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Question avec débat
(Dix heures six minutes)
Le Président (M. Dussault): A l'ordre, messieurs.
Nous allons commencer les travaux de la commission parlementaire du
travail et de la main-d'oeuvre réunie, ce matin, pour discuter de la
question avec débat du député de Portneuf au ministre du
Travail et de la Main-d'Oeuvre sur le sujet suivant: Le non-respect des
engagements du gouvernement péquiste dans le domaine des relations de
travail.
Je vous rappelle que nous sommes régis par l'article 162a de
notre règlement, qui dit que, lorsqu'une commission élue est
saisie d'une question avec débat, elle est soumise aux règles
spéciales suivantes: Le député qui a donné l'avis
de la question avec débat a droit d'être entendu le premier, le
ministre questionné peut lui répondre immédiatement
après. Chacune de ces interventions doit être limitée
à 20 minutes. Un député peut prendre la parole aussi
souvent qu'il lui plaît à condition de ne parler plus de 20
minutes en tout.
Cette restriction ne s'applique pas au député qui a
donné l'avis de question avec débat, ni au ministre
questionné, lesquels ont un droit de parole
privilégié.
Le ministre peut se faire accompagner des fonctionnaires de son choix,
les autoriser à prendre la parole et ils parlent alors en leur nom.
La commission ne désigne pas de rapporteur. Il n'y a pas de
rapport à l'Assemblée. Le quorum est présumé
exister. L'absence de quorum ne peut être invoquée. Il ne peut y
avoir ni motion, ni vote.
A 13 heures ou lorsqu'il n'y a plus d'opinants, le président met
fin aux travaux de la commission.
Sont membres de cette commission: M. Belle-mare (Johnson), M. Bisaillon
(Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Forget (Saint-Laurent), M.
Gravel (Limoilou), M. Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois), M. Pagé
(Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud), M. Vaillancourt (Jonquière).
Pourraient aussi intervenir à cette commission M. Blank
(Saint-Louis), M. Brochu (Richmond), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Jolivet
(Laviolette), M. Laplante (Bourassa), M. Lefebvre (Viau), M. Pa-quette
(Rosemont), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson (Rouyn-Noranda).
M. Cordeau: Je remplace M. Brochu.
Le Président (M. Dussault): Et M. le député
de Saint-Hyacinthe remplacera M. le député Brochu, de Richmond.
Ceci dit, je donne la parole à M. le député de
Portneuf.
Exposé du sujet M. Michel Pagé
M. Pagé: Merci, M. le Président. Effectivement, on
a demandé que la question avec débat porte sur les engagements
que le gouvernement, le Parti québécois, a pris, non seulement
lors de la dernière campagne électorale, mais aussi pendant ces
années où il ne constituait peut-être pas l'Opposition
officielle, mais où il était ici à l'Assemblée
nationaje.
Si on s'en réfère de plus aux déclarations qui ont
suivi l'élection du 15 novembre 1976, à plusieurs reprises, le
gouvernement a démontré qu'il était tout au moins
préoccupé par toute cette question des relations de travail du
Québec, question qui, évidemment, a reçu l'attention des
gouvernements qui ont précédé celui du Parti
québécois, parce que c'est une question qui mérite
attention, c'est une question qui est en constante évolution, c'est une
question qui a des impacts non seulement sur l'économie du
Québec, mais sur notre climat social, notre climat politique et tout
cela. On se rappellera qu'un des chevaux de bataille du gouvernement du Parti
québécois, dans le cadre de la dernière campagne
électorale, était d'améliorer le climat et les lois des
relations de travail au Québec. On se rappellera combien cette
équipe a été sévère à l'égard
du précédent gouvernement à ce chapitre-là. On
avait promis beaucoup, mais, après bientôt deux ans de pouvoir du
Parti québécois, on constate qu'il n'y a quand même pas eu
beaucoup de choses de faites; même si le ministre pourra tout à
l'heure nous répliquer qu'il a fait beaucoup, l'interprétation
qu'on doit donner à la situation qui prévaut actuellement n'est
certes pas de nature à conclure que tout va pour le mieux dans le
meilleur des mondes.
Bien souvent, devant toute cette question du climat des relations de
travail ou de l'évolution de celles-ci, on est porté, à
juste titre je pense, à fonder nos jugements ou notre argumentation sur
des situations bien réelles en termes de conflits, en termes de
grèves, en terme de lock-out, en termes d'affrontements et tout cela. On
ne peut porter de jugement sur la réussite ou la non-réussite
d'une politique sans s'en référer obligatoirement aux
statistiques qui prévalent sur ce que je viens de dire et de citer.
M. le Président, je suis particulièrement inquiet et, ce
matin, je conviens que j'ai 20 minutes pour commencer, M. le ministre aura 20
minutes pour répondre. J'ai l'intention de baser mon argumentation, mes
questions, sur différents éléments; un premier
élément sera évidemment les engagements que le Parti
québécois avait pris, les déclarations que les membres du
gouvernement ont faites sur l'obligation que le gouvernement avait, a et aura,
quant à moi, M. le Président, de procéder à une
refonte complète des lois du travail au Québec. Le
deuxième élément sera de regarder ce à quoi,
spécifiquement, le Parti québécois s'est engagé
dans son programme qu'il a fait valoir à la population et qui a
été accepté par la population en septembre, octobre et
novembre 1976 et on se devra évidemment de regarder, point par point,
sujet par sujet, toute cette question des trop nombreux conflits qu'on a au
Québec actuel-
lement et qui, dans certains cas, durent depuis trop longtemps.
Si je veux y aller bien sommairement, M. le Président, je dois
vous dire qu'entre janvier et avril 1978, nous avions au Québec, 566 780
jours-homme perdus, soit en raison d'une grève ou d'un lock-out,
comparativement à 469 240, pour la même période, en 1977.
Le Conseil du patronat alléguait, dans un article de la Presse, il n'y a
pas longtemps, que pour la période de janvier à mai, on pouvait
faire une évaluation de 782 190 jours de travail perdus.
Evidemment, ce matin, je ne peux parler que d'un chiffre de 566 780,
parce que mes statistiques vont de janvier a avril. Il y a donc eu une
augmentation déjà très sensible en 1978, par rapport
à 1977 et ce, même si des lois comme la loi 45 ont
été adoptées et même si quelques lois ont
été présentées à l'assemblée et des
règlements modifiés ou amendés. Chose, je suis certain,
que le ministre pourra alléguer tantôt.
La seule diminution qu'on connaît pendant cette période,
c'est le nombre de travailleurs impliqués dans des conflits. Entre
janvier et avril 1977, on a eu 40 473 personnes qui ont été
impliquées dans des conflits, tandis qu'en 1978, c'était 700 de
moins, soit 39 703 personnes impliquées dans des conflits. Si on se
réfère aux tableaux et aux informations que nous fournit le
ministère du Travail régulièrement à ce
titre, je remercie le ministre du Travail de me faire parvenir copie de la
liste des grèves et des lock-out au Québec,
périodiquement, document qui est assez volumineux parce qu'il y en a
beaucoup on constate qu'il y a encore aujourd'hui, au Québec, des
conflits qui traînent depuis le 29 décembre 1976, depuis le 3
août 1977. Enfin, je ne voudrais pas en faire toute la nomenclature ici,
mais ce document est assez révélateur.
Je conviens qu'il faut le scruter bien attentivement. Je conviens que
même si ce document est disponible pour les parlementaires et pour la
presse je présume on y constate des choses assez
intéressantes. (10 h 15)
Je pourrai y revenir tantôt, particulièrement au chapitre
de la violence, où, entre autres, dans ce document, M. le
Président, aussi curieux que cela puisse paraître, aussi
surprenant que cela puisse être, les enquêteurs, les collaborateurs
du ministre, sont en mesure de lui indiquer qu'il y aura de la violence, qu'on
peut présumer de violence dans certains conflits. Attendez-vous, M. le
ministre, à ce qu'on vous questionne tout à l'heure
particulièrement sur ce que vous faites dans des cas comme
ceux-là, parce qu'il y en a plus d'un.
On constate aussi, M. le Président, qu'aussi curieusement que
cela puisse paraître, encore là, dans certains cas des demandes
ont été formulées au ministère du Travail, en vertu
de l'article 97d du Code du travail, qui prévoit et je pourrais
le citer au ministre la mesure antiscabs et sur demande, le ministre
peut dépêcher un enquêteur chargé de vérifier
si les articles 97a, 97b et 97c sont respectés. L'enquêteur peut
visiter les lieux de travail et se faire accompagner d'une personne
désignée par l'association accréditée, d'une
personne désignée par l'employeur, etc. En fait, 97d
prévoit les cas où une association accréditée, un
groupe de travailleurs, juge que même si l'entreprise est en
grève, la compagnie procède à l'engagement de scabs; somme
toute, l'opération est continuée, en dépit des
prévisions aux articles 97a, 97b et 97c, qu'on verra tout à
l'heure.
Et je me demande pourquoi des demandes ont été
formulées au ministre du Travail, des enquêteurs ont
été désignés et, dans certains cas, le temps que le
ministre du Travail a pris entre la requête présentée en
vertu de l'article 97d et la désignation d'un enquêteur, ce temps
a impliqué un délai qui est inacceptable, selon moi.
On pourra évidemment aborder toute la question de la violence
dans les conflits. On se rappellera qu'encore là, cela a
été l'un des arguments piliers du Parti québécois
dans le cadre de la dernière campagne électorale, pour faire
ressortir que, somme toute, le gouvernement ne remplissait pas la
responsabilité qu'il avait, à ce moment-là, d'assurer au
Québec un climat social de paix, un climat social serein.
M. le Président, encore cette semaine, j'ai eu l'occasion de
poser des questions ici, à l'Assemblée nationale. Vous avez
été à même de connaître la réponse.
Probablement que vous vous rappelez celle du ministre de la Justice, à
l'effet qu'il faisait bien ce qu'il pouvait. Mais, M. le Président, on
constate qu'il y a encore de la violence au Québec. On n'a qu'à
regarder ce qui s'est passé dans le cas de la Commonwealth Plywood pour
voir que ce ne sont pas des choses lancées en l'air par des
parlementaires que de dire qu'il y a malheureusement de la violence dans
certains conflits.
On a, évidemment, des situations qui nous permettent de conclure
que, nécessairement, des législations, une nouvelle approche, une
réévaluation de nos lois ouvrières deviendraient
nécessaires. On n'a qu'à regarder le cul-de-sac juridique dans
lequel tout le monde se retrouve dans le cas de la Commonwealth Plywood. On y
perçoit bien facilement que c'est définitivement un cul-de-sac et
que l'échappatoire ou la solution est difficilement envisageable.
D'ailleurs, le ministre a avoué son impuissance dans ce conflit en
convoquant une commission parlementaire. C'était bien urgent à
l'époque. On se rappelle que cela a été convoqué
pour le 26 septembre. On se rappelle de plus qu'on a siégé quatre
ou cinq séances depuis, que cela a été ajourné sine
die, qu'on pourra possiblement siéger dans une quinzaine de jours, mais
tout cela...
M. Johnson: A cause de l'absence de M. Caine.
M. Pagé: Oui, dans un cas et, dans d'autres cas...
M. Johnson: II est à l'extérieur du pays.
M. Pagé: Oui, il est à l'extérieur du pays,
cela, c'est pour cette semaine...
M. Johnson: C'est cela, c'est pour cela qu'on ne pourra pas
siéger avant le 3 novembre.
M. Pagé: La dernière fois qu'on a
siégé, c'était, si ma mémoire est fidèle,
vers le 15 octobre, le 10 octobre ou le 15 octobre...
Une Voix: II est parti la semaine dernière.
M. Pagé: ... mais on a quand même commencé
les travaux de cette commission le 26 septembre. On est obligé de
convoquer des commissions parlementaires pour tenter de dégager un
couloir, si couloir il y a, de solutions à des conflits ouvriers au
Québec.
Tout cela, M. le Président, nous démontre je serai
en mesure de vous le démontrer tout à l'heure qu'on a
l'obligation... que le gouvernement, je crois, misait juste et visait juste,
lorsqu'il déclarait qu'on est devant une situation où il n'y a
pas de choix possible, où la seule possibilité, c'est que le
gouvernement procède à une refonte complète de nos lois
ouvrières. Cela a été énoncé à
quelques reprises et cela semblait évoquer des ambitions tout à
fait audacieuses, lorsque cela l'a été, mais on constate que les
réalisations sont quand même modestes et souvent boiteuses.
Vous savez, ce gouvernement a l'art, a la facilité de
déclarer de grandes choses et de faire moins. Il a aussi la
facilité, on le constatera, de se contredire à l'occasion.
Qu'on se rappelle, M. le Président, qu'on prenne les
déclarations du ministre ou des ministres du Travail et du premier
ministre sur toute cette question de la refonte et de la réforme de nos
lois ouvrières. Le précédent ministre du Travail, M.
Couture, déclarait, entre autres, le 15 février 1977, dans un
article de la Presse, le mardi 15 février, à quelques jours,
quelques mois de la prise du pouvoir et celui-ci semblait en être
conscient à ce moment-là que la seule issue possible
à une amélioration sensible de nos relations de travail et des
conflits que cela peut engendrer, c'était de procéder à
une réforme des lois ouvrières. Je vais citer au texte M. Couture
qui disait: "Ainsi, le gouvernement a l'intention de modifier
sérieusement le Code du travail. Ainsi, à court terme, on
amendera le Code du travail et, à long terme, on le réformera.
Pour moi, une réforme du Code du travail, ce n'est pas seulement un
projet de loi comme le projet de loi 45".
Dans le discours inaugural de 1977, c'était la même chose,
c'était repris par le premier ministre. On se rappellera qu'à ce
moment, le gouvernement, comme je vous disais tantôt, semblait être
non seulement conscient, mais semblait avoir fait son lit sur cette question.
Le premier ministre disait dans son discours: Évidemment, il va falloir
aller bien plus loin. Il faudra sans doute, d'ici quelque temps, effectuer de
profonds changements dans le Code du travail. Ce n'est pas d'hier qu'on en
ressent le besoin, de toute façon, puis- qu'on a même
annoncé à diverses reprises quelque chose comme une
révision ou une refonte qui n'est pas venue. Avant d'en faire autant, on
comprendra que, la leçon ayant porté fruit, le gouvernement
actuel tienne d'abord à être sûr de son fait et à
procéder à toute la consultation nécessaire.
Évidemment, cette idée de procéder à une
réforme complète de nos lois a fait son chemin. Cela a d'ailleurs
été un des éléments de discussion au somment
économique que le gouvernement a tenu avec les différents agents
économiques en mai 1977 dans le comté de Charlevoix. Qu'on se
réfère au Devoir du 27 mai 1977 où, sous la signature de
M. Jean-Claude Picard, il était clairement indiqué: "Le premier
ministre, René Lévesque, a annoncé hier aux participants
au sommet économique de Charlevoix l'intention ferme de son gouvernement
de modifier en profondeur le Code du travail".
Je pourrais revenir avec d'autres déclarations, entre autres,
celle que M. Couture a faite lors de l'étude des crédits du
ministère du Travail, au printemps 1977, où celui-ci, encore,
énonçait clairement, non seulement la possibilité, mais
l'intention que le gouvernement avait de procéder à une
réforme complète. D'ailleurs, on pourra y revenir tantôt
sur des questions spécifiques.
Le ministre du Travail actuel s'est senti obligé de donner suite
à ces intentions exprimées, en demandant à M. Thibodeau,
des Hautes Études Commerciales, d'analyser et de voir les
possibilités qui s'offraient et la façon dont pourrait être
tenue une vaste consultation avant d'en arriver à une réforme
complète de nos lois ouvrières. D'ailleurs, le ministre actuel du
Travail, le député d'Anjou, a eu des déclarations qui
étaient parfois contradictoires sur le sujet. Je l'invite à
répondre, tout au moins à nous donner un peu de lumière
sur ces déclarations dans sa réplique de tout à
l'heure.
Dans la Presse du 27 mai 1978, le ministre du Travail, lors de
l'étude du projet de loi 45, et particulièrement dans le journal
des Débats du 8 novembre 1977 nous disait que c'était oui
à une commission d'enquête. "Etant donné qu'il s'agit d'un
voeu" c'est le ministre et député d'Anjou qui parle
"et qu'il y a d'ailleurs des précédents au niveau des commissions
lors de cette session, je prends bonne note du voeu. Je me ferai un plaisir,
dans les semaines qui viennent, de faire une déclaration substantielle
sur les mécanismes, sur l'opportunité, le contenu et
l'échéancier d'une étude en profondeur de l'ensemble des
relations de travail au Québec".
C'est nul autre, M. le Président, que le ministre du Travail
actuel qui parle, celui-ci qui nous dira un peu plus tard qu'il n'a jamais
été question dans son esprit, quant à lui, d'une
réforme complète des lois ouvrières. C'était
clairement indiqué dans le journal des Débats du 8 novembre
1977.
Dans la Presse du 27 mai, "tandis que Johnson promet une commission
d'enquête", encore là, sous la signature de M. Pierre Vennat, on
rapporte la déclaration du ministre et la désigna-
tion de M. André Thibodeau des Hautes Etudes Commerciales afin de
sonder les parties pour voir quelles sont les réformes
législatives majeures souhaitées par celles-ci et avoir
déjà reçu un rapport préliminaire de celui-ci. Le
ministre a ajouté attendre le rapport final de M. Thibodeau avant de
soumettre le problème à ses collègues du Conseil des
ministres. Ce qui est certain, toutefois, c'est qu'il y a une commission avec
mandat de réviser globalement les lois du travail au Québec. Ce
ne sera pas... précisé dans le mandat, une raison pour le
gouvernement de rester inactif.
M. le Président, ceci démontre, je pense, assez clairement
que le gouvernement avait fait son lit. Cependant, un peu plus tard, une fois
que ces déclarations ont été formulées soit par le
ministre du Travail actuel, soit par le précédent ministre, soit
par le premier ministre, le ministre a semblé changer son optique.
Parlant non pas d'une commission d'enquête, parlant non pas d'une seconde
commission Parent qui viendrait étudier toute la question, le ministre,
une fois que M. Thibodeau lui aura rendu son rapport, pourra revenir sur ce
rapport et nous donner des éclaircissements c'est ce que
j'espère le ministre a semblé vouloir nous dire il
pourra infirmer ce que j'avance ou le confirmer vous savez, M. Thibodeau
a sondé le terrain, M. Thibodeau a analysé cette
possibilité, il a consulté les parties et, face à une
situation où il n'y avait pas un consensus, comme ministre du Travail,
je pense qu'il n'est pas opportun de commander une commission d'enquête,
ni une réforme globale et profonde du Code du travail, mais on va
créer des petits comités d'étude.
C'est donc à dire, M. le Président, que même si un
gouvernement est conscient ça, c'est grave d'une situation
qui est telle qu'il se doit d'agir dans une approche de réforme globale,
le gouvernement se refuse de le faire parce que même la question de
commander l'étude ne fait pas l'affaire et ne reçoit pas un
consensus général des parties en présence. Cela veut donc
dire, M. le Président, qu'un gouvernement recule même avant
d'avoir énoncé ce qu'il entendait faire pour procéder
à sa réforme globale.
On peut présumer et c'est une des premières
questions que je me suis posées en voyant tout cela, parce que
même si le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre revient souvent en
disant qu'il n'y a que quelques jours que je suis au ministère du
Travail, du côté de l'Opposition officielle, qu'il ne soit pas
inquiet on le suit à la lettre et on fait notre boulot. Il sera à
même de le voir d'ici quelques semaines ou quelques mois.
Je me suis demandé comment le gouvernement peut-il reculer sur
des engagements et non seulement sur des engagements, mais sur l'obligation
qu'il a, parce que l'obligation de procéder à la réforme
de nos lois ouvrières est là. Cela ne va pas bien au
Québec.
Le 20 octobre dernier, on vait 8031 personnes qui étaient en
grève ou en lock-out au Québec. C'est du monde à la messe,
sans oublier et le 20 octobre dernier, c'était il y a une semaine
les 1000 personnes qui ont déclenché la grève
à la
Donohue dans le comté de Charlevoix et qui viennent s'ajouter.
C'est environ 9000 personnes, au moment où on se parle aujourd'hui, qui
sont en grève au Québec et...
M. Johnson: ... 550 personnes...
M. Pagé:... 550 personnes, alors cela fait 8600 personnes
qui sont en grève ou en lock-out au Québec, actuellement. C'est
drôlement inquiétant. C'est non seulement un engagement que le
gouvernement avait formulé, mais c'est une obligation qu'il a, comme
gouvernement, de procéder à la réforme complète de
ses lois ouvrières.
D'une part, on a des conflits ouvriers. D'autre part, on a la violence
au Québec. De plus, même avec la loi 45, on se le rappellera, cela
devait régler tous les problèmes au Québec, cela devait
diminuer de façon très appréciable le nombre de conflits
ouvriers. On reviendra sur l'application concrète de la loi 45
tantôt, mais quand même, de façon générale, on
peut conclure et on le constate que cela ne va pas pour le mieux
dans le meilleur des mondes, même avec la loi 45 qui a été
adoptée.
On a de la violence. On a tout un autre secteur des relations de travail
où là non plus cela ne va pas pour le mieux dans le meilleur des
mondes, c'est particulièrement dans le secteur de lindus-trie de la
construction. J'ai eu l'occasion de présenter une motion de blâme
à l'Assemblée nationale et c'est vrai que cela ne va pas
bien.
Je serais curieux de voir le nombre de télégrammes, de
lettres ou d'appuis que le ministre a pu recevoir sur son règlement. Je
serais bien heureux de constater les appuis que j'ai pu recevoir sur la
position que l'Opposition officielle a défendue ici à
l'Assemblée nationale.
Or, ma première question est donc la suivante, parce que mon
temps fuit, évidemment: Comment le ministre peut-il nous expliquer le
recul de son gouvernement sur l'engagement qu'il a pris, par lui-même,
comme ministre, l'engagement qui a été pris par ses
collègues du Conseil des ministres, soit le député de
Saint-Henri, celui qui était ministre du Travail avant l'arrivée
du député d'Anjou, par le premier ministre au sommet
économique, suite aux représentations qui ont été
formulées par différents groupes au Québec, dont le
Conseil du patronat qui a demandé que le gouvernement se penche sur
cette question, que le gouvernement en vienne à une action, en termes de
consultation pour en arriver éventuellement à une réforme
de nos lois ouvrières, comment le ministre peut-il expliquer, dis-je, un
recul aussi évident et une démobilisation à ce chapitre?
(10 h 30)
C'est ma première question.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. le
député de Portneuf. M. le ministre.
Réponse du ministre
M. Johnson: C'est un vaste sujet, M. le Président. Comme
le député de Portneuf a pris un peu
plus que son temps, comme nous ne sommes pas trop nombreux quand
même, ce matin...
Une Voix: Cela prend deux minutes.
M. Johnson: De toute façon, on aura l'occasion
d'échanger jusqu'à 12 heures, 12 h 30, je présume...
Je voudrais reprendre peut-être les longs préambules qui
ont précédé la courte question de l'Opposition, en ce qui
a trait aux statistiques, aux engagements du gouvernement et du parti, qui
forme ce gouvernement, et finalement à certaines choses qui ont
été faites au ministère. D'abord, disons, au sujet des
statistiques, au départ, que c'est un instrument, c'est vrai, qui est
sans doute le meilleur des instruments possibles, même s'il est
imparfait, pour juger du climat des relations de travail, ou pour juger du
résultat, et je suis d'accord avec le député de Portneuf,
il faudrait regarder les statistiques et c'est ce qu'on va faire ensemble
pendant quelques minutes.
Il y a deux choses. Il y a d'abord ce qui se passe depuis à peu
près dix ou douze ans au Québec en matière de relations de
travail et ce qui s'est passé spécifiquement depuis deux ans.
Deuxièmement, il y a la comparaison classique qu'on établit entre
le Québec et l'Ontario. Je voudrais revenir, en me servant des chiffres
publiés par notre ministère, entre autres d'une étude qui
remonte à il y a un an, qui colligeait les données sur les
conflits de travail de 1966 à 1975, et j'y ajouterai les années
1976, 1977 et une partie de l'année 1978, évidemment, puisqu'on
ne l'a pas terminée.
On remarque que, de 1966 à 1975, il y a eu au Québec 18
468 660 jours-personne perdus, et, pour l'Ontario, 24 615 000 jours-personne
perdus. Et si on prend les années une après l'autre, les chiffres
sont les suivants, et je les arrondis pour les fins de la lecture: 1966, 1 900
000; 1967, 1 500 000; 1968, 1 003 000; 1969, 1 200 000. De 1966 à 1968,
je pense qu'on reconnaît là des chiffres qu'on va revoir tout
à l'heure, qu'on va pouvoir comparer avec des chiffres actuels. C'est
intéressant de remarquer, d'ailleurs, que c'est la période
où le leader de l'Union Nationale était ministre du Travail. En
1970, 1 400 000; en 1971, une des meilleures années du Québec,
c'est vrai, 603 000; et là on arrive, à partir de 1972, à
3 234 000; en 1973 à 1 604 000; en 1974 à 2 610 000; en 1975
à 3 254 000, et, en 1976, M. le Président, à 6 500 000.
C'est impressionnant, ces trois dernières années du régime
Bourassa que je cite. Qu'est-ce qu'on a vu en 1977? En 1977, 1 433 000.
Qu'est-ce qu'on voit en 1978, au moment où nous nous parlons? Les
statistiques qui nous amènent jusqu'au 1er octobre, c'est une
compilation, évidemment, qui n'est pas terminée, on est rendu
à 1 400 000 à peu près, ce qui devrait nous donner une
année, à moins de cataclysme imprévisible, d'à peu
près 1 700 000 au maximum, normalement? C'est quand même
remarquable de comparer des chiffres comme 1 400 000 en 1977, qu'on ne peut pas
présumer parfaitement, mais qui va être en deçà de
deux millions pour 1978, alors que, si je regarde les trois années
précédentes du régime Bourassa, on a des chiffres comme 3
200 000, 6 500 000 et 2 600 000. C'est quand même assez remarquable. Je
pense, M. le Président, qu'on peut affirmer, sans problème,
à l'aide des chiffres, qu'il y a eu une nette amélioration au
niveau des résultats que peuvent amener certains changements dans notre
société quant au climat des relations de travail.
C'est d'ailleurs ce que reconnaissait tout récemment le
vice-président exécutif de la Chambre de commerce du
Québec, M. Jean-Paul Létour-neau qui, lors d'un discours qu'il
prononçait devant la Chambre de commerce des jeunes, disait:
"Observé sous l'angle froidement statistique des jours-homme perdus
à cause des conflits de travail, le climat des relations de travail au
Québec s'est très considérablement amélioré
depuis deux ans. En effet, d'un record déplorable de plus de 6 500 000
jours-homme perdus en 1976, nous sommes passés à près de 1
500 000 jours-homme, soit 1 433 421 en 1977 et, à la fin de septembre
cette année, nous avions légèrement dépassé
1 400 000. Cependant, à moins de conflits majeurs d'ici la fin de
l'année, il faudra remonter à 1971, 603 000, pour observer une
année relativement aussi calme".
Premier élément. Et c'est, deuxièmement, une
déclaration qui a été reprise également à
peu près dans les mêmes termes par le président de la FTQ
et le vice-président, secrétaire général de la FTQ,
M. Daoust. Deuxièmement, les comparaisons avec l'Ontario. C'est un peu
classique, on dit toujours que ça va très mal au Québec.
Si on regarde un peu ces mêmes chiffres, on se rend compte que depuis
1966, au Québec, c'est le contraire de l'espèce de conviction
populaire que ça allait toujours plus mal au Québec en
matière de relations de travail, si on prend des constantes.
Evidemment, le taux de syndicalisation n'étant pas identique, le
nombre de personnes n'étant pas identique, il faut pondérer tout
ça. C'est pour ça qu'on a des calculs qui nous permettent, si on
veut, de normaliser ces comparaisons. On peut dire qu'en 1966, par exemple, les
chiffres étaient sensiblement équivalents entre l'Ontario et le
Québec, comme c'est le cas en 1967, mais à partir de 1968, 1969
et 1970, l'Ontario avait des grèves qui étaient de l'ordre de
deux à trois fois plus élevées et, dans certains cas,
quatre fois plus élevées que ce qu'on retrouvait au
Québec.
En 1970, et c'est assez remarquable, pour à peu près
toutes les années depuis 1970 jusqu'au 15 novembre 1976, le
Québec a connu des conflits en plus grand nombre qu'en Ontario. Cela
également, c'est remarquable. Ce qu'on voit depuis 1976, la fin de 1976,
c'est-à-dire l'année 1977 et l'année en cours, 1978, le
Québec retourne à cette normalité d'avoir des conflits de
travail qui sont à peu près du même ordre que ceux qu'on
retrouve en Ontario, les chiffres sont là pour le démontrer.
Alors que le coefficient, pour utiliser des expressions statistiques, du
pourcentage de temps-travail estimé perdu à cause des
grèves ou
des lock-out en Ontario était, en 1973, de 22, il était de
30 au Québec; de 33, en 1974, en Ontario, il était de 48 au
Québec; de 39 en Ontario, en 1975, de 57 au Québec. En 1976, les
chiffres sont à peu près du même ordre. En 1977-1978, on
renormalise avec à peu près des chiffres équivalents qui
sont autour du coefficient 20, 22, 24.
C'est quand même assez remarquable, M. le Président, sur le
plan statistique, qu'il y ait eu des changements aussi importants au
Québec. On peut se demander pourquoi. On peut reprendre cette discussion
que le premier ministre du Québec avait avec l'ancien premier ministre,
M. Bourassa, lors des débats assez cassés et ce que disait alors
M. René Lévesque, c'était que la première chose
à amender au Québec, c'était le climat avant d'amender les
lois. Je pense que le climat a été amendé depuis deux ans.
Les statistiques sont là pour le démontrer.
Deuxièmement, les engagements. Le programme du Parti
québécois, j'en suis. Ces engagements, nous les avons
respectés, M. le Président, et je pourrais simplement reprendre
brièvement ce programme qui a été présenté
aux électeurs du Québec en 1976, y ajouter deux
phénomènes qui ont été ajoutés, lors d'un
congrès du Parti québécois, depuis que nous avons pris le
pouvoir. Il y a 14 éléments, je vais seulement les
énumérer rapidement.
Reconnaissance du syndicalisme comme base de relations de travail: Oui,
M. le Président, quand on regarde la loi 45 avec l'accessibilité
à l'accréditation. Facilitation de la syndicalisation dans ce
contexte par l'accréditation multisectorielle: Non, nous n'en sommes pas
encore là. L'accréditation sans vote: Oui, à 50%.
L'accréditation avec vote, à 35%: Oui, dans la loi 45. La formule
Rand: Oui, dans la loi 45. La syndicalisation des cadres: C'est exact, nous
n'en sommes pas là. Les syndicats "contrôlés",
c'est-à-dire les syndicats dominés: Oui, les amendes au Code du
travail sont importantes. Les statuts du syndicat, oui, partiellement, à
cause du vote secret dans le cas de l'élection d'un dirigeant et dans le
cas d'une grève ou de l'approbation d'une convention collective.
Le respect de la démocratie syndicale, oui, encore une fois, avec
les dispositions sur le vote secret ainsi que les dispositions obligeant le
syndicat à ne pas agir de façon discriminatoire envers les
salariés.
Protection de certains droits à l'accréditation, non, nous
n'en sommes pas là.
Négociations sectorielles que j'ai mentionnées, non.
Collaboration et consultation, oui, M. le Président, notre
participation au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, non
seulement la participation de ceux qui sont prévus à la loi, mais
également la participation du sous-ministre et du ministre du Travail
à l'ensemble de ces réunions; le centre des données, les
sommets économiques, les mini-sommets.
Démocratie industrielle, oui, M. le Président,
partiellement, avec la recherche, à travers d'autres instruments que le
ministère du Travail, pour favoriser des expériences un peu
remarquables au niveau de la gestion, de la cogestion ou de ceux qui tentent,
dans certains secteurs, d'essayer des nouvelles formes de participation des
travailleurs.
Dispositions antibriseurs de grève, oui, M. le Président.
Les injonctions, ça s'en vient, M. le Président. C'est en cours,
c'est à l'étude. J'en ai parlé récemment.
Le vote secret, j'en ai parlé. Effectivement, c'est introduit
dans la loi 45.
Donc, au niveau des engagements du programme du Parti
québécois, on peut dire, si on peut quantifier de telles choses,
qu'à peu près 75% des dispositions du programme de 1973 du Parti
québécois sont contenues en ce moment dans nos lois, au moment
où nous nous parlons, sans parler de la santé et de la
sécurité, ce livre blanc qui a été
déposé et qui donnera lieu bientôt à des projets de
loi devant l'Assemblée nationale, un projet dont on parle dans les
gouvernements du Québec, depuis dix ans, M. le Président.
Et enfin, ce gouvernement, après 18 mois de travail, a
déposé un livre blanc et il sera prêt d'ici quelque temps
à déposer des projets de loi en matière de santé et
de sécurité des travailleurs.
D'autre part, M. le Président, nous aurons, d'ici le mois de
décembre, à déposer le projet sur les conditions minimales
qui était, c'est vrai, un engagement du premier ministre au sommet de La
Malbaie et, d'autre part, qui a été repris dans les deux derniers
discours inauguraux du Parlement. Il s'agit d'un domaine complexe où il
faut essayer de concilier le fait que nous croyons qu'une des façons
pour les salariés, au Québec, de prendre en main le plus possible
leur vie et de contrôler le plus leur existence, c'est par la voie du
syndicalisme. Cependant, ce n'est pas une excuse pour négliger ceux qui
n'ont pas accès au syndicalisme ou ceux qui ne désirent pas y
avoir accès, dans certains cas. Dans ce cadre, nous déposerons le
projet sur les conditions minimales, M. le Président.
On nous a parlé également de cette question de la
réforme en profondeur des lois du travail au Québec. Il est vrai
que j'ai évoqué à plusieurs reprises, au moment de ma
nomination, cette possibilité d'une commission qui verrait à
regarder l'ensemble des questions qui touchent les relations de travail. C'est
pour cela, effectivement, comme l'a reconnu l'Opposition libérale, que
j'ai nommé le professeur André Thibodeau en lui donnant comme
mission d'explorer ce que pourrait être le mandat, qui pourrait former
une telle commission, quels seraient ses objets, quels seraient ses
échéanciers, quel type de participation nous pourrions nous
attendre de la part des instances patronales comme syndicales.
M. Thibodeau m'a remis la semaine dernière son rapport final que
je me ferai un plaisir de déposer devant la Chambre la semaine
prochaine. Que nous dit-il, ce rapport, en gros? Il nous dit que, d'une part,
il est vrai qu'en particulier du côté des syndicats, il n'y a pas
un appui spontané à cette idée, les syndicats invoquant
que ce serait peut-être l'occasion de retarder certaines
réformes
et de paralyser, finalement, les agissements que le gouvernement du
Québec serait tenté d'avoir.
Il nous dit, le professeur Thibodeau, qui est un homme d'une vaste
expérience dans le monde des relations de travail au Québec et
qui, comme on le sait, est maintenant membre du conseil d'administration de
l'Hydro-Québec, qu'il faut que les Québécois commencent
à digérer le train législatif considérable que le
Québec a mis en branle dans le secteur des relations de travail, depuis
le 15 novembre 1976. C'est ce qu'il nous dit dans son rapport et je suis
d'accord avec lui. Je pense que les réformes importantes que nous avons
apportées, par la loi 45, aux relations de travail au Québec, ont
besoin d'être partiellement digérées.
Ceci dit et je suis d'accord également avec ce que nous
dit le rapport Thibodeau que j'aurai l'occasion de déposer la semaine
prochaine en Chambre ce n'est pas une raison pour que certaines actions
ne puissent pas se prendre et qu'on ne puisse pas, dans certains cas, par des
formules plus légères, plus efficaces, parvenir à de la
consultation dans certains secteurs, pour apporter des changements. (10 h
45)
Parmi ces exemples, je pourrais en donner qui ont déjà eu
lieu, des mandats qui ont été donnés, depuis que nous
sommes au gouvernement et, dans certains cas, des comités qui ont
déjà fait rapport et qui ont donné lieu à des
actions législatives. Je vais en énumérer quelques-uns: La
commission Martin-Bouchard, par exemple, dans le domaine des relations de
travail dans le secteur public et parapublic. La commission a été
formée, elle a fait son rapport et le gouvernement a fait adopter deux
lois par ce Parlement, les lois 55 et 59, qui visent essentiellement à
établir quels seront les règles du jeu, le cadre de la
négociation, les échéanciers et la participation, entre
autres, de comités spéciaux en matière de services
essentiels et sur le déroulement des négociations dans le secteur
public et parapublic.
Voilà un exemple, M. le Président, d'un comité qui,
sans être une commission royale d'enquête, avec ce que cela
implique de façon générale en termes de délais,
nous a permis quand même, comme gouvernement, d'agir dans ce secteur.
Deuxièmement, le comité Hébert, dans le secteur de
la construction qui est un secteur d'ailleurs dont j'aimerais pouvoir parler un
peu plus longuement tout à l'heure, au moment où j'aurai droit
à la réplique de l'Opposition, le comité Hébert qui
m'a remis son rapport dans le courant de l'été, qui avait
été mandaté, en 1977, sur la Loi des relations de travail
dans l'industrie de la construction. Nous avons déjà
adopté certaines dispositions modifiant la Loi de l'industrie de la
construction, la loi 43, sur le scrutin, etc. Certaines de ces dispositions
vont, je le sais, à l'encontre des recommandations du comité
Hébert. J'ai exprimé, au moment de la commission, mon
désaccord avec certaines de ces propositions du comité
Hébert qui, d'ailleurs, ne faisaient pas l'objet de recommandations
unanimes de ce comité.
Par contre, j'ai également demandé, toujours dans le cas
de la construction, à l'Association des entrepreneurs en construction du
Québec, l'AECQ, de faire en sorte que les six associations qui sont des
associations représentatives des milieux patronaux dans le secteur de la
construction, soient présentes dans les mécanismes et dans les
organismes de décision de l'AECQ. En ce moment, il y a des
difficultés de ce côté, l'AECQ a refusé de l'inclure
dans ses statuts et nous devrons sans doute passer par voie législative,
d'ici la fin du mois, pour faire en sorte que cette partie des recommandations
du rapport Hébert, cette partie d'ailleurs unanime du rapport
Hébert, soit mise en vigueur, si l'association décide de ne pas
le faire elle-même.
Dans d'autres secteurs, M. le Président, nous avons fait
évaluer toute la question des décrets, c'est-à-dire ce
qu'on appelle les normes du travail dans l'organigramme du ministère.
Nous avons eu l'occasion d'abolir deux décrets, d'en modifier une
quantité considérable sur les 53 qui existent. Nous avons eu
l'occasion de réévaluer la notion de prépondérance
dans certains secteurs des décrets et les travaux se continuent dans ces
secteurs, en même temps que des réformes très
concrètes se font. J'ai également confié au professeur
Jean Sexton, entre autres, le mandat, il y a quelques mois, de regarder toute
la question des licenciements collectifs, des fermetures d'usines, etc. Son
rapport sera discuté éventuellement au fur et à mesure des
mois.
Il en est de même pour l'injonction que j'ai évoquée
tout à l'heure.
Brièvement, M. le Président, vous me permettrez de faire
un petit bilan législatif de ce que ce gouvernement a fait: La Loi
évidemment modifiant le Code du travail, je parle ici de la loi 45, la
Loi d'organisation des parties patronale et syndicale dans le secteur public et
parapublic, la Loi modifiant le Code du travail pour ce qui a trait au secteur
public et parapublic, des lois de nature plus technique, mais de lois qui
étaient désuètes, qui remontaient aux années
trente, dans certains cas, entre autres, sur les mécaniciens de
machinerie fixe, les installations en électricité et les
mécaniciens en tuyauterie, trois lois que nous avons fait adopter par le
Parlement récemment. Il en est de même également, avec une
loi qui a modifié...
M. Pagé: M. le Président... M. Johnson:
Pardon?
M. Pagé:... est-ce que vous me permettez une petite
question concernant la Loi sur les mécaniciens de machinerie fixe? A
quel moment peut-on attendre les règlements?
M. Johnson: Les règlements devraient normalement...
M. Pagé: La loi a été adoptée le
17...
M. Johnson:... être faits d'ici un ou deux mois environ.
Les pourparlers, en ce moment, sont en cours entre mon ministère et les
principaux intéressés dans le secteur des machineries fixes,
l'industrie comme les syndicats d'ailleurs, de la même façon que
nous avions procédé à ce moment-là à une
première consultation avant de faire les amendements à la
loi.
D'autres secteurs, M. le Président. Il y a évidemment
cette Loi modifiant la Loi des victimes d'amiantose et de silicose et
permettant de donner une juridiction précise au Tribunal des affaires
sociales ou à la Commission des affaires sociales en matière
d'appel des décisions de la Commission des accidents du travail, ce qui
était une chose qui aurait dû être faite bien avant.
Evidemment, les modifications dans le secteur de la construction, au
décret lui-même, la commission parlementaire dont on se
souviendra; d'autres modifications qui ont été faites au
décret par la suite; l'adoption du règlement de placement
évidemment; la Loi sur les relations dans l'industrie de la
construction, la loi 52 dont j'ai parlé tout à l'heure; les
amendements au règlement de placement; la Loi des tutelles. Non
seulement nous avons modifié la loi, mais nous avons modifié ces
tutelles et je pense qu'on est à même, depuis quelques mois, de
constater qu'il y a eu des changements importants dans certains syndicats qui
avaient été mis sous tutelle et que l'ordre y est revenu, pour
une bonne partie, dans certains secteurs, ou il est en voie de revenir dans
d'autres.
Finalement, nous avons également adopté par la Commission
du salaire minimum cet engagement à l'indexation ou à un
rattrapage au niveau du pouvoir d'achat de ceux qui tombent sous la juridiction
de la Commission du salaire minimum. Il est vrai que la dernière
augmentation est une indexation de l'ordre de 6%, et non pas une indexation au
niveau des prix de consommation. Nous avons été inspirés
dans cette décision, où nous avons tranché
carrément la poire en deux, comme l'a dit le premier ministre, entre les
impératifs économiques et les conséquences possibles, mais
encore difficiles à analyser, malgré les efforts du professeur
Fortin, et entre les effets économiques pouvant amener, possiblement,
par des transferts technologiques, du chômage; d'autre part, la
nécessité pour des salariés au salaire minimun de
continuer d'avoir un niveau de vie qui soit au moins à peu près
identifque à celui qu'ils avaient avant une poussée
inflationniste.
Nous avons également adopté la Loi sur la fête
nationale, la Loi modifiant la Loi du salaire minimum, qui
précède cette grande loi prochaine sur les conditions minimales,
protégeant les salariés dans leurs droits, avec
possibilité d'être réinstallés s'ils se plaignent du
non-respect d'une ordonnance auprès de la commission.
M. le Président, nous avons également pris une
série de mesures sur le plan administratif. Est-ce que j'ai encore deux
minutes?
Le Président (M. Dussault): Je vais vous accorder les deux
minutes en plus, comme je les avais données à M. le
député de Portneuf.
M. Johnson: D'accord. J'inviterais peut-être plutôt
l'Opposition, ceux qui sont intéressés, à consulter ce
document que nous avons produit pour la commission, ce matin, dans lequel nous
résumons une série d'éléments qui touchent, entre
autres, certaines mesures administratives que nous avons prises. Je pense
à la notion de dépolitisation des conflits, de la
non-intervention du ministre dans les conflits de travail. Je pense que cela a
produit ses effets. Je pense que l'engagement de nouveaux conciliateurs que
nous sommes en train de faire, et dans certains cas, ce qui a été
fait, est également un signe de la capacité de ce
ministère, d'être au service des parties, et de donner des
chiffres comme ceux que j'ai cités tout à l'heure, où, en
fait, on a réduit le nombre de jours-personne perdus au Québec
d'à peu près par trois, et dans certains cas, par deux, si on les
compare aux trois années qui précèdent le régime
Bourassa. Évidemment, la commission parlementaire sur la Commonwealth
Plywood celle sur le Soleil a quand même donné des
résultats a peut-être permis à l'ensemble des
intéressés au Parlement, aux députés, et
également au public de se rendre compte du type de situation
particulière qu'on y rencontrait.
Finalement, nous avons revalorisé le Conseil consultatif du
travail et de la main-d'oeuvre, où sont présents, comme on le
sait, le Conseil du patronat, ainsi que la FTQ et la CSN qui ont des membres
qui siègent, en principe, à titre personnel, et qui nous ont
permis, chaque fois que nous avions un projet de loi, de les consulter, parfois
rapidement, parce que les impératifs de la loi nous l'imposent, mais de
façon systématique, j'en suis assuré.
M. le Président, j'aurai sûrement l'occasion, après
la réplique de l'Opposition, de revenir sur certaines choses, entre
autres, sur la violence dont on me parlait tout à l'heure, et sur
d'autres choses qui ont trait, non seulement au bilan, mais aux perspectives
que nous envisageons dans ce domaine.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. le ministre. M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, mon collègue de
Saint-Hyacinthe m'avait demandé la permission de parler quelques
minutes. Alors, on va le laisser parler.
Le Président (M. Dussault): D'accord.
M. Pagé: Je reviendrai avec plaisir par la suite.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
Autres interventions M. Fabien Cordeau
M. Cordeau: M. le Président, ce matin, nous sommes ici
pour un débat concernant le non-respect des engagements du gouvernement
pé-
quiste dans le domaine des relations de travail. Au début de mes
remarques, je tiens à excuser l'absence de notre leader parlementaire et
porte-parole officiel de l'Union Nationale à cette commission permanente
du travail et de la main-d'oeuvre. Un engagement antérieur le retient
actuellement à Montréal. Soyez assuré qu'il se serait fait
un plaisir de participer à cette commission et d'interroger à son
tour le ministre du Travail. Peut-être que le ministre du Travail
regrette son absence ce matin, mais ce n'est que partie remise de la part du
député de Johnson, car il m'a assuré qu'il aura des
questions à poser au ministre un peu plus tard.
Cela dit, à plusieurs reprises, M. le ministre, vous avez
affirmé à l'Assemblée nationale votre désir d'une
refonte complète des lois électorales. Je ne veux pas, ce matin,
vous lire les déclarations que vous avez faites le 23 août 1977
et, également, le 8 novembre suivant à l'appui de cette demande.
Par contre, vos options ont cheminé et vous avez demandé à
M. André Thibodeau de faire une étude par après, laquelle,
vous nous l'avez promis, sera déposée en Chambre la semaine
prochaine.
A la suite de l'étude, probablement préliminaire, que M.
Thibodeau vous a remise, vous avez déclaré qu'au lieu d'une
refonte complète des lois, vous procéderiez par des
comités d'étude concernant différents sujets ou
différents points pour l'amélioration des lois du travail. Je
crois aussi que, tantôt, vous avez fait allusion à ces
comités. Je voudrais vous poser quelques questions plus
spécifiques.
En vue de la réalisation de vos objectifs, quels sont les
comités qui ont été formés, les buts visés
par chacun d'eux? Est-ce que des comités vous ont déjà
fait parvenir des rapports?
Dernièrement, devant la Chambre de commerce de Montréal,
vous avez déclaré que vous étiez à la recherche
d'un instrument plus adéquat que l'injonction. Tantôt aussi, vous
avez fait allusion à l'injonction, mais j'aimerais que, ce matin, vous
nous explicitiez votre pensée concernant ce sujet bien spécifique
et que vous nous fassiez part des points de vue du gouvernement.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. le député de Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Est-ce que le député de Portneuf me
permet?
M. Pagé: Oui, pas de problème. M. Guy
Chevrette
M. Chevrette: Je serai très bref. Je voudrais
développer ce que le ministre a donné comme bilan, ce qui
m'apparaît un bilan enviable. Plusieurs ministres du Travail
antérieurs auraient été heureux de se retirer après
quatre, cinq ou six ans avec un bilan aussi mirobolant après à
peine deux ans de pouvoir.
M. Pagé: Mirobolant!
M. Chevrette: Certainement! Cela vous fait peut-être rire,
mais je connais un paquet de ministres qui sont passés...
M. Pagé: Mirobolant!
M. Chevrette: ... sous le régime Bourassa qui seraient
heureux d'avoir un bilan aussi positif...
M. Pagé: 8600 jours de grève aujourd'hui.
M. Chevrette: A comparer à six millions, c'est pas mal
comparable...
M. Pagé: Je parle d'une journée. On s'en reparlera
tantôt.
M. Chevrette: II y a deux choses que je voudrais souligner, moi.
C'est la question du programme et la question des attitudes qui ont
été effleurées par le ministre, mais qui demandent
peut-être un peu plus d'explications.
Le programme du parti, contrairement à plusieurs partis
politiques où ce programme est conçu dans un motel l'avant-veille
d'une élection, c'est un programme qui est discuté par des
milliers de militants, discuté en congrès, vérifié
régulièrement et appliqué déjà à 75%.
Cela, c'est passablement intéressant à regarder de près,
et les grandes lignes du programme sont appliquées. Il reste des points
à appliquer, mais ces points-là sont déjà à
l'étude, comme le disait le ministre du Travail tantôt. Mais je
retiens, moi, que ce qu'il y a de plus important, ce n'est pas l'affaire d'un
bonhomme qui s'en vient leurrer la population à la veille d'une campagne
électorale. C'est un programme qui était connu, dont les deux
principaux éléments qui ont toujours fait l'objet d'une
très grande discussion, à savoir la loi anti-briseurs de
grèves et la formule Rand, ont fait l'objet de discussions à
chaque congrès du Parti québécois et qui,
déjà, sont introduits dans la législation
québécoise, donc, une cohérence complète de la part
de notre gouvernement face à nos grands engagements ou aux grandes
lignes de notre programme.
La deuxième chose que je voudrais souligner, c'est la question
des attitudes. Trop longtemps dans le passé, et je suis bien
placé pour en parler parce que j'ai vécu ça pendant 16 ou
17 ans avant d'être au Parlement, la question des attitudes a toujours
été un élément déterminant dans les
relations de travail.
On a malheureusement assisté, dans le passé, à une
détérioration complète du climat des relations de travail,
précisément à cause de l'attitude des hommes politiques
qui ont toujours cherché à provoquer les leaders syndicaux,
à provoquer des conflits pour, ensuite, passer pour des grands sauveurs
du peuple, soit en offrant des sommes mirobolantes en-dessous de la table,
comme on le dit si bien pour les fins de négociations, ou encore
en essayant de se montrer forts dans un déclin politique.
(11 heures)
C'est à cela qu'ont servi les relations de travail dans le
passé et en particulier sous le régime Bourassa où on a
connu une bonne douzaine de lois d'exception sans amendement concret au Code du
travail et, dès les premiers balbutiements du gouvernement actuel,
déjà on s'attaquait à des amendements en profondeur au
Code du travail par la voie de la loi 45 et puis on a réalisé
exactement les engagements qu'on avait pris là-dessus à
l'intérieur du programme du parti.
Donc, personnellement, je considère que les attitudes ont
joué aussi sur la diminution, si on regarde les statistiques. On n'a pas
vu de ministres du gouvernement actuel s'en aller braver, par les media
d'information, les leaders syndicaux, s'en aller,
délibérément, s'obstiner sur la place publique.
On a respecté les structures syndicales et les structures
patronales. Ce qu'on a essayé de jouer comme ministère du
Travail, et le ministre l'a joué à la perfection, cela a
été tout simplement un rôle de soutien et, par le fait
même, on a revalorisé considérablement toute
l'équipe de conciliateurs et de médiateurs du ministère,
ces gens qui étaient, à toutes fins utiles, acculés
à jouer un rôle purement de bonshommes qui convoquaient les
parties, point final. On attendait toujours la main ultime du ministre du
Traval parce qu'on avait des ministres pompiers et, aujourd'hui, ces
mêmes conciliateurs qui se sentaient diminués, qui se sentaient
dévalorisés réussissent à jouer un rôle
concret aux tables de conciliation parce que les parties savent, dès le
départ, qu'il n'est pas question que le ministre du Travail aille
s'asseoir entre les deux parties et joue le rôle du conciliateur ou le
rôle normalement dévolu au conciliateur et au
médiateur.
Cela a revalorisé l'équipe de conciliation et de
médiation et je peux vous dire une chose: les statistiques parlent par
elles-mêmes là-dessus et les syndiqués et les patrons vont
vous dire: C'est drôle, les conciliateurs sont meilleurs qu'avant; ils ne
se posent pas la question pour savoir pourquoi ils sont meilleurs qu'avant.
C'est fort simple. C'est parce qu'ils avaient pris cette fameuse habitude de
dire: La conciliation n'est qu'une procédure en vue d'en arriver au
droit de grève. C'était cela. Aujourd'hui, la conciliation,
surtout la conciliation volontaire, contribue véritablement à
diminuer la durée des conflits, à rapprocher les parties,
à faire en sorte que des solutions se trouvent au niveau où elles
doivent se trouver et non pas par l'imposition de la main du ministre du
Travail.
Personnellement, j'espère que les attitudes vont continuer ainsi
parce qu'on a une ronde de négociations importante et je prends ce qui
s'est passé. On va sûrement nous ramener l'histoire de la fonction
publique sur la table...
Quand le ministre Parizeau a décrit le contexte des
négociations pour établir les bases d'une politique salariale, il
est d'abord allé rencontrer les personnes impliquées pour leur
expliquer exacte- ment dans quel cadre si situeraient les offres, ce qui ne se
faisait pas avant. C'était le public en général et on
passait par-dessus les structures normales de négociation.
Le ministre s'est astreint à respecter les structures syndicales
et, aujourd'hui, les gens, les premiers intéressés le savent.
Deux points que je voulais souligner. Je pourrais en expliciter bien
d'autres, mais le ministre a fait un bilan qui parle par lui-même.
Je vous remercie.
M. Pagé: M. le Président...
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Portneuf.
Discussion générale
M. Pagé: C'est évidemment avec beaucoup d'attention
que j'ai écouté la réplique du ministre. D'une part, je
constate que celui-ci est beaucoup sur la défensive ce matin. Il nous a
donné un bilan. D'abord, j'ai apprécié la constatation que
le ministre a faite et la confirmation qu'il fait de ce que j'ai avancé
tout à l'heure, à savoir qu'environ seulement 50% des engagements
pris par le Parti québécois dans son programme ont
été respectés.
M. Johnson: Non, 75%. A peu près, si on peut le...
M. Pagé: Prenez le journal des Débats cet
après-midi. La transcription va sortir. Prenez les oui et les non face
aux engagements spécifiques que vous aviez pris dans votre programme et
vous regarderez cela.
M. Johnson: Bien, voyons donc!
M. Cordeau: On demande un conciliateur!
M. Pagé: II y a un autre aspect aussi. Le ministre s'est
senti obligé, ce matin, de nous donner un bilan dans lequel il a
introduit des éléments aussi incertains à ce moment-ci que
la législation qui résultera de la consultation qui est tenue
présentement à la suite du dépôt du livre blanc sur
la santé et la sécurité.
Le ministre nous a parlé de la loi sur les conditions minimales
de travail en alléguant que, entre autres pour le livre blanc et la loi
sur la santé et la sécurité des travailleurs au
Québec, cela faisait dix ans qu'on étudiait tout cela. Je tiens
quand même à dire au ministre, M. le Président, que s'il
n'y avait pas eu des études et particulièrement, dans les cinq
dernières années, des études approfondies de toute cette
question de la santé et de la sécurité, si on n'avait pas
eu ce délai qui était nécessaire à la confection ou
à une prise de position du gouvernement, le même gouvernement
n'aurait pas pu déposer le livre blanc cette semaine comme il l'a
fait.
M. le Président, je ne reprendrai pas, évidemment, les
commentaires du député de Joliette-
Montcalm, parce qu'ils vont dans le même sens que ceux du
ministre.
L'attitude du ministre est curieuse. Je la trouve non seulement
curieuse, mais je la trouve simpliste, tout à fait simpliste, de la part
d'un ministre du Travail, de la part d'un membre du gouvernement du Parti
québécois qui voulait tout réformer et qui voulait tout
régler au Québec. Je m'explique, M. le Président. Je
trouve cela aberrant qu'en réponse à une critique
justifiée que je pose ce matin, le ministre me réponde en me
disant: M. Pagé, ce n'est pas grave. Il n'y a pas de problème au
Québec. Vous savez, il y a seulement 1 300 000 jours-homme perdus
actuellement comparativement...
M. Johnson: Cinq fois moins, trois fois moins, deux fois
moins.
M. Pagé: C'est cela l'attitude qui n'est pas bonne, M. le
Président. Si vous voulez demander au ministre d'écouter, c'est
fausser le débat au départ. Ce n'est pas l'attitude qu'on est en
droit d'attendre d'un ministre du Travail qui est responsable. On aura environ
1400 000 ou 1500 000 jours-homme perdus au Québec en 1978. Ce n'est pas
grave parce qu'en Ontario on en a un peu plus et parce qu'avant 1976 il y en
avait plus, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il y a seulement
1 500 000 jours-homme qui vont se perdre. Avec tout ce qu'on peut
dégager de l'impact de ces jours perdus sur l'économie du
Québec, sur le climat social dans la satisfaction que le travailleur a
de travailler et de produire et d'avoir un revenu, 1 500 000 jours-homme, ce
n'est pas grave, ce n'est pas important parce qu'en Ontario on en a plus que
nous et parce qu'entre 1970 et 1976, il y a eu des années où
c'était plus élevé que ce qu'on connaît
actuellement.
M. le Président, je conviens que le ministre adopte un jugement
qui est peut-être un peu trop sévère à
l'égard de l'ancienne administration. Je conviens que l'ancienne
administration, il est possible, je conviens, dis-je, que cette
administration...
M. Chevrette: Vous étiez bien parti.
M. Pagé: Laissez-moi aller, je vous en prie.
M. Chevrette: Vous convenez que cela n'a pas été
fort. Vous avez bien raison.
M. Pagé: Je conviens que le gouvernement
précédent a peut-être manqué à l'obligation
qu'il avait de procéder à une réforme complète des
lois ouvrières et les chiffres sont là pour en parler et, de
toute façon, le précédent gouvernement a été
jugé, peut-être un peu trop sévèrement, selon moi,
mais il a été jugé. M. le Président, l'erreur dans
laquelle le précédent gouvernement et le piège dans lequel
il est tombé, le gouvernement du Parti québécois est en
train d'y tomber de la même façon en traitant la question des
conflits ouvriers au Québec en se référant strictement
à des comparaisons sur ce qui se passe à l'extérieur, sur
ce qui s'est passé dans d'autres années et sur ce qui se passe en
Ontario.
M. le Président, on a un problème au Québec, il ne
faut pas s'en cacher. Si le ministre du Travail et le Parti
québécois sont satisfaits de vivre avec des conflits ouvriers qui
impliquent, comme je l'ai cité tantôt, aujourd'hui il y a environ
8 600 personnes qui vont perdre leur journée au Québec en raison
d'une grève ou d'un lock-out, il y aura, à la fin de
l'année, environ 1 500 000 ou 1 600 000 personnes et cela, sans inclure
les conflits possibles dans les secteurs public et parapublic. Si le
gouvernement du Parti québécois se satisfait de ces
données, si le ministre du Travail et député d'Anjou se
satisfait de ces données et si cela peut constituer pour lui une
argumentation suffisante pour dire: Ecoutez, cela ne va pas si mal, c'est pire
dans d'autres provinces, c'est pire dans d'autres pays, somme toute, si le
gouvernement se satisfait de cela, tant pis pour lui, mais le gouvernement ne
remplit pas la responsabilité qu'il a, parce que quand, tantôt, M.
le Président, je parlais d'une réforme globale du Code du
travail, c'est que cela s'impose.
On a un Code du travail qui est désuet, même si des
modifications substantielles ont été apportées dans le
projet de loi 45. On a un Code du travail qui, de par sa rédaction,
incite les parties à un affrontement continuel. On a vu ce qui en est
dans le cas de la Commonwealth Plywood et on pourra traiter tantôt, parce
que j'ai bien l'intention de traiter de certains conflits en particulier. Le
Code du travail tel qu'il est édicté, tel qu'il est
rédigé, privilégie des situations d'affrontement entre les
parties, privilégie des situations aussi malheureuses que celles qu'on
connaît dans le cas de la Commonwealth Plywood.
C'est probablement dans cet esprit, M. le Président, que le Parti
québécois s'est engagé, avait songé à la
possibilité d'une table rase et d'une réforme complète. On
y aurait souscrit et on y aurait participé. C'est d'ailleurs dans cet
esprit que des représentants des milieux patronaux et ouvriers ont
appuyé le gouvernement dans cette volonté de procéder
à une réforme complète. La solution au problème des
relations de travail et des grèves, c'est une réforme
complète à notre Code du travail. C'est purement et simplement
l'élément qui nous permettra de dégager des modifications
à nos textes de loi, qui permettront éventuellement d'en arriver
à une diminution plus que sensible des jours-homme perdus au
Québec.
Parce que si le ministre ne se casse pas la tête avec 1 400 000 ou
1 500 000 jours-homme perdus, c'est tant pis pour lui. C'est vous qui aurez
à vous défendre face à l'électorat à la
prochaine élection. De la façon dont le gouvernement agit, M. le
Président, je tiens à lui dire, entre parenthèses, que si
vous continuez à vous retrancher derrière une non-intervention de
réforme complète du Code du travail, vous allez vous faire
doubler par le Parti libéral du Québec. On est conscient
c'est parce qu'on a été jugé le 15 novembre et on l'a
été sévèrement des erreurs
que le gouvernement a faites; quant à moi, je suis conscient des
erreurs que mon gouvernement a faites.
M. le Président, quand on a eu à subir une douche froide,
vous n'avez pas encore eu à subir des douches froides, vous autres. Au
référendum et à l'élection, vous allez en avoir une
bonne, ne soyez pas inquiet. Vous allez voir, par la suite, à constater
plus facilement vos erreurs. Vous allez voir, par la suite, à
dégager davantage et plus facilement des éléements de
solution. La solution, actuellement, avec 8500 personnes qui perdent leur
journée de travail en raison d'une grève ou d'un lock-out, c'est
une réforme complète de ces lois ouvrières. Notre parti
est à élaborer des éléments bien précis et
bien définis du programme d'action qu'on présentera à la
population.
Ce programme d'action, spécifiquement au chapitre des relations
de travail, au chapitre des législations ouvrières, devrait
être rendu public dès le printemps prochain. Le ministre du
Travail pourra y puiser des éléments certainement très
intéressants de solution aux problèmes qu'on connaît
actuellement et, si le gouvernement doit s'avouer vaincu, incapable de
procéder à une réforme complète, on se chargera de
vous fournir des éléments de solution, M. le ministre, fort
conscient des erreurs qu'on a commises dans le passé.
M. le Président, je trouve tout à fait inacceptable
l'attitude du gouvernement, ce matin, de dire: Cela va bien au Québec,
seulement 1 400 000 jours-homme perdus et il y en a plus de perdus en
Ontario.
M. le Président, j'en viendrai à des questions
spécifiques sur certains conflits ouvriers, sur l'application de la loi
45, parce que le ministre du Travail s'est retranché derrière la
loi 45, cela a été le premier élément de son bilan.
On se rappellera, quand le gouvernement a présenté la loi 45, que
ça devait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, partout, tout
le temps, avec les amendements présentés dans ce projet de
loi.
Première question, M. le Président, j'ai l'intention
d'aborder le problème de cinq ou six conflits spécifiquement. On
prend le cas... oui?
M. Johnson: M. le Président, est-ce que je pourrais
peut-être répliquer au...
M. Pagé: Vous voulez savoir le contenu de notre programme
politique? Vous allez le savoir au printemps et vous allez y puiser des
éléments importants de solution, ne soyez pas inquiet.
M. Johnson: Est-ce que vous allez faire comme votre
réforme constitutionnelle? Vous allez remettre ça de deux
ans?
M. Pagé: Ne soyez pas inquiet, la réforme
constitutionnelle... là-dessus...
M. Johnson: C'est parce que vous avez déjà promis
un programme sur la réforme constitutionnelle qui devait sortir cet
automne, il a été remis apparemment.
M. Pagé: M. le Président, sur la réforme
constitutionnelle, nos couleurs sont connues. On est fédéralistes
et on pourrait avoir un débat assez intéressant là-dessus.
J'aurais seulement cinq questions à vous poser. Qu'est-ce que vous allez
faire avec les barrières tarifaires? L'impact de votre association sur
les pâtes et papiers?
M. Johnson: M. le Président...
Le Président (M. Dussault): A l'ordre, messieurs...
M. Pagé: Si vous voulez embarquer là-dessus, je
suis prêt ce matin, pas de problème. M. le Président,
donnez-nous une demi-heure sur la question constitutionnelle...
Le Président (M. Dussault): A l'ordre!
M. Pagé: ... vous allez voir rougir, dans le vrai sens du
terme, le député d'Anjou ce matin.
Le Président (M. Dussault): Ce n'est pas la question ce
matin, vous le savez bien, M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Si vous êtes intéressé,
vendredi prochain, je suis prêt. Un débat Johnson-Pagé sur
la réforme constitutionnelle, la souveraineté-association et le
fédéralisme renouvelé. N'importe quand.
M. Chevrette: ... que le ministre vous accorde autant
d'importance que vous en méritez.
M. Pagé: On conviendra, par la suite, du moment.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Portneuf, est-ce que vous permettez à M. le ministre de répliquer
sur les derniers propos, avant que vous entrepreniez d'autres questions?
M. Pagé: Oui, je le lui permets.
Le Président (M. Dussault): M. le ministre.
M. Johnson: M. le Président, je voudrais commencer
brièvement en disant que j'ai ici une coupure de presse au sujet de la
motion sur le placement, en date du 13 octobre dernier: FTQ-Construction
dénonce l'Opposition libérale de favoriser un retour au vieux
système de placement de patroneux qui prévalait, avant
l'adoption, en 1977, du nouveau règlement sur la question
parrainée par le ministre du Travail, Pierre-Marc Johnson. Je suis
sûr évidemment que c'est dans un vaste consensus avec nos
centrales syndicales que le Parti libéral va gouverner et va s'inspirer
de certains de nos syndicalistes dans son nouveau programme. (11 h 15)
M. le Président, quand on a parlé des chiffres tout
à l'heure, je pense que l'Opposition libérale peut toujours nous
dire qu'elle reconnaît ses
erreurs, elle devrait peut-être plutôt reconnaître son
échec profond, entre autres dans les trois dernières
années de pouvoir du régime Bourassa.
On nous dit: Cela prend une réforme globale du Code du travail.
Tout d'abord, il n'y a rien de plus facile que de rêver en couleur dans
le domaine des relations de travail. Il ne faut pas oublier qu'on vit dans une
société libre. Je reviendrai là-dessus un peu, tout
à l'heure.
Mais je pense que les chiffres parlent par eux-mêmes. Ils
démontrent une amélioration objective, quantifiable, statistique.
Je pense qu'on n'a pas le droit d'ignorer cela. Que cela me satisfasse ou non,
évidemment, cela ne satisfait pas celui qui vous parle. Cela ne me
satisfait pas de savoir qu'il y a 8000 travailleurs aujourd'hui qui sont en
grève ou en lock-out au Québec. Mais cependant, je pourrais vous
citer des dizaines de journées où il y en avait 20 000 et 40 000,
sous le régime précédent, qui étaient en
qrève tous les jours. Je me dis qu'il y a quand même objectivement
une certaine amélioration. Les chiffres sont là pour en
parler.
On nous parle d'amender profondément le Code du travail. En
quatre ans, pas un seul amendement au Code du travail, de la part du
gouvernement libéral, dans les cinq dernières années du
régime Bourassa. C'est quand même significatif, M. le
Président.
On nous parle de nos engagements. Oui, nous avons réalisé
la plus grosse partie de nos engagements électoraux, au sens du
programme du Parti québécois. Qu'on me dise que c'est 50%, 75%,
en prenant tel point qui se réfère à tel paragraphe. Cela
ne se quantifie pas comme des personnes perdues, un programme de parti
politique. Mais, d'une façon générale, si on prend
l'ensemble des grands secteurs qui sont couverts, oui, nous avons
modifié les lois du travail dans ce sens-là, à 75%, si on
peut évaluer cela, si on prend les grands sujets qui sont inclus.
Santé et sécurité. Nous avons pris un engagement,
nous l'avons commis jusqu'à maintenant. C'est vrai que cette loi ne sera
pas facile. Ce ne sera pas simple. Mais, au moins, on n'a pas fait comme le
précédent gouvernement, pendant six ans, en placoter et ne rien
faire.
M. Pagé: Sans notre étude, vous n'auriez pas pu le
déposer, votre livre blanc, et vous le savez à part cela.
M. Johnson: On nous parle d'engagements. Allez-vous respecter
votre engagement face à la création d'une commission? Rapidement,
je vais dire une chose. Je ne me suis jamais engagé à la
création d'une commission. J'ai bien dit que lorsque j'avais
confié à M. André Thibodeau un mandat, une partie de son
mandat était l'opportunité de la création d'une telle
commission. Et la conclusion de M. Thibodeau, et ma conclusion, après un
an et demi au ministère, c'est qu'effectivement cette opportunité
m'apparaît discutable et il y a moyen de procéder autrement pour
parvenir à des résultats analogues.
Évidemment, si le Parti libéral veut mettre en dessous du
tapis les réformes en matière de travail, il n'y a qu'une bonne
façon, c'est de ne parler qu'en termes généraux, d'une
réforme globale, sans la faire.
M. le Président, je me souviens que les libéraux ont
déjà pris des engagements solennels en 1971, 1972, 1973 au sujet
du zonage agricole. Ce gouvernement en a pris un, c'est en voie de
réalisation. Vous aurez à le constater avant la fin du mois de
décembre.
M. Pagé: Vous regarderez les problèmes que vous
avez, regardez les problèmes que vous avez dans votre Conseil des
ministres, là-dessus. Voyons donc!
Le Président (M. Dussault): A l'ordre, s'il vous
plaît, messieurs!
M. Pagé: Voyons donc, c'est de la foutaise, M. le
Président, on sait que la bisbille est prise dans le Conseil de
ministres.
Le Président (M. Dussault): A l'ordre, s'il vous
plaît, M. le député de Portneuf!
M. Pagé: Ne venez pas plaider sur le zonage agricole, cela
fait deux ans que vous vous bataillez, voyons donc!
M. Johnson: M. le Président.
Le Président (M. Dussault): M. le ministre.
M. Chevrette: Au moins, ils ont des idées dans le
parti.
M. Johnson: Je comprends, M. le Président, que le Parti
libéral, que les "rouges" voient rouge. Mais je pense qu'on aurait droit
à pouvoir discuter de cela un peu plus tranquillement.
M. Pagé: Oui, sereinement.
M. Johnson: M. le Président, on nous a parlé de
violence. Oui, c'est vrai.
M. Pagé: A la Commonwealth Plywood, il n'y en a pas eu. Et
Steinberg.
M. Johnson: Oui, c'est vrai. Il y a eu deux ou trois conflits
où il y a eu de la violence récemment. C'est peut-être le
fait de leur dimension exceptionnelle qui les a rendus si visibles. De 1970
à 1976, M. le Président, il y a eu les cols bleus de la ville de
Laval, Iron Ore, une grève sauvage, une grève où il y a eu
une violence incroyable, des blessés, des gens hospitalisés, des
gens emprisonnés. Pourtant, j'ai vu à Iron Ore récemment
une grève, c'est vrai, qui a duré deux mois et demi, parce que
des hommes ont décidé librement, dans un pays libre, en vertu de
nos lois, à 85%, au vote secret, de faire une grève. C'est un
rapport de force économique entre un groupe puissant, qui est l'Iran
Ore, et un autre groupe puissant de travailleurs sur le plan syndical, qui
s'appellent les métallos. Nos lois sont là pour respecter cela.
On peut déplorer
le fait que cela a des impacts économiques, mais nos lois sont
là et on ne vit pas dans un pays totalitaire. Je n'accepterai pas, moi,
ici ou ailleurs, qu'une législation du travail se fasse par diktats d'un
gouvernement. La législation du travail doit tenir compte de la
liberté des partis et le gouvernement est là, d'abord pour
soutenir les partis et, deuxièment, pour baliser l'exercice de cette
liberté, mais non pas y mettre fin, M. le Président.
Je pourrais aussi parler de Seven Up en 1971. On a vu cela à
Seven Up. Hupp Canada, on s'en souvient, le front commun dans le secteur
public. On se souviendra de la grève de l'Hydro-Québec avec ses
effets, en 1972-1973, pendant l'hiver; les pompiers de Montréal avec le
week-end rouge, en 1972-1973; Firestone, à Joliette; Gypsum, en 1974;
les cols bleus de la ville de Montréal. On s'en souviendra, on a
appelé cela la semaine des rats, tellement il y avait de rats qui se
promenaient dans les rues à cause des problèmes au niveau des
ordures et des égouts. En 1974-1975, il y a un conflit qui s'est
appelé United Aircraft aussi. En 1975, il y a eu la grève dans
les hôpitaux et cette grève de la CTCUM. C'est vrai, il y en a eu
une sous notre gouvernement, en 1977. C'était une grève qui,
premièrement, était légale, deuxièmement, a
duré quinze jours, troisièmement, a donné lieu à
quelques événements de vandalisme pour lesquels il y a eu des
poursuites, mais pas de violence systématique, comme lors de la
grève de 1975. Elle s'est réglée en moins de deux
semaines. C'était une grève légale. La grève de
1975, c'était sept semaines, une grève illégale qui fut
réglée dans le bureau du premier ministre Bourassa et dans un
contexte de violence dont on va se souvenir. Dans le secteur de
l'éducation, en 1976, on se souviendra des difficultés qu'il y a
eu.
M. le Président, je pense qu'il y a eu une amélioration du
climat social. Je pense qu'au niveau de la violence, il faut bien comprendre
qu'on vit dans une société qui l'est. Qu'on regarde ce que fait
une panne d'électricité dans une ville comme New York et ce
à quoi cela donne lieu. Qu'on se souvienne que le 1er mai, "fête
des travailleurs", cela ne nous vient pas des pays marxistes-léninistes,
cela nous vient de ce qui s'est passé à Haymarket il y a à
peu près soixante ans, dans la ville de Chicago, alors qu'il y a eu un
affrontement entre les policiers et des travailleurs syndiqués. Il faut
se souvenir qu'on vit sur un continent où la violence est une chose
presque courante. Elle est déplorable. Quel est notre taux d'homicides?
Est-ce que, parce qu'il y a un "hold-up ", on va s'en prendre au gouvernement?
On vit dans une société qui est violente et qui est difficile. Il
faut donc voir comment on peut améliorer les causes de la violence,
spécifiquement dans le secteur des relations de travail. Je pense que la
loi 45 je pourrai revenir sur les questions précises de
l'Opposition là-dessus tout à l'heure a, entre autres,
permis de diminuer certaines occasions de violence. Laissez-moi en citer deux
seulement: d'abord, l'utilisation des briseurs de grèves; même si
la loi ne va pas dans le sens de la fermeture totale d'une usine, dans le cadre
d'une grève légale, mais qu'elle va dans le sens de la
non-embauche de gens de l'extérieur et de la non-utilisation des gens
qui sont en grève ou des gens qui font partie de l'unité, cette
loi a quand même permis la diminution des occasions de violence.
Deuxièmement, l'arbitrage des premières conventions collectives
je pourrai en parler avec quelques chiffres tout à l'heure
a permis, entre autres, de régler, par anticipation ou de régler
par arbitrage ou par la menace d'un arbitrage qui pesait sur la tête des
parties, les conflits de reconnaissance syndicale. On sait que les conflits de
reconnaissance syndicale sont en général les plus longs, les plus
coûteux et les plus violents.
M. le Président, il y a eu une amélioration
considérable dans ce domaine. On vit, c'est vrai, dans une
société où la violence est presque chose commune et
courante. Je ne me satisfais pas de la violence, mais il faut essayer de
s'attaquer partiellement aux causes de la violence en étant conscients
des limites qu'une société a si elle ne veut pas tomber dans une
société totalitaire ou si elle ne veut pas tomber dans des
espèces de rêveries faciles à faire en couleur dans le
domaine des relations du travail. Nous nous sommes attaqués à
certaines des causes de cette violence. Nous allons nous attaquer à
d'autres causes de la violence, quand nous allons essayer d'aborder la question
des injonctions. Je reviendrai à la question du député de
Saint-Hyacinthe tout à l'heure.
Nous avons quand même, dans ce cadre de la violence,
affirmé le principe très clairement de la non-tractation en
matière d'actes criminels dans le cadre des relations du travail et cela
a donné des résultats. Il n'y a plus de conciliateurs du
ministère du Travail qui s'impliquent dans des protocoles de retour au
travail qui impliquent la tractation sur les actes criminels. Qu'est-ce que
cela a donné comme effets? Cela a donné, d'une part, que l'Etat
n'est pas présent à de telles tractations et,
deuxièmement, que les parties elles-mêmes, de moins en moins, se
permettent de telles choses. C'est exceptionnel les cas où cela se
reproduit depuis un an et demi.
Je pense finalement qu'il est important qu'on se rende compte
qu'à partir du moment où il y a des règles du jeu dans une
société, à partir du moment où on accepte que le
droit de grève et le droit de lock-out, c'est une affaire fondamentale
dans le droit du travail nord-américain, il faut agir sur d'autres
choses que le droit de grève ou le droit de lock-out. On a essayé
cela, en Australie ou en Nouvelle-Zélande, je ne me souviens plus, dans
le secteur public et parapublic, en abolissant le droit de grève.
Qu'est-ce que cela a donné? Cela a donné des grèves
illégales pendant dix ans. Est-ce que la société
était plus avancée? Il faut que les lois non seulement traduisent
une orientation ou une philosophie en matière de relations de travail,
mais il faut également qu'elles traduisent un minimum de consensus
réalisable entre les personnes qui sont impliquées par ces lois
du travail dans la société. C'est cela que nous tentons de faire
et c'est pour cela que nous procédons de façon
systématique à des consultations, même si on n'en est pas
encore à l'ère de la concertation parfaite dans ce domaine.
Nous aurons à légiférer, nous aurons à
entreprendre des actions précises dans d'autres lois du travail,
à partir du printemps prochain. Il y aura, évidemment, d'ici
Noël, deux lois que j'aurai l'occasion de déposer, dont l'une qui
touche la Commission des accidents de travail, pour améliorer le
système, le rendre plus juste, plus efficace dans le cadre, entre
autres, de la santé-sécurité, et une autre qui touchera
également la Régie des entreprises de construction, et une
troisième, évidemment, sur les conditions minimales que je
déposerai. Au printemps, on aura l'occasion de discuter de choses, par
exemple, comme l'injonction. Je ne dis pas que ce sera un projet de loi au
printemps, mais je dis que nous aurons l'occasion de revenir dans un
débat important dans notre société sur cette question de
l'injonction et des mécanismes adéquats pour remplacer un
système qui, actuellement, n'a pu démontrer qu'il était
efficace dans le domaine des relations de travail.
Je pense qu'il faut prendre cela avec l'acceptation des contraintes qui
sont imposées à la société elle-même dans le
domaine des relations de travail. Je ne me satisfait pas qu'il y ait un million
et demi de travailleurs qui, dans l'année, auront été en
grève ou en lock-out, mais je considère que c'est mieux que six
millions, que c'est mieux que trois millions, que c'est mieux que deux millions
neuf cent mille, comme les trois années qui ont
précédé le gouvernement actuel. Je pense que c'est un
signe qu'il y a une amélioration dans notre société et
qu'on doit continuer d'agir, non seulement au niveau des lois, mais
également au niveau des attitudes dans cette société. On
doit, de plus en plus, convaincre les gens, et on doit de plus en plus leur
permettre de prendre conscience des effets souvent désastreux des
grèves qui sont trop longues et qui affectent des secteurs qui,
économiquement, mettent en péril des régions. Mais on ne
doit pas remettre en cause ce droit fondamental dans notre
société de la liberté d'association et de la
liberté pour des hommes et des femmes de choisir démocratiquement
qu'ils feront grève ou qu'ils exerceront ce moyen de pression qu'ils ont
contre des employeurs, de la même façon que les employeurs ne se
voient pas interdire de fermer leur usine dans le contexte des relations de
travail par le mécanisme du lock-out.
Je pense qu'il faut que l'avenir s'inspire du respect des
salariés, et également d'une consultation et, peut-être,
souhaitons-le, au Québec, d'une concertation de l'ensemble des
éléments qui sont impliqués dans les relations de travail.
C'est ce sur quoi nous travaillons, comme gouvernement.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, le ministre a
abordé évidemment, il s'est senti dans l'obligation de
reprendre les thèmes qu'il avait dégagés par son
intervention en introduction le décret de l'industrie de la
construction en soutenant que, parce que la Fédération des
travailleurs du Québec, par la voix de ses représentants, non pas
après une consultation à la base, s'était montrée
en désaccord avec la position adoptée par l'Opposition officielle
à l'Assemblée nationale sur le décret. Le ministre a
semblé remettre en cause les appuis que nous recevions quand nous avons
demandé à l'Assemblée nationale de blâmer le
gouvernement sur ce règlement dans le placement...
M. le Président, je me demande ce sur quoi le ministre du Travail
peut s'appuyer dans sa démarche demandant au gouvernement d'adopter ce
règlement et de ne pas le modifier après les problèmes
qu'on connaît avec ce règlement depuis le 1er juillet dernier,
quand, par surcroît, le Parti québécois de certaines
régions du Québec m'appuie, aussi curieux que cela puisse
paraître. Vous savez que, récemment, le Parti
québécois du Bas-Saint-Laurent appuyait le député
de Portneuf dans sa démarche. C'est assez curieux, vous savez. Je n'ai
pas l'habitude d'être appuyé par les péquistes, et Dieu
m'en garde! Dans l'Echo du Saint-Laurent du 4 octobre dernier, le Parti
québécois régional demande au ministre du Travail de
modifier les règlements sur la construction. Je ne reprendrai
évidemment pas tout l'article, mais "le Conseil régional du Parti
québécois de l'Est du Québec a résolu de demander
au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, M. Pierre-Marc Johnson,
d'apporter des modifications au règlement sur le placement dans
l'industrie de la construction. Cependant, le Parti québécois de
la région juge ce règlement discriminatoire pour les travailleurs
de l'Est du Québec." Je pourrais continuer.
Quand j'ai demandé à l'Assemblée nationale de
blâmer le gouvernement, c'était bien fondé, je crois. Cela
n'a évidemment pas été reçu, malheureusement, par
l'Assemblée. Je ne m'attendais pas que l'Assemblée aille
blâmer le gouvernement, mais je m'attendais tout au moins que le ministre
du Travail allait s'en référer à ce débat où
de nombreux exemples ont été démontrés, ont
été évoqués, exemples qui indiquaient clairement
jusqu'où plusieurs travailleurs perdaient le libre accès au
travail et le ministre du Travail vient de nous livrer un de ses sermons
habituels en nous parlant de la liberté du travailleur. (11 h 30)
Vous savez, le ministre du Travail ne fera pas de leçon de
liberté, surtout pas aux gens du Parti libéral du Québec,
lui qui est membre d'un parti qui intervient à gauche et à
droite, qui est un parti qui... Le Parti québécois, le
gouvernement actuel, ce n'est pas mentir que de dire que c'est un gouvernement
interventionniste et que c'est un gouvernement qui se sent obligé
d'intervenir non seulement par mesures législatives, mais surtout par
mesures réglementaires dans la vie des citoyens de tous les jours. On
n'a qu'à regarder ce qui s'est passé avec la loi 101, avec
différentes pièces législatives qui ont été
déposées ici à l'Assemblée nationale et
adoptées depuis le 15 novembre 1976. Le règlement sur le
placement est encore une mesure réglementaire d'intervention dans la vie
des citoyens. La loi sur le zonage,
qu'évoquait le ministre, c'est la même chose où,
encore une fois, le gouvernement viendra intervenir. C'est d'ailleurs ce qui
explique la bisbille qui est prise au Conseil des ministres au sujet de la loi
sur le zonage.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Portneuf...
M. Pagé: M. le Président, je reviens à la
question de la liberté.
Le Président (M. Dussault): ... s'il vous plaît!
M. Pagé: M. le Président, je suis convaincu que
vous avez étudié, vous avez écouté avec beaucoup
d'attention le congrès d'orientation du Parti libéral du
Québec. Entre autres, il y avait beaucoup de militants libéraux,
bien déterminés, qui venaient de votre comté. Je suis
persuadé que vous l'avez étudié. On y a clairement
indiqué que le Parti libéral du Québec, c'était le
parti des libertés et je n'accepterai pas, ce matin, des leçons
de morale du député d'Anjou au chapitre...
M. Johnson: Un petit commercial.
M. Pagé: ... de la liberté pour le travailleur de
choisir la grève et la liberté pour l'employeur de choisir le
lock-out dans nos mécanismes prévus au Code du travail
actuellement.
M. le Président, une chose est certaine, c'est qu'avec le
règlement de placement dans l'industrie de la construction, la
liberté pour une personne qualifiée, suivant les normes du
ministère du Travail est limitée dans son accès au
marché du travail par le règlement de placement dans l'industrie
de la construction et c'est tellement évident, M. le Président,
que même le Parti québécois du Bas-Saint-Laurent m'appuie
dans ma démarche.
J'aimerais bien, M. le Président, que le ministre...
M. Johnson: Réponde.
M. Pagé: ... m'indique sa position là-dessus. Je
conviens qu'il se satisfait de l'opinion probablement...
M. Johnson: M. le Président...
M. Pagé: ... donnée au téléphone ou
autrement par une personne, un dirigeant de la FTQ, mais j'aimerais bien voir
jusqu'où le ministre considère que ce règlement colle aux
besoins, à la réalité et aux aspirations des travailleurs
du Québec et particulièrement ceux du Parti
québécois. M. le Président, c'est votre parti. Je me
rappelle, M. le Président, moi... quand je vous disais tantôt
qu'à la prochaine élection, vous allez être
sanctionnés, on peut présumer, d'ores et déjà, que
vous allez prendre la même porte qu'on a prise en 1976...
M. Johnson: Cela va beaucoup mieux!
M. Pagé: Oui, mais vous allez prendre la porte, à
la prochaine élection. Moi, je suis convaincu, de la façon dont
vous travaillez...
M. Johnson: M. le Président, est-ce qu'on pourrait revenir
sur le sujet?
M. Pagé: Quand, M. le Président, un ministre se
permet de mettre de côté...
M. Johnson: M. le Président, question de
règlement!
M. Pagé: ... les opinions de ses propres partisans...
M. Johnson: Question de règlement, M. le
Président.
M. Pagé: Répondez-moi à ça, ce que le
PQ...
Le Président (M. Dussault): A l'ordre, M. le
député de Portneuf!
M. Pagé: ... de la région du Bas-Saint-Laurent
m'appuie.
M. Johnson: M. le Président, une question de
règlement.
Le Président (M. Dussault): Oui, M. le ministre, question
de règlement.
M. Johnson: Bon! Brièvement, M. le Président, je
pense que vous allez reconnaître avec moi que le député de
Portneuf sort un peu du sujet, d'autant plus que je pense...
M. Pagé: Le sujet mène là.
M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, j'aimerais
que vous rappeliez à l'ordre le député de Portneuf, car,
à mon avis, le salon rouge, à l'occasion d'une question avec
débat, ne devrait pas devenir le lieu de délire et de "wishful
thinking".
M. Pagé: M. le Président...
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Portneuf, ce que je voudrais vous demander, c'est de vous en tenir à la
question que vous avez invoquée vous-même, le non-respect des
engagements du gouvernement péquiste je le lis au feuilleton
dans le domaine des relations de travail.
M. Pagé: D'accord. Je suis convaincu, M. le
Président, que vous avez suivi nos débats et que vous constatez
qu'on est en plein coeur du débat.
M. le Président, le ministre tantôt nous a dit qu'il
n'intervenait pas, lui, dans les conflits. Vous savez que ce qui se
dégage de la position adoptée par le nouveau ministre du Travail,
c'était tout simplement une politique de non-intervention.
J'aurais tout simplement une petite question à poser au ministre
avant qu'on aborde les conflits et j'espère qu'on aura le temps de les
aborder.
Comment se fait-il, M. le Président, que le ministre du Travail
qui, lui, ne s'implique dans aucun conflit, c'est lui personnellement qui, par
communiqué, annonce le règlement des conflits? Comment
expliquez-vous ça, si ce n'est pas strictement une mesure
politique...
M. Johnson: Oui...
M. Pagé: ... si ce n'est pas strictement une mesure de
vouloir se donner le crédit...
M. Johnson: Bon! M. le Président...
M. Pagé: ... du règlement de certains conflits?
M. Johnson: ... c'est le ministère du Travail qui
annonce...
M. Pagé: ... l'attaché de presse du ministre?
M. Johnson: Effectivement, par la compilation statistique, de la
même façon que c'est le cabinet qui répond aux journalistes
qui ont des questions sur les conflits. De la même façon, nous,
nous jugeons qu'il est normal que les Québécois
considèrent et puissent, comprendre que s'il y a règlement
où 7000, 8000 travailleurs sont impliqués, cela peut
peut-être avoir une signification dans leur vie ou dans leur
région.
M. Pagé: Alors, on dégaine la plume pour annoncer
la fin d'un conflit. On ne dégaine pas la plume pour annoncer le
début d'un conflit.
M. Johnson: Sûrement, nous n'avons pas à annoncer un
conflit...
M. Pagé: Le début d'un conflit...
M. Jonhson: D'ailleurs, le député de Portneuf,
comme tous les membres de l'Opposition, reçoit la liste tous les
jours...
M. Pagé: Pourquoi, à ce moment... Ce que vous ne
saisissez pas, ce sur quoi vous ne voulez pas vour embarquer, c'est le fait que
c'est le ministère du Travail qui annonce les conflits et c'est le
cabinet du ministre du Travail qui annonce les règlements. Pourquoi
cela, si vous n'intervenez pas?
M. Johnson: Parce qu'au niveau des réponses et des
explications... qu'il y a à donner sur chacun des conflits, dans les cas
où il y a conflit...
M. Pagé: Oui! Oui!
M. Johnson: ... ou dans les cas où il y a
règlement, cela se fait au niveau du cabinet. C'est normal. C'est comme
cela que cela se fait et comme cela que cela doit se faire normalement.
M. Pagé: On intervient au stade de la solution. On
publicise au stade de la solution.
M. Johnson: On intervient aussi passablement au stade des
conflits, je dois vous le dire. Cela fait partie du pain quotidien de celui qui
vous parle.
M. Pagé: Oui, mais ce n'est pas vous personnellement.
M. Johnson: Je pense que l'Opposition libérale n'a pas
compris ce que signifiait la non-intervention. Il ne s'agit pas de dire, dans
la non-intervention, que celui qui vous parle ou ses
prédécesseurs ou ceux qui lui succéderont devraient
s'asseoir et ne rien faire.
Je pense que le bilan qu'on montre là démontre quelque
chose et qu'on travaille un peu plus que trois heures par jour. On travaille
même passablement d'heures par jour et je suis à peu près
sûr qu'on travaille un peu plus que l'Opposition officielle quand on
constate l'état de préparation parfois de ses interventions.
M. Pagé: Vous verrez cela aux prochaines élections
qu'on était bien préparé.
M. Johnson: La non-intervention, cela signifie que nous
considérons qu'en vertu de nos lois du travail, et en vertu de l'esprit
qui doit régner dans le secteur des relations de travail, il s'agit
d'abord et avant tout, dans le cas de la négociation collective, d'un
rapport qui existe entre deux parties. Ces parties sont, d'une part, le
patronat, et ce sont en général des corporations au sens de nos
lois, et l'autre partie, ce sont des syndicats, qui sont des associations
accréditées au sens du Code du travail.
Nous considérons que, d'abord et avant tout, nous vivons dans un
régime de liberté des parties. Quel est le rôle du
ministère dans ce contexte avec la conciliation volontaire, entre
autres? C'est d'abord et avant tout de fournir un soutien à ces parties.
C'est, deuxièmement, de baliser l'exercice que les parties font de ces
droits qui leur sont inhérents en vertu de ce qu'on pourrait
peut-être même appeler pratiquement le droit naturel dans la
liberté d'association en Amérique du Nord.
Cela fait partie de nos moeurs de baliser cela et de voir à ce
que les échéanciers du Code du travail, les procédures qui
y sont prévues, les moyens, les recours qui y sont prévus soient
respectés par les parties et, troisièmement, le ministère
peut intervenir avec parfois des éléments de solution qui
permettent aux parties de régler. Cela, c'est l'intervention la plus
directe en général que fait le ministère au niveau de ses
instances, que cela soit au niveau du service de conciliation, du directeur de
service, du directeur général des relations de travail, s'il y en
a un, ou du sous-ministre adjoint aux relations de travail, et nous avons des
ressources et nous entendons d'ailleurs en mettre plus à la disposition
des parties dans les mois qui viennent et j'aurai l'occasion d'annoncer
certaines choses dans ce domai-
ne. C'est cela la non-intervention. C'est de faire en sorte que les
parties prennent leurs responsabilités et que quand le ministère
envoie un conciliateur, on soit bien conscient que c'est cela l'intervention du
ministère et qu'on ne tirera pas le tapis d'en-dessous de quelqu'un qui
fait son boulot en disant: De toute façon, cela va peut-être se
régler un soir vers deux heures du matin, en train de prendre un scotch
au bar Le Caucus de l'Hôtel Hilton, en présence du ministre. Ce
n'est pas comme cela que les relations de travail doivent fonctionner. Cela
doit fonctionner à travers le type de mécanismes que
l'État peut mettre à la disposition des parties. C'est cela la
non-intervention du ministre.
Celui qui vous parle est cependant intervenu d'une façon
très précise, d'abord, sur le plan législatif,
deuxièmement, sur le plan de la réglementation et,
troisièmement, sur le plan d'une série de mesures administratives
et, finalement, il est intervenu au niveau de différents organismes de
concertation par des rencontres, par des échanges de correspondance, par
des comités et également, dans certains domaines, très
clairement où on doit affirmer certains principes qui, à mon
avis, sont des principes qui relèvent de la notion que l'on peut avoir
de ce qu'est un État, mais un État qui n'est pas autoritaire et
interventionniste avec des diktats comme le voudrait peut-être le
député de Portneuf, comme par exemple, sur la non-tractation des
actes criminels. C'est cela la non-intervention et cela représente
beaucoup de travail.
M. Pagé: M. le Président...
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Si on revient spécifiquement à des
conflits, le ministre pourrait-il m'indiquer... La loi 45 est en application
depuis quelques mois, et certains des règlements édictés
en vertu de la loi 45 ont pris quelques semaines à être
acceptés par le Conseil des ministres. Il y a eu évidemment des
délais de parution et tout cela, Comment cela fonctionne-t-il? Est-ce
que, jusqu'à maintenant, on peut dégager certains critères
basés sur l'action du ministère en vertu de l'article 97?
On sait qu'en vertu de cet article l'association
accréditée peut demander qu'une enquête soit faite.
J'aimerais savoir comment cela va au ministère et qu'est-ce qui se passe
depuis l'application de cet article? Quels sont les délais qu'on est en
droit d'attendre? Quels sont les délais aussi pour le rapport de
l'enquête, pour les conclusions de l'enquête et tout cela? En
particulier, j'ai le cas ici d'Atlas Asbestos, à Montréal,
où les travailleurs sont représentés par la
Fédération des travailleurs du Québec, un conflit qui dure
déjà depuis le 29 mai avec 300 personnes en grève. Il y a
eu une deuxième demande selon l'article 97d. Est-ce à dire que la
première demande est jugée non recevable en raison des
allégués ou quoi? Est-ce que c'est un cas de récidive ou
quoi?
M. Johnson: M. le Président, en fait, il y a une question
précise. D'abord il y a un préliminaire. Je voudrais simplement
me permettre de corriger l'Opposition là-dessus. Il n'y a pas de
règlements qui découlent de la loi 45. Il n'y a pas de
règlements qui ont dû être adoptés par le conseil des
ministres. Il y a des règlements qui découlent d'autres lois,
mais...
M. Pagé: ... par règlement de certains
articles.
M. Johnson: C'est-à-dire, oui. C'est la mise en vigueur de
la loi par proclamation. D'accord.
M. Pagé: C'est cela, c'est une action du conseil des
ministres.
M. Johnson: Ce qui a pris d'ailleurs quelques semaines, comme,
normalement, j'avais exposé en commission parlementaire, c'est qu'il
fallait que le ministère s'équipe au moins en partie pour
répondre aux nouveaux besoins créés en vertu de la loi.
Dans le cas des dispositions antibriseurs de grève, ce que la loi nous
dit, c'est que la partie syndicale, par définition, peut demander au
ministère de faire enquête si elle considère qu'il y a des
briseurs de grève pris au sens de gens qui sont membres d'unités
ou des gens qui sont de l'extérieur, à toutes fins pratiques, de
cette usine, qui ne sont pas à son emploi, car on sait qu'en vertu des
dispositions, un cadre n'est pas considéré, pour les fins de la
loi, comme quelqu'un à qui on doit interdire de faire son travail non
plus que les gens des autres unités d'accréditation, non plus que
l'employeur lui-même. Là, je parle d'une PME où vous avez
douze personnes, l'employeur peut décider de produire tout seul s'il y a
une grève. Cela a été très bien explicité
lors de la loi. Il y a, c'est vrai, des délais, et nous sommes, en ce
moment, en train de mettre la main finale à une étude qui sera
remise au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre sur
l'application de 97d ainsi que 81a, l'arbitrage de la première
convention collective. Donc, la loi permet au syndicat de demander au ministre
de nommer un enquêteur. Dans certains cas, à sa face même,
la demande nous révèle qu'il n'y a pas de briseurs de
grève au sens de la loi. On dit, par exemple: Le propriétaire
opère lui-même la machinerie. On sait au départ qu'en vertu
de la loi, à sa face même, il n'y en a pas. Alors, il y a eu de
nombreux cas comme cela, au tout début. Deuxièmement, dans
certains cas, la demande est parfaitement inadéquate,
c'est-à-dire qu'on dit: On veut que vous envoyiez un enquêteur,
nous avons besoin de renseignements supplémentaires. Donc, il y a
toujours des délais qui sont impliqués. D'abord, le délai
d'expédition, la réception, l'analyse par les bureaux, la
réponse, etc. Il y a toujours un minimum de délai.
Troisièmement, une fois qu'on a vu que, à sa face
même, c'était justifiable, que les renseignements, par exemple,
qu'on peut avoir, par ailleurs, par le conciliateur qui est au dossier, par
les
parties elles-mêmes, par voie téléphonique, comme
cela se fait souvent dans le domaine des relations de travail parce que les
gens ont tendance plutôt à se parler qu'à s'écrire,
dans certains cas, la décision c'est de ne pas en envoyer dans ces
circonstances. Dans d'autres cas et je reviendrai sur le cas d'Atlas
Asbestos précisément la seule nomination d'un
enquêteur a amené un règlement et on peut se l'expliquer
très simplement. C'est que l'employeur, utilisait probablement des
briseurs de grève, et devant la nomination possible d'un
enquêteur, et des sanctions possibles devant cela, a décidé
de régler.
Dans d'autres cas, l'employeur peut décider, devant la nomination
d'un enquêteur, de cesser d'employer des briseurs de grève sans
pour autant régler le fond du litige. Dans d'autres cas,
l'enquêteur y va, fait enquête, constate. Il peut, dans les
circonstances, d'ailleurs il doit faire rapport aux deux parties et il peut
être accompagné d'un représentant de chacune des parties et
ce rapport est remis aux parties. Je pourrais donner l'exemple de Texaco
à Montréal où la nomination d'un enquêteur
antibriseur de grève a amené un règlement dans les heures,
littéralement, qui ont suivi cette visite. Il y a peut-être des
présomptions qu'on peut faire à partir de cela, même si ce
n'est pas l'affirmer solennellement. Je peux donner un autre exemple où
un syndicat, par exemple, a pris une injonction qui a été
entendue par le juge Lemieux de la Cour supérieure, qui a accordé
une injonction interdisant à un employeur d'utiliser les services de
certaines personnes.
Finalement, dans le cas d'Atlas Asbestos, il y a eu une enquête,
le syndicat demande une seconde enquête, car il prétend que la
situation est modifiée et que des scabs auraient probablement
été engagés. D'ailleurs, dans le cadre d'Atlas Asbestos,
je dois procéder à cette nomination lundi, à mes bureaux
de Montréal. (11 h 45)
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Le ministre a parlé de Texaco, la date de
la réception de la demande, en vertu de l'article 97d, est le 1er
février 1978 et le rapport a été reçu le 18
septembre, télégramme, mandat de nomination, rapport reçu
le 18 septembre 1978.
M. Johnson: II y a eu un règlement entre les deux, c'est
aussi simple que ça. Le conflit était réglé...
M. Pagé: Ah, d'accord.
M. Johnson: ... et finalement, l'enquêteur, ne voyant plus
tellement d'urgence...
M. Pagé: ... a jugé opportun...
M. Johnson: ... a remis finalement son rapport. D'autre part, il
y a eu trois mois d'interruption de l'enquête à cause d'une
procédure en Cour supérieure, prise par l'employeur et qui
s'attaquait à la juridiction de l'enquête.
M. Pagé: D'accord. Est-ce que c'est la même
chose...
M. Johnson: II y a eu exactement neuf jours entre le moment de la
réception de la demande et la nomination de l'enquêteur.
M. Pagé: Vous devriez l'indiquer dans vos documents, vous
seriez peut-être exempt d'avoir des questions.
Le 2 février 1978 et le 3 février 1978 toujours, les
Cinémas indépendants et Nap Transport vous demandaient la
désignation d'un enquêteur en vertu de l'article 97b. Dans le cas
des Cinémas indépendants, le télégramme et le
mandat de nomination étaient donnés le 17 mai 1978, soit trois
mois après. Dans le cas de Nap Transport, c'était le 21
août 1978, soit six mois après. Comment cela s'explique-t-il?
M. Johnson: Je m'excuse, comme le député de
Portneuf ne m'avait pas donné de préavis sur la question
précise, je vais être obligé de faire quelques recherches.
Prenons d'abord Nap Transport que je connais fort bien...
M. Pagé: ... le 29 décembre 1976, trois ans
bientôt.
M. Johnson: C'est ça.
M. Pagé: Trois ans bientôt.
M. Johnson: D'ailleurs, on m'avise que c'est en voie de
règlement.
M. Pagé: J'espère, ça fait trois ans.
M. Johnson: C'est vrai que cela a duré longtemps, mais je
pourrais vous en nommer quelques-uns entre 1960 et 1970 qui ont duré
longtemps, par exemple, une petite affaire comme United Aircraft. Cela arrive
à l'occasion, c'est vrai...
M. Pagé: Comme je vous ai déjà dit...
M. Johnson: ... il y aura toujours dans notre
société...
M. Pagé:... on a eu notre United Aircraft, vous avez votre
Commonwealth Plywood.
M. Johnson: M. le Président, est-ce que je peux
répondre?
M. Pagé: M. le Président, il lance des
flèches...
M. Johnson: M. le Président, est-ce que je peux
répondre?
M. Pagé: ... il s'oppose aussitôt que je prends mon
arc.
Le Président (M. Dussault): A l'ordre, messieurs!
M. Pagé: Bien voyons.
Le Président (M. Dussault): M. le ministre, vous avez la
parole.
M. Johnson: M. le Président, dans le cas de Nap Transport,
c'est vrai que c'est un conflit qui dure et perdure depuis longtemps, qui est
un peu complexe, sur le plan juridique, à cause de l'appartenance de
filiales au même employeur, etc., qui a causé des
problèmes, parce qu'avant l'adoption des dispositions antibriseurs de
grève, il y avait utilisation de personnes de l'extérieur et
même de l'unité peut-être dans certains cas. C'est un
conflit où il y a eu un raidissement incroyable de part et d'autre.
Nous avons nommé un enquêteur antibriseurs de grève
au cours des jours ou des semaines qui ont suivi la demande. Le
problème, c'est qu'il ne s'est pas rendu sur les lieux avant plusieurs
semaines, car le bureau de Me Pelletier est passé au feu quelques jours
après sa nomination. Compte tenu du fait qu'on connaissait un peu
l'état du dossier, que des négociations étaient
réamorcées, etc., cela ne semblait pas prioritaire, pour le
lendemain matin, que l'enquête se fasse. Cela a pris, effectivement, un
mois à peu près avant que M. Pelletier décide de se mettre
dans le dossier. Il a d'ailleurs produit un document et une enquête que
nous nous sommes permis, au cabinet, de qualifier d'un peu étrange,
étant donné que la jurisprudence qu'il semblait essayer
d'établir, allait tout à fait à l'encontre de tous les
autres rapports antibriseurs de grève et du jugement de la Cour
supérieure en ce sens.
Alors, je suis bien prêt à reconnaître que dans le
cas de cette enquête chez Nap Transport, l'enquête est venue un peu
tard, les délais se sont expliqués par le fait que le feu avait
pris dans son bureau et que finalement, sa perception et sa
compréhension de la loi m'apparaissent mettre en cause, dans la mesure
où un juge de la Cour supérieure et déjà tous les
autres enquêteurs antibriseurs de grève n'ont jamais
interprété la loi comme il l'a fait.
Finalement, nous avons nommé un second enquêteur
antibriseurs de grève chez Nap Transport.
M. Pagé: M. le Président, j'aimerais que le
ministre...
Le Président (M. Dussault): Si c'est sur une autre
question, M. le député de Portneuf, il semble que M. le
député de Saint-Hyacinthe voulait prendre la parole.
M. Cordeau: Tout à l'heure, dans les quelques phrases que
j'ai prononcées, j'ai posé des questions sur les comités
et sur une injonction; j'aimerais avoir une réponse avant la fin de
cette séance.
M. Johnson: Pour les comités, il y a le comité
Hébert, la commission Martin-Bouchard, le groupe sur les décrets,
le groupe sur les licenciements collectifs et le groupe sur l'injonction qui
est, en fait, un groupe conjoint du ministère de la Justice et du
ministère du Travail. A l'origine, c'était un comité de la
Justice et nous avons joint une partie de certains de nos effectifs à ce
comité. Je pense d'ailleurs que c'est au niveau du contentieux. Le
rapport n'est pas encore remis, dans ce cas-là. Cela répond
à votre question?
M. Cordeau: Concernant la politique du gouvernement pour ce qui
est des injonctions...
M. Pagé: Au printemps.
M. Johnson: Je serai appelé, dans les prochaines semaines,
à préciser un peu plus. Je préférerais qu'on rende
cependant le plus accessibles possible, éventuellement, certaines choses
qui ont été étudiées. Je sais que ces
problèmes ont fait l'objet de publications, entre autres à
l'Université Laval, par le professeur Morin qui a fait une analyse des
injonctions à une certaine époque. Il y a le fameux arrêt
Tomko de la Cour suprême du Canada, à la suite d'un
problème de législation en Nouvelle-Ecosse; je pense qu'il y a un
ensemble de préoccupations qu'il faut avoir. Il faut être
très conscient des limites de ce qu'on peut faire dans ce domaine, non
seulement parce qu'on est balisé à cause d'un problème de
droit constitutionnel possible, c'est-à-dire la juridiction de la Cour
supérieure, mais il y a peut-être des mécanismes pour
essayer d'aller se tailler une place la plus grande possible
là-dedans.
Deuxièmement, même au niveau du droit interne, cela pose
tout le problème de l'arbitrage et des juridictions. On n'a pas de
conseil d'Etat dans notre système judiciaire. Je ne suis pas sûr
non plus qu'il faille attendre qu'il y ait un conseil d'Etat pour régler
ce problème. L'autre fait, c'est que la notion de l'injonction
elle-même, ce n'est pas une notion qu'on peut supprimer dans notre droit,
au contraire. Elle a une raison d'être. Si votre voisin déverse
ses égouts sur votre terrain, le Code civil fait que vous pouvez prendre
une action en dommages-intérêts en vertu de 1053 et vous pouvez
également prendre une injonction en Cour supérieure pour
l'interdire de faire une chose, comme vous pouvez demander à la cour de
le forcer à faire une chose. C'est en vertu des amendements
apportés en 1966 au code de procédure.
Il s'agit de savoir maintenant dans quelle mesure dans le domaine des
relations de travail, on peut avoir un moyen ou un mécanisme qui est
dérogatoire à ce système de droit commun. Ce n'est jamais
facile d'essayer de créer des exceptions au droit commun dans les
recours qui sont des recours ouverts à tous les citoyens. Il y a des
méthodes et je pense qu'il va falloir, entre autres, s'inspirer de
l'expérience de la Colombie-Britannique à ce sujet, qui
m'apparaît intéressante.
Les principes qu'on vise là-dedans, c'est, d'une part, essayer de
décriminaliser, d'une certaine façon, le domaine des injonctions.
On connaît la sanction inexorable qui est le non-respect d'une injonction
dans bien des cas. On sait cependant que, si c'était utilisé
comme cela l'est dans le droit commun, probablement qu'il n'y aurait pas de
gros problèmes. Le problème, c'est
que, dans les relations de travail, c'est utilisé de façon
presque systématique dans certains secteurs.
C'est clair que c'est un mécanisme qui est inadéquat,
entre autres quand on tient compte des sanctions, quand on tient compte du
respect ou du non-respect de cela. Vous savez, ce n'est pas un problème
aussi facile si vous me passez l'expression que de mettre une
lettre à la poste, le problème de l'injonction. On a vu cela
récemment d'ailleurs. il faut essayer de trouver un mécanisme qui
soit une adaptation de ce phénomène qu'est l'injonction, de ce
moyen juridique et, deuxièmement, essayer de trouver les moyens de faire
en sorte que ce ne soit pas entendu nécessairement par les tribunaux de
droit commun, mais vraiment par un monde de relations de travail, par
l'intervention judiciaire qui est spécialisée. Cela veut dire
quoi? Cela veut dire l'appareil prévu dans le Code du travail, beaucoup
plus que n'importe quel autre appareil.
M. Cordeau: Concernant le même problème,
étant donné la non-observance des injonctions par plusieurs
syndicats qui semblent se foutre des injonctions qui sont rendues, quand
prévoyez-vous je ne vous demande pas une date précise
apporter un remède, tel que vous le disiez dans la Presse: Le
Québec recherche un instrument plus adéquat que l'injonction?
Quand pensez-vous nous présenter vos politiques concernant le
remplacement de ces méthodes?
M. Johnson: Je ne peux pas vous donner, en ce moment,
d'échéancier sur le plan législatif. Je pense qu'il y en a
sur le plan législatif, en tout cas, j'ai raison de croire qu'il y a des
ouvertures possibles, mais c'est assez mince, mais il va falloir qu'on
essaie...
Une Voix: II y en a, mais elles sont minces. Je comprends...
M. Johnson: On ne sait jamais, on peut peut-être trouver
une formule intéressante. Je pense qu'avant de procéder à
l'adoption d'une législation, il faudrait qu'il y ait une très
vaste implication des premiers intéressés. Je peux dire que,
là-dessus, on peut dire qu'au plus tard au printemps, ce sera fait,
cette consultation. Comment allons-nous y procéder? Qui est-ce que cela
va impliquer? Quel sera le contenu de ces consultations? Cela reste des choses
qui seront mises au point dans les semaines à venir.
M. Cordeau: Merci.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, j'en étais
à demander les commentaires du ministre sur la situation qui
prévaut dans certains conflits. C'est évident qu'on pourrait en
parler longtemps, parce qu'il y a beaucoup de conflits. Je me limiterai
cependant à demander au ministre ses commentaires sur le conflit
à la Firestone, à Joliette. Je voudrais savoir comment tout cela
évolue. Je sais que les remarques qu'on retrouve dans le document que
nous faisait parvenir le ministère, le 20 octobre dernier, indiquent que
c'est une grève avant conciliation, d'accord, mais que le conflit sera
long et difficile. Sur quoi vous appuyez-vous pour prévoir que le
conflit sera long et difficile? J'aimerais savoir le travail qui se fait, parce
qu'à vous entendre dire, M. le ministre, qu'il y a beaucoup de travail
qui se fait, que tous les gens travaillent des vingtaines d'heures par jour
chez vous, qu'est-ce qui se passe actuellement? Qui est au boulot sur ce
dossier? Qu'est-ce qui se fait comme travail actuellement sur le dossier de la
Firestone, à Joliette?
Le Président (M. Dussault): M. le ministre.
M. Johnson: M. le Président, dans le cas de Firestone, je
voudrais d'abord faire remarquer que cette industrie ou cette entreprise qui a
connu, on s'en souviendra je pense que l'Opposition libérale
devrait s'en souvenir
M. Pagé: On se le rappelle.
M. Johnson: ... un climat de relations de travail un peu
spécial on parlait de violence tout à l'heure que
la violence n'a pas...
M. Pagé: Ce n'est toujours bien pas la faute de
l'Opposition officielle si elle est en grève aujourd'hui.
M. Johnson: Non, il y a une grève dans une entreprise de
très grande importance...
M. Pagé: Traitez du problème.
M. Johnson: ... où il y a une tradition, au niveau des
revendications syndicales, qui est très présente. C'est un
syndicat qui est fort. Cela implique plusieurs dizaines de travailleurs. Pour
être plus précis, cela en implique 300, je m'excuse.
M. Pagé: C'est cela.
M. Johnson: J'allais dire plusieurs centaines, mais c'est 300,
exactement. Le ministère est au dossier depuis un bon bout de temps,
depuis le début. M. Des Trois Maisons et M. Boisvert il y a deux
conciliateurs sont au dossier. Il y a eu plusieurs réunions entre
les parties, malgré la grève. Tout cela se déroule dans un
climat où il n'y a pas de violence, la ville n'est pas encore mise
à sac, l'usine non plus, et nous espérons qu'avec ces
interventions on permettra aux parties de se rapprocher, mais on m'a
avisé, la semaine dernière, à la fin de la semaine
dernière ou au début de cette semaine, lundi, je m'excuse, au
moment où je faisais la révision de certains dossiers avec mes
hauts fonctionnaires, qu'il me semblait y avoir des déblocages sur
certains des objets importants en litige à la table de
négociation et que cela progressait...
M. Pagé: A un rythme...
M. Johnson: A un rythme satisfaisant.
M. Pagé: Très satisfaisant?
M. Johnson: De satisfaisant à très satisfaisant,
dans la mesure où on peut évaluer cela.
M. Pagé: D'accord, on en parlera de nouveau.
Le Président (M. Dussault): Sur la même question, M.
le député de Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: II y a un conflit à Saint-Hyacinthe, chez
Lucien Larivée Inc., depuis le 11 juillet 1978, sans annotation, sans
commentaire dans votre rapport.
M. Pagé: Cela s'inscrit dans la politique. Il se satisfait
d'un nombre minimal de jours-grève, années-homme. Il n'y a pas de
problème, cela va très bien pour le ministre.
M. Johnson: M. le Président, il ne faudrait quand
même pas... il faut regarder les choses dans la perspective un peu.
J'aimerais je vais peut-être y mettre la main, je peux
peut-être l'envoyer à l'Opposition libérale mettre
la main sur ce qu'on appelle le cahier de grèves au ministère ou
le cahier des conflits. C'est un document qu'on fait revoir tous les
jours...
M. Pagé: Interne, pour le moment.
M. Johnson: ... qui me permet de suivre précisément
des interventions, etc.
M. Pagé: A ce moment-là, si le ministre veut me le
faire parvenir tous les jours, je suis d'accord.
M. Johnson: Non, pas celui-là... M. Pagé: Ah
bon!
M. Johnson: ... pas plus d'ailleurs que je lui ferais signer mon
courrier, mais, M. le Président, j'aimerais lui envoyer ce que devait
être le cahier de grèves dans l'année où vous avez
eu 6 millions de jours-homme perdus. Cela devait être quelque chose comme
cahier de grèves. Je comprends que le député de Portneuf
puisse citer trois ou quatre cas aujourd'hui dont je ne nie pas l'importance,
c'est le fait que c'est...
M. Pagé: Attendez, oui.
M. Johnson: ... dans certains cas, très difficile à
supporter pour l'entreprise et les travailleurs, mais, encore une fois, il faut
peut-être "relativiser" les choses aussi. Ce n'est pas parce qu'on va
parler de quatre conflits difficiles aujourd'hui que cela veut dire que la
situation est détériorée, cela veut dire qu'elle est
améliorée...
M. Pagé: M. le Président, on pourrait en parler
toute la journée, on a sept ou huit pages ici de conflits. C'est comme
cela toutes les semaines.
M. Johnson: On peut citer des journées de 1975 où
il y en avait 28 pages.
M. Pagé: Bon.
Le Président (M. Dussault): Messieurs, est-ce que je peux
vous rappeler que c'est M...
M. Pagé: II n'a même pas...
M. Johnson: Ah bon! (12 heures)
Le Président (M. Dussault):... M. le député
de Saint-Hyacinthe qui avait posé la question?
M. Johnson: Les breuvages Lucien Larivée... M.
Pagé: La même politique que tantôt.
M. Cordeau: J'attends ma réponse.
M. Johnson: Dans le cas des breuvages Lucien Larivée,
Ltée, il s'agit d'une grève pour le renouvellement d'une
convention collective. La date de l'arrêt de travail remonte au 11
juillet. Cela implique 28 travailleurs. C'est M. Jean-Louis Du-chesne qui est
au dossier. Je dois dire, cependant, au député de Saint-Hyacinthe
que je n'ai pas depuis quelques jours de précisions sur ce dossier,
parce que je n'en ai pas demandé. Il arrive qu'il y a des jours
où on n'a pas le temps de faire le tour de tous les dossiers, mais je me
ferai un plaisir de communiquer avec lui au tout début de la semaine
pour lui donner des nouvelles.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, il y a le conflit
à J.H. Normick, Inc. à la Sarre. On sait que cette
entreprise...
M. Johnson: J. H. Norman? M. Pagé: Normick. M.
Johnson: Normick.
M. Pagé: Bien oui. C'est une entreprise qui revêt
beaucoup d'importance dans la ville de La Sarre, avec 80 salariés. Or,
il y a eu une demande qui a été formulée selon l'article
97d, toujours pour l'engagement de briseurs de grève. Le commentaire
qu'on y retrouve, c'est que le syndicat se sent très fort et sûr
de sa victoire. La compagnie semble embaucher des briseurs de grève.
Cela me surprend que ce soit dans les commentaires du ministère. Il
pourrait y avoir de la casse. Or, c'est une indication qu'il pourrait
éventuellement y avoir de la violence dans ce conflit. Cela
apparaît dans un document officiel du ministère. C'est d'ailleurs
publicisé en date du 20 octobre. On peut présumer, je n'ai pas le
document antérieur ici, que, depuis au moins une semaine, le
ministère du Travail est informé d'une possibilité de
violence dans ce conflit. J'aimerais savoir ce qui a été fait
depuis vendredi passé.
M. Johnson: D'abord, je voudrais simplement souligner à
l'Opposition libérale qu'en aucune façon dans le commentaire
qu'on y retrouve, on ne parle de violence. On parle d'un conflit qui peut
être difficile.
M. Pagé: II pourrait y avoir de la casse. Qu'est-ce que
cela veut dire? Qu'ils se cassent la gueule? N'est-ce pas de la violence?
M. Johnson: Je m'excuse, je me référais à
une autre chose. J'étais sur le conflit de chez Therrien, non pas chez
Normick.
M. Pagé: Normick.
M. Johnson: Quelle date?
M. Pagé: Le 19 septembre 1978.
M. Johnson: De toute façon, depuis un bout de temps, la
remarque est disparue.
M. Pagé: Bon. Qu'est-ce que vous faites? Je
présume...
M. Johnson: II y a eu un enquêteur antibriseurs de
grève de nommé. Il y a eu un conciliateur au dossier. Au moment
où on se parle, cela va bien.
M. Pagé: A ce moment, pourquoi, depuis le 20 octobre
ce document est du 20 octobre, vendredi dernier quand vous avez
des indications de possibilités de violence dans un conflit, ne le
mettez-vous plus dans vos remarques?
M. Johnson: Parce que l'enquêteur antibriseurs de
grève a été envoyé, et parce que la question de
l'évaluation de la possibilité de difficultés ou de
violence ou de longueur, c'est quelque chose qui change de jour en jour dans un
conflit de travail. J'espère que l'Opposition va apprendre cela.
M. Pagé: D'accord. Prenons ce conflit, depuis le 20
octobre. Le 20 octobre, vous étiez informé par l'enquêteur
qu'il y avait une possibilité de casse. Le ministre dit que ce n'est pas
de la violence, cela, que les gens se cassent la gueule, mais en tout cas.
M. Johnson: En date du 25 octobre... M. Pagé:
Qu'est-ce qu'il y a eu de fait?
M. Johnson: II y a eu, d'une part, la nomination d'un
enquêteur antibriseurs de grève.
M. Pagé: Bon.
M. Johnson: Deuxièmement, l'intervention du service de
conciliation efficace au point, d'ailleurs, qu'il y a un accord de principe sur
la convention. Il reste à régler le protocole de retour au
travail.
M. Pagé: Parfait.
M. Johnson: D'autres questions?
M. Pagé: C'est correct. Il y en a d'autres. Ne soyez pas
inquiet!
Avico (70) Ltée, les abattoirs, 170 personnes qui sont en
grève, qui sont affiliées à la CSN, fermeture temporaire
d'usine, suite à du vandalisme. Ensuite, Avico (70) Ltée, les
chauffeurs maintenant, qui sont au nombre de 14, et ce, depuis le 26 septembre
1978, fermeture temporaire d'usine, suite à du vandalisme, lock-out,
avec un point d'interrogation. Quand on a une indication comme celle-là,
dans les remarques, de vandalisme ou de casse, j'aimerais savoir les actions
qui sont prises par le ministère, et, entre autres, qui s'est fait dans
le cas de Avico, à Iberville.
M. Johnson: M. le Président, nous avons utilisé une
disposition que nous avons créée dans le Code du travail par la
loi 45. L'article 43 du Code du travail permet maintenant au ministre du
Travail de désigner d'office la présence d'un conciliateur, c'est
ce que nous avons fait.
M. Pagé: Oui.
M. Johnson: Je pense que c'est M. Raymond Leboeuf qui est au
dossier.
M. Pagé: Est-ce que le vandalisme a donné suite
à des enquêtes?
M. Johnson: Nous ne sommes pas le ministère de la Justice.
Il y a des enquêtes policières qui se déroulent au
Québec quand quelqu'un fait un hold-up, quand quelqu'un commet un vol,
quand quelqu'un commet un crime violent. Je pense que le vandalisme ne fait pas
exception à cela, et, sur plainte, la Sûreté du
Québec ou les sûretés locales, je présume,
enquêtent.
M. Pagé: D'accord. M. le Président, le débat
de ce matin nous aura quand même permis de dégager certaines
positions du gouvernement. Le débat aura quand même
été décevant en ce que même si l'Opposition
officielle a mis en relief plusieurs éléments qui militent en
faveur d'une réforme du Code du travail, que ce soit le nombre trop
élevé de conflits qu'on a au Québec actuellement, avec,
entre autres, 8600 personnes qui perdent leur journée aujourd'hui et
l'évaluation ou la probabilité d'environ 1 500 000 ou 1 600 000
jours-homme qui seront perdus, nous n'acceptons pas et, quant à moi, je
n'accepte pas du tout que le ministre se retranche en arrière de
comparaisons qu'il peut faie avec les périodes antérieures ou
encore avec d'autres provinces pour laisser croire que ça va bien et que
tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Il y a d'autres éléments aussi qui militent en faveur de
cette réforme. Ce sont, d'une part les engagements pris par le
gouvernement, auxquels le ministre a convenu ce matin qu'il y avait eu un
recul. Il y a évidemment toute cette question d'exemples types de
culs-de-sac juridiques... C'est le cas de la Commonwealth Plywood où on
constate que, malgré les mécanismes prévus dans nos
différentes lois ouvrières, il y a un échec parce que le
conflit est quand même là, latent, depuis le mois de septembre
1977 et tout ce que le gouvernement a trouvé à y faire, c'est de
convoquer une commission parlementaire pour masquer ou créer un
écran à la face de l'opinion publique en voulant laisser croire
que le ministre du Travail s'occupait de ce problème. Cependant, le
ministre du Travail conviendra lui aussi que c'est peut-être un exemple
des plus patents du cul-de-sac juridique dans lequel on se retrouve avec nos
lois ouvrières actuellement.
On a eu, M. le Président, à mettre en relief les nombreux
conflits qui existent actuellement au Québec, qui sont trop nombreux,
même si le ministre s'en satisfait et, en terminant, évidemment,
on a eu l'occasion de voir et de traiter du programme du Parti
québécois sur les engagements que le gouvernement avait pris dans
la dernière campagne électorale, parce qu'on se rappel le, M. le
Président... Je ne sais pas quel genre de campagne vous avez
menée dans votre comté, mais moi, je me rappelle les
ténors du PQ qui sont venus claironner dans mon comté en 1976 et
j'avais un conflit qui était important en 1976, dans mon comté;
c'était le conflit de la Domtar à Donnacona.
Je me rappelle fort bien, moi, ce que je disais, et je me permettrai, M.
le Président, de vous en faire part avant de terminer. Je disais aux
travailleurs, à ce moment-là: Vous savez, vous vous devez de vous
prévaloir des mécanismes prévus au Code du travail. Le
conflit allait commencer vers le... Le droit à la grève
était acquis vers le 10 ou le 12 novembre, si ma mémoire est
fidèle, et vous savez qu'un conflit, dans certaines villes, ça
peut mettre en cause toute l'économie de la ville. C'est
particulièrement le cas à Donnacona avec l'usine de la
Domtar.
La réponse que je donnais aux travailleurs, moi, à ce
moment-là, c'était bien simple, c'était: Vous savez, vous
avez des mécanismes prévus au Code du travail. C'est à
vous de vous en prévaloir, purement et simplement, et le
ministère du Travail fera ce qu'il y a à faire et ce qui est
prévu dans la loi.
Je me rappelle particulièrement nos grands ténors du PQ
qui venaient dire aux travailleurs et particulièrement à leurs
épouses et à leurs familles: Vous savez, avec le PQ, des conflits
ouvriers comme celui-là, on n'en aura pas.
C'est évident, M. le Président, que cela a eu un impact.
Je ne vous ferai pas part des résultats; ça va de soi que ma
majorité a baissé beaucoup. Ce qui m'a surtout surpris, c'est
qu'effectivement le conflit est devenu conflit le ou vers le 12 novembre. La
grève a duré six mois. Cela m'a pris au moins quatre mois de
questions en Chambre, de lettres et tout ça pour faire en sorte que le
ministre du Travail, le député de Saint-Henri, intervienne
personnellement dans le conflit, et tout ce que le député de
Saint-Henri a trouvé à leur dire, le ministre du Travail du
gouvernement du Parti québécois, c'était: Vous savez, il
faut que les mécanismes prévus au Code du travail s'appliquent.
Exactement la réponse que le mauvais député
libéral, selon l'expression des péquistes pendant la campagne
électorale, exactement ce que le candidat libéral à
l'élection disait.
Or, M. le Président, ça met en relief une choe qui est
certaine. C'est que ce que le gouvernement du Parti québécois a
voulu laisser croire à la population de son infaillibilité en
termes d'action au chapitre des relations de travail, moi, je suis surpris de
constater ce matin que la volonté du gouvernement s'est limitée
à un constat de diminution dans le nombre des conflits, qui est
probablement circonstanciel jusqu'à une certaine mesure, parce que quand
le ministre évoque les millions de jours-homme perdus en 1970 et 1976,
il prend bien soin d'y inclure les conflits dans les secteurs public et
parapublic.
Vous savez pertinemment j'espère qu'il n'y aura pas de
conflit dans les secteurs public et parapublic qu'il y a une
négociation qui s'en vient et le gouvernement a tellement failli
à sa tâche, peut-être pas à sa tâche comme
telle, mais surtout aux espoirs qu'il a suscités dans les secteurs
public et parapublic dans le temps qu'il était dans l'Opposition
et j'aurai l'occasion de déposer, la semaine prochaine, à
l'Assemblée de soulever des questions à ce chapitre et de
déposer certains documents où les ténors du PQ parlaient
d'injustice quand le gouvernement offrait 32,5% d'augmentation dans certains
cas.
Vous aurez votre part de problèmes. Evidemment, on ne vous en
souhaite pas parce qu'on est suffisamment responsable pour espérer et
souhaiter que les négociations dans le secteur public, comme les
négociations des conventions collectives dans le secteur privé,
que le climat et que les relations puissent s'améliorer, qu'on ait moins
de jours-homme en grève ou en lock-out perdus au Québec, mais je
suis non seulement surpris, mais je n'accepte pas que le ministre s'en
satisfasse à un point tel qu'il mette de côté les
engagements, les demandes formulées par beaucoup de gens pour que le
ministre du Travail, que le gouvernement, que le Conseil des ministres se
penchent dans les plus brefs délais non seulement sur la
possibilité, mais l'obligation qu'il a d'amorcer immédiatement et
dans les plus brefs délais une réforme complète du Code du
travail. Encore là, je dois vous exprimer ma surprise.
J'anticipe évidemment avec beaucoup d intérêt le
dépôt du rapport de l'enquête menée par M. Thibodeau
des Hautes Etudes Commerciales et je ne vois pas en quoi le gouvernement peut
se désister d'une telle obligation parce qu'il n'y a pas eu de consensus
des parties pour qu'une telle commission d'enquête, une telle
étude en profondeur puisse être amorcée par le
gouvernement.
M. le Président, c'étaient les différents
éléments que je voulais mettre en relief ce matin. Evidemment, on
aura d'autres occasions d'en dis-
cuter le ministre le sait pertinemment et, quant à
moi, je ne peux me déclarer satisfait du débat de ce matin.
Je vous remercie beaucoup de votre bonne attention.
Le Président (M. Dussault): J'ai compris, M. le
député de Portneuf, que c'étaient vos commentaires de la
fin.
M. Pagé: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Saint-Hyacinthe, vous voulez intervenir dans le même sens? Alors, vous
avez la parole.
M. Cordeau: Le 25 août 1977, le ministre avait
rassuré la population lorsqu'il avait déclaré à
l'Assemblée nationale: Force nous est de constater que le Code du
travail est un outil qui a besoin d'être un peu rafraîchi et c'est
pourquoi le gouvernement a l'intention de procéder à une refonte
de l'ensemble du droit du travail. Le 8 novembre suivant, dans une autre
déclaration, vous affirmiez à peu près le même point
de vue.
Par contre, nous avons constaté aujourd'hui que vous avez
peut-être évolué dans un autre sens et que, pour atteindre
vos fins, vous employez un autre chemin. Nous déplorons que cette
refonte ne soit pas en marche encore, elle est peut-être amorcée,
mais non définitive, et je crois que vous avez évolué dans
le même sens que celui de votre option constitutionnelle: Cela change
beaucoup.
Le débat de ce matin me fait penser à une période
de questions à l'Assemblée nationale où les
préambules sont beaucoup plus longs et les réponses beaucoup plus
longues. Sortons-nous de cela bien enrichis? C'est un point
d'interrogation.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. le ministre pour terminer.
M. Johnson: Je voudrais d'abord remercier l'Opposition
libérale d'avoir donné l'occasion au ministère de faire ce
bilan complet, de le mettre par écrit et de le faire partager avec les
membres de cette commission et évidemment avec ceux pour qui
c'était disponible, les journalistes.
C'est vrai qu'au moment où nous nous parlons, il y a 8000
travailleurs qui sont en grève ou en lock-out. Il y en a cependant 2 600
000 qui ne le sont pas. J'espère que nous sommes parmi ceux qui ne
perdent pas leur temps.
M. Pagé: II récidive. (12 h 15)
M. Johnson: Je pense que j'ai pu démontrer, M. le
Président, qu'il y a eu une amélioration considérable, si
on regarde les chiffres et les statistiques, que cette amélioration,
c'est clair, n'est pas suffisante au sens que, tant et aussi longtemps qu'il y
aura des travailleurs et des entreprises en grève dans des conflits qui
durent très longtemps et qui ont des répercussions très
importantes sur un ensemble de la population ou d'un secteur économique,
on pourra considérer qu'il faut que cette chose s'améliore. Je
mets cependant en doute le fait que ce soit seulement par des lois que nous
puissions améliorer cette situation. Je pense cependant qu'il y a du
travail à faire au niveau des lois, c'est pour cela qu'au moment
où je vous parle, je peux considérer que les dix lois que j'ai
présentées et fait adopter par l'Assemblée nationale
depuis un an et demi sont déjà un effort considérable.
Deuxièmement, je dis que les lois à venir sur les conditions
minimales de travail, de la santé et de la sécurité, la
régie des entreprises de construction, la loi amendant la loi des
relations de travail dans l'industrie de la construction, ainsi que certaines
dispositions que nous serons appelés à prendre bientôt en
matière d'injonction et dans quelques autres secteurs, à la suite
d'études qui sont faites, auront démontré que ce
gouvernement, en moins de deux ans, aura fait plus que n'importe quel
gouvernement depuis 1970 et un peu plus, quand même, que le gouvernement
de 1966 à 1970, bien qu'à cette époque il y ait une
refonte importante à peu près du même ordre que celle que
nous avons faite dans le cas du bill 45. On se rappellera d'ailleurs qu'en
1969, l'Union Nationale a amendé deux fois le Code du travail, ce que le
Parti libéral n'a...
M. Pagé: La clause de protection familiale...
M. Johnson: Non, je me réfère ici, entre autres,
à l'expérience du député de Johnson, qui est
absent.
M. le Président, je pense que nous vivons dans une
société où la liberté est le principe reconnu par
l'ensemble des citoyens, nous vivons sur un continent de libertés
individuelles comme collectives, et que, dans cette perspective, modifier nos
lois du travail ne doit pas signifier et nous ne devons pas nous imaginer que
cela réglera tous les problèmes. Nous pouvons continuer à
le modifier en profondeur, comme nous l'avons amorcé, nous pouvons
continuer et vous me passerez l'expression par étapes dans
ce domaine comme dans d'autres, réaliser des objectifs sociaux et
économiques en même temps dans bien des cas. Quand on se sera
cependant, référé aux engagements de ce gouvernement, je
pense qu'on se rendra compte, à la vision des chiffres que c'est une
amélioration considérable. Je fais ici une parenthèse pour
dire à l'Opposition libérale que c'est vrai que nous avons inclus
dans les 6 500 000 pour 1976 le conflit du public et du parapublic, mais je ne
prendrai que le schéma du secteur privé, et c'était quand
même 4 988 000, tout près de 5 000 000, à comparer au
secteur privé en 1977 à 1 180 000. C'est un ratio de 1% et c'est
quand même une amélioration considérable.
M. le Président, je pense que nous continuerons à
respecter nos engagements. A la suite du rapport de M. Thibodeau, il y a une
réflexion qui a été faite en profondeur chez nous, de ne
pas procéder à la création d'une commission qui
étudierait l'ensemble des lois du travail. J'ai choisi
plutôt de procéder par des comités ad hoc, dont j'en
ai énuméré quelques-uns, et d'autres qui sont à
venir sur d'autres sujets. Cela nous a permis jusqu'à maintenant, dans
le cas de ceux qui ont remis leur rapport, d'agir rapidement. Je pense que
ça ne met pas en cause cet engagement qui était de revoir
l'ensemble de nos lois.
J'avais bien dit à M. Thibodeau qu'une des parties de son mandat
était d'évaluer l'opportunité du moyen d'une commission
générale d'enquête, je suis d'accord avec ses conclusions
sur l'absence d'opportunité, pour toutes les raisons qu'il mentionne et
même d'autres. Je pense que nous continuerons comme gouvernement et comme
parti politique, à assumer méthodiquement, sérieusement,
avec consultation et avec tout le dynamisme possible, le rafraîchissement
de nos lois du travail, surtout les efforts que nous faisons pour assainir le
climat social, en étant bien conscients que la période qui s'en
vient, dans le secteur public et parapublic... on ne peut, a priori,
présumer, je ne fais pas de futurologie dans un sens ou dans l'autre, je
suis bien content d'entendre le député de Portneuf nous dire
qu'il ne nous souhaite pas de difficulté.
J'ai un peu de difficulté à le croire, comme j'entends son
chef de l'aile parlementaire dire qu'il nous souhaite du succès à
la conférence constitutionnelle. Je pense que nous continuerons dans ce
secteur, public et para-public, à assumer égale- ment,
méthodiquement, notre rôle au niveau du ministère, qui
n'est pas un rôle d'intervention du côté patronal, où
le ministère a comme fonction, essentiellement, de voir au respect des
règles du jeu incluses dans le Code du travail.
Notre rôle, comme gouvernement, parce que celui qui vous parle est
également solidaire au niveau du cabinet, est d'être le plus
ouvert possible et de procéder à cette négociation, avec
la plus grande sérénité possible, en étant
conscients que nous devons viser ce double objetif d'assurer à ceux qui
dépendent de l'Etat, dans les réseaux, au niveau de leurs
conditions de travail, des conditions qui soient les plus adéquates
possible, mais en même temps d'assurer un autre objectif qui est celui du
fait que nous sommes là également pour protéger
l'intérêt public, les fonds publics, et finalement, l'ensemble de
la collectivité québécoise.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. le ministre. Il ne
me reste plus qu'à mettre fin aux travaux de cette commission. Je
remercie les membres participants de m'avoir facilité ma conciliation.
Les travaux de cette commission sont ajournés sine die.
Fin de la séance à 12 h 21