L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre

Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le vendredi 27 octobre 1978 - Vol. 20 N° 177

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Question avec débat - Le non-respect des engagements du gouvernement péquiste dans le domaine des relations de travail


Journal des débats

 

Question avec débat

(Dix heures six minutes)

Le Président (M. Dussault): A l'ordre, messieurs.

Nous allons commencer les travaux de la commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre réunie, ce matin, pour discuter de la question avec débat du député de Portneuf au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre sur le sujet suivant: Le non-respect des engagements du gouvernement péquiste dans le domaine des relations de travail.

Je vous rappelle que nous sommes régis par l'article 162a de notre règlement, qui dit que, lorsqu'une commission élue est saisie d'une question avec débat, elle est soumise aux règles spéciales suivantes: Le député qui a donné l'avis de la question avec débat a droit d'être entendu le premier, le ministre questionné peut lui répondre immédiatement après. Chacune de ces interventions doit être limitée à 20 minutes. Un député peut prendre la parole aussi souvent qu'il lui plaît à condition de ne parler plus de 20 minutes en tout.

Cette restriction ne s'applique pas au député qui a donné l'avis de question avec débat, ni au ministre questionné, lesquels ont un droit de parole privilégié.

Le ministre peut se faire accompagner des fonctionnaires de son choix, les autoriser à prendre la parole et ils parlent alors en leur nom.

La commission ne désigne pas de rapporteur. Il n'y a pas de rapport à l'Assemblée. Le quorum est présumé exister. L'absence de quorum ne peut être invoquée. Il ne peut y avoir ni motion, ni vote.

A 13 heures ou lorsqu'il n'y a plus d'opinants, le président met fin aux travaux de la commission.

Sont membres de cette commission: M. Belle-mare (Johnson), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gravel (Limoilou), M. Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois), M. Pagé (Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud), M. Vaillancourt (Jonquière).

Pourraient aussi intervenir à cette commission M. Blank (Saint-Louis), M. Brochu (Richmond), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Jolivet (Laviolette), M. Laplante (Bourassa), M. Lefebvre (Viau), M. Pa-quette (Rosemont), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson (Rouyn-Noranda).

M. Cordeau: Je remplace M. Brochu.

Le Président (M. Dussault): Et M. le député de Saint-Hyacinthe remplacera M. le député Brochu, de Richmond. Ceci dit, je donne la parole à M. le député de Portneuf.

Exposé du sujet M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. Effectivement, on a demandé que la question avec débat porte sur les engagements que le gouvernement, le Parti québécois, a pris, non seulement lors de la dernière campagne électorale, mais aussi pendant ces années où il ne constituait peut-être pas l'Opposition officielle, mais où il était ici à l'Assemblée nationaje.

Si on s'en réfère de plus aux déclarations qui ont suivi l'élection du 15 novembre 1976, à plusieurs reprises, le gouvernement a démontré qu'il était tout au moins préoccupé par toute cette question des relations de travail du Québec, question qui, évidemment, a reçu l'attention des gouvernements qui ont précédé celui du Parti québécois, parce que c'est une question qui mérite attention, c'est une question qui est en constante évolution, c'est une question qui a des impacts non seulement sur l'économie du Québec, mais sur notre climat social, notre climat politique et tout cela. On se rappellera qu'un des chevaux de bataille du gouvernement du Parti québécois, dans le cadre de la dernière campagne électorale, était d'améliorer le climat et les lois des relations de travail au Québec. On se rappellera combien cette équipe a été sévère à l'égard du précédent gouvernement à ce chapitre-là. On avait promis beaucoup, mais, après bientôt deux ans de pouvoir du Parti québécois, on constate qu'il n'y a quand même pas eu beaucoup de choses de faites; même si le ministre pourra tout à l'heure nous répliquer qu'il a fait beaucoup, l'interprétation qu'on doit donner à la situation qui prévaut actuellement n'est certes pas de nature à conclure que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Bien souvent, devant toute cette question du climat des relations de travail ou de l'évolution de celles-ci, on est porté, à juste titre je pense, à fonder nos jugements ou notre argumentation sur des situations bien réelles en termes de conflits, en termes de grèves, en terme de lock-out, en termes d'affrontements et tout cela. On ne peut porter de jugement sur la réussite ou la non-réussite d'une politique sans s'en référer obligatoirement aux statistiques qui prévalent sur ce que je viens de dire et de citer.

M. le Président, je suis particulièrement inquiet et, ce matin, je conviens que j'ai 20 minutes pour commencer, M. le ministre aura 20 minutes pour répondre. J'ai l'intention de baser mon argumentation, mes questions, sur différents éléments; un premier élément sera évidemment les engagements que le Parti québécois avait pris, les déclarations que les membres du gouvernement ont faites sur l'obligation que le gouvernement avait, a et aura, quant à moi, M. le Président, de procéder à une refonte complète des lois du travail au Québec. Le deuxième élément sera de regarder ce à quoi, spécifiquement, le Parti québécois s'est engagé dans son programme qu'il a fait valoir à la population et qui a été accepté par la population en septembre, octobre et novembre 1976 et on se devra évidemment de regarder, point par point, sujet par sujet, toute cette question des trop nombreux conflits qu'on a au Québec actuel-

lement et qui, dans certains cas, durent depuis trop longtemps.

Si je veux y aller bien sommairement, M. le Président, je dois vous dire qu'entre janvier et avril 1978, nous avions au Québec, 566 780 jours-homme perdus, soit en raison d'une grève ou d'un lock-out, comparativement à 469 240, pour la même période, en 1977. Le Conseil du patronat alléguait, dans un article de la Presse, il n'y a pas longtemps, que pour la période de janvier à mai, on pouvait faire une évaluation de 782 190 jours de travail perdus.

Evidemment, ce matin, je ne peux parler que d'un chiffre de 566 780, parce que mes statistiques vont de janvier a avril. Il y a donc eu une augmentation déjà très sensible en 1978, par rapport à 1977 et ce, même si des lois comme la loi 45 ont été adoptées et même si quelques lois ont été présentées à l'assemblée et des règlements modifiés ou amendés. Chose, je suis certain, que le ministre pourra alléguer tantôt.

La seule diminution qu'on connaît pendant cette période, c'est le nombre de travailleurs impliqués dans des conflits. Entre janvier et avril 1977, on a eu 40 473 personnes qui ont été impliquées dans des conflits, tandis qu'en 1978, c'était 700 de moins, soit 39 703 personnes impliquées dans des conflits. Si on se réfère aux tableaux et aux informations que nous fournit le ministère du Travail régulièrement — à ce titre, je remercie le ministre du Travail de me faire parvenir copie de la liste des grèves et des lock-out au Québec, périodiquement, document qui est assez volumineux parce qu'il y en a beaucoup — on constate qu'il y a encore aujourd'hui, au Québec, des conflits qui traînent depuis le 29 décembre 1976, depuis le 3 août 1977. Enfin, je ne voudrais pas en faire toute la nomenclature ici, mais ce document est assez révélateur.

Je conviens qu'il faut le scruter bien attentivement. Je conviens que même si ce document est disponible pour les parlementaires et pour la presse — je présume — on y constate des choses assez intéressantes. (10 h 15)

Je pourrai y revenir tantôt, particulièrement au chapitre de la violence, où, entre autres, dans ce document, M. le Président, aussi curieux que cela puisse paraître, aussi surprenant que cela puisse être, les enquêteurs, les collaborateurs du ministre, sont en mesure de lui indiquer qu'il y aura de la violence, qu'on peut présumer de violence dans certains conflits. Attendez-vous, M. le ministre, à ce qu'on vous questionne tout à l'heure particulièrement sur ce que vous faites dans des cas comme ceux-là, parce qu'il y en a plus d'un.

On constate aussi, M. le Président, qu'aussi curieusement que cela puisse paraître, encore là, dans certains cas des demandes ont été formulées au ministère du Travail, en vertu de l'article 97d du Code du travail, qui prévoit — et je pourrais le citer au ministre — la mesure antiscabs et sur demande, le ministre peut dépêcher un enquêteur chargé de vérifier si les articles 97a, 97b et 97c sont respectés. L'enquêteur peut visiter les lieux de travail et se faire accompagner d'une personne désignée par l'association accréditée, d'une personne désignée par l'employeur, etc. En fait, 97d prévoit les cas où une association accréditée, un groupe de travailleurs, juge que même si l'entreprise est en grève, la compagnie procède à l'engagement de scabs; somme toute, l'opération est continuée, en dépit des prévisions aux articles 97a, 97b et 97c, qu'on verra tout à l'heure.

Et je me demande pourquoi des demandes ont été formulées au ministre du Travail, des enquêteurs ont été désignés et, dans certains cas, le temps que le ministre du Travail a pris entre la requête présentée en vertu de l'article 97d et la désignation d'un enquêteur, ce temps a impliqué un délai qui est inacceptable, selon moi.

On pourra évidemment aborder toute la question de la violence dans les conflits. On se rappellera qu'encore là, cela a été l'un des arguments piliers du Parti québécois dans le cadre de la dernière campagne électorale, pour faire ressortir que, somme toute, le gouvernement ne remplissait pas la responsabilité qu'il avait, à ce moment-là, d'assurer au Québec un climat social de paix, un climat social serein.

M. le Président, encore cette semaine, j'ai eu l'occasion de poser des questions ici, à l'Assemblée nationale. Vous avez été à même de connaître la réponse. Probablement que vous vous rappelez celle du ministre de la Justice, à l'effet qu'il faisait bien ce qu'il pouvait. Mais, M. le Président, on constate qu'il y a encore de la violence au Québec. On n'a qu'à regarder ce qui s'est passé dans le cas de la Commonwealth Plywood pour voir que ce ne sont pas des choses lancées en l'air par des parlementaires que de dire qu'il y a malheureusement de la violence dans certains conflits.

On a, évidemment, des situations qui nous permettent de conclure que, nécessairement, des législations, une nouvelle approche, une réévaluation de nos lois ouvrières deviendraient nécessaires. On n'a qu'à regarder le cul-de-sac juridique dans lequel tout le monde se retrouve dans le cas de la Commonwealth Plywood. On y perçoit bien facilement que c'est définitivement un cul-de-sac et que l'échappatoire ou la solution est difficilement envisageable. D'ailleurs, le ministre a avoué son impuissance dans ce conflit en convoquant une commission parlementaire. C'était bien urgent à l'époque. On se rappelle que cela a été convoqué pour le 26 septembre. On se rappelle de plus qu'on a siégé quatre ou cinq séances depuis, que cela a été ajourné sine die, qu'on pourra possiblement siéger dans une quinzaine de jours, mais tout cela...

M. Johnson: A cause de l'absence de M. Caine.

M. Pagé: Oui, dans un cas et, dans d'autres cas...

M. Johnson: II est à l'extérieur du pays.

M. Pagé: Oui, il est à l'extérieur du pays, cela, c'est pour cette semaine...

M. Johnson: C'est cela, c'est pour cela qu'on ne pourra pas siéger avant le 3 novembre.

M. Pagé: La dernière fois qu'on a siégé, c'était, si ma mémoire est fidèle, vers le 15 octobre, le 10 octobre ou le 15 octobre...

Une Voix: II est parti la semaine dernière.

M. Pagé: ... mais on a quand même commencé les travaux de cette commission le 26 septembre. On est obligé de convoquer des commissions parlementaires pour tenter de dégager un couloir, si couloir il y a, de solutions à des conflits ouvriers au Québec.

Tout cela, M. le Président, nous démontre — je serai en mesure de vous le démontrer tout à l'heure — qu'on a l'obligation... que le gouvernement, je crois, misait juste et visait juste, lorsqu'il déclarait qu'on est devant une situation où il n'y a pas de choix possible, où la seule possibilité, c'est que le gouvernement procède à une refonte complète de nos lois ouvrières. Cela a été énoncé à quelques reprises et cela semblait évoquer des ambitions tout à fait audacieuses, lorsque cela l'a été, mais on constate que les réalisations sont quand même modestes et souvent boiteuses.

Vous savez, ce gouvernement a l'art, a la facilité de déclarer de grandes choses et de faire moins. Il a aussi la facilité, on le constatera, de se contredire à l'occasion.

Qu'on se rappelle, M. le Président, qu'on prenne les déclarations du ministre ou des ministres du Travail et du premier ministre sur toute cette question de la refonte et de la réforme de nos lois ouvrières. Le précédent ministre du Travail, M. Couture, déclarait, entre autres, le 15 février 1977, dans un article de la Presse, le mardi 15 février, à quelques jours, quelques mois de la prise du pouvoir — et celui-ci semblait en être conscient à ce moment-là — que la seule issue possible à une amélioration sensible de nos relations de travail et des conflits que cela peut engendrer, c'était de procéder à une réforme des lois ouvrières. Je vais citer au texte M. Couture qui disait: "Ainsi, le gouvernement a l'intention de modifier sérieusement le Code du travail. Ainsi, à court terme, on amendera le Code du travail et, à long terme, on le réformera. Pour moi, une réforme du Code du travail, ce n'est pas seulement un projet de loi comme le projet de loi 45".

Dans le discours inaugural de 1977, c'était la même chose, c'était repris par le premier ministre. On se rappellera qu'à ce moment, le gouvernement, comme je vous disais tantôt, semblait être non seulement conscient, mais semblait avoir fait son lit sur cette question. Le premier ministre disait dans son discours: Évidemment, il va falloir aller bien plus loin. Il faudra sans doute, d'ici quelque temps, effectuer de profonds changements dans le Code du travail. Ce n'est pas d'hier qu'on en ressent le besoin, de toute façon, puis- qu'on a même annoncé à diverses reprises quelque chose comme une révision ou une refonte qui n'est pas venue. Avant d'en faire autant, on comprendra que, la leçon ayant porté fruit, le gouvernement actuel tienne d'abord à être sûr de son fait et à procéder à toute la consultation nécessaire.

Évidemment, cette idée de procéder à une réforme complète de nos lois a fait son chemin. Cela a d'ailleurs été un des éléments de discussion au somment économique que le gouvernement a tenu avec les différents agents économiques en mai 1977 dans le comté de Charlevoix. Qu'on se réfère au Devoir du 27 mai 1977 où, sous la signature de M. Jean-Claude Picard, il était clairement indiqué: "Le premier ministre, René Lévesque, a annoncé hier aux participants au sommet économique de Charlevoix l'intention ferme de son gouvernement de modifier en profondeur le Code du travail".

Je pourrais revenir avec d'autres déclarations, entre autres, celle que M. Couture a faite lors de l'étude des crédits du ministère du Travail, au printemps 1977, où celui-ci, encore, énonçait clairement, non seulement la possibilité, mais l'intention que le gouvernement avait de procéder à une réforme complète. D'ailleurs, on pourra y revenir tantôt sur des questions spécifiques.

Le ministre du Travail actuel s'est senti obligé de donner suite à ces intentions exprimées, en demandant à M. Thibodeau, des Hautes Études Commerciales, d'analyser et de voir les possibilités qui s'offraient et la façon dont pourrait être tenue une vaste consultation avant d'en arriver à une réforme complète de nos lois ouvrières. D'ailleurs, le ministre actuel du Travail, le député d'Anjou, a eu des déclarations qui étaient parfois contradictoires sur le sujet. Je l'invite à répondre, tout au moins à nous donner un peu de lumière sur ces déclarations dans sa réplique de tout à l'heure.

Dans la Presse du 27 mai 1978, le ministre du Travail, lors de l'étude du projet de loi 45, et particulièrement dans le journal des Débats du 8 novembre 1977 nous disait que c'était oui à une commission d'enquête. "Etant donné qu'il s'agit d'un voeu" — c'est le ministre et député d'Anjou qui parle — "et qu'il y a d'ailleurs des précédents au niveau des commissions lors de cette session, je prends bonne note du voeu. Je me ferai un plaisir, dans les semaines qui viennent, de faire une déclaration substantielle sur les mécanismes, sur l'opportunité, le contenu et l'échéancier d'une étude en profondeur de l'ensemble des relations de travail au Québec".

C'est nul autre, M. le Président, que le ministre du Travail actuel qui parle, celui-ci qui nous dira un peu plus tard qu'il n'a jamais été question dans son esprit, quant à lui, d'une réforme complète des lois ouvrières. C'était clairement indiqué dans le journal des Débats du 8 novembre 1977.

Dans la Presse du 27 mai, "tandis que Johnson promet une commission d'enquête", encore là, sous la signature de M. Pierre Vennat, on rapporte la déclaration du ministre et la désigna-

tion de M. André Thibodeau des Hautes Etudes Commerciales afin de sonder les parties pour voir quelles sont les réformes législatives majeures souhaitées par celles-ci et avoir déjà reçu un rapport préliminaire de celui-ci. Le ministre a ajouté attendre le rapport final de M. Thibodeau avant de soumettre le problème à ses collègues du Conseil des ministres. Ce qui est certain, toutefois, c'est qu'il y a une commission avec mandat de réviser globalement les lois du travail au Québec. Ce ne sera pas... précisé dans le mandat, une raison pour le gouvernement de rester inactif.

M. le Président, ceci démontre, je pense, assez clairement que le gouvernement avait fait son lit. Cependant, un peu plus tard, une fois que ces déclarations ont été formulées soit par le ministre du Travail actuel, soit par le précédent ministre, soit par le premier ministre, le ministre a semblé changer son optique. Parlant non pas d'une commission d'enquête, parlant non pas d'une seconde commission Parent qui viendrait étudier toute la question, le ministre, une fois que M. Thibodeau lui aura rendu son rapport, pourra revenir sur ce rapport et nous donner des éclaircissements — c'est ce que j'espère — le ministre a semblé vouloir nous dire — il pourra infirmer ce que j'avance ou le confirmer — vous savez, M. Thibodeau a sondé le terrain, M. Thibodeau a analysé cette possibilité, il a consulté les parties et, face à une situation où il n'y avait pas un consensus, comme ministre du Travail, je pense qu'il n'est pas opportun de commander une commission d'enquête, ni une réforme globale et profonde du Code du travail, mais on va créer des petits comités d'étude.

C'est donc à dire, M. le Président, que même si un gouvernement est conscient — ça, c'est grave — d'une situation qui est telle qu'il se doit d'agir dans une approche de réforme globale, le gouvernement se refuse de le faire parce que même la question de commander l'étude ne fait pas l'affaire et ne reçoit pas un consensus général des parties en présence. Cela veut donc dire, M. le Président, qu'un gouvernement recule même avant d'avoir énoncé ce qu'il entendait faire pour procéder à sa réforme globale.

On peut présumer — et c'est une des premières questions que je me suis posées en voyant tout cela, parce que même si le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre revient souvent en disant qu'il n'y a que quelques jours que je suis au ministère du Travail, du côté de l'Opposition officielle, qu'il ne soit pas inquiet on le suit à la lettre et on fait notre boulot. Il sera à même de le voir d'ici quelques semaines ou quelques mois.

Je me suis demandé comment le gouvernement peut-il reculer sur des engagements et non seulement sur des engagements, mais sur l'obligation qu'il a, parce que l'obligation de procéder à la réforme de nos lois ouvrières est là. Cela ne va pas bien au Québec.

Le 20 octobre dernier, on vait 8031 personnes qui étaient en grève ou en lock-out au Québec. C'est du monde à la messe, sans oublier — et le 20 octobre dernier, c'était il y a une semaine — les 1000 personnes qui ont déclenché la grève à la

Donohue dans le comté de Charlevoix et qui viennent s'ajouter. C'est environ 9000 personnes, au moment où on se parle aujourd'hui, qui sont en grève au Québec et...

M. Johnson: ... 550 personnes...

M. Pagé:... 550 personnes, alors cela fait 8600 personnes qui sont en grève ou en lock-out au Québec, actuellement. C'est drôlement inquiétant. C'est non seulement un engagement que le gouvernement avait formulé, mais c'est une obligation qu'il a, comme gouvernement, de procéder à la réforme complète de ses lois ouvrières.

D'une part, on a des conflits ouvriers. D'autre part, on a la violence au Québec. De plus, même avec la loi 45, on se le rappellera, cela devait régler tous les problèmes au Québec, cela devait diminuer de façon très appréciable le nombre de conflits ouvriers. On reviendra sur l'application concrète de la loi 45 tantôt, mais quand même, de façon générale, on peut conclure — et on le constate — que cela ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, même avec la loi 45 qui a été adoptée.

On a de la violence. On a tout un autre secteur des relations de travail où là non plus cela ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, c'est particulièrement dans le secteur de lindus-trie de la construction. J'ai eu l'occasion de présenter une motion de blâme à l'Assemblée nationale et c'est vrai que cela ne va pas bien.

Je serais curieux de voir le nombre de télégrammes, de lettres ou d'appuis que le ministre a pu recevoir sur son règlement. Je serais bien heureux de constater les appuis que j'ai pu recevoir sur la position que l'Opposition officielle a défendue ici à l'Assemblée nationale.

Or, ma première question est donc la suivante, parce que mon temps fuit, évidemment: Comment le ministre peut-il nous expliquer le recul de son gouvernement sur l'engagement qu'il a pris, par lui-même, comme ministre, l'engagement qui a été pris par ses collègues du Conseil des ministres, soit le député de Saint-Henri, celui qui était ministre du Travail avant l'arrivée du député d'Anjou, par le premier ministre au sommet économique, suite aux représentations qui ont été formulées par différents groupes au Québec, dont le Conseil du patronat qui a demandé que le gouvernement se penche sur cette question, que le gouvernement en vienne à une action, en termes de consultation pour en arriver éventuellement à une réforme de nos lois ouvrières, comment le ministre peut-il expliquer, dis-je, un recul aussi évident et une démobilisation à ce chapitre? (10 h 30)

C'est ma première question.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. le député de Portneuf. M. le ministre.

Réponse du ministre

M. Johnson: C'est un vaste sujet, M. le Président. Comme le député de Portneuf a pris un peu

plus que son temps, comme nous ne sommes pas trop nombreux quand même, ce matin...

Une Voix: Cela prend deux minutes.

M. Johnson: De toute façon, on aura l'occasion d'échanger jusqu'à 12 heures, 12 h 30, je présume...

Je voudrais reprendre peut-être les longs préambules qui ont précédé la courte question de l'Opposition, en ce qui a trait aux statistiques, aux engagements du gouvernement et du parti, qui forme ce gouvernement, et finalement à certaines choses qui ont été faites au ministère. D'abord, disons, au sujet des statistiques, au départ, que c'est un instrument, c'est vrai, qui est sans doute le meilleur des instruments possibles, même s'il est imparfait, pour juger du climat des relations de travail, ou pour juger du résultat, et je suis d'accord avec le député de Portneuf, il faudrait regarder les statistiques et c'est ce qu'on va faire ensemble pendant quelques minutes.

Il y a deux choses. Il y a d'abord ce qui se passe depuis à peu près dix ou douze ans au Québec en matière de relations de travail et ce qui s'est passé spécifiquement depuis deux ans. Deuxièmement, il y a la comparaison classique qu'on établit entre le Québec et l'Ontario. Je voudrais revenir, en me servant des chiffres publiés par notre ministère, entre autres d'une étude qui remonte à il y a un an, qui colligeait les données sur les conflits de travail de 1966 à 1975, et j'y ajouterai les années 1976, 1977 et une partie de l'année 1978, évidemment, puisqu'on ne l'a pas terminée.

On remarque que, de 1966 à 1975, il y a eu au Québec 18 468 660 jours-personne perdus, et, pour l'Ontario, 24 615 000 jours-personne perdus. Et si on prend les années une après l'autre, les chiffres sont les suivants, et je les arrondis pour les fins de la lecture: 1966, 1 900 000; 1967, 1 500 000; 1968, 1 003 000; 1969, 1 200 000. De 1966 à 1968, je pense qu'on reconnaît là des chiffres qu'on va revoir tout à l'heure, qu'on va pouvoir comparer avec des chiffres actuels. C'est intéressant de remarquer, d'ailleurs, que c'est la période où le leader de l'Union Nationale était ministre du Travail. En 1970, 1 400 000; en 1971, une des meilleures années du Québec, c'est vrai, 603 000; et là on arrive, à partir de 1972, à 3 234 000; en 1973 à 1 604 000; en 1974 à 2 610 000; en 1975 à 3 254 000, et, en 1976, M. le Président, à 6 500 000. C'est impressionnant, ces trois dernières années du régime Bourassa que je cite. Qu'est-ce qu'on a vu en 1977? En 1977, 1 433 000. Qu'est-ce qu'on voit en 1978, au moment où nous nous parlons? Les statistiques qui nous amènent jusqu'au 1er octobre, c'est une compilation, évidemment, qui n'est pas terminée, on est rendu à 1 400 000 à peu près, ce qui devrait nous donner une année, à moins de cataclysme imprévisible, d'à peu près 1 700 000 au maximum, normalement? C'est quand même remarquable de comparer des chiffres comme 1 400 000 en 1977, qu'on ne peut pas présumer parfaitement, mais qui va être en deçà de deux millions pour 1978, alors que, si je regarde les trois années précédentes du régime Bourassa, on a des chiffres comme 3 200 000, 6 500 000 et 2 600 000. C'est quand même assez remarquable. Je pense, M. le Président, qu'on peut affirmer, sans problème, à l'aide des chiffres, qu'il y a eu une nette amélioration au niveau des résultats que peuvent amener certains changements dans notre société quant au climat des relations de travail.

C'est d'ailleurs ce que reconnaissait tout récemment le vice-président exécutif de la Chambre de commerce du Québec, M. Jean-Paul Létour-neau qui, lors d'un discours qu'il prononçait devant la Chambre de commerce des jeunes, disait: "Observé sous l'angle froidement statistique des jours-homme perdus à cause des conflits de travail, le climat des relations de travail au Québec s'est très considérablement amélioré depuis deux ans. En effet, d'un record déplorable de plus de 6 500 000 jours-homme perdus en 1976, nous sommes passés à près de 1 500 000 jours-homme, soit 1 433 421 en 1977 et, à la fin de septembre cette année, nous avions légèrement dépassé 1 400 000. Cependant, à moins de conflits majeurs d'ici la fin de l'année, il faudra remonter à 1971, 603 000, pour observer une année relativement aussi calme".

Premier élément. Et c'est, deuxièmement, une déclaration qui a été reprise également à peu près dans les mêmes termes par le président de la FTQ et le vice-président, secrétaire général de la FTQ, M. Daoust. Deuxièmement, les comparaisons avec l'Ontario. C'est un peu classique, on dit toujours que ça va très mal au Québec. Si on regarde un peu ces mêmes chiffres, on se rend compte que depuis 1966, au Québec, c'est le contraire de l'espèce de conviction populaire que ça allait toujours plus mal au Québec en matière de relations de travail, si on prend des constantes.

Evidemment, le taux de syndicalisation n'étant pas identique, le nombre de personnes n'étant pas identique, il faut pondérer tout ça. C'est pour ça qu'on a des calculs qui nous permettent, si on veut, de normaliser ces comparaisons. On peut dire qu'en 1966, par exemple, les chiffres étaient sensiblement équivalents entre l'Ontario et le Québec, comme c'est le cas en 1967, mais à partir de 1968, 1969 et 1970, l'Ontario avait des grèves qui étaient de l'ordre de deux à trois fois plus élevées et, dans certains cas, quatre fois plus élevées que ce qu'on retrouvait au Québec.

En 1970, et c'est assez remarquable, pour à peu près toutes les années depuis 1970 jusqu'au 15 novembre 1976, le Québec a connu des conflits en plus grand nombre qu'en Ontario. Cela également, c'est remarquable. Ce qu'on voit depuis 1976, la fin de 1976, c'est-à-dire l'année 1977 et l'année en cours, 1978, le Québec retourne à cette normalité d'avoir des conflits de travail qui sont à peu près du même ordre que ceux qu'on retrouve en Ontario, les chiffres sont là pour le démontrer.

Alors que le coefficient, pour utiliser des expressions statistiques, du pourcentage de temps-travail estimé perdu à cause des grèves ou

des lock-out en Ontario était, en 1973, de 22, il était de 30 au Québec; de 33, en 1974, en Ontario, il était de 48 au Québec; de 39 en Ontario, en 1975, de 57 au Québec. En 1976, les chiffres sont à peu près du même ordre. En 1977-1978, on renormalise avec à peu près des chiffres équivalents qui sont autour du coefficient 20, 22, 24.

C'est quand même assez remarquable, M. le Président, sur le plan statistique, qu'il y ait eu des changements aussi importants au Québec. On peut se demander pourquoi. On peut reprendre cette discussion que le premier ministre du Québec avait avec l'ancien premier ministre, M. Bourassa, lors des débats assez cassés et ce que disait alors M. René Lévesque, c'était que la première chose à amender au Québec, c'était le climat avant d'amender les lois. Je pense que le climat a été amendé depuis deux ans. Les statistiques sont là pour le démontrer.

Deuxièmement, les engagements. Le programme du Parti québécois, j'en suis. Ces engagements, nous les avons respectés, M. le Président, et je pourrais simplement reprendre brièvement ce programme qui a été présenté aux électeurs du Québec en 1976, y ajouter deux phénomènes qui ont été ajoutés, lors d'un congrès du Parti québécois, depuis que nous avons pris le pouvoir. Il y a 14 éléments, je vais seulement les énumérer rapidement.

Reconnaissance du syndicalisme comme base de relations de travail: Oui, M. le Président, quand on regarde la loi 45 avec l'accessibilité à l'accréditation. Facilitation de la syndicalisation dans ce contexte par l'accréditation multisectorielle: Non, nous n'en sommes pas encore là. L'accréditation sans vote: Oui, à 50%. L'accréditation avec vote, à 35%: Oui, dans la loi 45. La formule Rand: Oui, dans la loi 45. La syndicalisation des cadres: C'est exact, nous n'en sommes pas là. Les syndicats "contrôlés", c'est-à-dire les syndicats dominés: Oui, les amendes au Code du travail sont importantes. Les statuts du syndicat, oui, partiellement, à cause du vote secret dans le cas de l'élection d'un dirigeant et dans le cas d'une grève ou de l'approbation d'une convention collective.

Le respect de la démocratie syndicale, oui, encore une fois, avec les dispositions sur le vote secret ainsi que les dispositions obligeant le syndicat à ne pas agir de façon discriminatoire envers les salariés.

Protection de certains droits à l'accréditation, non, nous n'en sommes pas là.

Négociations sectorielles que j'ai mentionnées, non.

Collaboration et consultation, oui, M. le Président, notre participation au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, non seulement la participation de ceux qui sont prévus à la loi, mais également la participation du sous-ministre et du ministre du Travail à l'ensemble de ces réunions; le centre des données, les sommets économiques, les mini-sommets.

Démocratie industrielle, oui, M. le Président, partiellement, avec la recherche, à travers d'autres instruments que le ministère du Travail, pour favoriser des expériences un peu remarquables au niveau de la gestion, de la cogestion ou de ceux qui tentent, dans certains secteurs, d'essayer des nouvelles formes de participation des travailleurs.

Dispositions antibriseurs de grève, oui, M. le Président. Les injonctions, ça s'en vient, M. le Président. C'est en cours, c'est à l'étude. J'en ai parlé récemment.

Le vote secret, j'en ai parlé. Effectivement, c'est introduit dans la loi 45.

Donc, au niveau des engagements du programme du Parti québécois, on peut dire, si on peut quantifier de telles choses, qu'à peu près 75% des dispositions du programme de 1973 du Parti québécois sont contenues en ce moment dans nos lois, au moment où nous nous parlons, sans parler de la santé et de la sécurité, ce livre blanc qui a été déposé et qui donnera lieu bientôt à des projets de loi devant l'Assemblée nationale, un projet dont on parle dans les gouvernements du Québec, depuis dix ans, M. le Président.

Et enfin, ce gouvernement, après 18 mois de travail, a déposé un livre blanc et il sera prêt d'ici quelque temps à déposer des projets de loi en matière de santé et de sécurité des travailleurs.

D'autre part, M. le Président, nous aurons, d'ici le mois de décembre, à déposer le projet sur les conditions minimales qui était, c'est vrai, un engagement du premier ministre au sommet de La Malbaie et, d'autre part, qui a été repris dans les deux derniers discours inauguraux du Parlement. Il s'agit d'un domaine complexe où il faut essayer de concilier le fait que nous croyons qu'une des façons pour les salariés, au Québec, de prendre en main le plus possible leur vie et de contrôler le plus leur existence, c'est par la voie du syndicalisme. Cependant, ce n'est pas une excuse pour négliger ceux qui n'ont pas accès au syndicalisme ou ceux qui ne désirent pas y avoir accès, dans certains cas. Dans ce cadre, nous déposerons le projet sur les conditions minimales, M. le Président.

On nous a parlé également de cette question de la réforme en profondeur des lois du travail au Québec. Il est vrai que j'ai évoqué à plusieurs reprises, au moment de ma nomination, cette possibilité d'une commission qui verrait à regarder l'ensemble des questions qui touchent les relations de travail. C'est pour cela, effectivement, comme l'a reconnu l'Opposition libérale, que j'ai nommé le professeur André Thibodeau en lui donnant comme mission d'explorer ce que pourrait être le mandat, qui pourrait former une telle commission, quels seraient ses objets, quels seraient ses échéanciers, quel type de participation nous pourrions nous attendre de la part des instances patronales comme syndicales.

M. Thibodeau m'a remis la semaine dernière son rapport final que je me ferai un plaisir de déposer devant la Chambre la semaine prochaine. Que nous dit-il, ce rapport, en gros? Il nous dit que, d'une part, il est vrai qu'en particulier du côté des syndicats, il n'y a pas un appui spontané à cette idée, les syndicats invoquant que ce serait peut-être l'occasion de retarder certaines réformes

et de paralyser, finalement, les agissements que le gouvernement du Québec serait tenté d'avoir.

Il nous dit, le professeur Thibodeau, qui est un homme d'une vaste expérience dans le monde des relations de travail au Québec et qui, comme on le sait, est maintenant membre du conseil d'administration de l'Hydro-Québec, qu'il faut que les Québécois commencent à digérer le train législatif considérable que le Québec a mis en branle dans le secteur des relations de travail, depuis le 15 novembre 1976. C'est ce qu'il nous dit dans son rapport et je suis d'accord avec lui. Je pense que les réformes importantes que nous avons apportées, par la loi 45, aux relations de travail au Québec, ont besoin d'être partiellement digérées.

Ceci dit — et je suis d'accord également avec ce que nous dit le rapport Thibodeau que j'aurai l'occasion de déposer la semaine prochaine en Chambre — ce n'est pas une raison pour que certaines actions ne puissent pas se prendre et qu'on ne puisse pas, dans certains cas, par des formules plus légères, plus efficaces, parvenir à de la consultation dans certains secteurs, pour apporter des changements. (10 h 45)

Parmi ces exemples, je pourrais en donner qui ont déjà eu lieu, des mandats qui ont été donnés, depuis que nous sommes au gouvernement et, dans certains cas, des comités qui ont déjà fait rapport et qui ont donné lieu à des actions législatives. Je vais en énumérer quelques-uns: La commission Martin-Bouchard, par exemple, dans le domaine des relations de travail dans le secteur public et parapublic. La commission a été formée, elle a fait son rapport et le gouvernement a fait adopter deux lois par ce Parlement, les lois 55 et 59, qui visent essentiellement à établir quels seront les règles du jeu, le cadre de la négociation, les échéanciers et la participation, entre autres, de comités spéciaux en matière de services essentiels et sur le déroulement des négociations dans le secteur public et parapublic.

Voilà un exemple, M. le Président, d'un comité qui, sans être une commission royale d'enquête, avec ce que cela implique de façon générale en termes de délais, nous a permis quand même, comme gouvernement, d'agir dans ce secteur.

Deuxièmement, le comité Hébert, dans le secteur de la construction qui est un secteur d'ailleurs dont j'aimerais pouvoir parler un peu plus longuement tout à l'heure, au moment où j'aurai droit à la réplique de l'Opposition, le comité Hébert qui m'a remis son rapport dans le courant de l'été, qui avait été mandaté, en 1977, sur la Loi des relations de travail dans l'industrie de la construction. Nous avons déjà adopté certaines dispositions modifiant la Loi de l'industrie de la construction, la loi 43, sur le scrutin, etc. Certaines de ces dispositions vont, je le sais, à l'encontre des recommandations du comité Hébert. J'ai exprimé, au moment de la commission, mon désaccord avec certaines de ces propositions du comité Hébert qui, d'ailleurs, ne faisaient pas l'objet de recommandations unanimes de ce comité.

Par contre, j'ai également demandé, toujours dans le cas de la construction, à l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, l'AECQ, de faire en sorte que les six associations qui sont des associations représentatives des milieux patronaux dans le secteur de la construction, soient présentes dans les mécanismes et dans les organismes de décision de l'AECQ. En ce moment, il y a des difficultés de ce côté, l'AECQ a refusé de l'inclure dans ses statuts et nous devrons sans doute passer par voie législative, d'ici la fin du mois, pour faire en sorte que cette partie des recommandations du rapport Hébert, cette partie d'ailleurs unanime du rapport Hébert, soit mise en vigueur, si l'association décide de ne pas le faire elle-même.

Dans d'autres secteurs, M. le Président, nous avons fait évaluer toute la question des décrets, c'est-à-dire ce qu'on appelle les normes du travail dans l'organigramme du ministère. Nous avons eu l'occasion d'abolir deux décrets, d'en modifier une quantité considérable sur les 53 qui existent. Nous avons eu l'occasion de réévaluer la notion de prépondérance dans certains secteurs des décrets et les travaux se continuent dans ces secteurs, en même temps que des réformes très concrètes se font. J'ai également confié au professeur Jean Sexton, entre autres, le mandat, il y a quelques mois, de regarder toute la question des licenciements collectifs, des fermetures d'usines, etc. Son rapport sera discuté éventuellement au fur et à mesure des mois.

Il en est de même pour l'injonction que j'ai évoquée tout à l'heure.

Brièvement, M. le Président, vous me permettrez de faire un petit bilan législatif de ce que ce gouvernement a fait: La Loi évidemment modifiant le Code du travail, je parle ici de la loi 45, la Loi d'organisation des parties patronale et syndicale dans le secteur public et parapublic, la Loi modifiant le Code du travail pour ce qui a trait au secteur public et parapublic, des lois de nature plus technique, mais de lois qui étaient désuètes, qui remontaient aux années trente, dans certains cas, entre autres, sur les mécaniciens de machinerie fixe, les installations en électricité et les mécaniciens en tuyauterie, trois lois que nous avons fait adopter par le Parlement récemment. Il en est de même également, avec une loi qui a modifié...

M. Pagé: M. le Président... M. Johnson: Pardon?

M. Pagé:... est-ce que vous me permettez une petite question concernant la Loi sur les mécaniciens de machinerie fixe? A quel moment peut-on attendre les règlements?

M. Johnson: Les règlements devraient normalement...

M. Pagé: La loi a été adoptée le 17...

M. Johnson:... être faits d'ici un ou deux mois environ. Les pourparlers, en ce moment, sont en cours entre mon ministère et les principaux intéressés dans le secteur des machineries fixes, l'industrie comme les syndicats d'ailleurs, de la même façon que nous avions procédé à ce moment-là à une première consultation avant de faire les amendements à la loi.

D'autres secteurs, M. le Président. Il y a évidemment cette Loi modifiant la Loi des victimes d'amiantose et de silicose et permettant de donner une juridiction précise au Tribunal des affaires sociales ou à la Commission des affaires sociales en matière d'appel des décisions de la Commission des accidents du travail, ce qui était une chose qui aurait dû être faite bien avant. Evidemment, les modifications dans le secteur de la construction, au décret lui-même, la commission parlementaire dont on se souviendra; d'autres modifications qui ont été faites au décret par la suite; l'adoption du règlement de placement évidemment; la Loi sur les relations dans l'industrie de la construction, la loi 52 dont j'ai parlé tout à l'heure; les amendements au règlement de placement; la Loi des tutelles. Non seulement nous avons modifié la loi, mais nous avons modifié ces tutelles et je pense qu'on est à même, depuis quelques mois, de constater qu'il y a eu des changements importants dans certains syndicats qui avaient été mis sous tutelle et que l'ordre y est revenu, pour une bonne partie, dans certains secteurs, ou il est en voie de revenir dans d'autres.

Finalement, nous avons également adopté par la Commission du salaire minimum cet engagement à l'indexation ou à un rattrapage au niveau du pouvoir d'achat de ceux qui tombent sous la juridiction de la Commission du salaire minimum. Il est vrai que la dernière augmentation est une indexation de l'ordre de 6%, et non pas une indexation au niveau des prix de consommation. Nous avons été inspirés dans cette décision, où nous avons tranché carrément la poire en deux, comme l'a dit le premier ministre, entre les impératifs économiques et les conséquences possibles, mais encore difficiles à analyser, malgré les efforts du professeur Fortin, et entre les effets économiques pouvant amener, possiblement, par des transferts technologiques, du chômage; d'autre part, la nécessité pour des salariés au salaire minimun de continuer d'avoir un niveau de vie qui soit au moins à peu près identifque à celui qu'ils avaient avant une poussée inflationniste.

Nous avons également adopté la Loi sur la fête nationale, la Loi modifiant la Loi du salaire minimum, qui précède cette grande loi prochaine sur les conditions minimales, protégeant les salariés dans leurs droits, avec possibilité d'être réinstallés s'ils se plaignent du non-respect d'une ordonnance auprès de la commission.

M. le Président, nous avons également pris une série de mesures sur le plan administratif. Est-ce que j'ai encore deux minutes?

Le Président (M. Dussault): Je vais vous accorder les deux minutes en plus, comme je les avais données à M. le député de Portneuf.

M. Johnson: D'accord. J'inviterais peut-être plutôt l'Opposition, ceux qui sont intéressés, à consulter ce document que nous avons produit pour la commission, ce matin, dans lequel nous résumons une série d'éléments qui touchent, entre autres, certaines mesures administratives que nous avons prises. Je pense à la notion de dépolitisation des conflits, de la non-intervention du ministre dans les conflits de travail. Je pense que cela a produit ses effets. Je pense que l'engagement de nouveaux conciliateurs que nous sommes en train de faire, et dans certains cas, ce qui a été fait, est également un signe de la capacité de ce ministère, d'être au service des parties, et de donner des chiffres comme ceux que j'ai cités tout à l'heure, où, en fait, on a réduit le nombre de jours-personne perdus au Québec d'à peu près par trois, et dans certains cas, par deux, si on les compare aux trois années qui précèdent le régime Bourassa. Évidemment, la commission parlementaire sur la Commonwealth Plywood — celle sur le Soleil a quand même donné des résultats — a peut-être permis à l'ensemble des intéressés au Parlement, aux députés, et également au public de se rendre compte du type de situation particulière qu'on y rencontrait.

Finalement, nous avons revalorisé le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, où sont présents, comme on le sait, le Conseil du patronat, ainsi que la FTQ et la CSN qui ont des membres qui siègent, en principe, à titre personnel, et qui nous ont permis, chaque fois que nous avions un projet de loi, de les consulter, parfois rapidement, parce que les impératifs de la loi nous l'imposent, mais de façon systématique, j'en suis assuré.

M. le Président, j'aurai sûrement l'occasion, après la réplique de l'Opposition, de revenir sur certaines choses, entre autres, sur la violence dont on me parlait tout à l'heure, et sur d'autres choses qui ont trait, non seulement au bilan, mais aux perspectives que nous envisageons dans ce domaine.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. le ministre. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, mon collègue de Saint-Hyacinthe m'avait demandé la permission de parler quelques minutes. Alors, on va le laisser parler.

Le Président (M. Dussault): D'accord.

M. Pagé: Je reviendrai avec plaisir par la suite.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Saint-Hyacinthe.

Autres interventions M. Fabien Cordeau

M. Cordeau: M. le Président, ce matin, nous sommes ici pour un débat concernant le non-respect des engagements du gouvernement pé-

quiste dans le domaine des relations de travail. Au début de mes remarques, je tiens à excuser l'absence de notre leader parlementaire et porte-parole officiel de l'Union Nationale à cette commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre. Un engagement antérieur le retient actuellement à Montréal. Soyez assuré qu'il se serait fait un plaisir de participer à cette commission et d'interroger à son tour le ministre du Travail. Peut-être que le ministre du Travail regrette son absence ce matin, mais ce n'est que partie remise de la part du député de Johnson, car il m'a assuré qu'il aura des questions à poser au ministre un peu plus tard.

Cela dit, à plusieurs reprises, M. le ministre, vous avez affirmé à l'Assemblée nationale votre désir d'une refonte complète des lois électorales. Je ne veux pas, ce matin, vous lire les déclarations que vous avez faites le 23 août 1977 et, également, le 8 novembre suivant à l'appui de cette demande. Par contre, vos options ont cheminé et vous avez demandé à M. André Thibodeau de faire une étude par après, laquelle, vous nous l'avez promis, sera déposée en Chambre la semaine prochaine.

A la suite de l'étude, probablement préliminaire, que M. Thibodeau vous a remise, vous avez déclaré qu'au lieu d'une refonte complète des lois, vous procéderiez par des comités d'étude concernant différents sujets ou différents points pour l'amélioration des lois du travail. Je crois aussi que, tantôt, vous avez fait allusion à ces comités. Je voudrais vous poser quelques questions plus spécifiques.

En vue de la réalisation de vos objectifs, quels sont les comités qui ont été formés, les buts visés par chacun d'eux? Est-ce que des comités vous ont déjà fait parvenir des rapports?

Dernièrement, devant la Chambre de commerce de Montréal, vous avez déclaré que vous étiez à la recherche d'un instrument plus adéquat que l'injonction. Tantôt aussi, vous avez fait allusion à l'injonction, mais j'aimerais que, ce matin, vous nous explicitiez votre pensée concernant ce sujet bien spécifique et que vous nous fassiez part des points de vue du gouvernement.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Est-ce que le député de Portneuf me permet?

M. Pagé: Oui, pas de problème. M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Je serai très bref. Je voudrais développer ce que le ministre a donné comme bilan, ce qui m'apparaît un bilan enviable. Plusieurs ministres du Travail antérieurs auraient été heureux de se retirer après quatre, cinq ou six ans avec un bilan aussi mirobolant après à peine deux ans de pouvoir.

M. Pagé: Mirobolant!

M. Chevrette: Certainement! Cela vous fait peut-être rire, mais je connais un paquet de ministres qui sont passés...

M. Pagé: Mirobolant!

M. Chevrette: ... sous le régime Bourassa qui seraient heureux d'avoir un bilan aussi positif...

M. Pagé: 8600 jours de grève aujourd'hui.

M. Chevrette: A comparer à six millions, c'est pas mal comparable...

M. Pagé: Je parle d'une journée. On s'en reparlera tantôt.

M. Chevrette: II y a deux choses que je voudrais souligner, moi. C'est la question du programme et la question des attitudes qui ont été effleurées par le ministre, mais qui demandent peut-être un peu plus d'explications.

Le programme du parti, contrairement à plusieurs partis politiques où ce programme est conçu dans un motel l'avant-veille d'une élection, c'est un programme qui est discuté par des milliers de militants, discuté en congrès, vérifié régulièrement et appliqué déjà à 75%. Cela, c'est passablement intéressant à regarder de près, et les grandes lignes du programme sont appliquées. Il reste des points à appliquer, mais ces points-là sont déjà à l'étude, comme le disait le ministre du Travail tantôt. Mais je retiens, moi, que ce qu'il y a de plus important, ce n'est pas l'affaire d'un bonhomme qui s'en vient leurrer la population à la veille d'une campagne électorale. C'est un programme qui était connu, dont les deux principaux éléments qui ont toujours fait l'objet d'une très grande discussion, à savoir la loi anti-briseurs de grèves et la formule Rand, ont fait l'objet de discussions à chaque congrès du Parti québécois et qui, déjà, sont introduits dans la législation québécoise, donc, une cohérence complète de la part de notre gouvernement face à nos grands engagements ou aux grandes lignes de notre programme.

La deuxième chose que je voudrais souligner, c'est la question des attitudes. Trop longtemps dans le passé, et je suis bien placé pour en parler parce que j'ai vécu ça pendant 16 ou 17 ans avant d'être au Parlement, la question des attitudes a toujours été un élément déterminant dans les relations de travail.

On a malheureusement assisté, dans le passé, à une détérioration complète du climat des relations de travail, précisément à cause de l'attitude des hommes politiques qui ont toujours cherché à provoquer les leaders syndicaux, à provoquer des conflits pour, ensuite, passer pour des grands sauveurs du peuple, soit en offrant des sommes mirobolantes en-dessous de la table, comme on le dit si bien pour les fins de négociations, ou encore

en essayant de se montrer forts dans un déclin politique.

(11 heures)

C'est à cela qu'ont servi les relations de travail dans le passé et en particulier sous le régime Bourassa où on a connu une bonne douzaine de lois d'exception sans amendement concret au Code du travail et, dès les premiers balbutiements du gouvernement actuel, déjà on s'attaquait à des amendements en profondeur au Code du travail par la voie de la loi 45 et puis on a réalisé exactement les engagements qu'on avait pris là-dessus à l'intérieur du programme du parti.

Donc, personnellement, je considère que les attitudes ont joué aussi sur la diminution, si on regarde les statistiques. On n'a pas vu de ministres du gouvernement actuel s'en aller braver, par les media d'information, les leaders syndicaux, s'en aller, délibérément, s'obstiner sur la place publique.

On a respecté les structures syndicales et les structures patronales. Ce qu'on a essayé de jouer comme ministère du Travail, et le ministre l'a joué à la perfection, cela a été tout simplement un rôle de soutien et, par le fait même, on a revalorisé considérablement toute l'équipe de conciliateurs et de médiateurs du ministère, ces gens qui étaient, à toutes fins utiles, acculés à jouer un rôle purement de bonshommes qui convoquaient les parties, point final. On attendait toujours la main ultime du ministre du Traval parce qu'on avait des ministres pompiers et, aujourd'hui, ces mêmes conciliateurs qui se sentaient diminués, qui se sentaient dévalorisés réussissent à jouer un rôle concret aux tables de conciliation parce que les parties savent, dès le départ, qu'il n'est pas question que le ministre du Travail aille s'asseoir entre les deux parties et joue le rôle du conciliateur ou le rôle normalement dévolu au conciliateur et au médiateur.

Cela a revalorisé l'équipe de conciliation et de médiation et je peux vous dire une chose: les statistiques parlent par elles-mêmes là-dessus et les syndiqués et les patrons vont vous dire: C'est drôle, les conciliateurs sont meilleurs qu'avant; ils ne se posent pas la question pour savoir pourquoi ils sont meilleurs qu'avant. C'est fort simple. C'est parce qu'ils avaient pris cette fameuse habitude de dire: La conciliation n'est qu'une procédure en vue d'en arriver au droit de grève. C'était cela. Aujourd'hui, la conciliation, surtout la conciliation volontaire, contribue véritablement à diminuer la durée des conflits, à rapprocher les parties, à faire en sorte que des solutions se trouvent au niveau où elles doivent se trouver et non pas par l'imposition de la main du ministre du Travail.

Personnellement, j'espère que les attitudes vont continuer ainsi parce qu'on a une ronde de négociations importante et je prends ce qui s'est passé. On va sûrement nous ramener l'histoire de la fonction publique sur la table...

Quand le ministre Parizeau a décrit le contexte des négociations pour établir les bases d'une politique salariale, il est d'abord allé rencontrer les personnes impliquées pour leur expliquer exacte- ment dans quel cadre si situeraient les offres, ce qui ne se faisait pas avant. C'était le public en général et on passait par-dessus les structures normales de négociation.

Le ministre s'est astreint à respecter les structures syndicales et, aujourd'hui, les gens, les premiers intéressés le savent.

Deux points que je voulais souligner. Je pourrais en expliciter bien d'autres, mais le ministre a fait un bilan qui parle par lui-même.

Je vous remercie.

M. Pagé: M. le Président...

Le Président (M. Dussault): M. le député de Portneuf.

Discussion générale

M. Pagé: C'est évidemment avec beaucoup d'attention que j'ai écouté la réplique du ministre. D'une part, je constate que celui-ci est beaucoup sur la défensive ce matin. Il nous a donné un bilan. D'abord, j'ai apprécié la constatation que le ministre a faite et la confirmation qu'il fait de ce que j'ai avancé tout à l'heure, à savoir qu'environ seulement 50% des engagements pris par le Parti québécois dans son programme ont été respectés.

M. Johnson: Non, 75%. A peu près, si on peut le...

M. Pagé: Prenez le journal des Débats cet après-midi. La transcription va sortir. Prenez les oui et les non face aux engagements spécifiques que vous aviez pris dans votre programme et vous regarderez cela.

M. Johnson: Bien, voyons donc!

M. Cordeau: On demande un conciliateur!

M. Pagé: II y a un autre aspect aussi. Le ministre s'est senti obligé, ce matin, de nous donner un bilan dans lequel il a introduit des éléments aussi incertains à ce moment-ci que la législation qui résultera de la consultation qui est tenue présentement à la suite du dépôt du livre blanc sur la santé et la sécurité.

Le ministre nous a parlé de la loi sur les conditions minimales de travail en alléguant que, entre autres pour le livre blanc et la loi sur la santé et la sécurité des travailleurs au Québec, cela faisait dix ans qu'on étudiait tout cela. Je tiens quand même à dire au ministre, M. le Président, que s'il n'y avait pas eu des études et particulièrement, dans les cinq dernières années, des études approfondies de toute cette question de la santé et de la sécurité, si on n'avait pas eu ce délai qui était nécessaire à la confection ou à une prise de position du gouvernement, le même gouvernement n'aurait pas pu déposer le livre blanc cette semaine comme il l'a fait.

M. le Président, je ne reprendrai pas, évidemment, les commentaires du député de Joliette-

Montcalm, parce qu'ils vont dans le même sens que ceux du ministre.

L'attitude du ministre est curieuse. Je la trouve non seulement curieuse, mais je la trouve simpliste, tout à fait simpliste, de la part d'un ministre du Travail, de la part d'un membre du gouvernement du Parti québécois qui voulait tout réformer et qui voulait tout régler au Québec. Je m'explique, M. le Président. Je trouve cela aberrant qu'en réponse à une critique justifiée que je pose ce matin, le ministre me réponde en me disant: M. Pagé, ce n'est pas grave. Il n'y a pas de problème au Québec. Vous savez, il y a seulement 1 300 000 jours-homme perdus actuellement comparativement...

M. Johnson: Cinq fois moins, trois fois moins, deux fois moins.

M. Pagé: C'est cela l'attitude qui n'est pas bonne, M. le Président. Si vous voulez demander au ministre d'écouter, c'est fausser le débat au départ. Ce n'est pas l'attitude qu'on est en droit d'attendre d'un ministre du Travail qui est responsable. On aura environ 1400 000 ou 1500 000 jours-homme perdus au Québec en 1978. Ce n'est pas grave parce qu'en Ontario on en a un peu plus et parce qu'avant 1976 il y en avait plus, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il y a seulement 1 500 000 jours-homme qui vont se perdre. Avec tout ce qu'on peut dégager de l'impact de ces jours perdus sur l'économie du Québec, sur le climat social dans la satisfaction que le travailleur a de travailler et de produire et d'avoir un revenu, 1 500 000 jours-homme, ce n'est pas grave, ce n'est pas important parce qu'en Ontario on en a plus que nous et parce qu'entre 1970 et 1976, il y a eu des années où c'était plus élevé que ce qu'on connaît actuellement.

M. le Président, je conviens que le ministre adopte un jugement qui est peut-être un peu trop sévère à l'égard de l'ancienne administration. Je conviens que l'ancienne administration, il est possible, je conviens, dis-je, que cette administration...

M. Chevrette: Vous étiez bien parti.

M. Pagé: Laissez-moi aller, je vous en prie.

M. Chevrette: Vous convenez que cela n'a pas été fort. Vous avez bien raison.

M. Pagé: Je conviens que le gouvernement précédent a peut-être manqué à l'obligation qu'il avait de procéder à une réforme complète des lois ouvrières et les chiffres sont là pour en parler et, de toute façon, le précédent gouvernement a été jugé, peut-être un peu trop sévèrement, selon moi, mais il a été jugé. M. le Président, l'erreur dans laquelle le précédent gouvernement et le piège dans lequel il est tombé, le gouvernement du Parti québécois est en train d'y tomber de la même façon en traitant la question des conflits ouvriers au Québec en se référant strictement à des comparaisons sur ce qui se passe à l'extérieur, sur ce qui s'est passé dans d'autres années et sur ce qui se passe en Ontario.

M. le Président, on a un problème au Québec, il ne faut pas s'en cacher. Si le ministre du Travail et le Parti québécois sont satisfaits de vivre avec des conflits ouvriers qui impliquent, comme je l'ai cité tantôt, aujourd'hui il y a environ 8 600 personnes qui vont perdre leur journée au Québec en raison d'une grève ou d'un lock-out, il y aura, à la fin de l'année, environ 1 500 000 ou 1 600 000 personnes et cela, sans inclure les conflits possibles dans les secteurs public et parapublic. Si le gouvernement du Parti québécois se satisfait de ces données, si le ministre du Travail et député d'Anjou se satisfait de ces données et si cela peut constituer pour lui une argumentation suffisante pour dire: Ecoutez, cela ne va pas si mal, c'est pire dans d'autres provinces, c'est pire dans d'autres pays, somme toute, si le gouvernement se satisfait de cela, tant pis pour lui, mais le gouvernement ne remplit pas la responsabilité qu'il a, parce que quand, tantôt, M. le Président, je parlais d'une réforme globale du Code du travail, c'est que cela s'impose.

On a un Code du travail qui est désuet, même si des modifications substantielles ont été apportées dans le projet de loi 45. On a un Code du travail qui, de par sa rédaction, incite les parties à un affrontement continuel. On a vu ce qui en est dans le cas de la Commonwealth Plywood et on pourra traiter tantôt, parce que j'ai bien l'intention de traiter de certains conflits en particulier. Le Code du travail tel qu'il est édicté, tel qu'il est rédigé, privilégie des situations d'affrontement entre les parties, privilégie des situations aussi malheureuses que celles qu'on connaît dans le cas de la Commonwealth Plywood.

C'est probablement dans cet esprit, M. le Président, que le Parti québécois s'est engagé, avait songé à la possibilité d'une table rase et d'une réforme complète. On y aurait souscrit et on y aurait participé. C'est d'ailleurs dans cet esprit que des représentants des milieux patronaux et ouvriers ont appuyé le gouvernement dans cette volonté de procéder à une réforme complète. La solution au problème des relations de travail et des grèves, c'est une réforme complète à notre Code du travail. C'est purement et simplement l'élément qui nous permettra de dégager des modifications à nos textes de loi, qui permettront éventuellement d'en arriver à une diminution plus que sensible des jours-homme perdus au Québec.

Parce que si le ministre ne se casse pas la tête avec 1 400 000 ou 1 500 000 jours-homme perdus, c'est tant pis pour lui. C'est vous qui aurez à vous défendre face à l'électorat à la prochaine élection. De la façon dont le gouvernement agit, M. le Président, je tiens à lui dire, entre parenthèses, que si vous continuez à vous retrancher derrière une non-intervention de réforme complète du Code du travail, vous allez vous faire doubler par le Parti libéral du Québec. On est conscient — c'est parce qu'on a été jugé le 15 novembre et on l'a été sévèrement — des erreurs

que le gouvernement a faites; quant à moi, je suis conscient des erreurs que mon gouvernement a faites.

M. le Président, quand on a eu à subir une douche froide, vous n'avez pas encore eu à subir des douches froides, vous autres. Au référendum et à l'élection, vous allez en avoir une bonne, ne soyez pas inquiet. Vous allez voir, par la suite, à constater plus facilement vos erreurs. Vous allez voir, par la suite, à dégager davantage et plus facilement des éléements de solution. La solution, actuellement, avec 8500 personnes qui perdent leur journée de travail en raison d'une grève ou d'un lock-out, c'est une réforme complète de ces lois ouvrières. Notre parti est à élaborer des éléments bien précis et bien définis du programme d'action qu'on présentera à la population.

Ce programme d'action, spécifiquement au chapitre des relations de travail, au chapitre des législations ouvrières, devrait être rendu public dès le printemps prochain. Le ministre du Travail pourra y puiser des éléments certainement très intéressants de solution aux problèmes qu'on connaît actuellement et, si le gouvernement doit s'avouer vaincu, incapable de procéder à une réforme complète, on se chargera de vous fournir des éléments de solution, M. le ministre, fort conscient des erreurs qu'on a commises dans le passé.

M. le Président, je trouve tout à fait inacceptable l'attitude du gouvernement, ce matin, de dire: Cela va bien au Québec, seulement 1 400 000 jours-homme perdus et il y en a plus de perdus en Ontario.

M. le Président, j'en viendrai à des questions spécifiques sur certains conflits ouvriers, sur l'application de la loi 45, parce que le ministre du Travail s'est retranché derrière la loi 45, cela a été le premier élément de son bilan. On se rappellera, quand le gouvernement a présenté la loi 45, que ça devait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, partout, tout le temps, avec les amendements présentés dans ce projet de loi.

Première question, M. le Président, j'ai l'intention d'aborder le problème de cinq ou six conflits spécifiquement. On prend le cas... oui?

M. Johnson: M. le Président, est-ce que je pourrais peut-être répliquer au...

M. Pagé: Vous voulez savoir le contenu de notre programme politique? Vous allez le savoir au printemps et vous allez y puiser des éléments importants de solution, ne soyez pas inquiet.

M. Johnson: Est-ce que vous allez faire comme votre réforme constitutionnelle? Vous allez remettre ça de deux ans?

M. Pagé: Ne soyez pas inquiet, la réforme constitutionnelle... là-dessus...

M. Johnson: C'est parce que vous avez déjà promis un programme sur la réforme constitutionnelle qui devait sortir cet automne, il a été remis apparemment.

M. Pagé: M. le Président, sur la réforme constitutionnelle, nos couleurs sont connues. On est fédéralistes et on pourrait avoir un débat assez intéressant là-dessus. J'aurais seulement cinq questions à vous poser. Qu'est-ce que vous allez faire avec les barrières tarifaires? L'impact de votre association sur les pâtes et papiers?

M. Johnson: M. le Président...

Le Président (M. Dussault): A l'ordre, messieurs...

M. Pagé: Si vous voulez embarquer là-dessus, je suis prêt ce matin, pas de problème. M. le Président, donnez-nous une demi-heure sur la question constitutionnelle...

Le Président (M. Dussault): A l'ordre!

M. Pagé: ... vous allez voir rougir, dans le vrai sens du terme, le député d'Anjou ce matin.

Le Président (M. Dussault): Ce n'est pas la question ce matin, vous le savez bien, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Si vous êtes intéressé, vendredi prochain, je suis prêt. Un débat Johnson-Pagé sur la réforme constitutionnelle, la souveraineté-association et le fédéralisme renouvelé. N'importe quand.

M. Chevrette: ... que le ministre vous accorde autant d'importance que vous en méritez.

M. Pagé: On conviendra, par la suite, du moment.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Portneuf, est-ce que vous permettez à M. le ministre de répliquer sur les derniers propos, avant que vous entrepreniez d'autres questions?

M. Pagé: Oui, je le lui permets.

Le Président (M. Dussault): M. le ministre.

M. Johnson: M. le Président, je voudrais commencer brièvement en disant que j'ai ici une coupure de presse au sujet de la motion sur le placement, en date du 13 octobre dernier: FTQ-Construction dénonce l'Opposition libérale de favoriser un retour au vieux système de placement de patroneux qui prévalait, avant l'adoption, en 1977, du nouveau règlement sur la question parrainée par le ministre du Travail, Pierre-Marc Johnson. Je suis sûr évidemment que c'est dans un vaste consensus avec nos centrales syndicales que le Parti libéral va gouverner et va s'inspirer de certains de nos syndicalistes dans son nouveau programme. (11 h 15)

M. le Président, quand on a parlé des chiffres tout à l'heure, je pense que l'Opposition libérale peut toujours nous dire qu'elle reconnaît ses

erreurs, elle devrait peut-être plutôt reconnaître son échec profond, entre autres dans les trois dernières années de pouvoir du régime Bourassa.

On nous dit: Cela prend une réforme globale du Code du travail. Tout d'abord, il n'y a rien de plus facile que de rêver en couleur dans le domaine des relations de travail. Il ne faut pas oublier qu'on vit dans une société libre. Je reviendrai là-dessus un peu, tout à l'heure.

Mais je pense que les chiffres parlent par eux-mêmes. Ils démontrent une amélioration objective, quantifiable, statistique. Je pense qu'on n'a pas le droit d'ignorer cela. Que cela me satisfasse ou non, évidemment, cela ne satisfait pas celui qui vous parle. Cela ne me satisfait pas de savoir qu'il y a 8000 travailleurs aujourd'hui qui sont en grève ou en lock-out au Québec. Mais cependant, je pourrais vous citer des dizaines de journées où il y en avait 20 000 et 40 000, sous le régime précédent, qui étaient en qrève tous les jours. Je me dis qu'il y a quand même objectivement une certaine amélioration. Les chiffres sont là pour en parler.

On nous parle d'amender profondément le Code du travail. En quatre ans, pas un seul amendement au Code du travail, de la part du gouvernement libéral, dans les cinq dernières années du régime Bourassa. C'est quand même significatif, M. le Président.

On nous parle de nos engagements. Oui, nous avons réalisé la plus grosse partie de nos engagements électoraux, au sens du programme du Parti québécois. Qu'on me dise que c'est 50%, 75%, en prenant tel point qui se réfère à tel paragraphe. Cela ne se quantifie pas comme des personnes perdues, un programme de parti politique. Mais, d'une façon générale, si on prend l'ensemble des grands secteurs qui sont couverts, oui, nous avons modifié les lois du travail dans ce sens-là, à 75%, si on peut évaluer cela, si on prend les grands sujets qui sont inclus.

Santé et sécurité. Nous avons pris un engagement, nous l'avons commis jusqu'à maintenant. C'est vrai que cette loi ne sera pas facile. Ce ne sera pas simple. Mais, au moins, on n'a pas fait comme le précédent gouvernement, pendant six ans, en placoter et ne rien faire.

M. Pagé: Sans notre étude, vous n'auriez pas pu le déposer, votre livre blanc, et vous le savez à part cela.

M. Johnson: On nous parle d'engagements. Allez-vous respecter votre engagement face à la création d'une commission? Rapidement, je vais dire une chose. Je ne me suis jamais engagé à la création d'une commission. J'ai bien dit que lorsque j'avais confié à M. André Thibodeau un mandat, une partie de son mandat était l'opportunité de la création d'une telle commission. Et la conclusion de M. Thibodeau, et ma conclusion, après un an et demi au ministère, c'est qu'effectivement cette opportunité m'apparaît discutable et il y a moyen de procéder autrement pour parvenir à des résultats analogues.

Évidemment, si le Parti libéral veut mettre en dessous du tapis les réformes en matière de travail, il n'y a qu'une bonne façon, c'est de ne parler qu'en termes généraux, d'une réforme globale, sans la faire.

M. le Président, je me souviens que les libéraux ont déjà pris des engagements solennels en 1971, 1972, 1973 au sujet du zonage agricole. Ce gouvernement en a pris un, c'est en voie de réalisation. Vous aurez à le constater avant la fin du mois de décembre.

M. Pagé: Vous regarderez les problèmes que vous avez, regardez les problèmes que vous avez dans votre Conseil des ministres, là-dessus. Voyons donc!

Le Président (M. Dussault): A l'ordre, s'il vous plaît, messieurs!

M. Pagé: Voyons donc, c'est de la foutaise, M. le Président, on sait que la bisbille est prise dans le Conseil de ministres.

Le Président (M. Dussault): A l'ordre, s'il vous plaît, M. le député de Portneuf!

M. Pagé: Ne venez pas plaider sur le zonage agricole, cela fait deux ans que vous vous bataillez, voyons donc!

M. Johnson: M. le Président.

Le Président (M. Dussault): M. le ministre.

M. Chevrette: Au moins, ils ont des idées dans le parti.

M. Johnson: Je comprends, M. le Président, que le Parti libéral, que les "rouges" voient rouge. Mais je pense qu'on aurait droit à pouvoir discuter de cela un peu plus tranquillement.

M. Pagé: Oui, sereinement.

M. Johnson: M. le Président, on nous a parlé de violence. Oui, c'est vrai.

M. Pagé: A la Commonwealth Plywood, il n'y en a pas eu. Et Steinberg.

M. Johnson: Oui, c'est vrai. Il y a eu deux ou trois conflits où il y a eu de la violence récemment. C'est peut-être le fait de leur dimension exceptionnelle qui les a rendus si visibles. De 1970 à 1976, M. le Président, il y a eu les cols bleus de la ville de Laval, Iron Ore, une grève sauvage, une grève où il y a eu une violence incroyable, des blessés, des gens hospitalisés, des gens emprisonnés. Pourtant, j'ai vu à Iron Ore récemment une grève, c'est vrai, qui a duré deux mois et demi, parce que des hommes ont décidé librement, dans un pays libre, en vertu de nos lois, à 85%, au vote secret, de faire une grève. C'est un rapport de force économique entre un groupe puissant, qui est l'Iran Ore, et un autre groupe puissant de travailleurs sur le plan syndical, qui s'appellent les métallos. Nos lois sont là pour respecter cela. On peut déplorer

le fait que cela a des impacts économiques, mais nos lois sont là et on ne vit pas dans un pays totalitaire. Je n'accepterai pas, moi, ici ou ailleurs, qu'une législation du travail se fasse par diktats d'un gouvernement. La législation du travail doit tenir compte de la liberté des partis et le gouvernement est là, d'abord pour soutenir les partis et, deuxièment, pour baliser l'exercice de cette liberté, mais non pas y mettre fin, M. le Président.

Je pourrais aussi parler de Seven Up en 1971. On a vu cela à Seven Up. Hupp Canada, on s'en souvient, le front commun dans le secteur public. On se souviendra de la grève de l'Hydro-Québec avec ses effets, en 1972-1973, pendant l'hiver; les pompiers de Montréal avec le week-end rouge, en 1972-1973; Firestone, à Joliette; Gypsum, en 1974; les cols bleus de la ville de Montréal. On s'en souviendra, on a appelé cela la semaine des rats, tellement il y avait de rats qui se promenaient dans les rues à cause des problèmes au niveau des ordures et des égouts. En 1974-1975, il y a un conflit qui s'est appelé United Aircraft aussi. En 1975, il y a eu la grève dans les hôpitaux et cette grève de la CTCUM. C'est vrai, il y en a eu une sous notre gouvernement, en 1977. C'était une grève qui, premièrement, était légale, deuxièmement, a duré quinze jours, troisièmement, a donné lieu à quelques événements de vandalisme pour lesquels il y a eu des poursuites, mais pas de violence systématique, comme lors de la grève de 1975. Elle s'est réglée en moins de deux semaines. C'était une grève légale. La grève de 1975, c'était sept semaines, une grève illégale qui fut réglée dans le bureau du premier ministre Bourassa et dans un contexte de violence dont on va se souvenir. Dans le secteur de l'éducation, en 1976, on se souviendra des difficultés qu'il y a eu.

M. le Président, je pense qu'il y a eu une amélioration du climat social. Je pense qu'au niveau de la violence, il faut bien comprendre qu'on vit dans une société qui l'est. Qu'on regarde ce que fait une panne d'électricité dans une ville comme New York et ce à quoi cela donne lieu. Qu'on se souvienne que le 1er mai, "fête des travailleurs", cela ne nous vient pas des pays marxistes-léninistes, cela nous vient de ce qui s'est passé à Haymarket il y a à peu près soixante ans, dans la ville de Chicago, alors qu'il y a eu un affrontement entre les policiers et des travailleurs syndiqués. Il faut se souvenir qu'on vit sur un continent où la violence est une chose presque courante. Elle est déplorable. Quel est notre taux d'homicides? Est-ce que, parce qu'il y a un "hold-up ", on va s'en prendre au gouvernement? On vit dans une société qui est violente et qui est difficile. Il faut donc voir comment on peut améliorer les causes de la violence, spécifiquement dans le secteur des relations de travail. Je pense que la loi 45 — je pourrai revenir sur les questions précises de l'Opposition là-dessus tout à l'heure — a, entre autres, permis de diminuer certaines occasions de violence. Laissez-moi en citer deux seulement: d'abord, l'utilisation des briseurs de grèves; même si la loi ne va pas dans le sens de la fermeture totale d'une usine, dans le cadre d'une grève légale, mais qu'elle va dans le sens de la non-embauche de gens de l'extérieur et de la non-utilisation des gens qui sont en grève ou des gens qui font partie de l'unité, cette loi a quand même permis la diminution des occasions de violence. Deuxièmement, l'arbitrage des premières conventions collectives — je pourrai en parler avec quelques chiffres tout à l'heure — a permis, entre autres, de régler, par anticipation ou de régler par arbitrage ou par la menace d'un arbitrage qui pesait sur la tête des parties, les conflits de reconnaissance syndicale. On sait que les conflits de reconnaissance syndicale sont en général les plus longs, les plus coûteux et les plus violents.

M. le Président, il y a eu une amélioration considérable dans ce domaine. On vit, c'est vrai, dans une société où la violence est presque chose commune et courante. Je ne me satisfais pas de la violence, mais il faut essayer de s'attaquer partiellement aux causes de la violence en étant conscients des limites qu'une société a si elle ne veut pas tomber dans une société totalitaire ou si elle ne veut pas tomber dans des espèces de rêveries faciles à faire en couleur dans le domaine des relations du travail. Nous nous sommes attaqués à certaines des causes de cette violence. Nous allons nous attaquer à d'autres causes de la violence, quand nous allons essayer d'aborder la question des injonctions. Je reviendrai à la question du député de Saint-Hyacinthe tout à l'heure.

Nous avons quand même, dans ce cadre de la violence, affirmé le principe très clairement de la non-tractation en matière d'actes criminels dans le cadre des relations du travail et cela a donné des résultats. Il n'y a plus de conciliateurs du ministère du Travail qui s'impliquent dans des protocoles de retour au travail qui impliquent la tractation sur les actes criminels. Qu'est-ce que cela a donné comme effets? Cela a donné, d'une part, que l'Etat n'est pas présent à de telles tractations et, deuxièmement, que les parties elles-mêmes, de moins en moins, se permettent de telles choses. C'est exceptionnel les cas où cela se reproduit depuis un an et demi.

Je pense finalement qu'il est important qu'on se rende compte qu'à partir du moment où il y a des règles du jeu dans une société, à partir du moment où on accepte que le droit de grève et le droit de lock-out, c'est une affaire fondamentale dans le droit du travail nord-américain, il faut agir sur d'autres choses que le droit de grève ou le droit de lock-out. On a essayé cela, en Australie ou en Nouvelle-Zélande, je ne me souviens plus, dans le secteur public et parapublic, en abolissant le droit de grève. Qu'est-ce que cela a donné? Cela a donné des grèves illégales pendant dix ans. Est-ce que la société était plus avancée? Il faut que les lois non seulement traduisent une orientation ou une philosophie en matière de relations de travail, mais il faut également qu'elles traduisent un minimum de consensus réalisable entre les personnes qui sont impliquées par ces lois du travail dans la société. C'est cela que nous tentons de faire et c'est pour cela que nous procédons de façon systématique à des consultations, même si on n'en est pas encore à l'ère de la concertation parfaite dans ce domaine.

Nous aurons à légiférer, nous aurons à entreprendre des actions précises dans d'autres lois du travail, à partir du printemps prochain. Il y aura, évidemment, d'ici Noël, deux lois que j'aurai l'occasion de déposer, dont l'une qui touche la Commission des accidents de travail, pour améliorer le système, le rendre plus juste, plus efficace dans le cadre, entre autres, de la santé-sécurité, et une autre qui touchera également la Régie des entreprises de construction, et une troisième, évidemment, sur les conditions minimales que je déposerai. Au printemps, on aura l'occasion de discuter de choses, par exemple, comme l'injonction. Je ne dis pas que ce sera un projet de loi au printemps, mais je dis que nous aurons l'occasion de revenir dans un débat important dans notre société sur cette question de l'injonction et des mécanismes adéquats pour remplacer un système qui, actuellement, n'a pu démontrer qu'il était efficace dans le domaine des relations de travail.

Je pense qu'il faut prendre cela avec l'acceptation des contraintes qui sont imposées à la société elle-même dans le domaine des relations de travail. Je ne me satisfait pas qu'il y ait un million et demi de travailleurs qui, dans l'année, auront été en grève ou en lock-out, mais je considère que c'est mieux que six millions, que c'est mieux que trois millions, que c'est mieux que deux millions neuf cent mille, comme les trois années qui ont précédé le gouvernement actuel. Je pense que c'est un signe qu'il y a une amélioration dans notre société et qu'on doit continuer d'agir, non seulement au niveau des lois, mais également au niveau des attitudes dans cette société. On doit, de plus en plus, convaincre les gens, et on doit de plus en plus leur permettre de prendre conscience des effets souvent désastreux des grèves qui sont trop longues et qui affectent des secteurs qui, économiquement, mettent en péril des régions. Mais on ne doit pas remettre en cause ce droit fondamental dans notre société de la liberté d'association et de la liberté pour des hommes et des femmes de choisir démocratiquement qu'ils feront grève ou qu'ils exerceront ce moyen de pression qu'ils ont contre des employeurs, de la même façon que les employeurs ne se voient pas interdire de fermer leur usine dans le contexte des relations de travail par le mécanisme du lock-out.

Je pense qu'il faut que l'avenir s'inspire du respect des salariés, et également d'une consultation et, peut-être, souhaitons-le, au Québec, d'une concertation de l'ensemble des éléments qui sont impliqués dans les relations de travail. C'est ce sur quoi nous travaillons, comme gouvernement.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, le ministre a abordé — évidemment, il s'est senti dans l'obligation de reprendre les thèmes qu'il avait dégagés par son intervention en introduction — le décret de l'industrie de la construction en soutenant que, parce que la Fédération des travailleurs du Québec, par la voix de ses représentants, non pas après une consultation à la base, s'était montrée en désaccord avec la position adoptée par l'Opposition officielle à l'Assemblée nationale sur le décret. Le ministre a semblé remettre en cause les appuis que nous recevions quand nous avons demandé à l'Assemblée nationale de blâmer le gouvernement sur ce règlement dans le placement...

M. le Président, je me demande ce sur quoi le ministre du Travail peut s'appuyer dans sa démarche demandant au gouvernement d'adopter ce règlement et de ne pas le modifier après les problèmes qu'on connaît avec ce règlement depuis le 1er juillet dernier, quand, par surcroît, le Parti québécois de certaines régions du Québec m'appuie, aussi curieux que cela puisse paraître. Vous savez que, récemment, le Parti québécois du Bas-Saint-Laurent appuyait le député de Portneuf dans sa démarche. C'est assez curieux, vous savez. Je n'ai pas l'habitude d'être appuyé par les péquistes, et Dieu m'en garde! Dans l'Echo du Saint-Laurent du 4 octobre dernier, le Parti québécois régional demande au ministre du Travail de modifier les règlements sur la construction. Je ne reprendrai évidemment pas tout l'article, mais "le Conseil régional du Parti québécois de l'Est du Québec a résolu de demander au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, M. Pierre-Marc Johnson, d'apporter des modifications au règlement sur le placement dans l'industrie de la construction. Cependant, le Parti québécois de la région juge ce règlement discriminatoire pour les travailleurs de l'Est du Québec." Je pourrais continuer.

Quand j'ai demandé à l'Assemblée nationale de blâmer le gouvernement, c'était bien fondé, je crois. Cela n'a évidemment pas été reçu, malheureusement, par l'Assemblée. Je ne m'attendais pas que l'Assemblée aille blâmer le gouvernement, mais je m'attendais tout au moins que le ministre du Travail allait s'en référer à ce débat où de nombreux exemples ont été démontrés, ont été évoqués, exemples qui indiquaient clairement jusqu'où plusieurs travailleurs perdaient le libre accès au travail et le ministre du Travail vient de nous livrer un de ses sermons habituels en nous parlant de la liberté du travailleur. (11 h 30)

Vous savez, le ministre du Travail ne fera pas de leçon de liberté, surtout pas aux gens du Parti libéral du Québec, lui qui est membre d'un parti qui intervient à gauche et à droite, qui est un parti qui... Le Parti québécois, le gouvernement actuel, ce n'est pas mentir que de dire que c'est un gouvernement interventionniste et que c'est un gouvernement qui se sent obligé d'intervenir non seulement par mesures législatives, mais surtout par mesures réglementaires dans la vie des citoyens de tous les jours. On n'a qu'à regarder ce qui s'est passé avec la loi 101, avec différentes pièces législatives qui ont été déposées ici à l'Assemblée nationale et adoptées depuis le 15 novembre 1976. Le règlement sur le placement est encore une mesure réglementaire d'intervention dans la vie des citoyens. La loi sur le zonage,

qu'évoquait le ministre, c'est la même chose où, encore une fois, le gouvernement viendra intervenir. C'est d'ailleurs ce qui explique la bisbille qui est prise au Conseil des ministres au sujet de la loi sur le zonage.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Portneuf...

M. Pagé: M. le Président, je reviens à la question de la liberté.

Le Président (M. Dussault): ... s'il vous plaît!

M. Pagé: M. le Président, je suis convaincu que vous avez étudié, vous avez écouté avec beaucoup d'attention le congrès d'orientation du Parti libéral du Québec. Entre autres, il y avait beaucoup de militants libéraux, bien déterminés, qui venaient de votre comté. Je suis persuadé que vous l'avez étudié. On y a clairement indiqué que le Parti libéral du Québec, c'était le parti des libertés et je n'accepterai pas, ce matin, des leçons de morale du député d'Anjou au chapitre...

M. Johnson: Un petit commercial.

M. Pagé: ... de la liberté pour le travailleur de choisir la grève et la liberté pour l'employeur de choisir le lock-out dans nos mécanismes prévus au Code du travail actuellement.

M. le Président, une chose est certaine, c'est qu'avec le règlement de placement dans l'industrie de la construction, la liberté pour une personne qualifiée, suivant les normes du ministère du Travail est limitée dans son accès au marché du travail par le règlement de placement dans l'industrie de la construction et c'est tellement évident, M. le Président, que même le Parti québécois du Bas-Saint-Laurent m'appuie dans ma démarche.

J'aimerais bien, M. le Président, que le ministre...

M. Johnson: Réponde.

M. Pagé: ... m'indique sa position là-dessus. Je conviens qu'il se satisfait de l'opinion probablement...

M. Johnson: M. le Président...

M. Pagé: ... donnée au téléphone ou autrement par une personne, un dirigeant de la FTQ, mais j'aimerais bien voir jusqu'où le ministre considère que ce règlement colle aux besoins, à la réalité et aux aspirations des travailleurs du Québec et particulièrement ceux du Parti québécois. M. le Président, c'est votre parti. Je me rappelle, M. le Président, moi... quand je vous disais tantôt qu'à la prochaine élection, vous allez être sanctionnés, on peut présumer, d'ores et déjà, que vous allez prendre la même porte qu'on a prise en 1976...

M. Johnson: Cela va beaucoup mieux!

M. Pagé: Oui, mais vous allez prendre la porte, à la prochaine élection. Moi, je suis convaincu, de la façon dont vous travaillez...

M. Johnson: M. le Président, est-ce qu'on pourrait revenir sur le sujet?

M. Pagé: Quand, M. le Président, un ministre se permet de mettre de côté...

M. Johnson: M. le Président, question de règlement!

M. Pagé: ... les opinions de ses propres partisans...

M. Johnson: Question de règlement, M. le Président.

M. Pagé: Répondez-moi à ça, ce que le PQ...

Le Président (M. Dussault): A l'ordre, M. le député de Portneuf!

M. Pagé: ... de la région du Bas-Saint-Laurent m'appuie.

M. Johnson: M. le Président, une question de règlement.

Le Président (M. Dussault): Oui, M. le ministre, question de règlement.

M. Johnson: Bon! Brièvement, M. le Président, je pense que vous allez reconnaître avec moi que le député de Portneuf sort un peu du sujet, d'autant plus que je pense...

M. Pagé: Le sujet mène là.

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, j'aimerais que vous rappeliez à l'ordre le député de Portneuf, car, à mon avis, le salon rouge, à l'occasion d'une question avec débat, ne devrait pas devenir le lieu de délire et de "wishful thinking".

M. Pagé: M. le Président...

Le Président (M. Dussault): M. le député de Portneuf, ce que je voudrais vous demander, c'est de vous en tenir à la question que vous avez invoquée vous-même, le non-respect des engagements du gouvernement péquiste — je le lis au feuilleton — dans le domaine des relations de travail.

M. Pagé: D'accord. Je suis convaincu, M. le Président, que vous avez suivi nos débats et que vous constatez qu'on est en plein coeur du débat.

M. le Président, le ministre tantôt nous a dit qu'il n'intervenait pas, lui, dans les conflits. Vous savez que ce qui se dégage de la position adoptée par le nouveau ministre du Travail, c'était tout simplement une politique de non-intervention.

J'aurais tout simplement une petite question à poser au ministre avant qu'on aborde les conflits et j'espère qu'on aura le temps de les aborder.

Comment se fait-il, M. le Président, que le ministre du Travail qui, lui, ne s'implique dans aucun conflit, c'est lui personnellement qui, par communiqué, annonce le règlement des conflits? Comment expliquez-vous ça, si ce n'est pas strictement une mesure politique...

M. Johnson: Oui...

M. Pagé: ... si ce n'est pas strictement une mesure de vouloir se donner le crédit...

M. Johnson: Bon! M. le Président...

M. Pagé: ... du règlement de certains conflits?

M. Johnson: ... c'est le ministère du Travail qui annonce...

M. Pagé: ... l'attaché de presse du ministre?

M. Johnson: Effectivement, par la compilation statistique, de la même façon que c'est le cabinet qui répond aux journalistes qui ont des questions sur les conflits. De la même façon, nous, nous jugeons qu'il est normal que les Québécois considèrent et puissent, comprendre que s'il y a règlement où 7000, 8000 travailleurs sont impliqués, cela peut peut-être avoir une signification dans leur vie ou dans leur région.

M. Pagé: Alors, on dégaine la plume pour annoncer la fin d'un conflit. On ne dégaine pas la plume pour annoncer le début d'un conflit.

M. Johnson: Sûrement, nous n'avons pas à annoncer un conflit...

M. Pagé: Le début d'un conflit...

M. Jonhson: D'ailleurs, le député de Portneuf, comme tous les membres de l'Opposition, reçoit la liste tous les jours...

M. Pagé: Pourquoi, à ce moment... Ce que vous ne saisissez pas, ce sur quoi vous ne voulez pas vour embarquer, c'est le fait que c'est le ministère du Travail qui annonce les conflits et c'est le cabinet du ministre du Travail qui annonce les règlements. Pourquoi cela, si vous n'intervenez pas?

M. Johnson: Parce qu'au niveau des réponses et des explications... qu'il y a à donner sur chacun des conflits, dans les cas où il y a conflit...

M. Pagé: Oui! Oui!

M. Johnson: ... ou dans les cas où il y a règlement, cela se fait au niveau du cabinet. C'est normal. C'est comme cela que cela se fait et comme cela que cela doit se faire normalement.

M. Pagé: On intervient au stade de la solution. On publicise au stade de la solution.

M. Johnson: On intervient aussi passablement au stade des conflits, je dois vous le dire. Cela fait partie du pain quotidien de celui qui vous parle.

M. Pagé: Oui, mais ce n'est pas vous personnellement.

M. Johnson: Je pense que l'Opposition libérale n'a pas compris ce que signifiait la non-intervention. Il ne s'agit pas de dire, dans la non-intervention, que celui qui vous parle ou ses prédécesseurs ou ceux qui lui succéderont devraient s'asseoir et ne rien faire.

Je pense que le bilan qu'on montre là démontre quelque chose et qu'on travaille un peu plus que trois heures par jour. On travaille même passablement d'heures par jour et je suis à peu près sûr qu'on travaille un peu plus que l'Opposition officielle quand on constate l'état de préparation parfois de ses interventions.

M. Pagé: Vous verrez cela aux prochaines élections qu'on était bien préparé.

M. Johnson: La non-intervention, cela signifie que nous considérons qu'en vertu de nos lois du travail, et en vertu de l'esprit qui doit régner dans le secteur des relations de travail, il s'agit d'abord et avant tout, dans le cas de la négociation collective, d'un rapport qui existe entre deux parties. Ces parties sont, d'une part, le patronat, et ce sont en général des corporations au sens de nos lois, et l'autre partie, ce sont des syndicats, qui sont des associations accréditées au sens du Code du travail.

Nous considérons que, d'abord et avant tout, nous vivons dans un régime de liberté des parties. Quel est le rôle du ministère dans ce contexte avec la conciliation volontaire, entre autres? C'est d'abord et avant tout de fournir un soutien à ces parties. C'est, deuxièmement, de baliser l'exercice que les parties font de ces droits qui leur sont inhérents en vertu de ce qu'on pourrait peut-être même appeler pratiquement le droit naturel dans la liberté d'association en Amérique du Nord.

Cela fait partie de nos moeurs de baliser cela et de voir à ce que les échéanciers du Code du travail, les procédures qui y sont prévues, les moyens, les recours qui y sont prévus soient respectés par les parties et, troisièmement, le ministère peut intervenir avec parfois des éléments de solution qui permettent aux parties de régler. Cela, c'est l'intervention la plus directe en général que fait le ministère au niveau de ses instances, que cela soit au niveau du service de conciliation, du directeur de service, du directeur général des relations de travail, s'il y en a un, ou du sous-ministre adjoint aux relations de travail, et nous avons des ressources et nous entendons d'ailleurs en mettre plus à la disposition des parties dans les mois qui viennent et j'aurai l'occasion d'annoncer certaines choses dans ce domai-

ne. C'est cela la non-intervention. C'est de faire en sorte que les parties prennent leurs responsabilités et que quand le ministère envoie un conciliateur, on soit bien conscient que c'est cela l'intervention du ministère et qu'on ne tirera pas le tapis d'en-dessous de quelqu'un qui fait son boulot en disant: De toute façon, cela va peut-être se régler un soir vers deux heures du matin, en train de prendre un scotch au bar Le Caucus de l'Hôtel Hilton, en présence du ministre. Ce n'est pas comme cela que les relations de travail doivent fonctionner. Cela doit fonctionner à travers le type de mécanismes que l'État peut mettre à la disposition des parties. C'est cela la non-intervention du ministre.

Celui qui vous parle est cependant intervenu d'une façon très précise, d'abord, sur le plan législatif, deuxièmement, sur le plan de la réglementation et, troisièmement, sur le plan d'une série de mesures administratives et, finalement, il est intervenu au niveau de différents organismes de concertation par des rencontres, par des échanges de correspondance, par des comités et également, dans certains domaines, très clairement où on doit affirmer certains principes qui, à mon avis, sont des principes qui relèvent de la notion que l'on peut avoir de ce qu'est un État, mais un État qui n'est pas autoritaire et interventionniste avec des diktats comme le voudrait peut-être le député de Portneuf, comme par exemple, sur la non-tractation des actes criminels. C'est cela la non-intervention et cela représente beaucoup de travail.

M. Pagé: M. le Président...

Le Président (M. Dussault): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Si on revient spécifiquement à des conflits, le ministre pourrait-il m'indiquer... La loi 45 est en application depuis quelques mois, et certains des règlements édictés en vertu de la loi 45 ont pris quelques semaines à être acceptés par le Conseil des ministres. Il y a eu évidemment des délais de parution et tout cela, Comment cela fonctionne-t-il? Est-ce que, jusqu'à maintenant, on peut dégager certains critères basés sur l'action du ministère en vertu de l'article 97?

On sait qu'en vertu de cet article l'association accréditée peut demander qu'une enquête soit faite. J'aimerais savoir comment cela va au ministère et qu'est-ce qui se passe depuis l'application de cet article? Quels sont les délais qu'on est en droit d'attendre? Quels sont les délais aussi pour le rapport de l'enquête, pour les conclusions de l'enquête et tout cela? En particulier, j'ai le cas ici d'Atlas Asbestos, à Montréal, où les travailleurs sont représentés par la Fédération des travailleurs du Québec, un conflit qui dure déjà depuis le 29 mai avec 300 personnes en grève. Il y a eu une deuxième demande selon l'article 97d. Est-ce à dire que la première demande est jugée non recevable en raison des allégués ou quoi? Est-ce que c'est un cas de récidive ou quoi?

M. Johnson: M. le Président, en fait, il y a une question précise. D'abord il y a un préliminaire. Je voudrais simplement me permettre de corriger l'Opposition là-dessus. Il n'y a pas de règlements qui découlent de la loi 45. Il n'y a pas de règlements qui ont dû être adoptés par le conseil des ministres. Il y a des règlements qui découlent d'autres lois, mais...

M. Pagé: ... par règlement de certains articles.

M. Johnson: C'est-à-dire, oui. C'est la mise en vigueur de la loi par proclamation. D'accord.

M. Pagé: C'est cela, c'est une action du conseil des ministres.

M. Johnson: Ce qui a pris d'ailleurs quelques semaines, comme, normalement, j'avais exposé en commission parlementaire, c'est qu'il fallait que le ministère s'équipe au moins en partie pour répondre aux nouveaux besoins créés en vertu de la loi. Dans le cas des dispositions antibriseurs de grève, ce que la loi nous dit, c'est que la partie syndicale, par définition, peut demander au ministère de faire enquête si elle considère qu'il y a des briseurs de grève pris au sens de gens qui sont membres d'unités ou des gens qui sont de l'extérieur, à toutes fins pratiques, de cette usine, qui ne sont pas à son emploi, car on sait qu'en vertu des dispositions, un cadre n'est pas considéré, pour les fins de la loi, comme quelqu'un à qui on doit interdire de faire son travail non plus que les gens des autres unités d'accréditation, non plus que l'employeur lui-même. Là, je parle d'une PME où vous avez douze personnes, l'employeur peut décider de produire tout seul s'il y a une grève. Cela a été très bien explicité lors de la loi. Il y a, c'est vrai, des délais, et nous sommes, en ce moment, en train de mettre la main finale à une étude qui sera remise au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre sur l'application de 97d ainsi que 81a, l'arbitrage de la première convention collective. Donc, la loi permet au syndicat de demander au ministre de nommer un enquêteur. Dans certains cas, à sa face même, la demande nous révèle qu'il n'y a pas de briseurs de grève au sens de la loi. On dit, par exemple: Le propriétaire opère lui-même la machinerie. On sait au départ qu'en vertu de la loi, à sa face même, il n'y en a pas. Alors, il y a eu de nombreux cas comme cela, au tout début. Deuxièmement, dans certains cas, la demande est parfaitement inadéquate, c'est-à-dire qu'on dit: On veut que vous envoyiez un enquêteur, nous avons besoin de renseignements supplémentaires. Donc, il y a toujours des délais qui sont impliqués. D'abord, le délai d'expédition, la réception, l'analyse par les bureaux, la réponse, etc. Il y a toujours un minimum de délai.

Troisièmement, une fois qu'on a vu que, à sa face même, c'était justifiable, que les renseignements, par exemple, qu'on peut avoir, par ailleurs, par le conciliateur qui est au dossier, par les

parties elles-mêmes, par voie téléphonique, comme cela se fait souvent dans le domaine des relations de travail parce que les gens ont tendance plutôt à se parler qu'à s'écrire, dans certains cas, la décision c'est de ne pas en envoyer dans ces circonstances. Dans d'autres cas — et je reviendrai sur le cas d'Atlas Asbestos précisément — la seule nomination d'un enquêteur a amené un règlement et on peut se l'expliquer très simplement. C'est que l'employeur, utilisait probablement des briseurs de grève, et devant la nomination possible d'un enquêteur, et des sanctions possibles devant cela, a décidé de régler.

Dans d'autres cas, l'employeur peut décider, devant la nomination d'un enquêteur, de cesser d'employer des briseurs de grève sans pour autant régler le fond du litige. Dans d'autres cas, l'enquêteur y va, fait enquête, constate. Il peut, dans les circonstances, d'ailleurs il doit faire rapport aux deux parties et il peut être accompagné d'un représentant de chacune des parties et ce rapport est remis aux parties. Je pourrais donner l'exemple de Texaco à Montréal où la nomination d'un enquêteur antibriseur de grève a amené un règlement dans les heures, littéralement, qui ont suivi cette visite. Il y a peut-être des présomptions qu'on peut faire à partir de cela, même si ce n'est pas l'affirmer solennellement. Je peux donner un autre exemple où un syndicat, par exemple, a pris une injonction qui a été entendue par le juge Lemieux de la Cour supérieure, qui a accordé une injonction interdisant à un employeur d'utiliser les services de certaines personnes.

Finalement, dans le cas d'Atlas Asbestos, il y a eu une enquête, le syndicat demande une seconde enquête, car il prétend que la situation est modifiée et que des scabs auraient probablement été engagés. D'ailleurs, dans le cadre d'Atlas Asbestos, je dois procéder à cette nomination lundi, à mes bureaux de Montréal. (11 h 45)

Le Président (M. Dussault): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Le ministre a parlé de Texaco, la date de la réception de la demande, en vertu de l'article 97d, est le 1er février 1978 et le rapport a été reçu le 18 septembre, télégramme, mandat de nomination, rapport reçu le 18 septembre 1978.

M. Johnson: II y a eu un règlement entre les deux, c'est aussi simple que ça. Le conflit était réglé...

M. Pagé: Ah, d'accord.

M. Johnson: ... et finalement, l'enquêteur, ne voyant plus tellement d'urgence...

M. Pagé: ... a jugé opportun...

M. Johnson: ... a remis finalement son rapport. D'autre part, il y a eu trois mois d'interruption de l'enquête à cause d'une procédure en Cour supérieure, prise par l'employeur et qui s'attaquait à la juridiction de l'enquête.

M. Pagé: D'accord. Est-ce que c'est la même chose...

M. Johnson: II y a eu exactement neuf jours entre le moment de la réception de la demande et la nomination de l'enquêteur.

M. Pagé: Vous devriez l'indiquer dans vos documents, vous seriez peut-être exempt d'avoir des questions.

Le 2 février 1978 et le 3 février 1978 toujours, les Cinémas indépendants et Nap Transport vous demandaient la désignation d'un enquêteur en vertu de l'article 97b. Dans le cas des Cinémas indépendants, le télégramme et le mandat de nomination étaient donnés le 17 mai 1978, soit trois mois après. Dans le cas de Nap Transport, c'était le 21 août 1978, soit six mois après. Comment cela s'explique-t-il?

M. Johnson: Je m'excuse, comme le député de Portneuf ne m'avait pas donné de préavis sur la question précise, je vais être obligé de faire quelques recherches. Prenons d'abord Nap Transport que je connais fort bien...

M. Pagé: ... le 29 décembre 1976, trois ans bientôt.

M. Johnson: C'est ça.

M. Pagé: Trois ans bientôt.

M. Johnson: D'ailleurs, on m'avise que c'est en voie de règlement.

M. Pagé: J'espère, ça fait trois ans.

M. Johnson: C'est vrai que cela a duré longtemps, mais je pourrais vous en nommer quelques-uns entre 1960 et 1970 qui ont duré longtemps, par exemple, une petite affaire comme United Aircraft. Cela arrive à l'occasion, c'est vrai...

M. Pagé: Comme je vous ai déjà dit...

M. Johnson: ... il y aura toujours dans notre société...

M. Pagé:... on a eu notre United Aircraft, vous avez votre Commonwealth Plywood.

M. Johnson: M. le Président, est-ce que je peux répondre?

M. Pagé: M. le Président, il lance des flèches...

M. Johnson: M. le Président, est-ce que je peux répondre?

M. Pagé: ... il s'oppose aussitôt que je prends mon arc.

Le Président (M. Dussault): A l'ordre, messieurs!

M. Pagé: Bien voyons.

Le Président (M. Dussault): M. le ministre, vous avez la parole.

M. Johnson: M. le Président, dans le cas de Nap Transport, c'est vrai que c'est un conflit qui dure et perdure depuis longtemps, qui est un peu complexe, sur le plan juridique, à cause de l'appartenance de filiales au même employeur, etc., qui a causé des problèmes, parce qu'avant l'adoption des dispositions antibriseurs de grève, il y avait utilisation de personnes de l'extérieur et même de l'unité peut-être dans certains cas. C'est un conflit où il y a eu un raidissement incroyable de part et d'autre.

Nous avons nommé un enquêteur antibriseurs de grève au cours des jours ou des semaines qui ont suivi la demande. Le problème, c'est qu'il ne s'est pas rendu sur les lieux avant plusieurs semaines, car le bureau de Me Pelletier est passé au feu quelques jours après sa nomination. Compte tenu du fait qu'on connaissait un peu l'état du dossier, que des négociations étaient réamorcées, etc., cela ne semblait pas prioritaire, pour le lendemain matin, que l'enquête se fasse. Cela a pris, effectivement, un mois à peu près avant que M. Pelletier décide de se mettre dans le dossier. Il a d'ailleurs produit un document et une enquête que nous nous sommes permis, au cabinet, de qualifier d'un peu étrange, étant donné que la jurisprudence qu'il semblait essayer d'établir, allait tout à fait à l'encontre de tous les autres rapports antibriseurs de grève et du jugement de la Cour supérieure en ce sens.

Alors, je suis bien prêt à reconnaître que dans le cas de cette enquête chez Nap Transport, l'enquête est venue un peu tard, les délais se sont expliqués par le fait que le feu avait pris dans son bureau et que finalement, sa perception et sa compréhension de la loi m'apparaissent mettre en cause, dans la mesure où un juge de la Cour supérieure et déjà tous les autres enquêteurs antibriseurs de grève n'ont jamais interprété la loi comme il l'a fait.

Finalement, nous avons nommé un second enquêteur antibriseurs de grève chez Nap Transport.

M. Pagé: M. le Président, j'aimerais que le ministre...

Le Président (M. Dussault): Si c'est sur une autre question, M. le député de Portneuf, il semble que M. le député de Saint-Hyacinthe voulait prendre la parole.

M. Cordeau: Tout à l'heure, dans les quelques phrases que j'ai prononcées, j'ai posé des questions sur les comités et sur une injonction; j'aimerais avoir une réponse avant la fin de cette séance.

M. Johnson: Pour les comités, il y a le comité Hébert, la commission Martin-Bouchard, le groupe sur les décrets, le groupe sur les licenciements collectifs et le groupe sur l'injonction qui est, en fait, un groupe conjoint du ministère de la Justice et du ministère du Travail. A l'origine, c'était un comité de la Justice et nous avons joint une partie de certains de nos effectifs à ce comité. Je pense d'ailleurs que c'est au niveau du contentieux. Le rapport n'est pas encore remis, dans ce cas-là. Cela répond à votre question?

M. Cordeau: Concernant la politique du gouvernement pour ce qui est des injonctions...

M. Pagé: Au printemps.

M. Johnson: Je serai appelé, dans les prochaines semaines, à préciser un peu plus. Je préférerais qu'on rende cependant le plus accessibles possible, éventuellement, certaines choses qui ont été étudiées. Je sais que ces problèmes ont fait l'objet de publications, entre autres à l'Université Laval, par le professeur Morin qui a fait une analyse des injonctions à une certaine époque. Il y a le fameux arrêt Tomko de la Cour suprême du Canada, à la suite d'un problème de législation en Nouvelle-Ecosse; je pense qu'il y a un ensemble de préoccupations qu'il faut avoir. Il faut être très conscient des limites de ce qu'on peut faire dans ce domaine, non seulement parce qu'on est balisé à cause d'un problème de droit constitutionnel possible, c'est-à-dire la juridiction de la Cour supérieure, mais il y a peut-être des mécanismes pour essayer d'aller se tailler une place la plus grande possible là-dedans.

Deuxièmement, même au niveau du droit interne, cela pose tout le problème de l'arbitrage et des juridictions. On n'a pas de conseil d'Etat dans notre système judiciaire. Je ne suis pas sûr non plus qu'il faille attendre qu'il y ait un conseil d'Etat pour régler ce problème. L'autre fait, c'est que la notion de l'injonction elle-même, ce n'est pas une notion qu'on peut supprimer dans notre droit, au contraire. Elle a une raison d'être. Si votre voisin déverse ses égouts sur votre terrain, le Code civil fait que vous pouvez prendre une action en dommages-intérêts en vertu de 1053 et vous pouvez également prendre une injonction en Cour supérieure pour l'interdire de faire une chose, comme vous pouvez demander à la cour de le forcer à faire une chose. C'est en vertu des amendements apportés en 1966 au code de procédure.

Il s'agit de savoir maintenant dans quelle mesure dans le domaine des relations de travail, on peut avoir un moyen ou un mécanisme qui est dérogatoire à ce système de droit commun. Ce n'est jamais facile d'essayer de créer des exceptions au droit commun dans les recours qui sont des recours ouverts à tous les citoyens. Il y a des méthodes et je pense qu'il va falloir, entre autres, s'inspirer de l'expérience de la Colombie-Britannique à ce sujet, qui m'apparaît intéressante.

Les principes qu'on vise là-dedans, c'est, d'une part, essayer de décriminaliser, d'une certaine façon, le domaine des injonctions. On connaît la sanction inexorable qui est le non-respect d'une injonction dans bien des cas. On sait cependant que, si c'était utilisé comme cela l'est dans le droit commun, probablement qu'il n'y aurait pas de gros problèmes. Le problème, c'est

que, dans les relations de travail, c'est utilisé de façon presque systématique dans certains secteurs.

C'est clair que c'est un mécanisme qui est inadéquat, entre autres quand on tient compte des sanctions, quand on tient compte du respect ou du non-respect de cela. Vous savez, ce n'est pas un problème aussi facile — si vous me passez l'expression — que de mettre une lettre à la poste, le problème de l'injonction. On a vu cela récemment d'ailleurs. il faut essayer de trouver un mécanisme qui soit une adaptation de ce phénomène qu'est l'injonction, de ce moyen juridique et, deuxièmement, essayer de trouver les moyens de faire en sorte que ce ne soit pas entendu nécessairement par les tribunaux de droit commun, mais vraiment par un monde de relations de travail, par l'intervention judiciaire qui est spécialisée. Cela veut dire quoi? Cela veut dire l'appareil prévu dans le Code du travail, beaucoup plus que n'importe quel autre appareil.

M. Cordeau: Concernant le même problème, étant donné la non-observance des injonctions par plusieurs syndicats qui semblent se foutre des injonctions qui sont rendues, quand prévoyez-vous — je ne vous demande pas une date précise — apporter un remède, tel que vous le disiez dans la Presse: Le Québec recherche un instrument plus adéquat que l'injonction? Quand pensez-vous nous présenter vos politiques concernant le remplacement de ces méthodes?

M. Johnson: Je ne peux pas vous donner, en ce moment, d'échéancier sur le plan législatif. Je pense qu'il y en a sur le plan législatif, en tout cas, j'ai raison de croire qu'il y a des ouvertures possibles, mais c'est assez mince, mais il va falloir qu'on essaie...

Une Voix: II y en a, mais elles sont minces. Je comprends...

M. Johnson: On ne sait jamais, on peut peut-être trouver une formule intéressante. Je pense qu'avant de procéder à l'adoption d'une législation, il faudrait qu'il y ait une très vaste implication des premiers intéressés. Je peux dire que, là-dessus, on peut dire qu'au plus tard au printemps, ce sera fait, cette consultation. Comment allons-nous y procéder? Qui est-ce que cela va impliquer? Quel sera le contenu de ces consultations? Cela reste des choses qui seront mises au point dans les semaines à venir.

M. Cordeau: Merci.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, j'en étais à demander les commentaires du ministre sur la situation qui prévaut dans certains conflits. C'est évident qu'on pourrait en parler longtemps, parce qu'il y a beaucoup de conflits. Je me limiterai cependant à demander au ministre ses commentaires sur le conflit à la Firestone, à Joliette. Je voudrais savoir comment tout cela évolue. Je sais que les remarques qu'on retrouve dans le document que nous faisait parvenir le ministère, le 20 octobre dernier, indiquent que c'est une grève avant conciliation, d'accord, mais que le conflit sera long et difficile. Sur quoi vous appuyez-vous pour prévoir que le conflit sera long et difficile? J'aimerais savoir le travail qui se fait, parce qu'à vous entendre dire, M. le ministre, qu'il y a beaucoup de travail qui se fait, que tous les gens travaillent des vingtaines d'heures par jour chez vous, qu'est-ce qui se passe actuellement? Qui est au boulot sur ce dossier? Qu'est-ce qui se fait comme travail actuellement sur le dossier de la Firestone, à Joliette?

Le Président (M. Dussault): M. le ministre.

M. Johnson: M. le Président, dans le cas de Firestone, je voudrais d'abord faire remarquer que cette industrie ou cette entreprise qui a connu, on s'en souviendra — je pense que l'Opposition libérale devrait s'en souvenir —

M. Pagé: On se le rappelle.

M. Johnson: ... un climat de relations de travail un peu spécial — on parlait de violence tout à l'heure — que la violence n'a pas...

M. Pagé: Ce n'est toujours bien pas la faute de l'Opposition officielle si elle est en grève aujourd'hui.

M. Johnson: Non, il y a une grève dans une entreprise de très grande importance...

M. Pagé: Traitez du problème.

M. Johnson: ... où il y a une tradition, au niveau des revendications syndicales, qui est très présente. C'est un syndicat qui est fort. Cela implique plusieurs dizaines de travailleurs. Pour être plus précis, cela en implique 300, je m'excuse.

M. Pagé: C'est cela.

M. Johnson: J'allais dire plusieurs centaines, mais c'est 300, exactement. Le ministère est au dossier depuis un bon bout de temps, depuis le début. M. Des Trois Maisons et M. Boisvert — il y a deux conciliateurs — sont au dossier. Il y a eu plusieurs réunions entre les parties, malgré la grève. Tout cela se déroule dans un climat où il n'y a pas de violence, la ville n'est pas encore mise à sac, l'usine non plus, et nous espérons qu'avec ces interventions on permettra aux parties de se rapprocher, mais on m'a avisé, la semaine dernière, à la fin de la semaine dernière ou au début de cette semaine, lundi, je m'excuse, au moment où je faisais la révision de certains dossiers avec mes hauts fonctionnaires, qu'il me semblait y avoir des déblocages sur certains des objets importants en litige à la table de négociation et que cela progressait...

M. Pagé: A un rythme...

M. Johnson: A un rythme satisfaisant.

M. Pagé: Très satisfaisant?

M. Johnson: De satisfaisant à très satisfaisant, dans la mesure où on peut évaluer cela.

M. Pagé: D'accord, on en parlera de nouveau.

Le Président (M. Dussault): Sur la même question, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: II y a un conflit à Saint-Hyacinthe, chez Lucien Larivée Inc., depuis le 11 juillet 1978, sans annotation, sans commentaire dans votre rapport.

M. Pagé: Cela s'inscrit dans la politique. Il se satisfait d'un nombre minimal de jours-grève, années-homme. Il n'y a pas de problème, cela va très bien pour le ministre.

M. Johnson: M. le Président, il ne faudrait quand même pas... il faut regarder les choses dans la perspective un peu. J'aimerais — je vais peut-être y mettre la main, je peux peut-être l'envoyer à l'Opposition libérale — mettre la main sur ce qu'on appelle le cahier de grèves au ministère ou le cahier des conflits. C'est un document qu'on fait revoir tous les jours...

M. Pagé: Interne, pour le moment.

M. Johnson: ... qui me permet de suivre précisément des interventions, etc.

M. Pagé: A ce moment-là, si le ministre veut me le faire parvenir tous les jours, je suis d'accord.

M. Johnson: Non, pas celui-là... M. Pagé: Ah bon!

M. Johnson: ... pas plus d'ailleurs que je lui ferais signer mon courrier, mais, M. le Président, j'aimerais lui envoyer ce que devait être le cahier de grèves dans l'année où vous avez eu 6 millions de jours-homme perdus. Cela devait être quelque chose comme cahier de grèves. Je comprends que le député de Portneuf puisse citer trois ou quatre cas aujourd'hui dont je ne nie pas l'importance, c'est le fait que c'est...

M. Pagé: Attendez, oui.

M. Johnson: ... dans certains cas, très difficile à supporter pour l'entreprise et les travailleurs, mais, encore une fois, il faut peut-être "relativiser" les choses aussi. Ce n'est pas parce qu'on va parler de quatre conflits difficiles aujourd'hui que cela veut dire que la situation est détériorée, cela veut dire qu'elle est améliorée...

M. Pagé: M. le Président, on pourrait en parler toute la journée, on a sept ou huit pages ici de conflits. C'est comme cela toutes les semaines.

M. Johnson: On peut citer des journées de 1975 où il y en avait 28 pages.

M. Pagé: Bon.

Le Président (M. Dussault): Messieurs, est-ce que je peux vous rappeler que c'est M...

M. Pagé: II n'a même pas...

M. Johnson: Ah bon! (12 heures)

Le Président (M. Dussault):... M. le député de Saint-Hyacinthe qui avait posé la question?

M. Johnson: Les breuvages Lucien Larivée... M. Pagé: La même politique que tantôt.

M. Cordeau: J'attends ma réponse.

M. Johnson: Dans le cas des breuvages Lucien Larivée, Ltée, il s'agit d'une grève pour le renouvellement d'une convention collective. La date de l'arrêt de travail remonte au 11 juillet. Cela implique 28 travailleurs. C'est M. Jean-Louis Du-chesne qui est au dossier. Je dois dire, cependant, au député de Saint-Hyacinthe que je n'ai pas depuis quelques jours de précisions sur ce dossier, parce que je n'en ai pas demandé. Il arrive qu'il y a des jours où on n'a pas le temps de faire le tour de tous les dossiers, mais je me ferai un plaisir de communiquer avec lui au tout début de la semaine pour lui donner des nouvelles.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, il y a le conflit à J.H. Normick, Inc. à la Sarre. On sait que cette entreprise...

M. Johnson: J. H. Norman? M. Pagé: Normick. M. Johnson: Normick.

M. Pagé: Bien oui. C'est une entreprise qui revêt beaucoup d'importance dans la ville de La Sarre, avec 80 salariés. Or, il y a eu une demande qui a été formulée selon l'article 97d, toujours pour l'engagement de briseurs de grève. Le commentaire qu'on y retrouve, c'est que le syndicat se sent très fort et sûr de sa victoire. La compagnie semble embaucher des briseurs de grève. Cela me surprend que ce soit dans les commentaires du ministère. Il pourrait y avoir de la casse. Or, c'est une indication qu'il pourrait éventuellement y avoir de la violence dans ce conflit. Cela apparaît dans un document officiel du ministère. C'est d'ailleurs publicisé en date du 20 octobre. On peut présumer, je n'ai pas le document antérieur ici, que, depuis au moins une semaine, le ministère du Travail est informé d'une possibilité de violence dans ce conflit. J'aimerais savoir ce qui a été fait depuis vendredi passé.

M. Johnson: D'abord, je voudrais simplement souligner à l'Opposition libérale qu'en aucune façon dans le commentaire qu'on y retrouve, on ne parle de violence. On parle d'un conflit qui peut être difficile.

M. Pagé: II pourrait y avoir de la casse. Qu'est-ce que cela veut dire? Qu'ils se cassent la gueule? N'est-ce pas de la violence?

M. Johnson: Je m'excuse, je me référais à une autre chose. J'étais sur le conflit de chez Therrien, non pas chez Normick.

M. Pagé: Normick.

M. Johnson: Quelle date?

M. Pagé: Le 19 septembre 1978.

M. Johnson: De toute façon, depuis un bout de temps, la remarque est disparue.

M. Pagé: Bon. Qu'est-ce que vous faites? Je présume...

M. Johnson: II y a eu un enquêteur antibriseurs de grève de nommé. Il y a eu un conciliateur au dossier. Au moment où on se parle, cela va bien.

M. Pagé: A ce moment, pourquoi, depuis le 20 octobre — ce document est du 20 octobre, vendredi dernier — quand vous avez des indications de possibilités de violence dans un conflit, ne le mettez-vous plus dans vos remarques?

M. Johnson: Parce que l'enquêteur antibriseurs de grève a été envoyé, et parce que la question de l'évaluation de la possibilité de difficultés ou de violence ou de longueur, c'est quelque chose qui change de jour en jour dans un conflit de travail. J'espère que l'Opposition va apprendre cela.

M. Pagé: D'accord. Prenons ce conflit, depuis le 20 octobre. Le 20 octobre, vous étiez informé par l'enquêteur qu'il y avait une possibilité de casse. Le ministre dit que ce n'est pas de la violence, cela, que les gens se cassent la gueule, mais en tout cas.

M. Johnson: En date du 25 octobre... M. Pagé: Qu'est-ce qu'il y a eu de fait?

M. Johnson: II y a eu, d'une part, la nomination d'un enquêteur antibriseurs de grève.

M. Pagé: Bon.

M. Johnson: Deuxièmement, l'intervention du service de conciliation efficace au point, d'ailleurs, qu'il y a un accord de principe sur la convention. Il reste à régler le protocole de retour au travail.

M. Pagé: Parfait.

M. Johnson: D'autres questions?

M. Pagé: C'est correct. Il y en a d'autres. Ne soyez pas inquiet!

Avico (70) Ltée, les abattoirs, 170 personnes qui sont en grève, qui sont affiliées à la CSN, fermeture temporaire d'usine, suite à du vandalisme. Ensuite, Avico (70) Ltée, les chauffeurs maintenant, qui sont au nombre de 14, et ce, depuis le 26 septembre 1978, fermeture temporaire d'usine, suite à du vandalisme, lock-out, avec un point d'interrogation. Quand on a une indication comme celle-là, dans les remarques, de vandalisme ou de casse, j'aimerais savoir les actions qui sont prises par le ministère, et, entre autres, qui s'est fait dans le cas de Avico, à Iberville.

M. Johnson: M. le Président, nous avons utilisé une disposition que nous avons créée dans le Code du travail par la loi 45. L'article 43 du Code du travail permet maintenant au ministre du Travail de désigner d'office la présence d'un conciliateur, c'est ce que nous avons fait.

M. Pagé: Oui.

M. Johnson: Je pense que c'est M. Raymond Leboeuf qui est au dossier.

M. Pagé: Est-ce que le vandalisme a donné suite à des enquêtes?

M. Johnson: Nous ne sommes pas le ministère de la Justice. Il y a des enquêtes policières qui se déroulent au Québec quand quelqu'un fait un hold-up, quand quelqu'un commet un vol, quand quelqu'un commet un crime violent. Je pense que le vandalisme ne fait pas exception à cela, et, sur plainte, la Sûreté du Québec ou les sûretés locales, je présume, enquêtent.

M. Pagé: D'accord. M. le Président, le débat de ce matin nous aura quand même permis de dégager certaines positions du gouvernement. Le débat aura quand même été décevant en ce que même si l'Opposition officielle a mis en relief plusieurs éléments qui militent en faveur d'une réforme du Code du travail, que ce soit le nombre trop élevé de conflits qu'on a au Québec actuellement, avec, entre autres, 8600 personnes qui perdent leur journée aujourd'hui et l'évaluation ou la probabilité d'environ 1 500 000 ou 1 600 000 jours-homme qui seront perdus, nous n'acceptons pas et, quant à moi, je n'accepte pas du tout que le ministre se retranche en arrière de comparaisons qu'il peut faie avec les périodes antérieures ou encore avec d'autres provinces pour laisser croire que ça va bien et que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Il y a d'autres éléments aussi qui militent en faveur de cette réforme. Ce sont, d'une part les engagements pris par le gouvernement, auxquels le ministre a convenu ce matin qu'il y avait eu un

recul. Il y a évidemment toute cette question d'exemples types de culs-de-sac juridiques... C'est le cas de la Commonwealth Plywood où on constate que, malgré les mécanismes prévus dans nos différentes lois ouvrières, il y a un échec parce que le conflit est quand même là, latent, depuis le mois de septembre 1977 et tout ce que le gouvernement a trouvé à y faire, c'est de convoquer une commission parlementaire pour masquer ou créer un écran à la face de l'opinion publique en voulant laisser croire que le ministre du Travail s'occupait de ce problème. Cependant, le ministre du Travail conviendra lui aussi que c'est peut-être un exemple des plus patents du cul-de-sac juridique dans lequel on se retrouve avec nos lois ouvrières actuellement.

On a eu, M. le Président, à mettre en relief les nombreux conflits qui existent actuellement au Québec, qui sont trop nombreux, même si le ministre s'en satisfait et, en terminant, évidemment, on a eu l'occasion de voir et de traiter du programme du Parti québécois sur les engagements que le gouvernement avait pris dans la dernière campagne électorale, parce qu'on se rappel le, M. le Président... Je ne sais pas quel genre de campagne vous avez menée dans votre comté, mais moi, je me rappelle les ténors du PQ qui sont venus claironner dans mon comté en 1976 et j'avais un conflit qui était important en 1976, dans mon comté; c'était le conflit de la Domtar à Donnacona.

Je me rappelle fort bien, moi, ce que je disais, et je me permettrai, M. le Président, de vous en faire part avant de terminer. Je disais aux travailleurs, à ce moment-là: Vous savez, vous vous devez de vous prévaloir des mécanismes prévus au Code du travail. Le conflit allait commencer vers le... Le droit à la grève était acquis vers le 10 ou le 12 novembre, si ma mémoire est fidèle, et vous savez qu'un conflit, dans certaines villes, ça peut mettre en cause toute l'économie de la ville. C'est particulièrement le cas à Donnacona avec l'usine de la Domtar.

La réponse que je donnais aux travailleurs, moi, à ce moment-là, c'était bien simple, c'était: Vous savez, vous avez des mécanismes prévus au Code du travail. C'est à vous de vous en prévaloir, purement et simplement, et le ministère du Travail fera ce qu'il y a à faire et ce qui est prévu dans la loi.

Je me rappelle particulièrement nos grands ténors du PQ qui venaient dire aux travailleurs et particulièrement à leurs épouses et à leurs familles: Vous savez, avec le PQ, des conflits ouvriers comme celui-là, on n'en aura pas.

C'est évident, M. le Président, que cela a eu un impact. Je ne vous ferai pas part des résultats; ça va de soi que ma majorité a baissé beaucoup. Ce qui m'a surtout surpris, c'est qu'effectivement le conflit est devenu conflit le ou vers le 12 novembre. La grève a duré six mois. Cela m'a pris au moins quatre mois de questions en Chambre, de lettres et tout ça pour faire en sorte que le ministre du Travail, le député de Saint-Henri, intervienne personnellement dans le conflit, et tout ce que le député de Saint-Henri a trouvé à leur dire, le ministre du Travail du gouvernement du Parti québécois, c'était: Vous savez, il faut que les mécanismes prévus au Code du travail s'appliquent. Exactement la réponse que le mauvais député libéral, selon l'expression des péquistes pendant la campagne électorale, exactement ce que le candidat libéral à l'élection disait.

Or, M. le Président, ça met en relief une choe qui est certaine. C'est que ce que le gouvernement du Parti québécois a voulu laisser croire à la population de son infaillibilité en termes d'action au chapitre des relations de travail, moi, je suis surpris de constater ce matin que la volonté du gouvernement s'est limitée à un constat de diminution dans le nombre des conflits, qui est probablement circonstanciel jusqu'à une certaine mesure, parce que quand le ministre évoque les millions de jours-homme perdus en 1970 et 1976, il prend bien soin d'y inclure les conflits dans les secteurs public et parapublic.

Vous savez pertinemment — j'espère qu'il n'y aura pas de conflit dans les secteurs public et parapublic — qu'il y a une négociation qui s'en vient et le gouvernement a tellement failli à sa tâche, peut-être pas à sa tâche comme telle, mais surtout aux espoirs qu'il a suscités dans les secteurs public et parapublic dans le temps qu'il était dans l'Opposition — et j'aurai l'occasion de déposer, la semaine prochaine, à l'Assemblée — de soulever des questions à ce chapitre et de déposer certains documents où les ténors du PQ parlaient d'injustice quand le gouvernement offrait 32,5% d'augmentation dans certains cas.

Vous aurez votre part de problèmes. Evidemment, on ne vous en souhaite pas parce qu'on est suffisamment responsable pour espérer et souhaiter que les négociations dans le secteur public, comme les négociations des conventions collectives dans le secteur privé, que le climat et que les relations puissent s'améliorer, qu'on ait moins de jours-homme en grève ou en lock-out perdus au Québec, mais je suis non seulement surpris, mais je n'accepte pas que le ministre s'en satisfasse à un point tel qu'il mette de côté les engagements, les demandes formulées par beaucoup de gens pour que le ministre du Travail, que le gouvernement, que le Conseil des ministres se penchent dans les plus brefs délais non seulement sur la possibilité, mais l'obligation qu'il a d'amorcer immédiatement et dans les plus brefs délais une réforme complète du Code du travail. Encore là, je dois vous exprimer ma surprise.

J'anticipe évidemment avec beaucoup d intérêt le dépôt du rapport de l'enquête menée par M. Thibodeau des Hautes Etudes Commerciales et je ne vois pas en quoi le gouvernement peut se désister d'une telle obligation parce qu'il n'y a pas eu de consensus des parties pour qu'une telle commission d'enquête, une telle étude en profondeur puisse être amorcée par le gouvernement.

M. le Président, c'étaient les différents éléments que je voulais mettre en relief ce matin. Evidemment, on aura d'autres occasions d'en dis-

cuter — le ministre le sait pertinemment — et, quant à moi, je ne peux me déclarer satisfait du débat de ce matin.

Je vous remercie beaucoup de votre bonne attention.

Le Président (M. Dussault): J'ai compris, M. le député de Portneuf, que c'étaient vos commentaires de la fin.

M. Pagé: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Saint-Hyacinthe, vous voulez intervenir dans le même sens? Alors, vous avez la parole.

M. Cordeau: Le 25 août 1977, le ministre avait rassuré la population lorsqu'il avait déclaré à l'Assemblée nationale: Force nous est de constater que le Code du travail est un outil qui a besoin d'être un peu rafraîchi et c'est pourquoi le gouvernement a l'intention de procéder à une refonte de l'ensemble du droit du travail. Le 8 novembre suivant, dans une autre déclaration, vous affirmiez à peu près le même point de vue.

Par contre, nous avons constaté aujourd'hui que vous avez peut-être évolué dans un autre sens et que, pour atteindre vos fins, vous employez un autre chemin. Nous déplorons que cette refonte ne soit pas en marche encore, elle est peut-être amorcée, mais non définitive, et je crois que vous avez évolué dans le même sens que celui de votre option constitutionnelle: Cela change beaucoup.

Le débat de ce matin me fait penser à une période de questions à l'Assemblée nationale où les préambules sont beaucoup plus longs et les réponses beaucoup plus longues. Sortons-nous de cela bien enrichis? C'est un point d'interrogation.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. le ministre pour terminer.

M. Johnson: Je voudrais d'abord remercier l'Opposition libérale d'avoir donné l'occasion au ministère de faire ce bilan complet, de le mettre par écrit et de le faire partager avec les membres de cette commission et évidemment avec ceux pour qui c'était disponible, les journalistes.

C'est vrai qu'au moment où nous nous parlons, il y a 8000 travailleurs qui sont en grève ou en lock-out. Il y en a cependant 2 600 000 qui ne le sont pas. J'espère que nous sommes parmi ceux qui ne perdent pas leur temps.

M. Pagé: II récidive. (12 h 15)

M. Johnson: Je pense que j'ai pu démontrer, M. le Président, qu'il y a eu une amélioration considérable, si on regarde les chiffres et les statistiques, que cette amélioration, c'est clair, n'est pas suffisante au sens que, tant et aussi longtemps qu'il y aura des travailleurs et des entreprises en grève dans des conflits qui durent très longtemps et qui ont des répercussions très importantes sur un ensemble de la population ou d'un secteur économique, on pourra considérer qu'il faut que cette chose s'améliore. Je mets cependant en doute le fait que ce soit seulement par des lois que nous puissions améliorer cette situation. Je pense cependant qu'il y a du travail à faire au niveau des lois, c'est pour cela qu'au moment où je vous parle, je peux considérer que les dix lois que j'ai présentées et fait adopter par l'Assemblée nationale depuis un an et demi sont déjà un effort considérable. Deuxièmement, je dis que les lois à venir sur les conditions minimales de travail, de la santé et de la sécurité, la régie des entreprises de construction, la loi amendant la loi des relations de travail dans l'industrie de la construction, ainsi que certaines dispositions que nous serons appelés à prendre bientôt en matière d'injonction et dans quelques autres secteurs, à la suite d'études qui sont faites, auront démontré que ce gouvernement, en moins de deux ans, aura fait plus que n'importe quel gouvernement depuis 1970 et un peu plus, quand même, que le gouvernement de 1966 à 1970, bien qu'à cette époque il y ait une refonte importante à peu près du même ordre que celle que nous avons faite dans le cas du bill 45. On se rappellera d'ailleurs qu'en 1969, l'Union Nationale a amendé deux fois le Code du travail, ce que le Parti libéral n'a...

M. Pagé: La clause de protection familiale...

M. Johnson: Non, je me réfère ici, entre autres, à l'expérience du député de Johnson, qui est absent.

M. le Président, je pense que nous vivons dans une société où la liberté est le principe reconnu par l'ensemble des citoyens, nous vivons sur un continent de libertés individuelles comme collectives, et que, dans cette perspective, modifier nos lois du travail ne doit pas signifier et nous ne devons pas nous imaginer que cela réglera tous les problèmes. Nous pouvons continuer à le modifier en profondeur, comme nous l'avons amorcé, nous pouvons continuer — et vous me passerez l'expression — par étapes dans ce domaine comme dans d'autres, réaliser des objectifs sociaux et économiques en même temps dans bien des cas. Quand on se sera cependant, référé aux engagements de ce gouvernement, je pense qu'on se rendra compte, à la vision des chiffres que c'est une amélioration considérable. Je fais ici une parenthèse pour dire à l'Opposition libérale que c'est vrai que nous avons inclus dans les 6 500 000 pour 1976 le conflit du public et du parapublic, mais je ne prendrai que le schéma du secteur privé, et c'était quand même 4 988 000, tout près de 5 000 000, à comparer au secteur privé en 1977 à 1 180 000. C'est un ratio de 1% et c'est quand même une amélioration considérable.

M. le Président, je pense que nous continuerons à respecter nos engagements. A la suite du rapport de M. Thibodeau, il y a une réflexion qui a été faite en profondeur chez nous, de ne pas procéder à la création d'une commission qui étudierait l'ensemble des lois du travail. J'ai choisi

plutôt de procéder par des comités ad hoc, dont j'en ai énuméré quelques-uns, et d'autres qui sont à venir sur d'autres sujets. Cela nous a permis jusqu'à maintenant, dans le cas de ceux qui ont remis leur rapport, d'agir rapidement. Je pense que ça ne met pas en cause cet engagement qui était de revoir l'ensemble de nos lois.

J'avais bien dit à M. Thibodeau qu'une des parties de son mandat était d'évaluer l'opportunité du moyen d'une commission générale d'enquête, je suis d'accord avec ses conclusions sur l'absence d'opportunité, pour toutes les raisons qu'il mentionne et même d'autres. Je pense que nous continuerons comme gouvernement et comme parti politique, à assumer méthodiquement, sérieusement, avec consultation et avec tout le dynamisme possible, le rafraîchissement de nos lois du travail, surtout les efforts que nous faisons pour assainir le climat social, en étant bien conscients que la période qui s'en vient, dans le secteur public et parapublic... on ne peut, a priori, présumer, je ne fais pas de futurologie dans un sens ou dans l'autre, je suis bien content d'entendre le député de Portneuf nous dire qu'il ne nous souhaite pas de difficulté.

J'ai un peu de difficulté à le croire, comme j'entends son chef de l'aile parlementaire dire qu'il nous souhaite du succès à la conférence constitutionnelle. Je pense que nous continuerons dans ce secteur, public et para-public, à assumer égale- ment, méthodiquement, notre rôle au niveau du ministère, qui n'est pas un rôle d'intervention du côté patronal, où le ministère a comme fonction, essentiellement, de voir au respect des règles du jeu incluses dans le Code du travail.

Notre rôle, comme gouvernement, parce que celui qui vous parle est également solidaire au niveau du cabinet, est d'être le plus ouvert possible et de procéder à cette négociation, avec la plus grande sérénité possible, en étant conscients que nous devons viser ce double objetif d'assurer à ceux qui dépendent de l'Etat, dans les réseaux, au niveau de leurs conditions de travail, des conditions qui soient les plus adéquates possible, mais en même temps d'assurer un autre objectif qui est celui du fait que nous sommes là également pour protéger l'intérêt public, les fonds publics, et finalement, l'ensemble de la collectivité québécoise.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. le ministre. Il ne me reste plus qu'à mettre fin aux travaux de cette commission. Je remercie les membres participants de m'avoir facilité ma conciliation. Les travaux de cette commission sont ajournés sine die.

Fin de la séance à 12 h 21

Document(s) associé(s) à la séance