Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Application du règlement de placement
dans l'industrie de la construction
(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Jolivet): A l'ordre, messieurs!
La commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre est
réunie pour étudier les nouveaux certificats. Je lis la motion:
"Que la commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre se
réunisse avant la date de la mise en vigueur de nouveaux certificats de
certification afin d'analyser les conséquences, pour les travailleurs,
de l'application du règlement de placement dans l'industrie de la
construction."
C'est une motion qui avait été adoptée le 29
novembre 1978 par l'Assemblée nationale de la façon suivante:
Pour: 85 Contre: 0 Abstentions: 0
M. Pagé: La motion était présentée
par qui? Le Président (M. Jolivet): Par...
M. Chevrette: Par le député de Portneuf, mais
amendée par le député de Joliette-Montcalm.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, ne
commencez pas tout de suite. Les membres de cette commission sont les suivants:
M. Bellemare (Johnson) remplacé par M. Goulet (Bellechasse); M.
Bisaillon (Sainte-Marie) remplacé par M. Brassard (Lac-Saint-Jean); M.
Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Gravel (Limoilou), M. Johnson (Anjou); M.
Lavigne (Beauharnois) remplacé par M. Alfred (Papineau); M. Mailloux
(Charlevoix), M. Pagé (Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud); M. Vaillancourt
(Jonquière) remplacé par M. Lefebvre (Viau).
Parmi les intervenants, des membres pourront s'ajouter. Les intervenants
sont: M. Brochu (Richmond), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gosselin
(Sherbrooke); M. Jolivet (Laviolette) remplacé par M. Marcoux
(Rimouski); M. Laplante (Bourassa), M. Paquette (Rosemont), M. Springate
(Westmount), M. Samson (Rouyn-Noranda).
J'aimerais qu'on me suggère un rapporteur pour cette
commission.
M. Alfred: Je suggérerais M. Lefebvre.
Le Président (M. Jolivet): M. Lefebvre (Viau) est
accepté comme rapporteur de la commission. M. le ministre, vous avez la
parole.
Remarques générales
M.
Pierre-Marc Johnson
M. Johnson: M. le Président, cette commission est
réunie, comme le dit si bien le libellé de la motion,
après l'amendement du député de Joliette-Montcalm, pour
étudier les conséquences et les implications du règlement
de placement de l'industrie de la construction, promulgué l'an dernier,
on le sait, au premier juillet, essentiellement pour les travailleurs.
On sait cependant que les entreprises ont également, dans
certains cas, à faire des commentaires.
Je voudrais simplement rappeler que le mandat de cette commission n'est
pas, contrairement à ce qui aurait pu être dit, d'entendre les
parties, mais bel et bien de permettre aux membres de cette commission de
discuter des problèmes qu'ils ont eu à vivre,
concrètement, dans bien des cas, dans leur comté. Je
présume sachant que la pratique du côté
gouvernemental que le bureau de comté est une chose qui se fait
systématiquement. Je vais présumer que cela se fait
également du côté de l'Opposition.
M. Roy: Ne soyez pas inquiet là-dessus.
M. Johnson: Je pense que les députés sont en mesure
d'établir et de cerner les problèmes qui sont posés par le
règlement de placement, tel qu'il existe au moment où nous nous
parlons.
Deuxièmement, les parties ont été invitées,
à la fin novembre par le président de l'Office de la construction
du Québec à fournir leur opinion sur le règlement de
placement. La plupart des groupes ont fait parvenir des mémoires qui
variaient d'une page à une quinzaine de pages sur l'application du
règlement. D'ailleurs, on pourra, en cours de route, déposer
copie de ces mémoires auprès des membres de la commission.
Cependant, il faut également ajouter qu'au moment où nous
amorçons l'étude en commission du règlement de placement,
le gouvernement a déjà adopté la semaine dernière,
à la demande de l'Office de la construction du Québec, un
arrêté en conseil qui prévoit... Pardon?
M. Pagé: Quel jour?
M. Johnson: Je pense que c'était mercredi de la semaine
dernière...
M. Pagé: Excusez-moi.
M. Johnson: ... à la séance régulière
du Conseil des ministres. ...un amendement au règlement de placement
pour l'année 1979 qui prévoit que tous les travailleurs qui, en
1978, ont obtenu un certificat de classification A le conservent en 1979, quel
que soit le nombre d'heures qu'ils ont effectué depuis le 1er juillet
1978. Il en va de même pour tous ceux qui avaient un certificat B, en
1978; ils le conservent pour 1979, à moins évidemment qu'ils
n'aient fait assez d'heures pour obtenir un certificat A, ce qui peut
être le cas dans certains métiers ou dans certaines
régions.
Cet amendement que nous avons décidé d'adopter avant
même la tenue de la commission parlementaire est un amendement qui avait
un
impératif administratif, étant donné que le
renouvellement s'opère au mois de mars. Il fallait donner le temps
à l'Office de la construction, puisque cela implique quand même
des dizaines de milliers de travailleurs, de savoir à quoi s'en tenir
dans l'émission des certificats pour 1979.
Finalement, je pense qu'au cours de cette réunion il faudra qu'on
ait à l'esprit certaines choses. La première, c'est que le
règlement de placement sera appelé, dans les semaines qui
viennent, à être modifié considérablement pour tenir
compte de la réalité, entre autres, des régions, de la
réalité de l'embauche au niveau des régions ou des
sous-régions, qui pourraient être celles du décret, pour
tenir compte de la quantité et de la présence des apprentis et
pour tenir compte d'une série d'autres considérations qui visent
essentiellement à améliorer le fonctionnement ou la
qualité de l'administration de ce règlement de placement.
Deuxièmement, il faut être conscient que toute proposition
faite par l'Office de la construction du Québec au gouvernement devra,
avant d'être adoptée par l'office lui-même, passer par le
comité mixte de l'Office de la construction où, on le sait,
siègent, de façon paritaire, des représentants du monde
syndical et du monde patronal dans la construction.
On pourra toujours nous dire que le comité mixte a
récemment laissé savoir aux membres de l'Assemblée
nationale qu'il n'entendait pas siéger; je pense cependant que,
malgré un certain tollé créé autour de la loi 110,
une unanimité un peu étonnante a été faite entre
différents syndicats et les entrepreneurs, mais pour des raisons bien
différentes, selon les groupes auxquels on avait affaire. Il faut se
rappeler que ce gouvernement a choisi et a décidé qu'il ne
permettait pas aux parties d'avoir le contrôle paritaire de
l'administration de l'office, mais il a décidé quand même
d'accorder aux parties un pouvoir de considération de tous les
règlements de l'office pour une période de 30 jours.
En ce qui concerne celui qui vous parle et j'en suis
assuré en ce qui concerne la direction de l'office il ne s'agit
pas de faire semblant que ces dispositions existent, mais de les mettre en
vigueur. C'est-à-dire que toute modification aux règlements de
placement de l'Office de la construction pourra passer, pendant une
période de 30 jours, devant le comité mixte où les
parties, dans un contexte, disons, un peu moins politisé que celui qu'on
a connu récemment, pourront avec sérénité et
vigueur je n'en doute pas apporter leurs commentaires sur les
projets de changements aux règlements de placement.
L'autre dimension dont il faut tenir compte dans nos commentaires ou nos
propos de ce matin, c'est la dimension de la complexité du
règlement de placement. Je me permettrai de faire appel à une
qualité que je sais être latente chez certains des membres de
l'Opposition, même si elle n'est pas toujours manifeste. C'est cette
capacité de regarder tranquillement, sans démagogie un texte
réglementaire et des implications sans essayer de faire des blagues ou
sans essayer de mettre en caricature les situations. C'est un texte
réglementaire complexe. Je pense que les travailleurs de la construction
au Québec méritent la simplification des règles ou du
règlement, mais aussi sans doute la simplification, par les hommes
publics quels qu'ils soient, des considérations qui entourent la
critique de ce qu'est le règlement de placement.
M. le Président, je proposerais, j'ai eu l'occasion d'en discuter
pendant quelques minutes tout à l'heure, pour les fins
d'accélérer nos travaux que, conformément aux
conversations que j'ai eues avec le critique de l'Opposition libérale la
semaine dernière, nous puissions pendant peut-être trois
séances aujourd'hui, une ou deux séances demain, nous adonner
à l'étude du règlement de placement. Après que les
représentants de l'Opposition auront fait leurs propos
préliminaires, comme je viens de le faire, on pourrait peut-être
s'adresser à des catégories de problèmes, par exemple, le
nombre d'heures ou les exigences pour obtenir un certificat, selon le nombre
d'heures travaillées dans le temps, en fonction de l'âge ou en
fonction de certains critères; deuxièmement, tout ce qui a trait
aux régions, c'est-à-dire la définition des régions
et la notion de l'embauche régionale et des critères au niveau de
l'embauche régionale, on pourrait toucher là-dedans des
problèmes spécifiques, comme les régions
éloignées, comme les villages isolés, par exemple, la
Basse-Côte-Nord ou les régions insulaires, comme les
Iles-de-la-Madeleine, ou même à la rigueur, l'Ile aux Coudres,
dans le comté de Charlevoix. On pourrait aborder aussi les
problèmes relatifs au placement lui-même, c'est-à-dire
l'exclusivité du placement syndical par rapport à un placement
qu'on pourrait appeler mixte ou une capacité ou une possibilité
de référence par l'OCQ, ce qui est un problème qui
préoccupe, en particulier, le monde syndical.
Finalement, ce qui m'apparaît très important, c'est le
fonctionnement au niveau du commissariat au placement, au niveau du
ministère, où, on le sait, en vertu de la loi adoptée l'an
dernier, il y a un commissaire du placement, qui est M. André Girouard,
au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, qui est assisté
d'une série de commissaires adjoints à travers le Québec,
qui entendent en appel les causes des travailleurs qui n'ont pas obtenu un
certificat dont ils étaient satisfaits. A cette occasion, on pourrait
discuter de la qualité du fonctionnement du commissariat au placement.
Je dois vous le dire, pour en avoir discuté avec M. Girouard,
récemment, et avoir vu les chiffres qu'il a compilés, ainsi que
les efforts qu'il a faits pour ramasser la jurisprudence dans le domaine, je
pense que ce commissariat fonctionne généralement, de
façon beaucoup plus qu'adéquate, pour ne pas dire
carrément excellente.
Dans ce cadre-là, qui entendrons-nous? Comment nos travaux
pourraient-ils se dérouler? Les représentants de l'Office de la
construction, par son président par intérim, M. Lapointe, et deux
de ses principaux fonctionnaires au niveau du règlement de placement,
MM. Maheux et Després, ainsi
que le directeur du contentieux, M. Ferron, sont avec nous. Ils peuvent
être évidemment des ressources intéressantes, d'autant plus
qu'ils ont reçu les mémoires des parties et M. Girouard,
évidemment, comme commissaire du placement, est également
à notre disposition.
Voilà pour les préliminaires, M. le Président.
J'espère que l'on pourra passer à travers tout cela en une
journée et demie, conformément, d'ailleurs, à ce que m'a
laissé entendre le député de Portneuf la semaine
dernière.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Portneuf.
M. Michel Pagé
M. Pagé: M. le Président, c'est certainement un
jour très important pour la commission parlementaire du travail et de la
main-d'oeuvre que celui du 20 février, parce qu'il constitue une
première étape d'auditions, de dialogues, d'échanges entre
les députés, le pouvoir législatif, sur l'application d'un
règlement de placement qui est en vigueur depuis le 1er juillet 1978,
qui a fait couler beaucoup d'encre, qui a amené des prises de position
par les parties concernées, qui a amené plusieurs commentaires
ici, à l'Assemblée nationale, par les partis de l'Opposition et
aussi par les membres de la majorité ministérielle, en ce que ce
règlement de placement touche une centaine de milliers de travailleurs
du Québec. Cela a des répercussions dans chacun de nos
comtés et on peut présumer que tous les députés
sont certainement très intéressés par toute cette question
et l'ensemble de ce problème. (10 h 30)
Nous avons déjà eu l'occasion de faire part ici à
l'Assemblée de notre position, nos commentaires sur ce règlement
de placement et c'est ainsi que, dans un premier temps, au mois d'octobre
dernier, nous présentions à l'Assemblée une motion de
blâme à l'endroit du gouvernement, qui visait essentiellement
à faire en sorte que le gouvernement modifie sa position et qu'il
accepte de s'asseoir à la table pour discuter éventuellement de
modifications à y apporter. Plus tard, soit à la fin de novembre,
nous revenions à la charge, nous de l'Opposition officielle, pour
demander à l'Assemblée de convoquer dans les délais les
plus brefs la présente commission parlementaire afin qu'on ait
l'occasion de se pencher sur cette question. Tout cela, M. le Président,
pour vous dire que la commission est importante. Nous, de l'Opposition
officielle, nous attendons beaucoup de résultats, en termes de travail,
de cette commission.
Je me limiterai, sans vouloir reprendre tout ce que le ministre du
Travail vient de nous dire, à lui faire part de deux commentaires. Dans
un premier temps, celui-ci tout à l'heure semblait douter du rôle,
il s'interrogeait sur le rôle que l'Opposition officielle allait y jouer.
M. le Président, il n'a pas à s'interroger sur cette question. Le
ministre du Travail a été à même de constater,
depuis qu'il est ministre, la contribution fort valable et fort concluan- te de
l'Opposition officielle aux travaux ici à cette Assemblée. Qu'il
se rappelle le projet de loi 110 entre autres. L'avenir lui montrera que si le
ministre du Travail avait davantage écouté l'Opposition
officielle dans le projet de loi 110, il aurait peut-être un peu moins de
problèmes, parce que les problèmes s'en viennent. Vous ne faites
que commencer à les vivre.
M. Chevrette: Dites-le donc sans rire.
M. Pagé: C'est vrai que vous auriez dû nous
écouter davantage, parce que vous vous préparez toute une
série de problèmes.
Le Président (M. Jolivet): Cela allait bien,
continuez.
M. Pagé: De toute façon, mon deuxième
commentaire, c'est que le ministre a fait état d'une conversation. C'est
le cas, évidemment, qu'on se parle, même si à l'occasion on
se "grafigne" un peu, comme dirait mon collègue de Joliette-Montcalm. On
a étudié la possibilité que nos travaux soient
répartis sur une couple de jours, mais c'était strictement
à titre exploratoire, cela peut durer trois jours comme cela peut durer
quatre jours. On est prêt à revenir la semaine prochaine selon ce
que la commission décidera. La commission parlementaire, ce n'est pas le
député de Portneuf et le ministre du Travail qui sont "boss" de
cela, c'est nous tous, c'est la commission qui est maîtresse de ses
travaux.
M. Johnson: Je suis bien d'accord.
M. Pagé: Or, M. le Président, l'objectif de cette
commission est assurément de voir l'expérience de chacun des
députés mais, il est tout d'abord de permettre à chacun
des députés, et j'espère que les députés de
la majorité ministérielle interviendront dans le débat, de
soulever les questions, les interrogations qu'ils ont dans leur milieu
respectif et les problèmes qu'ils ont affrontés eu égard
à ce règlement de placement.
L'objectif de cette commission est aussi d'entendre l'Office de la
construction, l'OCQ, qui a été appelé à jouer un
rôle, le rôle principal dans l'application de tout ce
règlement, qui a été l'objet de plusieurs critiques qui,
jusqu'à une certaine mesure, selon mon expérience, étaient
justifiées. L'Office de la construction est habilité à
administrer le règlement sur lequel il y a plusieurs interrogations;
qu'on se réfère à la stricte question de la
référence d'embauche ou du placement de la part de l'OCQ. Ce sera
une question qu'on devra définitivement vider et le moment le mieux
choisi, c'est la présente commission.
J'espère qu'on pourra entendre le commissaire au placement qui
nous fera certainement part de son expérience jusqu'à maintenant,
parce qu'on me dit qu'il y a des milliers de plaintes qui lui ont
été formulées, qu'on pourra voir, là aussi, le
genre de plaintes, ce sur quoi le commissaire au placement et ses adjoints se
sont guidés pour
rendre leurs décisions, la fréquence de certaines
décisions, tout ça.
Nous attendons de l'Opposition officielle que ce débat soit un
débat quand même plus large que la stricte question de la
classification en A, B ou C. Pour nous, il semble que le problème n'en
est pas seulement un de comptabilité d'heures; le problème ne se
limite pas à savoir si les règlements devraient être
modifiés pour faire en sorte qu'une personne puisse être
classée A si elle a effectué 750 heures ou 500 heures. Ce n'est
pas là tout le problèVne. Il y a d'autres aspects fort importants
qui devront être traités ici à cette commission. Entre
autres, un de ces éléments, c'est le champ d'application du
décret. Le ministre devra nous dire, le gouvernement devra nous faire
part de ses commentaires, de ses considérations, de son opinion sur le
champ d'application du décret. Qu'est-ce qui arrive avec les exclusions
au champ d'application; qu'est-ce qui arrive de cet état de fait qui
dure depuis déjà trop longtemps? Quand est-ce qu'on sort des
secteurs d'activités, du champ d'application du décret et que
ça ne devient plus régi par les lois de la construction?
Qu'il suffise d'énumérer la question des "shutdown", la
question des travaux de ferme, la question des travaux mécanisés,
la question des heures; ou est-ce de la construction lorsqu'il est question
d'équipement de production? En fait, ce sont des aspects qui devront
être traités à leur mérite, attentivement. Le
gouvernement doit profiter de cette commission parlementaire pour nous faire
part de son opinion et nous dire ce qu'il entend faire avec ces questions qui
sont quand même débattues depuis déjà trop longtemps
et sur lesquelles il y a des revendications sérieuses qui ont
été faites.
On devra aussi vider la question du placement comme tel. On sait qu'il y
a une grande interrogation dans le milieu, à savoir si l'Office de la
construction du Québec, l'OCQ, fait du placement. Le gouvernement nous
dira que ces gens-là ne sont pas habilités à en faire et
n'en font pas. Mais ils font de la référence d'embauche. Les
entrepreneurs du Québec, les employeurs, sont obligés de se
référer à l'Office de la construction du Québec,
laquelle leur réfère une série de noms.
Jusqu'à maintenant, quant à moi, d'après
l'expérience que j'ai eue dans mon comté, dans ma région,
le service ainsi dispensé par l'Office de la construction n'a pas
toujours été des plus adéquats et ne reçoit pas
toujours l'approbation de ceux qui sont concernés par l'application de
ce règlement. Peut-être que le tort n'est pas uniquement imputable
à l'Office de la construction lui-même. Je conviens qu'avec un
mandat plus ou moins défini comme celui qu'il a, cela doit être
quand même assez difficile d'évoluer dans cela. Mais il faudra
vider cette fameuse question. Il faudra voir en quoi les parties qui sont
intéressées à faire du placement, qui sont
intéressées à prendre leurs responsabilités au
chapitre du placement, qui sont intéressées à se soumettre
à des normes très strictes de fonctionnement et d'administration,
qui sont intéressées à se soumettre à la
juridiction d'un organisme comme l'OCQ, pour être jugées dans la
façon dont elles évoluent, on devrait savoir en quoi ces parties
ne devraient pas être mandatées pour faire du placement, et que
cette question du placement soit, somme toute, vidée
définitivement. La commission devra le faire, selon moi.
On devra aussi vider la question de la formation. C'est encore un
problème très épineux. On sait que le gouvernement du
Québec s'engage dans des avenues bien spécifiques au niveau de la
formation. On sait que des efforts sont déployés par le
ministère de l'Education. On sait qu'actuellement, par exemple, on
incite plusieurs personnes, au niveau du secondaire, à se diriger vers
certains corps de métiers. Ces gens-là se retrouvent, à la
fin de leur cours, sans aucune possibilité d'avoir un emploi. Bien
souvent, on leur refuse même le carnet d'apprentissage. Ces
gens-là sont obligés, dans certains cas, de se faire garantir des
heures pour recevoir un permis de travail.
En fait, aussitôt qu'on a regardé cet aspect, on y constate
qu'il n'y a pas du tout, mais pas du tout, de collaboration, de coordination
entre les efforts, les lois et les approches données par le
ministère du Travail et les efforts qui sont déployés par
le ministère de l'Education. Comme je le dis souvent, malheureusement,
il semble qu'il y a plusieurs couronnes dans ce gouvernement. Malheureusement,
le ministère de l'Education ou le ministère du Travail semble
ignorer ce que son collègue de l'Education ou du Travail fait, mais il
faudra davantage de coordination dans les efforts.
On doit toutefois se poser de sérieuses interrogations sur le
fait qu'un gouvernement consacre, par nos impôts à nous tous qui
sommes ici ce matin, pour la formation, pour résulter au non-emploi
d'une personne qui aurait été formée pendant deux ou trois
ans, intéressée à travailler, qui veut travailler et qui,
par surcroît, se voit refuser le permis de travail. Il faudra
évidemment envisager la question des régions et des
sous-régions. Plusieurs représentations ont été
formulées dans ce sens-là. C'est une question de fond. Cela
implique d'intervenir dans toute cette question de la mobilité. Le
gouvernement est-il justifié de modifier son règlement pour le
ramener à une base strictement régionale et
sous-régionale? Cet aspect devra aussi faire l'objet de nos discussions.
Je suis convaincu, entre autres, que les députés de la
majorité ministérielle pourront amener, s'ils le jugent opportun
et s'ils se décident à parler, une contribution fort utile au
débat.
Il y a aussi toute la question des régions frontalières
qui est un élément...
M. Johnson: Ils vont parler, ils sont prêts.
M. Pagé: II y en a d'autres aussi, dehors, qui seraient
prêts à parler, vous savez.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Cela
allait bien, continuez, continuez. Continuez, s'il vous plaît.
M. Chevrette: Gardez le sourire, vous êtes
intéressant.
M. Pagé: Vous savez, il y en a d'autres dehors qui
seraient prêts à parler, qui seraient prêts à se
faire entendre, ce matin, ici.
Le Président (M. Jolivet): A l'ordre! Continuez.
M. Pagé: II y a toute la question des régions
frontalières. Cet aspect devra être vidé. On sait que le
ministre du Travail a fait un voyage à Toronto, il n'y a pas longtemps.
Il est allé rencontrer le ministre du Travail de l'Ontario. On sait
qu'il y a eu des négociations qui ont été amorcées.
J'espère que, dans cette optique de transparence, ce pétage de
bretelles de démocratie et de transparence saura aboutir à une
déclaration du ministre pour nous dire exactement où en sont
rendues les négociations et ce qui arrive dans ce dossier des
régions frontalières.
Il y a tout cet aspect aussi des Québécois et du nombre de
Québécois qui travaillent à l'extérieur. Vous savez
qu'on a des milliers de Québécois qui sont susceptibles d'aller
occuper des emplois dans d'autres provinces sur des projets d'envergure
là-bas dont j'ai la liste ici, à laquelle on pourra se
référer tout à l'heure.
On sait que le règlement de placement a eu un premier effet, que
plusieurs entreprises d'autres provinces ont signifié aux travailleurs
québécois qu'en raison de l'application du règlement de
placement du Québec qui était très restrictif pour les
gens des autres provinces, dans plusieurs cas, ces gens-là ont
été invités à retourner postuler des emplois au
Québec strictement, ce qui fait perdre la chance à plusieurs
Québécois d'aller gagner des sous là-bas.
Il y a évidemment toute la question qu'on doit se poser: Est-ce
que le règlement de placement tient encore? Est-ce que c'est utile qu'on
soit ici ce matin? Est-ce que c'est nécessaire qu'on soit ici ce matin?
Est-ce que le règlement de placement n'est pas mis sur la glace et n'a
pas été mis de côté par la loi 110? C'est
évident qu'on pourrait parler de classification, de A, de B, de C, de
régions et de sous-régions, pendant des heures et des jours, mais
la porte toute grande ouverte qui est là depuis l'adoption de la loi
110, qui permet à tout travailleur classé B ou C de devenir
artisan dans le temps de le dire et d'aller travailler pour un employeur
professionnel, cela vient fausser tout le débat, cela vient de mettre de
côté l'application comme telle du règlement de placement,
cela vient mettre de côté les objectifs qui étaient
recherchés par le gouvernement, justifiés ou non, mais les
objectifs qui étaient recherchés par le gouvernement dans
l'adoption de ce règlement de placement. On ne pourra pas aborder ces
questions-là sans faire référence, évidemment,
à l'application de la loi 110 qui a été adoptée en
troisième lecture la semaine dernière, à laquelle loi le
gouvernement tenait beaucoup, ce qui ne recevait pas la faveur des parties
impliquées, que ce soient les parties patronales et syndicales ou les
partis de l'Opposition.
Il faudra se demander aussi si les objectifs recherchés par une
classification comme celle-là ne pourraient pas être atteints par
la libre négociation des parties. C'est un aspect important qu'il faudra
envisager, je pense, la question de la sécurité d'emploi,
différentes questions comme celle-là qui pourraient être
laissées dans les mains de la libre négociation des parties.
Or, M. le Président, c'était là l'essentiel de mes
commentaires, c'est là l'essentiel des objectifs que je considère
comme devant être atteints par la présente commission.
Cependant, M. le Président, je dois vous dire, avant de terminer,
que je suis, dans un premier temps, surpris qu'une commission parlementaire
comme celle-là n'ait pas d'ordre du jour fixe de travail,
c'est-à-dire ce qu'on va étudier en premier, quels sont les
aspects qu'on va aborder en premier. Je suis surpris de constater aussi qu'on
ne sache pas encore à ce moment-ci et qu'il n'y ait eu aucune
formulation de la part du ministre pour savoir qui on pourra entendre. On sait
que des mémoires ont été déposés tout
à l'heure. J'ai devant moi le commentaire de la CSN-Construc-tion
concernant le règlement relatif au placement des salariés dans
l'industrie de la construction. Je conviens que ces gens-là nous ont
soumis un mémoire ce matin. Est-ce qu'il serait opportun tout au moins
de le déposer et de le consigner au journal des Débats? (10 h
45)
Ne serait-il pas plus opportun de prendre peut-être une
séance pour entendre les parties, d'autant plus que l'inquiétude
que le ministre a semblé avoir, c'était l'impossibilité
que toutes les parties puissent être entendues. J'ai été
à même de constater ce matin, en arrivant à mon pupitre,
que l'Association des entrepreneurs en construction du Québec avait elle
aussi déposé un mémoire, ce qui indique que non seulement
la CSN et le Conseil provincial des métiers de la construction ont
déposé des documents, mais aussi l'Association des entrepreneurs
en construction du Québec.
Compte tenu du fait que tous ces gens, les deux parties, ont
déposé des mémoires, est-ce qu'il ne serait pas opportun
de prendre une séance pour les entendre, si c'est possible? Est-ce qu'il
ne serait pas opportun aussi que l'Office de la construction du Québec
soit entendu comme témoin et non pas comme personne ressource,
c'est-à-dire que les gens de l'OCQ soient entendus devant nous pour
qu'on puisse discuter bien librement avec eux plutôt que de les voir
assis à côté du ministre pour lui "refiler" les
réponses.
En fait, ce sont les interrogations que je me pose. Il y a toute la
question aussi de savoir si on est ici pour quelque chose d'utile ce matin. Les
dés ne sont-ils pas pipés avant qu'on amorce nos travaux? On sait
que le ministre du Travail a d'ores et déjà amendé le
règlement de placement la semaine dernière. Celui-ci nous
indiquait tout à l'heure qu'à la suite d'une résolution
adoptée par
l'Office de la construction du Québec, il avait
procédé à l'adoption d'un arrêté en conseil
la semaine dernière.
Or, je suis quand même assez surpris. Je dois vous dire que je
suis très surpris, parce qu'assez curieusement le gouvernement a
adopté un arrêté en conseil portant le numéro 454-79
le 14 février. C'était mercredi passé. La
résolution a été adoptée par l'OCQ le 15
février. Or, M. le ministre nous disait tout à l'heure
qu'à la suite d'une résolution adoptée par l'Office de la
construction du Québec, qu'à la suite d'une invitation
formulée par l'Office de la construction du Québec, celui-ci
s'était vu obligé de soumettre au Conseil des ministres de
mercredi l'adoption d'un règlement qui modifiait le règlement de
placement, de façon à faire en sorte que toutes les personnes
classées A et B actuellement, le seraient, peu importe le nombre
d'heures effectuées pendant la période de
référence. J'ai devant moi...
M. Johnson: Sur une question de règlement.
M. Pagé: Les procédures qui commencent ce matin.
Laissez-moi donc aller!
M. Johson: Avant que le député de Portneuf
n'induise cette commission et le public en erreur je remarque là
encore la qualité des fouilles de son travail la
résolution a été adoptée le 9 février par
l'office, tel que confirmé dans le procès verbal, certifié
par le secrétaire de la commission.
M. Pagé: J'ai ici un document qui vient de l'office. C'est
en date du 15 février. C'est le 15 février, cela, M. le
Président?
Le Président (M. Jolivet): Oui. Je ne prendrai pas parti
sur le contenu.
M. Pagé: Non, mais je voudrais tout simplement que vous
soyez témoin. C'est bien le 15 février qui est
là-dessus?
M. Chevrette: C'est normal que vous soyez en retard!
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
Continuez, il vous reste deux minutes pour votre intervention.
M. Pagé: C'est l'office qui est en retard, comme cela!
C'est encore plus grave. Il va nous dire pourquoi tantôt. Le gouvernement
se veut bien transparent, bien démocrate, bien disposé à
entendre les parties et tout cela. Evidemment, ce sont des formules, mais, dans
les faits, ce n'est pas cela, c'est autre chose dans les faits. De toute
façon, là n'est pas la question. Je voudrais quand même
exprimer ma surprise que le gouvernement accepte la convocation d'une
commission parlementaire, et qu'avant même que la commission ait
commencé à siéger, le ministre commence déjà
à amender le règlement. Je ne vois pas pourquoi. Le ministre nous
dira que c'était absolument néces- saire pour les renouvellements
qui doivent se faire éventuellement. On est aujourd'hui le 20
février.
M. Johnson: Nécessaire pour les travailleurs.
M. Pagé: Tout cela aurait pu se faire à la
séance du conseil de demain soir, d'autant plus que vous semblez avoir
l'assurance que les travaux se termineront demain après-midi.
C'était là l'essentiel de mes commentaires. J'espère que
le ministre pourra nous produire un ordre du jour, répondre aux
questions que je lui ai formulées, et nous dire, entre autres, pourquoi
on ne devrait pas entendre les parties ce matin, pourquoi on ne devrait pas
entendre l'OCQ, pourquoi on ne devrait pas entendre le commissaire au
placement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bellechasse.
M. Bertrand Goulet
M. Goulet: Merci, M. le Président. Comme vous l'avez
constaté, vous me permettrez de remplacer celui qui s'occupe
régulièrement de ce dossier chez nous, soit le
député de Johnson. M. Bellemare. Vu son absence, c'est avec
plaisir que je le remplace. Vous comprendrez que si je suis ici ce matin, ce
sera plutôt en tant que représentant d'un comté rural ou
à faible densité de population, où, chaque lundi, comme
tous les autres députés, il est question du placement ou du
règlement de placement dans l'industrie de la construction. Au bureau de
comté chez nous, comme ailleurs, plusieurs personnes ne sont pas tout
à fait heureuses de ce règlement.
Il est vrai que, depuis quelque temps, certaines améliorations
ont été apportées concernant les conditions
d'admissibilité aux chantiers de construction pour des gens qui
n'avaient pas les qualifications nécessaires ou les heures minimales
requises qui leur donnaient droit d'avoir accès à un chantier de
construction.
Le nouveau règlement qu'on a adopté touchant les
travailleurs de la construction avait pour but premier de protéger,
comme le dit le ministre, les vrais travailleurs de la construction, soit ceux
qui gagnent leur vie essentiellement en ne travaillant que sur les chantiers de
la construction. De ce fait, on visait à éliminer ceux qui ont
une ou plusieurs sources de revenu autres que celle de la construction et qui,
de temps en temps, font un passage sur les chantiers de la construction et
enlèvent le travail à ceux qui n'ont que cela pour vivre ou qui
font une carrière de la construction.
Le principe même des règlements actuels, si on regarde ce
que je viens de dire, était acceptable, du moins ce n'était pas
mauvais, mais M. le Président, à chaque projet de loi ou
à chaque règlement, il y a un "mais" comme dans toute loi
ou tout règlement, il y a des failles en ce qui regarde les
comtés à faible densité ou les régions à
faible densité de population; c'est là que les failles, les
sous-entendus et les objections sont les plus flagrants.
Je crois, M. le Président, en toute honnêteté, que
c'est du devoir d'un représentant de l'Opposition, d'un comté
rural également, de faire connaître ou de souligner ces lacunes au
ministre. Je pense que l'endroit est bien choisi et je suis extrêmement
heureux qu'on ait l'occasion de le faire par le biais de cette commission.
Notre but, c'est de le faire voir au ministre responsable et d'essayer de
l'aider, en cherchant avec lui des solutions ou une solution qui, sans
être parfaite, tendra du moins vers cet objectif que nous recherchons
tous, la perfection.
Tout d'abord, il y a les zones ou les régions qui sont un peu,
à mon avis un peu beaucoup, vous me permettrez l'expression
trop grandes, surtout dans les régions rurales. C'est un
problème qu'on ne connaît pas dans les grands centres. Par
exemple, il y a une région qui s'étend, dans mon cas, des
frontières ouest du comté de Lotbinière et qui va
jusqu'aux limites est du comté de Kamouraska; je pense que, sauf erreur,
c'est la sous-région 12, qui s'étend sur à peu près
100 milles. Vous conviendrez avec moi que c'est un peu long comme
région, comparativement à d'autres régions dans les grands
centres urbains.
Par contre, en toute justice, il faut admettre qu'un travailleur de la
construction n'est pas un travailleur fixe et devrait consentir
ça, c'est mon opinion personnelle en choisissant ce
métier, à se dépalcer quelque peu. En d'autres mots, un
travailleur de la construction est un travailleur qu'on pourrait parfois
qualifier d'itinérant, mais non pas de voyageur de commerce, et c'est
là toute la différence. Entre 15 milles, 20 milles ou 30 milles
pour aller sur un chantier de construction et 100 milles, vous conviendrez avec
moi qu'il y a une très grande différence. Le problème,
c'est qu'on est souvent obligé de payer pension et de quitter la
famille, c'est là que le problème commence. Je vois une
très grande différence entre une zone de 20 à 30 milles et
une zone de 100 à 125 milles; en tout cas, au moins 100 milles dans
notre cas.
Une autre chose qu'il est également bon de souligner à
cette commission et que je me dois de souligner, c'est qu'il est faux de
prétendre que certains pseudo-travailleurs de la construction ont
automatiquement droit au chômage dès que les mois d'hiver ou
même l'automne arrivent. Il y a des gens qui se servent de ça pour
se qualifier à l'assurance-chômage. Je suis d'accord, il y a des
gens de bonne foi, il y en a beaucoup qui doivent cesser de travailler par
manque de travail, mais plusieurs ne semblent plus disponibles dès que
l'automne arrive, du moins c'est ce que personnellement j'ai retenu lors d'une
journée que j'ai passée à l'Office de la construction, de
façon à pouvoir me renseigner plus objectivement sur ce
problème. Je me suis rendu à l'Office de la construction pour
voir ce qui s'y passait et, dans mon cas, j'ai été très
bien reçu. Ce n'est pas vrai que, sous prétexte qu'on a
travaillé dans la construction l'été, on a droit
automatiquement aux prestations d'assurance-chômage, en plus de
travailler, à temps plein comme on le dit, sous la table. C'est
là un problème flagrant qu'il faudra étudier à
cette commission, si l'occasion nous en est donnée.
Il faut également comprendre qu'un travailleur ne peut pas
retirer les bénéfices ou respecter seulement les
règlements qui font son affaire. Les règlements sont là
dans le but de protéger les vrais travailleurs. Personnellement, j'ai
dit que j'admettais ce principe. Les gens couverts par ce règlement
doivent comprendre que, pour retirer des bénéfices à
longueur d'année, ils doivent se soumettre à certaines
règles. Souvent, on veut bénéficier des avantages d'une
convention collective, mais on ne veut pas respecter les règlements qui
ont été à la base même du principe de cette
entente.
Si vous voulez, M. le Président, on va revenir sur trois cas
précis que je voudrais souligner et qui, d'après moi, sont des
lacunes et causent des préjudices aux travailleurs de la construction
quant à leur classification, en fonction du nombre d'heures
travaillées. Ce sont surtout les problèmes que l'on
soulève, lorsque les gens viennent à mon bureau. Le
règlement actuel ne permet pas la reconnaissance des heures
effectuées par un travailleur de la construction, dans une ferme
familiale; ce qui est une lacune. De la construction, quant à moi, c'est
de la construction, quel que soit l'endroit où sont effectués les
travaux, cela devrait compter.
C'est également la même chose pour les travailleurs de
machinerie lourde, lorsqu'il s'agit de travaux effectués dans une ferme.
Je ne vois pas de différence entre conduire un bélier
mécanique sur une route, alors que l'autre côté de la
clôture, on conduit un bélier mécanique qui fait des
travaux mécanisés pour une ferme, apparemment les heures ne
comptent pas toujours.
Les employés occasionnels des métiers de la construction
également n'ont pas droit à la reconnaissance des heures qu'ils
font pour le bénéfice du gouvernement. Il est tout à fait
inconcevable que le gouvernement ne respecte pas les règlements qu'il a
lui-même votés. Je ne vois pas de différence entre un
travailleur de la construction au service du gouvernement et celui qui est au
service d'une entreprise privée. J'entends par là les gens qui,
l'été, vont travailler, par exemple, pour le ministère du
Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, pour la construction d'un camp.
Alors, leurs heures ne sont pas reconnues. Par contre, s'ils construisent un
camp, 500 pieds plus loin, pour une entreprise privée, les heures
comptent. C'est le même problème pour les heures
travaillées pour une commission scolaire, d'après les
règlements.
Il ne faut pas oublier les lois des relations de travail. Dans la
construction, il est dit que le gouvernement est considéré comme
un employeur. Cela est bien défini dans la loi et le gouvernement
contourne cette loi par le biais d'une convention collective ou
d'employés occasionnels.
Ce qui se produit souvent, c'est que le travailleur lui-même qui
effectue ce travail ne le sait même pas et, lorsqu'il se réveille
l'année suivante, les problèmes commencent. On dit souvent
que
toute loi est faite pour être contournée, mais il ne
faudrait pas que ce soit le gouvernement lui-même qui emboîte le
pas et qui ne respecte pas les lois ou qui essaie de contourner les propres
lois qu'il a lui-même votées. Quand je parle du gouvernement, ce
n'est pas nécessairement le gouvernement en place, mais les
gouvernements qui se sont succédé.
Un autre problème qui découle directement de cette
situation, c'est qu'un membre de la fonction publique est quasiment
empêché de retourner à l'entreprise privée du fait
qu'il n'a pas d'heures de reconnues. Personnellement, je ne vois pas pourquoi
les heures qu'un employé de la fonction publique effectue pour le
gouvernement ne compteraient pas si un jour il veut revenir dans la
construction. Ce qui est encore pire, c'est que ce fait empêche une
mobilité de la main-d'oeuvre. Quelqu'un qui a travaillé pour le
gouvernement pendant deux ou trois ans dans la construction et qui veut revenir
pour un entrepreneur privé, ses heures ne sont pas reconnues. C'est tout
à fait aberrant. Je ne vois pas pourquoi on n'accepterait pas cela.
Il y a également d'autres points qu'on a soulevés et que
j'avais eu l'occasion de soulever auprès du ministre par le biais d'une
lettre que je lui adressais l'été dernier.
Dans nos régions, aux entreprises de béton bitumineux, il
est assez difficile d'accumuler bien des heures. Les gens ne travaillent
à peu près qu'au mois de septembre; surtout que, cette
année, le gouvernement a donné des contrats pour le béton
bitumineux à peu près pour le mois de septembre seulement. On ne
peut pas accumuler des heures indéfiniment. Egalement, les petits
entrepreneurs, comme les couvreurs, ceux de la peinture extérieure, des
fondations, il y a beaucoup d'entrepreneurs qui se spécialisent
seulement dans les fondations. Cela ne va durer peut-être que quelques
mois. Souvent, on n'a pas assez d'heures pour se qualifier. Le petit
entrepreneur, l'an prochain, s'il veut encore les mêmes hommes, il devra
aller chercher les gens à l'extérieur. Et lorsqu'une
région compte tout près de 100 milles, cela lui occasionnera des
dépenses qu'il n'aurait pas dû avoir.
Personnellement, je suis pour un règlement qui permette à
tous les travailleurs qualifiés d'avoir droit au travail. Je suis
d'accord que l'on assure que le travailleur est qualifié, quitte
à diminuer le nombre d'heures, pour autant que le travailleur est
qualifié on devrait plutôt insister sur la qualification comme
telle du travailleur.
Voici un exemple concret que vous me permettrez de souligner. J'ai eu
l'occasion de travailler cet été au dossier d'un travailleur qui
a 5800 heures reconnues dans son livret de l'OCQ. Mais, étant
donné qu'il n'a pas travaillé depuis quelque temps à la
construction, parce qu'il n'y avait pas de travail dans la région, il
devrait normalement être complètement sorti de la construction,
parce que depuis deux ou trois ans, il n'y a pas eu de construction dans notre
région. Or, cet homme, voulant faire vivre sa femme et ses enfants, est
allé travailler dans un atelier de construction mécani- que.
Dès qu'il a pu trouver un emploi dans la construction, il aurait
aimé y revenir. Il a 5800 heures il est très
qualifié reconnues par l'Office de la construction. (11
heures)
Cet été, on n'a pas pu l'embaucher parce qu'il n'a pas
travaillé les dernières années, mais il a quand même
5800 heures. Apparemment, personne n'a mis en doute sa compétence et ses
heures sont reconnues. Il a beaucoup plus que 500 heures, beaucoup plus que
1000 heures, il a dix fois cela. Ce sont des problèmes qu'on devrait
essayer de corriger. Je ne dis pas au ministre que, personnellement, j'ai
toutes les solutions, mais je pense que c'est en discutant objectivement, tel
que l'a souligné l'honorable ministre, qu'on devrait être bon pour
trouver quelque chose.
Ce sont à peu près, M. le Président, les propos que
je voulais tenir, en demeurant dans le corridor, si vous voulez, de
l'objectivité. J'ai essayé de toucher quelques points pertinents
à ce débat. Je vous répète que ces remarques ont
été soulevées par des gens de mon comté qui, lors
de visites à mon bureau, m'ont fait part de leur appréhension
à cet égard. Il faut faire du bureau de comté, M. le
Président, encore hier soir jusqu'à minuit et demi, pour voir que
cela touche beaucoup de personnes. Je ne vous dis pas que toutes les personnes
qui viennent au bureau viennent seulement pour des problèmes de
construction, mais il y en a beaucoup. Je suis convaincu, M. le
Président, que si tous, à cette commission, on y mettait de la
bonne foi et je ne doute pas du tout des membres de cette commission
une solution devrait être apportée dans ce dossier, une
solution devrait être trouvée afin d'améliorer ce dossier
controversé depuis quelque temps et même depuis quelques
années. Je ne veux pas mettre le blâme seulement sur une personne,
mais on a toujours eu des problèmes là-dedans.
Personnellement, je me pose également une question: Doit-on
abolir tous les permis et revenir au "free for all" d'antan. Quant à
moi, je dis non. Il faut essayer d'améliorer le règlement actuel
qui, rappelons-nous en, a été mis là dans le but premier
de protéger les vrais travailleurs de la construction,
c'est-à-dire pas le professeur d'école qui, l'été,
va travailler deux mois dans la construction pour enlever la "job" à
celui qui normalement ou régulièrement gagne sa vie avec cela.
C'est là que je vois la différence. Par contre, il ne faut pas
léser non plus celui qui, depuis un an ou deux, parce qu'il n'avait pas
de travail dans son comté, dans sa région, au lieu de s'expatrier
à Montréal ou dans d'autres régions du Québec, est
demeuré dans son comté pour essayer de trouver autre chose en
attendant parce qu'il avait du coeur au ventre. Il y a une différence
entre ces deux catégories de personnes, entre le professeur qui chaque
été, lors de ses vacances, va enlever une "job" à un
travailleur de la construction comparativement à celui qui n'en a pas
eue depuis deux ou trois ans.
Pour moi, je l'ai dit tout à l'heure, un vrai travailleur de la
construction c'est un type qui a la compétence reconnue, qui veut
travailler. Il y a
également là-dedans le principe de la libre entreprise, le
principe de l'efficacité aussi. Personnellement, pour autant que
quelqu'un est reconnu compétent, a ses diplômes, comme on dit, ou
ses cartes, si je veux choisir un médecin trois rues plus loin que chez
nous plutôt que de choisir mon médecin voisin, c'est mon affaire.
Je dis que l'entrepreneur, pour autant qu'un travailleur est reconnu
compétent, devrait avoir le choix du travailleur qu'il veut embaucher.
Actuellement, je ne suis pas sûr qu'il ait le choix. Il est obligé
de prendre ceux qu'on lui envoie. Trop souvent, dans les grandes
planifications, on a tendance également et je le souligne
à l'honorable ministre à donner moins d'importance aux
gens qui vivent dans les régions rurales ou aux gens qui vivent dans les
régions à faible densité. On fait des lois, on fait des
règlements en se basant sur des données qu'on recueille bien trop
souvent dans les grands centres et c'est malheureux pour les régions
comme celle que je représente. On l'a vu pour le placement
étudiant et on le voit également pour le placement dans la
construction. La plupart des lacunes viennent des régions à
faible densité de population.
Les points soulevés démontrent que même si l'on
croit souvent posséder toute la vérité, il arrive parfois
que l'on puisse oublier des choses très importantes, ou qui semblent
parfois même pas importantes, mais qui, à un moment donné,
dans les faits, pour l'individu lui-même, ont une très très
grande importance. On oublie des petites choses parce qu'on dit: Ce sont des
cas isolés, mais non. Lorsqu'on regroupe ces cas isolés, cela
devient important. C'est un peu, M. le Président, les propos que je
voulais tenir. Je demande encore à l'honorable ministre de penser,
à un moment donné, que dans des régions comme
Bellechasse-Dorchester, on a retrouvé, dans certaines paroisses, des
taux de chômage allant jusqu'à 30%, 30,5%, 20%, 25%. Ce sont des
chiffres donnés par le Centre de la main-d'oeuvre du Canada. Vous allez
dire que c'est le Canada, mais j'imagine que ceux du Québec sont
à peu près semblables. Imaginez-vous un père de famille
qui, l'an passé là je ne veux prendre personne par les
tripes, mais ce sont des cas qu'on vit régulièrement parce
que dans son comté, dans sa régio n, le chômage
sévissait à 20% ou 30%, a dû aller travailler dans une
industrie, comme une industrie de meubles, une industrie connexe au bois, si
vous voulez, ou ailleurs, mais qui ne voulait pas ou qui n'a pas pu s'en aller
travailler à Montréal, ce n'est pas la faute du père de
famille s'il n'y a pas eu de construction dans son comté depuis deux ou
trois ans et qu'ainsi il n'ait pas pu accumuler d'heures.
Cela ne veut pas dire qu'il n'est pas compétent dans la
construction. Je dis que la seule chose qui reste pour un père de
famille qui a du coeur au ventre, qui veut faire vivre sa famille, il avait
trois choix. Le premier, c'était d'aller travailler sur la construction,
mais il n'y avait pas de construction; le deuxième choix, c'était
d'aller travailler ailleurs pour essayer au pire d'accumuler quelques timbres
de chômage pour dire: Cet hiver, on va avoir quelque chose à
manger, s'il n'a pas fait ça, le troisième choix, M. le ministre,
vous l'avouerez avec moi, c'est le bien-être social.
Ce sont à peu près les trois choix qu'on mettait, les
trois possibilités offertes à un travailleur. Je dis que, dans
bien des cas, c'est à peu près le seul choix qu'a laissé
le règlement actuel. Je ne vous dis pas que c'est
généralisé au niveau de la province, mais, je vous l'ai
dit au début de mon intervention, dans les cas qui sont venus dans le
bureau, les cas auxquels j'ai affaire personnellement, c'est à peu
près le seul choix que le règlement actuel laisse à ces
gens.
En terminant, j'aimerais, à la suite des propos du
député de Portneuf, avoir la possibilité je ne
connais pas l'échéancier de travaux de poser des questions
aux gens de l'Office de la construction, pas dans le but de leur chercher
noise, loin de là, mais dans le but de leur poser de vraies questions
objectives; je voudrais interroger également le commissaire au placement
et d'autres groupes qui sont ici et qui ont déposé des
mémoires. J'aimerais avoir des éclaircissements sur certains
mémoires. Ces mémoires ont été mis devant nous il y
a environ une heure. Après en avoir pris connaissance en diagonale, vous
comprendrez qu'on ne peut pas les avoir approfondis. J'aimerais quand
même poser certaines questions.
Je ne connais pas l'échéancier des travaux, je ne sais pas
si c'est prévu d'entendre tout ce monde, mais je l'espère.
Voilà pour ce qui est des propos préliminaires que j'avais sur ce
dossier.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Fabien Roy
M. Roy: Merci, M. le Président. Quelques mots seulement,
je n'ai pas l'intention de prendre les vingt minutes qui me sont
allouées sur cette question. Je voudrais simplement rappeler au ministre
ce qui lui avait été dit le 25 mai dernier, à l'occasion
d'un débat qui avait lieu un vendredi matin, avant même
l'entrée en vigueur de la première partie du règlement de
placement dans l'industrie de la construction. On se rappellera que ce
règlement entrait en vigueur, pour une partie, le 1er juin, l'autre
partie, l'ensemble du règlement, entrait en vigueur le 1er juillet.
Nous avions fait un certain nombre de recommandations au ministre, nous
l'avions mis en face de grandes difficultés qui s'annonçaient et
du fait qu'on avait ignoré une réalité qui prévaut
dans le milieu de la construction. Ce matin, nous avons une commission
parlementaire qui siège, à la suite de la motion qui a
été présentée par notre collègue, le
député de Portneuf, et lors de cette commission parlementaire, je
me demande bien de quelle façon vont se dérouler nos travaux.
D'abord, il aurait été très important qu'on puisse
entendre les groupements syndicaux comme patronaux devant cette commission
parlementaire, comme on le fait lorsque nous avons une consultation avec les
organismes intéressés, ou
encore que nous ayons un ordre du jour assez précis de nos
travaux, comme l'a dit tout à l'heure le député de
Portneuf, un ordre du jour assez précis pour qu'on connaisse au moins un
certain ordre de travail, plutôt que de tenter de faire nos observations,
d'un côté comme de l'autre, pour tâcher d'éclairer le
ministre, et, d'un autre côté, des discussions qui trop souvent
sont considérées un peu comme du coq-à-l'âne.
M. le Président, je ne voudrais pas que cette commission
parlementaire d'aujourd'hui en soit une qui ne soit tenue que pour la forme. Il
faudrait que cette commission parlementaire débouche sur des
propositions sérieuses. Etant donné qu'il y a déjà
huit mois que le règlement de placement est en vigueur, je pense que
cela aurait été fondamental qu'on permette à l'OCQ de se
faire entendre devant la commission parlementaire, qu'on permette au
commissaire au placement de se faire entendre, qu'on permette aux organismes
syndicaux de se faire entendre, qu'on permette aux organisations patronales de
se faire entendre devant la commission parlementaire, de façon que les
parlementaires, des deux côtés de la table, puissent dialoguer,
interroger ces gens, pour qu'ils puissent nous apporter l'éclairage
nécessaire.
M. le Président, le règlement de placement n'a pas encore
tout à fait huit mois d'existence que, déjà, il a
été amendé deux fois. Le ministre nous, annonce une
troisième série d'amendements. J'aurais aimé, puisque
c'est l'intention du ministre d'en venir à une série
d'amendements, qu'il nous propose au moins, sur un document, un projet
d'amendement, pour qu'on discute sur des documents, qu'on ait l'occasion de se
prononcer sur des intentions véritables plutôt que de perdre notre
temps dans des discussions qui, trop souvent, sont un peu trop stériles
et un peu trop souvent stériles. On n'est même pas
écoutés par le ministre, M. le Président. Cela
démontre... On pourrait suspendre la séance, M. le
Président. Lorsque le ministre pourra revenir à la table de la
commission parlementaire, on pourra peut-être discuter.
Le Président (M. Jolivet): Un instant. Vous n'avez pas
à le soulever, je sais ce que... S'il vous plaît, messieurs
lés membres de l'assistance, vous avez le droit de participer par
l'écoute des débats, mais je vous demande de respecter les
règlements de cette assemblée qui demandent aux gens dans la
salle de ne manifester d'aucune façon.
M. Roy: C'était de l'enthousiasme.
Le Président (M. Jolivet): D'une façon ou d'une
autre.
M. Johnson: M. le Président, j'avais demandé la
parole avant le député de Rimouski, si vous le permettez.
M. Roy: Sur le point de règlement que j'ai soulevé,
M. le Président, est-ce que les gens ont le droit de sourire? Oui?
M. Johnson: M. le Président, je comprends que le
député de Beauce-Sud se cherche ici des applaudissements qu'il
n'est pas capable d'obtenir avec les agriculteurs dans son comté.
M. Roy: Elle est forte, celle-là. Ce n'est pas votre
meilleure.
Une Voix: Franchement partisan. Pas fort, pas fort.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Cela
allait bien jusqu'à maintenant. Je pense que cela peut continuer aussi
bien. M. le ministre, s'il vous plaît!
M. Johnson: M. le Président, je n'ai pas d'autres
commentaires sur les satisfactions faciles du député de
Beauce-Sud.
M. Roy: M. le Président, si l'honorable ministre avait
écouté les propos, je n'aurais pas été
obligé je dis bien obligé de faire les remarques
que j'ai faites, parce que j'estime que, si le ministre a décidé
de donner suite à la motion de l'honorable député de
Portneuf de convoquer la commission parlementaire, ce n'est pas dans le but de
tenir une commission parlementaire strictement pour la forme.
Je n'ai pas l'intention d'abuser de mon droit de parole, M. le
Président, mais j'aimerais rappeler à l'honorable ministre
certaines choses. Qu'on se rappelle que, le 25 mai dernier, j'avais dit, dans
mon intervention, comme on peut le constater à la lecture du
règlement, que, tant pour le salarié que pour l'employeur, ce
nouveau système de placement occasionnera quantité d'obligations,
à un point tel que l'on se demande où se situe
l'efficacité. J'ai dit cela au ministre.
En plus de ne rien modifier dans le système de placement, on
établit une foule de contraintes qui n'auront comme effet que d'alourdir
encore davantage une industrie qui n'en avait pourtant pas besoin, surtout
à ce stade-ci. Cela a pris huit mois au ministre pour comprendre.
Ce matin, nous avons également des choses à lui dire. Si
le ministre avait été sérieux, M. le Président, on
nous aurait présenté ce matin, compte tenu de toutes les
remarques qui ont été faites dans le passé, un projet
d'amendement du règlement de placement que nous aurions pu examiner, que
nous aurions pu étudier. Certes, nous allons lui faire des
recommandations aujourd'hui. Mais les recommandations que nous allons lui
faire, ce sont des recommandations qui ont déjà été
faites dans le passé. Nous allons tout simplement être encore dans
l'obligation de lui répéter ce qui a déjà
été dit à plusieurs reprises. Et le ministre, s'il est
sérieux, devra tenir compte j'espère qu'il le fera
des recommandations que nous lui faisons ce matin, devra préparer un
projet de règlement de placement, le soumettre aux parties
intéressées et là, tenir une commission parlementaire,
comme on l'a fait dans les autres domaines. A ce moment-là, je pense
qu'on pourra avancer vers quelque chose.
Le ministre a parlé de l'agriculture tout à l'heure. C'est
une commission parlementaire qui ne permet pas aux intéressés de
se faire entendre. Mais le ministre de l'Agriculture, je l'ai averti hier,
connaîtra les mêmes difficultés que connaît
actuellement l'honorable ministre du Travail. C'est ce que j'ai dit à
son collègue, le ministre de l'Agriculture, parce qu'il procède
de la même façon, il s'inspire des mêmes exemples et s'en va
exactement dans la même direction, c'est-à-dire dans un
cul-de-sac.
M. le Président, il y a des principes dont on aurait dû
tenir compte dans la loi du contrôle quantitatif et qualitatif de la
main-d'oeuvre. On reconnaît évidemment l'émission de
certificats de compétence. Le certificat de compétence, le
certificat de qualification devrait avoir priorité. Actuellement, on a
subordonné le certificat de qualification à un certificat de
classification qui fait en sorte qu'un travailleur, après quinze ans,
après dix-huit ans, après vingt ans, après vingt-deux ans
de métier, se retrouve sans avoir le droit de continuer à exercer
son métier, sans avoir le droit d'exercer sa profession.
Justement sur ce point, M. le Président, dans une lettre, dans un
document que j'ai ici en main, voici ce qu'on dit. On attire l'attention de
certaines autorités sur le fait que le travail a beaucoup diminué
en 1977-1978. C'est un entrepreneur qui a écrit cette lettre. Il dit:
"Nous étions dans l'impossibilité de garder tout notre personnel,
à cause du congédiement de ceux-ci. Les travailleurs les plus
âgés ne sont plus de la classe A, quand les plus jeunes ont eu
l'occasion d'accumuler des heures à l'extérieur de
Montréal." (11 h 15)
C'est un employeur de Montréal qui écrit ces choses. "Il
est beaucoup plus difficile pour l'homme marié, père de famille,
de quitter la ville pour travailler à des chantiers extérieurs.
Le plus jeune n'ayant pas d'attache peut, lui, s'éloigner et ainsi
accumuler suffisamment d'heures pour se classer A".
Il y en a de ces lettres, M. le Président, il y en a de ces
déclarations. Il y en a. On pourrait en citer toute la journée.
Le député de Bellechasse a cité un certain nombre de cas
sur lesquels je suis déjà intervenu à deux reprises au
cours de commissions parlementaires pour étudier les règlements
de placement. Pour quelle raison, dans toutes les régions rurales du
Québec je dis bien dans toutes les régions rurales du
Québec y a-t-il seulement certaines catégories d'heures
qui sont comptabilisées? Les entrepreneurs locaux font aussi du travail
dans des fermes, font aussi des travaux dans d'autres secteurs, ces heures ne
sont pas comptabilisées, ce qui fait en sorte que des travailleurs
qualifiés, détenant un certificat de qualification
professionnelle se retrouvent avec des certificats C après avoir
travaillé pendant 1000 heures, pendant 1100 heures et pendant 1200
heures durant l'année. 600 heures ou 700 heures n'ont pas
été comptabilisées par le fait que c'étaient des
travaux qui ont été effectués dans des fermes. Cela peut
être des travaux mécanisés.
On sait que les petites entreprises des régions rurales qui
effectuent des travaux mécanisés ont vécu ces
problèmes. Ceux qui travaillent, qui font de la construction et qui non
seulement font de la construction industrielle, de la construction
résidentielle, mais qui font aussi de la construction des bâtisses
de ferme ne sont pas compris, les heures ne sont pas comptabilisées pour
des fins de classement. Ces gens qui ont travaillé et qui auraient
effectivement accumulé le nombre d'heures requis, soit 1000 heures, ne
peuvent pas avoir un certificat de classification de classe A et, par voie de
conséquence, ils sont automatiquement exclus du marché,
après 20 ans, après 25 ans de profession, après tant
d'années de métier.
M. le Président, nous aurions beaucoup d'exemples à
donner. Il y a aussi le fait que ces petites entreprises, comme le soulignait
encore le député de Bellechasse et comme je l'avais
souligné le 25 mai dernier, les entreprises qui sont
spécialisées dans les travaux de route, dans la construction de
route, les entreprises de pavage, on sait très bien que c'est le
gouvernement qui accorde les contrats. Il y a une multitude d'entreprises. Les
budgets ne sont jamais suffisants pour répondre aux besoins de la
population. Il y a un certain nombre d'entreprises qui réussissent
à avoir un ou deux contrats pendant l'année. Elles
réussissent à obtenir un certain nombre d'heures, 500 heures, 600
heures voire 700 heures, mais elles ne peuvent pas avoir suffisamment de
contrats pour effectuer les 1000 heures. C'est le cas à peu près
de toutes les petites entreprises de pavage. Je parle des petites entreprises
de pavage qui sont dans cette situation-là. Cette année,
l'année qui vient de s'écouler...
M. Johnson: Au début, j'ai très bien compris. M.
Roy: Au début.
M. Johnson: M. le Président, si le député de
Beauce-Sud se sent lésé par le fait qu'il m'arrive
d'écouter ou de parler avec mes collègues de ce qu'il dit, entre
autres, cela vaut ses absences prolongées en Chambre.
M. Roy: Cela vaut quoi?
M. Johnson: Cela vaut ses absences prolongées en
Chambre.
M. Pagé: Ils ne sont pas 72, il est tout seul, lui. M.
Roy: Les absences de qui, M. le Président.
M. Pagé: II est seul, lui, ils ne sont pas 72. M.
Johnson: Du député de Beauce-Sud. M. Pagé: ...
au ministre, quand je vois cela.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, à
l'ordre, à l'ordre!
M. Pagé: II manque toujours quinze minutes en Chambre.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Portneuf...
M. Pagé: C'est insultant, c'est effronté.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Portneuf, laissez le député de Beauce-Sud se défendre
lui-même.
M. Roy: M. le Président, j'invoque une question de
règlement. Je m'aperçois que le ministre, ce matin, est pris de
panique et va chercher ses arguments là où il peut.
M. Johnson: Voyons donc!
M. Roy: Aller attaquer mon taux de présence à
l'Assemblée nationale. Elles s'expliquent mes longues absences à
l'Assemblée nationale. Le ministre vient de dire cela?
Le Président (M. Jolivet): M. le député...
M. Pagé: II a le droit.
M. Roy: Sur un point de règlement. Le ministre vient de
passer son message.
Le Président (M. Jolivet): Je suis d'accord, mais ce
que...
M. Roy: Je ne laisserai pas le ministre j'en fais une
question de règlement, M. le Président aller dans cette
direction. J'ai entièrement le droit de le faire. Si le ministre n'a pas
d'autres arguments à apporter ce matin à ceux qu'on lui apporte,
je dis que le ministre est bien mal pris. Le ministre est bien mal pris. Il
essaie d'intimider les députés pour tâcher d'argumenter sur
le taux de présence à l'Assemblée nationale.
M. Johnson: Voyons donc!
M. Roy: Je peux le comparer avec celui du ministre et je peux le
comparer avec celui de n'importe quel de ses collègues mon taux de
présence à l'Assemblée nationale. C'est reconnu et c'est
admis par bien des gens qui suivent les débats de l'Assemblée
nationale. Je ne peux pas être en Chambre et être en commission
parlementaire en même temps.
Cela dit, je veux revenir sur la question du règlement de
placement dans l'industrie de la construction. On a discuté, il n'y a
pas tellement longtemps, du fameux projet de loi 110, de toute la question des
artisans. On a dit qu'il y avait des incidences, qu'il y avait des
conséquences, qu'il y avait une relation directe avec le
règlement de placement. J'ai écouté le ministre tout
à l'heure. Quelles sont les intentions de modifications qu'il veut
proposer à la commission parlementaire pour tâcher d'apporter un
ajustement, suite à ce qu'il a lui- même déclaré
à l'Assemblée nationale, dans le cas des artisans?
Je n'ai rien entendu tantôt. Le ministre a été
passablement muet, lui aussi, sur la question des travailleurs qui vont
travailler en dehors du Québec, qui vont travailler dans d'autres
provinces. Nous avons ici une liste je pense qu'il y a un de mes
collègues qui y a fait allusion de tous les chantiers qu'on
retrouve en Alberta, en Saskatchewan, en Ontario, à Terre-Neuve, qu'on
retrouve également au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Ecosse et en
Colombie-Britannique. Il y en a un peu partout. Le ministre a été
passablement muet là-dessus. On sait très bien que les
travailleurs du Québec sont pénalisés à la suite
des décisions qui ont été prises. Le ministre nous a dit
à l'Assemblée nationale qu'il devait nous donner des
renseignements, qu'il avait fait des propositions à son homologue
fédéral. Je serais bien intéressé, et je pense que
les travailleurs aussi seraient intéressés...
M. Johnson: Pas du fédéral.
M. Roy: Son homologue de l'Ontario. On serait bien
intéressés de connaître ses intentions précises,
quelles sont les propositions précises qu'il a faites à son
homologue de l'Ontario, pour qu'on sache effectivement quels sont les moyens
susceptibles d'être appliqués par la suite afin d'être en
mesure de prévoir d'avance la réaction de l'Ontario face aux
propositions qui ont été faites par le ministre. Tant que nous
ignorons les propositions que le ministre a faites, c'est assez difficile de
pouvoir faire des commentaires là-dessus et lui faire des
recommandations.
M. le Président, je ne serai pas plus long. Je me permettrai de
terminer en lisant une citation au ministre, qui a été
attribuée à M. Réal Mireault, dans un article de Pierre
Vennat, paru dans le quotidien La Presse du 1er février 1977. Avant de
le citer, je dirai que dans ce règlement de placement, il va falloir que
le ministre prenne conscience de la réalité de l'industrie de la
construction. Il va falloir que le ministre prenne conscience de la
réalité à laquelle les travailleurs ont à faire
face dans le quotidien dans l'exercice de leur métier, la
réalité pour les entreprises, la réalité des
milieux urbains et aussi de la réalité des milieux ruraux. Cette
réalité, le ministre pourra en prendre conscience, pourra en
prendre connaissance à l'occasion d'un dialogue ouvert, dans une
commission parlementaire ouverte et qui permettra aux deux parties de se faire
entendre devant la commission parlementaire et qui permettra également
aux membres de la commission parlementaire d'interroger les parties en cause,
les parties intéressées. Je termine avec cette citation
attribuée à M. Mireault: "S'il faut une volonté de changer
les traditions et d'améliorer les choses, et même du courage,
cessons de changer le cap selon les rêves de réformateurs
perpétuels. Essayons donc de baser nos actions sur la
réalité de l'industrie."
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Je voudrais tout d'abord citer quelques chiffres
pour montrer l'importance d'avoir un règlement de placement. Entre 1973
et 1978, il y a eu 258185 travailleurs inscrits qui ont voté, qui ont
enregistré un vote à l'OCQ. Durant la même période,
il y a 81 664 travailleurs qualifiés qui ont oeuvré dans la
construction et 56 854 travailleurs non qualifiés qui y ont
oeuvré, pour un total de 138 518 travailleurs qui ont effectivement
travaillé. Il y a beaucoup de gars qui ont enregistré des votes
à l'OCQ pour se donner ni plus ni moins une certaine police d'assurance.
Dans l'éventualité d'un ralentissement de travail dans leur
milieu, ils pouvaient toujours mettre le pied dans l'industrie de la
construction qui se faisaient littéralement voler des "jobs". Il
n'était pas rare de voir un policier ou un professeur venir oeuvrer
l'été pendant un, deux ou trois mois dans l'industrie de la
construction, et de voir des véritables travailleurs de la construction
chez eux à ne rien faire.
Donc, ça prenait un règlement. Supposons, avec tous les
désagréments que ça comporte, que ce règlement,
c'est de la bouillie pour les chats. A écouter le député
de Beauce-Sud en particulier, c'est effrayant, il n'y a rien de bon dans
ça. Ce qui est proposé, c'est de permettre à tout le monde
de revenir à peu près à l'état antérieur.
L'anarchie, ni plus ni moins...
M. Roy: M. le Président, je m'excuse. Le
député...
M. Chevrette: Je ne l'ai pas interrompu, lui.
M. Roy: Question de règlement, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député. Je n'accepterai pas d'intervention pendant un discours.
Vous avez le droit de prendre parole ensuite.
M. Roy: M. le Président, immédiatement après
que les paroles ont été prononcées, un
député peut intervenir; c'est dans le règlement et
ça a toujours été ainsi dans le règlement.
M. le Président, je ne laisserai pas encore une fois passer la
petite manigance du député de Joliette-Montcalm, qui s'est permis
la même stratégie d'interpréter les propos qu'on a tenus,
alors qu'il passait son temps à placoter pendant mon intervention.
M. Chevrette: Je connais la redondance du
député.
M. Chevrette: M. le Président...
M. Roy: Celle-là ne passera pas, M. le
Président.
M. Chevrette: Vous avez eu votre claque, fermez-vous.
Le Président (M. Jolivet): A l'ordre!
M. Chevrette: Là, il a eu sa claque. Peut-on se
parler?
Le Président (M. Jolivet): A l'ordre! Je rappellerai
encore une fois, pour les besoins normaux de cette assemblée, de ne pas
manifester par des applaudissements. Vous avez le droit de penser ce que vous
voulez, mais laissez les gens s'exprimer.
M. Chevrette: M. le Président, je vais continuer mon
exposé en vous disant que c'est tout à fait utopique, impensable,
invraisemblable de permettre à 258 000 travailleurs de venir se
déchirer littéralement 85 000 ou 90 000 jobs...
M. Roy: Qui a dit cela?
M. Chevrette: Est-ce que je peux continuer? Je ne vous ai pas
interrompu 30 secondes.
M. Roy: Qui a dit ça?
Le Président (M. Jolivet): M. le
député...
M. Chevrette: Avez-vous peur d'avoir un mauvais titre dans le
Soleil?
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, M. le
député.
M. Roy: Si j'en ai un, j'agirai en conséquence.
M. Chevrette: Oui, vous ferez vos questions de privilège
pour chercher vos claques. Laissez-nous parler quand on a quelque chose
à dire.
M. Pagé: C'est parce qu'il vous aime qu'il donne des
claques.
M. Chevrette: Non, pas de farce!
M. Pagé: Non, c'est vrai, vous voyez comme vous êtes
aimé!
M. Chevrette: M. le Président, il reste qu'il fallait
absolument, comme dans n'importe quelle industrie, réglementer le
travail dans l'industrie de la construction. Quand on disait, tantôt, que
des gars n'accumulaient pas d'heures pour des travaux de ferme, c'est
exactement la même chose pour un enseignant qui irait travailler chez
Woolco, qui voudrait revenir dans l'enseignement et que ses heures comptent.
L'ancienneté est relative et rattachée à un contenu de
travail bien défini, bien identifié, qui est le décret de
la construction, négocié par les parties. Plus on va
étendre le champ possible ou l'accessibilité possible à
des travailleurs non spécialisés et non qualifiés, pour
qui c'est un "sideline", plus on nuit aux véritables travailleurs de la
construction. Il faut comprendre ça et l'admettre; c'est admis dans
n'importe quelle industrie. On ne dit pas à un gars dans une usine
d'aller se chercher de l'ancienneté dans un autre
type d'usine ou dans un autre usine pour conserver son
ancienneté. Dans l'industrie de la construction, on ne peut pas parler
de chantier, mais on peut parler de travaux bien pécifiques à la
construction; l'ancienneté, il faut l'étendre à
l'industrie même de la construction. Quand on voit 258 000 inscrits, je
veux vous dire qu'il y a de vrais travailleurs de la construction qui n'ont pas
travaillé depuis huit ou dix mois; il n'y en a que 138 000 qui ont
travaillé et, parmi ces 138 000, il y en a qui n'ont pas
travaillé depuis huit mois et il faudrait ouvrir encore plus large le
règlement, à écouter certains propos.
Donc, je pense qu'il faut comprendre que le règlement de
placement est une sécurité ou une priorité d'embauche que
veut se donner le véritable travailleur par rapport aux autres. Cela se
comprend; on peut bien rigoler de certaines mesures à l'intérieur
du règlement de placement, mais le gars qui est impliqué, le vrai
travailleur qui veut se replacer le lendemain matin ne rigole plus des*
modalités et il n'applaudit plus non plus à des
frivolités, parce que lui-même, qui a travaillé pendant
quinze ans et à qui on demande un certain nombre d'heures, n'aimerait
pas voir passer devant lui un gars qui a 300 heures. (11 h 30)
Les véritables travailleurs de la construction, quand ils
viennent nous voir dans nos bureaux de comté on est aussi
accessibles que les gens de l'Opposition pour nous expliquer qu'il y a
des choses qu'ils n'aiment pas à l'intérieur du règlement
de placement, je les comprends. Mais quand on explique au gars qu'il y a quand
même une priorité par rapport à celui qui avant
s'inscrivait à l'OCQ sans aucune heure et qu'il pouvait passer devant
lui, il le comprend. Il le comprend même assez vite. Il se retourne de
bord assez vite et il réfléchit. Il dit: C'est vrai, je ne suis
peut-être que B, mais je suis encore mieux d'avoir juste un B que de me
ramasser avec un prof qui viendrait prendre ma place le lendemain matin pendant
les mois de juin, juillet et août. Il comprend cela quand tu lui
expliques et que tu ne fais pas de démagogie sur le règlement.
C'est un point de vue sur lequel je voulais revenir au départ et je mets
personnellement au défi n'importe qui de rencontrer n'importe quel
travailleur pris isolément, pour lui demander, s'il avait un choix
à faire entre l'ouverture totale à tous ceux qui votent à
l'OCQ, par rapport au règlement... Il dirait: Même si je ne l'aime
pas, je prends le règlement, parce qu'au moins je suis un vrai
travailleur et je peux au moins me donner une petite porte d'entrée,
alors que c'était une porte totalement ouverte avant. C'est le cas bien
précis des véritables travailleurs de la construction.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît! Je vais être obligé de prendre des
décisions si cela continue. Je ne veux pas avoir à en prendre et
j'espère que vous serez assez intelligents pour comprendre. Je le
répète encore une fois; s'il vous plaît!
Pour que les discussions se fassent le mieux possible, c'est en avant
que la discussion se passe actuellement. M. le député de
Joliette-Montcalm, M. le député de Portneuf demande s'il...
M. Pagé: J'aurais une question. Le Président (M.
Jolivet): Oui.
M. Pagé: Je conviens jusqu'ici, M. le Président,
que ce que le député de Joliette-Montcalm nous disait a beaucoup
de sens, à savoir que c'est le véritable travailleur de la
construction qu'on veut protéger par l'adoption d'un règlement de
placement.
On veut mettre de côté les gens qui s'introduisent de
façon temporaire dans l'industrie, les taxis, les pompiers, etc. Une
très brève question au député. Ne croyez-vous pas
qu'avec la loi 110 ce sont les artisans qui vont se substituer aux pompiers,
aux taxis, etc., parce que tous les artisans qui sont B ou C ou qui n'ont pas
de classification, en devenant artisans, pourront aller travailler pour un
employeur professionnel en mettant de côté le règlement de
placement?
M. Chevrette: Bon! M. le député de Portneuf, vous
me le permettrez, j'y arrive à cette réponse-là. Je n'y
répondrai pas immédiatement parce que j'ai quelques suggestions
formelles à faire, ce que j'ai noté ici; je le ferai lorsque
j'arriverai à la question des artisans. Je pourrais quand même
vous donner un élément de réponse. Actuellement, n'importe
qui peut devenir artisan et entrer n'importe quand sur les chantiers, ce qui
est pire qu'avant la loi 110...
M. Pagé: ... confirmé par la loi 110 quand
même. En raison de l'application du règlement de placement.
M. Chevrette: Non. Je vais suggérer quelque chose
tantôt.
M. Pagé: Le B et le C, c'est tout ce qu'il y a à
faire. Vous le savez à part cela.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Chevrette: Je voudrais résumer un peu, M. le
Président, en disant que, s'il y a 138 000 travailleurs qui ont
réussi à oeuvrer dans l'industrie de la construction, qu'ils
soient qualifiés et non qualifiés, qui ont réussi à
se tailler une place dans les quelque 80 000 emplois existants alors qu'on
avait 258 000 inscrits, vous voyez qu'il y avait là un bassin
épouvantable, il n'y avait aucun contingentement. A ce que je sache, sur
le contingentement, M. le Président, je me souviens d'avoir
écouté, en 1974, 19 mémoires venant autant des employeurs
que des syndicats, FTQ, CSN; toutes les centrales syndicales demandaient depuis
fort longtemps qu'il y ait un contingentement dans l'industrie de la
construction.
On a beau dire, on a beau crier si on veut, je pourrais vous sortir
l'ensemble des mémoires
émanant en particulier de la FTQ qui se bat depuis 1973, qui
demande un contingentement dans l'industrie de la construction. La FTQ s'est
battue là-dessus parce qu'elle disait que cela n'a pas d'allure de
laisser entrer autant de gars alors qu'on a si peu d'emplois. Cela se comprend
et ce n'est pas charrié, et ce ne sont pas des menteries. C'est quelque
chose de très véridique, cela n'avait plus d'allure de laisser
entrer autant de gars avec le nombre d'emplois disponibles. On a beau faire ce
qu'on voudra, c'était une réalité.
Il est bien évident que le règlement de placement, d'autre
part, a créé, dans certains milieux et je suis d'un milieu
où les gens que j'ai rencontrés régulièrement... il
y a même un local de la FTQ qui est adjacent à mon bureau. On
s'est parlé souvent des régions. On s'est parlé souvent du
nombre d'heures dans les petites localités. On s'est parlé
d'autres problèmes. Je suis prêt personnellement à faire
certaines suggestions au ministre. Il m'apparaît que le nombre de 1000
heures, compte tenu de la conjoncture économique actuelle, dans
l'industrie de la construction en particulier ou le ralentissement dans
l'industrie de la construction, a créé un problème majeur.
Je comprends qu'il y en a une partie de corrigée en ayant dit aux gars:
Vous allez conserver vos certificats de classe A et ceux de classe B. Je
comprends que cela règle une partie du problème, mais advenant
qu'il n'y ait pas de reprise suffisamment intéressante dans le domaine
de la construction en 1979, par exemple, on pourrait faire face au même
problème l'an prochain, en particulier dans nos petites
municipalités dans le domaine domiciliaire où certains groupes de
travailleurs construisent une, deux ou trois maisons.
Je disais donc, M. le Président, que dans nos petites
localités, comme dans Beauce-Sud, par exemple, ou dans
Joliette-Montcalm, dans les régions du nord Chertsey, il est vrai que
les gens peuvent avoir de la difficulté à atteindre le cap des
1000 heures. Dans les métiers mécanisés, c'est vrai que
les gars ont assez de facilité à obtenir leurs 1000 heures, mais
si je me fie, par exemple, au nombre d'électriciens en chômage
l'automne dernier et l'hiver dernier, et au nombre de plombiers, il y a des
plombiers qui n'ont pas travaillé dans mon milieu depuis au moins onze
mois, cela aussi doit être assez difficile dans certains corps de
métiers spécialisés, ou bien les gars viennent me mentir
à mon bureau. On peut bien crier que je dis des mensonges, mais ce sont
des gars qui viennent à mon bureau me le dire. Donc, à ce
moment-là, je suggère au ministre de trouver une formule qui
permette au gars qui a travaillé dans la construction depuis X
années, de ne pas se voir enlevé ou dégradé. Cela
doit se penser par une formule, quand on voit que le seul milieu de travail du
gars a été la construction, je pense que cela s'analyse. Il y a
des formules possibles. Je n'ai pas l'intention de me couler dans le
béton sur la formule. Je pense qu'il y a moyen de trouver des solutions
là-dessus.
Il y a également le problème des salariés
âgés, ceux de 50 ans et plus. De ce temps-ci, je dois vous avouer
que ce n'est pas facile pour eux, même si on a mis 2500 heures depuis la
fin des Olympiques, cela n'a pas été facile d'accumuler des
heures pour certains d'entre eux, mais ce sont des gars qui ont
travaillé dans l'industrie de la construction depuis 35 ans ou 40 ans.
Personnellement, je préconiserais une formule de souplesse au niveau des
salariés de 50 ans et plus qui ont travallé pendant fort
longtemps dans l'industrie de la construction. Non, je ne recherche pas cela,
monsieur. Il y a aussi, M. le Président, la question des artisans dont
faisait état le député de Portneuf. Le
député de Portneuf disait: II y a un danger que les artisans
viennent prendre la place ou viennent se substituer au nombre qui ne trouvait
pas de l'emploi. C'est exactement le cas. N'importe qui pouvait devenir artisan
et pouvait aller dans les chantiers. La loi 110 a ouvert une porte à la
suite d'un amendement en troisième lecture que le député
de Portneuf se rappellera en disant que le règlement de placement
pourrait cependant prévoir des modalités quant à la venue
des artisans sur les chantiers. La recommendation que je ferais au ministre,
c'est que les artisans passent après l'embauche des A et des B.
Personnellement, je pense qu'on aurait fermé des portes aux
exagérations possibles qui pourraient venir. (11 h 45)
C'est dans ce sens qu'on doit discuter à une commission
parlementaire, c'est dans ce sens que le député de Portneuf, ce
matin, a sans doute voulu aborder la discussion. C'est dans ce sens que j'ai
tâché de négocier avec lui un certain tour de table, pour
l'ensemble des députés, pour qu'on puisse donner notre point de
vue bien franchement, en alternance, et qu'on puisse en arriver à donner
au ministre du Travail un paquet de suggestions positives pour corriger, pour
bonifier, comme on se plaît à le dire bien souvent, ce
règlement qui a été mis à l'épreuve pendant
presque un an, et qui nous permettront probablement de corriger les lacunes qui
ont été observées.
Cependant, si on s'en prend au principe même du règlement
de placement, je débarquerais, dans le sens suivant. On ne peut pas
revenir et permettre à n'importe qui, n'importe quand de s'inscrire
à l'OCQ et de prendre des "jobs". Parce que si on fait ça, c'est
l'anarchie, exactement comme c'était avant, exactement comme
c'était avant. On se doit de rétrécir le corridor
d'accessibilité, c'est ça qu'on appelle du contingentement, pour
lequel Louis Laberge a crié pendant longtemps, qu'il désirait.
Louis Laberge nous disait, à maintes reprises: S'il n'y a pas de
contingentement dans l'industrie de la construction, c'est une source de
violence, parce que vous permettez à trop de monde de s'arracher le peu
de "jobs". Donnez d'abord préférence d'emploi à ceux qui
en font une profession dans l'industrie de la construction et non à des
travailleurs d'occasion et vous allez avoir beaucoup plus d'ordre.
C'est dans ce sens que je fais les suggestions, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Le député de
Charlevoix.
M. Raymond Mailloux
M. Mailloux: M. le Président, je ne pense pas que ce soit
à titre de professionnel des problèmes de la construction que
j'intervienne dans ce débat. Je serais même prêt à
sympathiser avec le ministre du Travail. Il est pris avec un problème
assez difficile, avec lequel ont été pris, je pense, tous les
gouvernements qui se sont succédé à la gouverne du
Québec. J'entendais tantôt mon collègue de
Joliette-Montcalm nous parler des 258 000 personnes inscrites comme
travailleurs de la construction, nous décrire les conditions
économiques difficiles, où les gens ont extrêmement de
difficulté à trouver la possibilité d'oeuvrer dans des
métiers pour lesquels ils ont souvent fait un dur apprentissage, et
faire quelques suggestions au ministre.
Je terminerai ma courte intervention par une proposition en bonne et due
forme, M. le Président, il est vrai qu'il y a probablement trop de monde
dans l'industrie de la construction et il est probablement vrai aussi que les
conditions économiques ne sont pas faciles pour ceux qui ont à
oeuvrer dans ce secteur d'activités. Quand, par contre, la Chambre a
adopté, sur division, la loi 110, récemment, je ne sache pas que
quand on a permis que dans le champ d'application couvert par le décret,
quand on a exclu tous les travaux d'entretien du ministère de
l'Education, le ministère de la santé, cela a été
de nature à donner plus d'heures de travail aux véritables
travailleurs de la construction.
Quand on regarde l'ensemble des travaux de construction qui ne sont pas
couverts par les décrets, soit certains travaux de
l'Hydro-Québec, soit des travaux d'entretien, on constate
également qu'il y a là une lacune profonde sur laquelle devraient
se pencher le gouvernement, l'OCQ et les différentes parties qui sont en
cause.
M. le Président, dans le projet de loi 110, qui fait quand
même référence au placement dans la construction, en
créant une nouvelle catégorie d'artisans, ce n'est pas ça
qui avait été demandé, à ce que je sache, par
l'Opposition. Nous avions formellement insisté sur le fait qu'un
travailleur de la construction qui, après avoir fait l'apprentissage
requis et avoir reçu une carte de qualification professionnelle, il y
avait un principe en jeu: on n'avait pas le droit de lui enlever la
qualification pour laquelle il avait fait les heures requises et le temps
voulu.
On a créé une classe d'artisans et il est indiscutable que
si, comme le disait le député de Joliette, on a voulu
éviter le travail des pompiers qui sont en grève, ou n'importe
quelle autre grève qui perdure dans le Québec, au lieu d'aider
à réduire le volume de 258 000 travailleurs, on a
créé de toutes pièces de nouveaux travailleurs de la
construction qui, par le biais du règlement artisan, demanderont un
certificat de qualification, travailleront pour des consommateurs,
travailleront isolément pour des employeurs occasionnels. Et je ne sache
pas que, d'aucune façon, une telle catégorie d'artisans vienne
réduire le nombre trop grand de ceux qui, actuellement, ont à
oeuvrer dans ce domaine.
Tantôt, le député de Joliette-Montcalm a fait
référence également aux difficultés qu'affrontaient
les travailleurs de la construction dans des endroits
périphériques du Québec, où, dans certaines
catégories de métiers, il était difficile d'obtenir une
classification A, alors que les 1000 heures sont difficiles à obtenir.
Je pense que cela a toujours été à l'esprit de tous ceux
qui ont fait des plaintes, autant sur le règlement de placement
modifié, en août dernier, que lors de l'adoption du projet de loi
110.
M. le Président, j'aurais aimé entendre les parties en
cause sur les plaintes déjà constatées depuis l'adoption
de ce règlement, sur l'importation de la main-d'oeuvre qui vient
travailler. Est-ce qu'on verse toujours les $145? Ou est-ce qu'on contourne
cette loi facilement? Comment se fait-il qu'il y ait tant de plaintes à
propos des informations qui sont transmises aux employeurs sur les
disponibilités de main-d'oeuvre dans chacune des régions du
Québec?
J'aurais aimé entendre les syndicats sur le bien-fondé de
leur argumentation à savoir qu'ils sont mieux préparés,
qu'ils ont une meilleure connaissance de leurs effectifs, principalement dans
des métiers très professionnels, pour qu'on leur cède le
placement, qu'on cède aux syndicats le placement des métiers de
la construction.
Je regardais tantôt le mémoire de la CSN qui, je pense, est
assez favorable au règlement de placement mais j'aurais aimé
éclairer notre lanterne et entendre son point de vue. Caron se
déclare assez favorable, mais quand on en vient, par contre, aux
principaux amendements qu'on désire apporter, ce sont quand même
des amendements très profonds au règlement actuel.
Je ne sache pas et je pense que le même
phénomène se retrouve dans les mémoires qu'on a
étudiés avec la FTQ-Construction M. le ministre du
Travail, malgré ce que vous nous avez déjà dit, que vous
avez entendu l'OCQ, l'AECQ, la FTQ-Construction, la CSN,
séparément, que vous ayez tout l'éclairage du portrait et
que cela ne serait que du réchauffé. Je pense quand même
que cela serait faire justice à l'ensemble du public, aux media
d'information, à l'ensemble de la députation, que les parties qui
nous amènent des mémoires dans lesquels il y a des points assez
contradictoires, aient une période de trente minutes chacune par
exemple, qu'on permette à l'AECQ, à l'OCQ, à la CSN,
à la FTQ, au moins à ces quatre, pour argumenter sur les points
chauds de l'ensemble des problèmes des métiers de la
construction.
Je pense qu'une telle aération permettrait quand même
à l'ensemble des législateurs de vérifier si les positions
qu'ils avancent sont réellement en accord avec l'intérêt
qu'on doit porter aux travailleurs de la construction.
Demande d'entendre les parties
intéressées
M. le Président, je fais une proposition formelle pour que la
commission, contrairement à l'ordre du jour que nous a donné le
ministre du Travail ce matin, permette, dans un premier temps, après que
les parlementaires auront fait un propos préliminaire, que l'OCQ,
l'AECQ, la FTQ-Construc-tion, la CSN, peu importe l'ordre d'arrivée,
soient entendus pour que, par la suite, la commission ait, je pense, une
lanterne mieux éclairée que présentement.
Le Président (M. Jolivet): Vous me suggérez
à ce moment-là de finir le tour de table et prendre la
résolution ensuite?
M. Mailloux: C'est votre droit.
M. Johnson: M. le Président, pour éviter un long
débat, qui serait inutile et qui n'alimenterait que la machine à
parole du député de Portneuf...
M. Pagé: Qu'est-ce que j'ai dit?
M. Johnson: Je suis d'accord avec la suggestion que fait le
député de Charlevoix...
M. Pagé: Merci, on vous attend.
M. Johnson: ... dans la mesure où, effectivement, on
pourrait les entendre, mais pour une période de temps
délimitée et stricte. Les mémoires varient quant aux
problèmes qu'ils touchent, quant à leur importance. Encore une
fois, j'ai dit que ce règlement de placement était d'une
extrême complexité sur le plan technique, ce que reconnaît,
je pense, le député de Charlevoix.
Il y a des problèmes mieux circonscrits, comme la notion de
région, l'embauche régionale, la présence ou l'absence de
critères permettant de reconnaître un certain nombre d'heures sur
un certain nombre d'années, etc., et, dans les circonstances, à
condition cependant que tous les partis autour de cette table s'entendent pour
que ce soit une période stricte et qu'on ne s'embarque pas dans un
marathon qui dure une semaine et demie, nous n'avons aucune objection à
ce que soient entendues les parties, pendant dix minutes, un quart d'heure, et
peut-être que le gouvernement et l'Opposition pourraient prendre dix
minutes de chaque côté pour poser des questions. Il faudrait
s'entendre pour que cela ne dure pas une heure et demie.
Le Président (M. Jolivet): J'ai une suggestion à
vous faire. Dans dix minutes, nous allons ajourner la séance sine die.
Je vais laisser le droit de parole au député de Rimouski. A
l'heure du dîner, si vous êtes capables de...
M. Pagé: Non. on va régler cela avant.
M. Johnson: On vient de dire le contraire, qu'on finissait le
tour de table.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. C'est cela.
M. Pagé: Si c'est possible, j'aimerais, avant qu'on
termine le tour de table, qu'on s'entende sur l'audition des parties. Qu'on ne
reporte pas cela à 15 heures pour qu'on soit obligé d'en faire un
autre débat à 15 heures.
Le Président (M. Jolivet): J'ai une suggestion à
vous faire. On me dit qu'on accepte qu'il y ait audition.
M. Pagé: Merci.
M. Johnson: A condition...
Le Président (M. Jolivet): L'autre question, c'est de
s'entendre sur le temps. Je pense que cela éviterait des discussions si,
à l'heure de l'ajournement, vous discutiez entre vous autres de la
façon qu'on pourrait entendre les mémoires qu'il y aurait,
l'ordre des mémoires, le temps à y accorder. On pourrait discuter
de cela en dehors, quitte à ce qu'on revienne, au moment de la reprise
des travaux, pour le discuter, si on n'est pas d'accord sur le temps à
être accordé. Cela va?
M. Pagé: Oui.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Rimouski.
M. Alain Marcoux
M. Marcoux: Je vais essayer d'être le plus bref possible,
compte tenu qu'on ajourne les travaux dans quelques minutes. C'est simplement
pour dire, M. le Président, que, moi aussi, je suis un
député du milieu rural qui a eu à vivre, je dirais pas
très agréablement, avec le règlement de placement qui est
entré en vigueur en juillet dernier. J'ai évidemment
rencontré un paquet de personnes qui avaient des objections, qui avaient
des oppositions à ce règlement de placement, mais, un peu comme
dans d'autres circonstances, je m'apercevais que ce n'était pas
nécessairement pour les mêmes motifs ou les mêmes raisons.
Les travailleurs de la construction pouvaient être ennuyés par ce
règlement, par sa complexité. Même s'ils se sentaient
protégés d'une certaine façon, ils vivaient la même
insécurité, une autre sorte d'insécurité, à
savoir s'ils allaient demeurer A ou redevenir B; pourraient-ils passer de B
à A; pourraient-ils, s'ils étaient à tel bout de la
région, avoir accès à un autre chantier qui est à
l'autre bout? En somme, ce règlement a introduit beaucoup
d'éléments complexes qui, jusqu'à un certain point,
rendent la vie du travailleur de la construction plus difficile.
D'autre part, vous en avez d'autres qui défendent des
intérêts différents. Ils se sont présentés
à
nos bureaux et nous en avons discuté presque chaque jour, chaque
semaine. Lorsqu'on discutait avec eux, finalement, leur motif visait
l'abolition du règlement de placement, le retour à une
espèce de libre marché. Vous aviez, d'autre part, des petites
entreprises qui ont vécu des problèmes parce qu'elles avaient les
mêmes travailleurs depuis plusieurs années, qui travaillent 400
heures, 500 heures, 600 heures par année et, à cause de ce
règlement, et qui craignaient que, lors de la période de
renouvellement, elles ne puissent avoir accès aux mêmes
travailleurs permanents qu'elles ont toujours eus, parce qu'elles devraient
engager des gens classés A, alors qu'elles l'ont toujours fait avec les
mêmes travailleurs depuis souvent plusieurs années.
Vous aviez peut-être la population, en général, ou
les municipalités qui, face à tel projet communautaire de telle
construction, ne pouvaient pas engager prioritairement des gens de leur
village, même s'ils avaient leur carte de compétence, mais qui
étaient obligées d'aller chercher du personnel à l'autre
bout de la région, ces municipalités se sentaient
pénalisées, elles auraient préféré faire
travailler des gens de leur milieu.
En somme, un paquet d'intérêts contradictoires, mais
au-delà de tout cela, le travail que nous avons à faire
aujourd'hui et demain, c'est de démêler l'essentiel de
l'accessoire. Pour moi, l'essentiel, c'est la sécurité d'emploi
pour les travailleurs en tenant compte, en somme, de leur ancienneté
dans ce milieu de travail. L'accessoire, c'est en somme toutes les normes qu'on
peut mettre en place visant à répartir le travail ou à
déterminer qui va travailler dans telle région et par quel ordre
de priorité. En ce sens, je pense que notre travail, c'est de
déterminer, une fois l'objectif clair je pense que tout le monde
va s'entendre avec nous sur l'objectif, y compris les partis de l'Opposition
que ce n'est pas possible de revenir au temps où il y avait des
milliers de travailleurs qui pouvaient avoir accès au marché de
la construction, alors qu'il y a du travail pour tant d'hommes par
année. Peut-être, sauf le député de Beauce-Sud qui
s'est fait applaudir sur des questions de forme, mais je pense que si nos
auditeurs l'avaient entendu sur des questions de contenu, il est l'homme qui
défend, que ce soit dans le domaine agricole ou dans le domaine de la
construction, le libre marché, l'offre libre...
M. Roy: Un instant! Je regrette...
M. Pagé: Vous ne devriez pas vous embarquer de cette
façon, vous!
M. Roy: Non, vous ne devriez pas. Vous êtes dans une pente
dangereuse.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Faites
simplement rectifier!
M. Roy: Sur un point de règlement. Le député
de Rimouski vient de tenir des propos gratuits. C'est son
interprétation, je ne lui permettrai pas d'interpréter faussement
ce que j'ai dit et ce que j'ai soutenu depuis bien longtemps pour essayer de
tenter d'orienter l'opinion publique pour tâcher de faire croire que je
suis celui qui prêche le retour à la loi de la jungle. Cela n'a
jamais été ainsi. Je n'ai pas mis en doute l'existence du
règlement de placement, ce matin, dans l'industrie de la construction.
Si le député veut parler de l'agriculture, on ira en parler
à la commission parlementaire de l'agriculture. C'est là qu'on
ira en parler, ce n'est pas ici qu'on va parler de l'agriculture ce matin.
M. Marcoux: II me reste...
Une Voix: On va en parler à la commission de
l'agriculture, vous allez voir.
M. Marcoux: Je ne veux pas entraîner de débat, il me
reste quatre minutes.
M. Roy: Si vous ne voulez pas entraîner de débat,
changez de sujet.
M. Marcoux: Ce que je voudrais dire, c'est ceci: Je pense qu'il
faut être certain de ne pas ouvrir, en somme, de façon très
grande les portes pour que tout le monde ait accès au marché de
la construction. Par contre, il faut simplifier un paquet de normes
d'application. Dans ce sens, après avoir jeté un bref regard sur
certains mémoires, j'ai été frappé,
particulièrement, par le mémoire de la CSN, qui a plusieurs de
ses membres dans des régions rurales. On semblait reprendre plusieurs
suggestions positives qui ont été faites dans ces milieux pour
simplifier. L'objectif est clair. Il n'y a pas de syndicats au Québec
qui vont vouloir ouvrir les portes. Par contre, je pense qu'il faut arriver
à faire en sorte que tout le monde se retrouve, puisse se
comprendre.
En ce sens, une des principales suggestions est de faire
disparaître les classes A, B et C pour les remplacer par ce qu'on
pourrait appeler des travailleurs réguliers ou des travailleurs
permanents, par opposition à des travailleurs occasionnels, ou toute
autre expression. Ainsi, on ferait en sorte que tous ceux qui sont
classés A actuellement, environ 100 000 travailleurs, et tous ceux qui
sont classés B, environ 8000 travailleurs, soient automatiquement
reconnus comme des travailleurs permanents ou réguliers dans le secteur
de la construction, pour éviter cette espèce
d'hiérarchisation qui jette une insécurité même chez
le travailleur qui a la classe B ou le travailleur qui a la classe A; les deux
se sentent insécures. Celui qui a la classe A a peur de devenir de la
classe B et celui qui est B, toute sa bataille c'est de faire en sorte de
redevenir A. Alors, si on déterminait clairement qu'il y a des
travailleurs permanents, comme dans d'autres milieux de travail, des
travailleurs réguliers qui ont la sécurité d'emploi et des
travailleurs occasionnels qui s'ajoutent selon l'évolution ou la
situation de la demande de travail.
Il y a d'autres suggestions qui sont faites sensiblement dans le
même sens au niveau des
régions, pour faire en sorte que les régions qui
président au règlement de placement ou à travers
lesquelles on administre le règlement de placement soient des
régions à dimensions humaines et que, si quelqu'un part un
chantier de construction à Saint-Fabien, dans ma région, il ne
soit pas obligé de prendre quelqu'un de Gaspé. En tout cas, en
première instance, je pense qu'il y a des suggestions qui sont faites
dans ce mémoire qui rejoignent plusieurs suggestions qui m'ont
été faites depuis plusieurs mois pour humaniser ce
règlement, tout en ne laissant rien aller des objectifs essentiels qui
sont de contingenter; parce que c'est ça la question. Je ne veux pas
répéter les propos du député de Joliette-Montcalm
que je partage entièrement, mais la question première est: Est-ce
que nous contingentons, oui ou non et à quel niveau?
Je ne démordrai pas de l'objectif du contingentement pour faire
en sorte que ce soient les travailleurs réguliers de la construction qui
aient accès à ce marché de travail, mais par contre je
suis prêt à appuyer toute suggestion, qu'elle vienne de qui que ce
soit, de n'importe quel député de cette commission parlementaire,
pour faire en sorte que les chinoiseries administratives du règlement
actuel, qui est administré par l'OCQ, disparaissent dans une large
mesure, surtout si elles viennent du député de Beauce-Sud. (12
heures)
M. Roy: Je m'excuse, M. le Président, il ne faudrait quand
même pas induire tout le monde en erreur; le député de
Beauce-Sud n'a rien à voir dans l'administration du règlement de
placement.
M. Marcoux: C'est que vous alliez m'interrom-pre une nouvelle
fois, alors je vous donnais mon consentement pour éviter d'être
interrompu.
M. Roy: Je ne suis pas encore ministre!
Le Président (M. Jolivet): D'une façon ou d'une
autre, c'est moi qui vais devoir vous interrompre, midi étant
arrivé...
M. Pagé: II est sur le point d'être midi. M.
Chevrette: Oui.
Le Président (M. Jolivet): Juste une chose, c'est
simplement pour les besoins, parce que vous pouvez avoir le droit de parole
ensuite. C'est pour l'ensemble des groupes FTQ, CSN, CSD, l'Association des
entrepreneurs du Québec, l'Office de la construction du Québec et
le commissaire au placement; cela fait six groupes ou six personnes, peu
importe, mais il reste une chose, c'est que si la CSD n'est pas présente
ou si l'AECQ n'est pas ici je vois des gens... Mais si jamais, au bout
de la course, il y a des gens qui ne sont pas présents, alors...
M. Pagé: M. le Président, vous pourriez, dans un
premier temps, demander aux gens qui sont ceux qui sont prêts et
disposés à se faire entendre cet après-midi. En partant de
là, on verra l'enveloppe de temps dont on dispose, on a de 15 heures
à 18 heures, on pourra partager notre temps en fonction du nombre
d'intervenants.
Le Président (M. Jolivet): La FTQ veut-elle se faire
entendre? Oui. La CSN?
Une Voix: ...
Le Président (M. Jolivet): La CSD est-elle là?
Une Voix: Oui.
Le Président (M. Jolivet): Oui, d'accord. L'AECQ?
Une Voix: ...
Le Président (M. Jolivet): D'accord! Le commissaire au
placement et l'OCQ en dernier. Donc, dans les six groupes, il restera à
vérifier pour l'AECQ, je pense qu'il y avait quelqu'un ici tout à
l'heure. On pourra donc déterminer lors de l'arrêt le temps
à donner à chacun.
Vous aurez pour terminer, M. le député de Rimouski, le
droit de parole.
M. Marcoux: Trois minutes.
Le Président (M. Jolivet): D'accord. Ajournement sine die
en attendant l'ordre de la Chambre, probablement après la période
des questions.
Fin de la séance à 12 h 3
Reprise de la séance à 15 h 58
Le Président (M. Jolivet): A l'ordre! La commission
permanente du travail et de la main-d'oeuvre se réunit à nouveau
pour étudier le règlement de placement, tel que demandé
par l'Assemblée nationale. Les membres de cette commission sont: M.
Bellemare (Johnson) remplacé par M. Goulet (Bellechasse); M. Bisaillon
(Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Gravel (Limoilou), M.
Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois) remplacé par M. Alfred
(Papineau), M. Mailloux (Charlevoix), M. Pagé (Portneuf), M. Roy
(Beauce-Sud), M. Vaillancourt (Jonquière) remplacé par M.
Lefebvre (Viau).
Les intervenants sont: M. Brochu (Richmond), M. Forget (Saint-Laurent),
M. Gosselin (Sherbrooke), M. Jolivet (Laviolette) remplacé par M.
Marcoux (Rimouski); M. Laplante (Bourassa), M. Paquette (Rosemont), M.
Springate (Westmount), M. Samson (Rouyn-Noranda). Le rapporteur est toujours M.
Lefebvre (Viau).
Nous en étions rendus ce matin à M. le
député de Rimouski qui avait encore le droit de parole pour une
dizaine de minutes, mais avant, on m'a demandé, de la part du
député de Bellechasse, une intervention rapide.
M. Goulet: Certainement, M. le Président. Ce n'est
peut-être pas conforme à nos règlements, mais vous me
permettrez, au nom de l'Union Nationale, d'offrir mes voeux de remerciement au
ministre du Travail qui, tout à l'heure, dans un geste humanitaire, n'a
pas hésité à faire tout ce qui était humainement
possible pour sauver la vie d'un des membres de l'équipe de l'Union
Nationale sur l'étage, M. Guay. Je tenais, au nom de l'équipe de
l'Union Nationale, à remercier, non pas le ministre du Travail, mais le
Dr Pierre-Marc Johnson.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Rimouski.
M. Marcoux: M. le Président, je n'ai pas l'intention de
reprendre les propos que je tenais ce matin, mais simplement quelques
minutes... Je vais essayer de prendre moins de dix minutes parce que, moi
aussi, j'ai hâte d'entendre les quatre groupes que nous avons
accepté d'entendre. C'est simplement pour dire d'abord que certains
membres de la commission auraient souhaité que le ministre dépose
une série de projets d'amendements plutôt que de choisir la
procédure qu'il a choisie, c'est-à-dire d'écouter les
membres de la commission comme ceux qui vont présenter des
mémoires. Je veux dire que pour ce qui me concerne... A votre
demande...
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît. (16
heures)
M. Marcoux: ... mais qu'il a acceptée. Je suis d'accord
sur la procédure choisie par le ministre pour la raison suivante.
Lorsqu'on est député ministériel, c'est sûr qu'il y
a des occasions... Il y a un principe qui nous régit normalement, c'est
la solidarité des partis, même quand on est député
de l'Opposition et, lorsqu'il y a des amendements formels
déposés, cela nous prend davantage de bonnes raisons pour nous
désolidariser, quoique, dans certaines circonstances, il faille le
faire. Mais, comme je pense que nous avons tous connu plusieurs cas, plusieurs
dossiers et que nous avons tous des suggestionns intéressantes à
faire au ministre ainsi qu'à l'OCQ pour changer le règlement de
placement, je pense que la démarche qui a été choisie de
dire: Donnons le droit de parole le plus libre possible à tous les
membres de la commission, indépendamment des allégeances
politiques, est une démarche cohérente et qu'elle va probablement
démontrer que sur la très grande majorité des points, ou
la plupart des points, il y a consensus sur des changements à apporter
à ce règlement de placement.
L'ensemble des amendements qui nous seront proposés, que ce soit
par les groupes concernés directement ou les membres de la commission,
je les jugerai à partir de deux principes. Le premier, c'est qu'il y a
nécessité de contrôler et de contingenter de façon
stricte l'intégration de nouveaux travailleurs dans le domaine de la
construction. Alors, la nécessité de contrôler, premier
principe.
Le deuxième: Nécessité de simplifier les nor- mes
d'application du règlement de placement. Tout amendement qui sera
proposé, par quelque député que ce soit membre de la
commission, conforme à cet esprit de respecter que la construction ne
peut pas assimiler plus qu'un certain nombre de travailleurs et qu'on doit
pouvoir donner priorité de travail aux vrais travailleurs de la
construction et, en même temps, tout amendement qui viserait à
faire en sorte, comme je le disais ce matin, qu'on élimine le paquet de
chinoiseries, autant pour le travailleur, pour l'entrepreneur, que pour le
consommateur, que suppose le règlement actuel, ces amendements vont
être bienvenus par tous les membres de la commission.
Spécialement, on a parlé de la délimitation des
régions, je pense que la situation actuelle est particulièrement
insensée, où il faut aller chercher un A de Gaspé pour
travailler à Rimouski, avant de pouvoir prendre quelqu'un classé
B à Rimouski. Tout le monde sera d'accord pour dire que c'est une
incohérence et que, par quelque méthode que ce soit, il va
falloir mettre fin à cette incohérence. Peut-être ne
serons-nous pas unanimes, mais je pense qu'une majorité des membres de
la commission sera d'accord pour dire que le fait d'avoir trois classes de
travailleurs amène une série de complications à l'OCQ, au
niveau de la référence de placement, etc., qui ne sont vraiment
pas nécessaires pour distinguer les vrais travailleurs de la
construction ou les réguliers, les travailleurs à temps partiel
dans la construction ou les occasionnels.
Si on simplifie la base au niveau du certificat de classification, toute
la procédure administrative, par la suite, sera automatiquement
simplifiée. Il y aura des conséquences au niveau de la
simplification, au niveau de la priorité d'embauche. J'ai eu
accès à un document préparé des employés de
l'OCQ, où au lieu de simplifier pour régler les problèmes,
on diagnostique très bien les problèmes et au niveau des
solutions, on propose d'avoir une zone, un territoire, une région et le
Québec.
Au lieu de simplifier, on propose de compliquer davantage. Je pense que
cela peut partir d'un bon naturel, parce que le diagnostic est bon. On sait
très bien les problèmes que les travailleurs et que l'AECQ ont
affrontés. Au niveau des solutions, on propose de compléter
encore le château, d'en faire un vrai labyrinthe dans les
priorités d'embauche. C'est assez merveilleux de lire cela.
Je pense qu'il va falloir faire en sorte que les priorités
d'embauche aussi soient simplifiées, mais la base de cela, c'est au
niveau de la question de la classification et de la certification.
Il y a un problème que le ministre n'a pas souligné dans
les termes qu'il voudrait qu'on l'aborde, c'est la question du fonctionnement
de l'OCQ. Je pense qu'on ne peut pas parler concrètement et valablement
de toute la question du règlement de placement sans aborder la question
du fonctionnement de l'OCQ, entre autres un aspect particulier, qui fait qu'il
y a assez peu de pouvoirs qui sont donnés aux bureaux régionaux
de l'OCQ et qu'il faudrait peut-être c'est une
hypothèse que j'aimerais qu'on discute faire en sorte que
les bureaux de révision soient rattachés d'abord davantage aux
bureaux régionaux de l'OCQ plutôt que très
centralisés à la structure, au centre de l'OCQ. Je pense que
c'est une chose qu'il faudrait examiner, le fonctionnement de l'ensemble de
l'OCQ, compte tenu de la complexité du règlement de placement.
C'est bien sûr que si on simplifie le règlement de placement, le
travail des employés de l'OCQ va être simplifié.
Mais il y a peut-être des niveaux de décision à
redéfinir entre le sommet de l'OCQ et la base de l'OCQ.
Je terminerai en posant une question à un député
qui est absent, le député de Beauce-Sud. Je sais qu'il est un
lecteur du journal des Débats. Je lui poserais la question, sans vouloir
en faire un débat interminable.
Ce matin, il a posé beaucoup de questions de forme au ministre,
sur la façon dont on allait procéder pour nos travaux, mais je ne
l'ai pas entendu se prononcer sur une question de principe.
Est-il favorable ou non, dans le cas de la construction, à un
contingentement ou à un règlement, en somme, qui établit
des priorités, qui détermine...
M. Pagé: Sans vouloir en faire une question de
procédure, est-ce que le député de Rimouski ne croit pas
qu'il serait plus "fair play" d'attendre le député de Beauce-Sud
avant de lui poser des questions et d'interpréter ses paroles?
M. Marcoux: D'accord.
M. Pagé: Je suis convaincu que vous n'apprécieriez
pas que j'interprète vos paroles en votre absence.
M. Marcoux: Je m'excuse. Je ne veux pas en faire de débat.
Si vous préférez que j'attende le député, je n'ai
rien à cacher dans cela, sauf que j'ai essayé...
M. Pagé: Par gentilhommerie.
M. Marcoux: Par gentilhommerie. De toute façon, je n'aurai
aucune hésitation à répéter la question quand le
député de Beauce-Sud y sera, sauf que, vous savez une chose, dans
le jeu de la commission parlementaire, c'est plutôt rare que les
députés ministériels obtiennent leur tour de parole, parce
qu'il y a deux partis reconnus représentés, plus le
député de Beauce-Sud. Comme il y a alternance, on a moins souvent
l'occasion de parler et, à ce moment-là, on a moins l'occasion
aussi de poser nos questions. Il reste que, que je pose la question au
député de Beauce-Sud ou à un autre député,
je pense que ce n'est pas tout le monde qui s'est prononcé ce matin sur
la question de principe. Je pense que si on ne s'entend pas sur la question de
principe comme telle, le reste risque d'en dépendre passablement.
C'était l'essentiel des commentaires que j'avais à faire au tout
début des travaux de cette commission. Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Papineau.
M. Jean Alfred
M. Alfred: M. le Président, je ne reprendrai pas
l'argumentation de M. le député de Rimouski qui a bien fait le
tour de la question, cependant, je vais ramener des points auxquels je tiens
mordicus, dans les amendements ou dans le remaniement de ce règlement de
placement. Je tiens mordicus à ce qu'on appelle les priorités
régionales: A régionale, B régionale et ensuite
l'avènement des artisans. J'y tiens mordicus. Les travailleurs avec qui
j'ai parlé y tiennent aussi. Quand on parle de la catégorie A
régionale, la B régionale, il y a un autre point qui est
très important qui me tient à coeur aussi. Il y a eu beaucoup de
travaux, dans mon coin. Malheureusement, ce sont des gars de Montréal
qui ont travaillé, parce que l'entrepreneur vient avec ses permanents.
Je ne voudrais pas, en aucune façon, qu'il y ait des chômeurs chez
nous et que ce soient des gars de Montréal qui prennent nos "jobs" chez
nous. Si on veut ramener la paix dans la construction, il ne faudrait pas qu'un
permanent de Montréal vienne prendre nos "jobs" chez nous et que
l'électricien chez nous se croise les bras, chôme, crève de
faim et que le gars de Montréal vienne avec l'entrepreneur. Je crois que
nous devons trouver un moyen pour que les gens de chez nous travaillent avant
les gars d'ailleurs.
Un autre point aussi sur lequel je tiens à attirer l'attention du
ministre, c'est sur la négociation qui a lieu maintenant entre l'Ontario
et le Québec. Il y a eu, de la part du Parti libéral, beaucoup de
chantage là-dessus, de la part surtout du député Michel
Gratton, de Gatineau.
M. Pagé: M. le Président, je m'excuse. Me
permettez-vous une brève question? Je vous ai mal saisi parce que...
M. Alfred: Excusez-moi.
M. Pagé: ... dans votre référence aux gars
de Montréal et aux régions, j'en étais à me
demander si vous vouliez proclamer la souveraineté-association ou
l'indépendance de Papineau. C'est quoi votre affaire sur le Parti
libéral?
M. Alfred: Excusez-moi, je parlais des priorités
régionales, M. le député.
M. Pagé: Oui, c'est quoi votre affaire de...
M. Alfred: Deuxièmement, à propos de la
négociation, la réciprocité entre l'Ontario et le
Québec, me voici dans une zone frontalière.
M. Pagé: Oui.
M. Alfred: ... il faut que le ministre soit très prudent.
Les vrais travailleurs de la construction d'ici ne veulent pas qu'on
cède un pouce à l'Ontario qui va faire beaucoup de chantage avec
nous pour dire que notre règlement de placement n'est pas bon parce
qu'ils ne veulent pas en faire. Les travailleurs qui sont ici savent que quand
il y a de l'ouvrage dans Hull, 90 à 95% du temps, ce sont des
travailleurs de l'Ontario qui viennent travailler chez nous.
M. Pagé: On y va de l'autre côté nous
aussi.
M. Alfred: Quand, par exemple...
M. Pagé: ... on va leur demander tantôt.
M. Alfred: Je vous demande de vous taire, M. le
député de Portneuf. Je vous ai entendu parler ce matin. Je parle
ici devant des gens qui ont vécu des situations.
M. Pagé: ... tantôt.
M. Alfred: Comme, malheureusement... Quand c'est nous qui faisons
une chose, nous le disons clairement. Comme nous sommes transparents dans ce
que nous faisons, cela fait crier, bien sûr, les autres. Tandis qu'en
Ontario, quand ils nous sacrent dehors, ils ne nous le disent pas.
M. Goulet: On a vu cela cet après-midi en
plénière.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le
député.
M. Goulet: Je m'excuse, M. le Président. C'est parce que
ce n'est pas toujours le cas.
M. Alfred: Je demande au ministre de consulter
sérieusement tous les intervenants dans cette affaire, de façon
à ne pas faire une négociation qui soit néfaste pour les
travailleurs québécois.
Il y a aussi un autre point qu'on devrait suivre de très
près: lorsqu'on demande, par exemple, un travailleur de la construction
à l'OCQ. Il paraîtrait que l'OCQ en envoie cinq à
l'entrepreneur et si, par hasard, il y a un travailleur qui est
délégué de chantier, qui a forcé l'entrepreneur
à respecter les règlements de sécurité, bien
sûr, si on envoie cinq travailleurs et que l'entrepreneur voit le nom de
ce délégué de chantier qui l'a forcé à
respecter la loi de la sécurité, ce gars va être
repoussé. Je voudrais savoir dans quelle mesure nous pourrons prendre
les moyens pour que quelqu'un qui est délégué de chantier,
qui fait très bien son travail, ne soit pas pénalisé,
parce qu'il fait très bien son travail; qu'il ne subisse pas les foudres
d'un entrepreneur qu'il a obligé à faire respecter la loi de la
sécurité au travail. C'est tout.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Comme on s'est entendu
sur la limite de temps à être accordée à chacun des
groupes, nous donnerons donc quarante minutes à chacun des groupes. Le
premier groupe à se faire entendre sera la FTQ. Nous aurons aussi la CSD
qui aura à se présenter ce soir, compte tenu de ce qu'on a
discuté tout à l'heure. Il y aura la CSN qui suivra et l'AECQ
sera en troisième lieu; la CSD étant au début de la
soirée, à 20 heures. Oui?
M. Pagé: M. le Président, sur la limite de quarante
minutes, est-ce qu'on prévoit un partage du temps entre les formations
politiques ou si on doit laisser aller à votre jugement et à
votre discrétion?
M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, je pense
que, sur quarante minutes, on pourrait peut-être demander aux parties de
se limiter à dix minutes pour faire un sommaire. Il reste quand
même près de 30 minutes par la suite.
M. Pagé: Dix ou quinze minutes.
M. Johnson: II y a aussi cinq minutes aléatoires avec les
questions.
M. Pagé: On va commencer et on verra.
Le Président (M. Jolivet): D'accord. Voici le
représentant du premier groupe. Veuillez nommer ceux qui sont avec vous.
Prenez le micro, pour les fins du journal des Débats.
Audition de témoins
Conseil provincial du Québec des métiers
de la construction, FTQ
M. Pouliot: Maurice Pouliot, secrétaire
général du Conseil provincial du Québec des métiers
de la construction, FTQ.
M. le Président, MM. les membres de la commission, je pense qu'il
y a eu une sage décision d'entendre les parties; c'est un droit qu'on
croyait avoir et on tient à remercier les membres de la commission de
vouloir tenter de connaître et de comprendre les réels
problèmes des travailleurs de l'industrie de la construction. Il ne
faudrait sûrement pas oublier que le Conseil provincial représente
plus de 70% des véritables travailleurs de la construction.
Depuis longtemps, nous avons réclamé d'être entendus
par une commission parlementaire et c'est sur cette raison qu'il y a une
multitude de problèmes qu'on va, dans le court temps qui nous est
alloué, essayer de résumer. On vous a remis un mémoire ce
matin. On voudrait apporter des solutions pour régler les
problèmes des véritables travailleurs qui subissent actuellement
des injustices de jour en jour. (16 h 15)
II faudrait sûrement se rappeler que de nombreuses modifications
au règlement de placement ont été apportées depuis
sa création, soit depuis six mois, depuis juillet. Pas moins de sept
modifications au règlement ont été apportées.
Nous
sommes ici, aujourd'hui, pour entendre et connaître les
revendications de la commission permanente. On sait qu'on va avoir d'autres
modifications à vivre concernant le règlement de placement.
L'ambiguïté de ce règlement existe de plus en plus;
on pourrait sûrement soulever le problème qui existe actuellement,
entre autres, à la baie James où il y a plusieurs travailleurs
qui n'ont pas de certificat de classification A ou B et qui sont encore sur le
chantier. Il y a eu une décision de l'Office de la construction disant
qu'il fallait que tous les travailleurs soient congédiés pour
être réembauchés, mais la SEBJ, de connivence avec i'AEBJ,
a décidé de donner des congés sans solde aux travailleurs
et on se retrouve dans une situation de fait où plusieurs travailleurs
qui n'ont pas de certificat sont sur le chantier alors que d'autres sont en
chômage actuellement.
Il y a le cas des poursuites de l'OCQ face au fameux règlement de
placement. Il y a eu des délais assez longs depuis l'entrée en
vigueur du règlement de placement. Avec les commentaires des gens de
l'OCQ, on va savoir sûrement quelle est la raison d'un délai si
long avant de procéder aux poursuites contre les entrepreneurs et les
salariés qui violent, à tous les jours, le règlement de
placement.
Il y a sûrement le fait que les salariés sont devant un
avenir incertain dans l'industrie de la construction, à cause des
modifications qui vont être apportées. Vous êtes
sûrement au courant qu'en ce qui a trait au champ d'application, la loi
110 exclut plusieurs travaux de l'industrie de la construction, les commissions
scolaires, les hôpitaux, qui étaient régis avant par la Loi
des relations de travail dans l'industrie de la construction. Des poursuites de
plusieurs millions étaient entreprises par l'Office de la construction
contre ces différents organismes. Ces poursuites, ce que l'on fait
actuellement, on est à légaliser quelque chose qui était
illégal dans le passé. Les conséquences de cet amendement
vont sûrement créer un pourcentage de chômage de plus et
enlever du travail aux travailleurs de l'industrie de la construction.
Il y a aussi le projet de règlement sur le champ d'application.
On se souvient que le 20 septembre 1978, le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre porposait de modifier le champ d'application en ce qui a trait
à ce que la loi s'applique ou ne s'applique pas. On se pose de
sérieuses questions à savoir quelle est la raison pour laquelle
les salariés de la construction, qui devraient recevoir un certificat de
classification, qui avaient par l'arrêté en conseil no 3297 un
permis de travail je réfère aux travailleurs qui
travaillent sur les "shut downs", sur la maintenance, dans l'industrie lourde
et une multitude d'autres cas qui sont non régis par la Loi sur les
relations de travail ou les exclusions dans la loi 68.
Il y a sûrement des exclusions qui sont dans la loi actuellement
lorsqu'on parle des exploitations agricoles. Il y avait déjà eu
une entente au Conseil consultatif de la construction, où les parties
s'étaient unanimement entendues sur un projet de modification du champ
d'application et, encore là, le tout, semblerait-il, est
référé au Conseil consultatif du travail et de la main
d'oeuvre. On tient encore à souligner le fait que, présentement,
des centaines de travailleurs sont privés d'obtenir un certificat de
classification face au manque de responsabilité du gouvernement, qui se
fait attendre concernant ces amendements.
Le ministre du Travail, lors d'une rencontre au mois d'août, nous
avait dit que le cas serait réglé cet automne, l'automne dernier,
et encore là, il n'y a absolument rien de réglé en ce qui
a trait au champ d'application. Il y a les décisions du commissaire de
la construction, M. Evariste Ber-nier, qui a de plus en plus tendance à
exclure les travaux de la construction du décret et des lois de
relations de travail dans l'industrie de la construction.
On est en train de se demander si le ministre ou la commission va
pouvoir nous dire ce qui va rester dans l'industrie de la construction ou ce
qui reste actuellement dans l'industrie de la construction pour les fins du
certificat de classification. Il y a les artisans qui envahiront le secteur de
la construction. La porte est grandement ouverte avec la loi 110.
Il y a déjà eu plusieurs commentaires à ce projet
de loi, qui est maintenant une loi. Le règlement ne vaut plus
grand-chose en vertu de cette permission qui est accordée aux artisans,
ceux qui n'ont pas de certificat A ou B, qui ont simplement à aller
travailler comme artisans et devenir membres de la régie des
entrepreneurs et cela va aller assez bien. Encore là, cela peut saboter
tout le règlement de placement.
Il y a la question de l'OCQ. L'OCQ, nous dit-on, ne fait pas de
placement, mais il fait des références. Il réfère
des noms aux entrepreneurs. On peut vous dire que les noms qui sont
référés dans plusieurs occasions laissent aux
entrepreneurs le choix de prendre qui ils veulent. En ce qui concerne le
conseil des métiers, on vise la protection des travailleurs d'un certain
âge, même si on dit: Le travailleur de 50 ans et plus va obtenir un
certificat de classification A. Mais le certificat de classification, messieurs
les membres de la commission, cela ne leur donne pas du travail. Cela fait
simplement leur donner le droit de travailler. C'est d'une "job" qu'ils ont
besoin. Quand on s'aperçoit que le travailleur a 50 ans, 52 ans ou 55
ans, on choisit un autre travailleur et l'exemple qu'un membre de la commission
a mentionné, concernant les délégués de chantiers,
on peut vous dire que ce sont des choses qui sont plus que véridiques,
qui existent de jour en jour.
L'Hydro-Québec vient justement de refuser d'embaucher un
travailleur, à cause d'une question d'âge. On ne peut
sûrement pas laisser passer l'occasion pour dénoncer le coût
d'administration du règlement de placement, dans son budget de $3 700
000, pour créer une ambiguïté semblable. C'est une des
raisons pour lesquelles le comité mixte a refusé le budget de
l'Office de la construction. Il faudrait sûrement se rappeler aussi
que,
pour trouver des sommes d'argent, le 5 juillet 1978, il y a eu un
arrêté en conseil qui a modifié les intérêts
de vacances des travailleurs de l'industrie de la construction.
C'est une des revendications qu'on avait pu obtenir, qui avait
été négociée, c'est-à-dire que les
travailleurs recevraient 90% de leurs intérêts de vacances. On a
changé ça, on a dit: Pour 1978, les travailleurs vont recevoir
simplement 55% de leurs intérêts de vacances, lorsque l'article
2007 du décret relatif à la construction mentionne 90%. On n'a
qu'à enlever des millions dans les poches des travailleurs pour les
donner à l'Office de la construction. On sait fort bien que la loi
mentionne que le gouvernement peut donner des subventions à l'Office de
la construction.
Mais je ne pense pas, aujourd'hui encore, que le gouvernement ait
donné de subvention à l'Office de la construction. On a vu
l'arrêté en conseil qui mentionne que 1/2% doit être
prélevé sur la paie des travailleurs. C'est bien clair. Mais les
subventions se font toujours attendre, et les intérêts du fonds
spécial d'indemnisation servent au financement de l'OCQ. Il y a
l'article 12.12 du règlement de placement, en ce qui concerne le conseil
des métiers, qui peut peut-être surprendre certains membres de la
commission. C'est qu'avant l'entrée en vigueur du règlement de
placement, la priorité régionale existait. Depuis l'entrée
en vigueur de ce règlement, il n'y a plus de priorité
régionale. On a même reçu des lettres de certains
députés, de membres du gouvernement actuel, qui disaient que
c'étaient les syndicats affiliés au conseil provincial qui
donnaient des "jobs" au Lac-Saint-Jean et que les chômeurs de la
région, les travailleurs étaient là sans emploi.
Je pense que si on veut arriver à une véritable
priorité régionale, le Conseil provincial est entièrement
d'accord, ça fait l'objet de notre mémoire concernant la
priorité régionale. Il y a sûrement la question des
superrégions qu'il faudrait modifier et repenser. On demande que
ça redevienne comme les régions étaient dans le
décret et non faire de la région de Montréal une
superrégion. Ce sont des modifications qui devront sûrement
s'imposer. On ne peut pas laisser inaperçu le problème de la
mobilité de la main-d'oeuvre, les frontières. Je voudrais
souligner qu'il y a d'autres frontières que celles de Hull-Ottawa. Il y
a aussi une frontière qui est au Nouveau-Brunswick.
Il y a des travailleurs de locaux affiliés au conseil des
métiers qui vont à l'extérieur du Québec et qui
font des millions d'heures à l'extérieur. Ce problème
n'est pas réglé et on aimerait bien que le ministre nous dise
quelle est la solution qu'il envisage, ou les propositions qu'il a
apportées lors des discussions concernant la rencontre qui peut avoir
lieu. Cela peut être le problème de l'un, mais cela peut
être le problème de toutes les autres provinces également.
Actuellement, vous êtes sûrement au courant qu'il y a un genre de
boycottage qui se fait concernant le règlement de placement, à
travers les autres provinces. Le ministre est conscient de cela.
La mobilité de la main-d'oeuvre.
Le Président (M. Jolivet): Je ne voudrais pas vous
interrompre. Est-ce qu'il vous reste encore...
M. Pouliot: J'achève, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): D'accord, allez-y.
M. Pouliot: Lorsqu'on parle de contingentement de la
main-d'oeuvre, il est bien assuré que le conseil provincial est d'accord
avec un contingentement de la main-d'oeuvre, que les chiffres avancés ce
matin de 250 000 ou 300 000 personnes qui ont voté, c'est une chose qui
est totalement ridicule. On a, à plusieurs occasions, demandé de
faire cesser la votation dans les plus brefs délais. On a des lettres
à cet égard. Mais il y a sûrement le fait que le centre de
formation professionnelle envoie de la documentation et qu'on fait encore un
recensement pour inciter les travailleurs à entrer dans l'industrie de
la construction. C'est l'article 5.02 du règlement, où il y a une
ambiguïté, où une mésentente peut exister entre les
centres de formation professionnelle, le ministère du Travail et le
ministère de l'Education. On sait qu'un finissant peut encore entrer
dans l'industrie de la construction. Actuellement, il y a des chômeurs
dans pratiquement tous les métiers et on conçoit mal qu'on puisse
émettre des certificats de qualification.
En conclusion, on voudrait que cela redevienne des comités
d'apprentissage de métiers. Il y a des comités qui
siègent; je suis un de ceux qui siègent au comité central.
Cette affaire marche à pas de tortue.
L'unanimité se fait sur un point qui, par lui seul, remet en
cause la logique d'une bonne moitié du règlement. Nous voulons
l'exclusivité du placement. En l'absence d'une telle disposition, nos
affiliés sont de moins en moins capables de donner des services
adéquats aux dizaines de milliers de travailleurs de la construction qui
leur font confiance. La situation se dégrade continuellement. (16 h
30)
L'arbitraire et l'injustice occupent un champ de plus en plus vaste. Les
prérogatives patronales n'en finissent plus de croître. Le
règlement se présente de plus en plus, à
l'expérience, comme une tentative de sabotage des organisations
ouvrières les plus structurées. Ce sont tous nos affiliés
qui font ce constat et le gouvernement doit en être conscient. Seules les
agences de placement syndicales peuvent assurer un service répondant aux
véritables besoins des salariés de l'industrie de la
construction. C'est pourquoi le Conseil provincial du Québec des
métiers de la construction prône l'établissement d'une
règle de base, c'est-à-dire que seules les agences de placement
syndicales puissent être habilitées à effectuer du
placement dans l'industrie de la construction, que ces agences de placement
soient assujetties à un code d'éthique, que la surveillance du
code d'éthique soit sous la responsabilité d'un organisme
indépendant, que les activités relatives à la surveillance
du code d'éthique soient défrayées par le
ministère public. Toute autre formule est vouée à
l'échec. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.
M. Johnson: Cela fait beaucoup de choses, n'est-ce pas? Merci, M.
Pouliot, du résumé, je pense, assez adéquat que vous avez
fait des commentaires du Conseil des métiers, que je connais depuis
quelque temps déjà. On a eu l'occasion d'en discuter, dans
certains cas, avec des corps de métiers qui appartiennent au conseil. Je
pense que vous avez évoqué à peu près l'ensemble
des problèmes. J'ai pris note d'à peu près une douzaine de
questions dont certaines ne sont pas nécessairement reliées
uniquement au règlement de placement. Par exemple, la question de M.
Evaris-te Bernier qui est responsable, finalement, de la définition ou
du champ d'application, ce n'est pas intrinsèquement relié au
règlement de placement, sauf que cela peut avoir des conséquences
dessus. On est bien conscients de cela. Les artisans, le budget de l'OCQ, etc.,
on déborde peut-être un peu le règlement proprement dit,
c'est pour cela que je vais me permettre de le faire, mais de façon
très limitée.
Si je comprends bien la revendication centrale de votre mémoire,
c'est l'exclusivité du placement syndical vous avez
terminé là-dessus ce qui n'empêche pas que les
autres commentaires que vous avez eus aient leur importance, mais ce qui est
central, je pense, dans votre document, c'est cela. Le reste, on pourrait
qualifier cela d'aménagements que vous trouvez essentiels au
règlement de placement. Ces aménagements, dans certains cas, sont
mineurs, d'autres sont plus importants, par exemple, les employés
réguliers, etc. Je vais vous dire tout de suite que, pour ce qui me
concerne, je m'oppose à l'exclusivité de placement syndical pour
un tas de raisons.
La première raison, c'est une raison pratique qui est le fait
que, dans la réalité, il y avait, il y a deux ans, plus ou moins
15% à 20% du placement dans l'industrie qui se faisait par des bureaux
de placement syndicaux. Cependant, on peut dire que dans le cas, par exemple,
des électriciens et des plombiers, des métiers mécaniques,
en fait, il y avait des situations de quasi-monopole de placement, si on veut.
Encore une fois, cela pouvait varier selon certains types de travaux, mais il y
avait une très grande puissance de l'appareil de placement syndical dans
le cas des métiers mécaniques. L'avènement du
règlement de placement, paradoxalement, a mis fin, si on veut, non pas
à une situation de droit, mais à une situation de faits de ce
type de monopole de placement pour certains métiers, mais cela a
donné selon les témoignages qu'on a d'autres corps de
métiers, une augmentation de l'utilisation des bureaux de placement. Je
pense que c'est assez intéressant de remarquer cela. Il y a des
syndicats qui ne faisaient presque pas de placement dans certains
métiers et, depuis le règlement de placement, ils en font, parce
que c'est plus pratique pour l'em- ployeur, parce que c'est également
plus pratique pour le salarié et parce que l'institution syndicale
s'avère être un service au-delà d'une obligation
imposée par la loi aux travailleurs d'être syndiqués. Je
pense que cela est important et cela correspond d'ailleurs à un
phénomène nord-américain. Je vous réfère,
à ce titre, à un article récent d'un journal de Toronto
qui faisait une revue du phénomène du placement et de la
syndicalisation dans la construction à travers les provinces canadiennes
et les Etats-Unis, où on remarquait qu'il y a maintenant une forte
tendance au Canada à des chantiers "nonunion", ce qui pose un gros
problème pour les institutions syndicales et même les
employeurs.
Les employeurs sont pris ceux qui ont des syndicats
à être obligés de soumissionner à des prix qui sont
plus hauts que ceux qui n'ont pas de syndicat, et, d'autre part, les syndicats
eux-mêmes trouvent cela ennuyeux de voir que comme les employeurs qui les
emploient, dans bien des cas, n'obtiennent pas les contrats à
soumissions, c'est une espèce de cercle vicieux finalement des deux
côtés. Au Québec, on est prémuni contre cela.
L'importance du monde syndical est confirmée dans nos lois et ce
gouvernement entend respecter cela. Il y a des limites aussi à aller
contre des tendances qui sont plus ou moins naturelles dans une économie
qui connaît des changements et des difficultés.
La deuxième raison pour laquelle je m'oppose de façon
assez profonde à l'exclusivité du placement syndical, c'est qu'un
travailleur est obligé d'appartenir à une des quatre centrales ou
enfin à une des deux ou trois centrales et du groupement qui sont
là. Cela ne veut pas nécessairement dire, comme le
démontraient les chiffres antérieurs au règlement de
placement, qu'ils veulent avoir recours à l'institution syndicale pour
les fins de placement. Il peut y avoir de bonnes raisons là-dessus, qui
sont des raisons qui relèvent du droit des personnes, qui
relèvent de l'intérêt des personnes, qui relèvent
aussi du fait que, dans certains cas, on sait que cela peut poser des
problèmes. On me dit: Donnez-nous l'exclusivité et assurez-vous
du respect d'une espèce de code de déontologie ou de code
d'éthique par un organisme indépendant. Je vous ferai remarquer
que dans la première version du règlement de placement qu'on a
publiée, on avait mentionné la nécessité d'un code
d'éthique pour les bureaux de placement syndicaux. On a eu un
tollé là-dessus, on a parlé d'ingérence, etc.
Aujourd'hui, on dit: Donnez-nous le monopole et contrôlez-nous quand
même. Je pense qu'il n'appartient pas à l'Etat d'intervenir dans
la vie syndicale. L'Etat peut, par des lois ou, à la rigueur, même
par la réglementation, définir des obligations aux syndicats,
mais je ne pense pas qu'il lui appartienne de faire la police de ce qu'il y a
à l'intérieur du monde syndical, sinon de ce qui relève du
Code criminel, comme on le fait dans certains cas en ce moment, et comme on va
continuer à le faire.
Finalement, sur un champ d'application, il y a le cas des "shutdowns"
essentiellement, plus le
reste du problème du champ d'application qui est devant le
conseil consultatif où le monde syndical a sa représentation, ce
qui devrait d'ici une couple de mois normalement arriver avec un embryon de
solution, et il faut que les parties prennent leurs responsabilités. Ce
n'est pas vrai que le ministre dans son bureau va trancher et qu'après
cela, il va recevoir le paquet du côté patronal et syndical. Il va
falloir que le patronat et le syndicat s'entendent en gros sur le champ
d'application et essaient de réduire la zone grise qu'il y a entre ce
qui est de la construction et ce qui n'en est pas. Le cas des "shutdowns", il y
a deux façons de le régler: ou on inclut cela dans la
construction, au niveau du champ d'application, ou encore au niveau du
règlement de placement par un amendement. On dit que même si ce
n'est pas dans le champ d'application du règlement de placement, les
heures pourraient être comptabilisées. L'Office de la construction
travaille sur ces hypothèses en ce moment.
Finalement, je vais en profiter, puisqu'on parle du "shutdown", et je
vais terminer là-dessus en deux minutes, pour parler du problème
que pose, en ce moment, entre autres au local 144, l'absence de monopole de
placement syndical. Il y a, je pense, des efforts considérables d'hommes
au 144 pour essayer de redonner à ce local, qui remonte au siècle
dernier, une vie syndicale qui se tienne. On sait quel genre de
difficultés il a connues. On sait de quel genre de
crédibilité il a souffert, sauf qu'on sait une chose: en ce
moment, s'il y a du placement qui se fait, dans le cas des plombiers, cela se
fait par ce qu'on appelle, dans le milieu, le parallèle. Le
parallèle ne peut pas fonctionner sans la connivence corrompue de
certais employeurs. Ce n'est pas en conférant le monopole de placement
syndical au 144 que ces problèmes vont être réglés.
Ils pourraient être réglés, c'est vrai, dans le cas du 144,
et on pourrait s'attendre qu'il y ait plus de justice pour les travailleurs qui
sont des plombiers au Québec, d'être placés correctement,
sauf que cela soulèverait d'autres problèmes qui sont des
questions de principe et aussi des questions de fonctionnement dans l'ensemble
des autres syndicats. Dans le cas de ce qui se passe chez les plombiers, le
gouvernement, entre autres avec les services d'un procureur de la couronne qui
est à temps plein affecté à ce dossier depuis six mois, va
essayer de trouver les moyens de mettre au pas les employeurs et certains
farfelus qui continuent à se promener dans ce milieu et à se
prendre pour ce qu'ils ne sont pas. Il ne faudrait quand même pas
mêler les problèmes.
Ce sont les raisons essentielles pour lesquelles je m'oppose
personnellement à l'exclusivité de placement, mais en
considérant cependant qu'à l'exception des métiers
mécaniques où il y avait une situation de quasi-monopole, il y a
quand même, chez les bureaux de placement qui font une bonne "job" une
augmentation des services qui leur sont demandés par les employeurs. Je
pense que c'est un bon signe et c'est un signe qui met le monde syndical de la
construction au
Québec à l'abri du phénomène qu'on retrouve
dans le reste du Canada où il y a littéralement une
désaffection de ce côté, ce que je ne souhaite pas pour le
Québec. On est aussi capable de bâtir quelque chose d'original de
ce côté.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président; je n'ai pas
l'intention de me laisser aller à un long monologue dans lequel je
pourrais faire part aux membres de la commission et à l'auditoire de mes
commentaires, à la suite du dépôt du rapport
présenté par le Conseil provincial du Québec des
métiers de la construction. Je vais me limiter à vous poser des
questions et, en ce qui concerne le volet des commentaires ou le volet des
positions, on aura, entre autres, toute la matinée de demain pour faire
part au ministre de nos opinions, de nos considérations et aussi de nos
recommandations à l'égard des travaux de cette commission pendant
la séance d'aujourd'hui et, par le fait même, de l'analyse des
mémoires et des requêtes que vous nous formulez.
M. Pouliot, je vous remercie pour le résumé de votre
mémoire. Dans celui-ci, vous demandez des modifications assez
importantes au règlement de placement. Je pense que tout le monde a
été unanime, jusqu'à maintenant, à constater et
à vouloir l'obligation, par un règlement ou une mesure
législative ou réglementaire, tout le monde souhaite un
contingentement. Je pense qu'il n'y a personne ici qui n'est pas d'accord avec
le principe voulant que les "jobs" de la construction appartiennent aux
véritables travailleurs de la construction.
On a cependant un règlement de placement qui s'applique, mais on
a aussi d'autres dispositions législatives qui ont été
adoptées récemment, entre autres la loi 110. Je conviens et je
comprends vos interrogations quand on rencontre des travailleurs, comme j'ai
encore eu l'occasion d'en rencontrer ce midi, qui ont peut-être
totalisé 17 000 heures dans le secteur de la construction, qui ont
évolué seulement dans ce secteur depuis une quinzaine
d'années et qui ne peuvent pas travailler. Je conviens que vous ayez des
interrogations et je conviens que vous soyez légitimement placés
pour demander des amendements.
Cette sécurité d'emploi, cette garantie que les emplois
dans le secteur de la construction puissent être accordés aux
véritables travailleurs, ne croyez-vous pas qu'elle pourrait venir avec
un règlement de placement, dans un premier temps, même s'il y a
beaucoup de brèches, et qu'elle pourrait aussi venir à la suite
de la libre négociation des parties, entre autres, en ce qui concerne
les personnes âgées ou les travailleurs qui sont un peu plus
âgés, qui ont peut-être passé le cap de la
cinquantaine? Ne croyez-vous pas qu'à la suite d'une négociation
entre les parties patronales et syndicales, on puisse en arriver
éventuellement à des ententes selon lesquelles un employeur
serait obligé de réembaucher tel employé, à partir
de
son expérience, à partir du nombre d'années pendant
lesquelles il a travaillé? Enfin, c'est une foule de critères qui
pourraient éventuellement être élaborés, ce qui
pourrait impliquer, amener autant de sécurité et ce qui pourrait
en même temps suppléer, dans un certain sens, aux failles que l'on
rencontre dans le règlement de placement.
Le Président (M. Jolivet): M. Pouliot.
M. Pouliot: II y a certainement une possibilité d'entente.
Le ministre a mentionné ce matin que, par le biais du comité
mixte de l'Office de la construction, il pourrait y avoir des ententes qui
modifieraient le règlement de placement. Si on veut faire jouer un
rôle véritable aux parties intéressées, il y a une
possibilité de s'entendre, parce que, dans bien des cas, on s'est
entendu. Je pense que ça pourrait sûrement se régler par le
truchement des parties.
M. Pagé: En fait, c'est intervenir à un autre
moment dans le débat; par le règlement de placement, on oblige
l'employeur ou l'entrepreneur à embaucher telle personne avant telle
autre. On pourrait, à la suite d'une libre négociation ou encore
par une intervention, faire en sorte que tel entrepreneur ou tel employeur ne
puisse remercier tel employé par rapport à tel autre. Tous ces
aspects pourraient être laissés à la négociation et
je suis heureux de vous entendre dire que c'est possible.
Il reste maintenant, autour de la table ici, à envisager la
possibilité que ça puisse se faire et comment ça pourrait
se faire éventuellement.
Vous avez touché la question des artisans; ça ne me
surprend pas que vous touchiez cette question, parce qu'elle a
été longuement débattue ici, à l'Assemblée
nationale. Nous demeurons convaincus que les dispositions qui s'appliquent aux
artisans, dans la Loi 110, font en sorte qu'on peut contourner le plus
facilement du monde le règlement de placement qui s'applique
actuellement. (16 h 45)
Je conviens que la loi 110 a été adoptée depuis
quelques jours seulement. Etes-vous d'ores et déjà en mesure de
nous faire part d'une évaluation sur le nombre de personnes qui, chez
vous, éventuellement, pourraient devenir artisans, soit parce qu'elles
sont classées B ou C ou autrement?
M. Pouliot: En ce qui concerne les locaux en
général, je ne peux pas vous donner un nombre en l'air ou un
pourcentage. On sait fort bien qu'il y a une incitation directe auprès
de ces membres à devenir artisans. C'est la solution de rechange qu'ils
ont quant au règlement de placement. Il y a même des associations
d'artisans qui semblent vouloir se former, mais c'est encore au stade de la
discussion. La loi 110, comme vous l'avez mentionné, est bien chaude. Je
pourrais vous référer à certaines conventions collectives,
mais je vais revenir à la première question que vous m'avez
posée. Dans les conventions collectives, avant l'entrée en
vigueur de la loi 290, il y avait l'exclusivité des bureaux de
placement, où les entrepreneurs appelaient dans les différents
locaux pour avoir la main-d'oeuvre. C'était une possibilité en
1966, 1967 et 1968 et ce pourrait sûrement être une
possibilité en 1979.
M. Pagé: Sur la question du placement syndical on
pourra y revenir demain, on a entendu votre opinion, on a vu les
recommandations que vous nous avez formulées on est à
même aussi de constater la position combien définitive du ministre
à ce moment-ci, on pourra y revenir demain dans le courant de la
séance du matin.
En ce qui concerne les travailleurs du Québec je vais
essayer de me dépêcher pour permettre à mes
collègues de l'Union Nationale et de Beauce-Sud d'intervenir on
sait que vous avez dans vos locaux plusieurs travailleurs susceptibles de se
rendre travailler dans d'autres provinces. On sait que plusieurs projets
actuels impliquent l'embauche de plusieurs centaines de personnes, que ce soit
en Alberta, à Terre-Neuve, en Ontario, au projet de Sarnia on a
ici toute la nomenclature des projets qui totalisent l'embauche de plus de 4000
travailleurs. Jusqu'à maintenant, depuis l'application du
règlement de placement, est-ce qu'il y a des gars du Québec qui
se sont fait dire en Ontario, mettons de côté le cas de la
région frontalière ou le cas de l'Ontario est peut-être un
peu plus chaud, ou au Nouveau-Brunswick: C'est bien dommage, les gars, vous ne
travaillez pas ici. Ce serait, à ce qu'on me dit, le résultat de
l'application d'un règlement de placement au Québec, qui interdit
aux travailleurs d'autres provinces de venir occuper leurs fonctions ici.
Avez-vous été à même de vivre cela? Est-ce que cela
s'est étendu a plusieurs travailleurs dans certains corps de
métier, entre autres, qui sont susceptibles de vivre cela, j'aimerais
savoir ce qui en est là-dessus.
M. Pouliot: En ce qui concerne cela, il y a un problème
réel sur un chantier, entre autres, celui du Nouveau-Brunswick sur le
plan d'eau lourde, à Lepreaux, où il n'est pas question d'engager
des travailleurs québécois. On "bypass" le Québec si
on me permet l'expression on va chercher de la main-d'oeuvre dans
d'autres provinces. La même situation s'est produite en Ontario. On a
refusé d'embaucher des travailleurs du Québec, alors qu'on sait
que dans un métier entre autres, les monteurs d'acier, dans un chantier
de Sarnia en Ontario, on avait du travail pour sept travailleurs et on en a
engagé quatre et les trois autres venaient du Québec. Le
même problème se produit actuellement en Alberta. On a tous les
yeux rivés sur ce règlement de placement. Cela crée
définitivement des problèmes de plus en plus concernant la
mobilité de la main-d'oeuvre à l'extérieur du
Québec.
M. Pagé: Vous n'avez pas d'évaluation. Il y a quand
même depuis plusieurs années, des travail-
leurs du Québec qui vont évoluer dans d'autres provinces,
qui vont travailler à des gros projets à l'extérieur. Vous
n'avez pas de nombre ou de chiffre approximatif sur le nombre d'employés
qui seraient actuellement pénalisés, compte tenu de la
réaction au règlement de placement au Québec.
M. Pouliot: Non. On sait que cela touche des centaines de
travailleurs, mais vous dire exactement le nombre... On sait que pour un, le
local de Saint-Jean, Nouveau-Brunswick, de l'Association unie des plombiers, il
n'est pas question d'engager des travailleurs québécois, c'est
"Union Shop" et ce sont tous des gars qui viennent de l'extérieur du
Québec.
M. Pagé: Une dernière question. Est-ce qu'on a
été gagnants avec cela? Même si on a des travailleurs du
Québec qui ne peuvent plus aller travailler en Alberta, en Ontario, au
Nouveau-Brunswick ou à Terre-Neuve, est-ce qu'on a été
gagnants dans le sens qu'on a beaucoup moins de travailleurs de
l'extérieur? Où est le ratio? Avant l'application du
règlement de placement, est-ce qu'on avait plus de gars du Québec
qui allaient dans d'autres provinces ou si on avait plus de gars d'autres
provinces qui venaient au Québec?
M. Pouliot: Tout dépend de la construction qu'il y a
à l'extérieur. On peut sûrement référer au
projet de Syncrude, les sables bitumineux, qui est actuellement terminé.
Il y a eu des milliers de travailleurs québécois qui sont
allés se chercher un revenu, mais présentement, sur les chantiers
de construction, le chômage qui existe, ce n'est pas simplement au
Québec, je pense qu'il est général à travers le
Canada. On a des preuves à savoir qu'il y a un pourcentage de
travailleurs de la construction québécois qui sont
pénalisés justement face à ce règlement de
placement. On peut peut-être dire que la province du Nouveau-Brunswick
est plus séparatiste que la province de Québec ou la province
d'Ontario ou ainsi de suite. Mais c'est une situation de fait que nous vivons
actuellement au Québec.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bellechasse.
M. Pagé: Merci, M. Pouliot. J'aurais eu des commentaires,
entre autres, sur le champ d'application, mais je les réserve pour le
ministre demain matin.
M. Goulet: Merci, M. le Président. A la suite de plusieurs
points qui ont été soulevés par le ministre et par le
député de Portneuf, j'aurais quand même deux ou trois
petites questions à poser à M. Pouliot. Je suis d'accord avec
vous lorsque vous dites qu'on doit protéger les vrais travailleurs.
Pouvez-vous me dire en quelques mots ce qu'est un vrai travailleur de la
construction pour vous? Est-ce qu'un type, par exemple, qui a 6000 heures sur
la construction, parce qu'il n'a pu travailler ni dans sa sous-région,
ni dans sa région pendant deux ans, est considéré chez
vous quand même comme un vrai travailleur de la construction? Quand
allez-vous le récupérer pour qu'il devienne un vrai travailleur
de la construction?
M. Pouliot: On a des propositions d'amendement à l'article
301. D'ailleurs, le ministre, dans un des amendements au règlement de
placement, a pris cinq ans et 5000 heures alors qu'on mentionnait, nous, quatre
ans, 4000 heures, trois ans, 3000 heures. Il y a réellement un
problème qui existe; on doit trancher, tracer une ligne. Qu'est-ce qu'un
véritable travailleur de l'industrie de la construction? Les
recommandations d'amendement qu'on faisait à l'article 301 dans le
mémoire que vous avez, pour nous c'est ce qui était le
véritable travailleur de la construction. Il y a le commissaire au
placement qui va se faire entendre, il peut sûrement émettre des
certificats de classification spéciaux dans des cas exceptionnels qui ne
sont pas prévus dans le règlement de placement, mais c'est en
principe ce qu'on demande.
M. Goulet: M. le Président, M. Pouliot a dit tout à
l'heure qu'il mettait en doute le choix que l'OCQ... Vous avez dit quelque
chose comme: L'OCQ, lorsqu'il réfère des noms, laisse le choix
à l'entrepreneur d'embaucher à peu près qui il veut. C'est
à peu près les propos que vous avez tenus. Cela m'a surpris. Je
ne vous dirai pas peut-être pour la région de Montréal,
mais je peux vous dire que pour la région de Québec, de tels
propos m'ont surpris parce qu'effectivement, à ma connaissance, ce n'est
pas tout à fait cela. On ne laisse pas le choix à l'entrepreneur
d'embaucher qui il veut. Je voudrais que vous explicitiez davantage
là-dessus ou j'ai mal compris vos propos. Dans la région de
Québec, justement, les plaintes sont qu'on ne laisse pas le choix du
tout.
M. Pouliot: La question peut avoir deux volets. Lorsqu'un
entrepreneur demande à l'Office de la construction de lui faire parvenir
la liste des chômeurs d'un certain métier, l'entrepreneur a le
choix, parmi ces salariés, d'embaucher un ou deux travailleurs, en
autant que c'est conforme au règlement de placement et qu'ils
détiennent un certificat de classification A régional ou s'il n'y
a plus de A, un B régional. C'est conditionnel.
M. Goulet: Oui, mais en autant qu'ils détiennent une
classification.
M. Pouliot: Oui.
M. Goulet: Je suis d'accord avec vous. Ce n'est comme cela que
j'avais compris vos propos.
Une dernière question, M. le Président, elle sera
très courte. Vous avez également dit à peu près
ceci: Personne ne peut faire objectivement du placement dans la construction.
Cela a été à peu près la phrase qui a
terminé vos propos: Personne ne peut faire objectivement du placement
dans la construction sauf les syndicats. Vous
avez dit: Toute autre méthode est vouée à
l'échec. Vous soutenez cela! Vous êtes venu en commission pour
soutenir ce fait. D'après vous, c'est...
M. Pouliot: C'est une des revendications du conseil des
métiers, c'est écrit dans son mémoire, c'est la fin de la
conclusion, c'est une des raisons pour laquelle on demande l'exclusivité
du placement. On ne demande pas simplement l'exclusivité pour le Conseil
des métiers, mais pour les quatre associations représentatives
reconnues par la loi et, par là, on viendra sûrement
d'économiser plusieurs millions de dollars, même si ça peut
directement ou indirectement être relié à l'Office de la
construction. Parce que si l'office, avec son système d'informatique, a
pu transmettre les noms des travailleurs qui sont disponibles, une supervision
qui se fait par le ministère du Travail sur les bureaux de placement, on
vient de régler. La preuve est là que pour les bureaux de
placement syndicaux, même si, dans le passé, on doit
reconnaître qu'il y a eu des abus, il y a une loi, la loi sur les bureaux
de placement, c'était au gouvernement du temps de mettre cette loi en
application et de corriger les situations qui existaient, en vertu de la loi
147.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Merci, M. le Président. Un certain nombre de
questions ont déjà été posées, je me
limiterai à une couple de questions. Auparavant, je voudrais
répondre à mon savant collègue, le député de
Rimouski, qui m'a posé une question. Je ne veux pas que vous soyez
prétentieux. D'ailleurs, cela pourrait vous causer préjudice.
Vous voulez savoir si j'estime qu'un règlement de placement est
nécessaire. Je vous dirai que s'il y avait un manque de main-d'oeuvre au
Québec, on serait ici aujourd'hui pour discuter de cette question. Il y
a une abondance de main-d'oeuvre au Québec, il y a une pénurie de
travaux, c'est donc devenu un mal nécessaire.
Lorsque j'ai écrit au ministre au mois de septembre, une longue
lettre de trois pages, je lui ai fait un certain nombre de propositions et de
suggestions. Je ne lui ai aucunement suggéré de l'abolir, je lui
ai fait des suggestions pour l'améliorer. Est-ce que cela répond
à votre question?
M. Marcoux: Très bien. En avez-vous d'autres?
M. Roy: Pardon?
Le Président (M. Jolivet): Laissez faire.
M. Marcoux: Si vous voulez que j'ajoute un commentaire...
Le Président (M. Jolivet): Pas de commentaire.
M. Marcoux: ... quelquefois, le député de
Beauce-Sud...
Le Président (M. Jolivet): Pas de commentaire.
M. Marcoux: ... quand il est avec...
Le Président (M. Jolivet): Le député de
Beauce-Sud, vos questions.
M. Marcoux: C'est parce que le député de Portneuf
m'a posé une question.
M. Chevrette: Ne laissez pas passer, il va bien.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Beauce-Sud, vos questions, s'il vous plaît.
M. Marcoux: ... quelquefois...
M. Roy: J'aimerais savoir de nos invités de la FTQ s'ils
considèrent que le règlement de placement, en tenant compte des
critères A, B et C, le nombre d'heures, 1000 heures et plus, 500 heures
à 1000 heures pour le certificat B et moins de 500 heures, le certificat
C, cela leur paraît un critère qui doit être maintenu,
où s'il devrait y avoir des changements à ce niveau?
M. Pouliot: M. le Président, en ce qui concerne les
revendications, il doit sûrement y avoir des changements. D'ailleurs, ce
sont des amendements qu'on a demandés, c'est la même
réponse que j'ai donnée au député de l'Union
Nationale. Il y a sûrement un critère qu'on pourrait ajouter
concernant les heures qui sont enregistrées dans le fonds de retraite
des travailleurs de la construction pour être des travailleurs
véritables, pour autant qu'ils ont effectué ces heures dans
l'industrie de la construction, ce sont des solutions qu'il faut envisager.
Pour nous, le règlement, dans sa forme, c'est de se
référer aux heures des années antérieures. La
commission doit tenir compte de la baisse des heures effectuées dans
l'industrie de la construction pour pénaliser moins de travailleurs de
l'industrie.
M. Roy: Si une suggestion était faite de réduire le
nombre d'heures, 1000 heures requises pour la carte de classification, disons
qu'il y aurait une suggestion qui serait faite, de réduire cela à
800 heures, à 700 heures, quelle serait l'opinion de la FTQ à ce
sujet? Quelle serait votre opinion à l'idée de réduire la
carte de classification A, compte tenu des remarques qui ont été
faites ce matin, compte tenu aussi d'un certain nombre de mémoires que
j'ai reçus de différentes régions de la province.
On trouve que le chiffre de 1000 heures, pour certains types
d'entreprises, est trop élevé. On suggère qu'on le
diminue. J'ai même des propositions qui ont été faites, qui
nous viennent de la région de l'amiante, qui proposent que le chiffre de
1000 heures soit réduit à 500 heures. J'aimerais savoir de la
FTQ, de votre groupe, de votre organisme, quelles sont vos remarques à
ce sujet. Est-ce que cela vous apparaît acceptable? Est-ce que vous
auriez des objections? ( 17 heures)
M. Pouliot: M. le Président, on aurait des objections. Ce
sur quoi on pense que la commission devrait se pencher, c'est sur le taux de
chômage dans une région où le travailleur ne peut pas
effectuer des heures normales dans l'industrie de la construction. Ce n'est pas
sa faute s'il n'y a pas de construction; il n'y en a pas, il ne peut pas
travailler. On pourrait sûrement prendre ces heures en
considération et lui émettre un certificat de classification,
comme on le fait dans le cas d'une personne qui va en prison. On lui
reconnaît ses heures. C'est la même chose pour quelqu'un qui retire
des prestations des accidents du travail, qui est malade, etc.
Il y a des exceptions. On pourrait sûrement ajouter le cas de
chômage par régions.
M. Roy: En somme, vous réclamez plus de souplesse dans
l'application du règlement, si je vous ai bien compris.
Un deuxième point. Je pense que c'est important de le souligner.
On a souvent fait état et je dirais que ce fut le gros des
arguments que le règlement de classification, qui remplace le
fameux permis de travail des années antérieures, a pour effet de
sécuriser, de garantir une meilleure sécurité d'emploi
pour les vrais travailleurs de la construction.
Considérant qu'il y a deux catégories de travailleurs de
la construction, en ce sens que je ne veux les placer ni dans la
première catégorie ni dans la deuxième; pour moi, il n'y a
pas de citoyens de deuxième classe. Il y a ceux qui sont
détenteurs d'un certificat de qualification professionnelle et il y a
ceux qui sont considérés comme journaliers, qui ne sont
détenteurs d'aucun certificat.
Etant donné qu'il y a déjà un contrôle lors
de l'émission du certificat de qualification, il y a toute une
période prévue pour l'apprentissage, il faut qu'un travailleur
ait fait un certain nombre d'heures, qui soient étalées sur un
certain nombre d'années, avant de finir par avoir ce qu'on appelle sa
carte de compétence... Il y a déjà un règlement qui
existe. On ajoute un deuxième règlement qui est le
règlement de qualification, qui risque, à un moment donné,
de déclassifier le travailleur, un an après avoir franchi toutes
les étapes de sa qualification professionnelle, par le fait que, dans
une région donnée, il y a moins de travail, ou à cause de
la mobilité de ce travailleur, il y a une restriction quant à sa
mobilité personnelle.
Est-ce que vous estimez que cela serait un moyen d'envisager une
solution, en vue d'améliorer tout cela, c'est-à-dire qu'il y ait
un règlement de classification différent pour ceux qui sont
détenteurs de cartes de compétence et un autre règlement
pour ceux qui sont considérés comme des journaliers?
M. Pouliot: M. le Président, en ce qui concerne la
question du député de Beauce-Sud, je ne pense pas que le fait de
reconnaître les certificats de qualification réglerait le
problème du contingentement de la main-d'oeuvre. Il y a des milliers et
des milliers de certificats de compétence qui sont émis et ces
travailleurs n'oeuvrent plus dans l'industrie de la construction. Ils sont dans
d'autres secteurs. Si on disait: Tous ces travailleurs ont un droit acquis, on
viendrait probablement... Ensuite, il y a des attestations d'expérience
qui ont été données à la pelle. C'est
l'équivalent d'un certificat de qualification ou de compétence,
en vertu de la loi 49. Pour cette raison, on ne peut pas être en accord
avec une solution semblable concernant le certificat de qualification, mais
qu'on ait un contrôle qui soit un peu plus sérieux concernant
l'obtention du certificat de classification. Il faut songer à cela
très sérieusement et le contingentement se fera par le truchement
de la formation et de la qualification professionnelle, dans un premier temps.
Il ne faut jamais sortir comme vous l'avez mentionné le
fait des travailleurs non spécialisés qui ne détiennent
pas de certificats de compétence.
M. Roy: En somme, si j'ai bien compris...
M. Johnson: Est-ce que le député de Beauce-Sud me
permettrait d'ajouter quelque chose là-dessus pour qu'on se comprenne
bien? C'est bien important, ce que M. Pouliot vient de dire. Il y a eu beaucoup
de confusion autour de cette question de la qualification et de la
classification. Ce que M. Pouliot dit, et c'est fondamentalement vrai, c'est
qu'il y a littéralement des centaines de milliers de travailleurs au
Québec, probablement de l'ordre d'à peu près 300 000,
entre 250 000 et 300 000, qui ont des certificats de qualification.
Je vais vous donner un exemple. A I'lron Ore, qui est une compagnie
où il y a une convention collective, où il y a des gars qui ont
négocié des conditions, qui ont une forme de
sécurité d'emploi au niveau de l'ancienneté quand
cela ferme, c'est le dernier entré qui sort, etc. à I'lron
Ore, les gars qui sont mécaniciens, qui sont opérateurs de
machinerie lourde, charpentiers-menuisiers, ce sont tous des gars
qualifiés. Ce que dit M. Pouliot, c'est qu'on ne veut pas que ces
gens-là viennent dans la construction, parce qu'ils ont
déjà leur industrie.
C'est très important de faire cette distinction et elle n'a pas
été suffisamment faite depuis le début de ce débat.
C'est à cela que réfèrent la FTQ et la CSN quand elles
parlent de contingentement. Je suis d'accord avec ce principe.
M. Roy: La raison pour laquelle j'ai posé des questions
là-dessus, c'est parce que cela m'apparaît être le centre
même du débat et de nos travaux de la commission parlementaire,
puisque toute la question est là. Je voulais avoir l'opinion de nos
invités à ce sujet-là.
Le Président (M. Jolivet): Maintenant, le temps...
M. Roy: Le temps est terminé?
Le Président (M. Jolivet): C'est parce qu'au niveau...
M. Pagé: Consentement.
Le Président (M. Jolivet): Oui. C'est parce qu'on a
déjà dépassé de dix minutes le temps prévu
et il y a deux personnes qui avaient des questions.
M. Roy: J'y reviendrai à d'autres occasions.
Le Président (M. Jolivet): II n'y a pas de
problème. Il y aura d'autres possibilités de le faire. M. le
député de Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: II y a un point, M. Pouliot, qui me marque
beaucoup, qui m'intrigue, qui me chicote, en tout cas, qui fait plus que cela,
c'est la priorité d'embauche régionale que vous avez
soulignée au niveau de votre exposé. Personnellement, je suis
très sensible à cela. Je sais même qu'à Joliette,
sur un projet où il n'y avait même pas de travailleurs de la
région, la FIPOE a dû venir faire une manifestation pour venir
à bout de souligner qu'il y avait des chômeurs de luxe dans mon
milieu. M. Pouliot, comment verriez-vous l'établissement de
priorités régionales, indépendamment que vous ayez ou non
l'exclusivité de placement? Auriez-vous des suggestions à faire
pour assurer cette priorité régionale?
M. Poulfot: Ah oui! si on biffe l'article 12.12 du
règlement de placement, on vient de régler le problème.
Peut-être, pour enchaîner sur votre question, on est d'accord que
les compagnies amènent leurs "key-men", comme il est mentionné,
les contremaîtres et les surintendants, mais, lorsqu'on parle d'un
plombier qui travaille à la construction d'une maison unifamiliale, ce
n'est plus tout à fait un "key-man" et on pourrait citer une multitude
d'exemples. C'est ce qui existe actuellement. On veut empêcher de se
faire accuser que tous les gars de Montréal vont voler les jobs à
l'extérieur quand c'est le règlement de placement qui encourage
cela, par le biais des entrepreneurs.
M. Chevrette: Je vous remercie.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Charlevoix.
M. Mailloux: M. le Président, mes questions ne seront pas
longues. Je vais revenir sur la classification A, B, C du décret du mois
d'août dernier. Il m'a semblé, en regardant les mémoires de
deux centrales syndicales, qu'il n'y a pas tellement d'objections pas plus de
la CSN que de la FTQ-Construction sur le critère de 1000 heures par
lequel on voudrait cataloguer un véritable travailleur de la
construction classé A. Il est indiscutable que c'est peut-être un
critère assez facile à atteindre dans les régions
urbanisées. Mes collègues des milieux ruraux ont mentionné
les difficultés que les travailleurs ruraux auraient de l'atteindre.
Quand je constate que, dans Charlevoix actuellement, il y a 52% des effectifs
ouvriers qui sont en chômage depuis quatre mois, je me demande lequel
pourra se classer A dans cette région.
Ce que je voulais vous demander c'est ceci. Cela regarde
forcément les exclusions du champ d'application. Dans un secteur
particulier où il y a exclusion, les travaux agricoles, ce sont des
opérateurs de machineries lourdes qui, dans le même laps de temps,
travaillent normalement à la construction des routes également.
Je ne suis pas capable de concevoir cela a pu être adopté
au moment où j'étais membre d'un exécutif parce que
ce n'est quand même pas du "cheap labour", que ces gens-là
emploient sur les quelque centaines de milliers d'heures qui se font dans le
secteur agricole, ce sont des gens qui, travaillant pour des entrepreneurs
d'excavation ou de construction de routes, vont faire, pour chaque
entrepreneur, quelques milliers d'heures avec les mêmes
opérateurs... je n'ai jamais vu ces gens-là payés moins
cher que normalement ils sont payés dans le décret, dans le
milieu rural, pour un exemple comme celui-ci, à moins qu'on ne
réduise, tel que le suggérait le député de Beauce,
le champ d'application, c'est indiscutable que la province ne pourra jamais
atteindre ces 1000 heures ou ce sera marginal pour ceux qui les
atteindront.
Je voudrais savoir de la part de la FTQ-Construction ce qu'elle pense de
l'exclusion de tous les travaux agricoles relativement aux opérateurs de
machineries lourdes qui sont exclus. Qu'est-ce que cela donne dans le
portrait?
M. Pouliot: Pour ce qui nous concerne, on est entièrement
d'accord pour que ce soit régi, qu'il n'y ait pas d'exclusion. On veut
avoir le champ d'application le plus large possible.
Des exclusions on en apporte à tous les jours à
l'industrie de la construction. Qu'on modifie la Loi sur les relations de
travail, on va être d'accord sur cela à 100%; que les
exploitations agricoles s'appliquent dans le secteur de la construction, la
machinerie de production, et on peut continuer comme cela bien longtemps...
M. Mailloux: Ce que j'ai pu comprendre de l'exclusion qu'on fait
de certaines catégories de travaux par exemple, par la loi 110,
on a exclu les réparations dans les hôpitaux et les
collèges, c'est qu'on voulait que cela coûte moins cher. Ils ne
sont pas soumis au décret de la construction, cela coûte moins
cher. Là, on n'épargne pas un cent chez l'agriculteur. Il n'y a
pas de "cheap labour", on n'épargne pas un cent. On exclut tous ces
travaux qui permettraient quand même à plusieurs centaines
d'opérateurs de machinerie lourde de se qualifier si le ministre ne
change pas la qualification A aux 1000 heures.
M. Johnson: Est-ce que je pourrais vous poser une question? En
d'autres termes, est-ce que vous dites que vous seriez d'accord quand M.
Pouliot dit qu'il pense que cela devrait être inclus dans le champ
d'application de la loi? Parce qu'il y a une différence entre
l'inclusion dans le champ d'application de la loi et le fait de comptabiliser
les heures. C'est-à-dire que si on considère que la machinerie de
production et les travaux agricoles, on les inclut dans le champ d'application
de la loi,
cela veut dire que cela devient de la construction. Est-ce que le monde
rural serait d'accord avec cela? Cela veut dire que c'est le décret qui
s'applique. Cela veut dire, finalement, que c'est l'ensemble des
contraintes...
Une Voix: Ils pourraient prendre un artisan.
M. Johnson: Cela dépend. Il y a celui qu'ils se sont
négocié dans le décret, dans le cas de l'opérateur
de pépine.
M. Mailloux: Je dirais ceci au ministre: Si le monde agricole
où je vis est capable de m'assurer, étant
donné que c'est en dehors du champ d'application, qu'il sauve quelque
chose, je dirais: Ils ont un avantage marqué à rester en dehors
du champ d'application. Actuellement, quand je vois, chez mes cultivateurs, des
gens qui viennent d'un entrepreneur de route, je n'ai jamais entendu dire
qu'ils étaient payés moins cher quand ils font des travaux
d'amélioration sur une ferme que quand ils construisent une route, si on
suit le décret. Il ne faudrait pas s'imaginer que les cultivateurs sont
si bêtes que cela, parce qu'un bon opérateur de machinerie lourde,
quand il passe avec son "bull", s'il est bon, il passe une fois ou deux sur un
terrain, mais s'il est mauvais, il va passer six ou sept fois et cela va
coûter pas mal plus cher au bout de la course. Les gars ne sont pas si
bêtes que cela. Est-ce qu'on doit comptabiliser les heures qui ne sont
pas comptabilisées? En autant qu'il n'y a pas un coût
supplémentaire pour les opérations agricoles, je me demande
pourquoi on ne les comptabiliserait pas, et permettre à l'ensemble du
rural, où se font quand même les travaux agricoles... J'aimerais
bien entendre le monde agricole à ce sujet, mais je n'ai jamais eu
l'assurance que cela coûtait moins cher de ne pas comptabiliser les
heures et que ce ne soit pas dans le champ d'application du décret.
Il y a une deuxième observation sur laquelle vous avez beaucoup
insisté, M. Pouliot. Quand vous avez parlé de l'OCQ et du budget
de $3 700 000, comme profane, j'ai compris que cet argent, ce n'étaient
pas des subventions gouvernementales, mais que cela venait de la retenue de
0,5% sur la paie des travailleurs, premièrement.
M. Pouliot: Oui, de même que les intérêts de
vacances.
M. Mailloux: L'intérêt sur les fonds
d'indemnisation. Vous avez fait référence à cet argent.
Vous prétendez que s'il y avait des bureaux syndicaux qui s'occupaient
du placement en exclusivité, contrairement à la pauvreté
des renseignements qui sont fournis aux entrepreneurs et autres et aux
travailleurs, cela coûterait beaucoup moins cher par vos moyens que les
coûts que vous mentionnez. Est-ce que c'est cela que vous avez voulu
dire, en fait?
M. Pouliot: C'est exactement cela que je veux dire, que
l'office... Lorsqu'on parle de $3 700 000, ce ne sont pas les chiffres
véritables. Il faudrait ajouter des montants d'argent à ces
chiffres, parce que les inspecteurs vérificateurs de l'OCQ, il n'y a pas
de montant qui leur soit attribué dans les $3 700 000. Lorsqu'un
travailleur de l'industrie de la construction paie une cotisation syndicale de
$15, $20 ou $25 par mois, c'est un service qu'un syndicat doit lui donner. Cela
ne coûterait absolument rien à l'Office de la construction; la
question de référence, toute l'informatique et tout le
contrôle, on ferait cela dans les locaux affiliés au conseil
provincial.
M. Mailloux: M. Pouliot, j'ai deux dernières courtes
questions. Je pense que et j'ai cru déceler la même opinion
de la part de la CSN vous sembleriez d'accord pour que, dans des grandes
régions métropolitaines, comme Montréal et Québec,
il y ait des sous-régions pour la protection de la main-d'oeuvre
régionale. Je pense que vous êtes d'accord là-dessus?
M. Pouliot: C'est cela. (17 h 15)
M. Mailloux: Tantôt, vous avez parlé je pense
que c'est sur le 12.12 des "key-men" qui voyagent d'une région
à l'autre pour les entrepreneurs. En dehors des contremaîtres
généraux et des assistants, est-ce que je vous ai bien compris
lorsque vous avez dit que si un entrepreneur donné emploie, depuis
nombre d'années, sept ou huit opérateurs de machinerie lourde
je fais référence ici à un entrepreneur de routes
qui demeurerait à Québec et qui prendrait un contrat dans la
région voisine du Lac-Saint-Jean les six ou sept meilleurs
opérateurs de machinerie lourde, dont il connaîtrait les
possibilités, il n'y aurait aucune possibilité, d'après
vos voeux, qu'il les amène dans la région voisine? Est-ce que
ça se limiterait simplement aux contremaîtres
généraux, parce que c'est là une contrainte qui, j'en ai
l'impression, amènerait des embêtements considérables
à l'entrepreneur?
M. Pouliot: M. le Président, il est bien assuré que
le conseil des métiers n'a pas l'intention que, chaque fois qu'une route
va changer de région, on va changer tous les opérateurs et c'est
déjà prévu dans le règlement. Mais ce qu'on veut
dire, c'est un chantier comme Saint-Félicien, qu'on y prenne la
main-d'oeuvre régionale de A à Z et que l'entrepreneur
amène ses "key-men", pour ça, les parties, je pense, sont
d'accord là-dessus.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. Mailloux:
Merci.
M. Johnson: Merci, M. Pouliot. M. Bourdon, je pense?
Le Président (M. Jolivet): Avant de passer à la
CSN, je vais vous dire deux choses. La première, c'est qu'il a
été entendu à cette table et pour les besoins
d'inscription au journal des Débats, de ne
prendre aucun repos à six heures et de continuer jusqu'à
la fin des rapports des groupes.
Deuxièmement, la CSD demande qu'on inscrive au journal des
Débats le dépôt qu'elle fera demain de son mémoire.
Il n'y aura personne ici pour faire un compte-rendu.
M. Bourdon.
CSN-Construction
M. Bourdon (Michel): M. le Président, j'aimerais d'abord
remercier le ministre et la commission d'avoir accepté d'entendre les
parties quant à la discussion du règlement sur le placement.
Nous pensons qu'un règlement, comme une loi, a plus de chance
d'être accepté et de ne pas soulever de levée de boucliers
quand on se donne la peine d'entendre ceux qui vont vivre avec une loi ou avec
un règlement.
Cela fait une dizaine d'années que la CSN-Construction
réclame le contingentement de la main-d'oeuvre dans l'industrie, qu'on
demande la préférence pour les vrais travailleurs, ce qui semble
faire l'objet d'un consensus et entre les parties impliquées dans la
construction et entre les diverses formations politiques. On est heureux de
voir ce consensus.
On le demande, parce qu'on attribue à l'absence de
sécurité d'emploi la violence qui a sévi, à
l'occasion, dans l'industrie de la construction. Quand il arrivait de la
violence, c'était habituellement des batailles pour avoir les jobs. On
pense donc que c'est important de contingenter la main-d'oeuvre.
On pense aussi que le fait qu'avec 6% des travailleurs, on a 25% des
morts par accident dans la construction, et que c'est attribuable au fait que
les gens font des choses qu'ils savent dangereuses parce qu'ils ont peur de
perdre leur emploi. Cependant, c'est une chose de s'entendre sur le principe et
c'est plus compliqué quand on en vient aux modalités.
Dans le mémoire que nous avons soumis, ce qu'on fait valoir,
c'est de simplifier les certificats qui seraient émis uniquement
à ceux qui sont des réguliers de l'industrie. Quant à
nous, ça part avec le bassin des A et des B actuels.
Je voudrais ajouter que, dans les A, B et C, c'est aux deux
extrêmes qu'on retrouve les plus gros bassins; beaucoup de A, très
peu de B et beaucoup de C, d'occasionnels. Il y a beaucoup d'occasionnels, on
n'a qu'à regarder les chiffres de 1975. Ils datent un peu, mais ils
donnent une idée; ils disent que 42% des travailleurs de la construction
tiraient moins de $10 000 par année de la construction, de
l'assurance-chômage, d'autres emplois et de tout leur revenu. Ce sont des
chiffres de l'Office de la construction et du ministère
québécois du Revenu. Or, $10 000, incluant tous les gains faits
par des personnes, nous apparaissent en bas du seuil de pauvreté. Cela
venait de ce qu'il y avait trop de monde pour se partager un nombre insuffisant
d'emplois.
La suggestion qu'on fait donc, c'est de fusionner, en pratique, les A et
les B, qui deviennent à ce moment des réguliers. Pour renouveler
le certificat de classification assez régulièrement, on ne
demanderait qu'une heure faite dans la construction, un peu comme ce que le
ministre je pense qu'il avait raison de le faire a
décidé de faire cette année, par un arrêté en
conseil qui dit en somme: "Ceux qui le demandent, voient leur certificat A ou B
renouvelé, sauf pour les B qui seraient qualifiés pour être
A."
Pour notre part, on l'étendrait plus et je vous dis tout de suite
que ce n'est pas une solution idéale, mais, syndicalement, on est
habitué, quand on négocie, à protéger les droits
acquis et on pense que ce groupe-là a des droits acquis. Les autres
deviendraient des réservistes et ils auraient besoin de faire 1000
heures pour accéder au statut de réguliers.
A ce moment-là, on ne léserait pas ceux qui sont
déjà en place et qui, c'est notoire, craignaient de perdre leurs
certificats qui leur ont amené une plus grande sécurité
d'emploi.
Je voudrais ajouter qu'on n'a pas encore les statistiques officielles de
l'office, mais qu'il est évident qu'après seulement un nombre
limité de mois d'application du règlement, le revenu moyen des
travailleurs de la construction, malgré le chômage, a
augmenté de plusieurs milliers de dollars, parce que les emplois,
même si l'application n'est pas toujours parfaite, ont été
vraiment réservés aux vrais travailleurs de la construction.
Je pense que cette évolution peut continuer; si on tient compte
qu'il y a certains départs, je pense qu'à ce moment-là, ce
qu'on met de l'avant, serait juste et efficace. Je voudrais cependant
prévenir les députés que, tant qu'il y aura 330 000
chômeurs au Québec, il y aura toujours dans les bureaux des gens
qui, même d'après la nouvelle frontière, ne peuvent pas
traverser pour venir prendre des emplois dans la construction.
On a déjà mentionné ceux que nous désignons
comme des voleurs d'emplois et, comme le ministre le soulignait, il y en a
effectivement de deux natures. Il y a des étudiants, des professeurs et
d'autres qui venaient, l'été, chercher surtout des emplois de
journaliers dans la construction. On pense qu'ils devraient venir uniquement
lorsqu'il n'y en a plus de disponibles dans l'industrie.
Au point de vue des métiers, et cela répond un peu au
député de Beauce-Sud, ceux qui venaient chercher des emplois,
c'étaient tous ceux, dans le monde industriel, qui ont des cartes de
compétence. Cela veut dire les grévistes de la Presse, à
un endroit; cela peut vouloir dire les grévistes de I'lron Ore sur la
Côte-Nord qui n'étaient pas bienvenus car, pendant leur
grève, ils venaient prendre des "jobs" dans la construction; pas parce
qu'ils n'étaient pas compétents, ils l'étaient... Les
mineurs de Thetford sont allés à la Baie James au nombre de 300,
parce que, mineurs pour mineurs, il y a des mineurs à la baie James. Ce
que nos gens soutiennent, c'est que les gars de la construction ne vont pas
prendre l'emploi d'un mineur d'amiante ou d'un mineur de fer, ou de Marine
Industrie ou d'un homme de métier dans un hôpital ou dans une
commission scolaire. On s'attend que la réciproque soit vraie.
II y a des gens qui sont habitués à voir la construction
comme un endroit où on peut aller s'il n'y a pas d'autres recours. On a
reçu, à la CSN, des plaintes de gens d'hôpitaux et de
Marine Industrie qui se demandaient si leurs heures dans l'hôpital ou
chez Marine Industrie ne pourraient pas compter en vertu du règlement,
pour pouvoir revenir si jamais il y avait une mise à pied ou une
grève dans leur usine.
La réponse qu'on leur a faite, c'est qu'on ne peut pas tout
avoir. Si on a soi-même une sécurité d'emploi dans un
hôpital ou dans un chantier maritime, il faut concevoir et admettre que
le travailleur de la construction en a une semblable au niveau de son industrie
et que ceux qui pourraient venir seraient un appoint.
Quant au champ d'application qui fait l'objet de récriminations,
je pense qu'il est urgent que certaines choses soient clarifiées. Mon
confrère, M. Pouliot, a parlé des "shutdowns" où il y a un
projet publié qui doit aller au conseil consultatif. Nous, nous pensons
que c'est urgent que ce soit adopté, parce que ces gens-là sont
dans l'insécurité actuellement, parce que ce sont des gens de
métiers de la construction et ils se disent que leurs heures ne comptent
plus pour le règlement de placement.
Il y a également les chauffeurs d'autobus et les
mécaniciens de machinerie lourde à la baie James que des
décisions d'Evariste Bernier ont exclus de la construction. C'est un peu
particulier, la façon dont ils étaient exclus; ils l'ont
été parce que certains avaient été
congédiés, qu'on avait posé un grief et que l'employeur
invoquait qu'ils n'étaient pas de la construction, pour que le
travailleur ne puisse pas obtenir le redressement de son grief. Il reste que le
projet que le ministre a déjà publié prévoit que
les centrales électriques et la machinerie de production-construction
sont incluses. On pense qu'il est urgent que ce soit adopté, car, dans
le cas des conducteurs d'autobus à la baie James, depuis que le grief
est paralysé par la décision, leurs confrères ont le
salaire du décret, ont fait les remises à l'office et on leur
dit: "Si jamais vous faites un grief, on va dire que vous n'êtes pas de
la construction." Cela nous fait dire dans notre mémoire qu'au moins, en
attendant une décision d'Evariste Bernier, le travailleur qui a des
droits dans la construction devrait les maintenir pour qu'il n'y ait pas de
décision rétroactive.
Pour souligner l'urgence, je voudrais ajouter, que si on syndiquait les
conducteurs d'autobus de la baie James, cela pourrait donner un bordel comme
dans le domaine scolaire quand les autobus ne marchent pas. Il pourrait y avoir
une grève de 110 conducteurs d'autobus, une grève légale,
et les 11 000 travailleurs ne pourraient plus être amenés dans les
chantiers. La même chose vaut pour les mécaniciens de machinerie
lourde, parce que l'Hydro-Québec, Desourdy ou d'autres vous diront que
quand l'équipement n'est plus entretenu à cause d'une
grève de mécaniciens, le chantier ferme assez rapidement.
Quant aux régions et aux sous-régions, notre proposition,
c'est d'avoir 30 sous-régions et une dizaine de régions et
d'appliquer la préférence aux travailleurs réguliers de la
sous-région, puis aux travailleurs réguliers de l'ensemble de la
région, et après, sur une base provinciale. Cela permettrait
d'éviter qu'une personne de l'Ile aux Coudres qui veut se bâtir
une maison, soit obligée de faire venir un Beauceron qui est un peu
loin, alors qu'il aurait, dans le régime actuel, un B disponible. On
voudrait éviter que le coût des maisons augmente de $5000 parce
qu'il y aurait cette disposition qui n'aurait pas d'allure.
Je voudrais, M. le ministre et M. le Président, insister aussi
sur la préférence régionale d'emploi et souligner
là-dessus que l'attitude du conseil des métiers est très
différente de celle qui a prévalu il y a une douzaine
d'années dans la construction, quand il y a eu des luttes épiques
autour de la préférence régionale d'emploi. A
l'époque, à Hau-terive et à Baie-Comeau, il était
question d'une lutte des travailleurs de la région
représentés surtout par la CSN contre des travailleurs venant
d'autres régions qui voulaient construire une usine. Quant à
nous, cela nous apparaîtrait normal dans une période de
chômage de dire que l'employeur ne peut amener que ses "key-men" comme
réguliers, c'est-à-dire le surintendant et les
contremaîtres. Parce qu'en fait, ce n'est pas la faute du travailleur du
comté de Papineau ou du travailleur de Hauterive si les gros
entrepreneurs sont surtout concentrés à Québec et
Montréal, de telle sorte que le régulier qui peut voyager est
favorisé indûment par rapport aux travailleurs de la région
qui disent: II y a peu d'entrepreneurs d'une taille un peu importante dans ma
région de telle sorte que nous ne pouvons pas voyager.
L'autre point qui nous intéresse, ce sont les recours en vertu du
règlement de placement qui nous apparaissent insuffisants. Le
commissaire au placement et ses adjoints ont fait un travail efficace
jusqu'ici, mais je voudrais vous dire qu'ils n'ont juridiction que pour
entendre la plainte d'un travailleur à qui l'office a refusé un
certificat de classification ou à qui l'office n'a pas émis le
bon certificat de classification. Il n'est pas clair qui va arbitrer
l'interprétation de nos règlements. Dans les faits, l'office est
pris pour à la fois l'appliquer et l'interpréter, et cela peut
léser des gens. On pense donc que le commissaire au placement et ses
adjoints devraient avoir juridiction pour décider de tous les cas,
toutes les plaintes qu'un salarié, un syndicat ou un entrepreneur fait
quant à l'application ou à l'interprétation du
règlement de placement.
Je vais donner un exemple précis à ma table. Il y a un
travailleur dont l'employeur a rapporté à l'office la mise
à pied. Normalement, il devait être en disponibilité. C'est
un travailleur régulier membre de la CSN qui a beaucoup d'heures
d'accumulées, donc normalement il est un des premiers à
être référé par l'office. L'ordinateur de l'office
pour la 2000e fois ne fonctionne pas, de sorte qu'il n'est pas mis en
disponibilité. Il s'en aperçoit quelques mois plus tard et il
réclame de l'office, non pas mer et monde, mais de lui reconnaître
les
heures qu'il a manqué de faire parce que par la faute de l'office
il n'avait pas été mis sur la liste de disponibilité. Je
ne dis pas que c'est la faute de l'office, mais c'est ainsi. Il aurait eu des
chances de travailler et il connaît des confrères qui ont eu des
emplois, parce qu'eux étaient inscrits et lui ne l'était pas. Ce
n'était pas sa faute et ce n'était pas celle de son
entrepreneur.
Il nous semble que dans un cas comme celui-là, il devrait pouvoir
aller voir le commissaire adjoint au placement, faire sa plainte, et avoir une
décision qui permettrait au moins que toutes ces heures s'accumulent et,
au besoin, qu'une réparation soit faite. Si on prouve qu'il s'est
placé 20 personnes qui avaient moins d'heures que lui et que par la
faute de l'office, par hypothèse, il n'a pas été
placé, je trouve que le salaire pourrait être remboursé.
Or, sur ce plan-là, on demande donc que le commissaire au placement et
ses adjoints aient le pouvoir de prendre toutes les décisions sur toutes
les plaintes, sur l'application du règlement et son
interprétation, et que cela se fasse d'une façon assez
expéditive.
Là-dessus, MM. les députés, je suis prêt
à répondre à vos questions.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre. (17 h 30)
M. Johnson: Merci. J'aurais une question pour M. Bourdon qui a,
encore une fois, je pense, fort bien résumé le mémoire de
la CSN. Je pense que je n'ai pas à demander à M. Bourdon s'il est
d'accord avec les principes contenus dans le règlement de placement, il
a démontré qu'il était d'accord, que ça devient une
question de modalité, une question d'interprétation. Je connais
ses réserves sur la question de l'artisan, j'ai eu l'occasion de les
lire. Est-ce que vous êtes en faveur, M. Bourdon, de l'exclusivité
de placement syndical?
M. Bourdon: Là-dessus, je tiens à rappeler qu'en
1969, nous avions signé, avec la FTQ, une entente quant à des
bureaux de placement syndicaux conjoints. Cette position vaut encore. Je
voudrais cependant ajouter que si on acceptait une formule de ce genre, il
faudrait nécessairement que ce soit conjoint, sinon, s'il n'y a que les
agences syndicales de placement qui peuvent placer, chacun
séparément, on peut craindre des affrontements, parce qu'il y
aurait concurrence pour ne placer que ses propres membres.
Au niveau financier, je ne pense pas que ça permettrait une
économie, parce que je ne crois pas que ça coûte moins cher
de tenir un registre central par informatique pour deux ou trois centrales
ensemble, que ça ne peut en coûter à l'Office de la
construction. Je pense qu'il faudrait également des garanties que le
placement se fait d'une façon honnête, efficace et non
discriminatoire. Si ce n'est pas le cas, je trouve absolument essentiel que
l'office fasse de la référence de main-d'oeuvre, parce qu'on ne
peut pas, d'une part, dire aux employeurs: Vous n'avez le droit d'engager que
des A, après, des B, peu importe. Quand l'employeur a rappelé
ceux qu'il connaît qui sont A c'est un exemple ou qu'il a
appelé au bureau de placement, il faut que quelqu'un lui dise qui est
disponible, parce qu'autrement, il ne peut pas respecter le
règlement.
Je voudrais ajouter que le ministre dit, avec raison, que dans certains
cas, comme celui de la CSN-Construction, nous faisons beaucoup plus de
placement auprès des employeurs depuis que le règlement est en
vigueur, pour un certain nombre de raisons. La première, c'est que chez
les journaliers, les employeurs embauchaient n'importe quel nouveau et
maintenant, ils ont tendance à appeler soit à l'office, soit au
bureau de placement syndical pour embaucher des gens. Chez les menuisiers,
c'est la même réalité. Je voudrais rappeler que les bureaux
de placement syndicaux n'ont jamais placé plus de 20% à 25% de
tous les travailleurs de la construction, de telle sorte que le travailleur, au
niveau du service, est mieux servi, malgré les lacunes, par la
référence de l'office, que les centrales pouvaient le servir,
parce que cela a toujours été une minorité qui a
été placée par les bureaux de placement syndicaux.
M. Johnson: Cela va aller, peut-être qu'on y reviendra
tantôt.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Charlevoix.
M. Mailloux: M. Bourdon, une question à laquelle vous
venez de répondre au ministre du Travail. J'ai cru comprendre que vous
n'étiez pas d'accord avec le Conseil des métiers de la
construction quant à l'exclusivité des bureaux de placement,
principalement parce que vous n'avez pas l'assurance que le partage se ferait
à l'égalité des forces que vous représentez. Si,
par contre, la CSD, vous-même et la FTQ représentez chaque fois
33% des ouvriers de la construction, vous seriez placés dans une autre
position que celle que vous connaissez maintenant; c'est à peu
près ça qu'est le fond...
M. Bourdon: Non, M. le député. Je pense que le
placement est une prérogative syndicale. Les travailleurs peuvent
s'attendre que leur organisation syndicale les place, qu'elle connaisse leurs
besoins et qu'elle le fasse avec justice. Ce que j'ai dit, c'est que si on
parle d'un placement fait exclusivement par les centrales, je pense que
ça devrait être fait conjointement. Si c'était possible, on
est en principe d'accord pour le faire; il ne faut pas cacher que ça
donnerait plus de force aux organisations syndicales. On n'est pas contre le
fait d'avoir plus de force pour pouvoir mieux représenter nos
membres.
Dans le contexte actuel, cela m'apparaîtrait difficile
d'application. Si le législateur ne se rend pas à cette demande,
je trouve qu'il est essentiel que l'office fasse de la référence
de main-d'oeuvre, parce qu'autrement, on ne peut pas appliquer un
règlement de placement.
M. Mailloux: M. Bourdon, je voudrais faire
référence à la loi 110. On a beaucoup parlé, dans
votre propos tantôt, comme dans celui de M.
Pouliot de la FTQ-Construction, de la sécurité d'emploi
que désirent vos membres, ce qui est logique, par le biais de
contingentement. Vous vous êtes déclarés d'accord avec la
reconnaissance de véritables travailleurs de la construction que vous
situez principalement chez les A et les B. En vous écoutant
tantôt, vous avez mentionné que les deux groupes les plus
importants dans les catégories A, B et C étaient les
catégories A et C et que la catégorie B était quand
même moindre.
La question que je veux vous poser est la suivante. Je sais que vous
êtes un peu en désaccord avec la loi 110 par rapport au
problème artisan. Tantôt, quand on nous envoie toujours dans le
portrait les 278 000 gens qui seraient dans la construction, vous avez dit
vous-même que ces gens, compte tenu dans le passé des cartes de
qualification, aujourd'hui, on en retrouve des milliers qui travaillent pour
l'industrie privée et que, à un moment donné, veulent
revenir, qu'ils apparaissent toujours sur ces listes. J'imagine que
ceux-là, par le règlement de placement voté en août,
qui les oblige à avoir fait tant d'heures par année, vont
disparaître à un moment donné de cette liste de 278
000.
Ce que je veux vous demander, c'est ceci: On va forcément, par le
projet de loi 110, pour ce groupe important qu'est la catégorie C, qui
ne sont pas des employés de Donohue Brothers, d'une compagnie
minière ou autre, en faire quand même un autre groupe de
travailleurs de la construction qui vont vouloir sauver leur gagne-pain.
Vous dites que le groupe est extrêmement important. Le ministre
pourra peut-être m'éclairer. Il leur faut aller demander une
licence aux entrepreneurs en construction, prouver leurs qualifications et ils
peuvent obtenir une licence qui leur permettra de travailler pour un
consommateur, sans être soumis au décret de la construction, ou,
pour un employeur professionnel, soumis au décret.
Dans mon esprit c'est pour cela que je voudrais avoir votre
commentaire en adoptant la loi 110 et en permettant une telle
liberté de manoeuvre aux artisans de la classe C, on n'a pas
réglé le problème du contingentement et on n'a pas
réglé le problème de la sécurité d'emploi.
J'ai l'impression qu'on l'a même amplifié. Je vois mal des gens
qui n'ont fait que 400 ou 450 heures et qui ont quand même un certificat
de qualification se retrouver demain matin, alors qu'on manque
déjà d'ouvrage ailleurs, à tenter d'obtenir un certificat
de qualification leur permettant d'agir comme artisans.
Ne croyez-vous pas que si le projet de loi 110 reste tel qu'il est
actuellement, avec tous les pouvoirs dont ils vont disposer de se placer, et de
se placer même en "cheap labour", le problème, au lieu de
s'améliorer, est aggravé et de beaucoup?
M. Bourdon: La loi 110 sur l'artisan traite de deux cas. Il y a
d'abord l'artisan, pour simplifier, qui travaille pour un consommateur. On a eu
l'occasion de dire qu'on était d'accord pour que celui-là ne soit
pas réglementé, le polissage de cela étant, de toute
façon, extrêmement difficile.
On était contre l'idée même qu'un entrepreneur
puisse embaucher un artisan. On disait: II ne devrait embaucher qu'un
salarié. C'était notre objection principale à la loi 110,
ce qui nous faisait dire qu'elle pouvait saborder le règlement de
placement, puisque cela devenait optionnel, soit un certificat de
classification et, si tu ne peux pas l'avoir, une licence d'artisan.
Le député de Joliette-Montcalm a fait savoir que, dans le
règlement de placement, il y aurait une disposition à savoir que
l'artisan ne pourrait travailler pour un entrepreneur que lorsque les gens
classifiés en vertu du règlement de placement, il n'y en aurait
plus de disponibles.
A cet égard, on pense, quant à nous, que cela nous
enlèverait au moins notre inquiétude que des artisans entrent sur
les chantiers, à défaut de ne pas pouvoir y entrer, en vertu du
règlement de placement.
Cela ne règle pas la question totalement. Il y aurait des
artisans et on a une opposition de principe à ce que quelqu'un ne soit
pas salarié sur un chantier. Mais je pense que cela serait de nature
à rassurer nos membres, à qui on dirait qu'à ce
moment-là, l'artisan ne pourrait pas passer par une petite porte, parce
qu'il n'y est pas passé en vertu du règlement de placement.
M. Johnson: Si le député de Charlevoix le permet,
je voudrais simplement ajouter ceci. Vous connaissez l'expression "Ce n'est
qu'un début, continuons le combat" qui, autour de l'artisan, est devenue
rapidement "Ce n'est qu'un confus, continuons le débat". En fait, j'ai
eu l'occasion de déposer en Chambre, au moment de l'étude du
rapport de la commission, un amendement prévoyant que l'office peut
effectivement soumettre les artisans au règlement de placement.
La raison pour laquelle on dit "peut", c'est qu'on verra, dans la
réalité, ce qui se passe. Malgré cela, et oublions que
cette disposition existe, l'argumentation que j'avais développée
et que je pourrais peut-être rendre disponible j'ai fait un petit
syllabus de quatre pages là-dessus, destiné à ceux qui
sont intéressés au problème c'est qu'on pense qu'en
pratique, on ne voit pas une quantité considérable d'artisans
devoir être créée, à cause d'abord de ce qu'on lui
impose comme contrat, ce qui est plus que ce qui existe aujourd'hui et,
deuxièmement, à cause du phénomène central, dans le
cas de l'artisan, qui était l'incitation pour l'employeur. J'ai eu
l'occasion de le vérifier récemment.
Evidemment, on parle de Montréal. A l'Association de la
construction de Montréal, les emloyeurs membres de l'ACM ne sont pas
particulièrement enchantés de cela, parce qu'ils savent
très bien que leur incitation à embaucher des artisans sera
moindre; ils seront obligés de les payer au taux de décret. Au
départ, je pense que cela va empêcher, a priori, cette
marée qu'on prévoyait. On dit: Nonobstant tout cela,
malgré tout cela,
même en admettant les balises qu'on met autour de l'artisan, en
mettant un poids sur l'employeur qui voudrait les utiliser, parce que son
incitation était qu'il coupait les prix en le faisant, on prévoit
que, s'il devait y avoir un problème dans X mois, le temps de mettre en
vigueur les articles de la loi et de commencer à décerner les
licences, on pourrait, à ce moment-là, décider de
soumettre l'artisan au règlement de placement. Il pourrait être
soumis, en toute logique, dans un cadre de placement sous-régional.
L'exemple que je donnerais d'une des hypothèses, c'est que le
comté de Charlevoix, par exemple, pourrait être une
sous-région de la région de Québec et même
l'île aux Coudres, en tant qu'endroit isolé, non relié par
la terre comme les Iles-de-la-Madeleine et comme les villes de la
Basse-Côte-Nord, pourraient bénéficier d'un régime
particulier qui prévoirait, dans l'ordre, les A sous-régionaux ou
insulaires, les B sous-régionaux ou insulaires et éventuellement
les artisans, si jamais cela devait se poser en ces termes-là.
Or, en pratique, je pense qu'il y a là toutes les balises
nécessaires pour empêcher le raz de marée qui était
prévu et qui, à mon avis, ne demeure pas prévu; mais, si
jamais cela devait arriver, il y a les balises nécessaires pour
contrôler cela.
M. Mailloux: M. le Président, pour éclairer ma
lanterne, je voudrais, si le ministre le permet, lui poser une question. Je
devrais le savoir comme législateur...
M. Johnson: Oui.
M. Mailloux: ... ou cela a passé en dehors de ma
compréhension. Quant à la licence que pourra obtenir un artisan,
dans les balises qui seront placées, les individus détenant des
cartes de qualification, travaillant à l'année aujourd'hui pour
une industrie donnée pourraient-ils se présenter et obtenir une
carte de qualification leur permettant d'exercer le métier
d'artisan?
M. Johnson: Oui, dans la...
M. Mailloux: A ce moment-là, on verrait quantité de
gens, par dizaines de milliers à ce que j'ai entendu tantôt, qui
pourraient se présenter, demander la licence et continuer d'occuper un
secteur du travail déjà trop achalandé.
M. Johnson: C'est cela. Ma réponse à cela, c'est
que ce n'est pas différent de la situation actuelle.
M. Mailloux: D'accord.
M. Johnson: On se comprend là-dessus. Deuxièmement,
les obligations additionnelles qu'on lui impose, c'est également des
choses comme le code de sécurité dans la construction, c'est la
capacité de démontrer que l'ensemble des éléments
sur le plan administratif lui permet effectivement d'être
considéré comme un entrepreneur autonome.
Troisièmement, c'est l'obligation de fournir un
cautionnement.
Si on additionne tout cela ensemble, on se demande pourquoi un
travailleur de I'lron Ore, qui est un charpentier menuisier qui s'occupe
d'entretien dans l'usine, aurait intérêt, à moins vraiment
qu'il le fasse à un coût qui soit prohibitif en termes de temps,
d'exigences et d'argent, à vouloir se déclarer artisan dans ces
circonstances-là. Cela demeure une possibilité théorique,
mais, encore une fois, je pense que l'expérience des cinq ou six
dernières années démontre qu'il n'y en a pas tant que
cela.
M. Mailloux: Le ministre ne croit-il pas que dans les balises
à mettre en place, il serait important, malgré ce que cela peut
coûter de temps, de cautionnement, etc., qu'une personne dont on pourrait
prouver qu'elle a un emploi permanent, ne puisse solliciter un tel permis
d'artisan? Est-ce que cela ne serait pas possible qu'une telle balise soit
placée, pour un travailleur qui est sorti de la construction? La porte
reste large ouverte.
M. Johnson: Je ne pourrais pas répondre. Je ne voudrais
pas donner une opinion juridique, mais au niveau réglementaire, je ne
pourrais pas dire. Ce n'est peut-être pas impossible, effectivement, de
prévoir des critères qui reviendraient à cela au niveau du
résultat. Je ne pense pas qu'on puisse l'exprimer en termes de quelqu'un
qui travaille ailleurs. Je vois tout de suite la Commission des droits de la
personne et tous les autres se mettre à le contester, que je sache, cela
n'existe pas dans nos lois, ce type de contrainte qu'on peut imposer aux gens.
Il n'y a pas de loi dans notre société qui interdit à
quelqu'un de travailler à deux places. On peut arriver au même
résultat et viser les mêmes critères. (17 h 45)
M. Mailloux: Je voudrais poser une question supplémentaire
au ministre. Quand il dit qu'il n'y a pas trop de danger, je vois quand
même des gens qui ont travaillé, dans le passé, dans les
métiers de la construction, et quand le secteur est devenu trop
chargé, ils sont entrés dans le secteur hospitalier, où
ils travaillent 25 ou 27 heures par semaine, ou à peu près. Je
pense que les gens les plus aptes à prendre une protection
supplémentaire en cas de grève ou n'importe quoi sont
ceux-là. Ce ne sont pas tous des gens qui travaillent de 40 à 45
heures par semaine, qui sont surchargés. Souventefois, cela va
être un gars qui travaille dans le réseau public ou parapublic, et
les heures ne sont pas très longues. Il y a une possibilité
d'occuper deux emplois à la fois. S'il n'y a pas de balises qui sont
posées, on en verra qui auront deux emplois très souvent.
C'était une suggestion que je voulais faire au ministre. Libre à
lui de...
M. Bourdon: M. le Président, ce que je voulais ajouter
là-dessus, c'est que quant à nous, il s'agit de savoir si les
dispositions de 110 sur les artisans
peuvent constituer une échappatoire au règlement sur le
placement. Quant à nous, si on n'ajoute pas dans le règlement de
placement, que l'artisan passe après ceux qui sont classifiés et
de façon absolue, non pas par sous-région ni par région,
dans toute l'industrie, on peut permettre à des gens qui ne sont pas de
la construction, de venir prendre un emploi à la place d'un vrai
travailleur régulier de la construction.
Je pense que le député de Charlevoix a raison. Cela
permettrait à un employé d'hôpital qui travaille le soir,
de travailler également le jour dans la construction. Je ne fais pas le
débat à savoir pourquoi les gens ont deux emplois. Cela pose des
problèmes. On est dans une société libre où les
gens peuvent décider d'avoir deux emplois. Je trouve qu'il y a un de ces
deux emplois qu'il volerait à un travailleur de la construction, et il
n'admettrait pas qu'un travailleur de la construction prenne un deuxième
emploi dans l'hôpital à sa place. Maintenant, si le ministre a
raison et qu'en pratique, cela ne se posait pas, il ne devrait pas y avoir
d'objection à le mettre dans le règlement de placement. Si
personne ne veut faire cela, on l'a interdit, et, comme personne ne veut le
faire, personne ne va protester. Si cela allait par sous-région, cela
veut dire qu'on épuise le bassin de Charlevoix, par hypothèse,
parce qu'il y a des gros travaux, et qu'il peut entrer des artisans à la
poche, à la condition de connaître le code de
sécurité, d'avoir la carte de compétence, d'aller chercher
le permis. Avec les taux qui sont pratiqués dans la construction et dont
ils bénéficieraient, j'imagine que dans une situation comme
celle-là, il y a des gens qui se donneraient la peine de faire toutes
les démarches pour venir chercher un emploi auquel, d'après nous,
ils n'ont pas droit. C'est pour cela que d'après notre thèse, le
règlement de placement devrait dire clairement qu'un artisan ne peut pas
être embauché s'il y a de la main-d'oeuvre disponible, en vertu du
règlement de placement.
J'ajoute que l'autre danger, si ça se multipliait si on a
tort, on a tort pour rien, mettons-le dans le règlement de placement
c'est que, comme les artisans oeuvreraient en dehors du cadre de la loi,
sauf pour avoir un permis de la régie et être payés comme
un entrepreneur au taux bien que, qui pourrait l'appliquer, ça
n'est pas parfaitement clair on créerait un monde à part
dans la construction. Ce seraient des gens qui auraient naturellement tendance
à se regrouper pour défendre leurs intérêts et
là, on pourrait voir des situations où toutes les lois de la
construction pourraient être violées impunément par des
gens qui diraient: Moi, je regroupe des artisans sur une base volontaire, pour
défendre leurs intérêts et j'ai bien le droit de les aider
à défendre leurs intérêts. Je pense que ça
ouvrirait la porte à des abus.
Le ministre a peut-être raison et nous avons peut-être tort;
peut-être cela n'arrivera-t-il pas, mais on pense que la loi le permet;
alors pourquoi ne pas se servir de la disposition de la loi qui dit que le
règlement de placement peut les couvrir et mettre tout de suite que les
dispositions sur les artisans ne peuvent pas être un moyen de contre-
venir, par la porte d'en arrière, au règlement sur le
placement.
M. Mailloux: M. Bourdon.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
de... Je m'excuse.
M. Mailloux: Ce ne sera pas long. M. Bourdon, je comprends que la
philosophie qui vous anime, c'est que l'artisan doit être limité,
dans votre sens, simplement à des travaux pour des consommateurs,
point.
M. Bourdon: Je pense que dans la population au sens commun du
terme, on perçoit l'artisan comme un menuisier qui travaille seul et qui
offre à quelqu'un de finir son sous-sol à certaines conditions.
C'est un secteur où, pour être franc, il n'y a jamais eu de
contrôle et s'il y en avait, ce seraient des contrôles
coûteux à tous les égards, parce que, à la rigueur,
il faudrait entrer dans les maisons pour savoir si on y fait de la peinture.
Là, on était prêt à concéder que l'artisan
pourrait oeuvrer sur un marché libre, pour un consommateur, disons, pour
rénover son domicile.
On pense que quand on travaille pour un entrepreneur, on est un
salarié et qu'on ne devrait pas pouvoir se faire payer en argent
comptant pour ne pas payer d'impôt, seulement faire un rapport à
l'office, etc. Sans compter qu'il y a une difficulté
supplémentaire, c'est que l'artisan en question profiterait des
avantages sociaux de la construction et il y a déjà des abus
d'artisans qui ne déclarent que les heures nécessaires pour avoir
droit à l'assurance-salaire et qui touchent l'assurance-salaire.
Là, ça pourrait se généraliser et même le
ministre des Finances pourrait trouver ça inquiétant, parce que,
dans notre société, on sait que ce qui assure les rentrées
de fonds au ministère des Finances ou du Revenu, c'est quelque chose qui
s'appelle le talon de chèque ou le TP-4, c'est ce qui nous force
à payer. On pense que l'entrée de l'artisan doit être
payée au taux du décret. Je veux bien bien qu'on ne sache
pas qui pourrait appliquer ça et que les bases juridiques de
l'application soient fragiles mais en plus, il pourrait se faire payer
au taux du décret en argent comptant et ça serait une incitation
supplémentaire à être artisan. On dirait au gars:
Prends-toi un permis, je vais te donner $440 par semaine en "cold cash".
L'office ne pourrait pas se plaindre de ça, il serait payé au
taux du décret. Mais le gars, à côté, qui paie pas
mal d'impôt, dirait: Là, c'est plutôt
"intéressant".
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: Merci, M. le Président. Très
brièvement, d'abord je dois vous dire que j'ai aimé
l'objectivité de l'ensemble du rapport présenté par M.
Bourdon.
Maintenant, lorsqu'on dit: 80% des travailleurs sont satisfaits; je me
demandais si les 20% d'insatisfaits n'étaient pas tous sur la rive
sud.
M. Bourdon: Peut-être craignent-ils de perdre leur
certificat, mais on veut leur enlever cette crainte.
M. Goulet: Je voudrais vous demander, au niveau des
priorités d'embauche, vous faites des suggestions. Est-ce que vous
seriez d'accord qu'on donne la priorité d'abord aux A,
sous-régions, aux B, sous-régions, avant les A régionaux?
Seriez-vous d'accord avec ça?
M. Bourdon: Evidemment, dans notre système, on met
réguliers et réservistes au lieu de A et B. Supposons que c'est
A, B et C. On pense que, dans une sous-région, on devrait engager les A,
ensuite les B de la sous-région, et, s'il n'y en a plus, les A de la
région. C'est un phénomène qui n'est pas massif en termes
de nombre, mais qui a frappé des gens parce qu'une personne de Gran-by,
par exemple, disait qu'au lieu d'engager un B de Granby, elle est
obligée d'engager un A de la région de Montréal et que la
région de Montréal allait jusqu'à Mont-Laurier. Est-ce
possible? Cela n'a aucun sens, disait-elle.
Je pense que cela n'enlèverait pas de protection aux vrais
travailleurs de la construction. On dirait: On épuise le bassin de la
sous-région, ensuite de la région et, ensuite, on va n'importe
où.
M. Goulet: D'accord! Au niveau des sous-régions, dans
votre mémoire... Dans le cas qui touche le comté que je
représente, la sous-région 12, vous ne trouvez pas qu'encore
là, elle est extrêmement grande et étendue? Je me demande
si, dans ces sous-régions, au niveau des comtés ruraux où
la population est à faible densité, il n'y aurait pas lieu, comme
l'a mentionné le ministre tout à l'heure en parlant de
l'île aux Coudres ou des Iles-de-la-Madeleine, encore là, d'avoir
des sous-sous-régions. Je ne vous dis pas que j'ai la formule, mais je
trouve que les régions chez nous, par exemple la sous-région 12,
dans votre cas, ce que vous suggérez, c'est à peu près ce
que nous avons actuellement, c'est-à-dire environ 100 milles de
distance. Je trouve cela un peu trop étendu. Je ne sais pas si vous avez
quelque chose à ajouter là-dessus? J'aimerais avoir votre
opinion.
M. Bourbon: On a proposé les sous-régions du
décret parce qu'au cours des ans, ce sont des territoires qui ont
été définis par des parties et qui correspondaient
à un milieu naturel. Je pense que si on se restreignait davantage,
à un moment donné, on pourrait avoir des ordres de
problèmes inverses. Les gens de la sous-région diraient: Elle est
tellement petite, la nôtre, qu'on n'a pas tellement de sphère
d'activité pour avoir la chance de travailler. Mais on s'est servi des
sous-régions du décret parce qu'on les connaît bien et
qu'elles ont déjà été définies et
négociées par les parties de la construction comme correspondant
à un milieu naturel.
M. Goulet: Vous ne croyez pas qu'il y aurait accès quand
même... Parce que si la sous-région était plus petite
encore, s'il n'y avait plus de A ou de B dans la sous-région, les
travailleurs ne seraient pas pénalisés, car, à ce
moment-là, on irait à la région. Cela pourrait
répondre aux appréhensions que vous avez.
M. Bourbon: Ils seraient pénalisés. Prenons le cas
de Portneuf, qui est une sous-région. Le centre économique le
plus important est la ville de Québec. On dit qu'il y a d'abord la
préférence à la sous-région de Portneuf, mais la
ville de Québec aussi est une sous-région. Si on va à
encore plus petit que cela comme territoire, les gens du territoire plus petit
vont être pénalisés parce que les gens de la ville de
Québec vont toujours et constamment avoir la préférence
dans leur sous-région.
Il faut retenir que dans la construction, il y a une proportion
importante de travailleurs qui oeuvrent dans plus d'une région dans une
année. Alors, vous avez raison, sous-régions, régions,
comme c'est proposé, cela protège les gens jusqu'à un
certain point. Mais je pense que, si on fragmente davantage, il y a des
régions périphériques aux gros centres économiques
que sont Québec et Montréal qui seraient
pénalisées. Pour vous donner un exemple, le menuisier de Portneuf
dirait: Mon tour ne vient jamais, c'est toujours la sous-région de la
ville de Québec qui est embauchée, les A et les B, et mon tour ne
vient jamais. Je pense qu'il faut étudier soigneureusement les
mouvements de main-d'oeuvre, mais je pense que le travailleur va toujours
beaucoup plus naturellement, ceux d'en dehors viennent travailler chez eux
beaucoup plus que ceux de chez eux vont travailler en dehors. Il faut regarder
les chiffres avant de se prononcer sur cela.
M. Pagé: M. Bourdon, si vous permettez, si mon
collègue...
M. Goulet: Certainement, M. le Président. J'aurai une
dernière question.
M. Pagé: Ce que M. Bourdon met en relief, c'est vraiment
le cas. Il est possible que, dans certains cas, des députés
demandent que l'application de ce règlement soit ramenée à
des proportions plus petites au niveau des sous-régions. Cela
dépend du volume des travaux à l'intérieur de la
sous-région. L'exemple que vous donnez, l'exemple de Portneuf, qui est
à côté, qui est mon comté, qui est à
côté de Québec, tout près de Québec,
reflète très bien le problème. C'est évident que,
pour les gens de Portneuf, ce serait peut-être plus intéressant
qu'on ait une sous-région au niveau du comté, purement et
simplement, mais en autant qu'il y ait des travaux. Le jour qu'il n'y aura plus
de travaux, qu'il n'y aura plus d'ouvrage, je ne suis pas convaincu que les
gars seront satisfaits de ne pas pouvoir aller travailler à
Québec. Cela va se présenter dans plusieurs comtés du
Québec. Je conviens que, dans le moment, le rythme de croissance et de
développement économique va
assez bien; ce n'est pas à cause du PQ, c'est à cause de
l'initiative du député, mais c'est une autre affaire.
C'était pour ajouter aux commentaires de mon collègue de
Bellechasse. Ils sont encore sous le souffle des projets amorcés par les
libéraux, vous savez, en 1974.
M. Bourdon: M. le député, vous avez raison. Les
gens ont naturellement tendance, quand il y a un chantier important dans une
région, à dire: On devrait avoir tout l'emploi dans cette
région-ci et pas la grosse ville d'à côté. Mais, une
fois le chantier fini, si c'est à Québec qu'il se fait trois
hôtels, ils disent: Ecoutez, on est pénalisé. Cela s'est
vécu entre autres à Beauharnois. Dans un premier temps, les gens
disaient: La sous-région de Beauharnois d'abord. Il y avait des
chantiers industriels importants. Quand il n'y en a plus eu, ils ont dit au
député: On va te casser la gueule si tu ne nous mets pas dans la
région de Montréal où il y a de l'ouvrage. Je pense qu'on
peut mettre les sous-régions pour que ce soit plus proche du milieu
naturel des gens, mais il faut retenir que, tant qu'on ne stabilisera pas
l'emploi dans la construction, les gens vont avoir tendance à se former
des règles et des principes selon qu'on leur donne une "job" à
côté. Je voudrais ajouter qu'au Lac-Saint-Jean, j'ai vu des signes
très encourageants de l'application du règlement de placement,
parce que, cet automne, à cause de l'ALCAN et d'autres travaux, il y
avait le plein emploi dans la construction au Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Il y a des employeurs du Saguenay-Lac-Saint-Jean qui ont fait le calcul
intelligent que s'ils travaillaient à l'année sur leur chantier
et s'ils mettaient leur chantier en force tout le temps, ils n'auraient jamais
de pension à payer à des gens de l'extérieur, parce qu'ils
ne compteraient que sur la main-d'oeuvre régionale. Je vous mentionnerai
le cas de Euclide Perron, et celui de Laval Fortin; ils se sont mis à
faire ça. Ils se sont dit: on va avoir la meilleure main-d'oeuvre, parce
qu'on va leur offrir de l'emploi 10, 11 mois par année.
Ce genre de calcul, relié au comité
interministériel qui est censé planifier les investissements du
gouvernement dans la construction, je pense que ça ferait plus pour la
paix d'esprit des députés, que d'avoir un contingentement de la
main-d'oeuvre, mais des cycles inégaux de développement. Quand on
est dans le creux du créneau, il y a toujours des gens qui vont dire:
Elargissez que je puisse travailler quand même. Je pense que c'est
très important. Par exemple, ça suppose au niveau gouvernemental,
qu'actuellement, il ne serait pas indiqué de faire des travaux
gouvernementaux d'importance au Lac-Saint-Jean, pour deux raisons, c'est de la
main-d'oeuvre d'autres régions qui irait le chercher et la pension,
ça coûte assez cher.
M. Chevrette: M. le Président, je m'excuse...
M. Pagé: Vous enverrez une petite note au ministre de la
Justice et au ministre des Transports.
M. Chevrette: On va aller voter, mais j'aurais une
suggestion...
M. Bourdon: II est très préoccupé par ce
sujet, parce qu'un ministre, comme un député, aime toujours mieux
que ses électeurs travaillent que ceux des autres.
M. Chevrette: J'aurais une suggestion à faire à
l'Opposition, c'est une consultation pour revenir après le vote et
passer au moins l'AECQ ce soir. Finir avec la CSN, s'il y a d'autres questions
et passer à l'AECQ.
M. Bourdon: Pourquoi nous finir, M. le député?
M. Pagé: II n'a pas dit, vous rachever, il a dit, vous
finir.
M. Chevrette: Finir l'interrogatoire.
Le Président (M. Jolivet): Donc, nous reviendrons
après le vote.
M. Chevrette: J'aurais utilisé l'expression, vous
achever.
Le Président (M. Jolivet): La commission suspend ses
travaux jusqu'après le vote.
Suspension de la séance à 18 heures
Reprise de la séance à 18 h 21
Le Président (M. Jolivet): A l'ordre, messieurs!
La parole était au député de Bellechasse. Il a
encore...
M. Goulet: J'aurais encore deux courtes dernières
questions à M. Bourdon. Dans votre mémoire, vous suggérez,
à un moment donné, que tous les apprentis passent avant les
finissants. C'est bien cela? J'ai vu cela dans votre mémoire.
M. Bourdon: Ce qu'on dit, c'est que le règlement actuel
permet à un finissant d'entrer, d'une façon
préférentielle, dans l'industrie. Nous, on représente des
journaliers qui, pour avoir plus de sécurité d'emploi et un
meilleur salaire, sont intéressés à devenir apprentis. On
dit que la priorité, pour devenir apprenti, devrait être
donnée d'abord aux travailleurs qui sont déjà dans la
construction.
M. Goulet: D'accord. Qu'est-ce que vous pensez d'un vrai
travailleur de la construction qui, à un moment donné, pour deux
ou trois étés, se trouve un emploi pour un ministère
quelconque je vais prendre un exemple concret pour aller
construire un camp, pour le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la
Pêche. Etant
donné sa compétence, on l'embauche. Cela veut dire qu'il
ne pourra à peu près jamais revenir à la construction,
comme un vrai travailleur de la construction. Je ne parle pas d'un menuisier
qui s'en irait travailler, par exemple pour la compagnie X, Y ou Z pendant deux
ans, faire de la menuiserie et qui, par la suite, voudrait revenir dans la
construction. Je parle d'un employé occasionnel. Qu'est-ce qu'on fait
avec ces gens-là?
M. Bourdon: Je pense que cela revient aussi à ce que le
député de Charlevoix disait des travaux agricoles qui sont faits,
généralement, à des salaires semblables à ceux de
la construction, puisque ce sont des gens qui chevauchent, qui sont
compétents et que l'employeur sait qu'ils ne travailleraient pas
à des conditions moindres.
Il y a le service de la voirie aussi qui fait des travaux de
construction avec des gars de la construction. Notre tendance à nous
c'est de dire que si on veut avoir les avantages de la loi et du décret
de la construction, il faut aussi en prendre les obligations et, donc, c'est le
champ d'application que je trouve mis en cause.
Et la tendance historique du gouvernement en tant qu'employeur, parce
qu'il paie la note dans la construction, est d'une proportion qui, ces
années-ci, est presque majoritaire. Cela a été de dire:
Comme je suis à la fois législateur et employeur, je vais imposer
des choses à tous les entrepreneurs, gros, moyens ou petits. Mais moi,
je ne les paierai pas. On a des exemples de cela: le temps
supplémentaire pour les routes et les grands travaux, comme la baie
James, c'est après 50 heures. C'est le gouvernement qui paie.
Au niveau du champ d'application, j'ai l'impression qu'il y a la
même tendance. Je vous donne raison là-dessus. Le gars dit: Je
suis un gars de la construction, je suis menuisier. Je faisais des camps dans
un parc cet été. Expliquez-moi pourquoi mes heures ne
compteraient pas et que je ne serais pas payé au taux du décret?
Faire un camp sur le bord d'un lac pour un entrepreneur ou faire un camp pour
le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche...
Notre orientation, c'est de dire: Regardons de près le champ
d'application. Et si, dans le cas des travaux agricoles, par exemple, cela ne
coûte même pas moins cher de ne pas l'assujettir au décret
et à la Loi de la construction, il faudrait l'assujettir. J'aurais le
même type de réflexe, parce que, autrement, la réaction des
travailleurs dans les assemblées, c'est de dire: Lui, s'il a
travaillé et qu'il n'était pas dans le décret, qu'il ne
payait pas de cotisation, qu'il n'était pas soumis aux règles,
ses heures ne compteraient pas. C'est un peu comme si Marine Industrie avait
une filiale non syndiquée et que quelqu'un disait: Est-ce que
l'ancienneté de la filiale non syndiquée de Marine Industrie
pourrait compter pour son chantier syndiqué de Sorel? Les gens diraient:
S'ils veulent être syndiqués, ils vont être
syndiqués.
Mais je pense qu'il y a eu historiquement une tendance du gouvernement
à imposer à des petits entrepreneurs, par exemple, des
règles, et lui, le plus gros entrepreneur, il dit: Moi, je mets la
semaine à 50 heures pour les routes. Quand je fais des camps, ce n'est
pas de la construction, parce que tel est mon bon plaisir. Il dit à sa
régie gouvernementale, l'office: Si tu prends un petit entrepreneur qui
le fait, par exemple, poursuis-le, mais la reine ne peut pas être
poursuivie. Elle fait les règles pour les autres, mais elle n'y est pas
assujettie.
M. Goulet: D'accord. Une dernière question. Que
suggérez-vous à un travailleur de classe A qui n'a pas de travail
dans sa région, ni dans sa sous-région et qui, à un moment
donné, trouve quelque chose dans une autre région, à
Montréal, par exemple? Quand revient-il dans sa région? Quand
a-t-il priorité dans sa région? A-t-il la priorité
n'importe quand quand, à un moment donné, il change de
région? S'il est pour deux ans dans une autre région,
demeure-t-il toujours à sa première région ou, à un
moment donné, appartient-il à une deuxième? Quand a-t-il
la priorité dans sa région?
M. Bourdon: Dans l'application, M. le député, il y
a déjà un problème de tricherie sur le vrai lieu de
résidence des gens. Des gens qui travaillent à
Saint-Félicien et qui ont comme adresse le terrain de camping de
Saint-Félicien, je ne pense pas qu'ils aient feu et lieu, comme on le
dit, avec leur famille à Saint-Félicien. Là-dessus, je
pense que l'application n'est pas assez stricte. Vous avez raison, si un
travailleur de la construction de votre comté n'a plus de travail dans
le comté, il est mis en disponibilité et il travaille à
Montréal. Je crois qu'il est possible ce n'est pas écrit
dans le règlement que, s'il apprend qu'il y a du travail dans sa
région d'origine, il demande à l'office de le rendre disponible
dans sa région d'origine. Si cela se fait, c'est plutôt un usage
administratif qu'un droit qu'il a.
Je peux vous dire qu'à la baie James un gars qui est tanné
va s'informer auprès de l'office pour savoir s'il y a de la demande dans
son métier dans sa région pour pouvoir, à un moment
donné, changer d'endroit.
Par ailleurs, je vous dirais que, s'il est A et qu'il n'y a plus de A
dans sa région et qu'il connaît les chantiers qui embauchent, je
pense qu'il peut sans risque quitter Montréal et s'en aller dans la
région. Il est alors disponible et il sera le prochain appelé. Je
peux vous dire qu'à la baie James, cela se pratique. Les gens veulent
savoir les chiffres de l'office sur les disponibilités dans leur
région et, quand le gars en a assez de ne pas avoir de femme, de ne pas
avoir de logement, parce qu'il est simplement simple travailleur, de ne pas
pouvoir faire un grief quand il est congédié, de ne pas avoir de
repas chauds le midi, de boire seulement de la bière en fût, d'une
taverne qui est fermée le dimanche, d'un certain nombre de choses que le
changement de gouvernement, malheureusement, n'a pas changées à
la baie James...
M. Johnson: On peut boire de la bière en canette
maintenant.
M. Bourdon: Mais, dans la taverne, il ne peut pas l'apporter dans
sa chambre.
M. Johnson: Oui, mais il peut boire de la bière en
canette, elle est meilleure que la bière en fût.
M. Bourdon: C'est vrai. C'est grâce à l'intervention
du ministre et à quatre années de revendications syndicales. La
bière en canette est maintenant disponible dans la taverne.
M. Pagé: C'est surprenant qu'il ait seulement cela avec
lui, vous voyez, n'est-ce pas...
M. Perron: Ne vous en faites pas, ils n'ont rien eu du temps que
vous étiez là.
M. Johnson: Cela a pris six mois.
M. Pagé: Quand les libéraux sont là, au
moins, les gens travaillent, vous le savez, et les travailleurs du
Québec le savent. Quand le Parti libéral est là, les gens
travaillent. Les gens travaillent quand on est là.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît! M. le député de Bellechasse, avez-vous
terminé?
M. Goulet: J'ai terminé, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Merci, M. le Président. Je m'excuse auprès
de nos invités, mon caucus m'avait chargé d'aller à
l'Assemblée nationale tout à l'heure à l'occasion du
débat sur la loi 116. J'ai manqué une partie importante...
M. Bourdon: Vous n'étiez pas en désaccord avec
votre caucus, M. le député?
M. Roy: Je n'étais pas en désaccord, c'était
unanime.
M. Goulet: Le ministre de l'Agriculture vient d'arriver.
M. Roy: J'ai quand même pris connaissance de votre
mémoire, mais je tiens à souligner quelques points, notamment la
création de sous-régions. Inutile de vous dire que je suis
d'accord avec cette proposition que vous faites et qui pourrait permettre de
bonifier et de faciliter l'application du règlement de placement. Un
seul point, une seule question que je vais vous poser, puisque vous ne sembley
pas y avoir fait allusion dans votre mémoire, la question des personnes
âgées, les travailleurs de quarante ans et plus de la
construction, j'aimerais savoir si vous avez des recommandations
particulières à nous faire à leur sujet, vous autres, les
gens de la CSN, compte tenu que le ministre propose d'apporter d'autres
modifications au règlement de placement.
M. Bourdon: Là-dessus, je pense qu'il y a un
problème humain qui est vécu. Le règlement de placement
pouvait théoriquement le régler en période de haute
conjoncture, parce que ces personnes sont privilégiées pour avoir
un certificat A et le maintenir. Quand la conjoncture est haute, il est
sûr qu'à un moment donné, il ne reste que des gens de
cinquante ans et plus classés A dans la sous-région et dans la
région. Là, l'employeur serait tenu de les embaucher. J'ajoute
que rien n'interdit aux parties de négocier des règles
d'ancienneté dans la construction qui feraient que l'employeur devrait
rappeler d'abord ceux qui ont été à son emploi le plus
longtemps et ce sont habituellement des gens de cinquante ans et plus.
J'ajoute, M. le député, que, dans la mesure où le
ministre des Affaires sociales a imposé aux employeurs d'embaucher
jusqu'à 3% de handicapés physiques, par exemple... On a dit: Ce
n'est pas optionnel. Si vous n'en avez pas 3% et qu'il y en a qui appliquent la
norme et qu'ils sont capables de travailler, vous allez les prendre, parce
qu'il y a une discrimination à leur endroit. (18 h 30)
Je ne trouverais pas anormal que le même genre d'obligation soit
créé aux employeurs, en vertu du règlement de placement,
mais il y a la question des modalités: quel nombre, quel pourcentage de
sa main-d'oeuvre. Ce serait faisable parce que, quand l'office fait une
référence, on pourrait vérifier si c'est quelqu'un de 50
ans et plus et si l'employeur est tenu de l'embaucher.
M. Roy: Je vous remercie de cette opinion et de l'excellence du
mémoire, d'ailleurs, que vous avez présenté.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Nous allons vous
remercier, puisque c'est terminé avec vous. Nous demandons à
l'association AECQ de venir se présenter. Le représentant, si
vous voulez vous identifier.
Association des entrepreneurs en construction
M. Dion (Michel): M. le Président, mon nom est Michel
Dion, de l'Association des entrepreneurs en construction. M. le
Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, on a appris
ce midi, à toutes fins utiles, qu'on pouvait s'adresser à la
commission et faire connaître verbalement notre point de vue sur le
règlement de placement. Je ne sais pas s'il serait possible, à ce
moment-ci, de demander à la commission d'être entendus seulement
demain, de façon à favoriser la présence des employeurs.
On est actuellement en possession du mémoire. On connaît le
mémoire, on est capable de vous le présenter, mais, à
toutes fins utiles, il n'y a pas d'employeurs qui sont ici. Peut-être que
cela pourrait être intéressant pour les membres de la commission
d'entendre également des employeurs de l'association.
M. Johnson: M. le Président, on avait dit ce midi qu'en
principe, les parties n'étaient pas invitées. La commission a
décidé unanimement d'entendre les parties qui étaient
présentes. Je pourrais dire la même chose, à certains
égards, de certains des métiers de la construction, plus
particulièrement dans le cas de ceux qui appartiennent au conseil
provincial, qui nous avaient fait parvenir des notes, etc. A moins que M. Dion
n'ait carrément objection à témoigner ce soir, mais je
pense qu'on pourrait quand même, comme on l'a fait, prendre connaissance
du mémoire. Si je comprends bien, M. Dion est accompagné de M.
Dage-nais qui est là pour répondre aux questions.
M. Dion: Oui, on est en mesure d'expliquer, du moins de faire
connaître notre point de vue et de répondre à vos
questions. Peut-être que vous pourriez envisager que, demain, il puisse y
avoir des employeurs présents et, si vous voulez les questionner, vous
en aurez l'occasion à ce moment. Est-ce que cela pourrait être
possible de cette façon?
M. Goulet: C'est qu'à ce moment...
M. Pagé: M. le Président, je n'ai aucune objection
à ce que nous entendions demain matin les employeurs ou encore
l'Association des entrepreneurs en construction. Je ne vois pas en quoi on
pourrait être justifiés de le faire quand on vient, il y a
quelques minutes, de dire aux représentants de la CSD, somme toute,
qu'ils ne pourraient pas participer à l'audition demain. Je suis
convaincu que ceux-ci, s'ils s'étaient fait dire qu'ils pouvaient
comparaître demain, auraient dit: D'accord, on va y aller demain, parce
qu'aujourd'hui, il y avait de la neige entre Québec et Montréal,
ou je ne sais pas ce qu'il y avait. Ecoutez, j'aime autant vous soumettre tout
cela. Si vous croyez que les représentations que vous avez à nous
formuler peuvent changer ou encore qu'on peut avoir un son de cloche qui peut
être plus spécifique, avec des exemples plus concrets, une
expérience mieux vécue...
M. Dion: C'était peut-être dans le sens que, si vous
aviez des questions un peu plus précises, ou des cas précis,
peut-être qu'un employeur aurait été plus en mesure
à ce moment de donner la réponse, mais, quant à expliquer
le mémoire, M. Dagenais est parfaitement au courant, il peut
répondre aux questions.
Le Président (M. Jolivet): Donc, on va procéder
dans ce cas.
M. Dagenais (Michel): Alors, on va débuter avec deux
questions qui sont d'ordre général. La première, c'est
qu'on verrait que le règlement sur le placement s'applique dans le cadre
d'une politique générale des services de main-d'oeuvre telle que
prévue lorsque cela nous avait été présenté
par l'Office de la construction du Québec. En fin de compte, on
fonctionne avec un règlement sur le placement, mais on oublie deux
éléments qui nous semblent très essentiels et qui
devraient fonctionner de pair, c'est-à-dire la qualification
professionnelle de la main-d'oeuvre et la planification des travaux. Prenons,
par exemple, la planification des travaux. Ce qu'on fait à l'heure
actuelle, c'est qu'on donne des certificats de classification à des
salariés en fonction des heures qui ont été faites dans
une année antérieure, et des fois deux, alors que ces certificats
de classification vont servir pour l'année qui suit. On ne sait pas si
les niveaux d'activité économique dans l'industrie de la
construction vont être élevés, vont être bas. On peut
faire des prévisions, mais on n'a pas encore planifié des travaux
de construction. Si on planifiait ces travaux de construction, on serait en
mesure de savoir...
En tout cas quand on sait que les travaux gouvernementaux et
paragouvernementaux représentent environ 50% de l'ensemble des travaux,
même peut-être plus, on serait capable de savoir si on va avoir
assez de main-d'oeuvre qualifiée pour effectuer des travaux. Cela nous
semble une condition essentielle qui devrait être mise en application le
plus tôt possible, afin d'aider l'application du règlement sur le
placement. Autrement dit, pour une fois on prendrait les devants, on ne serait
pas en arrière.
Il en va de même pour la qualification professionnelle des
salariés. On trouve que ce dossier n'a pas évolué au
même rythme que le règlement sur le placement. C'est un
problème qui n'est pas dû au placement et notre objectif n'est pas
de dire que si certaines mains-d'oeuvre manquent de qualification, c'est
à cause du règlement sur le placement, sauf que maintenant, on
contingente la main-d'oeuvre, on dit: Ces travailleurs particuliers vont
pouvoir travailler dans l'industrie de la construction et seulement eux. Il
faut aussi s'assurer qu'ils sont qualifiés. On demanderait que le
dossier sur la qualification professionnelle reparte ou soit poussé un
peu plus rapidement, afin d'améliorer cet aspect de la politique de
main-d'oeuvre.
La deuxième remarque d'ordre général, c'est qu'on
s'oppose en quelque sorte à ce que le règlement sur le placement
permette le "bumping" c'est une expression utilisée en relations
de travail qui veut dire que quand un travailleur est embauché
par un employeur pour effectuer des travaux de construction, à l'heure
actuelle, si ce travailleur est embauché dans une région comme
Montréal et si on veut l'amener travailler dans une autre région
comme la Gaspésie, c'est impossible si ce travailleur n'est pas un
travailleur régulier de l'employeur. Vous allez dire que ça
défavorise l'emploi régional de la main-d'oeuvre, mais il ne faut
pas oublier que ça fonctionne des deux côtés.
C'est-à-dire que le travailleur de la région de la
Gaspésie peut, lui aussi, venir travailler dans la région de
Montréal, tout comme le travailleur de la région de
Montréal pourra aller travailler dans la région de la
Gaspésie.
Cette remarque est d'ordre général, mais c'est
plutôt dit en vue d'améliorer le fonctionnement du
règlement sur le placement, parce que ce règle-
ment on le trouve, à certains égards, très lourd
d'application et, si on veut que les gens le respectent, il faut qu'il soit
applicable, il faut que ce soit possible de vivre avec, sans quoi on a beau
mettre les plus grosses pénalités que l'on voudra dans la loi, si
c'est impossible pour les entrepreneurs de vivre avec, ils vont tout simplement
passer à côté.
Alors, lorsqu'on décide des critères de classification des
salariés, nous croyons que ces critères de classification, comme
les 1000 heures, etc., devraient être alignés sur les niveaux
d'activité économique des régions particulières.
Par exemple, un vrai travailleur de la construction de la région de
Rimouski fait moins d'heures de travail qu'un travailleur de la région
de Montréal; les occasions en sont moins grandes. C'est la raison pour
laquelle on pense que, pour la région de Chicoutimi, il devrait
être possible que les critères de classification soient
adaptés à cette région et non pas avoir un critère
de classification qui s'applique provincialement. Le même principe
pourrait aussi s'appliquer pour les métiers. Par exemple, si, dans la
région de Val-d'Or, en Abitibi, il y a une carence d'opérateurs
de machinerie lourde, pourquoi ne pas faciliter la classification des
opérateurs afin de permettre aux employeurs de la région
d'embaucher ces gens? Ainsi, ces gens pourront au moins acquérir des
certificats de classification, des B et des A, plus facilement, parce que,
à l'heure actuelle, c'est bien dommage, mais si, pendant une
période de temps, le niveau d'activité économique ne
permet pas à ces travailleurs d'acquérir leur classification
pour la dernière modification qui a été faite au
règlement sur le placement ces gens ne pourraient pas obtenir de
certificat de classification.
On pense aussi que le règlement sur le placement, au niveau de
l'application fait face à certains problèmes à cause du
fait qu'il y a beaucoup de petits entrepreneurs. On sait qu'il y a 85% des
entrepreneurs qui embauchent moins de dix salariés. Les frais de
déplacement qu'occasionne, dans certains cas, le règlement, ne
sont tout simplement pas réalistes pour ces entrepreneurs. Quand le
décret de la construction a été négocié, au
niveau des frais de déplacement, il n'y avait pas de règlement
sur le placement. A ce moment, les entrepreneurs dans une région, plus
particulièrement les petits entrepreneurs... quand un gros entrepreneur
prend un contrat de $1 million dans la région de Chicoutimi, il pense
qu'à un moment donné il va être obligé de payer
certains frais de déplacement et il les met dans sa soumission, mais le
petit entrepreneur qui a deux gars, qui travaille habituellement avec ces gars
et tout à coup, demain matin, ça lui en prend un
troisième, il ne peut pas se permettre de payer à ce dernier les
frais de déplacement.
Prenez, par exemple, dans la région du Lac-Saint-Jean, ce n'est
pas possible pour un entrepreneur de Chicoutimi d'aller chercher un gars
à Chibougamau parce que cela va lui coûter, en frais de
déplacement, autant que si le gars venait de Québec. Pourtant,
c'est la même région. A ce moment-là, il faudrait que le
règlement tienne compte de ces aspects pour que les entrepreneurs
puissent vivre avec le règlement sur le placement dans le cas plus
particulier des petits entrepreneurs et dans les régions surtout
éloignées.
Naturellement, favoriser l'emploi régional, c'est un principe
qui, je pense, est admis par tous, sauf qu'à un moment donné,
lorsque l'entrepreneur a embauché des gens depuis plusieurs
années, on pense que le principe qui est reconnu dans le
règlement sur le placement, à l'article 12.12, devrait y
être maintenu, c'est-à-dire les salariés réguliers
d'employeurs. A ce moment-là, l'employeur peut se promener partout dans
la province avec ses salariés.
On pense aussi qu'au niveau de certaines spécialités, il
devrait y avoir des discussions avec l'office et peut-être que, par
résolution, il serait possible que dans certaines
spécialités, comme par exemple l'installation de panneaux
électroniques, où la main-d'oeuvre est assez rare et connue des
employeurs, ces derniers ne soient pas obligés, quand ils vont faire un
travail en dehors de leur région, de passer par tout le système
qu'impose l'office au niveau de la recherche de main-d'oeuvre pour,
éventuellement, en arriver à la situation où l'office leur
donne la permission, mais uniquement après deux, trois ou quatre jours,
comme on l'a vécu, d'aller chercher le gars à l'extérieur
de la région ou leur impose quelqu'un qui, dans le fond, n'est pas
qualifié. A ce moment-là, l'employeur est obligé de faire
la preuve que cet individu n'est pas qualifié et, évidemment, on
ne peut pas et c'est peut-être actuellement la plus grosse
critique qu'on puisse faire envers le règlement établir la
question de disponibilité comme telle. On dit qu'un salarié est
disponible et que l'entrepreneur doit l'embaucher. Mais, la
disponibilité d'un gars, c'est quoi, dans le fond? Une question de
qualité et une question de quantité. Quand on oblige un
entrepreneur à faire des recherches, à appeler 25 hommes dans sa
région pour savoir s'ils veulent venir travailler sur son chantier, pour
le gars, il devient impossible de mettre en application un règlement,
puisque lui, il n'a pas le temps de le faire. Je reviens toujours au petit
entrepreneur qui a son bureau dans son camion pour utiliser une
expression courante pour lui, il est impensable de commercer à
appeler 25 bonshommes pour savoir s'ils sont disponibles.
On en arrive, finalement, à un autre argument qu'on avait
utilisé, il s'agit des fonds de baril. On utilise cette expression
pour... On a mis cette expression dans notre mémoire et je pense qu'on
devrait insister là-dessus.
Il arrive souvent qu'on cherche de la main-d'oeuvre dans une
région et qu'on se rende compte qu'il n'en reste plus. S'il reste 10% de
main-d'oeuvre qui est supposée être disponible, on pense que
l'entrepreneur devrait avoir l'autorisation de passer immédiatement
à un autre bassin, sans être obligé de scruter à
fond si le pourcentage donné de salariés reste disponible. La
raison évidente, c'est que vous avez toujours et on le
rencontre en pratique dans les autes domaines, dans les autres
industries des individus qui, pour quelque raison que ce soit, ne sont
pas prêts à travailler. Ces individus sont enregistrés
à l'office comme étant disponibles, mais, dans le fond, ils ne le
sont pas, parce que peut-être, à un certain moment, certains ont
eu un accident en dehors du travail. Ils sont toujours disponibles au niveau de
l'office, bien que non disponibles pour travailler. Pour un tas d'autres
raisons de ce genre-là, on demanderait que l'office reconnaisse, ou que
le règlement reconnaisse la possibilité, pour un entrepreneur, de
changer de niveau de bassin lorsqu'il ne reste qu'un pourcentage donné
d'individus dans le bassin.
On devrait parler aussi des problèmes qu'on a eus avec l'office
au niveau de l'application pratique du règlement, au niveau des pannes
d'ordinateur, etc. Honnêtement, cela a été, pour un bon
nombre d'entrepreneurs, un vrai casse-tête. C'est un souhait que l'on
formule, il faudrait absolument que le règlement tienne compte,
c'est-à-dire qu'on simplifie le règlement pour éviter les
nombreux appels qu'un entrepreneur a à faire à l'office, afin de
vérifier les disponibilités des gars. Franchement, si un
entrepreneur n'est pas capable d'embaucher à sa porte un salarié
qui est reconnu comme un vrai travailleur de la construction, que ce soit un A
ou un B, d'une région ou d'une autre, à ce moment-là, le
règlement sur le placement risque de ne pas trouver d'application
possible et on va peut-être arriver, d'ici à quelques
années, à une situation où on va avoir un règlement
qui ne sera pas appliqué. C'est pire que de ne pas avoir de
règlement. Ce sont en gros les commentaires qu'on voulait faire sur le
règlement. (18 h 45)
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Johnson: Merci, M. Dagenais. Quelques questions. La
première touche les "key-men". J'aimerais peut-être vous entendre
un peu préciser votre pensée de la même façon que,
du côté de la CSN et de la FTQ, on l'a fait tout à l'heure.
J'ai pris connaissance de votre mémoire. Essentiellement, vous
suggérez un élargissement. Pourriez-vous préciser votre
pensée un peu là-dessus? De la même façon que le
monde syndical perçoit que la clause de mobilité de la
main-d'oeuvre permanente devrait être restreinte au surintendant, au
gérant, au contremaître, de la même façon, si je
comprends bien, vous préféreriez que cela aille exactement dans
le sens contraire?
M. Dagenais: A ce chapitre, je vais vous dire qu'on a une
certaine divergence avec la partie syndicale. La raison est la suivante.
Pardon?
M. Chevrette: Pas une certaine divergence, une divergence
certaine.
M. Dagenais: D'accord. C'est certain qu'on a une divergence. J'en
conviens. Il y a eu au début, à l'émission des certificats
de classification, je pense que c'est quelque 55 000 certificats de
salariés réguliers d'émis. Pour nous, cela confirme un
fait, c'est que l'entrepreneur, pour autant que possible, garde sa
main-d'oeuvre à son emploi le plus souvent possible, de sorte qu'il peut
amener cette main-d'oeuvre où il a ses chantiers de construction, peu
importe où en province. Il est important qu'un entrepreneur puisse
arriver et ouvrir un chantier et même, si possible, le faire au complet
avec des salariés qu'il connaît. On donnait tantôt l'exemple
du plombier qui fait la plomberie d'une maison. Ce n'est pas compliqué,
mais si l'entrepreneur prend un contrat d'envergure au niveau domiciliaire et
envoie un certain nombre de ses plombiers, il leur donne naturellement comme
travail d'effectuer toute la plomberie. S'il a à son emploi des
salariés en qui il a pleine et entière confiance, à ce
moment-là, le travail va se faire dans les normes qu'il désire et
au coût auquel il a soumissionné. Pour lui, c'est, à notre
avis, un droit de gérance. C'est une question de liberté
d'entreprise. Quand on embauche quelqu'un, en général, on le
sélectionne. Dans l'industrie de la construction, contrairement à
ce que certaines personnes ont dit, il y a aussi une sélection. La
preuve, c'est qu'il y a un paquet de salariés réguliers. Alors,
on veut que cela continue, pour permettre aux employeurs de travailler
efficacement. Pour eux, c'est un point important. Ce que j'ai abordé
aussi avec ces salariés, la question des spécialistes, c'est une
question où les gens, dans certains cas, ne sont pas
nécessairement des salariés réguliers de l'employeur, sauf
qu'ils sont connus. Il y a tel bonhomme, à un moment donné, il
travaille pour un autre employeur, son travail vient de finir, un autre
entrepreneur en a besoin dans une autre région. Il sait que ce sont
à peu près seulement ces gens-là qui peuvent effectuer le
travail dans cette région. A ce moment-là, nous pensons qu'il
devrait être capable de les amener. On ne demande pas cela pour tous les
emplois et métiers de l'industrie de la construction. Comme on vous dit,
on serait prêt à s'asseoir et à discuter avec l'office de
ce type d'emploi et établir une résolution ou des
mécanismes d'application. Ce n'est pas général. C'est
uniquement dans certaines spécialités.
M. Johnson: Sur cette question des spécialistes, M.
Dagenais, il y a une question un peu naïve que je vais vous poser. Prenons
les spécialistes en boîtes de contrôle chez les
électriciens. Qu'est-ce qui vous empêche d'appeler la FIPOE? Elle
doit connaître ses gars, la FIPOE? Pourquoi ne l'appelez-vous pas?
M. Dagenais: Votre question n'est pas naïve. Dans le fond,
vous voulez un peu faire parler des bureaux de placement syndicaux.
M. Johnson: Oui.
M. Dagenais: On va en parler. Pour les bureaux de placement
syndicaux, je pense qu'on pourrait retourner en arrière et on peut vous
dire qu'on avait demandé carrément leur abolition. Vous avez
jugé bon, dans le règlement, de les
maintenir, sauf que vous avez dit qu'il va y avoir plusieurs sources
d'emplois. Pourquoi? Parce qu'on reconnaît la liberté des
individus de choisir la façon dont ils veulent embaucher leur monde. Si
on a des entrepreneurs qui ne veulent pas passer par les salles d'embauche, les
bureaux de placement syndicaux, à ce moment-là, c'est leur
liberté qu'on défend et on pense que le système actuel,
qui réglemente les agences de placement syndicales, dans le cadre d'un
règlement où on avait déjà fait des commentaires,
des remarques, mais qui n'ont pas été suivis, doit rester tel,
parce qu'on a eu des plaintes qui ont été faites à
l'office sur le fonctionnement de certains bureaux de placement syndicaux.
Il y a eu aussi, à un moment donné, des employeurs qui ont
eu d'autres problèmes et, par hasard, les plaintes ne se font pas, parce
que les salariés ne sont pas intéressés à
témoigner et l'employeur non plus, je vais vous le dire bien
franchement. Mais ça, il y en a de moins en moins. On trouve que
ça va mieux et, si ça va mieux, il faut le dire, parce que c'est
nécessaire. De là à dire qu'on va émettre une
opinion qui va brimer l'entrepreneur dans sa liberté d'embauche, on
n'est certainement pas d'accord. Surtout que, lorsqu'on fait des consultations,
on se rend compte que l'utilisation des agences de placement n'est pas
tellement importante. On utilise énormément l'Office de la
construction pour la référence; en tout cas, on essaie et on le
souhaite.
D'ailleurs, les remarques que j'ai faites tantôt, quelquefois,
peuvent être choquantes pour l'office. Mais ce qu'on veut, c'est que le
système fonctionne, on veut que, lorsque l'office donne des noms de
salariés qui sont supposés être disponibles, on veut qu'ils
soient vraiment disponibles. Parce que c'est ça, donner un service
à l'employeur pour qu'il puisse vivre avec le règlement.
Il en est un peu de même avec les CMC et les CMQ. Les CMC peuvent
peut-être poser un problème politique dans lequel je ne voudrais
pas embarquer. Par exemple, les CMQ, à l'heure actuelle, fonctionnent,
mais sans avoir les données de l'office. Il n'y a pas de communication,
il n'y a pas d'écran cathodique au CMQ et ainsi de suite, de sorte qu'un
employeur qui veut s'adresser au CMQ, pour que ces gens essaient de faire une
certaine sorte de placement, c'est-à-dire le recrutement, la
sélection et leur référer des candidats, c'est difficile
pour les CMQ d'opérer là-dedans.
Là, ce serait un endroit où on pourrait vraiment
améliorer le système, c'est-à-dire en suggérant ou
en instaurant une meilleure communication entre l'office et les CMQ, et
ça serait simplement donner à l'employeur qui vit avec le
système, avec le règlement sur le placement, une source
supplémentaire d'approvisionnement de main-d'oeuvre.
Alors, c'est notre opinion sur ça.
M. Johnson: Finalement, sur ce que vous appelez les fonds de
bassin ou les fonds de baril, comme principe, je pourrais peut-être
l'admettre, mais il faut admettre un autre principe en même temps.
Seriez-vous prêts à créer un fonds d'indemnisation pour
rémunérer les 10% qui restent? Ce sont des gens qui ont aussi le
droit de vivre.
M. Dagenais: Regardez, M. le ministre, de la façon que
ça fonctionne à l'heure actuelle, la société
économique dans laquelle on vit reconnaît comme principe
économique qu'il y a toujours un certain taux de chômage qui va
exister. Il y a bien des sortes de chômage, je ne les connais pas toutes,
mais je connais le chômage frictionnel qui fait en sorte qu'un individu
serait prêt à prendre de l'emploi, mais, étant donné
que l'emploi a été offert deux jours avant qu'il soit disponible,
il n'a pas pu l'avoir. Cela existe aussi dans l'industrie de la construction.
Le bonhomme qui a un accident personnel, ça existe; le bonhomme qui est
en vacances... Combien de fois un entrepreneur appelle un gars et dit: Ecoute,
j'ai une "job" pour toi. Il répond: Ecoute, je viens de descendre de la
baie James, laisse-moi tranquille, je viens de faire six mois là-bas.
C'est arrivé, des cas comme ça. C'est arrivé aussi que le
salarié a dit: C'est à quel endroit ta "job"? C'est à
telle place. Cela ne m'intéresse pas.
A ce moment-là, ce serait créer un fonds pour consacrer le
fait que certains individus, à un moment donné, ne sont pas
disponibles pour travailler. Je vous dis qu'il y aurait un paquet de gars qui
se diraient non disponibles pour travailler parce que ce serait, en fin de
compte, un revenu garanti déguisé.
M. Johnson: D'accord.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, très
brièvement, parce qu'il y a quelques questions que je voulais poser et
qui ont été posées par le ministre. Votre
expérience avec l'OCQ. Dans un premier temps, je pensais que vous
n'étiez pas d'accord, pas du tout d'accord avec la
référence d'embauche de la part de l'OCQ; j'en étais venu
à me demander si vous étiez favorable aux agences de placement
syndicales, mais, à une question posée par le ministre, vous avez
répondu que non et que ce que vous souhaitiez, c'était une
amélioration des services dispensés par l'OCQ. Qu'est-ce qu'il
faudrait que l'OCQ fasse pour que ça s'améliore? Je conviens que
l'AECQ nous dit aujourd'hui que ça devrait être
amélioré. Je conviens que, dans chacun de nos comtés
respectifs, on était à même de rencontrer les entrepreneurs
qui étaient, pour employer un terme pas trop brutal, pas contents et
même plus des services dispensés par l'OCQ. C'est évident
que, demain, on aura l'occasion d'avoir l'autre côté de la
médaille, on aura l'occasion de poser des questions à l'OCQ.
On doit vous dire que, jusqu'à maintenant, il semble qu'il y ait
des problèmes dans ça. Qu'est-ce que vous feriez, qu'est-ce que
vous recomman-
deriez, si vous étiez à notre place, pour
l'amélioration des services de l'OCQ?
M. Dagenais: La recommandation au niveau du règlement est
qu'on pourrait toujours s'entendre pour simplifier, au niveau des
priorités d'embauche, des choses comme cela. Mais même si on avait
un autre système de priorité d'embauche, ce qui est primordial
pour nous autres...
M. Pagé: Si vous permettez, je parle en termes de service
au niveau de la référence.
M. Dagenais: Ce qui est primordial pour nous autres, c'est la
communication et l'information. Par exemple, lorsqu'on communique avec
l'office, lorsqu'un employeur communique avec l'office, ça ne peut pas
prendre trois jours pour avoir le gars, il en a besoin tout de suite. C'est
arrivé, des cas où cela prenait trois jours et plus.
M. Pagé: Mais dans le moment, ça prend combien de
temps pour avoir un gars?
M. Dagenais: Cela dépend des cas. Je n'ai pas idée
de dire que l'office est totalement inefficace. Ce n'est pas là mon but.
L'idée, c'est d'instaurer un système où l'office va
être encore plus efficace. Par exemple, au niveau des informations
c'est la communication. Quand on appelle à l'office, les ordinateurs en
panne et ainsi de suite, c'est un problème de communication. Cela se
règle entre personnes.
Au niveau de l'information, on en arrive au sujet que j'ai touché
tantôt, celui de la disponibilité. On pense que les
salariés auraient peut-être, eux aussi, un peu leur mot à
dire au niveau de la disponibilité, leur part à faire.
Tant qu'on réfère à des employeurs des
salariés qui, en fin de compte, ne sont pas disponibles, pas
réellement disponibles, c'est là qu'on rend le système
inefficace. Si vous avez une liste de dix ou quinze noms à contacter et
s'il y en a là-dedans plus de la moitié qui ne sont pas
disponibles, vous êtes obligés de rappeler à l'office et de
reprendre une autre liste de salariés, tant que vous n'avez pas obtenu
le nombre de salariés dont vous aviez besoin.
Nous pensons qu'au niveau de la disponibilité, au niveau des
spécialités c'est-à-dire qu'un salarié qui
se dit spécialisé dans tel ou tel domaine quelquefois, on
se rend compte que ce n'est pas le cas. Cela devrait être corrigé,
pour que le salarié qui est vraiment spécialisé dans tel
domaine, le soit. Et s'il n'est pas disponible pour travailler, qu'il le dise,
parce qu'on ne veut pas toujours être au téléphone pour
contacter des salariés.
C'est d'autant plus vrai pour des entreprises qui n'ont pas les moyens
d'avoir des gars qui font cela à la journée longue. Pensez-y.
Quand on dit que 87% des entreprises emploient moins de dix gars, à ce
moment-là, tout ce qu'il y a dans cette compagnie, souvent c'est le
propriétaire qui, à l'occasion, travaille même à ses
chantiers. Ce n'est pas possible pour le gars de faire cela comme cela.
C'est pour cette raison qu'on veut qu'une amélioration soit faite
au niveau de la disponibilité. Par exemple, la suggestion que je faisais
tantôt au niveau des CMQ et des CMC, ces derniers en font du placement.
S'il veut passer par là, il passera. A ce moment-là, cela peut
être tout simplement une source d'approvisionnement
supplémentaire.
M. Pagé: Le problème, c'est la possibilité
pour l'OCQ de déterminer si tel travailleur qui est
référé comme étant le troisième sur la liste
des cinq référés, je comprends que l'OCQ peut avoir des
problèmes à savoir si le gars aime aller dans cette région
ou non, s'il est disponible ou s'il ne l'est pas, s'il arrive de la baie James
et qu'il ne veut pas y retourner.
Mais ne croyez-vous pas que face à cette situation, où
l'OCQ est obligée de fonctionner avec un système
mécanique, etc., vous seriez en mesure d'avoir un service qui est
beaucoup plus personnalisé et qui tient compte beaucoup plus
d'éléments comme ceux-là, à l'intérieur
d'une agence de placement syndical, où les responsables sauraient que
tel gars ne peut pas travailler à tel endroit, pour tel motif, qu'il ne
veut pas travailler à tel autre endroit pour tel autre motif, et qu'il
n'est pas disponible pendant telle période?
M. Dagenais: Oui. Comme je le disais tantôt, c'est une
question de choix. Il y a des employeurs qui ont décidé qu'ils ne
veulent pas faire affaires avec des agences de placement syndicales. Certaines
agences de placement et certains employeurs y trouvent un avantage, ils
trouvent qu'ils reçoivent un bon service.
Mais pour nous, c'est une question de principe, en fin de compte, c'est
une politique que les entrepreneurs ont donnée, c'est une ligne d'action
que l'AECQ suit, en ce sens qu'il y a eu tellement d'abus et il y a tellement
de dangers à consacrer l'utilisation exclusive des agences de placement
syndicales, que c'est impensable, pour nous. On fait des relations de travail.
Le placement vient s'imbriquer dans les relations de travail. Et on voudrait,
par l'entremise d'un règlement sur le placement, contracter quelque
chose qui, dans le fond, mène directement au déséquilibre
des forces sur les chantiers de construction. Non. C'est bien dommage, mais on
ne marchera pas là-dedans. S'il y a certains employeurs qui veulent s'en
servir, qu'ils s'en servent. Mais qu'on permette, par exemple, aux autres
employeurs qui ne veulent pas s'en servir d'obtenir un service efficace en
dehors des agences de placement syndicales. C'est ce qu'on demande.
M. Pagé: Vous n'êtes pas favorable à
l'article 12.12. Vous êtes favorable au maintien de l'article 12.12,
à savoir que l'entrepreneur peut amener avec lui ses employés qui
sont à son emploi depuis plus de six mois, si ma mémoire est
fidèle. Ne croyez-vous pas que c'est peut-être la plus belle
façon, abstraction faite des questions comme les artisans et tout
cela...
M. Dagenais: Pardon? (19 heures)
M. Pagé: Ne croyez-vous pas que c'est une bonne
façon de contourner purement et simplement les dispositions du
règlement de placement sur l'obligation de procéder à
l'embauche de A au niveau de la région, etc. C'est la plus belle porte
ouverte!
M. Dagenais: Oui, mais cela dépend dans quelle perspective
vous regardez le règlement sur le placement. Si on veut, avec le
règlement sur le placement, faire travailler les vrais travailleurs de
l'industrie de la construction, les gars qui sont à l'emploi de cet
employeur ne sont-ils pas de vrais travailleurs de l'industrie de la
construction? Je pense que ce sont peut-être ceux qui sont les plus
vrais. La preuve, c'est qu'ils sont régulièrement à
travailler pour les mêmes entreprises et ils vont travailler, en moyenne,
toujours au-delà de 1200 heures par année. A ce moment-là,
les vrais travailleurs de l'industrie travaillent. D'accord, je comprends que,
dans certaines régions, il puisse arriver qu'un entrepreneur
amène sa main-d'oeuvre régulière au détriment de la
main-d'oeuvre régionale, mais si vous faites un calcul rapide, vous
allez vous rendre compte qu'un employeur qui a le choix, à ce
moment-là, il va drôlement réfléchir. Quels sont les
avantages d'amener sa main-d'oeuvre régulière avec l'obligation
de payer des frais de déplacement par rapport à embaucher
régionalement? Pourquoi certains entrepreneurs amènent-ils leur
main-d'oeuvre régionale avec les coûts qu'impose le décret
au niveau des frais de déplacement? Oui, vous dites... Il y a
certainement un calcul économique qui est fait par l'entreprise.
M. Pagé: Oui, il y a un calcul, mais je vous dirai, M.
Dagenais, qu'on a vu des cas. Si vous voulez qu'on appelle les choses par leur
nom, comment expliquer, à ce moment-là, que des travailleurs nous
téléphonent à nos bureaux de comté et nous disent:
On vient de telle région, on est pris pour travailler à
Québec et on reçoit $145 de pension par semaine, mais on est
obligé d'endosser le chèque et de le retourner, parce qu'on va
perdre notre "job". On va mettre les cartes sur la table.
M. Dagenais: Oui, mais, M. le député, je pense
bien...
M. Pagé: Je ne dis pas que c'est comme cela dans tous les
cas, mais il y a des gens qui nous contactent pour cela.
M. Dagenais: Mais on parle du règlement sur le placement.
A cet égard, je pourrai vous dire on en discute avec la partie
syndicale qu'au niveau de l'application du décret, c'est vrai
qu'à un moment donné, on commence un peu à être en
retard et on ne vérifie peut-être pas assez. Nous autres, comme
employeurs, comme représentants des employeurs, on n'a pas
intérêt à ce que cela se fasse, parce qu'on veut que les
employeurs soient sur un pied d'égalité au niveau de la
concurrence. On n'est certainement pas pour encourager les gens qui passent
à côté du décret et qui économisent de
l'argent comme cela en faisant de la fraude. Les cas de fraude, on les condamne
autant que n'importe qui et on n'est pas pour cela, mais il ne faudrait pas
mêler les cas de mauvaise application du décret avec le
règlement sur le placement qui, dans le fond, vient régir la
liberté d'entreprise et la façon de fonctionner pour un
entrepreneur. C'est drôlement différent!
M. Pagé: De toute façon, pour ce qui est de la
question de l'application de l'article 12.12, je dois vous dire, entre autres,
qu'ici à Québec, dans le moment, il y a de véritables
travailleurs de la construction qui ne travaillent pas, qui sont en
chômage alors qu'il y a des compagnies qui font des travaux importants
ici, entre autres, dans le bassin Louise, et que leurs employés viennent
de Montréal au grand complet. En fait, c'est ce que vous
défendez. Ce sera à la commission de formuler les recommandations
qu'elle jugera opportunes. Le ministre verra s'il doit maintenir l'article
12.12, oui ou non. Merci.
M. Johnson: M. le Président, le député de
Portneuf me permettrait-il... sur l'article 12.12 à M. Dagenais?
M. Pagé: Oui.
M. Johnson: Je comprends que votre rôle à l'AECQ,
c'est un rôle de relations de travail. On est tout près de
l'amorce des négociations. Je ne veux pas vous demander de lâcher
tous vos oeufs dans le panier. Répondez-moi simplement que vous ne
désirez ne pas répondre à la question, pour les raisons de
négociation, si vous le désirez. D'après vous, serait-il
concevable qu'il y ait l'équivalent d'une espèce de ratio, au
niveau de l'embauche régionale, qui soit négocié au niveau
de la convention collective? Je poserais la même question, d'ailleurs,
aux représentants de la FTQ et de la CSN. Est-ce concevable... Encore
une fois, il ne s'agit pas de sortir des objets négociables, mais
serait-il concevable que la question d'embauche régionale s'analyse en
termes approximatifs de quotas, etc.?
M. Dion: Si M. le Président me permet, je vais prendre le
micro.
M. Johnson: M. Dion.
M. Dion: De penser de négocier un pourcentage d'embauche
régionale pour un employeur, je crois que si on se met dans l'optique
d'un règlement de placement qui est réellement un
règlement d'embauche, ce qui veut dire qu'un employeur qui a des gens
à son emploi, des salariés à son emploi, il continue, il
n'est pas obligé de les mettre à pied pour les remplacer par
d'autres, si on pense, à ce moment-là, à un employeur qui
vient, par exemple, de la région de
Chicoutimi et qui a un contrat à faire, disons ici, tout
près de Québec, normalement, il garderait ses salariés
qu'il pense rentables pour lui, ceux qui lui donnent un rendement, qui
compensent pour les frais de déplacement qu'ils peuvent lui occasionner
et, à ce moment-là, il a à embaucher de la main-d'oeuvre.
Je pense qu'on n'a pas à négocier un pourcentage d'embauche
régionale; automatiquement, l'employeur, parce qu'il est en concurrence
par soumissions lorsqu'il soumet son projet, va chercher à avoir le
meilleur coût de main-d'oeuvre possible.
C'est évident qu'à ce moment, à main-d'oeuvre
compétente pour faire les travaux je ne toucherai pas les
spécialistes dans les contrôles ou des choses comme cela
ils vont engager de la main-d'oeuvre régionale. Peut-être que si
j'arrivais et si je disais: 30% de main-d'oeuvre régionale, je serais
peut-être complètement dans l'absurde, parce que c'est 99% de la
main-d'oeuvre régionale que l'entrepreneur va engager, parce que c'est
son profit. Evidemment, l'entrepreneur est en affaires pour faire un profit. Au
moment où il veut faire un profit, il soumissionne son meilleur prix
pour obtenir le contrat, calcule sa possibilité de main-d'oeuvre
à ce moment, et il voit le manque de main-d'oeuvre qu'il va avoir. A ce
moment, il la calcule sûrement sur une base régionale. C'est
là que le règlement de placement devient difficile pour certains
employeurs. Au moment où il donne sa soumission, il prévoit sa
main-d'oeuvre partiellement régulière, et l'autre partie,
engagée régionalement. Quand il vient pour l'engager
régionalement, si cette main-d'oeuvre n'est pas disponible, à
cause de certaines contraintes d'absence ou de fond de bassin ou de choses
semblables, il est obligé d'aller en chercher en dehors. Il y a des
coûts occasionnés par le règlement de placement, parce
qu'il ne peut pas passer à des B de la région. Il est
obligé d'aller chercher un A de l'extérieur. Là, il
endosse des frais de transport, des frais de chambre et pension qu'il n'a
probablement pas prévus dans sa soumission. Je dis, comme
réponse: Est-ce qu'on envisagerait de négocier une clause?
Honnêtement, la première réponse que j'aurais dû vous
donner, c'est: Ce n'est pas à moi à décider. Ce sont les
employeurs qui le décideront. Je vous dis qu'honnêtement, de par
l'expérience que j'ai de 18 ans dans la construction, je suis certain
que l'employeur, de préférence, engage la main-d'oeuvre
régionale pour la main-d'oeuvre additionnelle dont il a besoin, de
préférence, après sa main-d'oeuvre
régulière.
Le jeu de tout cela, et ce qui fatigue certaines gens, c'est cette
espèce de jeu d'être obligé de mettre un de ses
employés... Je suis en train de faire de l'excavation, par exemple, dans
Sherbrooke. J'ai un bonhomme sur ma machine qui travaille très bien.
C'est une machine qui est dispendieuse. Parce que je prends un contrat à
Québec, cette même machinerie, je vais la mettre entre les mains
d'un autre individu qui, possiblement, est aussi bon, aussi compétent,
mais que je ne connais pas, et c'est une machinerie de peut-être $200
000. Par le fait du règlement, je suis obligé de mettre mon homme
de Sherbrooke dehors pour prendre un autre gars de la région et de
l'embarquer sur ma machine. Ce sont des choses comme cela que les employeurs ne
comprennent pas, que le règlement devienne un règlement de
"bumping". Cela s'accepte mal par l'employeur d'être obligé de
mettre un gars à pied, alors qu'on veut faire de la
sécurité d'emploi. Le règlement devrait se limiter
à dire: Quand tu as besoin de main-d'oeuvre, pas quand tu en mets
à pied pour en reprendre un autre, mais quand tu as besoin de
main-d'oeuvre, tu devrais procéder de telle et telle façon. Que
le règlement dise simplement cela, à ce moment, c'est nettement
plus viable pour un employeur dans la construction.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: J'ai une courte question. Vous dites qu'à
l'Association des entrepreneurs, 80% à 90% des entrepreneurs ont moins
de dix employés. Est-ce que vous avez des chiffres qui nous
démontrent le pourcentage de contrats dans la région où
l'entrepreneur demeure? Je ne sais pas si vous comprenez ma question. Est-ce
que ces petits entrepreneurs vont prendre régulièrement des
contrats dans d'autres régions ou si, habituellement, ils prennent des
contrats dans leur propre région?
M. Dagenais: Voici, ce serait malhonnête de notre part de
vous dire qu'on a des chiffres précis. Peut-être que l'office est
probablement plus en mesure que nous. Une chose qu'on peut vous dire, c'est que
le très petit entrepreneur, et je parle en général, parce
qu'il faut distinguer le sous-traitant du général, le
sous-traitant, ce n'est pas souvent un gars qui a une grosse main-d'oeuvre. Par
exemple, les briqueteurs, avec 150 hommes, c'est assez rare. Vous allez trouver
des entrepreneurs briqueteurs avec une quinzaine d'hommes, une dizaine
d'hommes, ou cinq ou six hommes. Ces entrepreneurs sont assez mobiles, mais pas
nécessairement mobiles complètement en dehors de Québec
à Montréal, ou de Montréal jusque dans le
Bas-Saint-Laurent. Ils peuvent tout simplement se retrouver.
Par exemple, si je prends une région comme Sherbrooke, le gars
peut s'en aller travailler dans la région qui est tout près de
chez lui. Il va aller travailler vers Drummondville. Il va peut-être
venir travailler vers Saint-Hyacinthe. Celui qui est dans la région de
Portneuf, peut, à ce moment, se déplacer vers une région
comme Trois-Rivières, ce qui n'est pas une très grande
mobilité, mais ce sont des déplacements peut-être naturels
pour des employeurs. On ne voit pas beaucoup d'entrepreneurs de la
Côte-Nord venir faire des travaux à Québec, mais on voit
des gars de Québec ou de Montréal faire des travaux sur la
Côte-Nord.
La mobilité est différente, par exemple, chez
l'entrepreneur général et chez le sous-traitant. Chez le
sous-traitant, ce peut être une entreprise à
peu de main-d'oeuvre. A ce moment, la mobilité de ses dix gars
peut exister, mais elle existe peut-être dans un rayon qui n'est
peut-être pas aussi répandu qu'on peut avoir l'air de le dire en
paroles, mais il y a une mobilité de régions contiguës,
adjacentes, à ce moment, qui peut se produire et qui fait que le gars
qui est aujourd'hui à Sherbrooke, avec trois hommes, le lendemain matin,
il faut qu'il les mette dehors, parce qu'il est rendu à Drummondville.
Ce n'est pas un grand et long déplacement; vous travaillez à
Trois-Rivières et vous tombez de l'autre côté à
Nicolet. Un peu plus loin, vous tombez dans une autre région. Ces choses
font qu'à un moment donné, il est obligé de les mettre
à la porte et d'en engager d'autres. C'est peut-être ce qui cause
l'embêtement, la mobilité dans les statistiques et on n'a pas en
main, actuellement, de statistiques.
M. Goulet: Une dernière question, M. le Président.
Votre argumentation selon laquelle, par exemple, pour de la machinerie qui vaut
de $100 000 à $200 000, on puisse faire suivre le conducteur avec la
machine, je l'accepte. Mais, dans nos régions, ce qu'on connaît
souvent, c'est qu'on voit des entrepreneurs pour des réseaux d'aqueduc
et d'égouts et la municipalité est obligée, dans le
contrat qu'elle signe avec l'entrepreneur, de spécifier qu'on doit
prendre des manoeuvres de la région, parce que, si la
municipalité ne fait pas cette spécification dans le contrat,
l'entrepreneur de l'extérieur arrive même avec le type qui
travaille au pic et à la pelle. Il y a de l'exagération de ce
côté; il y a une différence entre...
M. Dion: II est évident qu'entre un "grader", un
bulldozer, ou des choses de la sorte tous des bons mots
canadiens-français...
M. Goulet: Et une pelle avec un manche de bois...
M. Dion:... il y a une différence. Je pense qu'il ne faut
pas déprécier et prendre l'occupation de manoeuvre à la
légère. A un moment donné, il y a des choses à
manoeuvrer, à exécuter ou à faire qui peuvent avoir une
certaine importance. C'est drôle à dire, mais un manoeuvre, ce
n'est pas n'importe quoi sur un chantier de construction; je ne veux pas
prendre la défense des manoeuvres, mais, entre un bon manoeuvre et un
mauvais manoeuvre, il y a une maudite différence. Là, ce serait
peut-être utile d'avoir des entrepreneurs avec nous; je peux vous dire
que ce n'est pas un métier, mais c'est une occupation qui a une valeur
réelle. Un bon manoeuvre, ça existe et un moins bon manoeuvre,
ça existe; le gars qui est toujours mêlé dans ses piles de
bois et qui est toujours mêlé dans ses répartitions de
matériaux, qui n'est pas capable de travailler avec les outils qu'il
doit utiliser j'entends par outils les outils qu'il a le droit de
manoeuvrer c'est différent entre un bon et un mauvais, ça
peut être nettement différent. C'est évident qu'il y a une
maudite différence entre ça et une grue; là, je suis bien
d'accord avec vous.
C'est cet aspect de main-d'oeuvre avec laquelle l'employeur est
habitué et pas seulement l'employeur; souvent, la construction, c'est
une équipe entre un surintendant, un contremaître et ses hommes;
c'est souvent ça. A ce moment, on dit: D'accord, amenez le
contremaître, amenez le surintendant, mais vous n'avez pas le droit aux
hommes. Les hommes sont parfois habitués de travailler ensemble, ils
savent comment ils travaillent entre eux et ils sont habitués à
faire équipe; c'est productif pour l'employeur. Il est évident
qu'il y a une question de dollars et de cents à la fin de tout
ça; c'est une équipe de production. Or, briser l'équipe,
vous pouvez totalement briser la production et ça peut être
important. Le manoeuvre qui est habitué de travailler avec son
briqueteur et le manoeuvre qui est habitué de travailler avec son
menuisier, brisez cette équipe et ça peut probablement briser une
partie du travail et le rendre moins productif.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Beauce-Sud. Non, ça va?
M. Pagé: M. le Président, avant que le
député de Beauce-Sud intervienne...
M. Roy: Non, j'avais deux questions à poser et elles ont
été posées.
M. Pagé: Si vous me le permettez, M. le Président,
un très bref commentaire. Est-ce que vous êtes conscient, M. le
Président, que si, à ce moment-ci, nous avions à voter sur
le fond du règlement de placement, le gouvernement pourrait être
défait?
Le Président (M. Jolivet): Oui, cher ami!
M. Johnson: Oui, mais vous n'avez pas à voter.
M. Pagé: II serait défait sur toute mesure que vous
pourriez présenter; vous seriez défaits, messieurs, vous
êtes minoritaires.
M. Johnson: Ce qui est intéressant, c'est que nous n'avons
pas à voter. On écoute.
M. Pagé: Non seulement vous représentez 40% de la
population, mais vous êtes minoritaires.
Le Président (M. Jolivet): M. le
député...
M. Roy: Au lieu d'avoir une prorogation de la session, nous
aurions une dissolution de la Chambre.
M. Pagé: Oui, le Parti libéral du Québec
serait élu.
Le Président (M. Jolivet): II y a une chose certaine,
c'est qu'en commission, ça n'entraîne pas ces cataclysmes. M. le
député de Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Je voudrais faire quelques commentaires et je vous
demanderai vos observations, à la suite des commentaires. Pour faire un
peu changement, je ne vous poserai pas de question, je vais affirmer des
choses, quitte à me tromper. Chacun son style, M. le
député de Portneuf; j'allais dire le député de
Newport.
J'ai l'impression, messieurs, que le fait que l'employeur puisse amener
avec lui régulièrement, sa main-d'oeuvre... On sait très
bien qu'il y a une facilité de remboursement comme le disait le
député de Portneuf ils sont fréquents les appels qu'on a
là-dessus cela ne crée plus aucune barrière si le
gars se fait rembourser et, quand vous parlez de frais, quand vous affirmez
qu'il y a des frais dans le taux de soumission, le gars est assuré que
sa main-d'oeuvre lui rembourse les frais, parce qu'il y a une conjoncture
difficile sur le plan de la construction; donc, les gars, plutôt que de
ne pas travailler, préfèrent être capables de payer
eux-mêmes leur pension, parce qu'il y avait peut-être la crainte.
Je ne comprenais plus rien tantôt, parce que vous affirmiez que ce
n'était pas un problème, les gars ne pouvaient pas prendre
l'emploi. (19 h 15)
Par contre, le syndicat dit que les gens sont dans
l'insécurité et ils courent après les heures pour pouvoir
garder leur A ou leur B. Et vous disiez que l'OCQ disait qu'on leur envoyait
des gens non disponibles. J'ai l'impression que les gars courent même
après les cinq jours de travail, même si cela leur crée des
problèmes de chômage, contrairement à ce que c'était
avant pour le règlement de placement. Avant, pour une petite job de
cinq, six ou sept jours, ils ne se déplaçaient pas parce qu'ils
avaient assez de problème avec le chômage après et que les
paies ne rentraient pas régulièrement, ils ne sautaient pas sur
ce genre de "jobbines", mais, aujourd'hui, pour accumuler le plus d'heures
possible, je pensais qu'ils couraient après tous les emplois
disponibles, ne serait-ce que trois jours ici, quatre jours là. Je
pensais que l'inverse se produisait. Je trouvais que les propos étaient
vraiment discordants.
Il y a une autre chose. Quand le député de Bellechasse dit
avoir vu des manoeuvres dans les réseaux d'aqueduc, j'en ai vu des gars
qui transportaient purement et simplement la brique, venir de
l'extérieur. Pas de Montréal, mais de Drummondville ou bien de
Québec, à Joliette. Quand on en est rendu à amener les
journaliers, qui sont une main-d'oeuvre non spécialisée je
n'ai rien contre les journaliers de Québec, vous ne me ferez
toujours pas croire qu'il ne se passe pas quelque chose. Je l'ai vécu
à la Domtar, on l'a vécu à l'école anglaise de
Joliette et j'espère qu'on ne le vivra pas, parce que le
règlement de placement va sûrement faire quelque chose à ce
sujet, je le souhaite de tout coeur, M. le ministre, mais il y a un contrat de
quelque $7 800 000 pour un hôpital. Je ne sais pas quel entrepreneur sera
choisi, mais je ne voudrais surtout pas, pour un tel contrat, me ramasser avec
à peu près pas de monde de Joliette pour travailler
là.
Je ne sais pas pourquoi vous tenez tant... Je comprendrais votre
raisonnement, si vous parliez de la machinerie spécialisée,
quelquefois à cause de contexte particulier, cela pourrait s'expliquer,
mais au niveau des métiers généraux et même qui ne
nécessitent pas de l'outillage spécialisé, je ne vois pas
pourquoi on ne favoriserait pas l'embauche régionale. Je ne comprends
pas votre argumentation là-dessus, même si vous élaborez le
type d'équipe, etc. Le gars est assez heureux de travailler dans son
milieu, mon cher monsieur, que bien souvent il est motivé, alors que
celui qui s'ennuie bien souvent, le soir, vous savez ce qu'il fait. Le
lendemain matin, il a les cornes longues. On pourrait se parler des chantiers
où vous amenez votre main-d'oeuvre. J'ai eu la chance de vivre cela un
peu.
Il y a un dernier point sur lequel je voudrais entendre vos
commentaires. Ce serait sur le fait que lorsque vous dites que l'OCQ ne vous
donne pas de gars disponibles... A vous écouter parler, j'ai comme
l'impression que vous êtes à l'encontre
diamétralement opposés de la FTQ. La FTQ dit vouloir
l'exclusivité de placement et vous voudriez avoir l'exclusivité
de l'embauche. Engager n'importe qui, n'importe quand et n'importe comment,
même si vous vous rabattez pour dire que l'OCQ pourrait... J'ai
l'impression à écouter vos propos peut-être que
j'interprète mal, vous allez avoir l'occasion de donner un
élément de réponse que vous aimeriez avoir un
contrôle absolu.
Vous parlez d'un contingentement en disant que vous êtes d'accord,
mais vous affirmez à peu près dans tous vos communiqués
qu'il ne faut pas réduire les bassins de main-d'oeuvre. J'aimerais que
vous me conciliez tout cela pour que je puisse vraiment comprendre quelque
chose.
M. Dagenais: Je vais prendre la dernière affirmation que
vous avez faite. On a dit tantôt qu'on voulait que les critères de
classification soient adaptés au niveau ou à la conjoncture
économique régionale. Au départ, je pense que cela
répond à votre question à savoir si on veut des
critères de classification ou si on n'en veut pas. On dit qu'ils doivent
être adaptés au niveau de l'activité régionale. Dans
les régions où il y a plus d'heures, qu'ils montent, dans les
régions où il y a moins de travaux effectués, qu'ils
baissent, mais qu'ils soient au moins adaptés.
A ce moment-là, on est certain de fonctionner avec un
règlement qui a des critères d'embauche. Deuxièmement,
vous partez avec la prémisse qu'un entrepreneur qui amène de la
main-d'oeuvre à l'extérieur de sa région lui paie
officiellement des frais de déplacement, mais qu'en
réalité, le salarié remet tout cela dans ses poches
à lui.
Franchement, partir avec l'affirmation ou la prémisse que la
majorité des employeurs en construction qui sortent de leur
région avec leurs salariés, fonctionne de façon
malhonnête, je trouve...
M. Chevrette: Je vous arrête juste pour 30 secondes.
Comment conciliez-vous, à ce moment-là, l'argumentation de M.
Dion qui dit qu'un employeur n'a pas intérêt à amener la
main-d'oeuvre de l'extérieur parce qu'il doit soumissionner au
coût le plus bas pour obtenir le contrat? Essayez donc de concilier cela
pour moi?
M. Dagenais: Michel va répondre à cela.
M. Dion: Je pense, M. Chevrette, que vous avez assez
d'expérience avec les gens de la construction, entre autres à la
commission Cliche, pour savoir comment cela se passe. C'est vrai qu'il y en a
qui ont peut-être des procédures, qui ont eu des procédures
plus ou moins correctes, mais je dois présumer, à l'heure
actuelle, que les gens sont maintenant avertis et font les procédures
normalement et suivent le décret.
Ceci étant dit, ce que j'ai voulu dire, je pense que si on
comprend bien, c'est ceci. Une main-d'oeuvre qui est habituée à
travailler ensemble, avec un employeur, un contremaître, son
surintendant, est une main-d'oeuvre qui, même si, au point de vue
monétaire, cela peut représenter certains coûts
additionnels, à cause de son habitude de travailler ensemble, à
cause des connaissances inter-travailleurs, à ce moment-là, cela
fait que la main-d'oeuvre devient aussi productive, au point de vue coût,
qu'une main-d'oeuvre qui coûterait moins cher parce qu'elle n'aurait pas
de frais de pension ou autres. Je vais vous donner un exemple. Vous avez eu
l'air, tantôt ce n'est pas à moi à vous prêter
une intention, je ne veux pas vous en prêter une mais vous n'avez
pas eu l'air de vouloir accepter l'argument que j'ai donné tantôt
concernant le manoeuvre.
Un manoeuvre qui travaille avec un briqueteur sait comment le briqueteur
travaille et sait comment le gars aime avoir son ciment. Il va finir par
s'habituer à son ouvrier compétent, au briqueteur lui-même,
à savoir avec quel genre de ciment il travaille. Cela peut avoir l'air
bien niaiseux un argument semblable, mais cela peut vouloir dire que le gars
prépare un ciment trop épais et que le briqueteur a de la
misère à travailler sa brique avec cela et, à ce
moment-là, il est obligé de le faire retourner brasser de nouveau
le ciment ou des choses semblables. Cela a l'air peut-être insignifiant
ce que je vous dis là, mais cela peut devenir, à un moment
donné, une productivité qui fait gagner presque une heure par
jour, presque une demi-heure par jour. La demi-heure ou l'heure qui coûte
$10 de l'heure, à côté d'un $3.50 de frais de
déplacement pour un bonhomme, je vous dis que ce n'est pas
énorme. A ce moment-là c'est vite gagné.
Malheureusement, je ne suis pas entrepreneur, et ce serait
peut-être intéressant d'avoir un entrepreneur qui vous donnerait
des cas, mais on pourrait prendre d'autres gens, d'autres sortes de
métier, par exemple, qui sont habitués de travailler ensemble,
qui ont une méthode de travailler ensemble. Les gens qui posent des
plafonds suspendus sont habitués à travailler de telle
façon ensemble. Mettre un autre bonhomme dans l'équipe, cela ne
fait pas que les gens deviennent incompétents, mais cela fait
peut-être que les gens travaillent un petit peu moins vite ou un petit
peu moins ensemble. Celui qui est en train de poser du tire-joint sur les murs
ou de poser du gyproc, la façon que l'autre place ses matériaux
ou lui apporte ses matériaux, la façon qu'ils travaillent entre
eux fait qu'à un moment donné, je peux facilement gagner les
$3.50 ou les $4 par jour de frais de déplacement par une
rentabilité, une productivité accrue. Cela a l'air de
détails, mais sur une échelle d'entrepreneur, cela peut avoir
l'air tout simplement rentable d'employer un gars qui coûte $3 de plus
par jour qu'un autre gars qui ne les coûte pas.
Ce qu'on cherche, quand on parle du règlement de placement
vous dites: On a peut-être tendance à dire qu'on ne veut pas de
placement c'est évident que l'employeur au départ, sa
première pensée, c'est: Laissez-moi donc mon droit de trouver ma
main-d'oeuvre comme je le veux, je vais me trouver mes bonshommes et je vais
savoir où aller les chercher. Si cela consiste à appeler au local
de M. X pour lui demander: Envoie-moi tes bons. En autant que tout soit fait
correctement et que cela n'amène pas des petites enquêtes comme on
en a déjà eu, que le gars lui en réfère
réellement des bons et qu'ils sont compétents là-dedans,
ils les connaissent, cela va bien à ce moment-là. C'est vrai que
l'employeur voudrait avoir cette liberté.
Vous décidez, le gouvernement décide, à un moment
donné, qu'il y a un règlement de placement. Dans le cadre d'un
règlement de placement, il y a des choses qu'on va accepter plus et
d'autres qu'on va accepter moins. Mais on dit: II y a un règlement de
placement. On va vivre avec. Il y a des choses qui nous arrivent des fois et il
faut apprendre à vivre avec. On va vivre avec le règlement de
placement. A partir de là, pour que le règlement de placement
soit viable, il faut faire en sorte que l'employeur ait au moins encore une
liberté d'aller chercher ses hommes. S'il veut aller au bureau syndical,
il ira. S'il pense que c'est là qu'il va avoir sa main-d'oeuvre, il va
aller la chercher là. Mais s'il pense que ce n'est pas là qu'il
va avoir sa meilleure main-d'oeuvre, il faut lui laisser le choix, mais laisser
un réel choix. Si on lui laisse un choix qui, administrativement, n'est
pas rentable, n'est pas faisable, pas parce que l'office est mauvais, mais
parce que l'ordinateur est arrêté après-midi et ils ne sont
plus capables de me sortir de noms, parce que les dix noms qu'ils m'ont
donnés sur la liste, ils ne savent pas si c'est un gars qui fait des
portes, qui est capable de pendre des portes ou si c'est seulement un gars qui
est capable de faire des formes de béton. Ils ne savent pas, ils n'ont
pas cela dans leur information. Vous allez me rétorquer: Va au bureau de
placement syndical. Non, au départ, on pose le principe de la
liberté du gars d'aller chercher sa main-d'oeuvre. On veut
réellement lui donner cela. Le but qui est cherché par le
règlement de placement, c'est la sécurité du travailleur.
Faire
faire au vrai travailleur de la construction, le plus grand nombre
d'heures possible.
Avec le règlement, à un moment donné, je suis
obligé de mettre des gars dehors. Je peux aussi bien mettre un gars
dehors et lui faire perdre son certificat A, parce que je suis obligé de
prendre l'autre gars à côté. Cela peut arriver, des
affaires comme ça. C'est évident que, comme employeurs
moi, je ne le suis pas, mais ces choses nous sont dites le
règlement doit nous faciliter l'embauche et doit faciliter la
sécurité aux travailleurs de la construction.
Jusqu'à quel point? Dans le fond, c'est un peu le
règlement qui décide jusqu'à quel point. Si ça
consiste à donner la sécurité à Albert et la faire
perdre à Arthur, qu'est-ce que vous voulez, c'est ce que le
règlement peut faire à un moment donné.
M. Chevrette: Une dernière question. Vous avez
affirmé tout à l'heure, M. Dagenais, que 85% des employeurs
embauchaient moins que 10 employés, mais que c'est inversement
proportionnel en ce qui regarde la construction comme telle,
c'est-à-dire que 15% des employeurs réalisent à peu
près 80% ou 85% de la construction. N'est-il pas exact que le
déplacement et que les employeurs qui traînent le plus leur monde,
ce sont les gros et qu'à ce moment-là, la mobilité, au
plan régional, prend d'autant plus d'importance?
M. Dagenais: On sera en mesure de constater, M. le
député, que souvent les gros entrepreneurs qui fonctionnent sur
les plus gros chantiers ont une très forte tendance à embaucher
régionalement. Vous remarquerez ce qui se passe sur les gros chantiers.
Pendant qu'il y a de gros chantiers, allez à Chicoutimi et essayez de
trouver de la main-d'oeuvre régionale. Vous allez vous rendre compte
qu'il n'y en a pas beaucoup. La raison qui m'a fait amener cet argument, c'est
que, tout à l'heure, on parlait de difficultés administratives du
règlement. C'est vrai ce que vous dites, il y a énormément
de salariés qui travaillent pour pas beaucoup d'entrepreneurs. Mais il y
a quand même un paquet d'entrepreneurs qui, ayant peu de salariés,
sont aux prises avec le règlement et qui doivent le respecter.
Si, administrativement, pour eux, ce n'est pas possible, à ce
moment-là, le règlement n'est pas applicable. Par exemple, si ces
entrepreneurs ne rapportent pas les embauches et les mises à pied, les
salariés disponibles, vous ne les avez pas, vous n'avez pas vraiment la
liste des salariés disponibles. Alors, un gros entrepreneur qui veut
passer par l'office, qui veut avoir des salariés disponibles, il ne les
aura pas. A ce moment-là, est-ce qu'on peut l'accuser de passer à
côté du règlement?
Il peut peut-être passer à côté du
règlement, parce qu'un autre entrepreneur n'a pas rapporté la
mise à pied et l'embauche. C'est pour ça qu'il faut que le
règlement soit applicable, autant pour les petits que pour les gros et
c'est pour ça que j'ai amené cet argument.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Charlevoix.
M. Mailloux: M. le Président, j'aurais une seule question.
Je ne voudrais pas d'abord nier le fait que les entrepreneurs en question,
quels qu'ils soient, ont comme but d'avoir un profit d'un contrat donné
et qu'ils doivent mettre toutes les chances de leur côté,
étant donné qu'ils sont à la soumission, avec une
concurrence parfois assez féroce. Par contre, tantôt, en vous
écoutant, je pense plutôt que c'était M. Dion, vous avez
mentionné un souhait que faisait l'ensemble des entreprises, qu'elles
devraient avoir la possibilité de choisir leur main-d'oeuvre en entier,
que ce serait souhaitable pour chacune de celles-là. Vous vous
êtes rendu, forcément, jusqu'aux manoeuvres, là où
il y avait des bénéfices certains.
Je pense que c'est une question que j'avais posée cet
après-midi, relativement à l'article 12.12 à M. Bourdon,
en ce qui concerne les "key-men". Le ministre a fait un peu la même
réflexion tantôt. Dans l'esprit du législateur, un
"key-man", c'est quand même quelqu'un qui est assez
spécialisé dans une matière donnée. Je voudrais, en
passant, faire référence à une expérience que j'ai
vécue pendant quelques années, comme titulaire des Transports,
étant en contact avec l'ensemble des entrepreneurs, petits, moyens ou
gros. C'est indiscutable que je verrais mal les syndicats ou l'OCQ ne pas faire
le nécessaire pour permettre à un employeur, prenons le cas d'une
nivelleuse en particulier, Dieu sait comment il est difficile de trouver un
opérateur de niveleuse très compétent, qui va donner
à la route un "grade" ou un nivelage assez valable. Si c'est un
débutant, il va reprendre le même travail à quatre ou cinq
reprises avec des machines forcément assez dispendieuses.
Je ne suis pas capable de saisir jusqu'où vous voudriez vous
rendre, parce que les hommes, les spécialistes dans une matière
donnée, c'est un peu logique, une personne qui les a eus à son
emploi pendant des années, qui a connu la valeur de ces gens, le
rendement qu'ils ont donné, il serait souhaitable qu'elle puisse les
amener pour les différents travaux pour lesquels elle soumissionne. (19
h 30)
Mais quand vous vous rendez jusqu'à nous dire que même la
main-d'oeuvre journalière, que je ne voudrais pas mésestimer,
c'est quand même marginal... D'après l'expérience qu'on a
connue sur l'ensemble des chantiers routiers dans la province, par $400
millions, $500 millions par année, pour un entrepreneur petit ou gros,
à moins que je n'aie eu une mauvaise perception à ce
moment-là, je n'ai jamais vu des difficultés fondamentales et
formidables de la part des entrepreneurs à ce qu'ils favorisent la
main-d'oeuvre régionale et parfois même chez les opérateurs
de certaines machineries moins dispendieuses les unes que les autres, des
"payloader" et ces choses-là.
Je ne pense pas que le "key-man", ce soit l'ensemble du personnel
donné d'une entreprise. Cela doit se limiter. M. Bourdon n'en a pas fait
une affirmation, mais j'ai cru comprendre que les "key-men", c'étaient
quand même des gens qui avaient une spécialité
donnée, qui pouvaient difficilement être remplacés, sans
que la personne connaisse les qualificatifs que pourrait posséder un
remplaçant. C'est cela qui est dans mon esprit. Aller plus loin que
cela, je pense que ce serait quand même assez charrier et peu
protéger la main-d'oeuvre régionale dans le partage des
tâches.
C'est une opinion que j'émets.
M. Dagenais: Ce qu'il faudrait réaliser, c'est que le fait
d'embaucher régionalement, nous ne sommes pas contre cela. Au contraire,
cela se fait comme cela. Cela se fait comme cela dans la majorité des
cas, selon nous. Selon les cas qu'on a vécus, on parle avec des
entrepreneurs à tous les jours et c'est comme cela que cela se passe,
sauf qu'il y a d'autres éléments qui entrent en ligne de
compte.
La raison qui motivait notre explication, c'est que, au départ,
c'est une question de perspective. Nous autres, le règlement, on le voit
comme protégeant les vrais travailleurs de l'industrie de la
construction. L'embauche régionale, que ce soit un vrai travailleur
d'une région plutôt qu'une autre, pour nous autres, c'est un peu
plus secondaire. Je ne dis pas que c'est complètement à
dédaigner comme fait, mais cela devient un peu accessoire si on prend
l'autre argument ou l'autre explication qui est celle de la confiance de
l'employeur dans ses salariés. Cela arrive qu'il y a des gars en qui il
a confiance, qu'il ne veut pas briser des équipes de travail et il veut
les amener.
Evidemment, quand vous prenez un contrat et que vous soumissionnez, si
cela vous amène à changer de région et que vous êtes
obligé de payer des frais de déplacement... L'autre entrepreneur,
qui a soumissionné dans sa région, avec ses gars, comment cela se
fait-il qu'il n'ait pas eu le contrat? On peut peut-être se poser des
questions. Et nous autres, nous ne sommes pas d'accord sur le point de vue
selon lequel les entrepreneurs reçoivent, par en arrière,
l'argent qu'ils ont donné d'une main. Cela peut se faire, mais ce n'est
pas la règle.
A ce moment-là, il faut l'expliquer, cela découle de la
logique. Dans certains cas, c'est plus rentable pour une entreprise de le
faire, mais, dans d'autres cas, c'est plus payant d'embaucher
régionalement. Et dans la pratique, on constate que c'est plus souvent
payant d'embaucher régionalement, du moins pour de la main-d'oeuvre qui
est non qualifiée. Pour la main-d'oeuvre qualifiée, on devrait
donner une autre explication à ce niveau. Cela arrive beaucoup plus
souvent, comme vous le disiez, pour un opérateur de "grader";
l'entrepreneur, indépendamment des frais de déplacement que cela
lui coûte, amène le gars, parce que c'est tellement une question
de compétence et d'efficacité que cela va de soi.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: M. le Président, j'aurais une courte question,
à la suite de ce qui a été dit...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Beauce-Sud, un instant. Il y a peut-être un complément de
réponse.
M. Dagenais: J'aimerais ajouter une chose. Je pense que le
conflit pour se comprendre dans ce que j'ai dit tantôt c'est
peut-être moi qui me suis très mai expliqué... Quand je
parle de transport de main-d'oeuvre, de garder de la main-d'oeuvre de
l'extérieur d'une région, je ne dis pas, lorsque le gars veut
embaucher, qu'il s'en va embaucher en dehors de la région. C'est
évident que l'employeur qui a à embaucher de la main-d'oeuvre,
pour un contrat qui est fait à Québec, va embaucher de la
main-d'oeuvre de Québec.
Le problème ne se pose pas au moment où j'embauche.
L'employeur embauche, normalement, régionalement. On peut presque dire,
dans tous les cas, qu'on embauche régionalement. Le problème est
né du fait que le règlement nous fait mettre des gars à
pied et là, je suis obligé d'embaucher plus. Mais, si je pouvais
garder ceux que j'ai à mon emploi et de combler là, l'embauche
que j'ai à faire serait faite régionalement et cela ne poserait
aucune difficulté.
Il faut bien se comprendre. Quand je parle d'embauchage pour les
employeurs, l'embauchage se fait, normalement, régionalement. Du moins,
il y a très peu de justification d'aller le faire à
l'extérieur de la région, de faire de l'embauchage réel,
d'engager un nouveau gars. Mais si c'est un gars que j'ai déjà
à mon emploi et que je l'amène avec moi, du moment que je ne suis
pas obligé de le mettre à pied pour le remplacer, à ce
moment-là, je vais transporter la main-d'oeuvre que j'ai et l'embauchage
nouveau que je devrais avoir à faire pour le contrat va être fait
régionalement. Je pense que, normalement, c'est ce qui se fait chez les
employeurs.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Merci. J'aurais une question à poser. Je parlerais
d'un exemple bien simple, pour que tout le monde comprenne, moi le premier
disons. Quand on parle à un moment donné d'embauche
régionale, les modifications que le ministre parle d'apporter au
règlement de placement veulent protéger la main-d'oeuvre
régionale. Prenons le cas de la construction d'une école
polyvalente. Je pourrais prendre l'exemple de la construction d'un
hôpital, d'un centre d'accueil, d'un centre d'hébergement ou d'un
HLM, mais prenons le cas de la construction d'une école polyvalente.
Selon vous, compte tenu de votre expérience et de ce que vous venez
d'exprimer aujourd'hui, quel est le pourcentage de la main-d'oeuvre qui
pourrait être
locale, pour la construction d'une école polyvalente?
M. Dagenais: Je dirais que la majorité, la majeure partie
de la main-d'oeuvre sur ce chantier sera locale, dans la majorité des
cas.
M. Roy: Est-ce cela qui se fait jusqu'à maintenant?
M. Chevrette: Allez voir l'école anglaise de Joliette.
M. Dagenais: Oui, mais M. le député, vous m'amenez
des cas précis comme cela.
M. Chevrette: Mais, le contrat de la Domtar de $12 millions, ce
n'est pas un petit contrat. Il n'y a pas un gars de Joliette.
M. Dagenais: Oui, mais on a d'autres cas où c'est 100% de
la main-d'oeuvre régionale et d'autres cas où c'est 100% de
l'extérieur, mais je dis, généralement parlant que, la
majeure partie de la main-d'oeuvre est embauchée
régionalement.
M. Chevrette: Savez-vous, M. Dagenais, que ce ne sont même
pas les leaders syndicaux qui font des pressions, ce sont les
députés ruraux, ce sont les gars du milieu qui arrivent dans nos
bureaux et disent: Ecoutez donc, Domtar vient de construire pour $12 millions,
on n'a rien eu. Le Ciment indépendant vient de construire pour $6
millions, on n'en a presque pas, un ou deux. Ils disent: Là, la
construction de l'hôpital s'en vient pour $8 millions, va-t-on avoir
quelque chose?
M. Pagé: Est-ce à dire que vous voudriez avoir le
contrôle du placement?
M. Chevrette: Non, c'est une vieille tradition, on veut que les
gars se donnent des instruments.
M. Mailloux: Votre directive.
M. Pagé: On est en train de s'engager.
M. Chevrette: II ne faudrait pas oublier, M. le
député de Portneuf, que la tradition du placement étudiant
qui avait été le propre d'un député libéral,
c'est disparu.
M. Pagé: Oui, dans ce temps-là, mais dites-vous
bien que...
Le Président (M. Jolivet): Une minute! Une minute!
D'accord. Cela fait plus d'une heure...
M. Pagé: C'est là qu'il y a des gars d'une autre
région qui vont travailler à Joliette.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Mailloux: ... plus sophistiqué.
Le Président (M. Jolivet): Compte tenu de tout cela, je
vous...
M. Pagé: M. le Président, laissez-nous donc aller,
cela commence.
Le Président (M. Jolivet): Cela finissait. Je vous
remercie de votre participation.
M. Johnson: M. le Président, en terminant, pour remercier
les gens de la FTQ et de la CSN et de l'AECQ, je voudrais simplement dire que
ce que je retiens sur ces questions, entre autres, sur l'embauche
régionale, c'est qu'on a besoin d'expertise. Je comprends, je sais que
c'est le cas du député de Joliette-Montcalm, du
député de Beauharnois et de quelques autres qui ont
assisté, dans certains coins, à des choses qu'ils
considèrent comme inadmissibles dans leur milieu, mais je pense qu'il
faut l'évaluer de façon globale avant de prendre des
décisions finales dans ce cadre-là.
C'est pour cette raison que, M. le Président, je vous inviterai
donc à faire ajourner nos travaux, pour que nous entendions, demain
matin, à 10 heures, le commissaire au placement ainsi que l'Office de la
construction du Québec et que nous terminions, en principe, si je
comprends bien, nos travaux, demain midi...
M. Pagé: 12 h 30. M. Johnson: ... à 13
heures. Une Voix: 12 h 30, 13 heures. M. Johnson: Oui.
Le Président (M. Jolivet): Je vous remercie...
M. Pagé: M. le Président, je voudrais moi aussi,
évidemment...
M. Johnson: Ils déposent leur mémoire. M. Roy:
D'accord, 13 heures, cela va.
M. Pagé: ... m'adresser au ministre pour remercier les
intervenants d'aujourd'hui. Merci beaucoup.
Le Président (M. Jolivet): Merci. La commission ajourne
ses travaux à demain 10 heures.
Fin de la séance à 19 h 39