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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le lundi 20 février 1984 - Vol. 27 N° 256

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur le projet de loi 42 - Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles


Journal des débats

 

(Dix heures huit minutes)

Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons débuter la séance de la commission élue permanente du travail qui a comme mandat d'entendre les représentations des personnes et des groupes intéressés au projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Les membres de cette commission sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Cusano (Viau), M. Dean (Prévost), M. Fréchette (Sherbrooke), Mme Harel (Maisonneuve), M. Lafrenière (Ungava), M. Lavigne

(Beauharnois), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Léger (Lafontaine), M. Mathieu (Beauce-Sud), M. Polak (Sainte-Anne) et M. Baril (Arthabaska).

Les intervenants sont: M. Champagne (Saint-Jacques), M. Champagne (Mille-Îles), M. Fortier (Outremont), M. Leduc (Fabre), M. Pagé (Portneuf), M. Payne (Vachon), M. Proulx (Saint-Jean) et M. Vaugeois (Trois-Rivières).

Nous avons à l'ordre du jour, aujourd'hui, en premier lieu, la Centrale de l'enseignement du Québec, à 10 heures; à 15 heures, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux et, à 20 heures, nous avions la Société nationale de l'amiante, mais le secrétariat a reçu, le vendredi, 17 février, à 17 h 07, un télégramme qui se lit comme suit: "Secrétariat des commissions permanentes, hôtel du Parlement, rez-de-chaussée, chambre 11, Québec. Messieurs, nous avons déposé un mémoire dans le cadre de la commission parlementaire étudiant le projet de loi 42 pour dépôt seulement. En conséquence, nous ne souhaitons pas être entendus le 20 février 1984, à 20 heures. Bien vôtre, Benoît Cartier, secrétaire, Société nationale de l'amiante." Nous aurons également le Poste transport de vrac, région 08 Inc. Ceci est l'ordre du jour de la journée. Nous allons maintenant demander, puisqu'ils sont déjà à la table, au porte-parole de la Centrale de l'enseignement du Québec de bien vouloir se présenter et de présenter ceux qui l'accompagnent.

CEQ et SPGQ

M. Johnston (Raymond): Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord mentionner que nous comptons faire cet avant-midi devant la commission parlementaire une représentation conjointe CEQ-SPGQ. La délégation ici présente tient compte de cette représentation des deux groupes. À ma gauche, M. Daniel Giroux du SPGQ, M. Jean-Guy Leduc, employé-conseil à la centrale, chargé du dossier santé-sécurité. À ma droite, Jacques Tremblay, employé cadre à la centrale, chargé du programme regroupant, entre autres, les questions de santé et de sécurité, et M. Jean-Pierre Dugas, responsable au SPGQ du dossier santé-sécurité. Mon nom est Raymond Johnston, vice-président de la Centrale de l'enseignement du Québec.

Le Président (M. Rancourt): Merci, M. Johnston. Voulez-vous vous rapprocher du microphone, s'il vous plaît? Nous avons beaucoup de difficulté à vous entendre.

M. Johnston: C'est un problème habituel dans mon cas. M. le Président, nous avons procédé à une étude attentive du projet de loi 42, à plusieurs niveaux, et nous avons une opinion qui n'est pas très favorable à ce projet de loi, malgré qu'il ne s'agit pas, dans notre cas, d'un parti pris d'opposition systématique aux positions gouvernementales qui nous sont soumises de façon générale. Mais tout cela s'inscrit dans la continuité des positions que nous défendons depuis 1977, notamment à l'intérieur du mémoire commun CSN-CEQ qui avait, à ce moment-là, été déposé au gouvernement. Les principes qui étaient véhiculés à l'intérieur de ce mémoire commun sont encore les principes qui nous inspirent.

Cependant, comme ce mémoire commun s'était attiré des commentaires très élogieux et que ces principes que nous véhiculions en 1977 ne sont pas repris à l'intérieur du projet de loi 42, nous sommes obligés de considérer que le gouvernement, qui considérait à ce moment de façon très sympathique les recommandations formulées, a, lui, probablement évolué dans un sens contraire depuis ce temps.

Les principes de base que nous défendons sont ceux que nous avons défendus autour de plusieurs autres projets de loi. Ils se ramènent essentiellement à la défense et à la promotion de droits égaux pour toutes les personnes humaines en ce qui a trait à leurs besoins fondamentaux. C'est dans cet esprit également que nous avons combattu les lois d'exception et les mesures arbitraires, que nous avons revendiqué la

formulation de droits dans des textes législatifs clairs et l'inscription dans la constitution du Québec des droits les plus fondamentaux. C'est dans cette même perspective que nous nous sommes opposés à une trop grande extension du pouvoir réglementaire au détriment du pouvoir législatif ordinaire.

Dans cette même perspective, de la loi des mesures de guerre du gouvernement fédéral à la loi 111 du gouvernement péquiste, nous avons toujours protesté contre la suppression ou la mise en veilleuse des droits et libertés de la personne. On pense qu'il est encore temps et encore important de réaffirmer et de défendre les droits démocratiques classiques. Cependant, pour la majorité de la population...

M. Polak: Excusez-moi, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: C'est la première fois, je pense, qu'on voit le mémoire. Êtes-vous en train de lire votre mémoire?

M. Johnston: Non.

M. Polak: Parce qu'il serait plus facile de vous suivre si vous nous disiez: On est à telle ou telle page.

M. Johnston: D'accord, je suis rendu à la page 3, M. le député. Alors, je l'indiquerai.

M. Polak: Merci.

M. Johnston: Je disais donc que, pour la majorité de la population, cependant, comprenant les travailleuses et travailleurs et également les personnes en situation économiquement défavorisée, il faut lier aux droits démocratiques classiques des droits économiques et sociaux que nous considérons comme fondamentaux. (10 h 15)

À la page 4, M. le Président, plus spécifiquement en regard des problèmes de santé et de sécurité du travail, nous revendiquons notamment pour la travailleuse et le travailleur le droit de ne subir aucune perte de revenu, à aucun moment, à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. Nous revendiquons également le droit au remboursement de tous les frais directs et indirects qui lui sont occasionnés par le fait d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle; le droit à une juste indemnité compensatoire pour les dommages matériels, physiques, psychiques, affectifs ou moraux, ainsi que pour les préjudices esthétiques, les douleurs et les pertes de jouissance de la vie qui résultent directement ou indirectement d'une lésion professionnelle; également, le droit de choisir librement son médecin, aussi bien à l'étape du disgnostic qu'à celui du traitement. Nous reviendrons sur cette question que nous considérons comme fondamentale. Nous revendiquons le droit également à ce que les compensations qui lui sont dues et les mesures qui s'imposent à son cas soient établies sur la base du diagnostic de son médecin traitant; le droit à une pleine accessibilité aux soins et aux services de santé; le droit à la confidentialité des dossiers médicaux; le droit de faire établir, par une instance distincte et indépendante, la nature et l'étendue de ses droits; également, une procédure adéquate d'appel qui soit rapide, efficace, indépendante de toute décision de la CSST et, le cas échéant, le droit au remboursement des frais encourus à l'occasion d'un appel de décision; le droit à la réadaptation, au recyclage et au perfectionnement sur une base de gratuité complète chaque fois qu'ils sont requis à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professsionelle; le droit de réintégrer son emploi dès que, sur la base du diagnostic de son médecin traitant, la travailleuse ou le travailleur est jugé apte à reprendre son emploi; le droit de refuser sur la base du diagnostic de son médecin traitant, toute intégration prématurée au travail ou toute réintégration qui ne lui convient pas compte tenu de son état de santé. Nous aurons l'occasion d'expliquer un peu plus ces principes de base qui animent l'ensemble de notre mémoire.

À la page 7, en ce qui a trait à la formulation des droits, on remarque que ceux-ci sont toujours limités comme s'il était entendu de façon plus ou moins formelle que la travailleuse ou le travailleur lésé est plus ou moins coupable des accidents du travail ou des maladies professsionnelles dont il est victime. Il y a une notion de responsabilité du travailleur ou de la travailleuse qui semble découler et de la législation actuelle et du projet de loi que l'on a devant nous.

En ce qui a trait aux pouvoirs de la CSST, on a critiqué le fait que cet organisme, pratiquement sans contrôle, puisse définir lui-même ses propres obligations. En pratique, la CSST assume dans le domaine de la réparation des lésions professionnelles à la fois un pouvoir législatif délégué, un pouvoir exécutif et administratif et un pouvoir quasi judiciaire. La loi lui reconnaît, en effet, le droit de faire des règlements, le droit de décider elle-même des gestes qu'elle doit poser en diverses circonstances, notamment des indemnisations qu'elle doit payer, et le droit de juger le bien-fondé des réclamations des travailleuses et travailleurs lésés.

Dans toutes ces fonctions de la CSST, on pense qu'il y a là un appareil de pouvoirs excessifs qui soumet, de façon générale, les

victimes des lésions professionnelles à un pouvoir quasi arbitraire. En page 8, M. le Président, les droits mêmes limités qui sont reconnus par la loi aux travailleuses et travailleurs lésés sont bien aléatoires si les obligations correspondantes ne sont pas définies de façon rigoureuse. Mettons en relation les droits qui sont reconnus aux travailleuses et travailleurs et la juridiction de la CSST. On se rend bien compte que, dans la plupart des cas, la CSST a un pouvoir important de limiter, d'encadrer l'exercice des droits prévus dans la loi.

Le régime actuel a été décrit, et c'est aussi notre avis, comme un régime de protection pour les employeurs parce que, même si, dans certains cas, la loi protège les victimes dans les cas où les patrons devenaient insolvables ou disparaissaient, il reste que, dans la majorité des cas, c'est le patron qui tire avantage de la situation actuelle puisque les victimes n'ont pas de droits impératifs, c'est-à-dire des droits formels, indépendants de la CSST, alors que les employeurs bénéficient d'une immunité générale en retour du paiement de leurs cotisations.

Je vous signale au passage que notre mémoire, à la page 10, cite un extrait important d'un livre blanc du ministre Marois avec lequel nous serions d'accord et je continue à la page 11, Le ministre du Travail déclare au sujet de la loi actuelle qu'elle "est inadéquate, voire paralysante par les difficultés d'application de certains articles litigieux." Nous faisons remarquer au ministre que ce qui rend la loi actuelle paralysante du point de vue des victimes, c'est précisément la trop grande extension des pouvoirs arbitraires de la CSST et que certains articles ont la réputation d'être litigieux parce que la CSST refuse de les appliquer.

À l'analyse, le projet de loi 42 non seulement ne reconnaît pas les droits revendiqués qu'on a énumérés auparavant, non seulement ne réduit pas le pouvoir arbitraire de la CSST, mais, en plus, il amène des reculs dans la reconnaissance des droits et accentue les pouvoirs de la CSST. Nous reconnaissons, cependant, que certains droits nouveaux seraient, en principe, reconnus par le projet de loi, mais ils ne compensent pas les reculs et ils demeurent aléatoires comme les anciens droits puisqu'ils dépendent toujours d'un large pouvoir discrétionnaire attribué à l'organisme qui gère les fonds et aussi des tracasseries prévues et expressément autorisées par la loi.

Après cette analyse sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir plus longuement, nous avons la quasi-conviction que ce projet devrait être modifié de fond en comble pour respecter les objectifs que nous poursuivons. Il ne nous apparaît pas facile de le faire mais nous croyons qu'il est nécessaire de le faire. À moins que cela ne soit modifié dans le sens indiqué, nous avons l'intention de combattre le projet de loi 42 et d'en exiger le retrait en considérant que le gouvernement devrait reprendre l'exercice à zéro pour écrire un nouveau projet de loi visant comme objectif prioritaire à remettre, dans toute la mesure du possible, la victime d'une lésion professionnelle et ses dépendants dans l'état où elle aurait normalement été si elle n'avait pas subi cette lésion et cela, non seulement au moment où survient la lésion, mais tout au cours de leur vie. Il faut viser une réparation la plus totale et la plus complète possible. S'il n'est pas possible de rétablir intégralement la santé et la capacité de la victime, à tout le moins doit-elle être assurée de recevoir au moins un revenu équivalent à celui qu'elle devrait normalement toucher compte tenu des augmentations salariales et des possibilités de promotion ainsi que de tous les avantages sociaux. Elle doit également être indemnisée correctement sur les dommages physiques, psychiques, affectifs et moraux qu'elle subit. Le remplacement du revenu et les autres indemnisations doivent être établis comme des droits stricts et la victime doit disposer de moyens réels et adéquats de les revendiquer, le cas échéant, à l'encontre de l'organisme qui a le devoir de les lui verser. La victime doit aussi avoir droit à la réadaptation, droit à la réintégration de son poste de travail au moment où elle est capable et droit de refuser toute réintégration prématurée. La victime doit cesser d'être traitée comme un coupable.

La responsabilité de l'entreprise en matière d'accidents et de maladies du travail doit être pleinement reconnue et pleinement assumée. La CSST doit cesser de chercher à économiser les cotisations patronales sur le dos des victimes des lésions professionnelles. La CSST doit se voir retirer son pouvoir discrétionnaire dans l'accomplissement des obligations qui découlent des droits des victimes. Celles-ci, les victimes, doivent être traitées sans discrimination, notamment en ce qui a trait au choix du médecin et au secret du dossier médical. Les patrons ne doivent plus avoir le droit, ni la possibilité de fouiller dans les dossiers des victimes de l'incurie des employeurs ou de freiner l'application des mesures de réparation. Donc, nous recommandons que le projet de loi 42 soit modifié dans le sens des objectifs énoncés et des recommandations qui suivront; sinon, qu'il soit retiré et qu'on reprenne l'exercice de la rédaction d'un projet de loi à zéro à partir des objectifs que nous énonçons.

Je suis rendu à la page 15, M. le Président, et je vais essayer d'accélérer. Concernant le champ d'application de la loi, nous relevons quelques problèmes dont trois

que nous voudrions souligner à l'attention de la commission parlementaire. Le premier concerne la définition du mot employeur qui exclut les domestiques. Nous croyons que les domestiques, ayant maintenant eu une reconnaissance de salariés, au moins au sens d'une autre loi du même gouvernement, devraient pouvoir bénéficier d'une protection complète et ne devraient plus être assimilés à des travailleurs autonomes.

Deuxième problème que nous voulons vous souligner, c'est la situation des étudiants et des étudiantes à l'intérieur du réseau scolaire à tout niveau. Nous croyons que les étudiants et les étudiantes devraient être considérés, pour les fins de l'application du projet de loi 42, comme des travailleurs à l'emploi de l'institution qu'ils fréquentent de façon qu'en cas d'accident ou de maladie contracté à l'occasion de leurs études, par le fait de leurs études, par le fait des activités liées à leurs études, ils puissent bénéficier d'une protection complète par le projet de loi 42.

La situation que vivent actuellement les étudiants et les parents est particulièrement odieuse quand il se produit un accident en milieu scolaire. Ce qui arrive le plus fréquemment, c'est que, dans les options professionnelles, pour obtenir une quelconque compensation, les étudiants et les parents en leur nom doivent poursuivre conjointement la commission et, dans certains cas, l'enseignant qui dispensait le cours ou qui était responsable de l'activité. Il doit y avoir, dans ces cas, une certaine forme de responsabilité qui est établie par les tribunaux pour que les étudiants et leurs parents puissent songer à obtenir une quelconque réparation à la suite d'un accident qui survient pendant les études. Nous pensons qu'il y a lieu de couvrir cette situation par l'application d'une loi sur les accidents et les maladies du travail compte tenu du fait que la situation d'un étudiant est, à bien des égards, assimilable à celle d'un travailleur. (10 h 30)

Je suis rendu à la page 18, M. le Président. L'autre difficulté que nous avons relevée dans ce chapitre concerne le cas des bénéficiaires des services sociaux et des services de santé qui font à l'intérieur de leur programme de traitements ou à l'intérieur des institutions où ils sont placés des activités assimilables à du travail dans le cadre de programmes de réadaptation. Le projet de loi 42 prévoit - à l'article 16, je pense - que ces personnes pourraient éventuellement être couvertes par les dispositions de la loi, dans la mesure où il y aurait une entente entre l'institution et la CSST. Nous pensons que ces personnes devraient automatiquement être couvertes de la même façon que les personnes qui doivent faire des travaux communautaires à la suite d'un jugement de la cour.

Je voudrais vous souligner deux cas particulièrement pénibles qui méritent l'attention. Les jeunes qui sont placés dans des centres d'accueil qui doivent, à l'occasion, soit sous prétexte de participer à un programme de réadaptation, soit encore parce que le centre d'accueil veut se donner une certaine marge d'autonomie financière, exécuter des travaux qui sont assimilables à ceux qui peuvent être accomplis par des travailleurs. Il n'est pas normal que ces personnes qui sont placées dans des centres d'accueil, qui pourraient être victimes d'un accident à l'occasion de ces travaux ne soient pas couvertes par des dispositions qui leur permettent au moins une situation équivalente à celle qui aurait été la leur si l'accident ou la maladie avaient été subis à l'occasion d'un travail rémunéré. La même situation - et là, je pense que c'est encore plus dramatique - se produit dans le cas, entre autres, des psychiatrisés qui, dans beaucoup d'hôpitaux psychiatriques, font des travaux de toute nature sous prétexte d'un plan de réadaptation ou de rééducation. Je pense qu'il ne devrait pas y avoir de latitude à ce qu'ils soient couverts ou non par la loi. Le gouvernement devrait prendre la responsabilité de les faire couvrir sans autre forme de procès.

Ceci m'amène à la page 20. Tout le monde sait, M. le Président, que la connaissance des risques à la santé auxquels sont exposés les travailleuses et les travailleurs dans l'exercice de leurs fonctions est très incomplète. Pour nous, toute définition de lésions professionnelles, de maladies professionnelles ou de maladies du travail qui comporterait la moindre limitation dans son extension et dans son acception risque de placer un bon nombre de travailleurs dans la situation d'avoir à porter un fardeau de preuve exagéré dans l'application d'une loi comme celle-ci. Le gouvernement et probablement certains de ses conseillers ont examiné une façon de contourner les difficultés des travailleurs en disant: Établissons une présomption pour certains cas qu'on va lister en annexe à la loi et, pour les autres cas, c'est le travailleur qui fera la preuve. On pense qu'il y a là aussi des problèmes importants. Le gouvernement, je crois - et un livre blanc antérieur du ministre Marois le démontrait -est conscient aussi du fait que les risques liés au travail ne sont pas tous connus. Il y a tellement de nouveaux produits en circulation, il y a tellement de conséquences des processus de production qui sont inconnus, il y a tellement de conséquences des produits qui sont utilisés dans les processus de production qui sont inconnus que ce n'est pas normal de s'en remettre à une liste qui serait prétendument exhaustive jusqu'à ce qu'elle ait été élargie par une instance paritaire comme la CSST avec les

difficultés que tout le monde connaît là-dedans.

On n'a pas d'objection à ce qu'il y ait une liste - c'est à la page 22 - mais à la condition expresse que la liste ne soit qu'une référence complémentaire et que ce soit la définition large de lésions professionnelles ou de maladies professionnelles qui prime de façon absolue. Par la jonction de l'idée d'une liste en annexe et des dispositions de l'article 29 de la loi on pense que l'utilisation de ce mécanisme amène une interprétation restrictive, une portée restrictive des droits et que cela peut même amener, finalement, une espèce de présomption à savoir qu'une maladie qui n'est pas listée n'est pas une maladie professionnelle.

Par ailleurs, à l'examen de la liste - je suis au bas de la page 22- on a noté même que cette liste par rapport à des listes antérieures comportait un certain nombre de reculs. À titre d'exemple, le règlement sur les maladies professionnelles reconnaît les maladies causées par les vibrations de façon générale, tandis que l'annexe limite cette reconnaissance aux seules vibrations d'un outil manuel. Nous avons la conviction que la plupart des maladies du travail ne sont pas mentionnées dans la liste parce qu'elles ne sont tout simplement pas toutes inventoriées. Elles ne sont pas toutes inventoriées parce qu'on vit aussi dans un système où la plupart des médecins n'ont pas une formation suffisante pour être en mesure de faire les liens entre les conditions dans lesquelles s'exerce un emploi et les maladies dont sont atteints la majeure partie de leurs patients. En règle générale, les médecins de compagnie ont une bonne connaissance des choses, mais leur connaissance est utilisée pour camoufler les maladies industrielles et plus spécialement les liens qui existent dans la réalité entre les maladies du travail et le travail lui-même.

Du côté de la CSST il y a aussi une armée de médecins. Des équipes médicales de la CSST ont le mandat plus ou moins explicite de réduire les coûts d'indemnisation, donc, indirectement d'aider les employeurs à limiter leurs propres coûts dans l'application de la loi. Si on veut établir un certain équilibre - c'est le milieu de la page 24 - il faut de toute nécessité inverser la règle qui fait porter à la victime le fardeau d'une preuve ayant de telles implications techniques. À notre avis, cela suppose, d'une part, que les définitions soient refaites pour que les termes "lésions professionnelles" et "maladies professionnelles" soient beaucoup plus englobants, d'autre part, que la loi crée une présomption en ce sens qu'une maladie contractée par une travailleuse ou un travailleur alors qu'il ou elle est en service actif pour un employeur a été contractée au travail et constitue une maladie professionnelle. Il appartiendra, le cas échéant, à l'employeur de démontrer hors de tout doute raisonnable que la maladie ne peut avoir été contractée ni par le fait ni à l'occasion du travail et qu'elle n'est pas reliée aux risques du travail. Il faudra, bien sûr, que cette démonstration soit faite à la satisfaction d'une instance indépendante des patrons et, à notre point de vue, indépendante de l'appareil de la CSST.

La maladie professionnelle est définie dans le projet de loi 42 comme "une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail." C'est très compliqué comme définition. Cela veut dire qu'une maladie contractée par le fait du travail, mais qui ne serait pas caractéristique du travail à l'occasion duquel elle a été contractée et qui ne serait pas directement reliée aux risques particuliers de ce travail ne serait pas une maladie professionnelle. Cela pose certaines difficultés qui sont incompréhensibles pour du monde ordinaire et même pour du monde qui a une certaine culture. À l'inverse, une maladie caractéristique d'un travail particulier n'est pas une maladie professionnelle s'il n'est pas établi qu'elle a été contractée par le fait ou à l'occasion du travail. Donc, qu'on retourne cette définition dans un sens ou dans l'autre, on se retrouve toujours avec un certain nombre d'obstacles, nonobstant une certaine forme de présomption qui est établie par l'article 28 en liaison avec l'annexe.

Comme on le voit à la page 26, la définition risque d'être interprétée de façon plus restrictive que ce que laisse entendre le gouvernement, particulièrement lorsqu'il s'agira de maladies non énumérées à l'annexe A. On sait que c'est l'appareil de la CSST qui sera chargé d'interpréter cette définition.

En Suède - il arrive quelquefois que le gouvernement se réfère à ce qui se passe en Suède - la Loi sur l'assurance contre les lésions professionnelles englobe sous l'expression "lésions professionnelles" toute lésion résultant d'un accident ou d'autres effets nocifs du travail. De plus, la loi établit la présomption générale que toute maladie qui affecte la travailleuse ou le travailleur a été causée par le travail. Il appartient, dans ce contexte, à quiconque veut contester cette présomption d'établir la preuve du contraire. Voilà un concept large de lésions professionnelles qui vise à protéger les victimes plutôt qu'à épargner les cotisations des employeurs. Nous croyons que c'est dans cette voie qu'il faut s'orienter. Il faut refaire la définition de la maladie professionnelle et étendre à toutes les maladies professionnelles la présomption que l'article 28 établit à l'égard des seules maladies qui sont énumérées à l'annexe A. Dans ce contexte, nous formulons des

recommandations que vous retrouvez à la page 27 et qui sont en lien direct avec le court exposé que je viens de vous faire sur cette question.

Page 28, au sujet des articles 30 et 31 du projet de loi 42. D'abord, l'article 30. On remarque qu'il ne crée aucune obligation à la CSST, mais qu'il lui accorde un pouvoir discrétionnaire d'intervention en certains cas; qu'il n'autorise la CSST à intervenir qu'en faveur d'une personne atteinte d'une maladie visée dans l'annexe A à la condition que la personne produise un certificat médical, etc. L'article 30 ne reconnaît pas un droit strict de retrait préventif à la personne atteinte d'une maladie visée dans l'annexe A, mais seulement le droit de soumettre son cas à la CSST avec l'espoir que la CSST daigne tenir compte de son état et intervienne en sa faveur. Il n'autorise pas, non plus, la CSST à intervenir en faveur d'une personne atteinte d'une maladie autre que celles visées dans l'annexe A. Cela crée donc deux catégories de victimes, mais davantage l'entonnoir se rétrécit encore par l'article 31.

En vertu de l'article 31, la travailleuse ou le travailleur ne peut cesser de travailler qu'avec l'autorisation de la CSST, laquelle accordera ou refusera son autorisation en tenant compte du fait que la personne qui cesse de travailler avec son autorisation a droit à l'indemnité de remplacement du revenu. Nous croyons que la CSST dans des cas comme ceux-là est comme placée en situation de conflit d'intérêts. Comme gardienne des cotisations patronales, elle a avantage, compte tenu de cette vocation, à réduire les coûts et comme prétendue protectrice des travailleuses et travailleurs accidentés, elle aurait avantage à ce que la règle du retrait préventif soit appliquée dans tous les cas où elle devrait normalement s'appliquer. Il y a donc un drôle de conflit, ce qui rend, à notre point de vue, les droits qui y sont énoncés très aléatoires et qui risque même d'occasionner certains reculs en regard de la Loi sur la santé et la sécurité du travail pourtant proposée par le même gouvernement. (10 h 45)

Compte tenu de ce que nous avons dit, nous recommandons que les articles 30 et 31 du projet de loi soient retirés et que la loi reconnaisse clairement le droit pour toute victime d'une exposition à un contaminant de quitter le travail et d'être indemnisée sur présentation d'un certificat médical attestant qu'elle est effectivement victime d'une telle exposition.

Page 31, M. le Président, sur les indemnités. Certains changements apparai-sent dans le projet de loi 42 comparativement au régime actuel, mais, selon nous, le projet de loi répond au même principe que le régime actuel, c'est-à-dire au principe qu'il faut reconnaître comme partiellement responsable de sa lésion professionnelle la travailleuse ou le travailleur et qu'il faut donc pour cela le pénaliser. Nous avons toujours été contre ce principe et nous continuerons de lutter contre le principe qui veut qu'on fasse payer au travailleur une partie des coûts liés à son accident ou à sa maladie professionnelle parce qu'on le considérait comme étant partiellement responsable.

Nous croyons que c'est l'employeur qui commande le travail; non seulement il le commande, mais il l'organise, c'est lui qui choisit les processus de production, c'est lui qui choisit le matériel utilisé, c'est lui qui choisit avec ou sans enquête préalable les nouveaux produits qu'il va intégrer dans le processus de production, c'est aussi lui qui recueille les fruits les plus déterminants du travail qui est fait par les travailleurs dans son entreprise. Compte tenu du fait que les travailleurs n'ont aucune prise sur l'organisation interne du travail dans les entreprises, nous croyons que c'est l'employeur qui doit assumer intégralement les risques du travail.

Jamais nous ne reconnaîtrons la justification d'une loi fondée sur le principe que la victime d'une lésion professionnelle doive être financièrement pénalisée à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. Même si on considérait la pénalisation comme un ticket modérateur qui viserait à inciter la victime d'une lésion professionnelle à continuer de travailler ou à vouloir retourner travailler le plus tôt possible, on pense que cela serait aberrant parce que ce serait placer le travailleur dans la situation de courir le risque d'empirer son état dans les cas où il y a maladie professionnelle.

Le projet de loi, en plus de limiter le remplacement à 90% du revenu net et de ne pas suivre l'évolution du revenu tel qu'elle aurait dû se produire n'eût été l'interruption de carrière, prévoit un maximum assurable. Nous croyons que cette règle des 90% et cette règle complémentaire d'un maximum assurable sont des façons de traduire le principe que la victime est responsable de ce qui lui est arrivé puisqu'elle n'a pas droit à une indemnisation complète.

Nous allons donc dans le sens d'une véritable politique de remplacement du revenu, de la suppression du maximum assurable, d'une indemnité de remplacement de 100% du revenu net, donc, faire sauter la pénalité de 10%; que cette indemnité tienne compte également des augmentations salariales dont le travailleur aurait pu normalement bénéficier s'il avait continué à travailler; que cette indemnité suive également l'évolution de la situation familiale de la victime. Puisqu'on parle de salaire net, il y a donc déduction en partant dans le calcul des impôts qui auraient été

normalement payés sur la base de la situation familiale et, si cette situation familiale évolue, il y a lieu d'en tenir compte dans la fixation de l'indemnité.

Il ne devrait pas y avoir, non plus, de revenus nets retenus qui soient inférieurs aux normes minimales du travail. Cela devrait s'appliquer également aux étudiants. Dans le cas des étudiants ou dans les cas des personnes âgées de moins de 18 ans à l'occasion de leur 18e anniversaire, nous pensons que l'indemnité de remplacement du revenu devrait être révisée pour tenir compte des perspectives de carrière qui auraient été leurs s'il n'y avait pas eu un tel accident.

Page 35 sur les indemnités pour dommages. Nous croyons que la victime d'une lésion professionnelle doit avoir droit à une indemnité pour dommages parce que le simple remplacement du revenu ne tient pas compte des séquelles physiques, psychiques, affectives, sociales et morales, non plus que des souffrances ou de la perte de la jouissance de la vie.

L'indemnité doit viser, cependant, à rétablir une certaine forme de justice. On a l'impression, à regarder les dispositions du projet de loi 42, que l'indemnité de dédommagement qui est prévue au projet de loi est plutôt conçue comme un moyen facile de se débarrasser d'une victime de lésions professionnelles: montant forfaitaire apparemment impressionnant. On lui offre donc un montant forfaitaire à la manière d'une prime de séparation comme pour l'inciter à oublier son droit à la réadaptation et à la réintégration au travail. On constate, de plus, que l'indemnité qui est proposée même comme montant forfaitaire constituerait une économie susbstantielle pour la CSST, donc pour les employeurs, si elle était appliquée. Il y a donc perte de droits dans ce cas pour les victimes et économie pour la CSST et pour les employeurs.

Page 36: vous retrouverez les recommandations que nous articulons autour de cela. Nous allons dans le sens du maintien du régime actuel en l'améliorant et en laissant aux travailleurs le choix entre une rente à vie selon le régime actuel et un montant forfaitaire équivalent sur une base actuarielle. Nous ne voulons pas, cependant, que la formule d'un montant forfaitaire soit imposée.

Page 37: nous sommes surpris également de constater que, dans les cas de décès d'une victime de lésions professionnelles, il n'y a pas de mesures satisfaisantes à l'égard du conjoint et dépendants survivants. Nous pensons qu'il y a lieu de prévoir des indemnités raisonnables au conjoint et dépendants survivants. À la lecture du projet de loi 42, on constate qu'il y aurait discrimination en fonction de l'âge ou de l'état civil, que les rentes sont partielles, beaucoup trop basses et souvent inférieures aux prestations d'aide sociale.

Nous allons dans le sens de maintenir l'indemnité de remplacement du revenu à 100% au conjoint de la victime décédée pour les trois premières années; par la suite, une rente au conjoint survivant qui devrait être maintenue sa vie durant sans restriction liée à son âge ou à son état civil; que l'ajustement de la rente tienne compte du revenu propre du conjoint survivant ou même du revenu de son nouveau conjoint s'il y a lieu; que cette rente ne soit jamais inférieure à 65% à compter de la quatrième année; qu'elle soit augmentée de 5% pour chaque enfant à charge. Nous pensons qu'il n'y a pas de raison pour que les survivants du travailleur atteint d'une lésion professionnelle soient pénalisés à cause d'un accident du travail ou du fait que ce travailleur a été atteint d'une maladie professionnelle qui cause finalement sa disparition.

Quant à d'autres dispositions concernant le remboursement de certains frais - et là, je suis rendu aux pages 38 et 39 notamment le remplacement ou la réparation d'une prothèse ou d'une orthèse, nous sommes d'accord avec le principe qu'il doit y avoir une compensation complète là-dessus, mais le projet de loi ne va pas jusque-là. En plus d'imposer un ticket modérateur, il permettrait à la CSST d'établir un montant maximum qui pourrait être applicable au remplacement ou à la réparation d'une prothèse ou d'une orthèse - et référons-nous au projet de loi - qui aurait été endommagée involontairement à l'occasion ou par le fait du travail. Le travailleur serait pénalisé dans ce cas-là. Nous trouvons que c'est assez dur à faire avaler à des travailleurs accidentés. Nos recommandations vont donc dans le sens de faire disparaître la possibilité pour la CSST d'établir un maximum applicable dans ce cas-là et de faire disparaître également la franchise qui est prévue dans le projet de loi.

Quant à l'assistance médicale - à la page 40 - nous pensons qu'un projet de loi satisfaisant en matière d'accidents et de maladies professionnelles devrait établir le rôle déterminant du médecin traitant choisi par la travailleuse ou le travailleur victime d'une lésion professionnelle. Quand on parle de rôle déterminant, on ne pense pas qu'on doive confiner le médecin traitant choisi par la victime à un simple rôle d'information de la victime. Dans l'état actuel des choses et même dans le projet de loi tel qu'il nous est présenté, c'est la CSST, par son bureau médical, qui détiendrait les pleins pouvoirs en matière médicale, malgré que, dans la réalité, on sait que les membres du bureau médical de la CSST, bien souvent, ne reçoivent pas la victime. Dans les cas où ils reçoivent la victime, ils ne l'examinent pas.

Ils jugent sur présentation du dossier presque exclusivement. Dans un système où on reconnaît de façon générale aux personnes accidentées - je ne parle pas des accidentés du travail et des personnes atteintes de maladies professionnelles - que la victime d'une maladie ou d'un accident à le droit de se faire traiter par le médecin de son choix, voilà que, dès qu'on aborde le chapitre des maladies du travail et des accidents du travail, il faut créer une exception à cette règle parce que cela risquerait d'échapper au contrôle d'un appareil administratif.

Le bureau médical de la CSST - je le disais auparavant - juge sur la présentation du dossier de façon presque exclusive, mais il juge aussi et il statue à partir de directives internes qui ne sont pas nécessairement l'application de la loi ou des règlements. C'est le bureau médical qui décide s'il y a un lien entre le fait accidentel déclaré et les symptômes ressentis par l'accidenté. C'est encore le bureau médical qui décide du temps d'arrêt du travail nécessaire à la guérison de chacun, de la nature et de la durée du traitement approprié, de la date du retour au travail, de l'acceptation ou du refus d'une rechute ou d'une aggravation, des restrictions médicales pour un nouvel emploi, du pourcentage d'incapacité physique permanente, de la part de séquelles attribuables à une condition personnelle préexistante, du besoin de réadaption de l'accidenté ou de son droit d'accéder à ces services. C'est beaucoup dans un régime où, règle générale, le patient a le droit de choisir son médecin. En vertu de ce régime et de ce contrôle, chaque jour, des accidentés se voient privés de leurs prestations parce que le bureau médical a décidé unilatéralement et à l'encontre de l'avis du médecin traitant qu'il n'y avait pas de lien entre l'accident qu'ils ont subi et les symptômes qu'ils ressentent. (11 heures)

Que veut donc dire pour la victime - je suis à la page 42 - d'une lésion professionnelle le droit de choisir son médecin si seul le médecin de la CSST a le pouvoir de statuer sur le diagnostic et sur le traitement? Nous croyons qu'il devrait exister une présomption à savoir que, jusqu'à preuve du contraire, c'est le diagnostic du médecin traitant qui rend compte de la situation réelle de la victime d'une lésion professionnelle et de ses besoins.

Plusieurs organismes, qui ont défilé devant une autre commission parlementaire, ont demandé la suppression de l'appareil médical de la CSST. Nous sommes d'accord avec cette revendication. La CSST devrait se contenter de vérifier l'authenticité du certificat médical et non juger elle-même de sa validité et non substituer son propre jugement à celui du médecin traitant.

Ceci nous amène aux recommandations de la page 44. Je signalerai tout de suite qu'on va probablement avoir tendance à nous apporter cet argument, mais, dans les cas où il y aurait indication de complaisance de la part du médecin traitant envers son patient -de toute façon, ce n'est pas lui qui paie le médecin - on pense qu'il s'agit là d'une question de déontologie professionnelle. Je signalerai à la présente commission que j'ai entendu, le 7 mars 1984, le ministre des Affaires sociales, M. Pierre-Marc Johnson, à l'émission Présent à l'écoute, répondre à une question concernant les coûts...

M. Fréchette: Le 7 mars 1984?

M. Johnston: Je m'excuse, le 7 février 1984. C'est une erreur que j'ai faite en prenant ma note, ce matin. Le ministre, Pierre-Marc Johnson, répondait à une auditrice qui lui demandait: N'y aurait-il pas lieu que vous trouviez un moyen de contrôler le coût des services médicaux? L'intervenante prétendait qu'un certain nombre de médecins faisaient beaucoup de références et qu'il y avait beaucoup de circulation dans le réseau médical pour parvenir à obtenir des soins. Le ministre Johnson, lors de cette entrevue, s'en est remis aux règles d'éthique professionnelle qui sont établies par les corps professionnels des médecins et les syndicats de médecins. Il se remet aux règles de déontologie professionnelle quand il s'agit de rémunération à verser aux médecins. Mais un gouvernement ne pourrait pas s'en remettre au code de déontologie quand il s'agit d'indemniser ou de réparer des maladies ou des accidents du travail. Il y a quelque chose d'un petit peu aberrant dans cette distinction.

Je suis à la page 45, M. le Président. Le droit du travailleur aux soins de l'établissement de santé et du professionnel de la santé de son choix inclut, à notre point de vue, le droit au respect du certificat médical émis par le médecin traitant du travailleur. La commission peut, cependant, à notre avis, déterminer la nature du rapport qu'elle exige de la part du professionnel qui est choisi par le travailleur ou la travailleuse.

En conséquence de ce que je viens de dire, vous comprendrez que nous recommandons que l'article 132 soit retiré, de même que les articles 32 à 35; nous recherchons que le rôle du médecin traitant devienne déterminant à tous niveaux et que les travailleurs aient droit d'accès à tous les établissements de santé pour les fins de leur traitement ou de leur réadaptation.

Au chapitre de la réadaptation - je vais y aller rapidement, M. le Président - la CSST se voit attribuer un pouvoir discrétionnaire d'appliquer des programmes de réadaptation qui, bien souvent, ne sont même

pas expliqués aux travailleuses et aux travailleurs concernés. Le système actuel, à notre avis, bien qu'il coûte relativement cher est encore inefficace. Un trop grand nombre de victimes de lésions professionnelles se retrouvent à la charge de l'ensemble de la société parce que les patrons et la CSST n'ont pas réussi ou n'ont pas voulu assumer correctement leurs responsabilités.

Le projet de loi semble vouloir établir le droit à la réadaption pour une victime de lésion professionnelle, mais quand on examine l'ensemble des articles du projet de loi 42, on se rend compte qu'il s'agit là d'une illusion. Il suffit de lire l'article 138 et l'article 141, de même que l'article 247 qui nie le droit d'appel en matière de réadaptation.

Selon nous, la CSST devrait faire tout ce qu'elle peut faire pour assurer la réadaptation des travailleurs à la suite de leur accident. Cela ne doit pas se faire de façon unilatérale. Il doit y avoir une information adéquate du travailleur victime d'une lésion professionnelle. Il doit aussi y avoir une participation du travailleur et du médecin traitant du travailleur à la détermination du programme de réadaptation.

Nous pensons aussi qu'il faut placer la perspective de la réadaptation dans le cadre d'un retour au travail, dans le cadre d'une perspective d'un véritable droit de retour au travail. Cela doit viser à réintégrer les victimes d'accidents dans la vie professionnelle, si possible de façon durable, en leur assurant une autonomie au moins aussi grande que celle qu'ils avaient avant d'être atteints de cette lésion, selon leurs capacités de travail et compte tenu de leurs aptitudes et de leurs préférences. Il y a là un progrès, mais nous pensons qu'en cette matière il y aurait lieu de se référer à certaines définitions du Bureau international du travail que nous donnons aux pages 50 et 51 en matière de réadaptation.

Sur l'indemnisation et le retour au travail, le projet de loi fait en sorte, quand on le lit bien, que le versement des indemnités de remplacement du revenu peut être réduit, suspendu, terminé, supprimé et ce, pour diverses raisons et circonstances. Le projet de loi reconduit le droit de la victime d'une lésion professionnelle de choisir son médecin, ainsi que l'établissement où elle recevra ses soins, mais il ne lui reconnaît pas le droit d'être compensée sur la base du diagnostic du médecin traitant. Il ne lui reconnaît même pas le droit d'être soignée selon le diagnostic et les prescriptions du médecin traitant. Ce projet de loi remet le pouvoir de décider de la santé des travailleuses et des travailleurs et de la capacité de ceux-ci de reprendre leur travail entre les mains du personnel médical de la CSST et du patronat. Il n'y a plus de contrôle, même indirect, du travailleur sur ces questions par le biais de son médecin traitant. J'attire votre attention sur les recommandations aux pages 54 et 55.

Une question qui nous apparaît importante, c'est le principe du droit de retour au travail. Ce principe apparaît dans le projet de loi 42 pour la première fois en matière d'accident du travail et de maladie professionnelle. Rapidement, à la lecture du texte du projet de loi, on se rend compte des limites et des restrictions qui sont imposées à l'application de ce principe puisqu'à notre avis cela devient un droit restreint à certaines personnes et un droit qui, dans bien des cas, ne trouverait aucun type d'application. Nous avons relevé que le projet de loi refusait, notamment, ce droit à tous ceux qui ont un contrat de travail de durée déterminée, à tous ceux qui n'ont pas au moins trois mois de service continu dans le même établissement, à tous ceux dont l'accident occasionne une absence de plus d'un an si l'entreprise compte moins de 20 travailleurs, à tous ceux dont l'accident occasionne une absence de plus de deux ans si l'entreprise compte plus de 20 travailleurs, à tous ceux qui ne peuvent reprendre le travail dans les cinq jours pour le même emploi ou les quatorze jours pour un autre emploi suivant la date fixée par la CSST. Toutes ces restrictions nous apparaissent complètement inadmissibles et extraor-dinairement injustes à l'endroit des victimes de lésions professionnelles. Plusieurs catégories de travailleurs sont exclues par cela: les travailleurs de la construction, les travailleurs de la forêt, les saisonniers, toutes les personnes qui sont dans l'incapacité d'accumuler trois mois de service continu dans un même établissement.

On pense qu'il y aurait lieu, notamment pour le secteur de la construction, de procéder comme il a été fait dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail de prévoir un régime particulier qui puisse leur être applicable et qui leur garantisse un droit de réintégration. Nous pensons que l'effort de réflexion du ministre et de son équipe devrait aussi porter sur la façon d'articuler ce droit pour les travailleurs et les travailleuses victimes d'une lésion professionnelle dont l'entreprise a été fermée ou a changé de vocation depuis le moment où ils ont été atteints d'une lésion professionnelle.

Quand on analyse les dispositions du projet de loi - je suis au bas de la page 57 - on constate que plus la blessure ou la maladie est grave, moins grande est l'obligation de l'employeur à l'égard de l'accidenté et plus le patron est petit et plus l'accident est gros, plus on voit facilement ses droits s'envoler. Ce que nous revendiquons, c'est l'application du droit de retour au travail à toute victime de lésions professionnelles jusqu'à ce qu'elle soit l'objet

d'une déclaration définitive d'invalidité totale et permanente. Ou on reconnaît un véritable droit de retour au travail - c'est dans ce sens-là que cela devrait être fait - ou on veut simplement créer une illusion de droit et à ce moment-là on persiste dans la ligne qui apparaît à l'intérieur du projet de loi 42.

On croit, cependant, qu'on ne doit pas confondre le droit de retour au travail avec le droit de l'employeur à forcer le retour prématuré au travail. Compte tenu des règles de recherche de profits qui valent dans la majeure partie des entreprises, dans toutes les entreprises dans le secteur privé, je pense qu'il y a là des risques importants et il n'y a pas lieu d'exposer les travailleurs victimes de lésions professionnelles à ces risques-là. Il n'y a pas lieu, non plus, d'imposer des châtiments ou des pénalités comme le prévoit le projet de loi 42, par exemple, quand une instance administrative comme la CSST aurait décidé que le travailleur, comme par hasard, serait assez réhabilité ou bien aurait assez de capacité résiduelle pour pouvoir occuper n'importe quel type d'emploi, définir le type d'emploi que le travailleur pourrait éventuellement occuper même si ce type d'emploi n'est pas disponible sur le marché du travail. Le projet de loi dit que, même dans ces cas-là, il y aurait coupure de l'indemnité de remplacement du revenu. On pense que le jeu du bâton et de la carotte ou le jeu de la récompense et du châtiment n'est pas acceptable dans un régime comme celui-là. (11 h 15)

À la page 60, nous croyons que personne n'a le droit de présumer qu'une personne atteinte de lésions professionnelles, si elle était demeurée en pleine possession de ses moyens, aurait cessé, à un moment donné, d'occuper tel emploi ou que, si elle l'avait perdu, elle n'aurait pas pu trouver un emploi au moins équivalent. À partir de ce principe, on croit qu'il doit y avoir comme objectif dans la réadaptation, de même que dans l'indemnisation d'assurer le retour au travail dans le même emploi ou dans un emploi assurant des revenus et des bénéfices équivalents pour l'accidenté du travail. Il n'y a donc pas lieu d'aller vers les mesures restrictives qui peuvent s'appliquer dès le début de la maladie professionnelle au sens du projet de loi 42, ni encore moins vers celles qui sont prévues comme pouvant s'appliquer à compter de la quatrième année.

Nous allons donc, en page 62, faire des recommandations qui vont dans le sens de retirer du projet loi les articles 75 à 80. Nous ne croyons pas nécessaire de prévoir des primes incitatives à un retour à l'emploi. Cependant, nous croyons que la loi devrait affirmer le principe que la victime d'une lésion professionnelle, sur avis de son médecin traitant, peut reprendre le travail au terme de sa convalescence ou de sa période de réadaptation et que la commission, dans ce cas, en avise la personne concernée et son employeur en indiquant la date à laquelle la réintégration est possible. Mais cet avis de la CSST deviendrait un avis administratif. Ce n'est pas sa décision qui serait déterminante, mais celle du médecin traitant de la victime de la lésion professionnelle.

Nous pensons aussi que la loi devrait obliger tout employeur à reprendre à son service un travailleur qui a été accidenté ou rendu malade à l'intérieur de son établissement: ou bien au même poste qu'il occupait avant son accident si c'est encore possible compte tenu de son état de santé et avec adaptation du poste de travail, si c'est nécessaire; ou à un autre poste qui, de l'avis de l'accidenté et de son médecin traitant, convient à ces capacités résiduelles et encore là même s'il faut procéder à une adaptation du poste de travail.

Cette priorité pour un poste disponible dans l'entreprise devrait, cependant, à notre point de vue, être clarifiée pour bien indiquer que le travailleur qui retourne au travail après une absence consécutive à une lésion professionnelle et qui est incapable d'occuper son ancien emploi peut exercer ses droits d'ancienneté pour tout emploi qu'il aurait normalement le droit d'occuper, dans le respect des droits des autres travailleurs de l'établissement. Ce n'est pas facile de trouver une formule uniforme qui soit applicable à l'intérieur d'un texte législatif autrement que de reconnaître le principe d'une égalité de traitement comme si le travailleur avait continué d'occuper son emploi à cause des régimes différents d'attribution des postes selon les types d'industries, selon les conventions collectives applicables.

Nous pensons que l'énonciation, la définition de ce principe dans un projet de loi serait suffisante pour asseoir et permettre probablement une certaine évolution et des ententes un peu plus avantageuses même dans les négociations entre les syndicats et les employeurs sur cette question. Nous pensons qu'il faut éviter à tout prix de faire en sorte qu'un projet de loi vienne transporter le fardeau de la réintégration d'un travailleur accidenté sur un seul autre travailleur dans l'entreprise. L'absence de définition de cette priorité risquerait de nous conduire à cela.

Quant aux délais de réintégration, il y a deux types de délais qui sont prévus à l'intérieur du projet de loi. Nous pensons que le délai de cinq jours prévu à l'article 153 est trop court. Il devrait être harmonisé avec celui prévu à l'article 156 et on devrait parler d'un délai de quatorze jours, ce qui nous semblerait pas mal plus correct compte tenu des effets que pourrait avoir un retard de réintégration.

Il faudrait, de plus, que la loi garantisse le lien d'emploi de la victime d'une lésion professionnelle pendant une absence due à une telle lésion, de même que l'accumulation de tous les bénéfices liés à la durée du travail jusqu'à la réintégration dans son emploi ou dans un emploi procurant des droits et bénéfices équivalents. Il faudrait, dans les cas où le travailleur recourt à la procédure de grief pour faire appliquer son droit de réintégration, que la présomption favorable prévue à l'article 165 s'applique également.

À tous ceux qui pourraient dire que nos propositions, jusqu'à maintenant, vont entraîner une augmentation considérable des coûts, que cela va à l'encontre des objectifs du ministre qui visent à raffiner le système et à réduire les coûts en même temps, à tous ceux-là, nous pourrions répondre que la seule véritable façon de réduire les coûts engendrés par une loi qui protège de façon adéquate les personnes atteintes de lésions professionnelles, c'est de mettre en place un régime de prévention de telle nature qu'on puisse éviter le plus grand nombre de ces accidents et de ces maladies. Ce n'est pas en coupant sur le dos des travailleurs accidentés, des personnes atteintes de maladies du travail qu'on va améliorer la situation. On va générer des coûts sociaux additionnels.

J'attire votre attention, à la page 65, sur les recommandations 50 et 51. L'une vise la mise en place d'un mécanisme concernant le droit de retour au travail auprès d'autres employeurs, si la réintégration est impossible auprès de l'employeur initial; l'autre vise le maintien d'une certaine forme de rente de remplacement du revenu lorsque la victime d'une lésion professionnelle a atteint l'âge de la retraite, en faisant, cependant, des concordances avec les autres régimes de sécurité du revenu et les autres revenus qui peuvent être retirés par le travailleur lésé.

Enfin, à la page 66, je voudrais attirer votre attention sur le fait que, même pour les fins de la réintégration, c'est le médecin traitant choisi par le salarié ou la salariée qui devrait pouvoir juger si l'emploi qui lui est offert est approprié à la personnalité et aux capacités résiduelles de la personne atteinte de lésion professionnelle et non pas un quelconque appareil administratif.

Sur la procédure de réclamation - j'y vais rapidement - nous nous opposons à ce que la loi retire le fardeau de l'employeur de déclarer, dans les meilleurs délais, tous les incidents et accidents qui provoquent des lésions professionnelles. Nous nous opposons à ce que le fardeau de rapporter ces incidents soit transposé de l'employeur au salarié, de même que nous nous opposons à l'extension trop considérable du délai à l'intérieur duquel l'employeur fait son rapport. Mais, aux fins de la loi, aux seules fins du remboursement, je pense qu'un délai de 20 jours pour produire un rapport à la CSST - si, à notre point de vue, cette déclaration doit amorcer le processus d'indemnisation directe - n'a pas de bon sens quand le projet de loi prévoit, par ailleurs, que l'employeur n'approuve que le premier délai de 14 jours.

Quant au financement du régime, on ne fera pas une longue histoire là-dessus, M. le Président. Rappelons qu'il y a eu quelques incidents qu'on pourrait relater longuement autour de l'article 38.4 de la Loi sur les accidents du travail, qui ont généré un manque de prévision au niveau de la CSST ou de la Commission des accidents du travail du temps, qui ont généré aussi un certain nombre d'engagements envers les travailleurs qui étaient visés, qui ont réussi à se faire reconnaître certains droits malgré tous les obstacles qu'on a mis sur leur route. Certains coûts n'ont pas été imputés au moment opportun et, aujourd'hui, voilà qu'on se retrouverait dans la situation où, parce que l'on veut réduire les coûts pour les employeurs, on ferait tout à coup cadeau à l'ensemble des employeurs d'une bonne partie des coûts générés qui auraient dû être couverts par leurs cotisations dans le passé. Même, on leur ferait cadeau de coûts qui devraient être assumés par les employeurs pour le présent et l'avenir.

On ne fera pas la relance économique en coupant sur le dos des victimes de lésions professionnelles. Ce n'est pas vrai. On peut peut-être faire des bénéfices à court terme; on peut peut-être faire des incitations à court terme auprès de l'entreprise, mais tantôt ce fardeau que les entreprises n'assument pas, c'est l'ensemble de la société qui va le supporter et on se doit, collectivement, de refuser cela. On se doit, collectivement, de faire reconnaître que l'employeur, qui contrôle le processus de production et qui, aux termes de la loi, bénéficie d'une immunité générale, doit au moins contribuer sa quote-part pour assurer l'ensemble des frais de réparation, d'indemnisation et autres prévus par une loi qui s'appliquerait aux victimes de lésions professionnelles. Il n'y a pas de raison de passer à côté de cela.

Page 73, on débouche donc sur nos recommandations. Que la loi reconnaisse au moins le principe de la pleine et entière responsabilité patronale en matière d'accidents et de maladies du travail et le principe de la non-pénalité pour les victimes. Nous recommandons que soient retirés deux alinéas de l'article 179 qui sont en relation avec l'établissement des coûts. Et ce que nous recommandons, à la recommandation 60, c'est que le coût total des accidents du travail soit assumé, à 100%, par les cotisations des employeurs. Pas question de transférer des coûts sur le dos des travailleurs, pas question, non plus, de

transférer des coûts des employeurs vers l'ensemble de la société en utilisant le Fonds consolidé de la province comme "patchage".

Finalement - ce n'est pas inutile - la recommandation 61: il faudrait, à notre point de vue, que les dossiers de tous les travailleurs accidentés qui ont été lésés dans leurs droits par la non-application de l'article 38.4 par la CSST soient rouverts et qu'ils soient indemnisés correctement selon la loi. Cela est vrai tant pour les victimes elles-mêmes que pour leur famille.

Sur l'appel, M. le Président, je vais rapidement là-dessus. Le projet de loi dit: Faisons sauter les bureaux de révision, remplaçons cela par une procédure de reconsidération administrative. Nous sommes opposés à cela. Nous sommes opposés à ce que l'on fasse disparaître un premier niveau d'appel. Nous sommes, cependant, sur la base des expériences vécues, en accord avec tous ceux qui vont revendiquer que le bureau de révision soit sorti de la CSST, qu'il devienne un organisme indépendant de la CSST; qu'il ne devienne pas un lieu où on applique des directives internes de la CSST, mais un lieu où on appliquera la loi et les règlements formels. Il faudrait qu'il devienne aussi un lieu où on respectera la portée de ce qu'est une présomption favorable à l'égard d'une lésion professionnelle. (11 h 30)

Actuellement, il y a certaines autres dimensions du régime qui nous semblent comporter des déficiences que le projet de loi ne corrige pas, notamment l'établissement d'un maximum de remboursement des frais encourus par une victime de lésion professionnelle qui va en appel d'une décision. On pense que ce n'est pas normal qu'un accidenté doive encourir des frais qui, dans certains cas, sont énormes alors que, dans certains autres, il se trouve même dans une situation très défavorisée ayant dû recourir à des prestations d'aide sociale avant de pouvoir obtenir que ses droits soient reconnus. Ce n'est pas normal qu'actuellement ces frais ne soient pas complètement remboursés par la CSST.

Nous soutenons que le problème du refus de première instance, qui est vécu par plusieurs travailleurs, n'est pas principalement un problème d'erreur administrative, mais est d'abord et avant tout un problème qui est lié à l'appareil, qui est à lié à l'application de politiques internes restrictives en regard de la loi et des règlements.

Finalement, nous voulons vous signaler qu'il y a plusieurs éléments qui échappent à des possibilités d'appel, notamment tout le secteur de la réadaptation et un certain nombre d'autres, où les droits d'appel ne sont pas très clairs, qu'il y aurait lieu de réviser et de préciser. Mais il faudrait, dans tous les cas, reconnaître au travailleur qui est lésé à la suite d'un accident ou d'une maladie professionnelle des droits d'appel clairs, sans équivoque, indépendants et à deux niveaux. Selon nous, il faut maintenir un niveau de la nature du bureau de révision et il faut aussi maintenir la possibilté d'appel en deuxième instance devant la Commission des affaires sociales.

Je veux signaler une chose qui nous inquiète énormément. C'est cette disposition qui apparaît de façon incompréhensible dans le projet de loi 42 et qui semble permettre à la CSST de réviser elle-même une décision rendue par la Commission des affaires sociales. Nous trouvons cela, d'une part, inutile et, d'autre part, aberrant. C'est inutile parce que la loi constitutive de la Commission des affaires sociales permet à la même Commission des affaires sociales de réviser elle-même, en vertu de l'article 24 de cette loi, et pour cause, ses propres décisions. C'est aberrant parce qu'on trouve inadmissible qu'un appareil administratif puisse revoir, réviser à sa convenance les décisions qui auraient été rendues par un tribunal d'appel de deuxième instance.

Je veux terminer en parlant de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels que, malheureusement, on n'a pas eu le temps de couvrir par un chapitre approprié à l'intérieur de notre mémoire. Nous soulignons, quant à nous, qu'il faut être contre les reculs qui seraient imposés aux victimes d'actes criminels par le projet de loi 42 et il faut aussi inviter le gouvernement à revoir sa position et à la revoir dans la perspective d'une amélioration du régime plutôt que dans la perspective d'une détérioration du régime actuel.

Vous allez retrouver, après la page 81, l'ensemble de nos recommandations reprises in extenso.

Le Président (M. Rancourt): Merci, M. Johnston. M. le ministre.

M. Fréchette: Merci, M. le Président. Je voudrais, bien sûr, dans mes remarques préliminaires, remercier la Centrale de l'enseignement du Québec, de même que le Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec de nous avoir fait ces représentations ce matin. Comme le mémoire ne nous a été produit que très récemment, il a été difficile, pour ne pas dire impossible, d'en faire le tour et de procéder à l'analyse de tous les éléments qu'il contenait. Cependant, l'exercice qu'on vient de faire ce matin nous permet de préciser un certain nombre de choses, de fait, un grand nombre de choses.

Une des premières conclusions que l'on retient, ce sont vos préoccupations à l'égard de tout ce qu'on pourrait appeler "l'aspect économique", entre guillemets, du projet. Vos préoccupations à cet égard rejoignent celles

de plusieurs autres groupes que nous avons entendus jusqu'à maintenant. Il faudra voir très précisément, à l'analyse, quel genre de résultat cela peut donner. Vous avez, dans votre mémoire, 70 recommandations très précises, mais, toujours en regard de l'aspect économique du projet de loi, il y a une chose sur laquelle nous allons être d'accord sans discussion additionnelle - et M. Johnston y faisait référence - quels que soient les coûts auxquels on peut actuellement penser, ce que cela coûte actuellement ou ce que cela peut coûter, tant et aussi longtemps que la prévention ne sera pas poussée jusqu'à la limite où elle doit l'être, il y a, évidemment, de l'argent qui va se dépenser sans que ce soit toujours et strictement nécessaire.

Dans l'enveloppe de temps qui nous est impartie, il est évident qu'il est impossible de revoir, les uns après les autres, tous les aspects que vous avez soulevés, toutes les choses sur lesquelles vous avez attiré notre attention. J'en ai retenu, quant à moi, quatre qui m'apparaissent être, sinon les principales, du moins celles qui retiennent particulièrement votre attention, la première étant le pouvoir réglementaire de la commission. Vous avez à plusieurs reprises, M. Johnston, référé à ce pouvoir réglementaire en parlant de discrétion, d'arbitraire et de décisions qui procèdent de l'une ou l'autre de ces deux notions d'arbitraire et de discrétion.

Je vous dirai à cet égard que plusieurs préoccupations nous ont été soumises par des organismes et des groupes qui représentent autant des employeurs que des travailleurs ou des travailleuses. La question qu'on se pose à ce stade et face aux représentations qui nous sont faites est strictement et uniquement la suivante: Comment faudrait-il changer ces mécanismes et par quoi faudrait-il les remplacer, si tant est que l'on convient qu'à un moment donné, à quelques égards, une décision doit être prise? Alors, la question que l'on se pose: Est-ce que ces pouvoirs identifiés ou qualifiés d'arbitraires ou de discrétionnaires ne devraient pas exister du tout ou, alors, est-ce qu'on doit demander au gouvernement d'assumer une responsabilité comme celle-là? Je ne pense pas que, sur le plan pratique, cela donne de meilleurs résultats.

Comme troisième possibilité - et c'est vrai pour le chapitre de la réglementation, comme cela peut l'être, par exemple, pour les politiques de réadaptation qui, elles aussi, procèdent par réglementation - est-ce que cela devrait être expressément identifié dans la loi? Est-ce qu'on devrait enlever cette juridiction à la Commission de la santé et de la sécurité et inscrire expressément dans la loi ces pouvoirs auxquels on pense actuellement? Ou bien, finalement, si ni l'une ni l'autre des possibilités auxquelles je réfère ne doit être retenue, quelle est, très précisément, la solution qu'il faut retenir? J'apprécierais, quant à moi, que vous puissiez nous soumettre des suggestions quant à la façon de procéder, si encore on s'entend sur la nécessité qu'il doive y avoir, à un moment donné, une instance qui est habilitée à émettre des politiques, à prendre des décisions. Alors, c'est cela que j'apprécierais que vous puissiez expliquer pour que l'on sache très précisément, après avoir identifié les problèmes, dans quelle direction on devrait aller.

Le Président (M. Rancourt): M. Johnston.

M. Johnston: M. le Président, je ne suis pas sûr de pouvoir répondre de façon adéquate à la question du ministre. Ce que nous avons tenté de souligner, c'est que, à notre point de vue, il y a plus que la notion de la réglementation qui est en cause. C'est cet ensemble de juridictions concurrentes à plusieurs niveaux que nous remettons en cause dans l'appareil actuel de la CSST: d'une part, un pouvoir qui est de l'ordre de la définition, de façon plus concrète, des droits qui sont générés par la loi, un pouvoir quasi législatif; d'autre part, un pouvoir d'application de ces mêmes règlements. Voilà que le gouvernement propose que la CSST, vous aussi, par le biais de la reconsidération administrative seulement, ait un pouvoir quasi judiciaire. Vous avez déjà été arbitre de griefs, si j'ai bonne souvenance, vous devez un peu savoir dans quelle situation se place un organisme qui cumule de tels pouvoirs de nature différente. Je pense que c'est essentiellement autour de ce conflit de rôles que se greffe l'ensemble de la difficulté. Mais il est clair, à notre point de vue, que, dans une refonte du projet de loi, on devrait accorder plus d'attention à la définition des droits des victimes de lésions professionnelles qu'à la définition d'une juridiction pour la CSST. Que l'on prévoie un mécanisme de réglementation, qui permette, soit au niveau de la CSST ou même au niveau du Conseil des ministres, de tenir compte de l'évolution de la situation dans le milieu du travail, on ne peut pas s'opposer à cela; ce serait ridicule que la loi contienne toutes les dispositions jusque dans les moindres détails et qu'on doive revenir devant l'Assemblée nationale pour chaque petite modification.

Par ailleurs, que la loi soit faite de telle façon que les droits soient diffus, introuvables, imperceptibles, indéfinissables, à toutes fins utiles, autrement que par la volonté d'un appareil qui a ce pouvoir de réglementation, ce pouvoir administratif et ce pouvoir quasi judiciaire, là on pense qu'il y a un problème de forme important. Donc, ce sur quoi nous voudrions attirer votre

attention, c'est qu'il y aurait lieu de réécrire, à notre point de vue, une bonne partie de ce projet de loi en ayant à l'esprit que les personnes qui peuvent bénéficier de cette loi doivent pouvoir trouver un certain nombre d'éléments clairs de droits à l'intérieur du projet de loi, plus que la sensation de se retrouver devant un appareil qui peut disposer d'elles à sa convenance.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: Dans cet esprit-là, M. Johnston, si on essayait de prendre un exemple précis de ce à quoi vous référez, ce pourrait être, par exemple, les politiques du droit à la réadaptation. Il s'agit, me semble-t-il, d'un chapitre qui pourrait, effectivement, être clarifié en termes d'identification de ce que peuvent être des droits à la réadaptation plutôt que de laisser le projet dans son état actuel. Est-ce que l'exemple précis, auquel je vous réfère, en est un auquel vous-même vous pensiez? (11 h 45)

Le Président (M. Rancourt): M. Johnston.

M. Johnston: Oui, spécialement je crois que nous faisons référence à ce type de problème à l'intérieur de notre mémoire en signalant, notamment, que le projet de loi pourrait être enrichi en prévoyant de façon claire un certain nombre de droits formels pour les travailleurs en matière de réadaptation. Il devrait prévoir des obligations pour l'appareil administratif chargé de faire respecter ces droits; il devrait aussi prévoir un certain nombre d'orientations quant aux finalités, aux objectifs et aux buts poursuivis par un programme de réadaptation. Selon nous, cela n'apparaît pas clairement, du moins pas assez clairement, à l'intérieur du projet de loi qui est devant nous.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: Je vous remercie, M. Johnston. Cela contribue effectivement à clarifier une situation. Je vais maintenant rapidement référer à un autre chapitre qui a retenu votre attention. C'est celui de l'assistance médicale en général. J'ai cru comprendre dans vos représentations que non seulement vous suggérer, mais que vous plaidez que cela devrait être retenu qu'en tout état de cause le médecin traitant devrait être celui qui rend le diagnostic final quant à l'évaluation des séquelles de la maladie professionnelle.

Vous avez aussi indiqué que, dans les cas où il pourrait y avoir complaisance, il reviendrait à la corporation concernée de s'occuper de ce genre de dossiers. Est-ce que vous ne convenez pas qu'au-delà des seuls et rares cas de complaisance, quant à moi, il y a certaines autres situations qui "commanderaient", entre guillemets, que le diagnostic d'un médecin traitant soit réévalué? Je vous dis très précisément ce à quoi je pense: à supposer, par exemple, qu'un accident de travail ou une maladie professionnelle engendre ou entraîne des conséquences lourdes pour un travailleur ou une travailleuse et qu'on se retrouve devant une personne qui est dans un état d'incapacité permanente à 80% à la suite de l'évaluation faite par son médecin traitant, omnipraticien ou spécialiste, est-ce que, dans ces cas-là, vous ne convenez pas qu'il pourrait être possible à l'organisme concerné de demander la confirmation de ce diagnostic par une autre instance médicale? Par nouvelle instance médicale, je veux dire qu'il pourrait s'agir d'un médecin qu'elle demanderait pour fins d'évaluation. En cas de litige entre les deux évaluations, le dossier serait référé à une instance complètement indépendante de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

J'ai un peu de difficulté à accepter qu'en tout état de cause et dans n'importe quel des dossiers qui peuvent être soumis on doive de façon systématique retenir le diagnostic du médecin traitant sans qu'il soit possible d'en faire confirmer, au moins, les conclusions. Encore une fois - et c'est là-dessus que je voudrais attirer votre attention - s'il y a effectivement une différence telle entre les deux évaluations qu'on ne sache plus trop quelle est très précisément la situation de l'accidenté, est-ce que vous accepteriez une formule en vertu de laquelle on demanderait à des spécialistes de la santé de procéder à régler le litige qui s'élève face à ces deux évaluations loin l'une de l'autre?

Évidemment, la question qu'on va se poser, c'est: À qui très précisément faudra-t-il référer ce dossier? On en discute depuis mardi dernier et les uns et les autres semblaient accepter une formule en vertu de laquelle il serait demandé, par exemple, à la Corporation professionnelle des médecins de faire l'évaluation ou de soumettre une liste de noms de médecins qui accepteraient de faire ce genre d'exercice. Cette liste de médecins pourrait être soumise à l"'accréditation", entre guillemets, du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, par exemple, et ce serait vers cette instance que les actuels litiges seraient dirigés pour qu'on sache très précisément quelle orientation il faut donner au dossier. Je ne sais pas si je suis suffisamment clair, mais en dernière instance ce serait sorti du pouvoir décisionnel de la commission.

Le Président (M. Rancourt): M.

Johnston.

M. Johnston: J'avais eu écho de cette hypothèse par les médias d'information au cours de la fin de semaine, ce qui m'a permis de réfléchir un peu à cette question. On a examiné le problème de la contestation éventuelle du diagnostic ou du certificat du médecin traitant de la personne atteinte d'une maladie professionnelle ou d'une lésion professionnelle au sens large. Nous, ce qu'on croit possible et logique, c'est qu'en règle générale un travailleur qui est atteint d'une lésion professionnelle sérieuse va probablement aller consulter son médecin traitant habituel pour commencer et on sait que les médecins généralistes, en particulier, ont développé, depuis un bon nombre d'années, ce réflexe assez spontané d'envoyer voir des médecins spécialistes qui sont suggérés par le médecin traitant habituel. Le médecin spécialiste auquel serait référé par son médecin traitant le travailleur qui a subi la lésion professionnelle, à notre point de vue, cela devient son médecin traitant. Il est considéré à ce titre par nous comme le médecin traitant choisi par le travailleur lui-même. On ne voit pas là de difficulté monumentale. On serait, cependant, disposés, quant à nous, une fois que sera reconnu le principe que l'indemnisation, par exemple, est faite sur la base du diagnostic, sur la base de l'avis du médecin traitant choisi par le salarié, à ce que l'employeur puisse se prévaloir du droit de faire examiner le travailleur par un médecin qu'il désignerait et qu'il puisse contester, par le biais d'un mécanisme d'appel, le niveau d'indemnisation éventuel qui serait automatiquement lié à la production du certificat médical du médecin traitant.

Je pense qu'il y a là quelque chose qui peut placer les parties en état d'équité sachant que, de toute façon, les employeurs dans toutes les entreprises contrôlent pas mal les absences des travailleurs pour cause de maladie; que ce soient des maladies professionnelles ou d'autres types de maladies courantes, les absences sont très sérieusement contrôlées par les employeurs. Je pense qu'il y aurait là un mécanisme suffisant pour assurer une crédibilité au système du fait que l'employeur puisse en appeler d'une décision d'indemnisation basée sur le certificat du médecin traitant et placer, donc, une instance d'appel devant deux verdicts médicaux qui devraient être soutenus par les deux parties. Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup d'avenir dans la formule que vous annoncez même si cela peut avoir une apparence de neutralité. Il reste que ces médecins continueraient probablement d'être payés par la CSST directement ou indirectement. Le travailleur qui va voir son médecin traitant, ce n'est pas lui qui le paie. Le médecin n'est pas dans une situation de rapports de même nature que lorsqu'une organisation engage un médecin pour les fins spécifiques d'un dossier ou fait appel à ses services de façon régulière pour fins de révision de dossier. Il n'y a pas de relation de dépendance du médecin à l'égard de l'accidenté du travail comme il peut y en avoir une du médecin à l'égard de la CSST ou d'un organisme de même nature qui deviendrait, à un certain moment, son principal pourvoyeur de fonds ou un pourvoyeur de fonds assez important.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: Je voudrais être sûr de bien comprendre. Vous avez dit, me semble-t-il, au début de vos remarques que vous n'aviez pas d'objection de principe à ce qu'après un processus préliminaire qui nous amènerait à un diagnostic du médecin de l'accidenté, médecin s'entendant également pour le spécialiste auquel le généraliste aurait référé son patient, l'employeur puisse faire procéder, lui aussi, à une évaluation. Est-ce que j'ai bien compris - je ne suis pas sûr - que, lorsque nous nous retrouverions devant deux diagnostics différents, il n'y a pas d'instance qui serait habilitée à trancher le litige?

Le Président (M. Rancourt): M. Johnston.

M. Johnston: Ce que nous soutenons effectivement, c'est que, dans un premier temps, l'indemnisation, s'il y a lieu, devrait être faite sur la base de l'avis du médecin traitant choisi par la victime de la lésion professionnelle, que l'employeur puisse le cas échéant faire examiner cette même victime par un médecin qu'il désignerait et que l'employeur puisse en appeler de la décision d'indemnisation s'il considère qu'elle est abusive pour la victime de la lésion professionnelle en termes de bénéfices.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: En d'autres mots, au lieu de faire arbitrer ce possible litige par une instance composée de personnes du milieu médical, il faudrait la référer à l'instance d'appel qui serait prévue dans la loi.

M. Johnston: Oui, à notre point de vue, cela n'exclut pas qu'il puisse y avoir le cas échéant à l'intérieur de ces bureaux de révision, à la condition qu'ils soient vraiment sortis de la CCST, des personnes qui soient capables d'entendre une preuve médicale.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: Si, M. Johnston, vous avez regardé les journaux de fin de semaine, vous avez sans doute vu que, du côté du mécanisme d'appel, il y a également des choses qui nous ont été suggérées et auxquelles nous songeons sérieusement, le principe étant très précisément de constituer une instance qui soit tout à fait et complètement séparée politiquement et à tous autres égards de la Commission de la santé et de la sécurité. Dans l'état actuel des choses, il y a le mécanisme de la révision, il y a également le mécanisme de la Commission des affaires sociales. Nous proposions dans la loi l'abolition des bureaux de révision. Au fur et à mesure que les travaux de la commission avancent, on réalise bien que la plupart des intervenants souhaiteraient le maintien des bureaux de révision, avec la précision que vous apportez que ce devrait être complètement indépendant. Comment vos syndicats verraient-ils qu'il y ait effectivement la création d'une instance complètement évacuée de la Commission de la santé et de la sécurité, une instance à l'intérieur de laquelle on retrouverait des gens habilités à rendre des décisions, mais qui remplacerait, par ailleurs, à la fois le bureau de révision et l'actuelle Commission des affaires sociales? Dans l'état actuel des choses, d'après les informations qu'on a, c'est la seule loi qui permettrait qu'un procédé nouveau ait lieu deux fois à l'intérieur de ces mécanismes, c'est-à-dire qu'après avoir plaidé au bureau de révision on reprend essentiellement les mêmes argumentations, la même preuve devant la Commission des affaires sociales. Alors, si l'idée était retenue - je vous signale qu'elle fait son chemin - comment évalueriez-vous la possibilité d'instituer cette instance complètement indépendante, mais qui regrouperait les deux juridictions qui actuellement sont dévolues au bureau de révision et à la Commission des affaires sociales, en d'autres mots un seul tribunal d'appel complètement évacué de la Commission de la santé?

Le Président (M. Rancourt): M. Johnston. (12 heures)

M. Johnston: Je vais vous répondre rapidement. On est farouchement opposés à toute idée d'évacuer le niveau d'appel qui s'appelle la Commission des affaires sociales. On est aussi totalement opposés à l'idée de faire sauter un niveau d'appel. Je vais m'expliquer là-dessus. Si l'orientation que vous preniez allait dans le sens de créer une espèce de tribunal quasi judiciaire de même nature que la Commission des affaires sociales - il ne semble pas que ce soit le cas d'après les signes que vous faites - cela poserait certaines difficultés d'existence du deuxième niveau. S'il s'agit d'un tribunal de nature administrative, il n'y a pas d'incompatibilité à ce que les décisions d'un tribunal administratif de premier niveau puissent être portées en appel à un deuxième niveau. Ce ne serait pas exclusif au cas des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Je veux simplement vous citer un exemple d'une autre juridiction. Les gens qui sont en chômage et qui ont des problèmes avec l'application de la Loi sur l'assurance-chômage ont une possibilité d'appel au niveau d'un conseil d'arbitrage régional. Si jamais la décision ne les satisfait pas, ils peuvent encore, à certaines conditions, en appeler devant un juge arbitre. Il y a un deuxième niveau d'appel. Je ne pense pas que ce soit exclusif. Il y a probablement d'autres cas où cela se produit également.

Soulignons aussi que c'est un champ de droit relativement nouveau pour beaucoup de travailleurs que celui des maladies et des accidents du travail en termes de mécanisme d'appel et de moyen de preuve, etc. Soulignons aussi qu'il y a un fort taux de travailleurs non syndiqués au Québec qui font face, bien souvent, à un tribunal de première instance sans trop savoir de quoi il s'agit. Il y a beaucoup de travailleurs dans ces cas-là qui sont placés dans la situation où ils pensent qu'en recevant un avis les avisant qu'ils vont être entendus ils s'en vont voir le gars qui leur a répondu négativement. Le travailleur s'en va demander à ce gars-là ce qu'il pense de son dossier et il pense que l'affaire va se bâcler ainsi. Il y a beaucoup de gens qui apprennent ce qu'est un niveau d'appel en se retrouvant là. S'il n'y a qu'un seul niveau d'appel, il y a beaucoup de ces travailleurs qui vont être pénalisés parce qu'ils n'auront pas une deuxième chance de se reprendre à l'intérieur d'un processus de cette nature.

Je veux vous souligner également - je mentionnais tantôt le cas de l'assurance-chômage - que même la législation québécoise en matière de relations du travail prévoit qu'il peut y avoir des niveaux d'appel différents. Une décision qui est rendue par un commissaire du travail, c'est une décision de nature administrative, à peu près de même niveau que celle qui pourrait être rendue par un premier niveau d'appel en vertu d'une loi sur les maladies et les accidents du travail. Pourtant, il y a toujours possibilité d'aller devant le Tribunal du travail.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre, brièvement.

M. Fréchette: Parce que mon temps est écoulé.

Le Président (M. Rancourt): Oui, il vous

reste environ une minute et demie.

M. Fréchette: M. le Président, je n'irai pas plus loin. J'avais autre chose. Si j'ai le temps d'ici la fin, je reviendrai.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci, M. le Président. J'aimerais d'abord remercier les membres de la CEQ pour leur mémoire et leur présentation. En raison de plusieurs projets de loi présentés par ce gouvernement, la CEQ a dû, dans les quelques dernières années, dépenser beaucoup d'énergie à la rédaction, ainsi qu'à la présentation de mémoires. Vous êtes maintenant, je crois, devenus des experts. En tant qu'ex-enseignant, j'ai toujours cru que l'enseignement de façon indirecte se faisait mieux que celui de façon directe. On en a la preuve ici devant nous.

M. le Président, j'aimerais ce matin me prévaloir de mon droit de parole pour faire quelques brefs commentaires avant de poser certaines questions à nos invités. Depuis la semaine dernière, cette commission a consacré au-delà de 40 heures à entendre des intervenants sur le projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Le dénominateur commun énoncé de tous les témoins entendus à ce jour n'est certainement pas une avalanche de félicitations envers les auteurs de ce projet de loi. Je suis certain que le ministre aussi est convaincu - il semble même qu'il l'ait dit tout à l'heure - que le projet de loi qui est mal écrit cause beaucoup de difficultés d'interprétation. Même avec tout cela, le ministre a éprouvé des difficultés à plusieurs reprises. Nonobstant le fait qu'il a un personnel à la CSST que je soupçonne d'avoir été les auteurs de ce projet de loi et nonobstant le fait que, certainement, le ministre ne manque pas de conseillers politiques, il n'a pas pu répondre précisément aux questions des intervenants lorsque ceux-ci l'ont interrogé sur la portée de certains articles du projet de loi.

J'ai été très heureux que le ministre déclare souvent que les articles de ce projet de loi devront être précisés, amendés ou même complètement abrogés. En d'autres mots, il nous laisse comprendre que le projet de loi sera forcément réimprimé. C'est ma perception. Je me trompe peut-être; la population en jugera. Ce qui me tracasse, c'est pourquoi attend-il si longtemps pour le faire? On sait fort bien que ce projet de loi ne répond pas aux attentes du milieu. Il me semblerait plus intelligent et constructif que le ministre nous fasse connaître les changements qu'il veut apporter à ce projet de loi afin de permettre aux intervenants ou aux témoins à venir et à ceux qui se sont déjà présentés devant cette commission de discuter des articles qui seront retenus, d'une façon beaucoup plus intelligente.

Comme c'est là, M. le Président, j'ai la conviction et la perception qu'on perd un peu de temps à discuter d'articles qui vont nécessairement être abrogés. C'est une insulte à la population et à nos invités. Que vous vouliez nous insulter, nous, membres de l'Opposition, on est capables d'en prendre, mais il faudra bien, à un certain moment, M. le Président, que le gouvernement dise très clairement que son projet de loi a été mal écrit et qu'il doit être repensé.

Outre ce consensus autour du fait que le projet de loi est imprécis, que les articles sont contradictoires, j'aimerais rappeler au ministre d'autres points de convergence. Lorsque nous avons entendu les témoins devant cette commission, tous les intervenants, autant du côté patronal que syndical, nous ont dit - et même les représentants de la CEQ ce matin - qu'il y a un problème à régler, soit le fameux problème de l'article 38.4 du présent projet de loi. Comme je l'avais dit au début, dans mes notes préliminaires, M. le Président, je crois que c'est immoral d'avoir attendu aussi longtemps pour régler ce problème.

Un autre point de convergence, c'est le fait qu'on s'est fait dire ici qu'on ne peut pas "divorcer" la loi, quelle qu'elle soit, de l'organisme qui aura à l'appliquer. Dans ce cas précis, on ne peut pas "divorcer" la loi de l'organisme qui aura à l'appliquer, la Commission de la santé et de la sécurité du travail. La plupart des témoins nous ont dit que les problèmes fondamentaux se trouvent chez la CSST. Son conseil de direction et la production de tonnes de directives arbitraires et discrétionnaires, non conformes à la loi-même, c'est cela qui cause des injustices envers les travailleurs accidentés du Québec.

Plusieurs ont dit soit du côté patronal ou syndical, qu'avant même qu'on adopte ce projet de loi il faudra avoir une enquête sur la CSST, ses opérations, ses politiques administratives, car ce sont ces politiques et non la loi même, comme je l'ai dit, qui causent des problèmes énormes pour les accidentés.

La loi donne des pouvoirs accrus à cette commission. Je crois que c'est inconcevable de donner certains pouvoirs qui renient la Charte des droits et libertés de la personne, de donner à un appareil paragouvernemental le statut d'une dictature en dedans d'un pays qui a dépensé tant d'énergies pour se donner et suivre des principes démocratiques.

Le ministre se doit de faire une distinction entre les droits des travailleurs et des accidentés et les mesures sociales du projet de loi. Certaines de ces mesures sont non seulement acceptables, mais on les attend avec impatience. Mais encore ici, puisqu'on nous dit qu'on va réévaluer, qu'on

va regarder le projet de loi, qu'il y a des amendements à apporter, on travaille un peu dans les nuages. C'est pour cela qu'il faudrait, aussitôt que possible, nous présenter ces amendements, nous dire si, oui ou non, vous allez procéder à une réimpression du projet de loi, quels seront les articles maintenus pour que l'on puisse, en fin de compte, étudier quels seront les coûts aux employeurs et quels seront les coûts qui seront imputés à l'ensemble de la société du Québec.

En terminant ces quelques brèves remarques, avant de passer aux questions à nos invités, je demanderais, à ce moment-ci, l'intervention du ministre de la Justice, car, dans le projet de loi, il y a des changements majeurs à la Loi visant à favoriser le civisme et à la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Si le gouvernement veut apporter des changements à ces deux dernières lois, qu'il le fasse par la présentation de projets de loi distincts pour permettre à tous ceux qui sont impliqués et à l'ensemble de la société québécoise de s'exprimer seulement sur ces points-là. En apportant des changements par la porte d'en arrière, dans une loi de 364 articles, le gouvernement se cache et c'est là qu'on remarque la contradiction flagrante entre les beaux discours sur des projets de société et les actions de ce gouvernement. (12 h 15)

Ceci étant dit, j'aurais une ou deux questions à poser à M. Johnston et aux membres de la CEQ qui l'accompagnent. Au chapitre de la réadaptation, les critiques sont assez nombreuses. On peut blâmer la bureaucratie, on peut blâmer tant de choses, mais qu'est-ce qui a été déploré de la part de certains intervenants? C'est qu'il y ait des programmes d'établis et que les accidentés n'aient pas vraiment un mot à dire sur ces programmes. M. Johnston, ma question est: À part le droit à la réadaptation dont vous avez parlé tout à l'heure, y aurait-il, d'après vous, nécessité d'instaurer une structure où le travailleur accidenté ou bien ses représentants puissent participer à la préparation et à l'application d'un programme de réadaptation?

Le Président (M. Rancourt): Est-ce votre question?

M. Cusano: C'est ma question.

Le Président (M. Rancourt): Un instant, M. Johnston. Je ferai remarquer au député de Viau que l'ordre de l'Assemblée nationale était d'entendre des représentations sur le projet de loi 42. C'est ce que nous faisons actuellement et vous faites partie de cette commission élue, M. le député. Maintenant, vous avez droit à des questions et vous en avez posez une à M. Johnston.

M. Johnston.

M. Cusano: M. le Président, une question de règlement. Je veux préciser une chose: Tout ce que j'ai dit dans mes remarques ce matin est directement relié au projet de loi 42.

Le Président (M. Rancourt): Ce que je dis, M. le député de Viau, c'est tout simplement que vous avez droit à vos remarques, je ne le conteste pas. Je vous dis tout simplement que nous avons eu un ordre de l'Assemblée nationale qui était d'entendre les représentations sur le projet de loi 42.

M. Cusano: C'est cela.

Le Président (M. Rancourt): C'est ce que nous faisons actuellement. Je n'ai rien d'autre à dire, tout simplement. Maintenant, je demande à M. Johnston s'il veut bien répondre à votre question.

M. Johnston: M. le Président, dans notre mémoire, on a indiqué à partir de la page 46 les principaux problèmes qu'on voit en regard de la réadaptation, notamment le fait que les programmes actuellement en vigueur ne soient pas rendus disponibles pour les travailleurs qui pourraient y avoir accès, notamment le fait que la CSST contrôle, à toutes fins utiles, qui va dans quel programme et qui peut être bénéficiaire de tel programme de réadaptation. On a souligné aussi qu'il y avait clairement un problème de perspective. Nous, ce qu'on suggère aux pages 50 et 51, c'est qu'on définisse de façon plus claire à l'intérieur du projet de loi les orientations qui devraient animer l'ensemble des programmes de réadaptation. Qu'est-ce que c'est, la réadaptation? Quels objectifs cela doit-il poursuivre? Nous croyons qu'à partir des définitions qui ont déjà été explicitées par le BIT il y a là un point de référence assez important pour un gouvernement ou pour des législateurs qui tenteraient d'améliorer la situation. Il est utile aussi de préciser à l'intérieur du projet de loi les finalités. Ce n'est pas juste de faire en sorte que le travailleur puisse se retrouver le plus rapidement possible dans une "job" même de nature inférieure, mais cela devrait être de replacer le travailleur dans une situation équivalente non seulement au niveau de l'emploi et des bénéfices, mais au niveau de sa propre autonomie personnelle.

Cela implique donc qu'à l'intérieur d'un programme de réadaptation il puisse y avoir de larges volets de formation professionnelle ou même scolaire dans certains cas qui permettent au travailleur de compenser en quelque sorte la perte qu'il a subie à la suite d'une lésion professionnelle. Je ne pense pas que ce soit une question de

mécanisme, pour répondre plus clairement à votre question, comme une question de perspective.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Viau.

M. Cusano: Mon autre question, M. Johnston, concerne la tenue d'un registre auquel on réfère dans le projet de loi. Pour réduire les coûts d'administration de la CSST, on dit que certains accidents ne seront pas rapportés à la CSST et que l'employeur sera responsable de tenir un registre dans lequel on indiquerait, justement, le moment de l'accident. Est-ce que vous êtes d'accord avec ce processus, le maintien d'un registre? Est-ce que je pourrais vous entendre sur les inconvénients, d'une part, et les avantages, d'autre part, de la tenue d'un tel registre?

Le Président (M. Rancourt): M. Johnston.

M. Johnston: De mémoire, il me semble qu'il y a dans la loi actuelle cette obligation pour l'employeur de tenir un registre au moins pour les absences qui sont d'une durée inférieure à une journée. Nous ne pouvons évidemment pas nous opposer à l'obligation pour l'employeur de tenir un tel registre, d'autant plus qu'il s'agit là d'une partie pour laquelle il n'y a pas de retour des contributions. Il n'y a pas remboursement par la CSST du versement qui est fait, le cas échéant, pour cette journée. Notre approche là-dessus se résume à ceci. D'une part, nous voulons préserver le principe que c'est l'employeur qui doit faire des déclarations d'incidents ou d'accidents qui conduisent à des lésions professionnelles et que cela puisse être fait en temps utile pour que le processus d'indemnisation qui est fait directement par la CSST puisse être applicable au moment opportun. Si on parle de l'extension possible de la durée directement couverte par l'employeur jusqu'à quatorze jours, il faut donc s'assurer que la déclaration se fasse dans des délais suffisants pour que l'indemnisation directe par la CSST se fasse à compter du moment où l'employeur cesse de verser directement une indemnité.

L'autre élément important qui n'apparaît malheureusement pas au projet de loi 42, c'est que l'obligation pour l'employeur de tenir un tel registre devrait être assortie du droit pour le travailleur ou la travailleuse et du droit pour son syndicat, le cas échéant, lorsqu'il s'agit de personnel syndiqué, d'avoir accès à ce registre. De même, le syndicat devrait, dans les cas où il en existe, avoir automatiquement copie des déclarations d'incidents ou d'accidents conduisant à des lésions professionnelles. Je pense qu'en plus il y aurait possibilité, au moins en milieu syndiqué, d'avoir une espèce de regard critique sur la façon dont l'employeur déclare ou enregistre les événements. Malheureusement, en milieu non syndiqué, ce type de contrôle n'est pas facilement organisable.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Viau.

M. Cusano: Ma préoccupation concernait, justement, les milieux non syndiqués. J'ai une autre question concernant une maladie qui se manifeste à un certain moment chez un employeur et qui aurait pu être contractée, dans les années précédentes, chez un autre employeur. Si un travailleur est atteint d'une maladie professionnelle, je crois qu'il doit être compensé. Ce n'est pas cela, ma question, mais je suis d'accord qu'un travailleur qui est atteint d'une maladie professionnelle, qu'il a pu contracter à n'importe quel moment de sa vie, devrait être compensé.

Par contre, j'éprouve une certaine préoccupation au sujet d'un homme ou d'une femme âgé de 45 ou 50 ans, en chômage, qui, à ce moment-là, ne démontre aucune maladie professionnelle comme telle. Puisque les coûts de maladies professionnelles seraient imputés à plusieurs employeurs, particulièrement à celui qui va l'engager, il pourrait s'installer un régime où l'employeur, avant d'engager une personne de 45 ou 50 ans, devrait faire toutes sortes d'investigations sur cet individu, à savoir où il a travaillé. L'examen médical, comme je l'ai dit l'autre jour, ne serait pas un simple examen médical, mais plutôt un séjour à l'hôpital pendant peut-être une semaine pour s'assurer que la personne ne soit pas atteinte d'une maladie professionnelle qui ne se manifeste pas par des signes normaux. Quelle est votre observation sur tout cet aspect?

Le Président (M. Rancourt): M. Johnston.

M. Johnston: À la blague, je pourrais vous dire que, si jamais les employeurs commençaient des périodes d'emploi par des périodes de congés payés avec soins hospitaliers, il y a probablement bien des gens de 40 ou 45 ans qui s'en réjouiraient. Je pense que votre question n'allait pas dans ce sens.

Vous soulevez une question de partage des coûts entre les employeurs qui ont pu, à divers degrés, à cause des conditions dans lesquelles cette personne a dû travailler, contribuer à la naissance - même si cela n'était pas encore apparent au moment où la personne a été engagée par son dernier employeur - d'une lésion professionnelle quelconque. Je pense qu'il s'agit de modalités

de partage des coûts entre les employeurs qui peuvent fort bien être définies sans notre contribution.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Viau.

M. Cusano: Une dernière question. Je vous ai peut-être mal compris, M. Johnston, mais avez-vous dit que les mesures sociales qu'on retrouve dans le projet de loi devraient être imputées uniquement aux employeurs?

Le Président (M. Rancourt): M. Johnston.

M. Johnston: Je vais être clair. Notre lecture du projet de loi n'est pas que cela comporte des mesures qui devraient aller de soi pour les accidentés du travail et les personnes atteintes de maladies professionnelles et d'autres mesures qui seraient comme des mesures sociales supplémentaires. Notre analyse du projet de loi est que cela ne va, justement, pas assez loin dans la prise en charge par l'employeur de l'ensemble des conséquences de l'accident ou de la maladie professionnelle contractée par un travailleur alors qu'il est à l'ouvrage. Notre perception de la situation est que, puisque l'employeur contrôle le travail qu'il fait faire, qu'il contrôle le processus de production et l'ensemble des produits introduits dans le processus de production, que c'est lui qui bénéficie de l'ensemble de cette affaire, il n'est que normal qu'il en assume les conséquences.

S'il y a un moyen de réduire le coût global - et c'est ce que je disais tantôt en réponse au ministre - assumé par les employeurs, ce n'est pas en faisant des distinctions entre ce qui doit être de l'ordre de l'indemnisation et ce qu'il advient des régimes sociaux; c'est en forçant les employeurs, par des mesures appropriées, à mettre plus d'emphase sur la prévention, sur l'analyse des processus de production, sur des enquêtes relatives aux produits nouveaux introduits dans le processus de production et à l'organisation générale du travail dans leurs établissements. Si on mettait l'emphase là-dessus, on pourrait facilement réduire, de façon considérable, les coûts engendrés par les accidents et les maladies professionnelles. (12 h 30)

Mais ce n'est pas cela, la priorité pour les employeurs. La priorité pour les employeurs, de façon générale, c'est la productivité, le rendement parce qu'il y a un taux de profit au bout et il y a de la concurrence sur le marché. Mais est-ce que l'on peut, dans une société moderne, qui se prétend démocratique, faire en sorte que des travailleurs, qui sont pris dans un processus de production qu'ils ne contrôlent pas, soient traités, à toutes fins utiles, d'une façon encore inférieure à l'équipement mécanique que l'employeur utilise? Est-ce que l'on peut faire cela dans une société démocratique?

Le Président (M. Rancourt): Est-ce que vous avez terminé?

M. Cusano: Merci.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: Oui, M. le Président. Si vous le permettez, je partagerai ce droit de parole avec le député de Beauharnois. Je veux simplement et très brièvement relever l'intervention de mon collègue de Viau, intervention qui m'a étonné, je ne vous le cache pas, pour le simple motif suivant: c'est que je ne sache pas qu'il y ait quelque chose d'extraordinaire dans le fait que, au fur et à mesure des auditions, l'on commence déjà à voir des avenues qu'il nous faudra emprunter et qui nous sont indiquées par les représentations qui nous sont faites par les invités qui viennent nous faire part de leurs préoccupations. À moins que je ne me trompe, M. le Président, la commission parlementaire est faite très précisément pour cela. Son seul objectif - autrement, on ne l'aurait pas tenue - c'est de savoir à quelle enseigne logent les groupes et organismes qui sont directement visés par l'application de cette loi, qui vont devoir vivre quotidiennement avec l'application autant des technicités et des modalités que des principes qu'on y retrouve.

S'il fallait retenir la proposition qui est faite par le député de Viau, c'est là qu'on procéderait à insulter autant les gens que nous avons entendus jusqu'à maintenant que la trentaine d'autres qui sont prévus pour être entendus, qui auront très certainement aussi des suggestions ou des recommandations fermes à nous faire. Alors, il me semble que, encore une fois, le processus de la commission est là pour cela et que ce serait tout à fait mal indiqué à ce stade-ci de souscrire à la suggestion que fait le député de Viau. Je n'ai pas du tout l'intention de procéder à arrêter les travaux de la commission et d'informer les groupes, qui doivent être entendus aujourd'hui, demain et au début du mois de mars, qu'il ne leur est pas nécessaire d'être là. Mais nous allons faire l'exercice comme il a été prévu, jusqu'à la limite, précisément pour retenir les choses sur lesquelles il faudra procéder à revoir ce qui était contenu dans le projet de loi.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Viau.

M. Cusano: J'aimerais seulement préciser au ministre que je n'ai pas demandé

d'interrompre les travaux de la commission. La seule chose que j'ai demandée au ministre, c'est, puisqu'il a dit à plusieurs reprises qu'il y a des articles qui doivent être revus, bien qu'il nous dise de quelle façon il faut qu'ils soient revus. C'est tout. Je n'ai pas demandé qu'on mette fin aux travaux de la commission.

Le Président (M. Rancourt): D'accord, M. le député de Viau. Mais je répète la remarque que j'ai faite il y a quelques minutes quand vous êtes intervenu; l'intervention du ministre aussi confirme que je dois répéter, comme président de cette commission, que le mandat de cette commission est tout simplement d'entendre les représentations des personnes intéressées au projet de loi. Donc, en partant de là, l'ordre de l'Assemblée nationale, évidemment, ne permet pas autre chose. Donc, je donne la parole maintenant au député de Beauharnois.

M. Lavigne: Merci, M. le Président. D'abord, M. Johnston, je ne voudrais pas apporter plus de précisions, car je pense que vous allez saisir le message. Je n'insisterai pas à outrance là-dessus. Je voudrais juste que vous puissiez faire le partage ou faire des distinctions dans les différents commentaires qu'on retrouve à la page 3, sans les identifier. Je ne veux pas ouvrir cette "canne" de vers. Cela dit, je suis d'accord avec vous, par ailleurs, quand il est question de votre approche quant au choix du médecin. La FTQ s'est présentée ici, la semaine dernière, et a tenu des propos à peu près semblables. Je me suis fait un plaisir de les endosser et de reconnaître, quant à moi, en même temps que vous et qu'eux, en parlant de la FTQ, que la personne qui est victime d'une maladie industrielle, victime d'un accident du travail doit avoir le droit de choisir son médecin. Le médecin qui a été choisi par la victime devrait être reconnu pleinement et entièrement par la CSST. Par ailleurs, ce n'est pas parce que c'est un professionnel qu'il ne peut pas faire une erreur. Advenant le cas où on présumerait que le médecin en question aurait fait une erreur, il s'agirait de discuter du mécanisme ou des moyens à prendre pour vérifier l'erreur du médecin en question. Que ce soit un ingénieur, un architecte, un dentiste ou un médecin, la nature humaine étant ce qu'elle est ou le professionnalisme étant ce qu'il est, à un moment donné, il peut se glisser des erreurs. S'il n'y pas un mécanisme prévu pour démontrer clairement que, dans le diagnostic du médecin traitant, il y a une erreur flagrante, je pense qu'on se trouvera encore devant des difficultés administratives. Prévoyons donc un mécanisme pour certifier qu'un médecin a fait une erreur, mais je pense qu'au départ il faut que le diagnostic du médecin traitant soit reconnu jusqu'à preuve du contraire.

Là, où j'accroche... Je n'accroche pas, mais je n'ai pas trouvé la méthode d'intervention. Le ministre vous a fait part, à un moment donné, d'une espèce de composition de trois médecins qui pourraient juger de la véracité ou de la justesse du diagnostic du médecin traitant. Vous avez dit: II y a un genre de tribunal d'appel qui existe; le médecin du patron pourrait, à un moment donné, intervenir; on pourrait envoyer tout cela aux Affaires sociales. Quant à ce tribunal, je n'ai pas de formule à vous suggérer, mais ce sur quoi j'insiste, c'est que, d'abord et avant tout, on reconnaisse le médecin traitant. Quant à la deuxième partie, il y aurait peut-être un mécanisme qui pourrait être mis de l'avant. Par ailleurs, c'est important qu'il y en ait un.

Deuxièmement, je suis également d'accord avec vous quand vous dites que, tel que libellé, le projet de loi donne trop de pouvoirs à la CSST. Je réfère particulièrement à l'article 132 et vous en faites état dans votre mémoire. Je suis d'accord avec vous: quand on lit, à l'article 132, que "la commission décide de la nécessité, de la nature, de la suffisance ou de la durée de l'assistance médicale", je pense que c'est excessif comme pouvoir. Je n'ai pas, non plus, de suggestion à faire pour modifier l'article 132, mais je le trouve excessif dans les pouvoirs qu'il donne à la commission. Je pense que l'article 132 devrait être révisé.

Là où je me pose des questions, c'est au niveau d'un principe que vous mettez de l'avant et je ne suis pas d'accord avec vous. Il y a peut-être là toute une question de mécanismes d'application de conventions collectives. C'est peut-être cela qui vous fait pencher pour ce principe-là plutôt que pour l'autre. Il s'agit du principe qu'on retrouve dans votre recommandation 46, aux pages 10 et 11 de vos recommandations, à la fin de votre mémoire. On trouve aussi, à la page 63 de votre mémoire, quelque chose qui vient se greffer à la recommandation 46. C'est quand, à un moment donné, vous privilégiez l'ancienneté, le respect de la convention collective, plutôt que la place qu'on pourrait faire à l'individu qui a été victime d'un accident du travail et qui revient à son travail. Il y a deux principes. Je serais pour qu'on favorise davantage la réintégration dans son travail de la personne qui a été victime d'un accident du travail. Cela primerait, comme principe, sur les termes d'une convention collective. Si je vous ai bien interprété à la page 63 et à la recommandation 46, il me semble que, dans votre cas, vous privilégiez l'inverse. J'aimerais que vous fassiez quelques commentaires sur ce principe.

Le Président (M. Rancourt): M. Johnston.

M. Johnston: Je veux d'abord dire au député qui vient d'intervenir que je n'aurais pas d'objection à ouvrir un débat sur la page 3 de notre mémoire.

M. Lavigne: II faudrait une autre commission parlementaire.

M. Johnston: Je pense qu'on aurait beaucoup de choses à se dire. Qu'une commission parlementaire soit éventuellement convoquée sur le principe de la révocation éventuelle de la loi 111, on pourrait discuter longuement là-dessus, avec beaucoup d'arguments, je pense.

Le Président (M. Rancourt): II faut revenir au sujet.

M. Johnston: On m'a ouvert cette porte, M. le Président.

M. Lavigne: On l'a ouverte très peu.

M. Johnston: Quant aux mécanismes de vérification de l'avis du médecin traitant, nous formulons très clairement notre position à l'intérieur de notre mémoire. Vous la retrouverez, d'ailleurs, à la recommandation 28. Je l'ai exposée tantôt, en réponse à une question du ministre. Nous partons du même principe que vous: l'avis du médecin traitant doit être déterminant et il doit enclencher l'application des droits pour la victime de lésions professionnelles. Cependant, s'il y a de sérieux doutes de la part de l'employeur que la personne ait droit à de tels bénéfices ou qu'elle ait droit à ce niveau de bénéfices, on est prêt - c'est ce qu'on dit dans notre texte - à ce qu'il y ait une forme de vérification qui soit demandée par l'employeur et que l'employeur puisse contester, devant un niveau d'appel approprié, la première décision de la CSST qui aurait été rendue sur la base du certificat médical. D'accord?

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Quand vous dites "un niveau d'appel approprié", c'est là que ce n'est pas clair pour moi.

M. Johnston: Clairement pour nous, le premier niveau, c'est l'équivalent du bureau de révision actuel, à la condition qu'il soit sorti de l'emprise de la CSST. D'accord? Quant à l'article 132 que vous avez lu et qui semble vous surprendre autant que nous, on a beau regarder cela sous toutes ses coutures, il n'y a pas d'autre façon que de le faire disparaître. Le maintenir sous une forme ou sous une autre, c'est venir à l'encontre du principe auquel vous venez de dire que vous adhérez, c'est-à-dire le rôle déterminant du médecin traitant choisi par la victime d'une lésion professionnelle. Cela devrait être vrai non seulement pour déterminer qu'il y a lésion professionnelle et qu'il a droit à une indemnité, mais cela devrait également être vrai pour tout ce qui concerne les programmes de réadaptation, le retour au travail et j'oublie des éléments sur lesquels le médecin traitant pourrait avoir un rôle important à jouer, à notre point de vue, à l'intérieur d'un système bien pensé.

Quant à la question que vous soulevez concernant notre recommandation 46 relative à l'articulation du principe du droit de retour au travail, notre position est la suivante: dans tous les cas où ce n'est pas contre-indiqué pour la victime d'une lésion professionnelle, même si cela devait amener une certaine forme d'adaptation de son poste de travail, la priorité devrait s'exercer à l'endroit de l'emploi qu'il occupait avant la lésion professionnelle. Pas une seule règle ne pourrait venir changer un iota de l'application de cette loi, à ce niveau.

Lorsque c'est impossible, parce que contre-indiqué, par exemple, dans le cas de la victime d'une lésion professionnelle, est-ce qu'on doit - c'est le sens de votre question -privilégier la victime d'une lésion professionnelle et lui donner un statut, des droits qui soient en quelque sorte supérieurs à n'importe quel autre salarié de l'entreprise pour faciliter sa réintégration? (12 h 45)

La façon dont nous voyons la question peut se résumer ainsi. Adopter ce raisonnement-là, à notre point de vue, cela revient à faire porter par un autre individu de l'établissement le fardeau de la réintégration de la victime et cela nous semble une difficulté à surmonter dans une approche comme celle-là. C'est pourquoi nous recommandons, dans le cas où ce n'est pas possible de faire la réintégration dans le même emploi, que la réintégration dans le même établissement, si c'est possible, se fasse en tenant compte des droits d'ancienneté des personnes, parce que c'est la seule façon d'éviter qu'une autre personne ne soit automatiquement victime de la réintégration de celui qui a une lésion professionnelle. Comment l'articuler? Je le mentionnais tantôt, ce n'est pas facile de trouver une règle qui puisse s'appliquer de façon uniforme dans tous les milieux de travail compte tenu des dispositions différentes des conventions collectives pour ce qui concerne les règles d'attribution des postes qui sont disponibles dans l'établissement. Mais si on fait jouer ce principe que le travailleur atteint d'une lésion professionnelle puisse faire jouer son ancienneté au même titre que s'il avait

continué de travailler dans l'entreprise pour accéder à un emploi disponible, à ce moment-là, on finit de le pénaliser et on évite de pénaliser un autre travailleur parce qu'on réintègre le travailleur accidenté.

Nous sommes convaincus que, dans la recherche de protection complémentaire dans les négociations entre les syndicats et les employeurs, les syndicats vont probablement chercher par voie de négociation des mécanismes un peu plus serrés et - on le mentionne dans notre texte, d'ailleurs - fort probablement que, même dans les cas où il y a des mécanismes très serrés d'attribution des postes qui permettraient difficilement la réintégration d'une personne victime d'une lésion professionnelle, on pense que les syndicats seraient bien heureux de pouvoir conclure des ententes qui permettraient à un travailleur accidenté de réintégrer son poste ou de réintégrer un poste disponible qui aurait pu être accessible à un autre travailleur à l'intérieur de l'entreprise. Ce qu'on veut éviter, c'est que, par voie de législation, on ne vienne en quelque sorte briser des règles conventionnelles.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

Je m'excuse, M. le député de Beauharnois, mais, dans le partage du temps, je protège les quinze minutes de l'Opposition.

M. Lavigne: D'accord, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci, M. le Président. M. Johnston, je voudrais simplement, s'il y a assez de temps, parler de trois sujets: d'abord, le vécu d'un membre de la CEQ dans ce domaine; ensuite, les coûts et je voudrais revenir, si le temps le permet, sur le droit de retour au travail.

J'ai lu votre mémoire et je comprends toujours que, dans les autres mémoires qu'on a entendus jusqu'à présent, il a été question de chiffres, du vécu, d'exemples. Dans votre mémoire, j'ai plutôt l'impression que vous vous en tenez à beaucoup de généralités sur un plan idéologique que je ne nie pas. Je voudrais poser une question sur le vécu des enseignants concernant les accidents du travail et la CSST. Ce n'est pas un domaine qui est très grave, disons, dans la vie de tous les jours quand on le compare, par exemple, à la FTQ ou la CSN. Ai-je bien compris quand je dis que votre mémoire est plutôt fait sur le plan d'une idéologie pour promouvoir les intérêts des travailleurs?

Le Président (M. Rancourt): M. Johnston.

M. Johnston: Je pensais qu'il y avait plusieurs questions. Je m'apprêtais à les prendre en note. Je peux répondre à la première. On peut dire, comme le député vient de le mentionner, qu'on peut être moins visés dans notre secteur jusqu'à un certain point par le problème des accidents et des maladies professionnelles, sauf qu'être moins visés, cela ne veut pas dire ne pas l'être et ne pas avoir d'intérêt. Précisons, d'abord, que la Centrale de l'enseignement du Québec ne regroupe pas que des enseignants. Elle regroupe, en majorité, des enseignants, mais aussi d'autres catégories de personnel qui travaillent dans des établissements scolaires et dans d'autres établissements du secteur public; la majorité est dans le réseau scolaire, mais il s'agit de toutes sortes de catégories de personnel.

Soulignons également que, quant à nous, dans le secteur de l'enseignement, les problèmes les plus courants que l'on voit vont concerner certaines catégories d'enseignants qui ont un taux de risque un peu plus élevé que d'autres, notamment ceux qui enseignent dans certaines disciplines à risque du secteur professionnel, ceux qui enseignent l'éducation physique qui sont susceptibles et qui ont, assez souvent, des accidents de travail. Il y a aussi le personnel de soutien que nous représentons dans plusieurs secteurs et qui exerce des métiers assez divers qu'on retrouve dans plusieurs secteurs.

Je veux également souligner qu'on vit, par ailleurs, des problèmes importants en regard de la définition même de la maladie professionnelle. À titre d'exemple, je veux souligner que les problèmes liés au stress, les problèmes de "burn out" - je ne sais pas la traduction française - dans le secteur de l'enseignement, ce ne sont pas des abstractions; ce sont des réalités. Actuellement il n'y a rien, à l'intérieur du projet de loi 42, il n'y a rien dans la législation qui permette de faire reconnaître quoi que ce soit de ce côté.

Par ailleurs, on vit aussi, si vous me le permettez, comme par incidence des problèmes graves dans certaines régions et dans une région en particulier, la région sud de Montréal. Dans une couple d'établissements scolaires de niveau secondaire qui reçoivent des clientèles qui proviennent de certains centres d'accueil, on vit, actuellement, des problèmes d'hépatite virale de type B même chez le personnel enseignant.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci. Quand on lit votre mémoire, à la fin vous avez une liste de 70 recommandations. Pour prendre quelques recommandations, je cite la deuxième: Vous demandez d'élargir la définition du mot

"travailleur" pour y inclure le mot "domestique", l'étudiant bénéficiaire dans un établissement de santé. À la recommandation no 5, vous parlez de l'extension de la définition du mot "maladie professionnelle". À la recommandation no 11, vous dites qu'il faut payer 100% et non 90% du montant net. À la recommandation no 37, vous parlez de retirer le droit à la CSST d'exiger un examen de santé et cela peut également avoir une conséquence financière. Nous n'avons pas le temps d'analyser chacune des 70 recommandations, mais je suis convaincu que, si le gouvernement les acceptait in toto, il y aurait un facteur assez substantiel de coûts.

Vous parlez du facteur coûts dans votre recommandation no 60 où vous dites: II faut que ce soit "assumé à 100% par les cotisations des employeurs". Sans doute, vous connaissez le domaine des chiffres parce que la CEQ a déjà eu des débats avec le gouvernement sur les chiffres, vous êtes pas mal spécialisés dans les études actuarielles aussi quand cela touchait directement votre domaine concernant les salaires etc., dans le passé. Avez-vous préparé des études actuarielles ou des études des coûts qui peuvent résulter de ces 70 recommandations?

Le Président (M. Rancourt): M. Johnston.

M. Johnston: Malheureusement, malgré toutes les qualités que vous nous reconnaissez, on n'est pas équipés parce qu'on n'a pas les données disponibles pour être capables de faire des simulations. On n'a pas toutes les données qui sont enregistrées au niveau de la CSST et qui nous seraient nécessaires pour être capables de faire une évaluation un peu sommaire de ces coûts. Mais, il y a un certain nombre d'éléments là-dedans qui, à notre point de vue, n'entraînent pas nécessairement des coûts supplémentaires. Tantôt, vous mentionniez la couverture des étudiants et des étudiantes; qu'une commission scolaire soit tenue de verser une cotisation à la CSST pour couvrir éventuellement des accidents ou des maladies qui pourraient résulter des activités des étudiants dans les écoles, moi, je ne crois pas que cela entraîne des coûts supplémentaires pour les commissions scolaires concernées puisque, de toute façon, aujourd'hui, elles sont obligées de s'assurer au cas où il y aurait une responsabilité qui serait déclarée par un tribunal. Ce serait donc un transfert de fonds, de cotisations qui sont plus ou moins imputées à des régimes d'assurance vers des cotisations à un régime d'indemnisation pour les victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles.

On pourrait faire l'identification d'un certain nombre de cas comme cela où les coûts sont presque nuls. Il est clair qu'il y a des coûts supplémentaires quand on demande, par exemple, que l'indemnité de remplacement du revenu soit à 100% du revenu net plutôt qu'à 90% et sans maximum. C'est clair qu'il y a des coûts supplémentaires là-dedans. C'est clair qu'il y a des coûts supplémentaires dans certaines autres recommandations qui concernent l'amélioration du régime actuel, notamment sur la question des indemnités pour dommages corporels, de l'indemnité qui serait versée au conjoint survivant, etc. Il y a des coûts là-dedans. On n'est pas capables de les quantifier, cependant, parce qu'on n'a pas les données qui nous permettent de faire des simulations.

On ne pense pas que ce soient des coûts astronomiques en soi si, par ailleurs -c'est à cela, je pense, qu'il faut revenir - on ne se contente pas de réparer les dommages après le coup, mais si on essaie de mettre en place vraiment les mécanismes qui vont réduire les causes des lésions professionnelles. Je mettais en relation tantôt la réparation par rapport à la prévention et mettez en relation également l'espèce de transfert de coûts indirects qu'entraîne nécessairement le fait de ne pas avoir une protection adéquate pour les accidentés du travail ou les personnes atteintes de maladies professionnelles, transfert de coûts qui devient un coût social parce qu'il y a des coûts qui, s'ils ne sont pas assumés par un régime comme celui-là, vont être assumés par des régimes généraux qui ne sont pas particuliers aux accidents du travail et aux maladies professionnelles. C'est l'ensemble de la société qui, à partir d'une imputation d'une certaine somme provenant du fonds d'administration général de la province, viendrait, en quelque sorte, couvrir les frais résultant des accidents de travail et des maladies professionnelles. On ne pense pas qu'il y ait avantage, pour compléter ma réponse, à ce qu'une indemnisation inadéquate amène une augmentation du nombre de personnes qui vont toucher des prestations d'assistance sociale.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Maintenant, c'est malheureux que, comme toujours, il n'y ait pas assez de temps, mais le ministre a produit, la semaine dernière, une étude d'actuaires, justement, sur les conséquences financières du projet de loi 42. Tel qu'amendé, la dernière fois, en novembre 1983, il nous annonce la bonne nouvelle qu'on va épargner 18 100 000 $ si cela est appliqué. Si, par hasard, on prend l'avant-projet de loi en mars 1983, cela va nous coûter 31 000 000 $ de plus. Je ne sais pas si vous en avez reçu une copie,

mais c'est très intéressant - vous pouvez vous procurer une copie, sans doute, elles sont disponibles - d'étudier cela parce que les 31 000 000 $ de plus en mars 1983, cela n'inclut pas 10%, 15% de vos demandes. Je suis personnellement convaincu que vos 70 demandes, telles que formulées, coûteraient des millions et des millions de dollars de plus. Évidemment, on n'a pas le temps d'en discuter. Je voudrais savoir s'il y a un point où vous dites: Si cela coûte tant de plus, on est prêts peut-être à modifier notre demande parce qu'on commence à approcher un niveau où nos produits québécois ne seront plus concurrentiels. M. Laberge a accepté cet énoncé. Quelle est votre opinion là-dessus?

Le Président (M. Rancourt): M. Johnston.

M. Johnston: Je voudrais d'abord vous signaler que, selon les informations que nous avons recueillies, le projet de loi 42 constitue un recul susceptible d'entraîner des économies de plus de 100 000 000 $ par rapport aux dispositions actuelles. Il y a un certain nombre de dispositions que nous n'avons pas été en mesure d'évaluer en termes de réduction de coûts. Le projet de loi 42, à notre point de vue, constitue un recul très important pour les travailleurs qui seraient victimes de lésions professionnelles.

Je voudrais ajouter que, dans l'organisation générale d'une société, il existe des coûts liés quelque peu à la façon dont se fait cette organisation. Si, par hasard, vous réussissiez à convaincre les employeurs qu'ils auraient avantage à investir beaucoup dans l'organisation du travail et dans tout ce qui entre dans le processus de production, vous arriveriez peut-être à la conclusion que vous pourriez facilement appliquer l'ensemble des recommandations que nous formulons sans que cela coûte plus cher pour les employeurs. Peut-être même que cela leur coûterait diablement moins cher.

Il y a un niveau de préoccupation qu'il faut être capable de faire entrer dans la réalité sociale. Je pense que vous, de l'Opposition officielle particulièrement, avez peut-être ce rôle complémentaire à jouer, celui de faire comprendre aux employeurs qu'on ne peut pas faire en sorte que les travailleurs ou travailleuses victimes de lésions professionnelles soient, à toutes fins utiles, tirés à la poubelle comme un boulon qui vient de se casser et qui peut facilement être remplacé. Des coûts sont reliés à cela et, s'ils ne sont pas assumés par les employeurs, responsables du travail qu'ils accomplissent, ils seront assumés par l'ensemble de la société. Nous ne croyons pas qu'il incombe à l'ensemble de la société de payer pour une organisation du travail et un processus de production qui n'ont pas suffisamment été remis en question et qui n'ont pas amené les mesures de prévention appropriées.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci, M. le Président. Puisqu'il est 13 heures, je m'en tiendrai à une petite question. M. Johnston, dans l'hypothèse que le projet de loi ne serait pas amendé, préférez-vous le statu quo ou le projet de loi actuel?

Le Président (M. Rancourt): M. Johnston.

M. Johnston: Je vais essayer de répondre à votre question de façon claire. Si le projet de loi devait demeurer avec son contenu actuel, nous l'avons dit dans les premières pages de notre mémoire, nous serions obligés de le combattre parce qu'il constitue un recul important pour l'ensemble des travailleurs du Québec et, particulièrement, pour ceux et celles susceptibles d'être victimes de lésions professionnelles.

M. Cusano: C'est cela. Pour ne pas abuser de mon droit de parole, M. Johnston, je vous remercie, ainsi que les membres de la CEQ qui vous accompagnent pour le mémoire assez bien présenté. Même s'il nous est arrivé en retard - il nous est arrivé ce matin - nous, de l'Opposition, prendrons certainement le temps de le fouiller. Si nous avons des questions, nous ne nous gênerons pas pour appeler. Au nom de ma formation politique, je vous remercie.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: M. le Président, je veux ajouter mes remerciements à ceux que vient de transmettre le député de Viau, autant à la Centrale de l'enseignement du Québec qu'au Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec. J'ai compris que c'était un mémoire conjoint et que les représentations qu'on y retrouve sont soumises par les deux organismes.

Je réitère mes remarques du début. Il y a dans votre mémoire à boire et à manger, si vous me passez l'expression. Il contient beaucoup de choses. Il me semble qu'il y a également certains aspects de vos préoccupations sur lesquels nous avons fait un certain bout de chemin ce matin; il y a d'autres choses à revoir. Je vous signale qu'à un moment donné, au cours de nos travaux, il y aura, effectivement, des choses qui seront annoncées. Parmi ces choses-là, il y en a très certainement qui vont retenir les représentations que vous nous avez faites. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Rancourt): Donc, nous remercions la Centrale de l'enseignement du Québec de sa présence. Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures où nous recevrons le Syndicat des fonctionnaires provinciaux.

(Suspension de la séance à 13 h 6)

(Reprise de la séance à 15 h 16)

Le Président (M. Rancourt): À l'ordre! Nous allons reprendre les auditions de la commission élue permanente du travail, qui a pour mandat d'entendre, justement, les représentations des personnes et des groupes intéressés au projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Nous avons comme invité le Syndicat des fonctionnaires provinciaux. Nous allons prier ce groupe de bien vouloir se présenter, s'il vous plaît. M. le président, si vous voulez bien identifier ceux qui sont avec vous, à la table.

Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec

M. Harguindeguy (Jean-Louis): Alors, ceux qui m'accompagnent, cet après-midi, sont les responsables du dossier. À mon extrême droite, Roland Saint-Jean, vice-président, qui est adjoint aux avantages sociaux; à ma droite, Jean-Guy Fréchette, le responsable; et à ma gauche, Jean-Charles Morin, adjoint; moi-même, Jean-Louis Harguindeguy, président général.

Le Président (M. Rancourt); Très bien, merci.

M. Harguindeguy: Honorables membres de l'Assemblée nationale, même si nous doutons fort que des modifications soient apportées au projet de loi dans le sens des recommandations que nous formulons par le présent mémoire et ce, compte tenu du peu d'attention apporté aux recommandations que nous avons déjà formulées sur d'autres projets de loi qui, pour nos membres, étaient tout aussi importants sinon plus que le présent projet de loi, nous nous croyons moralement dans l'obligation de formuler malgré tout des commentaires afin de corriger des anomalies que comporte le projet de loi.

Même si ce projet de loi a pour objet d'instaurer un nouveau régime de réparation des lésions professionnelles, en remplacement des régimes prévus par la Loi sur les accidents du travail et la Loi sur l'indemnisation des victimes d'amiantose ou de silicose dans les mines et les carrières, il n'en demeure pas moins que ce projet de loi s'inscrit dans la foulée d'autres projets de loi rétrogrades, tels les projets de loi 70, 105 et 111 de 1982 et 51 de 1983 qui, plutôt que d'améliorer globalement les conditions de vie des travailleurs et travailleuses du Québec, notamment ceux des secteurs public et parapublic, ont plutôt eu pour effet de récupérer certains des avantages que ceux-ci possédaient.

Nous sommes fort conscients que le projet de loi propose des améliorations dans certains domaines mais nous considérons que le prix à payer pour les travailleurs et travailleuses du Québec est quelque peu élevé, compte tenu des pertes qu'ils subiront éventuellement advenant le cas où le projet de loi serait adopté dans sa forme actuelle.

La loi actuelle et le projet de loi visent tous les deux l'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles. Les deux textes, selon nous, ne comportaient pas de différences majeures quant aux catégories de personnes protégées en cas de lésion professionnelle, ni dans la définition de lésion professionnelle.

Les différences majeures se situent dans les articles relatifs à l'indemnisation et la réinsertion sociale et professionnelle des travailleurs. Nous nous contenterons donc de vous formuler des commentaires quant aux différences que nous avons pu constater dans certaines sections du projet de loi.

En ce qui concerne l'invalidité d'un travailleur causée par une lésion professionnelle, son remplacement du revenu, la loi actuelle prévoit le versement de rentes dans le cas d'incapacité totale, temporaire ou permanente, alors qu'une rente égale à 90% du salaire net est versée, ou d'incapacité partielle, temporaire ou permanente; et dans ces cas, une rente égale à 90% du salaire net, multiplié par le pourcentage d'incapacité, est alors versée. La rente pour une incapacité permanente est versée durant toute la vie du travailleur tandis que celle pour incapacité temporaire est versée tant que dure son incapacité. Les rentes pour incapacité permanente sont indexées selon l'inflation au 1er janvier de chaque année.

Le projet de loi prévoit, quant à lui, le versement de rentes dans le cas d'invalidité; le droit de recevoir la rente est cependant conditionné aux critères suivants:

Premièrement, pendant les trois premières années, si le travailleur est incapable d'occuper son emploi; deuxièmement, à compter de la quatrième année, si le travailleur est incapable d'exercer toute occupation. Même si le montant de la pleine rente est égal à 90% du salaire net du travailleur, il est à noter que le projet de loi fait en sorte qu'à compter de la quatrième année cette rente est réduite et est versée au travailleur qui est

incapable d'exercer toute occupation, mais qui est capable d'exercer une occupation qui lui procure un salaire net inférieur à celui qu'il tirait de son occupation précédente. Le montant de cette rente est alors égal au montant de la pleine rente, moins le revenu net de l'occupation qu'il exerce ou qu'il peut exercer.

Contrairement aux rentes versées par la loi actuelle, les rentes prévues par le projet de loi ne sont pas payables pour toute la vie du travailleur. Elles cessent au 68e anniversaire, par ailleurs, et elles sont diminuées de 25% par année à compter de la date à laquelle une rente de retraite est payable au travailleur en vertu du Régime de rentes du Québec, si cette date précède la date du 65e anniversaire de naissance, ou à compter du 65e anniversaire de naissance.

Dans le cas d'une victime âgée de 65 ans ou plus lors de la survenance de la lésion, une rente est alors payable pendant quatre ans.

Quant à l'indexation, le projet de loi prévoit une indexation annuelle selon l'inflation à la date anniversaire de la lésion et, contrairement à la loi actuelle, cette indexation est effectuée sur le revenu brut à partir duquel le revenu net et la rente ont été établis.

Comme nous venons de le constater, les rentes qui seraient versées par le projet de loi sont fonction de la perte de revenu subie par la victime, et diminuent graduellement à compter de 65 ans ou 60 ans, selon le cas, pour se terminer à 68 ans ou 63 ans, alors que les rentes versées par la loi actuelle étaient payables la vie durant du travailleur.

Compte tenu du montant de la rente de retraite payable par la Régie des rentes du Québec, le revenu d'un travailleur après l'âge de retraite peut ne pas être suffisant, et pour respecter le principe de remplacement du revenu qui était à la base de la loi actuelle, nous estimons que le projet de loi devrait tenir compte de la perte de revenu après l'âge de retraite.

Par exemple, une façon de tenir compte de cette perte de revenu aurait été de tenir compte du régime de retraite dont pourrait bénéficier la victime, et de continuer à assurer la participation de la victime invalide à ce régime jusqu'à sa retraite, sans versement de cotisations.

Compte tenu de ce que verse actuellement la Commission de la santé et de la sécurité du travail, il serait préférable, surtout pour ceux qui ne bénéficient pas d'un régime de retraite avec leur employeur, que le projet de loi prévoie une rente qui continuerait à être versée après l'âge de la retraite.

Nous sommes conscients qu'il faut cependant tenir compte du fait qu'avant la lésion professionnelle cette catégorie de travailleurs devait accumuler son propre régime de retraite à partir de ses économies personnelles, et pour ces travailleurs, la perte de revenu après la retraite, à la suite de la lésion professionnelle, devrait donc être compensée à même l'indemnité de remplacement du revenu.

Même si le projet de loi, comme la loi actuelle, prévoit le versement de rentes aux victimes invalides à la suite d'une lésion professionnelle, nous devons constater, en vertu du projet de loi, que les rentes versées ne sont plus fonction d'un pourcentage d'atteinte à l'intégrité physique, mais sont reliées à l'incapacité d'occuper un emploi.

Nous croyons donc que des modifications devraient être apportées à l'article 48 du projet de loi afin que la période pendant laquelle un travailleur est reconnu invalide s'il est incapable d'occuper son emploi soit portée à cinq ans, tout comme cette disposition existe en vertu de la Loi sur l'assurance automobile du Québec.

En plus du paiement de la rente, le projet de loi ajoute le versement d'un forfaitaire qui est fonction du pourcentage d'atteinte à l'intégrité physique. Ce forfaitaire ne tient pas compte de la perte de revenu, mais est relié à l'âge de la victime et au pourcentage d'atteinte à son intégrité physique. Il a pour objectif de compenser pour le dommage physique, le préjudice esthétique, les douleurs et la perte de jouissance de la vie.

Le barème de compensation serait déterminé par réglementation et la victime perdra alors le droit de recours qu'elle pourrait autrement avoir.

Nous ne sommes pas certains que ce barème indemnisera convenablement le travailleur victime d'une telle lésion.

Le projet de loi fait également en sorte que la rente de la Régie des rentes du Québec ne sera plus versée lorsqu'une rente sera payée par la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Toutefois, selon le projet de loi, le travailleur totalement invalide pendant plus de 24 mois n'aura plus à verser les cotisations à la Régie des rentes du Québec.

Pour la période d'invalidité, après les premiers 24 mois, le travailleur bénéficiera donc de la rente de retraite de la Régie des rentes du Québec à partir de l'âge de la retraite, sans avoir à verser les cotisations autrement requises.

Nous estimons qu'il est toutefois malheureux que cette disposition ne s'applique pas rétroactivement au début de l'invalidité.

Les modifications appropriées devraient donc être apportées à cet article pour corriger cette anomalie.

Incitation au travail. La loi actuelle ne prévoit aucune formule d'incitation au travail. Le projet de loi, quant à lui, prévoit une formule d'incitation au travail qui

s'applique à un travailleur incapable d'occuper totalement son emploi, mais qui en occupe un autre moins rémunérateur, ou qui occupe partiellement son emploi.

Selon le projet de loi, cette incitation au travail cesse à la plus rapprochée des dates suivantes: premièrement, à la fin de la troisième année suivant la lésion; deuxièmement, deux ans après le début de cette formule d'incitation.

La formule d'incitation au travail est appliquée de façon que la rente soit réduite des montants suivants: 50% des premiers 2000 $ du revenu net annuel tiré de l'emploi occupé; 60% des prochains 2000 $ du revenu net annuel tiré de l'emploi occupé; 85% des prochains 2000 $ du revenu net annuel tiré de l'emploi occupé; 100% de l'excédent.

Les premiers 1000 $ de revenu brut tiré de cet emploi ne sont pas considérés aux fins de la réduction.

Nous croyons cependant que la formule d'incitation au travail devrait avoir comme double objectif d'encourager le travailleur à occuper un emploi et de réduire les coûts du régime.

Afin d'encourager vraiment le travailleur à occuper un emploi, cette formule devrait, quant à nous, s'appliquer durant toute la période pendant laquelle il est reconnu invalide, s'il est incapable d'occuper son emploi.

De plus, nous croyons que cette formule devrait pénaliser beaucoup moins le travailleur qui retire de très faibles revenus de son nouvel emploi. Dans ce sens, la formule pourrait accorder une exonération de coordination de revenu sur les premiers 2000 $ de revenu brut, et réduire la rente de façon progressive par tranche de 2000 $ de revenu net, en appliquant les pourcentages suivants: 25%, 50%, 75% et 100%, au lieu de 50%, 60%, 85% et 100% respectivement.

Nous croyons, d'autre part, qu'une autre formule d'incitation au travail devrait être appliquée lorsque le travailleur occupe un nouvel emploi moins rémunérateur.

Une telle formule pourrait, par exemple, prévoir que la Commission de la santé et de la sécurité du travail verse une rente égale à 100% du revenu net de l'emploi occupé lors de la lésion, moins le revenu net tiré du nouvel emploi.

Nous devons constater que, dans le projet de loi actuel, cette coordination s'effectue avec comme base 90% du revenu net.

D'autre part, le projet de loi ne tient absolument pas compte de la possibilité réelle pour le travailleur accidenté de se trouver un emploi, compte tenu du taux de chômage passablement important qui prévaut dans plusieurs régions du Québec.

Nous croyons donc, tout comme cela est applicable pour le paiement des prestations d'assurance-chômage, que l'on devrait tenir compte du pourcentage de chômage prévalant dans les régions administratives du Québec, pour éventuellement déterminer une période beaucoup plus longue au cours de laquelle le travailleur pourrait continuer à recevoir une pleine compensation de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Quant aux premiers jours d'invalité, la loi actuelle prévoit que les cinq premiers jours d'invalidité sont payés directement par l'employeur et que la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec rembourse l'employeur par la suite si la réclamation est approuvée.

Le projet de loi prévoit, quant à lui, que les quatorze premiers jours d'invalidié seraient payés directement par l'employeur, la CSST remboursant l'employeur par la suite.

Nous comprenons mal les justifications qui amènent une telle modification et l'augmentation d'un tel délai, à moins que la Commission de la santé et de la sécurité du travail ne veuille ainsi solutionner certains problèmes d'incurie administrative, compte tenu de la réduction des effectifs qui prévaut dans la fonction publique et de l'augmentation du "case load", augmentation de l'ordre de 20% à 25% pour les agents d'indemnisation. Mise à part cette éventualité, rien ne justifie une telle prolongation de délai.

Nous devons porter à l'attention des honorables membres de l'Assemblée nationale qu'au cours de la dernière année plusieurs emplois d'agents de bureau et d'auxiliaires de bureau ont été éliminés, leur travail étant redistribué par la suite aux agents d'indemnisation qui, normalement, doivent se prononcer sur les diverses demandes de prestations des travailleurs accidentés.

La redistribution de ces travaux de bureau occasionne donc ainsi une surcharge de travail pour ces mêmes agents qui sont, à l'heure actuelle, dans l'obligation de dactylographier personnellement leurs lettres et également procéder au classement des divers dossiers, travaux qu'ils n'avaient pas à effectuer antérieurement.

De plus, les agents de renseignements de la CSST ayant reçu l'ordre de ne pas donner tous les renseignements apparaissant dans le dossier du travailleur, mais de référer l'individu directement à l'agent d'indemnisation, cette situation fait en sorte que le travail de celui-ci est d'autant augmenté.

De plus, l'ensemble des difficultés que subissent les employés, notamment par l'utilisation du système informatique qui fait défaut plus souvent qu'autrement, font en sorte que la qualité des services offerts à la population est beaucoup moindre que celle qui était prévue originalement. On pourrait ajouter, selon nos informations, que les

bureaux locaux ne peuvent assurer à près de 80% des accidentés que leur demande serait étudiée dans un délai minimal d'un mois.

L'utilisation d'employés occasionnels et de contractuels provenant de firmes ou de personnes privées n'est sûrement pas pour solutionner les problèmes rencontrés.

Quant au paiement forfaitaire, la loi actuelle n'en prévoit pas pour dommages corporels, alors que le projet de loi prévoit une indemnité forfaitaire pour une victime qui subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique.

Le montant qui serait alors versé est relié à l'âge de la victime et au barème des dommages corporels adopté par règlement et établi selon le pourcentage des dommages estimés.

Comme nous pouvons le constater, le projet de loi abandonne donc ainsi le principe de remplacement du revenu. Nous estimons qu'une telle modification constitue un changement d'importance sur lequel nous sommes formellement opposés.

Le nouveau principe adopté, qui consiste à verser un montant forfaitaire, n'indemnise pas, à notre avis, de façon adéquate les survivants d'un travailleur décédé, même si, dans certains cas, un travailleur reçoit plus en vertu du projet de loi qu'en vertu de la loi actuelle.

Afin d'illustrer les modifications apportées par le projet de loi dans le montant des indemnités et leurs conséquences, nous vous présentons trois exemples. On vous fera grâce de la lecture.

Nous tournons à la page 13 où, comme conclusion, vous constaterez, à la lecture de ces exemples, que le projet de loi accorde généralement aux travailleurs qui ont des personnes à charge des indemnités qui ont une valeur moins grande que les indemnités payées par la loi actuelle. C'est également la même situation qui prévaudra dans le cas des personnes assujetties à d'autres régimes, tel l'IVAC, dont les compensations seront établies sur les mêmes bases que les accidentés du travail. (15 h 30)

Nous pouvons toutefois nous demander si la loi actuelle n'accordait pas des indemnités trop élevées lorsque l'on tient compte des rentes versées en vertu de la Loi sur les rentes du Québec contrairement à ce qu'effectue la Régie de l'assurance automobile du Québec qui verse une rente intégrée avec celle de la Régie des rentes.

Cependant, lorsque l'on tient compte des rentes payables par la Régie des rentes au conjoint survivant avant 65 ans et qui sont de l'ordre de 29 $ par orphelin, 360,25 $ pour les conjoints de moins de 55 ans, et 420,31 $ pour les conjoints de 55 à 64 ans, nous considérons que la CSST peut accorder, comme actuellement, des rentes qui seraient établies en pourcentage de l'indemnité de remplacement du revenu en cas d'invalidité totale (90% du revenu net).

À titre d'exemple, la rente de la CSST additionnée à celle de la Régie des rentes pourrait être égale à 75% de l'indemnité de remplacement du revenu pour conjoint, de 10% de cette même indemnité pour le premier enfant à charge, et de 5% pour les enfants suivants, avec un maximum total de quatre enfants. Au lieu d'être payable à vie, comme actuellement, cette rente pourrait être payable jusqu'à l'âge de retraite présumée du travailleur décédé.

Advenant le cas où le principe d'un montant forfaitaire, variable en fonction de l'âge des personnes à charge survivantes, serait maintenu, nous estimons que le projet de loi devrait conserver comme objectif le principe d'accorder au survivant une indemnité qui tienne compte de ses besoins. Seule une analyse détaillée peut nous permettre de vérifier la relation entre les besoins et l'âge des survivants.

Conséquemment, nous sommes formellement opposés au principe d'un montant forfaitaire. Nous croyons d'ailleurs qu'un tel principe peut être préjudiciable à la santé des travailleurs puisque les employeurs qui, actuellement, se doivent, selon la loi, d'assumer les coûts inhérents à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et travailleuses, pourraient avoir intérêt à ne pas assumer une telle obligation, vu que globalement les prestations en cas de décès seraient moindres pour l'entreprise qu'ils représentent que les coûts de protection et de prévention.

Une telle orientation démontre donc une certaine incohérence de la part du gouvernement qui, depuis quelques années, a mis passablement d'efforts pour forcer les employeurs à assumer leurs obligations vis-à-vis des travailleurs et travailleuses du Québec dans le domaine de la santé et de la sécurité du travail.

Le projet de loi prévoit également que le pourcentage de dommages permettant ainsi le paiement d'un montant forfaitaire serait fixé lorsque les séquelles de la lésion professionnelle sont médicalement déterminées. Advenant le cas où, au bout de deux ans, le pourcentage ne peut pas encore être déterminé, celui-ci serait estimé par la CSST et un ajustement ultérieur serait apporté s'il y a lieu.

Nous croyons que la loi devrait, à tout le moins, prévoir une date limite pour la détermination de tels ajustements et également permettre des recours pour le travailleur qui ne serait pas satisfait de la décision rendue par la CSST et ce, dans tous les domaines qui peuvent être concernés par une décision administrative.

Dans le cas du décès d'un travailleur causé par une lésion professionnelle, la loi actuelle prévoit le versement de rentes aux

personnes à charge, tels le conjoint, les enfants de moins de 18 ans ou plus âgés s'ils sont aux études ou s'ils sont invalides, les ex-conjoints recevant une pension alimentaire et les autres personnes qui dépendent du revenu du travailleur.

Cette rente est alors égale à un pourcentage de la rente que recevrait un travailleur s'il était totalement invalide. Le projet de loi, quant à lui, prévoit le versement de montants forfaitaires aux personnes à charge.

Afin d'illustrer les changements apportés par le projet de loi dans les indemnités prévues pour le remplacement de revenu à la suite du décès d'un travailleur, nous vous soumettons également trois exemples qui là, comme vous le constaterez, accordent généralement aux travailleurs qui ont des personnes à charge des indemnités qui ont une valeur moins grande que les indemnités payées par la loi actuelle et, conséquemment, nous nous opposons formellement à une telle modification et réclamons que les dispositions actuelles soient maintenues.

Quant à la réinsertion sociale et professionnelle du travailleur, la loi actuelle et le projet de loi prévoient tous les deux un droit au travailleur à la réadaptation. Une série de mesures sont contenues dans les deux textes offrant un éventail important des services de réadaptation.

Le projet de loi insiste cependant davantage sur les mesures actives de réadaptation. Il est dit, notamment, que la CSST doit adopter une politique de subventions pour favoriser l'embauche ou la création d'emplois pour les travailleurs victimes d'une lésion professionnelle.

De plus, le projet de loi fait naître un nouveau droit suivi du retour au travail. Cette disposition confère donc au travailleur le droit de réintégrer son emploi, s'il est capable de l'exercer, avec le salaire et les avantages dont il aurait bénéficié s'il n'y avait pas eu d'interruption du travail. C'est la CSST qui devra aviser le travailleur et l'employeur de la capacité du travailleur à intégrer son emploi à la date qu'il indique. L'employeur est tenu de reprendre le travailleur à cette date.

Cependant, le travailleur qui, sans raison valable, ne reprend pas son emploi dans les cinq jours de la date indiquée, perd son droit de réintégrer son emploi. Si le travailleur demeure incapable de réintégrer son emploi, il aura priorité pour occuper un autre emploi disponible dans le même établissement, avec le salaire et les avantages liés à cet autre emploi. Il doit évidemment avoir les qualifications requises pour occuper cet autre emploi.

Nous nous devons cependant de constater que ce droit de retour au travail n'est valide que pour un maximum de deux ans, ce qui nous apparaît nettement insuffisant, et nous recommandons que cette période soit portée à cinq ans afin d'être concordant avec nos revendications formulées quant à la période prévue pour le versement d'une rente d'invalidité, tel qu'énoncé précédemment.

Le financement de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec touche deux opérations distinctes, soit le niveau de capitalisation et le mode de répartition des cotisations.

À première vue, le projet de loi ne change pas de façon significative le mode de répartition des cotisations qui existe présentement. Il change, par contre, le niveau de capitalisation et nos commentaires se limiteront à cet aspect du projet de loi.

Quant au niveau de capitalisation, cette opération vise à déterminer dans quelle proportion les engagements de la CSST envers les travailleurs victimes de lésions professionnelles seront capitalisés. Le niveau de financement visé déterminera donc le montant total des cotisations perçues au cours des années.

Depuis 1976, les taux de cotisation fixés par la CSST, pour une année donnée, visaient à capitaliser à 100% le coût des lésions professionnelles de cette année. Ces cotisations permettaient aussi d'amortir sur 30 ans, jusqu'en 2005, le déficit actuariel de la CSST au 31 décembre 1975, ce déficit représentant l'excédent des engagements futurs de la CSST envers les victimes de lésions professionnelles connues au 31 décembre 1975 sur l'actif de la CSST à cette même date.

Le projet de loi prévoit, quant à lui, que, pour les années 1984 à 1988 inclusivement, les taux de cotisation fixés par la CSST, pour une année donnée, viseront à capitaliser 90% du coût des lésions professionnelles de cette année. Par la suite, le niveau de capitalisation visé augmentera de 2% par année, pour atteindre 100% en 1993.

Comme nous pouvons le constater, le projet de loi a tendance à diminuer la garantie du paiement des indemnités aux travailleurs victimes de lésions professionnelles puisque le niveau de capitalisation du coût courant du régime est diminué pour un certain nombre d'années.

D'autre part, il est inconcevable que les sommes provenant des cotisations, dont la commission prévoit ne pas avoir besoin immédiatement pour l'application de la loi, puissent être utilisées pour acquérir, construire, louer ou transformer un immeuble pour ses fins.

Nous estimons que de telles dépenses devraient être assumées à même le fonds d'administration afin de garantir aux travailleurs victimes de lésions professionnelles la garantie du paiement de

la prestation.

Nous estimons, d'autre part, que certaines expériences récentes nous démontrent que certaines dépenses concernant les immeubles et la transformation des locaux et l'achat de matériel ne sont pas nécessairement justifiées et n'ont pas eu pour effet d'améliorer le service à la clientèle.

Nous croyons, d'autre part, que le gouvernement, par la présentation de ce projet de loi, réduit sensiblement sa contribution, puisque le taux de cotisation à la CSST à compter de 1984 sera moins élevé qu'il aurait été si le niveau de capitalisation antérieur avait été conservé.

Quant au déficit actuariel relatif aux lésions professionnelles survenues avant le 1er janvier 1984, il ne sera plus financé par les cotisations courantes et continuera d'augmenter avec les intérêts et les déficits d'expérience qui s'y ajouteront, puisque le projet de loi ne stipule pas la façon dont le déficit actuariel au 31 décembre 1983 sera financé.

Le projet de loi ne fait que stipuler qu'il ne sera pas financé par une augmentation future du taux de cotisation des employeurs. Qui donc assumera un tel déficit?

Quant aux autres dispositions, le projet de loi prévoit à la définition d'établissement que celui-ci est un établissement au sens de la Loi sur la santé et la sécurité du travail.

Même si nous n'avons pas d'opposition à ce que la définition soit identique à celle de la loi 17, nous devons cependant porter à votre attention que nous n'avons pu convenir, malgré diverses démarches, d'une application concrète de cette définition aux divers édifices et lieux de travail sous la responsabilité du gouvernement du Québec.

Quant à la disposition, à savoir que l'employeur qui loue ou prête les services d'un travailleur à son emploi demeure l'employeur de ce travailleur, nous estimons que des clarifications devraient être apportées pour tenir compte de la situation qui prévaut, notamment au gouvernement du Québec, alors que plusieurs employés de la fonction publique sont libérés de leurs activités régulières aux fins de remplir des mandats syndicaux.

L'imprécision actuelle a pour effet de laisser ces employés dans une situation plutôt imprécise et qui occasionne au surplus des frais additionnels, puisque tant le gouvernement que le syndicat assument des cotisations équivalant au traitement reçu par ces employés, ce qui équivaut donc à des contributions en double.

Nous voudrions également nous assurer que les dispositions particulières aux maladies professionnelles, notamment aux articles 28 et 30, n'auront pas pour effet d'amoindrir les dispositions applicables dans le cas des employées enceintes qui peuvent bénéficier actuellement d'un retrait préventif, tant selon les dispositions de la Loi sur la santé et la sécurité du travail que des dispositions de nos décrets.

Quant aux dispositions générales, notamment celles prévues à l'article 45, permettant aux professionnels de la santé désignés par l'employeur d'avoir accès au dossier médical de ce travailleur, nous estimons que des restrictions devraient être imposées, à savoir que, conformément aux dispositions de la loi actuelle, à l'article 55, l'accès au dossier médical ne puisse être uniquement que relatif à l'accident pour lequel le travailleur réclame le paiement d'une indemnité.

Nous pouvons également nous interroger quant à la confidentialité des informations qui pourront être transmises de façon verbale, compte tenu de l'écoute électronique qui a actuellement cours à la CSST.

Le contenu des dossiers médicaux des accidentés pourrait donc ainsi être porté à la connaissance de personnes non habilitées à obtenir de tels renseignements.

D'autre part, nous estimons, lorsque le travailleur fait l'objet d'un examen médical requis par son employeur, qu'une copie des résultats de cet examen devrait être transmise à la CSST ainsi qu'au travailleur.

Conclusion. Comme nous pouvons le constater, les modifications envisagées par le projet de loi 42 n'ont pas pour seul effet de bonifier les dispositions de la loi actuelle, comme le laisseraient croire les notes explicatives du projet de loi, mais ont beaucoup plus pour effet de réduire sensiblement la contribution des employeurs.

Nous croyons cependant que, dans le domaine des accidents du travail, les travailleurs et travailleuses victimes d'une telle lésion professionnelle devraient être assurés d'un minimum de revenu décent leur permettant de maintenir leur régime de vie, particulièrement au cours d'une période où ils sont le moins aptes à faire face aux responsabilités qui leur incombent, alors que leur invalidité les rend inaptes à exercer tout autre travail. Merci.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: Comme le mémoire nous est présenté d'une façon brève, concise, je vais essayer de l'être moi aussi et je n'aurai effectivement que très peu de commentaires, de questions. Je retiens d'abord comme remarque ou préoccupation générale qu'on nous soumet des inquiétudes d'ordre économique, surtout par rapport à ce que la situation actuelle prévoit. À cet égard, évidemment, vous rejoignez les préoccupations de plusieurs groupes que nous avons entendus jusqu'à maintenant et la

difficulté que nous rencontrons lorsque ces représentations nous sont faites, c'est de procéder à une évaluation de ce que pourrait vouloir dire l'une ou l'autre des différentes propositions soumises. Cependant, nous allons très certainement prendre le temps de faire cette évaluation et d'en arriver à des conclusions.

J'apprécierais, M. Harguindeguy, une précision quant à la politique de droit de retour au travail. Vous avez remarqué, à la lecture du projet de loi, qu'au-delà des modalités qui concernent, par exemple, la période de temps pendant laquelle le droit de retour au travail peut être exercé, les autres normes qu'on retrouve dans le projet de loi, au-delà de cela, vous remarquez que le projet dans sa forme actuelle donne une priorité de retour au travail au travailleur ou à la travailleuse accidentée. Lorsque le projet a été déposé, il nous est apparu que les associations qui représentent des travailleurs et des travailleuses étaient disposées à accepter que le fait d'être un accidenté ou une accidentée du travail donnait, effectivement, une priorité de retour au-delà même des droits que peut consentir l'ancienneté, par exemple.

Là, au fur et à mesure qu'on avance dans nos travaux, il devient de plus en plus évident qu'on devrait conserver le principe de l'ancienneté pour l'affectation à l'intérieur de l'entreprise. Est-ce qu'à cet égard vous pouvez nous faire part de vos commentaires? Je pose ma question de façon plus directe: Est-ce qu'on devrait accorder la priorité d'occupation d'un emploi à un travailleur ou à une travailleuse accidentée qui peut maintenant revenir au travail alors même que quelqu'un qui aurait plus d'ancienneté que lui aurait postulé pour la même fonction? Je ne sais pas si c'est suffisamment clair comme question, mais c'est devenu une préoccupation parce que, suivant que l'on entend un groupe plutôt que l'autre, il y a des opinions divergentes à cet égard.

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Je peux parler uniquement de la fonction publique. Disons que cette priorité de retour, pour la période que vous avez prévue dans la loi, existe chez nous, une période de deux ans, même pour une invalidité ordinaire qui ne découle pas d'un accident du travail. On ne tient pas compte non plus de l'ancienneté dans ce retour. Donc, vous l'avez constaté dans le mémoire, ce dont on parle, c'est la période de priorité. On estime qu'elle n'est pas suffisante en n'accordant que deux ans. Quant à nous, ce n'est pas suffisant. Sur le reste, n'ayant pas vécu de problème particulier, contrairement peut-être à d'autres syndicats qui ne possèdent pas une telle clause, je peux difficilement me prononcer pour eux autres. Au niveau de la fonction publique, cette priorité de retour existant, dans le même emploi, l'ancienneté ne joue pas. D'ailleurs, dans aucun des domaines puisque, même au niveau de la promotion, dans la fonction publique, la priorité n'est pas un facteur, même si on a parlé, si on a fait cette recommandation dans un projet de loi afin de prévoir que, dans la promotion, on tienne compte, lorsqu'on parle des rangements par niveau... On ne vit pas ces problèmes. Donc, je peux difficilement vous amener des solutions puisqu'on les a réglés. Notre difficulté se situe uniquement dans la période au cours de laquelle on donne cette même priorité d'emploi. (15 h 45)

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: Le reste, le problème dont on vient de parler ne s'applique pas effectivement chez vous.

M. Harguindeguy: Non, si ce n'est la période qu'on souhaiterait plus longue...

M. Fréchette: D'accord.

M. Harguindeguy: ...parce qu'on est pris aussi, même au gouvernement, même s'il y a des politiques d'égalité en emploi pour les personnes handicapées, ce qui est le cas pour ces personnes-là, avec l'obligation de faire face à une mise à pied ou à une révocation pure et simple puisque la période n'est que de deux ans.

M. Fréchette: C'est tout pour ma part, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci, M. le Président. J'ai quelques questions à poser à M. Harguindeguy. La première, c'est à la suite de ce que vous dites à la page 9 de votre mémoire. Si je ne me trompe pas, les employés de la CSST appartiennent à votre syndicat. Est-ce que c'est bien cela?

M. Harguindeguy: C'est bien cela, jusqu'à présent du moins.

M. Cusano: Pardon?

M. Harguindeguy: Jusqu'à présent.

M. Cusano: Jusqu'à présent.

M. Harguindeguy: Oui.

M. Cusano: Combien d'employés de la CSST sont membres de votre syndicat? La totalité?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Dans toute la province, je dirais près de 2000, globalement.

M. Cusano: Près de 2000.

M. Harguindeguy: Oui.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Viau.

M. Cusano: Dans le rapport annuel 1982 de la CSST, on mentionne qu'il y a 2772 employés à la CSST. Alors, il y en a qui ne sont pas membres de votre syndicat.

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Vous avez des professionnels qui y sont également embauchés. Vous avez aussi le personnel de maîtrise. Dans les 2000 que je calcule, cela comprend aussi passablement de contractuels et d'employés de firmes privées qui font des travaux qui relèveraient, en tout cas, 6 notre sens, d'employés de la fonction publique.

M. Cusano: Justement, c'est concernant les employés occasionnels et les contractuels. Les occasionnels, je peux comprendre pourquoi ils seraient embauchés, mais les contractuels provenant de firmes privées, pourquoi seraient-ils embauchés à la CSST?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Vous en avez particulièrement dans le domaine de l'informatique où des employés de firmes privées y sont embauchés comme contractuels pour faire des travaux que, normalement, un autre fonctionnaire pourrait exécuter, mais, pour des motifs qui sont hors de notre contrôle, la CSST préfère embaucher des gens d'une firme extérieure.

M. Cusano: Vous dites que vous avez des professionnels qui sont capables de contrôler ce beau monstre qu'est l'ordinateur implanté à la CSST et, pourtant, on va chercher des experts à l'extérieur.

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Normalement, il devrait y avoir des gens de l'intérieur qui soient en mesure de contrôler ce monstre-là.

Il y en a même eu deux, parce que la CSST vient d'en acheter un deuxième encore plus gros, semble-t-il. Malgré tout, la CSST procède à l'engagement de firmes privées dans le domaine de l'informatique. Pour exécuter les mêmes attributions, sur des équipes de travail, vous avez des fonctionnaires et des engagés de firmes privées. D'ailleurs, vous allez sûrement avoir des plaintes portées au Tribunal du travail sous peu. Les procédures sont déjà entreprises.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci. Vous parlez, à la page 8 - je m'excuse si je vais à reculons -comme d'autres l'ont souvent souligné, tout au moins ceux qui ont affaire avec la CSST, de l'incurie administrative à la CSST. Il y a beaucoup de plaintes à ce sujet. Vous qui êtes dans la boîte, vous dites la même chose, à savoir qu'il y a de l'incurie administrative, à part la question des ordinateurs dont on vient de parler. Quelles sont ces autres incuries administratives? Pourriez-vous nous donner des exemples très concrets, parce que nous, de l'Opposition, quand on le mentionne au ministre, il ne nous croit pas? J'aimerais bien que vous, qui vivez dans cette boîte, nous spécifiiez ces incuries administratives.

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Comme vous le savez, depuis quand même trois ou quatre ans, on vit avec une politique de réduction d'effectifs où chacun des ministères et organismes doit nécessairement couper dans ses effectifs d'au moins 1%. Comme nous sommes dans la catégorie des exécutants, les bas salariés, comme le Conseil du trésor calcule sur une base moyenne des salaires, c'est-à-dire qu'on calcule qu'un fonctionnaire coûte 32 000 $, parce qu'on inclut tout le monde dans cela... Vous ne voulez quand même pas que la population croie que le simple fonctionnaire qu'elle rencontre du lundi au vendredi gagne 32 000 $; ce n'est pas le cas; ne vous en faites pas. Mais comme on calcule du sous-ministre en descendant, en fait la haute structure hiérarchique gouvernementale, la moyenne des salaires est de 32 000 $. Donc, chacun des ministères et organismes doit couper 1% en moyenne. Comme nous sommes les moins payés, parfois cela peut vouloir dire 2% ou 3% de nos effectifs. L'année dernière, cela nous a coûté 4% d'effectifs permanents pour permettre aux organismes et ministères de satisfaire aux besoins imposés par le Conseil du trésor.

Comme il faut quand même qu'il y ait

quelqu'un qui fasse l'ouvrage, c'est-à-dire le travail de bureau, de correspondance, d'information auprès des prestataires et également le classement des dossiers - parce qu'il faut quand même travailler avec le classement des dossiers, même s'il y a un ordinateur et des écrans cathodiques, parce que la CSST est un accès direct - ce travail-là a été réparti parmi les agents d'indemnisation, c'est-à-dire ceux qui, normalement, devraient se pencher sur la demande formulée par un accidenté pour savoir ce à quoi il a droit et si, effectivement, cela correspond aux dispositions de la loi et des règlements. Comme ils sont débordés de travail par des travaux de bureau qui ne peuvent pas être faits par d'autres, nécessairement ils n'ont pas le temps de répondre à la clientèle. C'est pour cela que, selon nos informations, les gens qui travaillent dans le milieu peuvent difficilement satisfaire à au moins 80% de la clientèle dans un délai d'un mois de la demande. Cela prend presque un mois avant qu'une décision soit prise sur la recevabilité de la demande de prestations formulée par un accidenté, quand ce n'est pas plus long. Alors, il manque du personnel à ce niveau-là pour pouvoir satisfaire aux besoins de l'accidenté. Quand on a vécu également, depuis quelques années, une certaine forme de décentralisation que la CSST appelle régionalisation, j'ai l'impression que, là comme ailleurs, on n'a pas évalué toutes les conséquences, tout ce que cela pouvait comporter comme difficultés additionnelles. Malgré que la CSST ait un ordinateur, en tout cas un des premiers en Amérique, semble-t-il, il fait souvent défaut, en tout cas plus souvent qu'autrement. Comme la base d'information, c'est l'ordinateur, parce que les données sont centralisées à Québec, de là découlent des difficultés additionnelles.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Viau.

M. Cusano: Pour continuer dans la même veine, vous dites, à la page 20, au troisième paragraphe: "Nous estimons, d'autre part, que certaines expériences récentes nous démontrent que certaines dépenses concernant les immeubles et la transformation des locaux et l'achat de matériel ne sont pas nécessairement justifiées et n'ont pas eu pour effet d'améliorer le service à la clientèle." Est-ce que vous pourriez préciser cela?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: II y a eu tellement de travaux de réfection, de rénovation ou, enfin, d'aménagement intérieur, particulièrement au siège social, qu'une chatte ne retrouverait pas ses petits. Cela a changé si souvent. On a construit, on a démoli pour reconstruire. Je ne sais pas si c'est terminé. C'est pour cela qu'on déplore le fait qu'on puisse permettre à la CSST d'utiliser des sommes d'argent qui, normalement, devraient servir de garanties des prestations que doit payer la CSST aux accidentés. On estime qu'il devrait y avoir un plus grand contrôle sur ce genre de dépenses.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Viau.

M. Cusano: En tout cas, je suis convaincu qu'il y a des dépenses, comme vous le dites, qui sont faites de façon peut-être irréaliste. C'est malheureux que le ministre n'ait pas suivi notre suggestion du 19 janvier dernier lorsqu'on demandait justement que le Vérificateur général reçoive un mandat ad hoc pour vérifier toutes les politiques administratives et les opérations internes de la CSST.

Ma dernière question, M. Harguindeguy - cela me frappe un peu - se réfère à la page 21. Vous n'en dites pas grand-chose, mais on le retrouve au bas de la page. Vous parlez de l'écoute électronique à la CSST. Je suis curieux de savoir ce qui est écouté à la CSST.

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Le prestataire qui appelle à l'information pour obtenir des informations et le fonctionnaire qui transmet l'information, leur conversation téléphonique est écoutée et on s'en sert pour des besoins d'efficacité, pour permettre, semble-t-il, à la direction de travailler éventuellement - en tout cas, c'est l'information qui nous a été donnée - d'être en mesure de connaître les besoins de perfectionnement de l'agent d'indemnisation pour être en mesure de répondre plus adéquatement aux questions des accidentés. C'est, semble-t-il, le motif de l'écoute électronique. Mais toutes les conversations téléphoniques sont écoutées par les personnes en autorité dans la direction. Il faut croire qu'elles n'ont pas autre chose à faire que cela.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Viau.

M. Cusano: Une dernière brève question à ce sujet. On nous a dit ici, en commission parlementaire, que des fonctionnaires se faisaient passer pour d'autres personnes, comme des personnes du ministère du Revenu, pour obtenir des informations sur les accidentés. Est-ce que vous avez eu

connaissance de cela? Est-ce qu'il y a des directives à cet effet-là? Est-ce que cela a été des affirmations gratuites de la part des gens qui ont témoigné?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Je crois qu'il y a peut-être un certain pourcentage de vérité, dans le sens que les fonctionnaires sont quand même pris entre l'arbre et l'écorce. Ce sont eux qui doivent faire appliquer la loi et les règlements qui sont édictés; d'abord, la loi par l'Assemblée nationale et les règlements par les hauts fonctionnaires de la direction. Bien souvent, même si le cas qui leur est soumis peut être pathétique, ils n'ont pas d'autre choix que d'appliquer le règlement à la lettre, sans quoi ce sont eux qui peuvent être sujets à des mesures disciplinaires. Ce n'est pas seulement à ce niveau-là. C'est dans tous les secteurs pour où un citoyen du Québec est en droit d'obtenir un certain montant d'argent, une subvention ou une allocation. C'est toujours lui qui doit voir à l'application de ce règlement-là. C'est donc lui qui est le bouc émissaire de tout ce qui arrive, même des délais administratifs qui sont inadmissibles. Même au niveau de la révision, quand cela prend six à dix mois avant d'obtenir une réponse, pour quelqu'un qui est dans un état physique qui ne lui permet pas toujours de faire face à ses obligations, ce n'est sûrement pas le temps de prolonger les délais indûment. Mais, malheureusement, compte tenu de tout l'ouvrage administratif, c'est le fonctionnaire qui écope pour tout cela.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Viau.

M. Cusano: Encore une dernière question. Puisque vous êtes dans la boîte, ce n'est pas souvent qu'on a la chance de questionner des gens de la boîte. Quand ils sont ici, on a beaucoup de difficulté à obtenir les réponses qu'on recherche.

Ma prochaine question est plutôt sur la suggestion que vous faites à la page 7. Cela concerne l'incitation du retour au travail. Vous dites que l'on devrait tenir compte du pourcentage de chômage prévalant dans les régions administratives du Québec pour, éventuellement, déterminer une période beaucoup plus longue au cours de laquelle le travailleur pourrait continuer à recevoir une pleine compensation de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Une des accusations que l'on a portées contre la CSST, c'est que les politiques n'étaient pas appliquées de la même façon dans toutes les régions et les gens d'une région étaient peut-être traités différemment de ceux d'une autre région. Est-ce qu'il y a une formule que vous envisagez à ce sujet?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Pas nécessairement. C'est dans le sens que le projet de loi prévoit que le droit du retour au travail est valide quand même pour une période de deux ans et ceci est pour autant qu'il y ait des emplois disponibles; ceci, c'est dans le but de forcer, j'imagine, l'accidenté à se trouver quelque chose. Si ce n'est pas dans la même entreprise... Parce que, éventuellement, s'il est employé dans l'entreprise X et qu'il ne peut pas effectuer le même travail, en tout cas pas dans cette entreprise-là, nécessairement, il va falloir qu'il envisage de trouver un travail ailleurs. Mais, dans certaines régions du Québec, par exemple la Gaspésie, où vous avez quand même un fort taux de chômage, comment voulez-vous espérer décemment qu'un accidenté puisse trouver - parce qu'il est quand même dans un état moins rentable pour l'employeur qu'un autre travailleur - un emploi? C'est d'ailleurs pour cela que l'on veut prolonger cela au moins à cinq ans, pour donner une chance de se retrouver. Alors, si cette période était de cinq ans, on pourrait même l'augmenter si parfois le pourcentage dépassait, disons, une certaine norme ou une moyenne générale du Québec.

M. Cusano: Je vous remercie.

Le Président (M. Rancourt): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Si vous me permettez, je reviendrais sur la question du retour à l'emploi après la période de handicap. Vous disiez tantôt que cela ne s'appliquait pas à vous, cette question de savoir s'il va y avoir priorité à l'ancienneté ou priorité au handicapé, que, dans le cas des fonctionnaires provinciaux que vous représentez, il y avait retour à l'emploi. Donc, c'est un retour à son emploi occupé avant l'accident. Mais si tant est que la personne ne peut pas occuper cet emploi, par perte de capacité, qu'est-ce qui se passe, à ce moment-là?

M. Harguindeguy: Dans nos décrets, il est prévu que l'employé peut alors faire l'objet d'une réorientation professionnelle à un emploi que, physiquement, il est apte à occuper, ce qui veut dire qu'il y a quand même une obligation pour l'employeur de le reprendre à un des emplois, mais c'est toujours à l'intérieur de cette même période de deux ans.

Mme Harel: Donc, la réorientation

professionnelle dont vous parlez va l'amener à occuper, disons, un nouveau poste d'emploi et, à ce moment-là, il n'y a pas priorité pour ce nouveau poste d'emploi.

M. Harguindeguy: Oui, il y a... (16 heures)

Mme Harel: II y a priorité par rapport à un confrère qui a plus d'ancienneté.

M. Harguindeguy: II a priorité après les mises en disponibilité de ceux qui sont en disponibilité auprès de l'office. Ensuite, ceux qui font l'objet d'une réorientation professionnelle ont priorité pour le poste.

Le Président (M. Rancourt): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Vous avez donc des dispositions dans la convention, en fait ce qui en tient lieu, qui donnent la priorité lorsqu'il y a réinsertion professionnelle.

M. Harguindeguy: C'est cela, mais c'est limité à deux ans.

Mme Harel: D'accord.

M. Harguindeguy: Le délai est identique à celui qui est dans la loi.

Le Président (M. Rancourt): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Vous avez insisté beaucoup sur ce délai de deux ans. Est-ce qu'il y a des cas... Quelle est la proportion parmi les gens que vous représentez? J'imagine que c'est un bon échantillonnage puisque vous représentez un groupe assez considérable. Quelle est la proportion des personnes qui sont victimes d'accidents qui ont à subir une incapacité de plus de deux ans?

M. Harguindeguy: II y a plusieurs statistiques. Je ne sais pas si on les possède à l'heure actuelle. On peut le vérifier et vous les donner. Il y a quand même un certain nombre de personnes qui ne peuvent pas réintégrer la fonction publique après ce délai de deux ans. Il y a probablement 4% à 5% de ceux qui sont accidentés ou de ceux qui sont invalides qui ne peuvent pas réintégrer le circuit même si on a une politique d'égalité en emploi. Comme on vit une politique de réduction d'effectif... Après la période de deux ans, il est possible à l'employeur ou au ministère de révoquer la nomination d'un employé; certains ministères ne le font pas. S'ils tolèrent l'employé, il y a un lien d'emploi et il pourrait éventuellement revenir, mais, généralement, comme on vit avec une politique de réduction d'effectif, pour ceux dont l'échéance arrive à terme, le ministère profite de l'occasion pour réduire ces postes. On pourrait vérifier le nombre et vous fournir les cas qu'on a perdus en cours de route, compte tenu du délai de deux ans.

Le Président (M. Rancourt): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Ce qui est significatif, c'est l'échantillonnage que cela peut représenter par rapport au nombre total des travailleurs qui sont accidentés, vu qu'une disposition du projet de loi prévoit qu'après deux ans dans une entreprise qui compte plus de 20 employés, l'employeur n'est plus tenu de le reprendre à son emploi. Cela nous donnerait peut-être une indication des travailleurs qui n'auraient pas de garantie de retour en emploi.

M. Harguindeguy: On tentera de...

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: On tentera de vous fournir ces données.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Tout en vous souhaitant la bienvenue, j'aimerais revenir à la page 8 de votre mémoire où vous déplorez le changement qu'il y a eu dans la charge de travail des employés. J'aimerais que vous indiquiez à cette commission, si vous avez les chiffres nécessaires ou les pourcentages nécessaires, l'augmentation de la charge de travail des gens qui, à la suite de la diminution du nombre d'employés, se sont vu attribuer des tâches supplémentaires. Quel a été le réajustement qui s'est fait au niveau des employés? Est-ce que vous en avez une idée?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: C'est l'ensemble des agents d'indemnisation qui ont vu augmenter leur charge de travail de 20% à 25% puisque tous les travaux de bureau qui étaient auparavant effectués par des employés qui ont été réaffectés ailleurs sont maintenant assumés par eux.

M. Doyon: La totalité de ce qui était fait par les autres auparavant.

M. Harguindeguy: Pour compléter, seulement au bureau de Montréal, qui est quand même un bureau important, dans la dernière année, il y a une trentaine de postes qui ont été abolis, qui ont été modifiés. Selon le livre blanc, il y avait près

de 60% des accidents de travail qui survenaient dans la région de Montréal; c'est donc un bureau d'importance. Ces 30 postes ont été supprimés.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Est-ce que vous voyez une relation de cause à effet entre cette situation que vous décrivez et l'augmentation des cinq à quatorze jours à laquelle vous vous référez au haut de la page 8 de votre mémoire?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: C'est la question que nous nous posons et nous l'indiquons dans le mémoire. À moins que cela ne soit pour justifier cette décision, quoique en pratique on constate que même les quatorze jours - si c'est le motif - ne sont pas suffisants parce que, en moyenne, il faut environ un mois avant qu'un accidenté puisse avoir une réponse d'acceptation ou de refus. Ce qui laisse quand même une période creuse où on est dans le doute, autant l'employeur que l'accidenté, pour savoir si ce sera ou non considéré comme accident de travail.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Selon les propos que vous tenez actuellement, M. Harguindeguy, il s'écoule normalement une moyenne de 30 jours entre le moment où une personne est en mesure de faire une demande ou se croit admissible à une prestation quelconque de la part de la CSST, et la première réponse de la CSST en ce qui la concerne.

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Selon nos responsables locaux, cela prend presque un mois dans environ 80% des dossiers.

M. Doyon: Un mois.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Y a-t-il eu une détérioration au niveau de ces délais, M. Harguindeguy, ou s'ils sont maintenus ainsi depuis un certain temps?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Étant donné l'augmentation du nombre des accidentés, la réduction des effectifs et la charge de travail, c'est rendu passablement mêlé au niveau des fonctions à l'intérieur de la CSST. Tous les gens font un peu tout, sans savoir ce qu'ils ont à faire. C'est peut-être le motif qui a amené un tel délai; c'est un ensemble de circonstances qui font qu'au niveau de l'administration on devra peut-être prendre un temps d'arrêt, à un moment donné, sans envisager d'autres modifications importantes, comme il semble être le cas. J'ai l'impression que c'est un tout qui fait en sorte que cela ne sort pas.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: J'ai été frappé aussi - et mon collègue de Viau en a parlé - et j'aimerais avoir des détails supplémentaires en ce qui concerne ce que vous appelez l'écoute électronique. J'aimerais savoir si c'est fait de façon constante. Si j'ai bien compris ce que vous avez expliqué, quand un accidenté ou un réclamant téléphone à la CSST de façon routinière, son appel est écouté ou enregistré. Des gens en autorité sont en mesure d'écouter ce qui se dit entre la personne qui appelle, c'est-à-dire le réclamant, et la personne préposée à lui donner la réponse ou à lui accorder l'aide qu'il demande. Est-ce à peu près cela que vous me dites?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: C'est ce qui prévaut à l'heure actuelle. Lorsqu'un accidenté appelle pour avoir une information au service des renseignements, les conversations téléphoniques sont écoutées. Semble-t-il que ce soit l'objectif visé, quoique nos gens aient passablement de doutes là-dessus; on a d'ailleurs questionné les autorités administratives lors de rencontres antérieures. C'est pour établir les besoins de perfectionnement de ces mêmes employés, il semble que ce soit le motif.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: M. Harguindeguy, est-ce une pratique en cours depuis un certain temps?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Elle doit avoir débuté il y a six ou huit mois, grosso modo.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Est-ce que cela a été fait,

M. Harguindeguy, à la suite d'une directive administrative quelconque de la part des autorités de la CSST?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Oui.

M. Doyon: Oui?

M. Harguindeguy: Ce sont les autorités qui ont avisé officiellement les employés que leurs conversations téléphoniques seraient écoutées. C'est d'ailleurs pour cela que des démarches ont été faites pour que les gens puissent au moins faire des appels personnels sur d'autres lignes privées, pour éviter que leurs conversations ne soient écoutées.

M. Doyon: À votre connaissance, s'agit-il d'une directive écrite, M. Harguindeguy?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Oui.

M. Doyon: Oui? Seriez-vous disposé à transmettre cette directive à la commission, si vous pouvez la retrouver?

M. Harguindeguy: Oui, je peux vous envoyer ce que j'ai sur l'ensemble des dossiers et sur les comptes rendus des rencontres avec les autorités du personnel.

M. Doyon: M. Harguindeguy, le correspondant qui téléphone, qui communique avec la CSST est-il automatiquement, à votre connaissance, informé que son appel est enregistré? Est-ce que la personne qui lui répond à la CSST l'informe que son appel est soit enregistré, soit écouté par d'autres personnes qu'elle?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: À l'heure actuelle, non. Nous sommes en train de compléter des recherches d'avis juridiques pour savoir si on a le droit, en tant qu'employés, d'informer l'interlocuteur du fait que sa conversation téléphonique est écoutée. Comme on vient tout récemment de recevoir les dernières réponses, parce qu'il y a eu des tractations avec les autorités de la CSST jusqu'à tout récemment, on attend de voir si on a le droit de le faire; en tant que fonctionnaires, on ne peut pas se faire justice soi-même, alors on vérifie ces possibilités.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Est-ce arrivé, à votre connaissance, que le contenu de ces conversations téléphoniques, écoutées par d'autres personnes que les correspondants qui s'appellent l'un et l'autre, ait été utilisé dans l'évaluation des dossiers des réclamants de la CSST?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Je ne pourrais répondre à cette question, puisque je n'ai pas vérifié cet aspect. Je peux le faire.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Vous allez m'expliquer comment ce déroule cette écoute électronique. J'imagine que quelqu'un appelle, M. X reçoit l'appel au bureau, et quelqu'un d'autre, dans un autre bureau, peut, en appuyant sur un bouton, entendre la conversation téléphonique à son choix. Est-ce cela?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: C'est cela. Il semble que ce soit la procédure utilisée parce qu'un nouveau système téléphonique a été implanté il y a quelques mois. C'est après cela que cela a été mis en branle.

M. Doyon: J'imagine - vous me direz si c'est le cas - que toutes les conversations ne sont pas écoutées. Elles le sont sporadiquement, ou est-ce qu'elles le sont toujours?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Ce n'est pas nécessairement toutes les conversations, tout le temps. Il semble que ce soit au bon vouloir du responsable.

M. Doyon: Ce qui veut dire qu'il arrive que des personnes de la CSST, c'est-à-dire des employés que vous représentez... Est-ce que ces personnes savent à chaque fois qu'elles sont écoutées?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Non, elles ne sont pas avisées au préalable. Le patron ne les appelle pas pour leur dire qu'elles seront écoutées.

M. Doyon: Elles ne le savent donc pas. Elles savent qu'elles peuvent être écoutées,

mais elles ne savent pas véritablement quand elles sont écoutées.

M. Harguindeguy: C'est cela.

M. Doyon: Est-ce que ces conversations sont enregistrées ou peuvent être enregistrées?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Elles pourraient être enregistrées. Je ne pourrais pas vous confirmer si elle le sont automatiquement.

M. Doyon: Est-ce qu'à votre connaissance il y en a qui le sont?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: J'aimerais mieux vérifier avant de vous répondre, mais je peux le confirmer.

M. Doyon: J'aimerais que vous puissiez vérifier si, effectivement, il y a des conversations qui sont enregistrées. Avez-vous eu l'occasion - vous dites que vous faites des vérifications juridiques à ce sujet - d'être en contact avec des procureurs de la couronne qui vérifieraient s'il ne s'agit pas là, purement et simplement, à la suite de directives qui vous sont imposées, d'écoute électronique illégale?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Nous l'avons vérifié avec nos propres avocats. Vous comprendrez que les procureurs sont tellement près du gouvernement qu'on préfère se fier aux nôtres.

M. Doyon: D'accord.

M. Harguindeguy: Nos avocats nous ont indiqué que cela ne pouvait pas être considéré au même sens que la loi. Il semble que ce soit un certain droit de gérance.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: J'émets de forts doutes, si vous permettez l'opinion d'un ancien procureur de la couronne que je suis, sur le fait qu'on puisse de quelque façon que ce soit permettre l'écoute de conversations privées entre deux personnes qui ne sont pas, ni l'une, ni l'autre, informées de ce fait. Cela est, à mon avis, la véritable définition de l'écoute électronique illégale. Je vous encourage fermement à vérifier de très près cette situation. Cela m'apparaît, M. le ministre, extrêmement grave.

Je pense que cela devrait être examiné de très près parce que, si vraiment les choses se passent - et je n'ai pas de raison d'en douter - tel que M. Harguindeguy le décrit, il s'agirait à sa face même, à première vue, d'écoute électronique illégale. Cela constitue, vous le savez sûrement, une infraction et même un crime en vertu du Code criminel du Canada. Je ne pense pas que, pour des soi-disant raisons d'efficacité administrative, on puisse faire fi du Code criminel du Canada et procéder à de l'écoute électronique illégale. Je regrette vivement qu'on en soit rendu à utiliser de telles méthodes à la CSST sous le couvert de l'efficacité administrative. Je vous remercie, M. Harguindeguy, d'avoir attaché le grelot parce que cette façon de faire est totalement inacceptable.

Je suis convaincu, maintenant que cela a été porté à la connaissance du ministre, qu'une fin immédiate devra être apportée à cela - je vais plus loin que cela - qu'une enquête devra être faite et qu'on devra établir qui a donné cette directive, qui a demandé qu'on agisse de cette façon. Il faut qu'une enquête policière soit faite et que, si besoin en est - là on est dans la confidentialité, on est dans le droit des personnes de communiquer entre elles - on porte des accusations criminelles de façon à bien montrer que le gouvernement ne cautionne pas de telles façons d'agir et prend les précautions nécessaires pour que cela ne se répète pas. Je serais très heureux, M. Harguindeguy, que vous alertiez tous les gens de votre syndicat à la CSST sur le danger qu'il y a à se prêter à de telles procédures qui peuvent donner ouverture à des poursuites criminelles. Merci beaucoup.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne. (16 h 15)

M. Polak: Merci, M. le Président. Je n'étais pas présent lorsque vous avez lu votre mémoire, mais je l'ai étudié au cours de la fin de semaine. Je pense donc que je suis en mesure de vous poser des questions. À la page 17 de votre mémoire, vous faites la comparaison entre la loi actuelle et le projet de loi dans le cas du décès d'un travailleur. Vous en arrivez à la conclusion que la valeur actualisée - ou, pour le public, c'est peut-être plus facile de comprendre, c'est le capital qui aurait dû être remboursé ou payé aux héritiers de la victime - en vertu de la loi actuelle, cela prend une somme plus substantielle que celle prévue au projet de loi.

J'ai parlé de ce problème de capitalisation avec M. Laberge, qui témoignait ici pour la FTQ. Il se référait au

fait que, pour le travailleur, on est prêt à faire certains sacrifices afin d'obtenir d'autres avantages qui n'existaient pas. Je note que, dans votre mémoire, vous dites que vous vous opposez à une telle modification et que vous réclamez que la disposition actuelle soit maintenue.

Si le ministre suivait votre recommandation, est-ce que vous réalisez que cela, sans doute, augmenterait les dépenses totales qui seraient occasionnées par ce projet de loi?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Cela dépend, bien sûr, de la situation familiale des accidentés. On constate que le projet de loi est moins avantageux pour les personnes qui ont des dépendants. Pour un célibataire, par contre, c'est plus payant avec les nouvelles dispositions que pour celui qui a une famille. En tout cas, selon la valeur actuarielle établie par nos actuaires, il semblerait que ce soit plus payant pour les célibataires. Donc, ce qui ressort, c'est qu'on démontre que, effectivement, pour ceux qui ont des charges familiales, le nouveau régime est moins avantageux. Pour dire que cela va coûter moins cher ou plus cher, il faudrait savoir exactement aussi le nombre de personnes qui, éventuellement, vont avoir à subvenir aux besoins d'une famille. Donc, ce sont des données qui peuvent être des fois bien variables. Si vous voulez le constater, vous allez regarder le premier cas, qui est à la page 16: en vertu du projet de loi, vous avez cela; en vertu de la loi actuelle, un travailleur accidenté qui n'a pas d'enfant, seulement un conjoint de 27 ans, cela lui donnerait environ 35 000 $ alors que le projet de loi va lui en donner 50 000 $. Donc, pour cet accidenté, c'est plus payant pour lui.

Par contre, si vous allez à la page 17, un travailleur accidenté qui a un conjoint de 35 ans, deux enfants de 3 et 8 ans, au lieu de recevoir, en vertu de la loi actuelle, environ 200 000 $, pour lui et pour ses héritiers, va en recevoir 133 000 $. Je ne sais pas si c'est pour qu'il y ait moins de mariages, moins d'allocations familialesl

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Avez-vous fait, votre organisme a-t-il fait des études concernant l'augmentation des coûts ou la diminution des coûts résultant de ce nouveau projet de loi? Ou est-ce que vous vous fiez aux chiffres du gouvernement ou de la CSST? Quelles sont vos considérations sur ce point de vue?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Disons qu'on n'a pas fait une évaluation globale du coût, sauf qu'on a pu constater que, d'abord, pour ce qui nous regarde, on estime que le projet de loi, globalement, est moins avantageux, même s'il prévoit le droit de retour au travail. Si je parle, dans notre cas, de fonctionnaires, cela ne nous concerne presque pas parce qu'on a déjà l'équivalent dans nos décrets. Sauf qu'il faut quand même penser à l'ensemble des travailleurs. Mais on estime que deux ans ce n'est pas suffisant.

Quant au reste, j'ai l'impression que, pour obtenir cet avantage-là à l'ensemble des travailleurs et travailleuses du Québec, on demande quand même une grosse contribution de la part des travailleurs et travailleuses, en ce sens que leurs indemnités vont sûrement être moins élevées, moins fortes, durer moins longtemps que dans la loi actuelle. On estime qu'on devrait continuer à protéger les gens de la façon qu'ils le sont à l'heure actuelle, même si on est conscients -on l'indique dans certaines pages - que, parfois, il y a peut-être certains abus parce qu'il aurait pu y avoir des régimes intégrés à la Régie des rentes du Québec, comme c'est le cas pour la Régie de l'assurance automobile du Québec. Mais de là à changer de façon aussi draconienne, on estime que c'est uniquement pour faire faire des économies à l'employeur. C'est juste à ce niveau-là qu'on le voit.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: L'élément coût, vous n'en parlez pas beaucoup dans votre mémoire, mais, dans vos considérations, est-ce que l'élément coût joue un rôle? Je vais m'expliquer un peu mieux. Dans le mémoire qui a été présenté ce matin par la CEQ, son point de vue était plutôt qu'on réalise que cela amène des coûts, mais on va facturer ceux-ci à l'employeur. Cela est une théorie qui peut se défendre et ces gens ont bien le droit de le dire. Il y a d'autres associations, comme les associations patronales, qui sont venues devant nous et ont dit que les coûts sont tellement élevés que, s'ils augmentent encore, les prix ne seront plus compétitifs et cela peut amener des conséquences néfastes. Peut-être que la vérité est un peu entre les deux. Quelle est votre attitude concernant les coûts?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Même si la loi prévoit que l'employeur en assume le coût, il n'en demeure pas moins que l'employeur, lorsqu'il négocie avec les syndicats, tient

compte de ce coût dans ses offres. Quand on parle d'une politique de rémunération globale, ce sont des coûts qui sont estimés comme étant des avantages que les employés vont retirer de leur emploi. Cela veut dire que, même indirectement, les employés participent à ce financement comme ils participent à d'autres financements au niveau d'autres régimes d'assurances. Je pense que les employés sont prêts à continuer d'assumer ce même coût.

Est-ce que le gouvernement a l'intention de réduire l'orientation ou les grands principes qui avaient déjà été mis de l'avant et qui garantissaient un travail sécuritaire? Pour certains employeurs, il reviendrait moins cher d'avoir quelqu'un qui meurt durant son travail que de payer certaines prestations la vie durant. Il peut donc arriver que des employeurs fassent fi d'obligations qu'ils ont en vertu d'autres lois. Quant au coût global, je pense bien que tout le monde paie pour cela, mais c'est un choix qu'on fait si on veut assurer aux travailleurs et aux travailleuses du Québec des conditions, un certain revenu garanti dans une période où ils en ont besoin. S'il existe une période où on doit assurer un minimum vital, c'est bien lorsque l'employé est accidenté, lorsqu'il n'est pas en mesure de faire face à ses obligations en ayant un emploi rémunérateur. Il me semble que ce sont des choses qui se paient. On ne s'est pas attardé à évaluer l'ensemble des coûts parce qu'on estime qu'on paie déjà notre participation et qu'on est prêt à continuer.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Un autre sujet - je sais que le ministre vous a questionné là-dessus - sur lequel je voudrais revenir: le droit du retour au travail. Vous en parlez à la page 18 de votre mémoire. Juste pour en faire le résumé, parce que cela a été discuté par de nombreux groupes, les patrons nous ont dit qu'il s'agissait là d'un droit assez dangereux et que cela interfère avec le droit de gérance. Ils ont mentionné la possibilité de "dumping", qu'un employé, qui remplace pendant un an ou deux quelqu'un qui a eu un accident, n'ait plus certains avantages et que l'ancien employé puisse reprendre sa place. J'ai lu les articles 145 à 170 du projet de loi et c'est ce que j'ai compris.

Quand j'ai interrogé M. Laberge à ce sujet, il disait que la façon dont il faut interpréter cela, c'est qu'il y a le droit de retour mais seulement si l'emploi est encore disponible. Il a fait une distinction que je ne voyais pas dans le texte; il réalisait que, si un employé occupe le poste de l'accidenté, si celui-ci veut reprendre son emploi, le poste n'est peut-être plus disponible. Ce matin, nous en avons parlé avec la CEQ qui a dit que cela devrait être basé sur l'ancienneté. Je n'ai pas besoin de vous expliquer ce qu'est l'ancienneté, vous connaissez bien cela dans le monde syndical.

Dans votre mémoire, vous suggérez de prolonger cette période de deux ans à cinq ans. Prenons un cas actuel, non pas parmi vos fonctionnaires, mais dans l'industrie privée, disons une PME. Il y a huit, neuf ou dix employés; à un moment donné, un de ces employés a un accident de travail. Le propriétaire se sent obligé de le remplacer parce que son commerce fonctionne de manière telle que chaque employé produit et est nécessaire pour faire son travail; s'il en manque un, il ne peut pas fonctionner correctement. Le remplaçant est un homme qui était en chômage depuis un ans, deux ans et qui finalement trouve un emploi; c'est la chance de sa vie de travailler dans un poste ouvert. Pendant cinq ans, selon vos politiques, à un niveau plus élevé, pour cet employé, il y a la possibilité qu'un autre employé - si je comprends bien - qui était accidenté - ce n'était pas sa faute revienne pour réintégrer son emploi en vertu du projet de loi. Est-ce qu'on donne, à tout prix, priorité, sur une base philosophique, à quelqu'un qui est accidenté? Ont-ils le droit de réclamer leur position même si celle-ci, telle quelle, n'est plus disponible? C'est vraiment le système du "bumping". Concernant la priorité, où allons-nous avec cela? Par exemple, un travailleur qui perd son emploi à cause de la crise économique... Dans mon comté, la semaine dernière, quand Sherwin Williams a fermé ses portes, cela a affecté des employés qui étaient là depuis 20 ans ou 25 ans, qui se retrouvent sans travail. Pour ces hommes, il n'y a pas de protection. Ils ne sont pas des accidentés du travail, mais, disons, que ce sont des accidentés économiques. Où allons-nous avec ce principe? À votre point de vue, où faut-il donner la priorité? Est-ce que c'est juste à quelqu'un qui n'est pas accidenté, mais qui est également victime d'une autre situation et qui a aussi faim?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Je pense qu'il n'y a quand même rien qui empêche qu'on remplace l'employé accidenté; d'ailleurs, au gouvernement, c'est ce qui se fait également. Les possibilités existent de remplacer l'employé accidenté par un autre employé qui sait, lorsqu'il est engagé, que, effectivement, il n'est là que pour un remplacement temporaire, que sa période de travail est limitée et qu'il y a possibilité pour l'autre de réintégrer son emploi. Encore faut-il que, lorsque l'accidenté va revenir, il soit en mesure de le faire. Parfois, il peut ne plus être en mesure de le faire. Donc, sa

priorité va être dans un autre emploi qui est existant dans cette même entreprise parce que l'obligation qu'il a, c'est d'être en mesure d'exécuter les attributions qui le concernent.

En pratique, je pense qu'il n'y a pas d'empêchement à ce qu'un employé sache qu'il est là sur une base temporaire. Éventuellement, même si cela a duré cinq ans, j'imagine qu'avec l'attrition qui joue parfois dans les PME, j'ai l'impression qu'il devrait y avoir possibilité de conserver à son emploi, de façon permanente, un employé qui aurait pu être embauché au préalable pour du remplacement. Je pense que ce sont des questions administratives auxquelles les employeurs et les syndicats sont habitués.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Par exemple, quelqu'un postule un emploi et l'employeur lui répond: Je vous engage, mais vous remplacez quelqu'un qui est accidenté, il faut considérer cet emploi comme temporaire. Je crois que cela ne l'incite pas à travailler fort. Si on se rapporte au vieux concept: Je travaille fort pour essayer d'avancer dans la vie; ceci ne joue plus un rôle! Cet homme doit se contenter d'emploi temporaire pendant une période de cinq ans; cet emploi est temporaire et, à un moment donné, bonjour tristesse, c'est la fin de votre travail. Je trouve cela un peu difficile à accepter d'être négatif pour un travailleur heureux dans son emploi. Ne voyez-vous pas un problème avec ce principe?

M. Harguindeguy: C'est sûr qu'un travailleur heureux qui est assuré de son emploi va peut-être donner un meilleur rendement, mais je pense que ce n'est pas seulement dans le cas des accidentés qu'une telle situation prévaut. Cela arrive déjà dans la pratique à plusieurs niveaux. Vous avez parfois des emplois qui sont temporaires. Si vous regardez les journaux, dans la section de l'embauche, vous en trouvez déjà dans certaines entreprises; l'emploi est pour deux ans, pour trois ans ou pour cinq ans. Il y a déjà des gens qui acceptent de vivre dans cette situation.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: L'employé qui est accidenté a le droit de réclamer son emploi pendant cinq ans. Disons qu'après un an et demi, l'employé est en mesure de réintégrer son emploi et, pour d'autres raisons, le poste n'y est plus parce que, tout simplement, l'emploi n'existe plus; cela arrive de nos jours. À ce moment, dans votre hypothèse, qu'est-ce qui arrive avec un employé comme cela?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy. (16 h 30)

M. Harguindeguy: Si je réponds en fonction de ce qui existe dans la fonction publique, parce que je ne connais quand même pas les secteurs du travail qui prévalent dans tous les domaines au Québec, je pense que, chez nous, il y a des dispositions qui prévoient cela. Si l'emploi a été aboli, il y a des dispositions qui prévoient la réaffectation de l'employé en tenant compte de son ancienneté, etc. Il y a un mécanisme qui joue déjà dans la fonction publique. Même pour l'employé à qui arrive un accident de travail, une invalidité ou un congé de maternité, nos décrets prévoient des dispositions pour permettre sa réaffectation dans un emploi équivalant à celui qu'il possédait, avec des mécanismes.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Disons que l'employé est prêt à reprendre ses activités économiques, mais qu'il n'a pas d'emploi, qu'on ne peut le réintégrer nulle part, parce qu'il n'y a pas d'emploi disponible. Si c'est la situation, suggérez-vous qu'on continue de le payer?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Je ne pense pas que le projet de loi n'aille dans ce sens. Quand on dit que l'employé doit réintégrer son emploi, j'imagine que cela présume que l'emploi existe. Si l'entreprise a fermé ses portes, je vois mal comment on pourrait le forcer à rester. Même avec l'article 79 de la loi, les droits actuels ne sont limités qu'à quatre ans.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Dans le projet de loi, il y a une limite de quatre ans.

M. Harguindeguy: Dans la loi actuelle, rien ne prévoit cela.

M. Polak: Mais, quand j'ai interrogé M. Laberge, il m'a répondu qu'il ne voulait aucune restriction là-dessus, si cela devait continuer, cela devait continuer. Je lui ai demandé son opinion là-dessus. Est-ce que vous seriez prêt à accepter une limite de quatre ans ou diriez-vous plutôt: Non, si cela arrive, il faut continuer à le payer?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Si je me fie à ce qui

existe dans la fonction publique, ce que je connais le mieux, dans nos décrets, dans ce cas, il est prévu que l'employé a le droit de réintégrer la fonction publique; donc, c'est une obligation pour les ministères de lui trouver un emploi, parce que, s'il est apte à reprendre son emploi, c'est sûr qu'il sera payé au gouvernement; nos décrets prévoient cela. Ils prévoient que, dès le moment où un employé est apte à réintégrer son emploi, à la suite d'un accident de travail ou d'une invalidité, l'employeur est obligé de lui trouver un emploi. Pour nous, il est payé.

En ce qui concerne l'entreprise privée, n'étant pas le représentant de la FTQ, je laisserai à la FTQ le soin de faire ses représentations.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Une dernière question, M. le Président. Au début de votre mémoire, vous mentionnez qu'en vertu du projet de loi, l'employeur paiera ou avancera le salaire pour les quatorze premiers jours d'incapacité ou de maladie, tandis que, dans la situation actuelle, il s'agit de cinq jours. Vous vous dites contre le principe d'élargir de cinq à quatorze jours. Est-ce que, à la suite de discussions avec les membres de votre syndicat qui travaillent à la CSST, la CSST a l'intention de réduire son personnel en alléguant qu'elle va économiser beaucoup de temps, à cause de l'extension de cinq à quatorze jours, qu'elle a donc besoin de moins de personnel et qu'elle a l'intention de congédier certaines personnes? Avez-vous entendu des rumeurs à cet effet?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Je ne le crois pas. Comme on vous l'a indiqué, à l'heure actuelle, cela prend presque un mois pour obtenir une réponse, dans 80% des cas. Je n'en vois donc pas la nécessité. On se pose beaucoup plus de questions sur la nécessité d'augmenter le délai; même là, il ne correspond pas à une réalité. On a reporté le délai de cinq à quatorze jours pour que l'accidenté soit assuré de recevoir sa paie durant cette période; même si cela réduit parfois le délai, puisqu'il va rester une quinzaine de jours avant d'avoir une réponse de la CSST, on s'interroge sur la justification de cela. On n'est pas nécessairement opposés à ce que les quatorze jours soient payés par l'employeur, ou que cela soit cinq jours. On veut surtout s'assurer que l'accidenté ait quand même des prestations pour lui permettre de vivre.

M. Polak: Cela réduit-il également le travail administratif de la CSST?

M. Harguindeguy: Pas nécessairement, parce que c'est la même vérification. Un remboursement se fait par la suite. Nos gens n'ont pas évalué cela comme étant une réduction de leurs attributions ou une réduction de travail. Il me semble que cela va se faire quand même, que le même travail va se faire.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Selon vos employés qui travaillent à la CSST, ce changement de cinq à quatorze jours n'influencera d'aucune manière l'efficacité de la CSST?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Cela n'a pas été perçu comme étant l'un des moyens d'améliorer l'efficacité actuelle de la CSST, ni comme le fait de permettre à la CSST de réduire le nombre d'employés disponibles. Cela n'a pas encore été perçu ainsi, à l'heure actuelle.

M. Polak: D'accord. Merci beaucoup.

Le Président (M. Rancourt): Mme la députée de Maisonneuve, vous avez demandé la parole?

Mme Harel: En fait, c'était sur cette question. Étant donné la réponse que vous venez de faire au député de Sainte-Anne, ce n'est pas perçu comme une façon d'amener des coupures de postes à la CSST.

M. Harguindeguy: Non, cela n'a pas été perçu ainsi, parce que déjà, dans le système actuel, il y a suffisamment de travail; cela prend presque un mois avant que cela sorte.

Mme Harel: Oui. Justement, tantôt, à quelques reprises, vous avez parlé de ce mois pour donner une réponse, après la date de la première réclamation. Mais il ne faut pas confondre le temps qui est pris pour donner la réponse et le fait que 85% des réclamations ne concernent que des demandes de moins de quinze jours. On dit 85%; vous nous avez dit que 80% des réclamations reçoivent une réponse dans le mois de la date de la réclamation. Par ailleurs, 85% des réclamations concernent des handicaps qui durent moins de quatorze jours.

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

Mme Harel: Ce sont vraiment deux aspects différents.

M. Harguindeguy: Sauf que, quand

même, le projet de loi maintient aussi une décision administrative de la CSST à l'effet d'accepter ou de reconnaître comme étant une invalidité... Parce qu'il y a également un remboursement qui va se faire par la CSST à l'employeur, qui a payé les quatorze jours, comme pour les cinq jours. Donc, les dossiers qui sont là vont nécessairement être ouverts quand même. Il va y avoir une décision qui va être rendue, à savoir si la CSST reconnaît cela comme étant une invalidité au niveau d'un accident de travail, même si c'est pour dix jours. Le même travail va nécessairement demeurer quand même: monter un dossier, autoriser et rembourser par la suite. Ce travail-là va demeurer, même si 85% des cas actuels sont pour des invalidités de moins de quatorze jours. Il y a quand même un travail de bureau qui va se faire, de la même façon qu'il se fait pour les cinq jours. Autant pour les cinq jours, à l'heure actuelle, que pour les quatorze jours, c'est remboursé à l'employeur par la CSST par la suite, lorsque la CSST reconnaît comme accident du travail l'invalidité de l'employé. Donc, cela limite. On peut peut-être s'interroger pour savoir s'il y a une réduction du travail, mais vous dire le pourcentage, c'est peut-être difficile à évaluer.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Merci, M. le Président. Très rapidement, M. Harguindeguy, juste pour élucider davantage toute la question de la réinsertion du travailleur dans son milieu de travail après son accident. On sait qu'il y a deux autres centrales syndicales qui sont passées ici et qui semblaient préconiser plutôt une façon de penser qui est différente de la vôtre. Vous, quand Mme la députée de Maisonneuve vous a posé des questions sur ce sujet tout à l'heure, vous avez répondu en disant que, dans votre décret ou dans votre convention collective, vous aviez des mesures prévoyant cela.

La philosophie qui semble ressortir de vos propos est que vous seriez plutôt prêt à protéger la réinsertion ultime, si vous voulez, si vous me permettez l'expression, de l'accidenté tandis que les autres syndicats mettaient un cran d'arrêt, à un moment donné. Ils ne voulaient pas que le travailleur paie - celui qui est à l'ouvrage - pour l'accident qui est arrivé à un copain. Donc, ma question va être la suivante: Dans votre convention collective ou dans votre décret, comment avez-vous pu articuler cela? L'accidenté qui revient à son travail, qui peut reprendre le même emploi que celui qu'il avait lorsqu'il a quitté, si cela s'arrête là, le problème est relativement simple à régler. Mais s'il revient au travail, demeure handicapé et ne peut pas reprendre le travail qu'il avait au moment de son accident, il est obligé de rentrer dans l'échelle de l'ancienneté. Je ne sais pas si c'est comme cela que vous le prenez. Si, par exemple, le handicapé, qui revient à son travail, a dix ans d'ancienneté dans la compagnie, est-ce que vous tenez compte de ce facteur ou si simplement vous choisissez un emploi qui lui convient, vous ôtez le gars de là et vous le mettez à la place?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Bon, cela ne se fait pas comme cela non plus. Dans le cas où il y a un accidenté du travail qui revient à son emploi, dans le même emploi - parce que, disons, son handicap n'était que temporaire -dans ce cas-là, il peut avoir été remplacé temporairement durant son absence, soit par l'affectation d'un autre employé ou par l'embauche d'un employé occasionnel. La réglementation le permet. Donc, quand il revient, il reprend son poste. Quand c'est à un autre emploi, donc de classification généralement inférieure - parce que, si ses capacités physiques sont amoindries, c'est que nécessairement il ne peut pas faire un travail égal ou supérieur, généralement; quoique, parfois, on puisse dire que c'est faux, parce qu'il pourrait devenir un administrateur, même en étant invalide au point de vue physique, alors que, dans des métiers, c'est impossible - dans ce cas, ce qu'il demande, c'est une réorientation. Lorsqu'il le demande à l'intérieur de deux ans, il y a un droit qui est créé à l'employé et on ne tient pas compte de l'ancienneté. Donc, il est réorienté, il peut être reclassé dans un autre niveau d'emploi et, à ce moment, le nouveau ministère l'utilise à ce niveau. C'est sûr que si, actuellement, il y a une prestation qui est payée par la CSST, un certain pourcentage d'incapacité physique permanente qui est payé, cela compense pour la perte de revenu qu'il peut avoir dans l'emploi qu'il occupe à son retour.

Au niveau de la fonction publique, le problème ne se présente peut-être pas de la même façon qu'il peut se présenter dans certaines centrales syndicales où de telles dispositions n'existent pas. Je peux difficilement me prononcer pour elles. Les problèmes chez nous ont été résolus depuis déjà quelques années.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: C'est là qu'on verrait la différence de difficulté à réintégrer un accidenté de travail dans une entreprise où il y aurait une vingtaine d'employés; cela deviendrait un peu plus difficile de voir à sa réintégration. Mais, chez vous, le nombre de

postes est tellement vaste que vous pouvez toujours... Effectivement, cela rend la tâche plus facile. Je vous remercie.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: Oui, M. le Président, quelques précisions additionnelles à la suite des échanges qui viennent d'être faits. Quant au délai de décision, M. Harguindeguy, vous avez signalé que vos informations vous amènent à la conclusion que la moyenne du délai pour une décision d'accepter ou de rejeter une réclamation était d'environ un mois. Est-ce que vous pouvez préciser si ce délai d'un mois, vous le comptez depuis la date de l'accident ou depuis la date de la réception de l'avis de l'accident à la commission?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Selon les informations qu'on a obtenues, c'est la date de la demande formulée par l'accidenté, donc, de l'avis de l'accident.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: À la date de l'avis. Vous savez qu'en vertu des dispositions actuelles de la loi, l'employeur a un délai de deux jours pour expédier cet avis. Maintenant, les évaluations démontrent que la moyenne d'expédition de l'avis est d'environ seize jours et qu'après ce délai moyen de seize jours - toujours d'après les compilations qui ont été faites - il y a un autre délai de dix-huit jours qu'il faut ajouter pour une décision. Cela rejoindrait le mois mais, il faudrait compter - je ne sais pas si vous êtes en mesure de confirmer ou d'infirmer l'évaluation que j'en fais - dans le mois dont on parle, autant le délai qui est nécessaire pour la réception de l'avis que pour la décision elle-même. Je ne sais pas si vous comptez les deux ou si vous faites la distinction entre les deux.

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Chez nous, les gens font la distinction. La prétention, c'est que cela prend presque un mois à partir de la date où ils ont effectivement reçu les avis. Maintenant, je peux vérifier et, s'il le faut, transmettre aux membres de la commission une correspondance à cet effet, en même temps que ce que j'ai promis tantôt à la députée de Maisonneuve.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: Très bien. Maintenant, quant aux contractuels, M. Harguindeguy, est-ce qu'il n'est pas exact de dire que, depuis le 21 décembre 1981, il n'y a plus de contractuels à la CSST dans le système de l'informatique?

M. Harguindeguy: II y en a. M. Fréchette: II y en a.

M. Harguindeguy: Je vais vous fournir les noms si vous voulez, peut-être pas aujourd'hui, mais... Il y en a au moins...

M. Fréchette: Vous pourrez faire cette vérification.

M. Harguindeguy: Assurément. Si vous me le permettez, les cas de décembre 1981 auxquels vous faites référence, je suis au courant parce qu'on avait été obligé d'aller au Tribunal du travail, mais la maladie revient.

M. Fréchette: II est certain que, si vous vouliez nous sensibiliser avec les précisions dont vous nous parlez, cela peut être utile à tout le monde finalement.

Vous allez comprendre aussi, M. Harguindeguy, que je veuille vous poser quelques questions quant à l'affirmation qu'on retrouve à la page 21 de votre mémoire. Mes collègues de l'Opposition ont réagi et avec raison à l'information qui est contenue au dernier paragraphe de la page 21. C'est une accusation qui est effectivement très sérieuse et qu'on ne peut, de toute manière, traiter avec légèreté. (16 h 45)

Est-ce qu'il n'est pas exact de dire -et c'est strictement encore là à titre d'information - que cette situation très précise a été discutée à l'intérieur d'un comité de relations professionnelles qui existe à la Commission de la santé et de la sécurité, à l'intérieur duquel on retrouve des représentants de l'employeur, des représentants de votre syndicat et à l'intérieur duquel toujours on discute de toute espèce de situation qui peut avoir une incidence sur les relations ou les conditions de travail? Est-ce exact de dire que cette discussion-là s'est tenue à l'intérieur du comité de relations professionnelles au mois d'octobre dernier, au mois d'octobre 1983, et qu'on en a parlé en termes de formation, qu'on en a parlé en termes également de possibilités, pour la partie syndicale, de procéder à une évaluation de ce qui était discuté, que vous auriez convenu de soumettre le tout à l'appréciation de vos procureurs pour ensuite revenir, probablement, à l'intérieur du même comité

et donner, effectivement, vos conclusions par rapport à ce dossier très précis?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Bon, ce qui s'est effectivement discuté... D'ailleurs, tantôt, j'ai mentionné aussi qu'il y avait des tractations qui avaient été effectuées, c'est bien par l'entremise d'un comité qui est prévu dans nos décrets; cela a été sur la base d'une opposition à ce qu'il y ait de l'écoute électronique. Le point qui reste en suspens, ce qu'il reste à vérifier auprès des procureurs, c'est l'aspect que j'ai indiqué tantôt, c'est-à-dire si les employés pouvaient légalement se justifier auprès des interlocuteurs à savoir qu'il pouvait y avoir de l'écoute électronique de la conversation. Sur la question de l'opposition à ce qu'une telle écoute soit effectuée, les autorités du ministère, par l'entremise des représentants, ont indiqué un refus complet de cesser une telle activité d'écoute. Comme je l'ai indiqué tantôt, je pourrais vous transmettre toute la communication et les comptes rendus de ces comités ministériels de relations professionnelles pour vous démontrer qu'il n'y a aucun accord pour qu'une telle écoute s'effectue. Le seul point qui reste en suspens, c'est de savoir si nos gens, malgré l'intention arrêtée de l'organisme, peuvent indiquer à leurs interlocuteurs, au début de la conversation téléphonique, qu'ils peuvent faire l'objet d'une telle écoute. C'est cela qui demeure en suspens parce que la CSST maintient sa position. Comme vous l'indiquez, les motifs nous ont été donnés et c'étaient des motifs de formation, pour connaître les besoins de formation des employés. Il me semble qu'il y a d'autres méthodes pour faire un tel relevé que celle de faire de l'écoute électronique. Si on a jugé bon d'en parler, c'est parce que, effectivement, nos gens sont opposés à une telle forme d'écoute, même si cela n'empêche pas d'en discuter. Je pense qu'il y a bien des sujets qu'on discute sans nécessairement être d'accord. Sur celui-là, on n'est pas d'accord.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: Je vais essayer d'être le plus précis possible. Il est donc accepté ou enfin convenu qu'un semblable dossier s'est discuté au comité des relations professionnelles. Je vous donne une date, par exemple ce pourrait être le 31 octobre 1983. Il y avait, à l'intérieur de ce comité, évidemment, des représentants de l'employeur, des représentants du syndicat. Vous nous avez également indiqué très clairement que le syndicat, quant à lui, opposait une fin de non-recevoir à toute forme d'enregistrement. Vous avez poussé le processus jusqu'à consulter vos procureurs sur cet aspect particulier de ce qui vous était proposé. Vous dites que, malgré cela, il y a des exemples ou des cas où cela se serait quand même produit. Est-ce que c'est cela qu'est votre évaluation?

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: C'est effectivement cela. C'est que le ministère ou l'organisme a avisé les employés. Parce que, lorsqu'on discute au CMRP, il faudrait quand même faire la part des choses. Ce n'est pas un comité où on convient ensemble des politiques administratives qui sont appliquées. C'est un comité où on peut discuter des problèmes de relations de travail qui, en fait, sont soulevés dans un ministère ou un organisme. Quand les employés ont eu cette information ou la directive pour leur dire que, dorénavant, les appels seront entendus pour des besoins, ce sont eux qui ont inscrit à l'ordre du jour du CMRP, du comité ministériel, ce point-là, pour en discuter, pour démontrer leur opposition et pour avoir des justifications additionnelles.

Les autorités du ministère n'ont pas changé leur décision de faire une telle écoute; c'est pour cela que ces gens sont revenus nous voir pour dire: Qu'est-ce qu'on peut faire pour passer outre? Bon. On a été obligé de leur dire qu'il faut qu'ils se plient, ils n'ont pas le choix. Sauf qu'il reste ce point-là. Mais jamais, en aucun temps, si c'est cela que vous voulez savoir, il n'y a eu d'accord avec la partie syndicale, même locale, pour que cette méthode soit utilisée. On n'a jamais donné notre assentiment à ce qu'une telle écoute soit effectuée.

M. Fréchette: Et malgré...

M. Harguindeguy: Si vous permettez, ce qui reste en suspens, comme indication à donner à la partie patronale, c'est d'indiquer notre position, à savoir si, oui ou non, et selon son intention de faire de l'écoute, on avisera l'interlocuteur que sa conversation peut faire l'objet d'une écoute.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: Une dernière question quant à moi, M. le Président. Malgré le fait qu'il n'y ait jamais eu d'accord - non seulement il n'y a pas eu d'accord, vous vous êtes assez catégoriquement prononcé sur le fait que cela ne devait pas se produire -vous nous dites: II y a effectivement des cas que l'on connaît, des situations qu'on a pu identifier et qu'on peut très facilement repérer, qui ont existé et qui ont fait en

sorte que des conversations ont été écoutées.

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Oui, tantôt, j'ai précisé...

M. Fréchette: Oui, oui.

M. Harguindeguy: ...que cela pouvait avoir été enregistré, mais je ne pouvais pas certifier que les conversations étaient enregistrées. L'équipement permet de faire une telle écoute à l'heure actuelle; vous dire combien il y en a eu et, effectivement, lesquelles... S'il faut vous obtenir des affidavits, s'il faut voir des gens pour savoir s'ils ont été écoutés, s'ils ont eu des reproches par la suite, si on leur a dit: Dans tel domaine, vous n'auriez pas dû donner telle réponse, ce sont des choses que je peux sûrement m'engager à vous fournir.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre du travail.

M. Fréchette: C'est la dernière précision que je voulais vous demander. Si, effectivement, des dossiers de cette nature sont portés à votre connaissance, sans créer d'embarras à qui que ce soit, j'apprécierais que vous puissiez transmettre à la commission les détails très précis permettant de procéder à cette identification.

M. Harguindeguy: D'accord.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci, M. le Président. En terminant, j'allais demander à M. Harguideguy et aux gens qui l'accompagnent de nous faire parvenir ces renseignements au Secrétariat des commissions dans les plus brefs délais, parce que la commission ajournera ses travaux demain et les reprendra en mars. Les travaux devraient se terminer le 8 ou le 9 mars, si je me rappelle bien.

Je crois que toute cette question d'écoute électronique est extrêmement inquiétante. Que des employés d'un appareil paragouvernemental se permettent, dans notre société, d'écouter une conversation téléphonique... On sait fort bien ce qui s'est passé aux États-Unis, lorsque quelqu'un de très haut placé s'est permis d'enregistrer des conversations téléphoniques sans que les personnes impliquées le sachent. Ici, ce que je trouve le plus affreux, M. le Président, et j'aimerais bien le faire préciser à M. Harguideguy, c'est que, lorsque vous parlez de l'écoute qui se fait, ce n'est pas nécessairement une écoute entre un employé de la CSST et un autre; c'est l'écoute de la conversation entre l'accidenté, celui qui fait la réclamation, et l'employé de la CSST. Est-ce bien cela?

M. Harguindeguy: Si vous le permettez, les deux peuvent se faire, malgré tout.

M. Cusano: Ah! les deux peuvent se faire. À ce moment-ci, la seule chose que j'ai à dire, c'est de vous demander formellement de nous faire parvenir ces affidavits, ces documents, les directives et, particulièrement, les procès-verbaux de la réunion du 31 octobre, ou d'autres réunions, parce qu'on aimerait bien savoir qui, dans notre société, peut se permettre d'émettre de telles directives à des employés.

C'est avec cela que j'aimerais terminer et, au nom de ma formation politique, je vous remercie de nous avoir remis un document très concis et précis qui, contrairement peut-être à beaucoup d'autres... On accuse souvent les politiciens de parler pour ne rien dire, mais je crois que vous avez résumé la présente situation avec la loi actuelle, les problèmes de la CSST et le projet de loi 42 que nous allons étudier plus longuement plus tard. C'est avec ces remarques et avec un peu d'inquiétude à cause de ce qui se passe dans cette boîte que j'aimerais bien continuer et demander au ministre qu'une fois qu'on aura reçu ces documents qu'on vous a demandés, la commission puisse se pencher à nouveau sur toute la question de l'administration de cette boîte qui, d'après moi - je l'ai dit auparavant, mais vous venez de le confirmer semble avoir perdu tout sens de la direction. Merci, M. Harguindeguy.

Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Au début de la semaine prochaine, vous aurez les documents qui concernent l'écoute.

M. Cusano: Merci.

M. Fréchette: Un mot seulement, M. le Président, pour remercier M. Harguindeguy, les membres de la délégation qui l'accompagnent et tous les membres de son syndicat. Effectivement, le mémoire qu'ils nous ont soumis est tout à fait clair, concis, très précis. Maintenant, comme mes collègues de cette commission, j'apprécierais que diligence soit faite pour que vous puissiez nous transmettre, dans les meilleurs délais, les renseignements dont on a convenu de nous échanger les données. Je comprends qu'il y a ce problème dont on vient de parler; il y a aussi un certain nombre d'autres renseignements à propos des contractuels que vous allez nous faire

parvenir. Le plus tôt sera le mieux. Merci.

M. Harguindeguy: Sûrement.

Le Président (M. Rancourt): Nous remercions le Syndicat des fonctionnaires provinciaux. Maintenant, nous allons passer au groupe qui représente le Poste transport de vrac, région 08 Inc., puisqu'il est parmi nous. Il était censé être ici à 20 heures, mais il a bien voulu être présent plus tôt. Nous allons bien sûr l'accueillir.

Nous suspendons les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 57)

(Reprise de la séance à 17 h 7)

Le Président (M. Rancourt): À l'ordre! Après ces quelques minutes de suspension, nous allons reprendre avec le Poste transport de vrac, région 08 Inc. Si vous voulez bien vous présenter, M. le président, ainsi que la personne qui vous accompagne.

Poste transport de vrac, région 08 Inc.

M. Gaulin (Réal): Mon nom est Réal Gaulin, président du poste d'affectation de la région 08; et le directeur, M. Jean-François Lafleur.

Le Président (M. Rancourt): Merci. Donc, M. Lafleur.

M. Lafleur (Jean-François): Compte tenu du mémoire, qui se lit quand même assez vite, si vous me le permettez, j'aimerais en faire la lecture.

Le Président (M. Rancourt): C'est bien; allez-y, M. Lafleur.

M. Lafleur: Sujet: Implication économique du statut d'artisan de la CSST auprès des titulaires de permis de vrac.

Tout d'abord, M. le ministre, quelques précisions sur notre corporation. Le ministère des Transports du Québec a divisé la province en onze régions de vrac. Le poste a été constitué selon la troisième partie des lois des compagnies du Québec, donc à but non lucratif. Le poste détient un permis de courtage émis par la Commission des transports du Québec, en accord avec le règlement 12 régissant l'industrie du vrac au Québec. En tant que courtier spécialisé en transport de matières de vrac, le poste détient comme principaux mandats de regrouper le plus grand nombre de titulaires de permis de vrac de la région 08; d'offrir des services pour ses camionneurs abonnés; de développer les marchés de matières de vrac, dans le but de faire travailler ses abonnés aux meilleurs taux et conditions possible; de protéger et de sauvegarder les droits et intérêts de ses camionneurs abonnés.

De plus, nous tenons à vous préciser que notre représentativité, en termes de regroupement de titulaires de permis de vrac pour notre région, touche quelque 430 camionneurs abonnés répartis à l'intérieur de notre territoire, qui s'étend de Témiscamingue-Sud, en montant vers le nord jusqu'au 55e parallèle, englobant les villes de Matagami et de Chibougamau ainsi que l'ensemble du territoire de la Baie James.

Il est également à noter que les permis de vrac du Québec se rattachent à un territoire déjà défini par la loi, les règlements et décrets du ministère et de la Commission des transports du Québec.

Exposé de la situation. Le poste regroupe, au sens de la loi de la CSST, 70% d'artisans, pour 30% de compagnies, sociétés, employeurs. De par la loi de la CSST, un artisan n'a pas le droit d'obtenir un numéro d'employeur de la CSST.

Un nombre de plus en plus croissant de requérants de services exigent . de nos camionneurs abonnés qu'ils soient munis d'un numéro d'employeur de la CSST pour travailler sur leur chantier, sans égard au statut des camionneurs, à savoir s'ils sont artisans ou non.

Les exigences des requérants de services, combinées aux implications économiques du statut d'artisan de la CSST, amènent aux représentants des postes et des sous-postes de la région 08 une série de problèmes et de situations difficiles et malencontreuses qu'il serait urgent de pallier dans un avenir rapproché. Sinon, pour la grande majorité de nos camionneurs abonnés artisans, cette situation signifiera, à brève échéance, une baisse de revenus et la faillite inévitable, en fin de compte.

Implications. Les implications de la situation précitée gravitent autour des points suivants: Si on n'acquiesce pas à cette obligation émise par les requérants de services, à savoir que tous nos camionneurs abonnés, qu'ils soient artisans ou non, doivent obtenir au préalable un numéro d'employeur de la CSST, nous nous éjectons délibérément du marché de vrac; nous fermons la porte à presque toutes les chances de négociation à une entente au niveau d'un contrat de transport de matière de vrac et devenons par le fait même beaucoup moins concurrentiels; nous risquons de regarder passivement transporter nos concurrents.

Force est de constater que le règlement 12, régissant l'industrie du vrac au Québec, oblige, lors de l'émission des permis de courtage, les postes et les sous-postes à prévoir, à l'intérieur de leur code d'éthique, des mécanismes de répartition équitable du travail sans égard au statut de nos

camionneurs, qu'ils soient employeurs, incorporés, en société ou artisans. La non-observance des principes de répartition équitable du travail entre nos camionneurs abonnés mettrait en péril, d'une part, notre permis de courtage et, d'autre part, affecterait et minerait, en quelque sorte, l'avenir des postes et des sous-postes de courtage de transport de matières de vrac du Québec.

En définitive, les exigences des requérants de services placent les représentants des postes et des sous-postes de transport de matières de vrac à l'intérieur d'un cul-de-sac. S'ils n'acquiescent pas à l'obligation, émise de la part des requérants de services, que tous nos camionneurs abonnés soient munis d'un numéro d'employeur pour oeuvrer sur leur chantier, la résultante sera tout simplement que nos camionneurs artisans travailleront beaucoup moins et, d'autre part, si les représentants du poste effectuent une certaine discrimination entre ceux qui sont artisans et ceux qui sont employeurs, cet état de fait, en termes de répercussions, pourrait amener la perte du permis de courtage du poste et des sous-postes émis par la Commission des transports du Québec.

En résumé, pour obtenir des contrats de transport, les représentants du poste et des sous-postes possèdent deux choix: 1. s'organiser pour que tous les camionneurs abonnés obtiennent auprès de la CSST un numéro d'employeur sans égard à leur statut; 2. que nos camionneurs artisans fassent les frais de leur statut auprès des requérants de services, c'est-à-dire que les camionneurs artisans paient la quote-part qui devrait être habituellement assumée par les requérants de services auprès de la CSST perçue à même leurs gains.

Pour appuyer ce qui précède et dans le but d'illustrer une des situations parmi tant d'autres à l'intérieur desquelles nous nous retrouvons, prenons l'exemple d'un camionneur artisan nommé Pierre oeuvrant pour le ministère des Transports du Québec. Pierre doit se faire remplacer par un chauffeur appelé Paul afin de lui permettre de s'absenter pour une semaine, par exemple, pour une multitude de causes, soit la mortalité, la maladie ou les vacances. Pendant cette période, Pierre devient donc employeur. Il aurait donc besoin d'un numéro d'employeur de la CSST pour une semaine. Paul, le chauffeur, a un accident sur le chantier durant cette même période et restera paralysé pour le restant de ses jours. Qui portera le fardeau de la responsabilité? Qui sera réputé être l'employeur, le MTQ ou Pierre?

Compte tenu des faits illustrés au niveau des implications économiques du statut d'artisan de la CSST auprès des titulaires de permis de vrac, nous nous permettons de porter à votre attention un élément de solution aux problèmes engendrés par le statut d'artisan de la CSST.

Première solution, apporter à la loi de la CSST une nouvelle catégorie ou classification intitulée: Titulaire de permis de vrac, pour ainsi permettre à tous les titulaires de permis de vrac, sans égard à leur statut, d'obtenir un numéro d'employeur de la CSST.

Avantages de la mise en place d'une nouvelle classification intitulée: Titulaire de permis de vrac. Nos camionneurs artisans peuvent être employeurs. Cette capacité s'exprime selon les saisons, la nature des contrats et de façon sporadique, à savoir s'ils oeuvrent à des contrats dont les travaux s'exécutent sur 24 heures, 12 heures ou si les propriétaires de camion ont, pour une durée de temps limitée, des chauffeurs à leur véhicule. Le fait pour nos camionneurs abonnés artisans d'obtenir un numéro d'employeur leur permettrait de s'assumer comme des gens d'affaires en affaires; d'obtenir une protection supplémentaire plus complète et adéquate, permettant ainsi à nos camionneurs, sans égard à leur statut, d'être couverts par la CSST, peu importe où ils se retrouvent, sur des chantiers ou non, 24 heures par jour; d'accroître leur capacité de transporter le plus longtemps possible, en étant plus concurrentiels; d'augmenter leur pénétration à l'intérieur de tous les marchés de vrac, pour ainsi renforcer la rentabilité de leur commerce et éviter le pire.

Inconvénients de cette nouvelle classification intitulée: Titulaire de permis de vrac. Le seul inconvénient identifié par les commettants du poste et des sous-postes de la région 08 se retrouve au niveau de la charge, à savoir qui paiera la facture. Celle-ci devra être assumée par le titulaire de permis de vrac à la condition expresse qu'elle soit adaptée au coût réel de l'industrie du vrac auprès de la CSST, selon la méthode de calcul proposée au point 3 de ce mémoire. (17 h 15)

De plus, nous tenons à vous préciser que cette classification devrait devenir volontaire et non universelle, compte tenu du caractère spécifique et non similaire des régions de vrac au Québec. À titre d'exemple, la région de l'Abitibi-Témiscamingue transporte en grande quantité les matières de vrac suivantes: sable, terre, gravier, produits forestiers (bois en longueur, bois en bille, copeaux, sciure, planure), béton bitumineux et minerai de mine; comparativement aux régions de Montréal et ses environs (6-10) où la grande majorité du transport de matières de vrac s'effectue à l'intérieur du secteur sable, terre, gravier, béton bitumineux.

Implications financières: Si les autorités du ministère du Travail et de la CSST

acquiescent à la solution précitée, le calcul de la cotisation facturée aux titulaires de permis de vrac devrait se tabler sur les points suivants: 1. Basé sur les coûts réels de l'ensemble des titulaires de permis de vrac de la province. Ce qu'ils ont en fait réellement coûté à la CSST. 2. Sur les journées d'utilisation moyenne des véhicules, donc en fonction du risque. 3. Fiche individuelle à chaque titulaire de permis de vrac établie selon sa performance, à savoir, s'il y a eu des accidents ou autres, la prime du bénéficiaire augmentera et elle seule. 4. Le plan d'assurances de la CSST devrait être compétitif en termes de coût sur le marché.

Consultation entre les ministères. Il est entendu que nous souhaitons ardemment qu'il y ait un dialogue constant entre le cabinet du ministère des Transports et celui du Travail afin que la réglementation régissant l'industrie du vrac au Québec et la Loi sur la Commission de la santé et de la sécurité du travail parviennent à s'adapter au nouveau contexte pour assurer ainsi à nos camionneurs abonnés, sans égard à leur statut, une pénétration accrue du marché des matières de vrac et un avenir plus adéquat en endiguant toutes les implications du statut d'artisan de la CSST.

Consultation et information. Nous avons consulté les représentants des sous-postes de notre région et nos camionneurs abonnés sur ce qui précède. La grande majorité accepte la solution, étant donné les situations concurrentielles et les obligations émises par les requérants de services à l'intérieur desquelles les représentants du poste et des sous-postes de la région 08 se retrouvent trop souvent.

Le Président (M. Rancourt): Merci, M. Lafleur. M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: M. le Président je voudrais remercier les personnes qui sont venues nous soumettre ce mémoire. Je comprends qu'il ne se réfère qu'à un problème très précis qui est expressément et clairement identifié dans le mémoire. On voit très bien à quel genre de situation vous vous référez.

Est-ce que vous avez la conviction que la suggestion que vous faites de créer une nouvelle classification qui serait: Titulaire de permis de vrac peut effectivement contribuer - ce seul fait-là - à régler les problèmes auxquels vous nous référez et sur lesquels vous attirez notre attention?

Le Président (M. Rancourt): M. Lafleur.

M. Lafleur: On n'a pas la prétention de dire que ça va régler tous nos problèmes, mais c'est le cas d'un nombre croissant d'employeurs, comme on le précisait à l'intérieur de notre mémoire. C'est même le premier point de négociation pour obtenir un contrat de transport. La première question qui nous est posée est celle-ci: Les camionneurs qui vont entrer sur le chantier sont-ils munis, oui ou non, d'un numéro d'employeur, donc de la CSST? En fait, après vérification, il appert qu'un des premiers règlements qui régissaient l'industrie du vrac au Québec - à l'époque, on l'appelait le règlement 12, je crois, c'est en 1976 ou en 1977 - mentionnait l'obligation pour tous les titulaires de permis de vrac d'être munis d'un numéro d'employeur de la CAT à l'époque.

Donc, si cela s'est fait dans les années passées, on s'imagine que, compte tenu du contexte peut-être un peu différent où la région 08 se retrouve... À titre d'exemple, prenons les transporteurs qui effectuent du camionnage pour des compagnies forestières. Le transport très spécialisé amène des fois un camionneur artisan à avoir l'obligation de mettre un chauffeur pour une semaine. L'autre semaine, compte tenu de la coupe peu avancée, il se retrouve sur des travaux où il n'a pas besoin d'employeur. C'est sensiblement la même chose pour le minerai de mine et également pour les contrats du ministère des Transports du Québec détenus par l'entrepreneur ABC. À titre d'exemple, la semaine dernière - c'est tout récent - un des points de négociation qui a failli faire la différence entre avoir le contrat ou ne pas l'avoir, était la question de la CSST. On voulait avoir sur le chantier uniquement des gens qui ont leur numéro d'employeur.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: Cela me va, M. le Président. Quant au reste, encore une fois, tout est clair dans le mémoire du Poste transport de vrac, région 08 Inc. Il me reste simplement à remercier les gens qui sont venus nous le soumettre et qui ont argumenté verbalement à l'appui de la revendication qu'ils nous soumettent. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: D'abord, M. Lafleur, je vous souhaite la bienvenue à Québec. Je remarque que vous êtes venu de loin. Chaque fois qu'on se réfère au mémoire, il y a des éléments nouveaux et intéressants. Le mémoire qui a été présenté avant le vôtre avait un aspect d'écoute électronique. Tout le monde est parti faire de la recherche là-dessus. Maintenant, on parle de transport en vrac. Cela m'intéresse beaucoup et je veux

reprendre votre exemple de Pierre et Paul. Si j'ai bien compris, Pierre, c'est un artisan, un camionneur, dont les charges et les devoirs sont habituellement envers une compagnie qui demande de livrer tant de tonnes de brique, de ciment ou de matière en vrac. À un moment donné, il doit se faire remplacer par Paul parce que, comme vous l'avez expliqué, Pierre est malade ou parce que quelque chose arrive dans la famille. Il a des raisons très légitimes et il a même besoin de vacances. Pendant quelques semaines, il se fait remplacer par Paul. Paul a un accident avec son camion en arrivant sur le chantier et la question suivante se pose: Est-ce que Paul est protégé en vertu du projet de loi 42 et qui paie la prime au cas où il y en a une à payer? Quand, dans le projet de loi, on regarde la définition, à la page 9, de "travailleur autonome", on dit que c'est une personne physique qui est à son compte, seule ou en société, et comptant 100 travailleurs à son emploi. Donc, c'était Pierre, sauf pour la période de trois ou quatre semaines pendant laquelle il prend quelqu'un à son emploi; il n'est plus travailleur autonome, j'imagine.

M. Lafleur: Voilà.

M. Polak: Vous avez vu cela comme cela aussi. Quand on lit la définition du mot "travailleur", on dit que c'est une personne physique - c'est Paul - qui exécute un travail pour un employeur, moyennant rémunération, en vertu d'un contrat de louage de service personnel ou d'apprentissage. On ne dit pas que le contrat doit être d'une certaine durée. Donc, que Paul travaille deux semaines, trois semaines ou un mois, indépendamment de la durée, il tombe sous la définition de "travailleur", n'est-ce pas, selon la définition que je lis du mot "travailleur"? Comment voyez-vous cela?

Le Président (M. Rancourt): M. Lafleur.

M. Lafleur: En fait, c'est la raison pour laquelle on a illustré des exemples parmi tant d'autres à l'intérieur desquels on se retrouve. C'est justement la notion d'employeur. C'est la question que nous nous posons: À qui incombe la responsabilité, à ce moment-là? Est-ce qu'on va exiger de Pierre que, pour cette semaine-là, il soit muni de son numéro d'employeur de la CSST? On parle d'une semaine. Ce peut être un mois.

M. Polak: Oui.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Dites-moi, dans le cas de Pierre et Paul, comment cela a-t-il été résolu, en vertu de la loi actuelle?

Le Président (M. Rancourt): M. Lafleur.

M. Lafleur: Vous nous demandez notre opinion, monsieur?

M. Polak: Oui. Est-ce qu'il y a des cas comme celui-là qui se sont produits? Savez-vous si la CSST s'est déclarée compétente, si elle a écouté? Est-ce qu'il y a quelque chose qui existe là-dessus au point de vue de précédent?

M. Lafleur: Des accidents comme tels, tel que précité ici, non. Mais il est arrivé des accidents mortels et des accidents où les victimes sont infirmes pour le reste de leur vie. Heureusement, sur ces chantiers, ce sont ceux qui font partie des 30% de nos abonnés qui sont incorporés ou qui ont des employeurs, c'est-à-dire qui ont le statut d'employeur auprès de la CSST.

M. Polak: Ah bon!

M. Lafleur: C'est la raison pour laquelle on a tenu à exposer cet exemple parce que, si jamais il arrivait que, pour une raison ou pour une autre, sur un chantier, on ait une personne comme Pierre qui embauche Paul, en termes de responsabilité, on se pose la question. Je pense que c'est ce qui nous amène à proposer et à porter à l'attention de cette commission qu'il serait peut-être bon de revenir, comme on l'exposait tout à l'heure, au règlement 12 de 1976, où tous les titulaires de permis de vrac devaient être munis du numéro d'employeur. Il y avait certainement des raisons qui motivaient les gens, à l'époque, à préciser que tous les titulaires de permis de vrac soient munis du numéro d'employeur de la CSST. C'était sûrement pour éviter le genre de situation qu'on vous a illustré par l'exemple de Pierre et Paul.

M. Polak: D'accord.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: J'ai une deuxième question. Est-ce qu'il existe actuellement une possibilité pour quelqu'un, comme Pierre, de prendre une assurance privée et de payer, évidemment, une certaine prime pour justement couvrir la situation de Paul? Est-ce que cela existe?

Le Président (M. Rancourt): M. Lafleur.

M. Lafleur: Aussi aberrant que cela puisse paraître, je sais qu'il y en a quelques-uns qui ont l'assurance. À savoir si, effectivement, ils ont tous l'assurance, je ne pourrais pas vous répondre, mais certainement qu'il y en a quelques-uns qui

l'ont. À savoir quelles sont les particularités de cette assurance, je ne pourrais pas vous donner plus de détails.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Dernière question. À la page 5, vous parlez de la cotisation à être imputée au cas où le gouvernement accepterait votre suggestion d'avoir une classe à part. Je comprends très bien, le ministre aussi, le bien-fondé de votre demande. Quand vous calculez la cotisation, avez-vous suivi les barèmes usuels de la CSST? Je vous dis cela pour vous aider. C'est que plus vous jugez quelque chose qui tombe dans les normes ordinaires, le plus de chances vous avez. Quand vous jugez quelque chose de plus extraordinaire, vous êtes mieux de l'oublier. Je ne peux pas parler pour le ministre, mais je sais - ce n'est pas toujours le ministre, ce sont les fonctionnaires -comment ils pensent. Avez-vous suivi les barèmes qui sont utilisés généralement ou avez-vous pris les barèmes qui sont peut-être un peu spéciaux?

Le Président (M. Rancourt): M. Lafleur.

M. Lafleur: Ce qu'on proposait, c'est une méthode de calcul en admettant que cette classe soit acceptée. C'est la raison pour laquelle, au dernier paragraphe, on dit que le plan de l'assurance de la CSST devrait être concurrentiel. C'est que présentement, pour un employeur qui est dans la classe de camionnage en vrac, sauf erreur, sa prime était de 8,25 $ et elle va baisser pour 1984, je crois, à 6,20 $ ou 6,25 $. Ce qu'on dit, c'est que, si jamais on accepte cette possibilité de former une classe spéciale pour les titulaires de permis de vrac, le tarif imputé devra être l'équivalent ou, en tout cas, en très grande concurrence avec les tarifs imputés par les assureurs privés.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Tout à l'heure, j'ai dit la dernière, mais c'est vraiment la dernière question. J'ai bien compris que ce que vous cherchez, c'est à protéger l'artisan, le petit travailleur indépendant qui peut être très mal pris. C'est à cela que vous cherchez une solution.

M. Lafleur: Voilà. Exact.

M. Polak: Merci.

M. Lafleur: Également...

Le Président (M. Rancourt): Oui, M.

Lafleur.

M. Lafleur: ...à l'article 22 du projet de loi où on précise qu'une "association de travailleurs autonomes ou de domestiques peut inscrire ses membres à la commission et elle est alors considérée leur employeur aux seules fins de l'application du chapitre VIII", on s'interroge énormément étant donné qu'on a déjà eu des causes qui ont été jugées par la Cour supérieure du Québec où on a reconnu que, effectivement, le Poste transport de vrac devrait être considéré comme des courtiers et en aucune façon être considéré comme des employeurs. Donc, on s'interroge vraiment sur l'article 22. Également, au niveau de la pratique, on se demande comment percevoir les montants de nos 430 abonnés répartis sur un territoire qui a peut-être 350 milles de rayon. Nous, en termes techniques et pratiques, on s'interroge concernant cet article.

C'est la raison pour laquelle - étant conscients de l'article 22, on n'a pas du tout parlé de l'article 22 dans notre mémoire -sans avoir la prétention de dire qu'on a la vérité, loin de là, on précise que, pour régler nos problèmes auprès des compagnies qui, il faut le dire, je pense, retiennent des montants pour s'assurer que les montants de la CSST sont effectivement payés... Nous avons vécu le cas dans certaines entreprises forestières, certaines entreprises minières. Pour vous illustrer cela, pas plus tard que vendredi dernier, j'ai un de mes camionneurs qui est venu avec un montant de 6500 $ retenu par une entreprise forestière pour éventuellement couvrir des montants au cas où ce camionneur soit employeur et ait à payer des cotisations auprès de la CSST.

Dans la plupart des cas, ce sont nos gens qui s'assument auprès de la CSST et c'est la raison pour laquelle on dit, à ce moment. Pourquoi n'a-t-on pas clarifié ce fameux statut d'artisan et permis d'inscrire tous les titulaires de permis de vrac dans une classe spéciale appelée titulaire de permis de vrac pour que nos gens s'assument parce qu'on est un fardeau, en quelque sorte, pour l'entrepreneur dans plusieurs situations.

Le Président (M. Rancourt): D'accord. La question est posée. M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: J'ai terminé, mais je voudrais remercier M. Lafleur et son regroupement d'être venus ici devant nous. Il s'agit, comme le ministre le disait, d'une matière très spéciale, mais tout de même, aussi importante que chaque autre mémoire qu'on a entendu jusqu'à maintenant. J'espère que le ministre a bien écouté vos demandes, qu'il réalisera qu'il y a un problème à résoudre et que vous allez réussir. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Rancourt): Merci beaucoup, M. Lafleur et M. Gaulin. Ceci termine la présentation du mémoire du Poste transport de vrac, région 08 Inc., et également l'ordre du jour du 20 février 1984. Nous ajournons nos travaux à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 17 h 31)

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