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Étude du projet de loi no 59
(Douze heures sept minutes)
Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Reprise des travaux de la commission du travail et de la main-d'oeuvre
pour l'étude article par article du projet de loi no 59, Loi modifiant
le Code du travail.
Sont membres de cette commission: M. Belle-mare (Johnson)
remplacé par M. Brochu (Richmond); M. Bisaillon (Sainte-Marie), M.
Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gravel (Limoilou),
M. Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois); M. Pagé (Portneuf) est-il
remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie)?
M. le député de Saint-Laurent, avez-vous un
remplaçant pour M. Pagé (Portneuf)?
M. Forget: Non, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): M. Roy (Beauce-Sud), M.
Vaillancourt (Jonquière).
Les intervenants sont: M. Blank (Saint-Louis), M. Gosselin (Sherbrooke),
M. Jolivet (Laviolette), M. Laplante (Bourassa), M. Lefebvre (Viau), M.
Paquette (Rosemont), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson
(Rouyn-Noranda).
Lorsque nous avions terminé notre soirée, hier, nous
étions rendus à l'article 99i et le député de
Saint-Laurent avait la parole.
Dispositions particulières aux secteurs public
et parapublic (suite)
M. Forget: Oui, M. le Président, ce sera bref, mais c'est
pour insister à nouveau; à la faveur de la réflexion
nocturne, le ministre a peut-être des développements nouveaux
à nous annoncer. J'aimerais insister à nouveau pour qu'il
reconsidère la possibilité d'inclure parmi les organismes qui
devraient être consultés la Corporation des infirmières et
infirmiers du Québec. Il y a une raison qui a été
mentionnée par le député de L'Acadie hier, c'est
l'importance de ce groupe pour le fonctionnement des services de santé.
Un autre argument est tiré de la présence de médecins dans
l'article de loi, puisqu'on va consulter l'Association des conseils de
médecins et dentistes. On sait, quand on connaît le milieu
hospitalier et les groupes visés, qu'il y a toujours un certain
équilibre à respecter entre les médecins et les
infirmières dans le milieu hospitalier; si un groupe est
consulté, il serait peut-être approprié que l'autre le
soit.
Je pense que les infirmières sont très sensibles au fait
qu'elles assument la continuité des soins auprès des malades,
qu'elles sont les premières visées par des difficultés de
ce côté, qu'elles sont impliquées, de toute façon,
sur le plan syndical, dans des problèmes et que leur corporation
professionnelle peut prendre, par rap- port au syndicat, une optique un peu
plus large, un peu plus détachée des considérations
professionnelles ou matérielles. Il semblerait que ce serait un beau
geste pour le ministre de reconnaître la corporation professionnelle
parmi les organismes dont la consultation serait nécessaire. Je
n'insisterai pas davantage, M. le Président. Je pense que le ministre a
très bien compris. J'espère seulement que sa compréhension
va dépasser le niveau purement intellectuel et avoir un prolongement,
j'hésite à dire affectif, mais qu'il va au moins, sur le plan de
ses décisions, manifester sa compréhension d'une situation
particulière dans les hôpitaux, le maintien de la qualité
et de la continuité des services des infirmières.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre.
M. Johnson: M. le Président, on a déjà
parlé assez longuement de ce sujet hier, même si cela s'est fait
à une heure tardive. Il faut bien se rappeler que le mandat du Conseil
sur les services essentiels n'est pas un mandat de voir à
l'élaboration des mécanismes ou la détermination des
services essentiels, mais bel et bien d'être susceptible
d'apprécier l'état de la situation en matière de services
essentiels et d'en informer la population par le truchement des journaux ou
autrement.
Dans les circonstances, nous avons considéré que la
Commission des droits de la personne devait être consultée de
même que l'Association des conseils des médecins et dentistes,
pour la raison que le Conseil des médecins et dentistes est l'organisme
qui, en vertu de la loi 65, est responsable de la qualité des soins dans
l'hôpital. Et, pour cette raison, cette association, qui existe depuis de
nombreuses années, est susceptible de conseiller adéquatement le
juge en chef du tribunal quant au choix d'une ou des personnes à ce
conseil.
Quand on soulève la question de l'Ordre des infirmières,
je suis très conscient de leur rôle majeur, même essentiel
et, dans certains cas, supérieur à celui que peuvent jouer des
médecins, dans la mesure où elles assurent une continuité
et une présence qui est constante auprès des malades.
Malgré tout ceci, il existe aussi des infirmières
auxiliaires et des infirmiers auxiliaires qui ont également un
rôle très important, qui sont également constitués
en corporation. Il existe également des techniciens et des
ergothérapeutes dans certains services, si on pense à la
psychiatrie, par exemple, et qui sont également des gens
constitués en corporation. Il faut tenir compte du nombre, ce qui
n'empêche pas que le juge en chef puisse procéder à
d'autres consultations, entre autres avec l'Office des professions. La
justification d'y inclure, comme mécanisme de consultation imposé
par la loi, l'Association des conseils des médecins et dentistes vient
du fait que c'est un corps structuré à l'intérieur de
l'hôpital et qui a des obligations et des responsabilités
précises.
Pour ces raisons, je pense que, si nous devions inclure l'Ordre des
infirmières et infirmiers du Québec, on n'aurait pas de raison de
ne pas y inclure également de nombreuses autres corporations.
L'allongement de la liste poserait le problème que j'ai soulevé
hier, celui de la difficulté ou de la situation délicate dans
laquelle on pourrait mettre le juge en chef du Tribunal du travail dans ses
choix.
Le Président (M. Laplante): Adopté?
M. Forget: Je vois que le ministre choisit de noyer l'argument,
pour ne pas dire noyer le poisson, M. le Président.
J'aimerais présenter, à ce moment-ci, avant que nous
passions à un autre article, un autre amendement qui, je pense, est
acceptable, puisqu'il est de la même forme qu'un autre amendement qui a
déjà été accepté relativement au conseil
d'information. Il s'agit ici du dépôt de la recommandation du juge
en chef, de l'avis du juge en chef au moment de la dissolution du conseil.
M. Johnson: Oui.
M. Forget: II y a un amendement qui vous a été
remis, je pense. Je n'ai pas d'objection à y faire les mêmes
corrections que dans les quinze jours, sans préciser davantage.
M. Johnson: Si vous voulez en faire lecture avec les corrections,
et je le ferai mien, pour les fins du journal des Débats.
M. Forget: D'accord. 'Que le sous-paragraphe 5 du paragraphe 99i
de l'article 4 soit modifié en ajoutant, dans la deuxième ligne,
après le mot tribunal ", les mots 'le ministre doit déposer
à l'Assemblée nationale, dans les quinze jours de la
décision du lieutenant-gouverneur en conseil, lavis du juge en chef du
tribunal et l'arrêté en conseil décrétant la
dissolution dudit conseil. Si l'Assemblée nationale ne siège pas,
ce dépôt a lieu dans les quinze jours de la reprise de ses
travaux'.
Le sous-paragraphe amendé se lirait comme suit: "Le conseil est
dissous par le lieutenant-gouverneur en conseil après avoir pris avis du
juge en chef du tribunal. Le ministre doit déposer à
I'Assemblée nationale, dans les quinze jours de la décision du
lieutenant-gouverneur en conseil, l'avis du juge en chef du tribunal et
l'arrêté en conseil décrétant la dissolution dudit
conseil. Si l'Assemblée nationale ne siège pas, ce
dépôt a lieu dans les quinze jours de la reprise de ses travaux ".
(12 h 15)
M. Johnson: Je fais mien l'amendement, M. le
Président.
M. Brochu: Entièrement d'accord en ce qui nous concerne
également.
Le Président (M. Laplante): Dans le papillon que vous nous
avez remis, les mots "des Affaires sociales" sont biffés, de même
que le mot "trois" pour le remplacer par "quinze", aux deux endroits.
M. Johnson: C'est cela.
M. Forget: C'est cela. Ce sont les seuls amendements.
M. Johnson: Adopté, M. le Président?
Le Président (M. Laplante): Le sous-paragraphe i du
cinquième paragraphe est-il adopté?
M. Brochu: Adopté. M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laplante): Le paragraphe 99i dans son
entier est-il adopté?
M. Forget: Adopté.
M. Johnson: Adopté. 99j.
Le Président (M. Laplante): 99j.
M. Johnson: À l'article 99j, M. le Président, le
texte d'amendement a été distribué hier soir. Il s'agit
d'introduire, avec une reformulation du texte, trois éléments
nouveaux. D'abord, la notion de l'obligation pour les parties de
négocier le protocole et d'en faire vraiment une obligation pour ne pas
faire face à un syndicat, à un employeur ou à une
direction d'hôpital qui ne voudrait pas négocier et attendre
simplement que l'avis syndical soit envoyé.
Deuxièmement, une référence quant à la
notion de services essentiels et à la facture de l'entente ou de l'avis
où on se réfère, cette fois-ci, au nombre de
salariés par catégorie de services et non pas à la notion
de maintenir les services et aux moyens de les maintenir, ce qui, en fait,
était peut-être trop vaste, trop complexe. La tradition et la
pratique dans le milieu veulent qu'en fait ce soit habituellement sous forme de
nombre de salariés par catégorie, ce qui n'enlève
aucunement le droit à l'hôpital, dans le cadre d'une crise,
d'exercer son droit de gérance, comme elle l'exerce en temps normal,
dans l'affectation de ces personnes.
Le troisième élément nouveau, c'est une notion de
libre accès que nous relions à l'entente ou à la liste
syndicale, où il devient impératif que cette entente ou cette
liste prévoie le libre accès d'un bénéficiaire, tel
qu'il est défini au paragraphe p) de l'article 1 de la Loi sur les
services de santé et services sociaux, 1971, chapitre 48, à cet
établissement.
Je pense qu'il faut faire une obligation aux parties et aux syndicats,
dans le cas où il s'agit d'une liste seulement, du respect. À
toutes fins pratiques, c'est équivaloir à dire qu'une ligne de
piquetage, dans le secteur hospitalier, ne doit pas empêcher celui qui
est un bénéficiaire au sens de la loi, c'est-à-dire celui
qui pense qu'il a besoin de soins, d'avoir accès à ces soins.
M. Brochu: M. le Président, sur l'article 99j.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Richmond.
M. Brochu: Je suis bien content de l'acceptation du ministre
d'introduire dans la loi le libre accès d'un bénéficiaire.
Cela répond au voeu qui avait été exprimé par le
Collège des médecins et cela répond aussi à la
réalité et à un principe dans lequel, en ce qui nous
concerne, on croit énormément. Je suis content de retrouver cela
ici, dans l'amendement du ministre.
J'aurais une question à poser au ministre. Dans le premier
paragraphe de son amendement, à l'article 99j, il dit, et je cite: "Les
parties doivent négocier le nombre de salariés par
catégorie de services à maintenir en cas de conflit de travail."
Je ne vois pas ici le mot "essentiels". Je sais que beaucoup de nos discussions
ont porté sur le point crucial des services essentiels. Pourquoi, dans
l'amendement, ne pas inclure cette notion de services essentiels et de ne pas
mettre le mot "essentiels" après le mot "services "?
M. Johnson: Je ferai remarquer au député de
Richmond que, jamais, dans le projet de loi 59, on n'a vu le mot "essentiels"
et que, depuis le début, on a toujours parlé des services
à maintenir en cas de...
Finalement, la notion de services essentiels et je ne veux pas
qu'on refasse tout le débat philosophique autour de cela
qu'est-ce qui fait que lorsqu'un hôpital fonctionne à
capacité, il y a 100% du personnel qui y est normalement et qu'on
accepte, pendant une certaine période de temps, qu'il n'y ait qu'une
fraction de ce pourcentage qui y soit? Est-ce que cela veut dire que tout le
reste n'est pas essentiel? Je ne le sais pas. C'est bien difficile à
définir et cela dépend des circonstances.
Ce qu'on dit cependant, c'est que, dans le cadre d'un exercice du droit
de grève dans un hôpital, nous considérons qu'il y a des
services à maintenir, qu'il appartiendra finalement de savoir si les
services maintenus mettent en danger ou pas la santé publique. Cela
aussi est extrêmement subjectif comme appréciation.
Nous disons que, dans le fond, il y a quelque chose d'un peu faux dans
la notion de services essentiels en temps de grève. Ce ne sont pas des
services essentiels. Ce sont des services. Ils ne sont peut-être pas
essentiels, ils sont peut être loin d'être suffisants pour
être essentiels, mais il faut qu'il y ait des services, il faut que les
parties s'entendent sur ces services dispensés à la population.
À ce titre, c'est une notion à laquelle on ne s'est jamais
référé dans le projet de loi 59.
M. Brochu: Cela fait quand même un peu curieux. Dans toutes
les discussions qu'on a eues, il était bien clair qu'il s'agissait de
services essentiels. Je comprends que la définition des services
essentiels n'est peut-être pas claire. C'est d'ailleurs pour cela qu'il
va devoir y avoir des ententes entre les parties en cours de route.
Mais je me posais des questions à savoir pourquoi on ne
l'incluait pas. Je comprends que cela n'apparaît nulle part dans la loi.
Mais ce qui est curieux, c'est qu'elle n'apparaît nulle part dans une loi
aussi importante que celle-là, alors que l'ensemble des discussions, sur
ce projet de loi, concerne les services dits essentiels.
M. Johnson: Mais je pense que c'est impossible de définir
ce qu'est un service essentiel sur le plan juridique. Je pense que ce serait
une aberration que d'essayer de définir ce que sont les services
essentiels, sur le plan juridique. Ce serait dangereux, car on ne peut pas
prévoir toutes les situations.
Deuxièmement, je pense qu'il ne faut pas non plus, leurrer la
population. Il ne faut pas se faire d'illusion. Quand un hôpital
fonctionne à rendement d'abord avec un taux d'occupation réduit
et, deuxièmement, avec un personnel réduit sur ce taux, ou un
personnel réduit sur un taux maximal, je ne suis pas sûr qu'il
faille dire à la population que ce sont des services essentiels. Il y a
des services qui sont donnés par le réseau. La notion
d'"essentiels" demeure difficile à circonscrire et je pense qu'elle est
impossible à circonscrire sur le plan juridique. En ce sens-là,
c'est un peu faux. On a obligé, dans le passé, les juges à
se faire une idée sur ce qu'étaient les services essentiels. Ils
trouvent cela, en général, assez embarrassant.
M. Brochu: Je le voyais surtout comme une incitation dans le
projet de loi, si cela avait été indiqué comme tel, envers
les parties. Et cette notion de services essentiels, je comprends que, pour le
public, cela peut être une notion très générale,
mais ce qu'il voit là-dedans, ce sont des services importants à
maintenir, la notion dans son ensemble.
J'aurais une autre question à poser au ministre, M. le
Président. Dans le même premier paragraphe de l'article 99j, tel
que l'amendement nous en est proposé par le ministre, on parle de
négocier le nombre de salariés par catégorie de services,
mais est-ce qu'on a pensé au nombre de postes à maintenir...
M. Johnson: Non.
M. Brochu: ... parce que c'est rattaché à la
question des services essentiels, lorsqu'on parle en termes de postes à
combler?
M. Johnson: Des salariés pour une catégorie de
services, cela peut être équivalent à des postes. Cela
dépend. Dans le fond, c'est une notion administrative. Ce n'est pas une
notion juridique que la notion de poste. À moins que le
député de Richmond ait une solution à me proposer qui soit
plus adéquate que celle qu'on a trouvée, ce qu'on a essayé
de circonscrire, c'est de dire que cette entente, en prenant
l'expérience des endroits où il y a eu conclusion d'ententes,
où la liste syndicale, le cas échéant, comprenne, à
toutes fins utiles, l'identification d'un nombre de personnes par type
d'occupation dans l'hôpital. C'est quand même
assez différent de ce qu'il y avait dans le texte, à
l'origine.
On parlait de la façon de maintenir des services, ce qui,
à toutes fins pratiques, aurait pu vouloir dire que le syndicat, dans
une liste unilatérale, peut décider qu'il ferme le
troisième A, mais qu'il met plus de monde au quatrième B. Je ne
suis pas sûr qu'il appartienne au syndicat de faire cela. Je pense qu'il
appartient à l'hôpital de le faire. Ce que l'hôpital veut
avoir entre les mains, c'est le nombre de salariés, le nombre
d'infirmières, le nombre de techniciens en radiologie, le nombre de
personnes pour les soins intensifs.
D'une part, il y a par métier, par catégorie ou par
spécialisation, d'autre part, il y a par service, au sens de ce qu'est
un service dans un hôpital, l'unité coronarienne, la salle
d'opération, le bloc d'accouchement, etc.
En ce sens-là, ce qu'on essaie de circonscrire ici, c'est une
notion qui amène les parties ou le syndicat, de façon
unilatérale, à définir qu'il y aura tant de personnes
disponibles dans chacune des occupations nécessaires.
M. Brochu: Est-ce à dire que le ministre aurait mis de
côté la suggestion qui avait été faite par les
médecins et dentistes de participer à l'établissement et
au maintien des services essentiels, mais au niveau de l'établissement
comme tel?
M. Johnson: Non; en fait, je n'ai pas mis cela de
côté, dans la mesure où je présume qu'un directeur
d'hôpital, quand il négocie la liste des services essentiels, fait
appel au directeur du département, il fait appel au président du
Conseil des médecins et dentistes. C'est comme cela que cela fonctionne,
parce que lui, n'est pas plus apte à déterminer cela que
n'importe qui d'autre qui n'est pas médecin.
Deuxièmement, je n'ai pas compris que l'Association des conseils
de médecins et dentistes voulait être partie à ce
protocole, sauf qu'elle aurait peut-être accepté d'être la
seule à définir ce que sont les services essentiels. Je pense
qu'il y a une nuance de taille.
M. Brochu: Cela va, M. le Président.
M. Forget: M. le Président.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: II y a un certain nombre de remarques. C'est un
article important. Je pense que la nouvelle formulation, dans une certaine
mesure, est peut-être une amélioration. Il y a, malgré
tout, beaucoup d'interprétation qui va se faire autour du libellé
du premier alinéa. J'écoutais l'échange entre le
député de Richmond et le député d'Anjou, le
ministre du Travail, et je n'ai pas l'impression, quand on compare la
formulation qu'il y avait dans la loi 253 et la nouvelle formulation, de
même que la formulation originale du projet de loi 59, que l'on s'entend
vraiment clairement et sans ambiguïté sur ce qu'on veut.
Le ministre, dans sa réponse et je vais partir de son
affirmation, puisque je crois qu'il a énoncé son intention par la
réponse qu'il vient de donner au député de Richmond
nous dit: Voici. Le syndicat va fournir un certain nombre d'employés ou
de salariés par catégorie professionnelle, un certain nombre
d'infirmières, un certain nombre de techniciens en radiologie, un
certain nombre de préposés à l'entretien ménager,
etc.
Je pense que cela est un objectif qui est valable, auquel je souscrirais
et auquel certainement, d'après ce qu'ils ont dit, les administrateurs
hospitaliers souscriraient aussi.
Cependant, quand on a posé la question aux syndiqués, ils
ont exprimé une préférence pour une autre
interprétation, une interprétation où non seulement ils
précisaient le nombre d'infirmières, par exemple c'est un
exemple spécifique qui leur a été posé ils
s'entendaient sur un nombre global d'infirmières, mais sur un nombre
d'infirmières par unités de soins; par exemple, tant
d'infirmières au quatrième étage, tant
d'infirmières au cinquième, etc., et ceci de façon assez
contraignante pour les administrateurs.
Je pense que c'est un point qui doit être clarifié parce
que cela peut, dans une situation de conflit, être l'objet d'une
contestation.
Il y a deux façons de voir les choses. Examinons de plus
près le texte. D'abord, on dit: Les parties doivent négocier le
nombre de salariés par catégories de services à maintenir
en cas de conflit de travail. On s'entend sur un nombre de personnes et on
élimine et cela est important par rapport à la
rédaction de la loi 253, la notion de postes.
Je vais faire la lecture de la loi 253 à ce sujet et je pense
qu'on va comprendre ce que je veux dire là-dessus.
M. Johnson: 7, dernier paragraphe?
M. Forget: C'est cela. Un accord ou une décision 7,
dernier paragraphe porte notamment sur le nombre minimum de postes
d'emplois qui doivent être occupés efficacement par les
employés réguliers tous les mots ont une importance, je
pense pour fournir les services essentiels, etc. Entre
parenthèses, je laisse complètement de côté la
question de savoir si on définit les services à maintenir ou des
services essentiels. Quant à moi, c'est bonnet blanc, blanc bonnet et je
laisse aux linguistes le soin de faire des différences entre les
deux.
Mais il y a la notion de postes. Attachons-nous un peu à cela. La
notion de postes a une signification administrative importante. Elle est
décrite abondamment dans les conventions collectives. On pourrait
prétendre que, si l'entente ou la liste prépondérante du
syndicat désigne des postes qui seront comblés, c'est avec toutes
les qualifications et les restrictions qu'implique la notion de postes, y
compris la description de la charge de travail habituelle, les lignes de
démarcation entre des postes connexes, en quelque sorte. (12 h 30)
Ceci veut dire que le syndicat pourrait dire: D'accord, nous vous
fournissons des gens pour faire un certain service minimal, mais, dans la
prestation de ces services minimaux, il faudra respecter la
désignation des postes, l'affectation des tâches qui est
implicitement contenue dans la description du poste.
Si, au contraire, on fournit une liste de salariés pour donner
les services minimaux, la partie patronale, au moment d'une grève,
pourra dire: Écoutez! La notion de postes qui était dans la loi
253 a été éliminée. Comme elle a été
éliminée, les gens que vous nous fournissez ne peuvent pas
objecter la description du poste, de la tâche. Et comme il y a plus de
travail, bien sûr, et il y a moins de monde pour le faire, laissez-nous
la paix avec les restrictions sur les postes. Il faut que tout le monde fasse
le plus possible, étant donné les contraintes qu'on a.
Cela pourrait être une position défendable et qui serait
même explicable par le contexte. À ceci, je pense que les
syndicats vont réagir ou risquent de réagir et de créer un
différend sur l'interprétation de la loi. Je pense que ce serait
peut-être utile qu'on clarifie cette question.
Il y a l'autre terme dans la définition suggérée,
qui est l'expression "services à maintenir". Là, c'est une
expression qui est vague. Je pourrais même dire que le mot "services" n'a
même pas de définition administrative sûre. Si l'on se
réfère au manuel administratif, par exemple, du ministère
des Affaires sociales, le mot "services " n'est pratiquement jamais
employé, même dans la convention collective; je ne suis pas
sûr qu'on pourrait lui trouver une définition claire et non
ambiguë.
Ce que nous avons sur le plan administratif, ce sont des
départements. Nous avons également, dans un sens
budgétaire et aussi administratif, des unités qui sont
différentes, bien sûr, de "services". Nous avons des centres
d'activités. Or, on ne parle pas de centres d'activités ici. On
emploie un mot qui est "services ", qui peut vouloir dire bien des choses.
Dans la définition ou l'effort de définition qu'a fait le
ministre, pour lui, "services", ça voulait dire, par exemple, l'ensemble
des soins infirmiers dans les unités de soins c'est ce que j'ai
cru comprendre l'ensemble des services diagnostiques, radiologie, par
exemple, et laboratoire, l'ensemble des services représentés par
la suite opératoire, la centrale de distribution. Cela, dans une
certaine mesure, recoupe un certain nombre d'unités administratives.
Mais, au point de vue des unités de soins, je ne suis pas du tout
certain que les syndicats tomberaient d'accord avec le ministre qu'un service,
ça désigne l'ensemble des soins infirmiers dans les unités
de soins.
Je pense que, selon la définition improvisée que nous a
faite le front commun la semaine dernière, ce serait chacune des
unités de soins qui serait considérée comme un
service.
À ce moment-là, on se heurte à l'objection que
formulaient les administrateurs d'hôpitaux. Si chacune des unités
de soins est un service, si la liste prépondérante du syndicat
porte là-dessus, il n'y a plus aucune discrétion administrative,
pour l'administrateur d'hôpital, de regrouper les malades, par exemple,
et d'utiliser le personnel en nombre restreint pour s'occuper de ces malades
regroupés. On lui fournira des postes et ces gens-là n'auront
rien à faire, parce qu'on aura vidé ces unités de soins en
question et, à d'autres étages, on aura regroupé les
malades. Là, il y aura une infirmière pour 40 malades avec,
évidemment, les conséquences qu'on peut imaginer.
M. le Président, je n'ai pas d'amendement là-dessus. Nous
avions essayé d'en préparer un, qui était directement
inspiré de la loi 253. J'en ai refait la lecture ce matin et je ne suis
pas persuadé que ça constitue une réponse absolue. Mais,
malgré tout, je pense que, si j'avais à exprimer une
préférence, j'aimerais mieux une formulation qui reprend celle
qui se trouve déjà dans les textes, parce qu'on y retrouve, au
moins, la notion de postes, on retrouve la notion de services dans son
ambiguïté les services essentiels et, à mon
avis, ce n'est pas entièrement satisfaisant, ça non plus.
On y retrouve cependant et là c'est la troisième
notion ambiguë qui mériterait d'être précisée
la notion d'employés réguliers. Or, quand nous l'avions
inscrit dans la loi, nous l'avions fait en connaissance de cause, sachant
très bien qu'on voudrait faire porter les négociations, les
ententes sur les services essentiels sur la contribution des cadres. Nous avons
eu d'ailleurs, en commission parlementaire, un certain débat
là-dessus, à savoir dans quelle mesure le syndicat, dans sa liste
prépondérante, doit faire de la place pour une contribution
exceptionnelle des cadres au fonctionnement routinier de certains services.
Quand on utilise l'expression "salariés", il est évident
qu'on vise les cadres aussi, parce que les cadres sont des salariés.
M. Johnson: Pas au sens du code.
M. Forget: Pas au sens du Code du travail.
M. Johnson: Pas au sens du Code du travail. C'est ça, la
distinction.
M. Forget: Ah! Cela peut être différent dans ce
sens-ci.
M. Johnson: ... la réponse, en fait...
M. Forget: Là-dessus, il y a une distinction claire, donc,
dans le Code du travail. En effet, je le reconnais, parce que c'est
intégré maintenant dans le Code du travail. Mais, sur les deux
autres notions, la notion de poste et la notion de service, je me demande s'il
ne serait pas opportun d'avoir des définitions, à ce
moment-là, dans le Code du travail, parce que j'ai l'impression que ce
sont deux notions qui vont être mises à rude épreuve d'ici
un an.
M. Johnson: M. le Président, la notion de poste est
elle-même source d'ambiguïté et on l'évite ici,
puisqu'on parle de salariés par catégorie de services et je
reviendrai à la notion de service tout à l'heure.
La notion de poste peut revêtir d'abord une notion physique,
matérielle, j'entends. Le poste, c'est cet endroit physique où
sont installés les infirmières du 4e-A avec la console
téléphonique, les boutons pour les chambres, etc. Dans un
hôpital, on peut dire qu'il y a le poste au 4e-A. On veut éviter
la notion de poste, entre autres, à cause de ce type
d'interprétation qui peut être donnée, c'est-à-dire
le nombre de postes, très bien. Il y a 28 kiosques dans l'hôpital,
on en remplit huit. Donc, c'est clair, je pense, que ce n'est pas comme
ça qu'on le voit. C'est un des problèmes avec la notion de
poste.
La deuxième notion ambiguë qu'il y avait dans "poste", c'est
qu'on veut aussi entendre, sur le plan administratif dans un hôpital ou
dans le vocabulaire courant des salariés du secteur de la santé,
qu'un poste, c'est être infirmière auxiliaire dans le service des
soins post-opératoires, ou, enfin, des soins
préopératoires, pour qu'il n'y ait pas de confusion sur le mot
"poste ", alors, dans le service des soins préopératoires. Cela,
c'est un poste, infirmière auxiliaire à l'aide du
préopératoire. Mais, par contre, il y a quand même 24
heures dans une journée. On présume qu'en général
les gens ne travaillent pas 24 heures par jour. Est-ce que ça prend
trois personnes pour remplir ce poste, c'est-à-dire les trois
équipes de huit heures? Là aussi, c'est source
d'ambiguïté. Est-ce que le nombre total de postes évoque
finalement le nombre total de personnes physiques qui vont être
impliquées ou est-ce que ça implique le multiplicatif par trois
dans le déroulement d'une journée? Cela aussi, c'était
source d'ambiguïté.
D'autre part, se mettre à définir la notion de postes, je
pense que ça devient un peu complexe. On a plutôt eu recours
à la notion de catégorie de servies qui, également, pourra
peut-être poser des problèmes d'ambiguïté de
définition, mais, dans la mesure où. dans la notion de services,
si on l'accouple à la notion de catégorie, on vise des corps
d'emplois, si on veut, qui sont différents, d'une part, et, d'autre
part, on vise des activités précises. Je pense qu'il faut faire
référence aux deux. Par exemple, l'unité coronarienne,
c'est un service, de la même façon que le bloc opératoire
ou les salles d'accouchement. Cela, c'est un service. Par contre, être
infirmière, c'est appartenir également à un corps
d'emplois qui peut être considéré, si on parle de
catégorie de services, comme étant visé par cette notion.
Je pense que l'expression qu'on utilise est celle qui permet, d'une part,
d'exiger que s'il s'agit d'une liste syndicale, s'il s'agit d'une entente en
pratique, le problème est beaucoup moins compliqué, parce qu'on
finit par s'entendre s'il y a une entente. On s'entend sur les notions. S'il
n'y a pas d'entente dans la liste syndicale, il faut dire qu'il s'agit de viser
un nombre de personnes salariés au sens du Code du travail, disponibles
pour travailler dans différents corps d'emplois et à des endroits
différents dans l'hôpital, sans dire que c'est à eux de
spécifier quelles seront les affectations de ces personnes une fois
quelles seront dans l'hôpital. Je pense, comme le disait si bien le
député de Saint-Laurent tout à l'heure, que si par hasard
à l'unité coronarienne il y avait six patients au moment de
l'ouverture du droit de grève, et qu'il ne reste que trois patients
parce qu'il y en a deux qui sont partis chez eux ils étaient bien
ou qu'il ne reste plus de patients, ou qu'il n'en reste qu'un, car il y
en a deux qui sont partis chez eux et il y en a deux qui sont
décédés, il reste un patient à l'unité
coronarienne, vous n'y avez pas besoin de trois infirmières.
Donc, ça donne en principe, quand même, la souplesse voulue
pour utiliser les services de ces salariés aux fins, par exemple, d'une
augmentation du taux d'occupation dans le poste opératoire où.
parce qu'il y a eu de la chirurgie d'urgence, il y a plus de lits qui sont
remplis soudainement.
Je suis d'accord avec le député de Saint-Laurent, à
savoir que, finalement, il va demeurer des ambiguïtés, mais je
pense qu'il risque d'y avoir moins d'ambiguïtés avec la notion de
catégorie de services qu'avec la notion de postes.
M. Forget: J'accepte l'explication donnée, mais je me
demande s'il ne serait pas plus clair d'avoir dit "catégorie d'emplois"
et avoir indiqué en même temps que non seulement l'entente devait
porter sur les catégories d'emplois, le nombre de salariés dans
chaque catégorie d'emplois et les services qui doivent être
fournis, parce qu'on utilise le même mot pour désigner deux
choses.
On utilise le même mot, si je comprends bien, pour désigner
les catégories d'emplois; je pense que c'est tout à fait ce qu'on
doit viser, la désignation d'un certain nombre de personnes dans chaque
catégorie d'emplois. Mais, en donnant des exemples sur des centres
d'activités ou des départements, si l'on veut, ce qu'on appelle
populairement, dans le milieu hospitalier, des services, on introduit aussi la
possibilité que cela aille plus loin, au niveau de la
détermination qu'on le souhaiterait.
Par exemple, je pense que chaque unité de soins constitue un
service dans ce sens traditionnel, et on ouvre la porte à cette
possibilité à ce moment-là. Si on avait fait la
distinction, je me demande si on ne l'aurait pas évitée.
Deuxième interrogation, c'est vrai que, quand on dit "un poste",
on peut se demander si c'est un poste 24 heures par jour ou quoi. Mais,
évidemment, le nombre de salariés, c'est la même chose.
Est-ce que c'est le nombre de salariés qui doit être maintenu en
tout temps ou si c'est le nombre total de salariés qu'il faut, en
quelque sorte, diviser par trois dans un certain nombre de cas pour obtenir le
nombre de ceux qui sont là par périodes de huit heures? Un des
buts de la notion de postes visait justement à dire: S'il doit y avoir
une infirmière au quatrième étage, elle doit être
là 24 heures par jour, pas nécessairement la même. Mais un
poste d'infirmière au quatrième étage doit être
comblé en permanence. Là, si on dit le nombre de salariés,
on ne sait pas de quoi on parle exactement. Est-ce que c'est, disons, 24
infirmières, mais, comme elles ne font pas plus que huit heures, c'est
effectivement huit infirmières à chaque moment, ou
si c'est 24 infirmières tout le temps? Cela mériterait
d'être précisé.
M. Johnson: Alors, deux choses. D'abord, quant à la notion
de catégorie d'emplois, même si je comprends très bien la
préoccupation du député de Saint-Laurent, le
problème que ça pose, c'est qu'une catégorie d'emplois
c'est une notion beaucoup plus rigide qu'une catégorie de services.
L'exemple que je pourrais donner, c'est un préposé à
l'entretien ménager. Cela, c'est une catégorie d'emplois. Un
préposé à l'acheminement des repas sur les étages,
c'est une autre catégorie d'emplois. Mais l'un comme l'autre peuvent
effectuer les tâches de l'un et l'autre. On peut être
préposé à l'entretien ménager et s'occuper, par
exemple, de pousser les ballots de draps qu'il faut envoyer à la
buanderie, mais je pense qu'on peut également pousser sur un chariot
à nourriture. Une notion de catégorie d'emplois, à ce
sens-là, risquerait d'être un peu paralysante, et de ne pas
donner...
M. Forget: Vous ne voulez pas de la notion de postes telle
qu'ordinairement interprétée, à ces moments-là.
M. Johnson: Oui, d'une part. D'autre part, quant à la
deuxième question qui était l'affaire de l'équipe, ou
enfin, est-ce que c'est 24 heures ou non? En pratique, ce qu'on sait, mais
également, en réalité, c'est que dans le cadre des
services essentiels, en général, les salariés ne
travaillent pas un temps d'équipe habituel. Ils travaillent plus que
ça. C'est-à-dire qu'une personne physique va faire plus que ce
qu'elle fait normalement en temps normal. (12 h 45)
Elle va faire plus de huit heures. Elle peut faire douze heures, dans
certains cas, dix-huit heures. Souvent, parce que le syndicat a parfois de la
difficulté pour une catégorie de services ou d'emplois bien
déterminée à trouver des gens qui veulent y aller.
Cependant, il s'engage effectivement à fournir les personnes. Donc, les
gens peuvent travailler jusqu'à 18 heures par jour, dans certains cas.
Je pense qu'il faut permettre à cette souplesse, en temps de crise, de
s'exercer.
Dans la liste cependant, compte tenu d'une autre notion, qui est la
variation dans l'hôpital des activités selon qu'on a affaire
à une activité diurne ou nocturne, même en cas de crise, je
pense qu'il ne faut pas non plus se barrer les pieds là. Il est
très clair qu'en général, sauf exception, par exemple,
dans les soins postopératoires ou dans les salles d'accouchement,
où c'est manifestement différent, en général,
l'activité la nuit, au niveau des soins infirmiers, exige moins de
personnel que le jour parce que les gens dorment. Ils ne sortent pas pour aller
faire des examens en chaise roulante, etc. Ils n'ont pas de traitements
particuliers qui leur sont donnés au lit, des biopsies ou des choses
comme celle-là. Donc, en général, ça exige moins de
soins infirmiers la nuit.
Encore une fois, si on se fixe dans la notion de "quarts", comme on est
en cas de crise, il est possible que la nuit on ait autant besoin, dans le bloc
postopératoire, de gens que le jour, parce que, justement, les patients
qu'on a gardés, ce sont les patients qu'on ne peut vraiment pas sortir
de l'hôpital et ça peut être des patients qui exigent des
soins supérieurs. Je pense que c'est dangereux de fixer cette
notion-là, parce qu'on ne permet pas la souplesse nécessaire pour
l'assurer. D'autre part, le syndicat pourrait très bien répondre:
Mais, écoutez! Quant à y être, dites-nous donc qu'il faut
100% des effectifs sur tel étage tout le temps et ce n'est pas vrai que
ce sont des services essentiels, c'est l'ensemble des services. Il faut quand
même permettre à cette souplesse de pouvoir s'exercer et ce
jugement de pouvoir être fait par le responsable au niveau des cadres
infirmiers dans la détermination des soins, ou le responsable au niveau
de la direction médicale de l'hôpital.
M. Forget: Bon! Si on peut résumer, cette notion exclut
dans les listes les cadres. Elle exclut une adhérence rigide en
période de conflit à la notion de postes considérés
comme catégories d'emplois ou description de tâches à
laquelle il faut absolument adhérer sans exception. Cela est exclu. On
anticipe ou on souhaite une plus grande souplesse. Au niveau des services qui
sont offerts, on souhaite que l'administration hospitalière, avec cette
définition, puisse faire un certain nombre de réaffectations en
fonction des priorités et des urgences et qu'elle ne soit pas tenue, de
façon absolument rigide, à une liste précise de personnes
qui sont affectées à des tâches qu'elles font normalement
dans tel ou tel service qu'on aurait choisi, par ailleurs, de fermer.
Je pense qu'avec ces trois implications de la part du ministre, si je le
comprends bien, on est totalement d'accord. Les seules questions qui se posent,
c'est qu'on espère également que le langage choisi pour le dire
dans la loi va être compris de la même façon par tout le
monde et, de toute manière, je pense que, de ce
côté-là, c'est à l'expérience qu'on le verra.
Je pense que c'est important que, dans le journal des Débats, ce genre
de constat soit fait à ce moment-ci, parce qu'il risque qu'il y ait des
gens qui le consultent et qui se disent: Qu'est-ce que le législateur a
voulu dire à ce moment-là? Je pense que c'est assez clair, ce
qu'on a voulu dire et que, si c'est appliqué loyalement par tout le
monde, on pourrait probablement vivre avec ça.
M. Johnson: À une nuance près, cependant, c'est que
je dirais que, même si la liste n'inclut pas les cadres, je
présume que dans sa confection le syndicat tient compte de l'existence
des cadres et que les cadres, comme tout le monde en période de crise,
sont obligés de fournir un travail qui est anormal, dans le sens
où il est plus élevé.
M. Forget: En tout cas, je pense que tout le monde comprend
ça. L'essentiel, c'est qu'ils ne soient pas conscrits, en quelque
sorte...
M. Johnson: D'accord.
M. Forget: ... mais je pense bien que cela a toujours
été le cas, que les cadres ont fait plus que ce qu'ils ont
l'habitude en réalité.
M. Johnson: C'est ça, en général.
Le Président (M. Laplante): Article 99j adopté tel
qu'amendé?
M. Johnson: Adopté, M. le Président?
M. Forget: Non M. le Président, j'ai une autre
préoccupation qui prend sa source dans le troisième paragraphe,
la question de l'accessibilité. Je reconnais que, suite à une
interrogation que j'ai posée au moment où des groupes sont venus
devant la commission, ce problème de l'accessibilité a
été mentionné par tout le monde et qu'on a voulu, par ce
paragraphe, manifester qu'on était d'accord, en principe du moins, avec
une accessibilité sans restriction aux établissements de
santé et de services sociaux, même ou période de conflit de
travail.
Cependant, le langage utilisé là aussi n'est
peut-être pas suffisamment explicite. Ce que je veux dire, c'est que la
référence qu'on fait à la Loi sur les services de
santé et les services sociaux, ce n'est évidemment rien de neuf,
c'est une référence. Cela n'amende ni ne qualifie d'aucune
manière l'exercice de tous les droits et de toutes les procédures
qui sont prévus, par ailleurs, par le projet de loi 59. Pour lui donner
un sens véritable, il faut vraiment y ajouter les propos qu'a tenus le
ministre du Travail tout à l'heure, lorsqu'il a expliqué le sens
de ce paragraphe, c'est-à-dire faire explicitement allusion au seul
comportement qui est en cause, dans le fond, dans ce paragraphe, mais qui,
à défaut d'être mentionné explicitement, risque de
continuer comme si de rien n'était. On dira: II y a deux lois, il y a le
Code du travail qui permet le piquetage et les traditions dans le domaine des
relations de travail qui permettent le piquetage, et rien ne vient conditionner
ou circonstancier son exercice, et il y a la Loi sur les services de
santé et les services sociaux qui dit que tout le monde a le droit
d'avoir accès à des services.
Ces deux lois existent en parallèle et ne se contredisent pas
nécessairement; dans le fond, on serait gros Jean comme devant, à
mon avis, même avec le troisième paragraphe. C'est la raison qui
m'amène à suggérer qu'on précise les choses de
façon un peu plus serrée. À cet effet, je
présenterais un amendement qui se lirait de la façon suivante:
Que le troisième alinéa du paragraphe 99j de l'article 4 soit
modifié en remplaçant, dans la première ligne, les mots
"une entente ou une" par les mots "aucune entente ou"; en remplaçant,
dans les première, deuxième et troisième lignes, les mots
"doit notamment prévoir au libre accès d'un
bénéficiaire tel que défini au paragraphe p de l'article
1" par les mots "ne peut limiter la portée de l'article 4", et en
remplaçant, dans la cinquième ligne, les mots "à un
établissement" par les mots "et notamment, de la part de l'association
accréditée ou de ses membres par l'établissement d'une
ligne de piquetage ayant pour but de filtrer les bénéficiaires ou
d'intimider ceux-ci".
L'alinéa amendé se lirait comme suit: "Aucune entente ou
liste ne peut limiter la portée de l'article 4 de la Loi sur les
services de santé et les services sociaux, et notamment de la part de
l'association accréditée ou de ses membres, par
l'établissement d'une ligne de piquetage ayant pour but de filtrer les
bénéficiaires ou d'intimider ceux-ci". Ce n'est pas
mystérieux, personne ne croit que l'exercice du droit de grève de
façon absolue et idéale limite le droit de qui que ce soit, mais
ce sont, bien sûr, des comportements particuliers qui sont visés.
Ce n'est pas l'exercice du droit de grève, ce n'est pas l'application
générale du Code du travail, c'est un comportement qui,
actuellement, n'a aucune espèce d'assise juridique, n'a aucune base
juridique, qui reflète simplement une pratique traditionnelle qui a eu
dans le passé, cependant, en pratique, l'effet de limiter
l'accès.
Je ne suis pas du tout rassuré quand on dit: Le Code du travail
n'empêche personne de jouir de ses droits en vertu de la Loi sur les
services de santé et les services sociaux. C'était vrai avant une
prescription comme celle-là, puisque le Code du Travail, la Loi sur les
services essentiels ou la Loi sur les négociations dans les secteurs
public et parapublic n'ont jamais dit que dans le contexte d'un conflit de
travail, il y avait une suspension temporaire du droit d'accès de tous
les citoyens aux services de santé et services sociaux. Donc, ce n'est
pas nouveau de dire explicitement ce qui était dit, ce qui était
implicitement contenu dans les lois.
Ce qui serait nouveau et ce qui seul aurait des chances d'être
efficace serait de dire qu'il y a certains comportements qui ne
découlent pas nécessairement du Code du travail, puisque ces
comportements ne sont pas prescrits par le Code du travail, ne sont pas
régis par le Code du travail, d'aucune manière.
Certains comportements doivent être restreints, doivent être
utilisés dans le domaine des services de santé et des services
sociaux, avec une précaution infinie, de manière que non
seulement ils n'aient pas pour effet de brimer les droits de quiconque, mais
qu'ils n'aient même pas l'apparence de brimer les droits de quiconque par
un filtrage de bénéficiaires, par même une
démonstration de force numérique telle que cela a l'effet
d'intimider les gens qui, d'abord, n'ont pas l'habitude de la confrontation, ne
se sentent pas nécessairement la vocation de martyr pour
démontrer que les droits de tout le monde sont respectés, n'ont
pas du tout l'intention de s'attirer des coups, même si c'est une crainte
purement imaginaire, pour avoir le privilège de se faire désigner
comme les martyrs de la cause de la défense des droits des citoyens.
Il est donc approprié, à mon avis, de prévenir
plutôt que de guérir et d'indiquer dans un langage
comme celui que nous suggérons, ou dans un langage analogue, que
le piquetage doit être extrêmement discret dans les services de
santé et les services sociaux. De toute manière, que le piquetage
existe ou pas, dans le fond, dans la mesure où la grève a lieu,
elle a son effet. Je pense qu'on a dépassé la période de
la fin XIXe siècle ou du début du XXe siècle où on
ne faisait pas confiance aux media d'information pour faire écho
à l'existence de conflits de travail. Je pense qu'il s'agit d'être
devant sa télévision, tous les soirs, pour se rendre compte qu'il
y a des conflits de travail qui sont nombreux...
M. Johnson: M. le Président, si vous permettez...
Le Président (M. Laplante): M. le ministre.
M. Forget: Est-ce qu'on soulève une question de
règlement?
M. Johnson: Oui, en fait, si le député de
Saint-Laurent me permet, il y a deux choses. D'abord, est-ce que je pourrais
savoir...
M. Forget: Je vais vous permettre, si c'est une question de
règlement, autrement, vous pourrez attendre à la fin.
M. Johnson: Ce serait effectivement une question de
règlement, mais j'aurais besoin de savoir si le député de
Saint-Laurent entend continuer jusqu'à ce qu'on siège cet
après-midi ou s'il entend donner son consentement pour continuer
l'étude article par article...
M. Forget: M. le Président, il ne m'appartient pas de
répondre à cette question, puisque le leader du gouvernement a
indiqué, par ses avis, que cette commission ne siégeait pas cet
après-midi. Pour ce qui est de mon consentement, je dois rappeler qu'il
y a une surabondance de législation ayant un impact sur les relations de
travail, en particulier la loi 55, qui sera débattue à compter de
15 heures, cet après-midi, dans une autre commission parlementaire,
celle des Finances.
M. Johnson: Si je parle de donner son consentement, c'est pour
que nous excédions 13 heures pour continuer l'étude du projet,
étant donné que l'entente entre les leaders était que,
normalement, nous procédions à l'adoption article par article.
D'abord, cela devait se terminer hier soir, mais je comprends que les sujets
qu'on a touchés étaient tels qu'on ne le pouvait pas. Le
gouvernement a déjà dit qu'il entendait faire adopter cette loi
avant le 23 juin. Je me posais la question. Cela s'est fait d'ailleurs, hier
soir, à la commission étudiant la loi 92. Les parties ont
donné leur consentement pour que l'étude se poursuive
au-delà de la période normale.
M. Forget: Je ne sais pas jusqu'à quel point cela pourrait
aider. Il reste qu'on ne pourrait pas prolonger jusqu'à 15 heures et
commencer une autre commission parlementaire à 15 heures. Votre humble
serviteur n'est pas vraiment aussi...
M. Johnson: À ce moment-là, M. le Président,
étant donné que le député de Saint-Laurent refuse
son consentement, ce qui m'étonne un peu, je pensais que l'entente avec
les leaders était claire, je soulèverai immédiatement la
recevabilité de la motion, vu que la notion de ligne de piquetage est
une notion qu'on ne retrouve pas dans notre Code du travail et que,
deuxièmement, c'est une notion qui existe strictement au niveau du Code
criminel canadien et qui n'est même pas de juridiction du gouvernement du
Québec...
J'ai déjà souligné, au début, que nous
introduisions cette notion du libre accès, je pense que c'est une
modalité que précise le député de Saint-Laurent,
mais il fait appel, malheureusement, à des notions qui, d'une part, ne
sont pas présentes dans le projet de loi, et, deuxièmement, font
partie de l'aire de juridiction d'un autre gouvernement.
M. Forget: M. le Président, sur la question de
recevabilité, je m'étonne que le ministre du Travail du
Québec tire argument du fait que seul le Code criminel mentionne les
lignes de piquetage. Est-ce que cela veut dire que le ministre du Travail du
Québec prétend qu'une législation éventuelle qui
pourrait porter sur l'exercice du piquetage à l'occasion d'un conflit de
travail devrait être le fait du seul gouvernement fédéral
ou si cela n'appartient pas à l'Assemblée nationale du
Québec, si bon lui semble, et si quelque ministre en prend l'initiative,
de réglementer l'exercice du piquetage, comme cela se fait dans d'autres
pays où cette question a été débattue et a
été, dans certains cas, tranchée par les Parlements dans
le cadre des relations de travail. (13 heures)
M. Johnson: M. le Président, il y a deux
éléments. Il y a d'une part, le fait que la notion de piquetage
relève du Code criminel, ce n'est pas souhaitable, mais c'est comme
cela, et je pense qu'il serait infiniment imprudent pour une commission
parlementaire de s'aventurer dans un domaine dont on n'est même pas
certain des assises sur le plan constitutionnel.
Deuxièmement, il y a une autre question de fond qui se pose,
quant à moi, sur la recevabilité, et c'est le fait que le
député de Saint-Laurent voudrait voir introduire dans le Code du
travail une forme de réglementation de la ligne de piquetage; or, cela
ne fait en aucun temps et en aucun moment l'objet du projet de loi no 59.
M. Forget: Je reprends sur la recevabilité, mais je me
rends compte qu'il est 13 heures et je propose l'ajournement sine die de nos
travaux.
Le Président (M. Laplante): J'ajourne les travaux sine
die.
(Fin de la séance à 13 h 2)