouvernementaux, même dans un contexte d'une entente avec la partie syndicale pour échanger de l'information, ce qui se fait plus ou moins à des degrés divers lors de chaque négociation, je ne suis pas sûr, étant donné le silence de la loi sur le rôle du conseil d'information, que les membres du conseil d'information vont vouloir prendre sur eux de prendre connaissance de ces autres données et surtout de les utiliser pour une confrontation, en quelque sorte, avec les données des parties.

La loi ne leur permet pas explicitement de faire ça. Ils vont être portés à interpréter leur rôle de façon restrictive, parce que, malgré tout, ce sont des gens qui doivent continuer à vivre dans la société, qui vont, d'une façon ou d'une autre, être vaguement tirés du milieu, soit des affaires sociales, essentiellement. Ils ne prendront pas plus de risques avec leur propre crédibilité dans ce milieu-là, qui va être, plus ou moins, leur cadre de vie, à différents titres — on ne sait pas encore qui ils vont être en pratique, en chair et en os, mais ce ne sera quand même pas des Martiens ou des gens descendus de la lune — ils vont regarder leur mandat et vont dire: Bon! D'accord, on va faire cette corvée, puisque le gouvernement nous le demande et l'intérêt public le commande, mais on ne prendra pas plus de risques qu'il faut, on ne prendra pas plus de droits qu'on en a, et si la loi ne leur donne pas le pouvoir de regarder les chiffres des parties, ils ne les regarderont pas. Je peux vous faire cette prédiction aussi.

J'en fait plusieurs, des prédictions, mais c'est parce que, forcément, il faut bien en faire si on critique la loi. Autrement, on dit: On va faire adopter n'importe quelle loi et on verra bien. Mais ce n'est pas tout à fait satisfaisant. Je pense qu'on peut faire la prédiction que les gens vont minimiser leurs risques. Pour ma part, il m'apparaîtrait, M. le Président, qu'il serait opportun qu'ils puissent prendre connaissance des données. D'ailleurs, cela a été suggéré.

Pour ce qui est de la question du "timing", entre guillemets...

M. Chevrette: Temps opportun...

M. Johnson: ... une discussion tout à l'heure...

M. Forget: C'est que l'Académie française, c'est ça, n'est pas rendue athée et on fonctionne sur la présomption qu'ils vont l'admettre, comme...

M. Chevrette: On n'aurait jamais dû parler, on va vous donner un élan de deux minutes encore.

M. Forget: ... briefing a été admis, paraît-il. Pour ce qui est de la question de l'opportunité du moment...

M. Chevrette: Ah! ça, c'est bien dit. M. Forget: N'est-ce pas?

M. Chevrette: II parle le français par coeur. (21 h 45)

M. Forget: ... la possibilité d'avoir la discrétion, quant au choix du moment, peut être importante pour le conseil d'information. Qu'il le fasse à des délais fixes, pas d'objection. Je pense que c'est un minimum. Qu'il le fasse à la demande des parties, à supposer que les parties ne s'entendent jamais pour ça, il n'y aurait certainement pas d'objection là non plus. Mais que la commission qui aurait pour mission, en vertu de la loi, d'informer le public ne puisse pas décider qu'étant

donné l'évolution du conflit, peut-être des grèves déjà déclenchées, des comportements et des offres et des contrats, et de l'information des faits nouveaux révélés à la table des négociations, sa propre conclusion sur les données auxquelles il aurait accès en vertu du reste de l'amendement, et tout à coup, il devient d'intérêt public qu'il se prononce. Pourquoi ne le ferait-il pas? Qu'est-ce qu'on craint, dans le fond? Ou c'est un conseil d'information neutre, raisonnablement neutre et crédible, ou il ne l'est pas. S'il l'est et s'il juge opportun d'intervenir et s'il a accès à l'information, je trouve difficile d'imaginer ce qui gênerait cela. Bien sûr, une des parties va peut-être crier au meurtre parce que dans le silence du conseil d'information, il se peut qu'une des parties se trouve avantagée; c'est bien clair. D'un autre côté, c'est presque un argument pour ne pas avoir un conseil d'information, à la limite. Si l'information objective et neutre d'un organisme qui est crédible — s'il n'a pas cela, il n'a pas de raison d'exister — est de nature à défavoriser une partie et qu'on en fait une raison pour ne pas qu'il se prononce, on va en faire une raison pour ne pas créer le comité, au départ. Je ne vois vraiment pas d'objection à ce qu'il prenne l'initiative d'une déclaration.

M. Johnson: M. le Président, sur l'amendement du député de Saint-Laurent.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Richmond, s'il vous plaît.

M. Johnson: M. le député de Richmond, oui.

M. Brochu: Si le ministre me permet...

M. Chevrette: Vous préférez que M. le ministre parle le dernier.

M. Brochu: Un bref commentaire... Oui, je pense que c'est le ministre qui va clore, en principe, la discussion là-dessus.

Le Président (M. Laplante): II reste un poste comme président de commission parlementaire; si vous voulez poser votre candidature, c'est le temps.

M. Brochu: M. le Président, au sujet de la motion d'amendement présentée par le député de Saint-Laurent, la première partie de sa motion, je me pose une question sur l'opportunité de cette première partie de la motion où il dit: "Le conseil peut faire rapport au public à tout moment qu'il juge opportun. " Tantôt, j'ai posé une question au ministre sur les différentes possibilités que ce conseil avait de faire rapport, justement, et le ministre a fait un éventail de trois possibilités; d'abord, le conseil est tenu par obligation de faire un rapport public dans les trente jours qui suivent la date du dépôt des propositions, cela va d'un côté. De l'autre côté, à la demande des parties, le conseil doit, à ce moment-là, faire rapport et le ministre m'a indiqué, également, que d'office, le conseil pouvait, s'il le juge opportun, faire rapport.

Dans la première partie de la proposition du député de Saint-Laurent, je me demande si ce ne serait pas un peu redondant de vouloir écrire dans le texte de loi que le conseil peut faire rapport à tout moment qu'il juge opportun, puisque c'est déjà prévu par le législateur implicitement dans le texte de loi.

J'ai posé la question tantôt et le ministre nous a répondu, avant que l'amendement soit déposé, qu'il y avait ces trois possibilités et que le conseil devait aussi, tel que c'est dit, faire rapport en tout temps, à la demande des parties, mais que d'office, il pouvait le faire.

M. Bisaillon: ... compris.

M. Johnson: M. le Président, pour commenter brièvement, il y a deux choses dans l'amendement du député de Saint-Laurent; il y a la notion: "Le conseil peut faire rapport au public à tout moment qu'il juge opportun...

M. Brochu: M. le Président, est-ce que le ministre me permet de finir? J'avais un autre petit point.

M. Johnson: Je pensais que vous aviez terminé, je m'excuse.

M. Brochu: Je suis près de terminer, mais il m'en reste encore un petit bout.

Une Voix: Pour conclure.

M. Brochu: Pour conclure, oui. Dans la deuxième partie, le député de Saint-Laurent fait état de quelque chose qui pourrait quand même être utile et qui mérite peut-être d'être étudié. C'est la question d'une banque de données, d'avoir accès aux sondages, aux enquêtes, aux analyses, en fait, d'avoir accès à tous les documents de base qui peuvent être jugés utiles. Je raccroche cela à un élément qui a peut-être été mon dada au cours d'autres discussions autour de ces mêmes problèmes, lorsqu'on a entendu, en commission parlementaire, les différentes centrales syndicales s'exprimer sur la fameuse banque de données dont il avait été question et dont le rapport Martin-Bouchard fait largement état, aussi, comme d'une condition de base à la bonne entente et aux bonnes négociations.

De ce côté-là, je pense que si le gouvernement avait répondu favorablement à la création d'une banque de données comme Martin-Bouchard le demandait avant même la déposition de son rapport, je pense que cela répondrait, d'une part, à ce que les centrales syndicales ont demandé en disant que ce serait, pour l'ensemble, un outil valable, et deuxièmement, cela répondrait peut-être à la préoccupation qui est ramenée sur le tapis actuellement, indirectement, par le député de Saint-Laurent. C'est ce que je voulais souligner au ministre.

M. Johnson: M. le Président...

M. Chevrette: ...

M. Johnson: M. le Président, il y a deux éléments dans l'amendement du député de Saint-Laurent. Le premier, c'est celui qui veut faire dire à la loi que le conseil peut faire rapport au public à tout moment qu'il juge opportun. C'est à notre avis, une redondance dans la mesure où la loi impose...

M. Forget: C'est du droit statutaire, cela s'interprète restrictivement.

M. Johnson: Non, je m'excuse...

M. Bisaillon: Le ministre ne vous a pas interrompu.

M. Johnson: Disons qu'à la rigueur, dans la mesure où les légistes seraient d'accord sur cela, je n'y vois pas d'objection. Je pense que l'obligation de faire rapport à des moments précis n'implique pas que l'organisme ne fasse pas rapport au moment où il le juge opportun. Pour les fins de clarifier la chose, je n'ai aucune objection à ce que nous incluions cette notion que "le conseil peut faire rapport public à tout moment qu'il juge opportun". Cela va pour cela.

Cependant, quant à la deuxième partie, je suis évidemment totalement opposé à cela pour un tas de raisons, la première étant que c'est, à toutes fins pratiques, confier à ce groupe à peu près un rôle de conseil d'arbitrage sans sentence exécutoire. C'est-à-dire qu'on présume que ce conseil aura le fin mot, le bout du bout à lire, "boute du boute", sur la question de la négociation...

M. Forget: Accepté par l'académie.

M. Johnson: ... et sur l'évolution du dossier. Il faut se rappeler que dans son mandat, il est chargé d'informer le public sur les enjeux de la négociation, la position respective des parties, les écarts les séparant, le déroulement de la négociation. Cependant, je pense qu'on ne veut pas lui donner un rôle d'arbitrage sans sentence exécutoire, d'une part. Deuxièmement, les pouvoirs que le député de Saint-Laurent voudrait voir donner à ce groupe m'apparaissent vraiment exorbitants dans la mesure où on parle carrément de contrôle d'information.

Le député de Saint-Laurent a laissé entendre qu'il faut que le groupe ait accès à toutes ces données des parties elles-mêmes. Je vois assez mal ce groupe nommé en vertu de la loi arriver dans un bureau d'une des centrales syndicales et dire: Maintenant, je veux mettre la main sur les sondages de la Férération des affaires sociales. Je pense que n'importe qui trouverait que cela ressemble à un mandat de perquisition sans autorisation.

En aucune façon, nous avons dit que nous considérions ce groupe d'information comme la source alternative d'information. C'est une source additionnelle d'information pour le public, pour les journalistes spécialisés qui pourront aller les voir.

Je répondrai ici en même temps à la question du député de Richmond, à une deuxième partie qui est: Quels sont les instruments de ce groupe-là? Il est vrai que le gouvernement n'a pas créé la banque de données à laquelle on référait tout à l'heure pour des raisons qui feront l'objet probablement de discussions publiques plus tard, mais après consultation du Conseil consultatif du travail et de la main d'oeuvre, nous avons choisi de ne pas le faire, il y a quelques mois. Cependant, dans le cas des secteurs public et parapublic, il est aussi vrai que le gouvernement s'est engagé à faire cet échange de données avec ses partenaires patronaux comme syndicaux et que ces données seront disponibles à l'aide d'un groupe d'analystes à la fois pour les parties et pour le conseil d'information. Alors, il aura de quoi se mettre sous la dent.

Pour conclure, M. le Président, j'accepterais cette partie de l'amendement du député de Saint-Laurent qui vise à dire: Le conseil peut faire rapport au public à tout moment qu'il juge opportun.

M. Forget: M. le Président, je prends acte avec satisfaction que sur la question du moment nous sommes tous d'accord. Je pense sincèrement qu'il vaut mieux le dire que le taire, parce que, quand on spécifie dans une loi statutaire les moments et les circonstances qui doivent déclencher un avis du conseil par interprétation normale des statuts, tout ce qui n'est pas explicitement prévu dans un statut est implicitement exclu. Je pense qu'il serait prudent de l'inscrire et j'applaudis, je suis bien content que le ministre soit du même avis.

Pour ce qui est de l'information, je pense qu'il est important — je comprends que le ministre ne veuille pas considérer cette possibilité — je crois qu'il est important de souligner à ce moment-ci, et nous aurons certainement l'occasion d'y revenir le moment venu, que ce conseil d'information n'est en vérité pas du tout un conseil d'information. C'est à peine une espèce de reflet de ce que disent les parties. C'est un peu comme un reportage assez superficiel du déroulement des négociations, mais ça ne pourra, en aucun moment, prétendre représenter une évaluation impartiale de la position des parties. Je pense que c'est très important de souligner ça. On ne veut pas lui faire jouer le rôle d'un arbitre, mais d'un autre côté, on ne lui donne pas les moyens de faire autre chose que de dire: Les négociations se déroulent de telle et telle façon, les parties prétendent qu'il semblerait raisonnable de couper la poire en deux, ce genre de raisonnement.

Cela, ce n'est pas un conseil d'information, c'est à peine un effort de relations publiques et il me semble que si tout ce qu'on veut faire est de jeter la lumière sur le processus de négociation, permettre à l'opinion publique d'être mieux renseignée sur le déroulement de la négociation, ce qui, en soi, est un objectif valable, sans nécessairement faire intervenir un élément nouveau, une

tierce partie pourrait assumer ou avoir l'air d'assumer le rôle d'un arbitre. Bon, c'est une vision des choses.

A ce moment-là, on a un moyen beaucoup plus facile et qui pourrait peut-être être plus efficace, c'est tout simplement de laisser les journalistes faire leur travail plus complètement vis-à-vis des négociations en faisant des négociations publiques, en permettant que les séances de négociation soient accessibles à la presse. Après tout, on discute de services publics, d'impôts publics et de privation de services publics.

M. Bisaillon: Vous savez que cela s'est déjà fait et que ça n'a pas été heureux.

M. Forget: II reste que c'est le but que le gouvernement poursuit indirectement. Ce serait plus conforme à la vérité des choses que de dire: Dans le fond, on va envoyer des reporters dont on va créer les postes par une loi, une espèce d'agence de presse qui va assister aux délibérations, prendre connaissance des documents des parties et qui va faire, de temps à autre, des déclarations sur ce que ça veut dire. Mais ce n'est rien d'autre qu'une espèce de reflet indirect de ce qui se passe à la table de négociation, sans prétendre pouvoir exprimer un avis indépendant sur ce qui s'y passe.

C'est du reportage, ce n'est même pas la rédaction d'éditoriaux, si vous voulez. C'est le reportage du déroulement d'une négociation, ce n'est même pas un effort de porter vis-à-vis des négociations, les jugements que portent les éditorialistes.

Le Président (M. Laplante): Le député de Joliette-Montcalm.

M. Forget: Dans cette mesure, M. le Président, je pense que ça ne contribuera à rien de neuf, essentiellement. Même si les parties disent: On est bien intéressé à avoir ça, c'est parce que dans le fond, chacune des parties, à ce moment-ci — et on est bien tôt dans le débat — souhaite, ordinairement, a tendance à croire qu'elle a raison. Chacune des parties, syndicale ou patronale, s'imagine qu'un observateur de ce genre va finalement dire plus de choses qui lui sont favorables que de choses qui lui seraient défavorables, étant donné qu'elle croit avoir raison au départ. C'est un travers bien humain, M. le Président. Mais ça ne veut pas dire que parce que les deux parties sont d'accord pour y voir quelque chose d'intéressant, ça va effectivement être intéressant. Encore une fois, si cet organisme n'a pas un pouvoir indépendant de vérifier et d'évaluer l'information qu'il va véhiculer, une fois sur deux, il va être pris en flagrant délit de véhiculer une information qui n'est que de la pure propagande et, dans le fond, une exagération ou une sous-estimation de ce sur quoi porte la négociation.

Je ne suis pas sûr que ce soit heureux dans ce sens. Encore une fois, si on croit que le public n'est pas assez renseigné, si on pense que c'est ça le problème des négociations, que le public n'est pas assez renseigné sur les enjeux de la négociation, qu'on fasse la délibération en public. Je fais la suggestion, M. le Président, et j'observais avec intérêt les réactions presque de surprise ou d'indignation de l'autre côté. C'est bien sûr que ça ne serait pas une solution dans le cadre actuel des négociations des secteurs public et parapublic. Parce que le public n'y comprendrait rien, s'il était témoin de ce qui s'y passe, étant donné leur caractère, étant donné l'objet très diffus et confus, très technique sur lequel ça porte.

Mais l'objection vaut de la même manière pour un conseil d'information. Si le conseil n'est pas capable de s'élever par une évaluation au-dessus des réclamations et des contre-réclamations des deux parties, l'information qu'il va transmettre sera incompréhensible, premièrement, parce qu'il va y avoir des disparités. Le ministre dit d'avance que ce n'est pas le rôle du conseil d'information de jouer à l'arbitre.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent, ça fait près de 30 minutes que vous parlez sur le même paragraphe, le même article... (22 heures)

M. Forget: Trente minutes, M. le Président?

Le Président (M. Laplante): Oui, lorsque vous l'avez présenté, après qu'elle ait été reçue. Alors, s'il y avait possibilité...

M. Forget: Ce n'est pas possible, M. le Président, je l'ai présentée à 21 h 37, il est 22 heures. Et là-dessus, le député de...

Le Président (M. Laplante): II a parlé quatre minutes, le député.

M. Forget: Oui, et le ministre a parlé un peu aussi.

Le Président (M. Laplante): Le ministre a parlé cinq minutes.

M. Forget: II en reste amplement d'autres, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): C'est simplement pour vous demander de conclure. Je ne voudrais pas arriver comme un couteau dans un gâteau.

M. Forget: Je conclus. Cela pourrait être, comme on dit, contreproductif. Il reste que je ne vois pas, étant donné les pouvoirs qu'on veut donner à cet organisme, qui va pouvoir donner une information intelligible. On va reproduire à un autre niveau la cacophonie, les contradictions, la complexité qu'on a déjà trouvées dans les négociations des secteurs public et parapublic.

Ce n'est pas un élément de solution. Ce n'est même pas un élément de complication. C'est un élément additionnel qui n'aura pas d'impact majeur, sauf de rendre encore plus confuse la panoplie des organismes, des institutions, des

conseils et des comités qui sont impliqués dans la négociation.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Je m'en prendrai à un petit bout de phrase de l'amendement présenté par le député de Saint-Laurent, quand il parle de tous les sondages, des enquêtes, des façons d'analyser qu'ils ont pris pour en arriver à formuler leurs propositions.

C'est peut-être faire fi de toute connaissance de ce qu'est la négociation elle-même. Il faut laisser aux parties le soin de déterminer leur propre stratégie. Il se peut qu'il y ait un article ou deux ou deux objets de négociation qui soient délibérément gonflés dans une demande syndicale en vue d'en arriver à un échange de bon aloi à la fin de la négociation.

Le conseil d'information dirait au public: Ne vous en faites pas, les deux ou trois objets de négociation qu'il y a là, le syndicat les a délibérément mis pour pouvoir faire un échange final. Aurait-il un rapport de forces, ce syndicat? Serait-ce extraordinaire de voir comme cela aurait un impact public...

Il n'y a pas seulement cela qui me fatigue. L'esprit de la résolution vise, en un mot, à dire: Vous avez beau échanger, nous autres, le conseil des sages, on va vous dire quoi faire. On va vous dire que vos analyses, vos sondages, vous ne les avez pas publiés, mais que vous savez bien que, comme gouvernement, le dernier sondage que vous avez fait vous indique que vous devez donner plus de salaires. C'est quoi un rapport de forces, si on ne laisse pas les éléments aux parties?

M. Forget: Je pensais que cela reposait sur la bonne foi, la négociation.

M. Chevrette: La bonne foi, bien sûr. Même si vous soutenez la bonne foi...

M. Forget: Je m'excuse, je me suis trompé.

M. Chevrette: On peut avoir de la bonne foi tout en ayant de la stratégie.

M. Bisaillon: Je peux vous dire que cela fait longtemps qu'on a remarqué cela.

M. Chevrette: Vous êtes donc bien placés, vous autres, avec votre passé, pour parler de bonne foi.

M. Forget: On a appris quelque chose, au moins.

M. Chevrette: Pardon?

M. Forget: On a appris quelque chose au moins.

M. Chevrette: Oui, vous avez appris à faire des gaffes.

Le Président (M. Laplante): Vous parlez toujours sur l'amendement, M. le député de Joliette.

M. Chevrette: M. le Président, c'est parce qu'il m'a dérangé.

Le Président (M. Laplante): Je vous demande si vous parlez toujours sur l'amendement. Vous pouvez continuer si vous avez autre chose à dire.

M. Chevrette: J'y vais. Je vais être calme, et vous aussi, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Je suis très calme.

M. Chevrette: C'est bien. Selon moi, le conseil peut également prendre connaissance de tout. C'est un comité qui aurait pour but d'enrayer toute forme de marchandage éventuel entre les parties, ce qui est de bonne guerre à la fin d'un contrat collectif et même durant un contrat collectif. Je pense qu'un gouvernement a le droit de s'enquérir de temps à autre des réactions de l'opinion publique pour savoir comment les gens réagissent à telle et telle proposition, et qu'il puisse, par la suite, s'aligner sur quelque chose de neuf ou bien garder le statu quo. Cela correspond à un désir majoritaire. Tout cela, du jour au lendemain, pourrait venir contrecarrer la bonne marche d'une négociation. On peut être de bonne foi et avoir, comme c'est accepté dans le domaine des relations de travail, un marchandage ou échange de bon aloi dans le contexte de négociation dans lequel on vit présentement.

J'ai l'impression qu'on voudrait lui faire jouer un rôle d'arbitre et le rôle qu'on veut pourtant faire jouer, tel que l'a dit le ministre, c'est le rôle purement et simplement d'un comité qui rapporte des faits et qui fournit des données précises. Il y a des comités techniques qui travaillent déjà ou, en tout cas, ils sont sur le point de travailler, qui vont échanger de l'information, et c'est à partir de ces données que les gens vont travailler au cours des futures rondes de négociation.

Pour ma part, je trouve cela inacceptable. Nous allons carrément nous prononcer contre, à cinq contre deux.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Richmond.

M. Brochu: M. le Président, une question au ministre, si le ministre me permet. Il est évidemment question de notre fameuse banque de données dont j'ai parlé tout à l'heure. Le ministre, à une question que je lui avais posée en commission parlementaire, m'avait indiqué qu'il y avait une autre forme que la banque de données qui s'en venait, une espèce de bureau qui fournirait de l'information. Le ministre peut-il nous dire si cela va fonctionner à l'automne, pour la prochaine ronde de la négociation? Jusqu'où cette banque de données va-t-elle aller? Quelle forme précise est-ce que cela va prendre? Est-ce que cela va servir aux parties à créer ce climat de confiance? Vont-

elles pouvoir de part et d'autre y puiser de l'information de base dont elles peuvent avoir besoin pour la suite de leurs travaux?

M. Johnson: Cela fait au moins quatre fois que le député de Richmond, depuis trois semaines, essaie de me tirer les vers du nez sur cette question.

M. Brochu: A peu près.

M. Johnson: Tout d'abord, il y aura, comme je l'ai dit, un échange de données entre le gouvernement et les représentants patronaux des réseaux ainsi que les syndicats impliqués dans les réseaux.

Deuxièmement, dans des décisions qu'il reste à prendre et dans un avenir plus qu'immédiat, le gouvernement fera en sorte que l'ensemble de ces données qu'il a entre les mains et qu'il est prêt à partager soient accessibles et, troisièmement, il tentera de faire en sorte que des recherches continuent sur ces données, étant donné que les données fluctuent beaucoup dans le domaine des conditions de travail.

M. Brochu: Vous devez avoir ces échanges.

M. Johnson: Là où le problème... Les échanges auront lieu durant l'été.

M. Brochu: Est-ce qu'on présume que ce sera terminé avant le 1er janvier?

M. Johnson: Absolument. Ah oui! absolument. L'échange de données aura lieu avant l'ouverture du calendrier de l'automne. Ces échanges de données se feront cette année, il n'y a aucun doute là-dessus, pour que la négociation qui commence au 1er janvier soit...

M. Brochu: Ces échanges de données, si je comprends bien, se font quand même entre les parties. Ce n'est pas un organisme indépendant qui forme une banque générale à laquelle l'ensemble des parties ont accès?

M. Johnson: Le problème est de mettre sur pied, si on devait avoir une banque générale qui touche le secteur privé, le secteur public, l'ensemble, qui soit un gros institut, ce qui était le projet que j'avais proposé au CCTMO mais qui n'avait pas fait l'objet d'une acceptation des parties. Le problème c'est de mettre cela sur pied.

D'autre part, il y a une chose qui est certaine. Il ne faudrait quand même pas qu'on s'enfonce dans un carcan absurde où la partie syndicale, entre autres, dirait: Nous vous reprochons de ne pas avoir fait le centre de données. On dit: On ne peut pas créer d'institut en trois mois. Là, vous allez nous reprocher de ne pas le faire. On veut procéder à l'échange de données. Je m'attends que, de bonne foi, on ne s'en prenne pas par définition à la crédibilité de ces groupes de recherche qui les rendront accessibles. Il ne faut pas jouer sur les deux tableaux et dire que le gouvernement se garde des as de pique et demander de les jouer en même temps. Il ne s'agit pas d'as de pique, il s'agit de données qui existent...

M. Brochu: Par contre, là-dessus, le rapport Martin-Bouchard...

M. Johnson: ... mais, entre cela et faire fonctionner un institut, par exemple, il y a une marge.

M. Brochu: Le rapport Martin-Bouchard est quand même venu longtemps avec cela.

M. Johnson: Je sais que Martin-Bouchard était venu et c'est pour cela que le ministre du Travail est allé devant le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, qui a déposé un projet de loi devant les membres. Ils ont dit non, ils n'étaient pas satisfaits. Le patronat et les syndicats avaient des opinions diverses sur la composition du conseil, le rôle, l'initiative du ministre du Travail, etc.

On a dit: On va mettre cela sur la glace pour le moment, mais, ce qui compte, c'est qu'on sait qu'il y a des données disponibles. Le gouvernement du Québec est prêt à partager ces données avec les interlocuteurs syndicaux.

M. Brochu: N'y aurait-il pas moyen que, dans un premier temps, cela s'applique uniquement au secteur public?

M. Johnson: Dans un premier temps, oui. Je pense que ce serait souhaitable.

M. Brochu: Cela simplifierait toute l'approche, en réalité.

M. Johnson: Eventuellement, on pourrait procéder à la création d'un institut, si on était capable de faire un minimum de consensus auprès des parties.

M. Bisaillon: L'amendement sera-t-il adopté? Une Voix: Non, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): L'amendement du député de Saint-Laurent...

M. Johnson: Rejeté, M. le Président.

M. Forget: Le ministre me permettrait-il une question?

M. Chevrette: C'est le président qui peut vous autoriser à cela.

M. Johnson: Oui, tout de suite après le vote.

M. Forget: Ce comité d'information, quel droit d'accès va-t-il avoir à ces réunions d'échanges de données et aux données elles-mêmes qui sont échangées aux séances de négociation? Est-ce

qu'il va pouvoir déléguer un membre et regarder les gens négocier?

M. Johnson: Non.

M. Chevrette: En vertu de 68, avec le juge Simard au bout...

M. Johnson: Ce n'est pas une négociation publique. Je ne sais pas, d'ailleurs, où le député de Saint-Laurent a pris la notion que le conseil en question était assis à la table de négociation.

M. Forget: Non, je pose la question.

M. Johnson: C'est parce qu'il a mentionné cela tout à l'heure dans son exposé, mais non, il n'est pas prévu...

M. Forget: Alors, il va prendre les communiqués de presse des parties et il va exprimer des opinions là-dessus.

M. Johnson: Ce n'est pas cela. Il y a des téléphones qui existent, des communications qu'on peut présumer qui vont s'établir; à un moment donné, un journaliste qui fait la chronique syndicale dans un hebdomadaire ou dans un quotidien n'est pas nécessairement au fait de ce qui se passe a douze tables de négociation en même temps. On peut présumer, par exemple, que, de la même façon que les journalistes peuvent savoir ce qui se passe à une table, à partir de ce que leur disent les parties, le groupe d'information aura ce type d'information pour l'ensemble des tables, puisque c'est sa fonction.

M. Forget: II n'aura aucun droit d'accès. M. Johnson: II n'a pas de droit...

M. Forget: II apprendra ce qu'on voudra bien lui dire.

M. Johnson: Si les parties voulaient qu'il y siège, pourquoi pas? Mais si les parties le veulent.

M. Forget: Oui.

M. Brochu: C'est pour cela d'ailleurs que le CPQ disait que c'est une espèce de boîte à lettres, en réalité. Il reçoit toutes les demandes, mais il ne participe pas, il n'est pas à table.

M. Johnson: Non.

M. Brochu: Le CPQ disait cela, c'est une espèce de boîte à lettres. Il reçoit les recommandations.

M. Johnson: C'est une boîte à lettres qui est capable d'analyser.

M. Brochu: Oui, d'accord.

Le Président (M. Laplante): L'amendement du député de Saint-Laurent est-il adopté?

M. Johnson: Rejeté. M. Bisaillon: Rejeté.

Le Président (M. Laplante): Rejeté sur division. Maintenant...

M. Johnson: Je vais réintroduire la section... "Le conseil peut, de plus, faire rapport au public à tout moment qu'il juge opportun ". A la fin du sous-paragraphe 2 de 99e, on dit: 'Le conseil doit aussi faire rapport en tout temps, à la demande des parties — si on tient compte de l'amendement que j'ai introduit tout à l'heure —.Le conseil peut, de plus, faire rapport au public à tout moment qu'il juge opportun ".

Le Président (M. Laplante): C'est une addition, M. le ministre...

M. Johnson: Oui.

Le Président (M. Laplante): ... au paragraphe.

M. Johnson: Au paragraphe. C'est bien cela.

Le Président (M. Laplante): De la phrase: Le conseil peut faire rapport au public à tout moment qu'il juge opportun.

M. Johnson: C'est cela. Adopté. M. Bisaillon: Adopté. Le Président (M. Laplante): Adopté? M. Forget: Adopté.

M. Brochu: Vous avez simplement oublié les mots "de plus".

M. Johnson: De plus. Peut, de plus, faire rapport au public.

Le Président (M. Laplante): J'appelle l'article 99f.

M. Forget: J'ai un autre amendement.

Le Président (M. Laplante): A 99e?

M. Forget: Oui.

Le Président (M. Laplante): Oui, monsieur.

M. Forget: Je fais la lecture de l'amendement.

Le Président (M. Laplante): Faites lecture.

M. Forget: "Que le sous-paragraphe 5 du paragraphe 99e de l'article 4 soit modifié en

ajoutant dans la deuxième ligne, après le mot "tribunal" les mots "le ministre de la Fonction publique doit déposer à l'Assemblée nationale dans les trois jours de la décision du lieutenant-gouverneur en conseil l'avis du juge en chef du tribunal et l'arrêté en conseil décrétant la distribution dudit conseil. Si l'Assemblée nationale ne siège pas, ce dépôt a lieu dans les trois jours de la reprise de ces travaux".

M. le Président, comme il s'agit d'un pouvoir discrétionnaire ou presque de mettre fin à l'existence d'un oganisme qui est censé informer le public, et quelles que soient nos réserves dans l'absence des pouvoirs d'un tel conseil de s'informer de sa propre initiative des objets qui font partie de son mandat, il reste qu'il serait normal que si le juge en chef émet un avis, cet avis soit public et que les motifs de la décision du Conseil des ministres le deviennent par le fait même également.

M. Johnson: M. le Président, j'accepterais dans son ensemble l'amendement, à ceci près, cependant. D'une part, je pense qu'il faudrait référer au ministre. Ceci par opposition au ministre de la Fonction publique, étant donné que la loi relève du ministère du Travail.

M. Forget: Du ministère du Travail, d'accord.

M. Johnson: Question de cohérence. Donc, ce serait: Le ministre doit déposer à l'Assemblée nationale. Le "trois jours" m'apparaît un peu bref. La formule habituelle utilisée pour ce type de décision, c'est plutôt quinze jours; on le retrouve dans l'ensemble des lois sur les ordonnances.

M. Forget: Quinze jours, oui. M. Johnson: Quinze jours. M. Forget: C'est toujours cela.

M. Johnson: J'accepterais qu'on introduise un sous-paragraphe amendé, 5, qui se lirait comme suit: Le conseil est dissous par le lieutenant-gouverneur en conseil, après avoir pris avis du juge en chef du tribunal. Le ministre doit déposer à l'Assemblée nationale dans les quinze jours la décision du lieutenant-gouverneur en conseil et l'avis du juge en chef du tribunal et l'arrêté en conseil décrétant la dissolution dudit conseil. Si l'Assemblée nationale ne siège pas, ce dépôt a lieu dans les quinze jours — à nouveau — de la reprise de ses travaux.

M. le Président, je suis prêt à accepter l'amendement. (22 h 15)

M. Brochu: Adopté, M. le Président. M. Johnson: Adopté, M. le Président?

Le Président (M. Laplante): Amendement adopté. Le paragraphe complet de l'article 99e adopté?

M. Brochu: Adopté.

M. Forget: Adopté avec amendements.

M. Johnson: 99f?

Le Président (M. Laplante): Avec amendements. 99f?

M. Forget: II y a un amendement, M. le Président. Je ferai la lecture de l'amendement. "Que le paragraphe 99f de l'article 4 soit modifié en remplaçant, dans les sixième et septième lignes, le mot "nationale " par le mot "provinciale".

M. Johnson: Vous êtes sérieux?

M. Forget: Oui. Le paragraphe amendé se lirait comme suit: "Dans le cas des collèges, des commissions scolaires et des établissements visés dans les paragraphes b), c) et f) de l'article 1 de la Loi sur l'organisation des parties patronale et syndicale aux fins des négociations collectives dans les secteurs de l'éducation, des affaires sociales et des organismes gouvernementaux, le partage des matières qui sont négociées et agréées à l'échelle provinciale ou à l'échelle autre que provinciale est déterminé conformément à cette loi entre le 270e et le 180e jour précédant la date d'expiration d'une convention collective ou de ce qui en tient lieu."

M. le Président, je pense que cet amendement ne doit pas surprendre le gouvernement...

Le Président (M. Laplante): Recevable.

M. Forget: ... puisque nous avons, dans le cas de toutes les lois de l'Assemblée nationale, constamment soulevé cette objection qui est basée sur des notions bien connues, des pratiques bien connues selon lesquelles on veut, du côté gouvernemental, de façon délibérée et même dans les occasions où ça s'y prête le moins, M. le Président, ajouter sa pierre à l'édifice référendaire. C'est fort...

M. Godin: C'est épouvantable! M. Chevrette: C'est effrayant.

M. Godin: C'est du procès d'intention. Il y a une différence entre "fédérale " et "nationale ".

M. Forget: On va s'indigner...

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, s'il vous plaît! Si vous voulez continuer, M. le député.

M. Godin: Le national, c'est la nation.

M. Chevrette: II y a une différence entre être aveugle et voir clair.

M. Godin: C'est un colonialisme épouvantable!

M. Forget: Alors, on essaie de donner le change, M. le Président...

M. Godin: Je n'ai pas de mot pour décrire la situation!

M. Chevrette: Vous êtes chanceux qu'on soit de bonne humeur.

M. Forget:... en créant par les mots...

Le Président (M. Laplante): Je suis disposé à prendre vos noms si vous voulez prendre la parole après l'intervention du député de Saint-Laurent.

M. Chevrette: C'est effrayant! C'est ça la teneur des six articles importants. C'est épouvantable!

Le Président (M. Laplante): M. le député de Joliette-Montcalm, s'il vous plaît!

M. Forget: Merci, M. le Président. Une Voix: M. Joliette... M. Chevrette: Pardon?

Le Président (M. Laplante): M. le député de Joliette-Montcalm, s'il vous plaît! Un peu de coopération!

M. Chevrette: Le député de Joliette-Montcalm, je vais le reprendre.

M. Forget: M. le Président, on feint de s'indigner de l'autre côté, mais on a eu suffisamment d'arguments basés sur cette notion...

M. Chevrette: On aurait faim de bons arguments.

M. Forget: ... que le député de Joliette-Montcalm devrait reprendre son calme, effectivement, et considérer que cette façon de vouloir créer, par des mots, une réalité qui n'existe pas sur le plan juridique...

M. Chevrette: Je m'excuse, M. le Président, mais c'est trop fort.

M. Forget: ... pas dans le sens assez ambigu dans lequel le gouvernement veut employer ce terme.

M. Chevrette: C'est épouvantable!

M. Forget: II est clair que nous allons nous y opposer à chaque occasion et susciter, sur cette question, à chaque occasion, un débat, n'en déplaise à nos amis d'en face qui voudraient bien que ça passe comme du beurre dans la poêle ou que cela aille de soi. D'ailleurs, là-dessus, nos amis de l'Opposition, du parti de l'Union Nationale, évidemment, ont également démontré leurs couleurs à plus d'une reprise. Nous voulons et nous tenons même à ce qu'ils en fassent une nouvelle fois la démonstration. Ils sont très bien partis, M. le Président, si bien qu'un jeune député prometteur, du côté de la majorité, a d'ailleurs déjà tracé les prolongements qu'il voit dans l'attitude qu'adopte l'Union Nationale face à un certain nombre d'initiatives gouvernementales. Il a dit entrevoir clairement la probabilité que le Parti national populaire, l'Union Nationale et le Parti québécois se regroupent dans une union sacrée, à moins que ce soit... Non, c'est un jeu de mots trop facile, M. le Président...

M. Johnson: Une union, n'est-ce pas? Me voilà!

M. Chevrette: C'est un mariage d'affaires, mon cher!

M. Forget: Et, d'ailleurs, on pourrait même supposer, M. le Président, qu'ils vont aller chercher un chef du côté du Parti national populaire, parce qu'on sait qu'ils ont...

M. Johnson: Des unions!

M. Forget: ... une surabondance de chefs de ce côté-là et peut-être pas assez d'indiens, alors que, de l'autre côté, il y a plus d'indiens que de chefs. On veut certainement rétablir un certain équilibre.

Plaisanterie mise à part, M. le Président, parce que c'est une question très sérieuse, malgré tout...

M. Chevrette: ... que vous la traitez.

M. Forget: Les réactions, de l'autre côté, sont une inspiration directe. Il reste que je veux dénoncer une fois de plus, les tentatives du côté gouvernemental. M. le Président, le désordre apparent de la commission m'empêche d'effectuer mon rôle avec le sérieux qui s'impose.

M. Johnson: J'ai hâte que ce soit à la TV, tout cela!

M. Forget: Oui, c'est vrai, mais par les soins du leader, apparemment, on n'aura pas la télévision dans les commissions parlementaires; nous le déplorons, d'ailleurs, M. le Président. De toute manière, il reste qu'à chaque fois que cela va se présenter...

M. Johnson: Prononcez.

M. Forget: ... cela se présente de façon véritablement très régulière à chaque deuxième ou troisième projet de loi. Le gouvernement prend excuse de n'importe quoi pour endosser...

M. Bisaillon: Sur l'amendement!

M. Forget: ... pour endosser ses habits référendaires et se draper dans le...

M. Bisaillon: Là, vous parlez des autres projets de loi; M. le Président, règlement!

Le Président (M. Laplante): M. le député de Sainte-Marie, je ne voudrais pas être méchant avec vous... A venir jusqu'à il y a une demi-heure, la commission avait très bien fonctionné, aucun obstacle de personne et j'aimerais que cela continue de cette façon. Il me semble qu'il y aurait peut-être la possibilité de s'entendre.

M. Bisaillon: M. le Président, je vous dirai que cela n'a rien à voir avec ma question de règlement.

Le Président (M. Laplante): Allez-y avec votre question de règlement.

M. Bisaillon: M. le Président, le député de Saint-Laurent présente un amendement qui vise à enlever, dans l'article 99f, le mot "national" pour le remplacer par le mot "provincial ". Il me semble que l'argumentation du député de Saint-Laurent, il pourra jaser pendant vingt minutes dessus, doit se limiter à la portée du fait qu'on remplace le mot "provincial" par "national" dans l'article 99f. Mais il me semble abusif que le député de Saint-Laurent épuise le temps en nous parlant des autres projets de loi qui n'ont rien à faire avec l'article 99f du présent projet de loi.

Le Président (M. Laplante) M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Dans un projet de loi, M. le Président, le remplacement des mots ne changera strictement rien. Je crois que même le député de Sainte-Marie va l'avouer, cela n'a aucune signification fonctionnelle. Ce n'est pas qu'on va négocier à un autre palier qu'avant, à moins qu'on nous annonce des nouvelles, il me semble qu'on a toujours eu des négociations centralisées.

M. Johnson: C'est M. Munro qui va s'en occuper.

M. Forget: Sous l'égide du gouvernement, il y a toujours eu, depuis une dizaine d'années, le même genre de négociation à une table centrale. Jamais on n'a dit que c'était la table nationale, que c'étaient des négociations nationales. Je suis sûr que le député de Sainte-Marie et ses collègues de la majorité l'auraient prétendu, s'ils l'avaient pu, à l'époque, mais maintenant qu'ils le peuvent, justement, ils le prétendent; mais cela ne fait que confirmer ce que je disais tout à l'heure, c'est une modification de pure forme qui n'est motivée par rien de fonctionnel dans le projet de loi, qui ne vise qu'à se parer d'un drapeau, comme d'habitude, à endosser les vêtements référendaires ou préréférendaires...

M. Chevrette: A l'ordre... M. le Président...

M. Forget: ... et à servir la cause qui est bien connue, que l'on veut servir à toutes les sauces et à toutes les occasions.

M. Chevrette: ... la pertinence...

M. Johnson: M. le Président, brièvement, pour continuer dans l'allégorie...

M. Forget: C'est une interruption, M. le Président, mais...

M. Johnson: Ah! Vous n'aviez pas terminé? Je m'excuse.

M. Forget: Non, je n'avais pas terminé. Mme Lavoie-Roux: Ils n'aiment pas cela.

M. Johnson: J'ai senti une chute dans votre propos, et j'avais cru...

M. Forget: Ce sont les variations du débit, mais si le ministre a une déclaration à faire, je suis prêt à l'écouter.

M. Johnson: Non, mais j'en étais simplement à votre allégorie du survêtement référendaire et je me rends compte que dans votre cas, vous faites du "jogging" sur place.

M. Chevrette: Elle était bonne!

M. Forget: Je la lirai dans le journal des Débats.

M. Chevrette: Vous la rirez demain matin.

M. Forget: Mon collègue de L'Acadie vient d'arriver et elle a pris connaissance du résultat des sondages à la télévision.

Mme Lavoie-Roux: Ils font bien de se mettre des vêtements sacerdotaux.

M. Forget: Ils auront besoin de toute la protection requise...

M. Chevrette: Ah Seigneur! Elle arrive, elle !

M. Forget: ... il ne semble pas que cette stratégie soit tellement populaire, malgré tout. Il y a une bonne côte à remonter de ce côté. C'est peut-être...

M. Johnson: On se contente de ce qu'on peut.

M. Forget: C'est peut-être une cause qu'on veut servir, M. le Président, de l'autre côté.

Mme Lavoie-Roux: Vous ne riez pas vous.

M. Forget: Ils ont le droit de servir cette cause, ils ont le droit de vouloir prendre toutes les

occasions pour édifier des symboles sur papier, c'est leur droit le plus strict et, de toute façon, ils disposent de la majorité pour le faire. Mais c'est notre rôle également à l'Assemblée nationale de le dénoncer quand cela se fait et de leur dire: Ils ne le font que pour des raisons étrangères aux relations de travail, étrangères aux services publics et qui n'ont de sens que dans le contexte préréférendaire. Je crois que c'est tout à fait légitime de le dire. Je trouve étonnant et un peu timoré de l'autre côté qu'on ne veuille même pas l'admettre.

M. Johnson: Si le député de Saint-Laurent...

M. Chevrette: Trouvez-vous qu'on a l'air timoré?

M. Forget: ... qu'on prétende que cela va de soi, que c'est toujours cela, que cela a toujours été cela. Or, cela n'a pas toujours été cela, cela ne va pas du tout de soi. Il y a un tas de gens qui ne sont pas d'accord avec vous, messieurs, et si vous le faites, au moins avouez-le donc que vous voulez créer une symbolique référendaire.

M. Johnson: Comme l'Union Nationale en 1966 qui a créé la Bibliothèque nationale, l'Assemblée nationale dans laquelle nous siégeons, qui figure sur notre papeterie et tout cela. C'est vrai que c'est très très nouveau.

M. Forget: Cela leur a très bien réussi. Il reste, M. le Président, que cela ne réussira pas plus cette fois-ci parce que c'est faux au départ, c'est complètement faux. C'est l'ambiguïté. Tout le monde sait très bien qu'il y a plusieurs sens au mot nation. Tout le monde sait cela maintenant. Il y a eu assez de controverses on a assez parlé pour ne rien dire sur le sujet qu'on s'est finalement rendu compte qu'il y a plus d'une signification et quand on utilise le mot on joue sur l'équivoque et on le fait de propos délibéré. Il fut un temps où on le faisait naïvement et peut-être qu'une autre formation politique l'a fait naïvement. Je ne sais pas si c'est à son honneur ou quoi, mais au moins c'était naïf et ces gens bénéficiaient du bénéfice du doute. Aujourd'hui, il n'y a plus de doute, c'est clair. C'est très clair, ce qu'on fait de l'autre côté et c'est tout à fait normal qu'on le souligne et c'est tout à fait prévisible également qu'on va défaire cet amendement et au moins on aura soulevé le problème, une autre fois. Je peux avertir d'ailleurs nos amis d'en face qu'on va le soulever chaque fois. S'ils trouvent que c'est du temps perdu, ils peuvent se préparer d'avance à perdre du temps chaque fois qu'ils vont le mentionner. D'accord?

M. Chevrette: Et cela vous donne une occasion de parler, à part cela.

M. Forget: Exactement.

Le Président (M. Laplante): C'est tout, M. le député de Saint-Laurent? M. le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président, quelques remarques également sur la motion qui vient d'être présentée. Disons pour commencer mes propos, M. le Président, que si la motion avait été présentée par le Bonhomme Sept Heures, je comprendrais très bien...

M. Forget: C'est le bonhomme dix heures.

M. Brochu: ... le fondement même de la motion même qui nous est présentée. Etant donné qu'elle n'est pas présentée par le Bonhomme Sept Heures mais qu'en apparence elle est présentée par le député de Saint-Laurent, là je me pose plus de questions. Parce qu'habituellement le député de Saint-Laurent quand même fait une approche très sérieuse et étaie ses choses avec beaucoup d'arguments, mais dans l'approche qu'il nous fait aujourd'ui, je me pose de sérieuses questions. Je revis actuellement le même scénario qu'on a vécu lors de l'étude article par article de la Loi créant la Société nationale de l'amiante, le projet de loi 70. Le député de Joliette-Montcalm se rappellera que le même débat avait eu lieu à ce moment-là, le même débat que l'Opposition officielle, le Parti libéral...

M. Forget: Si c'est national...

M. Brochu: ... veut amener à ce moment-ci de nos discussions pour faire tout un charivari autour du mot national a eu lieu à ce moment-là. Tous les arguments qui peuvent être amenés à ce moment-ci l'ont été et j'ai l'impression que chaque fois qu'il va être question désormais du mot national dans une quelconque législation, le Parti libéral va se lever en s'offusquant en criant au martyr, en jouant la peur, en jouant les traumatismes profonds comme s'il était touché...

Mme Lavoie-Roux: Elle est vraiment nationale celle-là.

M. Brochu: Je m'excuse auprès du député de L'Acadie, je ne voudrais pas vous déranger dans votre réflexion à haute voix.

Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse, M. le député...

M. Bisaillon: C'est parce qu'elle est euphorique un peu.

M. Chevrette: Elle a pensé aux Canadiens de Montréal.

M. Brochu: Chaque fois, j'ai l'impression que cela va se reproduire, cela va être le même scénario encore, on va recommencer ce grand traumatisme comme si cela faisait appel à l'intérieur du Parti libéral à une notion tellement

vague que cela fait peur, et je comprends, parce que j'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer également...

M. Forget: On a peur du vague...

M. Brochu: Ce n'est pas un reproche au point de départ, j'y reviendrai tout à l'heure, c est d'abord une constatation, c'est que le Parti libéral au Québec n'a jamais eu de racines réellement nationalistes. C'est la première réalité. Je pense que fondamentalement... Et c'est pour cela que dès maintenant, dès qu'on voit apparaître le mot national quelque part, on voit automatiquement apparaître tout à côté le traumatisme du Parti libéral. Cette espèce de phobie... (22 h 30)

M. Johnson: Freak out.

M. Brochu: ... plus ou moins consciente que, lorsqu'on parle de quelque chose de national, c'est une atteinte à soi au lieu d'être une affirmation tout à fait normale.

M. Johnson: Voilà.

M. Bisaillon: Très bien dit.

M. Brochu: Cela me fait dire que c'est encore plus illogique dans la bouche du député de Saint-Laurent et même du Parti libéral. Je vous rappellerai simplement, M. le Président, que l'assemblée où on siège, qui est l'Assemblée nationale, a été appelée ainsi à partir de 1966. C'était avant l'Assemblée législative; elle est devenue l'Assemblée nationale sous le gouvernement de l'Union Nationale.

Par la suite, comme on le sait, l'histoire a ses remous, le Parti libéral a pris le pouvoir de 1970 à 1976. A aucun moment, je n'ai entendu pleurnicher un quelconque député libéral faisant état qu'il siégeait à une assemblée qui n'était pas la sienne, qu'elle n'était pas représentative de la nation québécoise.

M. Chevrette: II y en avait trop, ils ne se reconnaissaient pas.

M. Bisaillon: Quel illogisme!

M. Brochu: A ce moment-là, si c'était si douloureux, si illogique de retrouver dans quelconque endroit, surtout dans l'appellation de l'Assemblée le mot national, comment se fait-il qu'un si grand parti, qui a détenu à un moment donné le pouvoir au Québec, n'ait pas pensé ou n'ait pas jugé bon de prendre le temps d'un vulgaire amendement pour modifier l'appellation même de l'Assemblée nationale, si c'est tellement crucial, si c'est tellement douloureux, si ça l'affecte tellement?

Cela, M. le Président, je ramène un autre point parce que le député de Saint-Laurent, dans son argumentation tout à l'heure, a indiqué que le mot national, dès qu'il apparaît dans un texte de loi, comme ce soir, a une coloration et une connotation préréférendaire. Je vous rappellerai que lorsque l'Assemblée législative est devenue l'Assemblée nationale, il n'y avait pas de référendum. Il n'y avait donc aucune connotation préréférendaire.

M. Johnson: Voilà. M. Bisaillon: Voilà.

M. Brochu: C'est clair, c'est simple, c'est net, c'est précis.

M. Chevrette: Au moins 33% de l'Opposition présente a compris.

M. Brochu: II n'y a donc aucune relation entre les deux. M. le Président, je n'ai pas honte d'être humain, d'être ce que je suis. Le député de Joliette-Montcalm non plus. Dans ce sens-là, je pense que c'est normal que l'on recherche l'affirmation de soi et sa propre identité. C'est normal. C'est tout à fait logique.

Lorsque, dans une famille, on est fier des liens familiaux, on s'affirme en tant qu'entité familiale. On a cet esprit de famille et on n'en a pas honte non plus. Je pense que ce n'est pas dénier les autres, ni les voisins, ni qui que ce soit que de s'affirmer soi-même dans le respect des autres.

Lorsqu'on étend ce concept d'identité familiale à une dimension beaucoup plus large, celle d'une nation, sur le plan de plusieurs familles réunies, on ne doit pas avoir peur de s'affirmer, d'affirmer l'esprit de cette grande famille qui est, en quelque sorte, le nationalisme, qui ne dénie pas, dans notre esprit non plus, M. le Président, l'existence des autres, les bonnes relations avec les autres, et ainsi de suite. C'est un sain nationalisme.

C'est toujours dans ce sens que l'Union Nationale a oeuvré. Moi, honnêtement, c'est de cette façon que je conçois le nationalisme. Ce serait nier la réalité que de vouloir éviter de parler de toute forme de nationalisme en croyant que ça va aller à l'encontre de quelqu'un ou de soi-même. Il n'y a aucune relation à quelque chose de mauvais. Au contraire, c'est souhaitable, pour autant, comme je le disais, que ça reconnaît les autres, comme une famille ne sera pas contre la famille voisine du fait qu'elle existe, qu'elle s'affirme. Pour autant qu'il y a un respect mutuel, il n'y a pas de problème.

C'est pour ça que l'Union Nationale s'inscrit dans un sain nationalisme, tout en respectant la confédération dans laquelle nous vivons actuellement. C'est là notre position. C'est pour ça qu'on n'a jamais voulu se faire les agents de la peur, comme le Parti libéral l'a malheureusement fait au Québec. Ceux qui font le plus de travail pour préparer le référendum actuellement, ce sont les libéraux à cause de la peur qu'ils entretiennent volontairement. Ils ont encore, dans leur subconscient, les camions de la Brink's. Ils les font servir actuellement en transportant et en voulant y enfermer toute idée de nationalisme...

M. Johnson: Le camion antiémeute aussi.

M. Brochu: ... en tentant de se réfugier, du moins dans ce qui reste d'éléments, derrière cette grande peur en espérant que les gens fonctionnent encore là-dedans, en voulant dénier les réalités.

Je ne pense pas qu'il y ait aucun citoyen québécois, même anglophone — j'ai des anglophones dans mon comté, j'ai des anglophones qui sont nationalistes également — qui reconnaisse la réalité du fait québécois, pour autant que c'est un sain nationalisme, une saine affirmation de soi. C'est tout à fait normal et cela va continuer d'être la position de l'Union Nationale, une position nuancée, ferme, sur la question du nationalisme, dans le respect des autres.

Le député de Saint-Laurent, dans son amendement... Je trouve cela malheureux parce que, fondamentalement, l'amendement a une saveur antinationaliste. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, cela dénote que le Parti libéral n'a aucune racine au Québec. C'est un parti circonstanciel qui est simplement la représentation d'une configuration beaucoup plus grande qui se trouve à un autre niveau de gouvernement, à Ottawa. Cela exprime seulement cela. Cela exprime seulement qu'il est la filiale d'une maison mère et qu'à ce moment-là, les gens ne regardent pas vers la population du Québec, mais sont tournés plutôt vers l'autre côté. C'est simplement dans ce sens-là.

Cela m'apparaît exactement comme cela le fait de vouloir nier la réalité du nationalisme qui est une réalité qu'on a devant les yeux, avec laquelle, non seulement on doit s'habituer à vivre, mais qu'on doit favoriser, d'une façon saine et normale.

Le député de Saint-Laurent a indiqué tout à l'heure, que ce matin il y avait eu des déclarations d'un député du Parti québécois qui espérait que l'Union Nationale appuie le Parti québécois dans certaines approches...

Mme Lavoie-Roux: ... examiner de votre bord, ils vous servent.

M. Brochu: J'espère que je ne dérange pas encore une fois le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Du tout, cela m'amuse beaucoup.

M. Brochu: Est-ce que vous pourriez vous amuser en silence, en vertu du règlement?

Mme Lavoie-Roux: Certainement.

M. Chevrette: Cela aussi, cela me choquerait.

M. Brochu: Merci. Je m'excuse d'être un peu direct, mais habituellement, je n'interromps pas le député de L'Acadie lorsqu'elle prend la parole. Je me fais un devoir de le faire.

Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse, je n'ai pas dû vous interrompre souvent dans le passé.

M. Brochu: Non, mais une habitude, cela se prend vite, madame.

Je reviens sur mes propos pour dire que le député de Saint-Laurent a tenté d'indiquer que, lors d'une déclaration du député de Vanier ce matin, celui-ci avait indiqué qu'il espérait que l'Union Nationale se rapproche du Parti québécois — sur certaines positions nationalistes, sur certains projets, etc.

J'ai lu rapidement l'article en question et il est normal et logique que des membres du gouvernement, d'un côté ou de l'autre de la Chambre, fassent des déclarations comme celle-là, en souhaitant qu'il y ait des rapprochements sur différentes questions, comme je l'ai également fait lorsque j'ai fait des déclarations sur le projet de loi concernant la Société nationale de l'amiante, selon lesquelles j'espérais pouvoir rallier de l'autre côté, sur les choses qu'on défendait à ce moment-là, d'autres députés.

Je pense que ce rapprochement, le député de Saint-Laurent a voulu s'en servir aux fins de sa motion, mais il n'a rien à voir dans la discussion. Si on voulait argumenter de cette façon, on pourrait dire également: Où est rendu le rapprochement entre le Parti libéral et le Parti québécois, étant donné que le chef du Parti libéral, Claude Ryan, à la veille des élections, vous a appuyés, Messieurs du Parti québécois. Il a recommandé à tous les Québécois de foutre dehors...

M. Johnson: C'est une bonne idée.

M. Bisaillon: II a même donné l'accolade à votre leader parlementaire.

M. Brochu: Je souligne en même temps les propos de celui qui allait devenir plus tard le chef du Parti libéral du Québec; il disait de mettre dehors tous ces pourris libéraux. Ce sont les mots qu'il a employés dans ses éditoriaux, de mettre dehors tous ces pourris libéraux qui étaient au Parlement. C'est lui-même qui a indiqué aux Québécois de voter pour le Parti québécois pour foutre dehors "cette gang" de mous qu'il y avait à l'Assemblée nationale. Il est maintenant le chef de "cette gang " de mous.

M. Johnson: Etes-vous bien sûr que vous ne voulez pas retirer votre amendement?

M. Brochu: M. le Président, je termine mes remarques là-dessus, pour dire que cette partie de l'argumentation du député de Saint-Laurent n'était pas directement reliée à sa motion. Si elle l'est, il y a cet exemple qu'on peut rapporter et si elle persiste à l'être, il y a d'autres exemples également qu'on peut apporter dans le même sens, pour démontrer que le Parti libéral du Québec n'a pas de racine au Québec, n'a pas de coeur au Québec, n'a pas réellement de relations avec la

population pour savoir exactement ce qui se passe, tant et si bien que la tour d'ivoire s'est vidée en 1976. Indépendamment de tous les beaux sondages qu'on pourra nous apporter comme arguments dans quelques minutes — parce qu'il y a eu des sondages qui ont été rapportés dernièrement — les vrais sondages qui vont avoir lieu et qui ont toujours été les seuls vrais sondages, c'est lorsque les élections se produisent, comme cela a été le cas en novembre 1976, et comme cela va être le cas bientôt. C'est le vrai sondage par lequel la population se prononce. Mais en ce qui concerne le mot national et en ce qui concerne le sain nationalisme, nous en sommes, de l'Union Nationale; on ne jouera pas au Bonhomme Sept Heures, on va appeler les choses par leur nom, nous sommes fédéralistes, nous sommes également nationalistes, et nous voulons garder cette position juste et précise. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, mes commentaires seront aussi brefs que ceux du député de Richmond et sûrement moins percutants. Je voudrais cependant vous rappeler ma question de règlement et surtout, comme il ne l'a pas retenue, la rappeler au député de Saint-Laurent en soulignant deux choses. La première c'est que, de façon claire, le député de Saint-Laurent a indiqué dans son argumentation que ce n'était pas la première fois qu'il soulevait au niveau... On est ici pour étudier article par article un projet de loi qui concerne les relations de travail. Le député de Saint-Laurent a clairement indiqué que ce n'était pas la première fois qu'il présentait ce genre d'amendement. Son argumentation a indiqué clairement que le fond n'avait rien à voir avec un projet de loi sur les relations de travail, mais était strictement politique et il a aussi indiqué — peut-être, M. le Président, pourriez-vous passer le mot aux autres présidents qui pourront un jour siéger à votre place lors de nos prochaines sessions de la commission du travail — qu'il recommencerait, chaque fois que le mot national serait utilisé dans un projet de loi.

Il me semble que c'est un peu sectaire de la part du député de Saint-Laurent qui nous a habitué à une autre attitude que celle-là. Je regarde d'ailleurs les attitudes du député de Saint-Laurent depuis les dix dernières minutes. Vous avez remarqué comme moi que le député de Saint-Laurent, depuis dix minutes, s'est remis à fumer, ce qu'il avait perdu comme habitude depuis l'étude du projet de loi 45, qu'il arbore...

Mme Lavoie-Roux: Est-ce de la persécution, M. le Président?

M. Bisaillon: ... une cravate qui laisse au moins percevoir un certain nationalisme.

M. Forget: Elle est belle, n'est-ce pas? Québec, fleur de lys.

M. Bisaillon: On pourrait souligner les fleurs de lys qui ornent la cravate du député de Saint-Laurent. Je suis certain, M. le Président, que dans le comté de Saint-Laurent comme dans tous les autres comtés du Québec, il y a des gens qui se définissent comme fédéralistes, nationalistes, peu importe le terme qu'on utilisera, mais qui comprennent qu'au Québec, quand on utilise le terme national, cela n'a rien à voir avec une option politique plutôt qu'une autre, mais c'est une façon d'identifier les individus par rapport à eux-mêmes et entre eux.

Le député de Richmond faisait tantôt allusion à des anglophones qui habitaient son comté. Les anglophones, que je sache, M. le Président, qui habitent le Québec sont des Québécois et à titre de Québécois, ils font partie de la nation québécoise. Quand on utilise le terme national, c'est pour indiquer une collectivité qui regroupe des idéologies différentes. Il me semble que c'est une bataille inutile que le député de Saint-Laurent fait, compte tenu surtout des orientations qu'on lui connaît à l'intérieur de sa propre formation politique.

Il ne faudrait peut-être pas que le député de Saint-Laurent nous amène à faire l'analyse des différences qu'il peut y avoir à l'intérieur de sa propre formation politique en termes de provincialisme, de nationalisme et de fédéralisme, parce qu'il serait peut-être le premier à regretter de présenter de tels amendements. "National" pour nous, M. le Président, c'est une façon d'identifier clairement à quel niveau cela se situe, et cela se situe au niveau d'un peuple, d'une nation qui est celle du Québec et cela s'oppose à provincialisme; le terme provincial en France est utilisé un peu comme chez nous est utilisé le terme régional. Je pense que le terme national, au plan linguistique uniquement, est le terme qu'il faut vraiment utiliser et, en conséquence, on devrait immédiatement proposer de battre l'amendement du député de Saint-Laurent et de passer à des choses qui concernent davantage les services essentiels dans le projet de loi qui nous concerne.

M. Forget: Est-ce que le député...

Le Président (M. Laplante): Le député de L'Acadie.

M. Forget: Seulement une question. Est-ce que le député de Sainte-Marie, dans son intervention, a voulu soulever une question de règlement implicitement?

M. Bisaillon: Est-ce que je l'ai fait?

M. Forget: Oui.

M. Bisaillon: Si je ne l'ai pas fait, c'est parce que je n'ai pas voulu le faire.

M. Forget: Mais il y avait une question de recevabilité, je pense, qui a été soulevée.

M. Bisaillon: Je vous prierais de croire, M. le député de Saint-Laurent, qu'effectivement, quand je veux soulever quelque chose, je le soulève. Je ne l'ai pas fait.

M. Forget: C'est parce qu'on peut... Au cas où son intervention serait mal comprise, M. le Président, je voudrais...

M. Bisaillon: Je ne l'ai pas fait, M. le Président.

M. Forget: ... souligner que même si j'admets avoir fait cette argumentation à d'autres reprises et même si j'ai dit qu'explicitement elle n'avait rien à voir de façon fonctionnelle avec le sujet...

M. Bisaillon: Je n'ai pas fait cela.

M. Forget: ... du projet de loi et que j'ai même admis que c'était une...

M. Chevrette: M. le Président, il répond à une question de règlement qui n'a pas été posée. Qu'est-ce qu'on fait là?

(22 h 45)

M. Forget: Ce sont des affirmations qui ont été faites.

M. Chevrette: Qu'est-ce qu'on fait là?

M. Forget: J'ai le droit de corriger après la fin, article 96...

M. Chevrette: M. le Président, appel au règlement.

Le Président (M. Laplante): Question de règlement!

M. Chevrette: C'est une directive que je vous demande. Depuis quand un intervenant en commission parlementaire peut-il répondre à une question de règlement qui n'en est pas une et qui n'a jamais été soulevée?

Le Président (M. Laplante): Je vais vous l'expliquer pour la prochaine fois, M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: C'est une directive que je vous demande.

Le Président (M. Laplante): Lorsque j'ai donné la parole au député de L'Acadie, elle a préféré la remettre au député de Saint-Laurent. Son temps court actuellement. Il lui reste...

M. Chevrette: Pas pour parler d'une question de règlement?

Le Président (M. Laplante): ... huit minutes.

M. Chevrette: Pour parler sur le fond.

Le Président (M. Laplante): Vous voulez que je vous l'explique? Il a posé une question au député de Sainte-Marie. Le député de Sainte-Marie n'a pas répondu, en somme, à la question qu'il avait posée. Sur ce, le député de Saint-Laurent a continué, et son temps court. Il lui reste huit minutes encore d'intervention.

M. Chevrette: M. le Président, me permettez-vous?

Le Président (M. Laplante): Oui.

M. Chevrette: Je voudrais vous dire ceci: II a posé une question au député de Sainte-Marie qui était la suivante: Avez-vous soulevé une question de règlement? Le député de Sainte-Marie a répondu: non. A partir de là, comment le député de Saint-Laurent peut-il soutenir que sa question de règlement aurait été antiréglementaire si, par hasard, il l'avait posée, quand il dit qu'il ne l'a pas posée? Voyons!

Le Président (M. Laplante): J'ai continué à considérer, M. le député de Joliette-Montcalm, qu'il était sur son temps, qu'il lui restait huit minutes.

M. Chevrette: Lui avez-vous demandé de changer d'idée?

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Laplante): M. le député de Joliette-Montcalm, je pense que...

M. Chevrette: Non, mais je vous demande si c'est possible...

Le Président (M. Laplante): ... parfois vous allez un petit peu plus loin que ce que d'autres peuvent se permettre.

M. Chevrette: C'est possible, mais mosus!

Mme Lavoie-Roux: Respectez donc la présidence!

Le Président (M. Laplante): S'il vous plaît! Je pense que je ne vous ai pas brimé dans votre droit de parole.

M. Chevrette: Je vais vous respecter pour un autre motif, mais je vous demanderais de faire pareil. D'accord?

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, indépendamment du fait que le député de Sainte-Marie ait soulevé, ait voulu soulever ou ait paru soulever une question de règlement oui ou non, il demeure qu'il a quand même soulevé un point. J'ai tout à fait le droit de soulever une question de règlement, même si le député de Sainte-Marie n'est pas d'accord, pour souligner que, quels que soient les

arguments que j'aie utilisés, ils étaient pertinents à l'amendement que je présente et qu'il n'y a pas d'objection qui puisse être formulée de ce côté de la part des ministériels. Il est tout à fait loisible à l'Opposition, d'ailleurs, à tout membre de la commission de soulever un point de caractère général, pourvu que l'article, l'amendement ou le paragraphe que nous étudions y donne ouverture. Certainement, celui-ci y donne ouverture parce qu'il porte spécifiquement sur le changement, l'introduction du mot "national" dans le projet de loi.

Je ne voudrais pas terminer là-dessus, puisque mon temps court, j'ai encore quelques minutes, sans relever les propos du député de Richmond qui a posé une question rhétorique, ce qu'on appelle une question rhétorique, c'est-à-dire une question qui n'en est pas une parce qu'il connaît la réponse...

M. Johnson: Belles-lettres.

M. Bisaillon: Ce n'est pas tellement différent pour ceux qui répondent à des questions de règlement qui n'ont pas été posées!

M. Forget: ... mais qui, malgré tout, mérite de recevoir une réponse dans le cadre de nos délibérations. Il a dit: Pourquoi le Parti libéral qui a été au pouvoir pendant six ans n'a-t-il pas modifié les lois? Je pense qu'il serait important qu'il se rende compte d'une chose. C'est peut-être un des éléments qui distingue sa formation politique de la nôtre. C'est que nous n'accordons pas une importance suffisante à des questions de mots et au simple verbalisme pour introduire des amendements dans les lois simplement pour changer des mots, sans avoir même la prétention ou l'espoir de changer quelque réalité que ce soit. C'est de cela qu'on est témoin ce soir: l'utilisation du processus législatif, pas pour changer quoi que ce soit à la réalité, mais simplement pour des fins de propagande. Je pense bien que l'Union Nationale se pose la question en sachant très bien quelle est la réponse à cette question. Il est clair que cela ne changera rien dans les faits. On veut se parer d'un manteau préréférendaire. Qu'on le fasse, si on y tient, mais qu'on s'attende qu'on le souligne de ce côté-ci.

Pour ce qui est de l'identification ou de la fierté d'appartenance, ou n'importe quoi, on n'a pas besoin des leçons ambiguës et pas tellement impressionnantes de l'Union Nationale à cet égard. On n'a de compte à rendre à personne ici, autour de la table, relativement à cela. Pour ce qui est d'utiliser notre Assemblée nationale et nos règlements nationaux de l'Assemblée nationale, parce qu'on pourrait mettre ce mot à toutes les sauces... Il s'agirait de le répéter un peu plus souvent pour sombrer dans le ridicule, mais, cette fois, de façon absolument définitive. On n'a qu'à l'accoler à peu près à n'importe quoi de ce qu'on fait et on va voir dans quelle situation vraiment ridicule et pénible on est acculé. C'est assez facile. Je pourrais suggérer un tas d'autres applications du mot national. On le trouverait à toutes les deux phrases et dans les phrases où il manquerait, on pourrait ajouter deux ou trois "québécois " ou "québécoises " dans les encoignures et on aurait un langage qui serait absolument ridicule, un langage de colonisés, justement, un langage africain du genre de ceux qu'on utilise justement pour donner et payer de mots...

M. Bisaillon: Ils sont libérés.

M. Forget: ... des populations qu'on ne peut pas payer autrement, sous forme de réalité.

M. Bisaillon: Vous utilisez le mot... Est-ce que le député me permet une question? Quand vous utilisez le mot africain, vous l'utilisez avec une espèce de ton un peu méprisant. Est-ce que c'est exactement la réalité que vous voulez dépeindre?

M. Forget: Je songe à des phénomènes sociaux dont le député de Sainte-Marie pourrait peut-être prendre connaissance, comme certains généraux africains ou certains empereurs...

M. Johnson: Je savais qu'il viendrait, lui. Je le voyais entrer dans la pièce. Idi, cher Idi, va!

M. Forget: Idi ou Bocassa... M. Johnson: Bon! Bocassa!

M. Forget: ... qui se sont intitulés empereurs et qui, évidemment, par la magie des mots, pensent recréer une réalité...

M. Johnson: II y a eu Taschereau aussi.

M. Forget: ... et c'est devant ce phénomène qu'on se retrouve, M. le Président. D'ailleurs, il s'agit de voir la nervosité, en face, depuis qu'on a commencé à parler de ça et les habitudes nouvelles contractées de l'autre côté.

M. Chevrette: C'est plutôt une déception...

M. Johnson: M. le Président, je ne voudrais pas faire abusivement appel au règlement, mais je pense que le député de Saint-Laurent a épuisé son droit de parole et que, malheureusement, il confond nervosité avec une forme d'exaspération devant ce qui se veut une perpétuation d'une perception un peu bête de ce qui est recherché par la normalisation de notre vocabulaire.

Une Voix: La ruse de l'éléphant!

Le Président (M. Laplante): II vous reste une minute encore, monsieur.

M. Forget: M. le Président, le ministre ayant vidé son sac, ainsi que le député de Richmond, je pense qu'on a obtenu exactement le but recherché, qui est de montrer...

M. Bisaillon: Oui, enfin!

M. Forqet: ... premièrement, qu'on n'a aucune

raison valable à invoquer et qu'on est excédé qu'on souligne une stratégie ou une tactique qui n'a d'autre but que de jeter de la poudre aux yeux. C'était le but de notre discussion ici, ce soir, M. le Président. Je suis parfaitement satisfait, quant à moi, c'est le but habituel de ce genre de discussion...

M. Johnson: L'amendement est rejeté, M. le Président?

M. Forget: ... et je pense qu'il sert sa fin, malgré tout. Comme il est permis par nos règlements "national" de notre Assemblée nationale et québécoise, M. le Président, j'en suis fort satisfait.

M. Johnson: "Nationaux ", parce qu'il y a un pluriel aussi.

Le Président (M. Laplante): Mme le député de L'Acadie.

M. Johnson: Le vote...

Mme Lavoie-Roux: Je regrette, M. le ministre, mais j'ai 20 minutes de droit de parole.

M. Johnson: Non, je m'excuse, mais je pensais que le député de Saint-Laurent avait épuisé le droit de parole du député de L'Acadie.

M. Chevrette: II me semblait que vous lui aviez donné votre droit de parole.

Mme Lavoie-Roux: Non, il lui restait huit minutes...

M. Johnson: Je comprends, par ailleurs, que le député de Saint-Laurent soit épuisé, mais...

M. Forget: Ah non! J'ai toutes sortes d'énergies, M. le Président.

M. Bisaillon: ... vous en avez suffisamment. M. Forget: Toutes sortes d'énergies.

Mme Lavoie-Roux: De toute façon, M. le Président, je n'ai pas l'intention d'utiliser 20 minutes. Simplement quelques mots pour dire qu'il est remarquable de voir qu'à toutes les occasions que le gouvernement peut trouver, à l'intérieur d'un article, à l'intérieur de quelque projet de loi que ce soit, c'est devenu presque une obsession de vouloir toujours indiquer le mot national. Si le député de Richmond me permettait une question, lui qui, tout à l'heure, nous a cité le fait qu'ils n'avaient pas eu peur de nommer l'Assemblée législative l'Assemblée nationale, je me demande pourquoi ils n'ont pas eu cette même préoccupation et sollicitude à l'égard de tous les projets de loi qu'ils ont dû adopter entre 1966 et 1970 et pourquoi finalement, votre mot national s'est limité à l'Assemblée nationale et à la Bibliothèque nationale qui elle, je pense, est un centre culturel pour la francophonie au Canada. A ce titre-là, probablement que son nom pouvait être justifié.

Je veux simplement appuyer la motion du député de Saint-Laurent. Je pense qu'il n'est pas inutile de signaler ou de souligner que le gouvernement, dans cet effort de tenter de "nationaliser" entre guillemets, tous les projets de loi, les articles contenus dans les projets de loi, n'a d'autre objectif que de mousser, de la façon qu'il le peut parce que ça ne sera peut-être pas très long, dès que le référendum sera appelé, de constater que c'est une vision qui répond à son propre rêve, mais qui ne correspond pas à ce que les Québécois attendent et à la réalité du vécu des Québécois et ce qu'ils attendent du gouvernement; ce ne sont pas des symboles, mais vraiment un gouvernement qui puisse passer les législations qui servent vraiment leurs intérêts. Le gouvernement du Parti québécois poursuit toujours cet objectif et il se dit: Mettons-en, mettons-en, il en restera toujours quelque chose. Je pense que c'est le seul espoir qui vous mène et on ne peut peut-être pas vous en blâmer. Quant à mon voisin de gauche, j'ai fait un court arrêt à la commission 92 qui étudie le projet de loi sur le référendum et je voyais aussi le député de l'Union Nationale qui siégeait faire des efforts inouïs pour défendre la place au soleil de son parti.

M. Johnson: C'est la CSN au Soleil.

Mme Lavoie-Roux: De toute façon, comme le disait si bien le leader du gouvernement, ils finiront par mourir avec "two official languages" et une langue officielle. C'est tout ce que j'avais à dire et j'appuie l'amendement du député de Saint-Laurent.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Richmond.

M. Brochu: M. le Président, je vais revenir sur quelques propos, très rapidement. D'abord, sur les propos du député de Sainte-Marie; j'ai été content de l'entendre dire qu'il considérait les anglophones comme faisant partie de la nation québécoise. Je pense que c'est...

Mme Lavoie-Roux: Ils ont découvert cela après que la Commission des droits de la personne le leur eut signalé.

M. Chevrette: Combien de fois interrompez-vous le député de Richmond?

M. Brochu: M. le Président, je dois rappeler au député de L'Acadie ce que je lui disais tout à l'heure, pour lui prouver que c'est vrai: Qu'une mauvaise habitude, cela se prend très vite et on a l'exemple parfait devant nous. Je ne parle pas en tant que psychologue; je parle en tant que compagnon de travail. Je m'aperçois que c'est, une fois de plus, réel. J'espère que cela va venir, que vous allez faire des efforts, au moins.

Mme Lavoie-Roux: N'essayez pas de me corriger, quand même.

M. Brochu: J'espère que vous allez faire des efforts pour vous corriger.

Mme Lavoie-Roux: Je ne vous promets rien, M. le député.

M. Brochu: Je rappelais à M. le Président, que j'étais content d'entendre le député de Sainte-Marie indiquer que les anglophones faisaient également partie de la nation québécoise. J'aurais aimé — c'était d'ailleurs là la position de l'Union Nationale sur le projet de loi 101 — que peut-être cette notion de reconnaissance à l'intérieur de la nation québécoise soit reconnue dans les faits, à ce moment-là. D'ailleurs, je pense qu'il y a quelques amendements qui se font du côté du gouvernement dans ce sens, parce que dans le livre blanc, on commence à donner plus d'importance à la reconnaissance des anglophones comme faisant partie de la nation québécoise. Je voulais souligner cela parce que je trouve que c'est tout à fait important.

Le député de Saint-Laurent est revenu en indiquant que si le Parti libéral n'avait pas changé le mot "national " dans l'Assemblée nationale de 1970 à 1976, c'est que, pour eux, les mots avaient plus ou moins d'importance. A ce moment-là, je me pose de drôles de questions: Comment se fait-il que le député de Saint-Laurent propose une motion pour enlever le mot "national" puisqu'ils disent n'accorder aucune importance aux mots et ne faire aucun débat rhétorique sur ces questions, et prendre environ une heure du temps de la commission juste pour prétendre vouloir enlever le mot "national" parce qu'il apparaît une fois dans le projet de loi, pour ne pas avoir peur d'avoir peur. A ce moment-là, je me demande où est la logique?

M. Forget: ...

M. Brochu: Et surtout en passant par l'Afrique, M. le Président. J'ai trouvé passablement curieux que, dans son argumentation, le député de Saint-Laurent ait dû faire le tour jusqu'à l'Afrique en passant par Idi Amin Dada et compagnie, dans ce coin-là...

M. Johnson: ... Il y a seulement les chemises kaki qui ne sont pas venues encore, cela va venir.

M. Bisaillon: ... deux minutes, cela va venir.

M. Brochu: J'avais même l'impression, à ce moment-là, de voir le régime d'apartheid du Parti libéral en pleine activité et de l'identifier clairement, pour sentir le besoin de passer par aussi loin.

M. le Président, en terminant, je reprends un des derniers propos de Mme le député de L'Acadie qui a mentionné que le mot "national " ne doit pas être un symbole. C'est bien dommage, Mme le député — M. le Président, je m'excuse de m'adresser à elle, mais vous lui transmettrez pour moi — la nation québécoise n'est pas un symbole, c'est une réalité. La nation québécoise n'est pas un symbole, c'est une réalité et je pense que c'est justement toujours là que le Parti libéral a eu des problèmes et des difficultés à avoir une conception exacte de la réalité, c'est qu'il n'a jamais voulu reconnaître cela, reconnaître le fait que la nation québécoise existe comme telle. C'est pour cela, je pense, qu'on assiste, dans cette motion, comme dans les autres motions qu'on retrouve dans les autres projets de loi pour enlever toute connotation au nationalisme, qu'on retrouve cette forme de démagogie préréférendaire, pourtant dans la bouche même de ceux qui avaient osé parler, à l'époque, de la grande mollesse du Parti libéral, comme le décrivait Claude Ryan, à l'époque où on parlait de souveraineté culturelle, qu'on la retrouve dans la bouche de ces mêmes libéraux. (23 heures)

M. le Président, ce sont les quelques commentaires que je voulais faire pour apporter un dernier point là-dessus. Je considère que c'était assez important. Les mêmes qui avaient parlé de souveraineté culturelle au moment de leur mollesse, avant d'avoir comme chef Claude Ryan qui disait qu'ils étaient mous, ce sont ces mêmes qui disent aujourd'hui qu'il ne faut plus en parler, qu'il ne faudrait pas oser mettre le mot nationaliste. Il ne faudrait pas oser reconnaître non pas un symbole, mais la réalité québécoise.

M. Johnson: M. le Président, avant de demander si la motion du député de Saint-Laurent est rejetée, je veux simplement l'assurer que le gouvernement est conscient que nous vivons sous un régime démocratique et non pas sous un régime de bananes. L'amendement est-il rejeté, M. le Président?

Le Président (M. Laplante): ... l'amendement du député de Saint-Laurent.

M. Chevrette: Vote enregistré.

M. Bisaillon: M. le Président, je demanderais un vote enregistré.

M. Forget: Excellente idée.

Mme Lavoie-Roux: Ils veulent avoir l'appui officiel de l'Union Nationale. C'est très très bien.

M. Bisaillon: Je veux que vous enregistriez votre vote tous les deux.

M. Forget: J'aurais dû y penser.

Le Président (M. Laplante): M. Brochu (Richmond)?

M. Brochu: Contre.

Mme Lavoie-Roux: ... annoncé...

Le Président (M. Laplante): M. Bisaillon (Sainte-Marie)?

M. Bisaillon: Contre.

Le Président (M. Laplante): M. Chevrette (Joliette-Montcalm)?

M. Chevrette: Contre.

Le Président (M. Laplante): M. Forget (Saint-Laurent)?

M. Forget: Pour.

Le Président (M. Laplante): M. Gravel (Limoilou)?

M. Gravel: Contre.

Le Président (M. Laplante): M. Johnson (Anjou)?

M. Johnson: Contre.

Le Président (M. Laplante): M. Lavigne (Beauharnois)?

M. Lavigne: Contre.

Le Président (M. Laplante): M. Pagé (Portneuf). Mme Lavoie-Roux (L'Acadie)?

Mme Lavoie-Roux: Pour.

Le Président (M. Laplante): M. Roy (Beauce-Sud), M. Vaillancourt (Jonquière).

Contre: 6— Pour: 2. Motion rejetée.

M. Forget: Le député de Richmond n'a pas voté, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Oui. M. Johnson: II a voté le premier. M. Chevrette: Vous êtes encore en retard.

M. Johnson: L'article 99f est-il adopté, M. le Président?

M. Forget: Adopté.

M. Johnson: L'article 99g, M. le Président?

M. Forget: Adopté.

M. Brochu: Adopté.

M. Johnson: A l'article 99h, j'ai un amendement à proposer.

Le Président (M. Laplante): Un moment. 99g est adopté.

M. Johnson: Oui. Et à 99h, j'ai un amendement à proposer, qui est en fait une reformulation de l'article 99h qui se lirait comme suit: "Une association accréditée des secteurs public et parapublic faisant partie d'un groupement d'associations de salariés visées au paragraphe g) de l'article 1 de la Loi sur l'organisation des parties patronales et syndicales aux fins de négociations collectives dans le secteur de l'éducation, des affaires sociales et des organismes gouvernementaux doit, par l'entremise de son agent négociateur, transmettre par écrit à l'autre partie et au Conseil d'information sur les négociations, au plus tard le 150e jour précédant la date d'expiration d'une convention collective ou de ce qui en tient lieu, ses propositions sur l'ensemble des matières qui doivent faire l'objet des négociations à l'échelle nationale".

Au paragraphe 2: "Une association accréditée des secteurs public et parapublic qui ne fait pas partie d'un groupement d'associations de salariés mentionnée au premier paragraphe doit, par l'entremise de son agent négociateur, transmettre par écrit à l'autre partie et au Conseil d'information sur les négociations, au plus tard le 150e jour précédant la date d'expiration d'une convention collective ou de ce qui en tient lieu, ses propositions sur l'ensemble des matières qui doivent faire l'objet des négociations à l'échelle nationale".

En fait, il s'agirait de remplacer tout le 99h par le texte que je viens de lire. La notion qu'on introduit... Je m'excuse, il y a la page suivante.

Le Président (M. Laplante): Vous avez encore trois autres paragaphes.

M. Johnson: Oui, trois et quatre. Est-ce qu'on me dispense de la lecture et qu'on prend le texte que j'ai déposé?

M. Forget: Est-ce qu'on pourrait, en deux mots, parce que ce ne sont pas des textes faciles à lire vite, nous dire de quoi il s'agit?

M. Chevrette: Pour gagner vingt minutes.

M. Johnson: Essentiellement, cela vise à éviter des entreprôts de propositions. Je m'explique. Des entrepôts pour accumuler des propositions... En fait, on sait qu'il n'existe qu'une convention collective locale. Or, le texte était formulé de telle sorte que les plus de 600 associations accréditées devaient, pour l'entente au niveau national, remettre le même texte, ce qui est un peu absurde dans le fond. Alors, on vise la reformulation pour faire en sorte qu'au niveau local, évidemment, on transmette les données locales, mais non pas les données qui feront l'objet de la discussion nationale.

M. Brochu: Est-ce que ce n'est pas en même temps une question de concordance avec l'article 55?

M. Johnson: Oui, également. C'est concordant avec 55.

M. Forget: Nous avions lu cet article-là en supposant que c'était la loi 55 qui interprétait ce que voulait dire une partie. Si je comprends bien, on le fait ici.

M. Johnson: Oui, on le fait ici à cause de la notion d'agent négociateur qui est en fait la charnière pour se retrouver quant à ceux qui doivent faire ces démarches.

M. Forget: Comme ce sont deux ministres qui parrainent les deux projets de loi, est-ce que le ministre du Travail peut nous assurer que la concordance a été examinée avec soin avec la loi 55?

M. Johnson: Absolument.

M. Forget: M. le Président, je n'ai pas d'objection quant au fond de ces amendements. Il y a seulement la question des délais qui m'apparaît devoir être discutée brièvement, parce qu'elle a été soulevée au moment des audiences publiques la semaine dernière. On a exprimé une notion, du côté syndical, qui me semblait mériter d'être sérieusement considérée et peut-être même retenue. Les porte-parole du front commun ont dit: Pourquoi un délai différent pour la partie patronale et pour la partie syndicale respectivement.

Bien sûr, le scénario peut-être traditionnel qui inspire cette différence, c'est le fait que le patron répond à des demandes, selon la théorie bien connue que le syndicat est en demande et que le patron réagit. Cependant, le front commun a attiré l'attention sur le fait qu'on n'est plus à la période de rattrapage — ce ne sont pas les termes qu'ils ont utilisés, bien sûr, mais malgré tout, ça reflète une réalité — où les ajustements sont nécessairement, a priori, à sens unique. Le secteur public a des ajustements à faire du côté patronal qui va chercher à traduire dans des amendements aux conventions collectives — cela s'est fait dans le passé et cela a bien des chances de se reproduire à nouveau à l'avenir — ce qui fait que la partie patronale est aussi en demande.

Comme cette notion est acceptable, semble acceptable, comme question de fait, aux porte-parole syndicaux, je me serais attendu que ce soit la partie patronale qui dise une telle chose en commission parlementaire, mais j'ai été surpris de voir que c'était la partie syndicale. Si on en est là, il me semble que c'est une perception commune, à ce moment-là, aux deux parties et qu'il serait plus raisonnable que les deux parties déposent en même temps leurs propositions.

D'ailleurs, il me semble qu'on sauverait deux mois et on éviterait peut-être des manoeuvres stratégiques dans le dépôt des demandes et des offres. Si chacune des parties, dans l'ignorance de ce que l'autre allait demander ou offrir, y allait de ses propres propositions, il me semble que les deux parties seraient ainsi incitées à être un peu plus ouvertes au départ, à jouer moins de stratégie. A moins que le ministre nous indique, après mûre réflexion et pour des raisons qu'il a I intention de nous donner, qu'il ne voit pas de raison de procéder de cette façon. Peut-être qu'à ce moment-là, on accepterait le raisonnement, mais notre propre réflexion, suite aux audiences de la semaine dernière, nous amène à conclure dans ce sens.

J'aurais un amendement à formuler de cette manière, dans le même sens. Evidemment, il faut le réécrire parce que le texte auquel il s'accrochait n'est plus le même. De toute manière, j'aimerais le faire de façon assez informelle au départ, quitte à voir la réaction du ministre là-dessus.

M. Johnson: Je pense que le député de Sainte-Marie aussi, M. le Président, avait une question.

Le Président (M. Laplante): Le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, j'avais des commentaires qui allaient dans le même sens, quoique depuis la commission parlementaire, il me semble que je l'avais souligné aussi, la position du front commun sur le moment où la partie patronale est en demande, me semblait difficile à définir. A quel moment la partie patronale est-elle en demande par rapport à l'ancienne convention collective? Est-ce que c'est quand elle touche des droits acquis? Cela pourrait se justifier, mais qu'est-ce qui est un droit acquis? Cela pose, quant à moi, de sérieux problèmes. Il y a aussi une autre question qui est difficile, en terme de texte législatif, c'est comment on va formuler le processus de...

Si effectivement, on devait se rendre à la demande syndicale, dans les circonstances, il faudrait que les propositions patronales arrivent préalablement au dépôt du projet de convention collective par la partie syndicale pour qu'à l'avance la partie syndicale soit informée de ce que la partie patronale a l'intention de changer dans le contrat déjà existant. On se rend compte de tout ce que ça change comme mécanisme.

Parce que si c'est en même temps, il faut se dire que, quand on sait que la partie patronale est en demande, nos demandes syndicales peuvent être modifiées, on peut être appelé à augmenter nos demandes dans un secteur si on veut consentir a la demande patronale et modifier des choses déjà acquises dans la convention collective. Il y a donc tout un jeu qui se fait au moment de la négociation; on sait comment ça se passe. Cela se produit, effectivement, que la partie patronale va chercher des droits de gérance ou va modifier des droits acquis mais, habituellement, elle offre des choses en échange de ces droits acquis qu'elle va chercher dans la négociation.

C'est donc le processus de négociation qui peut régler ça. Je ne pense pas, quant à moi, qu'un texte législatif puisse régler le problème de la demande syndicale ou du front commun.

Par ailleurs, je pense qu'il y a une intention gouvernementale qui pourrait être indiquée aux parties, une intention gouvernementale... Etant donné que le gouvernement est partenaire avec les parties patronales du secteur parapublic, il

pourrait y avoir une volonté gouvernementale qui indiquerait aux centrales syndicales, préalablement au délai qui leur est fixé, les intentions de modifier un certain nombre de choses. Mais je ne pense pas qu'on puisse aller au-delà d'une intention de le faire. Je ne pense pas qu'on puisse le faire dans un texte législatif.

Le deuxième aspect qui me semble plus important et auquel il faudrait peut-être accorder de l'importance, on le retrouve dans le paragraphe 1: "des affaires sociales et des organismes gouvernementaux doit, par l'entremise de son agent négociateur, transmettre par écrit à l'autre partie et au conseil l'information..."

Autrement dit, c'est le "doit" qui peut poser éventuellement des problèmes, l'impératif qui est créé. Ce qu'on veut apporter comme amélioration dans le projet de loi actuel — tout le monde le comprend, je pense bien — c'est de faciliter, de réduire les délais prolongés de négociation, donc de forcer les parties à formuler leurs demandes le plus rapidement possible pour que la négociation commence de bonne foi. Il me semble que cela devrait être fait dans le même sens que le Code du travail. Une fois que les propositions sont formulées, la négociation doit commencer. Par le "doit" impératif, la question que le front commun posait — et c'est une question que, moi aussi, je pose au ministre aujourd'hui — Qu'est-ce qui arrive si, effectivement, ce n'est pas déposé dans la journée qui est prévue dans la loi? Est-ce que les demandes sont devenues illégales par le fait même? Je ne pense pas. Mais le "doit" est quand même impératif et il y aurait peut-être une façon de modifier le texte pour permettre qu'on sente la volonté gouvernementale, sans pour autant imposer des délais aux deux parties qui posent légalement des problèmes.

M. Brochu: M. le député de Sainte-Marie, est-ce que vous me permettez une petite question sur la même chose? On sait que le syndicat dépose ses demandes au cinquième mois. Le gouvernement, pour sa part, doit déposer ses intentions. Est-ce que, dans votre esprit, cela devrait se faire au même moment? Est-ce que le gouvernement devrait déposer ses intentions au moment où le syndicat dépose ses demandes?

M. Bisaillon: Ce que j'ai dit, c'est que je ne voyais pas comment, dans un texte législatif, on pouvait régler ce problème. On pourrait par ailleurs, au niveau gouvernemental, annoncer à l'avance, avant le délai prévu pour le dépôt des demandes syndicales, le gouvernement pourrait indiquer aux centrales syndicales ou aux différents syndicats impliqués dans la négociation des secteurs public et parapublic ses intentions de modifier tel ou tel secteur de la convention collective déjà existante. Mais je pense que cela peut se faire de bonne foi. Cela ne peut pas, de façon pratique, s'inscrire dans un texte législatif.

M. Brochu: C'est un élément incitatif, à ce moment-là.

M. Bisaillon: II me semble que cela devrait demeurer là parce que, sans cela, on embarque dans quelque chose qui va demander des définitions qui vont être difficiles à donner dans un texte de loi. C'est quoi, une demande syndicale? A quel moment cela doit-il être fait? Il y a une interprétation du moment où on est en demande, ou encore du moment où on est en réponse. Cela dépend un peu de l'évaluation de chacune des parties. Je pense que cela ne peut pas se régler légalement ou par un texte de loi. Cela peut se régler par la bonne foi ou la bonne volonté.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: M. le Président, j'ai réfléchi et j'ai essayé, à partir des discussions qu'on a eues durant la commission parlementaire avec les représentants du monde syndical, de penser ou d'imaginer une formule où les deux parties dénonceraient simultanément une série d'objets de convention à négocier.

Par contre, j'ai l'impression qu'au bout de la course, les parties en mettraient plus que moins pour brouiller éventuellement les cartes. Cela n'atteindrait pas l'objectif qu'on recherche tous, à savoir pouvoir réaliser des négociations plus rapidement.

Après réflexion, j'ai l'impression nette que les parties joueraient à cache-cache en disant: Je dénonce tant d'objets. Mais, rendu à la table, je ferai un peu de marchandage avec le lot que j'aurai dénoncé et je serai plus "cool" à la table, comme on dit communément dans le jargon de la négociation.

Je ne crois pas que cela atteigne les objectifs qu'on recherche. La tradition veut que, avec les consultations qu'on fait... Par exemple, prenons le domaine de l'éducation. La Fédération des commissions scolaires consulte l'ensemble de ses commissions scolaires et elle arrive avec un paquet d'amendements aux clauses. Quand on regarde la brique des consultations de la Fédération des commissions scolaires et qu'on regarde la brique suite à la consultation des enseignants ou des syndicats d'enseignants, on se retrouve avec du neuf à peu près à tous les articles, à toutes les clauses de la convention collective. (23 h 15)

L'objectif que viserait le législateur ne serait pas plus atteint dans les faits et cela pourrait présenter un autre danger. Si on disait: Quel est le premier qui va dénoncer pour que l'autre se rajuste? C'est un cul-de-sac, c'est une roue sans fin. Je veux dire que tu vas faire dénoncer le patron le premier pour que le syndicat ajuste ses demandes, comme le disait le député de Sainte-Marie. Ce sera la même chose. Le patron va dire: Dépose tes demandes, par la suite, je vais ajuster mes offres en fonction de tes demandes. On risque de se retrouver dans des délais irrationnels au bout de la course.

Je pense que ce qu'il y a encore de mieux, c'est de vivre la situation où le syndicat dépose

des demandes et où la partie patronale s'ajuste en conséquence, si elle veut changer ses clauses. Je préfère le système traditionnel à ce moment-là.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais seulement poser une question au député de Joliette-Montcalm. Dans le cas présent, est-ce qu'à ce moment-là aussi vous n'avez pas le même phénomène qui va se produire, que le syndicat va dénoncer le plus possible d'articles en disant: Après cela, je me rapprocherai? Je pense que ce sera à peu près la même chose qui va se produire.

M. Chevrette: Le danger de la situation actuelle, c'est que les parties se retrouvent très loin aux premières versions.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela.

M. Chevrette: J'ai la conviction que ce serait la même chose si le patron et le syndicat dénonçaient simultanément. Ils se placeraient loin au niveau de la dénonciation. On se retrouverait avec le même portrait. Si on y réfléchit assez sérieusement, on se retrouverait avec un portrait identique de parties diamétralement opposées, parce que le patron dirait: II faut que j'en dénonce plus que moins. On a développé cette mentalité de "bargaining" au niveau des tables de négociation. On ne négocie plus comme on faisait en 1964 et en 1965 dans les commissions scolaires, où on disait: Cette année, ce sont deux clauses qu'on veut changer sur les 28 que l'on a. Les 28 valaient les 700 ou 800 qu'on a présentement. Que voulez-vous? On a voulu raffiner. On a mis cela entre les mains de technocrates qui ont rédigé des textes, nonobstant tel article, tel article, tel article. Il n'y a pas un gars qui est capable de lire sa convention, sans se référer à un conseiller technique. Vous savez comment cela fonctionne. C'est la même chose au niveau des directions du personnel dans les commissions scolaires. Cela prend pratiquement des interprètes chaque fois qu'on essaie de faire un lien entre une clause et une autre.

Dans les circonstances, je pense qu'on est encore mieux de se contenter du texte qu'il y a là et de ne pas chercher à se casser la tête ici pour le raffiner, parce qu'on va vivre des situations identiques. C'est peut-être à l'usage qu'on va revenir à l'élaboration de conventions collectives ou à la rédaction de conventions collectives qui seront à la portée au moins du salarié moyen pour qu'il puisse comprendre ce qu'il y a dans son contrat.

Je ne veux pas déblatérer contre certaines professions dont les gens sont des spécialistes pour rédiger des conventions collectives. Il n'en demeure pas moins que je trouve aberrant qu'un enseignant qui n'est quand même pas démuni en termes de scolarité — plusieurs ont 17 ou 18 ans de scolarité et d'autres 20 ans — n'est quand même pas capable d'interpréter son contrat collectif. Vous lirez l'article des salaires, l'article 601 de la convention collective. C'est inscrit: "Nonobstant la clause 5.02..." Il y a énumération d'une douzaine d'articles. Le "gorlot" commence à faire le tour, il a vite perdu la première concordance vers laquelle il s'en allait. Il ne suit donc pas. Quand cela remonte à la loi 25 pour venir à bout de déterminer l'échelle de salaire, il n'y a pas un gars qui comprend, c'est bien évident. Je me contenterais de cela et je dirais...

M. Johnson: M. le Président, pour tenter de répondre aux préoccupations du député de Saint-Laurent et à celles du député de Sainte-Marie également, d'abord, sur le "doit", c'est vrai que c'est impératif que la partie syndicale et la partie patronale, en vertu de la loi, sont obligées... La sanction du non-respect de cette obligation, c'est évidemment une infraction au code avec une amende possible de $500. C'est une sanction, je pense, qui est tout autre, dans un cadre où, un an vraiment avant que tout cela ne commence, ou enfin neuf mois avant que tout cela ne commence, on fixe des échéances et les parties doivent les respecter. Le non-respect de ces échéances, c'est une sanction encore une fois de nature publique et, avec le groupe d'information, je pense que c est bien présent.

Quant au délai qui s'écoule entre la partie demande et la partie offre, je suis entièrement d'accord avec l'interprétation que vient d'en donner le député de Joliette-Montcalm.

D'autre part, dans un avant-projet, j'avais suggéré aux parties syndicales la réponse gouvernementale dans les 30 jours qui suivent le dépôt des demandes syndicales. La réaction syndicale a été: Ecoutez, on préférerait que le gouvernement prenne 45 ou 60 jours. Au moins, on aura l'impression que ce n'est pas une réponse toute faite d'avance, s'il y a deux mois qui s'écoulent entre le moment du dépôt des offres et le moment du dépôt des demandes. On pourra présumer qu'il y a une réaction vraiment au contenu.

Je pense que ce n'est pas faux comme approche. Je pense qu'on a raison. Si le gouvernement, ou les institutions, ou les réseaux des fédérations déposent les offres après deux mois, on peut présumer que ce dépôt fait suite à une analyse et à une volonté de répondre de façon relativement précise. C'est la notion des offres globales.

Le député de Joliette-Montcalm a soulevé le fait que la CEQ, a déjà fait une grève à l'époque où elle était négociatrice syndicale. L'objet de la grève était l'absence de dépôt d'offres globales du gouvernement. Dans la loi, on dit: Le gouvernement devra en 60 jours répondre à ces offres.

M. Forget: M. le Président...

M. Johnson: Pour cette raison, je considère que l'article est bien rédigé.

Le Président (M. Laplante): M. le député...

M. Brochu: M. le Président, une question sur le même sujet au ministre. Qu'est-ce qui arrive si le gouvernement ne dépose pas ses offres ou que le syndicat dépasse le délai pour faire ses demandes?

M. Johnson: D'abord, cela n'invalide en aucune façon les offres. Cela m'apparaît manifeste, et on a fait le tour de la question avec les juristes. Cela n'invalide pas les contenus par définition. Encore une fois, la sanction, c'est $500. Je présume que ce n'est pas beaucoup pour le gouvernement. Ce n'est pas beaucoup non plus pour les centrales. La sanction, c'est une sanction de non-respect public. Tout le monde va être à l'affût de cela. Quand on va être dans le calendrier de négociations, j'ai l'impression qu'il va y avoir une surveillance des media de ce qui se passe. On pourra constater que le gouvernement a retardé à répondre, par exemple.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, la question des délais, à savoir s'il y a des pénalités, ce n'est pas cela qui m'inquiète surtout. On pourrait le dire dans une loi, on pourrait le dire dans un discours, mais il reste que cela a à peu près le même effet. C'est un voeu que les choses se fassent dans des délais raisonnables, et tant mieux si cela fonctionne. Si cela ne fonctionne pas, on verra. C'est à peu près tout ce qu'on peut dire sur la question des délais.

Ce qui m'inquiète, c'est le genre de raisonnement que, pour une part, le député de Sainte-Marie a fait relativement à notre projet ou notre suggestion d'amendement. J'ai cru comprendre qu'il avait justifié sa position, la position de son parti là-dessus, en disant: II faut que les parties puissent, dans le fond, se donner de la corde pour la négociation, si elles pensent qu'elles sont devant des demandes où elles vont faire des compromis; il faut qu'elles se donnent des possibilités de négocier en retour des concessions, etc.

Ce genre de raisonnement était de type stratégique, c'est-à-dire que les parties, sachant quelle est la nature des demandes ou des offres, peu importe, de la proposition de l'autre partie à la table des négociations, font un peu la part du feu dans leur propre position et prétendent vouloir obtenir des avantages dont ils vont faire le sacrifice apparent à la table des négociations, alors qu'elles n'ont pas vraiment l'intention de pousser très loin dans ces directions.

Ce genre de raisonnement stratégique est plausible. Je pense que c'est effectivement ce à quoi on assiste dans les grandes négociations. Cependant, le problème qui se pose, ce n'est pas de savoir si les négociations se déroulent ou pas comme cela, à mon avis. Il faut se poser la question: Est-ce qu'on doit, dans une certaine mesure, dans l'intérêt de tout le monde et de l'intérêt public, encourager ou faire défaut de décourager un comportement stratégique de cette nature? Est-ce qu'il ne serait pas souhaitable que les parties le plus rapidement possible définissent une position globale et que le contexte dans lequel elles la formulent les oblige à le faire de la façon la plus réaliste possible? Malgré tout, il ne faut pas oublier l'importance du rôle du conseil d'information. Dans la mesure où il peut être effectif, il faut quand même lui donner des chances de mordre sur quelque chose

Est-ce qu'un conseil d'information qui, justement, verrait le dépôt simultané d'une proposition globale de nouvelle convention collective émanant de la partie syndicale et d'une proposition globale d'une convention collective nouvelle émanant de la partie patronale n'aurait pas déjà un champ d'application fort prometteur pour justement dire:

Voici! Vous avez deux parties qui amorcent des négociations. Bien sûr, au départ, elles doivent se ménager des demandes qu'elles ne s'attendent pas, en leur for intérieur, de voir réaliser. Donc, il y a une partie d'exagération.

Mais les deux parties exagèrent de la même façon ou ont des raisons d'exagérer de la même façon, mais, en fait, les deux parties n'exagéreront pas nécessairement aux mêmes endroits et de la même façon. Est-ce que cela n'aiderait pas, est-ce que ce ne serait pas une pression de l'opinion publique, fort intéressante, que de créer justement un contexte psychologique, si on veut, où chacune des parties, ne sachant pas ce que l'autre va demander ou proposer, peu importe, ne connaissant pas la position de l'autre partie, se sent une obligation d'être la plus raisonnable et la plus réaliste possible? Ce que ça permettait de produire, si vous me permettez, ce sont des positions qui, au lieu d'être le plus éloignées possible au départ, seraient peut-être le plus rapprochées possible au départ. Si, évidemment, on négocie à partir de positions qui au départ sont rapprochées, il y a des chances que ça dure moins longtemps et que ce soit moins difficile que de partir des antipodes.

Il me semble que la simultanéité des projets globaux de règlement placerait les parties devant une pression de ne pas faire les fous, parce que si on fait les fous, la commission de surveillance ou d'information va s'en apercevoir et on va avoir l'air des fous. Si on a l'air des fous en commençant notre négociation, on a une côte à remonter auprès de l'opinion publique et auprès de tout le monde.

Pour ma part, c'est l'avantage que je vois dans un dépôt simultané. Quand le dépôt n'est pas simultané, évidemment, on se donne la corde. On se dit: On ne sait pas de quel bord l'autre partie va réagir. L'autre partie va peut-être tomber sur quelque chose qui va prendre dans l'opinion publique. Il va falloir faire des concessions. Si on fait des concessions, on va les "bargainer ", on va les compenser par d'autres concessions au moins apparentes qu'on va faire. Alors, on en met plus large qu'il faut. On en met plus fort qu'il faut pour se prémunir contre des manoeuvres subséquentes ou des positions subséquentes, des offres subséquentes ou des demandes subséquentes, selon les parties. Il me semble qu'on aurait intérêt à limiter cette stratégie, parce que les gens en ont un petit peu marre dans la population de voir, dans les services publics au moins, les parties patronales et syndicales avec tout leur appareil d'experts, de conseillers et de juristes, etc., se faire une guerre de stratégie.

Je comprends qu'il faut un peu de stratégie

dans une négociation, sinon, c'est l'affrontement ou c'est l'impasse. Je comprends ça, mais c'est une question de mesure. Si on part trop loin, si on laisse les parties s'enferrer dans des positions initiales qui sont trop distantes les unes des autres, c'est pénible et c'est long. Il me semble que la simultanéité aiderait à faire le pont entre les deux.

Mme Lavoie-Roux: J'aimerais simplement ajouter un point que je voudrais signaler au député de Joliette-Montcalm, un peu dans le même sens que le député de Saint-Laurent. Dans l'expérience qu'on a vécue quand la partie syndicale dépose d'abord ses offres et qu'elle doit aller très loin, je ne suis pas sûre qu'on n'a pas désavantagé la partie syndicale d'une certaine façon. Moi, je me souviens de la dernière négociation... Ce que je vais vous donner, ce n'est absolument rien de précis, mais on demandait, par exemple, 20 000 professeurs de plus; ils voulaient travailler neuf heures par semaine et là, il y avait une opinion — j'exagère, M. le député de Sainte-Marie — mais c'est pour vous dire comment, dans la population, ces demandes extravagantes qu'ils posaient au départ étaient évaluées pendant quinze jours, trois semaines, un mois, au moins, par la population en disant: Ils charrient, les syndicats!

On les met peut-être dans cette position où il faut, parce qu'ils sont les premiers à déposer leurs demandes, faire montre de beaucoup d'exagération. Je ne suis pas sûre que, finalement, déjà, au départ, on ne les pénalise pas un peu en créant dans la population ce sentiment d'exagération très grand de la part des syndicats. Si on procédait peut-être davantage selon la formule du député de Saint-Laurent, ils seraient moins portés à faire ça et ne se trouveraient dans une position qui m'apparaît très défavorable au départ, du point de vue de l'opinion publique. (23 h 30)

M. Johnson: M. le Président, je pense que j'ai expliqué ma conception... Je vais demander l'article 99h...?

M. Forget: On va présenter formellement la motion parce que c'est un point qui a une certaine importance "for the record" comme on dit dans l'autre langue non officielle. "Que le sous-paragraphe 3 du paragraphe 99h de l'article 4 soit modifié en remplaçant dans les sixième et septième lignes, les mots "dans les soixante jours qui suivent la réception de ces propositions" par les mots "au plus tard le cent cinquantième jour précédant la date d'expiration d'une convention collective ou de ce qui en tient lieu". C'est une façon de dire simultanément, et je ne le ferai pas, mais j'avertis la commission qu'il ne nous a pas échappé qu'il faudrait faire un autre amendement correspondant au paragraphe 5, que nous ne ferons pas, parce que de toute manière, nous voulons nous inscrire pour le principe et amener la commission parlementaire à se prononcer sur le principe de cet amendement.

Le Président (M. Laplante): L'amendement du député de Saint-Laurent...

M. Johnson: Rejetée, M. le Président, pour les raisons que j'ai exposées.

M. Forget: Est-ce qu'on peut demander un vote enregistré?

Le Président (M. Laplante): Oui, vote enregistré sur l'amendement du député de Saint-Laurent. M. Brochu (Richmond)?

M. Brochu: Pour.

Le Président (M. Laplante): Pour. M. Bisaillon

(Sainte-Marie)?

M. Bisaillon: Contre.

Le Président (M. Laplante): M. Chevrette (Joliette-Montcalm)?

M. Chevrette: Contre.

Le Président (M. Laplante): M. Forget (Saint-Laurent)?

M. Forget: Pour.

Le Président (M. Laplante): M. Gravel (Limoilou)?

M. Gravel: Contre, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. Johnson (Anjou)?

M. Johnson: Contre.

Le Président (M. Laplante): M. Lavigne (Beauharnois)?

M. Lavigne: Contre.

Le Président (M. Laplante): Mme Lavoie-Roux (L'Acadie)?

Mme Lavoie-Roux: Pour.

Le Président (M. Laplante): M. Pagé (Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud), M. Vaillancourt (Jonquière). Cinq contre; trois pour. La motion est rejetée.

J'appelle l'article 99h; adopté?

M. Forget: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Tel qu'amendé. L'article 99i.

M. Johnson: A l'article 99i, M. le Président, j'ai un amendement qui consiste essentiellement, après le mot "personnes" à ajouter "de l'Association des

conseils des médecins et dentistes du Québec Inc.".

Je suis sûr que les députés de Saint-Laurent et de Richmond reconnaîtront là les suites de la commission, de l'audition des parties. En fait, l'Association des conseils des médecins et dentistes du Québec Inc., est une association à but non lucratif qui regroupe depuis, si je ne m'abuse, à peu près trente ans, les médecins membres des conseils de médecins et dentistes qui, à l'époque, s'appelaient les comités médicaux, les conseils médicaux avant la loi 65 et qui depuis, portent le nom de médecins et dentistes en vertu de la loi 65. Il s'agit, en fait, de dire à 99i, que le juge en chef les consulte au même titre qu'il consulte la Commission des droits de la personne quant au choix des membres du comité sur les services essentiels.

D'autre part, par trois fois, on voit l'expression "le conflit de travail", il faut lire, pour le français, me dit-on, "le conflit du travail", malgré l'expression qui m'apparaissait consacrée de dire "conflit de travail ", apparemment, il faut dire un "conflit du travail". Il s'agirait de remplacer le mot "de" par "du" devant le mot "travail" à la deuxième ligne, à la sixième ligne du premier paragraphe de l'article 99i, ainsi qu'à la quatrième ligne du sous-paragraphe 3 de l'article 99i.

M. Forget: M. le Président, nous avons un amendement à présenter. Je vais en faire la lecture immédiatement: "Que le sous-paragraphe 2 du paragraphe 99i de l'article 4 soit modifié en remplaçant, dans les troisième et quatrième lignes, les mots "et d'autres personnes ou organismes" par les mots "de l'Association des conseils de médecins et dentistes du Québec — cela a été rédigé préalablement à l'amendement du ministre — de la Corporation professionnelle des médecins du Québec, de la Corporation professionnelle des infirmiers et infirmières du Québec, des centrales syndicales impliquées et du Comité provincial des malades". Etant donné qu'il s'agit de groupes qui ont manifesté de bien des façons leur intérêt au problème; dans le cas des centrales syndicales, cela va de soi, je pense, les nominations étant faites par la partie patronale, c'est un minimum que de consulter la partie syndicale. Le Comité provincial des malades a mérité par son activité dans tous les domaines, sa préoccupation aux problèmes, la rédaction d'un mémoire sur les relations de travail dans le secteur des hôpitaux, d'être formellement consulté dans la désignation de ces personnes, membres du conseil sur le maintien des services de santé et des services sociaux.

M. Johnson: M. le Président, d'abord, on n'a pas eu une perception trop différente l'un de l'autre quant à l'Association des médecins et dentistes. La raison pour laquelle je l'incluais, c'est que l'association a des membres qui sont vraiment impliqués dans le milieu hospitalier au niveau local, puisqu'elle regroupe les conseils des médecins et dentistes de chacun des hôpitaux. C'est à ce titre-là que je considérais qu'il fallait la consulter par opposition à consulter, par exemple, la Corporation des médecins du Québec, l'ancien collège. La Commission des droits de la personne "s'est déjà cantée" dans le projet et, dans la mesure où cet organisme a une crédibilité certaine, on a pu le constater à plusieurs reprises et n'est pas soumise au gouvernement en aucune façon dans son travail, on considérait qu'il valait la peine de procéder à de telles consultations.

Le désavantage que je vois à inclure d'autres organismes, bien que le Comité provincial des malades m'apparaisse intéressant, on l'a évoqué d'ailleurs, on y pensait... Je m'attendais qu'il y ait un amendement à cet effet, dans le cas du comité provincial des malades, et je l'accepterais.

Quant à la notion d'inclure deux corporations professionnelles et les centrales syndicales, c'est une des avenues qui nous étaient ouvertes. Si on suivait ce que nous dit le rapport Martin, cela pourrait impliquer, dans le contexte où lui le voyait, que ce groupement-là, formé à partir de listes fournies, non seulement devrait être consulté, mais que ces organismes fourniraient une liste au juge en chef du Tribunal du travail qui devrait choisir à même ces listes. Il donne également un rôle de médiation et même un rôle de recommandation de suspension du droit de grève qui nous apparaît assez périlleux. On entretenait de sérieux doutes quant à la consultation, quant aux résultats que cela donnerait avec les centrales syndicales.

Pour des raisons analogues, je suis quand même hésitant, à moins vraiment que les discours, fussent-ils très brefs, de tous les membres de la commission me convainquent du contraire... Est-ce qu'on ne met pas le juge en chef dans une situation telle qu'il serait amené dans la formation du comité à y inclure, pas nécessairement plus de techniciens au sens de médecins, je ne m'attends pas que ce soit nécessairement cela... mais il sera peut-être amené à ignoré plus facilement, à cause des candidatures qu'on lui soumet, les gens émanant des centrales syndicales. A ce moment-là, on pourrait voir le groupe attaqué quant à sa crédibilité. On dirait: Vous voyez, nous avons soumis deux noms et on ne les a pas choisis. Peut-être que les deux personnes qui auraient été présentées pour un tas de raisons, compte tenu des qualités qu'on exigera d'elles, ne seraient pas aptes, dans le jugement du juge en chef, à servir de membres participants au comité d'information. Il faut se rappeler que ceux qui pourraient faire partie pourraient l'être à titre permanent. A ce titre-là, les centrales syndicales, particulièrement la FTQ, ont souligné au gouvernement qu'elles considéraient qu'un tel comité, étant une espèce de Protecteur du citoyen ou une espèce de grand frère regardant la qualité des soins au Québec, devrait être créé.

A cela, le ministre des Affaires sociales a répondu qu'il voyait ça d'un oeil plus sympathique qu'autrement et que, concrètement, on s'est même penché sur la possibilité de légiférer dans ce sens, à l'occasion de ce projet de loi, en se rendant compte cependant que ça présentait des difficultés considérables à cause des CRSSS, à

cause de la Loi des services de santé et des services sociaux et qu'en termes de temps, c'était peut-être un peu difficile de mettre sur pied un organisme permanent de ce type.

Il n'est pas impossible qu'éventuellement, cet organisme devienne permanent ou que le gouvernement décide, après cette expérience, d'en créer un en amendant la loi des établissements de santé et de services sociaux.

Si son mandat est un mandat essentiellement de surveillance de la qualité des soins, je pense qu'il faudrait l'envisager comme permanent. Quant au type de personnes qui y seront, c'est là que je voie la difficulté. Si on consulte tant d'organismes plutôt que deux ou trois, on s'attend qu'il y ait là un mélange de connaissances de ce que ça représente, des services essentiels, et le député de Saint-Laurent, à l'époque où il était ministre des Affaires sociales, avait eu recours à la liste annotée des arbitres dont plusieurs avaient fait des arbitrages dans le secteur de la santé, ce qui n'a pas été sans poser de difficultés, on le sait.

Deuxièmement, on s'attend cependant qu'il y ait là-dedans des gens qui puissent joindre les deux caractéristiques et qui savent ce que représente un rapport de forces, même si ça paraît un peu odieux quand on parle de services essentiels. Mais la réalité est là. Si on pense exprimer une opinion ou faire des évaluations sur les services essentiels, ça se fait dans un contexte bien spécial qui est celui d'un rapport de forces, à un moment culminant qui est une crise, et qui se manifeste par la nécessité d'apprécier et de voir comment se déroulent les choses, dans un contexte où il n'y a que la prestation des services essentiels et non pas des activités normales.

Quant aux connaissances techniques en matière de santé, c'est-à-dire des postes, des catégories de services, du déroulement, du taux d'occupation, etc., ce sont là des éléments de connaissance qui seront également utiles au comité, de la même façon que sa capacité de rendre publique, de communiquer des choses, une capacité, finalement, d'organisation, en ce sens qu'il y aura des sous-comités régionaux ou locaux, l'objectif étant de dédramatiser l'ensemble de la question des services essentiels, de rassurer la population là où elle peut être rassurée et de l'informer sur des questions comme l'accès aux services de santé.

Dans les circonstances, je pense qu'il est possibe... Je préférerais retenir le comité provincial des malades et celui que j'avais déjà amené, l'Association des conseils de médecins et dentistes, en plus de la Commission des droits de la personne, et éviter de mettre le juge en chef dans la situation délicate où il pourrait accuser, parce qu'il considère que telle personne qu'on lui a référé... Cela ne l'empêche pas de le faire, mais ça ne le met pas dans un carcan où il pourrait être accusé d'avoir refusé une personne à la suite d'une consultation qu'on l'a obligé à faire.

M. Forget: Est-ce que je pourrais poser une question au ministre? Est-ce que les remarques qu'il a faites relativement à la position des syndicats et à leur préférence évidente pour un organisme permanent impliquent, selon lui, que les centrales syndicales, si elles étaient consultées dans le contexte prévu par la loi 59, pourraient se récuser et que le ministre, dans une certaine mesure, craint que ceci soit de mauvais augure pour le succès de la commission?

M. Johnson: Pas vraiment, mais c est seulement pour éviter la situation très précise où le juge en chef, à la suite de la soumission de trois ou quatre noms provenant des centrales syndicales et de la soumission d'autres noms d'autres organismes qu'il aurait consultés, ceux mentionnés dans la loi et d'autres, possiblement, serait dans une situation où il refuserait ces trois ou quatre noms, n'intégrerait aucune de ces personnes à un comité, pour des raisons qui n'ont peut-être rien à faire avec ça.

A ce moment-là, je trouverais dommage qu'on s'en prenne à la crédibilité d'un organisme comme celui-là. D'autre part, comme on sait que le juge en chef du Tribunal du travail connaît très bien le milieu, on peut présumer qu'il a la capacité de consulter, comme la capacité de choisir de ne pas consulter s'il le désire. Mais, chose certaine, je voudrais lui éviter une situation délicate comme celle-là, pour la crédibilité de l'organisme. (23 h 45)

M. Forget: M. le Président, la crédibilité de l'organisme va certainement reposer sur sa composition et le gouvernement a fait un choix en mettant de côté — et c'est ce que j'ai dit dans mes remarques d'introduction — comme base de légitimité, en quelque sorte, de l'intervention du conseil, l'expertise de relations de travail qu'on retrouve par exemple chez les arbitres communément agréés par les parties, en mettant de côté I expertise de relations de travail, pour trouver un principe de légitimité pour le fonctionnement de ce comité, qui soit différent. A ce moment-là, s'il est différent, ce n'est pas suffisant de dire qu'il est différent, mais il faut qu'il soit basé sur un autre principe, que ce soit palpable, que ce soit connu, sur quoi il est basé.

Il me semblait qu'en faisant ces suggestions de recommandations, on allait chercher un autre principe de légitimité, c'est-à-dire un effort de donner une voie au chapitre, à tous les groupes qui, professionnellement ou autrement, ont énoncé et possèdent, c'est bien connu, des opinions sur la question. Autrement dit, au lieu d'avoir une expertise de relations de travail, on a une espèce d'approche plus consensuelle sur la définition, dans la mesure où on peut trouver des consensus là-dessus. Mais enfin, l'effort est fait dans ce sens-là.

Donc, pour qu'une approche soit consensuelle et pour qu'elle soit perçue comme étant consensuelle, il faut justement aller chercher chez les gens chez qui le consensus est nécessaire des suggestions pour former le conseil. Dans le fond, on a eu dans le passé — l'histoire le montre — des vociférations émanant des malades, bien sûr. Le

comité des malades les a exprimées. On en a eu de la part des médecins, on en a eu de la part des infirmières, dans une certaine mesure. Ils se sont certainement penchés sur le problème, avec un résultat assez ambigu, mais il reste qu'il y a eu une préoccupation de ce côté-là. Pour les autres groupes, cela va de soi également.

Il me semble que ce serait là démontrer quel est le principe de légitimité. Ce conseil va avoir une responsabilité sociale immense. Si on met de côté l'expertise des relations de travail, je n'ai pas d'objection. On semble avoir fait une expérience que l'on juge concluante, alors que j'aurais exprimé d'autres points de vue là-dessus. Je pense que c'est une expérience. On aurait pu maintenir les arbitres en encadrant cela dans un processus un peu différent.

On a rejeté cela, d'accord. C'est l'option du gouvernement. Mais il faut maintenant que vous basiez, à mon avis, la légitimité d'intervention sur autre chose que la loi. Il faut que les gens disent: C'est ce conseil où tous ceux qui sont impliqués délèguent dans le fond le meilleur d'eux-mêmes, ceux qui croient, qui, tout en leur appartenant, sont capables de s'élever au-dessus des préoccupations du médecin en tant que médecin, qui ne veut rien savoir d'autres des syndicats, des fatigants, etc. et que les infirmières fassent la même chose, que la Commission des droits de la personne fasse la même chose, que les syndicats fassent la même chose aussi et qu'ils se disent: Ecoutez, on va essayer d'envoyer des gens raisonnables qui vont essayer d'en arriver à une entente entre eux, sur les règles du jeu.

C'est, dans le fond, reprendre la notion de l'entente, mais pas sur des services individuels à être fournis par des établissements particuliers. C'est reprendre la notion d'une entente, au moins sur les critères généraux de détermination des services essentiels, et des jugements à porter dans ces situations concrètes.

Il me semble que c'est cela que le gouvernement veut faire. Je ne voudrais pas placer des paroles dans la bouche du ministre. Il dit que oui, il pourra le faire, mais sans être obligé. Mais ce qui est important, dans ce cas-là, n'est-ce pas seulement que le président du Tribunal du travail le fasse, mais que ce soit visible qu'il ait fait cet effort de consensus? Je pose la question. L'avenir dira si c'est important ou pas. Mais il me semble que cela l'est. Il me semble que cela a des grandes chances de devenir un débat. Où est-ce qu'il a pigé ces noms? Est-ce que cela lui a été suggéré par le gouvernement? Est-ce que c'est le ministre du Travail qui lui a fait des suggestions? Je ne veux pas faire de caricature. Ce serait probablement injuste, même très certainement injuste. Je veux même donner tout le bénéfice du doute qu'on laissera le président du Tribunal du travail entièrement libre.

La question qui se pose à ce moment-là, s'il est trop libre, le président du Tribunal du travail, est-ce que ce n'est pas lui donner une responsabilité politique inappropriée pour le président d'un tribunal?

Le choix des personnes, c'est important.

M. Johnson: D'accord. Je comprends, parce que le raisonnement vaut dans un sens comme il vaut dans l'autre. On s'est tenu effectivement le même type de raisonnement que le député de Saint-Laurent en se disant que dans une approche consensuelle, ce serait peut-être idéal. Le problème, c'est que c'est l'avenir qui nous le dira, comme l'a dit le député de Saint-Laurent. Je me dis que si cela se déroulait bien, si cela se déroulait fort bien lors de la prochaine négociation, s'il devait y avoir grève, si la question des services essentiels était une expérience, finalement, qui enrichissait toute notre collectivité, compte tenu des traumatismes qu'on a subis depuis dix ans dans ce domaine, je pense qu'on pourrait peut-être penser qu'il y a l'amorce effective d'un consensus suffisant pour que la notion de confrontation qui peut exister en cours de route dans un conflit ne prenne pas le pas sur l'objectif de fond derrière ce comité qui est d'être là pour les fins d'informer le public. Ce n'est pas destiné aux parties, c'est destiné au public. Cela n'empêchera pas, dans certains cas, que de l'information biaisée, fausse ou exagérée de part et d'autre dans les centres hospitaliers, de la part des syndicats, comme de la part de certaines administrations hospitalières, se fasse, mais l'idée c'est de...

Finalement, au niveau de ce choix, plus on allonge la liste, plus on rend des personnes insatisfaites, puisqu'elle aurait tendance à être perçue comme étant restrictive. Je préférerais qu'on la laisse en dehors, justement, des parties.

Le Président (M. Laplante): L'amendement du député de Saint-Laurent est-il adopté?

M. Forget: Rejeté sur division.

M. Johnson: Rejeté, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Rejeté sur division.

M. Johnson: Rejeté, M. le Président. J'ajouterais à la liste, après les mots, dans le texte de mon amendement que vous avez, "de l'Association des conseils des médecins et dentistes du Québec Inc.," les mots "et du Comité provincial des malades".

Une Voix: Pas de "et".

M. Johnson: Je m'excuse, "du Comité provincial des malades.", avec un C majuscule pour le comité. M. le Président, l'article 99i est-il adopté?

Le Président (M. Laplante): Article 99i, adopté.

Une Voix: Adopté.

Le Président (M. Laplante): Article 99j.

M. Johnson: Article 99j, M. le Président, vous avez le texte de l'amendement qui est distribué en ce moment.

Mme Lavoie-Roux: Je ne pense pas qu'on ait répondu qu'on avait accepté ou pas.

M. Johnson: Je vous demande pardon.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais proposer un sous-amendement. Je m'explique.

Le Président (M. Laplante): Cela devient un amendement.

M. Johnson: Un amendement, enfin. Une Voix: Peu importe.

Mme Lavoie-Roux: Peu importe. Je voudrais proposer un amendement dans le sens que soit inclue la Corporation professionnelle des infirmiers et infirmières du Québec. Je m'explique. Je comprends mal que quand même... Je pense que le ministre du Travail qui a eu au moins une certaine expérience dans les hôpitaux sait fort bien le rôle extrêmement important que jouent les infirmiers et les infirmières qui, souvent...

Le Président (M. Laplante): Mme le député de L'Acadie, je vous dis tout de suite que je ne pourrai pas la juger recevable, parce que cet organisme était contenu dans l'amendement du député de Saint-Laurent. Il vient d'être battu. On ne peut pas y revenir suivant le règlement.

M. Forget: Sur le point de règlement, M. le Président, on a ajouté un amendement comportant le Comité provincial des malades et tout de suite après, le ministre...

Mme Lavoie-Roux: C'était inclus dedans.

M. Forget:... a présenté un amendement pour l'inclure.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Forget: II me semble qu'on aurait pu fort bien apporter l'argument que le ministre n'avait pas le droit d'introduire un amendement...

Mme Lavoie-Roux: Oui, puisque c'était contenu dedans.

M. Forget: ... pour le Comité provincial des malades, puisque cela avait déjà été rejeté précédemment.

Le Président (M. Laplante): Ce n'est pas dans ce sens. Si vous avez suivi le débat, le ministre, dans son explication sur l'amendement du député de Saint-Laurent, a exprimé l'avis qu'il pourrait retenir seulement le Comité provincial des malades. Cela a été accepté à l'unanimité que cela puisse être inclus, après avoir battu votre motion.

Mme Lavoie-Roux: ... l'unanimité à ce moment-là...

M. Forget: On n'a pas débattu la recevabilité, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: Bien non.

M. Forget: Cela c'était au niveau de I exposé des motifs, mais l'exposé des motifs n'a rien à voir avec la recevabilité d'une motion. Techniquement, nous aurions fort bien pu plaider la non-recevabilité de l'amendement du ministre, parce qu'il avait été, quels qu'en soient les motifs, rejeté par le vote précédent. On ne veut pas faire de procédure. On n'en a pas fait. Je ne veux pas dire que je vais commencer. On ne le fait pas. Je trouve que le député de L'Acadie qui n'a pas abusé de son droit de parole pose au ministre la question: Puisque vous avez fait une exception pour le Comité provincial des malades, pourquoi ne pas faire une autre exception pour les infirmiers et infirmières, parce que contrairement aux médecins...

M. Johnson: ... je pourrais peut-être au fond, M. le Président...

M. Forget: C'est parce que contrairement aux médecins...

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent, je voudrais que vous compreniez quelque chose de très clair. C'est très clair dans mon esprit. Si le député de L'Acadie ne fait pas de motion, je n'ai pas de recevabilité à juger. Si, à ce moment, elle fait une motion d'amendement, je suis obligé, par ce qu'il a annoncé auparavant, de la juger irrecevable, suivant les règlements, mais si c'est une demande de coopération que le député adresse au ministre, s'il y a possibilité de...

M. Johnson: Je suis prêt, pour les fins d'accommoder l'Opposition, à discuter et à dire la raison pour laquelle je voterais contre son amendement s'il était présenté et jugé recevable.

Mme Lavoie-Roux: II pourrait quand même donner... Là, on ne veut pas que je fasse d'amendement. On veut bien que j'en discute. Au cas où mon amendement serait jugé irrecevable, je ne vous dis pas que je ne ferai pas la motion. Vous pourrez juger une seconde fois qu'elle est irrecevable, mais je vais vous faire l'argumentation avant. C'est quand même mon droit le plus strict. Personne n'abuse de cela ici. Ce que j'avais commencé à dire, c'est que dans le fonctionnement d'un hôpital, et particulièrement, dans un hôpital qui traverse un état de crise, très souvent, ceux qui en temps normal, auprès des patients — ce sont quand même les patients qui nous préoccupent dans cette question des services essentiels — ou même en période régulière rendent le plus de services ou sont le plus souvent auprès des patients, sont vraiment les infirmiers et infirmières, et à plus forte raison, quand un état de crise survient, ce sont encore eux qui peuvent donner une évaluation au moins aussi rationnelle et aussi logique que les médecins peuvent en donner

parce qu'ils sont des services essentiels et tout cela. C'est dans ce sens que je pense... Je vais faire la motion, à ce moment, compte tenu que vous avez déjà accepté une motion de la part du ministre, qui avait été...

M. Johnson: M. le Président, je pense que le consentement des deux parties est suffisant. J'accepte que l'amendement soit présenté, si vous n'avez pas d'objection.

Le Président (M. Laplante): Si tous les membres de cette commission sont d'accord.

M. Johnson: C'est cela. D'accord?

Mme Lavoie-Roux: Si vous voulez me répondre, je n'ai pas d'autre chose à ajouter.

M. Johnson: D'accord. Ma réponse à cela, en fait, en plus des motifs que j'ai exposés pour l'ensemble des autres, du nombre, etc., c'est qu'il y a de nombreuses corporations professionnelles dans le domaine de la santé. Il y en a, si je ne m'abuse, au-delà d'une dizaine. Pourquoi les infirmiers et non pas la Corporation des techniciens, par exemple, en radiologie? Pourquoi les infirmières et pas la Corporation des techniciens de laboratoire? Il y a un ensemble comme celui-là. Pour les mêmes raisons que j'ai exposées quant à la nécessité de circonscrire cette liste, tout en reconnaissant que les infirmières ont un rôle majeur dans ce domaine, je vais être obligé de rejeter la proposition d'amendement du député de L'Acadie.

Une Voix: L'amendement est rejeté, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: Une minute! Je comprends... M. Johnson: Excusez-moi!

Mme Lavoie-Roux: ... que vous êtes pressé, mais de toute façon, il vous reste deux minutes. Alors, vous ne pourrez toucher à rien d'autre. Je veux quand même protester contre le rejet qu'on fait de cet amendement qui me semblait, compte tenu que déjà on l'a amendé pour mettre le comité des malades, qu'on pouvait tout aussi bien y joindre les infirmières et comparer le rôle qu'ont les infirmières à l'intérieur des institutions hospitalières à celui des techniciens, non que je veuille nier le rôle essentiel des techniciens en radiologie ou du département d'hématologie, et ainsi de suite. Il reste que, néanmoins, le soin direct aux malades 24 heures par jour est assumé par les infirmières ou les infirmiers, et qu'à ce titre, ils remplissent auprès des malades une fonc- tion — là-dessus, je ne voudrais pas porter de jugement de valeur, parce que tout cela est très difficile — au moins aussi importante que les médecins qui, eux, d'office vont être consultés dans le projet de loi. Je comprends que le ministre va maintenir sa décision de rejeter cet amendement, mais je le considère très important, et une question de réalisme et de respect du rôle qui est joué par les infirmières à l'intérieur de nos institutions hospitalières.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que l'article 99i à l'amendement de Mme le député de L'Acadie est adopté?

Des Voix: Rejeté.

M. Johnson: Article 99i?

Le Président (M. Laplante): Article 99i, adopté?

M. Johnson: Adopté, M. le Président. A l'article 99j, M. le Président, j'ai fait distribuer le texte de l'amendement. Il comprend deux notions. La première, c'est l'obligation qui est faite aux parties de négocier. Cela fait suite aux demandes exprimées en commission parlementaire du côté syndical en particulier. Je pense qu'ils ont bien démontré leur position.

La deuxième notion veut introduire une notion de nombre de salariés par catégorie de services, par opposition à comment maintenir les services essentiels. La troisième notion, c'est une notion du libre accès, dans laquelle nous disons...

Le Président (M. Laplante): Sur l'appel de l'article 99j...

M. Forget: 99i ...

M. Johnson: ... j); i) est adopté.

Le Président (M. Laplante): Le paragraphe i) est adopté.

M. Johnson: ... est adopté.

M. Forget: Ecoutez, M. le Président! Cela va un peu vite. On a un amendement à 99i.

Mme Lavoie-Roux: On n'a même pas répondu.

Le Président (M. Laplante): Bon! On va ajourner nos travaux sine die et on reprendra à l'article 99i.

(Fin de la séance à 0 h 2)

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