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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le mercredi 21 juin 1978 - Vol. 20 N° 149

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 59 - Loi modifiant le Code du travail


Journal des débats

 

Étude du projet de loi no 59

(Douze heures sept minutes)

Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous plaît!

Reprise des travaux de la commission du travail et de la main-d'oeuvre pour l'étude article par article du projet de loi no 59, Loi modifiant le Code du travail.

Sont membres de cette commission: M. Belle-mare (Johnson) remplacé par M. Brochu (Richmond); M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gravel (Limoilou), M. Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois); M. Pagé (Portneuf) est-il remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie)?

M. le député de Saint-Laurent, avez-vous un remplaçant pour M. Pagé (Portneuf)?

M. Forget: Non, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. Roy (Beauce-Sud), M. Vaillancourt (Jonquière).

Les intervenants sont: M. Blank (Saint-Louis), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Jolivet (Laviolette), M. Laplante (Bourassa), M. Lefebvre (Viau), M. Paquette (Rosemont), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson (Rouyn-Noranda).

Lorsque nous avions terminé notre soirée, hier, nous étions rendus à l'article 99i et le député de Saint-Laurent avait la parole.

Dispositions particulières aux secteurs public et parapublic (suite)

M. Forget: Oui, M. le Président, ce sera bref, mais c'est pour insister à nouveau; à la faveur de la réflexion nocturne, le ministre a peut-être des développements nouveaux à nous annoncer. J'aimerais insister à nouveau pour qu'il reconsidère la possibilité d'inclure parmi les organismes qui devraient être consultés la Corporation des infirmières et infirmiers du Québec. Il y a une raison qui a été mentionnée par le député de L'Acadie hier, c'est l'importance de ce groupe pour le fonctionnement des services de santé. Un autre argument est tiré de la présence de médecins dans l'article de loi, puisqu'on va consulter l'Association des conseils de médecins et dentistes. On sait, quand on connaît le milieu hospitalier et les groupes visés, qu'il y a toujours un certain équilibre à respecter entre les médecins et les infirmières dans le milieu hospitalier; si un groupe est consulté, il serait peut-être approprié que l'autre le soit.

Je pense que les infirmières sont très sensibles au fait qu'elles assument la continuité des soins auprès des malades, qu'elles sont les premières visées par des difficultés de ce côté, qu'elles sont impliquées, de toute façon, sur le plan syndical, dans des problèmes et que leur corporation professionnelle peut prendre, par rap- port au syndicat, une optique un peu plus large, un peu plus détachée des considérations professionnelles ou matérielles. Il semblerait que ce serait un beau geste pour le ministre de reconnaître la corporation professionnelle parmi les organismes dont la consultation serait nécessaire. Je n'insisterai pas davantage, M. le Président. Je pense que le ministre a très bien compris. J'espère seulement que sa compréhension va dépasser le niveau purement intellectuel et avoir un prolongement, j'hésite à dire affectif, mais qu'il va au moins, sur le plan de ses décisions, manifester sa compréhension d'une situation particulière dans les hôpitaux, le maintien de la qualité et de la continuité des services des infirmières.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre.

M. Johnson: M. le Président, on a déjà parlé assez longuement de ce sujet hier, même si cela s'est fait à une heure tardive. Il faut bien se rappeler que le mandat du Conseil sur les services essentiels n'est pas un mandat de voir à l'élaboration des mécanismes ou la détermination des services essentiels, mais bel et bien d'être susceptible d'apprécier l'état de la situation en matière de services essentiels et d'en informer la population par le truchement des journaux ou autrement.

Dans les circonstances, nous avons considéré que la Commission des droits de la personne devait être consultée de même que l'Association des conseils des médecins et dentistes, pour la raison que le Conseil des médecins et dentistes est l'organisme qui, en vertu de la loi 65, est responsable de la qualité des soins dans l'hôpital. Et, pour cette raison, cette association, qui existe depuis de nombreuses années, est susceptible de conseiller adéquatement le juge en chef du tribunal quant au choix d'une ou des personnes à ce conseil.

Quand on soulève la question de l'Ordre des infirmières, je suis très conscient de leur rôle majeur, même essentiel et, dans certains cas, supérieur à celui que peuvent jouer des médecins, dans la mesure où elles assurent une continuité et une présence qui est constante auprès des malades.

Malgré tout ceci, il existe aussi des infirmières auxiliaires et des infirmiers auxiliaires qui ont également un rôle très important, qui sont également constitués en corporation. Il existe également des techniciens et des ergothérapeutes dans certains services, si on pense à la psychiatrie, par exemple, et qui sont également des gens constitués en corporation. Il faut tenir compte du nombre, ce qui n'empêche pas que le juge en chef puisse procéder à d'autres consultations, entre autres avec l'Office des professions. La justification d'y inclure, comme mécanisme de consultation imposé par la loi, l'Association des conseils des médecins et dentistes vient du fait que c'est un corps structuré à l'intérieur de l'hôpital et qui a des obligations et des responsabilités précises.

Pour ces raisons, je pense que, si nous devions inclure l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, on n'aurait pas de raison de ne pas y inclure également de nombreuses autres corporations. L'allongement de la liste poserait le problème que j'ai soulevé hier, celui de la difficulté ou de la situation délicate dans laquelle on pourrait mettre le juge en chef du Tribunal du travail dans ses choix.

Le Président (M. Laplante): Adopté?

M. Forget: Je vois que le ministre choisit de noyer l'argument, pour ne pas dire noyer le poisson, M. le Président.

J'aimerais présenter, à ce moment-ci, avant que nous passions à un autre article, un autre amendement qui, je pense, est acceptable, puisqu'il est de la même forme qu'un autre amendement qui a déjà été accepté relativement au conseil d'information. Il s'agit ici du dépôt de la recommandation du juge en chef, de l'avis du juge en chef au moment de la dissolution du conseil.

M. Johnson: Oui.

M. Forget: II y a un amendement qui vous a été remis, je pense. Je n'ai pas d'objection à y faire les mêmes corrections que dans les quinze jours, sans préciser davantage.

M. Johnson: Si vous voulez en faire lecture avec les corrections, et je le ferai mien, pour les fins du journal des Débats.

M. Forget: D'accord. 'Que le sous-paragraphe 5 du paragraphe 99i de l'article 4 soit modifié en ajoutant, dans la deuxième ligne, après le mot tribunal ", les mots 'le ministre doit déposer à l'Assemblée nationale, dans les quinze jours de la décision du lieutenant-gouverneur en conseil, lavis du juge en chef du tribunal et l'arrêté en conseil décrétant la dissolution dudit conseil. Si l'Assemblée nationale ne siège pas, ce dépôt a lieu dans les quinze jours de la reprise de ses travaux'.

Le sous-paragraphe amendé se lirait comme suit: "Le conseil est dissous par le lieutenant-gouverneur en conseil après avoir pris avis du juge en chef du tribunal. Le ministre doit déposer à I'Assemblée nationale, dans les quinze jours de la décision du lieutenant-gouverneur en conseil, l'avis du juge en chef du tribunal et l'arrêté en conseil décrétant la dissolution dudit conseil. Si l'Assemblée nationale ne siège pas, ce dépôt a lieu dans les quinze jours de la reprise de ses travaux ". (12 h 15)

M. Johnson: Je fais mien l'amendement, M. le Président.

M. Brochu: Entièrement d'accord en ce qui nous concerne également.

Le Président (M. Laplante): Dans le papillon que vous nous avez remis, les mots "des Affaires sociales" sont biffés, de même que le mot "trois" pour le remplacer par "quinze", aux deux endroits.

M. Johnson: C'est cela.

M. Forget: C'est cela. Ce sont les seuls amendements.

M. Johnson: Adopté, M. le Président?

Le Président (M. Laplante): Le sous-paragraphe i du cinquième paragraphe est-il adopté?

M. Brochu: Adopté. M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laplante): Le paragraphe 99i dans son entier est-il adopté?

M. Forget: Adopté.

M. Johnson: Adopté. 99j.

Le Président (M. Laplante): 99j.

M. Johnson: À l'article 99j, M. le Président, le texte d'amendement a été distribué hier soir. Il s'agit d'introduire, avec une reformulation du texte, trois éléments nouveaux. D'abord, la notion de l'obligation pour les parties de négocier le protocole et d'en faire vraiment une obligation pour ne pas faire face à un syndicat, à un employeur ou à une direction d'hôpital qui ne voudrait pas négocier et attendre simplement que l'avis syndical soit envoyé.

Deuxièmement, une référence quant à la notion de services essentiels et à la facture de l'entente ou de l'avis où on se réfère, cette fois-ci, au nombre de salariés par catégorie de services et non pas à la notion de maintenir les services et aux moyens de les maintenir, ce qui, en fait, était peut-être trop vaste, trop complexe. La tradition et la pratique dans le milieu veulent qu'en fait ce soit habituellement sous forme de nombre de salariés par catégorie, ce qui n'enlève aucunement le droit à l'hôpital, dans le cadre d'une crise, d'exercer son droit de gérance, comme elle l'exerce en temps normal, dans l'affectation de ces personnes.

Le troisième élément nouveau, c'est une notion de libre accès que nous relions à l'entente ou à la liste syndicale, où il devient impératif que cette entente ou cette liste prévoie le libre accès d'un bénéficiaire, tel qu'il est défini au paragraphe p) de l'article 1 de la Loi sur les services de santé et services sociaux, 1971, chapitre 48, à cet établissement.

Je pense qu'il faut faire une obligation aux parties et aux syndicats, dans le cas où il s'agit d'une liste seulement, du respect. À toutes fins pratiques, c'est équivaloir à dire qu'une ligne de piquetage, dans le secteur hospitalier, ne doit pas empêcher celui qui est un bénéficiaire au sens de la loi, c'est-à-dire celui qui pense qu'il a besoin de soins, d'avoir accès à ces soins.

M. Brochu: M. le Président, sur l'article 99j.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Richmond.

M. Brochu: Je suis bien content de l'acceptation du ministre d'introduire dans la loi le libre accès d'un bénéficiaire. Cela répond au voeu qui avait été exprimé par le Collège des médecins et cela répond aussi à la réalité et à un principe dans lequel, en ce qui nous concerne, on croit énormément. Je suis content de retrouver cela ici, dans l'amendement du ministre.

J'aurais une question à poser au ministre. Dans le premier paragraphe de son amendement, à l'article 99j, il dit, et je cite: "Les parties doivent négocier le nombre de salariés par catégorie de services à maintenir en cas de conflit de travail." Je ne vois pas ici le mot "essentiels". Je sais que beaucoup de nos discussions ont porté sur le point crucial des services essentiels. Pourquoi, dans l'amendement, ne pas inclure cette notion de services essentiels et de ne pas mettre le mot "essentiels" après le mot "services "?

M. Johnson: Je ferai remarquer au député de Richmond que, jamais, dans le projet de loi 59, on n'a vu le mot "essentiels" et que, depuis le début, on a toujours parlé des services à maintenir en cas de...

Finalement, la notion de services essentiels — et je ne veux pas qu'on refasse tout le débat philosophique autour de cela — qu'est-ce qui fait que lorsqu'un hôpital fonctionne à capacité, il y a 100% du personnel qui y est normalement et qu'on accepte, pendant une certaine période de temps, qu'il n'y ait qu'une fraction de ce pourcentage qui y soit? Est-ce que cela veut dire que tout le reste n'est pas essentiel? Je ne le sais pas. C'est bien difficile à définir et cela dépend des circonstances.

Ce qu'on dit cependant, c'est que, dans le cadre d'un exercice du droit de grève dans un hôpital, nous considérons qu'il y a des services à maintenir, qu'il appartiendra finalement de savoir si les services maintenus mettent en danger ou pas la santé publique. Cela aussi est extrêmement subjectif comme appréciation.

Nous disons que, dans le fond, il y a quelque chose d'un peu faux dans la notion de services essentiels en temps de grève. Ce ne sont pas des services essentiels. Ce sont des services. Ils ne sont peut-être pas essentiels, ils sont peut être loin d'être suffisants pour être essentiels, mais il faut qu'il y ait des services, il faut que les parties s'entendent sur ces services dispensés à la population. À ce titre, c'est une notion à laquelle on ne s'est jamais référé dans le projet de loi 59.

M. Brochu: Cela fait quand même un peu curieux. Dans toutes les discussions qu'on a eues, il était bien clair qu'il s'agissait de services essentiels. Je comprends que la définition des services essentiels n'est peut-être pas claire. C'est d'ailleurs pour cela qu'il va devoir y avoir des ententes entre les parties en cours de route.

Mais je me posais des questions à savoir pourquoi on ne l'incluait pas. Je comprends que cela n'apparaît nulle part dans la loi. Mais ce qui est curieux, c'est qu'elle n'apparaît nulle part dans une loi aussi importante que celle-là, alors que l'ensemble des discussions, sur ce projet de loi, concerne les services dits essentiels.

M. Johnson: Mais je pense que c'est impossible de définir ce qu'est un service essentiel sur le plan juridique. Je pense que ce serait une aberration que d'essayer de définir ce que sont les services essentiels, sur le plan juridique. Ce serait dangereux, car on ne peut pas prévoir toutes les situations.

Deuxièmement, je pense qu'il ne faut pas non plus, leurrer la population. Il ne faut pas se faire d'illusion. Quand un hôpital fonctionne à rendement d'abord avec un taux d'occupation réduit et, deuxièmement, avec un personnel réduit sur ce taux, ou un personnel réduit sur un taux maximal, je ne suis pas sûr qu'il faille dire à la population que ce sont des services essentiels. Il y a des services qui sont donnés par le réseau. La notion d'"essentiels" demeure difficile à circonscrire et je pense qu'elle est impossible à circonscrire sur le plan juridique. En ce sens-là, c'est un peu faux. On a obligé, dans le passé, les juges à se faire une idée sur ce qu'étaient les services essentiels. Ils trouvent cela, en général, assez embarrassant.

M. Brochu: Je le voyais surtout comme une incitation dans le projet de loi, si cela avait été indiqué comme tel, envers les parties. Et cette notion de services essentiels, je comprends que, pour le public, cela peut être une notion très générale, mais ce qu'il voit là-dedans, ce sont des services importants à maintenir, la notion dans son ensemble.

J'aurais une autre question à poser au ministre, M. le Président. Dans le même premier paragraphe de l'article 99j, tel que l'amendement nous en est proposé par le ministre, on parle de négocier le nombre de salariés par catégorie de services, mais est-ce qu'on a pensé au nombre de postes à maintenir...

M. Johnson: Non.

M. Brochu: ... parce que c'est rattaché à la question des services essentiels, lorsqu'on parle en termes de postes à combler?

M. Johnson: Des salariés pour une catégorie de services, cela peut être équivalent à des postes. Cela dépend. Dans le fond, c'est une notion administrative. Ce n'est pas une notion juridique que la notion de poste. À moins que le député de Richmond ait une solution à me proposer qui soit plus adéquate que celle qu'on a trouvée, ce qu'on a essayé de circonscrire, c'est de dire que cette entente, en prenant l'expérience des endroits où il y a eu conclusion d'ententes, où la liste syndicale, le cas échéant, comprenne, à toutes fins utiles, l'identification d'un nombre de personnes par type d'occupation dans l'hôpital. C'est quand même

assez différent de ce qu'il y avait dans le texte, à l'origine.

On parlait de la façon de maintenir des services, ce qui, à toutes fins pratiques, aurait pu vouloir dire que le syndicat, dans une liste unilatérale, peut décider qu'il ferme le troisième A, mais qu'il met plus de monde au quatrième B. Je ne suis pas sûr qu'il appartienne au syndicat de faire cela. Je pense qu'il appartient à l'hôpital de le faire. Ce que l'hôpital veut avoir entre les mains, c'est le nombre de salariés, le nombre d'infirmières, le nombre de techniciens en radiologie, le nombre de personnes pour les soins intensifs.

D'une part, il y a par métier, par catégorie ou par spécialisation, d'autre part, il y a par service, au sens de ce qu'est un service dans un hôpital, l'unité coronarienne, la salle d'opération, le bloc d'accouchement, etc.

En ce sens-là, ce qu'on essaie de circonscrire ici, c'est une notion qui amène les parties ou le syndicat, de façon unilatérale, à définir qu'il y aura tant de personnes disponibles dans chacune des occupations nécessaires.

M. Brochu: Est-ce à dire que le ministre aurait mis de côté la suggestion qui avait été faite par les médecins et dentistes de participer à l'établissement et au maintien des services essentiels, mais au niveau de l'établissement comme tel?

M. Johnson: Non; en fait, je n'ai pas mis cela de côté, dans la mesure où je présume qu'un directeur d'hôpital, quand il négocie la liste des services essentiels, fait appel au directeur du département, il fait appel au président du Conseil des médecins et dentistes. C'est comme cela que cela fonctionne, parce que lui, n'est pas plus apte à déterminer cela que n'importe qui d'autre qui n'est pas médecin.

Deuxièmement, je n'ai pas compris que l'Association des conseils de médecins et dentistes voulait être partie à ce protocole, sauf qu'elle aurait peut-être accepté d'être la seule à définir ce que sont les services essentiels. Je pense qu'il y a une nuance de taille.

M. Brochu: Cela va, M. le Président.

M. Forget: M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: II y a un certain nombre de remarques. C'est un article important. Je pense que la nouvelle formulation, dans une certaine mesure, est peut-être une amélioration. Il y a, malgré tout, beaucoup d'interprétation qui va se faire autour du libellé du premier alinéa. J'écoutais l'échange entre le député de Richmond et le député d'Anjou, le ministre du Travail, et je n'ai pas l'impression, quand on compare la formulation qu'il y avait dans la loi 253 et la nouvelle formulation, de même que la formulation originale du projet de loi 59, que l'on s'entend vraiment clairement et sans ambiguïté sur ce qu'on veut.

Le ministre, dans sa réponse — et je vais partir de son affirmation, puisque je crois qu'il a énoncé son intention par la réponse qu'il vient de donner au député de Richmond — nous dit: Voici. Le syndicat va fournir un certain nombre d'employés ou de salariés par catégorie professionnelle, un certain nombre d'infirmières, un certain nombre de techniciens en radiologie, un certain nombre de préposés à l'entretien ménager, etc.

Je pense que cela est un objectif qui est valable, auquel je souscrirais et auquel certainement, d'après ce qu'ils ont dit, les administrateurs hospitaliers souscriraient aussi.

Cependant, quand on a posé la question aux syndiqués, ils ont exprimé une préférence pour une autre interprétation, une interprétation où non seulement ils précisaient le nombre d'infirmières, par exemple — c'est un exemple spécifique qui leur a été posé — ils s'entendaient sur un nombre global d'infirmières, mais sur un nombre d'infirmières par unités de soins; par exemple, tant d'infirmières au quatrième étage, tant d'infirmières au cinquième, etc., et ceci de façon assez contraignante pour les administrateurs.

Je pense que c'est un point qui doit être clarifié parce que cela peut, dans une situation de conflit, être l'objet d'une contestation.

Il y a deux façons de voir les choses. Examinons de plus près le texte. D'abord, on dit: Les parties doivent négocier le nombre de salariés par catégories de services à maintenir en cas de conflit de travail. On s'entend sur un nombre de personnes et on élimine — et cela est important — par rapport à la rédaction de la loi 253, la notion de postes.

Je vais faire la lecture de la loi 253 à ce sujet et je pense qu'on va comprendre ce que je veux dire là-dessus.

M. Johnson: 7, dernier paragraphe?

M. Forget: C'est cela. Un accord ou une décision — 7, dernier paragraphe — porte notamment sur le nombre minimum de postes d'emplois qui doivent être occupés efficacement par les employés réguliers — tous les mots ont une importance, je pense — pour fournir les services essentiels, etc. Entre parenthèses, je laisse complètement de côté la question de savoir si on définit les services à maintenir ou des services essentiels. Quant à moi, c'est bonnet blanc, blanc bonnet et je laisse aux linguistes le soin de faire des différences entre les deux.

Mais il y a la notion de postes. Attachons-nous un peu à cela. La notion de postes a une signification administrative importante. Elle est décrite abondamment dans les conventions collectives. On pourrait prétendre que, si l'entente ou la liste prépondérante du syndicat désigne des postes qui seront comblés, c'est avec toutes les qualifications et les restrictions qu'implique la notion de postes, y compris la description de la charge de travail habituelle, les lignes de démarcation entre des postes connexes, en quelque sorte. (12 h 30)

Ceci veut dire que le syndicat pourrait dire: D'accord, nous vous fournissons des gens pour faire un certain service minimal, mais, dans la

prestation de ces services minimaux, il faudra respecter la désignation des postes, l'affectation des tâches qui est implicitement contenue dans la description du poste.

Si, au contraire, on fournit une liste de salariés pour donner les services minimaux, la partie patronale, au moment d'une grève, pourra dire: Écoutez! La notion de postes qui était dans la loi 253 a été éliminée. Comme elle a été éliminée, les gens que vous nous fournissez ne peuvent pas objecter la description du poste, de la tâche. Et comme il y a plus de travail, bien sûr, et il y a moins de monde pour le faire, laissez-nous la paix avec les restrictions sur les postes. Il faut que tout le monde fasse le plus possible, étant donné les contraintes qu'on a.

Cela pourrait être une position défendable et qui serait même explicable par le contexte. À ceci, je pense que les syndicats vont réagir ou risquent de réagir et de créer un différend sur l'interprétation de la loi. Je pense que ce serait peut-être utile qu'on clarifie cette question.

Il y a l'autre terme dans la définition suggérée, qui est l'expression "services à maintenir". Là, c'est une expression qui est vague. Je pourrais même dire que le mot "services" n'a même pas de définition administrative sûre. Si l'on se réfère au manuel administratif, par exemple, du ministère des Affaires sociales, le mot "services " n'est pratiquement jamais employé, même dans la convention collective; je ne suis pas sûr qu'on pourrait lui trouver une définition claire et non ambiguë.

Ce que nous avons sur le plan administratif, ce sont des départements. Nous avons également, dans un sens budgétaire et aussi administratif, des unités qui sont différentes, bien sûr, de "services". Nous avons des centres d'activités. Or, on ne parle pas de centres d'activités ici. On emploie un mot qui est "services ", qui peut vouloir dire bien des choses.

Dans la définition ou l'effort de définition qu'a fait le ministre, pour lui, "services", ça voulait dire, par exemple, l'ensemble des soins infirmiers dans les unités de soins — c'est ce que j'ai cru comprendre — l'ensemble des services diagnostiques, radiologie, par exemple, et laboratoire, l'ensemble des services représentés par la suite opératoire, la centrale de distribution. Cela, dans une certaine mesure, recoupe un certain nombre d'unités administratives. Mais, au point de vue des unités de soins, je ne suis pas du tout certain que les syndicats tomberaient d'accord avec le ministre qu'un service, ça désigne l'ensemble des soins infirmiers dans les unités de soins.

Je pense que, selon la définition improvisée que nous a faite le front commun la semaine dernière, ce serait chacune des unités de soins qui serait considérée comme un service.

À ce moment-là, on se heurte à l'objection que formulaient les administrateurs d'hôpitaux. Si chacune des unités de soins est un service, si la liste prépondérante du syndicat porte là-dessus, il n'y a plus aucune discrétion administrative, pour l'administrateur d'hôpital, de regrouper les malades, par exemple, et d'utiliser le personnel en nombre restreint pour s'occuper de ces malades regroupés. On lui fournira des postes et ces gens-là n'auront rien à faire, parce qu'on aura vidé ces unités de soins en question et, à d'autres étages, on aura regroupé les malades. Là, il y aura une infirmière pour 40 malades avec, évidemment, les conséquences qu'on peut imaginer.

M. le Président, je n'ai pas d'amendement là-dessus. Nous avions essayé d'en préparer un, qui était directement inspiré de la loi 253. J'en ai refait la lecture ce matin et je ne suis pas persuadé que ça constitue une réponse absolue. Mais, malgré tout, je pense que, si j'avais à exprimer une préférence, j'aimerais mieux une formulation qui reprend celle qui se trouve déjà dans les textes, parce qu'on y retrouve, au moins, la notion de postes, on retrouve la notion de services dans son ambiguïté — les services essentiels — et, à mon avis, ce n'est pas entièrement satisfaisant, ça non plus.

On y retrouve cependant — et là c'est la troisième notion ambiguë qui mériterait d'être précisée — la notion d'employés réguliers. Or, quand nous l'avions inscrit dans la loi, nous l'avions fait en connaissance de cause, sachant très bien qu'on voudrait faire porter les négociations, les ententes sur les services essentiels sur la contribution des cadres. Nous avons eu d'ailleurs, en commission parlementaire, un certain débat là-dessus, à savoir dans quelle mesure le syndicat, dans sa liste prépondérante, doit faire de la place pour une contribution exceptionnelle des cadres au fonctionnement routinier de certains services.

Quand on utilise l'expression "salariés", il est évident qu'on vise les cadres aussi, parce que les cadres sont des salariés.

M. Johnson: Pas au sens du code.

M. Forget: Pas au sens du Code du travail.

M. Johnson: Pas au sens du Code du travail. C'est ça, la distinction.

M. Forget: Ah! Cela peut être différent dans ce sens-ci.

M. Johnson: ... la réponse, en fait...

M. Forget: Là-dessus, il y a une distinction claire, donc, dans le Code du travail. En effet, je le reconnais, parce que c'est intégré maintenant dans le Code du travail. Mais, sur les deux autres notions, la notion de poste et la notion de service, je me demande s'il ne serait pas opportun d'avoir des définitions, à ce moment-là, dans le Code du travail, parce que j'ai l'impression que ce sont deux notions qui vont être mises à rude épreuve d'ici un an.

M. Johnson: M. le Président, la notion de poste est elle-même source d'ambiguïté et on l'évite ici, puisqu'on parle de salariés par catégorie de services et je reviendrai à la notion de service tout à l'heure.

La notion de poste peut revêtir d'abord une notion physique, matérielle, j'entends. Le poste, c'est cet endroit physique où sont installés les infirmières du 4e-A avec la console téléphonique, les boutons pour les chambres, etc. Dans un hôpital, on peut dire qu'il y a le poste au 4e-A. On veut éviter la notion de poste, entre autres, à cause de ce type d'interprétation qui peut être donnée, c'est-à-dire le nombre de postes, très bien. Il y a 28 kiosques dans l'hôpital, on en remplit huit. Donc, c'est clair, je pense, que ce n'est pas comme ça qu'on le voit. C'est un des problèmes avec la notion de poste.

La deuxième notion ambiguë qu'il y avait dans "poste", c'est qu'on veut aussi entendre, sur le plan administratif dans un hôpital ou dans le vocabulaire courant des salariés du secteur de la santé, qu'un poste, c'est être infirmière auxiliaire dans le service des soins post-opératoires, ou, enfin, des soins préopératoires, pour qu'il n'y ait pas de confusion sur le mot "poste ", alors, dans le service des soins préopératoires. Cela, c'est un poste, infirmière auxiliaire à l'aide du préopératoire. Mais, par contre, il y a quand même 24 heures dans une journée. On présume qu'en général les gens ne travaillent pas 24 heures par jour. Est-ce que ça prend trois personnes pour remplir ce poste, c'est-à-dire les trois équipes de huit heures? Là aussi, c'est source d'ambiguïté. Est-ce que le nombre total de postes évoque finalement le nombre total de personnes physiques qui vont être impliquées ou est-ce que ça implique le multiplicatif par trois dans le déroulement d'une journée? Cela aussi, c'était source d'ambiguïté.

D'autre part, se mettre à définir la notion de postes, je pense que ça devient un peu complexe. On a plutôt eu recours à la notion de catégorie de servies qui, également, pourra peut-être poser des problèmes d'ambiguïté de définition, mais, dans la mesure où. dans la notion de services, si on l'accouple à la notion de catégorie, on vise des corps d'emplois, si on veut, qui sont différents, d'une part, et, d'autre part, on vise des activités précises. Je pense qu'il faut faire référence aux deux. Par exemple, l'unité coronarienne, c'est un service, de la même façon que le bloc opératoire ou les salles d'accouchement. Cela, c'est un service. Par contre, être infirmière, c'est appartenir également à un corps d'emplois qui peut être considéré, si on parle de catégorie de services, comme étant visé par cette notion. Je pense que l'expression qu'on utilise est celle qui permet, d'une part, d'exiger que s'il s'agit d'une liste syndicale, s'il s'agit d'une entente en pratique, le problème est beaucoup moins compliqué, parce qu'on finit par s'entendre s'il y a une entente. On s'entend sur les notions. S'il n'y a pas d'entente dans la liste syndicale, il faut dire qu'il s'agit de viser un nombre de personnes salariés au sens du Code du travail, disponibles pour travailler dans différents corps d'emplois et à des endroits différents dans l'hôpital, sans dire que c'est à eux de spécifier quelles seront les affectations de ces personnes une fois quelles seront dans l'hôpital. Je pense, comme le disait si bien le député de Saint-Laurent tout à l'heure, que si par hasard à l'unité coronarienne il y avait six patients au moment de l'ouverture du droit de grève, et qu'il ne reste que trois patients parce qu'il y en a deux qui sont partis chez eux — ils étaient bien — ou qu'il ne reste plus de patients, ou qu'il n'en reste qu'un, car il y en a deux qui sont partis chez eux et il y en a deux qui sont décédés, il reste un patient à l'unité coronarienne, vous n'y avez pas besoin de trois infirmières.

Donc, ça donne en principe, quand même, la souplesse voulue pour utiliser les services de ces salariés aux fins, par exemple, d'une augmentation du taux d'occupation dans le poste opératoire où. parce qu'il y a eu de la chirurgie d'urgence, il y a plus de lits qui sont remplis soudainement.

Je suis d'accord avec le député de Saint-Laurent, à savoir que, finalement, il va demeurer des ambiguïtés, mais je pense qu'il risque d'y avoir moins d'ambiguïtés avec la notion de catégorie de services qu'avec la notion de postes.

M. Forget: J'accepte l'explication donnée, mais je me demande s'il ne serait pas plus clair d'avoir dit "catégorie d'emplois" et avoir indiqué en même temps que non seulement l'entente devait porter sur les catégories d'emplois, le nombre de salariés dans chaque catégorie d'emplois et les services qui doivent être fournis, parce qu'on utilise le même mot pour désigner deux choses.

On utilise le même mot, si je comprends bien, pour désigner les catégories d'emplois; je pense que c'est tout à fait ce qu'on doit viser, la désignation d'un certain nombre de personnes dans chaque catégorie d'emplois. Mais, en donnant des exemples sur des centres d'activités ou des départements, si l'on veut, ce qu'on appelle populairement, dans le milieu hospitalier, des services, on introduit aussi la possibilité que cela aille plus loin, au niveau de la détermination qu'on le souhaiterait.

Par exemple, je pense que chaque unité de soins constitue un service dans ce sens traditionnel, et on ouvre la porte à cette possibilité à ce moment-là. Si on avait fait la distinction, je me demande si on ne l'aurait pas évitée.

Deuxième interrogation, c'est vrai que, quand on dit "un poste", on peut se demander si c'est un poste 24 heures par jour ou quoi. Mais, évidemment, le nombre de salariés, c'est la même chose. Est-ce que c'est le nombre de salariés qui doit être maintenu en tout temps ou si c'est le nombre total de salariés qu'il faut, en quelque sorte, diviser par trois dans un certain nombre de cas pour obtenir le nombre de ceux qui sont là par périodes de huit heures? Un des buts de la notion de postes visait justement à dire: S'il doit y avoir une infirmière au quatrième étage, elle doit être là 24 heures par jour, pas nécessairement la même. Mais un poste d'infirmière au quatrième étage doit être comblé en permanence. Là, si on dit le nombre de salariés, on ne sait pas de quoi on parle exactement. Est-ce que c'est, disons, 24 infirmières, mais, comme elles ne font pas plus que huit heures, c'est effectivement huit infirmières à chaque moment, ou

si c'est 24 infirmières tout le temps? Cela mériterait d'être précisé.

M. Johnson: Alors, deux choses. D'abord, quant à la notion de catégorie d'emplois, même si je comprends très bien la préoccupation du député de Saint-Laurent, le problème que ça pose, c'est qu'une catégorie d'emplois c'est une notion beaucoup plus rigide qu'une catégorie de services. L'exemple que je pourrais donner, c'est un préposé à l'entretien ménager. Cela, c'est une catégorie d'emplois. Un préposé à l'acheminement des repas sur les étages, c'est une autre catégorie d'emplois. Mais l'un comme l'autre peuvent effectuer les tâches de l'un et l'autre. On peut être préposé à l'entretien ménager et s'occuper, par exemple, de pousser les ballots de draps qu'il faut envoyer à la buanderie, mais je pense qu'on peut également pousser sur un chariot à nourriture. Une notion de catégorie d'emplois, à ce sens-là, risquerait d'être un peu paralysante, et de ne pas donner...

M. Forget: Vous ne voulez pas de la notion de postes telle qu'ordinairement interprétée, à ces moments-là.

M. Johnson: Oui, d'une part. D'autre part, quant à la deuxième question qui était l'affaire de l'équipe, ou enfin, est-ce que c'est 24 heures ou non? En pratique, ce qu'on sait, mais également, en réalité, c'est que dans le cadre des services essentiels, en général, les salariés ne travaillent pas un temps d'équipe habituel. Ils travaillent plus que ça. C'est-à-dire qu'une personne physique va faire plus que ce qu'elle fait normalement en temps normal. (12 h 45)

Elle va faire plus de huit heures. Elle peut faire douze heures, dans certains cas, dix-huit heures. Souvent, parce que le syndicat a parfois de la difficulté pour une catégorie de services ou d'emplois bien déterminée à trouver des gens qui veulent y aller. Cependant, il s'engage effectivement à fournir les personnes. Donc, les gens peuvent travailler jusqu'à 18 heures par jour, dans certains cas. Je pense qu'il faut permettre à cette souplesse, en temps de crise, de s'exercer.

Dans la liste cependant, compte tenu d'une autre notion, qui est la variation dans l'hôpital des activités selon qu'on a affaire à une activité diurne ou nocturne, même en cas de crise, je pense qu'il ne faut pas non plus se barrer les pieds là. Il est très clair qu'en général, sauf exception, par exemple, dans les soins postopératoires ou dans les salles d'accouchement, où c'est manifestement différent, en général, l'activité la nuit, au niveau des soins infirmiers, exige moins de personnel que le jour parce que les gens dorment. Ils ne sortent pas pour aller faire des examens en chaise roulante, etc. Ils n'ont pas de traitements particuliers qui leur sont donnés au lit, des biopsies ou des choses comme celle-là. Donc, en général, ça exige moins de soins infirmiers la nuit.

Encore une fois, si on se fixe dans la notion de "quarts", comme on est en cas de crise, il est possible que la nuit on ait autant besoin, dans le bloc postopératoire, de gens que le jour, parce que, justement, les patients qu'on a gardés, ce sont les patients qu'on ne peut vraiment pas sortir de l'hôpital et ça peut être des patients qui exigent des soins supérieurs. Je pense que c'est dangereux de fixer cette notion-là, parce qu'on ne permet pas la souplesse nécessaire pour l'assurer. D'autre part, le syndicat pourrait très bien répondre: Mais, écoutez! Quant à y être, dites-nous donc qu'il faut 100% des effectifs sur tel étage tout le temps et ce n'est pas vrai que ce sont des services essentiels, c'est l'ensemble des services. Il faut quand même permettre à cette souplesse de pouvoir s'exercer et ce jugement de pouvoir être fait par le responsable au niveau des cadres infirmiers dans la détermination des soins, ou le responsable au niveau de la direction médicale de l'hôpital.

M. Forget: Bon! Si on peut résumer, cette notion exclut dans les listes les cadres. Elle exclut une adhérence rigide en période de conflit à la notion de postes considérés comme catégories d'emplois ou description de tâches à laquelle il faut absolument adhérer sans exception. Cela est exclu. On anticipe ou on souhaite une plus grande souplesse. Au niveau des services qui sont offerts, on souhaite que l'administration hospitalière, avec cette définition, puisse faire un certain nombre de réaffectations en fonction des priorités et des urgences et qu'elle ne soit pas tenue, de façon absolument rigide, à une liste précise de personnes qui sont affectées à des tâches qu'elles font normalement dans tel ou tel service qu'on aurait choisi, par ailleurs, de fermer.

Je pense qu'avec ces trois implications de la part du ministre, si je le comprends bien, on est totalement d'accord. Les seules questions qui se posent, c'est qu'on espère également que le langage choisi pour le dire dans la loi va être compris de la même façon par tout le monde et, de toute manière, je pense que, de ce côté-là, c'est à l'expérience qu'on le verra. Je pense que c'est important que, dans le journal des Débats, ce genre de constat soit fait à ce moment-ci, parce qu'il risque qu'il y ait des gens qui le consultent et qui se disent: Qu'est-ce que le législateur a voulu dire à ce moment-là? Je pense que c'est assez clair, ce qu'on a voulu dire et que, si c'est appliqué loyalement par tout le monde, on pourrait probablement vivre avec ça.

M. Johnson: À une nuance près, cependant, c'est que je dirais que, même si la liste n'inclut pas les cadres, je présume que dans sa confection le syndicat tient compte de l'existence des cadres et que les cadres, comme tout le monde en période de crise, sont obligés de fournir un travail qui est anormal, dans le sens où il est plus élevé.

M. Forget: En tout cas, je pense que tout le monde comprend ça. L'essentiel, c'est qu'ils ne soient pas conscrits, en quelque sorte...

M. Johnson: D'accord.

M. Forget: ... mais je pense bien que cela a toujours été le cas, que les cadres ont fait plus que ce qu'ils ont l'habitude en réalité.

M. Johnson: C'est ça, en général.

Le Président (M. Laplante): Article 99j adopté tel qu'amendé?

M. Johnson: Adopté, M. le Président?

M. Forget: Non M. le Président, j'ai une autre préoccupation qui prend sa source dans le troisième paragraphe, la question de l'accessibilité. Je reconnais que, suite à une interrogation que j'ai posée au moment où des groupes sont venus devant la commission, ce problème de l'accessibilité a été mentionné par tout le monde et qu'on a voulu, par ce paragraphe, manifester qu'on était d'accord, en principe du moins, avec une accessibilité sans restriction aux établissements de santé et de services sociaux, même ou période de conflit de travail.

Cependant, le langage utilisé là aussi n'est peut-être pas suffisamment explicite. Ce que je veux dire, c'est que la référence qu'on fait à la Loi sur les services de santé et les services sociaux, ce n'est évidemment rien de neuf, c'est une référence. Cela n'amende ni ne qualifie d'aucune manière l'exercice de tous les droits et de toutes les procédures qui sont prévus, par ailleurs, par le projet de loi 59. Pour lui donner un sens véritable, il faut vraiment y ajouter les propos qu'a tenus le ministre du Travail tout à l'heure, lorsqu'il a expliqué le sens de ce paragraphe, c'est-à-dire faire explicitement allusion au seul comportement qui est en cause, dans le fond, dans ce paragraphe, mais qui, à défaut d'être mentionné explicitement, risque de continuer comme si de rien n'était. On dira: II y a deux lois, il y a le Code du travail qui permet le piquetage et les traditions dans le domaine des relations de travail qui permettent le piquetage, et rien ne vient conditionner ou circonstancier son exercice, et il y a la Loi sur les services de santé et les services sociaux qui dit que tout le monde a le droit d'avoir accès à des services.

Ces deux lois existent en parallèle et ne se contredisent pas nécessairement; dans le fond, on serait gros Jean comme devant, à mon avis, même avec le troisième paragraphe. C'est la raison qui m'amène à suggérer qu'on précise les choses de façon un peu plus serrée. À cet effet, je présenterais un amendement qui se lirait de la façon suivante: Que le troisième alinéa du paragraphe 99j de l'article 4 soit modifié en remplaçant, dans la première ligne, les mots "une entente ou une" par les mots "aucune entente ou"; en remplaçant, dans les première, deuxième et troisième lignes, les mots "doit notamment prévoir au libre accès d'un bénéficiaire tel que défini au paragraphe p de l'article 1" par les mots "ne peut limiter la portée de l'article 4", et en remplaçant, dans la cinquième ligne, les mots "à un établissement" par les mots "et notamment, de la part de l'association accréditée ou de ses membres par l'établissement d'une ligne de piquetage ayant pour but de filtrer les bénéficiaires ou d'intimider ceux-ci".

L'alinéa amendé se lirait comme suit: "Aucune entente ou liste ne peut limiter la portée de l'article 4 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, et notamment de la part de l'association accréditée ou de ses membres, par l'établissement d'une ligne de piquetage ayant pour but de filtrer les bénéficiaires ou d'intimider ceux-ci". Ce n'est pas mystérieux, personne ne croit que l'exercice du droit de grève de façon absolue et idéale limite le droit de qui que ce soit, mais ce sont, bien sûr, des comportements particuliers qui sont visés. Ce n'est pas l'exercice du droit de grève, ce n'est pas l'application générale du Code du travail, c'est un comportement qui, actuellement, n'a aucune espèce d'assise juridique, n'a aucune base juridique, qui reflète simplement une pratique traditionnelle qui a eu dans le passé, cependant, en pratique, l'effet de limiter l'accès.

Je ne suis pas du tout rassuré quand on dit: Le Code du travail n'empêche personne de jouir de ses droits en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. C'était vrai avant une prescription comme celle-là, puisque le Code du Travail, la Loi sur les services essentiels ou la Loi sur les négociations dans les secteurs public et parapublic n'ont jamais dit que dans le contexte d'un conflit de travail, il y avait une suspension temporaire du droit d'accès de tous les citoyens aux services de santé et services sociaux. Donc, ce n'est pas nouveau de dire explicitement ce qui était dit, ce qui était implicitement contenu dans les lois.

Ce qui serait nouveau et ce qui seul aurait des chances d'être efficace serait de dire qu'il y a certains comportements qui ne découlent pas nécessairement du Code du travail, puisque ces comportements ne sont pas prescrits par le Code du travail, ne sont pas régis par le Code du travail, d'aucune manière.

Certains comportements doivent être restreints, doivent être utilisés dans le domaine des services de santé et des services sociaux, avec une précaution infinie, de manière que non seulement ils n'aient pas pour effet de brimer les droits de quiconque, mais qu'ils n'aient même pas l'apparence de brimer les droits de quiconque par un filtrage de bénéficiaires, par même une démonstration de force numérique telle que cela a l'effet d'intimider les gens qui, d'abord, n'ont pas l'habitude de la confrontation, ne se sentent pas nécessairement la vocation de martyr pour démontrer que les droits de tout le monde sont respectés, n'ont pas du tout l'intention de s'attirer des coups, même si c'est une crainte purement imaginaire, pour avoir le privilège de se faire désigner comme les martyrs de la cause de la défense des droits des citoyens.

Il est donc approprié, à mon avis, de prévenir plutôt que de guérir et d'indiquer dans un langage

comme celui que nous suggérons, ou dans un langage analogue, que le piquetage doit être extrêmement discret dans les services de santé et les services sociaux. De toute manière, que le piquetage existe ou pas, dans le fond, dans la mesure où la grève a lieu, elle a son effet. Je pense qu'on a dépassé la période de la fin XIXe siècle ou du début du XXe siècle où on ne faisait pas confiance aux media d'information pour faire écho à l'existence de conflits de travail. Je pense qu'il s'agit d'être devant sa télévision, tous les soirs, pour se rendre compte qu'il y a des conflits de travail qui sont nombreux...

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez...

Le Président (M. Laplante): M. le ministre.

M. Forget: Est-ce qu'on soulève une question de règlement?

M. Johnson: Oui, en fait, si le député de Saint-Laurent me permet, il y a deux choses. D'abord, est-ce que je pourrais savoir...

M. Forget: Je vais vous permettre, si c'est une question de règlement, autrement, vous pourrez attendre à la fin.

M. Johnson: Ce serait effectivement une question de règlement, mais j'aurais besoin de savoir si le député de Saint-Laurent entend continuer jusqu'à ce qu'on siège cet après-midi ou s'il entend donner son consentement pour continuer l'étude article par article...

M. Forget: M. le Président, il ne m'appartient pas de répondre à cette question, puisque le leader du gouvernement a indiqué, par ses avis, que cette commission ne siégeait pas cet après-midi. Pour ce qui est de mon consentement, je dois rappeler qu'il y a une surabondance de législation ayant un impact sur les relations de travail, en particulier la loi 55, qui sera débattue à compter de 15 heures, cet après-midi, dans une autre commission parlementaire, celle des Finances.

M. Johnson: Si je parle de donner son consentement, c'est pour que nous excédions 13 heures pour continuer l'étude du projet, étant donné que l'entente entre les leaders était que, normalement, nous procédions à l'adoption article par article. D'abord, cela devait se terminer hier soir, mais je comprends que les sujets qu'on a touchés étaient tels qu'on ne le pouvait pas. Le gouvernement a déjà dit qu'il entendait faire adopter cette loi avant le 23 juin. Je me posais la question. Cela s'est fait d'ailleurs, hier soir, à la commission étudiant la loi 92. Les parties ont donné leur consentement pour que l'étude se poursuive au-delà de la période normale.

M. Forget: Je ne sais pas jusqu'à quel point cela pourrait aider. Il reste qu'on ne pourrait pas prolonger jusqu'à 15 heures et commencer une autre commission parlementaire à 15 heures. Votre humble serviteur n'est pas vraiment aussi...

M. Johnson: À ce moment-là, M. le Président, étant donné que le député de Saint-Laurent refuse son consentement, ce qui m'étonne un peu, je pensais que l'entente avec les leaders était claire, je soulèverai immédiatement la recevabilité de la motion, vu que la notion de ligne de piquetage est une notion qu'on ne retrouve pas dans notre Code du travail et que, deuxièmement, c'est une notion qui existe strictement au niveau du Code criminel canadien et qui n'est même pas de juridiction du gouvernement du Québec...

J'ai déjà souligné, au début, que nous introduisions cette notion du libre accès, je pense que c'est une modalité que précise le député de Saint-Laurent, mais il fait appel, malheureusement, à des notions qui, d'une part, ne sont pas présentes dans le projet de loi, et, deuxièmement, font partie de l'aire de juridiction d'un autre gouvernement.

M. Forget: M. le Président, sur la question de recevabilité, je m'étonne que le ministre du Travail du Québec tire argument du fait que seul le Code criminel mentionne les lignes de piquetage. Est-ce que cela veut dire que le ministre du Travail du Québec prétend qu'une législation éventuelle qui pourrait porter sur l'exercice du piquetage à l'occasion d'un conflit de travail devrait être le fait du seul gouvernement fédéral ou si cela n'appartient pas à l'Assemblée nationale du Québec, si bon lui semble, et si quelque ministre en prend l'initiative, de réglementer l'exercice du piquetage, comme cela se fait dans d'autres pays où cette question a été débattue et a été, dans certains cas, tranchée par les Parlements dans le cadre des relations de travail. (13 heures)

M. Johnson: M. le Président, il y a deux éléments. Il y a d'une part, le fait que la notion de piquetage relève du Code criminel, ce n'est pas souhaitable, mais c'est comme cela, et je pense qu'il serait infiniment imprudent pour une commission parlementaire de s'aventurer dans un domaine dont on n'est même pas certain des assises sur le plan constitutionnel.

Deuxièmement, il y a une autre question de fond qui se pose, quant à moi, sur la recevabilité, et c'est le fait que le député de Saint-Laurent voudrait voir introduire dans le Code du travail une forme de réglementation de la ligne de piquetage; or, cela ne fait en aucun temps et en aucun moment l'objet du projet de loi no 59.

M. Forget: Je reprends sur la recevabilité, mais je me rends compte qu'il est 13 heures et je propose l'ajournement sine die de nos travaux.

Le Président (M. Laplante): J'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 13 h 2)

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