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Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration

Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le vendredi 20 mai 1977 - Vol. 19 N° 84

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère de l'Immigration


Journal des débats

 

Etude des crédits du ministère de l'immigration

(Onze heures trente-deux minutes)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, messieurs! Séance de la commission parlementaire du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration, chargée d'étudier les crédits du ministère de l'Immigration. Les membres de la commission pour la séance d'aujourd'hui .seront: MM. Bellemare (Johnson), Bisaillon (Sainte-Marie), Brochu (Richmond; Blank (Saint-Louis) en remplacement de M. Ciaccia (Mont-Royal); Chevrette (Joliette), Couture (Saint-Henri); Laberge (Jeanne-Mance) en remplacement de M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes); Forget (Saint-Laurent); Johnson (Anjou) en remplacement de M. Godin (Mercier); Gosselin (Sherbrooke), Jolivet (Laviolette), Lacoste (Sainte-Anne); Marcoux (Rimouski) en remplacement de M. Laplante (Bourassa); Bertrand (Vanier) en remplacement de M. Lavigne (Beauharnois); Lefebvre (Viau), Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce), Pagé (Portneuf) et Roy (Beauce-Sud).

M. le député de Richmond.

Direction et gestion interne (suite)

M. Brochu: Merci, M. le Président. Lorsque nous avons suspendu les travaux de la commission, l'autre jour, je posais une question qui m'était venue à l'esprit à la suite d'un point soulevé à l'étude des engagements financiers d'août 1976 concernant le ministère de l'Immigration. Pour la bonne marche de nos travaux, je reformulerai ma question ce matin. Plus précisément au no 100 des engagements financiers du ministère de l'Immigration, on parlait d'un contrat avec le centre de sondage de l'université de Montréal pour une étude sur les motivations des immigrants au Québec et ce projet s'appelait "Projet d'accord démographique". J'avais, au moment de nos travaux de la commission, rappelé au ministre une partie du texte d'une lettre qui avait été envoyée à M. Pierre Veilleux, directeur général de l'administration, par M. Yves Bussières, justement relativement à cette question et qui dit ceci: "Cette étude porte en outre sur les immigrants potentiels à partir d'une enquête par questionnaire qui sera réalisée auprès des candidats à l'immigration à l'étranger. Cette partie de l'étude devrait nous permettre de mieux connaître les attentes des immigrants au moment de leur sélection et de nous éclairer sur l'élargissement éventuel de certains bassins d'immigration."

J'avais demandé au ministre et je répète ma question ici: Le ministre serait-il en mesure de faire le point sur l'état de la question et nous indiquer où en est rendue cette étude et de quelle façon il a l'intention de s'en servir?

M. Couture: C'est un projet qui a été entrepris l'été dernier, à contrat, par le centre de sondage pour notre ministère. Le rapport final est censé entrer à la fin du mois. Nous avons quand même certains résultats préliminaires pour rechercher les motivations d'immigrants venant au Québec.

En toute hypothèse, on peut suggérer que ce sont des raisons économiques, culturelles, familiales ou autres. Les résultats préliminaires sont à l'effet qu'il y a prédominance des facteurs économiques; s'ajoutent à cela les motivations, par ordre, familiales, culturelles et politiques. Cela compte, en général, pour plus de 50% de la décision d'émigrer, ce qui pourrait infirmer les thèses voulant que la motivation économique soit la seule importante dans les déplacements des personnes. Je pense que cela corrige un peu la perception qu'on en avait.

M. Brochu: Est-ce qu'il y a un élément d'information, en même temps, qui est donné aux immigrants dans ce sens, à partir de ces études? Avant que les immigrants viennent ici, est-ce qu'on analyse en profondeur les raisons pour lesquelles ils veulent venir ici pour voir si ces raisons correspondent aux réalités québécoises? Est-ce dans ce sens que l'étude est faite pour les situer exactement dans une ligne d'arrivée précise?

M. Couture: Je pense que l'intérêt de cette étude, dont j'ai vraiment très hâte de connaître les résultats globaux, sera de nous aider éventuellement à préconiser de meilleures méthodes incitatives pour influencer les mouvements migratoires, sachant globalement quelles sont leurs motivations. Cela pourra éventuellement affiner notre politique d'immigration, s'il y en a une. Est-ce cela que vous vouliez savoir?

M. Brochu: Oui. D'accord!

M. Couture: Dans nos bureaux à l'étranger, il faut dire que nos agents d'immigration rencontrent tous les candidats qui viennent au Québec, dans la grande majorité des cas. Ils discutent avec eux et les candidats à l'immigration donnent les raisons pour lesquelles ils viennent ici. Je pense qu'il y a un effort assez intéressant de nos agents d'immigration d'essayer de faire le lien entre leurs motivations et ce qui les attend au Québec. C'est dans ce sens, aussi, que cela prépare davantage leur entrée au Québec.

M. Brochu: Pour qu'il y ait une correspondance entre leur perception et la réalité.

M. Couture: Dans la mesure du possible, ils doivent les informer si leurs intentions peuvent, oui ou non, être réalisées au Québec.

M. Brochu: Le ministre pourrait-il nous dire si le service de la recherche comme tel, qui a nouvellement été reformé, a fait jusqu'à maintenant certaines études démographiques comme telles?

M. Couture: Au ministère, dans les années passées, il y a eu des études démographiques qui ont été faites. Ce qu'on a, assez récemment...

D'ailleurs, il y a quelque chose qui va devenir extrêmement utile, comme outil, on fait un inventaire bibliographique sur l'état des recherches sur l'immigration au Québec. On sait que dans les universités, comme M. Henripin, ils ont fait des études démographiques. Richard Arès en a fait. Il y a un tas d'études qui existent comme cela, un peu partout, et cette année, il y a une commande au Service de recherches de regrouper toutes ces études et, éventuellement, de nous en donner des composantes. On a une étude qui est en marche sur les structures possibles de la répartition linguistique de Montréal. Il y a un côté quand même fort important pour nous. Ce n'est pas purement démographique, mais c'est lié à la démographie, le fait que la natalité baisse, il y aura moins de "parlant français" au Québec dans les années à venir. Nécessairement, cela doit nous orienter comme politique d'immigration, nous avons une étude là-dessus. Donc, le travail est amorcé par le service.

M. Brochu: Oui.

M. Couture: II faut surtout regrouper ce qui a été fait comme études, et il y en a pas mal, à mon avis.

M. Brochu: D'accord, en ce qui me concerne, M. le ministre, ces réponses me satisfont.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que l'élément 3 du programme 1 du ministère de l'Immigration est adopté?

M. Blank: Adopté.

M. Chevrette: Question d'information. Quand on vote élément par élément, est-ce qu'à la fin vous demandez l'adoption globale du programme? Est-ce que cela passe dans le jugement que vous avez rendu? Après la présentation d'une motion, est-ce que vous votez la motion avant l'adoption du programme ou après?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Après.

M. Chevrette: Cela répond à ma question pour le moment.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'ai bien dit que la motion était recevable, et qu'elle devait être débattue après l'étude des travaux et avant l'ajournement, à midi.

M. Chevrette: La motion présentée par le représentant de l'Union Nationale fait partie intégrante des travaux de cette commission parlementaire pour les fins du procès verbal et pour les fins de rapport à l'Assemblée Nationale?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui. Autrement dit, tant que la commission n'a pas ajourné ses travaux, elle siège légalement.

Est-ce que l'élément 3 du programme 1 est adopté?

Des Voix: Adopté.

Motion appuyant la politique du ministère en matière d'immigration (suite)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Adopté. Conformément à une décision qui avait été rendue sur une motion présentée par le député de Richmond, j'avais déclaré recevable la motion du député de Richmond, mais j'en avais reporté le débat et l'étude après l'examen des crédits et avant l'ajournement des travaux. Une question de règlement.

M. Blank: Oui, une question de règlement. Comme l'Opposition officielle l'a déjà dit, on est prêt à étudier des crédits. On a participé au débat à cette commission, on a étudié des crédits, on a adopté des crédits, mais on ne discutera pas de motions de fond dans n'importe quelle commission, incluant celle-ci.

M. Bertrand: Est-ce qu'on peut poser une question? D'après le règlement...

Une Voix: ...de la fuite.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bertrand: Cela fait partie de la fuite.

Une Voix: On peut vous souhaiter un bon week-end quand même.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La motion du député de Richmond se lit de la façon suivante: Que la commission appuie les prises de position du ministre de l'Immigration sur la juridiction du Québec en matière d'immigration, notamment en ce qui concerne la maîtrise et la sélection des immigrants sur le territoire du Québec. La parole est au député de Richmond.

M. Chevrette: Avant, sur la question de règlement et vu qu'il y a une fuite, est-ce qu'on peut faire noter qu'un tel retrait, une abstention ne nuit en rien à la position unanime que pourrait avoir...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je ne veux aucunement présumer du vote qui sera pris mais, en supposant que le vote soit unanime, il sera à l'unanimité des membres présents.

M. Chevrette: D'accord. On peut...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière ): Nous avons le quorum.

M. Biron: M. le Président, même si l'Assemblée...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que vous voudriez vous asseoir, M. le député de Lotbinière!

M. Chevrette: Consentement unanime. M. Biron: Le consentement unanime... M. Chevrette: Bien sûr... M. Biron: Pour remplacer...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Couture: M. le Président, est-ce que je pourrais... Je voudrais en profiter pour souhaiter la plus cordiale bienvenue au chef de l'Union Nationale.

M. Bertrand: Au chef de l'Opposition.

M. Couture: II nous honore de sa présence et j'imagine que cela apportera un poids nouveau et fort intéressant à la motion qui est sur la table.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Pour que le député de Lotbinière puisse remplacer le député de Johnson, il faudrait le consentement unanime des membres de la commission.

M. Chevrette: Des membres présents.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, des membres présents.

M. Couture: Consentement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le consentement étant accordé, le député de Lotbinière remplace M. Bellemare (Johnson). M. le député de Richmond.

M. Yvon Brochu

M. Brochu: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup de plaisir que j'ai présenté cette motion à laquelle vous venez de faire allusion, pour que les membres de cette commission endossent la prise de position du ministre de l'Immigration relativement à la juridiction du Québec en matière d'immigration, notamment en ce qui concerne la maîtrise de la sélection des immigrants sur le territoire du Québec.

Pour quiconque, M. le Président, est familier avec l'histoire du Québec et partant avec l'histoire de l'Union Nationale, qui, à mon avis, sont indissociables dans ce dossier particulier de l'immigration, il n'y a pas lieu de s'affoler ou de se poser des questions de nature partisane sur l'opportunité et le bien-fondé du geste que j'ai posé au nom de mon parti.

Ce geste s'inscrit dans une logique autonomiste et nationaliste qui a toujours été identifiée au parti de l'Union Nationale. De plus, il s'inscrit logiquement et rationnellement dans le cadre d'une évolution normale des besoins et des aspirations légitimes des Québécois depuis au moins dix ans. C'est l'Union Nationale qui a lancé l'idée d'occuper pleinement la juridiction partagée entre les provinces et le gouvernement fédéral en matière d'immigration, conformément, d'ailleurs, à l'article 95 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Bien avant la création du ministère proprement dit, nous avions posé des gestes pour que le Québec se dote de structures qui lui permettraient d'assumer ses responsabilités dans ce domaine. Ainsi, nul n'a été surpris lorsque après la prise du pouvoir, en 1966, l'Union Nationale a mis toute la procédure législative et administrative en branle en vue de la création du ministère de l'Immigration du Québec. A ce moment-ci, je crois qu'il est de mise de citer quelques extraits du journal des Débats de 1968, lors de l'étude du projet de loi no 75, intitulé Loi du ministère de l'Immigration, pour démontrer bien clairement notre volonté, en tant que Québécois, de nous donner cet outil indispensable que constitue une politique d'immigration pour l'avenir et le progrès économique, social et culturel du Québec.

Le 29 octobre 1968, le parrain de ce bill et premier ministre de la province à l'époque, l'honorable Jean-Jacques Bertrand, disait ce qui suit. Il me fait plaisir de faire cette citation en présence de son fils, l'honorable député de Vanier, qui s'inscrit d'ailleurs dans la même ligne de pensée. Je cite: "Je pense que je puis déclarer qu'il — en parlant de ce projet de loi — pourrait et devrait porter le nom de tous les députés de l'Assemblée législative du Québec qui, par leurs propos, leur attitude, démontrent que le climat est changé au Québec et que, dans le domaine de la politique de l'immigration, c'est l'unanimité non pas factice, mais réelle de tout le Parlement de Québec qui appuie le bill 75 qui crée enfin, après tant d'années, un ministère de l'Immigration au Québec... Je voulais tout simplement, comme parrain de ce bill, dire que voilà un geste positif, un geste prometteur. Quand il y a de l'action, et une action positive, il y a de l'espoir, de l'espoir qu'enfin nous allons occuper d'une manière véritable un champ d'activités gouvernementales qui relevait de notre juridiction. "Le geste posé par la présentation de ce projet de loi est un geste, je crois — et on l'a vu par les discours qui ont été prononcés — bien accueilli, un geste qui reçoit l'unanimité de cette Chambre et qui nous permet, enfin, non seulement de prononcer des discours, ce qui est tellement facile, mais d'agir d'une manière positive, espérant que dans 100 ans, puisqu'on a attendu quasi 100 ans pour poser un tel geste, les gens diront au moins: on a agi. Quant aux résultats, je laisse à l'histoire d'en juger, désireux seulement d'apporter de ce côté-ci comme de l'autre côté, je le sens, notre action la plus forte, la plus vigoureuse, la

plus dynamique pour corriger une situation qui a trop duré et poser les jalons qui assurent davantage la permanence de l'élément francophone au Québec."

M. le Président, il me fait doublement plaisir de souligner la pensée de l'honorable Jean-Jacques Bertrand, à ce moment-ci, puisqu'il m'a été donné également de siéger en cette Chambre, en sa présence. Lorsque j'ai été député de 1970 à 1973, j'ai pu le connaître personnellement, connaître également sa grandeur d'âme, la profondeur de ses sentiments et son attachement pour le Québec.

J'aimerais également citer ici, M. le Président, les paroles prononcées par le député de Bellechasse, à l'époque, M. Gabriel Loubier, qui avait été l'un des instigateurs farouches de la création du ministère de l'Immigration. Il disait, entre autres: "M. le Président, députés ministériels comme députés de l'Opposition, lors de la dernière campagne électorale et après la campagne électorale, nous proclamions, tous à l'unisson, que le Québec a un destin particulier comme peuple. Nous prétendons avec vigueur, de ce côté-ci de la Chambre, que le Québec n'est pas un état comme les autres et qu'il ne doit pas être considéré comme tel. Nous affirmons avec énergie et avec conviction que le Québec est le foyer véritable d'une nation distincte et que nous avons un souci particulier pour le capital le plus précieux du Québec, son capital humain. A ce titre, nous voulons à tout prix nous donner tous les leviers, tous les instruments pour répondre aux impératifs de ce destin et faire en sorte que, partout, le Québec soit reconnu comme le véritable foyer d'une nation différente." "M. le Président, notre capital humain, notre capital culturel, notre capital historique n'est pas parfait, n'est pas le plus riche, mais nous visons à la perfection. Nous visons également à faire en sorte que le Québec, foyer d'une nation, soit orgueilleux, fier et soit capable de continuer à s'épanouir et à être considéré comme une entité valable sur le continent nord-américain. "Je ne puis qu'applaudir à la création du ministère de l'Immigration parce que je sais que le Québec se donne un autre instrument de prestige pour que nous puissions, partout à travers le monde, remplir cette dimension internationale que nous sommes en train de nous donner... "On peut différer d'opinion sur les moyens, on peut différer d'opinion quant à la valeur du ministère comme tel aujourd'hui, mais je pense que tous, dans cette Chambre, nous sommes désireux de constater et de faire en sorte que le Québec occupe un champ de juridiction qui aurait dû être occupé depuis longtemps. Aujourd'hui, nous agissons d'une façon vigoureuse, de façon déterminée, ayant conscience que les négociations avec le fédéral vont persister dans un climat de dialogue et que nous aurons au Québec une politique de l'immigration voulue, cohérente, consistante, qui desservira les intérêts culturels, sociaux et économiques du Québec."

Autant nous n'avons pas craint, M. le Président, de poser un geste vigoureux, en 1968, autant nous croyons qu'il est de notre devoir, aujourd'hui, en notre qualité d'Opposition responsable, et devrais-je dire en l'absence de toutes les autres Oppositions aujourd'hui à la commission, en tant qu'Opposition officielle, d'être conséquents avec nous-mêmes et d'appuyer, avec tous les moyens à notre disposition, l'action ferme mais modérée du ministère de l'Immigration dans le contexte social politique actuel.

Personnellement, je comprends mal que cette motion n'attire pas l'unanimité des membres de cette commission. Nous croyons qu'il est essentiel que le projet préconisé par le ministre de l'Immigration tel qu'il nous en a fait part l'autre jour ne soit pas conçu comme une prise de position du Parti québécois mais bien comme une prise de position de l'Assemblée nationale tout entière et, par le biais de celle-ci, du peuple québécois.

Je pense, M. le Président, que les déclarations des responsables fédéraux, du gouvernement fédéral en la matière, dernièrement, démontre, en ce qui concerne M. Cullen et, par après, M. Trudeau dans la déclaration de rectification qu'il a faite hier, une attitude d'ouverture par rapport à une possibilité d'entente dans ce domaine.

Le ministre responsable qui est devant nous aujourd'hui va rencontrer son homologue fédéral bientôt, et c'est dans cet esprit que j'avais proposé cette motion de faire l'unanimité non pas autour d'un programme partisan d'un parti politique, mais puisque chacun des partis qui étaient alors présents à la commission parlementaire, le ministre d'une part, le Parti libéral à ce moment-là et nous-mêmes avions donné notre accord de principe sur le document que le ministre avait déposé, je tiens bien à préciser ici que les libéraux n'étaient pas d'accord sur les modalités de l'application, mais sur les principes ils étaient d'accord. Ils l'ont d'ailleurs souligné, comme nous l'avons fait, puisque, raison de plus, cet élément était dans notre programme. Donc, nous voulions créer un bloc autour d'une question de principe à laquelle nous souscrivions tous c'est-à-dire souligner la position, non pas d'un parti ou de deux partis au Québec, mais celle du gouvernement du Québec appuyée de ses citoyens et de tous les partis qui composent le gouvernement actuellement.

Je déplore qu'aujourd'hui, au moment où il est temps de voter cette motion, nous ne soyons pas en présence, les trois partis, sur la même question à voter. Remarquez bien que je ne porte ici aucun jugement sur le parti libéral, il est libre de faire ce qu'il veut avec ce qui lui reste. Ce n'est pas à moi de les juger, ils le seront avec le temps. Remontons un peu en arrière, au mardi 29 octobre 1968, et j'ai en main le journal des Débats de l'Assemblée législative d'alors, quand on a pris le vote sur la création du ministère.

Je remarque, en deuxième lecture: pour: 73; contre: 0. C'est donc dire qu'à l'époque, à l'annonce de cette deuxième lecture du projet de loi créant le ministère de l'Immigration, les libéraux, qui étaient l'Opposition d'alors, ont été faborables au projet. A la troisième lecture, le même vote a été pris sauf une exception, M. Lévesque, qui était

à ce moment-là député indépendant et qui pour d'autres raisons s'est abstenu.

C'est donc dire que je trouve extrêmement curieux ce qui se passe maintenant. On a une proposition qui s'inscrit exactement dans la même foulée que le principe de la création du ministère de l'Immigration, c'est-à-dire de lui donner les pouvoirs inhérents à une entité culturelle, celle que nous sommes. A ce moment-ci, quelques années plus tard, le même parti qui endossait et appuyait la création du ministère brille par son absence.

La motion que j'ai présentée, j'y crois fermement et je suis conscient et heureux d'avoir l'appui de mon parti en cette matière. Le geste de regrouper, comme nous le voulions, toutes les volontés du Québec autour de cet outil que nous avons absolument besoin d'avoir, c'est-à-dire le contrôle de notre immigration, ce geste est d'autant plus nécessaire qu'hier on apprenait par la voix des media d'information qu'il y avait aussi de certains côtés, certaines réticences des autorités gouvernementales fédérales relativement à la position du Québec. C'est donc dire que nous serions arrivés avec une position de force obligeant davantage le gouvernement fédéral à reconnaître les juridictions que nous avons le droit de demander en la matière.

Nous croyons que le ministre et le gouvernement du Québec ont besoin de l'appui de tous les Québécois pour représenter efficacement et positivement les revendications du Québec en matière d'immigration.

C'est pourquoi je demande à tous les membres de cette commission de voter à l'unanimité en faveur de cette motion, mettant de côté pour le moment nos choix politiques et nos couleurs partisanes pour faire preuve de solidarité et d'unité, en vous soulignant que les députés élus en cette Chambre le sont pour prendre position sur les différents sujets soumis à l'Assemblée nationale comme aux commissions. Je vous remercie.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Jacques Couture

M. Couture: M. le Président, je dois dire d'abord que je me réjouis grandement que cette proposition que nous avons faite au début de la commission parlementaire ait déclenché un grand débat et ait reçu, parmi les membres de cette commission, cet appui si manifeste qui a été mentionné par le député de Richmond. Je voudrais simplement, en quelques mots, souligner les véritables objectifs que nous avons.

Nous sommes un gouvernement du Parti québécois dont tout le monde sait que notre objectif, à long terme, est la souveraineté politique. Tout le monde le sait et tous ceux qui militent dans ce parti ont, comme ambition légitime et comme ferveur, de travailler à la souveraineté politique du Québec, parce que, justement, l'histoire des 100 dernières années, l'histoire des négociations continuelles avec le gouvernement central, les difficultés énormes rencontrées dans la revendica- tion de nos droits, dans le respect de nous-mêmes, nous ont amenés à cette conclusion que la solution à nos problèmes, comme nation, n'est possible que dans un cadre différent, et ce que nous avons choisi, c'est la souveraineté politique.

Ceci dit, par honnêteté pour ceux qui nous ont élus le 15 novembre, ce mandat précis de gouvernement provincial, en sachant quand même que tous les Québécois qui avaient appuyé ce gouvernement provincial savaient que ce dernier avait cette option de l'indépendance du Québec et savaient aussi qu'éventuellement au cours de ce mandat, on ferait appel à eux pour l'appuyer dans la négociation pour l'indépendance du Québec, il faut dire que, dans ce cadre fédéral dans lequel nous sommes actuellement, ce mandat qui nous est donné — d'ailleurs après le serment que nous avons prononcé à ce sujet, je me sens très responsable de ce côté — c'est, au moins, et le premier ministre du Québec l'a répété souvent, d'aller chercher tous les pouvoirs que la constitution actuelle du Canada nous permet d'obtenir.

C'est tellement vrai que, si vous repassez à peu près tous les dossiers de nos ministères, il n'y a presque pas de ministère qui n'a pas un dossier en litige avec le gouvernement central. Actuellement, au moins, notre premier objectif, c'est d'être le meilleur des gouvernements autonomistes — à ce sujet, je pense qu'on peut dire qu'il y a une certaine continuité avec les gouvernements précédents — de récupérer tous les pouvoirs possibles dans cette constitution et d'affirmer collectivement ces droits qui, pendant des années et des années, ont été défendus par plusieurs de nos prédécesseurs qui ont été des patriotes. Ici, je rends hommage à l'ancien premier ministre du Québec, M. Bertrand, entre autres, qui a été à l'origine de ce ministère.

Je voudrais simplement rappeler une phrase que vous avez citée tout à l'heure et que je trouve très significative. M. Bertrand disait justement ceci, en 1968: "... les gens diront au moins: On a agi. Quant aux résultats..."

Quand ils ont créé ce ministère et qu'ils ont entrepris cette politique, c'était en 1968 et ils ne savaient pas trop où cela irait. "Quant aux résultats, je laisse à l'histoire d'en juger, désireux seulement d'apporter, de ce côté-ci comme de l'autre côté, je le sens, notre action la plus forte, la plus vigoureuse, la plus dynamique pour corriger une situation qui a trop duré et poser les jalons qui assurent davantage la permanence de l'élément francophone au Québec." On doit dire, hélas, que la création du ministère de l'Immigration au Québec n'a pas apporté les résultats escomptés. Il y a eu d'énormes efforts pour, au moins, avoir une certaine présence dans ce milieu. Il y a eu certains accords, que vous connaissez, où le Québec, effectivement, pouvait par ses agents influencer la décision fédérale. Mais dans l'ensemble, quand on regarde les résultats actuels, les chiffres que nous avons devant les yeux, cet instrument du ministère de l'Immigration du Québec est, à toutes fins pratiques, extrêmement faible et donne peu de résultats pour maîtriser et pour contrôler le développement de la population au Québec.

Je peux vous rappeler globalement des chiffres que je trouve brutaux, mais qui sont extrêmement éloquents. De tous les immigrants qui arrivent au Québec, il y en a à peine 20% qui vont dans nos COFI qui d'après le ministère qui avait été créé et aussi à la suite des négociations devaient être un instrument important de préparation des immigrants à s'adapter à la communauté francophone. A toutes fins pratiques, parmi tous les immigrants qui arrivent au Québec, au-delà de 80% de ceux qui ne parlent pas français s'intègrent au secteur anglophone. Je n'ai pas à reprendre tout ce qui a été dit dans la proposition du Québec. Je crois que nous en sommes là aujourd'hui. Nous avons le choix entre garder un ministère fantôme, qui donne peu ou pas de résultats, ou bien, décidément, de lui donner la force nécessaire et les instruments nécessaires pour arriver à certains objectifs.

Comme le disait M. Lévesque, hier, je crois que, de toute façon, il ne sera jamais possible, dans le cadre fédéral actuel, de prétendre à ce contrôle décisif en matière d'immigration. Même si nous entreprenons une négociation fort importante, même si nous nous réjouissons de ces appuis de tous les milieux et de votre parti, entre autres, nous ne nous faisons pas d'illusions. Nous sommes conscients que la solution au problème du contrôle de la population immigrante, dans le Québec, est effectivement dans la souveraineté politique. A cause du mandat reçu le 15 novembre et à cause de nos responsabilités comme gouvernement provincial actuel, cela ne nous empêche pas du tout — je pense qu'il faut le faire fermement, vigoureusement et avec beaucoup de civilité — de rencontrer ce partenaire fédéral et, à la lumière de la constitution, à la lumière des chiffres que nous avons, à la lumière du bilan que nous avons fait de ce ministère au Québec depuis quelques années, de lui dire: Pour nous, Québécois, dans cette communauté originale — et cela a aussi été rappelé par M. Loubier — sachant que le Québec est le foyer véritable d'une nation distincte", nous voulons nous donner tous les leviers, tous les instruments pour répondre aux impératifs de ce destin et faire en sorte que, partout, le Québec soit reconnu comme le véritable foyer d'une nation différente."

Dans l'époque actuelle, où la natalité baisse au Québec, vu l'importance de cette contribution de l'immigration pour l'élaboration d'une nouvelle société et l'édification aussi d'une société à notre goût, à notre image, il est absolument essentiel et très important de contrôler cette immigration. Dans notre approche avec le fédéral, on pourra certainement, forts de votre appui et à la lumière de ce que nous présentons, réclamer, même dans ce cadre fédéral, le plus de pouvoirs possible.

Evidemment, le vrai gouvernement souverain restera toujours le gouvernement fédéral canadien qui, en dernière instance, donne le visa. Mais nous disons qu'il faut absolument — et pour cela c'est vraiment très important que tous les Québécois soient derrière nous — que dans la sélection des immigrants, ceux qui viennent au Québec, ceux qui se préparent à participer à cette société que nous bâtissons ensemble, il faut absolument que ce soit le Québec qui soit le maître d'oeuvre.

Il y avait un slogan, au début des années soixante, qui disait: Maîtres chez nous. Les grandes désillusions que nous avons connues dans l'histoire des relations fédérales-provinciales ne nous empêchent pas de continuer ces efforts que certains calculent de désespérés, mais c'est notre responsabilité actuelle de réclamer ce qui nous appartient. Nous le ferons fermement.

Je termine, M. le Président, en rappelant aux membres de cette commission que le combat n'est pas terminé, dans ce domaine comme dans d'autres. Mais j'ai appris, dans ma petite expérience, que pour faire des grands bonds en avant, il faut d'abord faire des petits pas, et nous continuons à les faire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, vous me permettrez de dire que, ce matin, je suis très heureux et très déçu. Heureux d'abord de constater que l'Union Nationale a été cohérente avec son discours en réponse au discours inaugural, en ce sens qu'elle avait affirmé, à ce moment, qu'elle appuierait le gouvernement lorsqu'elle jugerait que cela correspondait à son idéologie, à sa pensée. A ce compte, personnellement, j'avais rêvé, en tant que nouveau député, que c'était de même que devait se traduire la politique. J'ai été très souvent désenchanté depuis le début, mais ce matin, il me fait plaisir de constater qu'il y a une cohérence au moins au niveau d'une opposition. C'est encourageant.

Déçu amèrement par le geste posé par l'Opposition officielle et les représentants du Parti libéral. Déçu parce que ces mêmes gens viennent de prouver toute leur incohérence au niveau même de cette commission parlementaire, en ayant, dans un premier temps, appuyé avec passablement d'insistance, le principe même de la position défendue par le ministre de l'Immigration. Déçu aussi parce que cela explique passablement bien, le peu de chemin franchi au cours des dernières années par ce gouvernement qui nous a précédés. Ce n'est pas surprenant de constater ces six ans d'échec, quand on regarde le comportement de ces individus, paniqués, affolés, apeurés devant une proposition d'appui à une position gouvernementale. Ce n'est pas surprenant qu'on puisse entendre continuellement, de la bouche de ces mêmes représentants de l'Opposition officielle, le mot "incertitude", le mot "crainte", leur visage paniqué et leurs propos plutôt incertains montrant hors de tout doute, pourquoi les Québécois ont réagi avec autant de vigueur le 15 novembre dernier, pourquoi les Québécois les placeront fort probablement en troisième position d'ici peu, si on en a la chance.

Je voudrais aussi féliciter l'Union Nationale qui, à mon sens, démontre cette volonté d'autonomie au niveau provincial. Je pense que c'est un

geste de solidarité. La solidarité, c'est sûrement un des grands éléments, une des grandes forces qui nous restent face au gouvernement central. Je les remercie officiellement et je voudrais leur dire que continuer ce nouveau style d'opposition, c'est probablement tenter de donner aux Québécois un espoir, en tout cas, d'une autonomie de plus en plus grande.

Je n'irai pas jusqu'à dire que ce sera un mariage d'amour de fin de course, mais c'est sûrement une volonté de libérer le peuple québécois graduellement. Cette aide ne peut que profiter à l'ensemble des Québécois. Je voudrais les remercier officiellement tout en regrettant et en souhaitant que le public québécois soit mis au courant de ce geste de lâcheté de l'Opposition officielle, ce manque de responsabilité publique qu'elle vient de poser. C'est vraiment décevant et c'est vraiment peu encourageant pour un certain pourcentage de Québécois qui avait mis leur foi en cette Opposition officielle de les voir se comporter comme des petits enfants paniqués devant leur grand-père qui leur fait des gros yeux.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Vanier.

M. Jean-François Bertrand

M. Bertrand: Je voudrais d'abord insister sur le besoin qu'il y avait ce matin de faire l'unanimité sur la motion du député de Richmond. On se rappellera que, lorsque j'avais présenté une motion à peu près identique, en commission parlementaire des communications, l'Opposition officielle, se réfugiant derrière la tradition qui empêche, paraît-il, qu'on fasse des motions en commission parlementaire qui étudie des crédits, s'était retranchée du débat, retranchée du vote et, à toutes fins pratiques, avait empêché que nous puissions donner un mandat unanime au minidtre des Communications, M. O'Neill, pour qu'il puisse revendiquer du gouvernement fédéral le retrait du projet de loi C-43, si ma mémoire est bonne, sur les télécommunications.

A ce moment-là, ils avaient invoqué, entre autres arguments, le fait que, si les députés ministériels commençaient à présenter des motions, cela allait devenir tôt ou tard une forme de bâillon à l'endroit de l'Opposition, l'empêchant ainsi de poser toutes les questions sur les crédits d'un ministère. Passons le chiffon sur cette première altercation que nous avions connue et venons-en à celle-ci.

Cette fois, c'est l'Union Nationale qui présente la motion, donc un parti de l'Opposition, donc un parti qui avait tout intérêt qu'on puisse discuter des crédits dans la période qui était mise à notre disposition. Deuxièmement, nous avons étudié les crédits, nous les avons étudiés à la satisfaction de l'Opposition officielle, qui affirmait, à la dernière séance, que quant à elle elle n'avait plus de questions à poser. Elle avait le sentiment d'avoir reçu toutes les réponses du ministre de l'Immigration et que donc, dans son esprit, la commission parle- mentaire sur l'étude des crédits avait bien rempli son mandat.

Je ne comprends pas, étant donné ces deux points — premièrement, que la motion vient de l'Opposition et que, deuxièmement, les crédits ont pu être étudiés sans que cette motion ne constitue un bâillon — qu'au moment même où il nous reste quelques heures où on peut travailler ils ne soient pas présents. Il n'y a plus de bâillon, à ce stade-ci, les crédits ont été étudiés, il n'y a que la possibilité de permettre à une commission parlementaire...

Dieu sait que je me réjouis, maintenant, de voir à quel point la motion était bienvenue, parce qu'on a vu les réactions que cela a occasionné au niveau du gouvernement fédéral, on a vu à quel point la presse en a fait état, à quel point, comme le soulignait le ministre tantôt, cela a permis d'engager un débat de fond particulièrement intéressant et tout cela dans le cadre d'une commission parlementaire qui étudie des crédits. Quant à moi, c'est normal que cela se fasse dans ce cadre.

Le Parti libéral pouvait, ce matin, revenir ici discuter de la motion et voter sur cette motion; aucune raison ne pouvait justifier leur absence, pas même celle qu'ils ont invoquée à la toute fin et qui consistait à dire: Nous nous abstenons de discuter et de voter parce que nous considérons que ce n'est pas l'endroit pour présenter des motions de fond de ce genre. Or, ce sont eux-mêmes qui avaient engage le débat sur le contentieux fédéral-provincial; ils avaient eux-mêmes fait part au ministre de l'Immigration de leur acceptation de principe quant au document présenté sur la sélection des immigrants. C'est uniquement au moment où on les amène à prendre vraiment des positions en termes de décisions qu'ils se sentent incapables d'aller jusqu'au bout de leur logique et, pour emprunter le langage du député de Joliette, d'être cohérents avec eux-mêmes.

Donc, je pense qu'il faut vraiment dégager de cette attitude... Certains pourraient dire qu'on veut peut-être en profiter pour faire de la partisanerie politique.

Mais quant à moi, je considère qu'étant donné toutes ces raisons qui font que la motion n'a pas été un bâillon et qu'ils pouvaient maintenant en discuter, il faut vraiment considérer que cette fois-ci ils sont en train de faire la preuve qu'ils veulent vraiment s'abstenir de prendre des décisions qui risqueraient de donner l'impression, devant l'opinion publique québécoise, que l'ensemble de l'Assemblée nationale est unanime face à certaines revendications qui ont toujours été exprimées par tous les gouvernements du Québec.

Je sens pourquoi ils sont incapables de prendre de telles positions. Quand on réalise qu'à la commission des communications ils se sont abstenus et de discuter et de voter; qu'à la commission de la justice, ils se sont abstenus de prendre une décision quand on a formulé la recommandation d'avoir deux patrouilleurs par véhicule; quand on voit les déclarations du député de Notre-Dame-de-Grâce qui dit: Si jamais les Québécois décidaient de faire la souveraineté politique du Québec, quant à moi je m'en vais dans le Canada;

quand on voit l'exil d'un ex-chef politique du Parti libéral, je me dis qu'on est vraiment en face d'un Parti libéral qui a consacré, comme principe moteur de son action, la fuite. Quand, sur un ensemble de dossiers où l'unanimité des Québécois nous permettrait de manifester qu'au-delà de l'esprit de parti, il existe un esprit de patrie qui prédomine sur les tensions, les contradictions, les débats qui peuvent avoir lieu en commission ou à l'Assemblée nationale, moi je dis qu'ils doivent être tenus pour responsables de ce climat d'incertitude et d'inquiétude dont eux-mêmes parlent très souvent dans la période des questions et qu'on pourrait sans doute éviter si, à l'occasion, sur des choses qui semblent faire l'unanimité, on réussissait à obtenir l'accord de tous les partis politiques.

Jusqu'à un certain point, j'en arrive même à constater, avec le temps, depuis six mois, qu'il y a en réalité deux partis québécois au Québec: l'Union Nationale d'une part, le Parti québécois de l'autre. Quant à moi, et c'est un jugement que je me fais après six mois, le Parti libéral n'est certainement pas représentatif de la collectivité québécoise. S'il l'était vraiment, il devrait très souvent avoir l'attitude de l'Union Nationale, qui, quant à moi, comme le disait le député de Joliette, me paraît tout à fait normale, d'appuyer le gouvernement quand on a l'impression que le gouvernement va dans le sens de l'intérêt et de la population et de l'idéologie de l'Union Nationale, et de le combattre quand on a le sentiment, aux yeux mêmes d'un parti politique, que ce gouvernement ne va pas dans le sens des intérêts de la population.

Mais jamais, depuis le 15 novembre, le Parti libéral n'a profité de quelque occation que ce soit, surtout dans des dossiers où lui-même avait pris des engagements, entre 1970 et 1976; jamais nous ne l'avons vu, depuis le 15 novembre, appuyer des revendications normales qui s'inscrivaient dans cette espèce de continuité qui a caractérisé tous les gouvernements du Québec au cours des 100 dernières années, à l'intérieur de la Confédération canadienne.

Ceci étant dit sur le Parti libéral, je voudrais en même temps ajouter à quel point, n'étant pas présent à cette commission parlementaire, même si on va tantôt finalement voter à l'unanimité des membres présents, il aurait été important, pour le ministre de l'Immigration, que cette unanimité se manifeste, mais alors l'unanimité de tous les partis politiques.

Nous avons pris connaissance, tous et chacun, au cours des derniers jours, des déclarations de M. Trudeau: l'une, paraît-il, n'exprimant pas le fond de sa pensée, la seconde, paraît-il, se rapprochant davantage de ses sentiments sur cette question. Toujours est-il que peu importent ses réactions, on commence à s'habituer progressivement à des contradictions dans un discours ou dans un autre du premier ministre canadien. Dans une ville c'est une déclaration, dans une autre c'en est une autre. Etant au Parlement fédéral, il se sent plus à l'aise peut-être pour exprimer un aspect de sa pensée; étant dans la ville de Québec en période d'élections partielles fédérales, il se sent peut-être plus à l'aise pour exprimer une au- tre partie de sa pensée. Quant à moi, c'est la démonstration évidente de ce qui se passe dans le moment sur le dossier de l'immigration. Il ne faut pas attendre du gouvernement fédéral que lui, il manifeste sa position sur un dossier.

Il faut au contraire, je pense, que ce soient les Québécois eux-mêmes, à travers leurs représentants réunis à l'Assemblée nationale, à l'intérieur de partis politiques différents, qui manifestent leur solidarité face à des dossiers comme celui de l'immigration.

C'est pour oela que c'est important que tous les partis soient solidaires dans cette action, parce que justement, au gré des vents, au gré des conjonctures, au gré des élections partielles ou générales, nous assistons à des revirements de situation au niveau du gouvernement fédéral quant à sa pensée politique face à certains dossiers.

Il ne faut pas qu'au niveau du Québec on ait ce genre d'attitude qui ferait qu'à une certaine époque c'est important d'être solidaires et qu'à une certaine autre ce n'est pas important. Il faut cette fois-ci, étant donné certaines contradictions qu'on semble relever au niveau du gouvernement fédéral, que l'ensemble des partis politiques se montrent solidaires derrière la motion du député de Richmond, de sorte que le ministre de l'Immigration, qui va rencontrer son homologue fédéral, puisse lui dire: Peut-être que, chez vous, vous n'avez pas réussi à créer ce consensus nécessaire pour aller dialoguer avec le ministre de l'Immigration du Québec, mais, quant à nous, au Québec, on l'a, le consensus, pour appuyer nos revendications face à vous. Et cela est important.

Donc, en terminant, je voudrais exprimer — cela va peut-être paraître un peu curieux — à quel point, aujourd'hui, je suis fier de l'Union Nationale. J'ai très nettement le sentiment parce que, quand même, il ne faut pas cacher qu'on en fut que vous êtes allés à la bonne source pour exprimer votre position aujourd'hui. Je suis heureux de constater que l'Union Nationale se réinscrit, parce qu'on avait eu des doutes, surtout au moment de la campagne électorale, dans ce processus normal qui était celui d'un nationalisme le plus poussé possible, d'une très grande volonté d'autonomie, d'une très grande volonté de revendication face au gouvernement fédéral. Il y a même des jours où je me plais à penser que, si le Parti québécois n'existait pas, c'est presque à se demander si l'Union Nationale ne serait pas de ce côté-ci de la Chambre pour proposer aux Québécois la souveraineté-association.

Si l'Union Nationale avait été laissée à elle-même, en l'absence de la naissance de notre parti politique, je me demande parfois, dans la poursuite de l'idée d'égalité ou d'indépendance, à quel genre de parti nous ferions face aujourd'hui. Il y a des moments où je me dis que, peut-être, le seul frein qui empêche l'Union Nationale d'accéder ou de déboucher sur la souveraineté-association, c'est qu'il y en a un autre qui l'a proposé déjà et qui est allé chercher dans l'ensemble de la population un certain appui sur cette thèse.

Mais toujours est-il qu'indépendamment de ces considérations il n'en demeure pas moins que

le fait de se sentir solidaires autour de cette position sur l'immigration, quant à moi, augure bien pour l'avenir. Je ne dis pas, par cela, que j'ai la conviction aujourd'hui qu'au moment où le référendum se tiendra et où le Parti québécois présentera la souveraineté-association à la population l'Union Nationale sera unanime derrière le Parti québécois et que nous aurons vraiment un bloc québécois contre un autre bloc qui l'est moins ou qui ne l'est pas. Mais connaissant la façon dont fonctionne le chef de l'Union Nationale depuis le 15 novembre et voyant un peu l'attitude qu'il a prise sur la question linguistique, j'ai très nettement le sentiment qu'il a l'esprit ouvert et qu'il n'est pas, à l'heure actuelle, retranché dans une position qui consisterait à dire: C'est un parti séparatiste, c'est un parti qui a l'intention d'établir des frontières autour du Québec, c'est un parti qui a l'intention de nous isoler. J'ai l'impression que le chef de l'Union Nationale, ayant un esprit ouvert, va regarder le débat se préparer et qu'il ne va pas y assister comme quelqu'un qui a des positions toutes faites en partant, mais comme quelqu'un qui a sans doute l'intention, peut-être comme il le manifeste en ce moment sur la question de l'immigration et comme vous l'avez manifesté sur la question des communications l'autre fois, de démontrer que ce qu'il faut rechercher, d'abord et avant tout, d'ici le moment du référendum, c'est d'arriver à créer ce consensus des Québécois autour d'une position qui serait acceptable pour l'ensemble des Québécois.

Quel que soit le résultat du référendum à venir — peut-être que je m'écarte de la question, M. le Président — s'il arrivait, par malheur pour les Québécois, que ce référendum soit négatif, je suis certain que l'Union Nationale ne serait pas de ceux qui, le lendemain du résultat, diraient: Bravol On s'en frotte les mains; maintenant, on est dans le Canada, statu quo pour la vie, mais qu'au contraire l'Union Nationale aurait le sentiment que ce résultat ne serait sans doute pas la démonstration qu'il n'y a pas lieu de faire quelque chose de très important qui ressemble à la souveraineté-association, mais pour laquelle ils ne seraient pas embarqués à ce moment-là.

Ces impressions que je voulais livrer quant à moi ne voulaient que manifester à quel point j'ai toujours pensé et je continue de penser qu'il y a une profonde continuité entre l'Union Nationale et le Parti québécois et que sur ce dossier de l'immigration comme sur celui des communications nous en avons fait la démonstration. Je pense que nous avons servi l'intérêt des Québécois en agissant de la sorte. Pour le reste, le vrai visage d'un certain parti politique se découvre de plus en plus, et les gens comprendront sans doute, j'espère que c'est même déjà vrai que, dans les sondages, l'Union Nationale est au deuxième rang, je le souhaite ardemment pour que soit consacré le fait que c'est elle qui, maintenant, représente l'Opposition officielle à l'Assemblée nationale.

M. Rodrigue Biron M. Biron: M. le Président, je ne pourrai pas faire un long discours. Tout simplement quelques mots, très brefs, d'abord pour féliciter et remercier le député de Richmond pour ce dynamisme qu'il manifeste dans les travaux de l'Assemblée nationale, des commissions, pour les idées nouvelles qu'il apporte. C'est peut-être l'exemple classique de l'Union Nationale d'aujourd'hui de voir Yvon Brochu, député de Richmond, qui a laissé un autre parti politique pour venir se joindre à l'Union Nationale parce qu'il croyait que ce parti nationaliste modéré devait véritablement se renforcer sur la scène politique québécoise et être utile à la population du Québec et au gouvernement du Québec.

Si j'ai voulu être ici aujourd'hui, c'est à cause de l'absence du leader parlementaire de l'Union Nationale, M. Maurice Bellemare qui, pour cause de maladie, doit prendre quelques jours de repos. On s'est parlé ce matin, chez lui, et il est au repos encore pour plusieurs jours. J'aurais voulu qu'il soit ici parce que c'est l'homme le plus important dans le parti après moi. J'aurais voulu qu'il participe à cette fin de commission parlementaire et dire lui-même au ministre comment il appréciait le travail et la compétence qu'il manifeste dans ce dossier en particulier. Alors je remercie le député de Richmond et je le félicite.

Je veux maintenant m'adresser au ministre de l'Immigration pendant quelques minutes pour lui dire qu'à chaque fois que le ministre et le gouvernement du Québec agiront comme un bon gouvernement provincial, comme il le mentionnait tout à l'heure, comme un vrai gouvernement des Québécois, il peut être assuré de l'appui, de la collaboration, et des conseils de l'Union Nationale. Chaque fois que le ministre et le gouvernement du Québec voudront voir l'amélioration du climat social, politique, économique du Québec en tant que vrai bon gouvernement provincial, l'Union Nationale sera toujours là pour être positive et collaborer avec le gouvernement.

Vous nous parlez, M. le ministre, aussi, de vouloir reprendre tous les pouvoirs accordés aux provinces par la constitution canadienne, et nous en sommes à 100%. C'est pour cela d'ailleurs, lorsque vous dites qu'au point de vue de l'immigration vous voulez reprendre les pouvoirs accordés aux provinces, nous vous appuyons et vous félicitons. C'est dans ce sens-là, enfin, que l'Union Nationale veut prouver son nationalisme modéré en reprenant ces pouvoirs qui appartiennent aux provinces, et qui, à cause des 110 années depuis la signature du pacte de la Fédération canadienne, se sont lentement dirigés vers le gouvernement central. Nous vous félicitons de vouloir reprendre tous ces pouvoirs et nous vous assurons de notre appui là-dessus.

Quant à vos chiffres concernant l'immigration, bien sûr, ils étaient peut-être exacts il y a quelques années, mais il y a possibilité de corriger la direction prise par nos immigrants par d'autres façons que de séparer le Québec ou de faire la souveraineté-association. Il y a possibilité, par d'autres genres de lois. Comme la loi 22 essayait de corriger un peu le problème, la loi no 1, dans certains domaines, va corriger aussi ce problème. Alors il y a moyen, par d'autres méthodes que l'in-

dépendance politique et la séparation du Québec du Canada, de véritablement corriger la lacune que vous avez mentionnée tout à l'heure.

On a mentionné aussi tout à l'heure la responsabilité de l'Union Nationale, que nous avons voulu ce matin prendre nos responsabilités et je ne veux pas juger le Parti libéral ce matin. Je crois que les députés du Parti québécois en ont parlé. Je veux laisser à la population du Québec de juger leurs actions, leurs décisions. Si j'ai tenu à être ici ce matin, c'est d'abord à cause de l'absence de M. Bellemare, mais en tant que chef du parti, je voulais absolument qu'il y ait l'un des leaders du parti qui soit ici pour appuyer le député de Richmond et le ministre de l'Immigration dans cette décision qu'il a prise de faire valoir les droits du Québec comme province à l'intérieur de notre pays, le Canada.

C'est un signe de responsabilité de la part de l'Union Nationale et c'est un signe de la responsabilité et de la volonté du chef de l'Union Nationale de prouver qu'il sait reconnaître les bonnes décisions du gouvernement du Québec. C'est le style d'Opposition que j'ai manifesté et que le Parti de l'Union Nationale a manifesté depuis le 15 novembre dernier. Par ma présence ce matin, j'ai voulu continuer ce style d'Opposition positif, vigilant bien sûr, qui sait critiquer lorsqu'il le juge à propos, mais qui sait aussi reconnaître les bonnes actions d'un parti politique autre que le sien qui est le gouvernement du Québec à l'heure actuelle.

Je dirais peut-être, à l'adresse du député de Vanier, que l'Union Nationale est un parti nationaliste beaucoup plus pratique que théorique, et c'est peut-être ce qui fait que nos actions d'aujourd'hui sont dans le sens que nous manifestons depuis le 15 novembre dernier. En terminant, M. le ministre, à chaque fois que vous ferez des projets collectifs où tous les Québécois pourront se reconnaître, nous vous appuierons; à chaque fois que vous voudrez faire en sorte que la population se reconnaîtra, en très grande majorité, dans des projets donnés, nous vous appuierons; à chaque fois que le gouvernement du Québec voudra faire des projets politiques au lieu de faire des projets collectifs, c'est sûr que nous interviendrons pour essayer de changer le projet, d'abord pour en faire un projet collectif et, finalement, si cela demeure un projet politique, nous nous opposerons sur ce projet.

Nous voulons véritablement être positifs et nous voulons aider le gouvernement du Québec à servir les intérêts de tous les Québécois. C'est le défi que j'ai accepté, ce sont les premières paroles que j'ai prononcées le soir de l'élection du 15 novembre, en disant: Maintenant que je suis élu, je ne suis pas au service d'un parti politique ou de ceux qui ont appuyé un parti politique, mais véritablement au service de tous les Québécois, sans exception. C'est un signe évident que cette décision de l'Union Nationale, par le député de Richmond, d'appuyer le gouvernement met en pratique ces premières paroles que j'avais prononcées après ma première élection à l'Assemblée nationale. M. le ministre, je vous félicite de cette décision, je vous encourage à continuer dans le même sens et je vous assure de l'appui de l'Union Nationale.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Sainte-Anne.

M. Jean-Marc Lacoste

M. Lacoste: Comme dans les autres domaines des relations fédérales-provinciales, dans cette question si vitale qu'est l'immigration, le gouvernement du Québec a demandé à maintes reprises au gouvernement fédéral de réviser ses politiques d'immigration de sorte qu'on puisse maintenir l'équilibre linguistique au Québec. La province a mis sur pied un ministère de l'Immigration qui a été créé le 5 novembre 1968 par l'Union Nationale, qui était, à ce moment-là, au pouvoir.

Il y a neuf ans que la population québécoise attend le gouvernement fédéral pour régler ce problème qu'est l'immigration, neuf ans d'attente! A mon âge, à 27 ans, je n'attendrai pas jusqu'à 65 ans pour que le gouvernement fédéral négocie cette chose. C'est peut-être la raison pour laquelle j'ai opté pour un parti politique tel que le Parti québécois qui prônait l'indépendance du Québec. J'ai entendu trop souvent, dans la population du Québec, des personnes âgées, dans le temps de M. Duplessis, ancien premier ministre du Québec sous l'Union Nationale, parler d'autonomie, de négociations avec le gouvernement fédéral. De négociation en négociation, on a attendu longtemps. Des hommes assez âgés nous parlent encore de ce temps.

On parle des années soixante alors que M. Le-sage était premier ministre et qu'il parlait de révolution tranquille, encore des négociations! J'ai vu un homme tel que M. Johnson, premier ministre d'alors de l'Union Nationale, qui parlait d'égalité ou d'indépendance. On a vu d'autres premiers ministres tels que M. Jean-Jacques Bertrand — je vais en sauter un parce que j'aime autant ne pas en parler. Maintenant, nous sommes rendus avec un premier ministre, le député de Taillon, M. René Lévesque, qui a une conception pour une prise en charge du pouvoir au Québec.

Ce que la population demandait depuis peut-être 40 ans et qu'elle attend encore, mais quand même, dans le cadre fédéral actuel, respectant en cela, comme l'a souligné le ministre de l'Immigration, les engagements que nous avons pris lors de la dernière campagne électorale d'être un gouvernement provincial dans le cadre fédéral actuel, tant et aussi longtemps que les citoyens québécois, à l'occasion d'un référendum, ne manifesteraient pas le désir d'accéder à l'indépendance, c'est une occasion pour nous d'affirmer, au niveau de l'immigration, notre pouvoir partagé. C'est se situer dans le prolongement des visées autonomistes des gouvernements précédents. Nous situant dans cette ligne de revendications des gouvernements précédents, nous acceptons d'affirmer les juridictions québécoises dans ce champ d'activité.

M. le Président, la façon positive dont l'Union Nationale a l'intention d'exercer son travail d'Opposition ne peut mériter que notre approbation.

Malheureusement, on ne peut pas en dire autant de la part de l'Opposition officielle, qui nous donne la preuve de vouloir fuir devant ses responsabilités. Toujours, dans le passé, le Parti libéral a négocié avec le fédéral, sans colonne vertébrale. La population sera aussi sévère envers lui qu'elle l'a été le 15 novembre dernier. Les Québécois, j'en suis assuré, n'accepteront plus qu'on les traite comme dans le passé et qu'on les arrête dans cette prise en charge de leur autonomie. C'est pour cette raison que j'appuie la motion de l'Union Nationale que je suis fier de relire: "Que les membres de la commission appuient les prises de position du ministre de l'Immigration sur la juridiction du Québec en matière d'immigration, notamment en ce qui concerne la maîtrise de la sélection des immigrants sur le territoire du Québec". Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Jeanne-Mance.

M. Henri Laberge

M. Laberge: M. le Président, mon propos n'est pas de critiquer la position du Parti libéral sur la motion qui est discutée, mais de rappeler un fait vécu qui montre l'importance pour le Québec d'avoir un ministère de l'Immigration avec de la force. En 1968, au mois de septembre, alors que probablement le projet de loi créant le ministère de l'Immigration était en discussion, ici en Chambre, dans la région de Montréal était créé spontanément, par un groupe de citoyens, un mouvement ou un comité qu'on a nommé Comité d'accueil aux immigrants, à l'occasion de l'arrivée des réfugiés de Tchécoslovaquie qui avaient fui, évidemment, l'invasion de la Tchécoslovaquie par les Russes au mois de mai 1968.

J'ai eu le plaisir, à ce moment, d'être parmi les membres fondateurs de ce groupe qui s'appelait Comité d'accueil aux immigrants, en même temps qu'un autre député qui n'est pas ici en Chambre, qui est actuellement ministre d'Etat à l'aménagement, le député de Laurentides-Labelle, M. Jacques Léonard, qui, à ce moment, a agi comme comptable du Comité d'accueil aux immigrants pendant au-delà d'un an. Il a travaillé fort, il a travaillé avec son coeur, comme on dit, à aider les immigrants à s'intégrer au milieu francophone au Québec, chose qui n'existait pas avant. Malheureusement, par la suite, c'est pour cela que je le mentionne dans mon propos, le même Comité d'accueil aux immigrants n'a pu exister longtemps parce qu'en 1970, lors de la prise du pouvoir par le Parti libéral, il n'y avait plus d'argent disponible au ministère de l'Immigration pour aider ce comité d'accueil formé de bénévoles. Il n'y avait aucun argent pour l'aider à fonctionner, à organiser les services de secrétariat. En 1969, après la fondation du Comité d'accueil aux immigrants, nous avions demandé au ministère de l'Immigration un peu d'aide financière. Je crois que c'est $8000 ou $10 000 qui avaient été accordés au comité pour l'aider à organiser les services de secrétariat et fonctionner. C'était très peu, mais c'était quand même suffisant pour fonctionner, puisque tout le monde travaillait bénévolement à accueillir les immigrants à la maison pendant trois ou quatre jours, de façon qu'ils aient une espèce de bain, qu'ils soient plongés dans le milieu francophone à leur arrivée à l'aéroport ou par le train à la gare centrale, quel que soit le moyen de transport qu'ils aient adopté.

Nous avions formé des comités pour aller les accueillir à l'aéroport en disant: Venez chez nous, deux ou trois jours, venez vous installer, venez faire connaissance avec nous. Ce comité a fonctionné; nous avons travaillé fort, bénévolement et tout ce qu'on avait, c'était une secrétaire et un téléphone dans un petit bureau. A ce moment, le gouvernement, justement, de l'Union Nationale, dans le temps, en 1969, avait aidé le comité d'accueil à fonctionner.

Je répète que, lors de la prise du pouvoir par les libéraux, en avril 1970, si j'ai bonne mémoire, le comité d'accueil, malheureusement, a été dissous. L'action qu'une cinquantaine de couples de la région de Montréal avaient l'occasion d'accomplir au niveau des immigrants a été absolument effacée du jour au lendemain, parce qu'on a dit: II n'y a plus d'argent pour cela.

Cela prouve exactement la continuité de pensée, d'après moi, de l'Opposition officielle aujourd'hui, du Parti libéral. Dès leur prise du pouvoir, même si des lois existent et que des ministères ont été créés, ils n'étaient pas intéressés à leur donner le pouvoir d'agir. Aujourd'hui, lorsque le ministre demande, évidemment, à Ottawa de donner au Québec plus de pouvoirs en matière de contrôle des immigrants ou d'accueil des immigrants, ce n'est pas surprenant qu'ils quittent la table. Ils nous ont accusés dernièrement d'incohérence; je crois qu'eux sont très cohérents. Ils peuvent peut-être nous accuser d'incohérence — maintenant, je me demande dans quel domaine — mais au point de vue d'être cohérent ils le sont. Ils ont été cohérents depuis 1970, c'est-à-dire qu'ils ont toujours bloqué les projets qui pouvaient faire avancer le Québec, parce que, dès avril 1970, j'ai vécu le cas. M. Jacques Léonard, qui je le répète, faisait partie de ce comité, qui était comptable du comité d'accueil à ce moment, qui était un simple citoyen comme moi, qui travaillait bénévolement, a vécu le cas. Il pourrait corroborer que c'est carrément la faute du Parti libéral si de tels comités d'accueil, qui étaient formés de bénévoles, de gens qui voulaient accueillir chez eux chaleureusement les immigrants, les aider à s'intégrer dans le milieu des francophones, n'ont pas ronctionné. C'est de leur faute, parce que, dès ce moment, ils ont mis la hache dans ce qu'on avait créé et ils sont restés très cohérents.

Je pense que cela n'a pas été publié, cela n'a été dit nulle part dans les journaux depuis cette date. Il existe des coupures de journaux de 1969 ou 1970, parlant du comité d'accueil aux immigrants. On n'en a jamais parlé depuis, mais je pense qu'il est important que je souligne ce fait. D'après moi, c'est tout à fait, chez eux, de la cohérence, c'est-à-dire de laisser carrément au fédéral tous les pouvoirs de décider de notre avenir. Lors-

que l'Union Nationale avait créé un organisme ou un ministère qui permettait qu'on mette le pied dans la porte, dans ce domaine, et qu'on commence à contrôler notre immigration, ils ont gardé le ministère; on ne dissout pas un ministère, excepté qu'on ne lui donne aucun pouvoir. Il s'agissait de voir, justement, les budgets attribués au ministère de l'Immigration depuis 1970 jusqu'à tout récemment pour bien se rendre compte que c'était ce que nous avons appelé pendant des années, à Montréal, un "front" purement et simplement.

Il n'y avait rien là-dedans. J'ai communiqué et j'ai parlé fréquemment avec les employés du ministère de l'Immigration de l'époque, en 1969 et en 1970 et ils nous disaient: On nous a créé des emplois, mais on ne nous a donné aucun pouvoir. Le Parti libéral, même à ce moment-là, a tout fait pour laisser, dans la plus grande inertie possible, la situation de façon que ce soit le gouvernement fédéral qui contrôle tout de A à Z. C'est pourquoi j'appuie la motion d'aujourd'hui de tout coeur, d'autant plus que, dans mon comté, il y a quand même 28% d'immigrants, c'est-à-dire de gens qui ne sont pas nés ici. Il y en a 27% ou 28%.

Je pense que nous devons sincèrement nous occuper de ces gens, les intégrer à la communauté québécoise; les futurs immigrants doivent être intégrés et pas après quatre, cinq ou sept ans, mais dès leur arrivée. Je souhaite ardemment que le budget du ministère de l'Immigration soit augmenté, peut-être pas cette année, alors que les crédits sont déjà discutés. Evidemment, le budget global du gouvernement est très serré, mais j'espère que, dans un avenir prochain, le ministre de l'Immigration aura un budget beaucoup plus volumineux de façon à pouvoir prendre les mesures nécessaires pour bien accueillir les immigrants et par tous les moyens possibles, y inclus le genre de comités qu'on avait créés dans le temps et qu'il serait important de remettre sur pied.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le député de Richmond, en terminant.

M. Yvon Brochu

M. Brochu: En terminant, M. le Président, j'aimerais, avant qu'on passe au vote sur ma motion, remercier tous ceux qui y ont participé, tous ceux qui ont pris la parole ce matin: je les ai écoutés avec beaucoup d'attention. J'aimerais aussi souligner qu'il me fait plaisir de voir que tous ceux qui sont présents appuient cette motion. Je voudrais remercier, de façon particulière, mon chef, le député de Lotbinière, le chef de l'Union Nationale qui s'est déplacé ce matin, vu l'importance de la question, afin d'être présent à nos délibérations.

Je désirerais en même temps souligner que dans ce cadre, je suis content de faire partie de l'Union Nationale, de cette tradition nationaliste qui s'inscrit au Québec et qui respecte, en même temps, les cadres déjà établis. Je suis aussi content d'un point qu'on a soulevé et je me permets de le souligner ici, la question du nouveau style d'opposition. J'ai eu l'occasion de faire partie de l'Assemblée, non pas de la précédente mais de l'autre, c'est-à-dire que, de 1973 à 1976, j'ai sauté mon tour, je peux donc comparer la Chambre d'alors et la Chambre d'aujourd'hui.

Je suis vraiment content de voir de quelle façon nos travaux parlementaires généralement se font. A l'occasion on peut ne pas être d'accord, on peut se le dire, on peut travailler de façon très ouverte. Par contre, lorsqu'il y a des points sur lesquels on peut avoir une unanimité, je suis content de l'attitude du chef de l'Union Nationale et mes collègues dans ce sens, on appuie un sujet ou un point ou une motion ou un projet lorsqu'il est en accord avec nos convictions. On ne se met pas à faire de l'obstruction systématique pour dire que, parce que cela vient de l'autre côté de la Chambre, ce n'est pas bon. Disons que c'est ce que j'ai vu traditionnellement; lorsqu'une idée naissait d'un côté de la Chambre elle était bonne et la même idée serait venue de l'autre bord qu'elle n'aurait pas été bonne.

C'est dans ce sens que j'ai vu un changement s'effectuer. En ce qui nous concerne, c'est dans cette ligne de travail qu'on s'inscrit. Je suis heureux de voir l'attitude de mes collègues et du chef de l'Union Nationale pour arriver à régler des problèmes. Je suis de ceux qui croient que ce n'est pas en se battant les uns contre les autres qu'on va régler des situations, mais peut-être en se battant ensemble contre des problèmes qu'on va arriver à régler des situations.

On a peut-être, à l'occasion, des modes d'approche différents ou des solutions différentes à proposer; alors, on ne sera pas toujours d'accord, ne vous mettez pas cela dans l'idée. Cependant on va...

M. Couture: Ce n'est pas mauvais non plus d'être toujours d'accord.

Une Voix: ...

M. Brochu: Oui, c'est-à-dire je n'ai pas répondu au ministre...

M. Couture: Oui au référendum! Une Voix: Négociation rapide.

M. Brochu: II y a deux questions en même temps. Mais c'est, je pense, seulement de cette façon qu'on va réussir à faire évoluer des situations, qu'on va réussir aussi à régler des problèmes, pas en se cloisonnant derrière le fait qu'on est dans un parti ou dans un autre, pas en fuyant non plus mais en regardant les situations en face, honnêtement, en prenant les positions que l'on croit bonnes selon les circonstances.

On en aura des suggestions à apporter ici au ministère de l'Immigration comme dans d'autres secteurs aussi. J'espère que le gouvernement prendra bonne note de ces suggestions aussi et il pourra les faire siennes à l'occasion pour améliorer nos lois et la situation générale au Québec. Je pense qu'il existe deux tendances de façon générale dans le monde. C'est peut-être un petit peu

deux lois qui s'affrontent; il y a peut-être celle de prendre et celle de donner. Lorsqu'on se cloisonne dans un parti politique derrière une idée et qu'on s'oppose à l'idée d'un autre, même si on sait qu'elle est bonne, je pense qu'à ce moment-là on s'inscrit peut-être plus dans la ligne de prendre et de vouloir, pour d'autres raisons, accaparer soit la presse ou l'opinion publique pour donner bonne bouche, pour maintenir en vie un parti. Mais ce qui est bien plus important que de maintenir en vie un parti, c'est peut-être de maintenir à une bonne allure la province de Québec. Je pense que c'est dans cette optique que nos travaux s'inscrivent.

J'ai présenté cette motion et je vous remercie, M. le Président, de m'avoir donné l'occasion de souligner mon appréciation pour les membres de la commission parlementaire.

Vote sur la motion

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'appelle maintenant le vote de la motion qui se lit ainsi: Que les membres de la commission appuient les prises de position du ministre de l'Immigration sur la juridiction du Québec en matière d'immigration notamment en ce qui concerne la maîtrise de la sélection des immigrants sur le territoire du Québec.

Or, en vertu de l'article 149, le vote en commission a lieu à main levée, à moins qu'en commission un membre demande l'enregistrement des noms.

Vote enregistré.

M. Biron (Lotbinière)?

M. Biron: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Bisaillon (Sainte-Marie)?

M. Bisaillon: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Brochu (Richmond)?

M. Brochu: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Blank (Saint-Louis)? M. Chevrette (Joliette)?

M. Chevrette: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Couture (Saint-Henri)?

M. Couture: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Laberge (Jeanne-Mance)?

M. Laberge: Pour la motion.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Forget (Saint-Laurent)? M. Johnson (Anjou)?

M. Johnson: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Gosselin (Sherbrooke)? M. Jolivet (Laviolette)?

M. Jolivet: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Lacoste (Sainte-Anne)?

M. Lacoste: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Marcoux (Rimouski)? M. Bertrand (Vanier)?

M. Bertrand: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Lefebvre (Viau)?

M. Lefebvre: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce)? M. Pagé (Portneuf)? M. Roy (Beauce-Sud)? La motion du député de Richmond est adoptée à l'unanimité des membres présents. Les travaux de la commission sont ajournés sine die.

(Fin de la séance à 12 h 51)

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