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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le jeudi 22 juin 1978 - Vol. 20 N° 155

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 59 - Loi modifiant le Code du travail


Journal des débats

 

Étude du projet de loi no 59

(Quinze heures dix-huit minutes)

Le Président (M. Laplante): À l'ordre, messieurs!

Reprise des travaux de la commission du travail et de la main-d'oeuvre pour l'étude article par article du projet de loi 59.

Les membres de cette commission sont: M. Bellemare (Johnson), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gravel (Limoilou), M. Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois); M. Pagé (Portneuf) remplacé par M. Raynauld (Outremont)...

M. Raynauld: Raynauld, avec un "I". M. Chevrette: C'est très important.

Le Président (M. Laplante): M. Roy (Beauce-Sud), M. Vaillancourt (Jonquière). Les intervenants sont: M. Blank (Saint-Louis), M. Brochu (Richmond), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Jolivet (Laviolette), M. Laplante (Bourassa), M. Lefebvre (Viau), M. Paquette (Rosemont), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson (Rouyn-Noranda).

Nous étions rendus, au moment,... Oui, monsieur?

M. Gravel: M. le Président, M. Brochu remplace M. Bellemare, à ce qu'on me dit.

Dispositions particulières applicables aux secteurs public et parapublic (suite)

Le Président (M. Laplante): Oui, comme membre de la commission, c'est vrai. Je m'en excuse, monsieur. M. Brochu (Richmond) remplace M. Bellemare (Johnson). Lorsque nous avions ajourné hier, nous étions rendus à l'article 99j, où un amendement avait été apporté par le député de Saint-Laurent. On parlait sur la recevabilité, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: En effet. Je parlais sur la recevabilité, puisqu'on nous avait objecté qu'il s'agissait d'une notion, la notion de "piquetage", qui n'apparaîtrait pas dans les lois du travail du Québec, du moins dans leur forme actuelle, ce qui est vrai. Ce qui est plus sérieux, le ministre du Travail avait prétendu qu'il ne devrait pas apparaître dans les lois du travail, puisque c'était un concept de droit criminel. Or, sur ce premier point, j'avais commencé à développer un argument. L'autre argumentation présentée par le ministre au sujet de la recevabilité consistait, si ma mémoire est fidèle, à dire qu'il s'agissait d'un élément entièrement nouveau et étranger au principe du projet de loi, quoique, là-dessus, je crois, le ministre lui-même s'est un peu "enfargé" dans son argumentation, parce qu'il a admis qu'il s'agissait d'une modalité d'application du paragraphe 99j, car, dans son explication des amendements qu'il avait lui-même intro- duits, il avait fait mention du piquetage sans, toutefois, bien sûr, aller jusqu'à le mentionner dans l'amendement lui-même. Sur cette deuxième argumentation, je pense que je n'ai pas besoin d'insister. Le ministre ayant utilisé le concept, ayant précisé qu'il s'agit d'une modalité d'application, même dans le cadre de l'amendement qu'il a présenté lui-même, je pense que l'irrecevabilité serait très difficile à démontrer, puisqu'il faudrait prétendre que ce mot-là non seulement ne figure pas dans le projet de loi, mais qu'il y est contraire. Ceci à mon avis, peut être défendu, puisqu'il s'agit d'une modalité d'application du projet de loi lui-même et c'est dans le même esprit, mais sans aller aussi loin, que le ministre introduisait lui-même un amendement.

Donc, laissant de côté cette deuxième argumentation qui m'apparaît assez visiblement faible, je crois que je dois revenir très brièvement, puisque j'avais déjà exprimé une bonne partie de l'argumentation, à savoir que, même si, actuellement, le Code criminel est la seule loi — le Code criminel fédéral, doit-on ajouter pour les besoins de ceux qui ne seraient pas conscients — le Code criminel fédéral est la seule loi qui traite explicitement du piquetage, il m'apparaît que l'argumentation selon laquelle une loi provinciale traitant des relations de travail ne peut donc pas comporter de réglementation ou de restriction au piquetage ou même l'affirmation du droit au piquetage m'apparaît une argumentation qui est insupportable.

Il y a, dans plusieurs lois fédérales et provinciales, les mêmes termes juridiques qui se rencontrent, les mêmes objets de législation, et ce n'est pas ce qui rend une mention inconstitutionnelle. C'est, au contraire, l'objet pour lequel la loi est édictée.

Or, il est bien clair que, dans le cadre d'un amendement au Code du travail pour assurer le maintien de certains services en cas de conflit de travail, l'objet est de réglementer les relations de travail, les conflits de travail, l'exercice du droit de grève et l'exercice de tous les droits qui s'y rattachent directement ou indirectement. Donc, c'est un objet qui appartient clairement à la juridiction provinciale. On ne peut pas plaider que, parce que, en passant, le Code criminel utilise le même mot, ça devient ipso facto une matière de juridiction criminelle exclusive.

Donc, M. le Président, il me semble que la recevabilité est inattaquable. Je peux très bien comprendre le désir du ministre de ne pas vouloir aborder cette discussion sur le fond, encore que je pense que son désir doit plutôt être considéré dans le contexte de nos travaux d'hier, où il cherchait, en évitant une telle argumentation, à nous faire conclure nos travaux plus rapidement. Je sais que le ministre ne craint pas d'argumenter un point au fond, et que, étant donné que nous disposons maintenant de trois heures pour finir quelques articles, je suis sûr qu'il laissera tomber ses objections sur la recevabilité.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que...

M. Johnson: M. le Président, brièvement pour conclure l'argumentation que j'avais commencé à développer en soulevant l'irrecevabilité, j'espère que cela n'affectera aucunement le déroulement des trois prochaines heures; mais je ne laisserai pas tomber mon argumentation quant à la recevabilité.

M. Forget: Vous m'en voyez déçu, M. le Président.

M. Johnson: Je suis sûr que le député de Saint-Laurent aura de la difficulté à dormir ce soir.

M. Forget: Littéralement, peut-être.

M. Johnson: Pour les motifs que j'ai déjà exposés et que je vais reprendre brièvement, pour les fins de rafraîchir votre mémoire, M. le Président.

Premièrement, je pense que la notion de légiférer sur la ligne de piquetage est une notion étrangère à ce projet de loi.

Deuxièmement, je pense que les assises de dispositions visant à légiférer la ligne de piquetage proprement dite, sur le plan du droit constitutionnel, sont pour le moins chambranlantes; dans la mesure où le Code criminel le prévoyant déjà, on pourrait peut-être a priori considérer que même si cela devait être souhaitable éventuellement pour l'Assemblée de le faire, sur le plan constitutionnel, cela rendrait ces dispositions inopérantes.

Le Président (M. Laplante): MM. les membres, hier, j'aurais peut-être pu prendre une décision avant l'ajournement des travaux, mais je préférais auparavant entendre l'argumentation du député de Saint-Laurent sur un amendement qui se lirait comme suit: "Aucune entente ou liste ne peut limiter la portée de l'article 4 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux de 1971, C-48, notamment de la part de l'association accréditée et de ses membres par l'établissement d'une ligne de piquetage ayant pour but de filtrer les bénéficiaires et d'intimider ceux-ci. "

Je suis allé en consultation hier soir, encore ce matin, sur ce projet d'amendement, parce que je voulais que la décision que j'avais à prendre soit motivée par d'autres gens qui ont vécu de telles motions et qui ont l'habitude de les traduire.

J'en arrive au résultat suivant. Comme le disent les notes explicatives du projet de loi no 59, l'article 4 contient des dispositions qui sont entièrement de droit nouveau. Les principes et le contenu ayant été adoptés en deuxième lecture, il ne faut pas qu'une motion d'amendement aille à l'encontre. La motion d'amendement proposée à l'article 4, troisième alinéa du paragraphe 99j, n'irait sans doute pas à l'encontre du principe exprimé si elle se limitait à exprimer ceci. Aucune entente ou liste ne peut limiter la portée de l'article 4 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, 1971, C-48. En l'adoptant, on resterait dans la même ligne de pensée tout en modifiant le texte principal. Cependant, dès que vous voulez aller plus loin et qu'on entre dans la question des lignes de piquetage, comme le disait à juste titre le ministre du Travail, on s'introduit par voie d'amendement dans l'application d'autres lois, notamment le Code criminel. Il y a une décision importante et d'une grande logique qui a été rendue en commission parlementaire lors de la dernière session, par un de mes collègues, le député de Vanier, M. Bertrand, à l'occasion de l'étude du projet de loi sur l'assurance automobile. Il a été arrêté qu'un amendement était inadmissible, s'il avait pour effet de modifier une autre loi, alors qu'une telle modification n'était pas annoncée dans le projet de loi tel qu'adopté en deuxième lecture. Une modification à une autre loi est trop importante pour être faite en simple proposition d'amendement lors de l'étude en commission d'un projet de loi article par article. Ce serait trop élargir les pouvoirs d'une commission, alors que les députés à l'Assemblée n'ont pas eu en deuxième lecture l'occasion de se prononcer sur les principes impliqués. Pour toutes ces raisons, la présidence ne peut accepter une telle motion d'amendement.

M. Johnson: M. le Président, est-ce que nous pourrions revenir au texte de 99j?

Le Président (M. Laplante): Article 99j, adopté?

M. Forget: Non, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: M. le Président, je voudrais soulever un cas qui avait été discuté lors des rencontres que nous avons eues au début de l'étude de ce projet de loi. C'est le cas du caractère permanent de la liste des services essentiels. (15 h 30)

Vous vous rappellerez, M. le Président, que, lorsque nous avons entendu un certain nombre de représentations de groupes, on nous a fait valoir que des listes de services essentiels ne pouvaient pas être inchangées, indépendamment de la durée du conflit, indépendamment aussi du moment où la liste a été établie et de la date où le conflit survient. Au contraire, on nous avait dit, je pense que le ministre avait été assez sensible à ces arguments, que cette liste pouvait ou devait même être modifiée suivant les circonstances du moment, qu'il pouvait arriver qu'une liste de services essentiels pouvait être acceptable, à un moment donné, mais que, six mois plus tard, elle pouvait être absolument inadéquate; ou même en sens inverse, elle pouvait être excessive.

Alors, je n'ai pas d'amendement à proposer; je voudrais plutôt que mon intervention à ce stade-ci prenne la forme d'une question au ministre pour lui demander s'il a pu réfléchir à ce problème et

s'il est bien convaincu qu'il peut laisser le texte tel qu'il est, à l'article 99j, deuxième alinéa. Encore une fois, j'avais compris à ce moment-là qu'il avait nettement l'intention d'envisager des possibilités de modifications.

De mon côté, j'avais à peu près été convaincu du bien-fondé de ces remarques qui avaient été faites. Encore une fois, je ne veux pas nécessairement proposer un amendement, mais il me semble qu'il devrait y avoir au moins une réserve exprimée dans cet alinéa, indépendamment des ententes qui ont pu survenir. Le problème qui se pose, c'est qu'il faut une nouvelle entente. Si une liste a été acceptée en premier lieu et qu'on l'a faite vraiment dans le calme, dans une préparation très sereine d'événements prochains, il est bien évident que ça peut être bien différent de ce que le conflit est, rendu sur place. À ce moment-là, les ententes peuvent être extrêmement difficiles, même si, de part et d'autre, objectivement, on pourrait convenir que la liste est vraiment inadéquate.

M. Johnson: M. le Président, le député d'Outremont fait bien de souligner cette question, puisqu'on se l'est posée à plusieurs reprises depuis le début de l'élaboration de ces dispositions il y a maintenant près de deux mois. Nous y avons repensé surtout à l'occasion de l'audition des parties en commission parlementaire.

Cependant, j'ai bien peur de ne pas avoir de réponse, au niveau de la traduction législative, à donner à cette préoccupation, pour trois raisons. La première, c'est que, dans la mesure où l'on désire voir cette liste syndicale être une sorte de "last offer", comme on dit en anglais, il ne faut quand même pas permettre qu'elle puisse être variable. En effet, la sanction possible d'une liste incomplète, c'est la suspension du droit de grève. Il deviendrait trop facile de dire que cette liste peut être émise n'importe quand, modifiée n'importe quand. On permettrait ainsi au syndicat d'ajouter, devant la menace d'une suspension de son droit de grève, de nouveaux effectifs et de recommencer de là. Finalement, on en vient à une notion de médiation qui, au lieu d'être faite par le comité, comme le suggérait le rapport Martin-Bouchard — c'est une option que nous avons rejetée — serait faite carrément par le Conseil des ministres, ce qui est un peu absurde.

La deuxième raison, c'est que nous voulons sortir les ententes et la liste de la période chaude de négociation, en étant bien conscients que l'inconvénient que cela comporte, c'est que ces listes seront publiées au moins six mois avant le déclenchement du conflit et possiblement un an dans certains cas.

L'inconvénient est évidemment que six mois à l'avance, on ne peut prévoir le taux d'occupation de l'hôpital ou les difficultés particulières sur le plan des maladies, une épidémie, une tempête de neige, une poussée de fièvre des foins avec des gens qui ont de l'asthme, etc.

Cependant, il n'y a rien qui dit que la liste elle-même ne comprend pas des éléments possibles de variation qui tiennent compte, par exemple, du taux d'occupation de l'hôpital. D'autre part, il y a toujours cette possibilité qu'une entente de bonne foi, en présumant que le syndicat voudrait modifier sa liste à la hausse... On peut présumer que l'hôpital acceptera que cette liste soit modifiée à la hausse et on aura recours à une entente à ce moment-là.

Le Président (M. Laplante): M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: M. le Président, le concept de l'offre finale est un concept sur lequel le ministre se réfère souvent dans l'expression de ses opinions. Je ne voudrais pas faire de débat sur ce concept qui n'a pas encore été appliqué ici tout au moins. On ne sait pas trop comment les gens vont réagir. C'est beaucoup plus une théorie ou un concept qu'autre chose. Je ne pense pas qu'on puisse invoquer ce concept pour faire face à la difficulté qui me semble tout à fait réelle. Une liste soumise six mois ou un an avant un conflit me paraît vraiment très artificielle. Si on avait essayé d'user d'un peu d'imagination, on aurait pu trouver au moins quelques assurances que cette liste ne deviendra pas une grosse pierre d'achoppement, une fois le conflit déclaré.

Enfin, comme je n'ai pas moi non plus de proposition précise à faire, sauf qu'il me semble — on peut imaginer une formulation — qu'on aurait pu mettre tenant compte des circonstances ou prévoir quelque chose comme cela pour qu'il y ait au moins une petite réserve qui apparaisse. Si je comprends bien, si on découvre le matin du conflit que la liste qui a été acceptée est vraiment inadéquate, il n'y a rien à faire. C'est ce que je comprends.

M. Johnson: II y a possibilité d'une autre entente.

M. Raynauld: Elle a été acceptée au préalable.

M. Johnson: II y a deux choses. Il y a la possibilité d'une autre entente, d'une part. Il n'y a rien qui empêche, d'autre part, le syndicat lui-même de fournir plus d'effectifs que ce qui est prévu dans sa liste.

M. Raynauld: Là, on rêve en couleur. M. Johnson: Non, mais si...

M. Raynauld: II y a un conflit. Le conflit se déclare un matin.

M. Johnson: D'accord.

M. Raynauld: Vous me dites qu'ils vont aller plus loin que ce qu'ils étaient prêts à faire lorsqu'ils ont décidé à froid, sereinement... et que le jour du conflit...

M. Johnson: Ce n'est pas impossible, c'est déjà arrivé. L'exemple, c'est un incendie dans un

hôpital de Montréal, il n'y a pas très longtemps, où les gens se déplaçaient la nuit pour aller donner un coup de main. Ce sont des choses qui peuvent arriver. Je suis d'accord avec vous qu'il ne faut pas partir avec le principe que c'est cela qui va s'appliquer partout.

Je vous dis qu'une des solutions à cela, si le syndicat, lui, proprio motu, décide que cela prend plus de monde pour un tas de raisons, il n'y a rien qui l'empêche d'envoyer plus de monde.

M. Raynauld: Non, je comprends cela, mais je pense qu'on ne peut pas compter là-dessus.

M. Johnson: Si la liste est inadéquate, il peut se faire suspendre son droit de grève.

M. Raynauld: Non, elle a été acceptée par hypothèse, comme étant...

M. Johnson: Acceptée par qui? M. Raynauld: Qui l'accepte?

M. Johnson: Non, il n'y a personne qui accepte les listes.

M. Raynauld: Oui, il y a un conseil.

M. Forget: Implicitement oui.

M. Johnson: Non.

M. Raynauld: Implicitement, il est accepté.

M. Forget: Le Conseil des ministres qui ne dénoncera pas une liste pour l'avoir acceptée.

M. Raynauld: II ne dénoncera pas la liste.

M. Johnson: C'est cela. Il peut toujours... Le Conseil des ministres ne décide pas d'accepter les listes. Il peut décider qu'une liste est inadéquate.

M. Raynauld: II peut décider cela n'importe quand.

M. Johnson: En d'autres termes, le Conseil des ministres n'est pas saisi de l'ensemble des listes. Le Conseil des ministres sera saisi des listes considérées au niveau d'une évaluation technique comme a priori inadéquate. Pour les autres, on peut tenir pour acquis que comme elles n'ont pas été jugées inadéquates, elles sont adéquates.

M. Forget: C'est cela.

M. Johnson: II peut très bien arriver qu'elles n'aient pas été jugées inadéquates à temps et que cette décision intervienne au moment du déclenchement du conflit, parce qu'il n'y a rien qui empêche le lieutenant-gouverneur en conseil de procéder à cette décision à quelque moment que ce soit.

M. Chevrette: C'est la deuxième fois que le lieutenant-gouverneur prend plus de temps à décider que la fonction publique exige...

M. Raynauld: De revenir sur sa décision?

M. Forget: M. le Président, le troisième alinéa de l'article 99j par lequel le ministre prétend introduire la notion de libre accès à l'hôpital durant une période de conflit de travail, à mon avis, n'est qu'une démonstration purement artificielle et purement vide de sens, une espèce de coup de chapeau que le ministre donne à un beau principe au passage. Je ne vois vraiment pas quelle signification attacher à ce paragraphe. Qu'on lise le paragraphe, où on dit: Une entente ou une liste doit notamment prévoir le libre accès d'un bénéficiaire. Qui, pense-t-on, va figurer sur la liste pour donner une substance à cette obligation? On n'a qu'à mettre sur la liste: Le syndicat untel et untel de tel hôpital à tel endroit prévoit le libre accès d'un bénéficiaire conformément à la loi. On pourra juger que cela lui permet de satisfaire à l'obligation que l'entente ou la liste prévoit le libre accès. Ils n'ont qu'à mettre une espèce de formule de style. Je vois tout de suite les centrales syndicales imprimer des formules à l'avance où on laisse des blancs pour la description des services. On imprime d'avance à la fin: La liste ci-dessus ne porte en aucun moment préjudice au droit des bénéficiaires en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Bingo. On a satisfait la loi. On a satisfait le ministre, mais on n'a satisfait personne d'autre, parce que dans le fond, c'est une obligation qui est vide de sens.

Il s'agit simplement de dire qu'une loi qui a été adoptée il y a sept ans par l'Assemblée nationale est toujours en vigueur. On n'a vraiment pas besoin du troisième paragraphe pour le dire. On savait cela bien avant. On n'a même pas besoin du ministre pour le dire. Même s'il ne voulait pas, il faudrait d'abord qu'il fasse abroger la loi ou abroger l'article 4 pour dire autre chose. On n'ajoute absolument aucun élément nouveau, mais comme il y a eu des audiences, on a dit publiquement que c'était peut-être une bonne idée de garantir l'accès; alors, on met un paragraphe qui ne veut strictement rien dire, et après, on utilise des manoeuvres de procédure pour bloquer la discussion sur la seule façon pratique et concrète de donner un sens à cet engagement, c'est-à-dire de viser spécifiquement des comportements qui pourraient avoir pour effet de nier dans la pratique le libre accès aux centres hospitaliers durant un conflit de travail.

Ce n'est pas avec des promesses verbales que le ministre va nous encourager à croire dans ses déclarations et ce n'est pas non plus avec des promesses purement verbales que le ministre va résoudre le problème des difficultés d'accès durant les conflits de travail. La loi 253 contenait la même disposition et il me semble qu'à l'expérience, comme on a décidé de la changer, on aurait pu voir la nécessité d'aller un peu plus loin, parce

qu'il y a eu des problèmes relativement à l'accès dans les centres hospitaliers, malgré que la loi prévoyait qu'il ne devait pas y en avoir. Ce n'est pas en réaffirmant une deuxième ou une troisième fois que les bénéficiaires ont accès aux centres hospitaliers qu'on va changer quoi que ce soit à la réalité.

Effectivement, les lignes de piquetage vont être là, on va faire le filtrage et, d'ailleurs, ce sont les porte-parole du front commun qui, pas plus tard que la semaine dernière, nous avouaient candidement qu'ils se croyaient tout à fait justifiés et tout à fait autorisés, tout à fait qualifiés pour déterminer si des gens qui arrivent en ambulance sont des "scabs" ou des vrais malades, et, aux objections du ministre que quelqu'un qui arrive à l'hôpital avec un mal de ventre, on serait bien embêté de voir quelqu'un qui est à l'entretien ménager et qui se trouve, par hasard, à ce moment-là, sur la ligne de piquetage, décider si c'est un vrai mal de ventre ou un mal de ventre de circonstance, et que, par conséquent, on ne peut pas faire confiance à son affirmation. Il faut lui dire: Écoutez! L'hôpital est fermé, vous ne pouvez pas entrer.

Quand même le ministre nous dirait: Écoutez! Tout peut arriver, et les syndicats, s'ils se rendent compte qu'ils ne sont pas raisonnables, ils peuvent accepter de réviser leur position et d'être raisonnables; c'est une argumentation qui ne repose pas sur grand-chose, puisque ça, c'était vrai en 1976, c'était vrai en 1972, c'était vrai en 1968. Cela a toujours été vrai. Quand les gens sont raisonnables, il n'y a pas de problèmes et on n'a pas besoin de légiférer, sauf que, qu'est-ce qui arrive quand les gens ne sont pas raisonnables, précisément? (15 h 45)

Ils ne trouveront pas là-dedans des guides bien précis pour les persuader qu'ils contreviennent à la loi. Ils vont dire: Bien oui, c'est vrai. Ils ont droit d'accès, mais, seulement, par malheur, notre hôpital et en grève. Alors, ils conservent un droit d'accès, mais qu'ils aillent à un autre hôpital qui n'est pas en grève. C'est une réponse comme une autre, M. le Président, et je ne suis pas sûr si même un juge, devant un article de loi comme celui-là, ne donnerait pas raison à une fermeture totale et complète par une ligne de piquetage étanche d'un centre hospitalier. Après tout, ce n'est pas le fait, pour un individu, de se trouver dans une ligne de piquetage devant un hôpital qui abroge la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Tout le monde sait bien qu'elle reste là dans les statuts du Québec et qu'il y a probablement — mais personne n'est obligé de le savoir — d'autres hôpitaux dans la province qui fonctionnent le même jour et à la même heure. Alors, pourquoi tomber sur la tête des gens avec une chose aussi générale? Personne ne se sent visé. Personne ne se sent concerné. Il n'y a comportement qui est déclaré illégal, irrégulier ou contraire à l'esprit de la loi. Tout ça, c'est laissé à l'interprétation de tout un chacun et on sait comment les gens font l'interprétation quand leurs intérêts personnels ou les intérêts de groupes sont impliqués.

Il y a des précédents, M. le Président, pour que la réglementation sur les droits de piquetage se fasse. On en parle dans des pays qui sont pourtant réputés être des pays progressistes, qui ont une réglementation ou, dans certains cas, actuellement, qui considèrent la possibilité de réglementation du droit de piquetage, étant donné les abus auxquels ça donne lieu parfois et étant donné les plaintes que ça engendre dans le public.

M. le Président, ce n'est certainement pas en bâillonnant l'Opposition quant à la recevabilité de tel ou tel amendement qui cherche à aller un peu plus loin qu'on va faire avancer le débat. Je ne veux pas faire de drame avec cela, mais il reste que c'est un point fondamental. Je crois que tout le monde en a reconnu la justesse la semaine dernière en commission parlementaire. Si le gouvernement n'est pas prêt à aller plus loin que cela, nous, nous allons vraiment nous poser des questions sur son sérieux dans l'adoption de ce projet de loi 59.

M. Johnson: M. le Président, l'article 4 de la Loi des services de santé et services sociaux dit simplement que toute personne a droit de recevoir les services de santé et les services sociaux adéquats sur les plans à la fois scientifique, humain, social, avec continuité et de façon personnalisée, compte tenu de l'organisation et des ressources des établissements qui dispensent ces services.

Prenons cet article. Présumons d'une situation où une ligne de piquetage devient étanche qu'on empêche les gens d'avoir accès à l'hôpital. Je doute fort que quelqu'un puisse avoir un recours en vertu de l'article 4 de la Loi des établissements de santé et de services sociaux. Cela ne m'apparaît pas un texte qui crée une infraction pour violation à ce droit. Je ne suis pas sûr qu'il donne vraiment recours à la personne. Cependant, on imagine assez mal le citoyen qui a été empêché de franchir une ligne de piquetage pour aller dans une salle d'urgence prendre une injonction en vertu de l'article 4 de la Loi des services de santé.

Ce que nous faisons très concrètement, c'est que nous disons, dans le texte, que le libre accès doit être prévu dans la liste. Si le député de Saint-Laurent prête bien attention au texte qu'il a devant lui, il verra que le Code du travail prévoit dorénavant que nul ne peut contrevenir aux dispositions de l'entente conclue ni déroger à la liste déposée. Ce qui signifie qu'il y a effectivement une sanction au non-respect de l'engagement de garantir le libre accès aux bénéficiaires et qu'il y a effectivement une sanction en vertu du Code du travail.

Je pense que cela est déjà une amélioration considérable sur la loi 253 qu'avait pilotée le député de Saint-Laurent à l'époque où on disait qu'un accord ou une décision — en parlant de la décision du commissaire aux services — porte notamment sur la possibilité d'accès et les besoins particuliers des bénéficiaires. Je pense qu'il y a une amélioration dans la mesure où on crée, par la

loi, l'obligation pour les parties d'avoir des dispositions quant au libre accès et qu'on oblige, un paragraphe plus bas, les parties à respecter ces dispositions.

M. Forget: II y a, dans l'interprétation des lois, une règle qui est assez bien connue et qui est essentiellement la suivante: Le législateur ne peut créer un impôt ni imposer une pénalité à moins d'être extrêmement explicite sur la façon dont — s'il s'agit d'une mesure fiscale — l'impôt est prélevé sur son taux, sur ceux qui sont tenus de le payer. On ne pourrait pas dans une loi, prétendument fiscale, dire: Tout citoyen est tenu de payer un impôt raisonnable au gouvernement. On imagine tout de suite... Il s'agit de le dire pour que le ridicule de la situation apparaisse. Il y a des tables d'impôt qui sont dans la loi, il y a des règles pour le calcul du revenu imposable ou de l'activité imposable et Dieu sait combien c'est fait avec précision et minutie.

De la même façon, quand on décrète une pénalité, il faut y aller avec le même genre de minutie, le même genre de circonspection. Il n'y a pas de loi qui dise: Quelqu'un qui se comporte de façon irresponsable est sujet à une amende de $500. Ce n'est clairement pas le genre de chose qu'on retrouve dans des lois et on se rend tout de suite compte que des lois formulées comme cela ne peuvent pas avoir d'application. Un tribunal qui est saisi par un comportement et qui est saisi par le Procureur général par la demande d'imposer une pénalité, une amende en vertu du Code du travail ou en vertu de n'importe quelle disposition pénale d'une loi provinciale ou d'un statut quel qu'il soit, va se demander: Est-ce que la personne que l'on accuse d'avoir contrevenu à la loi, d'avoir commis une infraction avait les moyens d'avance de savoir exactement ce qui était permis et ce qui était interdit? La réponse immédiate de l'avocat de la défense devant une situation comme celle-là ce serait de dire: M. le juge, quand on lit cet article, il n'y a absolument aucune façon de voir si un gréviste, un membre d'un syndicat, qui se comporte comme normalement on s'est toujours comporté dans les cas de grève et qui accepte pendant une journée ou deux, à l'occasion, quand son tour vient, d'aller faire du piquetage, il n'y a absolument pas le moyen de savoir à partir de quel moment il a posé un geste qui était une négation du droit d'accès des citoyens à l'hôpital.

Ou c'est une interdiction absolue de piquetage, et je suis à peu près sûr que ce n'est pas ce que veut dire le ministre, ou, alors, c'est une interdiction circonstanciée et limitée, mais les circonstances et les limites n'apparaissent pas dans la loi, le tribunal n'aurait d'autre choix que de renvoyer tout le monde en disant: II n'y a pas d'offense, il n'y a pas d'infraction. Il ne peut pas y avoir de pénalité, il ne peut pas y avoir d'amende. Encore une fois, dans les listes en question, on va pouvoir s'acquitter de la lettre de l'exigence littérale qu'on retrouve dans l'article en disant tout simplement: Le syndicat reconnaît que le troisième alinéa du paragraphe 99j du Code du travail s'applique.

À ce moment-là, à moins que le ministre ne nous dise quoi d'autre il va chercher à retrouver dans les listes, quel renseignement plus précis, quelle règle plus détaillée il va chercher à trouver dans les listes et, s'il ne les y trouve pas. il va décréter la suspension du droit de grève jusqu'à ce quelle s'y trouve, à ce moment-là, on doit présumer que tout ceci, ce sont exactement cinq lignes de texte qui n'ont aucune signification.

M. Johnson: M. le Président, en terminant, j'ai l'impression que le député de Saint-Laurent n'a pas lu attentivement le texte. C'est très clair. On dit qu'une entente ou une liste doit prévoir le libre accès à l'établissement. C'est français, il me semble. Deuxièmement, c'est un impératif d'après la loi, en droit administratif c'est une disposition impérative, "doit prévoir". Deuxièmement, le paragraphe dernier de cet article 99j prévoit que nul ne peut contrevenir aux dispositions de la liste que l'on vient de décrire. Comme la liste contient une obligation et une prévision explicites de la liberté d'accès, je pense qu'il y a là matière à infraction, que c'est très clair et que n'importe quel juge, en lisant ces deux paragraphes, verrait qu'il est beaucoup mieux assis que de référer à l'espèce de droit qu'on consacre à l'article 4 de la loi 65 alors qu'ici on crée une obligation spécifique pour le syndicat et les personnes qui, à toutes fins pratiques, sont sur la ligne de piquetage. M. le Président, est-ce que l'article 99j est adopté?

M. Forget: Non, M. le Président, nous avons un autre amendement.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Richmond.

M. Brochu: Sur la même question, si le ministre le permet. Je ne voudrais pas entamer une guerre des mots uniquement là-dessus, mais il y a un autre aspect que j'aimerais toucher. Je ne le ferai pas sous forme de motion d'amendement, mais sous forme de suggestion au ministre. Si on modifiait l'article 99j, comme l'amendement du ministre le propose, de la façon suivante: "Une entente ou une liste doit notamment prévoir le libre accès d'un bénéficiaire à un établissement conformément aux dispositions de l'article 4 de la Loi des services de santé et des services sociaux ".

Je m'explique, M. le Président. À ce moment-là, il y aurait une dualité dans la prévision qu'on inclurait dans le projet de loi. D'abord, comme la première partie de l'article 4 de la Loi des services de santé et des services sociaux le mentionne, on assurerait l'accès, tel que le ministre l'indique, du bénéficiaire à l'établissement, mais, en contrepartie, on assurerait ce qui est prévu ici, c'est-à-dire qu'un établissement ne peut cesser d'héberger un bénéficiaire qui a reçu son congé, à moins que l'état de celui-ci ne permette son retour à domicile ou qu'une place ne lui soit assurée dans un autre établissement où il pourra recevoir les services nécessités par son état.

Il y aurait les deux cas prévus, non seulement le libre accès du bénéficiaire à l'établissement de

santé, mais également, si on libelle la motion de la façon que je le suggère à ce moment-ci, on préserverait le patient dans un établissement que du jour au lendemain, dans un conflit de travail, on l'expulse et le retourne chez lui. Si on incluait les mêmes dispositions qui étaient prévues dans cet article 4 de la Loi des services sociaux, je pense qu'on couvrirait davantage de sujets et on assurerait une protection beaucoup plus grande, non pas seulement au niveau du libre accès, mais au niveau de la protection du patient qui est à l'intérieur de l'hôpital.

Je n'ai pas besoin de citer beaucoup de cas. Le ministre est au courant de ce qui s'est passé lors des derniers conflits de travail. J'ai eu de nombreux exemples de personnes qui ont été sorties des milieux hospitaliers, et qui n'étaient pas toujours dans des conditions tout à fait souhaitables.

M. Johnson: II y a deux choses dans ce que dit le député de Richmond, M. le Président. Premièrement, la question du libre accès avec une référence à l'article 4. Je pense, même si je comprends la suggestion qu'il nous fait, que cela aurait comme effet d'affaiblir l'article. Dans la mesure où l'article 4 réfère à une notion, compte tenu de l'organisation des ressources des établissements qui dispensent ces services... On sait qu'en cas de crise, en cas d'application de cet article dans la réalité... Si on est dans une crise, qu'il y a une ligne de piquetage et que les services sont réduits dans l'hôpital...

Si on se réfère à l'article 4, on dit: Compte tenu de l'organisation et des ressources des établissements qui dispensent ces services, on est dans une situation où effectivement, quelqu'un pourrait dire à la porte: J'ai empêché l'accès à un bénéficiaire, parce que je sais très bien qu'à l'intérieur il n'y a pas suffisamment de services pour qu'on lui dispense des soins en continuité, en tenant compte qu'ils sont personnalisés, etc, comme le dit l'article 4. Je pense que cela aurait pour effet d'affaiblir la volonté.

Quant à l'autre élément qu'il soulève au sujet des patients qui sont à l'intérieur, qui ne peuvent pas être libérés, etc., je pense que l'article 4 est là pour ça. Il est lui-même là et je pense que cela n'a aucun lien avec la notion de la liste, etc, à moins qu'on dise...

M. Brochu: II n'y a pas de sanction légale, par exemple. À ce moment-là, ça lui donnerait la force d'une sanction légale, applicable en vertu de l'article 126.

M. Johnson: Sauf que ça pourrait aussi être utilisé dans un contexte où des gens décident de s'adonner à une guerre juridique ou judiciaire. Cela pourrait aussi être utilisé pour dire que, de toute façon, l'article 4 et les grands principes de la Loi des services de santé et des services sociaux, dans un cas de grève dans le secteur hospitalier, ne sont pas respectés. Il n'y a personne qui va nier ça, il ne faut quand même pas se boucher les yeux. Quand vous avez un hôpital qui fonctionne à 35%, que vous avez, pour les 35% des lits occupés, la moitié des services habituels que vous fournissez aux patients, pourquoi est-ce qu'on continue à se compter des blagues, que la loi 65 est respectée?

Ce n'est pas vrai. En période de crise et en période de grève dans les hôpitaux, on ne respecte pas la philosophie de la loi 65. Je trouve ça regrettable, je trouve ça déplorable. Que voulez-vous, c'est une situation de fait avec laquelle on vit depuis dix ans.

Ce qu'on dit dans ce contexte, c'est: Créons des obligations très précises en cas de crise. On en crée une interdiction ici, celle de nuire au libre accès de l'établissement de celui qui est bénéficiaire. La notion de bénéficiaire, cependant, est très commode, dans l'article 1p de la Loi des services de santé et services sociaux. Il nous dit spécifiquement: Un bénéficiaire, c'est toute personne à qui sont fournis des services essentiels ou des services sociaux par un établissement ou une famille d'accueil. C'est vraiment le patient qui arrive à la porte et qui dit: Moi, je veux entrer dans la salle d'urgence. (16 heures)

Autrement, on pourrait simplement, carrément se passer le Code du travail pour régir ce secteur et dire. En tout temps, la loi 65 s'applique. On sait très bien ce qui se passe. On est obligé d'avoir des disposition spécifiques. À toutes fins utiles, la loi 65, si on se rappelle l'esprit dans lequel elle a été adoptée, implique qu'il ne devrait jamais y avoir d'interruption des activités constantes, normales et usuelles des hôpitaux au Québec. On sait que cela n'est pas vrai. Cela veut dire, à toutes fins utiles, l'abolition du droit de grève qui, lui-même, ne réglera rien, je pense, comme on a pu en faire la démonstration.

Mais je comprends très bien ce que veut dire le député de Richmond. Cependant, je pense que, dans un premier temps, l'amendement qu'il suggère aurait comme effet, malheureusement, d'affaiblir l'article, même si ce n'est pas du tout le but recherché. Quant à l'autre partie, je pense que cela ouvre tout le domaine de la comptabilité du droit de grève dans les hôpitaux et de la loi 65, bien plus qu'autre chose.

M. Brochu: Mais je ne me référais pas à ce moment-là à tout le contexte de la loi 65. Je spécifiais l'article 4. Si le seul argument du ministre, c'est de dire: Compte tenu de l'organisation des ressources des établissements qui dispensent ces services, ce qui est inclus dans la loi, ce qui pourrait ouvrir une porte à une interprétation lors d'une grève, sur une ligne de piquetage, pour dire à des gens, comme le ministre l'a indiqué: On ne vous donne pas le droit d'entrer parce que ces services ne sont pas dispensés, à ce moment-là, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de reproduire tout simplement l'article 4, mais en enlevant cette partie du "compte tenu"? Disons que trop fort ne casse pas. Si on inclut dans l'amendement du ministre ces deux éléments... Le fait du libre

accès, j'en suis, on le reconnaît et il faut que ce soit comme cela.

Mais, si on le reconnaît d'une façon plus forte, en incluant l'article 4 de la Loi des services sociaux et des services de santé, en enlevant la partie qui répugne au ministre de ce côté, il me semble que cela m'apparaît apporter beaucoup plus de force. Nulle part il n'est question du patient qui est en dedans et qu'on peut expulser du jour au lendemain. Là, on aurait cette disposition prévue dans la loi. Ce serait une garantie, par rapport aux gens, dans le milieu hospitalier.

M. Johnson: Mais cette responsabilité, ultimement, c'est une responsabilité médicale.

M. Brochu: D'accord.

M. Johnson: Et ce n'est pas un choix facile à faire pour les médecins — je l'ai vu pendant une grève — de décider de classer un patient A ou B. A, cela veut dire qu'il reste à l'hôpital; B, cela veut dire qu'il peut sortir à la condition qu'on ait une certaine idée de l'environnement dans lequel il s'en va.

M. Brochu: J'imagine un peu le contexte dans lequel cela peut se faire. Quand il y a une grève et qu'il y a des piquets de grève à l'extérieur, quand il y a des pressions qui se font... Il y a un patient qui est arrivé chez nous, qu'on avait mis hors de l'hôpital pas dans un trop bel état, même dans un état assez lamentable. Il avait fait 80 milles en autobus, avec du sang qui coulait par les oreilles à la suite d'une opération. Il y a eu d'autres cas comme cela. Comment cela s'est-il fait? On peut voir le climat et le contexte dans lesquels une telle discussion peut avoir lieu.

M. Johnson: Sans doute pas à cause de la ligne de piquetage. C'était sans doute à cause du nombre réduit de services qu'il y avait dans le service postopératoire. Cette décision est une décision médicale.

M. Brochu: S'il y avait cette disposition dans la loi, même le service médical serait obligé d'en tenir compte, aurait certaines obligations inscrites dans la loi par rapport à ses patients.

M. Johnson: C'est cela. Vous allez mettre le médecin dans une position telle qu'il dira: Tout mon postopératoire, je le garde ici, je me couvre face à la loi, je ne fais pas d'actes qui peuvent être considérés comme dangereux et par lesquels je peux me rendre coupable d'un acte dérogatoire au Code de déontologie ou aux pratiques normales de ceux qui ont prêté le serment d'Hippocrate. Mais, dans le fond, je vais avoir 40 personnes dans le postopératoire alors que je n'ai pas assez de personnel pour s'en occuper.

Dans certains cas, on risque plus à avoir certains types de patients dans un hôpital, si on n'a pas certains services, que de les avoir à l'extérieur. Quand on pense entre autres à des gens qui ont des problèmes immunitaires, des problèmes d'infection.

M. Brochu: Mais est-ce qu'à ce moment-là, les médecins ne géreraient pas d'une façon aussi responsable — puisque c'est le principe que le ministre donne à ce moment-là — le fait d'utiliser leur bloc opératoire à telle capacité, selon les besoins, de la même façon que le ministre dit qu'ils vont le faire maintenant lorsqu'il va s'agir d'expulser des malades, ou en les classant A ou B?

M. Johnson: Je ne pense pas que cette commission, ou le Code du travail, ou le gouvernement, ou qui que ce soit puisse entrer dans le détail de définir qui va rester et qui va sortir. C'est une situation anormale qu'on soit obligé de vider un hôpital.

M. Brochu: C'est vrai.

M. Johnson: C'est une situation aberrante. D'accord? On dit: On va vivre avec cela parce qu'on est dans une société qui fait cela de même. Ce n'est pas vrai qu'en adoptant une loi, on va mettre fin à cela.

M. Brochu: C'est vrai, mais par contre il faut limiter les dégâts.

M. Johnson: On peut seulement souhaiter que cela se fasse de façon à créer le moins de dommages possible. À partir du moment où on dit que Ion vit dans l'absurdité au niveau des services essentiels, on essaie de les baliser en disant aux gens: Vous avez à respecter un minimum de choses. Vous allez exercer cela dans un cadre où on pense qu'il va y avoir le moins de dommages possible. Mais ce à quoi nous réfère le député de Richmond finalement, c'est de revenir à la notion que les services essentiels sont en fonction du taux d'occupation décidé par les médecins. Je vais lui répondre en disant qu'on ne sera pas plus avancé, parce que n'importe quel médecin, s'il a vraiment le choix et s'il sait qu'il a un choix, il aime bien mieux garder un patient deux jours de plus à l'hôpital pour être bien sûr, que de le mettre dehors.

M. Brochu: À ce moment-là, on ne lui laisse pas la possibilité d'exercer sa profession consciemment.

M. Johnson: À ce moment-là, ce que vous me dites, c'est l'abolition du droit de grève, en souhaitant et en priant le petit Jésus qu'il n'y ait pas de grève.

M. Brochu: Seulement une impression. L'impression que cela me fait, c'est un peu comme les Américains qui s'en vont à Helsinki, non pas pour gagner quelque chose ou arriver avec des données plus réalistes, mais simplement pour dire de quelle façon ils acceptent que la Russie leur entre

dans le corps. C'est un peu le portrait que cela me donne. On dit: On vit dans l'absurde. On accepte l'absurdité de la situation et on essaie de négocier de quelle façon ce sera absurde.

M. Johnson: On essaie de minimiser les effets de ce type d'absurdité qu'on peut connaître dans le secteur hospitalier à cause d'une grève. On essaie de prendre les moyens les plus concrets qu'on puisse prendre en tenant compte du fait que s'il doit y avoir une grève dans le secteur hospitalier, il va y en avoir une. On peut bien s'asseoir ici et dire qu'il n'y en aura pas, mais cela ne changera rien. S'il y a des gens qui veulent faire la grève, ils vont la faire, loi ou pas, qu'on ait dit ce qu'on voudra dans ce texte de loi. Qu'il y ait un minimum de conditions ici et que dans le contexte d'une grève qui pourrait survenir dans le secteur hospitalier — il n'y a pas de garanties que cela va survenir, soit dit en passant, c'est une police d'assurance, ce n'est pas une obligation de faire la grève — dans le contexte où cela devrait arriver, on dit: Voici les conditions minimales qui doivent être respectées par ceux qui vont exercer ce droit de grève.

On a l'impression qu'en reconnaissant le droit de grève et en le balisant, l'adhésion de ceux qui sont susceptibles de faire la grève risque de respecter ces dispositions. C'est cela le pari qu'on fait comme législateur là-dedans.

M. Brochu: À ce moment-là, vous misez uniquement sur l'attitude des gens en présence.

M. Johnson: Pas uniquement, on dit que c'est une affaire d'adhésion. Est-ce que, oui ou non, les gens vont adhérer à ces dispositions? Il y a deux extrêmes là-dedans, ou on dit: On n'en parle même pas. Dans certains cas, il y a des gens qui vont dire: Puisqu'on n'en parle pas, je ne suis pas dans l'illégalité et je fais ce que je veux. Il peut arriver que dans un cas isolé on ait des gens qui agissent de façon parfaitement irresponsable. Il pourrait même arriver que, dans notre société, parce qu'il n'y a rien qui prévoie qu'il y a des limites à l'exercice de ce droit dans le secteur hospitalier, il y ait une espèce de traînée de poudre un peu psychotique de gens qui disent: De toute façon, il n'y a rien, tout nous est permis.

L'autre extrême, c'est de dire: Abolition du droit de grève. L'abolition du droit de grève, j'ai la profonde conviction, pour avoir vu évoluer la situation depuis 1966 au Québec et pour regarder évoluer le syndicalisme entre autres dans le secteur hospitalier, que c'est une aberration, que cela ne sera pas respecté.

Je me dis: Entre les deux, qu'est-ce qu'il y a? À partir du moment où on a l'impression et la conviction profonde que l'abolition du droit de grève n'empêchera pas les grèves, on dit: D'accord, on va reconnaître le droit de grève, mais on va le baliser. Ces balises, on pense que les travailleurs sont capables d'y adhérer et on pense qu'ils ne seraient pas capables d'adhérer à l'idée qu'ils n'ont pas le droit de grève. D'autre part, ce n'est pas le laisser- faire total qui permettrait une traînée de poudre d'irresponsabilités.

Si les travailleurs adhèrent à cela parce qu'ils ont le droit de grève et parce qu'ils savent qu'il doit être balisé à cause du secteur névralgique dans lequel ils travaillent, j'ai l'impression qu'on aura peut-être fait un pas si effectivement ils y adhèrent. C'est de rendre cela à la fois "adhéra-ble" pour les travailleurs et le mouvement syndical dans le secteur hospitalier et en même temps c'est une manifestation que dans un contexte où le droit de grève existe dans un secteur aussi fondamental que la santé, il y ait un minimum de balises pour protéger les citoyens du Québec.

M. Brochu: S'ils les prennent. C'est dans ce sens que le ministre dit qu'il veut faire un pas ici. Je lui proposerais en somme d'en faire deux pour que ces balises soient beaucoup plus visibles.

M. Chevrette: Adopté.

M. Forget: II ne faut pas forcer le ministre à faire des pas trop rapides.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent, si c'est pour annoncer une motion, parce que votre temps est terminé déjà depuis la motion principale...

M. Chevrette: Je comprends! Il a parlé 25 minutes.

Le Président (M. Laplante): ... si on compte le temps d'hier, d'aujourd'hui...

M. Forget: C'était sur la recevabilité. Avez-vous compté séparément...

Le Président (M. Laplante): Vous avez annoncé une motion. Oui, c'était sur la recevabilité. Je vous ai laissé dire tout ce qu'il y avait à dire...

M. Forget: Ah mais...

Le Président (M. Laplante): ... parce qu'hier vous aviez seulement abordé la recevabilité.

M. Chevrette: Une heure et deux minutes, en fait.

M. Forget: Je n'ai pas parlé 40 minutes. M. Chevrette: Une heure et deux en tout.

Le Président (M. Laplante): Vingt minutes et beaucoup plus. Tout de même, vous aviez une motion d'amendement annoncée. C'est pour vous donner la chance de le faire.

M. Forget: Un article, une motion, cela fait quarante minutes...

M. Johnson: À la rigueur, cela pourrait être le député d'Outremont qui la présente, parce qu'il n'a pas utilisé son temps.

Le Président (M. Laplante): Vous savez, jusqu'à aujourd'hui je pense que j'ai été très élastique sur le temps. Ce n'est que pour vous...

M. Forget: Je ne pense pas que vous nous ayez fait de faveur, M. le Président.

M. Chevrette: N'en demandez pas. Faites votre motion.

Le Président (M. Laplante): On n'appellera pas cela des faveurs, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Au contraire. L'amendement se lit de la façon suivante: "Que le paragraphe j) de l'article 4 soit modifié en ajoutant, après le troisième alinéa, l'alinéa suivant: Dans tous les cas où une entente n'intervient pas entre les parties, le conseil doit rendre public sans délai son avis sur chacun des cas." Sur cette motion, il est clair que, d'après les remarques que faisait le ministre, d'ailleurs, en réponse aux arguments du député d'Outremont, un peu plus tôt, il y a une certaine ambiguïté que permet la loi quant à l'attitude du gouvernement, et même du Conseil sur le maintien des services essentiels.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous voulez m'en donner copie?

M. Forget: II est clair qu'il y a une ambiguïté dans l'attitude du gouvernement à partir du moment où il y a un échec dans la conclusion d'une entente sur les services essentiels. Le Conseil sur le maintien des services essentiels, de même que le Conseil des ministres...

Le Président (M. Laplante): Avant d'embarquer dans le fond de votre amendement, M. le député de Saint-Laurent, pour enlever toute ambiguïté sur le temps, je vais la juger tout de suite recevable, votre motion, pour que vous puissiez commencer à parler. Est-ce qu'on est d'accord avec cela?

M. Forget: C'est cela. Il est 16 h 12.

Le Président (M. Laplante): II est 16 h 11, à ma montre.

M. Forget: II est clair — je vais recommencer une troisième fois, puisque vous... — Est-ce que vous avez d'autres questions à me poser?

Le Président (M. Laplante): Je n'ai pas d'autre question. C'est le déroulement normal.

M. Forget: Je vous invitais à y penser tout de suite.

Le Président (M. Laplante): Je crois que c'est le jeu normal d'un président de faire ce que je fais là, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Ah bon! C'est plutôt inusité.

Le Président (M. Laplante): À votre façon à vous.

M. Forget: M. le Président, il apparaît, d'après les remarques du ministre tout à l'heure en réponse aux questions du député d'Outremont, qu'il y a une large mesure d'ambiguïté dans l'attitude du Conseil pour le maintien des services essentiels et du Conseil des ministres lui-même, à partir du moment où les parties dans un établissement ne réussissent pas à s'entendre pour déterminer les services qui doivent être maintenus pendant un arrêt de travail. Le ministre tout à l'heure a dit: Ce qui n'est pas désapprouvé n'est pas non plus implicitement approuvé. Cela nous fait une belle jambe quand on approche d'un conflit de travail, et surtout lorsque la liste syndicale est sur le point d'être publiée. On peut, bien sûr, vouloir faire toute la preuve par l'absurde. J'ai l'impression que c'est un mode de raisonnement que favorise le ministre de démontrer par l'absurde que telle ou telle liste syndicale, dans les faits, n'est pas satisfaisante et donne lieu à des problèmes, à des difficultés, à des objections.

Il reste qu'il serait utile peut-être de prévenir plutôt que de guérir. Si on attend qu'à force de temps, à force de difficultés, au cours du conflit de travail, on se rende compte que, soudainement, la liste syndicale est inadéquate ou qu'elle n'est pas respectée, on pourra, bien sûr, invoquer la suspension du droit de grève et les sanctions ordinaires prévues par la loi. (16 h 15)

Mais est-ce qu'il ne serait pas souhaitable, justement, pour que l'évaluation de la manière dont le syndicat a l'intention, ne serait-ce que cela, de répondre à ses responsabilités sociales dans le domaine, afin que cette évaluation se fasse dans la période relativement froide où le conflit n'est pas en cours, où la grève n'est pas commencée, qu'on ait un mécanisme qui permette d'évaluer le sérieux de la liste syndicale au moment où celle-ci est produite par le syndicat?

C'est le but de cet article. Après tout, l'article 99i prévoit que le conseil est chargé d'informer le public de la situation qui prévaut en matière d'ententes, de listes syndicales et de maintien des services lors d'un conflit de travail. Le ministre pourrait dire: Oui, ça, c'est déjà tout prévu. Mais, comme il a indiqué qu'une liste pouvait ne pas être désapprouvée et ne pas être approuvée en même temps, il reste qu'il faudrait aller un peu plus loin que ça et demander au conseil sur le maintien des services essentiels, justement, d'énoncer son avis à lui, de dire: Dans tel hôpital, il n'y a pas eu d'entente. On sait que le syndicat devra se prévaloir du droit que la loi lui donne désormais de publier une liste prépondérante de manière à s'assurer que le gouvernement et la population sont en mesure d'évaluer si cette liste syndicale, au moment de sa publication, est raisonnable ou pas. Plutôt que d'attendre à la fin,

plutôt que d'attendre la grève, plutôt que d'attendre les difficultés, voici ce que le conseil sur le maintien des services essentiels pense des services qui devraient être maintenus. Justement, au moment où la liste syndicale sera publiée, il sera facile de faire la comparaison des deux et de dire: Oui, tout va bien. Effectivement, le syndicat s'est haussé jusqu'à ce palier de sens de responsabilités qui lui permet d'assurer, sur la base de sa liste à lui, un service minimal, raisonnable.

Si, d'un autre côté, au moment de la publication de la liste, en faisant une comparaison, on se rend compte qu'il y a une disparité flagrante, on a là un motif d'intervention et le gouvernement lui-même, qui, au moins à ce moment-là ou peut-être plus tard, mais on espérerait qu'il le fasse le plus rapidement possible, découvre cette disparité, sera justifié d'intervenir. S'il n'a pas une liste préalable émanant du conseil pour le maintien des services essentiels, l'action du Conseil des ministres apparaîtra peut-être odieuse. Elle apparaîtra peut-être gratuite. Étant donné les accusations qui ne manqueraient pas d'être émises à ce moment-là par le syndicat, selon lesquelles la partie patronale met son chapeau de législateur quand bon lui semble sans nécessairement avoir de motif pour le faire — sauf celui de gêner le déroulement normal de la négociation, etc., — on est au courant du scénario; on est au courant aussi de la rhétorique utilisée dans ces occasions, peut-être à tort, peut-être à raison, je n'ai pas l'intention d'exprimer un avis là-dessus et, de toute façon, ça n'a aucune importance...

Le fait est que cette opinion, étant exprimée au moment où elle l'est, constitue en soi une aggravation des tensions, une aggravation du conflit. Le ministre, le gouvernement lui-même pourrait bénéficier grandement de voir son action préparée et précédée d'un avis qui doit obligatoirement être émis par le conseil sur le maintien des services essentiels.

Le ministre a dit: II ne faut pas que ce conseil soit placé dans un rôle administratif. C'est vraiment un conseil qui vise à informer l'opinion. Mais, précisément, pour informer l'opinion, il faut avoir quelque chose à lui dire. Comme c'est un conseil qui doit informer l'opinion sur le maintien des services de santé et des services sociaux essentiels, c'est là-dessus que son information doit porter.

Pour que son information soit crédible sur ce point-là, pour que les jugements qu'il porte sur le maintien des services essentiels soient crédibles, il faut qu'il puisse répondre à la question: Oui, mais, vous, messieurs et mesdames du conseil sur le maintien des services essentiels, qu'est-ce que vous auriez fait dans les circonstances?

S'il n'est pas capable d'énoncer une alternative, ses critiques basées sur des difficultés d'application, des imperfections qui se révèlent à l'expérience, manqueront de conviction. Les gens diront: Bien oui, c'est bien facile de dire, une fois que la chose est enclenchée, une fois que la grève est enclenchée, une fois que des difficultés particulières sont soulevées: On aurait dû faire autrement. Mais encore faut-il le faire et démontrer qu'on est capable de le faire avant même que les problèmes se soulèvent.

Il me semble, M. le Président, que cet amendement est justifié par le caractère même du rôle que le ministre veut donner au Conseil sur le maintien des services essentiels, un rôle d'information. On dit essentiellement, dans cet amendement: L'information doit être donnée dans chacun des cas où une entente n'est pas réalisée et l'information doit être disponible, non seulement dans chacun des cas, mais au moment même où on constate l'impasse dans la négociation d'une telle entente.

C'est donc l'amendement que nous présentons, M. le Président. J'espère que celui-là, au moins, sera jugé recevable par le ministre, même s'il l'a déjà été par vous, M. le Président, et qu'il voudra l'incorporer au projet de loi.

M. Chevrette: M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. le député...

M. Johnson: Tout simplement, juste avant, si vous me le permettez!

Le Président (M. Laplante): M. le ministre.

M. Johnson: Simplement pour les fins du journal des Débats et la bonne entente, je ferai remarquer au député de Saint-Laurent que j'ai déjà accepté certains de ses amendements au cours de cette discussion, et que notre expérience de la loi 45 a démontré que tout cela pouvait se dérouler de façon très détendue.

M. Forget: Je n'ai jamais dit le contraire, M. le Président.

M. Johnson: Bon, je voulais juste être sûr.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: M. le Président, l'esprit des amendements présentés par le ministre visent essentiellement à faire en sorte que les parties prennent vraiment leurs responsabilités face aux services essentiels.

La première phase est de dire: Assoyez-vous, tentez de conclure raisonnablement une entente entre vous. Si cela ne fonctionne pas, nous préconisons la liste syndicale comme formule à retenir, qui sera éventuellement jugée acceptable ou inacceptable.

Pourquoi le fait-on de cette façon? C'est précisément pour qu'on ne se retrouve pas avec une liste syndicale farfelue. Les gens ont cette menace, il n'y a pas de cachette dans la loi, c'est une certaine forme de mise en garde, de manière de dire: Ne présentez pas quelque chose de farfelu parce que, si vous le faites, vous risquez de voir votre droit de grève suspendu.

Si on accédait à la demande du député de Saint-Laurent, je pense qu'on pourrait se retrouver devant deux situations. J'aimerais que le ministre

confirme par la suite, si les deux situations que je vais vous présenter peuvent, théoriquement en tout cas, être plausibles.

D'abord, on pourrait se retrouver devant une déclaration du conseil dont le rôle est précisément non pas de juger, mais d'informer. Ce n'est pas le conseil qui décide de suspendre un droit de grève ou de ne pas le suspendre. Le conseil pourrait, dans les deux jours suivants donner un avis, cela ne présuppose pas de la décision du Conseil des ministres par la suite, absolument pas. Donc, on pourrait se retrouver avec un avis public du conseil qui dirait que le syndicat de l'hôpital Saint-Charles-de-Joliette a présenté une liste inacceptable à notre point de vue. C'est ce qu'il a à dire.

Le syndicat se retourne de bord — dans le contexte de la loi qui est présentée — et dit: Moi, je veux d'abord négocier une entente parce que la seule façon, après qu'une liste est supposément jugée inacceptable, c'est de conclure une entente.

Le patron, voyant venir le syndicat qui n'a plus de force de frappe, aucun pouvoir de négociation, demande 60% ou 70% du personnel, l'exige, et le syndicat ne peut pas le refuser. Comme on ne peut pas retoucher à la liste parce qu'il n'y a pas d'entente, théoriquement, on se retrouverait dans une situation plus aberrante que de laisser un poids de responsabilité au syndicat en disant: Ta dernière liste que tu vas nous remettre, fais-la importante parce que tu auras à être jugé. C'est une possibilité qu'il pourrait y avoir.

Deuxièmement, je pense aussi que l'employeur, dans un contexte d'hôpital, où le syndicat veuille négocier à tout prix, enlève, à toutes fins pratiques, le sens même de la grève, qu'on veut laisser comme moyen de... On ne dit pas qu'on favorise les grèves, mais si tu laisses le droit de grève, il ne faut pas que tu t'arranges pour l'enlever de façon indirecte.

M. Chevrette: Si la seule façon était d'avoir une entente pour éventuellement utiliser la grève et si vous arriviez à des signatures d'ententes où on exige du personnel à profusion, l'effet de la grève serait complètement négatif, ce qui veut dire qu'il n'y aurait aucun impact au niveau des négociations comme telles. Et on pourrait faire durer les grèves tant qu'on voudrait parce qu'on aurait obtenu, par des ententes, un nombre incalculable de travailleurs plus ou moins indispensables parce que, si l'hôpital prévient un peu le coup d'une grève, il peut avoir réduit son pourcentage d'occupation à 30%, 35% et se retrouver avec du personnel pour un taux d'occupation de 50%, 55%, juste pour le plaisir de dire qu'il a obtenu du personnel à profusion et de dire au public: Les soins sont excellents à l'intérieur.

Je pense qu'il faut retenir que la mise en garde qu'il y a dans cela, le sérieux qu'on exige, c'est le sens des responsabilités des deux groupes en ce qui regarde une entente, et dire au syndicat: On laisse le droit de grève, mais vous ne pouvez pas jouer au fou avec cela. Vous allez présenter une liste qui est valable, sinon, pour une période de 30 jours, parce que cela peut se répéter par la suite, vous vous verrez suspendre le droit de grève. On n'aura pas de choses farfelues au départ. Ce qu'on risque, c'est toujours d'avoir des négociations continuelles après que l'avis serait rendu public dans les plus brefs délais. Tout le monde se garrocherait pour négocier, on verrait les chicanes et on risquerait d'avoir des conflits, à mon sens, sur la négociation des services essentiels. On pourrait avoir du boycottage à l'intérieur des hôpitaux le jour où la liste paraîtra et qu'elle sera jugée inacceptable, alors qu'on ne sera même pas encore rendu au niveau de l'acquisition du droit de grève. On pourra vivre des périodes de perturbation avant même qu'on négocie le contenu des conventions collectives parce que les gens diront: L'employeur profite du fait que notre liste a été jugée inacceptable par le conseil pour exiger davantage, et les moyens de pression commenceront. C'est là, bien souvent, qu'on vit des conflits syndicaux, pas nécessairement sur des contenus de convention collective, mais c'est pour régler des chicanes internes accumulées des mois d'avance. Personnellement, je demanderai de rejeter l'amendement du député de Saint-Laurent.

Le Président (M. Laplante): M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: M. le Président, j'ai l'impression que, ou bien il y a un malentendu là-dessus, ou bien il y a des choses qui ne se disent pas ouvertement. Premièrement, dans l'article 99i, il est bien dit que le conseil est chargé d'informer le public. Alors, on ne peut pas poser comme argument qu'un amendement comme celui-ci vient modifier de fond en comble le rôle du conseil. Je ne pense pas que cela contrevienne au rôle qui est déjà prévu pour le conseil puisque ce conseil est chargé d'informer le public sur les listes syndicales en particulier et sur les ententes. La seule différence qui est apportée — et c'est pour cela qu'on le place ailleurs qu'à 99i — ce sont les avis du conseil. Là, on nous répond: Si ce sont des avis — cela ferait toute la différence du monde — le conseil devient une espèce d'agent d'arbitrage et il va y avoir des négociations qui vont recommencer.

Or, il n'y a aucune raison pour que le fait d'ajouter un amendement comme celui-ci modifie le reste du projet de loi. L'offre des syndicats reste finale. Il n'y a aucun problème là-dessus. Cela ne devient pas objet de discussion ou de négociation. Lorsque le conseil informe le public sur les listes syndicales, déjà on est très proche d'un avis parce que les gens vont pouvoir juger eux-mêmes de cette liste et elle est publique. Le conseil est chargé, en vertu de 99i, de faire justement cela. À ce moment-là, ce qu'on exige, ce qu'on demande de plus par cet amendement, c'est que le conseil dise au public ce qu'il recommande au Conseil des ministres. Est-ce que la liste est acceptable ou si elle n'est pas acceptable, est-ce que le lieutenant-gouverneur en conseil va interdire le droit de grève ou s'il ne va pas interdire le droit de grève? (16 h 30)

Si on refuse un amendement comme celui-ci, j'ai l'impression — j'ai cette même impression depuis le début de nos travaux sur ce projet de loi — qu'on a une épée de Damoclès suspendue au-dessus des têtes dans les conflits, et c'est une épée très lourde. Cela me fait penser un peu à la stratégie militaire où on a des sanctions qui sont tellement lourdes qu'on est certain qu'on ne pourra jamais les employer...

M. Chevrette: Sacrifice! Avez-vous vécu l'époque de 1970 à 1976 pour faire des comparaisons? Voyons!

M. Raynauld: Ce que le député vient de dire, si l'avis était public...

M. Johnson: ... à Ottawa en 1970.

M. Raynauld: ... imaginez donc ce qui arriverait. À ce moment-là, le Conseil des ministres aurait à faire face à cet avis, comme si c'était quelque chose d'épouvantable. Il n'y a rien d'épouvantable là-dedans. On forme un conseil sur le maintien des services essentiels et on ne veut surtout pas que l'avis de ce conseil soit connu du public. Alors, ça me fait penser que le lieutenant-gouverneur en conseil va avoir beaucoup de difficultés à appliquer la sanction, la seule sanction qui est prévue si quelque chose ne fonctionne pas.

Je demande donc, à ce stade-ci, ce qu'il y a vraiment de distinct au point qu'on enlèverait un droit de grève si on permettait à ce conseil, comme le député de Joliette-Montcalm vient de le dire, de publier un avis. Je ne comprends pas du tout la nature d'un argument comme celui-là. Cela va être un argument qui va être tellement fort, qui va tellement jouer contre le syndicat que le syndicat ne pourra plus faire la grève. On va lui avoir enlevé le droit de grève.

Ce n'est pas du tout comme ça que je vois ça, bien au contraire. Il y a aussi la possibilité que le syndicat se mette à renégocier parce que l'avis est publié. Cela me paraît extraordinaire aussi. Le conflit n'est pas encore commencé, à moins que j'aie mal compris, le conflit n'est pas encore commencé.

M. Chevrette: Bien non!

M. Raynauld: S'il n'est pas encore commencé...

M. Chevrette: On veut provoquer la perturbation avant qu'il y en ait un.

M. Raynauld: On ne veut pas provoquer la perturbation du tout, vous le dites vous-même ici à l'article 99i. Est-ce que ça va perturber le monde aussi? Le conseil qui est chargé d'informer le public de la situation qui prévaut en matière d'entente et de liste syndicale...

M. Chevrette: Est-ce que vous me permettez de dire un mot?

M. Raynauld: Celui-ci va perturber aussi, peut-être, non?

M. Chevrette: Me permettez-vous de dire un mot?

M. Raynauld: Oui, si vous voulez.

M. Chevrette: Vous permettez, M. le Président? La grande différence qui existe entre votre amendement et le libellé des amendements du ministre, c'est que le ministre dit: Négociez de bonne foi. Advenant un échec dans des délais bien précis, il dit au syndicat: Sois très sérieux, mon gars; si tu ne l'es pas, éventuellement, ton droit de grève pourra être suspendu. Vous voudriez qu'au lendemain du dépôt de la liste, le conseil dise: Ce n'est pas trop acceptable. Qu'est-ce que vous pensez qu'il y aura comme ambiance dans un hôpital qui n'est pas encore rendu au niveau des négociations comme tel, qui va entrer en négociation avec un avis du conseil, public, dans les plus brefs délais disant qu'il s'aligne sur les négociations et il est sûr, au bout de la course ou à peu près, que ça va être rejeté?

M. Forget: Cela ne se règle pas au niveau d'un hôpital, ça se règle au niveau provincial.

M. Raynauld: À ce moment-là, c'est aussi vrai de la situation actuelle qui est prévue. C'est exactement la même chose.

M. Chevrette: Non, il y a possiblement, M. le député d'Outremont, beaucoup plus de sérieux à ce moment-là, au niveau de la liste qui sera fournie, parce qu'on ne cherchera pas, par la suite, à aller grignoter ou gruger une entente possible avant que n'arrive le droit de grève. C'est très différent.

M. Raynauld: Je comprends que vous vouliez éviter les négociations et je suis sensible à cet argument. Je ne veux pas rejeter cet argument. Mais je ne comprends pas pourquoi on se remettrait à négocier sur la base d'un avis, lorsqu'à l'heure actuelle on a un mécanisme dont le conseil est obligé de toute façon de rendre compte.

M. Johnson: II n'y a rien qui l'oblige à le faire de façon immédiate. Ce sera à lui de juger de ça.

M. Forget: Mais il a le devoir d'informer le public.

M. Johnson: C'est ça.

M. Raynauld: II va l'informer trois mois après?

M. Johnson: C'est cela. Il a le devoir de créer ce qui prévaut en matière de services de santé. Quelle est la situation qui prévaut. Il peut dire: À telle date, on a reçu tant d'ententes, tant de listes syndicales, etc.

M. Forget: Cela prend effet seulement après la grève, son mandat?

M. Johnson: Non, il peut le faire à partir du 1er janvier, à partir du dépôt de ces listes, parce que c'est le 1er janvier qu'ils doivent les déposer.

M. Forget: II ne peut pas exprimer d'avis sur les listes.

M. Johnson: II peut.

M. Forget: II peut dire seulement que la liste existe.

M. Johnson: Mais, selon l'amendement que le député de Saint-Laurent présente, on lui dit: Dans les plus brefs délais. À partir du moment où ce qu'il a, ce n'est pas une entente, c'est une liste, il est obligé de porter un avis précis sur cela. Il se peut fort bien qu'en analysant la liste, il ne soit pas certain, parce qu'il n'a pas vu l'ensemble encore. Il se peut fort bien qu'il ne sache pas si, à l'hôpital Notre-Dame, c'est une liste adéquate ou pas. Cela va dépendre. Peut-être que l'hôpital Notre-Dame va annoncer, trois mois avant l'ouverture du droit de grève, qu'elle ferme trois départements, à partir du mois de juillet. C'est bien possible que cela arrive. À ce moment-là, la liste est tout à fait adéquate.

Tandis que si on lui donne une obligation de le faire, je suis d'accord, j'ai soulevé tout à l'heure le problème que posait la liste déposée six mois avant l'ouverture du droit de grève, on consacre les erreurs possibles qui peuvent se glisser là-dedans, parce qu'on va peut-être obliger ce comité d'information à dénoncer une liste qui, par ailleurs, pourrait être tout à fait adéquate, compte tenu d'un service d'été, par exemple, dans un hôpital, par opposition à un service régulier, un service à l'époque des vacances, où on sait que, souvent, il y a une diminution, parce qu'il y a une diminution, entre autres, des entrées électives dans les hôpitaux.

Je pense que cela serait le mettre dans une drôle de position que d'être obligé de le faire. Mais c'est très clair, quant à moi, qu'il a l'entière liberté de le faire, et je présume qu'il décidera de le faire là où ce sera manifeste à ses yeux. Mais là où il sera peut-être incertain et attendra effectivement la période du déclenchement du conflit, c'est peut-être un peu délicat de l'obliger à le faire six mois avant. Cela peut créer le genre de perturbations, cela peut être incitatif à des perturbations comme celles qu'évoquait le député de Joliette-Montcalm tout à l'heure.

M. Raynauld: Si c'est le problème de la date, du sans-délai, est-ce que cela veut dire que... Vous semblez interpréter 99i comme si cela n'interdisait pas au conseil d'exprimer des avis?

M. Johnson: Absolument.

M. Raynauld: Vous l'interprétez comme cela?

M. Johnson: Absolument. Pour moi, c'est manifeste. C'est 99e...

M. Raynauld: 99i. Le conseil est chargé...

M. Johnson: La création du conseil, c'est à l'article 99i?

M. Raynauld: Oui.

M. Johnson: Un conseil sur le maintien des services sociaux en cas de conflit de travail est constitué par le juge en chef. Il est chargé d'informer le public sur la situation qui prévaut en matière d'ententes, de listes syndicales et de maintien des services en cours de conflit. Pour moi, cela couvre toute la période, effectivement; il n'y a aucun doute là-dessus.

Je pense que le texte est quand même relativement clair quant à cela. On peut parler d'ententes et de listes à partir du 1er janvier, en pratique, parce que c'est le moment où ils doivent les déposer, tandis que la notion de maintien des services durant le conflit, c'est clair, c'est qu'ici cette liste ou cette entente est mise en vigueur dans un contexte bien précis. Mais je ne voudrais pas créer pour lui cette obligation d'aller fournir cet avis dans les plus brefs délais. Mais je présume qu'il pourra le faire dans certains cas.

Le rapport Martin-Bouchard, si j'ai bonne souvenance, ne disait pas qu'il fallait nécessairement traduire cela juridiquement. Mais je présume que le citoyen qui, pendant une grève des hôpitaux dans la ville de Sherbrooke, a à se plaindre, va le faire auprès du conseil. Le conseil va être obligé de tenir compte de cela dans son analyse, va recevoir des appels téléphoniques et va voir que les journaux en parlent, etc. Il va être appelé à le faire.

Dans le fond, c'est cela le rôle essentiel qu'on cherche; c'est vraiment qu'il informe la population et qu'il soit un véhicule d'information sur le maintien des services. En aucune façon n'est-il un médiateur, parce qu'il n'y a pas de médiateur là-dedans et il n'y a pas d'incitateur à régler non plus. Même pas. Cette volonté de régler, c'est la responsabilité des parties, ou d'avoir une liste adéquate, c'est la responsabilité syndicale.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous avez terminé, M. le député d'Outremont? M. le député de Richmond.

M. Brochu: Si vous le permettez, M. le Président. Je comprends les préoccupations du ministre de ne pas voir le conseil se poser en médiateur ou être obligé, par le contenu de la motion du député de Saint-Laurent, indirectement, de prendre parti à ce moment-là dans le litige en faisant ce que la motion demande.

Si on modifiait quelque peu la motion, si on remplaçait par exemple les mots "son avis sur chacun des cas " par les mots "un rapport sur les négociations tenues conformément au premier alinéa et les écarts qui séparent les parties " est-ce

qu'à ce moment-là on n'éviterait pas justement ce rôle de médiation que le ministre ne veut pas accorder au conseil, mais en même temps qu'on maintiendrait le principe d'information au public sur l'état de la situation, l'état des négociations et l'état des écarts, est-ce que ce ne serait pas un moyen terme qui permettrait justement cette information sans confier au conseil le rôle de médiateur?

M. Johnson: À ce moment-là si on adoptait le genre de disposition que vous envisagez, on l'obligerait, on l'inciterait à aller mettre le nez concrètement au niveau de la négociation entre les parties dans chaque hôpital. Justement, on veut éviter cela. On veut vraiment éviter qu'il intervienne à un titre ou à un autre entre les parties. Il est là pour, après coup, faire rapport de ce qui s'est passé. On dit que c'est la responsabilité des parties, parce que, s'il intervient au niveau de chaque hôpital pour savoir ce qui se passe dans la négociation qu'on a rendue obligatoire au premier paragraphe de ces services, de cette entente, peut-être que des parties vont avoir tendance à attende qu'il vienne. On va attendre qu'il vienne, on va voir ce qu'il va dire et les écarts. Ils vont peut-être partir dans une position de négociation au lieu vraiment de faire une vraie négociation. C'est vraiment de partir d'une position de négociation de dire qu'il va y avoir une espèce d'arbitrage moral qui va se faire par ces gens. On veut éviter cela. On dit: Débrouillez-vous, les parties, entendez-vous de façon responsable, et nous, nous allons informer le public de la résultante de vos gestes, de vos actions, que ce soit consensuel, par entente ou que ce soit unilatéral par les syndicats.

M. Brochu: Le sens de mon intervention n'est pas justement de donner une portée d'intervention au conseil en modifiant la proposition du député de Saint-Laurent, mais plutôt de lui permettre de faire un constat de la réalité au moment où un problème se pose et, à ce moment-là, de rendre cette constatation publique.

M. Johnson: II va y en avoir à peu près 650 en même temps, il ne faut pas oublier cela. Si c'était à quatre places, cela ne me fatiguerait pas.

M. Brochu: C'est l'élément de multiplication qui vous inquiète? Mais ne pourrait-il pas y avoir des conseils régionaux et des conseils locaux, à ce moment-là?

M. Johnson: II va y en avoir, mais 650, c'est du monde en masse, même à l'hôpital.

M. Brochu: Encore là, d'un côté, on est accroché à la lourdeur du nombre. Par contre, de l'autre côté, le droit à l'information existe aussi. Il a une portée aussi générale, aussi grande que le territoire occupé par le nombre de personnes préoccupées aussi par ces conflits.

M. Johnson: D'accord, mais, dans le fond, il va intervenir là où il pense qu'il y a des problèmes. Ce conseil a un tas de moyens de le savoir. Je présume qu'à un moment donné il va recevoir des appels téléphoniques de l'AHPQ, il va en recevoir des centrales syndicales pour dire: Dans notre région, l'AHPQ prétend que cela va mal alors que nous, on le sait, on a tant pour cent des effectifs et cela fonctionne bien. Il faut lui laisser cette liberté d'intervenir au niveau de l'information par opposition à l'obliger à faire une révision de cas par cas et de "staffer" avec 1200 personnes. Il faudra d'abord trouver ces 1200 personnes pour s'occuper de cela. On sera bien heureux le jour où on en aura trois ou quatre dans chaque région. Cela fait déjà une trentaine de personnes, de gens qui seront capables de regarder aller un peu, d'évaluer cela, d'avoir recours un peu à leur propre expertise ou à de l'expertise de l'extérieur, de regarder quel a été l'objet des grands paramètres qui ont été changés au niveau national parce qu'on prévoit cela pour l'été qui vient.

D'ailleurs, le gouvernement et l'Association des hôpitaux vont rencontrer les syndicats et ils vont s'échanger des données sur les grands paramètres de ce que peuvent être les services essentiels. Ne vous faites pas d'illusion, ce n'est pas au niveau national que cela peut se régler, c'est au niveau local. Ils vont au moins échanger un minimum de données, les taux d'occupation, le type de services de base essentiels en fonction de tel type de taux d'occupation, pour qu'il y ait au moins un échange sur ce type de données. Le conseil d'information va avoir accès à ce type de données et, finalement, il va falloir qu'il aille sur la place publique et qu'il en parle. Que veut dire aller sur la place publique? Cela veut peut-être dire faire une conférence de presse. Cela veut dire répondre aux appels téléphoniques des journalistes qui appellent. Cela veut dire répondre aux préoccupations des citoyens et les renseigner quand ils appellent. Trouver des gens pour faire cela dans toutes les régions du Québec, c'est déjà un gros morceau. (16 h 45)

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, j'ai le sentiment qu'on tourne en rond, comme cela nous arrive après un certain temps avec les propositions d'amendement, parce qu'il est bien clair qu'on a un conseil qui vise à informer le public, mais qu'on a un grand souci de ne pas lui donner trop l'obligation d'informer le public en même temps. On aura l'avantage de pouvoir dire qu'il y a un conseil pour informer le public, mais aussi l'avantage de ne pas avoir trop de renseignements qui pourraient gêner le gouvernement, qui pourraient l'embarrasser, qui pourraient troubler la population. C'est à peu près cela le genre de situation dans laquelle le gouvernement veut se trouver.

M. Johnson: Non. M. le Président, si vous permettez, je pense...

M. Forget: II est en train de faire son lit là-dessus. C'est assez clair. Non, je ne permets pas...

M. Johnson:... que le député de Saint-Laurent me prête des intentions.

M. Forget: II m'interprétera comme c'est son habitude.

M. Johnson: Je ne demande pas qu'il me permette, j'invoque le règlement. Je pense que le député de Saint-Laurent...

M. Forget: M. le Président, en vertu du règlement, le ministre pourra corriger les impressions que j'ai laissées par mes remarques à la fin de mes propos, mais pas pendant mes propos. C'est l'article 96, je pense bien.

M. Johnson: Très bien.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: On se retrouve donc devant un conseil d'information. On va dire: Voyez, la population, rassurez-vous, il y a des gens qui vont vous informer si cela ne va pas. D'un autre côté, on est bien content de mettre des enfarges dans le déroulement du processus, de manière qu'il n'y ait pas trop d'information, qu'on ne connaisse surtout pas les avis que le conseil d'information a pour mission de donner au gouvernement, de façon que le gouvernement n'ait pas besoin de se défendre de son inaction ou de vouloir dire: Laissons courir. Si jamais il n'y a pas de désastre, même si la liste est insuffisante, fermons les yeux. S'il y a un désastre, il sera toujours le temps d'en prendre acte et d'intervenir.

Ne nous faisons pas d'illusion. Il va y avoir des interprétations qui vont émaner de toutes sortes de sources. Quand il y aura un défaut d'entente dans un établissement, ne nous faisons pas d'illusion. Ce n'est pas parce qu'on a créé un conseil sur le maintien des services essentiels qui resterait muet qu'on va empêcher différents organismes médicaux, professionnels, syndicaux ou patronaux d'énoncer des points de vue, à savoir si l'échec de conclure une entente est vraiment le signe d'une crise sociale imminente, etc. Il va y avoir une cacophonie de toutes sortes d'avis, comme il y en a d'habitude. Pour le seul organisme que le gouvernement créait, auquel il prétend donner de la crédibilité là-dessus, il va attendre que les malheurs se passent, parce qu'il ne faut surtout gêner personne. Il ne faut surtout pas gêner les syndicats et les mettre en face de leurs responsabilités, quoique les chefs syndicaux, quand ils sont venus, à quelques reprises déjà dans le passé, au sujet des services essentiels, aient dit: Écoutez, laissez-nous faire et laissez la population juger. Pour que la population puisse juger, il faut qu'on l'aide en lui donnant de l'information. Comment juger dans l'abstrait si une liste ou le défaut d'entente représente en soi un danger s'il n'y a personne qui a une certaine crédibilité, une certaine autorité, qui dit: Voici, nous, ce qu'on aurait fait?

Ce n'est pas Jos Tartempion qui va se dire: Je pense qu'à l'hôpital Notre-Dame, on aurait dû fournir tel et tel service. Si c'est là-dessus qu'on pense miser, sur une information du public, pour s'assurer que les syndicats aient un comportement responsable et si on prend tous les moyens pour que le public ne soit effectivement pas informé, évidemment, on peut tout de suite prédire ce qui va arriver quant à l'exercice du sens des responsabilités de la partie syndicale.

Les syndicats ont dit à plusieurs reprises que. quant à eux, ils n'avaient pas l'intention de voir changer un système qui leur avait procuré des avantages, qu'ils avaient une force et qu'ils avaient l'intention de s'en servir. C'est très clair, ce langage. Cela veut dire seulement une chose. C'est qu'on va aller, encore une fois, jusqu'au bout pour avoir le maximum possible d'avantages et sans se poser des questions sur le sens de responsabilité et les obligations sociales. On ne s'en est pas posé dans le passé, alors que rien n'empêchait qu'on se pose ces questions. Il n'y avait aucune loi qui disait aux syndicats: Vous n'avez pas le droit d'être responsables. On a eu les circonstances qu'on connaît.

Alors, qu'on ne vienne pas nous dire maintenant qu'on va avoir un comportement plus responsable tout simplement parce qu'il y a une gentille petite loi qui a dit: Messieurs, soyez donc gentils! Surtout, on ne vous embêtera pas, on ne vous posera pas de colle, on ne vous mettra pas en face de vos responsabilités. On ne donnera pas au public l'information nécessaire pour se rendre compte si, oui ou non, vous êtes responsables. Soyez gentils et, s'il n'y a pas trop de désastres, on interviendra le moins possible. Devant une politique de laisser-faire comme celle-là, qu'on ne vienne pas nous dire qu'il s'agit d'une loi essentielle pour le maintien de services minimaux en période de grève. On va avoir essentiellement un vide législatif, un vide de renseignements et une absence de responsabilités, en répétant cela, l'histoire qu'on connaît déjà.

Là-dessus, de toute manière, on n'est pas capable de convaincre le ministre, de l'amener à changer de position. Quant à nous, on est prêt à voter par un vote enregistré sur cette motion qui va être défaite, parce que le gouvernement trouve inapproprié de se placer dans des situations qui soient embarrassantes. On le comprend, même si on ne l'approuve pas, on comprend très bien les sentiments qui l'y poussent.

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, je veux effectivement rectifier certaines choses. J'ai bien reconnu là la vision technocratique de l'ancien ministre des Affaires sociales, dont on connaît, d'ailleurs, le succès de la loi 253 qu'il avait fait adopter...

M. Raynauld: À l'unanimité.

M. Johnson: Oui, mais on connaît le succès de ces brillantes dispositions de la loi 253...

M. Forget: J'ai même eu des félicitations à l'Assemblée nationale des membres de l'Opposition à l'époque, mais ce n'était pas sincère.

M. Johnson: On connaît le succès que cela a eu. Il faut essayer d'apprendre avec l'expérience. L'expérience de la loi 253 n'a pas été très "ju-geotte", ni pour les citoyens, d'ailleurs, ni pour le député de Saint-Laurent et le gouvernement auquel il appartenait.

Deuxièmement, c'est ce gouvernement qui propose d'informer la population. Que je sache, le député de Saint-Laurent, lui, quand il était ministre des Affaires sociales, n'a pas proposé de mécanismes d'information de la population qui soient aussi adéquats que ceux qu'on propose.

M. Forget: Ce n'était pas le levier essentiel de la loi.

M. Johnson: Troisièmement, en aucune façon j'entends limiter, par ce texte et par les textes et par mon refus d'accepter l'amendement du député de Saint-Laurent, la possibilité pour ce groupe de procéder effectivement à de l'information du public. Je pense que le député de Saint-Laurent, ou n'a rien compris, ou fait semblant de ne rien comprendre, ce qui est une de ses grandes habiletés en commission habituellement.

Je pense que ce conseil d'information doit pouvoir diffuser l'information à même toutes les ressources dont il pourra disposer. On ne doit pas l'encarcaner dans une situation telle que, sans délai, il fasse rapport sur chacune des listes. Je pensais avoir expliqué clairement tout à l'heure au député d'Outremont les raisons pour lesquelles je pense que ce serait dangereux de l'obliger à le faire immédiatement. Dans certains cas, peut-être que ça peut être juste ennuyeux de le faire. Il est là pour informer le public, non pas pour être un tiers intervenant. Je pense que si le député de Saint-Laurent ne comprend pas pourquoi je rejette son amendement, il démontre qu'il a une vision bureaucratique de la réalité qu'il a, d'ailleurs, su bien imprimer au ministère des Affaires sociales.

Le Président (M. Laplante): J'appelle le vote sur l'amendement du député de Saint-Laurent. Est-ce qu'il sera adopté?

M. Johnson: Rejeté.

M. Raynauld: Non, vote enregistré.

M. Johnson: Vote enregistré, M. le Président?

Le Président (M. Laplante): Vote enregistré. M. Brochu (Richmond)? M. Bisaillon (Sainte-Marie)?

M. Bisaillon: Contre.

Le Président (M. Laplante): M. Chevrette (Joliette-Montcalm)?

M. Chevrette: Contre.

Le Président (M. Laplante): M. Forget (Saint-Laurent)?

M. Forget: Pour.

Le Président (M. Laplante): M. Gravel (Limoilou)?

M. Gravel: Contre.

Le Président (M. Laplante): M. Johnson (Anjou)?

M. Johnson: Contre.

Le Président (M. Laplante): M. Lavigne (Beauharnois)?

M. Lavigne: Contre.

Le Président (M. Laplante): M. Pagé (Portneuf)? M. Roy (Beauce-Sud)? M. Vaillancourt (Jonquière)?

Amendement rejeté...

Je m'excuse, M. "Raymond" (Outremont)?

M. Forget: Raynauld.

M. Raynauld: Ce n'est pas moi. Très bien. Pour.

Le Président (M. Laplante): Pour: 2; contre: 5. Amendement rejeté.

Est-ce que l'article 99j sera adopté?

M. Raynauld: Adopté.

Le Président (M. Laplante): Adopté sur division ou adopté, point?

M. Raynauld: Sur division?

M. Johnson: M. le Président, 99k...

M. Forget: Oui, sur division, bien sûr.

Le Président (M. Laplante): Article 99j, adopté sur division. J'appelle l'article 99k.

M. Johnson: M. le Président, il y a une reformulation du texte qui est distribué en ce moment. "Sous réserve du quatrième alinéa de l'article 991, une partie peut déclarer une grève ou un lock-out à la date d'expiration de la convention collective ou de ce qui en tient lieu pourvu qu'un avis préalable d'au moins 48 heures ait été donné par écrit au ministre et à l'autre partie leur indiquant le moment où elle entend y recourir. Cet avis de grève ou de lock-out ne peut être renou-

velé qu'après le jour indiqué dans l'avis précédent comme moment où elle entendait recourir à la grève ou au lock-out. ' En fait, c'est...

Le Président (M. Laplante): C'est un nouveau texte que vous présentez, M. le ministre?

M. Johnson: Oui, c'est un nouveau texte... Le Président (M. Laplante): À 99k.

M. Johnson: ... mais, en fait, l'essentiel est là. C'est la notion de l'avis de 48 heures, sauf qu'il y a des précisions pour apporter une concordance avec l'article 991, qui prévoit...

M. Raynauld: M. le Président, je voudrais savoir...

M. Johnson:... qui est l'actuel troisième alinéa de l'article 99I. En d'autres termes il n'y a pas éventualité de lock-out, comme nous l'avions dit à l'origine, si les services essentiels sont assurés, si les services sont respectés. Il y a une concordance également avec l'article 47 du code à cet égard.

M. Raynauld: M. le Président, est-ce que le ministre est bien sûr que c'est là qu'il place son amendement? Est-ce qu'il remplace l'ensemble du paragraphe 99k...

M. Johnson: Par le nouveau texte.

M. Raynauld: Par le nouveau texte au complet?

M. Johnson: Oui, c'est bien cela. En fait, c'est une fusion des deux premiers paragraphes.

Le Président (M. Laplante): Excusez, messieurs, le dernier paragraphe n'est pas remplacé. Vous biffez les deux premiers paragraphes, mais vous gardez le troisième. Les deux premiers sont inclus dans un seul.

M. Johnson: D'accord. En fait, le dernier paragraphe du 99k qui a été déposé dans le projet de loi no 59 reste le même et les deux premiers sont fusionnés, avec cependant une référence à 99I pour établir une concordance.

Le Président (M. Laplante): Ce qui fait un nouvel article pour les deux premiers paragraphes.

M. Johnson: Ce qui fait un nouvel article pour les deux premiers paragraphes.

M. Raynauld: D'accord, je comprends. Le Président (M. Laplante): Adopté? M. Forget: Non, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Relativement à cette question, j'ai essayé de suivre en lisant le texte et en référant à 99I, pour ce qui est du droit au lock-out; il y a une restriction au droit du lock-out général avant l'expiration de la convention collective et à l'exclusion d'un avis. Mais c'est la seule restriction au droit au lock-out. C'est bien cela?

M. Johnson: Voulez-vous répéter pour que je sois bien sûr?

M. Forget: II n'y a pas un droit de lock-out dans les établissements de santé avant la date d'expiration de la convention collective...

M. Johnson: D'une part.

M. Forget:... et si le droit de lock-out doit être exercé, il doit être précédé d'un avis de 48 heures.

M. Johnson: Voilà, plus 99I.

M. Forget: En plus de cela, même après l'expiration de la convention collective et moyennant avis, il n'y a pas de droit au lock-out tant et aussi longtemps que les services essentiels sont fournis.

M. Johnson: Voilà.

M. Forget: L'application de cette dernière règle, c'est-à-dire l'exclusion du droit au lock-out, si les services essentiels sont fournis soulève malgré tout un problème nouveau. Il a existé, au cours des dernières années, une évolution assez marquée et on pourrait se douter que cette évolution va être maintenue, à l'effet de ne pas utiliser le droit de grève à strictement parler, à cause de son impact sur l'opinion publique, à cause aussi de son caractère coûteux pour les syndiqués, mais d'utiliser des débrayages, du harcèlement. La grève de 1976 a été particulièrement riche en événements de ce genre. Il a été démontré qu'il était possible de bloquer, à toutes fins pratiques, le fonctionnement de l'hôpital, sans nécessairement bloquer le fonctionnement des services minimaux considérés comme essentiels par de telles tactiques de harcèlement qui échappent à la règle de l'avis de 48 heures, qui sont essentiellement une nouvelle dimension de la stratégie syndicale.

Devant de tels procédés qui forcent une diminution radicale du taux d'occupation, qui rendent presque impossible le fonctionnement normal de l'hôpital, pas seulement pendant quelques jours, mais pendant littéralement des mois, le seul moyen compensatoire pour la direction des centres hospitaliers a consisté dans des lock-out, c'est-à-dire la notion selon laquelle, si vous voulez faire la grève, faites la grève pour vrai, mais le centre hospitalier ne peut pas fonctionner dans un état de demi-fonctionnement, d'hésitation entre un état de conflit et un état de fonctionnement normal. Effectivement, le harcèlement est l'équivalent de la grève. (17 heures)

Si on enlève aux gestionnaires de centres hospitaliers le recours au lock-out dans des circonstances comme celles-là, je crois que l'on crée directement une incitation à ce que la stratégie syndicale confirme la tendance des dernières années et repose de plus en plus exclusivement sur des tactiques de harcèlement qui ont beaucoup d'avantages sur le plan de l'opinion publique puisqu'on peut toujours invoquer que ce sont seulement un certain nombre d'employés de l'entretien ménager, ou les opérateurs d'ascenseurs, ou les brancardiers, ou les préposés au laboratoire et qu'effectivement, à cause de l'absence de ce personnel, à cause des lignes de piquetage également, que le groupe en question qui peut être un groupe d'une douzaine d'employés sur un hôpital qui compte 1800 employés, à cause des lignes de piquetage qui sont installées, a réussi à bloquer complètement le fonctionnement de l'hôpital en permettant à tous d'être payés malgré tout puisqu'ils sont empêchés de travailler par des facteurs indépendants de votre volonté.

Le droit au lock-out n'a été presque jamais utilisé avant 1976 parce qu'on avait des vraies grèves et que les administrateurs n'ont pas le désir plus qu'il ne faut de vider les hôpitaux simplement pour donner des leçons ou Dieu sait quoi aux salariés des centres hospitaliers. Mais devant des comportements comme ceux-là, ils étaient littéralement démunis et, dans certains cas, certains centres hospitaliers ont cessé leur fonctionnement pendant plus d'un mois sans qu'il n'y ait de grève si ce n'est des grèves tournantes impliquant à la fois peut-être une dizaine de salariés.

Je pense que si le gouvernement prend une telle orientation, il assume une responsabilité extrêmement sérieuse, une aggravation du conflit, une escalade littéralement des conflits, et je me demande si le ministre a bien mesuré la portée de cette restriction du droit au lock-out avant de la décréter.

M. Johnson: M. le Président, cela a fait l'objet de longues discussions et de tentatives de formulation. Prenons l'exemple d'un hôpital où il y a du harcèlement qui a été évoqué d'ailleurs mais très brièvement par le rapport Martin-Bouchard, 100% des employés sont là avec un taux d'occupation qui est peut-être diminué, parce qu'il y a une anticipation qu'il va y avoir des difficultés et, par exemple, les employés du laboratoire de biochimie, par du harcèlement, sortent des résultats qui sont faux ou ne traitent pas ou font une grève du zèle, etc. On peut présumer que ce qui peut amener un hôpital à fermer c'est le fait qu'il n'y a pas de service essentiel, au sens d'essentiel, pour fonctionner en tant qu'hôpital, techniquement essentiel et non pas au sens de la loi, mais techniquement essentiel.

Or, on peut non seulement présumer, mais on peut être sûr que la liste syndicale ou l'entente prévoit qu'à chacun des endroits où il y a une catégorie de services, ces services seront décrits comme étant assurés dans les services en vertu de la liste ou de l'entente, et s'il y a du harcèlement à cet endroit-là, il n'y a pas de respect de l'entente ou de la liste et qu'effectivement les services n'étant pas dispensés, il y aurait effectivement ouverture au droit au lock-out à ce moment-là puisque les services ne sont pas fournis. De la même façon que si c'était pour un cas de force majeure, il y a une explosion au laboratoire de biochimie, on est obligé de fermer l'hôpital ou faire appel à l'extérieur, etc.

En ce sens-là, je pense que cette formulation c'est la meilleure à laquelle on est arrivé parce qu'on était bien conscient de cela. Il est possible que la paralysie d'un service stratégique au centre d'un hôpital mette l'hôpital dans une position telle qu'il ne peut plus dispenser des soins qui soient même minimums aux patients qui y sont, mais si ces services, à cause de techniques de harcèlement ne sont pas dispensés, ce sont effectivement les services qui par définition doivent être décrits dans l'entente et dans les services.

M. Forget: C'est une déclaration très importante de la part du ministre et pour être bien sûr qu'on se comprend, ce que le ministre déclare c'est que toute tactique de harcèlement qui a un effet analogue à une grève pour mettre en péril un tant soit peu la prestation des services minimums qui ont été agréés ou qui sont contenus sur une liste syndicale a le même effet qu'une grève qui contreviendrait soit à l'entente, soit à cette liste, y compris l'effet envisagé par la loi de suspension du droit de grève pour l'ensemble des employés de l'établissement.

M. Johnson: Pour aller dans le même sens, à l'article 99I, auquel on se réfère, on remarquera que "le lock-out est interdit si l'ensemble des services décrits dans les ententes ou dans les listes couvrant l'établissement sont maintenus ou si une décision rendue en vertu de..." etc. Donc, il ne s'agit pas de se référer à telle liste à cause de telle unité, par exemple, les responsables de l'entretien ou de la cuisine. C'est l'ensemble des services. Donc, si un service rend l'hôpital inhabile à fonctionner dans son ensemble, parce que c'est possible, l'exemple le plus typique de ça, ce sont les buanderies à Québec... Il y a une buanderie centralisée pour quatre hôpitaux. C'est un exemple.

Vous ne pouvez pas fonctionner dans un hôpital où vous n'avez pas un service de buanderie normal. C'est trop dangereux à cause de la dissémination des infections. C'est très clair. Cela présupposera un jugement intelligent, susceptible de sanctions pénales comme n'importe quel autre, à l'égard de l'administrateur qui l'exercerait mal. C'est évidemment une responsabilité collective de l'ensemble des unités dans l'établissement. Je pense que c'est un autre mode d'incitation dans la mesure où on peut présumer que la majorité des unités ont l'intention de fournir les services essentiels. Je pense que cela créera une pression considérable sur ceux qui seraient plutôt réticents à rendre ces services. La majorité des salariés vont peut-être inciter l'unité rebelle à le

régler, sachant très bien que la sanction possible, c'est un lock-out qui affecte tout le monde.

M. Forget: D'accord. C'est clair, M. le Président, et je remercie le ministre de ces précisions. J'aurais un amendement, cependant, à apporter au même article. Je pense que le ministre se doute un peu de son contenu. C'est l'amendement sur la durée du délai. Nous avons eu en commission parlementaire un certain débat, non pas un débat, mais une discussion avec les groupes qui sont venus se faire entendre quant au caractère satisfaisant ou non du délai de 48 heures.

Bien sûr, ceux qui se sont exprimés du côté patronal ont accueilli avec satisfaction la notion selon laquelle les délais ne courent plus de façon concurrente, ce qui veut dire que ce n'est qu'à l'expiration d'un premier délai qu'un deuxième avis peut être donné. C'est donc là une précaution fort utile et je crois que cela peut grandement aider à permettre aux administrations hospitalières de se préparer à un conflit qui leur est annoncé et minimiser les dégâts relativement aux bénéficiaires.

Cependant, les administrateurs de centres hospitaliers ont émis certains doutes quant à la brièveté du délai. 48 heures, c'est un délai qui est à peine suffisant pour assurer la classification des patients. C'est un délai qui, comparé à la durée moyenne de séjour dans les centres hospitaliers, veut dire qu'il est effectivement trop court pour permettre, simplement en bloquant les admissions, de réduire de façon sensible le taux d'occupation.

Je pense que c'est la façon la plus humaine qui permet à un centre hospitalier de réduire son niveau d'activité sans créer, sur le plan des individus qui sont traités à l'hôpital, qui se trouvent à l'hôpital au moment où l'avis est reçu, le sentiment qu'ils sont vraiment expédiés de façon presque manu militari avant même que leurs traitements, leurs analyses ou leurs examens, non pas leur convalescence, mais leur rétablissement, suite, par exemple, à une opération, n'ait eu un minimum de chances de s'effectuer raisonnablement.

Le séjour moyen dans les centres hospitaliers au Québec, pour les hôpitaux de courte durée, est de l'ordre de huit jours, je crois, un peu plus de huit jours, ce qui veut dire que la durée médiane du séjour est d'environ quatre jours. C'est très grossier comme approximation, mais on peut présumer une distribution normale, peut-être, ou approximativement normale des durées de séjour. Il y a de la chirurgie mineure, il y a des choses très brèves et il y en a qui durent plus longtemps.

Mais on peut probablement assumer qu'il y a une durée médiane à l'intérieur de ce séjour moyen qui est certainement de toute façon plus près de huit jours que de deux jours. Il nous aurait fallu, bien sûr, une analyse des durées de séjour pour vraiment frapper sur un chiffre qui soit plus près de l'objectif visé.

Encore une fois, l'objectif visé, c'est de permettre, à l'intérieur du délai donné à un hôpital, de réduire son taux d'occupation de 70% à 30%, en face d'une menace de grève, tout simplement en bloquant ses admissions. En une journée, il n'a certainement pas le temps de le faire. En deux jours non plus. En quatre jours, il pourrait s'approcher grandement de ce taux, simplement en bloquant ses admissions et en renvoyant chez eux les malades qui appartiennent aux catégories où un tel retour à domicile, un retour anticipé à leur domicile est relativement acceptable.

Je pense que c'est l'objectif qu'on devrait viser. Dans le fond, il ne s'agit pas simplement de se livrer à un exercice arithmétique, mais je pense que ce qu'on devrait faire, c'est de dire: Donnons le délai qui est suffisant pour permettre de réduire le taux d'occupation dans une proportion qui, en moyenne, est raisonnable, disons de moitié, de 70%. On peut présumer que 70%, c'est déjà assez faible, si la grève se déroule les mois d'hiver. On a assez fréquemment un taux d'occupation de 85%.

Mais supposons qu'on soit dans un climat de négociation et de grève appréhendée, on pourra voir le taux d'occupation baisser à 70% ou 60%. Mais de le diminuer pendant toute la période des négociations, en bas de 70% ou 60%, au cas où on recevrait un jour un avis, ce serait une hypothèse qui serait contraire à l'ordre public, dans le fond.

À partir d'une hypothèse de 60% ou 70% de taux d'occupation, il me semble que ce que nous devrions viser et ce que le mouvement syndical aussi devrait viser, s'il ne veut pas que l'exercice de son droit de grève soit odieux, c'est de dire: En bloquant les admissions, combien cela prend-il de temps pour le réduire à 30%, le taux d'occupation, ou à 25%, ou à 40%? Là-dessus, je peux faire confiance aux spécialistes. Mais pour citer un ordre de grandeur, ce serait à peu près cela.

Dans un tel cas, combien de jours? Je pense que deux jours, c'est insuffisant. Nous suggérons, dans un amendement, 96 heures, c'est-à-dire quatre jours. Il est bien certain que nous sommes prêts à écouter les arguments du ministre là-dessus. Mais je ne pense pas qu'il puisse nous démontrer qu'en deux jours le blocage des admissions nous permettrait d'atteindre le résultat voulu.

La motion d'amendement dont je fais la lecture, à l'article 4, se lirait donc ainsi: Que le deuxième alinéa du paragraphe 99k de l'article 4 soit modifié, en remplaçant, dans la deuxième ligne, les mots "quarante-huit" par les mots "quatre-vingt-seize". L'alinéa amendé se lirait comme suit: "Une partie peut déclarer une grève ou un lock-out pourvu qu'un avis préalable d'au moins quatre-vingt-seize heures ait été donné par écrit au ministre et à l'autre partie, leur indiquant le moment où elle entend y recourir."

Je me rends compte, M. le Président, que j'amende le deuxième alinéa qui a lui même été fusionné dans un premier alinéa nouveau soumis par le ministre et qu'il faudrait, par conséquent, que j'introduise certaines modifications, en tenant compte de la dernière version.

Il faudrait donc dire que le premier alinéa du paragraphe 99k soit modifié, en remplaçant, dans

la cinquième ligne, les mots "quarante-huit" par les mots "quatre-vingt-seize", et ceteris paribus quand on relit l'alinéa amendé.

Le Président (M. Laplante): Elle est recevable.

M. Johnson: Est-ce que je pourrais avoir le texte?

Est-ce que j'ai bien compris que vous supprimiez aussi la notion qu'il est non répétitif? (17 h 15)

M. Forget: Non, c'est simplement un amendement strictement limité au...

M. Johnson: D'accord, à la stricte partie, oui.

M. Forget: C'est cela, j'ai essayé de faire l'adaptation à la nouvelle version verbalement.

M. Johnson: D'accord.

M. Brochu: J'aurais seulement une question à poser au ministre avant qu'il ne se prononce là-dessus. Le délai de 48 heures qu'il y avait de prévu ici, le critère sur lequel vous vous basez pour établir ce délai, est-ce simplement en conformité avec le Code du travail, à l'article 19b, où il est dit: "Si l'association est autorisée à déclarer une grève, elle doit donner un avis de 48 heures?"

M. Johnson: Non, absolument pas, ce n'est pas de là que cela vient, c'est d'une...

M. Brochu: II n'y a pas de rapport.

M. Johnson:... appréciation qu'on a essayé de faire par quelques consultations, parce que, dans le fond, il faut... Première chose, il ne faut pas oublier que cet article 99k s'applique au secteur scolaire comme au secteur hospitalier. Parlons plutôt du secteur hospitalier. Dans le secteur scolaire, même 48 heures d'avis, je pense que c'est plus que suffisant.

La raison de l'avis est importante, la raison aussi de décréter le droit de lock-out est extrêmement importante dans le secteur scolaire. Quand on pense surtout au secteur primaire, s'il n'y a pas de lock-out, cela peut présenter des problèmes considérables de sécurité pour les enfants, sans compter le traumatisme que cela représente.

Dans le secteur hospitalier maintenant, en général à partir du moment où on voit venir une grève, il y a des dispositions qui commencent à être prises, et la première, c'est de restreindre les admissions. C'est la mesure la moins dommageable, en apparence en tout cas. On n'admet plus de patients électifs. On fait une meilleure passoire dans l'évaluation à l'urgence. On peut être tenté souvent d'hospitaliser, si on sait qu'il y a des lits libres, etc., mais on devient plus rigoureux dans ces critères d'hospitalisation au niveau de la salle d'urgence.

Dans un deuxième temps, on procède à vider les lits chez les patients classés de catégorie C. C'est une "catégorisation" faite au fur et à mesure, et c'est une directive interne en tout cas à ma connaissance de quatre hôpitaux que j'ai connus. Je présume que c'est comme cela un peu partout. C'est standard à travers les hôpitaux appartenant à l'AHPQ. Les médecins doivent chaque jour, au moment où ils font leur tournée, bien mentionner quelle est la catégorie à laquelle ils considèrent que leur patient appartient.

Dans le cas des C, cela ne pose pas de problème au départ. Cela ne pose pas de problème non plus pour les A, parce qu'on sait qu'ils resteront. Il reste les B. Les patients B, ce sont ceux qui peuvent sortir, mais avec un minimum de garanties du contexte dans lequel ils le feront. Là peut se poser le problème de trouver quelqu'un qui accompagne une personne âgée, par exemple, à domicile, qui vient la chercher à l'hôpital, etc. Mais, 48 heures, de façon générale, idéalement, il faudrait que ce soit plus long, sauf qu'à partir du moment où on introduit la notion du non répétitif de l'avis, je pense qu'il faut être bien conscient qu'il ne faudrait quand même pas que le recours soit parfaitement illusoire et qu'on étende finalement, en étendant le délai, la période sur laquelle il peut y avoir une perturbation ou une diminution de l'ensemble des services offerts par le réseau hospitalier à travers tout le Québec.

Cependant, je suis bien prêt à convenir que 48 heures, dans le cas d'un vendredi soir, cela peut poser des problèmes. Là-dessus, un amendement ou une modification que je proposerais irait dans le sens de dire "deux jours", par opposition à "48 heures". Deux jours, ce n'est pas 48 heures, au sens du Code du travail, à cause de 134c et 134d, je pense, étant donné que le samedi et le dimanche sont des jours non juridiques pour les fins de la compilation de délais.

À ce moment-là, cela donne quand même quatre jours, puisqu'on peut parfois avoir des difficultés à trouver quelqu'un les fins de semaine pour un patient B, à toutes fins utiles. Si l'avis doit venir le vendredi, on sait qu'on a jusqu'au mardi pour trouver cela. À mettre quatre jours francs, les quatre jours, on en a une assurance pour les fins de semaine avec la notion de deux jours, au lieu de 48 heures. Pour le reste de la semaine, cela resterait 48 heures.

C'est extrêmement difficile à trancher. Encore une fois, c'est de trouver cet équilibre entre ce qui est faisable, d'une part, pour les administrations hospitalières dans le milieu de la semaine avec les patients B, et ce qui, d'autre part, pourrait être une formule qui serait une incitation à faire perdurer la perturbation dans le milieu hospitalier. En admettant que les syndicats décident vraiment de respecter ces avis, ils peuvent décider d'étendre ces menaces de grève sur une période de six semaines ou huit semaines, alors que si l'avis est de 48 heures, ou enfin, de deux jours, au sens du code, on peut imaginer qu'ils auront peut-être moins tendance à essayer d'étendre cela, étant donné qu'ils peuvent, de façon efficace, perturber le système, sans être obligés d'étendre cela sur une trop longue période.

Pour cette raison, je maintiendrais la notion, non pas de 48 heures, mais de deux jours, pour permettre au phénomène de la fin de semaine, à

partir du vendredi soir, de se régler, ou si cela venait jeudi, en fait, ce serait reporté au lundi. Alors, cela donne quand même le vendredi et le lundi au complet. À ce moment, j'introduirais plutôt une notion de deux jours par opposition à 96 ou 48 heures.

M. Forget: Cela aurait pour effet qu'aucun avis, présumément, ne serait donné un vendredi?

M. Johnson: Ce qui est peut-être une excellente chose.

M. Forget: Oui, ni un samedi, ni un dimanche. M. Johnson: Ni un dimanche.

M. Forget: Les avis ne pourraient être donnés qu'à compter du lundi matin jusqu'au jeudi matin, dans le fond.

M. Johnson: Ils pourraient être donnés le vendredi, quand même...

M. Forget: Oui.

M. Johnson: ... sauf qu'on compterait seulement le lundi et le mardi.

M. Forget: Je présume ici qu'on voudra, que le syndicat voudra donner l'avis le plus court possible, mais peut-être que c'est une hypothèse qui ne se vérifierait pas toujours. Si le syndicat veut donner l'avis le plus court possible, de manière à avoir l'effet de surprise maximum, il donnera son avis du lundi au jeudi matin. Le reste du temps, il y aura au moins une période d'accalmie. Ce n'est pas nécessairement une réponse complète, mais de toute manière, en insistant davantage, on peut prévoir la fin. Je pense que j'accueillerais au moins, à titre de compromis et avec réserve — les réserves habituelles — cette suggestion du ministre.

M. Chevrette: Adopté.

Le Président (M. Laplante): Non, pas adopté. Il faudra, je crois, commencer par...

M. Johnson: II faudrait modifier l'article 99k que j'ai déposé.

Le Président (M. Laplante): Non, je vais vous suggérer une forme à moins que le député de Saint-Laurent ne retire son amendement, en premier lieu.

M. Forget: On peut le rejeter tout simplement.

Le Président (M. Laplante): L'amendement du député de Saint-Laurent...

M. Johnson: Rejeté.

Le Président (M. Laplante): ... est rejeté...

M. Forget: Sur division, bien sûr.

Le Président (M. Laplante): ... sur division. Maintenant, on va prendre un amendement du ministre du Travail. Vous voulez faire votre amendement, monsieur?

M. Johnson: M. le Président, l'article 99k en entier se lirait comme suit: "Sous réserve du quatrième alinéa de l'article 991, une partie peut déclarer une grève ou un lock-out à la date d'expiration de la convention collective ou de ce qui en tient lieu, pourvu qu'un avis préalable d'au moins deux jours ait été donné par écrit au ministre et à l'autre partie leur indiquant le moment où elle entend y recourir."

Le Président (M. Laplante): Vous enlevez, en somme, "48 heures...

M. Johnson: "Heures".

Le Président (M. Laplante): ... pour inscrire à la place "deux jours".

M. Johnson: C'est cela. Le paragraphe suivant: "Cet avis de grève ou de lock-out ne peut être renouvelé qu'après le jour indiqué dans l'avis précédent comme moment où elle entendait recourir à la grève ou au lock-out".

Le Président (M. Laplante): Toute la formulation...

M. Johnson: Est-ce que l'amendement est adopté?

Le Président (M. Laplante): Oui, l'amendement...

M. Johnson: Oui, puisque c'est moi qui ai dit ça.

Le Président (M. Laplante): D'accord.

M. Johnson: L'article 99k est adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laplante): Article 99l?

M. Johnson: M. le Président, on va distribuer encore des reformulations. En fait, il s'agit de lire le texte que vous avez devant vous. L'élément nouveau qui est introduit... D'abord on a mis un point après le mot "déposé", "n'ait été déposé" qui est une correction de forme, au premier paragraphe. Le deuxième, cela va. Le troisième, c'est l'élément nouveau, où on dit que seul le Procureur général peut requérir l'injonction prévue au Code de procédures civiles lors du refus d'exécuter la décision visée au deuxième alinéa.

En d'autres termes, c'est par cette modification introduisant la même réserve qui existe à l'article 99 actuel du Code du travail, qui prévoit

que, quand la santé ou la sécurité publique est en jeu, seul le lieutenant-gouverneur en conseil peut recourir à la procédure d'injonction pour mettre fin au conflit, etc., et avec les nouvelles dispositions que nous introduisons sur la suspension du droit de grève possible, il pourrait en découler le non-respect et nous affirmons ce droit exclusif au lieutenant-gouverneur en conseil, de même qu'à 99, d'exercer l'injonction prévue pour la sanction du non-respect de l'ordonnance de suspension de grève.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que l'article 99l est adopté?

M. Forget: Non, M. le Président, nous avons un amendement. L'amendement vise à insérer dans la loi une disposition qui obligerait le gouvernement à déposer à l'Assemblée nationale les motifs et l'arrêté en conseil décrétant la suspension de l'exercice du droit de grève, un peu de la même façon que nous avons proposé et que le ministre a accepté de faire dépôt à l'Assemblée nationale de la décision et de l'avis du président du Tribunal du travail lorsque, en quelque sorte, on met fin au fonctionnement des deux conseils, le Conseil d'information et le Conseil pour le maintien des services essentiels.

L'amendement se lit de la façon suivante, M. le Président: "Que le paragraphe I) de l'article 4 soit modifié en ajoutant, après le deuxième alinéa, l'alinéa suivant: "Dans le cas prévu à l'alinéa précédent, le ministre des Affaires sociales doit déposer à l'Assemblée nationale, dans les trois jours de la décision du lieutenant-gouverneur en conseil, les motifs et l'arrêté en conseil décrétant la suspension de l'exercice du droit de grève. Si l'Assemblée nationale ne siège pas, ce dépôt a lieu dans les trois jours de la reprise de ses travaux."

M. le Président, je vais en faire distribuer des copies, le motif est clair, il s'agit de s'assurer que l'exercice par le gouvernement de ce pouvoir nouveau, qui est essentiellement de prononcer lui-même l'injonction, en quelque sorte, de l'article 99, plutôt que de le faire en s'adressant aux tribunaux, ne soit pas simplement un geste d'autorité, tout sec et tout seul, mais soit un geste motivé et qui revête une certaine publicité par son dépôt à l'Assemblée nationale.

Le délai est court dans ce cas-ci et je présume que le ministre va tout de suite indiquer que le délai normal est de quinze jours. Certes, le délai normal est de quinze jours pour le dépôt de rapports annuels, de rapports officiels, etc., mais je crois qu'il faut, dans ce cas-ci, peut-être faire une exception puisqu'on se trouve dans le contexte d'une grève ou d'une grève appréhendée, mettant en danger la santé ou la sécurité du public. C'est dans ce contexte que le gouvernement prend une décision et une décision très importante, puisqu'elle suspend l'application de certains articles du Code du travail, qu'elle le fait pour des raisons graves et qu'il est important que cet exercice d'un pouvoir, dans le fond sans précédent, soit assorti d'un certain caractère public, qui puisse faire, à l'occasion de son dépôt à l'Assemblée nationale, qu'une telle décision soit l'objet de questions et même de débats à cette Assemblée nationale, puisque, contrairement au recours judiciaire, il n'y a pas moyen, pour les parties affectées de se présenter devant le tribunal et de plaider publiquement les raisons pour lesquelles l'injonction ne devrait pas être accordée, etc.

Le seul recours qui existe, puisqu'on admet qu'il s'agit d'un geste politique, d'un geste gouvernemental, devient, à ce moment-là, un débat de caractère politique, et le débat doit prendre son origine dans un document déposé. Si le dépôt intervient trop tard après le fait, il est bien sûr que ça n'a plus d'objet, cela devient de l'histoire ancienne, puisqu'on sait avec quelle rapidité les événements se déroulent dans un contexte comme celui-là, et il apparaît souhaitable que tout ceci se fasse dans des délais très brefs. (17 h 30)

De toute manière, M. le Président, les documents en question sont constitués essentiellement d'un arrêté en conseil et d'un avis déjà en possession du gouvernement, présumément, puisqu'il a pris une décision vraisemblablement motivée par un tel avis, quoique la loi ne l'oblige pas à se baser sur un tel avis. Mais, précisément, s'il a pris une décision sans se baser sur l'avis ou contradictoirement à un avis émis, je pense qu'il serait normal que ceci soit porté à la connaissance de l'Assemblée nationale le plus rapidement possible. On peut imaginer des situations où un gouvernement cède à la pression de l'opinion publique, même si, selon les experts, il n'y a pas véritablement de danger à la santé et à la sécurité publique.

Je pense qu'à ce moment c'est un frein démocratique qu'il est tout à fait souhaitable d'avoir. D'un autre côté, s'il y a un avis qui est donné et que le gouvernement agit conformément à l'avis, le gouvernement trouve avantage lui-même à pouvoir motiver sa décision, donc à pouvoir, non pas se soustraire, mais à pouvoir indiquer que les attaques qui pourraient être dirigées contre lui, par exemple, par la partie syndicale, n'ont pas lieu d'être retenues, ne sont pas sérieuses, puisque, effectivement, il y a un avis en bonne et due forme qui accompagne la décision.

Voilà, M. le Président, je n'ai pas l'intention de plaider plus longtemps là-dessus.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent, avant de juger la recevabilité de votre amendement, j'aimerais vous faire remarquer qu'à l'article 99e, cinquième paragraphe, vous aviez un amendement similaire et «l'avait été entendu que le mot "ministre" seulement soit prononcé...

M. Johnson: Dans ce cas-ci...

M. Forget: Mais, dans ce cas-ci, c'est différent...

Le Président (M. Laplante): D'accord, c'est ce que je veux savoir.

M. Forget: À la fois le délai et la raison d'être de la procédure sont basés sur un constat de menace à la santé et à la sécurité, et je pense que, dans ce cas, il est peut-être plus normal que ce soit le ministre des Affaires sociales.

Le Président (M. Laplante): D'accord, recevable.

M. Johnson: M. le Président, c'est extrêmement délicat ce problème que soulève le député de Saint-Laurent. Je pense qu'il faut procéder dans cette matière avec le plus de — pour utiliser une expression qui est devenue un leitmotiv, du côté de l'Opposition — transparence possible, de cela j'en conviens. Mais il y a deux choses qui me préoccupent. La première est d'ordre purement "politique" — entre guillemets — je comprendrai très bien le député de Saint-Laurent de diverger d'opinion profondément avec moi là-dessus. Il est bien évident que si le gouvernement ou le ministre des Affaires sociales déposait une douzaine d'arrêtés en conseil suspendant le droit de grève, que la période des questions, la journée suivante, risquerait de porter là-dessus et que probablement cette période de questions ne porterait pas sur la suspension du droit de grève des employés du service d'entretien de l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul, mais probablement sur l'autocratisme, les gestes autoritaires de ce gouvernement qui prétend avoir un préjugé favorable à l'égard des travailleurs.

Ceci dit, je pense que cela fait partie des réalités du Parlement et probablement de la politique en général. Ce n'est peut-être pas une raison suffisante en soi pour que j'utilise la possibilité de majorité à cette commission pour rejeter l'amendement du député de Saint-Laurent.

Cependant, il y a deux autres choses qui me préoccupent. Le député de Saint-Laurent nous dit: II est important que ce geste soit divulgué. Je peux vous assurer que si jamais ce droit était exercé par le lieutenant-gouverneur en conseil, ce n'est pas parce qu'un groupe de 20 ministres, dans la soucoupe volante du "J", décide de suspendre le droit de grève, que cela veut dire qu'automatiquement les parties le respectent. On présuppose qu'elles vont en être avisées, étant donné qu'on leur demande d'obtempérer à une ordonnance. Donc, c'est très clair qu'il y aura diffusion. Cette diffusion sera d'abord auprès des personnes impliquées et on peut présumer que le comité d'information voudra être saisi de cette divulgation et je pense que, de façon normale, le gouvernement en avisera le comité d'information sur les services essentiels.

Donc, l'argument de diffusion ne m'apparaît pas de taille.

L'autre dimension, ce sont les motifs. Je trouve cela extrêmement aléatoire. Je comprends qu'il s'agit d'une disposition exorbitante de notre droit, dans la mesure où on transfère aux pouvoirs exécutifs la capacité de suspendre le droit de grève. On transfère cela aux tribunaux.

Cependant, la santé publique — l'ancien ministre des Affaires sociales va très bien comprendre ce que je veux dire parce qu'il a vécu une époque où il y a eu des problèmes dans le secteur hospitalier — est une chose qui n'est pas nécessairement quantifiable de façon tout à fait objective. Dans certains cas c'est manifeste, dans certains cas c'est évident, patent, mais si on en est à la quinzième journée de perturbation dans un hôpital, les motifs de la suspension du droit de grève ne sont pas nécessairement les motifs reliés à la suffisance ou à l'insuffisance de la liste. Ce sont des motifs qui sont liés aussi à l'état des services qui sont déployés par cet hôpital.

Prenons l'exemple d'un hôpital où l'ensemble des cadres décide de travailler très fort. L'exemple le plus typique pourrait se manifester dans les foyers d'accueil où il y a très peu de personnel, c'est une des difficultés que l'on rencontre dans les foyers d'accueil. Le député de Saint-Laurent le sait très bien et mieux que moi, même, les cadres ont à faire des fonctions qui normalement sont effectuées par le personnel de soins infirmiers auxiliaire, par exemple. Je pense entre autres à l'hygiène des patients incontinents, etc. Le cadre peut bien se promener et le faire pendant 48 heures et essayer de garder ses patients très âgés alités et incontinents propres, mais au bout de 48 heures, il n'a peut-être plus autant de souffle pour le faire et peut-être que la liste des services essentiels décrite devient insuffisante parce qu'effectivement les gens vivent dans des conditions d'hygiène qui sont dangereuses et que cela a très bien pu durer deux ou trois jours et cela allait, cela ne nécessitait pas d'intervention, mais là cela en nécessite une.

Tous ces motifs sont extrêmement variables. Je pense que c'est une appréciation d'expertise d'abord, par les services du ministère des Affaires sociales; deuxièmement, c'est un jugement à la fois d'expertise et d'opportunité, il faut le dire, par le ministre des Affaires sociales et, finalement, c'est une décision du Conseil des ministres qui, ma foi, est une décision basée surtout sur une recommandation de celui qui vraiment est en connaissance du dossier. Je présume que le genre de motifs qu'on verrait alléguer dans ces arrêtés en conseil s'ils devaient être déposés, ce serait pour des motifs reliés à la santé publique, le gouvernement a décidé que... Cela risque d'être le motif qui figure sur l'arrêté en conseil. Ce n'est pas nécessairement l'expertise, le coup de fil à la dernière minute, parce qu'également le service d'entretien a oublié de réparer les congélateurs et qu'il n'y a plus de nourriture dans la place, etc. Ce sont des choses qui sont variables, qui changent, etc.

Pour ces raisons et le fait que sur une question aussi importante qu'une dérogation aux principes généraux qui font que les règlements ne doivent pas être déposés nécessairement devant l'Assemblée nationale, je n'ai pu consulter mes collègues à ce sujet-là, je peux assurer le député de Saint-Laurent qu'il y aura de l'information et ce

sera clairement diffusé par définition si on veut avertir les personnes impliquées; mais je ne vois pas l'utilité de déroger à l'économie générale qu'on inscrit dans le code, à l'exception cependant de 99e où étant donné qu'on crée un organisme, qu'on dit qu'on le suspend, c'est un peu comme la routine habituelle du dépôt d'un rapport annuel, etc. Il y a quelque chose de vraiment exceptionnel dans cette procédure. Encore une fois, j'aurais plutôt tendance, étant donné que je suis incertain, à rejeter l'amendement du député de Saint-Laurent.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Richmond.

M. Brochu: J'aurais une question à poser au ministre. Si le ministre rejette l'amendement tel que proposé par le député de Saint-Laurent, est-ce que tout au moins il serait prêt à accepter, par exemple, que l'arrêté en conseil en question soit sans délai publié dans la Gazette officielle?

M. Johnson: Oui, absolument.

M. Brochu: Est-ce que ce serait acceptable?

M. Johnson: Absolument, pas pour son entrée en vigueur, cependant. Parce que la Gazette officielle n'est pas nécessairement publiée toutes les 24 heures. Il faudrait que son entrée en vigueur soit la date... Je ne me souviens plus des formules consacrées, c'est la date d'adoption ou cela peut être la date de signification aux parties, quelque chose comme cela. Mais qu'il soit publié dans la Gazette officielle, sûrement. Je ne sais pas si on a besoin d'un amendement pour cela. Peut-être si je pouvais trouver une formulation rapide de cela. J'accepterais cela sûrement.

M. Forget: La réponse du ministre ouvre la porte à une question effectivement. Rien dans cet article ne précise la date d'entrée en vigueur et je ne suis pas sûr — c'est une question que les juristes pourront examiner — si un arrêté en conseil peut dire: Le présent arrêté en conseil s'applique immédiatement ou à partir de telle heure, etc. Je ne sais pas jusqu'à quel point ça peut avoir force vis-à-vis des tiers, vis-à-vis de tout le monde, si la loi ne le permet pas. C'est peut-être bon que ce soit examiné.

M. Johnson: Je présume que c'est un peu comme une procédure judiciaire, que c'est sur signification. La solution, je pense, réside bien plus dans les principes généraux du droit que dans le Code du travail lui-même.

M. Forget: Oui, sans doute.

M. Johnson: On me dit que le principe général, quant à l'adoption des arrêtés en conseil, dans notre droit, c'est que ça entre en vigueur au moment de son adoption. Sauf si on prévoit...

M. Forget: Ceux qui sont faits en vertu d'une loi qui dit que ça entre en vigueur au moment de la publication.

M. Johnson: Voilà. Ou sauf si on précise, dans l'arrêté en conseil, que l'entrée en vigueur est retardée. Alors, je pense que la latitude étant là... Je ne sais pas, j'essaie d'obtenir un avis juridique rapide sur la nécessité de marquer dans la loi que ce sera publié, mais...

On va essayer de trouver... Quant à la suggestion du député de Richmond, je suis d'accord, on essaie de trouver une formulation. Quant à l'amendement du député de Saint-Laurent, pour les raisons...

M. Forget: Sur l'amendement, très brièvement, M. le Président, je ne veux pas insister plus que de raison, mais je dois avouer que je suis sensible au raisonnement que le ministre a tenu, qu'il y a un certain nombre d'informations qui parviennent à un gouvernement, à un ministre, particulièrement au ministre des Affaires sociales, dans de telles circonstances. Cela peut être des télégrammes, des appels au téléphone. C'est bien sûr que tout n'est pas contenu dans l'avis du conseil pour le maintien des services essentiels.

Je crois que tout le monde serait prêt à reconnaître que le Conseil des ministres conserve son libre arbitre, quel que soit le nombre de comités consultatifs qu'il décide de s'adjoindre. C'est vrai dans ce domaine, peut-être plus que dans n'importe quel autre.

Il faut aussi s'interroger sur l'effet de décisions qui ne seraient pas suffisamment débattables et pour lesquelles, par le seul processus de contestation qui est laissé, qui est un processus de contestation parlementaire, les motifs ne seraient pas suffisamment explicites, que ce soit le rapport ou l'avis du conseil sur le maintien des services essentiels, que ce soient des considérants à l'arrêté en conseil, à la rédaction desquels le gouvernement devrait apporter une attention particulière. Il demeure que le ministre est certainement intéressé à ce que la crédibilité de ce type d'intervention soit la plus grande possible. On sait combien les recours aux tribunaux, en vertu de l'article 99, ont été attaqués comme étant une utilisation par l'État employeur du système judiciaire de manière inappropriée. À plus forte raison, on pourra attaquer l'utilisation directe et sans intermédiaire que prévoit l'article 99l.

Même si un certain nombre de ces remarques et de ces critiques sont inévitables, il reste que ce n'est pas indifférent la façon dont ce pouvoir va être exercé, dans quel contexte. J'ai l'impression personnellement, et je dirais même j'ai la conviction que si ces gestes sont posés dans un contexte où ils peuvent être contestés, mais également défendus dans l'arène parlementaire, à leur mérite, il y a peut-être moins de chance que la contestation prenne une autre tournure et il y a aussi la possibilité qu'un gouvernement éventuel, puisqu'on ne légifère pas seulement pour l'an pro-

chain, qui sentirait une pression très grande de l'opinion publique et serait porté à abuser du mécanisme, soit un peu retenu de le faire par la nécessité qu'il aurait d'exposer ces motifs.

Les motifs que vient d'exposer le ministre, je pense que toute personne de bonne foi — et la presse est là pour juger, le public est là pour juger — quelles que soient les assertions ou les imputations de motifs que peut faire l'opposition du moment, dans l'exercice d'un droit comme celui-là, tout le reste de la population sera là pour juger si les raisons invoquées par le ministre des Affaires sociales, quand il se lèvera et dira: Voici les motifs que nous avons utilisés pour ce faire. S'ils sont valables, les gens vont les accepter. (17 h 45)

II me semble que cela pourrait aider à asseoir, de façon plus certaine, la crédibilité du mécanisme et les chances du respect des décisions du Conseil des ministres en fonction de l'article 99, paragraphe I). Cela va être cela la pierre de touche de tout le mécanisme, si on en vient à une période où tout le reste n'a pas marché et le sens des responsabilités, etc., on en vient à une minute de vérité. Cela va être à ce moment-là. Il me semble que ce sont des précautions qui aident plutôt qu'elles ne nuisent. C'est du moins la conviction avec laquelle j'ai songé à la formulation d'un tel amendement. Même si je suis sensible aux remarques du ministre, je crois qu'au-delà des accusations et des débats forcément partisans et politiques à l'Assemblée nationale, l'opinion publique se dirait: Mon Dieu, on a au moins, dans cette enceinte, la possibilité d'entendre les deux versions. Tous ceux qui, de l'extérieur du parlement, auraient leurs raisons à eux de reprendre ce débat, seraient un peu dans une situation où ils ne feraient que répéter ce que d'autres ont dit. Le vrai débat aurait eu lieu ailleurs. Il me semble que c'est plus approprié de le confiner à l'enceinte parlementaire que de le faire, en quelque sorte, dans la rue, ce genre de débat, et devant l'hôpital en grève qui n'est pas réouvert, malgré l'ordre du ministre, etc., l'ordre du gouvernement.

M. Johnson: Brièvement, M. le Président. Je veux simplement dire — que tous et chacun des députés de l'Assemblée nationale — on pourrait peut-être exclure les membres du Conseil des ministres qui posent rarement des questions à leurs collègues en Chambre...

M. Forget: C'est arrivé une fois.

M. Johnson: Tous et chacun des membres de l'Assemblée nationale regroupent l'ensemble des territoires où il y a des hôpitaux au Québec. Je présume que la période des questions est quand même toute là pour le permettre. Je pense qu'on répond, en partie, je veux bien, à une préoccupation du député de Saint-Laurent.

D'autre part, j'essaie de trouver une formulation pour la publication au niveau de... Est-ce que vous auriez une suggestion?

M. Brochu: J'aurais peut-être une suggestion que Me Gélinas vient de me transmettre, si vous n'en avez pas.

Le Président (M. Laplante): Avant d'aller sur une proposition d'amendement, j'aimerais passer au vote, accepter ou refuser l'amendement du député de Saint-Laurent. Est-ce que vous voulez voter sur cet amendement?

M. Forget: Rejeté sur division, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): J'appelle l'amendement du député de Saint-Laurent. Rejeté sur division. M. le député de Richmond.

M. Brochu: Cela ne sera pas long, M. le Président. Le ministre va vous présenter la formulation de l'amendement.

M. Johnson: Je m'excuse. Nos juristes ne sont pas unanimes et cela pose un problème. Il faudrait être sûr que la formule — on peut en avoir trouvé une — si elle est utilisée ailleurs dans nos lois et qu'elle implique que l'entrée en vigueur et que l'interprétation aient toujours été, si on se réfère à la notion de la Gazette officielle, conditionnelles à la publication, ce qu'on ne veut pas évidemment...

Je ne sais pas si le député de Richmond se satisferait d'une déclaration de celui qui vous parle au nom de mes collègues pour dire qu'effectivement nous ferons en sorte que ce soit publié dans la Gazette officielle, mais j'ai peur que, malgré les formules qu'on ait tentées, étant donné qu'on n'a pas tout ce qu'il faut ici pour faire un inventaire de la jurisprudence et des techniques utilisées, on se barre finalement les pieds par un amendement comme cela et qu'on fasse que la mise en vigueur soit conditionnelle à la publication, ce qui évidemment serait absurde, parce que c'est rarement publié, en général, moins de trente jours après la décision du Conseil des ministres qu'on peut publier un arrêté en conseil.

M. Brochu: À ce moment-là, on peut laisser cela comme cela. Le ministre pourrait-il vérifier d'ici la troisième lecture, quitte à suggérer une formule? C'est vrai que c'est aujourd'hui la troisième lecture.

M. Johnson: Vraiment, là-dessus — cela m'apparaît fondamental — si j'avais une semaine et si j'obtenais un avis des légistes et du secrétaire du comité de législation, je le ferais les yeux fermés, mais je n'ai pas cela pour le moment et je ne pense pas pouvoir l'obtenir d'ici ce soir, si jamais on allait en troisième lecture.

M. Brochu: En somme, le ministre me dit qu'il va le faire quand même à toutes fins utiles.

M. Johnson: C'est cela.

M. Brochu: II déclare officiellement que ce sera fait.

M. Johnson: C'est entendu, et j'en aviserai mon collègue des Affaires sociales.

M. Brochu: D'accord.

Le Président (M. Laplante): Article 99l, adopté, le nouvel article, tel qu'amendé par le ministre?

M. Forget: Adopté sur division.

Le Président (M. Laplante): Adopté sur division. J'appelle l'article 5.

M. Chevrette: Non, M. le Président, au risque de passer pour détestable, je m'excuse.

Une voix: Ah!

M. Chevrette: C'est parce que je ne sais plus où poser ma question de l'article 99.

Une voix: Ah oui!

M. Chevrette: Je voudrais vraiment la poser, parce que, selon la réponse du ministre, il est possible que j'aie l'intention — je ne l'ai pas encore arrêté — de présenter un amendement. Dans le projet de loi, en adoptant les articles un par un depuis un certain temps, on a parlé d'obligation de dépôt de demandes syndicales et d'obligation dans les soixante jours du dépôt d'offres complètes ou globales du côté patronal.

Il y a un problème auquel je n'ai pas de réponse et c'est le suivant: II y a, à la suite des négociations de niveau provincial, des objets qui peuvent être référés pour fins de négociation au niveau local. Par exemple, on pourrait décider qu'il y a douze congés mobiles à négocier au niveau local et la répartition des congés peut devenir, à la suite d'une négociation provinciale, un élément ou un objet de négociation locale.

À ce moment-là, sur l'obligation dépôt, le syndicat ne peut pas déposer globalement ses demandes dans un premier temps, puisque c'est un objet qui est vraiment dépendant du résultat de la négociation du palier provincial. Je me demande si on peut trouver une formule qui obligerait quand même à des délais raisonnables. Je prends la commission scolaire de la ville de Québec qui a négocié localement, dans le cadre de la loi 95, sans aucun délai et qui s'est ramassée avec une signature de convention collective, deux ans après. Donc il y a un vide juridique de deux ans dans les circonstances. Deuxièmement, je crains qu'il y ait une mésentente qui crée par la suite une perturbation continuelle, sans nécessairement qu'il y ait de grève, si on n'oblige pas les parties à déposer les demandes dans un délai raisonnable et à déposer des contre-propositions dans des délais raisonnables pour les objets qui deviennent ainsi de palier local ou régional, suite à une négociation provinciale. Ce n'est pas un arrangement local, parce qu'on peut très bien, dans le cadre d'une convention collective, définir un contenu et dire qu'on peut négocier quelque chose de différent dans les 60 jours qui suivent, les formules usuelles qu'on a utilisées dans les conventions collectives antérieures.

Il est possible — mais on ne peut pas présumer ce que sera la négociation de palier provincial qu'on dise qu'il y a 12 congés mobiles et que la répartition de ces congés mobiles, par exemple, soit de négociation locale, après discussion à la table provinciale. À mon sens, il n'y a pas de provisions à l'intérieur du projet de loi.

M. Johnson: Je pense que le député de... Non? Il faut revenir à une notion de base qui est la notion de convention collective dans le Code du travail. Les seules conventions collectives qui existent sont les conventions au niveau local. Ce qui se signe au niveau national, c'est une entente. À la suite des recommandations de Martin-Bouchard, ce que nous affirmons, c'est que la négociation sur les objets définis comme locaux au niveau des préalables doit commencer en même temps que la négociation au niveau national. Ce qui n'empêche pas, cependant, que cette négociation dure plus longtemps et que les objets qui devraient être discutés localement comme découlant de l'entente nationale... Par exemple, pour la répartition des douze congés, rien n'empêche que cela se fasse subséquemment à l'entente nationale. Le principe de fond qui est affirmé, c'est qu'au niveau de l'entente nationale comme au niveau des conventions collectives locales, la négociation doit commencer à une date précise, ce qui ne veut pas dire qu'elle ne peut pas durer plus longtemps.

D'ailleurs, on pourrait même dire qu'il y a un droit de grève illimité dans le temps, à ce titre-là, au niveau local et qu'on peut peut-être arriver à une chose un peu étrange, comme celle qui s'est passée à la commission scolaire de Québec. Mais on ne peut pas, non plus, fixer une date ultime à laquelle les parties doivent signer. Je pense que le député de Joliette-Montcalm va être d'accord avec moi sur cela. Il ne faudrait surtout pas obliger les parties à signer avant telle date. Cela pourrait poser des problèmes assez sérieux. Alors, dans ce sens-là, le principe, c'est qu'il faut que ça commence au niveau local en même temps qu'au niveau national, mais il est bien évident qu'on peut présumer que la plupart des conventions collectives locales se signeront beaucoup plus tard, enfin pas nécessairement beaucoup plus tard, mais plus tard que l'entente nationale.

M. Chevrette: M. le ministre, étant donné que l'entente quant aux objets à être négociés...

M. Johnson: Localement.

M. Chevrette: ... est préalable à la négociation, la même obligation est imputée aux parties locales qu'à la copartie provinciale en ce qui regarde la négociation...

M. Johnson: C'est ça.

M. Chevrette: ... des objets clairement définis.

M. Johnson: Le début de la négociation et non pas la fin.

M. Chevrette: Et les objets, à ce moment-là, qui déboucheraient sur un contenu à un autre palier ne seraient que dans le cadre des contrepropositions normales.

M. Johnson: Exactement.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Ma question s'adresse au ministre. Une fois qu'il y aura un partage de clauses à négocier localement et de clauses à négocier provincialement, advenant qu'il y en ait une vingtaine dont la stricte négociation se fera au niveau local, est-ce qu'on peut être certain que le fait de dire que les négociations doivent débuter en même temps impose, par le fait même, les mêmes délais de dépôt aux paliers locaux?

M. Johnson: Oui, des demandes et des offres. C'est très clair. On a pris exactement la rédaction que nous suggérait Martin-Bouchard à cet effet. Les délais impartis pour le dépôt des demandes et, subséquemment, le dépôt des offres est le même et c'est non seulement le même délai, mais c'est dans la même période. À partir de là, la négociation est enclenchée. Là où ça pourrait poser un problème, c'est qu'on décide, au niveau central de la négociation pour les préalables, d'envoyer un objet au niveau local en spécifiant que cet objet au niveau local dépendra de ce qui est signé dans l'entente nationale. Là, c'est très clair qu'au niveau des offres et des demandes ça ne figurera pas, mais je pense qu'on ne peut pas interpréter le texte comme obligeant les gens à déposer des offres et des demandes sur des objets qui exigent un préalable. C'est sur l'ensemble des autres choses que c'est commencé.

M. Bisaillon: Sauf que, M. le ministre, à 99h, puisque c'est à cet endroit qu'il faut se référer, on dit: L'association accréditée doit transmettre par son agent négociateur. L'agent négociateur se situe uniquement au niveau national ou provincial pour plaire au député de Saint-Laurent. Autrement dit, l'agent négociateur auquel on se réfère et par qui doivent passer les demandes de l'association accréditée... c'est par l'agent négociateur et l'agent négociateur se situe au palier national.

M. Johnson: II y a les paragraphes 4 et 5 cependant qui reprennent la même notion, mais pour le niveau local.

M. Bisaillon: D'accord.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que l'article 4 en entier, avec ses amendements, est adopté?

M. Forget: Adopté, M. le Président.

Je commençais à me sentir gêné d'assister à un caucus de l'autre formation politique.

Le Président (M. Laplante): Article 5... nouveau texte.

M. Johnson: Ce qui prouve qu'on fonctionne avec ouverture et ventilation, faute de climatisation.

M. Bisaillon: Ce que le député de Saint-Laurent appelle un caucus, c'est seulement du travail sérieux.

Le Président (M. Laplante): Les amendements du ministre. Article 5, adopté?

M. Forget: C'est très ouvert. Même la loi est ouverte, puisqu'on la réécrit en cours de route.

M. Chevrette: Cela vous servirait d'en avoir une couple qui ferait pareil comme nous.

M. Forget: Qu'est-ce que vous en savez?

M. Chevrette: Vous ne seriez peut-être pas le seul à courir les commissions parlementaires et à avoir l'air d'un orphelin.

M. Forget: C'est pour cela que je parle d'un caucus.

M. Chevrette: Vous n'avez pas de misère à vous consulter, j'espère.

Le Président (M. Laplante): Article 5. avec les amendements du ministre, adopté?

M. Forget: Oui, M. le Président, je veux bien l'adopter, sauf que vous observerez qu'on pourrait plaider la recevabilité.

M. Johnson: Ce sont les dispositions transitoires essentiellement, M. le Président.

M. Forget: Sauf qu'elles sont essentiellement modifiées par rapport aux précédentes.

M. Johnson: Non, c'est une clarification, suite... On a pris la cinquième ligne et le début de la sixième ligne de l'article 6 pour l'insérer au niveau de l'article 5.

M. Forget: Je vois. Adopté.

Le Président (M. Laplante): Adopté. Article 6.

M. Johnson: J'ai également déposé un amendement, M. le Président, il s'agit d'une concordance avec le président.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laplante): Adopté. Article 7.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laplante): Adopté. Article 8. M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laplante): Projet de loi no 59, adopté avec ses amendements?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Laplante): Je prierais le rapporteur de faire rapport à l'Assemblée nationale. Travaux ajournés sine die.

(Fin de la séance à 18 h 1)

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