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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 22 octobre 1991 - Vol. 31 N° 15

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi n° 125, Code civil du Québec


Journal des débats

 

(Vingt heures dix-huit minutes)

Le Président (M. Lafrance): Bonsoir à tous. Je constate que nous avons le quorum et j'aimerais donc déclarer cette treizième séance de travail ouverte en rappelant à tous et à toutes que notre mandat, le mandat de cette commission, est de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi 125, Code civil du Québec. Mme la secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?

La Secrétaire: II y a un seul remplacement, M. le Président: Mme Bleau (Groulx) est remplacée par Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata).

Le Président (M. Lafrance): Merci. Est-ce qu'il y aurait des remarques d'ouverture? Oui, M. le ministre.

Organisation des travaux

M. Rémillard: M. le Président, alors, nous commençons nos travaux et je mentionnais tout à l'heure qu'après discussion, si ça convenait aux membres de cette commission, on pourrait donc siéger demain soir au lieu de jeudi matin parce qu'il y a des problèmes pour certains membres de cette commission pour jeudi matin. Alors, ce serait mercredi soir que nous pourrions siéger.

M. le Président, je voudrais aussi souhaiter la plus cordiale des bienvenues à M. le professeur Jeffrey Talpis qui nous rejoint après quelques semaines d'absence, et je peux vous dire - je pense que je le dis au nom des membres de cette commission - à quel point on est heureux de le voir revenir en si bonne forme. On lui souhaite la bienvenue.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Bienvenue également à M. le professeur Talpis. Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve.

Mme Harel: Oui, M. le Président. Alors, je crois donc comprendre que nous ne siégerions pas la semaine prochaine.

M. Rémillard: C'est ça, comme prévu depuis déjà une couple de mois. Oui, on l'avait mentionné de l'autre côté que je serai absent la semaine prochaine.

Mme Harel: Donc, vous seriez de retour la semaine suivante...

M. Rémillard: C'est ça.

Mme Harel: ...parce que, là, il va falloir certainement tenter de planifier le mieux possible nos travaux de façon à ce qu'on puisse à l'avance informer les personnes que le ministre et son ministère mettent à notre disposition d'être parmi nous pour pouvoir siéger, également pour pouvoir nous permettre aussi de faire le point avec elles au fur et à mesure de l'avancement de ces travaux. Alors, je ne sais pas... Vous aviez parlé, à un moment donné, d'une journée fixe où nous siégerions sur le Code civil. Je ne sais pas si ce ne serait pas utile au moins de nous donner cette balise-là.

M. Rémillard: Oui. M. le Président, nous avons eu d'ailleurs, à l'heure du dîner ce soir, des discussions intéressantes pour l'organisation du travail au niveau des experts, et je pense que, de toute façon, s'imposait une semaine pour que tous puissent s'adapter et qu'on puisse continuer aussi, après que nos experts auront travaillé ensemble. Alors, le travail des experts pourrait être quelque peu modifié, en fonction peut-être d'une nouvelle formule que nous aurons à discuter, à la suite de suggestions qui nous ont été faites. Nous pourrons discuter d'une nouvelle formule qui pourrait peut-être être plus intéressante de part et d'autre. Aussi, M. le Président, il est évident qu'on devra mettre, à un moment donné, un peu l'accélérateur et je suis bien prêt à accélérer le mouvement. Jusqu'à présent, on a procédé au rythme auquel l'on pouvait procéder, à cause de toutes les contingentes de nos experts et des consultations que nous devons faire aussi en fonction des différents items que nous avons à étudier, mais nous en sommes maintenant à un point où nous pouvons accélérer un petit peu plus encore, tout en étant bien conscient qu'il y a certains points qui devront être discutés à fond.

Je sais que, du côté de l'Opposition et de notre côté aussi, on veut regarder à fond l'hypothèque immobilière. On a aussi à discuter différents autres points que nous verrons même ce soir et demain, puis ensuite, en ce qui regarde la publicité, c'est un domaine nouveau qui méritera qu'on le regarde avec beaucoup beaucoup d'attention. Mais nous avons maintenant un bon élan et je crois que cette semaine, si nous pouvons terminer le programme qu'on s'est fixé, ce sera déjà un très bon pas.

Mme Harel: Est-ce qu'on peut déjà savoir quel programme vous nous fixez?

M. Rémillard: Nos experts se sont rencontrés - ils nous proposent et nous disposons, remarquez mais ils nous proposent de pouvoir nous rendre jusqu'à... attendez, je vais vous

confirmer tout ça, jusqu'à l'article 2373 inclusivement, c'est-à-dire jusqu'aux assurances, moins le louage.

Mme Harel: Donc, de compléter la partie qui concerne Me Masse, tous les contrats nommés dont il s'occupe, sauf les assurances.

M. Rémillard: Sauf les assurances, parce que Me Masse sera avec nous aussi pour les assurances.

Mme Harel: D'accord. Bon, alors écoutez, M. le Président, je crois qu'au retour du ministre, ce qui serait intéressant, ce serait vraiment de trouver une façon plus régulière de travailler pour nous-mêmes, en fait, membres de cette commission, mais aussi pour les experts qui nous ont accompagnés depuis le début de cet examen. J'en profite également pour souhaiter la bienvenue à Me Talpis. Je lui disais tantôt que c'est notre treizième séance ce soir. Mme la secrétaire m'a dit que treizième séance, c'était un signe chanceux. Alors, son retour est donc de bon augure et je souhaiterais, en fait, qu'on puisse planifier un peu plus.

M. Rémillard: On a tenté de le faire, il faut le mentionner, à quelques reprises. Cependant, ce qui nous en a empêché, ça a été justement la disponibilité de nos experts, qui, eux aussi, ne font pas leur travail ici à temps plein. Ils ont aussi leurs occupations comme professeur ou consultant, peu importe. Alors, il faut composer un petit peu avec ça. Mais si tout le monde y met de la volonté, et il va falloir la mettre, je retiens la suggestion de Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, on va donner des dates fixes et on va procéder comme tel.

Mme Harel: Alors, je dois donc comprendre que je ne pourrai pas vous entendre au déjeuner-causerie de la Chambre des notaires, le 8 novembre. Non, vous serez de retour, vous serez de retour.

M. Rémillard: Oui, oui.

Mme Harel: Alors, entendez-vous y participer?

M. Rémillard: Je n'ai pas encore eu le temps d'en discuter, mais si on me présente un projet de la sorte, je vais certainement regarder ça de près.

Mme Harel: On me disait que l'information avait été communiquée au ministère.

M. Rémillard: Peut-être que ce n'est pas encore arrivé là.

Mme Harel: Arrivé jusqu'au ministre.

Le Président (M. Lafrance): On vous remercie pour toutes ces précisions. Si je comprends bien, il y a consentement pour qu'on siège demain soir, de 20 heures à 22 heures, en plus évidemment du temps prévu en matinée, de 9 h 30 à 12 h 30.

Document déposé

Mme Harel: M. le Président, est-ce que vous me permettrez de déposer la copie d'une lettre signée par la présidente du Conseil du statut de la femme, en réponse à celle que je lui faisais parvenir, le 18 septembre, demandant l'avis du Conseil du statut de la femme sur la question de l'usufruit et de la conversion de l'usufruit en rente? Alors, le Conseil du statut de la femme a mis un point une position. J'aimerais qu'elle puisse être transmise aux membres de la commission.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la députée. J'accepte cette correspondance qui sera officiellement déposée et qui portera le code numérique 38D.

Des contrats nommés De la donation (suite)

Alors, s'il n'y a pas d'autres remarques d'ouverture j'aimerais, sans tarder, nous référer à notre projet de loi. Nous en étions à l'article 1806 et les articles suivants qui traitent de certaines règles de validité de la donation. J'aimerais en conséquence appeler les articles 1806 à 1813 inclusivement.

M. Rémillard: II n'y a pas d'amendements à ces articles, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a des commentaires à apporter sur ces articles 1806 à 1813 inclusivement? Si je comprends bien, il n'y a aucun membre qui désire apporter des commentaires. Donc, les articles 1806 à... Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Attendez que l'on s'installe. Vous aviez appelé l'article 1806.

Le Président (M. Lafrance): 1806 à 1813 inclusivement et M. le ministre nous a informés qu'il n'y avait aucun amendement de proposé.

Mme Harel: Juste une seconde. Alors, la question, je pense, qui est posée à 1810 est celle d'une donation qui serait faite durant une maladie réputée mortelle et qui, au deuxième alinéa, serait suivie d'un rétablissement du donateur, exigerait une possession paisible pendant trois ans pour faire considérer la

donation comme valide. La durée de trois ans là se justifie comment, s'explique comment pour le législateur?

M. Rémillard: Je vais demander à Me Pineau de nous faire des commentaires.

Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.

M. Pineau (Jean): M. le Président, il a semblé qu'un délai de trois ans était suffisant et plus propice à la sécurité du droit que le temps considérable auquel renvoient les textes actuels.

Mme Harel: C'est 10 ans, je pense, présentement? Non? (20 h 30)

M. Pineau: C'est "temps considérable".

Mme Harel: Ah oui.

M. Rémillard: II faut peut-être remarquer que trois ans, c'est le délai de prescription générale. C'est simplement qu'on a pris la règle générale et on l'applique ici, croyant que ça peut régler justement ce cas en fonction de la prescription générale.

Mme Harel: Parce que je me demandais si c'était associé à un délai de rémission habituel ou...

M. Rémillard: Non, non, du tout, c'est simplement la règle générale. On applique la règle générale, ne voyant pas de raison de mettre un délai plus spécifique.

Mme Harel: Oui. Alors, dans un but finalement d'harmonisation des délais, si je comprends bien, le délai le plus long...

M. Pineau: C'est cela.

Mme Harel: ...est de trois ans.

M. Pineau: C'est une possession qui va durer trois ans et nous avons une règle de prescription acquisitive qui est de trois ans. Donc, c'est conforme à une règle générale relative à la possession.

Mme Harel: Si le donateur se rétablit et laisse le donataire en possession paisible pendant tout ce temps, la jurisprudence...

M. Pineau: C'est qu'il entend confirmer... Pardon, excusez-moi.

Mme Harel: Excusez-moi.

M. Pineau: C'est qu'il entend confirmer la donation qu'il a faite alors qu'il était malade.

Mme Harel: Oui, voilà. Mais je me demandais, mol, si le délai de trois ans n'était pas un peu long, étant donné que le donateur se rétablit. Parce que le délai court après son rétablissement, le délai ne court pas avant. Alors, le donateur se rétablit. Un rétablissement, c'est... Et là, le délai commence à courir. Alors...

M. Rémillard: Ce qui est toujours difficile tout d'abord, c'est de déterminer le rétablissement, il faut voir le délai qui court. Alors, un délai de trois ans nous cause moins de problèmes en ce qui regarde la période que l'on doit calculer. Trois ans, c'est quand même assez long pour qu'il y ait là manifestement l'intention manifeste du donateur de conserver cette donation. S'il veut changer d'avis... Si on disait un délai plus court, ça voudrait dire que... Si on disait un an, par exemple, ça voudrait dire que, dans la deuxième année, il pourrait refuser. Comme la règle générale, c'est trois ans, on se dit: Pourquoi ne pas mettre trois ans? Et, après trois ans, c'est manifeste que l'intention du donateur, c'est de confirmer la donation et ça devient donc officiellement valide comme don.

Mme Harel: En tout cas, je me rallie, moi, à une harmonisation des délais. Je crois que ça va favoriser l'application du droit que les délais soient mieux connus, plus simples. Alors, pour ces raisons-là, je me rallie à la proposition.

Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie. S'il n'y a pas d'autres commentaires donc, les articles 1806 à 1813...

Mme Harel: Alors, il faut bien comprendre qu'à 1812 la donation entre vifs stipulée révocable suivant la seule discrétion du donateur est nulle, alors même qu'elle est faite par un contrat de mariage. Alors, pour qu'il y ait stipulation de révocabilité dans une donation entre vifs, il faut donc comprendre qu'il faut qu'il y ait une volonté commune. C'est bien ça?

Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, cette disposition réfère à la donation que l'on dit, dans le code civil du Bas Canada, sous condition purement protestative. On dit dans ce contexte-là: La donation sous condition purement protestative, c'est-à-dire selon la seule discrétion du donateur, est nulle, et cela, même dans un contrat de mariage. On se réfère aux articles 782, Bas Canada, alinéa 1, et 783. "782. La donation entre vifs peut être stipulée révocable [...] sous des conditions qui ne dépendent pas uniquement de la volonté du donateur." "783. Toute donation entre vifs stipulée révocable suivant la seule volonté du donateur est nulle.

"Cette disposition ne s'applique pas aux donations faites par contrat de mariage." Alors, par rapport au droit d'hier...

Une voix: D'accord.

M. Pineau: ...enfin, je devrais dire au droit d'aujourd'hui, le seul changement, c'est que ça s'applique même lorsque cette donation est faite par contrat de mariage.

M. Rémillard: C'est un élément important quand même, M. le Président, parce que la donation... Donner et retenir, c'est nul. Auparavant, on pouvait le faire dans un contrat de mariage. Maintenant, on dit: Même par contrat de mariage, ce n'est pas possible.

Une voix: C'est ça.

Mme Harel: Ça veut donc dire qu'on ne peut pas donner à la condition de toujours être aimé, par exemple.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: Oui, ou donner et de vivre ensemble.

Mme Harel: Oui. M. Rémillard: Oui.

M. Pineau: Oui, à sa discrétion. C'est ça. De celui qui donne.

Mme Harel: Très bien. M. Pineau: Voilà!

Le Président (M. Lafrance): S'il n'y a pas d'autres commentaires, donc, les articles 1806 à 1813 inclusivement sont adoptés tels quels. J'aimerais maintenant appeler l'article 1814 qui traite de la forme et de la publicité de la donation.

M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a des commentaires concernant cet article 1814?

Mme Harel: II faut comprendre donc que la donation d'un bien meuble ou immeuble s'effectue, à peine de nullité absolue, par acte notarié en minute. Quel est l'état du droit présentement?

M. Pineau: La même chose.

Mme Harel: C'est reconduit. C'est la même chose.

M. Rémillard: II n'y a rien qui change.

Mme Harel: Alors, ce qui est différent à 1814 en regard du droit actuel, c'est qu'en plus la donation... Non? Je croyais qu'il y avait une différence dans la publication. Non. Non, c'est ça. Ah bon!

M. Pineau: C'est le don manuel, le deuxième alinéa.

Mme Harel: Excusez-mot.

M. Pineau: Le don manuel, deuxième alinéa.

Mme Harel: Ah oui! Très bien, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Ça va? Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, l'article 1814 est donc adopté tel quel. J'aimerais maintenant appeler les articles contenus à la section III et, en particulier, les articles qui traitent des dispositions générales des droits et obligations des parties, soient les articles 1815 à 1819 inclusivement.

M. Rémillard: II y a un amendement à l'article 1818 qui est modifié par le remplacement, au début du second alinéa, des mots "d'un défaut de sécurité, s'il connaissait ce défaut" par ceci: "d'un vice qui porte atteinte à son intégrité physique, s'H connaissait ce vice". M. le Président, cet amendement substitue à la notion de défaut de sécurité une notion qui fait directement appel au concept de vice caché applicable en matière contractuelle, tout en étant plus descriptive. Il découle en partie de l'amendement apporté à la fin de l'article 1454 et il vise à éviter toute difficulté d'interprétation possible quant à l'application de la notion de défaut de sécurité dans le domaine contractuel. En raison de cet amendement, l'article 1818 se lirait comme suit: "Le donateur ne répond pas des vices cachés qui affectent le bien donné.

Toutefois, il est tenu de réparer le préjudice causé au donataire en raison d'un vice qui porte atteinte à son intégrité physique, s'il connaissait ce vice et ne l'a pas pas révélé lors de la donation."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.

Mme Harel: On souhaitait cet amendement, M. le Président.

M. Rémillard: Oui.

Le Président (M. Lafrance): D'accord.

M. Rémillard: M. le Président, Me Masse et

le Barreau du Québec nous avaient fait part de leurs commentaires et demandé un tel amendement.

Le Président (M. Lafrance): S'il n'y a pas d'autres commentaires, les articles 1815, 1816 et 1817 sont donc adoptés tels quels. L'article 1818 est adopté tel qu'amendé et l'article 1819 est adopté tel quel. J'aimerais maintenant appeler l'article 1820 qui traite des dettes du donateur.

M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Alors, s'il n'y a pas de commentaires, l'article 1820 est donc adopté tel quel. J'aimerais maintenant appeler les articles qui traitent des charges stipulées en faveur d'un tiers, soient les articles 1821 à 1825 inclusivement.

M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Aucun commentaire. Donc, les articles 1821 à 1825 inclusivement sont adoptés tels quels. J'aimerais maintenant appeler les articles contenus à la section IV, qui traite de la révocation de la donation pour cause d'ingratitude, soient les articles 1826, 1827 et 1828.

M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le Président.

Mme Harel: À 1826, M. le Président, je souhaiterais que l'on m'explique là en quoi consiste un comportement gravement répréhensible. Je pense que les dispositions actuellement contenues partaient, je crois, d'ingratitude du donataire, comportement gravement répréhensible. Il faut qu'il le soit gravement. Un comportement répréhensible ne serait pas suffisant?

M. Rémillard: Non. Il faut qu'il soit gravement répréhensible, maintenant, avec des balises. C'est eu égard à la nature de la donation. Donc, le fait que ce soit gravement répréhensible, c'est directement relié à la nature de la donation et aussi aux facultés des parties, comme deuxième critère. Et, troisièmement, aux circonstances. Alors, vous avez trois balises qui nous permettent de juger si c'est vraiment gravement répréhensible. De fait, il s'agit de reprendre l'essentiel des dispositions qui sont contenues aux articles 811, paragraphe 1, et 813 du Code civil du Bas Canada.

Mme Harel: Je pense que les légistes avaient déjà jonglé avec l'idée de supprimer cette disposition de révocation, je crois. Elle a été réintroduite.

M. Rémillard: II y avait eu, oui, on avait pensé, je dois le dire, peut-être l'enlever, sur le principe que quand on donne on ne peut pas reprendre. Alors, c'est un principe qu'on a évoqué tout à l'heure. Cependant, dans ce cas-ci, c'est quand même un principe qu'on retrouve dans le Code civil depuis très longtemps, et à la suite d'interventions qui nous ont été faites de plusieurs milieux, beaucoup d'interventions, on a décidé de le conserver dans une forme, par contre, je dirais plus explicite. Donc, en établissant le critère du "gravement répréhensible", mais en donnant aussi ces trois balises que nous établissons pour pouvoir mieux situer ce concept de "gravement répréhensible".

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre, pour ces précisions. S'il n'y a pas d'autres commentaires, donc, les articles 1826, 1827 et 1828 sont donc adoptés tels quels. J'aimerais maintenant appeler les articles contenus dans la section V, qui traite de la donation par contrat de mariage, soient les articles 1829, 1830 et 1831.

M. Rémillard: M. le Président, nous avons un amendement à l'article 1831. L'article 1831 est modifié par le remplacement du premier alinéa par le suivant: "La donation à cause de mort, même faite à titre particulier, est révocable. " M. le Président, cet amendement généralise le caractère essentiellement révocable de la donation à cause de mort, que reconnaît la première partie du premier alinéa à l'égard des donations universelles ou à titre universel, en l'étendant désormais aux donations à titre particulier. (20 h 45)

Rien, en effet, ne paraissait justifier à la réflexion le maintien d'une présomption simple de révocabilité applicable aux donations à titre particulier, alors qu'une règle différente, celle de la révocabilité, s'applique aux donations universelles ou à titre universel, surtout que les donations à titre particulier peuvent bien souvent, dans les faits, égaler ou surpasser en importance la valeur des donations universelles ou à titre universel. En raison de cet amendement, l'article 1831 se lirait comme suit: "La donation à cause de mort, même faite à titre particulier, est révocable. 'Toutefois, lorsque le donateur a stipulé l'irrévocabilité de la donation, il ne peut disposer des biens à titre gratuit par acte entre vifs ou par testament, à moins d'avoir obtenu le consentement du donataire et de tous les autres intéressés ou qu'il ne s'agisse de biens de peu de valeur ou de cadeaux d'usage; il demeure, cependant, titulaire des droits sur les biens donnés et libre de les aliéner à titre onéreux. "

M. le Président, et la Chambre des notaires du Québec et la Commission des services juridiques nous avaient fait des commentaires sur cet article, commentaires qui nous ont amenés à

proposer cet amendement.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Aucun commentaire. Donc, les articles 1829 et 1830 sont donc adoptés tels quels. L'article 1831 est adopté tel qu'amendé.

Nous en arrivons maintenant au chapitre troisième qui traite du crédit-bail. Permettez-moi de vous lire les propos d'introduction qui sont contenus au livre des commentaires détaillés sur les disposition du projet, en page 177.

Du crédit-bail

Le chapitre III contient des dispositions nouvelles, pour la plupart, dont certaines sont inspirées de la Convention d'UnkJroft sur le crédit-bail international et qui visent à résoudre les principales difficultés que pose, en droit actuel, le contrat de crédit-bail. Inspiré par une nouvelle conception du crédit-bail développée en France, le chapitre III abandonne la qualification de louage et considère le crédit-bail comme un contrat nommé, gouverné par ses propres règles et celles des obligations en général. La qualification actuelle de louage est unanimement contestée, d'abord parce qu'elle ne traduit pas la réalité de l'opération et, ensuite, parce que les caractères distinctifs du louage se trouvent profondément défigurés par un ensemble de clauses dérogatoires au droit commun. Les dispositions du chapitre Du crédit-bail mettent donc fin à la controverse entourant la nature juridique et la qualification du contrat de crédit-bail.

La détermination des droits du crédit-preneur fait également l'objet de controverse. Aussi, le chapitre III prévoit-il que le vendeur est directement tenu envers le crédit-preneur des garanties Inhérentes au contrat de vente, et que le crédit-preneur peut considérer le contrat résolu lorsque le bien ne lui est pas délivré dans un délai raisonnable. Ce chapitre prévoit également certaines des obligations à la charge du crédit-preneur, telle celle d'assumer les risques de perte ainsi que les frais d'entretien et de réparation du bien.

Outre de préciser la nature juridique et la qualification du contrat de crédit-bail, le chapitre III, par la définition qu'il donne du crédit-bail, en fait ressortir les éléments essentiels. Il contient également des dispositions établissant le contenu obligationnel minimal du contrat de crédit-bail, laissant à la convention des parties le soin d'en compléter le régime et permet ainsi que l'évolution de ce contrat se poursuive.

Alors, j'appelle donc les articles contenus à ce chapitre, soient les articles 1832 à 1839 inclusivement.

M. Rémillard: M. le Président, nous avons cinq modifications à apporter à cette section. D'abord, le projet est modifié par l'insertion, avant l'article 1833, du suivant: "1832.1 Le bien qui fait l'objet du crédit-bail conserve sa nature mobilière tant que dure le contrat, même s'il est rattaché ou réuni à un immeuble, pourvu qu'il ne perde pas son individualité."

Cet amendement en est un de concordance avec celui proposé à l'article 902. En raison de ce dernier amendement, il est nécessaire de prévoir ici ce qu'il advient du crédit-bail, lequel doit porter sur un bien meuble, lorsque le meuble est matériellement attaché ou réuni à un immeuble et qu'en vertu des règles du livre Des biens, il deviendrait immeuble. En raison de cet amendement, l'article 1832.1 se lirait comme suit: "Le bien qui fait l'objet du crédit-bail conserve sa nature mobilière tant que dure le contrat, même s'il est rattaché ou réuni à un immeuble, pourvu qu'il ne perde pas son individualité."

Le Barreau du Québec nous avait suggéré un tel amendement, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.

M. Rémillard: II y a aussi un amendement à l'article 1836 qui est modifié par le remplacement de tout ce qui suit le mot "droits" par les mots "de propriété du crédit-bailleur ne sont opposables au tiers que s'ils sont publiés."

Cet amendement vise à clarifier la règle en énonçant plus directement l'objectif poursuivi, à savoir que les droits du crédit-bailleur ne sont opposables que s'ils sont publiés. En raison de cet amendement, l'article 1836 se lirait comme suit: "Les droits de propriété du crédit-bailleur ne sont opposables aux tiers que s'ils sont publiés."

M. le Président, l'article...

Mme Harel: Alors, à 1836, en fait, c'est de droit nouveau. Je crois comprendre que, jusqu'à maintenant, le contrat de crédit-bail ne faisait pas l'objet d'une publicité. Donc, maintenant, il sera assujetti à l'obligation de publication, si on veut rendre le contrat opposable. À ce moment-là, je repose toujours la question au ministre: Qu'en est-il du régime de publicité des droits, du registre? Je souhaiterais qu'avant la fin de nos travaux on puisse faire le point sur cette question-là.

M. Rémillard: On va avoir l'occasion de faire le point parce qu'on va étudier toute la publicité...

Mme Harel: À la fin.

M. Rémillard: ...à la fin. Comme je l'ai mentionné tantôt dans mes commentaires intro-ductifs, c'est un des sujets techniques. J'envisage

de faire venir ici des spécialistes du ministère de la Justice qui vont nous expliquer comment tout ça va procéder, où ils en sont et comment ça va marcher.

Mme Harel: S'ils ont l'argent pour procéder?

M. Rémillard: Oui, madame, s'ils ont l'argent pour procéder.

Mme Harel: Avez-vous obtenu ce que vous demandiez, pour créer l'institut permanent?

M. Rémillard: Vous allez voir que tout va se passer comme prévu.

Mme Harel: Vous savez, si on me dit que ça va être sans douleur... On m'a déjà dit ça une fois et j'ai trouvé que les médecins s'étaient trompés.

M. Rémillard: C'est comme les gens qui nous disent que problème d'argent n'est pas problème de gentilhomme.

Mme Harel: Mais je souhaite que, peut-être demain, je ne sais pas, avant son départ en tout cas, le ministre puisse nous informer de bonnes nouvelles. Je lui répète encore que, pour nous, il en va d'une sorte de condition expresse pour compléter et finaliser le projet.

M. Rémillard: C'est un élément qui est très important, et je suis toujours à travailler sur le mémoire et à en discuter pour trouver la formule la plus intéressante. On ne sera pas les seuls à avoir un tel organisme. Vous savez que, dans toutes les provinces canadiennes, excepté l'île-du-Prince-Édouard, si ma mémoire est bonne, qui l'a cancellé en 1987 ou 1988, je ne saurais trop dire, dans les États américains aussi et en Australie, où tous les États australiens...

Mme Harel: Est-ce que ça vous aiderait si je vous posais une question en Chambre?

M. Rémillard: On s'en reparlera. Attendez un petit peu. Donnez-moi encore un petit peu de temps. Ça pourrait être utile en temps et lieu.

Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, M. le ministre. S'il n'y a pas d'autres commentaires sur 1836, est-ce que vous êtes en mesure de nous préciser l'amendement suivant?

M. Rémillard: Oui, M. le Président. C'est l'article 1837 qui est modifié par l'ajout, à la fin, des mots "ou dans le délai fixé par la mise en demeure". Cet amendement en est un de concordance avec les articles 1603, 1727 et 1731. En raison de cet amendement, l'article 1837 se lirait comme suit: "Le crédit-preneur peut, après que le crédit-bailleur soit en demeure, considérer le contrat de crédit-bail comme étant résolu, si le bien ne lui est pas délivré dans un délai raisonnable depuis le contrat ou dans le délai fixé par la mise en demeure."

M. le Président, c'est les caisses Desjardins qui nous avaient soumis ces commentaires qu'on a trouvé fort justifiés.

Mme Harel: Et vous n'avez pas souhaité préciser ce que devait être ce délai raisonnable à l'intérieur duquel devait être délivré le bien?

M. Rémillard: On a cru bon de garder une certaine souplesse, dans un cas pareil parce que, si on établit une rigidité, je crois qu'on peut briser toute la portée de cet article. Mais si vous me permettez, je pourrais demander à M. le professeur Pineau de compléter mes commentaires.

Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.

M. Pineau: Effectivement, M. le Président, pour pouvoir considérer que le contrat est résolu de plein droit, il faut qu'il se soit écoulé un délai à partir du moment où le crédit-preneur aurait dû exécuter son obligation. La notion de délai raisonnable, évidemment, c'est celle à laquelle on se réfère, sauf dans l'hypothèse où il y a eu mise en demeure d'exécuter, bien sûr, dans un délai prévu dans la mise en demeure. À ce moment-là, la question ne se pose plus, le délai n'a plus à être apprécié par le tribunal puisqu'il est fixé dans la mise en demeure.

Le Président (M. Lafrance): Merci.

M. Rémillard: M. le Président, l'article 1838 est modifié par le remplacement, à la fin, du mot "enrichissement" par le mot "avantage". Cet amendement ne vise qu'à assurer une meilleure cohérence avec la terminologie utilisée plus haut dans l'article. En raison de cet amendement, l'article 1838 se lirait comme suit: "Lorsque le contrat de crédit-bail est résolu et que le crédit-preneur a retiré un avantage du contrat, le crédit-bailleur peut déduire, lors de la restitution des prestations qu'il a reçues du crédit-preneur, un montant raisonnable qui tienne compte de cet avantage."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, l'article 1839 est modifié par le remplacement, dans les deuxième et troisième lignes, des mots "que le contrat ne lui réserve la faculté de l'acquérir" par les mots "qu'il ne se soit prévalu, le cas échéant, de la faculté que lui réserve le contrat de l'acquérir". Cet amendement, M. le Président,

vise à préciser la règle. Ce n'est que lorsque le crédit-preneur se prévaut de la faculté d'acquérir le bien qu'il n'en est pas tenu de le rendre. En raison de cet amendement, l'article 1839 se lirait comme suit: "Lorsque le contrat de crédit-bail prend fin, le crédit-preneur est tenu de rendre le bien au crédit-bailleur, à moins qu'il ne se soit prévalu, le cas échéant, de la faculté que lui réserve le contrat de l'acquérir."

C'est le Barreau du Québec qui nous avait fait ces remarques que nous avons considérées comme justifiées.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, donc, l'article 1832 est adopté tel quel. Le nouvel article 1832.1 est adopté tel que proposé. Les articles 1833, 1834 et 1835 sont donc adoptés tels quels. Les articles 1836, 1837, 1838 et 1839, ces quatre articles sont adoptés tels qu'amendés.

M. Rémillard: M. le Président, nous devons suspendre ce chapitre quatrième du louage parce que Mme la professeure Monique Ouellette devra être avec nous pour étudier cette partie, ce chapitre. Alors, c'est donc dire que je proposerais à cette commission d'aborder le chapitre cinquième, soit l'article 1989 traitant de l'affrètement.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Donc, s'il y a consentement, les articles contenus au chapitre quatrième, qui traite du louage, soient les articles 1840 à 1988, sont laissés en suspens. Nous en arrivons au chapitre cinquième qui traite de l'affrètement. Permettez-moi de vous lire les commentaires d'introduction qui sont contenus à la page 361.

De l'affrètement

Le Code civil actuel se contente de traiter de l'affrètement à son livre quatrième consacré aux matières commerciales. Toutefois, le projet de Code civil, reconnaissant le caractère spécial de ce contrat, suit la proposition de l'Office de révision du Code civil et traite du régime juridique du contrat d'affrètement avec les autres contrats nommés et, notamment, après celui du louage, auquel il a pu paraître apparenté. Les dispositions proposées sont, en général, de droit supplétif. En effet, dans le domaine de l'affrètement, il est d'usage d'utiliser un contrat-type dont le contenu varie selon le genre d'opération envisagé par les parties. (21 heures)

Par ailleurs, l'affrètement est un contrat particulier qui constitue en soi une figure propre au droit maritime. Afin de refléter le plus fidèlement possible la nature des usages maritimes en vigueur, ainsi que les relations existant entre les parties, lesquelles suivent en général l'esprit du contrat-type, le projet de Code civil s'est fortement inspiré de la pratique courante qui se trouve consignée, tant dans la loi française que dans les règles et usages incorporés au contrat, ce que faisait d'ailleurs l'Office. Ce chapitre énonce donc d'abord des dispositions applicables à tout type d'affrètement. Par la suite, il énonce des règles particulières à chaque type d'affrètement, soit l'affrètement coque-nue, l'affrètement à temps, et l'affrètement au voyage.

Alors, j'aimerais appeler les articles contenus à la section I, qui traite des dispositions générales, soient les articles 1989 à 1994 inclusivement.

M. Rémillard: M. le Président, nous avons trois amendements.

Mme Harel: Juste avant, M. le Président, d'aborder cette section article par article, j'aimerais demander au ministre s'il a pu prendre connaissance de l'étude très approfondie que la Chambre des notaires a conduite sur cette question du transport maritime et de l'affrètement.

M. Rémillard: Excusez-moi, j'ai manqué le début...

Mme Harel: Est-ce que le ministre a pris connaissance des commentaires de la Chambre des notaires, notamment sur la problématique constitutionnelle qui est soulevée, là, par ces dispositions?

M. Rémillard: M. le Président, oui, on a regardé attentivement les remarques que nous a fait parvenir la Chambre des notaires. Mais je dois dire que, pour nous, il n'y a pas de problème constitutionnel; il s'agit d'un contrat et le Code civil nous donne juridiction sur les contrats. Donc, par conséquent, pour prendre la règle qui s'applique en droit constitutionnel, le "pith and substance" de ces articles demeure, pour nous, le contrat. Donc, c'est dans le champ de compétence strictement du Québec, de la province, et il n'y a pas de problème constitutionnel.

Mme Harel: Bon. Une fois que ces problèmes sont écartés, là, comment le ministre répond-il à cette affirmation contenue dans le mémoire de la Chambre des notaires, à la page 112, et je cite: "La Chambre de notaires ne peut que dénoncer... Il y a évidemment, de façon très très substantielle, une analyse des décisions de la Cour suprême, on y reviendra. Mais la Chambre dit dénoncer cette attitude judiciaire qui consiste à écarter l'application du droit civil aux activités qui peuvent relever, sous certains aspects, de la compétence législative fédérale. Et je cite: "II est d'ailleurs remarquable que dans tout ce débat

entourant la réforme du Code civil au Québec, lequel dure depuis plus de 35 ans, l'on ne se soit pas davantage préoccupé du champ d'application éventuelle d'un code ainsi réformé. Au train où vont les choses, la tradition crviliste risque de devenir exotique au Québec, tellement son champ d'application se rétrécit."

Alors, on reviendra sur le bien-fondé, là, des articles qui sont proposés. Mais le ministre a-t-il pensé qu'à l'occasion de cette importante réforme il allait procéder à l'adoption d'un chapitre cinquième portant sur l'affrètement et puis d'un chapitre sixième sur le transport qui a à peu près, là, valeur de droit supplétif?

M. Rémillard: M. le Président, je crois comprendre que la Chambre des notaires, dans son mémoire, ses remarques, donc, se réfère à une décision de la Cour suprême que je pourrais peut-être demander à Me Pineau de commenter plus avant. Mais, pour nous, avec les études que nous avons faites, du côté du ministère de la Justice, nous sommes convaincus que nous sommes dans les champs de juridiction québécois, provincial par le droit civil. Et, par conséquent, je me réfère aussi à ce dont la Chambre des notaires nous a fait part en nous disant qu'elle félicitait le gouvernement de sa volonté d'insérer de telles dispositions dans le projet, malgré le problème sérieux, au plan de leur validité constitutionnelle, soulevé par les décisions de la Cour suprême. Alors, ça, c'est l'opinion de la Chambre des notaires. Pour nous, il ne s'agit pas d'un acte moindrement qui mérite d'être souligné, mais tout simplement d'un geste qui est dans le cadre de notre juridiction. Et ça ne cause pas de difficultés. Ça ne cause pas de difficultés...

Mme Harel: Ça n'en cause pas de l'adopter...

M. Rémillard: ...parce qu'il s'agit de contrats...

Mme Harel: Ça en cause plus de l'appliquer parce que...

M. Rémillard: II n'y a pas plus de difficultés à l'appliquer qu'à l'adopter. C'est du droit civil. C'est du contrat. Dans la mesure où on est à l'intérieur d'une province, c'est du contrat, c'est du droit civil, et pour notre part, tous les avis que nous avons le confirment, c'est notre juridiction.

Mme Harel: Alors, si c'est dans le contexte, par exemple, de la disposition 2049 où on nous dit: À moins que les parties n'en conviennent autrement, la présente section s'applique au transport de biens par voie d'eau, lorsque les ports de départ et de destination sont situés au Québec... Alors, finalement il faut partir de Baie-

Saint-Paul pour se retrouver à 111e aux Coudres. Ça, c'est sous la juriduction du Québec, c'est ça qu'il faut comprendre, mais si le moindrement... J'imagine qu'on peut aller jusqu'à l'île aux Coudres, mais que pour le reste, le ministre, par une disposition semblable, reconnaît que, évidemment, à 91 (10), dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique - je crois que c'est à 91 (10), c'est bien ça? - on retrouve la juridiction fédérale en matière de transport maritime et marchand. Mais, est-ce que le ministre ne pense pas que ça aurait été une occasion de réaffirmer l'intention du Québec en ces matières?

M. Rémillard: La meilleure façon de l'affirmer, c'est de légiférer comme on le fait et puis de prendre la place qui nous revient. Je ne vois pas de plus belle façon de le faire et on ne le fait pas avec trompettes et clairons. On le fait tout simplement normalement parce qu'on considère que c'est, et tous les avis que nous avons le confirment, notre juridiction. Alors, c'est ce qu'on fait.

Mme Harel: Alors, pourquoi limiter la portée de cette juridiction en adoptant ou en proposant l'adoption de 2049 par exemple?

M. Rémillard: Pour situer à l'intérieur de la province. Il faut que ce soit situé à l'intérieur de la' province, sans ça vous tombez dans de l'interprovincial ou de l'international. Et c'est la même chose que le commerce. On a juridiction sur le commerce à l'intérieur de la province. Mais si vous me dites que vous voulez faire du commerce interprovincial ou international, je vais vous dire: C'est de compétence fédérale. Là, il faudrait changer la Constitution. Mais, dans la mesure où on se situe à l'intérieur de la province, de tous les avis que nous avons, c'est tout à fait constitutionnel.

Mme Harel: Est-ce que c'est la même chose en matière de transport aérien?

M. Rémillard: En matière de transport aérien, il y a l'affaire Flin-Flon Johannesson, bon, puis toutes ces choses-là. On en est arrivé à la conclusion qu'on ne pouvait pas faire de scission dans les transports aériens. C'est une décision qui a été fort commentée et qui, peut-être un jour, pourrait être révisée. Mais on a dit, comme il s'agit de l'utilisation des voies d'air, donc, par conséquent, que ce n'était pas la même chose que les voies d'eau ou que le commerce d'un bien et la Cour... D'abord, la Cour suprême, et ensuite le comité judiciaire du Conseil privé, comme vous le savez, ont décidé qu'il n'y avait pas possibilité de faire la distinction. Il s'agissait d'essayer de distinguer, dans l'affaire du Manitoba, un vol commencé au Manitoba et terminé au Manitoba. On voulait avoir la possibilité d'un règlement de zonage, si

ma mémoire est bonne, et la Cour suprême a dit: Ça ne peut pas se diviser.

Mme Harel: Et en matière de transport ferroviaire?

M. Rémillard: En matière de transport ferroviaire, quand un chemin de fer qui débute à un endroit et se termine à un autre endroit à l'intérieur de la province, il est provincial.

Mme Harel: Alors, donc, vous nous dites que quand c'est à l'intérieur du Québec, c'est notre juridiction. C'est ça qu'il faut comprendre, bon. La, la Cour suprême a décidé que le droit maritime canadien, je vous cite la page 108 du mémoire de la Chambre des notaires: "Le droit maritime canadien est constitué dans ses parties écrites de la législation fédérale proprement dite et, dans ses parties non écrites, l'expression "droit maritime canadien" renvoie aux règles appliquées historiquement par la Cour d'amirauté anglaise et aussi aux règles de "common law" appliquées en semblable matière. Parce que la Cour fédérale est un tribunal chargé d'appliquer les lois fédérales, le droit civil du Québec a été écarté comme source de règles applicables à un litige maritime. Parce que - et là, on cite en 1986, notamment, une cause - le droit maritime est un droit uniforme et que les tribunaux civils des provinces exercent également une compétence en amirauté, le droit civil a été écarté. C'est la "common law" que même les tribunaux québécois doivent appliquer dans un litige maritime. Autrement dit, - ajoute la Chambre des notaires - dès qu'un litige possède une connexité maritime, même si les parties sont domiciliées au Québec, que la cause d'action origine du Québec et qu'elle porte sur une matière purement de droit privé, c'est la "common law" et non le droit civil qui s'appliquera en l'absence de dispositions législatives fédérales ou de règles dérivant du droit maritime traditionnel d'Angleterre." Alors, comment expliquez-vous ça?

M. Rémillard: Je pense que ça mérite des nuances et, si vous me permettez, je vais demander à M. le professeur Pineau, qui a analysé d'une façon tout à fait spécifique ces jugements de la Cour suprême du Canada. Alors, je demanderais à M. le professeur Pineau de nous faire part de ses commentaires.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, la question n'est pas simple. Il s'agit de l'affaire Mitsui ITO-ITO n'ayant rien de japonais, puisque c'est "International Terminal Operators". Il s'agit d'un transport dont le point de départ est au Japon et le point de destination final, Montréal. La marchandise transportée a péri alors qu'elle se trouvait entre les mains d'une compagnie de Stevedoring, n'est-ce pas, ITO, précisément, dans le port de Montréal avant que cette marchandise ne soit délivrée au destinataire. La question s'est présentée, le litige émanant du destinataire insatisfait, devant la Cour fédérale à Montréal et la première question qui s'est posée était de savoir si la Cour fédérale avait compétence en la matière, car les destinataires prétendaient que Stevedoring était responsable, sur la base de l'article 1053 du Code civil du Bas Canada, responsabilité délictuelle, quasi délictuelle.

Or, des arrêts précédents de la Cour suprême du Canada étaient venus dire que pour que la Cour fédérale soit compétente, ait juridiction, il fallait que la Loi sur la Cour fédérale lui donne compétence en la matière. Non seulement cela, il fallait aussi qu'il existe une législation fédérale applicable à ce cas, ce qui posait de très sérieux problèmes en matière maritime puisque le fédéral n'a pas légiféré dans tout le droit maritime. Pensons aux contrats d'affrètement, il n'y a aucune législation fédérale à cet égard. Donc, problème de compétence de la Cour fédérale. À cet égard, dès fors que l'on disait que l'action était fondée sur 1053, recours délictuel, quasi délictuel, il fallait dire que la Cour fédérale n'avait pas compétence. Ce qui n'avait pas de sens, en définitive. De sorte que la Cour suprême a été obligée de faire machine arrière, n'est-ce pas, et de chercher une façon de rendre à nouveau la Cour fédérale compétente en pareille matière. La Cour a analysé ce que signifiait "droit maritime canadien" tel que "droit maritime canadien" est défini dans la Loi sur la Cour fédérale. C'est à ce moment-là que la Cour suprême en est venue à dire: "droit maritime canadien", tel que défini dans la Loi sur la Cour fédérale, signifie législation fédérale en matière maritime, plus droit maritime anglais, plus "common law" rattachée à la loi maritime de Grande-Bretagne. (21 h 15)

C'est de cette façon que l'on a évacué le droit civil en tant que droit commun. Mais c'est dans le cadre de ce litige que je vous indique... Et il y a eu ensuite de nouveaux arrêts qui ont accentué cette position. Mais la Cour suprême a déjà jugé - agence maritime, les relations ouvrières, je ne sais plus exactement le nom des parties - que le fédéral avait compétence en matière de transport, de "shipping" international et interprovincial, et que les provinces avaient compétence en matière de transport intraprovin-cial.

Et si je me réfère maintenant à la Constitution et à l'article qui donne compétence au fédéral en matière de "navigation and shipping", il y a fort longtemps qu'on s'est entendu pour dire que tout ce qui concernait la navigation, l'aspect technique de la navigation relevait de la compétence fédérale, mais qu'en ce qui concernait le "shipping", il fallait faire une distinction

entre le "shipping" international et interprovincial, qui est de compétence fédérale et le "shipping" intraprovincial, qui est de compétence provinciale, comme le ministre de la Justice le disait tout à l'heure, de la même façon qu'en matière de "trade and commerce".

Alors, je ne suis pas certain que l'on doive déduire de l'affaire Mitsui ITO qu'il n'y a plus de compétence provinciale en matière de transport intraprovincial. Je crois que c'est une interprétation de cette décision qui va peut-être au-delà de ce que la Cour suprême a voulu. Parce que la Cour suprême a pensé exclusivement à la compétence de la Cour fédérale, n'est-ce pas, et d'ailleurs, il y a eu dans les décisions subséquentes... Certains juges ont pris la précaution de dire: Mais ça ne porte pas atteinte, n'est-ce pas, à la répartition des compétences entre le fédéral et le provincial. Donc, il y a déjà une possibilité d'échapper, n'est-ce pas, à la décision rendue par la Cour suprême dans l'affaire Mitsui ITO.

Mme Harel: Mais dans l'affaire ITO, dans cette affaire, il faut d'abord constater que l'effet a été de donner compétence à la Cour fédérale en écartant le recours au droit civil du Québec; ça, il faut quand même le constater, d'une part. Et puis, d'autre part, il y a eu - ça, c'était en 1986, je crois, ITO là - mais en 1989, il y a eu, c'est ce que cite d'ailleurs le mémoire de la Chambre des notaires, Chartwell Shipping...

M. Pineau: Question de mandat...

Mme Harel: ...versus QNS, où il semble qu'à ce moment-là, il fut considéré que les tribunaux québécois doivent appliquer dans un litige maritime la "common law".

M. Pineau: Et c'était toujours, là, si mon souvenir est exact, il s'agit toujours de la Cour fédérale, en l'occurrence. Mais on a dit que la question de mandat était une question de droit maritime canadien, en l'occurrence, et comme il s'agissait de la Cour fédérale, on s'est référé au droit anglais plutôt qu'aux règles de mandat québécois.

Mme Harel: Mais, en matière de mandat, on a même écarté, je pense, le droit civil?

M. Pineau: Oui. On a appliqué le droit anglais. Il y a aussi un désir...

Mme Harel: Et est-ce que c'était là un événement qui était de nature intraprovinciale, dans le cas de Chartwell Shipping? 4

M. Pineau: C'était discutable, c'était un mandat dans un environnement maritime. Alors, la question est délicate de savoir si on peut dissocier, n'est-ce pas, cette question de mandat, en faire une affaire strictement de droit civil, ou si, étant dans le contexte maritime, on en fait une question de droit maritime. Mais, si je peux me permettre d'ajouter, le Québec a adopté en 1972 une loi sur le transport qui dit bien que le Québec n'a pas compétence en matière de navigation, mais a compétence en matière de transport, lorsqu'il du transport intraprovincial.

Mme Harel: Mais c'est évident que cette question a d'autant plus d'importance que c'est une activité importante pour le transport des personnes. Évidemment, la Chambre des notaires, et je reprends la conclusion là apportée à la page 141, disait après une étude finalement très fouillée de toute la jurisprudence: "À cause de l'état actuel du droit maritime canadien et de l'article 2049 du projet - dont je viens de parler - ces dispositions risquent - celles qu'on va examiner dans quelques minutes - de ne jamais s'appliquer, du moins celles qui concernent la responsabilité du transporteur maritime". Et c'est la Chambre des notaires, avec raison, qui dit: "La Chambre croit que le législateur devrait affirmer plus clairement sa juridiction dans ce domaine. À cause d'un souci évident d'harmonisation, ces dispositions codifient les règles généralement applicables dans ce domaine, mais avec maladresse dans les quelques cas que nous avons soulevés. À cet égard, les dispositions projetées pourront causer des difficultés d'application, à moins que les solutions proposées soient harmonisées avec le droit maritime canadien plutôt que de s'inspirer de la pratique française." Ça, on y reviendra lors de l'examen article par article. "Mais, finalement, il y aurait lieu, ajoute aussi la Chambre, de préciser davantage le statut du manutentionnaire."

Mais, quoi qu'il en soit de cet examen qu'on va entreprendre, c'était l'objet de mon intervention du début, c'est-à-dire de me poser la question, à savoir si tout aussi intéressantes qu'elles soient... Parce que, finalement, je comprends qu'on a modernisé le droit et qu'on a fait un effort très particulier en regard des conventions internationales, mais je crois donc malgré tout comprendre que ces dispositions-là risquent de ne jamais s'appliquer.

M. Pineau: M. le Président, la même question s'est posée aux codificateurs de 1866. La même question a été posée dans les années soixante, lorsque l'Office de révision du Code civil a eu à prendre la décision de savoir si on devait ou non légiférer. Et, en 1866, les codificateurs ont décidé de légiférer, malgré l'existence des lois impériales. L'Office de révision du Code civil a décidé de préparer un projet de législation dans le domaine. Et, en 1989, 1990, 1991, la décision a été la même, la proposition est la même. Donc, il y a une certaine constance, je dois dire, dans la position d'ordre politique qui est proposée.

Mme Harel: Je dois vous dire que ma collègue de Terrebonne et moi-même, nous en discutions à l'heure du souper et souhaitions que ces dispositions soient finalement les meilleures possible, justement dans la perspective où peut-être seront-elles les seules qui s'appliqueront dans un avenir plus immédiat que l'on pense. Enfin, c'est ce que nous, on espère. Alors, c'est notre intérêt, notre intention aussi de procéder de façon très attentive finalement à l'examen de ces dispositions.

Mme Caron: Puisque je crois à la réalisation de la souveraineté, je suis convaincue qu'elles s'appliqueront.

M. Rémillard: À la condition que vous marquiez une pause.

M. Pineau: Indépendamment du problème qui est posé en ce moment, qui vient d'être posé, je dois dire qu'il serait intéressant de voir ce que dirait la Cour suprême du Canada lorsque le litige qui serait soumis à la Cour fédérale serait un litige portant sur un transport intraprovincial. En outre, il ne faut pas oublier que la Cour fédérale, en matière maritime, n'a pas une compétence exclusive et que les tribunaux de droit commun, donc la Cour supérieure, ont aussi compétence en matière maritime. Et je serais, là aussi, curieux de savoir comment réagirait un juge de la Cour supérieure ou les juges de la Cour d'appel lorsqu'un litige intraprovincial leur serait soumis. Je serais curieux de savoir s'ils appliqueraient le droit anglais.

Mme Harel: C'est donc dire qu'à votre connaissance, il n'y a pas encore eu de décision à cet effet. Vous parliez tantôt des codificateurs de 1866. Est-ce que vous avez eu l'occasion de relire le contexte de la codification de l'époque? Je ne sais pas si au ministère... Ça m'intéressait beaucoup. Est-ce que vous avez fait faire une recherche sur le contexte dans lequel la codification s'est faite?

M. Rémillard: J'ai cru que vous demanderiez: Est-ce que vous avez eu l'occasion de les rencontrer?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: J'ai été rassuré.

Mme Harel: Ils pourraient vous apparaître, peut-être pas dans vos rêves, mais dans vos cauchemars.

M. Rémillard: Non, non, surtout que, tantôt, j'ai failli demander à Mme la députée de Terrebonne si elle croyait à la réincarnation, par ses propos. Mais en fait, tout ça n'a pas d'inter-relation. Le contexte de 1866 était très semblable au contexte dans lequel on est présentement, à bien des égards. Si on regarde les commentaires...

Mme Harel: Avant chaque grande période historique, au Québec, il y a eu une codification, y compris deux ans avant l'Acte de Québec, il y en a eu une aussi.

M. Rémillard: Oui. C'est très vrai. D'ailleurs, les événements constitutionnels, si vous me permettez, entre parenthèses, qui se sont déroulés en 1860, à la rencontre de Québec, en 1864, et à la Constitution de 1867 sont très semblables à ce qu'on vit présentement. Je suis convaincu que, dans les prochains mois, l'évolution politique va faire que ce sera encore plus semblable politiquement: difficultés de gouverner à certains niveaux, pas au niveau provincial, pas au niveau du Québec, mais à d'autres niveaux, nécessité de repenser la fédération et, finalement, une grande entente qui nous permettra tous de pouvoir avoir quelque chose d'encore meilleur.

Mme Harel: Écoutez, on ne peut pas empêcher le ministre de rêver, comme un gentil garçon qu'il est, mais la question était plus de savoir si vous avez pu simplement vous faire préparer... Moi, ça m'intéresse. Je voulais le faire faire par la bibliothèque de l'Assemblée nationale et je me suis dit: Si la recherche a été faite, je n'aurai pas à la demander à nouveau.

M. Rémillard: Oui.

Mme Harel: Mais j'aimerais beaucoup connaître finalement un peu plus que ce que j'en sais, mais même le contexte de l'époque, si tant est qu'on ait des déclarations...

M. Rémillard: II y a le notaire Cossette qui... Peut-être le notaire Cossette, est-ce que je peux vous demander si vous pourriez...

Mme Harel: Pas parce que c'est un vieux de la vieille.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Est-ce qu'il était là, à l'époque?

Une voix: Non, non.

Une voix: II n'a pas encore de lunettes.

M. Rémillard: Simplement, est-ce que vous pourriez nous indiquer où sont vos archives?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lafrance): Alors, Me Cossette.

M. Cossette (André): M. le Président, pour aiguiller Mme la députée de Maisonneuve, je veux lui dire que nous avons eu la curiosité de consulter, à certains moments, les archives des codificateurs de 1866, qui ont commencé leur travail en 1857. Il s'agissait, comme vous le savez, de M. Day, de M. Morin et de M. Caron, trois magistrats, je pense, de la Cour d'appel. Alors, nous avons recherché les archives pour pouvoir les consulter au besoin et nous avons découvert que la plus grande partie de ces archives se trouvent dans les Archives nationales du Canada, parce qu'à l'époque, on était sous le régime de l'Union. Nous avons constaté également qu'une autre partie de ces archives, celles de M. Morin, qui avait fait son cours à Saint-Hyacinthe, sont au séminaire de Saint-Hyacinthe et qu'une autre partie de ces archives se trouve dans le vieux Séminaire de Québec. La troisième partie, je ne me rappelle pas où elle se trouve, mais ce sont les indications principales que nous avons trouvées à ce moment-là et, comme je n'ai pas eu le plaisir d'aller à Ottawa pour les consulter, je ne peux pas vous en donner le contenu.

Mme Harel: Est-ce que vous connaissez la date exacte, en 1866, où il y a eu le processus final, parce que nous sommes au 125e anniversaire, cette année, et j'ai été surprise de voir qu'on ne soulignait pas ce 125e anniversaire. Est-ce qu'on connaît...

M. Cossette: C'est le 1er août 1866. Mme Harel: C'était le 1 er août. M. Cossette: La mise en vigueur.

Mme Harel: La mise en vigueur, le 1er août 1866. Vous voyez, on n'a même pas pu fêter. (21 h 30)

M. Rémillard: Je veux vous dire: Attention! C'est le 125e anniversaire cette année. Or, cette année n'est pas terminée et nous avons actuellement à faire un travail qui devrait se terminer avant la fin de l'année. Ce qui veut dire qu'il pourrait y avoir coïncidence entre un 125e anniversaire et...

Mme Caron: Et la loi 125.

M. Rémillard: ...l'acceptation par l'Assemblée nationale de la loi 125, ce qui signifierait certainement une célébration, pour ne pas dire une fête.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Est-ce que c'est en l'honneur de ce 125e anniversaire que la loi...

M. Rémillard: Oui...

Mme Harel: ...a reçu le 125e...

M. Rémillard: Oui, oui. Exactement. Alors, c'est pour ça que nous avons pris ce numéro 125 pour la loi...

Mme Harel: C'est bien.

M. Rémillard: ...pour que cette loi 125 soit un 125e anniversaire, et qui nous permette - en temps et lieu, j'aurai à vous l'annoncer - les célébrations du 125e anniversaire du Code civil.

Mme Harel: On ne fera pas ça en privé, quand même?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: Vous allez voir, vous allez voir.

Le Président (M. Lafrance): J'ai vu Mme la députée de Terrebonne réagir, lorsqu'on a mentionné le nom du législateur Caron, de 1866; est-ce qu'il y aurait un lien de parenté?

Mme Caron: Je vais m'empresser d'essayer de le découvrir. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lafrance): Alors, Me Masse.

M. Masse (Claude): M. le Président, sans entrer dans des considérations politiques, ce que je me garderais bien de faire, je crois que ce qui nous arrive en matière de transport ferroviaire, de transport maritime et de transport aérien, est très très caractéristique de ('érosion de la substance contractuelle du Code civil dans ces très importants domaines. Et je pense que, dans une perspective historique, vider un Code civil de sa substance par plusieurs moyens, ça peut devenir très dangereux. Notamment, j'en citerais quelques exemples en matière de prétextes qu'a utilisés le fédéral en matière de contrats de crédit ou de juridictions à l'égard de l'intérêt. Et il y a une foule considérable de domaines qui font en sorte que plutôt que, de gagner du terrain, l'étendue du Code civil se rétrécit. Et quand on parie d'un sens historique je pense qu'on doit retenir trois grandes dates dans notre histoire juridique en ce qui a trait au Code civil: 1775, 1866 et 1991.

En 1775, c'était l'Acte de Québec; le Québec essayait de sauver son droit civil de la Conquête. Et il y a eu ce compromis historique dans le contexte d'une révolution appréhendée aux États-Unis où on a pu gagner nos droits civils. Et le premier professeur de droit civil - et je suis fier de le dire - de l'histoire du Québec, qui s'appelait Cugnet, a publié, et je

pourrai en apporter une copie, parce que j'ai pu mettre la main, il y a 25 ans, sur une copie - il en reste 12 dans le monde - de cette édition qui s'appelle "Le traité des droits civils". Or, Cugnet, pour être sûr qu'on allait sauver quelque chose, a écrit la tradition, qui était essentiellement un dérivé de "La coutume de Paris", a donc publié chez Guillaume Brown, à Québec, une monographie, "Le traité des droits civils". Et donc, c'était un moment historique parce qu'il s'agissait de sauver les droits civils, donc de les écrire. Ce n'était pas une codification au sens strict, mais c'était dire le droit.

En 1866, tout était préférable à l'Acte d'Union. Je veux dire, le Bas-Canada était fondu dans le Haut-Canada, et politiquement, nous avions perdu notre majorité. Même si nous avions encore ou depuis peu perdu la majorité numérique, on avait depuis longtemps, depuis 1840, perdu, à toutes fins pratiques, la majorité des sièges. Et cette codification du droit civil, à l'orée du nouvel Acte de l'Amérique du Nord britannique, était une façon, encore une fois, de sauver le Code civil, de dire le droit. Et, quant à moi, je prétends que, si en 1775, on a sauvé le droit civil québécois de la Conquête, si en 1866, on a sauvé le droit civil de l'Union, peut-être qu'en 1991, on va sauver le Code civil de la...

Mme Harel: De la Cour suprême.

M. Masse: ...Confédération et de la Cour suprême actuelle, cela dit en tout respect. Donc, il y a une évolution; on est dans la tradition d'une continuation, d'une tradition qui veut sauvegarder un contenu à notre droit civil; c'est un projet de société civile. Et l'exemple qu'on vit depuis maintenant une heure en matière de transport est vraiment l'exemple des dangers que notre société et que notre projet de société courent.

M. Rémillard: M. le Président, je suis partagé entre le désir de répondre et le désir de continuer l'étude des articles. Entre deux désirs, mon coeur balance.

Mme Harel: Vous pourrez suivre vos cours respectifs à vos universités.

M. Rémillard: Mais ce qu'il reste après la passion et la raison, et ce Code civil doit nous amener à raisonner d'une façon passionnée. Ce qui m'amènerait à conclure que nous devrions continuer nos études.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.

Mme Harel: Et moi, je conclus, M. le Président, que j'aurais dû entreprendre mon cours de droit maintenant avec des professeurs qui ont cette vision historique. Je n'ai pas eu le bonheur de suivre les cours du professeur Pineau quand... Mais, c'est très intéressant, et si cette recherche se poursuit au ministère, j'aimerais qu'on puisse en être informés au fur et à mesure.

Le Président (M. Lafrance): Alors, merci Mme la députée. C'est sûrement quelques minutes qui ont été très intéressantes et très enrichissantes sur le plan historique. Alors, j'ai donc appelé les articles déjà...

M. Rémillard: Avec des réserves, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): ...1989 à 1994 inclusivement.

M. Rémillard: Alors, il y a trois amendements, M. le Président. L'article 1989 est modifié par le remplacement, à la deuxième ligne du premier alinéa, des mots "une rémunération appelée fret" par les mots "un prix, aussi appelé fret". Il s'agit d'une simple modification terminologique. En raison de cet amendement, l'article 1989 se lirait comme suit: "L'affrètement est le contrat par lequel une personne, le fréteur, moyennant un prix, aussi appelé fret, s'engage à mettre la disposition d'une autre personne, l'affréteur, tout ou partie d'un navire en vue de le faire naviguer. "Le contrat, lorsqu'il est écrit, est constaté par une chartepartie qui énonce, outre le nom des parties, les engagements de celles-ci et les éléments d'individualisation du navire."

Alors, c'est le Barreau du Québec, M. le Président, qui nous avait demandé d'utiliser le mot "fret" plutôt que "le prix de l'affrètement".

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Aucun commentaire?

M. Rémillard: M. le Président, l'article 1990 est modifié par le remplacement, à la deuxième ligne, des mots "un montant" par les mots "une somme". Il s'agit, M. le Président, d'une modification terminologique. En raison de cet amendement, l'article 1990 se lirait comme suit: "L'affréteur est tenu de payer le prix de l'affrètement. Si aucun prix n'a été convenu, il doit payer une somme qui tienne compte des conditions du marché, au lieu et au moment de la conclusion du contrat."

Nous avons un amendement à l'article 1991 qui est modifié par la suppression de la dernière phrase. M. le Président, l'amendement vise à rendre l'article moins restrictif, puisque plusieurs raisons peuvent justifier le fréteur de vouloir refuser de décharger la cargaison, notamment dans les petits ports: le coût d'entreposage et l'espace disponible à l'extérieur du navire, les

dangers de vol, la nature de la cargaison - exemple, du vin en vrac ou d'autres choses. De plus, l'obligation de consigner en mains tierces peut présenter des difficultés. En raison de cet amendement, l'article 1991 se lirait donc comme suit, M. le Président: "Le fréteur qui n'est pas payé lors du déchargement de la cargaison du navire peut retenir les biens transportés jusqu'au paiement de ce qui lui est dû, y compris les frais raisonnables et les dommages qui résultent de cette rétention."

Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, M. le ministre. Est-ce que vous avez un commentaire, Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve?

Mme Harel: Bien, je prenais connaissance là de ce que la Chambre des notaires avait inclus dans son mémoire concernant l'article 1991. La Chambre a fait valoir les difficultés qui peuvent survenir du fait d'un contexte d'application qui se fera dans le contexte canadien. Là, il faut comprendre évidemment, ou on choisit un ensemble de dispositions... À ce moment-là, ces dispositions, qui sont celles que l'on examine actuellement, peuvent heurter les dispositions fédérales. Par exemple, la Chambre donne cet exemple: "En vertu de la "common law" et dans le cadre d'un affrètement coque-nue, le futur propriétaire du navire ne constitue pas une créance privilégiée donnant lieu à l'exercice d'un droit de rétention puisque le propriétaire n'a pas la possession du navire. La Chambre ajoute: 'Tel que rédigé, à moins d'exclure le cas de l'affrètement coque-nue, l'article 1991 du projet risque donc de soulever des difficultés d'application dans un contexte canadien." Mais alors, ou bien on choisit de légiférer, et à ce moment-là, on légifère, ou bien on choisit donc de ne pas légiférer. À ce moment-là, évidemment, on se soumet à la "common law" et au droit maritime canadien.

M. Rémillard: C'est ça.

Mme Harel: Alors là, il faut avoir une harmonisation, mais ne pas jouer sur les deux tableaux.

M. Rémillard: M. le Président, dans ce contexte-là, comme on l'a mentionné tout à l'heure, tout d'abord, on part du principe que nous pouvons légiférer dans nos domaines de juridiction, donc de droit civil, ce sont des contrats. Deuxièmement, il y a un champ inoccupé - la théorie du champ inoccupé - que nous occupons par notre législation dans notre champ de juridiction. Donc, par conséquent, il n'y a pas lieu de s'interroger sur la constitu-tionnalité de ces mesures-là. C'est vraiment le droit applicable.

Mme Harel: Ça, le droit applicable, il faudra laisser à des tribunaux le soin d'en disposer. Mais, en fait, c'est ce que lui voudrait voir appliquer. Je pense que c'est ça qu'on peut dire, n'est-ce pas? Très bien.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, donc, les articles 1989, 1990 et 1991 sont donc adoptés tels qu'amendés. Les articles 1992, 1993 et 1994 sont adoptés tels quels.

J'aimerais maintenant appeler les articles contenus dans la section II, qui traite des règles particulières aux différents contrats d'affrètement et, en particulier, de l'affrètement coque-nue, soient les articles 1995 à 2002.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Nous avons un amendement qui est à l'effet de supprimer l'article 2002. Compte tenu de la diversité des solutions possibles, l'amendement vise à laisser aux parties le soin de déterminer la peine due pour le retard.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.

M. Rémillard: C'est le Barreau du Québec, M. le Président, qui nous a notamment souligné ce point et qui nous a amenés à cette conclusion.

Le Président (M. Lafrance): S'il n'y a pas de commentaires, donc, les articles 1995 à 2001 inclusivement sont adoptés tels quels et l'article 2002 est supprimé. J'aimerais appeler les articles contenus dans la sous-section qui traite de l'affrètement à temps, soient les articles 2003 à 2009 inclusivement.

M. Rémillard: M. le Président, nous avons trois amendements. L'article 2005 est modifié par le remplacement, au début du deuxième alinéa, des mots "Sont également à sa charge, les soutes" par les mots "II acquiert et paie les soutes". L'amendement a pour but de lever toute ambiguïté quant au fait que les soutes, dès lors qu'il en assume la charge, deviennent la propriété de l'affréteur. En raison de cet amendement, l'article 2005 se lirait comme suit: "L'affréteur assume les frais inhérents à l'exploitation commerciale du navire, notamment les droits de quai, de même que les frais de pilotage et de canaux. "Il acquiert et paie les soutes qui sont à bord du navire au moment où celui-ci lui est remis, ainsi que celles dont il doit le pourvoir et qui sont d'une qualité propre à assurer son bon fonctionnement."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. (21 h 45)

M. Rémillard: C'est le Barreau du Québec, M. le Président, aussi, qui nous avait suggéré cette modification.

Le Président (M. Lafrance): Je pense que le prochain amendement touche l'article 2008.

M. Rémillard: À l'article 2008, M. le Président, il s'agit de remplacer, à la fin du deuxième alinéa, tout ce qui suit le mot "entravé" par ce qui suit: "par force majeure ou pour une cause imputable à un tiers ou au fréteur." M. le Président, l'amendement vise à clarifier, dans le contexte envisagé, le terme "accident". En raison de cet amendement, l'article 2008 se lirait comme suit: "Le fret court à compter du jour où le navire est remis à l'affréteur, conformément aux conditions du contrat. "Il est dû jusqu'au jour de la restitution du navire au fréteur; il n'est pas dû, cependant, pour les périodes où le fonctionnement du navire est entravé par force majeure ou pour une cause imputable à un tiers ou au fréteur."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.

M. Rémillard: En regardant tous ces articles concernant le fret, M. le Président, je pense que je viens de découvrir l'origine d'une vieille expression de mon pays, Baie-Saint-Paul, "péter au fret".

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lafrance): C'est sûrement un ternie marin.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: Alors, nous avons un amendement, M. le Président, à l'article 2009, qui est modifié par l'ajout, à la fin, de la phrase suivante: "Si aucun lieu n'a été convenu pour la restitution, eHe est faite au lieu où le navire a été présenté." M. le Président, l'amendement prévoit une règle générale quant au lieu où le navire devrait être restitué à défaut d'une convention des parties à cet égard. En raison de cet amendement, l'article 2009 se lirait comme suit: "L'affréteur restitue le navire au lieu et dans les délais convenus; il en informe le fréteur, au préalable, dans un délai raisonnable. Si aucun lieu n'a été convenu pour la restitution, elle est faite au lieu où le navire a été présenté."

M. le Président, le Barreau du Québec nous avait fait ces commentaires que nous avons considérés comme justifiés.

Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, M. le ministre. Alors, s'il n'y a aucun commentaire, donc, les articles 2003 et 2004 sont adoptés tels quels. L'article 2005 est adopté tel qu'amendé. L'article 2006 est adopté tel quel. L'article 2007 est adopté tel quel. L'article 2008 est adopté tel qu'amendé, ainsi que l'article 2009 qui est adopté tel qu'amendé.

J'aimerais appeler les articles qui traitent de l'affrètement au voyage, soient les articles 2010 à 2019 inclusivement.

M. Rémillard: M. le Président, nous avons un amendement qui est à l'effet de supprimer l'article 2019. Alors, l'amendement a pour but de supprimer un article qui énonce des règles non pertinentes en matière d'affrètement au voyage, puisqu'elles relèvent du transport en général.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, s'il n'y a aucun commentaire touchant ces articles, donc, les articles 2010 à 2018 inclusivement sont adoptés tel quels, et l'article 2019 est adopté tel qu'amendé.

Nous en arrivons au chapitre sixième qui traite du transport et je demanderais à Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata, qui me fait signe, si elle aimerait lire les propos d'introduction.

Du transport

Mme Dlonne: Oui, M. le Président. J'aime ça, j'apprends beaucoup de choses. Chapitre sixième: Du transport, articles 2020 à 2074. Le Code civil actuel groupe plusieurs contrats sous le titre général de louage d'ouvrage, dont le contrat de transport. Celui-ci ayant acquis une grande importance économique et une identité juridique propre, il a paru nécessaire, comme le propose d'ailleurs l'Office, de lui reconnaître son particularisme et, donc, de lui réserver une réglementation autonome. Les dispositions proposées visent donc à moderniser le droit actuel en matière de transport, lequel accuse un net retard par rapport au mode contemporain de locomotion. Ce chapitre énonce d'abord des règles applicables à tous les modes de transport. Cette section comprend quelques dispositions générales, ainsi que des dispositions particulières au transport de personnes et au transport de biens. Sur ce dernier point, il est fortement tenu compte du règlement sur le camionnage (décret 47-88, 13 janvier 1988).

Par la suite, des règles particulières au transport maritime de biens sont élaborées. Ces règles sont fortement inspirées de la loi fédérale en cette matière, de la loi française - puisque le droit français a repris, sur le plan national, les règles internationales - et de la Convention de Bruxelles de 1924 qui régit à l'échelon international les relations contractuelles entre les expéditeurs de marchandises et les transporteurs maritimes de marchandises. Cette section comprend des dispositions générales, des dispositions

relatives aux obligations des parties et des dispositions relatives à la manutention des biens.

Par ailleurs, la proposition de l'Office qui édictait une section distincte pour le transport maritime des personnes n'a pas été retenue. Ce type de transport répondra donc aux règles applicables à tous les modes de transport de personnes.

Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, Mme la députée. J'aimerais appeler les articles contenus dans la section I, qui traite des dispositions générales des règles applicables à tous les modes de transport, soient les articles 2020 à 2025 inclusivement.

M. Rémillard: M. le Président, nous avons deux amendements. L'article 2022 est modifié par: 1° la suppression, à la première ligne, du mot "Le"; 2° l'ajout, au début, avant le mot "transport", des mots "Sauf s'il est effectué par un transporteur qui offre ses services au public dans le cours des activités de son entreprise, le".

M. le Président, l'amendement a pour but de préciser qu'il existe des circonstances où un transport, bien qu'il soit effectué à titre gratuit, demeure régi par les différentes règles énoncées au chapitre sixième. Il en est ainsi, notamment, des jeunes enfants qui voyagent gratuitement dans les trains, les avions et les autobus. Il n'y a certes pas lieu d'appliquer à leur endroit un régime différent de celui des autres voyageurs. En raison de cet amendement, l'article 2022 se lirait comme suit: "Sauf s'il est effectué par un transporteur qui offre ses services au public dans le cours des activités de son entreprise, le transport à titre gratuit d'une personne ou d'un bien n'est pas régi par les règles du présent chapitre et celui qui offre le transport n'est tenu, en ces cas, que d'une obligation de prudence et de diligence." C'est la Commission des services juridiques, M. le Président, qui nous avait suggéré cette modification.

M. le Président, l'article 2025 est modifié par l'ajout d'un deuxième alinéa, lequel se lirait comme suit: "Le paiement effectué par l'expéditeur à l'un des transporteurs est libératoire." M. le Président, l'amendement a pour but de compléter le premier alinéa afin d'éviter que l'expéditeur, qui aurait payé le fret et les frais du transport au transporteur substitut, ne voit le transporteur qui s'est substitué cet autre transporteur pour exécuter le transport réclamer le paiement à son tour. En raison de cet amendement, l'article 2025 se lirait comme suit: "Lorsque le transporteur se substitue un autre transporteur... Je me demande, M. le Président, si la rédaction est bonne. C'est ça, oui?

Mme Harel: Est-ce que ça se dit ça, "se substituer"? Je pensais qu'on se substituait à quelqu'un. Je ne pensais pas qu'on se substituait...

M. Rémillard: "Lorsque le transporteur se substitue à un autre transporteur" il me semble.

En tout cas, peut-être que... Non, ce n'est pas ça?

Le Président (M. Lafrance): C'est la même chose dans notre...

M. Rémillard: Alors, peut-être qu'on pourrait laisser nos linguistes...

Mme Harel: Est-ce que c'est direct? C'est un verbe qui demande un complément direct. Je pensais toujours que c'était un complément indirect.

Le Président (M. Lafrance): Je remarque que dans le projet, tel qu'il nous a été proposé, c'est marqué la même chose: "se substitue un autre".

Mme Harel: C'est la première fois que je vois cette formulation-là.

M. Rémillard: Alors, on va revérifier, M. le Président. "Lorsque le transporteur se substitue un autre transporteur pour exécuter, en tout ou en partie, son obligation, la personne qu'il se substitue est réputée être partie au contrat de transport. "Le paiement effectué par l'expéditeur à l'un des transporteurs est libératoire."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Bien, c'était sur l'article 2024, pour en souligner le caractère de droit nouveau. À l'article 2024: "Le transporteur ne peut exclure ou limiter sa responsabilité que dans la mesure et aux conditions prévues par la loi. Il est tenu de réparer le préjudice résultant du retard, à moins qu'il ne prouve la force majeure." Alors, je comprends donc que c'est de droit nouveau. Ça n'existait pas dans le code actuel.

M. Rémillard: Je ne crois pas qu'il y ait eu des dispositions, mais je vais demander au professeur Pineau de commenter.

Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, dans le droit d'aujourd'hui, rien ne précise si le transporteur peut exclure ou non, ou limiter sa responsabilité, dans les articles concernant les obligations du voiturier. Mais la théorie générale permettrait, dans le droit commun des transports, effective-

ment, au transporteur de limiter ou d'exclure sa responsabilté sauf, sans aucun doute, en ce qui concerne le transport de personnes, car la clause de non-responsabilité, dans ce cas-là, pourrait être considérée comme étant contraire à l'ordre public. Mais, dans les lois particulières, qu'il s'agisse de la loi sur le transport ferroviaire ou qu'il s'agisse de la loi sur le camionnage, il y a des exclusions et des limitations de responsabilité. C'est la loi qui permet cela, mais elle ne permet pas d'autres exclusions ou d'autres limitations que celles qu'elle a édictées elle-même.

Mme Harel: Et en matière de transport aérien?

M. Pineau: En matière de transport aérien, il n'y a strictement rien. Il n'y a aucune législation en droit actuel, que ce soit, d'ailleurs, au niveau fédéral ou au niveau provincial. Il y a des conventions internationales qui s'appliquent au transport international: la convention de Varsovie, le protocole de La Haye, l'accord de Montréal, etc. Mais sur le plan interne, il n'y a strictement rien. Donc, s'il y avait, dans le cadre d'un transport Québec-Montréal, un accident aérien, avec préjudice ou décès de passagers ou blessures aux passagers, nous n'avons strictement rien, c'est le vide. Donc, dans les obligations du voiturier, il y a une seule obligation, c'est l'obligation pour le transporteur public de transporter, point. Donc, nous devrions nous référer aux règles de la théorie générale des contrats en la matière, c'est-à-dire qu'on pourrait se demander si c'est une obligation de résultat ou une obligation de moyen et, donc, appliquer le droit commun.

Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, Me Pineau. Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Les réponses de Me Pineau m'amènent à me poser encore plus de questions. Bon, d'abord, est-ce à dire que cette disposition ne trouverait application, à 2024, que dans le cadre du transport intraprovincial? Uniquement dans le cadre du transport intraprovincial?

M. Rémillard: Dès que ça devient extraprovincial, au fédéral.

Mme Harel: On oublie Nationair, en république Dominicaine.

M. Rémillard: Terminé.

Mme Harel: Et vous nous dites ni à Québec ni à Ottawa. Donc, ni au fédéral ni au Québec, il n'y a eu l'adoption de lois, de législation en matière de transport aérien et vous nous référez à des conventions Internationales. Non?

M. Pineau: Si vous permettez, M. le Président, j'ai simplement dit qu'il y a des conventions internationales qui ont été acceptées par le...

Mme Harel: Ratifiées.

M. Pineau: ...ratifiées par le Parlement fédéral, lequel Parlement fédéral a adopté une loi donnant effet à ces conventions internationales.

Mme Harel: Internationales.

M. Pineau: Mais sur le plan de la législation nationale, que ce soit au niveau canadien ou au niveau provincial, nous n'avons rien, sauf certains règlements pris par la commission fédérale sur les transports, en coordination avec le Civil Aeronautic Board, concernant les transports entre les États-Unis et le Canada, notamment pour les pertes de bagages...

Mme Harel: Alors, c'est donc dire que 2024 trouverait difficilement application parce que le transporteur ne peut exclure ou limiter sa responsabilité que dans la mesure et aux conditions prévues par la loi.

M. Pineau: Oui. Si vous le permettez, je prendrai l'exemple du camionnage. Il y a une loi québécoise sur le camionnage qui prévoit, effectivement, des causes d'exclusion et des limitations de responsabilité. Et c'est ce que vise l'article 2024.

Mme Harel: Et en l'absence de législation?

M. Pineau: En l'absence de législation, il ne pourrait pas exclure...

Mme Harel: II n'y a aucune exclusion possible.

M. Pineau: ...ou limiter sa responsabilité, puisqu'il ne peut le faire que dans la mesure et aux conditions prévue par la loi.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Pineau. Me Masse, en vous précisant qu'il nous reste seulement quelques minutes.

M. Masse: Je suis assez d'accord avec les commentaires de...

Le Président (M. Lafrance): S'il y a consentement, moi, je veux bien poursuivre encore.

Mme Harel: On peut peut-être poursuivre un peu là. Je ne sais pas si vous êtes consentants?

M. Rémillard: Oui.

Le Président (M. Lafrance): II y a consen-

tement. D'accord. Alors, Me Masse.

M. Masse: Je suis assez d'accord avec les commentaires de M. le professeur Pineau, d'ailleurs, qui est un de nos spécialistes très précieux en droit du transport au Québec. Mais mon interprétation est à l'effet que, avec l'adoption, notamment du nouvel 2027 sur la sécurité des personnes, dans un contrat de transport, on couvrirait même le transport aérien intraprovin-cial.

M. Pineau: Oui, tout à fait.

Le Président (M. Lafrance): Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, donc, les articles 2020 et 2021 sont adoptés tels quels. L'article 2022 est adopté tel qu'amendé. Les articles 2023 et 2024 sont adoptés tels quels, et finalement, l'article 2025 est adopté tel qu'amendé. Donc, j'ai bien compris, il y a consentement pour poursuivre encore quelques instants. Alors, j'appelle les articles qui traitent du transport de personnes, soient les articles 2026 à 2029 inclusivement.

M. Rémillard: M. le Président, nous avons un amendement. L'article 2029 est modifié par le remplacement, à la deuxième ligne, des mots "la perte est survenue" par les mots "le préjudice est survenu". L'amendement proposé vise à rendre l'article 2029 moins restrictif, puisque le transporteur est responsable tant de la perte des bagages et des autres effets visés par l'article 2028 que du préjudice corporel subi par le passager, tel que prévu à l'article 2027. En raison de cet amendement, l'article 2029 se lirait comme suit: "En cas de transport successif ou combiné de personnes, celui qui effectue le transport au cours duquel le préjudice est survenu en est responsable, à moins que, par stipulation expresse, l'un des transporteurs n'ait assumé la responsabilité pour tout le voyage."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, s'il n'y a pas de commentaires, les articles 2026... Oui, pardon. Me Masse.

M. Masse: Une dernière vérification. J'ai peut-être des difficultés dans mes notes, mais j'avais cru comprendre que sur 2027 et 2028 on avait encore des discussions. Est-ce que c'est exact?

M. Rémillard: Alors, on peut suspendre et on peut suspendre nos travaux là, M. le Président, par le fait même.

Le Président (M. Lafrance): Alors, si j'ai bien compris, vous désirez que les articles 2027 et 2028 soient laissés en suspens, ou est-ce que vous désirez que toute la section soit...

M. Rémillard: Alors, à la demande du professeur Masse, on les met en suspens et on pourra commencer... Peut-être qu'il pourrait y avoir une rencontre sur cet article - je pense qu'il y a un gros problème, pour qu'on le règle - avant de commencer notre prochaine séance.

Le Président (M. Lafrance): Très bien. Alors, pour ce soir, nous allons laisser les articles 2027 et 2028 en suspens. L'article 2026 est adopté tel quel et l'article 2029 est adopté tel qu'amendé.

M. Rémillard: Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Alors, sur ce, s'il n'y a pas de commentaires additionnels, j'aimerais déclarer nos travaux d'aujourd'hui ajournés. Merci.

(Fin de la séance à 22 h 5)

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