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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le mardi 26 septembre 1978 - Vol. 20 N° 160

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Conflit de travail à la Commonwealth Plywood


Journal des débats

 

Conflit de travail à la Commonwealth Plywood

(Dix heures treize minutes)

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît. Nous commençons une séance de la commission parlementaire permanente élue du travail et de la main-d'oeuvre.

Je dois, au début des travaux de cette commission, donner les noms des membres de la commission et des intervenants. J'inviterais les partis concernés, s'il y a des modifications, de m'en informer.

M. Bellemare (Johnson), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Forget (Saint-Laurent); M. Gravel (Limoilou) sera remplacé par M. Fallu (Terrebonne); M. Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois), M. Pagé (Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud), M. Vaillancourt (Jonquière).

Les intervenants: M. Blank (Saint-Louis). Est-ce qu'il y a un remplacement?

M. Pagé: Est-ce que M. Mailloux est... Le Président (M. Cardinal): Non. M. Pagé: M. Raymond Mailloux.

Le Président (M. Cardinal): Alors, Mailloux (Charlevoix). D'accord. M. Brochu (Richmond), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Jolivet (Laviolette), M. Laplante (Bourassa). Évidemment, il préside aujourd'hui une autre commission parlementaire. M. Lefebvre (Viau), M. Paquette (Rosemont), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson (Rouyn-Noranda).

Il est nécessaire aussi, au début d'une commission parlementaire, des travaux d'une première séance, de désigner un rapporteur pour indiquer à l'Assemblée nationale les résultats de ses travaux. Est-ce qu'il y a une proposition? (10 h 15)

M. Johnson: M. Fallu, député de Terrebonne.

Le Président (M. Cardinal): II est proposé que M. Élie Fallu, député de Terrebonne, soit désigné rapporteur de la commission. Est-ce que c'est adopté?

M. Pagé: Adopté.

Remarques préliminaires

Le Président (M. Cardinal): Adopté. L'horaire des travaux de cette journée. En vertu d'un règlement sessionnel, la commission, en dehors des sessions parlementaires, est maîtresse de ses travaux. Cependant, aujourd'hui, comme il y a un caucus, nous devrons suspendre la séance de ce matin au plus tard à treize heures pour reprendre normalement, selon l'usage, à quinze heures.

C'est encore l'usage qui nous guide pour me permettre d'affirmer qu'à moins que la commission n'en décide autrement, nous continuerions au moins jusqu'à 18 heures. Nous pouvons également siéger ce soir, mais nous ne pouvons pas dépasser 24 heures, jamais une commission ne peut le faire, même si l'Assemblée nationale était en session.

Est-ce qu'il y aurait sur ce sujet des commentaires?

M. Johnson: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.

M. Johnson: ...pour nos travaux ce matin, étant donné le rythme où les choses vont, après les déclarations, je ne pense pas que nous puissions commencer vraiment l'audition des témoins avant 10 h 45; je propose que nous continuions jusqu'à 12 h 30 et que nous reprenions à 15 heures jusqu'à 18 heures et de 20 heures jusqu'à minuit, s'il le faut.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que c'est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Cardinal): Alors, adopté. Merci, M. le ministre. Je dois aussi rappeler le mandat de la commission. Une commission peut étudier soit un projet de loi, soit des crédits ou toute autre affaire jugée d'intérêt public. Les convocations qui ont été faites aux témoins indiquent que nous nous réunissons aujourd'hui relativement au conflit de travail à la Commonwealth Plywood Inc. de Sainte-Thérèse, dans le comté de Terrebonne, pour entendre des témoins qui ont été invités.

Cela étant dit, pour simplifier toute procédure, je rappelle quand même que les députés et témoins bénéficient d'une immunité parlementaire, c'est-à-dire qu'ici nous ne sommes pas devant une question où ce qui sera dit pourrait être invoqué devant les tribunaux. Cependant, cette immunité qui protège chacun des membres de l'Assemblée nationale et chacun des témoins qui sera devant nous n'existe que dans l'enceinte de ce salon rouge et non pas en d'autres lieux.

De plus, les commissions parlementaires possèdent certains pouvoirs. Celui qui en assume la présidence n'intervient pas dans les débats et possède aussi certains pouvoirs. Je n'ai pas l'intention d'y revenir. J'ose espérer qu'avec la collaboration de tous, nous pourrons dès maintenant commencer ces travaux... Oui, M. le député de Johnson?

M. Bellemare: II y a devant les tribunaux, vous le savez sûrement, plusieurs causes sub judice. Est-ce que, d'après l'article 171, nous serons obligés de respecter ce sub judice et de ne pas

parler des jugements rendus? Les jugements rendus ne sont pas sub judice, c'est certain, mais il y a d'autres causes devant les tribunaux. Est-ce que vous nous permettrez de parler des causes pendantes?

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Johnson, en vertu de cet article, le président vous permettra tout, parce que, par votre demande de directive, je me place devant une situation où je suis obligé de vous rappeler que le Président de l'Assemblée nationale, comme le président d'une commission parlementaire, comme tout membre de cette assemblée, ne peuvent statuer sur des questions constitutionnelles, légales, judiciaires vu cette division des pouvoirs. Et vous ne pouvez non plus exiger, de la part ni d'un président, ni d'un ministre, un avis juridique ou même toute autre opinion professionnelle.

J'ai rappelé cette immunité parlementaire, mais ce n'est pas à moi de décider ce qui est ou n'est pas sub judice.

M. Bellemare: Mais votre réponse, c'est quoi?

Le Président (M. Cardinal): Posez votre question autrement, M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Bellemare: S'il arrivait que nous soyons obligés de parler des causes sub judice, vous nous permettriez de le faire?

Le Président (M. Cardinal): Oui. M. Bellemare: Merci.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre, si vous voulez, selon l'usage, procéder à l'introduction des travaux de cette commission. M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Johnson: M. le Président, le problème... M. Bisaillon: M. le Président... M. Johnson: Oui.

M. Bisaillon: On a, dans nos dossiers, une liste des personnes qui, normalement, auraient dû être convoquées à la commission parlementaire. Est-ce qu'on pourrait savoir, à l'intérieur des personnes mentionnées dans cette liste, quelles sont celles qui sont présentes actuellement?

Le Président (M. Cardinal): Je puis lire la liste des convocations et demander si ces personnes sont présentes ou non, ce qui ne portera pas préjudice à l'ordre des travaux de cette commission. D'accord.

D'après le rapport que j'ai du secrétariat des commissions parlementaires, les organismes ou individus convoqués sont les suivants. Et l'ordre que j'en donne est purement arbitraire. L'usage a toujours voulu que le ministre ait un pouvoir dans ce domaine.

L'Union internationale des rembourreurs de l'Amérique du Nord. On m'a indiqué que c'était M. Donat Thériault qui en serait le représentant. Est-ce que cet organisme est présent? Merci.

À titre personnel, Mme Hélène Grignon. Merci, madame!

Autre organisme, la Commonwealth Plywood, représentée par M. William P. Caine. Merci!

La Fédération nationale des syndicats du bâtiment et du bois — CSN, dont le représentant sera M. Ghislain Hallé. D'accord, c'est accepté. M. Michel Bourdon pour les fins du journal des Débats.

M. Marcel Pepin, à titre personnel. Merci.

Un bureau d'avocats, Byers, Casgrain et associés; Me Pierre Fournier en serait le porte-parole. D'accord, merci, monsieur.

À titre personnel, M. Ernest Lévesque. Est-ce que j'ai entendu M. Lévesque? Ah bon! d'accord. Merci.

Enfin, M. Gérard Gagné.

M. Gagné (Gérard): Présent.

Le Président (M. Cardinal): Merci, on vous entend bien.

J'espère que je n'oublie personne sur la liste.

M. Johnson: M. le Président, j'aurai immédiatement sur cette question deux remarques à faire. Dans le cas de la Fédération nationale du bâtiment — CSN, c'est M. Ghislain Hallé que je désire faire comparaître, parce que j'ai des questions spécifiques à poser à M. Hallé en tant que représentant de la CSN quant aux événements qui se sont produits à la Commonwealth Plywood.

Pour ce qui concerne le bureau de Byers, Casgrain, McNally, Dingle, je prierais Me Casgrain ou Me Bazin d'entrer en communication avec M. Fournier. Je ne pense pas, dans l'horaire que je proposerai, que nous entendions les représentants patronaux avant cet après-midi et je pense que M. Fournier pourra se dégager de ses travaux. C'est à titre personnel que M. Fournier a été convoqué et non pas à titre de procureur de l'employeur.

M. Casgrain (Philippe): Avez-vous pensé, M. le ministre, que vous voulez faire témoigner les avocats au dossier?

M. Johnson: On verra, à ce moment-là, pourquoi, M. Casgrain.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que vous me permettez une remarque pour M. Bourdon? La convocation de fait qui a été faite par télégramme et par courrier recommandé était adressée à M. Ghislain Hallé. Enfin! Si vous voulez vous adresser à la présidence, vous devez venir au micro, s'il vous plaît, et vous désigner par vos noms, prénoms et titres.

M. Rodrigue (Norbert): Norbert Rodrigue, président de la CSN. Je voudrais tout simplement avoir un renseignement. Je constate que dans la liste que vous avez énumérée, et le

syndicat des employés de la Commonwealth Plywood et la Confédération des syndicats nationaux n'ont pas été nommés.

M. Johnson: C'est-à-dire que des lettres ont également été envoyées à M. Gagné, président du syndicat local — M. Hallé a été convoqué à titre de représentant et à titre de participant à des événements au sujet desquels on a des questions à son égard — et à la Fédération nationale du bâtiment. D'autre part, M. Pepin a été convoqué à titre personnel, compte tenu de sa participation et compte tenu du fait que la CSN l'avait délégué comme participant aux travaux de la commission de médiation que nous avions nommée. C'est à ce titre que nous entendons appeler ces personnes.

M. Rodrigue: Qu'est-ce que cela signifie, M. le ministre?

M. Johnson: Cela signifie que les personnes que nous voulons entendre dans le cas de la CSN sont M. Gagné, M. Hallé et M. Pepin, étant donné que nous avons des questions particulières à leur poser.

M. Rodrigue: Oui, je comprends bien cela, mais la confédération a un point de vue à émettre aussi. C'est la question que je veux vous poser.

M. Johnson: Oui, mais à ce titre, si vous me permettez, M. Rodrigue, je pense qu'il y a un tas de gens qui ont un point de vue à émettre également. On a vu cela par les débats depuis sept mois autour de la Commonwealth Plywood. Ce qui nous intéresse essentiellement, ce sont des faits, des choses, des événements précis qui se sont produits. Les personnes que j'ai nommées sont les personnes qui sont directement impliquées. Je présume qu'une partie de ce que la CSN a à déclarer ou a à émettre comme opinion, sera sans doute reprise avec l'habileté qu'on lui connaît par son conseiller spécial, M. Pepin, qui serait appelé.

M. Rodrigue: Je reviendrai si nécessaire, M. le ministre.

M. Johnson: Si nécessaire.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Puisque le ministre insiste sur la présence de certaines personnes, contrairement au voeu spontané exprimé par au moins deux organismes qui sont devant nous, pourrions-nous vous demander, M. le Président, de préciser en vertu de quel pouvoir le président prend sur lui de faire de telle demande, de manière que la situation au moins sur le plan du droit parlementaire soit clarifiée?

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Le président ne le prend pas sur lui. C'est l'article 153 du règlement qui dit que lorsqu'une commission élue a requis une personne de se présenter devant elle pour s'y faire entendre ou pour produire des documents et que cette personne refuse de le faire, etc.

En fait, toutes les commissions jusqu'à présent ont fonctionné à partir d'avis de convocation et, dans le cas présent, j'ai donné une liste des gens qui avaient été spécifiquement convoqués. J'ai indiqué au début le mandat de la commission qui agit hors session.

Je n'ai pas l'intention de mettre en cause les pouvoirs du président. Ce qui s'est produit, c'est simplement qu'au nom de la commission, dont on connaissait la convocation pour la date du 26, le secrétariat des commissions a simplement agi en vertu de l'article 153.

M. Forget: Pour être clair, M. le Président, la commission n'a strictement rien fait jusqu'à aujourd'hui, puisque nous n'avons pas commencé nos délibérations. Donc...

Le Président (M. Cardinal): Nous venons de commencer, si vous permettez. Nous venons à peine de commencer.

M. Forget: Ce qui veut dire que la commission n'a convoqué personne, le secrétariat des commissions présumant de la volonté de la commission à convoquer des individus ou des groupes.. Nous ne sommes donc pas en face de l'application de l'article 153. Il ne s'agit pas d'un ordre de l'Assemblée, ni d'une commission.

Le Président (M. Cardinal): II s'agit d'une commission et non pas d'un ordre de l'Assemblée nationale.

M. Bellemare: Mais, en vertu de l'article 158, vous lirez l'article 158, cela va peut-être confirmer, mon cher, ce que vous venez de dire.

Le Président (M. Cardinal): C'est ça, justement.

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez.

Le Président (M. Cardinal): Oui, je vous en prie, M. le ministre.

M. Johnson: Je pense qu'il faut considérer que les télégrammes et les lettres par courrier recommandé, je crois, qui ont été adressées aux personnes que j'ai mentionnées tout à l'heure et quelques autres sont des invitations, puisqu'on présume, en général, que le ministre responsable sectoriel dans une commission permanente est celui qui convoque les personnes, dans un premier temps.

Évidemment, nous n'avons pas procédé par subpoena, puisque la commission, justement, n'avait pas encore siégé. Il n'est pas à écarter que, si cette commission doit siéger plus qu'une journée et qu'elle doive reprendre ses travaux la

semaine prochaine, compte tenu de certaines difficultés qu'on pourrait peut-être avoir, nous décidions, et je demande à la commission de procéder par subpoena s'il le faut. Mais, pour le moment, nous avons simplement invité des personnes à venir témoigner devant nous.

Je reconnais que, légalement, il ne s'agit pas là d'un ordre équivalent à un subpoena par cette commission. Cependant, en général, je pense qu'on est en droit de s'attendre qu'une convocation devant le Parlement soit respectée par les citoyens et que, le cas échéant, je n'hésiterais pas à proposer à la commission que nous émettions des subpoenas. (10 h 30)

Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, comme dernier commentaire, et en tant que président de la commission, j'ai donné la liste tantôt de toutes les personnes ou tous les organismes qui ont été convoqués, pardon, qui ont été invités. J'ai volontairement évité le mot "convoqués ".

Deuxièmement, en vertu du règlement, article 153, il faut qu'il y ait défaut devant la commission pour que l'on puisse faire rapport au président et demander que les moyens soient pris pour que les gens soient présents.

Comme ils sont tous présents aujourd'hui, il est sûr que la commission est validement réunie, il y a quorum de la commission; les invités sont présents, le ministre est là. Vous avez un représentant de la présidence de l'Assemblée nationale. Je suggérerais que le ministre fasse son exposé général et, s'il se présente des difficultés de procédure, la commission ou le président les réglera au fur et à mesure qu'elles se présenteront.

Je ne puis présumer ni absence de personnes, ni irrégularités, ni mauvaise foi. Nous traverserons ces rivières par les ponts qui nous sont permis par les règlements lorsque nous y arriverons.

M. Bellemare: M. le Président, vous avez parfaitement raison, et en vertu de l'article 158: "La commission ne peut modifier... "

Le Président (M. Cardinal): Oui.

M. Bellemare: "... dans son principe une proposition qui a été acceptée par l'Assemblée." C'est exactement le principe que vous soutenez.

Le Président (M. Cardinal): C'est cela.

M. Bellemare: Dans l'avis de convocation que nous avons reçu, nous, les membres de la commission, il est dit: "Veuillez prendre avis que la commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre se réunira le mardi 26 septembre, à 10 heures, au salon rouge, à l'Assemblée nationale et le sujet en discussion sera le conflit de la Commonwealth Plywood." Ceci est le principe général de l'avis et comme vous l'avez si bien dit, il n'est pas question, actuellement, de subpoena, ni d'autres choses que les interventions qui nous sont permises à ce moment-ci.

Le Président (M. Cardinal): Messieurs, je vous remercie tous et j'invite maintenant M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre à faire son exposé.

M. Johnson: Bon. Sommes-nous sûrs cette fois-ci?

Le Président (M. Cardinal): Je vous ai accordé le droit de parole, M. le ministre.

M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson: Je vous remercie, M. le Président.

Le conflit de Commonwealth Plywood qui est maintenant devant le Parlement, devant l'opinion publique d'une façon, qui a un caractère presque solennel est un conflit qui a non seulement fait couler beaucoup d'encre, mais un conflit qui a pris une dimension sociale pour une ville, une région à un niveau qui devient insupportable sur le plan social.

Nous assistons là à un conflit qui oppose un groupe de travailleurs et peut-être deux à un employeur. Nous assistons là, également, à l'utilisation de procédures judiciaires abondantes. Nous constatons qu'il y a dans ce conflit au-delà de huit actions judiciaires dont l'ensemble est en ce moment devant la Cour d'appel ou en appel de décision de première instance. Nous remarquons donc que c'est un conflit où l'imbroglio juridique et où notre système juridique ne sont pas parvenus à amener la résolution d'un problème de nature sociale.

De son côté, le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre a fait son travail, compte tenu des lois existantes, compte tenu des usages et même compte tenu du recours à des mesures exceptionnelles. Il a nommé dans ce dossier un conciliateur dans des conditions qui n'étaient pas faciles. Il a, par la suite, compte tenu de la guérilla judiciaire qui se poursuivait et des difficultés ressenties, encore une fois, sur le plan social dans cette région, décidé de nommer un conseil spécial de médiation qui était présidé par M. Yvan Blain, sous-ministre adjoint aux relations de travail au ministère, et auquel participaient M. Désilets, directeur du service de conciliation, et M. Vanier, conciliateur au dossier. D'autre part, le sous-ministre a tenté, à plusieurs reprises, d'entrer en communication avec entre autres le président de la compagnie Commonwealth Plywood. Celui-ci n'a pas jugé utile de rencontrer le sous-ministre du Travail. C'était évidemment son droit. Quant à moi, j'ai eu l'occasion, au cours de ces sept mois, de rencontrer la plupart des personnes impliquées dans ce dossier, au moins au niveau des structures syndicales ou des producteurs patronaux.

Cette commission, M. le Président, a pour but, dans l'esprit de celui qui vous parle, et, j'espère, pour l'ensemble des parlementaires qui y siègent, de jeter un peu de lumière sur des coins plutôt obscurs de ce conflit. L'espoir que je formulerai,

c'est qu'après avoir entendu les parties, après que nous aurons obtenu, j'espère, des réponses qui soient claires à certaines des questions que nous avons à poser, le Parlement sera mieux éclairé sur la situation qui prévaut à Sainte-Thérèse, à la Commonwealth Plywood. Deuxièmement, je souhaite évidemment que cet effort que nous ferons, de bonne foi en ce qui concerne les parlementaires, permette au moins l'amorce d'une reprise et l'amorce d'une solution possible en dehors d'un contexte qui soit purement judiciaire.

Dans les circonstances, M. le Président, je vous avise et j'avise les membres de la commission que je demanderai à M. Yvan Blain, sous-ministre adjoint au ministère, accompagné de M. Désilets, le directeur du service de conciliation, de venir témoigner devant cette commission pour nous résumer le conflit, nous donner les bases factuelles de ce qui est devant nous et également nous parler de l'effort de médiation qu'ils ont accompli. Par la suite, je demanderai à M. Gérard Gagné, président du syndicat local, de venir témoigner devant nous, car j'aurai pour lui certaines questions, de même que pour M. Ghislain Hallé, et possiblement à l'égard de M. Marcel Pepin. Je demanderai également à M. Ernest Lévesque, Mme Hélène Grignon et M. Donat Thériault de venir déposer devant cette commission et de répondre aux questions que nous avons pour eux. Finalement, nous nous adresserons à M. Caine et à M. Fournier pour obtenir des éclaircissements additionnels sur certains des faits qui ont entouré ce conflit.

M. Casgrain: ... une question, s'il vous plaît.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que le ministre permet que vous l'interrompiez?

M. Johnson: Je vous en prie.

M. Casgrain: Est-ce que vous permettez, M. le ministre, que je vous interrompe? Je m'adressais à la présidence, je m'en excuse.

Le Président (M. Cardinal): Je vous en prie.

M. Casgrain: La question que je veux poser est la suivante, je la pose uniquement à titre d'information à ce stade. Vous avez nommé des témoins et on a exprimé l'avis que les personnes qui seraient entendues le seraient comme témoins et que des questions leur seraient posées. Le ministre a même dit qu'il espérait avoir des réponses claires. Compte tenu de cela et du fait qu'il semble y avoir un ordre de témoins établi, la question que je me pose et que je vous pose, M. le Président ou M. le ministre, en tout respect, c'est la suivante. S'il s'agit effectivement — je ne veux pas bloquer les travaux d'aucune façon, ni faire de juridisme — d'une commission qui siège pour entendre des témoins, pour moi qui suis avocat — vous m'en excuserez — cela m'apparaît être quand même un forum qui appelle la règle normale de l'interrogatoire des témoins, à savoir, pou- vons-nous à l'occasion intervenir, pour interroger un témoin sur une question qui, selon nous, pourrait être clarifiée, à son avantage ou autrement?

Deuxièmement, cela me touche plus profondément, à partir du moment où, M. le ministre, vous voulez interroger sous serment ou autrement, en espérant avoir les réponses honnêtes, vous les aurez certainement, vous voulez interroger un de mes associés qui est dans ce dossier, je vous souligne que ça constitue une situation quand même assez délicate et que, pour ma part, j'aurai à assumer la double tâche, avec Me Bazin, de représenter notre client. Si je ne peux pas poser des questions, je ne sais pas très bien ce que je fais ici et certainement au niveau de Me Fournier, de le représenter tout au moins...

Parce qu'à partir du moment, dans mon esprit, où quelqu'un doit comparaître devant un organisme quelconque, fut-il une commission de la Chambre, je pense qu'il a droit d'être représenté et obtenir la protection dont il a besoin.

Le Président (M. Cardinal): Je vais tenter de répondre à chacune de ces questions. La première, c'est que vous pouvez certainement suggérer ce que nous appellerons "des témoins". Ce sont les membres de la commission qui interrogent. Le droit parlementaire a des analogies avec la procédure civile, mais une commission parlementaire, telle qu'elle est constituée ce matin, n'est pas une commission d'enquête. Il pourrait y avoir une commission d'enquête. C'est une commission, d'accord, qui veut savoir ce qui s'est produit, mais ce n'est pas une commission d'enquête au sens où on l'entend, ni dans les lois du Québec, ni dans la Loi de la Législature, ni dans nos règlements.

Le ministre a exprimé un voeu, nous n'avons pas encore entendu les autres parties. Je réserve donc mon jugement sur ce qui se produira. Le ministre a simplement mentionné ce matin qu'il pourrait demander au président, en vertu de l'article 91 de la Loi de la Législature, de demander à certains témoins de répondre sous serment, ce qui est prévu textuellement dans ce texte de loi. Mais je ne puis permettre que la salle intervienne avec les membres de la commission. Vous pouvez cependant suggérer à des membres de cette commission, en temps et lieu, de nouveaux témoins ou des questions pertinentes.

Mais il n'y a pas, à ma connaissance, de contre-interrogatoire qui provienne des témoins ou de leurs représentants. Nous ne sommes pas devant un tribunal. C'est l'Assemblée nationale qui veut s'informer sur tout ce qui s'est produit dans le conflit à la Commonwealth Plywood. Je ne sais pas si ma réponse est suffisante, M. le procureur.

M. Casgrain: Je ne veux pas user de mes...

M. Bellemare: Lorsque le ministre interrogera les personnes qu'il vient de mentionner, est-ce que cela sera possible que nous posions des questions aux représentants de la partie patronale,

pour savoir si c'est conforme à ce qui vient d'être dit?

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Johnson, et vous savez, c'est la façon de procéder devant une commission parlementaire. C'est exactement la réponse. Vous vous adressez à un député et lui se charge de faire la question et de la prononcer.

M. Bellemare: S'il y a lieu de le faire...

Le Président (M. Cardinal): Si la commission le juge à propos.

Dans ce cas-là, M. le ministre, est-ce que vous aviez terminé?

M. Johnson: J'ai terminé, M. le Président.

M. Forget: Le point découlant de ce que vous venez d'affirmer...

Le Président (M. Cardinal): Vous ne le faites pas en réplique au ministre?

M. Forget: Non, pas du tout.

Vous venez de donner une indication à l'effet que la commission parlementaire veut s'informer de tous les faits pertinents aux difficultés entourant ce conflit de travail. Il demeure qu'il y a un certain nombre de litiges devant les tribunaux, qui ne sont pas décidés, par lesquels les enquêtes judiciaires ne sont pas complétées.

Est-ce qu'il serait possible que le président indique clairement quelle est la situation des personnes qui viendront s'exprimer ici, en commission parlementaire, et qui exprimeront des opinions sur des événements qui se sont produits, sur leur participation dans ces événements, relativement aux poursuites qui sont pendantes devant les tribunaux?

Est-ce que la présidence, est-ce que l'Assemblée nationale est en mesure d'accorder quelque protection que ce soit aux déclarations qui sont faites par ces témoins, eu égard aux procédures judiciaires qui sont en cours?

Le Président (M. Cardinal): C'est la réponse que j'ai déjà donnée à M. le député de Johnson au tout début de la séance. Vous me posez la même question. J'ai déjà indiqué que les membres de la commission, ainsi que les témoins, bénéficiaient de l'immunité parlementaire. J'ai indiqué que je ne pouvais pas me permettre, comme président, de donner une opinion juridique sur la portée de l'immunité parlementaire. Et j'ai de plus indiqué que je ne m'opposerais personnellement à aucune question, ni à aucune réponse. Nous ne sommes pas devant une commission d'enquête ici. Nous sommes devant une commission parlementaire permanente élue. Je ne peux pas aller plus loin dans une expression d'opinion.

M. Forget: Mais vous affirmez que l'immunité vaut pour les témoins également?

Le Président (M. Cardinal): Je l'ai déjà affirmé dans plusieurs décisions précédentes. Oui, pourvu — et je le répète — que le tout se fasse dans le cadre de la commission, dans cette enceinte, et suivant les règlements de cette commission. Si cela se faisait dans les corridors, ou au Parlementaire vous ne bénéficieriez plus certainement de cette protection.

Au nom du Parti libéral, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, merci.

M. Bellemare: C'est l'article 171 qui s'applique, au paragraphe e.

Le Président (M. Cardinal): Je pense que ce n'est pas nécessaire d'y revenir.

M. Pagé: C'est tout réglé, M. le Président, ces questions préliminaires?

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le député de Portneuf. (10 h 45)

M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. Nous voici de nouveau en commission parlementaire pour entendre les parties d'un conflit de travail que le ministre du Travail n'aura pas pu solutionner. Après Radio-Québec, le Soleil, voici Commonwealth Plywood.

J'ai encore en mémoire les discours emportés de certains membres du présent gouvernement, du temps où ils étaient dans l'Opposition. J'ai encore en mémoire leurs discours emportés par lesquels ils fustigeaient l'inertie, l'incapacité et l'irresponsabilité du gouvernement d'alors de n'avoir pu régler à la manière prévue par nos lois, les conflits de travail et être ainsi forcés de s'en remettre aux mécanismes d'une commission parlementaire.

C'était alors pratique courante de tout mettre la faute sur le dos du gouvernement dès lors qu'un conflit de travail durait pendant des mois, qu'il donnait lieu à la panoplie des injonctions et qu'il était l'occasion d'actes de violence et d'intimidation qui compromettaient gravement le climat social. Tout devait miraculeusement changer et le soi-disant préjugé favorable aux travailleurs allait faire fonction d'une quelconque potion magique, en vertu de laquelle les relations de travail au Québec deviendraient un univers de parfaite félicité.

M. le Président, le conflit à la Commonwealth Plywood dure depuis le mois de septembre 1977.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Pagé: Oui.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Portneuf, votre micro est un peu éloigné.

M. Pagé: Oui.

Le Président (M. Cardinal): Pour les fins du journal des Débats, est-ce que...

Une voix: ... vous comprenez bien les... M. Pagé: On va rapprocher le micro, etc. Le Président (M. Cardinal): Bon!

M. Pagé: On va essayer de bien se comprendre et de bien s'entendre.

Une voix: Comme à l'école.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre!

M. le député de Portneuf, vous aviez la parole.

M. Pagé: Bon! Merci, M. le Président! M. le Président, j'en étais à dire que le conflit à la Commonwealth Plywood dure depuis le mois de septembre 1977. Nous sommes en septembre 1978, douze mois déjà... Ce conflit à la Commonwealth Plywood a, jusqu'à maintenant, donné lieu à combien d'injonctions provisoires, interlocutoires et permanentes, à combien de requêtes, de jugements, d'inscriptions en appel! Il y a même eu une procédure judiciaire contre le ministre lui-même.

Ce conflit à la Commonwealth Plywood a été de plus le théâtre de très nombreux actes de violence, de menaces et d'intimidation et même donné lieu à une intervention des forces policières au sujet de laquelle une enquête a dû être ordonnée par le ministre de la Justice.

À l'égard de ce conflit particulier de la Commonwealth Plywood, n'est-ce pas le devoir premier de l'Opposition de demander aujourd'hui aux membres du gouvernement les raisons pour lesquelles l'opinion publique ne serait pas justifiée de porter contre le gouvernement du Parti québécois les mêmes jugements aussi sévères que ces gens adressaient allègrement du temps où ils étaient du côté de l'Opposition. L'opinion publique est, à mon avis, d'autant plus justifiée de faire porter au gouvernement actuel sa part de responsabilités dans ce dossier que les membres de la présente équipe ministérielle s'étaient formellement engagés à prendre les mesures nécessaires pour éviter au Québec des conflits de travail aussi longs, aussi marqués par le recours abusif aux tribunaux et aussi préjudiciables au maintien d'un sain climat social.

Sur ce plan, le conflit à la Commonwealth Plywood constitue un échec cuisant pour le gouvernement et le ministre, d'autant plus cuisant que ces porte-parole péquistes, du temps où ils étaient de ce côté-ci, ne s'étaient pas privés de dire et de proclamer solennellement: Avec le Parti québécois, plus jamais de conflits de l'ampleur et de la gravité de celui de la United Aircraft de Longueuil.

Or, M. le Président, il y a maintenant depuis un an certainement le cas du conflit de la Com- monwealth Plywood. Ce conflit constitue une illustration additionnelle de la difficulté chronique que ce gouvernement a de se tenir à la hauteur de ses promesses et de ses engagements électoraux. Prenons par exemple le rôle joué par les tribunaux de droit commun dans le domaine des relations de travail.

Essentiellement, une grande partie du problème, disaient dans le passé les gens du gouvernement, c'était parce que le dernier gouvernement ne prenait pas au niveau du ministère ses responsabilités. Je me demande à qui peut bien être la faute aujourd'hui quand on voit les sommets atteints par l'imbroglio judiciaire sans précédent qui caractérise ce conflit.

Cette fois, assez curieusement, figurez-vous que, comme par hasard, ce n'est plus du tout la faute du gouvernement en place ou du ministre du Travail en titre. En fait, le 20 avril 1978, le ministre du Travail a déclaré à l'Assemblée nationale, à la page 1957 du journal des Débats: Je me permets de le citer. C'est le ministre du Travail qui parle. "Je tiens à affirmer qu'à mon avis les procureurs de l'employeur dans les circonstances, par les gestes qu'ils posent, par une attitude qui est ou issue de l'ignorance ou peut-être de la mauvaise foi, laissent traîner une cause par des procédures qui m'apparaissent souvent dilatoires, ce qui entraîne une détérioration considérable du climat social." Fin de la citation du ministre. Et d'une, M. le Président!

Le ministre poursuit: "Je ne prétends pas que la CSN — c'est toujours le ministre qui parle — comme centrale syndicale dans le présent conflit, ait à blanchir d'attitude ou de tout comportement, étant donné qu'à mon avis la CSN comme l'employeur, dans les circonstances, s'est servie de ce conflit pour finalement jeter de l'huile sur le feu. Il est très clair que la CSN n'a pas respecté les premières injonctions." C'est toujours le ministre qui parle. Et de deux, M. le Président. "D'autre part, le type de manifestation qu'on a vu hier, qui était caractérisé par la présence de personnes brandissant des idéologies dites de gauche, se conduisant également comme des voyous et des dangereux". Et de trois. Dans l'imbroglio de la Commonwealth Plywood, nulle part le gouvernement n'est impliqué ou ne semble être impliqué. L'ancien gouvernement l'était. Aujourd'hui, c'est la faute de l'employeur, c'est la faute de la CSN, c'est la faute des voyous et des dangereux. Ce n'est pas tout. Il n'y a pas que les employeurs, les syndicats et les manifestations qui en soient les responsables. Il y a aussi les juges. Un juge en particulier, d'après le ministre, a rendu un jugement un peu étonnant, un jugement qui a surpris le ministre et, s'érigeant alors lui-même en tribunal d'appel, un jugement, ajoute le ministre, qui lui paraît exorbitant au droit commun. Le tout, bravement déclaré sous le couvert heureux de l'immunité parlementaire.

M. le Président, il importe, à ce moment-ci des travaux de cette commission parlementaire, de dire bien clairement au gouvernement que, dans toute cette affaire de la Commonwealth Plywood,

le ministre du Travail encourt lui aussi une très grande responsabilité, et cela, à un double titre. Il est le ministre du Travail, il a la responsabilité de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la bonne marche des relations de travail au Québec. Or, dans le dossier de la Commonwealth Plywood, le ministre du Travail a failli à la tâche. Il n'a pas su remplir adéquatement son devoir. Il n'a absolument pas à chercher à en jeter le blâme sur les autres aujourd'hui.

L'affaire de la Commonwealth Plywood, c'est un échec cuisant pour le ministre du Travail et son gouvernement. Le ministre, en tant que membre du Conseil exécutif, n'a certainement pas le droit de s'immiscer ainsi qu'il l'a fait dans l'exercice du pouvoir judiciaire, en commentant publiquement une décision d'une cour de justice. Que le ministre se soit ainsi permis de tels commentaires sous le couvert de l'immunité parlementaire, loin de le disculper, cela ne fait qu'ajouter à la responsabilité très grande que ses propos lui ont fait encourir. Dans cette perspective, la nécessité qu'il y a pour le ministre d'assumer ses responsabilités personnelles et gouvernementales dans ce dossier, il est impératif de se référer ici aux propos extrêmement sévères que le juge concerné a servis au ministre.

Je cite maintenant le juge: "II n'est pas suffisant de dire que l'on respecte la séparation du judiciaire et de l'exécutif. Il faut plus que le dire, il faut le faire. Le public doit savoir que c'est ce principe de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance de la magistrature qui constitue la meilleure, sinon la seule véritable garantie des droits et des libertés des citoyens et que les cours de justice ne céderaient pas à quelque pression que voudrait leur imposer le pouvoir politique. De plus, a ajouté le magistrat — c'est, à mon avis, très important — celui qui a commencé à l'Assemblée nationale l'injonction du 18 avril 1978 peut difficilement être objectif, car il est lui-même l'intimé dans une demande d'injonction dans un des quatre dossiers devant la cour qui sont reliés au conflit de travail en question".

M. le Président, il s'est trouvé récemment, dans une autre juridiction que celle-ci, un ministre qui avait tenu, au sujet d'un jugement, des propos analogues à ceux qu'a eus le ministre du Travail à l'égard d'un jugement de la cour. On sait ce qui est arrivé au ministre en question, qui a dû démissionner. La nature du comportement des deux ministres est fondamentalement identique et tout aussi inacceptable, tant pour l'un que pour l'autre. La seule différence, c'est que, dans le cas qui concerne le ministre du Travail, ce dernier a eu la précaution combien courageuse de se camoufler derrière l'immunité parlementaire.

Dans tout ce dossier de la Commonwealth Plywood, l'Opposition officielle se doit donc de dénoncer sévèrement l'action du ministre du Travail au titre de sa tentative de chercher à faire porter sur les autres la responsabilité qu'il a à titre de ministre du Travail et de condamner tout aussi sévèrement l'intrusion inacceptable du ministre dans l'exercice du pouvoir judiciaire.

M. le Président, l'Opposition doit, de la même façon, s'interroger sérieusement sur la conception même que le ministre du Travail s'est faite de la nature du conflit à la Commonwealth Plywood. Le ministre a toujours semblé considérer que le fond du litige était essentiellement un simple problème entre un employeur et ses employés. Il a toujours feint d'ignorer qu'au moins l'une des parties en cause soutenait le contraire, à tort ou à raison, et qu'il ne s'agissait, en fait, que d'une lutte intersyndicale. Cette attitude du ministre est particulièrement bien illustrée par l'embarras réel et évident dans lequel il s'est toujours trouvé, dès lors qu'il s'agissait pour lui d'aborder la question de la convention collective déposée au ministère du Travail le 14 octobre 1977. Alors, le ministre a toujours fait état du fait que la question de la légalité de cette convention était mise en doute et que, dans ces cas, au moins, il fallait s'en remettre aux tribunaux, tout en ajoutant, généralement et de même souffle, qu'il comprenait très bien que la CSN puisse contester la validité de cette convention collective.

Il y a certainement lieu de se demander, dans le même ordre d'idées, si la constitution elle-même du conseil de médiation ne traduisait pas chez le ministre une quelconque volonté de contester la prétention de l'une des parties selon laquelle il s'agissait strictement d'un simple conflit intersyndical. Alors, le ministre ne doit pas s'étonner outre mesure de l'échec de cette médiation. Maintenant, voilà qu'une commission parlementaire, ce matin, va entendre les parties intéressées à tout ce conflit. Les membres de la commission parlementaire sont en quelque sorte conviés à reprendre le dossier là où il était le 21 avril 1978, c'est-à-dire au moment où le ministre annonçait la formation d'un conseil de médiation. Avril, mai, juin, juillet, août et septembre, cinq mois se seront passés au cours desquels les seules choses à signaler auront été la prolifération des procédures judiciaires, évidemment, les actes de violence au début de juin et finalement, l'échec du conseil de médiation, échec qui, en dépit de la qualité des membres du conseil et de leurs efforts tout à fait louables, était pour ainsi dire presque inévitable.

Alors, nous revenons cinq mois en arrière. La trouvaille du conseil de médiation n'ayant pas pu sauver le ministre du Travail, il demande maintenant aux membres de cette commission parlementaire de la faire en étudiant les différents aspects du conflit de la Commonwealth Plywood.

Or, cette commission parlementaire, incidemment, M. le Président, laquelle avait été demandée par le conseil national du Parti québécois dès le 1er mai et évoquée comme possibilité le lendemain par le premier ministre, cette commission, dis-je, a été effectivement convoquée le 15 août 1978 et la date que le ministre a, par la suite, choisie, est le 26 septembre, soit très exactement quatre jours avant l'expiration de la fameuse convention collective d'un an qui a été déposée au ministère le 14 octobre.

Cette coïncidence appelle certainement des explications de la part du ministre, surtout si l'on

considère que, dès le 7 juillet, le ministre savait que le rapport de médiation demeurait sans effet du fait de son rejet par la compagnie. Il nous faut, en outre, demander au ministre en quoi les travaux de cette commission parlementaire pourront être plus concluants que ceux du conseil de médiation. Nous allons entendre les parties intéressées, comme le conseil l'a fait, et nous faire décrire de nouveau toutes et chacune des péripéties qui ont mené à l'imbroglio qu'on connaît aujourd'hui, la seule différence étant peut-être que la compagnie a accepté de participer aux travaux de la commission parlementaire.

M. le Président, qu'est-ce que cette commission va faire? Va-t-elle simplement emprunter la même démarche que le conseil de médiation? De toute façon, que les résultats auxquels aboutissent ses travaux soient les mêmes que ceux du conseil de médiation ou qu'ils soient différents, est-ce qu'il est réaliste de penser que la commission parlementaire pourra, d'une façon claire, dire à la compagnie le nom du syndicat avec lequel elle doit négocier le renouvellement de la convention collective déposée au ministère du Travail le 14 octobre 1977 et dont la légalité est, par ailleurs, contestée?

Je pense donc, M. le Président, et je termine là-dessus, que le nouvel épisode que nous nous apprêtons à vivre au sujet du conflit soulève, dès le départ, des interrogations nombreuses. C'est donc avec énormément de réserve que l'Opposition officielle s'engage dans cette nouvelle phase du dossier. Nous sommes, en tout cas, certainement justifiés de demander au ministre d'expliquer aux membres de la commission et aux parties impliquées les objectifs précis qui le poussent en convoquant cette commission parlementaire. Je considère que c'est toujours trop facile, pour un ministre, de demander, de souhaiter, de formuler le voeu qu'une commission parlementaire jette de la lumière sur des faits. Je pourrais citer le ministre dans sa déclaration d'ouverture alors qu'il disait: "J'espère que cette commission pourra jeter de la lumière sur des points obscurs dans le dossier, mieux éclairer le Parlement, que ce soit un effort pour permettre l'amorce d'une reprise d'une solution possible et éventuelle." Que c'est beau, que c'est hypothétique, de beaux voeux très bien formulés! On est habitué à ces voeux-là.

Nous lui demandons de dire en quoi notre commission peut être plus utile que le conseil de médiation, purement et simplement, en quoi notre commission va être plus utile. Nous lui demandons s'il sera possible à cette commission d'entendre d'autres personnes ou autorités même au dossier de la Commonwealth Plywood. En particulier, M. le Président, est-ce qu'on pourra entendre le ministre de la Justice — c'est une question que je formule au ministre — qui a été à même d'enquêter, de commander et ordonner une enquête sur les problèmes, sur ce qui s'était passé là-bas? Est-ce qu'on pourra entendre le ministre de l'Industrie et du Commerce? J'ose croire, parce qu'il y a peut-être eu l'imbroglio du départ des travaux de la commission ce matin, lorsqu'on se demandait qui avait convoqué qui et en vertu de quel ordre.

Le ministre, en tant que ministre sectoriel ou responsable de ce dossier, a jugé opportun de demander au secrétariat des commissions de convoquer certaines personnes ou certains groupes à venir comparaître ici. Est-ce que vous avez demandé ou requis la présence du ministre de l'Industrie et du Commerce? Parce qu'il y a un élément important dans ce dossier, qui est toute la question de la rentabilité de l'entreprise. Est-ce que vous avez cru opportun de lui demander de venir comparaître? Est-ce que le ministre de l'Industrie et du Commerce... Tout à l'heure, nous aurons probablement des questions à poser dans ce sens-là. Je suis convaincu que les parties ont étudié toute cette question de la rentabilité et la situation économique de l'entreprise au moment des congédiements. Je présume que le ministre de l'Industrie et du Commerce, membre d'un gouvernement qui se dit responsable, a étudié cet aspect, qu'il sera en mesure de venir comparaître et de nous donner des éléments d'information qui ajouteront de la lumière au dossier.

M. le Président, on termine là-dessus. J'ose espérer que le ministre sera en mesure de prendre ses responsabilités et non pas s'en remettre à toutes les parties en présence, sauf à lui-même, évidemment. J'ose croire que le gouvernement, dans ce geste, dans ce qui s'inscrit dans cette politique de clairvoyance, de transparence, etc., sera en mesure de faire comparaître, avant la fin des travaux de cette commission — quant à nous, on serait disposé à revenir demain matin si la commission le juge opportun — particulièrement le ministre de l'Industrie et du Commerce.

Le Président (M. Cardinal): Suivant l'ordre des choses normales, mais avec une petite remarque auparavant, la commission ne pourra pas siéger demain. Nous n'avons pas d'ordre à cet effet. Nous devrons, à la fin des travaux, à la fin de la journée, ajourner sine die. Je le dis immédiatement. C'est la règle.

M. Pagé: La commission est maîtresse de ses travaux, M. le Président. On ne se chicanera pas là-dessus tout de suite. On va attendre à 23 h 30 ce soir.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Pagé: Mais je pense qu'on est maître de nos travaux. (11 heures)

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission, je l'ai dit, est maîtresse de ses travaux. Cependant, s'il faut aussi en arriver à ce point de procédure, nous le réglerons ce soir.

M. Pagé: On réglera cela à 11 h 30.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Johnson.

M. Maurice Bellemare

M. Bellemare: M. le Président, drôle de coïncidence, le 26 septembre 1968, décédait un premier ministre de la province, un grand premier ministre, l'honorable Daniel Johnson. Cela fait dix ans aujourd'hui qu'est mort ce grand homme d'État québécois et je voudrais lui payer, en cette circonstance toute particulière, le témoignage bien senti d'une vive reconnaissance pour ce qu'il a fait pour les Québécois.

Ceci étant dit, je passe au débat. Actuellement, devant la commission parlementaire, on ne discute pas d'une grève. On ne discutera pas d'un lock-out, mais on parlera pendant toute la journée d'un conflit intersyndical.

Je n'ai pas besoin de vous dire que les déclarations que l'honorable ministre a faites au début m'ont vivement intéressé. Le conflit est devant le Parlement, chose inusitée qui s'est répétée quelquefois dans le passé, qui a peut-être apporté certaines solutions, mais à long terme.

Je pense que le grand responsable aujourd'hui de ce conflit, qui a pris des proportions, comme le disait l'honorable ministre, anormales dans un climat social perturbé par des jugements qui ont été rendus et d'autres causes qui sont sub judice, prouve que les tribunaux n'ont pu, même à la remarque qu'a faite le ministre, apporter rien de nouveau, de concret pour régler le problème.

Donc, les huit actions judiciaires qui sont devant la Cour d'appel, l'imbroglio juridique devant lequel nous, les parlementaires, sommes présentement, font que même s'il y a eu un conciliateur en vertu de la loi que le ministre a respectée — c'est bien sûr — même s'il y a eu un conseil de médiation formé d'un homme que je connais et que je respecte énormément, Yvon Blain, accompagné de M. Désilets Vianney, même si le sous-ministre est intervenu, le ministre qui a la responsabilité de voir à ce que l'économie sociale, industrielle et manufacturière comme la responsabilité des syndicats soient protégées, n'a rien fait lui-même. Il nous a déjà traités de pompiers parce que nous sommes intervenus dans certains conflits et je peux dire au ministre que dans tous les cas où je suis intervenu personnellement, je pense que j'ai rendu service à la province, aux syndicats et aux patrons.

Se faire traiter de pompiers parce qu'on se mêle de ses affaires et comme ministre on intervient, par son autorité, à mettre de l'ordre dans les relations patronales-ouvrières, on établit un certain climat.

Le ministre qui connaît parfaitement son Code du travail, le ministre que j'ai eu l'occasion de féliciter pour certains gestes qu'il a posés, ce matin, je dois lui dire que je ne suis pas satisfait de l'attitude qu'il a prise véritablement dans ce conflit.

Il a pris certains détours. Il dira: Ce n'est pas mon affaire d'être ministre-pompier, mais est-ce que M. Munro, dans le conflit d'Air Canada, comme ministre, n'est pas intervenu? A-t-il perdu son influence lorsqu'il l'a réglé?

M. Johnson: ...son ministère.

M. Bellemare: À l'ordre! À l'ordre, M. le Président! Je pense que c'est moi qui ai le crachoir et je vais m'en servir.

M. Pagé: Vous avez peur de perdre votre ministère?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bellemare: Le ministre se sert-il de M. Bisaillon, le député de Sainte-Marie et le député de Joliette-Montcalm, M. Chevrette, pour régler le problème au Soleil? Est-ce que c'est normal que M. le député de Sainte-Marie soit encore envoyé dans le conflit de Radio-Québec, que le ministre ne veuille pas se mouiller les pieds, mais qu'il se serve de députés qui n'ont pas le mandat en vertu de la loi de régler certains problèmes comme celui-là? Est-ce qu'il n'est pas aujourd'hui condamnable, n'est-il pas le principal responsable? Il aura beau dire: J'ai fait mon possible, j'ai envoyé un conciliateur, j'ai nommé un conseil de médiation, j'ai fait tout cela.

J'ai fait des déclarations sensationnelles le 20 avril au journal des Débats, qu'a citées presque textuellement l'honorable député de Portneuf, mais il dit ceci, qu'il faudrait noter, à la page 1057, le jeudi 20 avril 1978: "II n'appartient pas aux tribunaux de régler un problème du ministère du Travail." C'est vrai. Vous avez parfaitement raison, mais cela vous appartenait, par exemple, à vous comme ministre. Si un député peut avoir de l'influence dans un conflit qui brime les intérêts publics, sociaux, économiques, que vous le déléguez vous-même, mais qu'il n'a pas de mandat de faire ce que vous lui avez demandé, je me demande pourquoi le ministre ne s'est pas lui-même impliqué dans le conflit. Il y avait des dates spécifiques où il aurait pu empêcher le conflit de se propager. Il ne l'a pas fait. Il a dit: Le Code du travail me protège, je prends les moyens qui me. sont dictés par la loi. Très bien. Qu'est-ce que cela a donné?

Aujourd'hui, vous êtes devant la foule, devant cette assemblée, devant les parlementaires pour vous expliquer. Comment, devant tout ce dommage qui a été fait au syndicat, au patron, pouvez-vous donner une réponse satisfaisante aujourd'hui aux parlementaires? Pourquoi vous, comme ministre, n'êtes-vous pas intervenu vous-même, demandant aux parties de vous rencontrer? Quand on est ministre, on a une certaine autorité. Pour la Commonwealth Plywood, M. Caine a refusé d'aller devant le conseil de médiation, mais il n'aurait pas refusé d'aller devant vous, comme le syndicat n'aurait pas refusé d'aller devant vous, conjointement, pour essayer de trouver la vraie solution, la solution que vous auriez certainement, à cause de votre expérience, trouvée. Mais non, vous n'avez pas voulu vous mêler de cela. Vous n'avez pas voulu vous mouiller les pieds. Vous avez voulu rester un grand ministre protocolaire avec tous les

coups d'encensoir que vous avez pu recevoir, mais faites attention à cela. Il y a des gens qui, dans les nuages, mon cher monsieur, à un moment donné, touchent les fils électriques sans le savoir. Un verre de lait renversé, M. le ministre, cela ne peut pas se remettre dans une chopine ou dans une pinte. On ne jette pas son "char" parce qu'on a un "flat". On répare le "flat" et la machine continue.

Je pense, M. le Président, que cette commission parlementaire n'aura aucun succès. Je ne veux pas être pessimiste, mais je me mets en face des réalités. Seul le ministre le pouvait, comme au Soleil. Il a délégué le député de Sainte-Marie et le député de Joliette-Montcalm pour régler le problème. Pourquoi pas lui avec son autorité? Si un député peut avoir véritablement un prestige, que vaut le prestige du ministre dans un cas pareil?

M. Bisaillon: Quand cela? Ce n'est pas vrai.

M. Bellemare: Je vous dis, parce que j'ai été ministre, que j'ai rencontré des gens qui sont ici dans cette salle dans des conflits extraordinairement difficiles.

M. Chevrette: Ce n'est pas vrai, cela.

M. Bellemare: Non? Demandez cela à M. Marcel Pepin.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Chevrette: Je fais appel au règlement, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre! M. le député de Joliette-Montcalm, sur une question de règlement.

M. Chevrette: Je voudrais rectifier immédiatement des paroles qui sont fausses.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Joliette-Montcalm, en vertu de l'article 96, vous devez nécessairement attendre la fin de l'intervention du député de Johnson, à moins que celui-ci n'y consente.

M. Bellemare: Je n'y consens pas.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La parole est au député de Johnson.

M. Bellemare: Alors, je pense que...

M. Chevrette: Je demande d'être inscrit en priorité.

M. Bellemare: À l'ordre!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Bellemare: C'est une décision du prési- dent, vous n'avez pas le droit de la critiquer. J'ai vécu des conflits extraordinairement difficiles, où la FTQ et la CSN étaient en cause, dans le textile, par exemple, et j'ai négocié avec M. Marcel Pepin dans le temps et je peux vous dire aujourd'hui, il est ici dans cette salle, combien cela a pris de temps pour le régler. Il a fallu 33 heures, mais nous avons fini par trouver un règlement satisfaisant pour les parties et qui a empêché tous les recours judiciaires et le reste. M. le Président, je pense que cette commission parlementaire ne donnera pas grand-chose, sauf d'étayer ce qu'on sait déjà par de volumineux rapports qui nous ont été transmis, que j'ai eu le temps de parcourir.

M. le Président, je dis et je répète que ma seule intervention ce matin, c'est pour dire que le ministre n'a pas fait son devoir, véritablement celui d'être un homme qui soit malléable et qui soit prêt à rendre service aux parties. Quand on est ministre, on assume une certaine responsabilité. Devant les faits qui auraient été démontrés par la Commonwealth Plywood et par le syndicat, la CSN ou les Rembourreurs unis d'Amérique, on aurait trouvé là véritablement un plancher d'entente et des millions auraient pu être épargnés, des actes de violence auraient sûrement été évités, des dégâts auraient été évités.

Nous avons des exemples extraordinaires selon lesquels, dans d'autres conflits dont je ne parlerai pas ce matin, Kenwood par exemple, le ministre de la Justice a envoyé la police provinciale pour sortir les camions; le ministre du Travail savait ça. Qu'est-ce qu'il a fait pour réprimer ça? Rien. Il a beau être un bon garçon, il va me répondre avec un ton que je connais bien, qui venait de la famille: Écoutez, je pense que nous avons fait notre possible, il faut avoir de la tolérance, il ne faut pas se mêler des choses qui ne nous regardent pas.

Mais qu'est-ce que c'est, le ministre lui-même? Qu'est-ce qu'il représente dans la province? Est-ce qu'on peut reprocher à M. Carter, dans les questions mondiales, d'être intervenu? Est-ce qu'il n'a pas aussi risqué son prestige? Non, M. le Président, ce matin, ma seule intervention, c'est pour dire que, si le ministre, au point de vue social — comme il l'a déclaré tout à l'heure — a dit que cela avait pris des dimensions anormales, le premier responsable, c'est lui. Et c'est lui qui va essayer aujourd'hui de racheter sa faute, de racheter son erreur comme ministre.

Je lui dis ce matin que toutes les questions qu'il va poser vont essayer de l'abrier, et non pas d'éclairer la situation. Le verre de lait renversé, vous ne le remettrez pas dans la pinte, jamais. Le tort que vos avez causé aujourd'hui, au syndicat comme à la compagnie, est irréparable. Vous avez pleine conscience, parce que vous êtes un homme plus préparé que bien d'autres, de connaître ce que sont les exigences du Code du travail, surtout d'y donner suite.

C'est le chemin de la faillite dans les relations industrielles et patronales-syndicales que nous sommes en train de voir s'élaborer. Un ministre fort dans la province de Québec, on a besoin de ça. On a besoin d'un homme conciliant, d'accord;

ça, il y en a de son côté, énormément. Oui, bonjour, très bien, on va étudier ça, on va vous donner les hommes pour réussir. Mais qu'est-ce que cela a donné? Vous l'avez, l'expérience vécue. J'espère que cette expérience va vous servir pour d'autres cas qui sont lamentables dans la province de Québec. La grève de René Thibault qui traîne depuis des années. La liste est longue des conflits qui durent.

M. le Président, je ne voudrais pas m'emporter parce que j'ai d'autres sorties à faire, qui sauront, en temps et lieu, je pense, éclairer le débat, particulièrement le ministre. Je lui rappellerai à tous les instants de cette commission parlementaire son manque à s'occuper du conflit pour régler le problème. Un ministre du Travail, pour des syndicats comme pour le patron, ça veut dire quelque chose. Je pense que le ministre doit porter la responsabilité totale, ce matin, de cette faillite monumentale, parce que ce n'est pas une grève, parce que ce n'est pas un lock-out, c'est un conflit intersyndical qui veut que, lorsque la convention a été déposée le 13 octobre, elle a été contestée, c'est devant les tribunaux, c'est sub judice.

Maintenant, M. le Président, ma dernière remarque sera celle-ci: Pourquoi la compagnie n'a-t-elle pas répondu à l'appel du conseil de médiation? Pourquoi? Le ministre avait établi, je pense, en vertu du Code du travail, ce conseil particulier de la médiation, mais, dans le rapport qui nous a été fait, que j'ai lu, M. Caine a refusé, et ses avocats de même, de donner la version de la compagnie devant le conseil de médiation. La compagnie n'avait pas le droit, devant la bouée de sauvetage qu'on lui jetait d'aller exposer le pour et le contre, même si c'était une répétition, même si c'étaient des faits connus, de refuser d'aller devant le conseil de médiation. La compagnie n'est pas justifiée de le faire, comme le ministre l'a si bien dit. (11 h 15)

Comme l'a cité mon collègue de Portneuf, la CSN... m'apparaît une autre attitude douteuse de l'employeur et de ses procureurs, et d'autre part, c'est une facilité de démagogie de la part de certains membres du syndicat de la CSN, surtout au niveau de la centrale, et la présence de personnes qui sont des troubleurs de la société et des joueurs en eau trouble, je fais un appel aux deux. Cela n'a pas été écouté.

Mais le ministre avait le droit de convoquer les parties à son bureau, dès le début, avant que le conflit ne s'aggrave et prenne les dimensions actuelles. Est-ce que le ministre s'est refusé à le faire parce qu'il prétendait que ce n'était pas dans ses obligations et dans ses devoirs de le faire?

Selon la longue tradition de tous les ministres du Travail dans la province de Québec, à quelque parti qu'ils appartiennent, au gouvernement fédéral comme au gouvernement provincial, nous avons vu des ministres du Travail intervenir personnellement. Cela n'a pas été une perte de prestige, au contraire. Cela a été pour établir un climat de meilleure relation entre les individus, au point de vue commercial, industriel et des affaires.

M. le Président, je termine. J'espère que ces quelques mots que j'ai prononcés à l'endroit du ministre seront bien compris de sa part, pour l'avenir et qu'il ne répétera pas, je l'espère, cette erreur monumentale qu'il a faite, d'obliger la commission parlementaire à siéger ce matin relativement à un conflit intersyndical. Ce n'est pas une grève, ce n'est pas un lock-out. C'est simplement un conflit intersyndical. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Johnson.

M. le député de Joliette-Montcalm, je vous reconnais, pourvu que votre exposé ne soit pas une question de privilège.

M. Chevrette: Ce n'est pas une question de privilège, M. le Président. Je voudrais d'abord rectifier un fait, puis exprimer une courte opinion. Je voudrais dire que je n'ai jamais été délégué, en aucune façon, par le ministre du Travail, dans le cas du règlement du conflit au journal Le Soleil.

M. Bellemare: Qu'est-ce que vous êtes allé faire là?

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, M. le député de Johnson! À l'ordre, messieurs!

M. Chevrette: J'ai l'impression qu'il...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre! C'est une commission parlementaire trop sérieuse pour que nous commencions cela. M. le député de Johnson, j'en appelle à votre sens de la procédure pour savoir...

M. Bellemare: Je ne le laisserai pas mentir devant moi, certain. Jamais dans cent ans.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: C'est correct, je vous ai compris. Je vous ai entendu.

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais dire que c'est à la sortie de la commission parlementaire, où il y a eu un paquet de suggestions, que j'ai eu la chance de parler avec M. Francoeur et M. Garon, que nous avons accepté de jouer le rôle, conjointement, M. Bisaillon et moi-même, sans aucun mandat de l'État...

M. Bellemare: C'est encore pire. C'est encore bien pire pour le ministre.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Chevrette: Est-ce que je pourrais continuer et avoir la paix deux minutes? On vous a laissé japper pendant plusieurs minutes.

M. Bellemare: Comment dites-vous cela?

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Le député n'a pas le droit de dire que j'ai jappé.

M. Chevrette: Vous avez bien raison.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bellemare: J'ai mordu, très bien. Mais je n'ai pas jappé.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Johnson, j'en ferais un débat linguistique, mais pas un débat de procédure. La parole est toujours reconnue...

M. Bellemare: Qu'il respecte les mots.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre s'il vous plaît! Respectez tous la présidence.

M. Bellemare: Oui, je la respecte.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Bellemare: Qu'il dise mordu, c'est correct, mais pas jappé.

M. Chevrette: La correction étant apportée, je dis que j'étais là, à titre personnel, parce qu'on avait devant nous deux parties désireuses d'en finir avec un conflit qui durait depuis plusieurs mois. C'est peut-être l'élément essentiel pour n'importe quel homme public qui sent qu'il peut jouer un rôle au moment où deux parties, cependant, veulent un règlement. Cela m'apparaît très important dans toute solution. De toute façon, M. le Président...

M. Bellemare: J'ai le droit de rire, M. le Président?

M. Chevrette: Vous avez le droit d'être poli et de montrer l'exemple aux jeunes parlementaires également.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bellemare: Oui, je ris.

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais aussi dire que je croyais que la commission parlementaire était ici pour tâcher de comprendre le problème que vivent les employeurs et le syndicat à la Commonwealth Plywood. Ce n'est pas par des discours dictés par la main de Dieu qu'on va faire la lumière. Ce n'est pas en faisant de la basse démagogie et en taxant qui que ce soit qu'on va réussir à s'en tirer avec des solutions d'ordre pratique.

M. Bellemare: Je soulève "un point d'ordre".

Le Président (M. Cardinal): Vous voulez dire une question de règlement?

M. Bellemare: Une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui.

M. Bellemare: Est-ce qu'on a le droit de dire qu'un député a fait de la démagogie?

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Johnson.

M. Chevrette: Surtout quand ça sent à plein nez.

M. Bellemare: Quand ça quoi?

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Chevrette: Surtout quand ça sent à plein nez.

M. Bellemare: Vous avez le nez fin, monsieur. Vous auriez pu sentir cela avant aujourd'hui.

M. Chevrette: II faudrait être grippé pour ne pas sentir cela de votre part.

M. Bisaillon: Peut-on commencer à travailler sérieusement? C'est à vous aussi que je parle.

Le Président (M. Cardinal): Messieurs, messieurs...

M. Bellemare: Dites cela à votre député. Je comprends, mais j'entends mal.

Le Président (M. Cardinal): Messieurs les députés, je vous prierais tout d'abord de vous adresser à la présidence et de ne pas créer de dialogue ou de quatuor entre vous autres. M. le député de Joliette-Montcalm, si vous voulez bien brièvement continuer.

M. Chevrette: Je m'aperçois que je servirais davantage d'appât à la bouffonnerie.

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, sur mon droit de réplique, brièvement, je vais simplement répondre à la question du député de Johnson concernant ce que tout cela a donné de façon générale, l'attitude du ministère du Travail depuis un an. Cela a donné 50% moins de grèves et de lock-out au Québec, entre autres.

M. Bellemare: Ah! ah! ah!

M. Johnson: Deuxièmement, il faudrait peut-être ramener à leur dimension les problèmes. Camp David et les problèmes du Moyen-Orient...

M. Bellemare: Vous regarderez la liste des grèves.

M. Johnson: ... et les problèmes de relations de travail au Québec, il faut...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre!

M. Johnson: Est-ce que c'est possible, M. le Président, d'avoir un minimum de respect de la part du député de Johnson et des procédures à cette commission?

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre!

M. Johnson: Le député de Johnson sait que je ne l'interromps pas, je lui demanderais de me faire bénéficier de la même politesse.

M. Bisaillon: Nul n'est...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Chevrette: C'est aux alentours.

Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît! M. le député de Joliette-Montcalm. Je regrette de ne pas avoir à cette assemblée la même technique qu'à l'Assemblée nationale qui me permettrait de faire taire tous les micros, sinon ceux qui les emploient, pour qu'il n'y ait qu'une seule personne qui puisse à la fois s'exprimer. M. le ministre, vous exercez votre droit de parole et j'espère qu'on le respectera.

M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson: Le plus brièvement possible, M. le Président. D'abord, je pense qu'il faut quand même mettre les choses en perspective. Vous savez, la guerre au Moyen-Orient et le conflit à la Commonwealth Plywood, il faudrait peut-être remettre les choses dans l'ordre des proportions et de leurs dimensions. Le conflit de la Commonwealth Plywood, c'est un conflit qui est important sur le plan social, c'est un conflit qui est en même temps la constatation d'une bonne partie de l'échec de nos lois, de leur utilisation et de leur interprétation, finalement, de l'utilisation qu'on en fait pour obtenir des interprétations des tribunaux. C'est un exemple concret que nos lois — pas seulement les nôtres, mais celles du Canada, dans le sens où le problème de la juridiction des tribunaux s'y pose — peuvent créer, à l'occasion, des situations impossibles, comme celle qu'on voit à la Commonwealth Plywood. C'est le premier aspect.

Le deuxième aspect, c'est le rôle du ministère et de celui qui vous parle dans tout cela. D'abord, un conseil de médiation, je le rappellerai au député de Johnson, ce n'est pas prévu en vertu du Code du travail. Cela n'existe pas, la médiation, dans le Code du travail. La médiation, c'est une technique qu'utilisent certains ministres à l'occasion. C'est une technique qui est extraordinaire. Elle sort de l'ordinaire. Nous avons jugé bon, au mois d'avril, de faire en sorte que les parties se sentent moralement engagées à respecter une procédure que le ministre du Travail a établie et dans laquelle il a délégué deux des hommes les plus compétents dans le ministère du Travail pour aider les parties à en arriver à un règlement.

Il y a une des parties qui n'a pas jugé bon de collaborer sérieusement au conseil de médiation. Je parle ici de M. Caine. Le ministre du Travail ne pourra jamais prendre la place de qui que ce soit dans des conflits d'ordre privé. Il ne pourra pas remplacer la bonne foi de ceux qui n'en ont pas. C'est clair. On a beau faire les pétitions de principe qu'on veut devant cette commission ou ailleurs, ou au Parlement, ou faire des gorges chaudes, ou revenir à un niveau de politisation des échanges — la reprise de la session s'annonce, cela paraît; il n'y a pas encore ici de caméras qui sont fixes et permanentes, mais on sent qu'il y a des députés qui pratiquent — mais, à un moment donné, il faut également se rendre compte qu'il y a des limites à ce qu'un gouvernement, quel qu'il soit, puisse faire dans le contexte d'un conflit précis. Tant et aussi longtemps que des parties ne veulent pas un règlement, ce ne sera pas l'État qui va se substituer à qui que ce soit là-dedans. L'État peut faire ce qu'il peut; il peut donner des moyens à des parties, mais cela présuppose un minimum de bonne foi et de collaboration des gens.

Je pense que cette commission parlementaire, non seulement après l'intervention normale et mécanique de la conciliation, non seulement après l'intervention extraordinaire d'un conseil de médiation spécial et non seulement après une rencontre que celui qui vous parle a eue avec le président de la compagnie, le président de la CSN, Marcel Pepin, et des autres, et des communications téléphoniques nombreuses qu'il a eues avec eux, je pense que cette commission parlementaire devait être saisie du fond du problème, et de ce qui fait qu'au moment où on se parle, un an après, on voit encore le pourrissement qu'on constate à la Commonwealth Plywood. On voit encore des gens dont on se demande parfois si cela ne fait pas leur affaire qu'il y ait des choses qui pourrissent. Je pense que le Parlement a le droit d'être renseigné. Je pense que la population a le droit de savoir ce qui se passe et a le droit de connaître et de savoir quelles sont les limites de ce qu'on peut faire avec des lois, parce que les lois, c'est fait pour régir, en principe, des hommes, et les lois ne changeront pas les hommes.

C'est en ce sens que cette commission parlementaire a été convoquée. Son objectif, c'est d'essayer de mettre à jour devant les parlementaires des faits qui vont non seulement nous clarifier un peu le portrait et nous permettre d'avoir des déclarations un peu mieux étayées de la part de

l'Opposition et une connaissance un peu plus précise du dossier, mais également d'essayer d'étaler ici même, à la face du Parlement et au vu et au su de l'opinion publique, quels sont les éléments essentiels de la dynamique infernale qui s'est installée à la Commonwealth Plywood. Je pense que si ce conflit donne quelque chose, cela aura été de démontrer aux gens qu'on ne peut pas régler les problèmes de relations de travail au Québec ou ailleurs sans qu'il y ait un minimum de bonne foi et de collaboration de la part des gens. C'est cela l'objet de cette commission.

M. le Président, j'appellerais comme témoin...

Le Président (M. Cardinal): Vous demanderiez au président qu'il appelle...

M. Johnson: Oui, M. le Président, je vous demanderais d'appeler M. Blain, qui est le sous-ministre adjoint aux relations de travail, et M. Désilets, qui est le directeur du service de conciliation, qui ont été tous les deux, avec M. Vanier, responsables du conseil de médiation et ont participé au conseil spécial de médiation du mois d'avril. Je voudrais simplement tout d'abord excuser de son absence M. Vanier, qui était conciliateur au dossier. Je pense que MM. Blain et Désilets seront à même de répondre à l'ensemble des questions. M. Vanier est retenu en ce moment dans le Nord-Ouest québécois par des dossiers extrêmement urgents et extrêmement importants et qui requéraient sa présence comme conciliateur.

Le Président (M. Cardinal): Avant de le faire, une demande de M. le député de Johnson.

M. Bellemare: M. le Président, vous nous avez remis au début de cette commission parlementaire un ordre du jour. On m'a remis...

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, mais je reviens sur ce que j'ai déjà dit.

M. Bellemare: Est-ce que la liste qui est devant nous doit être suivie par ordre ou est-ce qu'on doit interpréter que n'importe qui peut venir déposer avant que la commission parlementaire ait entendu d'abord les principaux intéressés? Après le conseil de médiation pourra venir ajouter son point de vue.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Johnson, s'il vous plaît! Vous savez qu'en vertu du règlement l'on ne répond pas deux fois à la même question. J'ai déjà répondu à cette question en indiquant que le secrétariat des commissions avait remis à chacun des membres de cette commission une liste qui ne préjugeait d'aucun ordre quant à l'appel des témoins. C'était purement une indication ou un procès-verbal des invitations qui avaient été faites.

M. Bellemare: Est-ce que le ministre a le droit de diriger les débats à votre place?

Le Président (M. Cardinal): Un instant! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bellemare: Et dire: Je veux entendre tel témoin!

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Johnson!

M. Bellemare: Oui, merci. Faites respecter votre présidence!

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Johnson, vous admettrez que, comme je l'ai indiqué aussi, tout le monde est présent, que tous ceux qui ont été appelés comme députés ou comme témoins sont présents. Je voudrais tout simplement indiquer ceci: II y a devant nous, c'est-à-dire devant la commission, une demande de M. le ministre du Travail, que MM. Blain et Désilets, qui sont deux hauts fonctionnaires, puissent être entendus par la commission. Vous m'invitez à faire respecter la présidence. J'invite tous les députés à la respecter tout au long de cette commission, mais je me dois de dire à M. le ministre justement que j'aimerais avoir non pas un débat de procédure, mais l'accord de la commission pour que nous entendions immédiatement MM. Blain et Désilets.

M. Bellemare: M. le Président, si on vote contre le fait de les entendre immédiatement, on ne vote pas pour qu'ils ne soient pas entendus pendant l'audition de la commission. La seule différence, c'est qu'à la commission le ministre a dit que l'Opposition se renseignerait plus avant de porter un jugement. La voilà, la seule solution. D'abord, entendre les parties en cause, et après, le conseil de médiation qui lui, viendra ajouter à ce que les autres auront dit qui ne serait pas véridique. (11 h 30)

La présidence doit, elle, je pense, suivre un certain ordre pour justifier l'Opposition — nous sommes minoritaires — d'entendre au moins les parties. Si le conseil de médiation vient nous dire qu'il n'a pas réussi pour telle raison et telle raison, on l'a dans son rapport final. Mais si on n'a pas encore entendu la CSN et on n'a pas encore entendu la Commonwealth Plywood, je pense que la commission parlementaire est ici pour les entendre, d'abord.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Johnson, s'il vous plaît! À l'ordre! Un instant! Il n'y a pas, devant la commission présentement, une motion formelle. Je n'accepte donc pas de débat. Je dis: Est-ce que la commission est d'accord? S'il y a unanimité, nous allons procéder. S'il n'y a pas unanimité...

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Portneuf...

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, j'avais demandé la parole.

Le Président (M. Cardinal): Oui, vous avez raison. M. le ministre.

M. Johnson: Si le député de Saint-Laurent le permet.

Écoutez! Je pense que ce serait bien prétentieux de la part de qui que ce soit, y compris celui qui vous parle, de s'imaginer que ce problème est d'une simplicité telle qu'en l'espace de trois heures d'interrogatoire on va être capable d'avoir le portrait au complet.

Une voix: Certainement pas!

M. Johnson: La raison fondamentale pour laquelle je demande et je suggère à la présidence et à la commission, à toutes fins utiles, d'entendre d'abord le rapport de M. Blain et de M. Désilets, qui peuvent nous fournir une chronologie précise des événements, c'est parce que moi, j'ai vu des avocats de notre contentieux y perdre leur latin par bouts tellement c'était compliqué.

M. Blain et M. Désilets ont travaillé dans ce dossier-là pendant des mois. Je pense qu'essayer de synthétiser pour les membres de la commission les étapes principales de ce qu'on a vu à la Commonwealth Plywood depuis un an, je pense que ça, ça devrait être fait par des gens qui connaissent à peu près le plus parfaitement possible le dossier et, dans ce sens-là, je pense que l'intervention de M. Blain et de M. Désilets est susceptible d'éclairer et de donner la toile de fond. Il ne s'agit pas d'amorcer le débat par la fin, il s'agit d'avoir essentiellement une chronologie des événements.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, ordinairement, lorsque des fonctionnaires sont convoqués devant les commissions parlementaires, on sait qu'il existe une tradition selon laquelle ils parlent essentiellement au nom du ministre et que leurs propos, dans le journal des Débats, sont reproduits sous le nom du ministre. Cela indique clairement le caractère qu'on attache aux témoignages fournis par des fonctionnaires en commissions parlementaires.

Dans les circonstances, si le ministre a, quant à lui, atteint des conclusions quant à ce qui fait l'objet de ce litige à la Commonwealth Plywood, s'il a atteint des conclusions, comme il semble l'avoir fait, relativement à la responsabilité des uns et des autres dans la prolongation de ces difficultés, il serait plus honnête de sa part de nous dire clairement quelles sont ses conclusions, plutôt que de le faire à mots couverts, comme il le fait depuis le début de la commission parlementaire, ou plutôt que d'inviter des fonctionnaires de son ministère à venir nous le dire à sa place...

M. Bellemare: C'est ça.

M. Forget: ... et en son nom. À ce titre-là, je serais d'accord qu'on entende les personnes privées directement impliquées dans le conflit. Nous en arriverons à nos propres conclusions nous-mêmes. Nous n'avons pas besoin, ni du ministre, ni de ses fonctionnaires pour le faire.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Johnson, je vous indique immédiatement que la présidence va résoudre le problème, s'il en est un, après.

M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Je pense, M. le Président, que notre convocation, l'avis qui nous a été donné, n'a pas été d'entendre autre chose que les gens de la Commonwealth Plywood et les syndicats.

Les conclusions que le ministre veut se donner par le rapport du conseil de médiation, c'est pour le couvrir. Je l'ai dit tout à l'heure. Il veut se couvrir, lui, de ne pas être intervenu, d'avoir laissé pourrir ce conflit, et c'est pourquoi, M. le Président, nous voulons, de l'Opposition, entendre les parties d'abord et, ensuite, nous aurons l'avantage de questionner le conseil de médiation.

Le Président (M. Cardinal): Bon, d'accord... Oui, M. le ministre.

M. Johnson: Je ne sais pas si vous entendez prendre une décision ou si vous attendez une motion que je ferais.

Le Président (M. Cardinal): Vous n'avez pas le droit de suggérer des choses semblables.

M. Johnson: Non, parce que, M. le Président, moi, je n'hésiterais pas 30 secondes à faire une motion si c'est pour simplifier les choses. Écoutez! D'abord, je voudrais simplement relever ce que soulignait le député de Saint-Laurent. C'est vrai que la tradition veut que, quand un fonctionnaire parle, son intervention soit portée au titre et au nom du ministre dans le journal des Débats. Quant aux affirmations et aux pétitions habituelles du député de Johnson, je vais essayer de ne pas les relever, sur les couvertures et ses histoires. Il a le don des complots...

M. Bellemare: ...

M. Johnson: Mais il y a une chose bien précise, cependant. C'est qu'il y a une chronologie un peu complexe. M. Blain et M. Désilets ne sont pas ici pour fournir les conclusions du ministère. Ils sont là simplement pour nous donner une chronologie. Je pourrais reprendre le rapport de médiation et le lire devant cette commission parlementaire, mais je pense qu'il serait peut-être plus utile de l'avoir de M. Blain et de M. Désilets.

D'autre part, c'est très mal connaître M. Blain et M. Désilets que de s'imaginer que ce sont des

fonctionnaires qui se laisseraient manipuler et je pense que le député de Johnson en sait quelque chose.

D'autre part, je n'aurais pas d'objection et je suis sûr que M. Blain et M. Désilets n'auraient pas d'objection à ce que leurs interventions figurent en leur nom au journal des Débats.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre, messieurs les membres de la commission, je suis obligé d'intervenir et de rendre une décision. Sauf dans le cas d'un règlement sessionnel, l'article 15 du règlement sessionnel, qui ajoute à notre règlement l'article 162 et ce cas, je l'explique très brièvement, la question avec débat du vendredi où des fonctionnaires ont le droit de s'exprimer en leur nom, sauf ce cas, il me semble qu'à moins de cette exception que l'on pourrait s'en tirer fort simplement, sans motion et sans procédure, en disant que le ministre a la parole. Il invite à répondre en son nom deux de ses hauts fonctionnaires qui s'assoiront non pas à la barre, mais à cette table devant des micros et à qui vous pourrez poser des questions.

Ceci convient-il à tous?

M. Johnson: Tout ce qui m'intéresse, c'est qu'on se mette à discuter.

Le Président (M. Cardinal): Alors, j'invite MM. Blain et Désilets à se présenter à cette table-ci.

M. Bellemare: M. le Président, vous avez demandé s'il y avait unanimité d'abord.

Le Président (M. Cardinal): Oui, mais seulement... Alors, êtes-vous d'accord sur cette solution?

M. Bellemare: Je ne suis pas d'accord.

Le Président (M. Cardinal): Alors, vous voulez que j'enlève le droit de parole au ministre?

M. Bellemare: Non. Je veux qu'on respecte...

Le Président (M. Cardinal): Si le ministre demande...

M. Bellemare: ... l'ordre établi de tout temps d'entendre les fonctionnaires après les...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Johnson, je m'excuse, ce n'est pas le sens de mon intervention. J'ai dit que je reconnaissais M. le ministre et que celui-ci demandait à deux de ses fonctionnaires de répondre en son nom, et cette fois-là, je n'ai pas besoin d'unanimité.

M. Bellemare: Je demande le vote, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): II n'y a pas de vote sur une décision du président, M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Mais il y a une chose certaine, c'est que votre motion que vous avez faite...

Le Président (M. Cardinal): II n'y a pas eu de motion, M. le député de Johnson.

M. Bellemare: ... l'intervention que vous avez faite, c'est pour donner la parole à des gens qui sont des fonctionnaires. Nous autres, nous voulons entendre...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Johnson, je vous rappelle à l'ordre!

M. Bellemare: ... les vrais responsables du conflit.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Johnson, je vous rappelle à l'ordre!

M. Bellemare: ... la Commonwealth Plywood et les syndicats.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Johnson, je vous rappelle à l'ordre!

M. Bellemare: Merci, M. le Président. La première fois.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Johnson, je vous rappelle à l'ordre parce que j'ai reconnu le ministre et mon intervention n'était ni une motion, ni une opinion, ni une décision sur le fond. C'est simplement M. le ministre qui avait la parole et qui suggère que deux personnes continuent en son nom et cela sera enregistré en son seul nom au journal des Débats.

M. Pagé: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: II est quand même 11 h 40. Même si cela n'était que par respect pour les gens qui comparaissent ce matin, nous n'avons pas encore amorcé nos travaux. Je dois, cependant, vous dire que la décision que vous venez de rendre est tout à fait justifiée de faire en sorte que les deux fonctionnaires parlent pour et au nom du ministre.

Cependant, je suis convaincu que ce qu'a allégué mon collègue de Johnson, c'est surtout relatif à l'ordre de nos travaux.

Or, M. le Président, on va en faire une histoire très brève, on va faire cela très vite pour permettre aux gens de comparaître. En vertu de l'article 135, quatrièmement, de notre règlement, la commission peut-elle: c) Déterminer le contenu de son ordre du jour. C'est à la commission qu'il appartient de déterminer ce qu'on doit entendre et qui on doit entendre en premier. Je n'en ferai pas un débat de procédure. Je suis convaincu que le ministre va accepter. Mon collègue de Johnson a donné les motifs pour lesquels il était souhaitable selon lui, et c'est ce à quoi je souscris, d'entendre

les parties avant d'entendre le rapport du conseil de médiation.

Le Président (M. Cardinal): Je dois vous rappeler à l'ordre, M. le député de Portneuf. Je dois vous rappeler à l'ordre...

M. Pagé: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Portneuf, s'il vous plaît! On ne commencera pas à revenir sur ce que le président a dit.

M. Pagé: Oui, mais M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Pagé: Je fais une motion. J'ai le droit d'en faire une.

Le Président (M. Cardinal): Vous avez le droit d'en faire une, mais cependant, vous avez demandé le droit de parole alors que d'autres avaient le droit de parole...

M. Pagé: Oui, vous n'avez pas le droit...

Le Président (M. Cardinal): Oui, vous avez le droit. Mais seulement, je vous en prie, invoquez des faits qui ne concernent en rien la pertinence, qui n'attaquent en rien la présidence.

Vous venez de souligner que la commission détermine elle-même l'ordre de ses travaux.

M. Pagé: C'est cela.

Le Président (M. Cardinal): Je suis entièrement d'accord. Ce n'est pas ce qui s'est produit. J'ai simplement dit que le ministre parlant, il se faisait représenter par deux de ses fonctionnaires.

M. Pagé: C'est une autre affaire.

Le Président (M. Cardinal): Par conséquent...

M. Pagé: Cela ne regarde pas l'ordre des travaux cela.

Le Président (M. Cardinal): Exactement. Alors, M. le député de Portneuf, si vous avez une motion à faire, je vous prierais d'être bref.

M. Pagé: Je fais motion pour qu'on entende tout d'abord l'Union internationale des rembourreurs d'Amérique du Nord avec M. Thériault, suivant l'ordre du programme qui vous avait été donné par le secrétariat des commissions. J'arrête là mes commentaires et je réclame le vote.

Le Président (M. Cardinal): Alors, est-ce que cette motion serait adoptée?

M. Johnson: Non, rejetée, M. le Président.

M. Pagé: Un vote enregistré, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Vote enregistré, d'accord. Vous me direz tout simplement pour ou contre. D'accord? Sur la motion de M. le député de Portneuf, si vous voulez bien la répéter, s'il vous plaît.

M. Pagé: Qu'on entende les parties, suivant le rapport du secrétariat des commissions d'entendre tout d'abord l'Union internationale des rembourreurs, puis après Mme Hélène Grignon, etc.

Le Président (M. Cardinal): J'aime mieux ce libellé, qui est plus précis que la motion du début.

M. Pagé: D'accord. Votons et passons. Travaillons un peu.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Johnson?

M. Bellemare: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Sainte-Marie?

M. Bisaillon: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Joliette-Montcalm;

M. Chevrette: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Saint-Laurent?

M. Forget: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Terrebonne?

M. Fallu: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Johnson?

M. Bellemare: Deux fois? Cela va bien.

Le Président (M. Cardinal): Non, M. le député d'Anjou. Il y a confusion entre...

M. Johnson: À ne pas confondre trop souvent, M. le Président. Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Beauharnois?

M. Lavigne: Contre.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Portneuf?

M. Pagé: Pour.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Beauce-Sud n'est pas là, M. le député de Jonquière?

M. Vaillancourt (Jonquière): Contre.

Le Président (M. Cardinal): Les intervenants n'ont pas droit de vote. J'ai présentement trois votes pour et six votes contre. La motion est donc rejetée. Je donne donc la parole à celui qui l'avait avant que la motion ne soit proposée. M. le ministre.

M. Johnson: M. le Président, j'inviterais donc, en mon nom, pour les fins du journal des Débats, et les fins du culte de la procédurite, M. Blain et M. Désilets à nous donner la chronologie des événements, telle qu'ils peuvent l'établir à partir de leur méditation.

Le Président (M. Cardinal): MM. Blain et Désilets, vous n'avez pas à vous identifier, parce que vous parlez au nom du ministre. Tout ce que vous direz sera au nom du ministre.

M. Johnson: Yvan Blain, sous-ministre adjoint aux relations de travail. Raymond Désilets, directeur du service de conciliation au ministère du Travail.

M. le Président, je tenterai d'être le plus bref possible afin de dégager les grandes lignes des événements qui ont marqué le conflit de la Commonwealth Plywood. Le conseil de médiation tirant son existence du mandat qui lui a été confié par le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre et ne s'inscrivant pas dans les mécanismes de règlement des conflits prévus au Code du travail, celui-ci ne disposait donc pas de pouvoirs légaux pour contraindre les parties à se présenter devant lui, à témoigner ou à produire des documents. La réussite ou l'insuccès de son mandat reposait donc pour une large part sur la collaboration et la bonne foi des parties en présence ainsi que sur la volonté bien arrêtée de ces dernières d'en arriver à une solution. Cependant, dès avant la constitution officielle du conseil, le président de Commonwealth Plywood, M. Caine, a signalé au ministre du Travail, lors d'une rencontre, qu'il ne voyait pas comment la compagnie pourrait être impliquée dans une médiation spéciale au sujet d'un conflit opposant deux groupes de travailleurs, ce qui a été d'ailleurs la philosophie de M. Caine tout au long du conseil de médiation. Néanmoins, le conseil a jugé bon de convoquer M. Caine et son procureur, Me Casgrain, à le rencontrer le 15 mai. Me Casgrain a accusé réception en disant qu'il avait déjà fait connaître ses vues, que M. Caine avait déjà fait connaître ses vues. Cependant, M. Caine terminait, dans une lettre, sa réponse en ajoutant qu'il présumait que le conseil communiquerait de nouveau avec lui lorsque ces rencontres avec les deux syndicats rivaux auraient abouti à une solution acceptable. Donc, à la convocation du 15 mai, ni M. Caine, ni M. Casgrain ne se sont présentés. Donc, les représentants pour le groupe que nous, pour les fins du rapport, on appelle les gens de l'intérieur, étaient M. Donat Thériault, de l'Union internationale des rembourreurs unis d'Amérique, et, pour le syndicat accrédité et affilié à la Confédération des syndicats nationaux, M. Marcel Pepin.

Après avoir entendu les parties, nous avons reconvoqué M. Caine et, cette fois-ci, alors que nous avions pratiquement terminé les travaux au conseil, nous avons eu la présence de Me Jean Bazin ainsi que de Me Philippe Casgrain. Dans cette optique, la rencontre a été assez brève, étant donné que, pour eux, tout avait déjà été dit par M. Caine, dans des lettres adressées au ministre du Travail, et que, dans le jugement de l'honorable juge Perry Meyer, on nous disait que tout était écrit là, tout était consigné là, l'historique du conflit était bien détaillé dans ce dossier.

En fait, nous avons pris connaissance de ce jugement et, dans une certaine mesure, le conseil de médiation s'en est inspiré. Vous avez pu lire au dernier chapitre, alors qu'on parle des recommandations, et que nous citons le juge Meyer, qui correspondait, à cette optique, les vues du conseil de médiation. Voici pour la structure du conseil, voici pour les participants qui ont collaboré au conseil de médiation.

Je pense devoir bien détailler, parce que le conflit est d'une complexité telle qu'on ne peut pas le prendre et l'énumérer par des détails qu'on pourrait oublier. Pour le bénéfice de la commission, ainsi que pour les gens qui sont impliqués et qui seront appelés à comparaître devant la commission, je pense qu'il est bon de rappeler, le plus brièvement possible, les divers faits qui ont présidé au conflit. Il faut d'abord penser que le conseil de médiation avait des objectifs précis pour tenter de rapprocher les parties. Premièrement, la procédure ou la chronologie des événements, comme vous allez le constater, n'a pas été établie avec l'aide de la partie patronale sous réserve de ce que j'ai dit, tout à l'heure, à la toute fin, quand j'ai parlé de la présence de MM. Casgrain et Bazin. Deuxièmement, elle ne tient compte que des faits relatés devant le conseil et fait abstraction, notamment, de la longue et complexe lutte juridique qui s'est engagée entre les parties.

J'ouvre une parenthèse brève là-dessus, c'est que le conseil de médiation s'est placé dans un contexte hors légal ou "alégal", si on peut employer l'expression, elle n'est pas encore dans le dictionnaire, elle va certainement y être.

Troisièmement, le conseil de médiation n'étant pas un tribunal et n'en ayant pas les pouvoirs, il ne lui appartenait pas de vérifier la véracité des faits rapportés. En conséquence, cette chronologie est donc une mise en ordre des faits rapportés et contient parfois des versions contradictoires des mêmes faits. Pour pallier cet inconvénient, la source de chaque information est précisée dans le rapport en indiquant qu'elle provient, soit de M. Marcel Pepin, soit de M. Donat Thériault, respectivement porte-parole des travailleurs en grève et des gens d'intérieur, comme nous avons qualifié, si vous voulez, les intervenants ou les groupes qui sont parties au conflit.

II faut dire, au début, que le nombre d'employés à la Commonwealth Plywood, au début du conflit, était d'environ 232 employés. Au début d'août, un groupe d'employés de la Commonwealth Plywood rencontre la Confédération des syndicats nationaux et la Fédération nationale des syndicats du bâtiment du bois. Le 13 août 1977, début de la campagne d'organisation CSN, au bout de quelques jours, il y a déjà 140 adhésions. Toujours au début d'août, M. Paul Lacroix, représentant de l'Union internationale des rembourreurs, est informé par la compagnie des mises à pied à venir et il ne s'informe pas du nombre de personnes visées, ni de leur ancienneté. Ceci nous est déclaré par M. Thériault lui-même.

Le 20 août, 131 démissions de l'Union internationale sont signifiées à M. Donat Thériault par huissier, sur un total de 220 à 230 personnes. Le 30 août, dépôt de la requête en accréditation de la CSN, MM. Thériault et Pepin sont d'accord là-dessus. Pendant cette période, la compagnie engage 20 personnes, dont trois qui travaillent toujours à l'intérieur en ce moment. La compagnie ne s'oppose pas à la demande en accréditation. Quant à l'Union internationale des rembourreurs, après s'être opposé, dans un premier temps, M. Thériault se désiste, suite à un entretien qu'il a avec l'enquêteur, M. Rivard, du ministère du Travail.

Le 7 septembre, fait important aussi, la compagnie avise le ministère que 115 employés environ seront mis à pied vers le 20 septembre. Cet avis, selon M. Pepin, n'est pas donné conformément à l'article 45 de la Loi sur la formation et la qualification professionnelle de la main-d'oeuvre.

Le 9 septembre, les travailleurs de la Commonwealth Plywood sont avisés des mises à pied.

Les 15 et 16 septembre, selon M. Thériault, des lignes de piquetage sont dressées par la CSN. Il y a occupation d'usine et présence de fiers-à-bras de la CSN.

Le 16 septembre, 118 mises à pied. 105 travailleurs ne sont pas mis à pied. Sur les 105 non mis à pied, l'ancienneté n'est pas respectée à 100%, selon M. Thériault.

Entre le 9 et le 19 septembre, il n'y a jamais eu de convocation de la part de la CSN pour tenir une assemblée générale des travailleurs de la Commonwealth Plywood, selon M. Thériault.

Le matin du 19 septembre 1977, une assemblée des travailleurs CSN est convoquée. J'insiste sur cette date, parce que c'est alors que prend toute la tournure de l'événement.

M. Bellemare: Combien de personnes? M. Johnson: Pardon?

M. Bellemare: Dans votre rapport, vous dites 30 personnes ont été convoquées.

M. Johnson: À quel endroit du rapport?

M. Bellemare: La ligne de piquetage CSN se compose d'environ 30 personnes.

M. Johnson: Mais ce n'est pas la convocation.

M. Bellemare: Néanmoins les 105 personnes sont...

M. Johnson: Je ne suis pas rendu là encore. Je vais y arriver.

Le 19 septembre — parce qu'il y a deux événements importants le 19 septembre — le matin, du 19 septembre 1977, une assemblée des travailleurs CSN est convoquée et le comité rencontre la compagnie. La CSN offre à la compagnie, si celle-ci rencontre des difficultés économiques, que les mises à pied soient effectuées selon l'ancienneté, pour autant que les travailleurs soient capables d'exécuter les tâches. La compagnie refuse cette offre.

L'après-midi, rapport de la rencontre du matin à rassemblée des travailleurs de la CSN et prise d'un vote de grève, en raison du lock-out partiel et des nouveaux engagements effectués avant les mises à pied, selon M. Pepin.

Le 19 septembre, ligne de piquetage CSN qui se compose d'environ 30 personnes. Néanmoins, sur les 105 personnes non mises à pied, 40 entrent travailler. Et c'est alors que débute le conflit, véritablement.

Le 20 septembre 1977, seulement douze personnes entrent travailler et arrêt de travail de l'usine jusqu'au 4 octobre, à la demande de la compagnie.

Le 22 septembre, injonction demandée par la compagnie ordonnant notamment le retour au travail.

Le 26 septembre, l'assemblée régulière du local 388 de l'Union internationale des rembourreurs ne peut être tenue, parce que deux permanents de la CSN y assistaient.

Le 30 septembre, feu à la Commonwealth Plywood.

Le 30 septembre également, date de la fin de la convention collective de l'Union internationale. C'était la date d'échéance, l'expiration de la convention.

Du 30 septembre au 3 octobre, il y a eu deux rencontres chez Mme Hélène Grignon, sympathisante de M. Thériault.

Le 3 octobre, accréditation du Syndicat des employés de la Commonwealth Plywood CSN.

Le 3 octobre également, l'assemblée régulière de l'Union internationale, qui n'avait pu être tenue le 26 septembre, comme on l'a mentionné, a été tenue et on a fait signer des employés qui étaient non mis à pied et qui y assistaient, dont certains avaient déjà signé des cartes CSN. Toutefois, toutes les 105 personnes ne sont pas averties de la tenue de la réunion.

Après cette assemblée régulière, une réunion du Syndicat des employés de la Commonwealth Plywood CSN est tenue dans la même salle, prêtée par M. Thériault. Des cartes CSN sont alors signées, confirmées par les membres du comité des travailleurs en dedans, selon M. Thériault.

Il y a une remarque que nous faisons, c'est que M. Thériault avait lui-même demandé de faire

imprimer ces cartes CSN qui ont été remises à Mme Hélène Grignon. Celle-ci les a fait signer par les employés. Cela a été fait suivant le conseil de M. Thériault, bien que la période de maraudage soit passée.

Les motifs de M. Thériault étaient les suivants. On s'attendait que l'accréditation CSN soit accordée. Il était alors nécessaire et logique que ces travailleurs soient membres de la CSN pour assister à une assemblée du syndicat de la CSN.

À cette assemblée, il y a une série de procédures qui sont entamées et M. Thériault accepte d'agir comme conseiller de ces travailleurs. Des résolutions sont passées pour se désaffilier de la CSN, élire un comité formé de différentes personnes, MM. Bastos, Paulin et Lévesque, Mmes Côté et Grignon, et prévoir des moyens pour le retour au travail.

Le 4 octobre, retour au travail de 55 employés sur les 105 qui étaient non mis à pied. Entre le 30 septembre et le 6 octobre, la CSN dépose 106 plaintes pour congédiement pour activités syndicales. Le 7 octobre, rencontre de négociations de la compagnie et des membres du comité élu le 3 octobre en compagnie de Donat Thériault. Il y a donc eu, vous vous en souvenez, l'assemblée du 3 octobre où on avait procédé à la signature et à l'élection d'un nouveau comité. Le 13 octobre, signature d'une convention collective à laquelle auraient assisté Me Bazin, procureur patronal et M. Thériault, à titre de conseiller syndical. M. Pepin nous affirme ceci. Le 14 octobre, dépôt de la convention collective au ministère du Travail. Le 14 octobre également, le dépôt a été fait par M. Thériault lui-même. L'expiration de la convention est fixée au 30 septembre 1978. Depuis le début de cette convention, aucun grief n'a été soulevé par les employés, selon M. Thériault. Le 2 novembre, signature par les gens de l'intérieur d'une entente de service avec l'Union internationale des rembourreurs avec effet rétroactif au 1er octobre 1977 en vertu de laquelle l'union s'engage à fournir à ses salariés tous les services qu'elle procure à ses autres membres au Québec, en échange d'une cotisation hebdomadaire de $1.50. Nomination d'un conciliateur le 7 novembre. Le 12 novembre, conférence de presse des 82 employés en dedans, tous anciens employés de la Commonwealth Plywood, selon M. Thériault.

Les procédures judiciaires sont toutes actuellement devant la Cour d'appel, y compris la demande d'injonction de la CSN sur la validité de la convention et ne pourront être entendues au moment où on fera le rapport. Quand on a fait le rapport, on a dit: Elles ne pourront être entendues au fond avant l'automne. À l'expiration de la convention qu'il a déposée, M. Thériault a l'intention de marauder la CSN.

Au 31 mai 1978, il y a 73 personnes qui travaillaient à l'intérieur et le maximum a atteint 97 employés. Selon M. Lévesque, le président actuel des gens à l'intérieur, il est possible que l'ancienneté moyenne des gens de l'intérieur soit inférieure à celle des gens de l'extérieur. Selon M. Thériault, il n'y a pas eu plus de quarante em- ployés de la Commonwealth Plywood qui ont fait du piquetage.

Les 45 fausses cartes CSN signées sont des répliques de celles de l'Union internationale et portent la même étiquette syndicale. De même, les fiches de fonds de retraite de la convention collective actuelle sont les mêmes que celles de l'ancienne convention.

Selon M. Thériault, l'avocat des gens de l'intérieur est le même que celui de l'Union internationale. Les cotisations payées au syndicat CSN sont endossées par la secrétaire et remises à l'Union des rembourreurs.

Depuis le jugement du juge Greenberg sur l'utilisation du sigle CSN, ces chèques ne sont plus encaissés.

Relativement à l'existence d'une constitution, une constitution CSN a été déposée lors de la demande d'accréditation. Quant aux gens à l'intérieur, ils n'ont pas de constitution et l'exécutif a été nommé par l'assemblée, selon M. Thériault.

Cette chronologie étant faite, je vous fais grâce de la perception par les parties du conflit pour plutôt m'attarder brièvement cependant aux commentaires du conseil de médiation. Après avoir lu le rapport, vous avez dû constater qu'il était construit sous une forme d'interrogations que nous nous sommes posées. Ces séries d'interrogations que nous avons là, je ne voudrais pas les citer et les répéter devant vous, je pense que tout le monde a pu en prendre connaissance. Cela pourra faire l'objet, je pense, de la part des membres de la commission, de questions qui pourront être posées aux gens qui seront appelés à témoigner devant cette commission.

Cependant, il y a une chose très importante, c'est la brochette de recommandations que nous avons déposées, que nous avons soumises aux parties et dont une série portait sur l'ancienneté des gens en place, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, pour ne pouvoir léser personne, d'autant plus que de provoquer le retour au travail avec un arbitre qui aurait pu avoir le pouvoir de bien voir au respect, si vous voulez, de l'ancienneté quant au retour au travail des employés. (12 heures)

Seulement, la recommandation no 7 qui, à votre avis, est la plus importante, est une recommandation qui est le coeur, en fait, du conseil, c'est de ramener les parties, de demander aux parties d'avoir la volonté de vouloir régler le problème en acceptant qu'on constitue un conseil d'arbitrage exceptionnel formé de trois personnes, dont un président et deux assesseurs, l'un patronal, l'autre syndical, qui aura le mandat suivant: Procéder, dans un premier temps, à une médiation sur le contenu des conditions de travail à la Commonwealth Plywood. Deuxièmement, si la médiation devait ne pas aboutir à une entente sur de telles conditions, le conseil aurait le pouvoir de déterminer des conditions de travail qui auraient une durée minimale d'un an et maximale de deux ans.

Suite à ce dépôt de notre rapport de conseil de médiation, nous avons reçu...

M. Bellemare: Ce quoi?

M. Johnson: Le dépôt, le 26 juin, M. Belle-mare.

M. Bellemare: 1978? M. Johnson: Pardon? M. Bellemare: 1978?

M. Johnson: Oui. Nous avons donc reçu des réponses suite à la remise des rapports qui ont été remis aux parties, d'une part, à la CSN, d'autre part, aux gens de l'intérieur et à la compagnie surtout. Voici la réponse du vice-président de la CSN, M. André L'Heureux: "Lors d'une assemblée spéciale tenue hier soir, les grévistes de la Commonwealth Plywood ont accepté le rapport du conseil de médiation formé par le ministère du Travail le 21 avril. Ils considèrent que les recommandations du rapport constituent une base valable pour commencer les négociations. Les grévistes ont, de plus, donné mandat à leurs dirigeants syndicaux de vous rencontrer dans les meilleurs délais pour donner suite aux recommandations du rapport. Nous espérons qu'une telle rencontre permettra enfin d'enclencher le processus du règlement du conflit."

Quant à la compagnie, nous recevions en date du 7 juillet — le rapport avait été déposé le 26 juin — un télégramme de Me Jean Bazin, procureur de la compagnie: "J'accuse réception de votre télex en date du... — je ne vois pas la date là, probablement du 1er juillet, je ne sais pas —. La teneur en a été transmise à notre cliente et une réponse de sa part devrait vous parvenir sans délai." Le 7 juillet, Me Bazin nous envoyait ce télégramme. C'est en date du 5 juillet.

La réponse est venue de M. Caine, en date du 7 juillet, et on l'a reçue, au ministère, le 13 juillet. Apparemment, la lettre s'est perdue, on l'a cherchée longtemps, il n'y avait pas de grève des postes, à ce moment, imaginez-vous ce que cela va être aujourd'hui. Il reste donc que la lettre nous est arrivée au bureau le 13 juillet. J'avais communiqué, d'ailleurs, avec Me Bazin et il m'a dit qu'il ne comprenait pas, parce que la lettre avait été bel et bien envoyée chez nous. Cependant, M. Caine nous dit ceci: "Monsieur, comme je l'ai mentionné à plusieurs reprises, il reste encore un conflit entre, d'une part, un syndicat de la base, et d'autre part, la grande centrale CSN. Tant et aussi longtemps que ce conflit continuera, il sera difficile pour la compagnie de faire des commentaires ou de s'impliquer dans des affaires intersyndicales. Je souhaite moi aussi la fin des hostilités entre ces deux groupes pour qu'ils puissent recommencer à vivre normalement. Après étude de votre rapport, il semble malheureux que vous n'ayez pas abordé de front le véritable problème qui est celui de cette lutte intersyndicale. Il n'y a également pas de critique sur l'utilisation systématique de la violence dans ce conflit, ni du non-respect des ordres de la cour, incluant le piqueta- ge illégal, rien non plus sur ces activités illégales, ni sur le rôle de groupements comme la Ligue communiste, marxiste-léniniste du Canada et le Groupe marxiste-léniniste canadien et autres organismes. Pour ma part, je pense qu'il est préférable de ne pas faire d'autres déclarations qui risqueraient d'être mal interprétées ou qui pourraient porter à confusion en attendant que le conflit intersyndical se règle."

Je vous ferai remarquer aussi qu'au début, quand on a parlé des parties qui pourraient rencontrer le conseil, on nous avait dit, de la part de la compagnie: Écoutez, nous attendons que le conseil fasse des suggestions, des recommandations, et nous, pour autant que les deux groupes seraient d'accord, on est prêts à regarder la possibilité d'entériner cela. Évidemment, pour eux, ce n'était pas le genre... Les propositions faites par le conseil ne répondaient pas à ce voeu, apparemment, parce qu'ils ont refusé le rapport.

Cependant, je dois vous dire, M. le Président, qu'à la lettre de M. Caine, à laquelle, évidemment, comme président du conseil, je ne pouvais souscrire, j'ai répondu par une lettre, d'ailleurs, qui a été publiée dans les journaux. C'est parce que, pour nous, au conseil, il y avait un syndicat qui était accrédité, qui était le Syndicat des employés de la Commonwealth Plywood-CSN, accrédité le 3 octobre. Évidemment, quand vous regardez au chapitre de nos commentaires, on se pose une série de questions. Quand on parle de grève le 19 septembre, alors que le syndicat CSN accrédité ne l'a été véritablement que le 3 octobre, on se demande comment il se fait qu'il peut avoir des assemblées. On se pose aussi des questions quant aux cartes signées par M. Thériault... Sur toutes ces questions, je ne reviendrai pas.

Cependant, M. le Président, je dois vous dire que ceci termine, en gros, parce que c'est sûr que je n'ai pu lire tout le rapport. Je pense que vous avez pu le faire en tant que membre de la commission. Si, parfois, il y avait des détails importants qu'on aurait omis, M. Désilets et moi-même, nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

M. le Président, si vous permettez...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le ministre.

M. Johnson: ... M. Blain a jugé d'épargner à la commission la série de questions qu'il pose à titre de commentaires et qu'on retrouve au bas de la page 22 du rapport de médiation. Je pense qu'il vaudrait peut-être la peine d'en faire lecture, parce que ça nous permet peut-être d'identifier certains des problèmes qui sont à la source de l'imbroglio quant à la représentativité et aux moyens qui ont été pris par les personnes et aux façons d'agir, de part et d'autre, des trois groupes impliqués, le groupe patronal, le groupe des gens d'en dedans et le groupe CSN.

La compagnie fait des mises à pied sans se soumettre aux dispositions de l'article 45a de la loi, à toutes fins utiles, des licenciements collec-

tifs, la Loi de la qualification et de la formation professionnelle de la main-d'oeuvre. D'ailleurs, l'honorable juge Perry Meyer, de la Cour supérieure, en a fait mention, dans son jugement, le 22 novembre 1977. Comment expliquer que, le 7 septembre, la compagnie avise officiellement le ministère d'une mise à pied de 115 employés et, neuf jours plus tard, procède au licenciement collectif, alors qu'on sait que les délais prévus dans la loi doivent être plus longs que ça.

Deuxièmement, une assemblée de travailleurs de la CSN fut convoquée le 19 septembre 1977 au matin. Une ligne de piquetage est dressée également cette même journée, alors que les représentants de la CSN rencontraient la compagnie pour négocier la façon de procéder aux mises à pied.

L'après-midi du 19 septembre, la CSN fait rapport aux membres réunis en assemblée. Ensuite, on procède à un vote de grève et, le 19 septembre, officiellement, c'est la grève à la Commonwealth Plywood, à la suite du vote qui a été tenu ce même après-midi du 19.

Selon M. Thériault, les lignes de piquetage sont dressées les 15 et 16 septembre par la CSN. M. Thériault prétend qu'il y a une occupation de l'usine et que la CSN y a délégué des fiers-à-bras.

La question que le conseil se pose, c'est comment il se fait que la CSN rencontre la compagnie pour négocier, fait une assemblée générale de ses membres, vote une grève, alors que la CSN est en instance d'accréditation et qu'elle ne recevra son certificat d'accréditation que le 3 octobre?

C'est donc l'impasse la plus totale et le conseil de médiation n'a certes pas agi dans le cadre traditionnel d'une médiation et a donc été forcé de prendre des mesures exceptionnelles pour tenter de remplir son mandat adéquatement.

Nous faisons face, continue le conseil de médiation, beaucoup plus à un problème d'ordre social que de relations de travail et il nous faut donc, dans l'élaboration des solutions possibles, tenir compte de ce fait. Actuellement tout le monde croit avoir raison sur le plan légal et tout le monde croit en sortir gagnant.

Cependant, la vérité est tout autre et elle est implacable vis-à-vis de chacun des travailleurs qui a déjà perdu ou est en passe de perdre non seulement des gains matériels, mais, pire encore, sa dignité.

Troisièmement, M. Thériault, représentant de l'Union internationale des rembourreurs unis d'Amérique, accepte d'agir comme conseiller des travailleurs à l'intérieur de la Commonwealth Plywood. Il préside à une assemblée pour la désaffiliation du syndicat de la CSN, ainsi qu'à l'élection d'un nouvel exécutif, et tout cela pendant une assemblée régulière de l'Union internationale des rembourreurs unis d'Amérique.

La question est à savoir comment M. Thériault peut agir de la sorte. C'est-à-dire que toutes ces résolutions adoptées et ces élections tenues semblent avoir été respectivement adoptées et tenues sans être régies par une constitution, à moins que le tout ait été fait par le biais de la constitution des

Rembourreurs unis d'Amérique. Cependant, le 3 octobre, c'est bel et bien la CSN qui obtient un certificat d'accréditation.

Un autre fait étrange est que M. Donat Thériault admet avoir demandé de faire imprimer des cartes CSN et ces cartes ont été remises à des employés pour les faire signer par d'autres employés à l'intérieur de l'usine. Voilà une procédure que le conseil trouve assez étrange et inusitée.

Nous voilà donc en présence d'un phénomène particulier. Un représentant de l'Union internationale des rembourreurs unis d'Amérique fait du recrutement pour la CSN.

Cinquièmement, le 7 octobre, une rencontre de négociation a lieu avec la compagnie et c'est le nouvel exécutif élu qui est présent. Cette rencontre a lieu en présence de M. Donat Thériault qui agit à titre de conseiller syndical d'un syndicat, probablement la CSN. Six jours plus tard, le 13, le comité susmentionné signe une convention collective avec la compagnie et à la signature de la convention assistaient Me Bazin, procureur de la compagnie, et M. Donat Thériault, à titre de conseiller syndical.

Le lendemain, le 14 octobre, le document est déposé au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Toutes les procédures judiciaires sont actuellement devant la Cour d'appel et, évidemment, la demande d'injonction de la CSN sur la validité de la convention collective ne pourra être entendue au fond avant l'automne, ce qui, à notre avis, est la clé du problème.

C'est donc dans un esprit désintéressé que le conseil a été créé et il propose des solutions qui font abstraction de tous les aspects légaux. Nous ne pouvons donner suite à toutes les hypothèses qui ont été formulées devant le conseil. Cela serait là élargir un fossé qui, tel quel, n'est déjà pas facile à franchir.

Il faut donc que ce rapport soit examiné avec la plus grande objectivité, car il serait utopique de croire que chacun puisse recevoir ce qu'il convoite. Le conseil de médiation fait donc appel à la bonne foi, à la bonne volonté des parties, etc., et on procède ensuite à la section des recommandations.

M. Blain me fait signe. On rencontre aussi, au bas de la page 25, le paragraphe suivant: "Comme vous avez pu le constater à la lecture des chapitres II et III..." — ce dont M. Blain nous a fait lecture tout à l'heure — "... c'est-à-dire la perception du conflit par les parties en présence et les hypothèses soumises par les parties au conseil de médiation, nous sommes devant des vues irréconciliables à prime abord. "Cependant, nous croyons que, par des voies qui sont ouvertes dans le chapitre traitant des recommandations avec un dialogue qui soit d'un minimum de qualité, au-dessus des intérêts particuliers, il serait peut-être possible d'en arriver à une entente qui serait satisfaisante pour tous".

Si vous permettez, M. le Président, je voudrais seulement, cette fois-ci, sans les dates qu'on peut vous fournir et dont vous avez finalement des tableaux synoptiques ou l'équivalent...

En somme, ce à quoi on assiste, c'est le Syndicat des rembourreurs unis d'Amérique dont M. Thériault est le responsable qui a l'accréditation à la Commonwealth Plywood. La CSN fait un maraudage. La CSN, c'est la centrale dont Norbert Rodrigue est le président. C'est seulement pour qu'il n'y ait pas de confusion, c'est celle-là, la CSN. Il n'y en a pas d'autres.

La CSN fait un maraudage par le biais de la FNBB — c'est M. Hallé qui s'en occupe — et elle obtient une majorité absolue des gens qui sont aux environs de 200 qui signent des cartes CSN, celles de la FNBB. Elle fait donc une demande d'accréditation auprès du commissaire général du travail chez nous. En cours de route, M. Thériault, dont le syndicat vient de se faire marauder, avise le ministère et un peu tout le monde qu'il n'a pas l'intention de contester la demande d'accréditation de la CSN.

Avant même que le certificat d'accréditation de la CSN n'arrive, le 3 octobre, après les procédures normales d'évaluation au ministère, etc., il y a ces mises à pied déclarées par l'entreprise, ces mises à pied qui sont signifiées, entre autres, au syndicat qui, avant le 3 octobre, est là, les Rembourreurs unis d'Amérique. Il y a réaction de fait du monde en vie, indépendamment des structures et des étiquettes que ces gens peuvent avoir; il y a une réaction de groupes de travailleurs à l'intérieur de la Commonwealth Plywood qui décident de sortir, de cesser le travail, de manifester de façons diverses. Il y a également, à cette époque-là, des troubles qui semblent être, qui seraient, selon certaines allégations, d'origine criminelle, incendies, sabotage, etc. (12 h 15)

La CSN, en d'autres termes, le 19 septembre 1977, est de fait, même si elle n'a pas le certificat d'accréditation, probablement le groupe qui représente la majorité des employés. Tout cela sera confirmé dans le certificat d'accréditation du 3 octobre. Cependant, elle n'est pas une association accréditée au sens du Code du travail, elle ne possède pas encore son syndicat. Elle agit cependant comme si elle était le syndicat et cela, de deux façons: d'une part, en déclarant sur le tas, semble-t-il, sans avis préalable des travailleurs, une grève et des manifestations diverses, qu'elle fait par la suite confirmer le 19 septembre par une assemblée générale et, d'autre part, la CSN parle avec des représentants de l'employeur en ce qui a trait aux mises à pied qui doivent survenir dans l'entreprise et qui sont de l'ordre d'à peu près 50% des effectifs de l'entreprise au moment où cela se produit, c'est-à-dire que l'entreprise met à pied à peu près 100 personnes alors qu'elle a à peu près 200 employés.

C'est à ce moment-là que surviennent des événements sur lesquels le conseil de médiation et celui qui vous parle se sont interrogés longuement. C'est là qu'on voit, par exemple, M. Thériault faire signer des cartes CSN, qu'il a lui-même fait imprimer, ce qu'il a reconnu devant le conseil de médiation, cartes qui portent le sigle de la CSN, c'est-à-dire les trois maillons d'une chaîne, mais qui, également, dans l'écriture fine, comportent, à toutes fins utiles, les dispositions de l'Union des rembourreurs unis d'Amérique. Je pense qu'il ne fait pas de doute, parce qu'on n'est pas devant un tribunal, qu'on n'est pas soumis au même type de règle de preuve, que ce dont il s'agit, ce sont des faux. C'est de là que viennent la confusion et l'imbroglio juridique quant au dépôt d'une convention collective au ministère du Travail. La convention collective qui est intervenue ou qu'on dit être intervenue a été signée par les gens qui avaient été recrutés avec les cartes CSN faites imprimées par M. Thériault, entre ces représentants du groupe qui avait signé ces espèces de cartes un peu étranges et les représentants de l'employeur. Ce document a été déposé au ministère et, j'ai eu l'occasion de l'expliquer à quelques reprises, à sa face même il était une convention collective, et le ministère ne jugeait pas et ne juge pas qu'il est de son devoir ou de sa responsabilité ou que la loi l'oblige à vérifier si, oui ou non, il s'agit bel et bien de la convention collective des gens qui ont obtenu un certificat d'accréditation le 3 octobre. Ce n'est pas le rôle du dépôt des ministères, c'est une opération de nature purement mécanique. En gros, ce sont les éléments du conflit.

Quelle a été la part d'interventions ou d'intentions de l'Union des rembourreurs unis d'Amérique dans ce qui semblait être, a priori, un maraudage accompli en vertu des normes du Code du travail, par la CSN? Je pense que les questions qui viendront cet après-midi et ce soir nous permettront de clarifier la situation un peu. Quelle a été la part de responsabilité de l'employeur dans cette intervention, face à des personnes qui, pourtant, il aurait dû le savoir, représentaient le Syndicat des rembourreurs unis d'Amérique. Je ne pense pas que les représentants de l'employeur aient souvent vu M. Donat Thériault avec M. Norbert Rodrigue.

M. Casgrain: Je demande la parole, M. le Président, si vous permettez.

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, je vais simplement conclure...

M. Casgrain: C'est un tribunal populaire.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît, à l'ordre!

M. Johnson: M. le Président...

M. Bellemare: ... c'est un monologue pour se disculper. C'est un monologue, ce n'est pas un dialogue.

M. Casgrain: C'est une condamnation publique.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bellemare: C'est un monologue.

M. Johnson: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre!

M. Bellemare: Un maudit monologue.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! Je m'excuse d'interrompre tout le monde, mais je veux rappeler certaines règles essentielles d'une commission parlementaire. Les gens qui sont devant nous ne peuvent jamais intervenir sans la permission de la présidence et ne peuvent pas intervenir dans le débat au moment où nous en sommes.

Deuxièmement, je demanderais au ministre d'être bref, parce que nous allons suspendre à 12 h 30, presque à sa propre demande. Troisièmement, je le dis tout de suite, comme il s'agit d'une commission parlementaire de l'Assemblée nationale et que l'exécutif est responsable devant les parlementaires, je voudrais que nous puissions, dès la reprise de la séance cet après-midi, tenter d'établir ensemble — c'est le rôle de la commission, M. le député de Portneuf l'a rappelé — un modus Vivendi ou un ordre des travaux de la séance.

Je prie M. le ministre d'y aller brièvement. Je regrette, Maître, de ne pouvoir...

M. Pagé: II est en train de donner les conclusions de la commission, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! ... de ne pouvoir... vous donner actuellement la parole...

M. Forget: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, question de règlement, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, comme vous avez sagement décidé que MM. Blain et Désilets parlaient au nom et à la place du ministre, ce qu'ils ont fait d'ailleurs fort éloquemment, comme le ministre a cru bon d'ajouter ses propres remarques aux propos de ses fonctionnaires, il ne s'agit pas à ce moment-ci, dans les travaux de la commission, d'entendre des parties convoquées devant la commission, mais bien d'écouter le ministre. Il le fait donc en vertu de son droit de parole.

Le Président (M. Cardinal): C'est exact.

M. Forget: S'il le fait en vertu de son droit de parole, qu'il a utilisé fort abondamment jusqu'à maintenant, est-ce que le président de cette commission verra à ce que les autres formations politiques représentées à la commission parlementaire jouissent d'un droit de parole équivalent et qui semble sans limites.

Le Président (M. Cardinal): Non, pas sans limites. Écoutez, si on suit les règlements, vous savez que, par analogie, le proposeur d'une loi ou celui qui défend ses crédits ou celui qui présente un problème, n'est pas limité. Les autres sont dans les limites prévues au règlement.

M. Pagé: ...

Le Président (M. Cardinal): Regardez le règlement. Il est sûr que vous avez le droit de le questionner et c'est pourquoi je dis, dès maintenant, avant que je dise que c'est suspendu, que c'est une commission parlementaire de l'Assemblée nationale, et j'insiste.

M. Bellemare: ... Commonwealth Plywood et les syndicats.

Le Président (M. Cardinal): ... que vous puissiez aussi...

M. Bellemare: Pas seulement le ministre pour se défendre, s'abrier.

Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît, M. le député de Johnson!

M. Bellemare: Là, vous me donnez raison, mon cher, une fois de plus, que le ministre essaie de s'abrier avec les couvertures de Blain et de Désilets.

Non, monsieur, ce n'est pas ça une commission parlementaire.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: La commission parlementaire, c'est pour entendre des parties. Eux autres, ils sont dans le feu brûlant. C'est ça la commission parlementaire, ce n'est pas le ministre qui prend tout l'avantage, toute la matinée pour justifier...

Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît... M. Bellemare: ... son attitude.

Le Président (M. Cardinal): ... je suspends immédiatement si ça continue.

M. Bellemare: Ouais, ce n'est pas logique, certainement pas. On aurait pu entendre les parties, on ne les a pas entendues. On n'a entendu que celles qui veulent justifier le ministre.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Johnson, à l'ordre!

M. Chevrette: Vous faites une crise d'hystérie.

M. Bellemare: Ce n'est pas de l'hystérie, mon cher monsieur, c'est de la logique. Quand on entend le ministre se couvrir...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Johnson...

M. Lavigne: Ce n'est pas respectueux pour la présidence.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, tous! Il y a une motion qui a été battue. Nous avons donc vécu avec. Je vous invite, avant l'heure de la suspension, chacun de vous, à méditer sur la façon dont nous pourrions faire une commission parlementaire qui ait un ordre du jour. D'accord?

M. Bellemare: Un monologue.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre, je vous prierais de conclure.

M. Johnson: M. le Président, je vais abréger.. Peut-être que le député de Saint-Laurent devrait reconnaître que je ne suis pas allé au-delà, essentiellement, de ce qu'on retrouve dans le rapport de conciliation.

J'essaie simplement de résumer. M. Blain et M. Désilets nous ont défilé une vingtaine de dates, une vingtaine d'événements différents. Je suis bien conscient que ce n'est pas nécessairement facile à suivre, parce que c'est très complexe sur le plan du temps.

Ce que j'essaie de résumer, ce sont les interventions de trois groupes, finalement, dans un processus chronologique et, deuxièmement, je dis que les interrogations que je me pose à l'égard, par exemple, de la légitimité des actes posés par la CSN, alors qu'elle n'était pas accréditée, et l'étonnement que j'ai à voir M. Donat Thériault, qui a toujours été identifié, depuis 1944, à l'Union des rembourreurs unis, assimilé à la CSN, sont des interrogations auxquelles nous méritons d'avoir certaines réponses.

C'est dans cette perspective, je pense, que, cet après-midi, nous pourrons interroger les différentes parties, à la fois la CSN, le groupe de M. Thériault et l'employeur, quant à leur perception de ce qui s'est passé là et de leur rôle dans tout cela, pour qu'on essaie de tirer cela au clair.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre, je reconnaîtrai cependant à chacun des autres partis, à chacun des autres députés, le droit soit de vous interroger, soit d'apporter leurs commentaires, en vue d'en arriver à l'audition des témoins par la suite.

M. Pagé: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Je voudrais tout d'abord vous exprimer ma surprise de voir le ministre du Travail, somme toute, tirer presque des conclusions, rendre jugement, avant même qu'on ait entendu les parties, avant même qu'on ait pu les interroger. C'est non seulement faire fi de la collaboration éventuelle des parties, aujourd'hui, mais c'est aussi faire fi du droit, pour les parlementaires, à cette table, de se forger une opinion, d'en arriver à différentes conclusions, après avoir entendu les parties en cause.

La réserve que je voudrais vous faire part au départ vise essentiellement à rappeler au ministre et à le lui demander, d'une part, de ne pas tirer de conclusions tout de suite — c'est le moins qu'il puisse faire, s'il respecte le mécanisme de la commission parlementaire et s'il respecte les parties — et, d'autre part, d'attendre l'audition des groupes.

M. le Président, pour ce qui concerne les questions à poser ou à formuler aux représentants du ministre, son sous-ministre adjoint et le directeur général, je demanderais à mon collègue de Saint-Laurent de les poser en mon nom. Quant à moi, je les poserai aux autres intervenants. Étant donné qu'il est déjà 12 h 25, qu'il ne nous reste que quelques minutes seulement, je demanderais, s'il était possible, de suspendre la séance. Dès la reprise de nos travaux à 15 heures, mon collègue de Saint-Laurent pourra adresser les questions au nom de l'Opposition officielle aux intervenants de ce matin qui répondront au nom du ministre.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Si vous permettez, avant de suspendre... Un instant, s'il vous plaît! Je reconnaîtrai M. le député de Saint-Laurent, cet après-midi. Je rappelle cette invitation que je fais à tous et chacun des membres de la commission de tenter de s'entendre ou de songer à un moyen pour établir l'ordre des travaux pour que nous puissions entendre ceux qui ont été invités.

Suspension jusqu'à 15 heures, au même endroit.

(Suspension de la séance à 12 h 26)

(Reprise de la séance à 15 h 15)

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, messieurs!

Je constate que nous avons quorum. Je reconnais que M. le député de Saint-Laurent avait la parole au moment de la suspension. M. le député de Saint-Laurent.

M. Bellemare: Qu'est-ce qu'on fait ici, nous autres? 15 heures, c'est 15 heures... Le train part et vous le manquez.

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plait! J'ai appris très jeune qu'une personne parle à la fois, et j'en entends plusieurs. Y avait-il une question?

M. Casgrain: Avant la question du député de Saint-Laurent, je vais faire une intervention très courte d'ordre assez spécial, si vous permettez.

Le Président (M. Cardinal): Si la commission le permet.

M. Casgrain: Si la commission le permet.

M. Bellemare: Pour autant qu'on entende les parties, je n'ai certainement pas d'objection, pas seulement pour un instant, les deux aussi...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre! M. le député de Johnson, veuillez collaborer. J'ai demandé poliment la permission de la commission. Permission accordée.

M. Casgrain: M. le ministre du Travail, en faisant le sommaire de ce qui s'est passé, a sans doute laissé ses paroles dépasser sa pensée, quand il a dit de façon assez catégorique, à mon sens, que la Commonwealth Plywood avait sciemment participé à la fabrication de faux. Sans aller plus loin, je veux dire ceci: Pour autant que nous sommes concernés, l'accusation est maintenant lancée. Ce que nos clients demandent simplement...

M. Johnson: M. le Président, si vous me permettez, comme membre de la commission, je voudrais interrompre...

M. Forget: ... sa propre parole. Est-ce qu'il aurait la décence de respecter sa propre parole, ayant donné la parole à quelqu'un, de lui laisser terminer sa phrase?

M. Bellemare: II a eu la parole pendant une heure ce matin. Laissez au moins...

M. Johnson: Pas pour qu'il dise n'importe quoi, parce que c'est cela qu'il est en train de faire, M. Casgrain. D'accord?

M. Bellemare: Ah! Ah! Vous avez fait un monologue pendant une heure ce matin.

M. Forget: Le ministre a donné un très bon exemple...

M. Bellemare: Oui...

M. Forget: ... de dire n'importe quoi.

M. Bellemare: C'en est un parmi plusieurs autres.

M. Johnson: II est en train de dire n'importe quoi en ce moment.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bellemare: Donnez-leur la chance de se faire entendre, et la CSN aussi. Après cela, on pourra poser des questions.

M. Johnson: Vous pouvez peut-être laisser M. Casgrain continuer à défiler ces incorrections et ces faussetés.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! Un instant, s'il vous plaît! À l'ordre! Le début de votre intervention ressemble singulièrement à ce que nous appelons, en procédure parlementaire, une question de privilège. Or, les questions de privilège sont strictement interdites en commission parlementaire. Elles ne sont permises qu'à l'Assemblée nationale. Je voudrais quand même vous donner le bénéfice du doute. Je vais vous laisser continuer, mais je devrai peut-être vous interrompre. Me Casgrain.

M. Casgrain: C'est très simple. Tout ce que nous demandons, à ce stade, pour éviter justement qu'il y ait quelque malentendu que ce soit au sujet de ces fameuses fausses cartes... Nous demandons instamment que notre client, M. Caine, soit entendu dès maintenant par la commission pour donner sa version à lui des faits...

Le Président (M. Cardinal): ...

M. Casgrain: ... avant que l'accusation ne soit colportée par tous les media d'information.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Un instant, s'il vous plaît! Que l'on laisse à la présidence l'initiative de la commission dans les limites qui lui sont imparties. Je ne puis accéder à cette demande.

J'avais accordé la parole à M. le député de Saint-Laurent. Je l'accorderai ensuite, selon les usages, la tradition, la loi et les règlements qui nous régissent en cette Assemblée, à un représentant de l'Union Nationale. Ensuite, quand la commission aura décidé de sa façon de procéder, M. Caine sera certainement entendu, et qu'il soit entendu le premier, le cinquième ou le dernier, son intervention aura la même valeur et le même effet, tout ce qui se dit en cette assemblée étant au journal des Débats et obéissant à toutes les mêmes règles.

Je reconnais donc une fois de plus...

M. Johnson: M. le Président... Le Président (M. Cardinal): Oui.

M. Johnson: ... si vous permettez, je m'excuse, c'est sur une question de règlement, qu'on appelle ça comme on veut. M. Casgrain a affirmé que j'avais dit une chose...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre! Non...

M. Johnson: M. le Président, je regrette! Le Président (M. Cardinal): Non, à l'ordre! M. Johnson: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre! À l'ordre!

M. Johnson: Oui, mais il a dit une fausseté, voyons donc!

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre!

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, question de règlement, s'il vous plaît!

M. Forget: Que le ministre relise...

Le Président (M. Cardinal): Oui, monsieur...

M. Johnson: Voyons donc!

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, l'article 96 de notre règlement permet à un député de rectifier les faits si un autre député tient des propos qui sont faux ou qu'il prétend faux. Or, je pense, M. le Président, que par interprétation, l'article 96 s'applique également au député qui veut rectifier des faits suite à des paroles provenant de la salle ou d'un témoin.

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît!

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, je pense que la question de règlement du ministre est bien fondée.

Le Président (M. Cardinal): Bon! D'accord! Un instant, s'il vous plaît!

M. Johnson: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Un instant! M. Johnson: Très bien!

Le Président (M. Cardinal): Bon! M. le député de Jonquière est un de nos députés qui est aussi rompu aux procédures parlementaires et qui vient de me suggérer que l'article 96 pouvait s'appliquer mutatis mutandis à des intervenants. Ce serait une grave décision jurisprudentielle dans les circonstances que d'affirmer oui, comme ça, tout d'un coup. Le témoin a eu la parole simplement parce que la présidence la lui a accordée et avec cet avertissement qu'il ne devait pas en faire une question de privilège. Devant cette situation, je ne rendrai pas de décision.

J'espère que la commission me suivra pour éviter qu'on ne passe l'après-midi dans des faits semblables. Je vais permettre, très brièvement, au ministre, non pas une réponse en vertu de l'article 96 — je m'y refuse d'une façon formelle — mais simplement parce que, ayant permis à Me Cas-grain de faire son intervention, je permettrai au ministre de donner sa réponse. Mais je vous rappelle que je reviens immédiatement à M. le député de Saint-Laurent, devant, en cette assemblée, protéger d'abord l'Opposition et les droits stricts de l'Opposition.

Une voix: Continuez comme cela.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.

M. Johnson: M. Casgrain a affirmé, il y a environ trois ou quatre minutes, que j'avais dit ce matin que la Commonwealth Plywood était partie à un faux. Je ne sais pas où M. Casgrain a pris cette affirmation. Ce que j'ai dit clairement ce matin et ce que le député de Johnson sera en mesure de lire dans le journal des Débats...

M. Bellemare: Oui, certainement.

M. Johnson: ... c'est qu'à mon avis M. Thériault de l'Union des rembourreurs unis d'Amérique avait procédé à la confection et avait amené des gens à signer des cartes portant le logo CSN, mais comprenant un texte qui était celui des Rembourreurs unis d'Amérique, document, d'ailleurs, que je pourrai produire devant cette commission.

D'autre part, j'ai exprimé ce matin mon étonnement de voir la compagnie décider avec M. Thériault et signer une convention collective avec M. Thériault alors que M. Thériault se présentait comme étant quelqu'un de la CSN. Pourtant, M. Caine savait depuis 1944 que M. Thériault n'était pas de la CSN, au sens où la CSN, c'est cette centrale présidée par M. Norbert Rodrigue. Point à la ligne. Final.

Le Président (M. Cardinal): Point s'il vous plaît, point. Je considère et très strictement parce que, comme l'a dit M. le député de Johnson ce matin, et je ne me tromperai pas entre le nom de mon voisin et le nom d'un comté, je désire que, pour le reste de cette assemblée, l'on respecte particulièrement non pas le président, mais la présidence de cette commission.

M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. J'ai environ cinq questions à poser au ministre à l'occasion des conclusions dont il a fait état par la voix de M. Blain ce matin, du conseil de médiation, et j'aurai également quelques commentaires d'ordre général à faire à la suite de ces cinq questions.

Il y a, dans l'exposé des conclusions qui a été fait ce matin, une référence au fait que, dans les avis de licenciement qui ont été faits par la Commonwealth Plywood, les délais prévus à la Loi sur la formation professionnelle n'ont pas été respectés.

J'aimerais que le ministre nous explique quelles sont les conséquences que la loi en question attache au non-respect de ces délais et ce qui se serait passé de différent si les délais avaient effectivement été respectés.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.

M. Johnson: Brièvement, au niveau de la loi elle-même, on prévoit que, dans le cas d'un licenciement collectif de plus de 100 personnes, l'avis est de l'ordre de trois mois. L'avis donné par la compagnie était, si je me souviens bien, de l'ordre

de quelques jours, 20 jours ou même moins que cela. La première sanction, c'est que la loi est là en principe pour être respectée et on s'attend qu'en général les gens la respectent; deuxièmement, la sanction, ce sont évidemment des poursuites judiciaires qui peuvent être intentées par le ministre du Travail. Concrètement, dans le cas de la Commonwealth Plywood, cette décision de l'entreprise d'envoyer un avis de licenciement collectif est survenue à peu près au même moment qu'un jugement de la Cour supérieure, en première instance, déclarait ultra vires les règlements découlant de la Loi de la qualification professionnelle. C'est la raison pour laquelle, à ce moment-là, nous avons choisi de ne pas poursuivre, d'autant plus que, dans ce contexte-là, d'une part, la constitutionnalité des règlements était mise en doute et, d'autre part, on avait peut-être l'impression qu'à ce moment-là il pouvait y avoir un règlement. Et comme la prescription était quand même longue à venir, on ne jugeait pas utile de procéder aux poursuites à ce moment-là. Ceci dit, malgré la dimension constitutionnelle qui est impliquée et malgré le fait que le conflit ait persisté, j'ai signé les demandes de poursuites en vertu de la Loi de la qualification professionnelle il y a déjà quelques semaines et je présume que les causes devraient être déposées en Cour supérieure éventuellement.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Dans des cas comme ceux-ci, lorsque les délais sont respectés, ce que le ministère fait avec cette information, c'est qu'il veille à la formation d'un comité de reclassement.

M. Johnson: C'est cela.

M. Forget: C'est donc la seule conséquence pratique autre que les poursuites du non-respect des délais...

M. Johnson: C'est cela.

M. Forget: C'est l'impossibilité, en temps utile, de mettre sur pied des comités de reclassement.

M. Johnson: Exactement.

M. Forget: II y a eu également, dans les allégations des différentes parties, devant le conseil de médiation, des affirmations contradictoires sur l'ancienneté des employés mis à pied qui, selon certains, aurait été respectée, mises à part quelques exceptions d'ailleurs prévues par la convention collective, mais qui, selon d'autres allégations, n'aurait pas été respectée.

Est-ce que le conseil de médiation a fait porter son examen sur ces affirmations contradictoires et est-ce qu'il en est venu à des conclusions, si oui ou non, les congédiements intervenus en septembre 1977 ont respecté la convention collective alors en vigueur?

M. Johnson: M. le Président, je passerais la parole à MM. Blain et ou Désilets.

Le Président (M. Cardinal): En votre nom.

M. Johnson: Selon les affirmations qui ont été faites devant nous, suite aux mises à pied, des gens nous disent: Cela a été respecté, en grande partie. Par contre, il était difficile pour nous, parce que nous avons demandé aux deux parties, tant aux gens de l'intérieur, tant aux syndicats représentés par M. Pepin, tant à Me Casgrain et Me Bazin, de nous fournir les listes d'ancienneté des employés. Ce que nous n'avons pas vérifié, cependant, c'est énumérer, si vous voulez, chacun des employés, ce n'était pas là notre rôle. De l'aveu même des parties, certains disaient, en moyenne... M. Lévesque, président du groupe à l'intérieur, nous dit: Cela n'a pas été respecté tout à fait, mais presque. La CSN nous dit que non, ça n'a pas été respecté, mais de là à définir de façon précise les gens à l'intérieur par rapport à l'ancienneté, nous n'avons pas fait d'enquête là-dessus.

M. Forget: Est-ce qu'il n'est pas surprenant qu'un fait aussi central, aux préoccupations de toutes les parties et qui joue un rôle pivot dans l'évaluation qu'on peut faire de ce qui s'est passé, n'ait pas fait l'objet d'un examen serré de la part d'un conseil de médiation qui a, par ailleurs, reproduit en annexe à son rapport, les listes qui lui étaient fournies, officielles ou officieuses, par les différentes parties, énumérant le nom de chacun des employés mis à pied, de même que la durée de service à la Commonwealth Plywood.

M. Johnson: C'est très juste, M. Forget. Cependant, voyant le problème qui pouvait surgir, suite à une de nos recommandations quant à l'application de l'ancienneté, nous avons tenu compte de cette remarque que vous avez faite et qui est à propos, en prenant des dispositions et en créant un mécanisme pour que l'ancienneté soit vraiment respectée. Mais il fallait d'abord qu'il y ait entente sur le rapport du conseil de médiation avant de mettre en pratique le mécanisme, pour qu'il donne justice à tous et à chacun des employés de la Commonwealth Plywood.

Si le conseil de médiation avait décidé que tel employé devrait être en dedans, tel employé devrait être en dehors, ce n'était pas notre rôle comme tel; mais on a dit: On va y pourvoir dans la série de recommandations que nous avons faites en annexe au rapport. (15 h 30)

Donc, pour nous, c'était là quelque chose d'essentiel pour le respect de l'ancienneté des individus, des travailleurs de la Commonwealth Plywood. Mais au moment où on a écrit le rapport, nous ne voyions pas la nécessité d'établir la liste d'ancienneté alors qu'on ne savait même pas s'il pouvait y avoir une entente et acceptation du rapport par les deux parties. Cependant, nous l'avons prévu dans un mécanisme.

M. Forget: Avant de distribuer les blâmes de part et d'autre, il y a quand même quelque chose qui est logiquement préalable, c'est de savoir si les faits du litige sont connus et peuvent être vérifiés. Quand il s'agit de vérifier si oui ou non il y a apparence que la séniorité n'a pas été respectée — ce sont des choses qui se vérifient — c'est quand même un élément important du dossier et je ne peux pas faire autrement, à ce moment-ci — et je ne poursuivrai pas, puisqu'on me dit qu'on ne l'a pas fait — que de m'étonner qu'on n'ait pas jugé bon de vider cette question quant aux faits. Reste à savoir ce qu'on en aurait fait et quel genre de recommandations en aurait découlé.

Mais il reste que cela demeure un point d'interrogation et un mystère, quant à moi, dans le rapport de médiation, qu'on n'ait pas vidé cette question.

M. Johnson: M. le Président, si je peux répondre ou tenter de répondre aux points d'interrogation du député de Saint-Laurent, il ne faut pas oublier une chose, c'est que tout le monde n'a pas collaboré de façon égale dans ce conseil de médiation et comme M. Blain l'a bien expliqué, il n'avait pas le pouvoir de convoquer des gens, il n'avait pas le pouvoir d'obliger les gens à remettre des documents, etc.

D'autre part, cela s'inscrivait dans un effort. On essayait de faire en sorte que les parties s'assoient et discutent vraiment. La partie patronale, dans les circonstances, a décidé d'avoir une attitude... Ils se sont présentés, Me Casgrain et Me Bazin, je crois, se sont présentés au nom de la compagnie. M. Caine a choisi de ne pas y aller. C'était son droit.

La participation a été formelle, ils ont répondu d'une façon immédiate aux questions du conseil de médiation, d'après ce que je comprends. Le conseil n'avait pas les instruments pour vérifier l'ensemble de ces affirmations, de ces données. Il pouvait se fier sur une chose, par exemple. M. Thériault, de l'Union internationale des rembourreurs unis, disait que c'est vrai que l'ancienneté n'avait pas été respectée à 100%. Quant à savoir si elle avait été respectée à 80%, à 85%, ce qu'on sait c'est que M. Thériault reconnaissait que cela n'avait pas été entièrement respecté.

D'autre part, la CSN, semble-t-il, alléguait que cela n'avait pas été respecté, point. Mais le conseil de médiation n'avait pas les instruments nécessaires pour juger de cela. Cependant, c'est pour cela qu'il conclut, dans son dernier chapitre, à la création d'un mécanisme d'arbitrage en matière de mise à pied, pour la compagnie. Il dit: À toutes fins utiles, ce que je suggère aux parties, c'est de mettre sur pied un mécanisme où un arbitre va décider des mises à pied et de qui est affecté par les mises à pied, quant à l'interprétation de la convention collective, l'ancienneté, etc.

M. Forget: Je comprends que le conseil de médiation n'avait pas les pouvoirs d'exiger des témoignages sur quelque élément que ce soit, qu'il devait se fier à la bonne volonté de tout le monde. Est-ce qu'il a au moins demandé cette information-là ou s'est-il limité à discuter d'une philosophie générale de règlement? A-t-il demandé de connaître les faits plutôt que des interprétations des faits?

M. Johnson: C'est-à-dire que si vous parlez de faits par remise de listes d'ancienneté, nous avons dit ceci: Les listes d'ancienneté qui sont là, c'est parce qu'il y a un problème purement technique qui se rattache à ceci: C'est que les gens de l'extérieur pour la compagnie, n'accumulaient plus d'ancienneté au moment de la grève, alors que ceux à l'intérieur continuaient d'accumuler de l'ancienneté et c'est pour...

M. Forget: Ils en accumulaient au moment du congédiement, on ne parle pas de l'ancienneté aujourd'hui.

M. Johnson: Oui. C'est parce que, comme on ne pouvait pas prouver et arriver de façon claire et hors de tout doute que les employés à l'intérieur étaient entrés à telle date, les listes qui étaient fournies nous donnaient un document de travail que nous avons confié à un mécanisme d'arbitrage pour voir si ces listes étaient conformes à la réalité par rapport aux recommandations qui étaient là, c'est-à-dire que nous ne voulions pas que les employés qui avaient été à l'extérieur pendant le conflit ne soient pénalisés pour la perte de temps. C'est pour tout cela...

M. Forget: Si vous me permettez, on saute une étape. On va revenir à cela. D'ailleurs, c'est ma prochaine question. Avant de décider si les employés à l'extérieur doivent être engagés à nouveau ou non, il faut d'abord disposer d'une décision qui normalement vient du Tribunal du travail indiquant si nous sommes ou non en face de congédiements antisyndicaux.

Le Président (M. Cardinal): M. Désilets, au nom du ministre.

M. Johnson: Oui. Ce que je voulais ajouter, M. Forget, c'est que, dans le contexte où on était placé, dans le cadre habituel d'une conciliation ou d'une médiation, il y a une convention collective qui est échue et il y en a une qui est à se renouveler. Dans le contexte où on était placé, on ne voulait pas, compte tenu qu'on était dans un contexte "alégal, ajuridique", tenir compte de la présumée convention collective qui avait été déposée.

Or, pour établir des listes d'ancienneté, habituellement, on se réfère à un texte de convention collective et, en l'absence de ce texte, il devenait difficile pour les membres du conseil de médiation, ne voulant pas préjuger du document qui avait été déposé, de faire le travail auquel vous avez fait allusion tantôt. C'est pour cette raison qu'on a référé le tout à un arbitre.

M. Forget: M. le Président, cette réserve n'est pas pertinente à ma question. J'ai posé la question: Au moment du congédiement, il y avait une

convention collective dont la validité n'est pas contestée par personne, parce qu'elle est venue à échéance à la fin de septembre 1977. Elle existait. Quelle que soit la valeur de cette convention, quel que soit le désir de certaines personnes de l'"améliorer", il reste qu'il y avait une convention collective et c'est en vertu et sous l'empire de cette convention collective que les congédiements ont eu lieu. Il s'agit d'une question de faits, de savoir si les dispositions de cette convention collective, en septembre 1977, ont été faites, oui ou non, en conformité avec les dispositions de la convention collective. La réponse que le conseil de médiation nous fait, c'est qu'on ne s'est pas intéressé à trouver la réponse à cette question.

M. Johnson: Au moment où nous avons siégé, non, parce qu'il n'y avait pas de texte de convention sur laquelle...

M. Forget: II y avait un texte de convention. Il avait échu le 30 septembre 1977. C'est un fait historique que vous ne pouvez pas nier.

M. Johnson: Non, mais est-ce que les gens qui étaient restés à l'intérieur continuaient d'accumuler de l'ancienneté?

M. Forget: Peu importe. On ne parle pas de l'ancienneté après le 15 septembre 1977. On parle de l'ancienneté avant, au moment de la décision. Ce qui est arrivé après ne nous intéresse pas pour l'instant. Cela ne fait pas partie de votre réponse.

M. Johnson: La réponse, pour essayer de clore cette partie, quant à moi en tout cas, c'est qu'au moment où le conseil de médiation a agi, ce fut dans des circonstances qu'on a déjà décrites comme étant particulièrement difficiles; deuxièmement, ce fut avec une collaboration qui était peut-être limitée, parce qu'il n'avait pas la collaboration entière de toutes les parties,- troisièmement, ce fut compte tenu des difficultés que représentait pour lui d'obtenir ces données de façon précise et de façon incontestable. Le conseil de médiation a donc choisi de s'en remettre à un arbitre et considérait que lui, il n'était pas habilité à le faire, parce qu'il n'avait pas les moyens de faire ces vérifications. C'est pour cela, entre autres, que la loi 45, la Loi de la qualification professionnelle, prévoit qu'il y a effectivement un comité de reclassement qui est mis sur pied, que les délais sont respectés, etc. C'est une opération très complexe. Dans un contexte normal, c'est une opération très complexe. Imaginez-vous, dans un contexte comme celui-là!

M. Forget: Bon! J'ai une autre question, c'est la troisième.

Le Président (M. Cardinal): Sur cinq?

M. Forget: Sur cinq.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Merci.

M. Forget: Normalement, la question de déterminer si, oui ou non, les congédiements qui sont survenus peuvent être imputables à un désir de l'employeur de combattre le syndicat, de s'opposer à son accréditation, de miner sa crédibilité, etc., pour des raisons antisyndicales, est déterminée par des mécanismes reconnus dans le Code du travail. Normalement, on peut supposer que ce type de congédiement, quand il a lieu, peut être sanctionné, peut être corrigé dans ses effets par des mécanismes normaux du Code du travail. Comment se fait-il que, dans ce cas, ces mécanismes n'ont pas joué? Pourquoi le ministre en vient-il à la conclusion qu'il faut absolument une commission parlementaire plutôt que de laisser les mécanismes normaux du Code du travail jouer leur rôle habituel?

M. Johnson: Je suis un peu étonné d'entendre le député de Saint-Laurent me parler comme cela, parler des mécanismes normaux du Code du travail dans le contexte de la Commonwealth Plywood. Il faut le faire. Il faut voir ce qui se passe depuis un an à cet endroit. Chose certaine, il y a un mécanisme, qui s'appelle le congédiement, la plainte auprès du commissaire général du travail pour congédiement, pour activités syndicales, en vertu de dispositions très précises du Code du travail. Il y a eu, si je me souviens, 106 ou 105 plaintes de congédiement pour activités syndicales. Il y a eu des demandes de suspension à des auditions en cours de route. Ce sont des plaintes qui peuvent parfois prendre beaucoup de temps. Le ministère le reconnaît. Je pense que le député de Johnson pourrait reconnaître que cela existe depuis longtemps, les délais, dans ce domaine, parce que ce sont des preuves complexes, parce qu'on n'a peut-être pas toutes les ressources idéales.

M. Bellemare: C'est moi qui l'avais fait écrire dans la loi.

M. Johnson: Bon! Il y a eu ces plaintes qui n'ont pas été entendues dans la mesure où il y a eu une suspension qui a été demandée par les parties en cours de route et que ça, dans le contexte — je devrais dire par la CSN — où, également, au mois d'avril, j'avais demandé aux parties un moratoire judiciaire qu'elles n'ont pas respecté. Je dois reconnaître, à cet effet, que pendant quelque temps, à la fois du côté de la Commonwealth Plywood et de la CSN, il y a eu un respect de ce moratoire, et c'était dans l'optique où, effectivement, il y avait un moratoire de l'ensemble des procédures qu'on essayait de trouver un règlement, entre autres, à travers un conseil de médiation, que ce mécanisme "normal", n'a pas joué. Maintenant, il n'y a rien qui empêche que les plaintes qui ont été portées pour congédiement pour activités syndicales soient éventuellement entendues, avec ce que ça implique, évidemment, au niveau des conséquences d'un jugement du commissaire général du travail, qui peut ordonner la réintégration d'une personne.

M. Forget: Dans la mesure où ceci est central dans l'évaluation de la situation, il y a un mécanisme régulier qui va éventuellement rendre une décision; on n'a pas besoin de la commission parlementaire pour le faire. Est-ce que le ministre pourrait nous dire à partir de quel moment, dans une procédure comme celle-là, il va juger, à l'avenir, que cela a duré trop longtemps et que ça ne fait pas son affaire?

M. Johnson: Ce n'est pas le ministre qui décide, c'est le commissaire général du travail. Cela ne relève pas de l'autorité ministérielle...

M. Forget: Ce n'est pas le commissaire général du travail qui a convoqué la commission parlementaire. Le ministre a décidé, à un moment donné...

M. Johnson: Ah non...

M. Forget: ... que le processus ne pouvait pas suivre son cours régulier.

M. Johnson: Oui.

M. Forget: Qu'il nous indique, à l'avenir, à quel moment il va prendre cette décision dans d'autres causes analogues...

M. Johnson: Ah! Écoutez! Si...

M. Forget: ... puisque les procédures, il ne les a pas amendées, il ne propose pas d'amender le Code du travail.

M. Johnson: Écoutez! Si le ministre pouvait anticiper d'avance de tout ça, d'abord, on n'aurait pas besoin de ministre du Travail, ce serait parfait. Ce serait peut-être quelqu'un qui est inspiré par la main de Dieu et qui a une cognition parfaite de toute chose...

M. Bellemare: C'est bien plate, ça.

M. Johnson: Je ne suis pas sûr que c'est aussi plate que ça.

M. Bellemare: Ah oui!

M. Johnson: On ne peut pas anticiper de la nature...

M. Bellemare: Non, mais votre allusion à la main de Dieu...

M. Johnson: ... et du type de conflit... M. Bellemare: ... c'est plate. M. Johnson: Ah, bien oui!

M. Bellemare: Restez donc sur le sujet au lieu d'attaquer les autres.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bellemare: Oui, mais c'est insignifiant.

M. Johnson: II est bien évident que je ne peux pas présumer de... Ce que je peux vous dire, cependant, c'est que le ministère et celui qui vous parle sont allés jusqu'au bout de la corde possible et imaginable dans ce domaine-là.

M. Bellemare: Ah!

M. Johnson: II y a eu la conciliation. Il y a eu la demande de moratoire. Il y a eu des conversations avec les parties, entre les hauts-fonctionnaires de mon ministère et les parties. Il y a eu le conseil de médiation. Il y a eu l'entrevue que j'ai eue avec M. Caine et avec les représentants de la CSN. Il y a eu, finalement, cette convocation de commission parlementaire, parce que, à un moment donné, on se rend compte que c'est un cul-de-sac au niveau du débat juridique qui est en train de se faire devant les tribunaux et que si ça doit se rendre jusqu'en Cour suprême, ça va prendre sept ans. Je pense qu'on a épuisé tous les mécanismes normaux, possibles et imaginables dans ce domaine-là, y compris l'intervention de celui qui vous parle. Je pense que le Parlement est en droit de savoir ce qui se passe là et la population aussi d'être éclairée sur les circonstances. On devrait peut-être tirer des leçons de ce qui se passe ici aujourd'hui.

M. Forget: Le ministre a indiqué que la suspension des procédures devant le commissaire du travail, quant aux plaintes, a été demandée par la CSN, c'est bien ça?

M. Johnson: Je m'excuse. C'était vrai pour une partie. Je vais essayer de vous donner le nombre. Le commissaire général a vérifié au téléphone, sans doute, avec ses services. C'est M. Lecavalier, qui est le commissaire général adjoint, qui s'occupait du dossier. Alors, M. Plourde aura la réponse pour nous tout à l'heure.

M. Forget: Une autre question, M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ... dans le rapport du conseil de médiation, on indique, reprenant le témoignage de M. Thériault... Enfin, on dit M. Thériault, entre parenthèses. C'est présumément sous la foi de son témoignage qu'on fait cette affirmation, qu'il y a eu une convocation pour une assemblée régulière de l'union internationale le 3 octobre et que 55 des 105 employés de la Commonwealth Plywood non mis à pied y assistent. Toutefois, les 105 personnes ne sont pas toutes averties de la tenue de la réunion. Est-ce qu'on pourrait nous indiquer la

signification qu'on attache à cette remarque-là, puisqu'elle n'est pas située dans un contexte?

M. Johnson: Vous parlez du 3 octobre 1977 où on dit: L'assemblée...

M. Forget: C'est la réunion où ce syndicat s'est désaffilié de la CSN...

M. Johnson: C'est-à-dire que...

M. Forget: ... et a nommé M. Thériault comme son représentant, je crois.

M. Johnson: L'assemblée régulière de l'union internationale, qui n'avait pas été tenue le 26 septembre, a eu lieu. Elle n'a pas été tenue le 26 septembre, vous vous souvenez, c'est qu'il y avait eu des représentants de la CSN qui étaient là, donc, ça n'a pas eu lieu, et 55 des 105 des employés non mis à pied y assistent, dont certains avaient déjà signé des cartes de la CSN. Cela présume qu'il y en avait qui n'avaient pas signé de cartes de la CSN parmi, si on se souvient, les 140 adhésions qui avaient eu lieu au tout début. Donc, vous me demandez d'interpréter ça? Je peux bien vous l'interpréter à ma façon; c'est purement personnel. (15 h 45)

Si je tiens pour acquis que M. Thériault avait réuni une assemblée de ses sympathisants ou d'anciens membres de l'Union des rembourreurs qui n'avaient pas adhéré... Cependant, il ajoute aussi qu'il y avait des gens, quelques personnes, qui avaient déjà signé leur carte CSN et qui assistaient à l'assemblée et le reste des 105 personnes qui n'avaient pas été convoquées; peut-être que ces gens... Je ne le sais pas, il faudrait demander à M. Thériault, mais tirez vos conclusions. Je ne peux présumer des raisons qui ont motivé d'autres employés à ne pas participer à cette réunion. Apparemment, ils n'auraient pas été convoqués. Ils n'ont pas été avertis. C'est M. Thériault qui le dit: Toutes les 105 personnes ne sont pas averties de la tenue de la réunion. Vous demanderez cela à M. Thériault.

M. Forget: Cela laisse-t-il planer sur cette réunion le doute qu'elle n'était pas régulièrement convoquée et que les actes étaient irréguliers et sans valeur?

M. Johnson: Encore là, M. Forget, vous me demandez d'interpréter toute la question de M. Thériault qui représente un groupe de gens à l'intérieur. Cela a-t-il été fait légalement? On pose la question. Moi aussi, je me pose la question et je n'ai pas la réponse. Vous aurez probablement la chance et le loisir de l'avoir des intéressés.

Il n'y a pas de constitution. Il avoue lui-même qu'ils n'ont pas été convoqués en vertu d'une constitution. Ce groupe n'a pas de constitution et on se pose la question: L'assemblée a-t-elle été tenue en vertu de la constitution des Rembourreurs unis d'Amérique? Je ne le sais pas.

M. Forget: Mais quand un syndicat est nouvellement accrédité, j'imagine qu'à sa première réunion, il n'y a pas nécessairement de constitution.

M. Johnson: M. Donat Thériault n'est pas accrédité. C'est cela le problème.

M. Forget: II y avait un syndicat d'accrédité à cette date-là.

M. Johnson: Le 3 octobre... Cela dépend si c'est le matin.

Le 3 octobre, la CSN reçoit son accréditation. M. Thériault sait que la CSN va être accréditée. Il s'était opposé au début; par la suite, il s'est rallié. La compagnie ne s'est jamais opposée. Elle n'a jamais contesté. Donc, le groupe sait que la CSN va recevoir son accréditation. À partir de ce moment, il fait une assemblée et c'est là qu'arrive tout le processus des signatures de cartes, etc.

Puis-je reprendre simplement dans le détail? C'est qu'au moment où le syndicat fait sa demande d'accréditation — et on est sous l'empire du Code du travail avant les récentes modifications — il doit déposer les statuts et règlements de son syndicat. Or, tout cela avait été fait par la CSN. La CSN — il faut s'entendre encore une fois — c'est l'affaire de Bourdon et de Norbert Rodrigue, la FNBB. C'est un peu différent de l'autre parce que, pour les autres cartes dont on parle, je me rends compte qu'indistinctement on a parlé des cartes deux ou trois fois et on ne parlait pas toujours de la même chose.

Or, la CSN, la FNBB fait son maraudage, obtient des cartes, signifie également à M. Thériault des démissions de membres de l'union internationale, c'est-à-dire des gens qui ont décidé d'adhérer à la CSN et ils démissionnent du Syndicat des rembourreurs, et le Commissaire général du travail est saisi du dossier.

Il est également saisi d'un avis de M. Thériault qui n'a pas l'intention de contester la nouvelle accréditation que demande la FNBB. D'autre part, M. Thériault, le 3 octobre, qui est également le jour où le commissaire général va émettre le certificat d'accréditation en faveur de la CSN, fait une assemblée destinée aux 105 employés qui ne sont pas mis à pied, mais il semble, selon le rapport de médiation, que tout le monde n'est pas averti qu'il y a cette assemblée.

Or, ce groupe qui se réunit, qui est-il? Ce n'est sûrement pas le syndicat en voie d'accréditation, pour deux raisons: la première étant que le nouveau syndicat n'était pas encore accrédité et que, deuxièmement, je pense qu'on peut présumer raisonnablement, sans faire de procès d'intention à qui que ce soit, que M. Donat Thériault n'est pas quelqu'un de la CSN. Donc, ces gens se réunissent. Ils se réunissent en vertu de quelle constitution, en vertu de quel document, etc.? Ils n'ont pas de constitution, ni de règlement.

Je voudrais seulement, M. Forget, ajouter quelque chose sur le plan des chiffres. On a dit qu'il y avait, au début du conflit, avant que le conflit ne débute, environ 240 employés à la Common-

wealth Plywood. Quand je fais un petit décompte et que je dis qu'il y a 140 adhésions CSN, qu'il y a 105 employés mis à pied qui ne sont pas tous convoqués, j'arrive à 245 employés, c'est-à-dire que M. Thériault a raison quand il dit qu'il y a quelques personnes qui sont membres de la CSN. C'est vrai si je fais le décompte.

Or, on peut conclure ce que je vous disais tout à l'heure, c'est-à-dire qu'on fait une assemblée pour essayer de rallier les forces et c'est là qu'est arrivé le processus de la tenue de l'assemblée soi-disant de la CSN pour faire signer des cartes et, comme le dit M. Thériault plus loin dans le rapport: Je ne peux pas tenir d'assemblée parce que le syndicat est accrédité CSN. Il faut donc que mes gens soient de la CSN pour que je tienne une assemblée.

M. Forget: Sans vouloir empiéter tout de suite sur la discussion à savoir qui représente qui dans tout ceci, à supposer qu'on réussisse jamais à l'établir avec clarté, il demeure que l'allégation, dans le rapport de médiation, que tout le monde n'a pas nécessairement été convoqué est une remarque qui n'a pas nécessairement de pertinence puisque j'imagine qu'on ne demande à aucun syndicat, comme condition de la validité des actes qu'il pose, si oui ou non il a vraiment convoqué tout le monde, si tout le monde a été informé. Je pense qu'on présume généralement...

M. Johnson: Non, mais c'est une affirmation de M. Thériault.

M. Forget: ... que la plupart des membres ont été convoqués et qu'il y avait là un quorum satisfaisant pour en arriver à des décisions. Donc, la véritable question n'est pas une question de procédure, je pense que c'est important.

M. Johnson: C'est M. Thériault qui a senti le besoin de le dire lui-même au conseil de médiation. C'est ce que dit le rapport.

M. Forget: Cela, c'est son problème. Quant à l'information de la commission, c'est une information qui n'est pas directement pertinente.

M. Johnson: II faudrait peut-être aussi demander en vertu de quelle procédure, de quelle constitution la convocation de l'assemblée qui a été faite par M. Thériault, l'a été.

M. Forget: Le ministre a répondu à cette question tout à l'heure puisqu'il a dit que la demande d'accréditation avait été faite à partir des statuts de la CSN et qu'on doit présumer que toute assemblée syndicale qui se faisait à ce moment-là se faisait en vertu de ces statuts.

M. Johnson: Là, on est dans la haute voltige et l'interprétation juridique. Encore une fois, il faut se rappeler que celui qui a convoqué l'assemblée, c'est M. Donat Thériault, et je sais pertinemment que M. Donat Thériault n'est pas vraiment de la CSN.

M. Forget: C'est un autre problème, M. le ministre.

M. Johnson: Cela en est tout un.

M. Forget: Vous devez, en tant que ministre, présumer que les documents qui sont déposés sont les documents qui s'appliquent.

M. Johnson: Oui, mais, maintenant, je sais. Je peux bien le présumer jusqu'à preuve du contraire. Je pense que la preuve du contraire, je l'ai, elle est manifeste. Voyons donc!

M. Forget: C'est qu'on parlait de voltige tout à l'heure. Il ne faudrait pas trop voltiger, parce que, dans le cas du ministre, il a quand même la responsabilité de tenir pour acquis que les procédures qui sont faites devant lui...

M. Johnson: Sont régulières.

M. Forget: ... en sa capacité officielle sont régulières. Et à moins qu'il n'ait une preuve formelle du contraire, il doit les accepter à leur face même.

M. Johnson: Mais, M. le Président, pour clore là-dessus, et pour être bien précis, c'est inscrit et c'est consigné au rapport. L'assemblée du 3 octobre, c'est M. Thériault qui le dit, c'est l'assemblée régulière de l'Union internationale des rembourreurs unis d'Amérique.

M. Forget: Une autre question, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Je ne les compte plus.

M. Forget: C'est la cinquième.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Je vais la prendre prima facie comme étant entièrement régulière.

M. Forget: À la page 24 du rapport du conseil de médiation, il y a une affirmation tout à fait en bas de la page où on dit: À notre avis, c'est la clef du problème. La clef du problème dont on parle, c'est la demande d'injonction de la CSN sur la validité de la convention qui ne pourra être entendue avant l'automne. Donc, le conseil de médiation dit: La clef du problème, c'est la validité de la convention. C'est une affirmation qui mériterait d'être un petit peu appuyée par une argumentation parce que, dans la mesure où c'est la clef du problème, est-il besoin de rappeler que cette clef est en train de perdre son intérêt puisque, dans quatre jours, elle deviendra caduque, et si c'est la clef du problème, on n'a qu'à laisser s'écouler quatre jours pour restaurer aux parties leur initiative et l'application des lois du travail va automatiquement régler le problème. Je pense personnellement que la clef du problème se trouve

bien ailleurs et je serais intéressé de savoir pourquoi on dit que c'est la clef du problème.

M. Johnson: Si vous le permettez, M. le Président c'est moi-même qui parle pour les fins du journal des Débats, ce n'est pas M. Blain, il y a d'abord certaines affirmations que vient de faire le député de Saint-Laurent, sur le plan juridique, qui ne sont pas nécessairement exactes en ce sens que, de façon générale, il a raison...

M. Forget: La convention se termine bien le 30 septembre.

M. Johnson: Oui, la convention, mais est-ce qu'il y a une convention? On présume...

M. Forget: Valide ou non... Si elle n'est pas valide, il n'y en a pas.

M. Johnson: Voilà. Donc, c'est cela.

M. Forget: À plus forte raison, elle n'est pas la clef du problème.

M. Johnson: Voilà. Alors, la clef, c'est de savoir si elle est bonne ou pas, cette convention.

M. Forget: Ou si elle existe ou pas.

M. Johnson: Ou si elle existe ou pas finalement, pour les fins de l'application du code.

M. Forget: Mais peu importe puisque, dans quatre jours, c'est un problème historique qui n'a plus d'importance.

M. Johnson: Absolument pas. Parce que, dans quatre jours, au moment de l'expiration de ce document qu'on dit être une convention collective et sur lequel les tribunaux ne se sont pas encore prononcés quant à la légalité du document et du processus et en vertu d'un tas d'analyses qu'on peut faire de certains articles du Code du travail pour des circonstances qui ont entouré cela, il y a peut-être une cause à démontrer que c'est une convention collective qui n'est pas valide, entre autres si on pense à l'avis de dénonciation et à l'avis de négociation, etc. Si jamais un tribunal décidait que cette convention collective est nulle et non avenue, ce qui se passe à la Commonwealth Plywood en ce moment, c'est qu'il y a des salariés en grève légalement et que ceux qui sont à l'intérieur sont considérés des "scabs" pour les fins de l'application du Code du travail tel que rédigé.

Si, cependant, il y a une convention collective et qu'elle est valable, M. Thériault a annoncé, je pense que tout le monde est au courant de ça, du côté de la CSN comme du côté de la Commonwealth Plywood, que le syndicat de M. Thériault — on va se comprendre — l'Union internationale des rembourreurs, a l'intention de procéder à un maraudage, dans les délais prévus par le code. Les délais prévus par le code sont en fonction d'une convention collective. Le commissaire général du travail devra se poser des questions, il se les posera comme il voudra. Je n'ai pas l'intention de lui donner de directive.

Mais dans un premier temps, le commissaire général du travail devra se demander s'il y a ou non une convention collective afin de savoir si la demande d'accréditation de M. Donat Thériault, qui est déjà déposée au ministère, est dans les délais, puisque les délais sont computés à partir de l'existence d'une convention collective. Le commissaire général du travail peut bien décider que oui, il y a une convention collective, dont les délais sont ouverts, mais le commissaire général du travail peut également décider qu'il considère qu'il ne peut pas porter un jugement là-dessus et qu'il attend la décision d'un tribunal pour savoir s'il y a une convention collective.

À ce moment-là, ce n'est pas exact de dire qu'à l'expiration du texte en question, du document qui est présumé par certains être une convention collective, il y a effectivement règlement du problème.

M. Forget: M. le Président, il me semble que les dispositions du Code du travail sur le maraudage prévoient qu'en l'absence de convention collective, il y a possibilité de maraudage six mois après l'expiration de celle qui précédait, s'il y en avait une, s'il n'y a pas à ce moment-là grève ou si on n'est pas en négociation pour une convention collective. Dans le cas de l'invalidité, il y aurait eu...

M. Johnson: ... convention.

M. Forget: ... une période de maraudage six mois après le 30 septembre 1977.

M. Johnson: Oui, mais il y aurait également grève. À ce moment-là, l'expression anglaise, c'est "foreclosure", il n'y a pas d'ouverture au maraudage si ce qui se passe à ce moment-là, c'est une grève.

M. Forget: M. le Président, je vais terminer sur quelques brefs commentaires, parce que les paroles du ministre donnent ouverture à ces commentaires immédiatement. Je crois que ce qu'il vient de souligner illustre bien une perception fondamentalement différente entre ce qu'il voit être l'objet principal du litige et la perception que nous avons de ce côté-ci de ce qui est effectivement l'objet du litige.

À notre avis, il ne s'agit pas de savoir si un document est légal ou non, valide ou non, de toute manière, il sera caduc dans quatre jours. Ce qui est essentiellement en jeu dans cette question, c'est de savoir, premièrement si, en septembre 1977, l'employeur, Commonwealth Plywood, avait le droit d'effectuer des licenciements collectifs pour les fins, tel qu'il l'allègue, de sauver l'entreprise, lui permettre de conserver au moins le minimum d'emplois qui sont demeurés ou s'il a agi de mauvaise foi pour des fins antisyndicales.

C'est central au litige. Parce que selon la réponse que l'on trouvera à cette question, toute la question de savoir si les gens qui sont à l'extérieur sont en grève ou simplement, légalement, congédiés, va en dépendre. Peu importe la question de savoir si la convention qui a suivi, à partir du 30 septembre, donc postérieurement à la date du congédiement, était une convention valide ou non valide.

Si leur congédiement était légal au 15 septembre, ils n'étaient plus des employés au 30 septembre, au 1er octobre 1977, ils ne sont plus partie à la convention collective, ils ne peuvent pas être en grève puisqu'ils ne sont pas des employés, des salariés au sens du Code du travail.

Il y a donc là une première détermination qui est extrêmement importante. Le ministre l'a dit, il y a des mécanismes normaux pour découvrir la réponse à cette question, mais j'y reviendrai dans quelques minutes.

Il y a également une deuxième question qui est centrale et sur laquelle le ministre n'a pas du tout élaboré, c'est la question de savoir à qui appartient une association de salariés. Les paroles du ministre donnent à croire que dans son esprit, le syndicat, l'association de salariés, qu'il s'agisse de quelque entreprise que ce soit, aussi petite ou aussi grande qu'on peut imaginer, appartient à la centrale syndicale, qu'elle porte sa marque de commerce, son logo et qu'elle appartient, en quelque sorte, au leadership syndical.

Si on croit, au contraire, que l'association de salariés, le syndicat, appartient aux syndiqués, ces syndiqués ont le droit de décider de quoi que ce soit, même de prendre des décisions qui, de prime abord et vues de l'extérieur, apparaissent les plus controversées, les plus critiquables, même les plus folles possible. (16 heures)

Si on croit à la démocratie dans le milieu industriel, je crois qu'on doit accepter, sans aucune restriction, sans aucune réserve, le droit des employés de la Commonwealth Plywood de décider quoi que ce soit quant à l'identité de celui qui agira comme représentant syndical, de décider de leur affiliation à un syndicat, quels qu'aient été les antécédents, même récents, de leur nouvelle accréditation. Une fois qu'on a reconnu ce droit, je pense qu'on peut faire la lumière passablement rapidement dans tout le fatras de procédures, tout le fatras de procédés plus ou moins justifiables, plus ou moins acceptables, dans les circonstances, mais auxquels les gens ont eu recours, probablement faute de mieux et probablement avec une information sur les implications juridiques de ce qu'elle faisait, passablement affaiblie.

Mais quoi qu'il en soit, le principe demeure et c'est cela que la commission parlementaire doit éclairer. À qui appartient le syndicat? Aux membres ou aux centrales syndicales? Et d'autre part, est-ce que ces congédiements qui sont survenus à la mi-septembre étaient faits pour des raisons antisyndicales ou étaient légitimées par la situation économique de l'entreprise? Une fois qu'on a tranché ces deux débats, toute la question de Commonwealth Plywood s'éclaircit.

Dans cette commission parlementaire, M. le Président, je me rends compte, malheureusement, que l'objectif du ministre, loin de faire la lumière, semble créer une confusion additionnelle. Il introduit toutes sortes de considérations qui sont, le plus souvent, non pertinentes. Je regrette d'avoir à le constater, mais il fait le procès des parties avant même qu'on les ait entendues et se substituant aux tribunaux d'une façon inqualifiable et sans précédent dans nos annales législatives au Québec. Je pense que c'est un précédent extrêmement regrettable et auquel l'Opposition officielle participe, avec la plus grande réticence, parce que, si on n'était pas là, cela irait quand même, apparemment. Le ministre a donné des indications de vouloir procéder, envers et contre tous. Nous voulons quand même participer, dans la mesure du possible, à limiter les dégâts que fait une telle intervention politique, strictement politique, du ministre dans un conflit de travail, alors que les tribunaux sont saisis de toute la cause et que les lois du travail, n'en déplaise au ministre — il doit être d'accord, puisqu'il ne propose aucune modification — sont suffisantes pour régler tous les litiges qui sont actuellement devant les tribunaux.

Il semble donc qu'on a un désir de mystifier l'opinion publique, de faire, devant une espèce de tribunal de l'opinion publique, un procès qu'on ne pourrait pas réussir ailleurs. C'est un procédé qui me semble indigne de l'Assemblée nationale. D'ailleurs, ce n'est que la dernière phase d'une stratégie que le ministre a utilisée depuis des mois. Il a parlé tout à coup d'une demande de moratoire judiciaire, alors que maintenant il se plaint des délais excessifs, de la lenteur de tout ceci. Il dit, comme raison de convoquer une commission parlementaire, que le processus judiciaire est trop lent. Pourtant, il y a quelques mois, il demandait aux parties de freiner ce processus qui permettrait de le régler.

Il entérine, approuve et prête sa voix au rapport d'une commission, d'un conseil de médiation qui s'est volontairement abstenu de faire l'examen des faits qui sont à la base même du litige et qui, seuls, peuvent permettre de l'éclairer, en prenant prétexte de tous les arguments plus ou moins spéciaux qu'avancent l'une et l'autre parties sur le plan juridique, pour argumenter de la validité ou de l'invalidité d'une convention qui sera désuète dans quatre jours, et tout cela se fait, de façon encore sans précédent, en face et avec la présence physique, me dit-on, dans cette enceinte, du Commissaire du travail, de façon à téléguider d'avance le jugement qu'il sera appelé à rendre, dans des jugements très importants qu'il doit rendre relativement aux congédiements survenus en 1977 et sur les votes qui devraient avoir lieu ou non.

C'est un processus indigne, M. le Président, et je ne peux que déplorer la façon dont on se sert de l'Assemblée nationale, encore une fois, pour passer à côté des mécanismes normaux de règlement et contribuer à jeter de l'huile sur le feu.

On n'a qu'à regarder l'auditoire, on n'a qu'à regarder le ministre agir là-dessus sous l'oeil

sévère mais bienveillant de papa Rodrigue et même de grand-papa Pepin, et voir de quelle façon il veut faire servir la commission parlementaire pour gagner, pour la CSN, une chose qu'elle n'a pas su gagner sur le terrain.

M. le Président, nous allons continuer à participer à cette commission parlementaire, encore une fois, avec les plus grandes réserves. Nous réservons notre jugement quant aux conclusions qu'il faudra en tirer.

Une Voix: ...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Johnson: Je vais laisser parler le député de Johnson, M. le Président, je prendrai mon droit de réplique à la fin.

Le Président (M. Cardinal): Revenons au débat. J'ai un commentaire à faire. Je permets à chacun des partis de s'exprimer selon les règles ordinaires de ces assemblées. M. le député de Johnson.

M. Bellemare: M. le Président, merci de cette grande courtoisie! J'essaierai de vous en être reconnaissant en ne dépassant pas la limite permise par le règlement, mais en vous disant, par exemple, que nous assistons, depuis deux heures et demie de commission parlementaire, à une stricte défense des résultats qu'a produit le conseil de médiation. Est-ce que nous sommes ici pour entendre la justification du conseil de médiation ou est-ce que nous sommes ici pour entendre les parties qui ont été muettes jusqu'à cette heure?

Je voudrais m'élever avec véhémence contre cette stratégie dans laquelle vous êtes tombé inconsciemment, M. le Président, stratégie qu'a voulu prendre le ministre à cause de sa majorité et qui vous a entraîné, comme président, à lui donner raison, à justifier le conseil de médiation par tout ce qui a été lu et écrit.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bellemare: Est-ce que c'est cela, la commission parlementaire?

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre!

M. Bellemare: On n'a pas entendu...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre! M. le député de Johnson, à l'ordre! Je ne permettrai à aucun membre de cette commission de m'impliquer dans le débat. Je ne l'ai pas fait. Que chacun des partis ait sa stratégie et l'utilise, vous êtes le premier à le savoir, de longue date, étant le doyen de cette Assemblée nationale... Je suis peut-être aussi le second à le savoir à cette commission parlementaire et je vous prierais d'agir comme vous l'avez toujours fait et d'impliquer les représentants de chacun des partis, mais certainement pas la présidence dans le débat.

M. Bellemare: M. le Président, je n'ai jamais voulu vous impliquer directement ou indirectement dans le débat, mais je dis que, depuis deux heures et demie, nous assistons, par la volonté et par la stratégie du ministre, à un déploiement d'arguments pour justifier le conseil de médiation. C'est cela que je dis. Nous n'avons pas encore entendu un mot de la CSN, du Syndicat des rembourreurs unis et de M. Caine, par exemple, ou des avocats de la Commonwealth Plywood.

Est-ce que nous sommes ici pour entendre la justification d'un rapport que nous avons lu en maintes circonstances, que nous avons noté et que nous avons pris en délibéré avec des gens qui sont de bonne foi, pour essayer d'en trouver le meilleur consensus?

M. le Président, je dis que toute cette stratégie qui s'est jouée depuis deux heures et demie de commission parlementaire n'a rien donné aux parties, n'a pas ouvert une porte, n'a pas donné une incidence quelconque d'un rapprochement pour régler le problème s'il y avait lieu. Qu'est-ce qu'on fait ici, nous autres, les parlementaires? Qu'est-ce qu'on est? Lire les textes? On les a lus avant de venir. Se les faire répéter par des gens comme le sous-ministre, M. Blain, que j'estime énormément... C'est de mon temps. M. Blain était là. Je suis très heureux du rapport qu'il a fait. Mais remarquez que, dans le rapport Blain, il y a une phrase catégorique: "Ce n'est pas par des moyens ordinaires, ni légaux qu'on est capable de régler... " On est obligé de procéder par des... Nous faisons... "C'est dans une impasse la plus totale que le conseil de médiation n'a certes pas agi dans les cadres traditionnels d'une médiation et est forcé de prendre des mesures exceptionnelles pour tenter de remplir son mandat adéquatement." Est-ce que ce n'est pas avouer son incapacité totale et est-ce que c'est pour cela qu'on est ce matin réuni en commission parlementaire pour justifier le rapport? Il ajoute ceci: "Nous faisons face beaucoup plus à un problème d'ordre social que de relations de travail." Il a parfaitement raison.

Si le ministre avait lu le rapport tel qu'il est écrit... "Il nous faut donc, dans l'élaboration des solutions possibles, tenir compte de ce fait..." que ce n'est pas au point de vue d'un problème de relations de travail, mais que c'est simplement un problème d'ordre social. C'est écrit dans le rapport. Est-ce qu'on est ici pour justifier ce rapport?

M. le Président, je vais essayer de rester calme, sans m'aigrir contre personne. J'ai assez eu à m'aigrir sur moi-même dans le temps sans m'aigrir contre les autres. Une question que je voudrais poser, puisqu'on est encore à cela, puisqu'on est encore, depuis deux heures et demie ou trois heures de temps, sur le rapport du conseil de médiation, parmi les sept recommandations que vous avez faites, M. le sous-ministre, croyez-vous qu'il y

en a quelques-unes qui ont reçu, de la part de l'autorité patronale, une certaine reconnaissance?

M. Johnson: Est-ce que c'est une question?

M. Bellemare: Non, c'est parce que vous avez des lettres, ce matin, de la partie patronale...

M. Johnson: Oui, oui.

M. Bellemare: ... comme vous en avez lu de la CSN dans lesquelles elles se disaient prêtes à collaborer sur les sept recommandations que vous aviez faites. J'ai cru comprendre qu'il y avait beaucoup de bonne foi, contrairement à ce qu'a affirmé le ministre, à savoir qu'il n'y avait pas de bonne foi de la part de la compagnie, ni de la part du syndicat pour en venir à une entente et que c'est pour cela que la commission parlementaire siégeait. Je pense que le sous-ministre, M. Blain, pourrait nous dire si la première recommandation qui est de procéder à l'établissement de la liste de tous les employés couverts par l'accréditation a été faite.

M. Johnson: Je vous ai lu ce matin, M. Bellemare, la lettre que me faisait parvenir M. Caine, le président...

M. Bellemare: C'est bien mon nom, M. le sous-ministre, mais en commission parlementaire, on m'appelle M. le député de Johnson.

M. Johnson: M. le député de Johnson. M. Bellemare: J'aime mieux cela. M. Johnson: M. le député de Johnson... M.Bellemare: Merci, monsieur.

M. Johnson: J'ai lu ce matin une lettre — je ne suis pas habitué à être en commission parlementaire, vous m'excuserez — de M. Caine, faisant suite au dépôt de notre rapport. Je pense que, quand on lit la lettre, je peux la relire, si vous voulez.

M. Bellemare: Non, je l'ai notée. D'ailleurs, j'en ai une copie.

M. Johnson: Je pense qu'à toutes fins utiles il ne mentionne aucune recommandation du rapport.

M. Bellemare: D'après vous, qui êtes président du conseil de médiation, est-ce que vous pouvez admettre, à partir de cet instant, qu'il a manqué de bonne foi pour négocier?

M. Johnson: Je ne porte pas de jugement.

M. Bellemare: Vous ne portez pas de jugement, mais vous avez devant vous des faits.

M. Johnson: Oui.

M. Bellemare: On n'a pas entendu un mot encore de la compagnie, ni un mot de la CSN.

M. Johnson: Cela va venir.

M. Bellemare: Cela va venir quand? Quand le temps va être expiré?

M. Johnson: On n'attend que vous...

M. Bellemare: Oui, on n'attend que vous... Vous avez monologué pendant une heure ce matin pour ne rien dire, pour essayer de vous abrier. Arrêtez votre singerie. Loin de moi de vouloir critiquer le rapport, mais, l'ayant lu plusieurs fois, l'ayant noté à maintes reprises et considérant que vos recommandations étaient dictées par l'expérience d'un homme qui connaissait véritablement les problèmes majeurs qui sont en cause, j'ai trouvé que, dans la recommandation no 1, la liste était déposée. Deuxième recommandation, sur la base de l'ancienneté de l'usine, cela aussi. Troisièmement, le rappel au travail, cela pourrait durer une année. Jamais personne ne s'est opposé à cela. Quatrièmement, il y a votre suggestion d'un arbitre qui serait nommé, mais vous ne dites pas qui représenterait qui. Est-ce qu'il serait nommé par la CSN ou par les Rembourreurs unis d'Amérique?

M. Johnson: Les parties s'entendront pour choisir un arbitre. Sinon, en cas de mésentente, le ministre nommera.

M. Bellemare: Qui aura le mandat de statuer... Pardon?

M. Johnson: En cas de mésentente, le ministre nommera un arbitre. D'accord?

M. Bellemare: Oui, mais vous dites dans votre rapport qu'il y aura deux assesseurs. Est-ce qu'un assesseur sera...

M. Johnson: Non, au conseil de médiation, la recommandation 7 pour l'espèce de comité de médiation d'abord, dans un premier temps, et s'il n'y avait pas entente, l'arbitrage par la suite, c'est avec un assesseur patronal et syndical. Au niveau de l'application du mécanisme de l'ancienneté, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, c'est un arbitre seul qui doit être choisi par les parties. À défaut d'entente, le ministre nomme.

M. Bellemare: D'accord. La recommandation 5, l'ancienneté continue de s'accumuler. Jamais la compagnie, ni la CSN ne s'est opposée à cela. D'ailleurs, dans la lettre de la CSN que vous nous avez lue, elle acceptait presque toutes vos recommandations. La recommandation 6, en probation le 14 septembre 1977 concernant l'ancienneté acquise à cette date, la compagnie n'a jamais dit, mon cher monsieur, qu'elle n'accepterait pas cela.

Au contraire, c'est pour venir à dire, M. le sous-ministre...

M. Johnson: La compagnie n'a pas accepté le rapport. Elle a refusé le rapport.

M. Bellemare: Un instant, monsieur! Seulement un instant! M. le juge Perry Meyer avait dit cette phrase: "Par contre, au lieu d'agir brutalement, une période de transition pourrait avoir lieu, s'il y avait, par exemple, des négociations amenant une nouvelle convention entre le syndicat et l'employeur. " C'est le juge qui avait dit cela dans son jugement. C'est pour dire que, ce matin, le ministre, dans son monologue qui a duré une heure, nous a dit: Je ne peux pas concevoir, dans un problème aussi crucial, qu'il y ait manque de bonne toi, qu'il y ait manque de collaboration et que, pour régler un problème, il faille que les parties soient désintéressées pour agir de bonne foi. Quand et où a-t-on pointé du doigt la mauvaise foi et de la CSN et de la compagnie? Je voudrais le savoir.

M. Johnson: M. le Président, si vous le permettez, je pense que c'est moi qui répondrai à cela plutôt que M. Blain. S'il désire y répondre, il est parfaitement libre. (16 h 15)

Ce que j'ai évoqué ce matin, c'est qu'il y a 702 inscriptions en Cour supérieure, 702 inscriptions différentes dans différents dossiers, procédures, comparutions. Il y a, si je me souviens bien, quelque chose comme à peu près huit actions principales, plus tous les interlocutoires, les intérimaires et les appels, les avis de motions préliminaires. C'est un fouillis, sur le plan juridique. Il y a peut-être une solution, un jour, qui va sortir de la Cour suprême, mais c'est clair qu'il n'y a pas de solution au niveau des tribunaux, en ce moment. Je ne nie pas le rôle important des tribunaux, mais ce que je suis capable de constater, par exemple, c'est que quand les gens se mettent à se servir du Code du travail, tant du côté patronal que syndical, pour aller en Cour supérieure de façon systématique pour judiciariser les conflits, ça donne des situations comme celle qu'on vit en ce moment à la Commonwealth Plywood, et ça, à mon avis, c'est peut-être significatif d'un comportement et ce comportement-là, ce n'est sûrement pas un exemple de bonne foi et de diligence. L'effort qu'on a fait avec le conseil de médiation — c'est vrai qu'on essaie de justifier cet effort — pas le justifier au sens où je me sens coupable, où j'essaie d'abrier, par une commission, l'impuissance du ministère. Je savais très bien qu'on se mettait au blanc en venant ici, ce matin, voyons donc! Il ne faut pas prendre les gens pour des naïfs. Mais ce qu'on dit, par exemple, c'est que tous les mécanismes possibles et imaginables, y compris ceux qui ne sont même pas prévus dans le code, ont été pris et, pour le moment, on est devant un cul-de-sac et on n'a pas accepté le rapport de médiation.

M. Bellemare: Je continue, M. le Président. Encore un monologue qui s'établit.

Il a dit, le ministre: On ne peut pas régler sans que les gens soient de bonne foi. J'ai vu des cas, moi, au ministère du Travail, où il manquait réellement... des gens qui n'étaient pas toujours animés d'un vouloir décisif de régler un problème. J'en ai vu en plusieurs circonstances. Mais comme ministre, par exemple, je suis intervenu et Dieu sait dans combien de cas où j'ai connu un certain résultat appréciable, mais quand il dit, par exemple, que les résultats prouveront qu'il y aura eu moins de grèves à cause de l'attitude qu'a prise le ministre, écoutez! Un instant! Un instant! On a cinq pages de grèves ici, monsieur, qui ne sont pas réglées et qui sont données par le ministère à tous les matins. J'en ai huit pages, a part de ça, d'autres en vertu de l'article 99 et, M. le Président, quand on regarde les statistiques officielles et qu'on voit qu'en Ontario, il y a 782 jours de perdus pendant les six premiers mois, janvier, février, mars et avril, les cinq premiers mois, et que chez nous, dans la province de Québec, avec un ministre qui se dit extraordinaire, on a, en Ontario, 365 000 jours de perdus et dans la province de Québec, 782 jours de travail de perdus...

Une voix: 782 000.

M. Bellemare: 782 000, merci. Cela, par exemple, c'est prouvé par les statistiques officielles.

M. le Président, ma question suivante est celle-ci... Vous avez sûrement hâte de l'entendre, je l'espère.

Comment cela se fait-il, M. Caine, que vous ayez pris la décision...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Monsieur le...

M. Johnson: ... n'a pas encore...

M. Bellemare: Je n'ai pas le droit de poser une question?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Johnson, c'est qu'actuellement je pense que c'est le conseil de la médiation qui est ici présent...

M. Bellemare: Et on n'a pas le droit de poser de questions à qui que ce soit?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Pas actuellement. L'ordre du jour, tel que suggéré par...

M. Bellemare: Ah! Ah!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... le député de Portneuf...

M. Bellemare: Vous ne voulez pas qu'on ait de...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... sera établi par après.

M. Pagé: ... a été battue.

M. Bellemare:... au moins que, par questions, que parce qu'ils n'ont pas eu la chance de se faire entendre...

M. Pagé: C'est battu, ça.

M. Bellemare: ... ni la CSN, ni la compagnie Commonwealth Plywood, qu'ils nous donnent des renseignements, après ce qu'ils viennent de nous dire. On n'a pas le droit, nous, de s'éclairer...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Johnson...

M. Bellemare: ... et de poser des questions.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Johnson, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bellemare: On va être obligé de suivre encore le dicta du ministre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Johnson, s'il vous plaît!

M. Johnson: Vous allez savoir, ça s'en vient.

M. Bellemare: Ah! Ah! Cela s'en vient, on vous connaît, vous!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît!

M. Johnson: Les prochains.

M. Bellemare: Oui, oui. Tiens, vous êtes revenu, vous...

M. Chevrette: ...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre!

M. Bellemare: Où étiez-vous allé? Vous êtes arrivé bien tard!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre! M. le député de Joliette-Montcalm, s'il vous plaît!

M. Chevrette: ... reposer les oreilles, j'étais fatigué de vous entendre.

M. Bellemare: Oui, vous avez besoin de vous éclairer d'autres choses pour comprendre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Johnson, s'il vous plaît, la pertinence du débat!

M. Bellemare: La pertinence du débat? On reste donc seulement vis-à-vis du conseil de la médiation.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Pour le moment, oui.

M. Bellemare: Rien que ça?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Pour le moment, oui.

M. Bellemare: Hum! Et on finit à quelle heure?

M. Johnson: On verra.

M. Bellemare: Quelle chance va-t-on avoir d'entendre les parties?

Une voix: Cela s'en vient.

M. Bellemare: M. le Président, il est dit, dans le rapport de médiation: Comment se fait-il que la CSN rencontre la compagnie pour négocier, fait une assemblée générale de ses membres et vote la grève alors que la CSN est en instance d'accréditation, reçoit son certificat d'accréditation du ministère le 3 octobre 1977? C'est vous qui dites cela. Répondez-moi. Est-ce logique, raisonnable et selon les us et coutumes de la tradition parlementaire ou de la tradition syndicale?

M. Johnson: C'est un fait qu'on nous a relaté et qu'on nous a donné. On l'a colligé et on l'a consigné au rapport et on a constaté cela. C'est une constatation. On n'avait pas de pouvoir de les poursuivre ou de faire quoi que ce soit. On a tout simplement dit: On a constaté que le 19 il y a eu une assemblée et qu'à un certain moment, il y a eu une grève et on a constaté que, seulement le 3 octobre, ils avaient été accrédités.

M. Bellemare: Vous qui avez une grande expérience, M. le sous-ministre, admettez-vous que c'est selon les conditions exigées par le Code du travail?

M. Johnson: Si cela avait été probablement très normal, on ne l'aurait peut-être pas mentionné!

M. Bellemare: Non. C'est justement pour cela que vous dites que vous êtes incapable de le régler au point de vue des relations de travail, parce que c'est un conflit plutôt social.

M. Johnson: Ce fait et d'autres faits aussi.

M. Bellemare: Oui, celui, par exemple, de Thériault qui fait imprimer des cartes et vous vous rendez compte vous-même et vous faites rapport au ministre dans ce temps-là. C'est sûr qu'avant d'écrire votre rapport, il s'est passé des choses

illégales. Ce sont des faux et vous les rapportez dans votre rapport, mais vous les saviez, vous les aviez dites avant le rapport au ministre et le ministre n'a rien fait. Il a laissé couler le temps.

M. Johnson: Voyons donc! Voyons donc! Ne dites pas n'importe quoi!

M. Bellemare: Vous avez admis tout à l'heure que c'étaient des faux. Vous avez admis que c'étaient des faux et vous n'avez rien fait pour empêcher cela, et que l'assemblée a été tenue et que parmi les 105, il y en avait quelques-uns qui n'avaient pas été invités.

Le rapport du conseil de médiation est cousu de fil blanc, parce que rapport qui veut sauver le ministre de son incapacité d'intervenir lui-même dans le conflit. Oui, Seigneur, priez pour nous! Délivrez-nous du "PQuiou".

Une chose qui reste sûre, M. le ministre, c'est que vous allez porter longtemps la responsabilité de cette non-participation comme ministre dans ce conflit.

Une autre question, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): ... s'il vous plaît!

M. Johnson: Si j'avais dit cela, j'aurais été rappelé à l'ordre.

Le Président (M. Cardinal): Je viens de le faire. Je vous prie de continuer.

M. Bellemare: Merci, M. le Président. Non, je vous dis que ce n'est pas drôle après avoir été commissaire comme vous l'avez été de la CECO, de vous voir dans cette Chambre, mon cher, vous moquer des unions, vous qui avez prêché une doctrine, qui en avez prêché une maudite...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre!

M. Bellemare: ... et vous en pratiquez un autre. Vous êtes un visage à deux faces, mon cher collègue, parce que ce que vous avez été comme commissaire et ce que vous êtes comme député, c'est bien différent.

M. Chevrette: S'il fallait qu'on prenne votre exemple, vous auriez l'air fin.

M. Bellemare: Votre attitude, aujourd'hui, est bien contraire à ce que vous avez prêché. Vous avez prêché la paix dans la société et qu'est-ce que vous prêchez aujourd'hui? Qu'est-ce que vous apportez comme résultat? Vous aviez des solutions merveilleuses à offrir à tout le monde. Que nous avez-vous offert depuis que vous êtes là, depuis deux ans que le "PQiou" est là, sauf répéter les mêmes erreurs que vos prédécesseurs?

Il y a eu une rencontre, dit le rapport du conseil de médiation: "... le 7 octobre, une rencontre de négociation a lieu avec la compagnie, nouvel exécutif élu..." Le sous-ministre pourrait-il nous dire ce qu'on a discuté à l'occasion de cette rencontre? A-t-on discuté des droits de ceux qui avaient été mis à pied? A-t-on discuté de l'ancienneté? A-t-on discuté de l'à-propos de soumettre certaines questions aux tribunaux? Vous n'avez sûrement pas écrit cela dans votre rapport, sans avoir des indications spéciales.

M. Johnson: C'est la déclaration de M. Thériault.

Le Président (M. Cardinal): Un instant. La question est posée au ministre. Le fonctionnaire peut répondre au nom du ministre.

M. Bellemare: La question est posée au sous-ministre... Cela fait trois heures qu'on ne discute que du conseil de la médiation, et on n'a pas encore entendu un mot des parties.

Le Président (M. Cardinal): La question est posée au ministre.

M. Johnson: Je pense qu'il y avait une question à... Allez, M. le sous-ministre. Le sous-ministre va répondre? Vous désirez que cela soit le sous-ministre M. Blain qui vous réponde? J'avoue que j'ai été distrait un quart de seconde et même si je m'étais concentré, j'aurais peut-être de la difficulté à comprendre.

M. Bellemare: II y a eu une rencontre de négociation entre le syndicat CSN et la compagnie. De quoi a-t-il été question à ce moment-là?

M. Johnson: Le 19.

M. Bellemare: On a dû le dire à ce moment-là au conseil. On a plaidé en faveur de l'ancienneté, en faveur de ceux qui avaient été mis à pied. On a plaidé...

M. Johnson: Vous parlez du 7 octobre? M. Bellemare: Le 7 octobre.

M. Johnson: La rencontre de négociation de la compagnie avec les membres du comité élu, là on parle du groupe de M. Thériault, même si c'est après le certificat d'accréditation qui a été décerné le 3 octobre.

M. Bellemare: On sait cela. Ne nous répétez pas des choses qu'on sait.

M. Johnson: Ce dont il s'agit et ce qui est évoqué là, selon ce qu'on peut en savoir, dans la mesure où on n'était pas présent...

M. Bellemare: Qu'est-ce qui a été discuté?

M. Johnson:... on n'était pas assis avec eux le 7 octobre...

M. Bellemare: Dans la mesure où ils n'ont rien dit encore.

M. Johnson: C'est cela. Alors, si vous leur permettez...

M. Bellemare: C'est cela. Quand vous avez parlé pendant une heure et demie, dans un monologue, on n'a rien pu savoir d'eux et vous voulez régler le problème, vous voulez que les parlementaires soient en position de savoir qui a raison ou tort. La commission a dit que personne ne sortirait grandi du rapport.

M. Johnson: Alors, est-ce que le député de Johnson veut une réponse ou est-ce qu'il veut continuer?

M. Bellemare: Je veux continuer. M. Johnson: Alors, allez-y.

M. Bellemare: Je n'ai pas de leçon à recevoir de vous, Fanfan.

M. Johnson: Allez-y.

M. Bellemare: Certain. M. le Président, il y a une chose qui reste sûre, c'est que la commission parlementaire, ce matin, a erré en donnant dans la stratégie du ministre qui voulait faire entendre d'abord le conseil de médiation pour essayer de se couvrir. C'est cela, tout le débat, M. le Président. C'est pour cela qu'on se lève avec véhémence contre l'attitude que prend la commission parlementaire de ne pas entendre les parties. On saurait, aujourd'hui, à l'heure qu'il est, des parties, de quoi cela retourne. On le saurait aujourd'hui parce que cela a été écrit par elles on a voulu prendre le rapport de la médiation et se justifier en lisant des pages et des pages. Mais qu'est-ce qu'on a su des parties? Qu'est-ce qu'on va savoir demain matin? Comment?

M. Vaillancourt (Jonquière): Taisez-vous et on va le savoir, on les attend.

M. Bellemare: On veut m'enlever mon droit de parole quand le ministre en a abusé.

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est vous qui ne voulez pas les entendre.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre!

M. Bellemare: Quand le ministre en a abusé en...

M. Vaillancourt (Jonquière): Petit politicien!

M. Bellemare: Cela vous fait mal de vous faire reprocher certains actes que votre ministre n'a pas faits. Cela vous fait mal.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Vaillancourt (Jonquière): Continuez votre "show", tout le monde est là et vous écoute.

M. Bellemare: Oui, je vais continuer, je ne fais que commencer.

M. Vaillancourt (Jonquière): Donnez votre "show".

M. Bellemare: Vous allez voir, vous allez voir autre chose, monsieur, pendant la session. C'est certain.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre!

M. Bellemare: Je vous en réserve de pas bonnes et de belles.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! La pertinence du débat, s'il vous plaît!

M. Bellemare: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Je voudrais avoir de vous une directive. Quand pourrons-nous entendre les parties?

Le Président (M. Cardinal): Quand la commission, comme je l'ai suggéré à la suspension de 12 h 26, voudra bien en venir à une proposition concernant l'ordre du jour de cette commission. Ce matin, à l'ajournement, ce n'est pas une justification, on m'a demandé le droit strict pour l'Opposition de répondre au discours inaugural du ministre et des fonctionnaires en son nom, ce que j'ai permis. C'est dans ce sens que je l'ai permis, pour donner l'égalité des chances à tous les parlementaires à cette commission. J'ai cependant suggéré, et je réitère mon invitation, que l'on en vienne à une proposition concernant l'écoute — j'aurais pu dire l'audition, mais l'écoute — des témoins qui, depuis ce matin, sont à votre écoute.

M. Pagé: Voyons donc!

M. Johnson: M. le Président, si le député de Johnson a terminé, vous me permettrez, avant que je ne suggère à la commission de commencer à entendre les témoins...

M. Bellemare: Je me tais tout de suite, M. le Président.

M. Johnson: D'accord.

M. Bellemare: Je suis tellement pressé d'entendre les deux parties...

M. Johnson: Oui, mais est-ce que vous vous taisez?

M. Bellemare: ... Oui, mais cela, M. le Président, parce qu'on exerce notre droit de parole comme parlementaire, on se fait accuser de faire des "shows". Pensez-vous que c'est raisonnable pour un député qui va aller prendre votre prési-

dence après? Vous pensez que c'est de l'égalité dans la poursuite de notre débat?

M. Johnson: Ce n'est sûrement pas raisonnable de faire des "shows".

M. Vaillancourt (Jonquière): Je n'irai pas.

M. Bellemare: Vous n'irez pas? Vous venez de vous...

Le Président (M. Cardinal): Je vous le demanderai, M. le député de Johnson. M. le ministre.

M. Johnson: Bon! Alors, cinq minutes au maximum.

M. Bellemare: M. le Président, cinq minutes, c'est aussi bien de vous dire qu'on ferme les portes. Quand il a pris une heure et quart pour faire un monologue, cinq minutes, non M. le Président, cela n'a pas de bon sens. On ne peut pas mettre une limite.

Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît!

M. Bellemare: II y a des choses trop graves à dire de part et d'autre pour qu'on limite à cinq minutes. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas parlementaire et je m'oppose à cela, M. le Président. Cela n'a pas de bon sens. Le ministre est en train de commettre encore une turpitude de vouloir empêcher la vérité de sortir. (16 h 30)

Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît, à l'ordre! M. le député de Johnson, à l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Johnson, si j'ai bien compris le ministre, il ne demande pas que la commission prenne cinq minutes, il demande de prendre cinq minutes pour lui avant que nous ne procédions à l'audition des témoins.

M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Johnson: M. le Président, j'ai bien dit que j'allais me limiter à cinq minutes au maximum et après, je ferai la suggestion que nous commencions à entendre les parties, j'ai dressé une liste que je vais vous soumettre. Mais avant de procéder à ça, je ne peux pas ne pas relever certaines affirmations qui ont été faites par l'Opposition.

D'abord, à l'adresse du député de Saint-Laurent qui semble avoir trouvé, dans sa grande sagesse, la solution simple au conflit de Commonwealth Plywood je peux lui dire que ça me fera plaisir de lui donner un mandat de médiation s'il pense qu'il a la solution. Il nous a dit tout à l'heure que c'était très simple, il s'agissait seulement de savoir si au mois de septembre la compagnie avait congédié du monde pour activités syndicales ou pas et deuxièmement, si c'était pour des raisons économiques; troisièmement, on va attendre que la convention collective expire.

Parfois, je pense que le député de Saint-Laurent n'a pas lu le dossier, il ne s'est pas rendu compte qu'il y a un problème à la Commonwealth

Plywood. Deuxièmement, le député de Saint-Laurent s'est outré, comme un ex-universitaire qu'il est, de l'intervention de celui qui vous parle et de l'intervention du pouvoir législatif, donc des hommes politiques, dans le conflit de Commonwealth Plywood. Je ferai remarquer d'abord à l'Opposition que cette intervention se situe dans le cadre d'une commission parlementaire et non pas dans des communiqués de presse et dans l'émission de demi-vérités par la voie des journaux ou par la voie de déclarations à la radio ou à la télévision. Ce qu'on fait, c'est qu'on vient à la commission parlementaire et on est prêt à entendre les parties et au bout de deux heures et demie, j'ai bien hâte qu'on le fasse. D'autre part celui qui vous parle n'entend pas abdiquer de sa responsabilité comme membre d'un gouvernement, pour faire en sorte que quand l'ordre social est en jeu, ce Parlement et cette Chambre soient saisis de la nature des problèmes dont il s'agit, et que c'est une solution, à mon avis, d'irresponsabilité et de lâcheté de la part du député de Saint-Laurent de laisser entendre qu'il faudrait simplement laisser tout ça à une interprétation juridique qui viendra peut-être un jour...

M. Pagé: ... cette commission-là aujourd'hui, ça va régler quoi?

M. Johnson: S'il vous plaît, s'il vous plaît! M. Pagé: Voyons donc!

M. Johnson: Je ne vous ai pas interrompu, jeune homme? Je ne vous ai pas interrompu, M. le député de Portneuf? Voilà.

M. Pagé: Soyez quand même poli.

M. Johnson: Le gouvernement n'entend pas abdiquer de sa responsabilité et celui qui vous parle non plus. Je ne reviendrai pas sur les étapes nombreuses qui ont amené le ministère et celui qui vous parle à faire des efforts dans ce conflit pour essayer d'obtenir un règlement, cela a été impossible et je pense que cette Chambre a le droit d'en être saisi et a le droit, au grand jour, au su et au vu de tout le monde, de faire en sorte qu'à nu, la vérité sorte ici, dans la mesure où on a effectivement la possibilité d'obtenir certains éclaircissements sur le conflit de Commonwealth Plywood.

Ce n'est pas parce que les tribunaux sont saisis d'une cause que ça veut dire que le pouvoir législatif va abdiquer de ses responsabilités. En ce sens, je n'y vois pas une usurpation du pouvoir exécutif, bien au contraire j'y vois la prise de responsabilité par un gouvernement qui n'a pas peur d'étaler, sur la place publique, quelle est la situation dans un conflit qui pourrit et qui est en train de mettre en jeu dans toute une région, dans toute une ville, l'ordre social, le climat, la sérénité et finalement la justice et la dignité des personnes.

Quant aux remarques du député de Saint-Laurent également et au procès d'intention qu'il

m'a fait sur la présence du commissaire général du travail parmi nous, je lui ferai remarquer que je n'entends pas et que je n'ai jamais téléguidé quelque intervention que ce soit du commissaire général du travail. Si le député de Saint-Laurent a des accusations à faire, je l'inviterais à les faire de façon précise dans le salon bleu, à l'ouverture de la session. Je suis prêt à mettre mon siège en jeu sur des affirmations comme celles qu'il a faites n'importe quand. J'aimerais qu'il mette son siège en jeu là-dessus. Si le commissaire général du travail est ici aujourd'hui, c'est qu'on présumait qu'il y aurait peut-être des questions posées par l'Opposition sur la notion du dépôt de convention collective et, d'autre part, sur la question des licenciements collectifs et des plaintes dites de congédiement pour activités syndicales, c'est sa juridiction et non pas celle de celui qui vous parle.

Finalement, quant au discours que j'ai un peu de difficulté à saisir, du député de Johnson, je me rends compte qu'essentiellement, il s'agit d'une série de répétitions, d'affirmations vagues, de recours, à mon avis, qui démontrent une absence de concentration sur nos travaux — c'est le moins qu'on puisse en dire — et qu'il fait flèche de n'importe quel bois, pour ne pas dire de tout bois.

En ce sens-là, je pense que la plupart de ses affirmations ne méritent même pas d'être relevées.

M. le Président, je vous demanderais, s'il vous plaît, d'appeler M. Gérard Gagné.

Le Président (M. Cardinal): Si la commission est d'accord.

M. Pagé: M. le Président, est-ce qu'on pourrait fixer un ordre des travaux? Je conviens que la motion que j'ai faite ce matin...

M. Johnson: Je pourrais peut-être faire une motion dans ce sens-là.

M. Pagé: Oui.

M. Johnson: La motion serait pour entendre respectivement, dans l'ordre suivant: M. Gérard Gagné, qui est président du syndicat, local CSN, le président du syndicat qui a obtenu l'accréditation le 3 octobre; M. Ghislain Hallé de la Fédération nationale du bâtiment et du bois; M. Marcel Pepin de la CSN, suivi de M. Ernest Lévesque, qui est président du groupe de l'intérieur, élu par l'assemblée du 3, je pense; Mlle Hélène Grignon, je pense, qui agit comme secrétaire du groupe; M. Donat Thériault, de l'Union internationale des rembourreurs unis d'Amérique; M. W.P. Caine, président de la Commonwealth Plywood, et Me Pierre Fournier, avocat chez Byers, Casgrain.

M. Bellemare: Je pense, M. le Président, qu'il y a une discrimination visible que l'on veut exercer contre la Commonwealth Plywood. On devrait entendre le syndicat d'abord, très bien, qui que ce soit, M. Rodrigue, M. Hallé ou M. Gagné, mais on devrait donner une chance à la compagnie de répondre immédiatement à certaines allusions qui vont être faites, pour qu'on puisse entrer en cause par une série de questions.

Mon intervention est bien frivole, M. le Président. Après ce qu'il m'a dit, je m'en fous comme de l'an quarante. J'ai déjà entendu cela bien des fois, au sujet de plusieurs autres.

Le Président (M. Cardinal): Laissez faire le surplus. M. le député de Johnson, je vous pose une question précise. Je n'ai pas encore de motion devant moi et je ne cours pas après une motion, parce que je sais qu'il y aurait un débat sur la motion. Je vous dis simplement que, si la commission désire entendre Commonwealth Plywood au deuxième rang, vous savez qu'à ce moment-là, elle serait entendue.

M. Bellemare: Mais elle a ses procureurs.

Le Président (M. Cardinal): Attention. Vous savez qu'une fois qu'un témoin aura été entendu, il ne pourra plus revenir. Vous êtes d'accord? Il faudrait que la commission...

M. Pagé: M. le Président, il n'y a rien qui interdit — cela s'est déjà fait dans le passé — lorsque la CSN, M. Gagné, M. Lévesque ou autres comparaîtront, et qu'ils nous feront part de commentaires ou d'informations quelconques, de poser des questions à la Commonwealth Plywood. C'est le sens de la requête du député de Johnson.

Le Président (M. Cardinal): C'est autre chose. Pour ce qui est de poser des questions, je suis entièrement d'accord. Dans ce sens-là, je n'ai aucun...

M. Pagé: Tout le monde est d'accord. Vous l'acceptez?

Le Président (M. Cardinal): Je l'accepte, sauf que je demande si l'ordre prévu par le ministre est accepté.

M. Forget: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Une question sur la procédure. Il est coutumier que, lorsqu'on invite un organisme, on s'adresse à un représentant de l'organisme en question qui expose le point de vue officiel, soit par la présentation d'un mémoire ou en répondant à des questions.

Le ministre, ici, adopte une attitude nouvelle où il fait comparaître, pour la même partie, le même groupe, plusieurs personnes et ce, à titre séparé. Chacun apparaît comme une rubrique distincte dans l'ordre de nos travaux.

Est-ce qu'on doit comprendre qu'il veut aller au-delà de l'expression officielle des points de vue des parties, pour essayer de faire une enquête, les mettre en contradiction les uns avec les autres? Je ne vois pas le sens de faire entendre quatre

personnes de la CSN, trois ou quatre personnes de l'Union des rembourreurs d'Amérique et même deux personnes du côté de l'employeur, si on distingue M. Caine du bureau d'avocats qu'il représente. Je trouve que c'est là une procédure qui n'est pas usuelle et je me demande le sens qu'il faut lui attacher.

Le Président (M. Cardinal): Vous me posez une question qui est d'opinion. Vous savez bien que je n'y répondrai jamais. Vous connaissez suffisamment le règlement, M. le député de Saint-Laurent, de même que nos procédés.

Je ne reviens pas sur le passé de cette commission. Je désire, comme président, être en dehors de ces questions d'opinion, de choix. Je vous ai simplement mentionné ce matin qui avait été invité. Je demande à la commission, une autre fois, comment elle veut procéder et j'oserais penser qu'à nouveau nous ne tomberons pas dans la procédure.

Je suis d'accord avec le député de Portneuf qu'on peut toujours poser des questions à toutes les personnes qui sont ici et qui pourront se présenter devant vous, mais je ne puis pas...

M. Pagé: Au moment de leur comparution.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, mais je ne puis pas dire pourquoi il y a trois personnes de tel groupe, deux de tel groupe, une de tel groupe.

M. Johnson: La question m'était adressée.

M. Forget: Est-ce que cela va à l'encontre du règlement que le ministre réponde à ces questions?

Le Président (M. Cardinal): Je n'y ai aucune objection s'il le désire.

M. Pagé: Que le ministre nous le dise.

M. Johnson: Je pense que la question du député de Saint-Laurent m'était adressée. Il y a effectivement trois personnes de la CSN dans la mesure où M. Gagné était président du groupe de l'intérieur, M. Hallé, de la FNBB et M. Pepin, de la centrale. Ces personnes, de même que dans le cas de M. Lévesque, de Mlle Grignon et de M. Thériault pour le groupe dit de l'intérieur, je demande qu'elles soient convoquées à titre individuel, à cause de leur participation très précise aux événements qui ont été relatés lors du résumé fait du rapport de médiation.

M. Forget: C'est donc une enquête, dans l'esprit d'une enquête sur les faits.

M. Johnson: Ce sont des éclaircissements. Oui, je pense qu'il y a quelques questions très précises sur lesquelles on pourrait obtenir des réponses. Quant à M. Caine, évidemment, il est appelé à titre de représentant de la compagnie, de président de la compagnie Commonwealth

Plywood. Me Fournier, pour sa part, comme on a pu le voir dans le rapport de médiation, a participé à titre de procureur, je présume, à la séance de négociation ou aux séances de négociation, en tout cas, à la séance de la signature de la convention collective. J'aurais quelques questions précises à lui poser sur ce qui s'est passé à ce moment-là, en étant bien conscient que ce qui relève du secret professionnel sera respecté. Il s'agit de questions de faits et non pas de confidences de clients à avocat.

Je suggérerais, si le député de Saint-Laurent et le député de Portneuf étaient d'accord, qu'on entende un premier témoin pour voir comment cela se déroule. Je pense que ce serait tellement plus simple.

M. Forget: Je n'ai pas d'objection.

M. Bellemare: M. le Président, on dit que les lignes ont été tracées. On va avoir l'air drôlement...

Le Président (M. Cardinal): Attention! Comme vous le savez, nous avons connu d'autres commissions parlementaires. Nous n'avons pas pour une seule journée établie que telle personne parlera pendant tant de minutes, etc. Nous ne l'avons pas fait, c'est à la commission de le faire et non pas au président. Si la commission est d'accord pour que nous commencions par un invité et que, selon le déroulement de ce qui se produira, nous révisions nos positions, c'est sûr que je serai votre serviteur. Est-ce que j'invite M. Gérard Gagné? Oui.

M. Rodrigue (Norbert): J'aurais une précision à faire. À titre de président de la CSN, je voudrais dire que la proposition ou le consensus auquel en arrive la commission, nous allons quant à nous le suivre, mais s'il y avait des privilèges d'accordés en cours de route à qui que ce soit ou à quelque autre partie que ce soit, nous entendons nous en prévaloir.

Une voix: Vous pourrez intervenir.

Le Président (M. Cardinal): Vous pourrez intervenir dans le cadre de nos façons de procéder. Je m'excuse. M. Gérard Gagné, s'il vous plaît!

M. Gagné (Gérard): Oui. Premièrement...

Le Président (M. Cardinal): Si vous voulez... S'il vous plaît! Nous connaissons déjà votre nom, vos titres...

Une voix: Vous identifier.

Le Président (M. Cardinal): C'est pour les fins du journal des Débats.

Confédération des syndicats nationaux

M. Gagné: Gérard Gagné, président de la CSN à la Commonwealth Plywood.

Premièrement, M. le Président, j'aurais deux questions à répondre. M. le député les a posées tout à l'heure. Il disait que c'était la centrale... Lorsque nous avons fait une assemblée, il n'était pas là. Ce sont les travailleurs qui ont décidé, démocratiquement, de la façon où cela allait se dérouler, c'est-à-dire que, lorsqu'ils ont décidé d'aller voir M. Caine, un matin, nous y sommes allés avec deux représentants de la CSN. Là-dessus, on avait demandé à M. Caine... La CSN lui avait même offert, pour cette chose économique, comme il le disait, des gars spécialisés là-dedans. On lui avait aussi parlé de l'ancienneté. On lui avait même dit que, vu les 105 mises à pied, il était censé y avoir une loi qui demandait, je pense, trois mois d'avis. On lui avait demandé de reprendre les 105 employés et dit que, s'il voulait faire des mises à pied, il devait les faire dans les trois mois. Donc, sa réponse a été non. (16 h 45)

Pour une autre question, si c'était pour se débarrasser du syndicat, de notre côté, c'était clair et net que M. Caine voulait se débarrasser du syndicat, parce que M. Caine, jusqu'au 30 août, a engagé du nouveau personnel, une trentaine, et au 5 septembre, il y a 105 mises à pied. Parmi les 105 employés mis à pied, il y en a trois qui n'ont pas la carte de la CSN. Donc, j'ai répondu aux deux premières questions de M. le député.

De notre côté, lorsqu'on a fait une assemblée, c'était uniquement parce qu'il était censé y avoir des droits, et c'est un droit fondamental, d'après nous, de choisir notre union, de ne pas nous la faire imposer par M. Caine et aussi d'avoir le droit de négocier. Si nous sommes tombés en grève avant d'avoir notre accréditation, c'est parce que nous avons jugé, nous, les travailleurs, pas Norbert Rodrigue, nous avons pensé que c'était M. Caine qui partait illégalement, vu qu'il allait contre une loi qui supposément existe.

Pour l'ancienneté, je crois que, dans la convention collective qu'il y avait avant avec M. Thériault, M. Caine était capable de l'organiser comme il le voulait, parce que, lorsqu'il y avait des mises à pied, on n'avait pas le droit au grief. Il y a une chose curieuse, c'est qu'avant le 5 septembre 1977 il n'y a pas eu de mise à pied massive, et, d'un coup sec, floc! C'est par cela qu'il nous est apparu qu'il voulait écraser le syndicat.

Pourquoi a-t-on changé de syndicat? Je vais vous expliquer cela en quelques mots. Premièrement, parce que, dans la convention collective qu'on avait de M. Thériault, les rembourreurs, local 388, il n'y avait absolument rien de bon pour nous, c'est-à-dire que c'était un petit livre de comiques. Premièrement, la sécurité. Vous devez être au courant comment on procédait avec les accidents de travail, parce que vous devez certainement avoir entendu parler des accidents de travail, car il y en a eu. Quand un gars se coupe deux doigts et que le "foreman" va lui dire que ce n'est pas grave, qu'il lui en reste huit, c'est grave.

Un autre gars, qui se prend un pied dans une courroie et il demande au mécanicien combien de temps ça lui prendra pour démonter la machine, ça lui prend une heure, il dit: Démonte la machine, et le gars a coupé la courroie pour le déprendre, et il a eu des bêtises.

Du côté de l'ancienneté, c'était encore la même patente, parce que s'il le voulait, M. Caine mettait dehors une personne de 22 ans. Et moi, il m'engageait le midi et le lendemain je prenais la place de ce gars-là. C'était comme ça. C'est écrit dans la convention collective.

Il y avait aussi, côté des fêtes payées, si on arrivait plus tard que trois minutes, la veille ou le lendemain de la fête, ta fête n'était pas payée. Lors d'un décès, lorsque tes parents proches mouraient, il fallait que tu avertisses 24 heures avant qu'ils meurent — ça, c'est dans la convention collective — mais une chose que je ne comprends pas, c'est que ça nous a pris beaucoup de temps à se réveiller.

Je tiens à vous dire un peu pourquoi on s'est réveillé, c'est parce qu'en juillet, on avait changé tout l'exécutif, et je crois que c'était la première fois qu'on changeait l'exécutif de Thériault; depuis que M. Thériault était là avec son union, c'est alors qu'on s'est aperçu qu'il se passait des petites patentes. C'est pour ça qu'on a décidé, le 13 août... C'est nous qui avons décidé d'aller à la CSN, ce n'est pas la CSN qui est venue à nous. Pourquoi? Parce qu'il y avait une autre "shop", proche de la nôtre, qui avait M. Thériault à l'intérieur et la CSN venait de rentrer là, et on sait quel ouvrage la CSN a fait dans cette "shop".

Aucune "shop" de meubles avait une convention collective comme la CSN. Tout ça ensemble, ça nous a fait réfléchir, et c'est alors qu'on a décidé de changer de syndicat. Mais on s'est aperçu, en cours de route — je parle d'un petit peu plus loin — que le rapport de médiation rapporte que M. Thériault a dit qu'il y avait une ligne de piquetage, les 15 et 16; et moi, je vais vous dire, ici, que les 15 et 16, vous n'avez qu'à aller voir M. Caine et regarder notre carte de "punch", on était au travail.

Le 19, on a tenu une assemblée générale et tout le monde était invité. Dans cette assemblée, on avait parlé de bien des choses, premièrement, d'aller le rencontrer et d'essayer de s'organiser pour qu'il reprenne les 105 mis à pied, en attendant que les trois mois s'écoulent; après, il aurait pu faire des mises à pied par l'ancienneté, mais vu que le patron, M. Caine, n'a rien voulu savoir, c'est alors qu'on a décidé de faire une grève.

On le savait mauditement bien, qu'on n'avait pas notre accréditation, mais on savait aussi que c'était le seul moyen de se battre, parce que nous autres, notre seul moyen, c'était nous. Quand je dis nous, nous, les travailleurs. On sait aussi, vous le savez, vous en avez parlé dans le rapport de médiation, que le 3 octobre, on a eu notre accréditation, mais, encore là, comment cela se fait-il que M. Thériault n'accorde aucune importance au fait que la CSN entre là? Comment cela se fait-il que, le 3 octobre, c'est-à-dire la journée qu'on a eu notre accréditation, il fait des assemblées et qu'il fait signer des cartes au nom de la CSN?

Comment cela se fait-il que ces gens ont le droit et nous, qui avons notre accréditation, on se fait passer pour des bandits? Comment cela se fait-il que les autres ont le droit de tout faire et que nous n'avons même pas le droit de faire du piquetage en avant de la Commonwealth Plywood? J'espère, M. le Président, que vous allez m'éclairer aujourd'hui là-dessus.

On sait qu'on a eu des injonctions, qu'on a eu des outrages au tribunal. On sait aussi qu'on a eu, avant les injonctions, la police locale parce que là, la première journée, les "scabs" — pour moi, ce sont des "scabs" — sont entrés dans la "shop" de M. Caine. Ils avaient laissé leur auto au poste de police et les camions loués par M. Caine, avec l'aide de la police, leur faisaient franchir la ligne de piquetage.

Maintenant, je suis prêt à répondre aux questions qui seront posées.

Le Président (M. Cardinal): On vous remercie, monsieur. M. le ministre d'abord et vous suivrez l'ordre des partis.

M. Johnson: M. Gagné, vous avez évoqué, tout à l'heure, que vous considériez, comme travailleur de la Commonwealth Plywood, que les conditions que vous aviez dans la convention collective qui précédait le maraudage par la CSN auquel vous avez participé — on sait que vous avez été un des animateurs, dans la mesure où vous avez été président du syndicat — vous avez évoqué le fait que vous aviez des conditions, comme, par exemple, absence du droit de grief, etc. J'ai également lu les textes. Je peux également avoir une opinion sur la valeur de cette convention collective en termes de conditions. Je ne peux cependant pas porter de jugement quant aux circonstances dans lesquelles cela a été fait dans le passé, mais je voudrais qu'on se comprenne bien, ce n'est pas là-dessus que je m'adresse à vous.

Ce qu'on essaie de savoir à cette commission, c'est ceci: Quels sont les événements qui se sont passés et dont vous avez été un des acteurs, à un certain moment, qui nous ont amenés dans la situation qu'on connaît aujourd'hui? C'est pourquoi j'aurais besoin de connaître certaines choses, comme, par exemple, le nombre de membres que vous aviez au 30 août 1977.

Quel est le nombre de membres que vous aviez à peu près à la fin du mois d'août 1977?

M. Gagné: Aux alentours de 140 à 145.

M. Johnson: Très bien. Au moment où on se parle, vous en avez combien?

M. Gagné: Au moment où on se parle, le 19, le 20, il y en a qui sont entrés. Il y en a qui sont venus signer leur carte CSN.

M. Johnson: Combien? (17 heures)

M. Gagné: Je crois qu'on a atteint 185 ou quelque chose comme cela.

M. Johnson: Combien de membres à peu près en ce moment?

M. Gagné: On a atteint 185 à peu près, à un moment donné.

M. Johnson: Mais je vous dis: Au moment où on se parle, vous avez plus de membres qu'au mois d'août 1977? Au moment où on se parle. Je vous parle de septembre 1978. Vous avez combien de membres de la CSN à la Commonwealth Plywood?

M. Gagné: Là, on reste 100.

M. Johnson: Combien sont à l'emploi de la compagnie en ce moment, en ce sens, pour éviter les chinoiseries sur le plan de l'interprétation du mot emploi, il y en a combien qui travaillent dans la compagnie, sur les 100 que vous avez comme membres, qui sont dans votre fichier?

M. Gagné: Pour vous le dire précisément, je ne peux pas les compter, parce qu'ils entrent, on ne peut pas aller dans la "shop" pour les compter, mais d'après moi, en dedans, ils doivent être environ 65 jusqu'à maintenant.

M. Johnson: Et d'après vous est-ce que ce sont des membres de la CSN, qui est le syndicat dont vous êtes le président?

M. Gagné: II y en a.

M. Johnson: Pas tous.

M. Gagné: Pas tous, mais il y en a.

M. Johnson: Combien à peu près? M. Gagné: Une trentaine à peu près.

M. Johnson: Alors, ce que vous me dites c'est qu'au moment où on se parle vous avez 70 membres à peu près de la CSN qui ne sont pas dans l'usine. Est-ce que c'est exact de dire cela, M. Gagné?

M. Gagné: On en a plus que 70. Les 100 que je comptais, ce n'était pas exactement avec ceux qui étaient en dedans.

M. Johnson: D'accord. C'est cela. À l'origine, vous en aviez 130 à 140 en 1977 et là vous me dites une centaine. Vous m'avez dit que parmi ceux qui sont en dedans, il y en a peut-être une trentaine qui sont membres de la CSN. C'est pour cela que je vous demandais, à toutes fins utiles, ce qui vous reste, c'est 70 membres et vous n'êtes pas sûr.

M. Gagné: Ce qui nous reste à l'heure actuelle c'est, avec le fonds de la CSN... Il y en a encore 85 sur le fonds de la CSN, qui sont en grève.

M. Johnson: Qui sont des gens qui ont déjà été des employés de la Commonwealth Plywood avant les licenciements.

M. Gagné: Oui.

M. Johnson: D'accord.

M. Gagné: Oui, ils sont en grève.

M. Johnson: Le 15 septembre, est-ce que vous avez un souvenir du 15 septembre, qui est la date à laquelle M. Thériault allègue qu'il y a eu du piquetage? Vous, vous venez nous dire que non. Finalement on est pris entre vos deux paroles. Le 15 septembre, est-ce qu'il y a eu des événements à la Commonwealth Plywood, un incendie ou du sabotage allégués, des cassures de vitres, quelque chose comme cela? Est-ce qu'il y a eu cela le 15 septembre?

M. Gagné: Le 15 septembre, c'était une journée normale, comme le 7, le 9. Le monde travaillait.

M. Johnson: D'accord.

M. Gagné: II n'y avait pas eu de casse parce que c'était une journée normale, comme d'habitude, comme toutes les autres journées. Le monde travaillait.

M. Johnson: Entre le 15 et le 19, le 16, le 17 ou le 18, avant le 19, avant l'assemblée générale que vous avez tenue, est-ce qu'il s'est passé quelque chose de spécial à la Commonwealth Plywood? Est-ce qu'il y a du monde qui est sorti? Est-ce qu'il y a du monde qui a occupé l'usine? Est-ce qu'il y a du monde qui a cassé des vitres?

M. Gagné: Pas à ma connaissance.

M. Johnson: Pas à votre connaissance. Donc, pour vous, les activités du "conflit" ont commencé à partir du 19. C'était la situation normale à la Commonwealth Plywood avant le 19 septembre, je veux dire normale au sens où le monde travaillait, il y avait un gros problème quant à qui négocierait et il y avait un problème quant au licenciement qui s'en venait, mais le monde travaillait. Cela marchait comme d'habitude dans l'usine.

M. Gagné: Cela marchait comme d'habitude, excepté qu'il y avait des bonnes soeurs d'engagées depuis le 9 septembre. Il y a seulement une chose qu'on avait remarquée dans la semaine du 16. Un matin on est arrivé et les toilettes étaient peinturées.

M. Johnson: Le 19, avant de sortir en grève, alors que vous n'aviez pas encore de certificat d'accréditation, vous êtes conscient de ça, M. Gagné, le 19, vous avez déclenché une grève alors que vous n'étiez pas un syndicat au sens du Code du travail? Vous êtes devenu un syndicat au sens du Code du travail, c'est-à-dire une association accréditée, seulement le 3 octobre. Le 19, vous avez fait grève, vous avez fait ça avant ou après la convocation de l'assemblée générale?

M. Gagné: Après. On est allé en assemblée générale, ça s'est décidé là, le droit de grève, avec un vote de 95%.

M. Johnson: Donc, jusqu'à l'assemblée générale, ce que vous m'affirmez, c'est que, jusqu'à l'assemblée générale du 19, c'étaient des activités normales qui se déroulaient dans la compagnie et il n'y avait pas de piquetage, il n'y avait pas de grève sur le tas, il n'y avait pas de ralentissement de travail, il n'y avait pas de manifestation devant l'usine, il n'y avait pas de "casseux".

M. Gagné: II y a eu un ralentissement de travail en dedans, le 16, mais ça travaillait.

M. Johnson: II y a eu un ralentissement en dedans le 16.

M. Gagné: II y en avait 118 qui étaient mis à pied, ils travaillaient moins vite que s'ils n'avaient pas été mis à pied.

M. Johnson: Ouais, ça, j'ai compris ça, M. Gagné, au début. Je parle des gens qui étaient parmi les 105 non mis à pied, est-ce qu'ils travaillaient normalement ou est-ce qu'ils se sont adonnés à des activités de ralentissement volontaire de travail sur place?

M. Gagné: C'est-à-dire qu'on suivait les autres.

M. Johnson: Les autres étaient partis, vous n'avez donc pas travaillé fort ce jour-là. C'est ça?

M. Gagné: Ils n'étaient pas partis, ils étaient dans la "shop".

M. Johnson: D'accord. Est-ce que vous avez participé à une négociation vous-même, le 19 septembre, avec le président de la Commonwealth, M. Caine?

M. Gagné: Oui, je suis allé avec eux autres.

M. Johnson: Oui. De quoi s'est-il agi à ce moment-là, de quoi avez-vous parlé?

M. Gagné: Je l'ai mentionné tout à l'heure, on avait demandé si les 105 personnes avaient été mises à pied pour des raisons économiques. La CSN était prête à fournir deux "spare", pour essayer d'arranger ça. En même temps, on avait parlé de reprendre les employés, parce que pour nous, selon la loi, comme je le disais tout à l'heure, on a parlé de ça, les mises à pied devaient se faire en tenant compte de l'ancienneté.

M. Johnson: D'accord. Je vais vous poser une dernière question, M. Gagné, qui est une question strictement d'opinion. Pourquoi pensez-vous que les gars en dedans, à un moment donné, se sont réunis autour de Donat Thériault, parce qu'il y avait parmi ces gens ceux qui avaient signé des cartes de la CSN, le syndicat dont vous êtes le président, pourquoi pensez-vous qu'à un moment donné, il y a des gars dans la place qui ont décidé de faire ça? Quelle est votre opinion là-dessus?

M. Gagné: Vous voulez dire qui ont fait entrer les "scabs"?

M. Johnson: Vous n'avez pas encore le certificat d'accréditation, il n'y a pas de grève, vous venez de me dire qu'il n'y a rien qui se passe.

M. Gagné: Jusqu'au 19.

M. Johnson: Oui, à partir du 19, est-ce que ce à quoi on assiste, ce n'est pas un syndicat qui, indépendamment du bien-fondé des réclamations qu'il peut y avoir au niveau du fond de la convention collective, de la question des licenciements collectifs, est-ce que ce n'est pas une organisation syndicale en devenir qui va avoir son certificat dans quelques jours et qui est incapable de sortir tout le monde de la place? Pourquoi est-ce que tout le monde n'est pas sorti? Quelle est votre opinion à vous là-dessus? Est-ce qu'il y a quelqu'un qui les a forcés à rentrer?

M. Gagné: Non. Lorsqu'on a décidé de faire une assemblée dans la matinée, on avait laissé le choix au monde, ceux qui voulaient venir et ceux qui ne voulaient pas venir. Donc, ceux qui sont venus à l'assemblée ont travaillé le 19 et le 20. Du 20 jusqu'à la journée où ils sont entrés, le 4 octobre, il n'y avait pas eu en dedans de "scabs".

M. Johnson: Vous me dites que la ligne de piquetage a commencé le 19. Vous m'avez affirmé ici, il y a quelques minutes, que cela avait eu lieu après l'assemblée générale. Il n'y a pas eu de ligne de piquetage avant l'assemblée.

M. Gagné: Pas à ma connaissance. M. Johnson: Mais étiez-vous là? M. Gagné: J'étais là, mais...

M. Johnson: Vous êtes rentré et vous êtes sorti de l'usine. Est-ce qu'il y avait des piqueteurs?

M. Gagné: Non.

M. Johnson: II n'y en avait pas, le 19.

M. Gagné: Je suis entré dans l'usine, le 19 au matin. Quand j'ai vu qu'il n'y avait pas beaucoup de monde, je n'ai pas poinçonné ma carte, je me suis tourné de bord et je suis allé à l'assemblée. À ce moment-là, je n'étais pas président.

M. Johnson: Et c'est à ce moment-là que vous avez été élu président, ou plus tard?

M. Gagné: Quinze jours ou trois semaines plus tard. Je n'ai pas marqué les dates. Cela fait un an de cela.

M. Johnson: Je reviens à la question que je vous posais. Vous étiez un syndicat qui allait obtenir son certificat d'accréditation et c'était manifeste, compte tenu du fait que vous déteniez la majorité des cartes. C'était clair. Est-ce que cela vous faisait peur de ne pas avoir votre syndicat? Aviez-vous peur de ne pas avoir votre accréditation à ce moment-là?

M. Gagné: Je n'ai même pas pensé à cela.

M. Johnson: C'était pas mal clair pour vous que vous l'auriez?

M. Gagné: Oui.

M. Johnson: Oui. Avec 140 sur 235, il y a des chances, à priori. Qu'est-ce qui vous a incité, le 19, à ne pas attendre d'avoir votre certificat d'accréditation et respecter les délais du code, avant de déclencher la grève, et vous exposer automatiquement, comme vous le savez sans doute, à la prise possible d'une injonction pour grève illégale? Qu'est-ce qui vous a incité à faire cela, plutôt qu'attendre dix jours?

M. Gagné: Ce qui m'a incité à faire cela, c'est que les 105 mises à pied, c'étaient mes copains. Pourquoi étaient-ils mis à pied et moi non?

M. Johnson: Pensiez-vous être capable de régler le problème en faisant cela?

M. Gagné: Mon idée personnelle était de les appuyer, pour qu'ils reviennent au travail, et en même temps, se défendre, pour avoir une convention collective, comme ailleurs. Je vais être obligé de revenir là-dessus, M. Caine venait de nous en passer une, en passant par-dessus la loi. C'est une autre raison de plus pour que j'appuie les 105 employés qui avaient été mis à pied.

M. Johnson: Donc, à ce moment-là, vous avez choisi, le 19, en assemblée générale, même si vous n'aviez pas votre certificat, de sortir, par solidarité envers les 105 qui avaient reçu l'avis qu'ils seraient mis à pied, vous exposant, à ce moment-là, vous deviez le savoir... Est-ce que vous le saviez, à ce moment-là, M. Gagné? Ou est-ce que les gens du syndicat le savaient? Est-ce qu'il y avait des gens de la centrale, à l'assemblée générale? Est-ce qu'il y avait des gens de la CSN, de la centrale, qui étaient à cette assemblée, le 19?

M. Gagné: De la centrale de Montréal, non.

M. Johnson: Est-ce qu'il y en avait, du conseil des Laurentides, ou des gens de Montréal?

M. Gagné: Du conseil des Laurentides, il y en avait.

M. Johnson: Est-ce qu'ils vous ont dit, à ce moment-là, que ce que vous faisiez, c'était une grève illégale? Est-ce qu'ils vous ont avisé de cela?

M. Gagné: Oui. Mais pour nous autres, les travailleurs, ce n'était pas nous autres qui partaient illégalement.

M. Johnson: C'était l'employeur, parce qu'il n'avait pas respecté la loi.

M. Gagné: C'était l'employeur, parce qu'il n'avait pas respecté la loi.

M. Johnson: D'accord. C'est tout ce que j'avais comme questions, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, M. Gagné, quelques brèves questions. Une première, c'est que dans votre exposé initial, vous avez fait état qu'en août il y aurait eu une trentaine d'employés de plus qui auraient été engagés.

Ma première question serait la suivante: D'une part, vous travaillez à l'usine depuis combien de temps? Et est-ce qu'il y avait des fluctuations de personnel qui étaient régulières comme cela? Est-ce que c'était cyclique? Est-ce que, à cette période de l'année, il y avait des engagements ou des congédiements, ordinairement, selon les saisons ou selon les besoins de la production? Comment expliquez-vous que ces personnes aient été engagées pendant le mois d'août? Combien étaient-elles? Est-ce que vous avez pu le vérifier?

M. Gagné: Lorsque j'étais employé de cette compagnie, pour sortir de la compagnie, il fallait s'en aller de nous-mêmes. À ma connaissance, il n'y a jamais eu de mise à pied aussi massive. (17 h 15)

M. Pagé: À votre connaissance, mais concernant le nombre d'employés additionnels qui ont été engagés ou qui auraient été engagés, selon ce que vous nous avez affirmé tantôt, il y a une trentaine d'employés de plus qui ont été engagés au mois d'août? Etait-ce pour les besoins de la production ou quoi? Avez-vous eu l'occasion de vous enquérir de cela?

M. Gagné: Sur ceux-là, il y en a plusieurs qui ont travaillé avec moi, parce que je faisais plusieurs "jobs". J'ai eu l'occasion de travailler avec plusieurs, mais pour dire que c'était un besoin, la compagnie les avait probablement employés parce qu'elle en avait besoin, mais, à ce moment-là, lorsqu'elle les a employés, on ne s'est pas posé la question, parce qu'on n'avait pas été avisé qu'il y avait des mises à pied. On en a été avisé seulement après. C'est après qu'on s'est posé une réelle question. Pourquoi en engager trente et en congédier cinq après?

M. Pagé: Les trente derniers entrés devaient être les trente premiers sortis.

M. Gagné: Oui.

M. Johnson: C'est cela qui est arrivé.

M. Gagné: Ils sont sortis, oui.

M. Bellemare: ...

M. Gagné: Ah! tous, je ne le sais pas.

M. Bellemare: Les avez-vous vus de près?

M. Gagné: Je travaillais dans le service où on finissait le bois, la colleuse, où on mettait la petite chose sur le "press wood", je ne faisais pas tous les services. Je sais que lorsqu'ils ont donné des lettres, ceux qui étaient avec moi ont été congédiés, mais s'ils ont tous été congédiés...

M. Pagé: Si je comprends bien, les trente employés qui ont été engagés au mois d'août ont été les premiers à être congédiés à l'intérieur du groupe des 105?

M. Gagné: Ils ont été avisés en même temps que les 105.

M. Pagé: D'accord, ils faisaient partie du groupe des 105.

M. Gagné: Oui.

M. Pagé: D'accord. Vous savez que, comme vous avez assisté au débat depuis ce matin, pour nous de l'Opposition officielle, un des éléments importants du problème, c'est de savoir si les 105 personnes qui ont été mises à pied ont eu un congédiement pour activités syndicales ou si c'est un congédiement qui a été justifié par la rentabilité ou les opérations de l'entreprise.

D'ailleurs, à ce titre-là, dans votre déclaration, vous avez dit: M. Caine voulait se débarrasser du syndicat, pour nous, c'était clair et net. Il y a donc eu des requêtes, des poursuites qui ont été intentées, des représentations qui ont été faites dans le cadre des mécanismes de la loi, du Code du travail afin de déterminer auprès du commissaire si ces congédiements étaient pour activités syndicales ou autres.

Il semble que la décision sur ces congédiements est retardée. On aura probablement l'occasion d'ici la fin de la séance ou encore à une prochaine séance d'entendre le commissaire sur cette question. Est-ce que, parce qu'à un moment donné, ce matin, lorsqu'on a entendu les membres du conseil de médiation, le ministre a fait état d'un moratoire pour cesser les procédures et particulièrement ces procédures, — c'est le sens de ma première question — votre syndicat a fait des

démarches particulières qui visaient à accélérer l'audition et les décisions pour ce qui concerne les congédiements comme tels, à savoir si c'était pour activités syndicales ou encore si c'était des congédiements justifiés?

M. Gagné: Lorsque les procédures ont commencé, premièrement, encore selon moi, le juge a commencé à l'envers au lieu de commencer à l'endroit.

M. Pagé: Oui.

M. Gagné: Au lieu de procéder sur le fond tout de suite, il a adopté une procédure pour qu'on plaide tous les outrages avant d'embarquer sur le fond des injonctions.

M. Pagé: Je ne vous parle pas des injonctions, je vous demande s'il y a eu des démarches ou si vous avez sensibilisé votre syndicat, la CSN, à des démarches visant à accélérer l'audition de ces causes-là, parce que, pour nous, le noeud du problème est là.

M. Gagné: Nous autres, nous avons envoyé des plaintes de congédiement au gouvernement. Ils ont plaidé trois jours là-dessus. Cela a été remis au mois d'octobre.

M. Pagé:... cela a été remis? Est-ce que vous vous rappelez?

Pour vous dire au juste si on a fait des pressions pour aller plus vite sur ce point... On n'était pas tellement organisé pour en faire parce que notre conflit était un conflit en cours. On était trop occupé par les outrages, parce qu'à un moment donné, durant six semaines, on est allé cinq jours par semaine en cour. Après cela, il y en a eu d'autres. Si cela a été remis à l'enquêteur, notre confrère peut en dire plus long que moi, c'est parce que, vu la situation des cours, je ne sais pas si on aurait pu procéder autrement pour cela, avec le commissaire.

M. Pagé: De toute façon, j'aurai l'occasion de revenir avec les gens de la CSN, parce que, pour moi, il m'apparaît que, si c'était clair et net, on aurait dû mettre l'accent pour accélérer l'audition de ces causes. Sur le nombre de membres, j'aurais besoin d'éclaircissements additionnels; combien avez-vous de membres exactement au moment où on se parle? Je reprends la question du ministre, parce que vous avez cité plusieurs chiffres, et tout cela. Combien avez-vous de membres qui sont parmi le groupe de ceux qui ont été congédiés? Combien en avez-vous parmi le groupe qui travaille à l'intérieur de l'entreprise? Est-ce que, depuis le 3 octobre, il y a eu des expulsions dans votre syndicat? Est-ce qu'il y a des membres qui ont été expulsés?

M. Gagné: Naturellement, à un moment donné, il y a des membres qui sont allés travailler en dehors pour gagner leur pain, parce que, quand tu as des enfants et que tu as un loyer à payer, il faut que tu t'organises pour le payer. Donc, il y en a environ une vingtaine qui sont allés travailler en dehors, mais ils sont prêts à revenir lorsque ce sera réglé. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il y en a environ trente qui sont actuellement dans la "shop". Il y en a 85 qui sont en grève, des grévistes.

M. Pagé: II y en a qui sont partis travailler ailleurs, d'accord. Est-ce qu'il y en a qui ont été expulsés, soit parce qu'ils travaillaient à l'intérieur ou encore parce qu'ils auraient signé deux cartes ou des choses comme cela?

M. Gagné: Signer deux cartes, chez les grévistes qui ont été mis à pied à l'heure actuelle, je pense qu'il n'y en a pas eu beaucoup. À ma connaissance, encore une fois, on n'a expulsé personne.

M. Pagé: Vous avez 85 membres qui sont à l'extérieur, en grève, en excluant ceux qui sont allés travailler ailleurs pour gagner leur pain, c'est ça?

Une dernière question, qui est peut-être un peu générale, mais qui va dans le sens de ce que vous nous avez dit au début, à savoir...

M. Gagné: Une minute! Ce n'est pas trop clair, là. Quand j'ai dit qu'il restait 85 grévistes, à part ceux qui sont allés en dehors.

M. Pagé: C'est ça. À part ceux qui sont allés travailler à l'extérieur, à d'autres endroits pour gagner leur pain.

M. Gagné: Oui, ceux-là sont plus que 85.

M. Pagé: D'accord, ça fait 105. Parfait! Parce que si ce n'est pas clair pour vous, ne vous demandez pas si ça l'est pour moi, vous savez.

Au début, vous avez évoqué toute cette question de principe du droit du travailleur à la formation de son syndicat, du droit à la sécurité, du droit au travail. Vous avez, somme toute, reproché, considéré et interprété, tout au moins, comme pénible la situation qu'on vit aujourd'hui et tout ça. J'aurais une question, moi. Qu'est-ce que vous attendez de cette commission aujourd'hui? Qu'est-ce que vous attendez...

M. Gagné: Pour ma part... M. Pagé: Oui.

M. Gagné: ... je pense que M. le ministre va être assez éclairé pour appliquer ses lois, la loi 45, article 97. On ne s'attend pas à des miracles, mais on s'attend que les lois soient appliquées. À l'heure actuelle, ça n'a pas encore été fait.

M. Pagé: Vous, vous mettez de côté ce qui a été énoncé par le ministre ce matin, la sensibilisation de l'opinion publique, la pression de l'opi-

nion publique, d'éclairer le Parlement et tout ça, ce que vous attendez, c'est une solution à ce problème de la part du gouvernement et vous croyez que la commission parlementaire d'aujourd'hui en sera un élément, c'est bien ça? Vous croyez que la commission parlementaire d'aujourd'hui sera un élément de solution qui sera suffisant pour donner des informations au gouvernement pour régler le problème. C'est la perception que vous avez des travaux de notre commission?

M. Gagné: Oui. M. Pagé: Merci.

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez...

Le Président (M. Cardinal): Un instant!

M. Johnson: Est-ce que le député de Johnson me permettrait?

Le Président (M. Cardinal): II faudrait... Écoutez!

M. Johnson: Est-ce que le député de Johnson me permet une seconde...

Le Président (M. Cardinal): Un instant! Auparavant, j'ai pris l'ordre de demande du droit de parole et je vais m'en tenir, à cela, à moins qu'il y ait permission des intéressés. Dans l'ordre, je le dis tout de suite, pour éviter les incidents, M. le député de Johnson, M. le député de Terrebonne, M. le député de Saint-Laurent. Si, cependant, un député, sans céder son droit de parole, permet une question ou une priorité, c'est son droit strict.

M. Bellemare: M. le Président, le nombre de questions qu'on a à poser est limité quant à M. Gagné. Pour ma part, je n'en ai que deux. Si le ministre veut intervenir après, je n'ai aucune objection.

M. Johnson: C'est très bref. Ah bon! D'accord!

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: M. Gagné, quand avez-vous été élu président du nouvel exécutif, c'est à quelle date à peu près?

M. Gagné: ...

Le Président (M. Cardinal): Votre micro, s'il vous plaît!

M. Bellemare: Pardon?

Le Président (M. Cardinal): Votre micro.

M. Bellemare: Ah oui, merci!

M. Gagné: Au début d'octobre, parce que c'est à peu près quinze jours après qu'on est sorti.

M. Bellemare: Avant la certification par le ministère de votre reconnaissance syndicale? Avant ou après?

M. Gagné: Je n'ai pas compris votre question.

M. Bellemare: Quand avez-vous été nommé à la présidence du nouvel exécutif? Est-ce que c'est avant ou après le 3 octobre?

M. Gagné: C'est avant, parce qu'on n'avait pas eu notre accréditation, pas longtemps, je pense que c'est vers le 1er ou le 2.

M. Bellemare: Bon! Vous avez donc été aidé par M. Donat Thériault pour devenir le nouveau président. Vous avez participé avec lui... Non?

M. Gagné: Bien non! Moi, j'étais pour l'autre côté, dans la CSN. C'est Norbert Rodrigue qui est le représentant de la centrale.

M. Bellemare: Bien oui, mais, un instant! On a dit, dans le rapport du conseil de médiation, que M. Thériault avait fait signer des cartes de la CSN, des faux. Est-ce que c'est ça qui vous a permis d'être élu, vous?

M. Gagné: Bien non! Moi, je n'ai pas assisté à cette assemblée, je n'étais pas invité.

M. Bellemare: Non, mais est-ce que M. Thériault vous a aidé à former le nouvel exécutif?

M. Gagné: M. Thériault n'était pas présent, vu que ce n'était pas la même centrale que moi.

M. Bellemare: Est-ce que vous avez eu des relations d'amis avec M. Thériault avant votre présidence? (17 h 30)

M. Gagné: Là, si je peux vous éclaircir un peu là-dessus, vous!

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Je ne permettrai aucune intervention du genre — je le dis tout de suite — en aucun moment.

Tout s'est bien passé jusqu'à présent. Je demande, très sérieusement, que l'on continue ainsi, que personne n'exprime son approbation ou sa désapprobation. M. le député, monsieur.

M. Bellemare: Alors, pour revenir à ma question...

M. Gagné: Ouais.

M. Bellemare:... que vous voulez m'instruire...

M. Gagné: Ouais.

M. Bellemare: ... je suis bien d'accord que vous me disiez si M. Thériault, de près ou de loin, vous aurait aidé à créer un nouvel exécutif, comme vous l'avez dit tout à l'heure. Vous avez décidé de changer votre union à ce moment et de vouloir former, par la CSN, une nouvelle convention collective qui serait présidée par vous et par le nouvel exécutif et que cela serait probablement — c'est ma question — fait avec le consentement de M. Thériault qui, à ce moment-là, représentait une autre union qui avait adhéré à votre mouvement. Je voudrais connaître les relations que vous avez eues avec M. Thériault.

M. Gagné: Les relations que j'ai eues avec M. Thériault... Au mois de juillet, lorsqu'il a fait une assemblée lorsqu'on avait changé d'exécutif... dans ce temps-là, on faisait encore partie des rembourreurs.

M. Bellemare: Bon.

M. Gagné: Mais après cette assemblée, je n'ai pas eu d'autres relations avec M. Thériault.

M. Bellemare: Vous ne l'avez pas rencontré non plus pour discuter du projet?

M. Gagné: Pourquoi? Parce qu'il n'était pas dans la même union que moi.

M. Bellemare: Alors, vous étiez des adversaires. Et comment expliquez-vous que M. Thériault a pu faire signer des cartes avec le sigle de la CSN et que vous avez laissé faire cela? Il représentait les rembourreurs unis et, dans le rapport de la médiation, ce matin, on dit que M. Thériault aurait fait imprimer des cartes et les aurait fait signer au nom et pour la CSN. Pouvez-vous m'expliquer cela? Pourquoi M. Thériault aurait-il fait cela?

M. Gagné: Premièrement, lorsque M. Thériault a fait signer ces cartes, je n'étais pas là. Même les travailleurs qui sont ici n'étaient pas là, parce qu'on ne savait seulement pas que M. Thériault voulait adhérer à la CSN. Je n'étais pas au courant. Il n'avait pas téléphoné.

M. Bellemare: M. Thériault avait-il signé sa carte de la CSN?

M. Gagné: M. Thériault?

M. Bellemare: Oui.

M. Gagné: Cela ne doit pas parce que...

M. Bellemare: Comment cela se fait-il qu'il en faisait signer?

M. Gagné:... d'après moi, c'est un rembourreur. Il était chef des rembourreurs.

M. Bellemare: Mais comment expliquez-vous l'attitude de Thériault pour faire signer des cartes de la CSN? Je voudrais savoir cela de vous autres qui êtes dans le milieu. Vous allez m'expliquer cela. Pourquoi M. Thériault aurait-il pris l'avantage de faire imprimer des cartes et de les faire signer par les employés à votre insu, sans que vous le sachiez?

M. Gagné: On a su à un certain moment qu'il circulait des fausses cartes dans la "shop " parce qu'on en avait un des nôtres là-dedans et qu'il nous est arrivé un midi avec une fausse carte des autres. Et depuis cette fausse carte, la centrale, je crois, avait fait parvenir un mot, au ministre M. Johnson de se "watcher" — quelque chose de même — qu'il s'en venait une fausse convention. Pour quel motif M. Thériault a-t-il fait cela? Je ne le sais pas. Il est ici. Il va peut-être pouvoir vous répondre mieux que moi. Encore là, je ne suis pas en mesure de vous dire pourquoi il l'a fait. S'il l'a fait en collaboration avec M. Caine, je ne suis pas placé non plus pour vous le dire, parce qu'on n'était pas au courant de l'assemblée lorsqu'il l'a faite.

M. Bellemare: Au moment où on se parle, M. Gagné, quand va se terminer le 30 septembre la convention qui vous a accrédités — la CSN — croyez-vous sincèrement qu'il pourrait y avoir, parmi les membres de la CSN, des gens qui vous lâchent pour aller aux Rembourreurs unis?

M. Gagné: Cette convention qui finit le 30 septembre, dans mon esprit, n'a jamais existé parce que selon moi, encore, elle a toujours été fausse. Premièrement, fausse parce que ceux qui avaient été nommés par notre assemblée pour aller négocier n'étaient pas là. Deuxièmement, fausse parce que ceux qui ont signé la fausse convention — que j'appelle toujours fausse parce que dans mon esprit elle va rester fausse — ce sont les mêmes, presque tous les mêmes d'ailleurs, qui avaient signé celle de 1974. C'est pour cela que dans mon esprit elle n'a jamais été bonne. Donc, celle qui va finir le 30 septembre, dans mon esprit, elle n'a jamais existé. Elle a existé seulement pour M. Caine et M. Thériault. Pour nous, elle n'existait pas. Ce n'est pas nous qui l'avions signée.

M. Bellemare: M. Gagné, qu'est-ce qui va se produire le 30 si cette convention collective est fausse, prétendue fausse d'après vous, à l'échéance de l'autre, à la réorganisation de l'autre? Avez-vous assez de membres à la CSN pour tâcher de demander une nouvelle accréditation?

M. Gagné: Pourquoi est-ce qu'on demanderait une nouvelle accréditation lorsqu'on en a une en branle et lorsque d'après moi — je ne suis pas un avocat, je ne connais pas toutes les mises en justice là-dessus — tant que la fausse convention est en cours devant les tribunaux, je crois qu'il n'y a pas de maraudage à faire là et il n'y a pas de nouvelle accréditation à demander de notre part parce qu'on en a demandé une le 3 octobre et ce

n'est pas nous qui avons signé la convention collective avec M. Caine, se sont ses "scabs".

M. Bellemare: Ce n'est pas la CSN. Ce sont les scabs de la CSN qui l'ont signée?

M. Gagné: Ce n'est pas la CSN certainement. Ce n'est pas nous.

M. Bellemare: Mais qui a signé cette convention collective qui finit le 30 septembre?

M. Gagné: Je vais vous le répéter encore.

M. Bellemare: Les mêmes qui avaient signé celle de 1974?

M. Gagné: Oui, presque tous. Même, il y avait plus de noms qu'en 1974.

M. Bellemare: Est-ce qu'il y avait des membres de la CSN dans cela?

M. Gagné: Non.

M. Bellemare: Aucun.

M. Gagné: II y avait Mme Grignon, M. Ernest Lévesque, M. Marcellin Pilon, Mme Lise Côté, il m'en manque un, M. Luigi Daluca, et Donat Thériault était là comme conseiller, apparemment, avec Me Bazin pour la partie patronale. C'est tout ce que je sais. Parce que dans nos assemblées, les grévistes, comme ils nous appellent, il n'a jamais été question, en assemblée, qu'on avait signé une convention collective avec M. Caine.

M. Bellemare: Mais vous reconnaissez que le 3 octobre vous avez eu une accréditation en bonne et due forme.

M. Gagné: Oui.

M. Bellemare: Qui est bonne aujourd'hui, qui va rester en vigueur après le 30 septembre 1978.

M. Gagné: Oui, parce qu'on n'a jamais eu de convention collective signée avec ce monsieur-là.

M. Bellemare: Mais ma question est que le nombre de membres que vous avez présentement est de 100... 85 plus les 20, que vous nous avez dit tout à l'heure, qui sont prêts à revenir, qui sont partis.

M. Gagné: Oui, et on en a 30 en dedans, environ.

M. Bellemare: Alors, cela fait 115 à peu près, 125 avec les 20 qui sont partis. Est-ce que c'est le nombre de membres actifs de la CSN actuellement?

M. Gagné: Si l'on prend ceux qui sont rentrés comme "scabs" et ceux qui sont allés travailler, d'après moi, on n'en a pas encore perdu. On a le même nombre qu'on avait. On en a perdu parce qu'ils venaient d'entrer comme "scabs", il y en a 20 qui sont partis en dehors, mais ils ne sont pas perdus comme membres, parce qu'ils nous ont bien avisés qu'aussitôt qu'il y aurait des négociations, ils reviendraient à la Commonwealth Plywood.

M. Bellemare: Dans le rapport du conseil de médiation, présidé par le sous-ministre, M. Blain, il est dit qu'il y a eu des feux, des actes de violence commis après le dépôt de l'accréditation. Est-ce que vous avez eu connaissance de ces actes de violence? Le feu, par exemple, les vitres cassées, d'autres sujets de violence accomplis par les employés de la Commonwealth Plywood qui appartenaient à la CSN? Est-ce que vous avez eu connaissance de ça?

M. Gagné: Vu que vous m'embarquez dans la violence...

M. Bellemare: Je ne vous embarque pas dans la violence, je vous demande de me dire ce qui s'est passé au juste.

M. Gagné: Je vais essayer de vous résumer ça. Concernant le feu, M. le ministre doit être éclairé là-dessus plus que moi parce qu'il a mis des enquêteurs là-dessus, il doit avoir eu son rapport de l'enquêteur, quelque chose comme ça.

M. Bellemare: C'est peut-être le ministre de la Justice qui a donné des ordres de faire une enquête, par la police provinciale.

M. Gagné: La violence dont j'ai eu connaissance sur la ligne de piquetage, ça a été lorsque les policiers traînaient des Portugaises par les cheveux dans la rue et lorsqu'ils leur criaient de s'en aller dans leur pays. Pour ce qui est de casser les vitres, ça se peut qu'il y en aient qui se soient échappés; après la violence que M. Caine nous mettait sur les épaules, à un moment donné, ça se peut qu'il y en ait qui aient perdu le contrôle de leurs nerfs. Personnellement, je ne les ai pas vus, parce que...

M. Bellemare: Vous aviez commencé à nous détailler le feu; qu'est-ce qui est arrivé au feu?

M. Gagné: II y a eu une enquête là-dessus, comme je l'ai dit. Lorsque je suis arrivé là, le feu était déjà avancé, la seule chose que j'ai remarquée, qui m'a frappé, c'est lorsque M. Caine est allé en avant du feu avec une pancarte de la CSN; il l'a plantée en avant du feu, je l'ai remarqué. Mais je n'ai pas vu le feu prendre. Quand je suis allé, le feu était commencé.

M. Bellemare: Vous avez dû avoir certaines versions de certaines personnes que vous connaissez bien, qui vous ont peut-être relaté l'incident.

M. Gagné: Je n'ai jamais entendu parler du feu.

M. Bellemare: Non. Vous l'avez vu...

M. Gagné: On a vu qu'il y avait des enquêteurs là, mais...

M. Bellemare: Vous n'avez jamais su d'où ça provenait.

M. Gagné: Non, je ne suis pas policier.

M. Bellemare: Sans être policier, vous êtes président.

M. Gagné: Je suis président, mais ce n'est pas parce que tu es président que tu sais tout.

M. Bellemare: Non, mais vous êtes en lieu de vous informer, quand la violence éclate comme cela.

M. Gagné: Même si tu t'informes, le gars va venir se vendre.

M. Bellemare: II va venir se vendre?

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Gagné: Je ne comprends pas votre patente.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Gagné: Si vous voulez me faire dire que c'est moi qui ai mis le feu, je vais dire non.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! J'ai dit, ce matin, que je permettrais toute question même sur ce qui pouvait être ou paraître sub judice. Mais j'ai aussi mentionné que nous n'étions pas une commission d'enquête. Je l'ai même mentionné à deux reprises. Sans faire un rappel à l'ordre, je demanderais au député de Johnson de ne pas retourner le mandat de cette commission, qui est d'entendre les invités, à une commission qui a convoqué des témoins pour enquêter sur une situation.

M. Bellemare: Ma dernière question, M. le Président, serait pour demander si M. Gagné a été reconnu officiellement comme président par la centrale de la CSN.

M. Gagné: Avant que je devienne président, ce sont les membres, à l'assemblée, qui m'ont élu. Ce sont eux qui ont voté pour moi.

M. Bellemare: D'accord. Après cela, la centrale vous a reconnu officiellement?

M. Gagné: La centrale n'a rien à dire là-des- sus et elle n'a rien dit là-dessus non plus. J'ai toujours entendu dire qu'un syndicat, c'était nous, les membres, qui te faisions bouger. Lorsque vous mentionnez la centrale ici et la centrale là, si la centrale bouge, c'est pour nous appuyer nous autres, à mieux bouger.

M. Bellemare: D'accord.

Le Président (M. Cardinal): Le prochain membre serait normalement... À l'ordre, même le journal des Débats! Le prochain membre de la commission, normalement, serait le député de Terrebonne. Mais le ministre avait demandé si quelqu'un lui accordait une permission.

M. Johnson: Oui, brièvement.

M. Fallu: Consentement accordé, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Conservant votre droit de parole.

M. Fallu: Mais conservant mon droit de parole.

Le Président (M. Cardinal): À ce moment-là, votre tour va être reporté à un peu plus tard.

M. Johnson: En fait, une seconde. Je pensais que c'était clair. J'aurais deux choses, pour mettre un peu les choses en perspective. Quand M. Gagné parle des dispositions de la loi 45, au sujet des dispositions "antiscabs", il est bien conscient, évidemment, qu'on définit un "scab" en fonction du fait qu'il y a une convention collective ou pas. Comme c'est la question, la première chose qui arriverait et je vais vous le dire, je serais curieux de voir la réaction des procureurs de M. Caine à cela.

Si je nomme un enquêteur "antiscabs" pour aller à la Commonwealth Plywood, la première chose qui pourrait être faite par quelqu'un qui ne veut pas qu'il entre là, c'est de prendre un bref d'évocation contre lui pour dire qu'il n'a pas été nommé légalement. C'est aussi simple que cela.

Et cela, j'ai eu l'occasion de l'expliquer à maintes reprises au président de la CSN. Autre chose, M. Gagné, je vous pose une question à vous. Est-ce qu'il y a un règlement? Où voyez-vous le règlement à la Commonwealth Plywood, vous?

M. Gagné: II n'a pas de convention collective, parce que la CSN n'a pas signé de convention collective avec lui et que c'est nous autres qui avons été accrédités. C'est pour cela que, selon moi, on en a parlé à l'assemblée et il a été adopté. On est prêt pour ce rapport. Si M. Caine veut venir en attente, comme il ne s'est même pas rendu a la médiation, c'est assez malaisé de s'attendre en attente. Ce serait plutôt une question à poser. Est-ce que le ministre du Travail est capable d'annuler cette convention même si elle est en cours? D'après moi, encore personnellement, je crois que

si vous voulez, vous serez capable, après cette journée, de prendre une décision de l'annuler, parce qu'en fait, s'il n'y avait pas eu cette convention, peut-être que le conflit serait réglé.

Nous autres, on demande simplement les recommandations faites par vos hommes. C'est la seule chose pour la médiation. On demande aussi d'appliquer cette loi 45, article 97, parce que, selon moi, il n'y a jamais eu de convention collective de signée avec Caine et, selon moi, il n'y en aura pas, parce que, selon moi, il n'y en aura pas, parce que, selon moi, ce sont des fraudeurs qui l'ont signée à notre place. Cela va rester tel quel.

Le Président (M. Cardinal): J'en viens donc... Je suis la règle.

M. Forget: Bien.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Saint-Laurent, oui. Je sais que, de toute façon, la présidence est... enfin je suis blâmé ou loué, que je le désire ou pas.

M. Pagé: Vous faites bien cela. Continuez à regarder de ce côté-ci.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Portneuf. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. M. Gagné, dans les documents qu'on vous a remis — je ne sais pas si vous les avez vus — annexés au rapport du conseil de médiation, il y a un document qui porte l'empreinte de la CSN qui est une liste d'employés avec la date de leur entrée et la date de leur départ comme employés de la Commonwealth Plywood.

Je ne sais pas si vous avez vu ce document, si vous pouvez témoigner de sa valeur. Je pense que cela n'a probablement pas été produit par votre syndicat, mais par la centrale. On y est? C'est seulement une liste de noms. Il y a à peu près cinq pages.

M. Gagné: Oui, je l'ai devant moi.

M. Forget: Dans cette liste, M. Gagné, on a d'abord l'énumération des employés qui ont été mis à pied, parce que la date de départ pour tous, c'est le 16 septembre 1977. Il y a cinq pages de noms de personnes mise à pied en septembre 1977. J'aimerais que vous puissiez confirmer l'observation qu'on peut faire quand on regarde cette liste. On se rend compte que de toutes les personnes mises à pied, il y en a seulement trois — c'est le document de la CSN — qui étaient à l'emploi de la Commonwealth Plywood avant 1975. Donc, tous ces gens qui ont été mis à pied ont été engagés à partir de janvier 1975 jusqu'aussi tard que le 29 août 1977. Cela est, d'une part, trois qui ont plus que deux ans d'ancienneté. Toujours du côté de la même liste de la CSN, il y a une liste, qui n'est probablement pas complète, de gens qui travaillent à l'intérieur. Dans cette liste qui com- prend beaucoup moins de noms, il y a une page par rapport à cinq. Donc, elle n'est pas complète. On remarque malgré tout un grand nombre de cas où l'entrée de l'employé remonte aussi longtemps que 1942; il y a plusieurs gars qui ont été employés à partir de 1965, un autre de 1951, un autre de 1944, et presque aucun n'a été engagé après 1975; quelques-uns, mais la grande majorité, c'est avant 1975. Devant ce fait, à moins que vous ne niiez que ce soient des informations correctes, parce que cela peut venir de la centrale, ils n'ont peut-être pas tous les renseignements, peut-être que vous nous direz que ce renseignement n'est pas correct, mais si c'est vrai, ce que la CSN a déposé devant le conseil de médiation, comment peut-on expliquer l'affirmation que vous faites souvent, que les "scabs", pour employer l'expression, peu importe si c'est la définition de la loi, mais c'est le sens ordinaire qu'on donne à ce mot, comment se fait-il que les "scabs ", ce sont ceux qui ont la plus grande ancienneté, des gens qui travaillent là depuis trente ans, depuis dix ans, depuis dix-sept ans, et ceux qui sont sortis et qui blâment les autres d'être des "scabs", ceux qui ne travaillent plus, ceux qui ont été mis à pied, ce sont des gens qui, dans tous les cas, sauf trois, ont été engagés après le 1er janvier 1975?

C'est quand même assez curieux, ça. Est-ce que c'est conciliable avec votre affirmation du début qui veut que, quant à vous, c'était clair que c'était un geste antisyndical? Il me semble qu'à première vue, comme on n'a pas d'autres affirmations, cela a l'air d'être des congédiements qui ont été faits en fonction de l'ancienneté.

Le Président (M. Cardinal): M. Gagné, brièvement, parce qu'il y a une suspension à 18 heures. Nous recommencerons...

M. Gagné: Après?

Le Président (M. Cardinal): Oui.

M. Gagné: Vous voulez que je réponde tout de suite?

Le Président (M. Cardinal): Non, mais commencez à répondre tout de suite et on continuera après.

M. Gagné: C'est parce que nous, sur notre liste, comme vous dites, des 75 qui sont sortis, il n'y a pas seulement des 65. Ils ont mis à pied des 67; ils en ont mis à pied des plus vieux que ça.

M. Forget: Alors, vous dites que la liste que la CSN a fournie au conseil de médiation est incorrecte?

M. Gagné: Ce n'est pas ça que je dis. Je dis que la liste qu'on a émise, nous, parce que, vu que c'était impossible d'entrer en dedans et de demander aux scabs leurs années, c'est naturel qu'elle joue, parce qu'on n'a pas pu leur demander depuis combien d'années ils travaillaient là. Vu

que M. Caine ne voulait pas nous aider sur ce point, on a mis ça à peu près, pour les scabs en dedans.

M. Forget: Mais, même en admettant ça, M. Gagné...

M. Gagné: Mais...

M. Forget: ...est-ce que les chiffres, à peu près, pour ceux de l'intérieur, ça démontre, malgré tout, que ces gens-là ont beaucoup plus d'ancienneté que ceux qui ont été mis à pied? Ce sont les chiffres de la CSN, les documents de la CSN. Ceux qui ont été mis à pied, les 105, ce sont des gens qui étaient là depuis moins de deux ans.

M. Gagné: Ah non!

M. Forget: Moins de trois ans, c'est-à-dire, depuis janvier 1975. Ils ont été engagés postérieurement au 1er janvier 1975. D'après la CSN, il y en a seulement trois là-dessus qui étaient à l'emploi de la compagnie au 31 décembre 1974, alors que, parmi ceux qui restent en dedans, il y en a qui travaillent pour la compagnie depuis 30 ans. Ce sont vos chiffres, à vous autres. Peut-être qu'ils ne sont pas corrects, c'est pour ça que je pose la question.

M. Gagné: II se peut, quand tu es mis à pied, que tu deviennes "scab" après. Nous autres, on ne peut pas tous les photographier comme M. Caine. On n'est pas placé pour cela parce qu'on ne les voit pas entrer. C'est assez difficile pour nous de confirmer tout ce qui se passe en dedans. On n'est pas là.

M. Forget: Je ne parle pas de ce qui se passe en dedans, mais au moins on peut s'entendre... D'après votre liste, la liste de la CSN, ceux qui ont été mis à pied, sur les 105 mis à pied, il y en avait seulement trois qui travaillaient à la Commonwealth Plywood avant 1975. C'est l'affirmation que la CSN a faite à la commission de médiation. C'étaient des employés relativement récents qui ont été mis à pied.

M. le Président, étant donné l'heure et pour donner à nos invités le temps de consulter leurs notes, je suggérerais que nous suspendions nos travaux, mais enfin, je n'ai pas d'objection s'il y a une réponse toute prête.

Le Président (M. Cardinal): Écoutez, M. Gagné. Je m'excuse. Si vous voulez répondre très brièvement, je ne voudrais pas vous couper dans votre réponse. Que préférez-vous? Vous avez le choix de répondre tout de suite ou à 20 heures.

M. Gagné: Je peux revenir.

Le Président (M. Cardinal): Dans ce cas, je déclare que la commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures au même endroit.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

(Reprise de la séance à 20 h 12)

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, messieurs! Au moment de la suspension de 17 h 59, M. Gagné avait la parole en réponse à une question de M. le député de Saint-Laurent. M. Gagné.

M. Gagné: Je demanderais à M. le député de me poser de nouveau sa question.

M. Forget: Volontiers, M. le Président. Dans les documents qui accompagnent le rapport du conseil de médiation, il y a un document en particulier qui, à sa face même, est un document de la CSN et qui donne une liste de noms. À côté de chaque nom, il y a deux dates. Il y a la date d'entrée, présumément le moment où il a occupé pour la première fois un emploi à Commonwealth Plywood, si je comprends bien le sens de ce document-là, et son départ, c'est-à-dire le moment où il a quitté la Commonwealth Plywood, où il a été congédié. On ne parle pas ici des gens qui sont entrés ou pas entrés, etc. On parle tout simplement des gens qui sont congédiés, d'une part, et ceux qui n'ont pas été congédiés, d'autre part. Dans ce document de la CSN, on énumère au long, je pense, les 105 personnes qui ont reçu un avis de congédiement le 16 septembre 1977 et, lorsque l'on consulte cette liste et qu'on regarde vis-à-vis de chaque nom la date où l'employé est entré pour la première fois comme salarié à la Commonwealth Plywood, on se rend compte de la chose suivante: parmi ces 105 personnes, il y en a seulement trois qui étaient à l'emploi de la Commonwealth Plywood le 31 décembre 1974. Tous les autres employés ont été engagés par cette compagnie après le 1er janvier 1975, parfois aussi tard que la fin d'août 1977, donc quelques jours avant leur licenciement. Tous sont donc des employés relativement récents ou, si l'on veut, des employés dont l'ancienneté, à l'exception de trois, est inférieure à trois ans. Sur le même document de la CSN, il y a une autre partie, qui est beaucoup moins complète, celle-là, parce qu'il n'y a qu'une quarantaine de noms et, pour ces quarante noms, il n'y a pas de date de départ parce qu'ils n'ont pas reçu d'avis de licenciement. Il y a une date d'entrée en fonction et, parmi cette quarantaine de noms, il y a des employés qui sont là depuis 30 ans, depuis 15 ans, depuis 10 ans, depuis 17 ans, un nombre appréciable. (20 h 15)

La question que je vous posais, M. Gagné... parce qu'à la face même des documents remis par la CSN, on serait porté à généraliser, peut-être indûment, peut-être injustement, de la façon suivante: ceux; qui ont été congédiés étaient des employés de fraîche date et ceux qui ont été gardés, qui ont conservé leur emploi étaient, de façon générale, des employés beaucoup plus anciens.

Si c'était vrai et si le document de la CSN donnait un tableau correct de la situation, on est porté à se demander: À partir de quel moment — le sens commun, une question de simple

bon sens — peut-on ajouter foi à des gens qui sont des employés relativement de fraîche date, qui ont perdu leur emploi et qui disent: Ceux qui étaient là depuis trente ans, ce sont maintenant des "scabs"? Trente ans, c'est un chiffre limite, bien sûr; ils n'ont pas tous trente ans de service, mais ceux qui sont là depuis dix ans, depuis quinze ans, depuis dix-sept ans, depuis huit ans, ce sont des "scabs". Nous qui étions engagés à partir du 1er janvier 1975, on est les vrais employés qui auraient dû être gardés.

C'est paradoxal et je voudrais savoir, dans notre information produite par la CSN, ce qui manque, parce que, si on regarde simplement les chiffres produits par la CSN sur l'ancienneté, c'est la conclusion qu'on est porté à tirer. Est-ce que j'ai été clair?

Le Président (M. Cardinal): M. Gagné.

M. Gagné: Ceux, selon ce que vous dites, qui ont été congédiés, les nouveaux, à vous entendre parler, en 1974, 1975, lorsqu'on a fait ça... Si vous vous souvenez, il y a eu un feu en 1973; lorsqu'on a fait ces listes, on les a faites avec nos employés, avec les travailleurs, la majorité a été engagée à l'époque du feu. Donc, on ne savait pas s'ils avaient perdu leur ancienneté pendant le temps où ils n'ont pas travaillé, à l'époque du feu. Parmi ceux qui sont "scabs", les vieux employés, à notre connaissance, il y en a qui ont continué, à l'époque du feu, à travailler quand même. C'est pour ça que vous trouvez des dates plus vieilles chez les "scabs" que chez les autres. Mais, si vous voulez la vraie liste, je crois qu'il y en a un parmi nous qui peut vous la donner; c'est celui qu'on n'a pas pu rencontrer à la médiation. M. Caine.

M. Forget: On va lui poser, bien sûr, la même question. Ce que vous nous dites, donc, c'est qu'il ne faut pas prendre trop au sérieux ce document qui porte la signature de la CSN. Écoutez, ce sont les vraies dates ou ce ne sont pas les vraies dates. On ne peut pas dire que ce sont les vraies dates et que ce ne sont pas les vraies dates. On veut savoir qui croire. Vous nous dites: Cela est fait à partir de renseignements incomplets. À ce moment-là, on va attendre d'avoir des renseignements complets.

M. Gagné: Nous autres, mon ami, c'est à la demande du médiateur qu'on a fait cela. On a essayé de faire cela du mieux qu'on a pu, avec nos renseignements. On ne pouvait pas aller en dedans pour obtenir des renseignements. Donc, on a essayé de faire cela du mieux possible.

M. Forget: Mais parmi ceux qui sont sortis, j'imagine qu'ils savaient quand ils ont commencé à travailler pour la Commonwealth Plywood. Ce n'est pas bien compliqué à demander. Ce sont vos membres. Vous parlez en leur nom. Et vous produisez une liste de dates auxquelles ils seraient censés avoir commencé à travailler. Et là, vous venez de nous dire que vous ne le savez pas, que vous ne leur avez pas demandé. Cela ne m'apparaît pas bien sérieux, votre affaire.

M. Gagné: Si la commission désire avoir une autre liste d'ancienneté que nous pourrions lui faire, puisque nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour la préparer, on peut lui en fournir une autre qui serait plus formelle que celle-ci.

M. Bellemare: Quand vous avez porté vos plaintes au commissaire-enquêteur en chef pour ceux qui avaient été renvoyés, les 105 plaintes qui ont été déposées, à ce moment-là, vous avez pris connaissance de la liste d'ancienneté qui établissait, dans chacun des cas, ceux qui avaient été remerciés de leurs services.

M. Johnson: M. Gagné, pourriez-vous parler plus loin de votre micro?

M. Gagné: Plus loin?

M. Johnson: Non, parlez plus loin de votre micro, je m'excuse.

M. Gagné: Les plaintes de congédiement ont été faites individuellement. Il n'y a pas eu de vote là-dessus en assemblée générale. Les gens qui désiraient en porter une la faisaient.

M. Forget: M. Gagné... Est-ce que j'ai la parole?

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: On va laisser de côté cette question-là; on tirera nos propres conclusions. Vous vous présentez comme le président du syndicat accrédité CSN. Vous avez dit durant l'après-midi que vous avez été nommé dans les semaines qui ont suivi l'accréditation, mais que vous ne vous souveniez pas trop de la date.

D'autre part, vous contestez la légitimité de M. Thériault qui lui aussi prétend être agent d'affaires de la CSN pour les gens de l'intérieur et, présumément, la légitimité de l'exécutif que les gens de l'intérieur se sont donné.

Il y a, dans le rapport de médiation, certaines remarques sur la façon dont cette réunion où M. Thériault a été désigné comme agent d'affaires et où l'exécutif des gens de l'intérieur a été nommé dans le sens qu'on ne sait pas si tout le monde a été convoqué, etc.

J'aimerais que vous nous disiez quelles raisons vous avez de croire que la réunion qui a été tenue et où vous avez été nommé est plus régulière, plus légale que l'autre que vous contestez?

M. Gagné: Je la trouvais plus régulière parce qu'on avait fait un dépôt d'accréditation pour la CSN. Pour ma part, elle était plus régulière parce que le 30 août, la CSN déposait une accréditation. Le 19 août, on avait fait le vote de grève avec elle. C'est pour cela que je la trouvais plus régulière pour ma part.

M. Forget: L'accréditation que vous avez obtenue...

M. Bellemare: ... après.

M. Forget: ... ne vous faisait pas automatiquement président du syndicat.

M. Gagné: Bien non...

M. Forget: II a fallu une réunion pour convoquer les membres. Est-ce que tout le monde a été convoqué à la réunion qui vous a élu, ceux de l'intérieur comme ceux de l'extérieur?

M. Gagné: Ceux qui étaient membres ont toujours eu une lettre attestant qu'il y avait une assemblée...

M. Forget: Et vous n'avez exclu en aucun temps les membres de l'intérieur? Vous n'avez pas, à un moment donné, adopté une résolution décrétant que ceux qui étaient à l'intérieur n'étaient plus des membres en règle de votre syndicat?

M. Gagné: Ceux qui avaient signé pour la CSN de petites cartes jaunes n'ont pas été exclus.

M. Bellemare: Ils n'ont pas été exclus? M. Gagné: Non...

M. Forget: Ce sont les autres qui ont été exclus?

M. Gagné: Eux n'ont jamais été membres de la CSN, ils n'ont donc pas été exclus...

M. Forget: Alors, vous avez invité tous ceux qui avaient signé une carte de membre à toutes les réunions tenues depuis ce temps-là, y compris celle qui vous a élu.

Pouvez-vous me dire à qui les gens qui sont à l'intérieur et qui ont signé une carte de la CSN paient leur cotisation dans le moment?

M. Gagné: Je ne sais pas cela...

M. Johnson: Je puis peut-être répondre au député de Saint-Laurent, s'il le permet. Si je comprends bien, c'est fait au nom du Syndicat des employés de la Commonwealth Plywood — CSN, c'est endossé, et cela a été endossé jusqu'à ce qu'une injonction interdise l'utilisation du nom CSN, c'était endossé, je pense, par Madame Grignon, qui le remettait à l'Union des rembourreurs unis d'Amérique.

M. Forget: Alors, effectivement...

M. Gagné: II y en a un qui a été exclu du syndicat, Yves Côté, après avoir signé...

M. Forget: Maintenant, depuis le mois d'octobre 1977, vous ne recevez donc pas de cotisation de vos membres, du moins des gens qui ont signé une carte de membre de la CSN et qui sont à l'intérieur. Est-ce que ces gens-là viennent à vos réunions?

M. Gagné: Ceux qui sont en dedans, à l'heure actuelle, les "scabs comme on dit, ne viennent naturellement pas aux assemblées.

M. Forget: Alors, vous êtes président d'un syndicat qui a des membres à l'intérieur, qui prétend avoir des membres à l'intérieur, et ces gens-là ne viennent pas à vos réunions et vous ne recevez pas de cotisations syndicales d'eux.

À ce moment-là, M. Gagné, supposons que le commissaire du travail décide que les congédiements qui ont été effectués à la mi-septembre 1977 n'étaient pas à l'encontre de la loi; ce n'étaient pas des congédiements antisyndicaux, pour des motifs antisyndicaux. Cette décision, si elle était rendue demain matin par le commissaire du travail, ferait qu'effectivement tous les gens qui sont actifs dans votre syndicat, qui se trouvent à être tous à l'extérieur de l'entreprise et les seuls, si je comprends bien, qui paient des cotisations et qui sont présents à votre réunion ne seraient plus des salariés de la Commonwealth Plywood. Vous seriez donc président d'un syndicat qui n'existe pas.

M. Gagné: Là, d'après moi, vous êtes en train de faire une enquête.

M. Forget: C'est pour ça qu'on est ici.

M. Gagné: Ce n'est pas ça que les gens ont dit ce matin.

M. Bisaillon: Si vous permettez, M. le député de Saint-Laurent, je voudrais poser une question en termes de procédure. Est-ce qu'il serait possible — moi, je suis d'accord pour qu'on pose toutes les questions — étant donné que les questions du député de Saint-Laurent sont précises, qu'on permette au témoin de se faire assister ou de prendre le temps, avant de répondre à une question, de discuter avec ses conseillers? Il me semble que c'est normal et, après ça, on le laissera répondre tranquillement, calmement, sans le bousculer.

M. Forget: M. le Président, je ne pense pas que j'aie bousculé qui que ce soit. On a même ajourné les travaux pendant deux heures...

M. Bisaillon: Je n'ai pas dit ça.

M. Forget: ... pour donner tout le temps nécessaire pour trouver la réponse à une question.

M. Bisaillon: Je n'ai pas dit que le député de Saint-Laurent bousculait le témoin. J'ai simplement demandé qu'on lui laisse le temps de consulter autour de lui avant de fournir sa réponse.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Sainte-Marie, tout témoin a certainement la possi-

bilité de prendre le temps nécessaire pour consulter si nécessaire, en se faisant assister, mais sans se faire représenter. Nous réglons une première question. C'est-à-dire que M. Gagné peut laisser un temps sans que nous suspendions la séance et peut demander conseil. Oui, M. Gagné.

M. Gagné: L'hypothèse de M. le député, c'est une hypothèse. Comme il parle, lui, comme il dit, il faut que je devine l'avenir; pour pouvoir lui répondre, quand on entrera là, savoir comment ça va marcher et... Je ne sais pas l'avenir. Pour répondre à son hypothèse, il faudrait que je sache l'avenir. (20 h 30)

M. Forget: M. Gagné, de deux choses l'une: Ou le congédiement était antisyndical et donc illégal ou il ne l'était pas. Il était légal et valable et ces gens ont été valablement congédiés.

Examinons les deux possibilités, si vous voulez bien. Si ce congédiement était pour des motifs... était antisyndical, était jugé inacceptable, contraire au Code du travail — éventuellement, j'imagine, cette décision, on va la prendre — si c'était le cas, les gens que vous représentez et qui sont à l'extérieur font partie du syndicat, vous êtes valablement président de ce syndicat, mais vous êtes aussi représentant des gens de l'intérieur. On pourra revenir sur cette situation si vous voulez.

Si d'un autre côté, parce que cela pose certains problèmes, il faut que vous représentiez tout le monde à ce moment et ce n'est pas évident que vous représentez tout le monde dans le moment parce que vous avez un paquet de membres qui ne viennent plus à vos assemblées depuis des mois et qui ne paient pas de cotisation syndicale. Il y a quand même un point d'interrogation. Peut-être que cela n'est pas fatal, mais c'est au moins un problème qu'il faudra examiner.

Si, d'un autre côté, c'étaient des congédiements qui sont reconnus valables et légaux par le commissaire du travail dans son éventuelle décision, vos membres, les seuls qui sont actifs, qui vont à vos réunions et qui paient des cotisations à votre syndicat, ce ne sont plus des salariés au sens du Code du travail depuis un an et vous êtes président d'un groupe de personnes qui ont déjà été des employés de la Commonwealth Plywood, mais qui valablement et légalement ne le sont plus.

C'est ou l'un ou l'autre. Ou vous avez un problème de représenter tout le monde, si le congédiement était illégal, ce que vous ne semblez pas être en mesure de faire dans le moment, ou vous avez le problème de représenter un syndicat qui n'existe plus et je pense qu'il faudra, à un certain moment, savoir dans quelle situation on se trouve.

Vous êtes d'accord sur cela?

M. Gagné: Ceux que je représente, ce sont ceux qui m'ont nommé, à l'heure actuelle, c'est-à-dire les grévistes, non les "scabs ". Selon l'hypothèse que vous m'apportez, être organisé comme d'autres le sont avec trois ou quatre avocats à côté de moi, c'est une hypothèse pour un avocat. Parce qu'avec l'instruction que j'ai, je ne peux pas m'embarquer dans une patente à n'en plus finir. Notre but a toujours été d'avoir une convention collective et c'est encore notre but, et que le gouvernement actuel applique ses lois. Quant à moi, je vais revenir là-dessus, si nous sommes allés en grève, c'est parce que M. Caine n'avait pas respecté la loi. Ceux qui ont continué, comme vous dites, les "scabs" qui ont continué à entrer, je n'étais pas responsable d'eux. Je ne pouvais pas les attacher à leur galerie pour qu'ils n'entrent pas.

M. Bellemare: À ce moment-là c'était une grève illégale.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! Chacun son tour. Comme président, je vais dire autre chose. Il faut quand même protéger les témoins. Les mêmes questions reviennent. M. le député de Johnson a eu l'occasion longuement d'interroger le témoin.

M. Bellemare: Pas longtemps.

Le Président (M. Cardinal): À votre point de vue, pas longtemps. Enfin, il a eu l'occasion de l'interroger.

M. Bellemare: Je ne l'ai pas torturé.

Le Président (M. Cardinal): C'est au tour de M. le député de Saint-Laurent, ensuite ce sera le tour de M. le député de Terrebonne. Je voudrais que ce soit chacun son tour et un à la fois. C'est déjà suffisant. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. Je n'en ai plus pour longtemps. Je pense que M. Gagné vient d'exprimer quelque chose qui est important. Il dit: Ceux pour qui je parle, ce sont ceux qui ne sont pas des "scabs", ceux qui ont été mis à pied et qui sont sortis. Je pense que c'est une affirmation bien importante. En somme, ce que vous dites à la commission, c'est que vous ne prétendez pas parler au nom de tous les employés à l'intérieur ou à l'extérieur de la Commonwealth Plywood qui ont déjà signé une carte de membre de la CSN, vous parlez au nom de ceux qui sont à l'extérieur. C'est bien cela que vous avez dit.

M. Gagné: Ceux qui ont signé des cartes CSN, je vais encore le dire, ils ont toujours été invités à nos assemblées, ceux qui étaient en dedans aussi. Sur cette liste, il manque des personnes; on ne connaissait pas tous les "scabs", parce qu'on ne pouvait pas les compter, on n'était pas organisé pour les compter, à bord d'un camion.

Parmi ceux dont vous avez les noms, ici, il n'y en a pas beaucoup qui ont leur carte de la CSN. C'est de ceux-là que vous avez parlé tout à l'heure?

M. Forget: Ceux qui sont à l'intérieur. Il y a deux listes là-dedans.

M. Gagné: Prenez la liste où il n'y a pas de sorties. Parmi ceux-là, il n'y en a pas beaucoup qui ont leur carte de la CSN. Donc, je n'ai pas à les défendre, ils ne sont pas associés avec moi; il y a un président en dedans qui s'appelle Ernest Lévesque.

M. Forget: II y en a malgré tout en dedans qui sont vos membres, que vous revendiquez comme vos membres et au nom de qui vous parlez ici ce soir.

M. Gagné: Oui, et on les invite à nos assemblées. S'ils ne viennent pas, on n'est pas pour aller les chercher chez eux avec des gants blancs.

M. Forget: Est-ce que vous ne pensez pas que, lorsqu'un syndicat décide d'une action, comme de faire une grève, surtout quand elle dure un an, et qui ne réussit pas à faire suffisamment d'unanimité dans ses rangs pour que ce soit accepté par tout le monde à l'intérieur du syndicat, il est un peu mal placé pour venir ensuite en commission parlementaire pour essayer de régler le problème? C'est clair que, si ce sont vos membres ou s'il y a de vos membres qui sont à l'intérieur... Vous n'en avez pas non plus des milliers à l'extérieur, même s'il y en a seulement 10, 20 ou 30 à l'intérieur, c'est quand même un nombre important.

Si, depuis un an, ils ont une ligne complètement différente de celle que, comme syndicat, vous recommandez, ce peut être légitime qu'on se pose des questions, à savoir si vous parlez bien en leur nom. Cela commence à faire long comme dissidence à l'intérieur du syndicat.

M. Gagné: À l'heure actuelle, à mon sens, je représente la majorité de mes membres, du syndicat CSN—Commonwealth Plywood.

M. Forget: Je n'ai pas compris, je pensais que la fin m'aiderait à comprendre. Qu'est-ce qui représente la majorité de vos membres?

M. Gagné: J'ai dit... M. Forget: Je m'excuse.

M. Gagné: ... dans mon esprit, je représente la majorité des membres du syndicat CSN-Commonwealth Plywood.

M. Forget: Bon. Sur quoi vous appuyez-vous pour faire une telle affirmation, particulièrement vis-à-vis de ceux de vos membres qui sont restés à l'intérieur depuis un an?

M. Gagné: C'est parce que je suis accrédité, monsieur.

M. Forget: C'est la loi. Il n'y a rien qui, dans les faits, vous permette de croire qu'ils sont encore vos membres. Ils ne viennent pas à vos réunions et ils ne payent pas vos cotisations.

M. Gagné: On a eu une injonction contre les autres en dedans, ceux qui ont signé la convention collective "scab".

M. Forget: Je n'ai pas d'autres questions, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Terrebonne.

M. Fallu: Merci, M. le Président. Vous me permettrez un court préambule, en mon nom personnel. Il ne s'agit pas d'un préambule comme on en fait un au début d'une commission, mais strictement, avant d'interroger le premier témoin, j'aimerais énoncer ma position, la position que je tiendrai ici, à cette commission parlementaire.

Il est connu dans le milieu chez nous que je n'ai pas été verbeux pendant ce conflit, que pour moi ce n'étaient pas les déclarations qui comptaient, c'était de tâcher d'aider des gens à se concilier, à se réconcilier de quelque façon. Je n'ai pas ménagé les rencontres entre les parties, toutes les parties, d'ailleurs. J'ai même eu le plaisir d'avoir des rencontres un peu plus prolongées lors d'une occupation de mes propres bureaux, occupation qui fut d'ailleurs très civilisée.

M. le Président, je vous dis au départ que, pour ma part, je n'aurai vraisemblablement aucune question à poser sur le passé puisque le conflit, je crois le connaître relativement bien. Peut-être, à la limite, poserai-je des questions, notamment pour éclairer mes collègues de la commission parlementaire, mais guère davantage.

Pour moi, la commission vise deux buts, le premier, celui d'éclairer le Parlement, l'Assemblée nationale et le public en général, sur la nature du conflit; il en vise également un second, celui de tenter d'amorcer les éléments de solution. Pour moi, c'est ce deuxième but qui importe avant toute chose.

C'est donc vers des éléments de solution que j'orienterai continuellement mes questions à toutes les parties, d'ailleurs. Dans ce sens, M. le Président, j'aimerais rappeler très brièvement la situation et poser des questions très précises à notre invité, M. Gagné.

On sait que le conflit qui dure a connu des péripéties multiples, notamment des tentatives de solution, que ce soit au moment de l'accréditation qui est l'une des accréditations les plus rapides qu'on ait vue au ministère du Travail, que ce soit la nomination d'un conciliateur à l'époque, qui n'a pas eu grand effet, malheureusement, que ce soit, par la suite, la demande de moratoire judiciaire, que ce soit la nomination d'un conseil spécial de médiation "alégal", comme l'appelait son président ce matin, ou que ce soit maintenant la commission parlementaire, mécanisme nouveau, inusité, je crois que tous ces efforts que je résume bien brièvement tendent vers un seul but, c'est de sortir du bourbier dans lequel le conflit s'est engagé.

La commission parlementaire demeurant verra à établir peut-être des éléments de solution en dehors de tous les jugements, les appels, les plain-

tes relatives ou les sentiments collectifs, relatifs également au Code du travail. (20 h 45)

Ma première question à M. Gagné est celle-ci: Le syndicat Commonwealth-CSN a, pour sa part, déjà posé des gestes devant les tribunaux, a engagé des procédures, soit devant les tribunaux, soit auprès du ministère du Travail. Est-ce que, en vue de résoudre rapidement le conflit, vous seriez prêts à abandonner toute procédure pour régler rapidement le conflit?

M. Gagné: C'est notre but. Quand on a accepté la médiation, on le disait clairement. Quand il a présenté son rapport de médiation, on l'a accepté, parce qu'on veut en finir. On est prêt à négocier demain matin, nous autres, avec M. Caine.

M. Fallu: Deuxième question. Vous avez déjà accepté le rapport de conciliation. Est-ce que, ce soir, au nom de vos membres CSN, vous êtes prêts à affirmer devant la commission que vous acceptez toujours le rapport spécial de médiation?

M. Gagné: Je suis certain que si je fais une assemblée ce soir, ils accepteront qu'on demande au gouvernement de l'appliquer.

M. Fallu: Par conséquent, vos membres seraient prêts à se soumettre à une liste de rappels basés essentiellement sur l'ancienneté et la capacité de travail?

M. Gagné: Oui.

M. Fallu: Dans les conditions de travail, vous seriez également prêts, comme l'indiquait l'une des recommandations du conseil de médiation, à soumettre, pour ainsi dire, ce qu'on appellerait la convention potentielle de travail possible qui pourrait être signée, à un mécanisme quelconque, par exemple, une médiation spéciale, trois médiateurs ou quelque chose de la sorte, inspirée peut-être de la loi 45 pour la première convention collective, sans être nécessairement un décret, une procédure extrêmement expéditive sur le fond?

M. Gagné: S'il n'y a pas d'autres solutions, on serait prêts.

M. Fallu: Seriez-vous même prêts à partir comme base avec peut-être, à la limite, je dirais, un minimum, mais vraiment minime, de négociation sur la vraie ou fausse, qu'importe pour le moment, convention qui a été signée entre le vrai ou faux syndicat de l'intérieur et le patron?

M. Gagné: Aller signer une convention qui a déjà été signée et qui n'est pas la nôtre, je ne pense pas que... Elle est signée cette convention.

M. Fallu: Non, mais je dis bien comme base. Une voix: À partir de là.

M. Fallu: À partir de cela.

Une voix: Pour négocier d'autres choses.

M. Fallu: De toute façon, comme elle finit dans quatre jours, elle n'est plus bien utile. Elle pourrait servir de base, dirais-je, de négociation. De toute façon, cette convention...

M. Gagné: Nous serions prêts à négocier sur la base de la médiation, y compris l'arbitrage et toute la patente.

M. Fallu: Oui. C'est que le rapport du conseil de médiation établissait certains critères mais non pas des contenus. En posant ma question, je pense non seulement à vous autres, c'est-à-dire au contenu d'une convention collective, mais aussi aux habitudes qu'il y avait, jusqu'à maintenant, à la Commonwealth Plywood de signer des conventions qui étaient beaucoup plus que moyennes. Seriez-vous prêts à négocier sur la base de la convention qui était, disons, en vigueur il y a un an, quitte à l'aménager au niveau des salaires, au niveau des griefs, au niveau de la sécurité de travail, etc.?

Une voix: Celle de 1974.

M. Fallu: Celle de 1974.

Une voix: Cela fait une grosse côte à monter.

M. Gagné: Sur la base de l'autre convention, cela se pourrait qu'on accepte...

M. Fallu: En l'améliorant, néanmoins.

M. Gagné: Oui, il faudrait l'améliorer et beaucoup.

M. Fallu: D'accord, non, mais...

M. Gagné: Mais on a déjà déposé une convention collective à la médiation...

M. Fallu: Un projet?

M. Gagné: Un projet, oui. Pas une convention, parce que nous n'en avons pas.

M. Fallu: D'accord. Il est connu quand même qu'à la Commonwealth Plywood les rembourreurs n'ont jamais eu une convention tellement avancée, devrais-je dire, par rapport aux conventions habituelles. C'étaient des conventions relativement simples, qui étaient des conventions telles qu'on en trouvait il y a quinze ans dans les relations de travail, mais qu'on ne trouve à peu près plus maintenant...

M. Gagné: C'était une convention... d'après moi, c'étaient deux patrons qui signaient une convention collective...

M. Fallu: J'aurais une question précise. Je m'excuse de revenir sur le sujet. Peut-être que M. le président va vouloir m'interrompre, mais j'ai l'impression que, tout à l'heure, il y a une série de questions qui ont été formulées et le type de réponses que vous avez données ne rend peut-être pas justice aux faits, à la réalité. Et si vous le permettez, M. le président, je voudrais revenir sur un sujet sur lequel on a déjà posé des questions pour tenter de l'éclairer de façon plus précise.

Le Président (M. Cardinal): Je vous écoute et je ne préjuge de rien.

M. Fallu: Merci, M. le Président! À un moment donné, le syndicat CSN-Commonwealth a compris quelque 180 ou 185 signatures. Cela a été le moment le plus fort.

M. Gagné: Oui.

M. Fallu: C'est 180 ou 185 signatures sur 223 possibles, au 14 septembre. D'accord, c'est à peu près cela?

M. Gagné: Oui, à peu près cela.

M. Fallu: Au moment de l'accréditation, il y avait 140 cartes signées. Il en est arrivé quelques-unes après...

M. Gagné: Oui...

M. Fallu: ...dans les journées qui ont suivi, entre autres, au début d'octobre, ou même avant cela, après le dépôt de la demande d'accréditation.

M. Gagné: II s'en est signé le 19 septembre et le 20.

M. Fallu: D'accord. À ce moment-là, la demande d'accréditation était donc déjà déposée.

M. Gagné: Oui.

M. Fallu: Bon! Maintenant, mes questions vont tenter d'éclairer un peu ce que le député de Saint-Laurent voulait savoir. Le syndicat a donc dans son accréditation 144 demandes, auxquelles se sont ajoutées 40 ou 45 autres par la suite, et l'unité d'accréditation couvre l'ensemble des 223 membres de l'unité qui étaient en poste avant le 16 septembre, avant les mises à pied. On en convient bien?

M. Gagné: C'est cela.

M. Fallu: D'accord! J'aimerais, pour autant que vous pouvez me le dire, pour autant que votre mémoire ne flanchera pas trop, faire de petites analyses de cela.

Sur 223 membres, il y en a 118, et non 105, comme on l'a dit souvent, qui ont été mis à pied, et 105 qui n'ont pas été mis à pied. Sur les 105 non mis à pied, il y en avait combien approximativement qui avaient signé une carte de membre? Est-ce que c'étaient la moitié, les deux tiers, le tiers, le quart? D'un point de vue légal, ils sont tous...

M. Gagné: Dans les 105, on a plus que la moitié des cartes...

M. Fallu: D'accord! Cela veut dire que, dans les 118, il y a également plus de la moitié, peut-être même les deux tiers?

M. Gagné: Sur les 118 congédiés, il y en avait trois qui n'avaient pas leur carte de la CSN.

M. Fallu: D'accord!

M. Johnson: En dedans?

M. Fallu: Non pas en dedans, mais 70 qui n'ont pas été mis à pied. La différence doit toujours être faite entre la mise à pied et en dedans.

Une autre question précise — pour moi, ça éclaire le sujet — si vous permettez, Lorsqu'il y a eu ces fausses cartes CSN signées à l'intérieur, dès que vous avez eu vent de ça, vous avez demandé une injonction pour qu'ils n'utilisent pas le nom CSN. Avez-vous songé, entre autres, à entamer une procédure relativement à un faux, par exemple, fabrication de faux, usage de faux, parce que c'était quand même le nom d'une centrale syndicale qui aurait été utilisé peut-être d'une façon abusive?

M. Gagné: Pour une chose criminelle à amener devant un juge et tout ça, on pensait qu'on avait assez de poursuites sans en créer de nouvelles. Donc, on avait des injonctions et... Premièrement, on a toujours eu l'idée que le conflit ne se réglerait pas en cour. Donc, le moins de poursuites possible. C'était un avantage pour nous, naturellement, dans le but de négocier une convention, mais dans le temps que nous faisons attention pour ne pas trop en amener devant la cour, M. Caine y allait, lui, avec joie.

M. Fallu: Bon! Moi, j'arrive à ma question-clé. On a dit, on a répété à plusieurs reprises alentour de la table, entre autres, ce matin, qu'il s'agissait d'un conflit intersyndical. Donc, que les syndicats règlent leur conflit intersyndical et, après ça, le patron se dit prêt à négocier, se dit prêt à faire la grande réconciliation. Mais, d'abord, que le conflit intersyndical se règle. Bon! S'il en était ainsi — on va prendre ça comme hypothèse — après tous les garrochages de roches qui sont arrivés, après tous les mots que les gens se sont dits entre eux, traités de scabs ou cochons de CSN ou ce qu'on veut, maintenant qu'on est prêt à dire qu'on veut régler, vous, comme président du syndicat CSN, par rapport aux gars d'en dedans, êtes-vous prêts à faire la paix et dire: Sur la base d'ancienneté, demain matin, on entre, on signe une convention, tous ensemble, selon le syndicat accrédité, c'est-à-dire CSN, et il arrive des élections, et tout s'ensuit?

M. Gagné: On l'avait déjà accepté sous le projet de M. Blain, la médiation.

M. Fallu: Donc, vous êtes prêts à travailler, tout le monde ensemble, rentrer dans l'usine...

M. Gagné: On est prêt sur...

M. Fallu: ..."scabs", non-"scabs", comme vous les appelez...

M. Gagné: ...sur la clause de l'ancienneté, selon l'ancienneté.

M. Fallu: Bon! D'après vous, qu'est-ce que les gens de l'intérieur, comme on les appelle harmonieusement ici, en pensent, pensez-vous? Avez-vous eu des contacts avec eux?

M. Gagné: Non.

M. Fallu: Avez-vous tenté, entre-temps, en ligne directe ou de quelque façon, de voir s'il n'y a pas moyen de régler ça entre vous autres? (21 heures)

M. Gagné: Premièrement, M. le député, on avait une injonction selon laquelle, si on parlait à un "scab", il le rapportait à la compagnie et on avait droit à l'outrage au tribunal. C'était le type d'injonction et je m'en souviens très bien.

M. Fallu: En vertu de quelle injonction?

M. Gagné: Celle du mois de novembre. C'est l'injonction du 22 novembre. C'est le juge Meyer qui l'a émise. Ce n'était pas écrit carré comme cela, mais c'était marqué en voulant dire que, si on les approchait, si on les intimidait, toute intimidation pouvait nous valoir un outrage. On avait assez à en poigner quand on allait sur la ligne sans en poigner pour aller leur parler sur le trottoir.

M. Fallu: D'après vous, M. Gagné — on va se rencontrer fatalement la semaine prochaine parce qu'à l'heure qu'il est, il est évident qu'on risque de se revoir la semaine prochaine — si, autour de la table ici, dans ce salon rouge, sous la présidence de l'Assemblée nationale, on en arrivait à établir, non pas tous les torts ou toutes les raisons ou quoi que ce soit, parce qu'on voit bien que, si on veut laisser aller cela devant les tribunaux pour régler tout cela à l'automne, et le printemps prochain et dans six ans ou dans sept ans, on n'en sortira pas...

Chez vous, les gens tiennent-ils à leur job?

M. Gagné: C'est clair. Cela fait un an et on est encore là. C'est parce qu'on tient à notre job.

M. Fallu: Cela veut dire qu'il n'y a qu'une seule chose que vous désirez et c'est de régler.

M. Gagné: C'est de régler, d'avoir une convention collective qui se tienne debout, de pouvoir travailler et de garder nos droits à un certain moment, et de garder nos membres.

M. Fallu: Merci. Pour moi, c'est terminé.

Le Président (M. Cardinal): Y a-t-il d'autres questions à M. Gagné?

M. Johnson: Ce n'est pas une question que j'aurais à poser à M. Gagné. Si personne d'autre n'en a, je voudrais simplement faire une mise au point et corriger une affirmation que j'ai faite ce matin à partir d'une confusion dans les termes. J'ai utilisé l'expression "logo" en parlant des fausses cartes. Il ne s'agit pas du logo, mais bien d'une étiquette syndicale qui est reproduite sur les cartes auxquelles je me suis référé et qu'aurait fait signer M. Thériault, cartes, cependant, qui portent la mention Syndicat des travailleurs de Commonwealth Plywood-CSN, mais ce n'est pas le logo de la CSN qu'on y retrouve. C'est simplement au bas de la feuille. La confusion est venue de cela. Au bas de la carte, il y a simplement l'étiquette syndicale de la compagnie qui a imprimé les cartes. C'était simplement pour clarifier cela pour les fins du journal des Débats.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Dans ce cas, puis-je... M. Gagné.

M. Bazin (Jean): Avec votre permission, M. le Président, Jean Bazin.

Le Président (M. Cardinal): Oui.

M. Bazin: Simple question d'information, parce qu'il a été question, cet après-midi, de la possibilité de poser des questions aux différentes personnes qui sont invitées et cette procédure n'avait pas été arrêtée. Peut-être que c'est le moment de la préciser. Non pas que j'ai l'intention de poser des questions à M. Gagné, pas du tout, mais de la façon que la commission parlementaire procède, il se peut qu'il y ait des parties ici qui aient des questions à poser aux différents invités. Alors, cela serait peut-être bon de préciser immédiatement les règles du jeu à ce niveau.

Le Président (M. Cardinal): Je pensais, M. Bazin, que je les avais précisées en répondant à Me Casgrain. Personne dans l'auditoire, si je puis ainsi l'appeler de façon générale, ne peut interroger ou contre-interroger les invités ou les témoins. Tout se fait à partir de la commission, et uniquement à partir de la commission.

S'il y a des questions suggérées ou autrement, vous vous adressez, comme cela se fait toujours, aux membres de la députation. Je n'accepte pas que la salle — je n'aime pas l'expression — puisse intervenir dans le débat. C'est une affaire de la commission parlementaire. Évidemment, j'admets que... Je n'ai pas l'intention de commencer un cours de procédure parlementaire. Déjà, on me trouve trop long dans mes interventions, mais il est certain que nous ne sommes pas devant un tribunal, même si plusieurs de nos règles sont par analogie assimilables à un tribunal, mais lequel? Alors, je pense que j'ai répondu à la question.

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, j'en ai glissé un mot à nos collègues de

l'Opposition. Dans le cas du témoignage de M. Gagné, on aurait peut-être eu avantage à faire témoigner en même temps M. Hallé et M. Pepin, parce que finalement l'ensemble des questions aurait peut-être trouvé des réponses plus rapidement. Je suggérerais que dans le cas des deux prochains témoins, M. Hallé et M. Pepin, ils prennent simplement place avec M. Gagné et quand on arrivera à M. Lévesque, Mlle Grignon et M. Thériault, on procède de cette façon où les trois sont là et on pourra adresser les questions...

M. Bellemare: Vers quelle heure, M. le Président? Je voudrais savoir...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! C'est déjà presque une autre réponse à Me Bazin. À l'ordre! La commission étant maîtresse de ses travaux, si on accepte cette façon de procéder, j'en suis très heureux, mais je voudrais auparavant remercier M. Gagné d'avoir subi toutes ces questions, d'y avoir répondu et d'avoir été à la disposition de la commission de l'Assemblée nationale, et j'insiste, et non pas de tel ou tel parti ou de l'exécutif ou de l'Opposition. Au nom de l'Assemblée nationale, je le remercie vraiment. Je suis obligé de lui demander, comme les travaux ne sont pas terminés, de demeurer à notre disposition tout en étant assuré qu'il n'aura pas à revenir ce soir, je pense, si la commission veut bien le libérer.

M. Johnson: M. le Président, dans ce contexte, j'appellerais peut-être, si vous êtes d'accord, M. Hallé et M. Pepin. Ce qui n'empêche pas que M. Gagné puisse rester là, pour des questions additionnelles, peut-être, et qu'on termine le bloc CSN, si on veut.

M. Bellemare: M. le Président, je vous demanderais une directive.

Le Président (M. Cardinal): Oui, certainement.

M. Bellemare: Depuis quand le ministre va-t-il donner sa stratégie indirectement sous des couverts obscurs pour empêcher d'entendre la compagnie maintenant? Pourquoi est-ce qu'on n'entendrait pas aussi la compagnie maintenant qui est ici depuis ce matin, qui n'a pas dit un seul mot dans le conflit.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! Cette question a été posée ce matin, cet après-midi...

M. Bellemare: Oui, mais la majorité nous a battus.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, mais...

M. Bellemare: Vous devez être le représentant, le défenseur des "oppositionnistes".

Le Président (M. Cardinal): Je ne suis pas le défenseur des "oppositionnistes"...

M. Bellemare: Le défenseur, d'après la loi.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! Je ne peux quand même pas renverser le gouvernement parce que je suis président.

M. Bellemare: ... d'équité.

M. Pagé: Est-ce que vous le feriez?

Une voix: Non.

M. Pagé: Est-ce que vous le feriez?

Le Président (M. Cardinal): Avec la majorité qui existe, ne me posez pas de questions hypothétiques.

Une voix: À l'ordre!

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Johnson, je comprends votre indignation toute parlementaire, mais je fais mon possible et vous avez assez d'expérience pour le reconnaître.

M. Bellemare: On arrête à minuit toujours, n'est-ce pas?

Le Président (M. Cardinal): Si vous reposez la question, je vous dis que le règlement sessionnel m'oblige à 24 heures précises à lever la séance sine die.

M. Bellemare: Alors, j'espère qu'on va avoir quelques minutes.

Le Président (M. Cardinal): Alors, M. Ghislain Hallé et M. Marcel Pepin, si vous voulez chacun vous identifier, donner vos titres et qualités, s'il vous plaît.

M. Hallé (Ghislain): Ghislain Hallé, je suis conseiller syndical à la Fédération nationale des syndicats du bâtiment et du bois — CSN.

M. Pepin (Marcel): Marcel Pepin, conseiller à la Confédération des syndicats nationaux.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le ministre, et nous suivons le même ordre.

M. Johnson: M. le Président, j'ai une série de questions et je vais me contenter de relire des notes que j'ai préparées. En votre qualité d'organisateur, M. Hallé, est-ce que c'est vous qui vous êtes occupé de l'organisation du syndicat des travailleurs de Commonwealth Plywood-CSN?

M. Hallé: Une première chose, je ne suis pas, comme tel, organisateur. Je suis ce qu'on appelle un conseiller, dans l'ancien terme, technique, soit pour les arbitrages et la négociation des conventions collectives. Par hasard, il s'est adonné quand même, pour compléter votre question, qu'effectivement le 13 août 1977 j'étais présent à l'assem-

blée d'organisation et de fondation du syndicat des employés de la Commonwealth Plywood-CSN.

M. Johnson: Est-ce qu'il est exact que, le 29 août, vous avez fait signifier à M. Donat Thériault 131 démissions de l'Union des rembourreurs?

M. Hallé: Comme je ne suis pas organisateur, je dois vous dire que c'est par ouï-dire que je sais que cela s'est fait cette journée-là...

M. Johnson: Ce n'est pas vous qui l'avez fait. M. Hallé: Ce n'est pas moi qui l'ai fait.

M. Johnson: Combien de membres, à votre connaissance, y avait-il en date du 30 août 1977?

M. Hallé: À ma connaissance, c'était entre 140 et 150 membres, mais il y avait des démissions; comme je vous ai dit, ce n'est pas moi qui ai fait le dépôt.

M. Johnson: D'accord. Vous avez participé à titre de conseiller technique, comme on disait dans l'ancien vocabulaire, pour la CSN, aux négociations.

M. Hallé: Oui. Enfin, si on peut appeler ça des négociations.

M. Johnson: Est-ce que vous pourriez me décrire ces tentatives ou ces négociations?

M. Hallé: Première des choses, effectivement, la journée de la grève, le 19 septembre, je n'étais pas là parce que j'ai été appelé à l'extérieur, à Cowansville, au syndicat de Vilas Furniture. J'ai téléphoné au bureau et c'est un de mes camarades qui m'a remplacé cette journée-là. Je pense que cela apparaît dans les notes. De toute façon, le commissaire général, M. Blain, était au courant de cette question, je n'étais pas là cette journée-là. Je suis entré dans le dossier, parce qu'on me l'avait confié et, en plus de ça, j'y étais lors de la journée de fondation, dans les jours qui ont suivi ou à peu près. On a commencé à mettre en place des structures pour préparer la convention collective et étudier comment on réglerait le conflit qui, à l'époque, avait l'air d'un conflit temporaire causé par des mises à pied qu'on qualifiait d'illégales en vertu de l'article 45 de la Loi de la qualification de ta main-d'oeuvre. C'est ça qu'on a fait les premiers jours.

Je ne peux pas vous parler de la grève, du moment de l'assemblée, ainsi de suite; je pourrais vous en parler, mais c'est par autrui, parce que je n'étais pas là ce jour-là et les jours qui ont suivi.

La première journée où, officiellement, selon le Code du travail, nous avons eu des rencontres, c'était après avoir reçu l'accréditation du ministère prouvant que nous représentions effectivement le syndicat. Nous avons eu différentes assemblées, presque deux ou trois par semaine. Il faut que je vous explique, et là, je pense que je peux répondre à une question du député de Saint-Laurent, qu'ef- fectivement, si je suis nommé dans tel ou tel dossier par le président de la fédération, M. Bourdon, ou le directeur coordonnateur, M. Gravel, je dois être accepté, par l'assemblée du syndicat où je vais, comme étant son représentant de négociation. Je ne me rappelle pas la date exacte, parce que je n'étais pas nécessairement à l'assemblée, même si j'avais rencontré les membres, car j'étais ailleurs à ce moment-là. J'ai été accepté.

Le 6 octobre, même si on n'avait pas fini, on était en train de produire le projet de convention collective. Devant l'urgence de la situation, devant le fait qu'on avait reçu uniquement, par écrit, le 4 ou 5 octobre, l'accréditation... Effectivement, c'était très rapide, le 4 ou le 5 octobre, probablement le 5 octobre. On savait auparavant, parce qu'on avait eu des communications avec le ministère, ainsi de suite, qu'on serait probablement accrédité parce qu'on savait que M. Thériault s'était désisté, on savait que la compagnie s'était désistée aussi. Il n'y avait pas d'objection de part et d'autre.

Le 6 octobre, même si la convention collective n'était pas prête, je suis allé, avec le comité exécutif du temps — il y a eu certains changements de personnes entre-temps, ainsi de suite, mais, quand même, le comité exécutif du syndicat du temps — rencontré M. Verville qui était gérant de la compagnie. En fait, ce n'était pas M. Verville qu'on voulait rencontrer, mais on est allé à la porte de la compagnie, à la porte centrale, sur le boulevard Labelle, et nous avons demandé à rencontrer M. Caine. On a eu de la difficulté à entrer, parce qu'il y avait beaucoup de gardes du corps, ainsi de suite; il y avait trois hommes et deux femmes avec moi. Tous des gens de ma grosseur ou de celle de M. Gagné et on a eu affaire à quatre ou cinq gardes du corps assez imposants. On est demeuré dans l'antichambre, entre les deux portes en avant, et M. Verville est venu nous rencontrer.

J'avais été mandaté, dans une assemblée précédente, de rencontrer la compagnie pour régler le problème et ensuite d'entreprendre des négociations de façon normale. Effectivement, ce n'est pas normal d'entreprendre des négociations alors qu'on n'a même pas de projet, avec une grève. Il y avait énormément de justification là-dessus et on se pensait nettement très justifié, on le pense toujours. (21 h 15)

Cependant, ce n'est quand même pas une situation normale et on voulait essayer de régler le problème et, une fois rentrés, négocier la convention collective de façon habituelle, selon le Code du travail, avec tous les mécanismes ordinaires, etc.

À ce moment-là, j'ai mentionné qu'on était prêt à les rencontrer à n'importe quel temps. Je sais que c'était la fin de semaine de l'Action de grâces. Le 6 octobre; pour autant que je me souvienne, c'était un jeudi et les samedi, dimanche et lundi, c'était congé. J'ai laissé une feuille avec mon nom à M. Verville, qui l'a reçue, de même que mon adresse, mon numéro de téléphone à mon bureau et à la maison, chez moi, en

disant que j'étais disponible 24 heures par jour, ce que j'ai été effectivement à ce moment-là. J'ai été pratiquement 24 heures par jour à la maison. Je leur disais: Étant donné l'acuité du problème, on est prêt à vous rencontrer à n'importe quel temps, on a le mandat, que ce soit en fin de semaine, à n'importe quelle heure, on vous rencontre.

Nous n'avons pas reçu de réponse. Comme vous demandiez lés étapes qu'on a produites, face à cela, le 11, comme j'avais eu le mandat de l'assemblée du 6 — ou c'est le 11 au matin, vous me comprendrez, après un an, j'ai quand même une vingtaine d'autres dossiers dont plusieurs ont marché en même temps, cette année, je ne me souviens pas exactement des dates — mais je sais que, le 11, j'ai demandé la conciliation, sauf que je ne me souviens pas... la décision pour demander la conciliation, ce n'est pas moi qui l'ai prise, c'est l'assemblée générale du syndicat, compte tenu des résultats. Cela s'est fait le 11 ou vers le 6, sous condition d'être reçus ou pas par l'employeur, là-dessus.

Notre but était très simple, c'était de dire: Merde! S'ils ne veulent pas négocier, nous sommes prêts à tout faire et on va se faire aider quelque part et le ministère est là pour nous aider à la conciliation.

Le 11 et les journées suivantes, je n'ai pas eu de réponse, ni de la part du ministère, c'est compréhensible, ni de la compagnie. Cela pouvait être un peu prématuré. De toute façon, je n'ai pas reçu de réponse, j'ai alors fait parvenir un télégramme à M. Caine et à Me Bazin, parce que je savais qu'il avait été dans le dossier et parce que le désistement de la compagnie, lors de l'accréditation, c'était Me Bazin qui l'avait signé. Or, sauf erreur, il arrive très fréquemment, en relations de travail, que l'avocat qui s'occupe de l'accréditation et d'autres choses du genre, s'occupe aussi des négociations, par la suite.

J'ai reçu, dans la semaine qui a suivi, une réponse de Me Bazin disant que cela ne le regardait pas, que son client ne lui avait pas donné de mandat, même si je savais pertinemment par d'autres sources, que, dans ce temps-là, il y avait une convention collective qui était en train de se signer avec M. Thériault et son groupe de "scabs", à l'intérieur. De toute façon, c'est la réponse que j'ai eue.

De la part de M. Caine, cela a pris plus de temps. Il me dit finalement qu'il avait attendu que la convention collective soit acceptée par le ministère du Travail, ou plutôt le dépôt de la convention collective, et, à ce moment-là, il m'a dit que ce n'était pas son problème, qu'il avait déjà un syndicat et qu'il avait déjà une convention collective. Pour autant que je me souvienne, ce sont les télégrammes qui avaient été déposés à ce moment-là. Moi, je sais que je les ai fait parvenir le 13. Les autres, les dates, je m'en souviens plus ou moins.

Le 18 octobre, j'ai reçu une réponse, mais informelle, de la part de Mlle ou Mme Maheux, du ministère du Travail, me signifiant qu'effectivement notre demande de conciliation serait refusée. La réponse formelle, je ne me rappelle pas la date, les conseillers juridiques de la CSN en ont pris connaissance par la suite et ce sont eux qui ont conservé les pièces là-dessus, d'autant plus que tous mes papiers officiels sont disparus avec les procédures judiciaires, ils sont tous passés par là, ils sont tous en dépôt quelque part.

Effectivement, le 18 octobre, je sais que j'ai parlé avec Mme Maheux, qui m'a dit que ce serait refusé. Pendant tout ce temps, comme je vous l'ai dit, nous étions en train de préparer notre projet de convention collective. La préparation se faisait de la façon suivante: tout d'abord, nous avons rencontré les gens par départements. Vous allez me dire effectivement que c'étaient des grévistes, oui. Je me souviens très bien qu'à ce moment-là les demandes et les affichages ont été envoyés par lettre, par la poste, parce qu'on était en grève, qu'il y en avait peut-être qui étaient en dedans, d'autres qui étaient allés travailler à l'extérieur. Cela a donc été envoyé par la poste, par le Conseil central des Laurentides.

On a eu des rencontres, par départements, pour étudier les problèmes de chacun des départements. Cela a duré à peu près une semaine et demie. Il y a une assemblée où je n'ai pu me rendre à la dernière minute et il y en avait trois ou quatre, comme cela. Le 23 ou le 24 octobre, nous avons eu la dernière rencontre de l'exécutif. Nous avons fait le résumé de cela et nous avons fait le projet de convention collective définitif.

Je me suis présenté, à ce moment-là, avec l'exécutif du syndicat, MM. Gagné et autres, pour faire accepter ou refuser les clauses, par l'Assemblée générale, le matin du 25 octobre à l'église du Sacré-Coeur, je crois, à Sainte-Thrérèse, du projet de convention collective que nous avions préparé. Certaines clauses ont été modifiées, d'autres ont été conservées comme telles. La majorité a été conservée comme telle. À cause des réunions de différents services, effectivement, nous savions où les gens voulaient aller. L'après-midi du 25, nous nous présentions et déposions chez l'employeur le projet de convention collective tel qu'amendé à l'assemblée. Tel qu'amendé à l'assemblée, cela veut dire qu'effectivement nous n'avions pas eu le temps de faire faire les corrections sur l'original que nous avions fait préparer par ma secrétaire, au bureau. Beaucoup de documents ont l'air d'être officiels. Cela peut être moi à un moment donné qui prends les notes à une assemblée et le secrétaire me donne par la suite les résolutions officielles. Je les fais corriger par ma secrétaire, parce qu'effectivement nous ne sommes pas un syndicat d'employés de bureau où se trouvent des femmes ou des hommes qui tapent facilement à la machine. C'est soit le conseil central des Laurentides ou soit moi pour la fédération qui s'occupe de faire taper cela.

Comme nous n'avions pas eu le temps, nous avons fait les corrections à la main. L'après-midi, nous nous sommes présentés — à l'avant, tout était barricadé ou à peu près — chez la Commonwealth Plywood, par l'entrée principale, ce qu'on appelle la cour à côté, tout près des bâtisses qui avaient, semble-t-il, brûlé à un moment donné, qui ont effectivement brûlé, et nous avons demandé

aux gardes du corps — je me le rappelle très bien, parce qu'ils avaient des chiens, tout l'arsenal complet ou à peu près — de rencontrer M. Caine. M. Caine n'était toujours pas là.

Nous croyions qu'il était là, parce que nous l'avions vu entrer à un moment donné dans la journée. En tout cas, je ne peux pas vous dire qu'il était là, nous n'étions pas en dedans. Les autos, à ce moment-là, étaient stationnées à l'intérieur de l'usine pour la majorité des fois. Nous ne savions pas s'il était là, sauf que M. Verville, toujours gérant, est venu nous rencontrer.

Nous lui avons déposé le projet. C'est moi qui ai parlé. J'étais, à ce moment-là, au comité de négociation qui avait été élu à l'assemblée. Nous lui avons déposé le projet et nous lui avons expliqué que ce n'était pas final, etc., que c'était ce qu'on appelle en négociation un projet de convention collective que nous étions prêts à négocier, parce qu'on trouvait que cela faisait longtemps que la grève durait à ce moment-là et qu'on avait envie de la régler.

Il m'a dit: Moi, je ne peux pas prendre de décisions, je suis un petit poisson — selon son expression — vous allez en avoir des nouvelles.

J'ai dit: De toute façon, vous avez mon numéro de téléphone chez moi, à la maison, n'importe où, je suis disponible n'importe quand. Donnez-moi des nouvelles.

Nous n'avons pas eu de nouvelles. Ce qui fait que le 28 octobre — des fois on attend un employeur qui est très au courant un peu longtemps, mais pas lorsqu'il y a une grève qui dure déjà depuis un mois et demi et dont la tension est très aiguisée par le conflit qui existe — nous avons fait une demande de conciliation.

J'ai appris le 31 octobre, par téléphone, par le ministère du Travail, que celle-ci serait reçue. Par la suite, vers le 3 novembre, elle a été acceptée.

Ce sont là effectivement les démarches des négociations. Pour le reste, il n'y en a pas eu. Comme conseiller technique, je n'ai pas eu à négocier plus qu'il ne faut, plus que cela.

M. Johnson: M. Hallé, vous dites qu'en tant que représentant de la FNBB vous vous occupez de plusieurs dossiers, que cela a été une époque particulièrement active pour vous. Évidemment, je ne vous ferai pas rigueur de ne pas vous rappeler nécessairement avec précision l'ensemble des dates. Il demeure quand même qu'il y a une couple de choses un peu agaçantes quand je revois le dossier du ministère là-dessus. Vous avez dit, à un moment donné: On fait une demande de conciliation, le ministère refuse.

Bon, avant que quelqu'un saute à pieds joints là-dedans pour dire qu'on ne fait pas notre travail, je voudrais simplement vous souligner qu'à votre première demande de conciliation, le 11 octobre, sur la mention — et vous faites au moment d'une demande de conciliation une mention, et le service vous demande de le faire, comme vous le savez — vous étiez à ce moment-là régis par l'ancien Code du travail, qui prévoit...

M. Hallé: Oui, effectivement...

M. Johnson: ... qu'il doit y avoir une période de négociations qui doit se prolonger durant 30 jours. Vous savez donc qu'il est bien normal qu'à l'époque le ministère, automatiquement, refuse d'accorder un conciliateur, s'il n'y a pas eu cette période de 30 jours. Mais je vous parle de l'époque où le code précisait 30 jours, ce qui n'est plus le cas maintenant.

M. Hallé: Je comprends très bien les règles, sauf qu'à ma connaissance — et je puis me tromper, M. le ministre — c'est plutôt une tradition qu'une règle, et dans ce cas précis, effectivement, il y avait quelque chose de très pressant. L'employeur refusait de négocier et on était en grève depuis bientôt un mois. C'était le 11 et la grève a commencé le 19. Alors, c'est évident, et je vous l'ai dit tout à l'heure, que ce n'était pas un cas régulier. C'est pour cela qu'on a fait la demande plus tôt parce qu'effectivement on avait besoin du ministère comme conciliateur à ce moment-là.

M. Johnson: Je veux bien, sauf que la seule mention que vous faites sur votre formulaire, c'est "aucune rencontre". Deuxièmement, vous avez fait une seconde demande de conciliation le 20 octobre, vous avez écrit sur le document: Demande formelle de négocier fut faite aux locaux de la compagnie le 6 octobre 1977 et réitérée le 19 par télégramme. Et sur la formule, aucune rencontre, malgré les demandes répétées du syndicat. C'est votre seconde demande de conciliation.

Là se sont déroulés les événements que vous décrivez. Vous êtes, à ce moment-là, dans une situation de crise manifeste; il y a, de fait, un débrayage, il y a des gens à l'extérieur, il y a du piquetage, il y a une partie des employés qui semblent être entrés et votre troisième demande de conciliation, le 28 octobre, celle, finalement, à laquelle le ministère a donné cours, mentionne ceci: Nous avons rencontré le gérant de la compagnie — je présume que c'est M. Verville...

M. Hallé: C'est cela, oui.

M. Johnson: ... les 6 et 25 octobre, et nous avons envoyé un télégramme le 13 octobre. À la dernière rencontre, le gérant s'est contenté de commentaires sur l'épaisseur de notre projet de convention et il a refusé de négocier.

Évidemment, la mention que vous aviez rencontré le gérant le 6 octobre, vous auriez pu nous la faire dans votre première demande de conciliation du 11, de même que vous auriez pu également vous référer à cela dans votre seconde demande de conciliation. On ne peut pas présumer que l'appareil, qu'est le ministère, sait exactement ce qui se passe dans les 2000 conventions collectives qui sont négociées tous les ans. Nous avons besoin de renseignements et on ne les avait pas à ce moment-là.

M. Hallé: Non...

M. Johnson: Maintenant, encore une fois, je ne vous en tiens pas rigueur, M. Hallé. J'essaie

seulement de voir comment tout cela a pu se dérouler.

Quand avez-vous été mis au courant que les employés de l'intérieur avaient déposé une convention collective au ministère?

M. Hallé: Trois jours après qu'ils l'eurent déposée, je ne me rappelle pas la date du dépôt...

M. Johnson: Donc, le 17...

M. Hallé: C'est cela, sauf que je m'en doutais, parce que le service juridique de la CSN me l'a appris trois ou quatre jours après, d'ailleurs, c'est eux qui avaient envoyé la lettre à ce moment-là. Comme je vous l'ai expliqué tout à l'heure, j'avais d'autres dossiers.

Maintenant, si vous me permettez de répondre sur une ou deux choses. Effectivement, le 6 octobre, je pense que le conflit était déjà connu et un peu plus précisé mais, de toute façon, je ne suis pas avocat et pour moi, comme il y avait conflit, je croyais que le ministère — surtout que le conflit était rendu public — répondrait là-dessus.

C'est pour cela que je vous dis que les règles sont plutôt des règles internes, probablement à la Fonction publique, qui n'apparaissent pas dans tous les règlements. Lesdites règles ne sont pas claires du tout et c'est peut-être un problème du Code du travail qui ne soit pas dû uniquement à vous, mais...

M. Johnson: Maintenant elles sont différentes.

M. Hallé: ... avec les anciens gouvernements. Mais ce n'est pas très clair, que c'était la façon —-je parle de l'ancien code — d'obtenir la conciliation.

Or, effectivement, nous, on avait un problème, donc on l'a demandé à ce moment-là. La mention a été faite. Maintenant, que ce soit le 13 ou le 19, je dois vous avouer que j'ai un problème même de mémoire, parce qu'à un moment donné — moi, je crois que c'était effectivement le 13, mais sur la copie du télégramme qu'on a, parce que j'ai regardé en cour au mois de janvier, par la suite, quand on l'a reçu et la copie du télégramme du CN est très peu claire, on ne sait pas si c'est un 3 ou un 9 ou un 6, — il se pourrait que ce soit le 19 comme il se pourrait que ce soit le 13, mais je ne pourrais jurer de rien là-dessus. (21 h 30)

M. Johnson: D'accord. Qu'avez-vous fait pour vous-mêmes ou pour la CSN — j'adresse ma question peut-être également à M. Pepin, M. Gagné ou à des personnes-ressources que vous avez avec vous — qu'est-ce que vous avez fait pour essayer de contrer la signature de la convention collective ou du document par M. Thériault ou encore pour contrer le dépôt de la convention?

M. Pepin: Si vous permettez, au meilleur de la connaissance et ce qu'on m'a rapporté, dès que le service et les services chez nous ont appris qu'il y avait une telle chose, il y a eu communication téléphonique de la part de notre service avec M.

Laviolette. Il y a eu télégramme envoyé aussi, je pense, au commissaire général du travail qui, à ce moment-là, portait le nom de commissaire-enquêteur en chef, pour l'aviser qu'une telle chose s'en venait. Est-ce qu'il l'a eu avant de l'approuver ou après? Je n'en sais absolument rien, mais ce qu'on m'a rapporté, c'est que les choses, tel que je vous l'ai dit, ont été faites.

M. Johnson: D'accord. Alors, pour resituer encore ces événements dans la chronologie précise de leur déroulement, vous avez effectivement communiqué avec le bureau du commissaire-enquêteur en chef par téléphone — ça, ça nous a été confirmé par M. Plourde — et vous avez signifié, par lettre recommandée, si je me souviens bien, signée par un avocat du contentieux chez vous, votre opposition, dans une lettre assez longue qui exprimait votre conviction qu'il s'agissait d'une "fausse convention collective", etc.

Maintenant, les oblitérations au ministère sont très claires. La convention a été déposée le 14, quelque part dans la matinée, et la lettre en question a été oblitérée au ministère pour réception l'après-midi. Je voudrais simplement que ce soit très clair, ça, parce que ça fait trop longtemps que j'entends charrier dans la nature depuis dix mois que le commissaire-enquêteur avait quelque chose entre ses mains au moment du dépôt, il l'a eu après.

D'autre part, l'autre problème qui se pose, évidemment, et je sais que, du côté...

M. Pepin: Me permettez-vous, M. le ministre, là-dessus, Mme Doyon, qui est avocate...

M. Johnson: Ou Mme Doyon, oui.

M. Pepin: ... de notre bureau est ici, je pense qu'elle mérite de répondre pour clarifier, s'il y a moyen, ces choses-là. Est-ce que le président permet que Mme Doyon, avocate, réponde, puisque c'est une question, je pense...

Le Président (M. Cardinal): La commission est-elle d'accord?

Des voix: Oui, pas de problème.

M. Bellemare: Même si on s'opposait, ça ou rien...

Le Président (M. Cardinal): C'est aussi bien. Avec l'autorisation de la commission, Mme Doyon.

Mme Doyon (Louise): Effectivement...

M. Pepin: Prends le micro, par exemple, tu vas être mieux.

Le Président (M. Cardinal): Oui, s'il vous plaît!

Mme Doyon: Merci. Effectivement, M. le ministre, c'est moi-même qui ai communiqué avec M. Lecavelier, à Montréal, commissaire-enquêteur en chef adjoint à l'époque, et il était environ 10

heures dans la matinée. Je lui ai signifié que j'avais été informée par les personnes concernées à Saint-Jérôme qu'on avait tout lieu de croire qu'il y aurait eu une convention collective signée entre certaines personnes que nous considérions non mandatées et l'employeur, Commonwealth Plywood, et qu'on s'apprêtait à déposer cette convention collective.

Sur ce, M. Lecavelier m'a dit: Bon! Très bien! Je vais vérifier si, effectivement, nous avons déjà au ministère copie de ce document. Il m'a rappelée environ une heure après pour me dire: Ce document est arrivé ce matin. Je lui ai donc signifié verbalement notre opposition, opposition que j'ai fait suivre par écrit d'un télégramme qui a sans doute été reçu, soit sur l'heure du dîner ou en début d'après-midi au ministère, à Montréal, et copie du télégramme en question a été envoyée à M. Adrien Plourde à Québec.

M. Johnson: D'accord! Vous êtes bien consciente, Mme Doyon, puisque vous êtes avocate et que vous avez travaillé, je pense, longuement à ce dossier, que le fait du dépôt et le récépissé qui en est fait équivaut finalement au dépôt en question, que c'est une opération mécanique et, qu'en aucune façon, même si vous étiez intervenue avant le dépôt dudit document, le commissaire général n'était en position de dire qu'il acceptait ou pas que le document soit déposé. Est-ce que vous êtes consciente de ça?

Mme Doyon: Je ne pense pas, en tout cas, que je puisse tenter de vous donner mon opinion juridique sur cette question. D'autre part, ce que je peux vous dire, c'est que à la suite de la conversation téléphonique que j'ai eue avec M. Lecavelier, M. Lecavelier, lorsque je lui ai parlé au téléphone, ne m'a pas dit que le dépôt avait été effectué, enfin une estampille quelconque du ministère et qui, habituellement, est suivie pour l'information en partie, d'un certificat de dépôt.

D'autre part, je lui ai donc verbalement demandé ce que je précisais tout à l'heure et, enfin, dans une lettre datée du 17 octobre, M. Plourde, le commissaire-enquêteur en chef, m'adressait son opinion sur la façon de procéder. Effectivement, j'ai reçu à mon bureau copie du certificat du dépôt postérieurement, je pense que c'est le 20 octobre que j'ai reçu copie du certificat de dépôt.

M. Johnson: D'accord. La dernière question que j'ai finalement pour le groupe à ce sujet. Au-delà de l'intervention au niveau du ministère — on a vu ce que cela pouvait être — au bureau du commissaire-enquêteur chef et du commissaire-enquêteur chef adjoint, au-delà de la lettre que vous avez envoyée, de l'accusé de réception automatique qui a été émis, est-ce qu'au niveau de la CSN vous avez tenté des interventions auprès des parties signataires de ce document pour empêcher que la chose ne se fasse?

Mme Doyon: Effectivement, M. le ministre, si je peux répondre à cette question. C'est un collègue de mon bureau qui a fait, en date du 13 octobre, les mises en demeure sont datées du 12 octobre, les mises en demeure qui étaient adressées respectivement à M. Caine, à M. Lévesque, à Mme Grignon et, si ma mémoire est exacte, à M. Donat Thériault aussi et possiblement à Mme Côté, mais je n'en suis pas certaine.

Ces mises en demeure comportaient deux volets, si je peux dire. Quant à M. Caine, nous l'avisions qu'effectivement le syndicat accrédité depuis le 3 octobre avait, lors d'assemblées tenues, mandaté certaines personnes qui étaient des personnes autorisées à se présenter et à négocier au nom du syndicat qui était accrédité depuis le 3 octobre et nous donnions les noms de ces personnes et, l'une de ces personnes, entre autres, outre M. Hallé, il y avait également M. Gilles Pagé, conseiller syndical au conseil central des Laurentides-CSN, lequel M. Pagé était le destinataire comme représentant syndical sur la décision accréditant le syndicat.

Donc, ce n'était pas un nom inconnu, je pense, pour M. Caine. Donc, ces mises en demeure datées du 12 octobre ont été signifiées, par huissier, le matin du 13 octobre...

M. Johnson: Le matin du 13 octobre...

Mme Doyon: ...le matin du 13 octobre à M. Caine personnellement à la Commonwealth Plywood à 9 heures ou à 9 h 10. Dans le cas de M. Thériault, cela lui a été signifié à son bureau à Montréal, sur la rue Chateaubriand. Dans le cas de M. Lévesque et de Mme Grignon, cela leur a été respectivement signifié chez eux entre 9 heures et 9 h 30 le matin du 13 octobre. Nous avons déjà, dans de longues procédures judiciaires, fait toutes ces preuves, dans lesquelles mises en demeure à l'égard de M. Donat Thériault, Mme Grignon et M. Lévesque, nous les avisions qu'effectivement, nous étions informés qu'ils avaient, semble-t-il, en main, de fausses cartes CSN et qu'ils les faisaient ou qu'ils tentaient de les faire signer par les gens qui étaient représentés par Je certificat d'accréditation détenu par un syndicat affilié à la CSN et nous les informions également qu'ils n'avaient pas de mandat pour négocier une convention collective.

Alors, dès 9 heures le 13 octobre, M. Caine avait personnellement copie de cette mise en demeure.

M. Johnson: D'accord. Dernière sous-question quant à cela. Je m'excuse, mais c'est vraiment la dernière. Au lieu d'envoyer une mise en demeure dont on connaît l'effet, en général, avez-vous pensé à envoyer une injonction à M. Caine et aux autres personnes que vous mentionniez, M. Lévesque, Mme Grignon, peut-être M. Thériault, avez-vous pensé d'utiliser une injonction plutôt qu'une mise en demeure?

M. Pepin: On n'est pas des juges. On ne peut envoyer des injonctions nous-mêmes.

M. Johnson: Une demande d'injonction devant le juge en chambre. On se comprend, M.

Pepin? Peut-être que pour les fins du journal des Débats et de la salle, c'est plus précis. Plutôt que de procéder par lettres signifiées par huissier, oui, le 13 octobre au matin, oui, on a les procès-verbaux de signification des huissiers à ces personnes, avez-vous écarté, pour une raison ou pour une autre, la possibilité d'aller demander l'émission d'une injonction devant un juge en chambre?

Mme Doyon: Je répondrai qu'on n'a pas écarté la possibilité de prendre une injonction, mais étant donné la rapidité avec laquelle, semblait-il, la situation se déroulait, il nous apparaissait qu'une des premières choses que nous pouvions faire, c'était d'abord de nous prémunir en avisant formellement les gens concernés que, quant à nous, ils n'avaient pas de mandat et, en toute bonne foi, un employeur informé du nom des mandataires du syndicat laissait la discrétion de plusieurs personnes concernées par le problème...

D'autre part, ultérieurement il est vrai, mais pour parer au plus pressant, nous avons envoyé les mises en demeure et nous avons engagé des procédures en injonction contre les signataires de la convention du 13 octobre 1977. Cette ordonnance d'injonction a été émise provisoirement par le jugement Meyer, le 11 novembre, interdisant aux signataires de la convention, à savoir M. Lévesque, Mme Grignon, Mme Côté, M. Pilon et une autre personne, je pense, d'utiliser le nom du syndicat, le Syndicat des travailleurs de la Commonwealth Plywood-CSN. Je dois préciser ici pour plus de clarté que ladite ordonnance d'injonction provisoire faisait une réserve par le juge Meyer, concernant l'application de la convention collective R-4, suite à une longue preuve qui avait été déjà entamée depuis le 7 novembre devant le juge Meyer. D'ailleurs, le jugement du juge Meyer fait longuement état de ces questions. Cette injonction provisoire a été renouvelée par la suite de dix jours en dix jours jusqu'au 21 décembre 1977. Évidemment, l'injonction s'adressait également à M. Thériault et à l'Union des rembourreurs. Le 21 décembre de consentement, pour valoir jusqu'à jugement final, une injonction interlocutoire a été émise aux personnes intimées et elle est toujours en vigueur.

M. Johnson: D'accord. Ce sont les seules questions que j'avais.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le ministre. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. J'adresserai ma question soit à M. Hallé ou à M. Pepin. Cet après-midi, lorsque M. Gagné a comparu, il nous a fait part que la CSN avait offert à la compagnie les services de spécialistes pour étudier toute cette question de rentabilité de l'entreprise. Je sais que vous avez à la CSN des spécialistes dans des dossiers comme cela et qui, dans plusieurs cas au Québec, ont eu à faire part d'études ou de commentaires ou autres. J'aimerais savoir, dans un premier temps, si vous avez étudié le cas de la

Commonwealth Plywood à la CSN dans son aspect économique. Je présume que vous l'avez fait, parce que vous avez contesté le congédiement de 105 travailleurs, sur la base que ce congédiement n'est pas justifié pour vous économiquement et que, somme toute, ce serait un congédiement qui aurait été fait pour des motifs syndicaux. Dans les circonstances, je voudrais savoir s'il y a une étude qui a été faite. Si oui, par qui a-t-elle été faite et quelle a été la teneur de l'étude? Est-ce que vous vous êtes penchés sur la situation spécifique de l'entreprise, c'est-à-dire son évolution depuis peut-être une dizaine d'années ou encore depuis cinq ans, ses marchés, ses clients, ses concurrents, ses coûts de production, les améliorations techniques qui ont été faites à l'intérieur de l'entreprise depuis quelques années ou après l'incendie de 1973, l'impact de ces améliorations techniques, en fait tout le portrait de l'entreprise dans son aspect économique, est-ce que cela a été fait par la CSN?

M. Pepin: M. le Président, si vous me permettez de répondre au député de Portneuf, nous avons offert, le 19 septembre, Ghislain Hallé et moi n'étions pas là, mais je sais que nous avons offert notre collaboration. Il y a des difficultés économiques, dites-vous? Nous sommes prêts à travailler avec vous. Gardez tout votre monde au travail, en vertu de la loi, je pense que c'est le chapitre 51, sur la qualification professionnelle, gardez-le tout le temps jusqu'à l'expiration du délai prévu par la loi. Pendant ce temps-là, nous allons former un comité d'étude pour examiner ces choses. Cela a été refusé par l'employeur. Je ne pense pas que vous puissiez demander à une personne de l'extérieur de l'entreprise de faire l'examen de rentabilité si vous n'avez pas les données de l'intérieur. Je pense que personne, ni le Parti libéral, ni le Parti québécois, ne peut venir nous dire: Telle entreprise est rentable ou n'est pas rentable, si vous n'avez pas les données que l'usine elle-même a ou que l'entreprise a. Alors, nous n'avons eu aucune donnée. De plus, M. le député, je dois vous dire que, dans les divers forums où l'employeur se présente, il soutient des thèses différentes.

M. Pagé: Cela j'en conviens, mais...

M. Pepin: Laissez-moi finir au moins. Je vous ai laissé finir votre question.

M. Pagé: D'accord, pas de problème.

M. Pepin: Si vous voulez m'interrompre, je vais vous laisser aller.

M. Pagé: Non, allez-y, je m'excuse. Continuez, on ne se chicanera pas là-dessus. Il ne faudrait pas.

M. Pepin: Merci beaucoup. Non, je pense qu'on a peut-être d'autres sujets ensemble. Dans un forum, il nous dit: Je ne fais plus d'argent. J'ai congédié du monde. Je fais plus d'argent maintenant, cela va mieux, c'est plus rentable, plus productif. (21 h 45)

Voilà qu'on reçoit une procédure récemment, chez nous, nous demandant $2 millions en dommages pour perte de production. Comment voulez-vous, avec toutes ces données, qui nous apparaissent, à l'oeil — je ne sais pas comment les tribunaux finalement décideront, c'est leur problème — que nous puissions croire une chose alors que des choses contradictoires, quant à nous, sont dites devant le commissaire du travail, parce que là, on soutient qu'on les a congédiés pour des raisons économiques, parce qu'on gagnait de l'argent à les congédier, que maintenant, c'est plus payant et que, plus tard, on nous dit: Non, ce n'est pas plus payant, parce que je vous accuse de nous avoir fait perdre $2 millions?

Comment voulez-vous que nous puissions faire un examen de rentabilité de l'entreprise si on n'a pas les données, les chiffres de l'entreprise, si on ne peut pas voir à l'intérieur, si on ne peut pas voir la transparence des données? Je ne pense pas que nous ayons pu réaliser une telle étude; c'était impossible pour nous sans connaître l'intérieur, sans connaître les chiffres. À ma connaissance, l'étude n'a pas pu être réalisée, pour les raisons que je vous donne.

Je pense que, dans les circonstances actuelles, vous ne pouvez demander à personne de faire une telle étude, à moins d'avoir les données. Si vous ne les avez pas, je ne pense pas que vous puissiez la réaliser. J'ai terminé ma réponse.

M. Pagé: D'accord, merci. Je conviens qu'il est difficile, pour un groupe de spécialistes qui représentent une formation syndicale, de dresser un tableau fidèle de l'aspect économique d'une entreprise quand on n'a pas toutes les données. Mais cela s'est déjà fait dans d'autres dossiers.

M. Pepin: Lesquels?

M. Pagé: Vous aviez le dossier de la Wayagamack, qui était représentée, où vous avez pu dégager un portrait de la situation économique de l'entreprise...

M. Pepin: Est-ce que c'était une compagnie publique ou privée, la Wayagamack?

M. Pagé: La Wayagamack était une compagnie publique. Dans ce cas-là, c'est une compagnie privée.

M. Pepin: Commonwealth Plywood, est-ce que c'est privé?

M. Pagé: C'est privé.

M. Pepin: Comment voulez-vous le faire quand c'est privé?

M. Pagé: J'en conviens, on ne se chicanera pas là-dessus, mais cela s'est déjà fait.

M. Pepin: II ne s'agit pas de se chicaner, mais il s'agit de voir les faits.

M. Pagé: Cartonnerie Standard, ici à Québec, où vous avez été placés... D'ailleurs, c'était votre syndicat qui était confronté aux mêmes problèmes; à ce moment-là était intervenu le ministère de l'Industrie et du Commerce. On se rappellera qu'il y a à peu près un an, 125 travailleurs de la CSN ont été congédiés, l'entreprise a été fermée. À l'époque, nous avions posé des questions à l'Assemblée nationale sur les motifs et sur la participation du ministre de l'Industrie et du Commerce; celui-ci nous avait répondu que la fermeture était justifiée. On peut présumer ou on espère, tout au moins, qu'il avait fait une étude.

Dans votre dossier, est-ce que vous avez formulé une requête ou est-ce que vous avez fait des représentations auprès du ministre de l'Industrie et du Commerce, M. Tremblay, pour voir si les motifs allégués par l'entreprise étaient fondés? Est-ce que cela a été fait?

M. Pepin: Voyez-vous, si l'employeur avait respecté la première loi, le chapitre 51 de la Loi de la qualification professionnelle, il est possible que les questions auxquelles vous vous référez auraient pu recevoir des réponses et peut-être que le ministre aurait pu intervenir. Il nous avise le 6 ou le 8 septembre — peu importe si je me trompe d'un jour ou deux — qu'il y aura mise à pied de 118 personnes plus tard et, deux semaines après, il effectue la mise à pied, sans respecter aucunement la loi.

M. Pagé: Oui. M. Pepin: Non?

M. Pagé: Quoique ce délai eût impliqué la création d'un comité de classement, tout ça, cela n'aurait pas impliqué nécessairement...

M. Pepin: Vous savez aussi que le comité de classement..-

M. Pagé: ...l'entrée dans le dossier du ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Pepin: Vous savez, je pense bien, M. le député, que le comité de classement y voit aussi généralement ce genre d'aspect de rentabilité ou de non-rentabilité, etc. Je peux vous dire que, dans ce cas, nous n'avons pas demandé au ministre de l'Industrie et du Commerce de faire une enquête sur la rentabilité; peut-être que nous avons eu tort, peut-être qu'il aurait pu le faire lui-même, peut-être que le Parti libéral aurait pu le faire aussi, voyant l'ampleur du problème.

M. Pagé: On n'a pas les services du ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Pepin: Non, nous autres non plus.

M. Pagé: On est dans l'Opposition. C'est temporaire, mais on est ici.

M. Pepin: Nous non plus, on n'a pas les services du ministre.

M. Pagé: J'en conviens, mais raison de plus de le demander au ministre.

M. Pepin: Alors, là, on le demande au ministre.

M. Pagé: Bon, parfait.

M. Johnson: Êtes-vous en train de dire que tout ça, c'est la faute du ministre de l'Industrie et du Commerce?

M. Pagé: M. le Président, je m'excuse, le ministre du Travail interviendra tantôt.

M. Pepin: Cela a l'air que c'est le grand problème.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre! à l'ordre!

M. Johnson: Je comprends qu'on a des responsabilités, mais quand même.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre!

M. Pagé: Le ministre du Travail interviendra tantôt.

Le Président (M. Cardinal): Non, à l'ordre! J'attends que la chose se calme et nous allons reprendre le débat entre vous et M. Pepin.

M. Pepin: Nous sommes bien calmes, l'un et l'autre.

M. Pagé: Si le ministre de l'Industrie et du Commerce, M. Tremblay, est justifié de dire ici, à l'Assemblée nationale: Telle entreprise a eu raison de fermer ses portes, parce que c'est un motif économique de congédier 125 travailleurs, comme il m'a répondu, je ne vois pas en quoi celui-ci ne serait pas justifié d'étudier un dossier comme celui-là.

Que le ministre dise et en pense ce qu'il voudra, cela m'importe peu. Je vous ai posé la question, parce qu'il m'apparaît que le ministre aurait pu le faire. Ou encore, vous auriez pu le lui demander. On pourra le lui demander éventuellement. C'est ce d'ailleurs pourquoi, dans mes conclusions ce matin, j'ai fait référence au ministre de l'Industrie et du Commerce, parce qu'il serait possible qu'il vienne comparaître ici, comme d'autres ont le loisir de venir comparaître et on pourra l'entendre sur cet aspect de la question et du problème.

M. Pepin: Si vous me permettez là-dessus, sur le problème du ministre de l'Industrie et du Commerce. Voilà un cas où nous déposons une requête en accréditation, le 30 août. Je présume bien que l'employeur, avant le 30 août, était au courant qu'il y avait de l'organisation syndicale qui se faisait du côté de la CSN. Nous ne sommes pas naïfs ni l'un ni l'autre, on peut s'imaginer cela.

Voilà un employeur qui embauche du monde avant le 30 août et un peu après le 30 août, jusqu'au 7 septembre, à peu près. D'après les données qu'on a, cela peut être 20, 25, 30. J'espère qu'on ne se chicanera pas sur le chiffre précis. Nous, on ne pense pas, à ce moment-là, qu'il y ait des difficultés économiques lorsqu'il y a embauchage de nouveaux employés. Peut-être qu'on fait une erreur grossière, mais on ne peut pas penser qu'il y ait des difficultés économiques.

Avant que l'accréditation arrive, personne ne s'oppose. L'union de Donat Thériault s'est opposée; dans un premier temps, elle retire son opposition. L'employeur ne s'oppose pas. Donc, ils savent bien, tous les deux, que ce qui s'en vient, c'est l'accréditation à la CSN. Nous, nous savons qu'il y a eu des embauchages d'un certain nombre de salariés. Je ne nomme pas le chiffre précis, parce que cela pourrait être aléatoire pour les fins de mon propos.

On ne croit pas qu'il y ait des problèmes économiques qui se posent. Et voilà que, vers le 7 ou 8 septembre, il nous annonce la mise à pied de 118 personnes. Vous pouvez comprendre facilement que, pour nous, du côté syndical, qui n'avons pas toutes les données du problème, c'est bien clair, nous ne pouvons pas croire que l'employeur a raison; en alléguant que c'est pour des raisons économiques, il vient d'en embaucher. Nous venons de déposer une requête en accréditation. Cela ne fait pas son affaire. Et les événements ultérieurs démontrent qu'il ne veut absolument pas négocier avec le syndicat CSN. Mais au moment où l'événement se produit, on ne peut pas conclure qu'il y a des difficultés économiques. D'ailleurs, les recommandations, même s'il y en avait eu, du ministre ou du ministère, vous le savez aussi bien que moi, je pense, il n'y a rien d'impératif dans ces conclusions. Que ce soit dans Standard, que ce soit dans Wayagamack ou dans d'autres cas. Je ne veux pas commencer de débat ailleurs, mais seulement vous mentionner qu'avec notre perception, notre connaissance des choses, nous ne pouvions pas concevoir que c'étaient vraiment des difficultés économiques qui conduisaient à la mise à pied de 118 personnes.

M. Pagé: C'est d'ailleurs pourquoi vous avez inscrit des causes devant le commissaire, pour la question des congédiements.

M. Pepin: Pour activités syndicales.

M. Pagé: Comment expliquez-vous que ces causes n'aient pas été entendues? On a parlé de moratoire et tout cela. Qu'est-ce qui a fait, somme toute, que cela n'a pas été vidé, cette question-là, devant le commissaire?

M. Pepin: Peut-être que je ne pourrai pas vous donner une réponse absolument exhaustive, donc, complète. Je peux vous dire que, lorsqu'on m'a

demandé de m'occuper de ce dossier, je connaissais l'existence des 106 plaintes et j'avais eu l'occasion de rencontrer à deux reprises un avocat au dossier du côté patronal, Me Bazin, non pas pour faire de la négociation, parce que là il faudrait bien s'entendre, Me Bazin et moi, on ne voulait pas négocier, on explorait pour voir s'il y avait des chances et des possibilités.

M. Bazin: Des meetings secrets, M. Pepin.

M. Pepin: Des meetings secrets et c'est pour cela que je ne dévoile pas le contenu, comme c'était tellement secret que vous voulez le mentionner, je le mentionne à nouveau ici. J'ai eu des meetings secrets avec l'honorable M. Jean Bazin.

M. Bazin: Honorable.

Le Président (M. Cardinal): C'était in camera, ce n'était pas secret.

M. Pagé: Ne nous chicanons pas, vous avez eu des meetings. D'accord.

M. Pepin: Le contenu, je ne vous en parlerai pas. On peut continuer, M. Chevrette?

Le Président (M. Cardinal): Oui, je vous en prie.

M. Pepin: Merci. M. le Président, merci. Après cela, il y a eu une demande du ministre de faire un moratoire et je pense qu'il y avait une clause de fixée pour les 106 congédiés à la même période. Moi-même, j'ai pris sur mon autorité de dire: Si on veut avoir une chance de régler une affaire, demandez des remises pour le cas des 106.

Je ne pense pas que ce soit déraisonnable, le ministre lui-même nous demande un moratoire. Moi, j'ai demandé aux avocats au dossier d'essayer de retarder... Ils ont réussi. Je pense que c'est au mois de mars ou avril dernier, peut-être autour du mois d'avril. Après cela, ils ont procédé. Je ne sais pas où cela en est rendu, je ne suis pas au dossier, mais, de toute façon, il n'est pas rare — je ne sais pas si M. le député de Portneuf est au courant — que, pour des cas de congédiement pour activités syndicales, cela prenne quelques mois, parfois un an et plus avant d'avoir une décision.

M. Pagé: Oui, c'est souvent plus que six mois, j'en conviens.

M. Pepin: Merci!

M. Pagé: Ce qui m'a surpris — en tout cas, pour nous de l'Opposition, c'est un des éléments importants de tout le problème, cette question — c'est que...

M. Pepin: À mon avis, ce n'est pas là l'élément le plus important.

M. Pagé: ... tout le monde acquiesce ou accepte, à raison d'un pseudo-moratoire ou d'un consensus sur un moratoire, de procéder à des remises dans les auditions des causes. De toute façon, on a vu ce que le moratoire a donné, on est rendu ici aujourd'hui.

M. Pepin, une dernière question. Vous avez une expérience syndicale assez vaste, plusieurs années derrière vous. Ce n'est pas la première fois que vous venez ici. Qu'est-ce que vous attendez d'une commission comme celle-là aujourd'hui?

M. Pepin: J'attends beaucoup de choses. Si on peut se parler très ouvertement, je pense que j'attends beaucoup plus qu'une publicité du cas de la Commonwealth Plywood. Quand j'ai accepté d'intervenir dans le dossier, je me suis dis: II faut essayer de trouver un règlement, mais essayer par le truchement du conseil de médiation. Je pense que le rapport du conseil nous indique que, du côté de la CSN, nous avons été complètement ouverts. Peut-être que le député de Saint-Laurent, mon petit gars, puisque je suis son grand-papa...

M. Pagé: Pardon?

M. Pepin: Peut-être que le député de Saint-Laurent, mon petit gars, puisque je suis son grand-papa, pourra...

M. Forget: ... celui du ministre.

M. Pagé: Ce n'est pas ce qu'il alléguait.

M. Johnson: Est-ce que vous parlez pour vous?

M. Forget: Je parlais du ministre.

M. Pagé: Non, il parlait pour le ministre.

M. Johnson: Ah bon!

M. Pagé: Mais oui!

M. Forget: ... de l'oeil sur vous.

M. Pagé: Mais oui!

M. Pepin: Peut-être qu'il pourra de nouveau intervenir sur les listes que nous avons déposées, etc.

M. Forget: Fin de naïveté du ministre, M. le Président.

M. Pepin: On pourra peut-être en parler, mais nous avons vraiment essayé de mettre tout l'effort pour dire: On a un conseil de médiation. On va essayer ce truchement et on l'a vraiment essaye. Le rapport du conseil de médiation, puis-je me permettre de vous dire que cela n'a pas été un cadeau à l'assemblée générale de dire: II faut accepter ce rapport, parce qu'il ne règle pas la convention collective. Il permet de la régler éventuellement et on ne sait pas comment.

Je comprends les membres du conseil de

médiation d'avoir rédigé un tel rapport. Ils ne pouvaient peut-être pas faire mieux, dans les circonstances, mais ce n'était pas commode, à l'assemblée générale, d'essayer de leur expliquer que, même si ce n'était pas réglé, il fallait accepter le rapport tel qu'il était et qu'éventuellement, cela se réglerait. Nous l'avons donc fait. Nous l'avons recommandé. Il y a eu discussion à l'assemblée. Il y a eu un vote au scrutin secret. Cela a été accepté non pas à l'unanimité, mais presque à l'unanimité, après discussion.

Le ministre décide de convoquer une commission parlementaire. Je pense qu'il l'a convoquée tardivement, le 26 septembre. Le rapport du conseil de médiation, c'est du 26 juin. Si cela avait été son chemin, il aurait pu nous convoquer avant, mais, en tout cas, nous sommes ici aujourd'hui devant la commission. Il a sans doute fait ce qu'il a pu tout simplement. À votre question, qu'est-ce que nous attendons de vous? Si nous devons uniquement attendre qu'on fasse connaître le conflit, j'ai la certitude que les travailleurs qui sont grévistes dans ce conflit vont vraiment être absolument déçus, parce que, pour eux, il y a un Code du travail. On peut en violer parfois une partie ou une autre ou essayer d'étendre une interprétation mais là, c'est le fondement même du Code du travail qui a été violé. Là, il arrive — je le dis sans aucune gêne — qu'il y a eu des fraudeurs, des gens qui ont fait signer des cartes sous l'étiquette CSN, des gens qui ont signé une convention collective, dont la compagnie, et qui savaient fort bien... S'ils ne le savaient pas, ce sont des naïfs et je ne les prends pas pour des naïfs. Je connais Casgrain depuis déjà assez longtemps et il me connaît depuis encore plus longtemps sans doute, Bazin, depuis un peu moins longtemps. Caine, je ne le connais pas. Mais ces gens ne sont pas naïfs. Ils négocient avec Thériault, alors qu'ils savaient que c'était la CSN qui était là. (22 heures)

Donc, c'est un viol dans la racine même du Code du travail. Ce n'est pas uniquement de dire: Je ne respecte pas l'article 39 ou 38 ou 31, c'est de dire: Je ne veux pas négocier avec ceux qui sont là.

Alors, qu'est-ce qu'on se dit, nous autres, devant une fraude comme celle-là? Je pense que c'est pour cela que vous êtes ici. La clé du problème, à mon avis, les membres du conseil de médiation l'ont identifiée, c'est le dépôt de la fausse convention collective. C'est cela qui est la clé du problème, la validité bien sûr, et vous savez, maintenant que le rapport du conseil de médiation est devant vous, devant nous et devant le ministre, si on prenait l'article 23 du code.

L'article 23 dit: Le commissaire général du travail peut exiger de l'association requérante ou accréditée, le dépôt de ses statuts et règlements.

Lorsque le commissaire général accepte le dépôt d'une convention collective, moi je reconnais qu'il n'a pas à aller fouiller. Est-ce que nous avons bien tenu l'assemblée? Est-ce qu'il y a eu un bon vote, etc?

Je pense qu'il n'a pas affaire là-dedans. Mais nous avons déposé un document lorsque nous avons fait notre enquête en accréditation. Notre constitution.

Si le commissaire demandait, en vertu de l'article 23: M. Thériault, fournissez-nous votre constitution! D'après le rapport des médiateurs, il n'y a pas de constitution. Et s'il y en avait une, ce serait celle de l'Union des rembourreurs, dit le rapport, et s'il y en avait une troisième, cela ne pourrait pas être celle de la CSN, parce qu'il n'a pas le droit de se servir de notre nom en vertu d'une ordonnance de la Cour supérieure.

Cela pourrait être un chemin à examiner. Dans la Loi 45, que vous, les législateurs, avez adoptée, vous avez fait l'article 81a, qui dit que dans le cas d'une première convention collective, pour le groupe de salariés concernés — il peut y avoir une imposition, vous vous souvenez des autres articles qui suivent cela — nous, ce que nous demandions à l'époque, au lieu de dire: Pour le groupe de salariés visés par l'accréditation, c'était: Dans le cas d'une première convention collective par les parties, cela pourrait être un autre chemin que vous pourriez suivre.

L'article 97d dont il a été question aujourd'hui, et sur lequel le ministre dit: J'en ai parlé au président, qui m'en a parlé, qui en a parlé à d'autres. Très bien! Il peut quand même appliquer l'article, lui, comme ministre — et je pense bien qu'il va le reconnaître avec moi, il est ministre, il n'est pas juge — s'il applique sa Loi, elle peut être contestée devant les tribunaux. Ce n'est pas à lui de décider que sa loi est mal faite et que le juge va le condamner temporairement ou définitivement. Mais il peut essayer, au moins, d'appliquer sa loi, s'il pense que sa loi 45 n'est pas trop mal faite, puisqu'il l'a défendue devant l'Assemblée nationale et un peu partout dans la province.

Je sais que c'est un cas un peu spécial. Il a été longuement question aussi, M. le député, de l'affaire des "4 jours". Dans quatre jours, la convention collective n'existe plus, la fausse convention, la frauduleuse convention collective, signée à mon avis par des fraudeurs. Il a été question de cela. Mais, savez-vous — je pense que cela n'a pas été dit encore — qu'au mois de juillet dernier, il y a eu le dépôt d'une requête en accréditation par, je présume bien, l'Union des rembourreurs, un autre local, je ne sais pas si c'est le même local, que cela a été déposé vers le 11 juillet, si ma mémoire est bonne, qu'il y avait une audition de fixée enfin pour examiner cette affaire-là, le 18 septembre. Et le 18 septembre, nous avons été informés que c'était remis, sans que nous soyons consultés, mais ils ont dit: Ce sera le 25. Le 25 pour nous, vraiment, on savait qu'on comparaissait ici aujourd'hui, il fallait au moins se voir un peu entre nous.

Vous comprenez bien que même si la présumée, la frauduleuse convention collective expire le 30, le fait qu'il y a des procédures d'engagées, alors, là, nous sommes dans tout le problème de l'article 47 du Code du travail, qui veut qu'on doit maintenir les conditions de travail pendant ce temps-là, et je pense que tout le monde va

reconnaître que c'est un bon article, sauf dans une circonstance donnée. Le fait que ça se termine le 30 septembre, donc à quatre jours de maintenant, ne règle pas notre problème.

En tout cas, une possibilité — je n'ai pas exploré, je n'ai consulté personne — mais je pense que c'est là un chemin à regarder. S'il n'y a pas de statut de ce syndicat qui a déposé une convention collective, comment peut-on croire que c'est une convention collective? Ce n'est pas la compagnie qui est en cause. Elle est en cause ailleurs, mais pas là-dessus. Il y aurait pu se faire une constitution, et il me semble que ce serait important, aussi, que vous sachiez pourquoi les événements arrivent, le fondement de la situation. Moi, j'ai pu comprendre...

M. Pagé: Non, mais si vous permettez...

M. Pepin: Non, mais je pense que si vous me permettez, maintenant que vous m'avez ouvert un peu la porte...

M. Pagé: Non.

M. Pepin: ... moi, j'ai cru comprendre, M. le député...

M. Pagé: Oui.

M. Pepin: ... que vous tentiez plutôt, vous autres, du Parti libéral, je vous le dis carrément, de la façon dont je l'ai vu dans la salle, de protéger l'employeur, protéger l'objectivité, mais surtout l'objectivité de l'employeur.

M. Pagé: C'est l'interprétation que vous y donnez, ça.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Un à la fois, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Pagé: C'est l'interprétation que vous y donnez.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! M. Pepin.

M. Pagé: On en parlera tantôt.

M. Pepin: Merci. Moi, je peux vous dire, si vous regardez les documents qui sont dans vos dossiers, regardez les conventions collectives qui sont là, la convention collective signée en 1974, expirant en 1977, celle — la frauduleuse — signée en 1977. Regardez, par exemple, l'article 201 de cette convention, où on parle de la reconnaissance syndicale. C'est tellement archaïque qu'on se réfère à la Commission des relations ouvrières, qui n'existe plus depuis 1969, on parle de la Loi des relations ouvrières, qui n'existe plus depuis 1964. On en parle en 1974 et en 1977. Regardez l'article 301 sur les droits de la gérance. On dit: Les droits de la gérance, le gars a le droit d'administrer son entreprise, mais s'il y a une clause de la convention collective qui me nuit, je ne suis pas obligé de suivre la convention collective.

Regardez la clause de l'ancienneté dont il a été abondamment question par le député de Saint-Laurent. Regardez ça. C'est marqué, d'abord, compétence, etc., longueur de service, le troisième point, et on dit: Lorsque, dans l'opinion de la compagnie, on fait ceci, on fait cela, on n'a pas à prouver si je suis compétent ou non. Il faudrait que je démontre que ce n'est pas leur opinion. C'est ça, une convention collective qui ne veut absolument rien dire.

Dans la convention en 1974, même pas de procédure d'arbitrage. Évidemment, le Code du travail pourrait y pourvoir, parce qu'il n'y a pas d'arbitrage de prévu. Même dans le cas de décès, si on voulait s'amuser, il faudrait planifier nos décès, parce qu'il faut prévenir les patrons 24 heures à l'avance, si on veut prendre un congé à cause de décès.

Quand on se demande pourquoi il y a eu changement d'allégeance syndicale, je n'aime pas l'expression "maraudage", comme le ministre l'a utilisée et d'autres membres de cette commission, ce n'est pas du maraudage, qui est un terme un peu péjoratif, lorsque des travailleurs, avec des conditions semblables, veulent changer d'allégeance syndicale. Mais pourquoi le problème existe-t-il présentement? Parce que cet employeur, M. Caine, veut protéger ses droits, ses privilèges. Avec un tel syndicat, il a tout entre les mains. Il a vraiment besoin d'avoir une telle convention collective, ça lui permet de faire n'importe quoi.

Quand on voit le problème, on se dit: Vraiment, ce n'est pas une idéologie qu'il défend. Lui, il défend un peu sa peau, parce qu'il pense qu'avec nous autres, ça va être un peu plus raide, il n'aura pas ces clauses. Ce n'est pas une idéologie de droite qu'il défend. C'est vraiment le pouvoir de continuer à exploiter son usine comme il l'entend.

Notre conclusion à nous, c'est que le gouvernement et votre commission prennent les moyens pour appliquer le rapport du conseil de médiation. Que vous l'aimiez ou non, qu'il soit critiquable sur une partie ou l'autre, il y a des conclusions, des recommandations. Nous les avons acceptées de bonne foi, même s'il y a, à notre avis, des faiblesses là-dedans. Voilà pourquoi je pense que la commission peut intervenir et faire en sorte que le rapport du conseil de médiation soit appliqué. Il me semble — je n'ai pas tellement d'expérience là-dedans — que si le gouvernement décidait de faire l'opération, il a une série, une panoplie de moyens entre les mains.

Je ne veux pas nécessairement me référer au ministère de M. Bérubé, mais il me semble que c'est un moyen qui est regardable. Si, d'un côté, on pense qu'ils sont de mauvaise foi comme moi je le crois, si c'est partagé par une partie du gouvernement, elle pourrait convaincre l'autre partie du gouvernement. Si, d'autre part, on surveille bien les opérations, s'il n'y a plus de

subvention, s'il n'y a rien, il me semble qu'il y a des moyens qui ne sont peut-être pas coercitifs au point de départ qui pourraient inciter M. Caine à s'asseoir et à négocier.

Si cela n'est pas suffisant, je vous indique l'article 81a de la loi, de portée universelle. Cela pourrait être modifié. Je vous indique l'article 23, qui pourrait être regardé par le commissaire général du travail et il pourrait dire; On va leur demander leur statut, et s'ils n'ont pas de statut, comment cela pourrait-il être une convention collective?

J'ai sûrement été beaucoup trop long, M. le député — je m'excuse — mais je pensais que je devais au moins vous donner ma pensée là-dessus.

M. Pagé: D'ailleurs, vous en avez abondamment profité, comme vous avez dit. Alors, somme toute, ce que vous attendez...

M. Pepin: J'ai du moins essayé d'ouvrir une autre porte.

M. Pagé: Ce que vous attendez, somme toute, des travaux de cette commission, c'est que cela ne se termine pas comme trop souvent cela se termine, par un voeu formulé par la commission.

M. Pepin: Vous m'avez tellement bien compris. J'ai bien fait de parler longtemps.

M. Pagé: Bon! Sur certains points, on se rejoint, vous voyez.

M. Pepin: Ah oui!

M. Pagé: Merci, M. le Président.

M. Pepin: Sur d'autres points aussi, sans doute.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. J'ai écouté moi aussi avec fascination l'ex-président de la CSN, M. Pepin, nous expliquer avec des exemples tirés des conventions collectives en quoi l'affiliation à la CSN est la voie, la vérité et la vie.

M. Pepin: Je n'ai pas dit cela par exemple.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre! M. Pepin, n'interrompez pas le député.

M. Pepin: Je respecte la présidence. Je n'interromps pas.

M. Forget: II y a un grand degré de conviction dans ses paroles, mais je suis sûr qu'il n'invite pas la commission de l'Assemblée nationale ou cette commission de l'Assemblée nationale ou encore moins les différentes formations politiques à dé- cerner des étoiles rouges, des étoiles dorées et des étoiles vertes aux conventions collectives en examinant clause par clause leur contenu.

Je pense bien que ce n'est pas de cela qu'il est question ici. Il n'est pas question de savoir si la convention collective vraie ou fausse du syndicat qui prétend être le syndicat et dont d'autres disent qu'il n'est pas le syndicat est bonne ou mauvaise, il ne s'agit pas de cela, puisque, si on était appelé à prononcer des jugements sur le contenu des conventions collectives, je pense bien qu'il y aurait des surprises pour tout le monde dans les jugements qui seraient émis.

Ce qu'il est important de savoir, c'est quels sont les droits des parties, qui parle avec légitimité et qui ne parle pas avec légitimité. Je pense que c'est là-dessus qu'on devrait restreindre le débat pour ne pas ajouter à la confusion.

Il y a une remarque que M. Pepin a faite qui, je pense, prête à confusion lorsqu'au tout début, il a exposé l'attitude' que la CSN a prise face à la question des congédiements. Il a dit: Notre préoccupation, à l'origine, a été de voir à ce que la loi soit respectée, la Loi sur la formation professionnelle, et que l'employeur maintienne les employés congédiés dans leur emploi pour le délai prévu dans la loi.

Je pense, mais j'aimerais être corrigé si mon impression est fausse, que le délai prévu dans la loi n'est pas un délai pour le congédiement, c'est un délai pour l'avis qui doit être donné au ministre et que la Loi sur la formation professionnelle ne prévoit pas qu'avant de congédier quelqu'un, il faut avertir cet employé et lui donner un avis de trois mois ou le payer pendant trois mois, mais il faut donner un avis au ministre du Travail d'une durée de trois mois. C'est bien différent. Cette loi, qu'elle soit bonne ou mauvaise, ne prévoit pas un préavis de congédiement de trois mois pour les employés. (22 h 15)

Elle prévoit un préavis au ministre du Travail, ce qui veut dire que la demande de maintenir les employés dans leur emploi, quels qu'aient été les blâmes qu'on puisse adresser à la compagnie de ne pas avoir respecté l'avis, un blâme, de toute façon, qui est bien nuancé par le fait qu'un jugement de la Cour supérieure, le ministre lui-même l'a indiqué, a créé des doutes sérieux, à savoir si cet avis était légal lui-même, si les exigences de la loi n'étaient pas dans le fond ultra vires, si les exigences du règlement n'étaient pas ultra vires. Donc, il y avait au moins un début de vraisemblance à mettre de côté cette exigence ou cette prétendue exigence du règlement. Mais il reste que, de toute manière, cela ne visait qu'un avis au ministre. Cela n'aidait en rien, le respect intégral de la loi n'aurait aidé en rien les employés qui ont été mis à pied, sauf dans la mesure où on croit qu'un comité de reclassement professionnel, avec 300 000 chômeurs au Québec, aurait pu trouver des solutions de rechange rapidement pour tous ces gens-là. Il est permis d'en douter; puisqu'on est entre gens qui ne sont pas naïfs, il est permis d'en douter. De toute façon, je pense que

c'est un point qui mérite d'être corrigé. Il y a une autre affirmation... Oui, si vous voulez.

M. Pepin: Seulement sur ce point-là, si le Président le permet, M. Forget aussi. Vous me permettez, oui?

Le Président (M. Lavigne): Je vous le permets.

M. Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Ce n'est pas, M. Forget, mon interprétation de la loi. La loi dit qu'on doit donner un avis de X mois, selon le nombre de salariés concernés, au ministre du Travail, mais on ne peut pas effectuer le licenciement; il ne s'agit pas de congédiement. Un congédiement, si on s'entend bien, c'est un congédiement pour cause, raison disciplinaire, etc. On ne peut licencier les gens avant la fin de l'avis, à moins, et l'article le dit — je ne l'ai pas devant moi — qu'il y ait des raisons spéciales, extraordinaires, peu importent les termes; en tout cas, il y a une échappatoire, mais la règle générale, c'est qu'on donne l'avis au ministre et qu'on fait le licenciement dans un mois, deux mois, trois mois ou quatre mois, selon le nombre. Dans le cas qui nous occupe — c'est mon interprétation, peut-être que j'ai tort — il arrive que l'avis a été donné, le licenciement a été fait deux ou trois semaines plus tard et c'est là-dessus que nous croyons que l'employeur n'a pas respecté cette loi.

Puisque vous avez commenté une partie de ma réponse au point de départ, je voudrais vous dire ceci. Quand j'ai donné des exemples de la convention collective que j'ai critiquée, ce n'est pas pour dire: II y a des conventions collectives qui sont meilleures ou moins bonnes, c'est tout simplement pour vous rappeler que, s'il y a eu changement d'allégeance syndicale, c'est parce qu'il y avait des conditions de travail ou des conditions écrites qui, vraiment, aux yeux mêmes d'un profane, ne peuvent pas tenir. Ce n'est pas pour décerner des étoiles rouges ou noires à ceux qui signent d'autres conventions collectives. Je sais ce que c'est que de négocier une convention collective. Parfois, on obtient des résultats très bas, cela dépend du rapport de forces qu'on a. C'est la seule précision que je voulais faire quant à la question de l'interprétation de la loi. Je pense qu'on ne peut pas faire les licenciements avant le délai, à moins qu'il y ait des raisons qui s'y appliquent. Il me semble que le jugement du juge Meyer dit que ces raisons n'avaient pas l'air d'être évidentes. Il me semble que j'ai lu cela ces jours derniers. Alors, c'est tout.

M. Forget: On reviendra sur la question de l'évidence, mais, puisqu'on vient d'aborder la question de savoir s'il y avait des raisons suffisantes pour justifier le changement d'allégeance, c'est fort possible, c'est même évident puisqu'il a eu lieu, il a été reconnu. Ce que j'aimerais savoir de M. Pepin, c'est s'il reconnaît cependant que les employés, les salariés de la Commonwealth Plywood, ayant une fois changé d'idée, demeuraient, malgré l'accréditation CSN obtenue, absolument libres de changer d'idée encore une fois et même aussi souvent que cela leur plaisait. Or, on a souligné que cette situation est une situation assez exceptionnelle. Ce n'est pas tous les jours, bien sûr, que la moitié des effectifs d'une entreprise se voit l'objet d'un licenciement. C'est une circonstance qui, en soi, étant donné que cela a été entouré de toutes sortes d'événements sur lesquels je ne reviendrai pas — on a appelé cela des ralentissements, d'autres appellent cela de la violence, peu importe — il y a eu quand même énormément d'événements très particuliers qui, autant que la convention collective déficiente ou prétendument déficiente qui était là auparavant, pouvaient amplement justifier les salariés de modifier leur attitude. Ils n'ont d'ailleurs pas besoin de justification externe, ils n'ont qu'à changer d'idée, à le faire ensemble et collectivement le lendemain d'une accréditation CSN. Ils peuvent légalement se réunir et décider qu'ils en ont déjà assez de cette affiliation CSN. Ils peuvent très valablement changer d'idée et il n'y a rien que les lois peuvent faire pour ça, il n'y a rien que la CSN peut faire pour empêcher ça, il n'y a rien que le ministre peut faire pour empêcher ça.

À moins qu'on reconnaisse que c'est aux syndiqués qu'appartient le syndicat, ils sont libres en tout temps de prendre les décisions qu'ils veulent bien prendre, même si de l'extérieur on peut juger qu'ils ont tort, ce n'est pas notre problème, ce n'est pas notre juridiction, ce n'est pas celle de la CSN non plus, ce syndicat n'appartient pas à la CSN, même si la CSN lui a donné son étiquette, son nom ou Dieu sait quoi, il reste que ça demeure la propriété des membres. Les membres peuvent, en tout temps, changer d'avis. Je pense qu'on doit reconnaître ça.

M. Pepin: Est-ce que je peux commenter?

Le Président (M. Lavigne): Certainement, M. Pepin.

M. Pepin: Merci. Je pense bien que les syndicats appartiennent à leurs membres, nous sommes les tenants peut-être les plus farouches de cette thèse au Québec. Je pense que là-dessus, nous ne ferons pas de chicanes. Sauf que nous avons certaines règles internes et vous avez, dans un dossier ou l'autre — si vous ne l'avez pas, je vous le fournirai — la constitution du syndicat, qui est déposée au ministère du Travail. La constitution prévoit que si le syndicat veut se désaffilier de la CSN, comme c'est son droit, il doit donner des avis en conséquence, de 90 jours, au meilleur de mon souvenir. Il doit écrire à la CSN pour que nous puissions, comme CSN, aller leur expliquer notre point de vue. Après ça, ils sont libres de décider comme ils l'entendent.

Donc, sur le premier point, même si les gens ont le droit de changer d'avis à tout moment, il est bien clair que nous vivons dans une société où la liberté doit s'exercer dans un certain cadre. Une fois, j'ai voté pour vous comme député de Saint-

Laurent, le lendemain, je peux le regretter, mais vous êtes à l'Assemblée nationale pour la durée de quatre ou cinq ans, selon le temps que vous ferez, où la Législature sera là.

M. Pagé: Vous n'avez pas dû le regretter.

M. Pepin: Non, ce que je veux...

M. Forget: C'est une hypothèse.

M. Pagé: D'accord, c'est une hypothèse.

M. Pepin: C'est une hypothèse, merci. Ce que je veux vous rappeler, c'est que dans ce domaine parlementaire et au plan syndical, en vertu des lois et en vertu du Code du travail, lorsque je suis accrédité, l'association accréditée doit représenter tous les employés, tous les salariés concernés en vertu du Code du travail et cela, pour un certain temps. Ce temps-là dure peut être un an, deux ans, trois ans et même plus s'il y a des conflits, comme dans le cas de Commonwealth Plywood. Mais dans l'hypothèse où il n'y a pas de conflit, les gens qui changent d'idée peuvent manifester leur changement d'idée dans les périodes prévues au Code du travail. Peut-être que ça pourrait exister autrement, mais disons que c'est ça, à l'heure actuelle, la procédure.

M. Forget: ... les règlements internes de la CSN pour condamner un comportement, alors que les règlements et les délais prévus au Code du travail n'ont pas été respectés et pourquoi, nous a-t-on dit? On nous a dit: La situation évoluait tellement vite, c'est M. Gagné lui-même qui l'a dit, qu'on ne pouvait pas se soucier de ces détails de délais. Si elles évoluaient vite, les circonstances et les données du problème, pour une considération, elles évoluaient vite pour toutes les considérations. On peut admettre ça?

M. Pepin: Est-ce que vous admettez au moins, M. le député de Saint-Laurent, que j'ai le droit de vous dire les règlements internes que le syndicat s'est lui-même donnés lorsqu'il s'est constitué et que les membres, le lendemain, ont le droit de changer d'idée, mais de suivre la procédure interne? Est-ce que vous allez admettre avec moi, avec le dossier que vous avez, à moins qu'on n'ait pas le même dossier, que le syndicat fantôme qui a signé la convention pirate, c'est un syndicat qui n'a donné aucun avis à la CSN. Il n'a rien fait.

Vous allez peut-être me dire: Ce n'était pas important, il n'avait pas à le faire, mais vous êtes avocat. Je sais, quand vous étiez ministre, que vous étiez assez attaché à certains principes de base que vous vouliez suivre cela à tout prix; d'ailleurs, on s'est déjà parlé assez fréquemment quand vous étiez ministre, maintenant, vous allez me dire: N'allègue pas ça, les règlements internes, n'allègue pas le Code du travail. Écoutez, il y a à peu près une centaine de grévistes qui sont là, depuis à peu près un an. Ont-ils tort, ont-ils raison? Peut-être conclurez-vous qu'ils ont tort.

Je pense qu'ils ont raison, à l'heure actuelle. C'est peut-être notre chicane entre nous.

Pour moi, je vous rappelle que c'est toute la frauduleuse convention collective, M. le député, qui est en cause. L'affaire des congédiements pour activités syndicales, c'est un élément. Mais s'il n'y avait pas eu cette fausse convention collective, le carcan dans lequel s'est placé M. Caine, il aurait peut-être pu y avoir un déroulement, une convention collective. J'arrête là.

M. Forget: J'aimerais savoir de M. Hallé, M. le Président, si, pendant toute la période où il a agi de la façon dont il l'a décrit d'ailleurs fort clairement tout à l'heure, au nom du syndicat qui détenait l'accréditation, il peut indiquer des faits concrets qui nous permettraient de croire que ce syndicat, ce groupe au nom duquel il parlait, à ce moment-là, après les 5, 6 octobre, représentait effectivement d'autres personnes que celles qui avaient été mises à pied ou licenciées. Est-ce qu'il peut invoquer des faits précis qui permettraient de croire qu'il parlait au nom de ceux qui étaient restés à l'intérieur aussi, et pas seulement au nom de ceux qui avaient été licenciés?

M. Hallé: M. le député de Saint-Laurent, là-dessus, je pourrais vous souligner uniquement que M. Gagné, président du syndicat, et l'ancien président, dont je ne me rappelle plus le nom — c'est parce qu'il y a eu un changement à un moment donné, c'est une question de disponibilité des personnes à l'intérieur de l'assemblée générale — étaient des gens qui n'avaient pas été licenciés.

Il y a eu au moins une cinquantaine de personnes, à ce moment-là, il y avait cinquante personnes, soit plus du tiers des grévistes, qui étaient des gens qui n'avaient pas été licenciés.

Autre chose, il s'est produit des faits curieux que je pourrais peut-être vous mentionner. Comme je n'étais pas le directeur de grève, je ne suis pas au courant de tous les événements au jour le jour; je passais, parce que je suis appelé à négocier un peu partout. Je peux vous citer, par exemple, le cas de Maria Chavez, une Portugaise, qui était immigrante reçue, mais qui n'était pas encore citoyenne canadienne. Effectivement, c'est l'immigrante dont on a parlé, la gréviste qui a été tirée par les cheveux, etc. Il y a eu d'autres cas de pressions, et je sais que cela s'est produit mais je vous cite celui-là parce que je suis personnellement au courant de ce qui s'est passé pour elle et son mari, parce qu'elle a été obligée de retourner au Portugal, parce que le permis d'immigration était très serré.

Il y a donc eu des cas de pressions là-dessus, mais, outre les cas de pressions sur les gens de l'intérieur, qui pourraient expliquer la présence de certains de nos militants à l'intérieur, il y avait aussi des gens qui n'ont jamais été mis à pied, sauf plus tard, lorsqu'ils ont été congédiés par la compagnie, avec les outrages. Mais ils n'ont jamais été congédiés. Ils étaient cependant avec nous dès le début. Je ne peux pas vous dire la

journée du début de la grève. Mais je peux vous dire que ce fut à peu près vers le 25 ou 28 septembre, au moment où j'ai repris le dossier après avoir mis un peu de côté mes autres dossiers. Je le sais.

La journée exacte, le 19, je l'ai dit tout à l'heure, je n'étais pas là. Je ne peux pas vous répondre directement.

M. Forget: Pour être bien précis sur ce point, est-ce que ce que vous nous dites, c'est qu'il y a des gens qui n'ont pas été l'objet du licenciement, qui non seulement ont signé la carte de la CSN au mois de juillet ou au mois d'août, mais qui ont continué d'être actifs, et d'assister aux réunions et d'appuyer l'action du syndicat de l'extérieur, pour être bien clair, pendant tous les mois qui ont suivi?

M. Hallé: II y en a encore, monsieur.

M. Forget: II y en a encore. Combien y en a-t-il?

M. Hallé: Je ne pourrais pas vous dire le nombre, parce que, effectivement, depuis que le dossier est rendu un peu spécial, je me suis un peu éloigné du dossier. Je ne pourrais pas vous dire personnellement leur nombre mais je sais qu'il y en a. Je vous ai donné entre autres l'exemple du président du syndicat, parce que je le connais très bien. Vous avez d'autres gens qui sont dans ce cas-là.

M. Forget: Dans l'attitude qu'a prise la CSN relativement aux congédiements, on nous a dit tout à l'heure que rien ne pouvait laisser croire aux gens qui travaillaient à la Commonwealth Plywood que cette entreprise avait des difficultés économiques, que c'est arrivé comme une chose venue du ciel, un cas absolument inattendu. Est-ce que cette affirmation vaut pour les permanents de la CSN, les conseillers techniques, etc., ou est-ce qu'elle vaut véritablement, à votre avis, pour les gens qui étaient des salariés, qui étaient membres du syndicat local? (22 h 30)

Ce que vous nous dites, c'est qu'on ne pourrait pas obtenir de la part de ces gens un témoignage contraire dans le sens qu'ils avaient eu vent de difficultés, qu'il y avait eu des réaménagements dans la distribution du travail, dans l'organisation du travail qui reflétaient, tout le monde le sait, à l'époque où à peu près tout le monde en était conscient, des difficultés, une difficulté de rodage considérable de la nouvelle usine et qu'on savait qu'il y avait quelque chose dans l'air. Vous trouvez qu'on ne pourrait pas trouver de témoignages de ce genre?

M. Hallé: Je vais vous dire carrément, sur cette question-là, que ce n'est pas nous qui avons inventé une situation économique défavorable ou favorable à la Commonwealth Plywood et, lorsqu'on prend un nouveau dossier, parce que pour moi, c'était un nouveau dossier, le premier portrait qu'on nous fait de l'entreprise, ce sont les travailleurs eux-mêmes qui le font en assemblée.

Première question qu'on pose lorsqu'on a un nouveau dossier: Comment est-ce que cela va avec l'employeur, etc.? Les premières questions, je les ai posées dès le 13 août. Comme je vous ai dit, j'étais présent lors de l'assemblée de fondation du syndicat, ce qui est particulier, mais j'y étais. À partir de ce moment-là, la majorité des choses, ce sont les travailleurs qui nous les ont dites, ils les vivaient et ils avaient des engagements. Ce sont eux qui nous l'ont dit. Cela n'a pas été démenti dans les procédures judiciaires auxquelles j'ai assisté, etc., jamais.

Je vous dis que ce n'est par une analyse comme telle de nous... Par la suite, on aurait voulu en faire une, mais on n'a pas été capable d'avoir les données; mais la première analyse, ce sont effectivement les travailleurs qui voyaient qu'on engageait et, le lendemain, on commence à désengager à pleine porte et en même temps qu'on avait une demande d'accréditation qui tombait sur la table. Cela avait l'air un peu curieux. C'est une coïncidence réellement "coïncidente", très rare.

M. Forget: Vous vous basez donc essentiellement sur les engagements qui ont été faits en août pour dire que, sur cette base, vous ne pouvez pas ajouter foi à l'existence de problème économique, que vous n'avez pas poussé plus loin, cela étant une preuve, une indication qui vous paraissait parler par elle-même?

M. Hallé: II y en avait une qu'on avait vécue lors de la période de nouvelle allégeance syndicale. Je vous l'ai dit, j'étais présent lors de la fondation du syndicat J'ai quand même suivi, même si je n'ai pas été directement organisateur, le dossier. On avait le problème de rejoindre les gens, en faisant l'organisation avec nos militants, parce qu'ils travaillaient en temps supplémentaire sans arrêt durant le mois d'août, les samedis et tous les soirs de la semaine. Les gens même chialaient, ne voulaient pas travailler et, comme l'ancienne convention collective ne leur permettait pas le temps supplémentaire libre et volontaire, ils étaient obligés d'y aller. On avait réellement des problèmes à rejoindre les gens pour leur faire signer la carte. Cela a été un des problèmes qu'on a eus durant la période d'adhésion syndicale à ce moment-là.

Peut-être ont-ils eu des difficultés au mois de septembre, c'est parce qu'ils se sont tellement préparés contre la CSN pendant le mois d'août qu'ils étaient très bien préparés, après cela, pour essayer de casser le syndicat CSN. Cela se peut. C'est une réalité qu'on a vécue à ce moment-là.

M. Forget: Je n'ai pas d'autres questions, M. le Président. Merci!

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le ministre.

M. Johnson: S'il n'y a pas d'autres questions, M. le Président, il y a deux possibilités, il est 22 h 30. Nous avons entendu jusqu'à maintenant à toutes fins utiles le conseil de médiation, après de trop longs préliminaires ce matin de la part de tout le monde, y compris ceux de ce côté-ci, je devrais dire, de celui qui vous parle. Nous avons entendu le conseil de médiation et la partie CSN, le syndicat local, la centrale, le conseiller juridique et le permanent de la Fédération nationale du bois et du bâtiment. II y a deux possibilités qui s'offrent devant nous. J'apprends, contrairement à ce que je disais à midi que, demain matin, il n'y a pas deux commissions qui siègent, mais bien une et qu'il serait possible, techniquement, de faire siéger alors la commission, au sens où physiquement on aurait un emplacement.

Le député de Portneuf m'a dit qu'il avait pris des mesures différentes, compte tenu de ce que j'avais annoncé à midi. L'Opposition n'est donc pas prête à siéger demain. Je sais que cela prend l'unanimité, en vertu du règlement, pour siéger à nouveau demain matin, étant donné qu'on est en dehors de la période de session.

L'alternative à cela, ce serait de remettre, cette fois-ci sans préliminaires, en principe, simplement l'audition des deux autres groupes, celui de M. Thériault, M. Lévesque et Mme Grignon et celui de M. Caine et M. Fournier, au mercredi 4 octobre, ou encore au mardi 10 octobre.

On regarde en ce moment les différentes possibilités, quelqu'un va me le confirmer. L'avantage du 10, évidemment, c'est que c'est un mardi; donc, on peut siéger toute la journée et toute la soirée. L'inconvénient du mercredi, même s'il est très rapproché... Remarquez que je ne peux pas faire motion pour qu'on siège le 4, ce serait simplement un avis qu'on donnerait, par égard, par courtoisie envers nos invités, étant donné que cela prendra un ordre de la Chambre de toute façon à partir du 3. Les possibilités seraient pour le mercredi 4 ou le mardi 10. J'aurais personnellement une préférence pour le mardi.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce qu'on pourrait entendre M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je suis momentanément seul de ce côté de la table...

M. Johnson: ... siéger demain matin.

M. Forget: ... je ne peux certainement pas m'exprimer pour notre collègue de Johnson qui a quitté la salle. Pour ce qui est de mon collègue de Portneuf, il va être de retour bientôt. Je ne peux certainement pas siéger demain, mais...

Le Président (M. Cardinal): Voici votre collègue de Portneuf.

M. Pepin: Je me suis bien entendu avec lui tantôt et je pense qu'il serait libre demain.

Le Président (M. Cardinal): C'est cela, mais je veux démocratiquement...

M. Pepin: Lui demander.

Le Président (M. Cardinal): II est à votre service. M. le député de Portneuf, votre collègue va vous expliquer la situation.

M. Pagé: Ce matin, il a été clairement indiqué qu'on ne siégerait pas demain et que l'ordre était pour aujourd'hui seulement. J'avais offert ma disponibilité ce matin au ministre. Celui-ci a dit qu'on ne siégeait pas demain. Mon collègue du comté de Saint-Laurent et moi avons pris des dispositions pour être ailleurs demain. C'est confirmé, des engagements ont été pris sur la foi de la parole du ministre. Alors, si le ministre change d'idée à tout bout de champ, ce n'est pas mon problème, mais qu'il reporte cela à la semaine prochaine-

M. Johnson: Mon Dieu! Vous employez un langage dramatique pour dire des choses pas compliquées.

M. Pagé: Non.

Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît! Sans relire le journal des Débats et sans attaquer personne...

M. Johnson: Je n'ai pas prêté serment là-dessus.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que je peux demander...

M. Pagé: M. le Président, dites donc au député de Sainte-Marie que c'est toujours comme cela avec le ministre du Travail. On ne sait pas quand on siège, on ne le sait pas, on le sait, on siège demain, on siège la semaine prochaine, on ne le sait jamais.

M. Bisaillon: Trois mots.

M. Pagé: II le saura pour la prochaine fois.

Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît! J'ai compris une première chose, c'est que nous ne siégerions pas demain.

M. Pagé: Le ministre l'a dit ce matin.

Le Président (M. Cardinal): C'est l'opinion de la commission. Deuxièmement, il y a une alternative, c'est la semaine prochaine ou l'autre semaine.

M. Johnson: M. le Président, en fait, je viens de consulter M. Filion, de mon cabinet, qui essayait de voir le leader. La date où ce serait le plus facilement possible, c'est bel et bien le 4, et non pas le 10, avec l'inconvénient, cependant, qu'en principe on ne siège pas le mercredi soir, mais on pourrait peut-être avoir le consentement, au départ, de l'Opposition pour que, si on ne termine pas durant la fin d'après-midi, compte tenu des travaux de la Chambre, on puisse continuer le

soir, si c'était mercredi, le 4. Encore une fois, ce n'est pas une décision que nous prenons, mais c'est pour aviser les partis qu'on siégerait le 4.

Le Président (M. Cardinal): Oui, parce que, si vous permettez, M. le ministre l'a dit, tout le monde sait que nous avons besoin soit d'un avis, soit d'une motion, soit d'un ordre de la Chambre. Avec entente des partis, je parle des partis à l'Assemblée nationale, c'est une probabilité très grande.

M. Pagé: Ce serait après le 3.

M. Johnson: Le 3, c'est impossible. Ce serait, en principe, le 4, et le leader m'a assuré qu'il serait prêt à donner un ordre de la Chambre le 3 pour que nous puissions siéger le 4.

M. Pagé: Oui, mais si vous émettez un avis ce soir, on peut siéger le 3 à 10 heures.

M. Johnson: Non, impossible. On ne peut pas émettre un avis, je ne pense pas.

M. Forget: Oui, si on peut siéger demain, on peut siéger mardi.

M. Pagé: Voyons!

M. Johnson: De consentement, oui, je m'excuse.

Le Président (M. Cardinal): Cela prend le consentement unanime.

M. Johnson: Est-ce qu'on connaît le calendrier des commissions pour le 3 au matin?

M. Pagé: II n'y en a pas jusqu'à maintenant.

M. Johnson: il n'y a pas de commission. Le mardi 3, qu'est-ce qu'on a à l'horaire? Le mardi 3, cela fait une drôle de façon de commencer la session, mais enfin!

M. Pagé: Ce n'est pas grave, on est prêt. M. Johnson: Écoutez! M. Pagé: Bon.

M. Johnson: Ce que le leader nous a dit avant de partir ce soir, c'est que, quant a lui, c'est le 4. Il peut y avoir un tas d'excellentes raisons que pourraient partager nos collègues de l'Opposition, je ne sais pas. Je ne voudrais pas m'aventurer à dire le 3, dans les circonstances.

M. Pagé: On vous offrait cela pour être plus diligents.

M. Johnson: C'est bien gentil, mais nous aussi, on vous offrait demain matin pour l'être encore plus.

M. Pagé: Oui, mais vous nous aviez dit non ce matin. À l'avenir, vous vous brancherez plus tôt.

M. Johnson: Oui.

M. Bisaillon: II ne peut pas demain.

M. Johnson: II ne peut pas demain.

M. Pagé: Non, mais il nous a dit non ce matin.

Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît, messieurs, je vous laisse quelques moments...

M. Pagé: On ne se chicanera pas pour ça, il est toujours comme ça.

M. Johnson: Bon! Alors, M. le Président, ce que je suggérerais, c'est que nous attendions un ordre de la Chambre qui pourra survenir le 3. Je peux dire qu'il y a de fortes présomptions et même donner la parole du leader, que nous pourrions siéger le 4, mercredi, à 10 heures le matin, et après la période de questions, c'est-à-dire vers à peu près 16 heures, 16 h 30, le mercredi après-midi et, avec le consentement de l'Opposition, le mercredi soir si nous n'avions pas terminé, le tout étant un avis par courtoisie aux parties et à être confirmé par une motion du leader le 3.

Le Président (M. Cardinal): D'accord! Est-ce que je peux terminer cela? Mais, cependant, je ne voudrais pas oublier des choses. Deux minutes, s'il vous plaît!

Comme je l'ai fait pour d'autres, je veux remercier M. Hallé et M. Pepin, qui se sont pliés aux désirs et aux questions de la commission parlementaire. Je veux remercier tous les membres de la commission parlementaire qui ont fait leur travail dans ce salon qui est très beau, mais très difficile comme climatisation, et inviter à nouveau, d'une façon non formelle, selon un avis ou une motion de l'Assemblée nationale, probablement le 4, à moins que... Bon! D'accord?

M. Johnson: D'accord! M. le Président, avant de terminer, avant la clôture, je voudrais remercier évidemment tous ceux qui ont répondu aux invitations qu'on leur a fait parvenir, m'excuser auprès des cinq personnes que nous avions convoquées pour témoigner aujourd'hui, qui n'ont pu le faire.

Je sais qu'il y en a parmi ceux-là, dont Me Casgrain, qui ont une certaine expérience des commissions parlementaires. Je me souviens de celle sur l'amiante, il y a eu certaines longueurs, là comme ailleurs. Pour ceux qui ne sont pas habitués à ces commissions parlementaires, nos excuses de vous avoir fait venir aujourd'hui. J'espère que cela aura été enrichissant pour vous. Cela l'aura été, sans doute, en tout cas, pour les officiers de mon ministère, qui continueront leur travail avec ou sans commission parlementaire. Je vous remercie d'être venus et je souhaite vous voir la semaine prochaine. C'est d'accord jusqu'à minuit?

M. Pagé: On est disponible. Personne ne l'a demandé?

M. Johnson: Vous venez de me dire non, c'est fini.

M. Pagé: Bien non! J'interprétais les commentaires du président comme voulant mettre fin aux travaux de la commission et le Président...

M. Johnson: On recommence.

M. Pagé: Nous autres, on est prêt jusqu'à minuit, si vous voulez. Demain, il n'en est pas question.

M. Johnson: Pas de problème, quant à moi. M. Pagé: Continuons! M. Johnson: Bon!

Le Président (M. Cardinal): Messieurs, je m'excuse...

M. Johnson: On va effacer tous les remerciements et les gentillesses civiles...

M. Pagé: C'est ça, on fera ça tantôt.

Le Président (M. Cardinal): Je n'efface pas les remerciements. Je les conserve.

M. Johnson: II s'agit de savoir ce qu'on est capable de faire aussi en l'espace d'une heure et quart.

Le Président (M. Cardinal): Écoutez! Si vous voulez qu'on se branche sur les règlements, aussi bêtement que ça, il est passé 22 heures, nous pourrions tout simplement ajourner. Mais, du consentement unanime de cette commission, nous pouvons aller jusqu'à minuit, ce que j'en ai dit ce matin, on ne doit pas dépasser minuit.

Oui, M. le député?

M. Bisaillon: M. le Président, si la commission me permet, j'aimerais donner mon avis sur cette question.

Le Président (M. Cardinal): Certainement!

M. Bisaillon: II est 22 h 45. Personnellement, je ne verrais pas l'intérêt qu'on pourrait avoir à commencer avec les témoins suivants, compte tenu du fait que ça couperait, dans le fond, une partie des témoignages qui pourraient être amenés devant nous. Cela nous ferait perdre le fil du portrait qu'ils peuvent nous tracer et il me semble qu'on y gagnerait en prenant ça en bloc et en attendant à la prochaine fois. Personnellement, je serais favorable, plutôt, à ce qu'on ajourne ce soir et qu'on recommence le 4, parce que je pense que le travail qu'on pourrait faire jusqu'à minuit ne serait pas efficace dans le sens qu'il va couper les témoignages, ce que je ne tiendrais pas qu'il se produise.

Personnellement, M. le Président, je tiens à dire immédiatement que pour les témoins qui suivent, j'ai quand même beaucoup de questions à poser et que je prévois prendre un certain temps à le faire.

Le Président (M. Cardinal): Messieurs, sans qu'on entre dans des questions politiques, est-ce que je comprends que je n'ai pas le consentement unanime au sens d'un consensus profond de chacun des membres de l'assemblée, sans nommer personne?

M. Johnson: II faut comprendre ça, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Dans ce cas, en vous remerciant tous, j'ajourne ces travaux sine die.

Fin de la séance à 22 h 45

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