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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 23 octobre 1991 - Vol. 31 N° 16

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi n° 125, Code civil du Québec


Journal des débats

 

(Neuf heures quarante-six minutes)

Le Président (M. Lafrance): Si vous voulez prendre place, s'il vous plaît. Je constate que nous avons le quorum. Alors, j'aimerais déclarer cette 14e séance de travail ouverte, en rappelant à tous et à toutes le mandat de notre commission qui est de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi 125, Code civil du Québec. Mme la secrétaire, est-ce que qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a un remplacement: Mme Bleau (Groulx) est remplacée par M. Tremblay (Rimouski).

Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, nous avons convenu d'une séance de travail, ce matin, jusqu'à 12 h 30 et, sujet à confirmation en Chambre cet après-midi, une séance de travail également ce soir, de 20 heures à 22 heures. Est-ce qu'il y a des remarques d'ouverture?

M. Kehoe: M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Oui, M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: Le ministre de la Justice est absent. Comme vous voyez, il n'est pas ici. Mais il sera ici d'ici 10 à 15 minutes. Je l'ai confirmé avec lui et je pense qu'il y a deux articles qui ont été laissés en suspens hier, les articles 2027 et 2028; il y a plusieurs articles, dans cette section-là avec lesquels on peut procéder; il y a des amendements. Mais, spécifiquement, les articles 2027 et 2028 ont été laissés en suspens. On peut procéder à l'amendement à l'article 2027, et l'article 2028 reste tel quel. Je vais lire l'amendement à l'article 2027...

Le Président (M. Lafrance): Oui. Juste un instant, s'il vous plaît! Est-ce qu'il y a d'autres commentaires d'ouverture avant qu'on commence dans le spécifique?

M. Kehoe: D'accord.

Le Président (M. Lafrance): D'accord. Alors, effectivement, les articles 2027 et 2028 avaient été laissés en suspens. J'appelle donc l'article 2027.

Des contrats nommés

Du transport (suite) M. Kehoe: L'amendement proposé à l'article 2027, au deuxième alinéa, remplacer, dans la deuxième phrase, les mots "Même en cas de force majeure, le transporteur demeure néammoins tenu" par ceci: "II est aussi tenu".

Le texte proposé voulait éviter que l'on associe l'état de santé du transporteur à la force majeure, pour permettre qu'il ne soit pas exonéré. Or, cette précision paraît à la réflexion inutile et même plutôt susceptible de porter à confusion. En raison de cet amendement, l'article 2027 se lirait comme suit: "Le transporteur est tenu de mener le passager, sain et sauf, à destination. "Il est tenu de réparer le préjudice subi par le passager, à moins qu'il n'établisse que ce préjudice résulte d'une force majeure, de l'état de santé du passager ou de la faute de celui-ci. Il est aussi tenu à réparation lorsque le préjudice résulte de son état de santé ou de celui d'un de ses préposés, ou encore de l'état ou du fonctionnement du véhicule."

Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, M. le député. Est-ce qu'il y a des commentaires concernant cet article 2027 tel qu'amendé?

M. Kehoe: À l'article 2028, comme je l'ai mentionné, M. le Président, il n'y a pas d'amendement; il reste tel quel. Je pense que les spécialistes des deux côtés ont vérifié, et il n'y aura pas d'amendement.

Le Président (M. Lafrance): Merci.

M. Kehoe: Maintenant, il y a un amendement, par contre, à l'article 2029.

Le Président (M. Lafrance): Oui. L'article 2029 a déjà été adopté tel qu'amendé. Est-ce que vous désirez le rouvrir?

M. Kehoe: Non, non. Je m'excuse.

Le Président (M. Lafrance): Alors, s'il n'y a pas de commentaire sur les articles 2027 et 2028, l'article 2027 est en conséquence adopté tel qu'amendé et l'article 2028 est adopte tel quel.

J'aimerais maintenant appeler les articles qui traitent du transport de biens, soit les articles 2030 à 2048 inclusivement.

M. Kehoe: M. le Président, il y aurait six amendements. On demande que les articles 2034, 2035 et 2047 soient suspendus. M. le Président, il y a un amendement à l'article 2036. L'article 2036est remplacé par le suivant: "Le transporteur est tenu d'informer le destinataire de l'arrivée du bien et du délai

imparti pour l'enlèvement, à moins que la délivrance du bien ne s'effectue à la résidence ou à l'établissement du destinataire. "

Commentaire: L'amendement proposé répond mieux à l'objectif visé par cet article. Ce qu'il importe de considérer pour déterminer si le transporteur doit informer le destinataire de l'arrivée du bien, c'est si la délivrance a lieu ou non à la résidence ou à l'établissement du destinataire. En effet, même si la délivrance a lieu à l'endroit indiqué au contrat, il peut être important d'informer le destinataire de l'arrivée du bien lorsque ce dernier n'est généralement pas présent a cet endroit. En raison de cet amendement, l'article 2036 se lirait comme suit: "Le transporteur est tenu d'informer le destinataire de l'arrivée du bien et du délai imparti pour l'enlèvement, à moins que la délivrance du bien ne s'effectue à la résidence ou à l'établissement du destinataire. "

Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, vous avez également un amendement, je crois...

M. Kehoe: Un amendement à l'article 2039.

Le Président (M. Lafrance): À l'article 2039, oui.

M. Kehoe: Qui se lit comme suit: L'article 2039 est modifié par l'ajout, à la fin du 2e alinéa, du mot "normale". L'amendement proposé propose une précision quant à la freinte qui ne peut donner ouverture à la réparation de ta part du transporteur. En raison de cet amendement, l'article 2039 se lirait comme suit: "Le transporteur est tenu de transporter le bien à destination. "Il est tenu de réparer le préjudice résultant du transport, à moins qu'il ne prouve que la perte résulte d'une force majeure, du vice propre du bien ou d'une freinte normale. "

Mme Harel: M. le Président. Le Président (M. Lafrance): Oui.

Mme Harel: J'aimerais simplement faire écho au commentaire que la Commission des services juridiques nous faisait parvenir sur l'article 2039, à l'effet, comme le disait la Commission des services juridiques, de revenir à la suggestion qui était prônée par l'Office de révision du Code civil. La Commission des services juridiques invoque que l'ORCC prévoyait que le transporteur répondait du vol de la chose, en mentionnant que cette exception avait pour but d'uniformiser le droit canadien en la matière, puisque la notion d'"act of God" de la "common law" a une portée plus restreinte que les notions de cas fortuit, force majeure et fait d'un tiers. Alors, j'aimerais connaître le commentaire des légistes sur cette recommandation de la Commission des services juridiques qui était à l'effet d'ajouter un troisième alinéa à l'article 2039, qui se lirait comme ceci: "II répond toutefois du vol de la chose, même à main armée. "

M. Kehoe: En partant, je devrais remarquer: Le transporteur répondra du vol toutes les fois qu'il ne parviendra pas à prouver que le vol constitue un vol de force majeure, tel que défini à l'article 1466, alinéa 2, du projet. Cette précision est conforme au droit actuel, tel qu'interprété par la Cour d'appel. Donc, c'est l'Union des producteurs agricoles qui a demandé cet amendement-là... Ah, je m'excuse, ce n'est pas tout à fait la même chose. Je demanderais au professeur Pineau de commenter sur ça.

Mme Harel: D'accord.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le député de Chapleau. Me Pineau.

M. Pineau (Jean): M. le Président, la Commission des services juridiques réfère au droit d'aujourd'hui et plus précisément à l'article 1815 du Code civil du Bas Canada, parce que les articles relatifs aux obligations du voiturier renvoient aux articles relatifs au dépôt et, dans les articles relatifs au dépôt, notamment l'article 1815, il est prévu que l'hôtelier, l'aubergiste, auquel s'appliquent également les mêmes règles, est responsable du vol, mais il n'est pas responsable du vol à main armée. La question a été posée devant les tribunaux de savoir si le seul fait qu'il y ait eu vol à main armée pouvait libérer ou non l'aubergiste ou le transporteur. Certains juges ont prétendu qu'il suffisait qu'il y ait vol à main armée - certains juges dissidents. La majorité a décidé que, a priori, le vol à main armée était un cas de force majeure, mais, lorsque ce vol à main armée a été précédé d'une faute du transporteur, ce n'est plus un cas de force majeure. C'est l'affaire BASTOS - les cigarettes - contre Quinn Freight. Le transporteur avait laissé, avant la délivrance des marchandises, le camion rempli de cigarettes dans ses garages ou ses entrepôts et n'avait pris aucune autre précaution. Alors que ce transporteur avait fait l'objet de vols à main armée à trois ou quatre reprises antérieurement, malgré cela, il n'avait pris aucune précaution particulière, aucune mesure de sécurité. C'est pourquoi la Cour d'appel a dit: Bien qu'il y ait eu vol à main armée, il y a eu, antérieurement à ce vol à main année, une faute qui a probablement eu pour conséquence le vol à main année. Le transporteur n'avait pas pris les mesures qu'il aurait dû prendre pour éviter le vol à main armée. Donc, ce vol à main armée était prévisible puisque ça avait déjà eu lieu. Il n'était pas irrésistible non plus. Il s'agissait de prendre des mesures de précaution. Alors, dès lors que l'on

dit "force majeure", que l'on ne réfère plus à l'article 1815, on n'a plus besoin de prévoir le cas du vol, qu'il soit à main armée ou à main nue.

Le Président (M. Lafrance): Merci.

Mme Harel: Le vol à main armée n'efface pas la négligence, en fait.

M. Pineau: Pardon?

Mme Harel: Le vol à main armée n'efface pas la négligence...

M. Pineau: Non, c'est ça.

Mme Harel: ...si tant est qu'elle est prouvée.

M. Pineau: C'est ça.

Le Président (M. Lafrance): Je pense que vous avez un amendement aussi à 2040.

M. Kehoe: Oui, M. le Président. L'amendement proposé se lit comme suit: L'article 2040 est modifié: 1° par la suppression, aux 3e et 4e lignes du 2e alinéa, des mots "ou dans les neuf mois à compter de la date à laquelle il aurait dû être délivré"; 2° par l'ajout dans la 5e ligne du 2e alinéa, après les mots "apparente ou non", de ce qui suit: ", ou, s'il n'est pas délivré, dans les neuf mois à compter de la date de son expédition".

Commentaire: Les amendements proposés modifient le point de départ du calcul du délai de neuf mois, afin que celui-ci soit conforme avec la réglementation actuelle (art. 12, annexe I du Règlement sur le camionnage); ce délai de neuf mois, lequel s'applique en cas de non-délivrance du bien, se calculera donc à partir de la date d'expédition du bien. Les amendements visent aussi à rattacher clairement la mention concernant la perte du bien au cas de réclamation consécutive à la délivrance du bien. En raison de ces amendements, l'article 2040 se lirait comme suit: "2040. Le délai de prescription de l'action en dommages-intérêts contre un transporteur court à compter de la délivrance du bien ou de la date à laquelle il aurait dû être délivré. "L'action n'est pas recevable à moins qu'un avis écrit de réclamation n'ait été préalablement donné au transporteur, dans les soixante jours à compter de la délivrance du bien, que la perte survenue au bien soit apparente ou non, ou, s'il n'est pas délivré, dans les neuf mois à compter de la date de son expédition. Aucun avis n'est nécessaire si l'action est intentée dans ce délai."

Mme Harel: Je pense que c'est la première fois qu'on voit un délai de neuf mois dans le

Code. C'est un délai qui ne correspond pas à ceux qu'on a voulu harmoniser, je crois.

M. Kehoe: Professeur Pineau. (10 heures)

M. Pineau: M. le Président, ce délai-Une voix: ...la naissance.

Mme Harel: Oui, c'est vrai que la naissance...

M. Pineau: Un délai de grossesse, oui.

M. Kehoe: La naissance après la délivrance.

M. Pineau: C'est un délai, M. le Président, que l'on trouve dans les ordonnances des 5T43 dans le cas du transport ferroviaire.

Mme Harel: On le retrouve donc dans un autre...

M. Pineau: Dans le transport ferroviaire... Mme Harel: Dans le transport ferroviaire.

M. Pineau: ...une législation fédérale. Les ordonnances de la Commission.

M. Holden: Est-ce qu'il y a une explication historique aux neuf mois ou...

M. Pineau: Je ne sais pas.

M. Holden: Le blé ou je ne sais pas quoi.

M. Pineau: Je ne suis pas sûr, M. le Président, qu'elle soit historique parce que ce délai a été modifié à quatre ou cinq reprises en 12 mois ou en 24 mois. Il a été extrêmement difficile à la Commission des transports fédérale, qui est devenue l'Office des Transports, de fixer un délai qui ne bougerait pas. Il pourrait être changé ultérieurement...

Mme Harel: Alors, c'est donc pour rendre le délai compatible...

M. Pineau: C'est cela.

Mme Harel: ...avec des législations fédérales...

M. Pineau: Déjà existantes.

Mme Harel: ...actuellement en vigueur.

Le Président (M. Lafrance): Alors, merci.

M. Kehoe: II y a un autre amendement à l'article 2041. L'article 2041 est remplacé par le suivant:

"En cas de transport successif ou combiné de biens, l'action en responsabilité peut être exercée contre le transporteur avec qui le contrat a été conclu ou le dernier transporteur."

Le commentaire: L'amendement vise à clarifier la portée de la disposition, laquelle tend à indiquer contre qui sont intentées les poursuites en cas de transport successif ou combiné. Le second alinéa est également retiré afin d'éviter de limiter les recours de l'expéditeur, car, quoique celui-ci ait choisi le transporteur, il n'est pas nécessairement maître des choix que peut faire le transporteur pour assurer le déplacement du bien. En raison de cet amendement, l'article 2041 se lirait comme suit: "En cas de transport successif ou combiné de biens, l'action en responsabilité peut être exercée contre le transporteur avec qui le contrat a été conclu ou le dernier transporteur."

Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, M. le député de Chapleau.

Mme Harel: Ça, ça vaut simplement pour le transport intraprovincial. Qu'en est-il en matière de transport interprovincial? Est-ce que c'est la même règle qui prévaut?

Le Président (M. Lafrance): Alors, Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, en matière de camionnage, il y a, effectivement, des règles qui vont dans ce sens-là et qui ont été unifiées vis-à-vis des autres provinces canadiennes.

Le Président (M. Lafrance): Merci.

M. Kehoe: M. le Président, il y a un amendement à l'article 2042. L'article 2042 est modifié par la suppression, à la 2e ligne du 1er aliniéa, des mots ", telle que". Il s'agit d'une modification terminologique. En raison de cet amendement, l'article 2042 se lirait comme suit: "La responsabilité du transporteur, en cas de perte, ne peut excéder la valeur du bien déclaré par l'expéditeur. "À défaut de déclaration, la valeur du bien est établie suivant sa valeur au lieu et au moment de l'expédition."

Le Président (M. Lafrance): Commentaires? On peut y revenir, de toute façon. Tous les articles sont laissés ouverts à discussion. Vous pouvez peut-être nous proposer l'amendement suivant qui est 2045, je pense.

M. Kehoe: L'article 2045, c'est le dernier amendement dans ce secteur. L'article 2045 est modifié par l'ajout d'un 2e alinéa, lequel se lirait comme suit:

Toutefois le transporteur demeure responsable envers les tiers qui subissent un préjudice en raison de l'un de ces faits, sous réserve de son recours contre l'expéditeur."

Commentaire: L'amendement a pour but de préciser que le transporteur, quant aux tiers, engage sa responsabilité de par la nature même de son entreprise. En conséquence, tout dommage causé à des tiers dans le cadre de cette entreprise devrait être compensé par le transporteur, sous réserve toutefois de son recours contre l'expéditeur. En raison de cet amendement, l'article 2045 se lirait comme suit: "L'expéditeur est tenu de réparer le préjudice subi par le transporteur lorsque ce préjudice résulte du vice propre du bien ou de l'omission, de l'insuffisance ou de l'inexactitude de ses déclarations relativement au bien transporté.

Toutefois, le transporteur demeure responsable envers les tiers qui subissent un préjudice en raison de l'un de ces faits, sous réserve de son recours contre l'expéditeur."

C'est une demande d'amendement par la Commission des services juridiques, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le député de Chapleau. Alors, s'il n'y a pas de commentaire additionnel sur ces articles, donc, les articles 2030 à 2033 inclusivement sont adoptés tels quels. Les articles 2034 et 2035 sont laissés en suspens. L'article 2036 est adopté tel qu'amendé. Les articles 2037 et 2038 sont adoptés tels quels. Les articles 2039. 2040, 2041 et 2042 sont adoptés tels qu'amendés. Les articles 2043 et 2044 sont adoptés tels quels. L'article 2045 est adopté tel qu'amendé. L'article 2046 est adopté tel quel. L'article 2047 est laissé en suspens et l'article 2048 est adopté tel quel.

Nous en arrivons maintenant à la section II qui traite des règles particulières au transport maritime de biens. Je remarque qu'il y a un texte d'introduction à cette section. Je me réfère à la page 431 de notre livre de commentaires détaillés sur les dispositions du projet de loi. Permettez-moi de lire ces commentaires d'introduction.

L'Office proposait de reproduire quasi intégralement les dispositions de la Convention de Bruxelles de 1924 qui régit à l'échelon international les relations contractuelles entre les expéditeurs et les transporteurs maritimes de marchandises. Il concluait que l'uniformité des lois en matière de transport maritime était souhaitable vu le caractère international du commerce. Toutefois, en reprenant les textes de la Convention et de la loi fédérale sur cette matière, le projet de l'Office ne tenait pas compte des problèmes constitutionnels.

Pour pallier cette difficulté, un article qui énonce le champ d'application de la section réservée au transport maritime est d'abord introduit. Le droit français est par ailleurs une source d'inspiration, vu l'harmonisation qui existe en France entre le transport international et le

transport national.

Les dispositions de cette section s'éloignent donc sous plusieurs aspects des règles proposées par l'Office, afin de les adapter à un transport plus simple et moins réglementé.

Enfin, dans le but de contrer les problèmes actuels quant à la responsabilité des parties dans le cadre de la manutention des marchandises, la proposition de réforme complète le projet de l'Office et introduit en droit québécois des dispositions spécifiques à cet effet. Elle puise ces principes dans le droit français, lequel est clair et équitable pour toutes les parties contractantes.

Alors, j'aimerais appeler deux articles contenus à la sous-section qui traite des dispositions générales, soit les articles 2049 et 2050.

M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement.

Le Président (M. Lafrance): Aucun amendement. Merci, M. le ministre. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, j'aimerais soulever les commentaires qui ont été apportés par la Chambre des notaires, particulièrement en regard de l'article 2049. La Chambre note que l'article diffère complètement de celui qui était énoncé dans l'avant-projet de loi, à l'article 2118. Donc, il y a eu un changement important de la part du législateur. J'aimerais que le ministre nous indique ce qui a motivé cette volte-face, d'abord. Et j'aimerais revenir ensuite sur l'argumentation qui est développée par la Chambre des notaires, notamment à l'effet que "tel que libellé - je le cite, M. le Président, à la page 132 du mémoire de la Chambre - cet article 2049 aura comme conséquence que les règles prévues dans le Code, relatives au transport maritime de biens, ne s'appliqueront jamais." Alors, ce n'est pas un jugement nuancé, c'est dit comme tel. Alors, j'aimerais savoir pourquoi le ministre nous propose d'adopter des règles qui, vraisemblablement, ne trouveront pas matière à être appliquées.

Le Président (M. Lafrance): M. le ministre.

M. Rémillard: Oui, M. le Président, nous avons eu l'occasion, hier soir, d'aborder brièvement cet article 2049, dans le cadre des dis-cusions que nous avons eues sur la portée constitutionnelle de certains articles. Et on s'est référé alors au mémoire que la Chambre des notaires nous a fait parvenir. Et, de fait, dans son mémoire, la Chambre des notaires apporte un soin particulier à soulever tous ces problèmes constitutionnels. Je ne sais si c'est M. Talpis, qui a été conseillé à ce niveau-là ou d'autres conseillers... mais il y a manifestement, de la part de la Chambre des notaires, une sensibilité à toutes ces questions constitutionnelles - et c'est une bonne chose - pour qu'on puisse cerner, dans sa juste dimension, l'application du Code civil.

M. le Président, je répète tout d'abord ce que j'ai dit hier. Le Code civil se réfère à l'article 92 (13) de la Constitution de 1867. Et, par conséquent, il s'agit d'une compétence exclusive de la province et du Québec, en particulier, en ce qui regarde le Code civil.

Par ce Code civil, nous légiférons sur les contrats. C'est ce qui est en cause ici. Et, par conséquent, pour nous, le domaine de juridiction québécoise est exclusif, il ne fait pas de doute. On nous a fait part que, dans la précédente rédaction, il pouvait y avoir quelques ambiguïtés quant à l'étendue de l'application de l'article. Nous avons voulu être plus clairs. Et l'article, tel que rédigé, reflète cette intention du législateur d'exprimer très clairement l'intention législative et aussi la direction - je pourrais dire - constitutionnelle. Je cite l'article: "À moins que les parties n'en conviennent autrement, la présente section s'applique au transport de biens par voie d'eau, lorsque les ports de départ et de destination sont situés au Québec." Donc, c'est exactement ce que nous avons discuté hier. Lorsque le départ et la destination sont à l'intérieur du territoire québécois, ça ne fait pas de doute qu'il s'agit d'une juridiction québécoise par les contrats, et, par conséquent, nous en arrivons donc à une rédaction qui est beaucoup plus claire que celle que nous avions précédemment.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, le ministre fait référence à la notion de contrat. Mais, en fait, ce qu'il faut comprendre ici, à l'article 2049, c'est que dans la disposition telle que stipulée il limite volontairement la portée et l'étendue de la juridiction qu'il entend voir adopter par le Québec, puisque, à l'article 2118 de l'avant-projet de loi, on pouvait lire que la section sur le transport maritime de biens s'appliquait au transport de biens ou de marchandises par eau effectué au départ ou à destination d'un port situé au Québec. C'est donc dire qu'il faudrait qu'à l'article 2049 on puisse retrouver une rédaction qui permettrait justement à cette section de s'appliquer au transport de biens par voie d'eau lorsque les ports de départ ou de destination sont situés au Québec. Là, on nous dit: Lorsque les ports de départ et de destination sont situés au Québec. Alors il faut comprendre qu'il faut quasiment être un traversier ou un caboteur, en fait, mais il faut... Donc, le ministre a jugé bon de limiter lui-même la portée et l'étendue finalement de la section. (10 h 15)

Et la législation fédérale qui a déjà été

confirmée par la Cour suprême dans la Loi sur le transport de marchandises par eau, la loi fédérale, ne fait pas de distinction entre le transport maritime intraprovincial et extraprovincial. Alors, la loi fédérale, elle, prétend s'appliquer, indépendamment que ce soit un transport de biens par voie d'eau intraprovinciale ou extraprovinciale. Et là il faut bien comprendre, évidemment, qu'il s'agit donc de dispositions supplétives, parce que les parties peuvent en convenir autrement. L'article, d'ailleurs, commence comme ceci: "À moins que les parties n'en conviennent autrement". Alors les parties peuvent donc, en ces matières, en convenir autrement dans un contrat, malgré, je pense, qu'elles soient régies par la Convention de La Haye. Alors elles ne peuvent pas, je crois, s'éloigner de ce qui est déjà prévu dans la Convention de La Haye, malgré que le Canada n'a pas adhéré, je pense, à la Convention de La Haye encore.

Alors, à partir du moment où le Canada y adhérerait, ça pourrait avoir évidemment un impact sur les dispositions du Code civil. Mais, je crois comprendre qu'il y a eu inspiration de la Convention de La Haye en regard des dispositions qui vont être soumises dans le projet de réforme. Mais je pense que l'argumentation de la Chambre des notaires vaut, quand ils nous disent "II est bien évident - et je les cite - qu'en pratique, lorsque les parties elles-mêmes écarteront l'application des règles de La Haye en matière de cabotage, comme le leur permet la législation fédérale, ce ne sera certes pas pour se voir appliquer éventuellement un régime similaire prévu dans le Code civil du Québec."

Et la Chambre ajoute, "La Chambre des notaires considère que le législateur doit affirmer sans équivoque sa compétence en la matière. Le législateur pourrait rendre ce régime obligatoire au transport maritime - en fait c'est là, je pense, leur proposition - intraprovincial tout en adoptant des exemptions d'application déjà prévues dans la législation fédérale et dans les règles de La Haye. Contrairement - et l'argumentation qui est développée est la suivante, - au contrat d'affrètement, le régime obligatoire de responsabilité du transporteur maritime repose quant à lui sur un motif d'intérêt public.11

Alors, je ne sais quel est le point de vue du ministre sur ces questions qui sont soulevées par la Chambre des notaires, mais je crois qu'on ne peut pas passer outre, en fait, à un débat là-dessus.

M. Rémillard: Tout d'abord, M. le Président, ce qui pouvait poser des problèmes dans lavant-projet dans cet article 2118, c'était cette partie de phrase qui disait "effectué au départ ou à destination d'un port situé au Québec". Alors le "ou" causait problème. Alors là...

Mme Harel: Expliquez-nous quelle sorte de problèmes étaient causés.

M. Rémillard: II y avait une série de problèmes. Je laisserai tout à l'heure le professeur Pineau élaborer plus avant sur l'ambiguïté que l'interprétation de ce "ou" pouvait faire ressortir.

Pour que les choses soient plus claires, sans limiter la portée de l'article, on a donc décidé de mettre le "et".

Mme Harel: On limite, c'est ça.

M. Rémillard: Et, en plus, de débuter l'article par "À moins que les parties n'en conviennent autrement", pour justement stipuler qu'il y a là discrétion, partie de discrétion, tout au moins, qui est laissée aux parties. Alors, M. le Président, je vais laisser le professeur Pineau compléter mes remarques.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, le Canada n'a pas ratifié la Convention internationale de Bruxelles de 1924, mais le Canada a adopté comme loi interne les règles de La Haye, c'est-à-dire le texte international qui a précédé la Convention de Bruxelles, qui a été à l'origine de la Convention de Bruxelles. Le Parlement fédéral a donc adopté ces règles de La Haye comme législation interne. Mais cette loi fédérale de 1936 ne s'applique que lorsque le point de départ du transport est situé dans un port du Canada à destination d'un autre port du Canada, ou bien lorsque le point de départ est situé dans un port du Canada à destination d'un port étranger. Cela signifie que la loi fédérale ne s'applique pas lorsque le transport a pour point de départ un port étranger à destination du Canada. Ça, c'est un premier point.

Alors, l'article 2118 laissait entendre qu'il suffisait qu'il y ait un point de départ ou un point de destination au Québec pour que le texte québécois s'applique. Or, il est clair que, si le point de départ est situé au Québec et que le point de destination n'est pas situé au Québec, c'est le fédéral qui a compétence. Alors, éclaircissement dans 2049 qui vient dire: désormais, la loi québécoise s'applique lorsque le port de départ est situé au Québec et lorsque le port de destination est situé au Québec. Donc, cela est tout à fait conforme à la répartition des pouvoirs tels qu'édictés par la Constitution.

Maintenant, ceci n'empêche pas les parties à un contrat de transport maritime dont le port de départ est situé à l'étranger - pensons à un transport New York-Montréal - rien n'empêche les parties de décider qu'elles entendent se soumettre à telle ou telle loi, car nous sommes alors en présence d'un problème de droit international privé, étant donné que le

Canada n'a pas ratifié la Convention de Bruxelles et que la Convention de Bruxelles ne peut s'appliquer que dans l'hypothèse où les deux pays ont ratifié cette convention. Si les États-Unis avaient adopté les règles de Visby qui ont modifié en 1968 la Convention de Bruxelles, la situation serait différente. Mais ce n'est pas le cas. Donc, des parties, québécoises, américaines, pourraient convenir que leur contrat est soumis à telle loi, dont, par exemple, la loi québécoise. Et les tribunaux devraient appliquer cette loi, car, selon les règles du droit international privé, c'est la loi dite d'autonomie, c'est la loi choisie par les parties qui est alors applicable.

Mme Harel: C'est donc dire qu'à moins que le point de destination soit à l'étranger, auquel cas c'est la loi fédérale qui s'applique, si le point de départ est au Canada, mais dans les cas, par exemple, où le point de départ est au Canada et le point de destination au Canada, c'est à la fois la Loi fédérale sur le transport de marchandises par eau qui peut s'appliquer, ou le Code civil, puisque la loi fédérale ne distingue pas entre le transport intraprovincial et extraprovincial. Alors, c'est dont dire que cette Loi sur le transport de marchandises par eau trouve application si les parties n'en ont pas convenu autrement. Ou les parties pourraient toujours choisir les dispositions contenues au Code civil sur le transport maritime des biens. C'est donc dire qu'il y a, finalement, deux corps de lois qui s'appliquent lorsque le point de départ et de destination est au Québec.

M. Pineau: M. le Président, si vous le permettez, c'est exact, selon que le point de départ et le point de destination sont situés...

Mme Harel: Au Québec.

M. Pineau: ...exclusivement au Québec ou selon que le point de départ et le point de destination sont situés dans un port du Québec et dans un port d'une province voisine.

Mme Harel: II faut donc comprendre qu'il nous est proposé, à la section II, des règles particulières au transport maritime des biens qui trouveraient application dans une même matière où il y a déjà une loi fédérale de transport de marchandises par eau. Tant que le Québec est dans le Canada, là, et tant que la loi fédérale réglemente le transport maritime par eau d'un point de départ du Canada à un point de destination au Canada également, c'est donc dire qu'il y a aussi une législation fédérale au même effet qui est de nature intraprovinciale, qui trouve matière à application en matière de transport maritime intraprovincial.

M. Pineau: Pas nécessairement. Lorsque la loi fédérale de 1936 dit: d'un port du Canada à un autre port du Canada, elle dit simplement transport interne, transport, disons, canadien. Mais, à l'intérieur du transport canadien, il faut se fier à la Constitution et à la répartition des compétences et nous devons à ce moment-là faire une différence entre le transport interprovincial et le transport intraprovincial. Donc...

Mme Harel: Excusez-moi, professeur Pineau, mais cette différence, on la fait pour des fins, si vous voulez, doctorales parce que la Cour suprême n'a pas fait cette distinction. La législation fédérale, elle, ne distingue pas entre le transport intra et extra. Si je comprends bien, elle trouve application, mon Dieu, sans cette distinction.

M. Pineau: M. le Président, la Cour suprême a déjà analysé ce que signifiait "navigation and shipping". Et elle dit: "navigation", ça, c'est exclusivement fédéral tandis qu'en ce qui concerne le "shipping", il faut distinguer le "shipping" interprovincial et international du "shipping" intraprovincial. Le "shipping" intraprovincial est de compétence provinciale et c'est pourquoi...

M. Rémillard: Si vous me permettez, M. le Président, quant à la Cour suprême, de faire la relation avec l'affaire Parson où le comité judiciaire du Conseil privé avait confirmé pour fa première fois d'une façon si claire la distinction entre le commerce international, le commerce interprovincial et le commerce intraprovincial. Et, en fonction, donc, de ces aspects de commerce, on a fait la distinction entre le "shipping" et la navigation et entre une compétence interprovinciale fédérale et une compétence intraprovinciale qui, à ce moment-là, relève de la compétence exclusive de la province.

Mme Harel: Oui, mais à ce moment-là, M. le ministre, comment alors expliquer que les parties peuvent convenir autrement? C'est-à-dire que, si elles n'en conviennent pas autrement, elles peuvent préférer finalement l'application de la loi fédérale même en matière de "shipping" intraprovincial. S'il n'y a pas de contrat, qu'est-ce qui s'applique?

M. Pineau: II y a nécessairement un contrat implicite, n'est-ce pas?

Mme Harel: Oui, mais s'il n'y a pas de contrat explicite entre les parties?

M. Pineau: Si nous sommes dans un contexte de transport intraprovincial d'un port du Québec à un port du Québec, ça sera le Code civil. C'est le Code civil qui devrait s'appliquer.

Mme Harel: Qui devrait s'appliquer. Est-ce qu'il a trouvé jusqu'à maintenant matière à application?

M. Pineau: Jusqu'à présent, on ne s'est guère référé aux règles du Code civil car les règles du Code civil datent de 1866 et même on peut dire qu'en 1866 ces règles étaient déjà désuètes car ce que nous avons dans le Code civil du Bas Canada actuellement ce sont des règles issues de l'ordonnance de Colbert.

M. Holden: M. le Président.

Le Président (M. La trance): Oui, M. le député de Westmount.

M. Rémillard: Colbert fait réagir le député de Westmount. (10 h 30)

M. Holden: J'ai été marié avec une fille d'un armateur grec, alors, j'en ai fait pas mal de droit maritime et je vois que le Barreau, sous l'égide de Me Beaudry, qui est un grand expert en droit maritime, a fait des commentaires sur ces articles. Mais pour nous mettre dans la bonne voie, comme le dit l'introduction à cette section, c'est les règles internationales qui mènent dans le "shipping". Je ne sais pas comment vous appelez ça, le "bill of lading". Un connaissement? Oui, le connaissement. Dans 90,10 % du temps, c'est un connaissement qui reconnaît, comme vous l'avez signalé, les règles de La Haye. Moi, en tant qu'avocat de droit maritime, je trouvais que normalement les avocats de droit maritime se servaient de "carriage of goods by water" ou les droits de La Haye mais, les rares fois qu'il s'agissait d'un cabotage intraprovincial, on avait le choix entre deux. Je ne l'ai pas tout à fait étudié, mais j'espère qu'on va faire en sorte que nos règles ne soient pas en contradiction avec les règles du droit fédéral. Ça ajoute aux recours de celui qui a eu une réclamation. Au lieu de diminuer le droit des Québécois, on ajoute aux droits des Québécois. Alors, j'espère que la députée de Hochelaga-Maisonneuve réalise que ce qu'on fait là aide les Québécois; on ne leur nuit pas, aux réclamants québécois. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le député de Westmount.

M. Rémillard: M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Oui, M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, est-ce que je peux souligner que, pour la rédaction de cette partie, nous avons bénéficié de l'apport d'un eminent spécialiste québécois dans la matière, soit M. le professeur William Tetley, qui nous a apporté ses lumières pour rédiger ces articles.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, les articles 2049 et 2050...

Mme Harel: Alors, M. le Président...

Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: ...je partage l'opinion du député de Westmount, dont je salue, d'ailleurs, la présence parmi nous ce matin.

M. Holden: Ma présence continue. Mme Harel: Voilà. J'aurais dû la qualifier.

Une voix: II a dit qu'il était indépendant.

M. Holden: Oui.

Mme Harel: Et je sais que le partage constitutionnel en 1867 a fait en sorte que le droit maritime, à 91 (10), soit, finalement, de compétence fédérale. M. le Président, même si nous comprenons les motifs qui ont présidé à la modification de toute cette section pour la moderniser et la rendre compatible au transport et aux intérêts des personnes, vous comprendrez que nous allons voter contre cette disposition parce que nous manifestons ainsi notre désaccord, sur cette distinction, avec cette Loi constitutionnelle de 1867 qui est malheureusement encore en usage dans notre société.

M. Rémillard: M. le Président, je dois dire brièvement que je comprends fort bien cette décision de l'Opposition qui est logique et conforme à sa position constitutionnelle.

Le Président (M. Lafrance): Merci. M. le ministre. Donc, l'article 2049 est adopté sur division et l'article...

M. Holden: M. le Président, je note que je vote-Le Président (M. Lafrance): Oui.

M. Holden: ...avec le gouvernement dans cette situation.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. La trance): L'article...

Mme Harel: Vous ne voulez pas avoir un deuxième procès, là, vous?

M. Holden: Ha, ha, ha! Non. Un par année, ça suffit.

Mme Harel: Un suffit.

Le Président (M. Lafrance): L'article 2050 est donc adopté tel quel. J'appelle maintenant les articles qui traitent des obligations des parties, soit les articles 2051 à 2069 inclusivement.

M. Rémillard: Nous avons un amendement, M. le Président. L'article 2066 est modifié par la suppression, à la 2e ligne du 1er alinéa, des mots "inflammables, explosifs ou". M. le Président, l'amendement proposé a pour but d'éviter que le mot "dangereux" reçoive une interprétation trop restrictive. Les biens inflammables de même que les biens explosifs sont des biens dangereux. L'amendement est aussi de concordance avec l'article 2067. En raison de cet amendement, l'article 2066 se lirait donc comme suit: "Le transporteur peut débarquer, détruire ou rendre inoffensifs les biens dangereux à l'embarquement desquels il n'aurait pas consenti s'il avait connu leur nature ou leur caractère. "Le chargeur de ces biens est responsable du préjudice qui résulte de leur embarquement et des dépenses faites par le transporteur pour se départir de ces biens ou les rendre inoffensifs."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Aucun commentaire. Donc, les articles 2051 à 2065 inclusivement sont adoptés tels quels. L'article 2066 est adopté tel qu'amendé; les articles 2067, 2068 et 2069 sont adoptés tels quels. J'aimerais maintenant appeler les articles contenus à la sous-section qui traite de la manutention des biens, soit les articles 2070 à 2074 inclusivement.

M. Rémillard: II y a un amendement, M. le Président, à l'article 2070, qui est modifié par la supression... Excusez-moi, M. le Président, c'est parce qu'il y a un courant d'air épouvantable qui nous tombe dessus comme la misère sur le pauvre monde, exactement ici. Je vais vous dire, M. le Président, pour tout le monde qui travaille de ce côté-ci... je ne sais pas si l'Opposition est plus chanceuse que nous, mais il y a manifestement un problème.

Une voix: C'est affreux. Ils ont le même problème dans la salle à côté.

M. Rémillard: Ah, c'est vous qui l'avez. Bon, c'est inversé. Alors très bien. Alors, M. le Président, c'est une parenthèse que je referme. Donc, M. le Président, l'article 2070 - je recommence - est modifié par la supression, à la 2e ligne du 1er alinéa, après les mots "opérations de", du mot "la". Il s'agit, M. le Président, d'une modification de terminologie. En raison de cet amendement, l'article 2070 se lirait comme suit: "L'entrepreneur de manutention est chargé de toutes les opérations de mise à bord et de débarquement des biens, y compris les opérations qui en sont le préalable ou la suite nécessaire. "Il est présumé, dans ses activités, avoir reçu le bien tel qu'il a été déclaré par le déposant."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. On m'informe qu'un technicien va vérifier si on peut améliorer la situation. Alors, s'il n'y a aucun commentaire sur ces articles, l'article 2070 est donc adopté tel qu'amendé et les articles 2071 à 2074 inclusivement sont adoptés tels quels. Nous en arrivons maintenant au chapitre septième, qui parle du contrat de travail, et j'aimerais peut-être faire appel à la participation de M. le député de Rimouski afin de nous lire les propos d'introduction, s'il vous plaît.

Du contrat de travail

M. Tremblay (Rimouski): Oui, M. le Président. Alors, l'introduction du chapitre septième se lit comme suit: Certaines règles particulières au contrat de travail se retrouvaient au Code civil du Bas Canada. Ces règles ayant été élaborées au siècle dernier, il convient de les revoir, de redéfinir le contrat de travail et de préciser son mécanisme juridique.

Parallèlement aux règles actuelles du Code, il s'est développé un droit particulier, mieux adapté aux besoins actuels en ce domaine. Or, les lois et règlements qui en découlent rendent ces dispositions désuètes. D'où l'importance de revaloriser le régime de droit commun, qui s'applique à nombre de contrats et qui constitue le fondement de toute relation d'emploi, et d'y substituer des principes généraux modernes pouvant mieux servir de base aux dispositions particulières.

La définition qui a été retenue met en relief les trois éléments caractéristiques de ce contrat: le travail pour autrui, la rémunération et le lien de subordination entre le salarié et l'employeur, tout en consacrant le caractère essentiellement temporaire de ce contrat.

De plus, ce chapitre réglemente les stipulations de non-concurrence, la tacite reconduction et l'avis de congé.

On a donc simplifié les règles du droit actuel et codifié certaines solutions jurispruden-tielles. Il est à noter que, même si le champ d'application de la Loi sur les normes du travail permet de régir la majorité des employés, il ne les régit pas tous et que les règles prévues au présent chapitre trouveront dès lors application.

Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, M. le député. J'aimerais appeler les articles contenus à ce chapitre septième, soit les articles 2075 à 2086 inclusivement.

M. Rémillard: M. le Président, nous avons huit amendements. Le premier amendement, c'est à l'article 2075 du projet, qui est modifié par l'ajout, à la 2e ligne, après les mots "s'oblige,"

des mots "pour un temps limité et". M. le Président, on reprend ici l'idée exprimée à l'article 2076 qui veut qu'un salarié ne puisse s'engager sa vie durant. Ce déplacement est fait dans un but de clarification de l'article 2076. En raison de cet amendement, l'article 2075 se lirait comme suit: "Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s'oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d'une autre personne, l'employeur."

Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, M. le ministre.

M. Rémillard: Un autre amendement, M. le Président.

Mme Harel: M. le Président, bon, évidemment, l'intention louable derrière cet amendement, c'est d'écarter toute possibilité d'esclavage. On s'oblige, pour un temps qui est déterminé, mais pourquoi dire "un temps limité"? Pourquoi pas "pour un temps déterminé"? Je peux avoir tort, évidemment, mais "pour un temps limité" suppose qu'il y ait eu une entente tacite pour que la durée ait été convenue. Le mot "limité" suppose une durée convenue.

M. Rémillard: II y a une distinction à faire entre ce qui est indéterminé et ce qui est limité. Alors, le contrat lui-même peut être de durée indéterminée, mais le temps de l'emploi peut être limité.

Mme Harel: Et là, ce n'est pas "peut être", c'est nécessairement.

M. Rémillard: Nécessairement, oui, je m'excuse. Mon "peut" signifie un "doit".

Mme Harel: Oui.

M. Rémillard: Comme en technique législative.

Mme Harel: Oui.

M. Rémillard: Donc, il doit être limité, obligatoirement. Mais, si vous me permettez, je pourrais demander à Mme Longtin de compléter mes commentaires. Je me demande, M. le Président, si ça n'aurait pas été bon qu'on lise aussi l'amendement à 2076.

Mme Harel: Ah! D'accord.

M. Rémillard: Les deux articles se comprennent peut-être un peu ensemble, avec les amendements qu'on y apporte. Si vous me le permettez, M. le Président, je pourrais lire l'amendement à 2076 et, ensuite, Mme Longtin pourrait nous faire part de certains commentaires.

Le Président (M. Lafrance): II y a consentement. Allez-y, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Rémillard: Oui. Alors, l'article 2076 du projet est modifié par la suppression de l'expression suivante: ", mais l'engagement du salarié ne peut être que pour un temps limité". M. le Président, l'amendement est de concordance avec celui apporté à l'article 2075. En raison de cet amendement, l'article 2076 se lirait comme suit: "Le contrat de travail est à durée déterminée ou indéterminée."

Alors, M. le Président, on voit donc là la relation entre le contrat de travail en relation avec ce concept de détermination, déterminé ou indéterminé, alors que l'emploi est pour un temps limité. Je vais demander à Mme Longtin de compléter par ses commentaires.

Le Président (M. Lafrance): Me Longtin.

Mme Longtin (Marie-José): Oui, M. le Président. Comme on l'a fait remarquer précédemment, c'est certainement... La notion de temps limité reproduit, à cet égard, le droit actuel qui est, au fond, une espèce de déclaration de principe à l'effet qu'un contrat de travail est toujours pour un temps limité par rapport à une notion de perpétuité. Mais, indépendamment... Une fois qu'on a dit ça, ce contrat-là peut être à durée déterminée, donc on peut avoir un contrat de six mois, un an, cinq ans, ou il peut être à durée indéterminée. On s'engage chez un employeur et, tant qu'il y a de l'emploi ou tant qu'on décide d'y rester ou qu'il n'y a pas de mises à pied ou de licenciements, on a un emploi. Donc, c'est une durée, à ce moment-là, qui est indéterminée. Ce que ça provoque, c'est évidemment que les règles pour mettre fin à ces contrats-là peuvent varier et avoir des effets différents, suivant que la durée a été précisée au moment de l'engagement ou pas.

Mme Harel: C'est aussi la distinction entre la durée et le temps, à ce moment-là.

Mme Longtin: Oui.

Mme Harel: Alors, la durée est déterminée ou indéterminée et le temps est limité. Parce que ça peut être à perpétuité, d'une certaine façon.

Mme Longtin: Enfin, la vie humaine... (10 h 45)

Mme Harel: Jusqu'à la mort, évidemment. Il y a une fin implacable. Alors, c'est en se référant à cette fin qu'on introduit cette limite et non pas à la convention entre les parties, parce que les parties peuvent ne pas... les parties, tacitement, ne conviennent pas d'un temps limité?

Mme Longtin: Non, les parties conviennent d'une durée de leur contrat, ou non, auquel cas il est déterminé ou indéterminé, mais ce que l'on signifie par là, je pense que c'est tout simplement qu'on ne pourra jamais se prévaloir du fait qu'il y a un contrat pour exiger, d'une façon illimitée, une prestation de travail. Je pense que c'est vraiment un énoncé plus de principe qu'autre chose qui...

Mme Harel: C'est parce que, de ce temps-ci, les gens voudraient plutôt pouvoir, justement, se prévaloir d'un contrat illimité.

M. Rémillard: Oui, M. le Président, je comprends très bien la dernière remarque de Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. C'est vrai que les gens voudraient... On peut bien comprendre qu'ils aimeraient bien avoir des contrats, avec un emploi...

Mme Harel: À la japonaise.

M. Rémillard: ...oui, à la japonaise. Cependant, comme la députée de Hochelaga-Maisonneuve le disait au tout début de ses remarques, le but dans tout ça, c'est que l'esclavage n'existe plus. Alors, le contrat lui-même peut être indéterminé, mais l'emploi ne peut jamais, lui, être considéré comme indéterminé, c'est-à-dire qu'il est obligatoirement limité. Souvenons-nous que Einstein a obtenu son prix Nobel en démontrant que le temps était relatif, et c'est particulièrement vrai lorsqu'on parle d'emploi. Malheureusement, dans un certain sens, c'est déplorable. Mais, dans le sens du principe que nous étudions ici, qui est le fondement contractuel entre l'employeur et l'employé, c'est la volonté de l'employé, comme de l'employeur, évidemment, mais de l'employé comme on s'y réfère ici, de continuer un travail et non pas d'être obligé à un travail pendant une longueur indéterminée de temps... illimitée, je devrais dire.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. S'il n'y a pas d'autres commentaires, ces articles 2075 et 2076 sont donc adoptés tels qu'amendés. Je pense qu'il y a une proposition d'amendement aussi à l'article 2077.

M. Rémillard: L'article 2077 est modifié par la suppression, à la dernière ligne, des mots ", ainsi qu'à son intégrité". Cet amendement, M. le Président, supprime la notion d'intégrité, laquelle, dans le contexte, est déjà couverte par les notions de santé, sécurité et dignité. En raison de cet amendement, l'article 2077 se lirait comme suit: "L'employeur, outre qu'il est tenu de permettre l'exécution de la prestation de travail convenue et de payer la rémunération fixée, doit prendre les mesures appropriées à la nature du travail, en vue de protéger la santé, la sécurité et la dignité du salarié."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.

Mme Harel: Alors, je comprends qu'il s'agit d'un article de droit nouveau.

M. Rémillard: Oui.

Mme Harel: Est-ce qu'en vertu de cet article, on pourrait invoquer que sa dignité a été atteinte par du harcèlement, par exemple, du harcèlement sexuel?

M. Rémillard: Dans le Code civil, on sait qu'on retrouve toujours les principes. Ensuite, des lois particulières viennent préciser, dans des contextes particuliers, l'application de ces principes. Dans ce cas-ci, je crois qu'on a un bel exemple. Lorsqu'on parle de la santé au travail, on sait tous les organismes qui existent, et les lois, les dispositions réglementaires et législatives qui existent et qui viennent préciser cette obligation pour l'employeur de protéger la santé de ses employés. C'est la même chose en matière de sécurité. Lorsqu'on parle de la dignité du salarié, cette dignité, pour moi, est le principe peut-être le plus fondamental, parce que, lorsqu'on parle de l'être humain, on parle avant tout de sa dignité d'être humain comprenant... Pour moi, la dignité comprend la santé et la sécurité. Mais mieux vaut l'exprimer comme il l'est présentement dans le principe.

Mais il demeure que cette dignité du salarié peut comprendre, certainement, des éléments concernant le respect des droits et des libertés qu'on retrouve dans la Charte des droits et des libertés, et qu'on retrouve en application par un tribunal des droits qui, comme vous le savez maintenant, est actif et fait respecter ces droits et ces libertés. Alors, dans ce contexte-là, M. le Président, ce qu'il est important de retenir, c'est que les principes que nous retrouvons dans le Code civil sont ensuite en application dans des situations particulières par des lois, par une réglementation qui est particulière dans chaque cas.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. S'il n'y a pas d'autres commentaires, l'article 2067 est donc adopté tel qu'amendé.

M. Rémillard: M. le Président, l'article 2078 du projet est modifié par la suppression, aux 2e et 3e lignes du premier alinéa, de ce qui suit: ", d'une manière qui soit préjudiciable à l'employeur,". L'amendement vise à éviter que les obligations de loyauté et de discrétion du salarié ne soient interprétées comme ne valant qu'occasionnellement. En raison de cet amendement, l'article 2078 se lirait comme suit:

"Le salarié, outre qu'il est tenu d'exécuter sort travail avec prudence et diligence, doit agir avec loyauté et ne pas faire usage de l'information à caractère confidentiel qu'il obtient dans l'exécution ou à l'occasion de son travail. "Ces obligations survivent pendant un délai raisonnable après la cessation du contrat."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Vous pouvez peut-être nous lire l'amendement à l'article 2079, M. le ministre?

M. Rémillard: M. le Président, je vais vous demander juste une petite minute. Je voudrais éclaircir juste une petite chose.

M. le Président, c'est parce que je m'interrogeais. J'avoue que je m'étais déjà interrogé sur cet article que je trouve très important parce qu'il est question de vie privée, de différents éléments. Je m'interrogeais sur le sens du deuxième alinéa, sa portée. Lorsqu'on dit: "Ces obligations survivent pendant un délai raisonnable après la cessation du contrat." J'imaginais différents scénarios, comme, par exemple, le ou la secrétaire qui travaille dans un bureau médical et qui est en contact avec des dossiers médicaux. Si elle cesse son emploi à cet endroit-là, est-ce que, en interprétant ce deuxième alinéa, ça lui donne possibilité de ne plus être liée par un secret? Elle n'est pas de la profession, donc elle n'a pas la confidentialité du secret professionnel - elle ou lui. Bien sûr, on va me dire qu'il y a le respect de la vie privée qui est garanti par la Charte et qu'elle est obligée au respect de la vie privée. Mais je me demande quelle peut être la portée de ce deuxième alinéa. Je vous avoue, M. le Président, que je m'interroge un petit peu.

Le Président (M. Lafrance): Oui. Me Masse, ou Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, justement, je me demandais comment appliquer, par exemple, cette disposition à des cas précis. J'avais en tête M. Jean Deschamps, l'ex-président-directeur général de la RIO qui était allé témoigner en faveur de la compagnie Laval in dans le différend qui oppose cette compagnie actuellement à la RIO à l'égard du contrat du toit du Stade. Il est bien évident que c'étaient là des informations qui avaient été recueillies à l'occasion, ou dans l'exécution du travail. Étaient-ce là des informations à caractère confidentiel? Bon, il y a toute une appréciation à faire.

Mais, il faut, j'imagine, comprendre 2078 dans le contexte, par exemple, où ces informations... Dans la mesure où ces informations révéleraient une atteinte aux droits de la personne, est-ce qu'on pourrait reprocher aux salariés d'en faire usage ou de les rendre publiques? Pensons, par exemple, à un salarié qui est informé, dans le cadre de son travail, qu'il y a systématiquement une politique de l'entreprise pour éviter d'embaucher des Noirs, ou pour éviter d'embaucher des homosexuels, ce qui irait à rencontre de la Charte. Ce sont des motifs interdits de discrimination dans la Charte. Alors, j'imagine que ça a beau être une information à caractère confidentiel obtenue dans l'exécution ou à l'occasion du travail, mais, à ce moment-là, pourrait être invoqué le motif de l'intérêt public pour que ces informations aient été communiquées, par exemple, aux médias.

M. Rémillard: Dans un cas pareil, j'ai l'impression quand même, M. le Président, pour me référer au cas que vient de citer Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, que l'employé qui est conscient d'une politique qui est illégale a le devoir de dénoncer cette illégalité. C'est son devoir le plus fondamental de citoyen, s'il considère... Et il n'y a pas de secret professionnel, ou quelque obligation que ce soit qui peut l'empêcher de faire part de l'illégalité comme telle.

Mme Harel: Mais ça peut être aussi, simplement, sans que ce soit l'illégalité, ce qui peut facilement, à ce moment-là, se justifier, mais ça peut être tout simplement révéler un état de situation.

M. Rémillard: Un élément d'enquête.

Mme Harel: Un état d'une situation, par exemple, systémique, c'est-à-dire qui n'est pas nécessairement voulue par une politique de l'entreprise, mais qui est obtenue par une combinaison de facteurs.

M. Rémillard: Est-ce qu'on peut demander à Mme Longtin de nous faire part de ses commentaires, si elle peut nous rassurer?

Le Président (M. Lafrance): Oui, Me Longtin.

Mme Longtin: M. le Président, d'une part, je pense que la question est très importante, et il est peut-être difficile d'y répondre globalement, à brûle-pourpoint. Je dirais cependant, en ce qui concerne l'aspect de la confidentialité, lorsqu'il y a une personne qui est en cause - et dans l'exemple que vous avez mentionné, M. le ministre, l'infirmière - je crois qu'il ne faut pas...

M. Rémillard: Excusez-moi, pas l'infirmière.

Mme Longtin: C'est-à-dire la secrétaire qui a accès au dossier.

M. Rémillard: Parce que, pour l'infirmière, il y a un secret professionnel, il y a tout le Code des professions, il y a quelque chose de par-

ticulier.

Mme Longtin: Oui, sauf que je pense qu'il ne faut pas non plus négliger la nouvelle formulation de l'article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne par rapport à ce qu'est le secret professionnel dans les corporations professionnelles, puisque l'article 9 l'exprime comme un droit de la personne qui fait la confidence, et non pas strictement comme une obligation du professionnel de maintenir le secret sur la confidence qui lui est faite.

Et donc, de ce fait-là, ce droit et l'obligation qui en résulte pour l'autre partie s'étendent aussi à l'employé puisque, de toute façon, l'employeur serait responsable si son employé divulguait quelque chose que lui-même ne peut pas divulguer. Il y aurait une faute. Et, au-delà de la fin de l'emploi, c'est certainement... ça subsiste, et ça subsistera aussi, je pense, en raison des obligations qui sont faites par la Charte de respecter la réputation, la vie privée, la sécurité, l'intégrité, etc. (11 heures)

M. Rémillard: Ça va, vos explications valent très bien dans la mesure où il y a le contrat et que le contrat s'applique, mais ici on fait référence au contrat qui se termine après l'emploi. Moi, M. le Président, je ne sais pas si les autres membres de cette commission seraient d'accord, mais je trouve qu'il y a une question qui est là, et qu'il vaudrait mieux suspendre cet article, et qu'on le regarde plus à fond. J'avoue que ça mérite plus de réflexion, cet article-là, sur sa réelle portée pour le respect de la vie privée, et pour d'autres considérations aussi.

Le Président (M. Lafrance): Oui, M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: Bien, vu que l'article est suspendu... J'allais mentionner le cas des fonctionnaires fédéraux qui sont maintenant en conflit de travail avec leur employeur, et qui ont juré de lui faire la vie dure de toutes les façons, de tous côtés. Je me demande si c'est couvert par l'article? Est-ce que, s'il y a un contrat, ça ne serait pas couvert, à ce moment-là? Oui... c'est plutôt après que le contrat est terminé que-Actuellement, les fuites qu'il pourrait y avoir, ça ne serait pas couvert par cet article-là.

Mme Harel: Premier alinéa.

M. Holden: Si on sait qui a fait la fuite, il va terminer son contrat bien vite.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lafrance): Me Masse.

M. Masse (Claude): Juste une parenthèse, M. Kehoe. Les relations de travail entre le gouver- nement du Canada et ses fonctionnaires, de même que les contrats de travail, sont sous la juridiction unique du gouvernement du Canada.

M. Kehoe: Non, mais, j'allais dire si la même chose se produisait ici, au Québec; mettons que, par un conflit de travail, ça deviendrait une situation similaire ici, dans la province, avec des...

M. Masse: On appliquerait le Code civil et la Loi sur la fonction publique. Mais ça pourrait être vu comme une atteinte à la loyauté que doit l'employé à son employeur et, dans ce cas-là, il y a, en plus, une dimension d'intérêt public, dans la plupart des cas. Mais je voulais simplement dire, au sujet de l'article 2078, que nous avons travaillé, depuis maintenant quelques jours, sur cette disposition-là, dans le cadre où les informations que détiendrait le salarié portent sur l'employeur. Et je dois dire que la discussion de ce matin, qui m'apparatt extrêmement intéressante, éclaire une perspective d'information sur des clients, par exemple, ou sur des dossiers confidentiels de tiers. Je pense, effectivement, qu'on devrait suspendre pour pouvoir arrimer un peu mieux cette disposition. Mais, essentiellement, il faut bien comprendre qu'on est en matière de contrat de travail, donc dans les relations entre un employeur et un ou des salariés et, effectivement, les perspectives impliquant des tiers sont des éléments nouveaux et je pense qu'on devrait suspendre.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Masse. Alors, l'article 2078 est donc laissé en suspens. J'aimerais appeler l'article 2079.

M. Kehoe: M. le Président, il y a un amendement proposé à l'article 2079. L'article 2079 du projet est modifié: 1° par la suppression, au premier alinéa, de ceci: ", en son propre nom,"; 2° par la suppression, au deuxième alinéa, de ce qui suit: "sans pour autant porter atteinte à la capacité de gain du salarié"; 3° par la suppression du troisième alinéa.

Commentaire: Le premier amendement vise à clarifier la portée de la règle car, quel que soit le nom sous lequel il agit, le salarié peut être tenu de ne pas faire concurrence. Le deuxième amendement supprime la notion d'atteinte à la capacité de gain. Par nature, la stipulation porte atteinte à la capacité; son caractère légitime devrait naturellement découler des autres critères indiqués. Le troisième amendement supprime l'expression d'une règle qui paraît inutile, vu les règles usuelles quant à la charge de la preuve. En raison de ces amendements, l'article 2079 se lirait comme suit: "Les parties peuvent, par écrit et en termes exprès, stipuler que, même après la fin du contrat, le salarié ne pourra faire concurrence à l'employeur ni participer à quelque titre que ce

soit à une entreprise qui lui ferait concurrence.

Toutefois, cette stipulation doit être limitée, quant au temps, au lieu et au genre de travail, à ce qui est nécessaire pour protéger les intérêts légitimes de l'employeur."

Le Président (M. Lafrance): Alors merci, M. le député de Chapleau. Oui, M. le député de Westmount.

M. Holden: Est-ce qu'on peut savoir pourquoi on a supprimé le troisième alinéa? Je trouve que ça avait bien du bon sens, cet alinéa-là. Je sais que ça cause des problèmes aux employeurs, mais c'est quand même plus juste pour l'employé.

M. Kehoe: C'est parce que c'est strictement une question de preuve.

M. Holden: Le fardeau de la preuve.

M. Kehoe: Oui, le fardeau de la preuve était sur l'employeur, et là on a supprimé ça; c'est une question, pour les deux parties, de faire la preuve.

M. Holden: Mais j'aurais préféré voir le fardeau de la preuve sur l'employeur plutôt que sur l'employé; c'est beaucoup plus juste.

M. Kehoe: De toute façon, dans les faits, M. le député, ça va être l'employeur qui va poursuivre et c'est lui qui aura le fardeau de prouver.

M. Holden: Oui, mais établir la justification en temps et en distance, et tout, avant même que le défendeur doive faire sa preuve, ça serait, pour moi, un fardeau plus lourd sur l'employeur et je trouve... Parce que j'en ai plaidé, des causes de ce genre, et c'est beaucoup plus difficile pour le défendeur de prouver que le contrat est injuste du point de vue temps, etc.

M. Kehoe: Je comprends votre point de vue, mais dans les faits il reste quand même que, si l'employeur allègue des faits, il faut qu'il les prouve. C'est dans ce sens-là que...

M. Holden: Non, mais c'est la justification du contrat. Si j'ai bien compris, le troisième alinéa, ça veut dire que, quand l'employeur vient avec son injonction, il doit prouver d'abord que les questions de temps et de distance sont raisonnables, avant même de prouver que l'employé a enfreint le contrat. C'est ça que j'ai compris. Est-ce que c'est à cause des pressions des employeurs qu'on a supprimé le troisième alinéa?

M. Kehoe: Absolument. C'était la discussion entre les experts des deux côtés. Ils ont jugé que, vu que l'employeur a le fardeau de prouver ce qu'il allègue dans sa poursuite, que ce soit une injonction ou d'autres procédures judiciaires, ça incombe à l'employeur de faire la preuve de ce qu'il allègue et, à ce moment-là, on a trouvé que ce n'était pas nécessaire.

M. Holden: Mais ça serait quand même un petit élément qui favoriserait un peu l'employé, qui est presque toujours la partie faible dans une situation pareille. Je suis d'accord avec vous, M. le député de Chapleau, qu'on doit prouver les faits.

M. Kehoe: Oui.

M. Holden: Mais là il y a une espèce de présomption contre l'employeur quant à la validité de cette clause-Jà qu'il faut surmonter avant même d'aller devant le tribunal pour dire: Bon, il a enfreint les règles. Moi, j'ai plaidé une cause l'autre jour, où on avait dit: Dans le monde, pendant 25 ans, le gars ne peut pas vendre de la papeterie. Je trouve que c'était une affaire incroyable comme contrat, mais il a signé le contrat et là c'est à lui de prouver que ça n'a pas de bon sens. Ça se fait, mais j'aurais préféré voir le troisième alinéa tel quel.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Mme Harel: M. le ministre.

M. Holden: Ça me surprend que la députée de Hochelaga-Maisonneuve ait été d'accord pour le supprimer.

Le Président (M. Lafrance): Non, mais il y a Mme la députée de Terrebonne, aussi, qui a signifié qu'elle aimerait apporter un commentaire.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Moi aussi, j'ai beaucoup d'interrogations sur cet article-là parce que, même s'il incombe à l'employeur de prouver, dans la plupart des cas, le problème se situe au moment où le contrat est signé. Parce que, quand on signe le contrat, on empêche l'employé d'opérer dans une entreprise concurrente ou de partir sa propre entreprise dans une limite - souvent, on parie de 50 kilomètres; ça peut même être plus étendu - et on donne souvent des temps excessifs. Vous pariez de 25 ans, mais c'est rare qu'on ait un contrat en bas de cinq ans. Avec la mobilité de personnel qu'on a maintenant, je trouve que c'est très long. Moi aussi, je pense que la situation... L'employé est vraiment en situation de faiblesse par rapport à l'employeur et il est prêt, à ce moment-là, à signer pour avoir le contrat. Mais il doit vivre avec après et, pour l'employeur, c'est très facile de dire que l'employé avait signé en toute connaissance de cause.

Le Président (M. Lafrance): M. le ministre, désirez-vous commenter tout de suite?

M. Rémillard: Non, après.

Le Président (M. Lafrance): Vous aimez mieux attendre. Oui. Mme la députée de Hochela-ga-Maisonneuve.

Mme Harel: Écoutez, M. le Président, je pense qu'il faut remercier le député de Westmount de nous inviter à peut-être plus de réflexion sur cette disposition. Évidemment, on comprend que c'est celui qui fait la réclamation à qui incombe le fardeau de la prouver, mais il y a peut-être lieu d'examiner ça de plus près. Et puis, moi, je souhaiterais qu'on puisse suspendre pour un examen plus approfondi, compte tenu, là, de l'intervention des députés membres de cette commission.

Le Président (M. Lafrance): Merci.

M. Holden: II faudrait dire ça au député de D'Arcy-McGee, eh!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lafrance): M. le ministre.

M. Rémillard: Oui, M. le Président, le député de Westmount a, en effet, soulevé un élément qui peut être important et ça mérite qu'on se penche de nouveau sur cette question pour trouver un juste équilibre. La solution qu'on nous propose, c'est qu'il y ait possibilité d'ouvrir le contrat. Donc, celui qui rouvre le contrat a le fardeau de la preuve à démontrer. Et le concept d'intérêt légitime de l'employeur, normalement, pourrait nous amener à croire que c'est l'employeur qui a le fardeau de la preuve, d'une façon implicite, pour démontrer que ce n'est pas légitime, ou que c'est légitime si c'est lui qui l'ouvre. Cependant, à ce fardeau de la preuve, dans les faits et d'une façon implicite... Parce qu'il faut bien le réaliser; regardons comment ça se passerait. On dit: II vaudrait peut-être mieux mentionner expressément que le fardeau de la preuve appartient à l'employeur, directement. Moi, je dis, M. le Président, que le texte qu'on nous propose en arrive à ce résultat-là. Maintenant, je comprends les interrogations de cette commission et je suis prêt à suspendre cet article, et à proposer que nous suspendions nos travaux pour une pause santé, en même temps.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, l'article 2079 est donc laissé en suspens. Et, sur cette recommandation, j'aimerais suspendre nos travaux pour 10 minutes, en vous demandant de revenir effectivement, dans 10 minutes, puisqu'il nous reste seulement, grosso modo, une heure et quinze minutes de travail. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 13)

(Reprise à 11 h 43)

Le Président (M. Lafrance): Nous allons reprendre nos travaux en demandant, peut-être, à M. le député de Chapleau de nous lire les trois amendements qui suivent, à 2082, 2083 et 2084.

M. Kehoe: Oui, M. le Président. L'amendement proposé à l'article 2082 se lit comme suit: Le projet est modifié: 1° par le remplacement, à la 1re ligne du 1er alinéa, des mots "a droit à" par les mots "ne peut renoncer aux droits qu'il a d'obtenir"; 2° par la suppression, au 1er alinéa, des mots "; l'indemnité est calculée en tenant compte, entre autres, de la durée de la prestation de travail"; 3° par la suppression du 2e alinéa.

Les amendements proposés visent à éviter de donner l'impression que le droit énoncé n'existe que pour le salarié; l'article amendé énonce clairement que la protection octroyée au salarié vise la renonciation au droit d'obtenir une indemnité. En raison de ces amendements, l'article 2082 se lirait comme suit: "Le salarié ne peut renoncer au droit qu'il a d'obtenir une indemnité en réparation du préjudice qu'il subit, lorsque le délai de congé est insuffisant ou que la résiliation est faite de manière abusive."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le député. Est-ce que vous êtes en mesure de nous lire l'amendement proposé à 2083?

M. Kehoe: Oui, à l'article 2083, l'amendement proposé: Le projet est modifié par le remplacement du 2e alinéa de l'article 2083 par le suivant: "Le décès de l'employeur peut aussi, suivant les circonstances, y mettre fin."

Commentaire: Devant l'ambiguïté soulevée par cet article et aussi par la difficulté d'évaluer le degré d'inaptitude de l'une ou de l'autre des parties, cette question d'inaptitude est laissée au régime général de la résiliation instauré par les articles 2081 et 2084. En raison de cet amendement, l'article 2083 se lirait comme suit: "Le décès du salarié met fin au contrat de travail. "Le décès de l'employeur peut aussi, suivant les circonstances, y mettre fin."

Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Est-ce que ce serait possible d'avoir certaines précisions, dans le deuxième alinéa, "suivant les

circonstances"? À quelles circonstances fait-on allusion?

M. HoWen: Si tu meurs, ton attaché politique va perdre...

Des voix: Ha, ha, ha! Mme Caron: Au fédéral...

M. Kehoe: II est très difficile de donner des exemples précis, mais, comme on dit, ça dépend des circonstances. Admettons que vous êtes employeur d'un cuisinier et que l'employeur meurt. Qu'est-ce que vous voulez? À ce moment-là, c'est assez difficile de préciser exactement. C'est dans des termes assez généraux, mais ça dépend des circonstances.

Mme Caron: Ce serait surtout lorsque le lien est direct entre l'employeur et l'employé, finalement, un lien personnel.

M. Kehoe: Mais c'est justement. C'est un lien personnel entre l'employeur et l'employé lorsque ça arrive, à ce moment-là.

Mme Caron: Merci.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Est-ce que vous êtes en mesure de nous lire l'amendement proposé à 2084?

M. Kehoe: Oui. L'article 2084 du projet est modifié par le remplacement du mot "avis" par "préavis*. Le commentaire: Par souci de cohérence terminologique, le terme "avis" est remplacé par "préavis", qui signifie "délai de congé". En raison de cet amendement, l'article 2084 se lirait comme suit: "Une partie peut, pour un motif sérieux, résilier unilatéralement et sans préavis le contrat de travail."

Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: C'est un autre exemple qu'il y a du travail à faire sur le texte anglais.

M. Holden: ...était déjà là.

Le President (M. Lafrance): Alors, est-ce qu'il y a des commentaires sur les articles 2080 à 2086 inclusivement, incluant 2082, 2083 et 2084 tels qu'amendés? Oui, Me Masse.

M. Masse: Nous attendons Mme Harel, M. le Président. Nous avons un amendement à suggérer, l'ajout d'un nouvel article qui serait l'article 2086.1. On peut très bien adopter ce que nous avons devant nous pour le moment, mais sous réserve de l'amendement que nous allons déposer tantôt.

Le Président (M. Lafrance): Alors, l'article 2080 est adopté tel quel, de même que l'article 2081. Les articles 2082, 2083 et 2084 sont adoptés tels qu'amendés. Les articles 2085 et 2086 sont adoptés tels quels, avec la réserve qu'on veut proposer l'addition, si j'ai bien compris, d'un nouvel article 2086.1.

M. Kehoe: M. le Président, je tiens à souligner que les articles 2078 et 2079 sont suspendus, n'est-ce pas?

Le Président (M. Lafrance): Exact. M. Kehoe: C'est ça.

Le Président (M. Lafrance): Tels qu'amendés.

M. Kehoe: D'accord.

Le Président (M. Lafrance): Les amendements avaient été lus.

M. Kehoe: Puis, si je comprends, il y a un ajout à 2086, 2086.1, c'est ça?

Le Président (M. Lafrance): Oui, l'Opposition a signifié qu'elle aimerait proposer l'ajout de 2086.1.

Mme Caron: Mme Harel désire déposer un amendement. Alors, il va falloir attendre son retour...

Le Président (M. Lafrance): Je pense qu'on peut quand même continuer...

Mme Caron: ...pour déposer cet amendement.

Le Président (M. Lafrance): ...et permettez-moi, étant donné qu'on approche du chapitre huitième, de vous lire le texte d'introduction à ce chapitre qui traite du contrat d'entreprise ou de service.

Du contrat d'entreprise ou de service

Le contrat d'entreprise, ou tel que désigné par le Code civil du Bas Canada "de l'ouvrage par devis et marché", comportait des limites étroites et envisageait principalement la construction de structures ou d'immeubles. Or, les progrès techniques et la spécialisation ont fait naître plusieurs nouveaux types d'entreprises. Il fallait donc compléter ces dispositions pour refléter la réalité industrielle et scientifique actuelle.

Aussi, le contrat de travail et le contrat d'entreprise dont nombre d'éléments sont déjà codifiés en droit actuel ne couvrent pas tout le

travail humain. Ils ne couvrent pas non plus tout le travail pour autrui, notamment celui des travailleurs autonomes ou indépendants, professionnels, techniciens ou artisans oeuvrant dans le secteur des services. Ce contrat, qui lie une partie à celle qui procure un service, n'était pas réglementé par le Code et il était souvent difficile de déterminer, dans nombre de cas, la nature du contrat. Cependant, dans un monde où le secteur des services croît de façon constante, il est apparu impérieux de réglementer ce nouveau type de contrat.

Ainsi, la principale nouveauté consiste à regrouper en un seul chapitre les contrats d'entreprise et de service. Désormais, le projet réfère à l'entrepreneur pour la partie qui réalise un ouvrage et au prestataire de services pour la partie qui procure un service. Le projet englobe autant l'activité intellectuelle que l'activité matérielle, et il donne un cadre plus général aux dispositions du Code civil du Bas Canada qui ne visait nommément que les ouvriers, domestiques, bijoutiers et voituriers.

Le projet maintient, sous réserve de la disponibilité qu'ils ont de se libérer, le principe de la responsabilité solidaire de l'entrepreneur, de l'architecte et de l'ingénieur participant à l'ouvrage, pour la perte de celui-ci. Ce maintien vise à assurer une certaine protection au client, puisque celui-ci n'est généralement pas en mesure d'établir le lien de causalité entre la perte et l'acte de l'un ou l'autre des intervenants.

Ce chapitre réunit donc les articles qui réglementent le contrat d'entreprise et le contrat de service, en raison des nombreuses dispositions qui s'appliquent à ces deux espèces de contrats. Le projet a cependant conservé des règles particulières pour les ouvrages et établi des dispositions plus spécifiques pour les ouvrages immobiliers ou mobiliers complexes.

Mme Harel: Alors, M. le Président...

Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Oui. Alors, avant que nous nous engagions dans l'étude de l'article 2087, je voudrais présenter un projet d'amendement qui se lirait comme suit: Introduire le nouvel article suivant à 2086.1.

M. Kehoe: Mme la députée, je me demande si vous pouvez attendre l'arrivée du ministre; il s'en vient tout de suite, il est juste parti pour quelques minutes. Tout de suite à son arrivée, on pourra discuter de l'amendement.

Le Président (M. Lafrance): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, est-ce que vous avez un texte écrit de cette proposition d'amendement?

Mme Harel: Certainement, oui.

Le Président (M. Lafrance): On pourrait peut-être le distribuer en attendant.

Mme Harel: Certainement. Je ne sais pas si j'en ai des copies; je vais m'en garder une.

Le Président (M. Lafrance): Alors, pour les fins du procès-verbal de nos délibérations, est-ce que vous êtes en mesure de nous lire cette proposition de texte?

Mme Harel: On va peut-être attendre la venue du ministre.

M. Kehoe: Attendre l'arrivée du ministre.

Le Président (M. Lafrance): Certainement. Alors, j'aimerais, en conséquence, proposer peut-être...

Mme Harel: À moins que...

Le Président (M. Lafrance): ...de continuer nos travaux en appelant les articles suivants, les articles, donc, de la section I du chapitre huitième qui traite de la nature et de l'étendue du contrat, soit les articles 2087, 2088 et 2089.

M. Kehoe: II y a un amendement à l'article 2089. Le projet est modifié par le remplacement de l'article 2089 par le suivant: "L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat. "Lorsqu'ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure."

Commentaire: L'amendement a pour but d'assouplir la règle qui exprimait l'intensité de l'obligation des entrepreneurs et prestataires de services, car il est certains contrats d'entreprise dans lesquels les aléas sont tels que l'obligation de l'entrepreneur est plutôt une obligation de moyens, et il existe des services qui sont si simples et si sûrs que la conclusion s'imposerait que l'obligation du prestataire est une obligation de résultat. En raison de cet amendement, l'article 2089 se lirait comme suit: "L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.

"Lorsqu'ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure."

Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, M. le député de Chapleau. Est-ce qu'il y a des commentaires sur ces articles 2087, 2088 et 2089 tel qu'amendé?

Mme Harel: Juste une seconde, M. le Président.

M. Rémillard: M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Oui, M. le ministre.

M. Rémillard: Excusez-moi.

Le Président (M. Lafrance): Oui, nous en sommes présentement à 2087, 2088 et 2089 tel qu'amendé, et on avait convenu de revenir sur cette proposition d'article 2086.1.

Mme Harel: M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. (12 heures)

Mme Harel: Mon Dieu, je m'interroge sur le deuxième alinéa de l'amendement qui nous est présenté à 2089, et je m'intéresse aux circonstances lors desquelles l'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus du résultat. Alors, je souhaiterais que ce soit enregistré dans nos débats. Peut-on expliciter les cas où ils seront tenus du résultat et où Hs ne pourront se dégager de leurs responsabilités qu'en prouvant la force majeure?

M. Rémillard: Je vais demander à Me Pineau de nous faire part de ses commentaires.

Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, il s'agirait de l'hypothèse où l'entrepreneur est appelé à s'engager à construire un immeuble, par exemple. On s'attend à un résultat, la construction de tel immeuble prévu, et on s'attend aussi de l'architecte qu'9 fournisse des plans qui permettent à l'entrepreneur de réaliser l'ouvrage en question. Et, effectivement, la fourniture de ces plans, c'est un résultat et c'est cela que vise l'article 2089. Il en est de même de l'ingénieur qui fournit ses propres plans.

Mme Harel: Ce serait donc au tribunal à apprécier à ce moment-là.

M. Pineau: C'est cela. La classification: obligation de résultat, obligation de moyens est une classification qui, théoriquement, est extrê- mement utle, qui, théoriquement, paraît simple, mais qui, dans les faits, n'est pas nécessairement simple car il est bien souvent, il est parfois difficile de dire si on s'engage à un résultat ou si on s'engage seulement à prendre des moyens. Si je m'engage à donner un cours sur la théorie des obligations, le résultat, c'est le cours sur la théorie des obligations. Mais je ne m'engage pas à autre chose, à un autre résultat que celui-là. Je dois prendre tous les moyens qu'un professeur normalement prudent et avisé doit prendre pour essayer d'aboutir à faire comprendre aux étudiants ce qu'est la théorie générale des obligations. Donc, c'est un moyen dans ce cas-là.

Mme Harel: Tandis que dans la rédaction initiale de l'article 2089, au premier alinéa, on y retrouvait une obligation de résultat qui était plus explicitement, donc, prescrite. Alors, là, si je comprends bien, avec l'amendement, maintenant, l'entrepreneur et le prestataire sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. La garantie, c'est tout simplement que l'ouvrage soit conforme au contrat. Et la rédaction fait en sorte que l'appréciation de l'obligation de résultat ou de moyens sera laissée au tribunal. Est-ce que c'est ça qu'il faut comprendre?

M. Pineau: M. le Président, dans le premier alinéa de l'article 2089, tel qu'il était rédigé, il était dit que l'entrepreneur était tenu de réaliser l'ouvrage et de garantir que l'ouvrage était conforme au contrat. L'expression "il est tenu de garantir* pouvait prêter à confusion en ce sens qu'on aurait pu penser à l'existence d'une obligation de garantie qui ne supposait aucun moyen de libération, pas même la preuve de force majeure. Alors, l'article 2089, tel que proposé dans son amendement...

Mme Harel: II s'assure.

M. Pineau: ...se veut plus clair et on vise l'obligation de moyens lorsqu'il est dit que l'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus de fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art - c'est la référence à l'obligation de moyens - et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat. Cela fait référence au résultat attendu compte tenu de ce qui est prévu au contrat. Quant au deuxième alinéa, il précise que, lorsque l'entrepreneur ou le prestataire de services se sont engagés à une obligation de résultat, ils doivent prouver force majeure pour pouvoir être exonérés de responsabilités.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Pineau. Me Masse, est-ce que vous désirez apporter un commentaire supplémentaire?

M. Masse: Je dois signaler, M. le Président, que la nouvelle version telle que modifiée, telle qu'amendée de l'article 2089 serait, si les députés l'adoptent ainsi, une très nette amélioration par rapport au projet de loi 125 et surtout par rapport à l'avant-projet de loi. Depuis trois ans, les légistes ont essayé de rendre l'entrepreneur responsable d'une obligation de résultat alors que le prestataire de services serait responsable d'une obligation de moyens seulement. À l'expérience et suite aux réflexions essentiellement du Barreau du Québec et de la Chambre des notaires, il s'est avéré que cette distinction, pour les motifs signalés par M. le professeur Pineau, est impraticable. Certains entrepreneurs sont tenus à une obligation de résultat ou ils sont en général tenus à une obligation de résultat, mais on peut voir un grand nombre de situations où ils seraient tenus à une obligation de moyens. Et ce qui se passe, c'est qu'actuellement la doctrine québécoise permet de distinguer entre les situations complexes de l'obligation de résultat et de l'obligation de moyens, de sorte que la seule façon d'en sortir, c'était de ne pas couler dans le béton à l'avance le fait que l'entrepreneur a une obligation de résultat et que le prestataire de services a une obligation de moyens, mais de permettre aux tribunaux de distinguer selon les règles actuelles. Je dois signaler de ce côté-là qu'après trois ans d'évolution les légistes du ministère ont fait une évolution significative dans un sens qui nous apparaît régler l'ensemble des inquiétudes du Barreau du Québec, inquiétudes justifiées, et de la Chambre des notaires.

Le Président (M. Lafrance): Merci. M. Rémillard: M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Oui, M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, on a là un exemple, comme nous en avons eu depuis le début de nos travaux, de situations qui ne sont pas faciles, de situations qui sont, par contre, très importantes dans l'évolution d'une société. Nous avons fait beaucoup de consultations, de réflexions sur cet article qui, depuis plusieurs années, pas simplement les trois dernières années, depuis plusieurs années, était en discussion, en gestation, et, finalement, l'obligation de résultat, l'obligation de moyens, le juste équilibre, puisque c'est toujours le principe qui nous guide, nous le trouvons dans cette rédaction que nous proposons aujourd'hui, M. le Président, en donnant la possibilité à nos tribunaux d'apprécier la situation. Et, là encore, je trouve qu'on se réfère à un principe qui doit nous guider dans la réforme du Code civil; plutôt que d'essayer de tout prévoir, d'établir des règles tellement rigides que, finalement, on risque de dénaturer la réalité, on laisse la possibilité au tribunal d'apprécier la situation. Ce que nous proposons donc aujourd'hui est conforme en fonction des commentaires qu'on nous a faits à différents égards et, je crois aussi, en fonction de la recherche de ce juste équilibre qui est notre première préoccupation dans la réforme de ce Code civil.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, les articles 2087 et 2088 sont donc adoptés tels quels et l'article 2089 est adopté tel qu'amendé.

J'aimerais maintenant vous proposer de revenir à l'article 2086.1 que nous avions momentanément laissé en suspens en demandant à Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve de bien vouloir nous lire l'amendement tel que proposé.

Mme Harel: Alors, l'amendement se lit comme suit à l'article 2086.1 : "L'aliénation, la concession ou la transmission de tout ou partie de l'entreprise ou la modification de sa structure juridique par fusion ou autrement ne met pas fin au contrat de travail. Ce contrat lie l'ayant cause de l'employeur."

Il faut comprendre, M. le Président, que cet amendement vient réintroduire dans le projet de loi une disposition qu'on retrouvait - oui, c'est ça - à l'avant-projet de loi, à l'article 2156. Alors, cet avant-projet, qui a été déposé par le prédécesseur du ministre, en 1987, à l'article 2156, contenait une disposition similaire à celle de l'amendement. Et, M. le Président, pour avoir été responsable de la révision de la Loi sur les normes du travail pour l'Opposition l'an dernier, je dois vous dire que j'ai été, finalement, sensibilisée à ces bouleversements que connaît présentement le monde économique, une concentration d'entreprises, des fusions d'entreprises, des bouleversements très, très, très considérables; nous en sommes au coeur présentement. Je relisais les dispositions 96 et 97 qui sont contenues dans la Loi sur les normes du travail et ces dispositions restent malgré tout assez restrictives. Je souhaitais que notre droit commun puisse contenir une disposition de cette nature qui, avait déjà été, d'ailleurs, envisagée par le législateur.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la députée. M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, de fait, il était de mon intention de soulever, à un moment donné, cette question pour que nous puissions en discuter ici en commission parlementaire. On nous présente un amendement. M. le Président, je pense qu'on pourrait suspendre cet article. Nous en sommes toujours à des consultations, j'ai d'autres consultations à faire, et on pourrait suspendre et revenir plus tard sur cet article,

après mûre réflexion et consultation. Mais je ne suis pas du tout contre un tel article au départ et je ne suis pas pour, M. le Président. Bien au contraire, nous allons y réfléchir.

Le Président (M. La trance): Merci, M. le ministre. Oui, M. le député de Westmount.

M. Holden: Merci, M. le Président. Est-ce que le ministre peut nous dire si la consultation, ça va être avec les mêmes personnes, les mêmes organisations ou...

M. Rémillard: Dans ce domaine-là, M. le Président, tout d'abord, j'ai certainement mes collègues qui sont directement touchés, par les ministères dont ils ont la responsabilité, et aussi les intervenants juridiques premiers. Déjà, la Chambre des notaires nous a fait part de ses commentaires, mais je ne vois pas de commentaires, je n'ai pas reçu, je crois, sur ce point spécifique, des commentaires du Barreau. Ensuite, consulter aussi peut-être d'une façon un petit peu...

M. Holden: La Chambre de commerce. M. Rémillard: ...plus large... M. Holden: Oui.

M. Rémillard: ...une consultation un petit peu plus large. Nous sommes à voir à cette consultation-là, à procéder à cette consultation.

M. Holden: Le Conseil du patronat et d'autres.

M. Rémillard: Tous ces gens...

M. Holden: Je crois que c'est important.

M. Rémillard: ...de bonne volonté, les syndicats, le patronat. En fait, tous ces gens de bonne volonté qui veulent, comme nous, un juste équilibre de notre société.

M. Holden: Je vois dans l'amendement un paquet de problèmes du point de vue employeur. Alors, j'aimerais bien que ce soit une consultation avec les syndicats, mais aussi avec le Conseil du patronat.

M. Rémillard: Oui, M. le Président, bien sûr. Parce que, d'une part, l'employé ne doit pas être à la merci de l'employeur quand cet employeur change ou pas, mais, d'autre part, on doit prendre en considération aussi l'employeur nouveau, c'est-à-dire celui qui achète une nouvelle entreprise et qui aimerait mettre en place son équipe de gestion pour pouvoir donner un souffle nouveau ou procéder autrement parce qu'il se rend compte que cette entreprise ne peut pas fonctionner. Alors, il y a différentes considérations, M. le Président. Je pense qu'il vaut mieux suspendre et revenir plus tard sur ce principe.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve.

Mme Harel: Oui. Là, M. le Président, il faut bien comprendre qu'un employeur a des droits de gérance et il peut toujours mettre fin à un contrat de travail. Mais l'amendement qui est introduit est à l'effet qu'il ne pourrait pas invoquer l'aliénation ou la fusion pour motiver cette cessation d'emploi. D'autres motifs pourraient intervenir, mais non pas ceux, justement, qui consistent à prétendre faire cesser l'emploi de quelqu'un suite à la vente d'une entreprise. Ce ne serait pas la vente de l'entreprise qui pourrait être invoquée comme motif.

M. Holden: Je sais que, comme Steinberg qui a décidé de transférer l'opération de chaque magasin aux concessionnaires et ça a coûté des travaux, je comprends que la situation existe, mais il ne faut pas lier, non plus, les mains des commerçants.

Mme Harel: M. le Président, je pense qu'il faut insister sur le fait qu'en introduisant un amendement comme celui-là qui viendrait, dans le fond, combler une lacune importante, puisque l'acheteur se verrait transmettre le contrat de travail conclu avec l'employeur, l'acheteur se trouve, à ce moment-là, dans l'obligation, si tant est qu'il met fin à un tel contrat de travail, éventuellement de donner des préavis, de garantir à ce moment-là, peut-être, les réclamations. Déjà, les réclamations sont couvertes par la Loi sur les normes du travail. Mais l'employeur serait nécessairement tenu, à ce moment-là, s'il met fin à la cessation de l'emploi, ce qu'fl pourrait faire, il y aurait quand même là une obligation qui viendrait assurer une protection plus grande à l'employé. (12 h 15)

Le Président (M. Lafrance): Merci pour ces précisions. Donc, l'article 2086.1 est laissé en suspens. J'aimerais appeler les articles contenus dans la section II qui traitent des droits et obligations des parties, en particulier des dispositions générales applicables tant aux services > qu'aux ouvrages. J'appelle les articles 2090 à 2097 inclusivement.

M. Rémillard: Nous avons trois amendements, M. le Président. Tout d'abord, l'article 2090.1. Le projet est modifié par l'insertion, après l'article 2090 du suivant: "2090.1 L'entrepreneur ou le prestataire de services est tenu, avant la conclusion du contrat, de fournir au client, dans la mesure où les

circonstances le permettent, toute information utile relativement à la nature de la tâche qu'il s'engage à effectuer ainsi qu'aux biens et au temps nécessaires à cette fin."

M. le Président, même si l'obligation d'information peut se déduire des règles générales relatives à la nécessité que le consentement au contrat soit éclairé et que celui-ci soit exécuté de bonne foi, il paraît utile, vu la nature des contrats d'entreprise et de service, de rappeler le contenu principal de cette obligation en relation avec ces contrats. En raison de cet amendement, le texte se lirait comme suit: "L'entrepreneur ou le prestataire de services est tenu, avant la conclusion du contrat, de fournir au client, dans la mesure où les circonstances le permettent, toute information utile relativement à la nature de la tâche qu'il s'engage à effectuer ainsi qu'aux biens et au temps nécessaires à cette fin."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce que vous êtes en mesure de nous préciser les autres amendements à cette section?

M. Rémillard: Oui, M. le Président. L'article 2091. Le projet est modifié par l'ajout d'un troisième alinéa à l'article 2091, qui se lit comme suit: "II y a contrat de vente, et non contrat d'entreprise ou de service, lorsque l'ouvrage ou le service n'est qu'un accessoire par rapport à la valeur des biens fournis."

M. le Président, la source est l'article 2164 de l'avant-projet de loi. Comme commentaire, cette règle, qui était présente dans l'avant-projet, visait à régler un problème réel pratique lié à la qualification des contrats. Elle avait été omise en considération du fait que les règles habituelles de qualification des contrats devaient suffire, mais, dans la mesure où il y a controverse, il paraît utile de la codifier. En raison de cet amendement, l'article 2091 se lirait comme suit: "L'entrepreneur ou le prestataire de services fournit les biens nécessaires à l'exécution du contrat, à moins que les parties n'aient stipulé qu'il ne fournirait que son travail. "Les biens qu'il fournit doivent être de bonne qualité; il est tenu, quant à ces biens, des même garanties que le vendeur. "Il y a contrat de vente, et non contrat d'entreprise ou de service, lorsque l'ouvrage ou le service n'est qu'un accessoire par rapport à la valeur des biens fournis."

M. le Président, l'article 2092. Cet article est modifié: 1° par le remplacement, à la troisième ligne, des mots "s'ils" par "si les biens"; 2° par le remplacement, à la cinquième ligne, des mots "d'un vice, il est tenu" par les mots "d'un vice apparent ou d'un vice caché qu'il devait connaître, l'entrepreneur ou le prestataire de services est tenu"; 3° par le remplacement, à la fin, des mots "leur utilisation" par les mots "de l'utilisation des biens".

L'article proposé pouvait permettre de tenir responsable l'entrepreneur ou le prestataire pour les vices cachés des biens fournis par le client. Il paraît préférable de limiter cette obligation aux seuls vices qu'il devait, en raison de son art, connaître. Les deux autres amendements sont de nature formelle. En raison de ces amendements, l'article 2092 se lirait comme suit: "Lorsque les biens sont fournis par le client, l'entrepreneur ou le prestataire de services est tenu d'en user avec soin et de rendre compte de cette utilisation; si les biens sont manifestement impropres à l'utilisation à laquelle ils sont destinés ou s'ils sont affectés d'un vice apparent ou d'un vice caché qu'il devait connaître, l'entrepreneur ou le prestataire de services est tenu d'en informer immédiatement le client, à défaut de quoi il est responsable du préjudice qui peut résulter de l'utlisation des biens."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, l'article 2090 est donc adopté tel quel. Le nouvel article 2090.1 est adopté. Les articles 2091 et 2092 sont adoptés tels qu'amendés. Est-ce qu'il y a des commentaires sur les articles suivants, c'est-à-dire 2093 à 2097 inclusivement? Sinon, les articles 2093 à 2097 inclusivement sont adoptés tels quels. J'aimerais maintenant appeler les articles qui traitent des dispositions particulières aux ouvrages et, en particulier, des dispositions générales, soit les articles 2098 à 2104 inclusivement.

M. Kehoe: II y a cinq amendements. Le premier amendement est à l'article 2098. L'article 2098 du projet est modifié: 1° par l'ajout, à la première ligne, après les mots "l'ouvrage", des mots "à la fin des travaux;"; 2° par le remplacement du mot "substantiellement" par les mots "celle-ci a lieu lorsque l'ouvrage est".

Commentaire. Afin de faire disparaître une ambiguïté relative au sens "d'exécution substantielle", on a préféré introduire la notion du droit actuel de "fin des travaux" et la définir; cette notion a été largement interprétée par les tribunaux. En raison de ces amendements, l'article 2098 se lirait comme suit: "Le client est tenu de recevoir l'ouvrage à la fin des travaux; celle-ci a lieu lorsque l'ouvrage est exécuté et en état de servir conformément à l'usage auquel on le destine. "La réception de l'ouvrage est l'acte par lequel le client déclare l'accepter, avec ou sans réserve."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le député de Chapleau. Vous pouvez peut-être nous préciser les autres amendements, quitte à revenir après s'il y a des commentaires.

M. Kehoe: L'amendement à l'article 2099 du projet est modifié: 1° par le remplacement, au premier alinéa, du mot "défauts" par les mots "vices ou malfaçons"; 2° par la suppression, à la fin du deuxième alinéa de l'article 2099, de la phrase suivante: "II doit déposer la somme ainsi retenue en fidéicommis."; 3° par le remplacement, au troisième alinéa, du mot "caution" par "sûreté".

Commentaire. On a préféré remplacer "défauts" par "vices ou malfaçons", ces termes étant plus spécifiques. L'exigence du dépôt, qui était en concordance avec les dispositions sur la constitution de fiducie que comportait l'avant-projet, paraît, dans le texte proposé, inutilement exorbitante par rapport aux règles générales (article 1588) et aux autres règles du contrat (articles 2110 et 2102). Quant au troisième amendement, il y est question plutôt d'une "sûreté" que d'une "caution".

Une voix: Je voudrais juste que vous souligniez qu'il y a une erreur. Ce n'était pas le remplacement au premier alinéa, mais au deuxième alinéa.

M. Kehoe: O.K. Dans le premier amendement, M. le Président, je veux signaler qu'il y a une erreur dans le 1°. Ça devrait se lire "par le remplacement, au deuxième alinéa", au lieu de "au premier alinéa".

En raison de ces amendements, l'article 2099 se lirait comme suit: "Le client n'est pas tenu de payer le prix avant la réception de l'ouvrage. "Lors du paiement, il peut retenir sur le prix, jusqu'à ce que les réparations ou les corrections soient faites à l'ouvrage, une somme suffisante pour satisfaire aux réserves faites quant aux vices ou malfaçons apparents qui existaient lors de la réception de l'ouvrage. "Le client ne peut exercer ce droit si l'entrepreneur lui fournit une sûreté suffisante garantissant l'exécution de ses obligations."

Il y a un autre amendement, M. le Président, à l'article 2101. L'article 2101 du projet est modifié par le remplacement du mot "défauts" par les mots "vices ou malfaçons".

Cet amendement assure la concordance avec l'article 2099. En raison de cet amendement, l'article 2101 se lirait comme suit: "Le client qui accepte sans réserve, conserve, néanmoins, ses recours contre l'entrepreneur aux cas de vices ou malfaçons non apparents."

Un autre amendement à l'article 2103 se lit comme suit. L'article 2103 du projet est modifié: 1° par l'ajout, au deuxième alinéa, après les mots "sa faute", des mots "ou à un autre manquement de sa part"; 2° par l'ajout, au deuxième alinéa, après les mots "vice propre des biens fournis", des mots "ou d'un vice du bien qu'il ne pouvait déceler"; 3° par l'ajout, au deuxième alinéa, après le mot "ou", des mots "encore si la perte".

Cet amendement est de concordance avec l'article 2092. En raison de ces amendements, l'article 2103 se lirait comme suit: "L'entrepreneur est tenu de la perte de l'ouvrage qui survient avant sa délivrance, à moins qu'elle ne soit due à la faute du client ou que celui-ci ne soit en demeure de recevoir l'ouvrage.

Toutefois, si les biens sont fournis par le client, l'entrepreneur n'est pas tenu de la perte de l'ouvrage, à moins qu'elle ne soit due à sa faute ou à un autre manquement de sa part. Il ne peut réclamer ie prix de son travail que si la perte de l'ouvrage résulte du vice propre des biens fournis ou d'un vice du bien qu'il ne pouvait déceler ou encore si la perte est due à la faute du client."

Un dernier amendement dans cette section, M. le Président, à l'article 2104. À l'article 2104, remplacer tout ce qui suit les mots "à courir" par ce qui suit: "qu'à compter de la fin des travaux, y compris ceux ayant fait l'objet de réserves lors de la réception de l'ouvrage".

Commentaire: L'amendement vise à clarifier le point de départ de la prescription et opère une concordance avec l'amendement apporté à l'article 2098. En raison de cet amendement, l'article 2104 se lirait comme suit: "La prescription des recours entre les parties ne commence à courir qu'à compter de la fin des travaux, y compris ceux ayant fait l'objet de réserves lors de la réception de l'ouvrage."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le député. Je ferai remarquer à tous les membres de la commission que nous approchons de l'heure de la fin de nos travaux. Alors, est-ce qu'il y a des commentaires sur ces articles?

Mme Harel: À l'article 2098, M. le Président, je prenais connaissance du commentaire qui est publié dans le livre Des contrats nommés, à l'effet qu'il était apparu... et je cite le commentaire à la page 488: "II est toutefois apparu nécessaire de définir ce qu'était la réception de l'ouvrage, cette expression étant susceptible d'être comprise de diverses manières. Le Code civil du Bas Canada est muet à cet égard et ne contient que des dispositions relatives aux risques de l'ouvrage avant la réception." Donc, à l'article 2098, le législateur, au deuxième alinéa, a cru bon de définir ce qu'était la réception de l'ouvrage et on nous dit que la réception de l'ouvrage est l'acte par lequel le client déclare l'accepter, avec ou sans réserve. C'est donc dire que ça ne pourrait pas être une réception tacite entre les parties puisque, si on exige que le client déclare, c'est donc qu'il doit y avoir un procédé explicite.

M. Kehoe: M. le professeur.

Le Président (M. Lafrance): Oui, Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, je pense que cela signifie que l'acte par lequel le client déclare l'accepter soit manifeste et qu'il n'y ait aucune contestation possible sur le désir du client, sur l'intention, pardon, du client.

Le Président (M. Lafrance): Merci.

Mme Harel: Et si le client ne se manifeste pas à ce moment-là, que se passe-t-il? Il n'y a pas eu la réception de l'ouvrage?

M. Pineau: M. le Président, je crois que l'on peut répondre à cela que le silence, contrairement au dicton populaire, ne vaut pas consentement et qu'en conséquence, si le client ne bouge pas, il n'accepte pas l'ouvrage, à moins que son comportement soit si explicite que ça signifie, en définitive, acceptation et, s'il ne dit rien d'autre, ce sera une acceptation sans réserve.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, les articles 2098 et 2099 sont donc adoptés tels qu'amendés, l'article 2100 est adopté tel quel, l'article 2101 est adopté tel qu'amendé, l'article 2102 est adopté tel quel et les articles 2103 et 2104 sont donc adoptés tels qu'amendés.

Alors, à ce stade-ci, j'aimerais suspendre nos travaux en vous rappelant qu'on devrait avoir confirmation cet après-midi, en Chambre, pour notre réunion prévue ce soir à 20 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 32)

(Reprise à 20 h 16)

Le Président (M. Lafrance): Si vous me permettez, étant donné qu'on m'a confié la responsabilité d'aider à diriger les travaux, j'aimerais avoir votre consentement pour commencer nos travaux ce soir, en dépit du fait que nous n'avons pas le quorum présentement. Alors, s'il y a consentement, je vais déclarer cette séance de travail ouverte. Avec votre consentement aussi, j'aimerais annoncer un remplacement. Mme la secrétaire.

La Secrétaire: Oui, Mme Bleau (Groulx) serait remplacée par Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata).

Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la secrétaire. Est-ce qu'il y aurait des membres qui aimeraient faire des remarques d'ouverture avant que nous reprenions nos travaux? Sinon j'aimerais appeler les articles contenus à la sous-section qui traite des ouvrages immobiliers ou mobiliers complexes, soit les articles 2105 à 2111 inclusivement.

M. Rémillard: Avec le titre, M. le Président, nous avons sept amendements. Tout d'abord, M. le Président, le projet est modifié par la suppression à l'intitulé II, qui précède l'article 2105, des mots "ou mobiliers complexes". Or, M. le Président, l'amendement assure la concordance avec celui proposé à l'article 2105. En raison de cet amendement, l'intitulé se lirait comme suit: "II - Des ouvrages immobiliers".

M. le Président, le projet est modifié par la suppression, à la deuxième ligne de l'article 2105, des mots "ou de la fabrication ou de la réalisation d'un bien meuble complexe,".

L'amendement vise à éviter les difficultés d'interprétation liées à l'expression "bien meuble complexe"; cette notion, qu'il aurait été difficile de cerner correctement sans procéder par enumeration, elle-même susceptible de soulever des difficultés, est supprimée. En raison de cet amendement, l'article 2105 se lirait comme suit: "À tout moment de la construction ou de la rénovation d'un immeuble, le client peut, mais de manière à ne pas nuire au déroulement des travaux, vérifier leur état d'avancement, la qualité des matériaux utilisés et celle du travail effectué, ainsi que l'état des dépenses faites."

Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, j'aimerais dire que cette dernière modification nous vient de l'Ordre des ingénieurs du Québec et de l'Association des ingénieurs-conseils qui nous avaient fait cette suggestion qui était justifiée. L'article 2106 du projet est modifie-Le Président (M. Lafrance): Allez-y, M. le ministre.

M. Rémillard: L'article 2106 est modifié, premièrement, par l'ajout, à la deuxième ligne, après les mots "ont dirigé"' du mot ", conçu"; et, deuxièmement, par le remplacement, à la troisième ligne, des mots "sont solidairement tenus" par ce qui suit: "et le sous-entrepreneur pour les travaux qu'il a exécutés sont, comme s'ils étaient tous partie au contrat, solidairement tenus".

Bon, M. le Président on m'informe que cet article 2106 ainsi que les articles 2107 et 2108, nous aimerions, si cette commission est d'accord, les suspendre pour plus de discussions et de consultations.

L'article 2109, donc, M. le Président, est modifié par le remplacement, à la troisième ligne, des mots "incorporés à l'ouvrage" par les mots "nécessaires à la réalisation de l'ouvrage". Étant donné le caractère restrictif de l'expression "matériaux incorporés", il a été jugé préférable

de la remplacer par celle de "nécessaires à la réalisation de l'ouvrage". En raison de cet amendement, l'article 2109 se lirait comme suit: "Pendant la durée des travaux, l'entrepreneur peut, si la convention le prévoit, exiger des acomptes sur le prix du contrat pour la valeur des travaux exécutés et des matériaux nécessaires à la réalisation de l'ouvrage; il est tenu, préalablement, de fournir au client un état des sommes payées aux sous-entrepreneurs, à ceux qui ont fourni ces matériaux et aux autres personnes qui ont participé à ces travaux, et des sommes qu'il leur doit encore pour terminer les travaux."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, l'article 2110 du projet est modifié, premièrement, par l'ajout, à la deuxième ligne du premier alinéa...

Mme Harel: M. le Président M. Rémillard: Oui.

Mme Harel: Si vous me le permettez, je proposerais au ministre de suspendre 2110. L'article 2110 fait référence, évidemment, au fait que le client peut retenir des sommes en paiement pour acquitter une hypothèque légale. Comme on va revenir sur cette question des hypothèques légales au moment où on examinera les sûretés, je souhaiterais qu'on puisse à ce moment-là peut-être en faire un exemen plus exhaustif.

M. Rémillard: Très bien, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, M. le ministre. Je pense que l'article 2111 n'est pas amendé, n'est-ce pas?

M. Rémillard: Non, il n'est pas amendé.

Le Président (M. Lafrance): D'accord, alors, les articles 2106, 2107, 2108 et 2110 sont donc laissés en suspens. Est-ce qu'il y a des commentaires sur les autres articles de cette sous-section? Sinon, le nouveau titre est donc adopté tel qu'amendé. L'article 2105 est adopté tel qu'amendé. L'article 2109 est adopté tel qu'amendé et l'article 2111 est adopté tel quel.

J'aimerais maintenant appeler les articles contenus à la section III qui traite de la résiliation du contrat, soit les articles 2112 à 2116 inclusivement.

M. Rémillard: II n'y a pas de modifications, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a des commentaires touchant ces articles? Aucun. Donc, les articles 2112 à 2116 inclusivement sont adoptés. Nous en arrivons au chapitre neuvième qui traite du mandat.

M. Rémillard: Alors, M. le Président, quant au chapitre neuvième et au chapitre dixième, le chapitre neuvième concernant le mandat et le chapitre dixième concernant le contrat de société et d'association, il faudrait les suspendre, M. le Président, parce que l'un de nos experts, qui est madame le professeur Ouellette, qui n'est pas avec nous... Donc, nous devons encore faire du travail d'expertise sur ces articles.

C'est donc dire, M. le Président, que je suggérerais à cette commission d'aborder le chapitre onzième, soit l'article 2268 du chapitre, qui nous permet de travailler avec l'ensemble de nos experts qui sont avec nous, qui sont présents ce soir.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a des commentaires concernant cette proposition? Sinon, permettez-moi de lire les propos d'introduction au chapitre onzième qui traite du dépôt.

Du dépôt

Les dispositions du Code civil du Bas Canada sur les dépôts ne soulèvent pas de difficultés majeures dans leur application. La proposition de réforme en cette matière se limite donc à apporter certains ajustements devenus nécessaires en fonction du contexte économique actuel et de la modernisation de la société.

Les principales modifications apportées par la proposition de la réforme sont donc la reconnaissance expresse du dépôt rémunéré, lequel a déjà été reconnu par la jurisprudence québécoise, et une réglementation plus complète du dépôt hôtelier, en s'inspirant du projet de convention internationale sur le contrat d'hôtellerie élaboré par l'Institut international pour l'unification du droit privé.

Quant aux dispositions spécifiques au séquestre, elles reprennent la plupart des dispositions actuelles du séquestre conventionnel, tout en y apportant certains ajouts. Contrairement à la proposition de l'Office, le droit actuel est donc conservé et le séquestre est traité comme un contrat de dépôt et non comme un contrat distinct, en raison des similitudes qui existent entre ces deux contrats, notamment en ce qui concerne les obligations des parties. De plus, certaines règles de droit substantif qui se retrouvent au Code de procédure civile et qui s'appliquent actuellement au séquestre judiciaire sont rapatriées au Code civil; elles s'appliqueront alors aussi au séquestre conventionnel et, du même coup, on évitera des répétitions inutiles. On pense notamment à la règle concernant les pouvoirs de simple administration du séquestre et

à celle relative à la décharge du séquestre.

J'aimerais appeler les articles contenus à la section I qui traite des dispositions générales du dépôt en général, soit les articles 2268, 2269 et 2270.

M. Rémillard: II n'y a pas de modifications, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a des commentaires touchant ces trois articles, 2268, 2269 et 2270?

Mme Harel: Dans le mémoire de la Chambre des notaires, M. le Président, on peut lire ceci: "Le deuxième alinéa de l'article 2268 est inutile puisque le législateur supprime le caractère essentiel de gratuité du dépôt simple que l'on retrouve actuellement à l'article 1795." Est-ce que le ministre a pris connaissance, en fait, de ce commentaire? Je dois donc comprendre que l'article 2268 est maintenu tel quel.

M. Rémillard: Après étude, M. le Président, nous en arrivons à la conclusion qu'il faut garder ce deuxième alinéa parce que, quand on lit l'article dans son ensemble, le dépôt est le contrat par lequel une personne, le déposant, remet un bien meuble à une autre personne, le dépositaire, qui s'oblige à garder le bien pendant un certain temps et à le restituer. Or, le dépôt est à titre gratuit. ' II peut cependant être à titre onéreux lorsque l'usage ou la convention le prévoit.

Alors, c'est la stipulation expresse. Il vaut mieux le dire, l'exprimer pour qu'ensuite les règles qui vont s'ensuivre puissent se référer... soit que c'est onéreux, soit que c'est à titre gratuit. Alors, on a voulu que la règle soit explicite et non pas implicite. Peut-être qu'on aurait pu la mettre implicite, puisque les deux sont possibles. Mais mieux vaut la mettre explicite pour que l'ensemble des règles qui suivent soient les plus claires possible.

Mme Harel: C'est ce que suggérait d'ailleurs le député de Westmount cet après-midi, quand il nous demandait de rendre explicite la question de la validité, je crois, là, des dispositions concernant la protection ou concernant plutôt...

M. Rémillard: Qu'est-ce que c'était, donc?

Mme Harel: Attendez. En fait, on y reviendra, de toute façon.

M. Rémillard: En tout cas, il voulait qu'on protège quelqu'un ou quelque chose explicitement. De non-concurrence.

Mme Harel: De non-concurrence, c'est ça. M. Rémillard: Oui.

Mme Harel: C'est ça. Très bien.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, donc, les articles 2268, 2269 et 2270 sont adoptés tels quels. (20 h 30)

J'aimerais maintenant appeler les articles contenus à la sous-section qui traite des obligations du dépositaire, soit les articles 2271 à 2279 inclusivement.

M. Rémillard: M. le Président, nous avons trois amendements. L'article 2277 est modifié par le remplacement, à la troisième ligne, des mots "onéreux, il" par ce qui suit: "onéreux ou s'il a été exigé par le dépositaire, celui-ci".

M. le Président, il paraît souhaitable, lorsque le dépôt d'un bien est exigé par celui qui le reçoit, notamment comme condition d'entrée dans un lieu, que le dépositaire soit tenu comme s'il demandait paiement pour ce dépôt. En raison de cet amendement, l'article 2277 se lirait comme suit: "Le dépositaire est tenu, si le dépôt est à titre gratuit, de la perte du bien déposé qui survient par sa faute; si le dépôt est à titre onéreux ou s'il a été exigé par le dépositaire, celui-ci est tenu de la perte du bien, à moins qu'il ne prouve la force majeure."

M. le Président, l'article 2278 est modifié par la suppression, à la dernière ligne, entre les mots "déposant" et "ait déclaré", du V". Il s'agit, M. le Président, d'une modification terminologique. En raison de cet amendement, l'article 2278 se lirait comme suit: "Le tribunal peut réduire les dommages-intérêts dus par le dépositaire, lorsque le dépôt est à titre gratuit ou que le dépositaire a reçu en dépôt des documents, espèces ou autres biens de valeur, sans que le déposant ait déclaré leur nature ou leur valeur."

Il y a aussi, M. le Président, un amendement par l'ajout, après l'article 2278, du suivant: "2278.1 La restitution du bien se fait au lieu où le bien a été remis en dépôt, à moins que les parties n'aient convenu d'un autre lieu."

M. le Président, l'amendement vise à préciser la règle applicable quant au lieu de la restitution. En raison de cet amendement, l'article 2278.1 se lirait comme suit: "La restitution du bien se fait au lieu où le bien a été remis en dépôt, à moins que les parties n'aient convenu d'un autre lieu."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a des commentaires sur ces articles 2271 à 2279 inclusivement, incluant le nouvel article 2278.1? S'il n'y a pas de commentaires, les articles 2271 à 2276 inclusivement sont donc adoptés tels quels. Les articles 2277 et 2278 sont adoptés tels qu'amendés. L'article 2278.1, le nouvel article, est adopté et

l'article 2279 est adopté tel quel.

J'aimerais maintenant appeler les articles contenus à la sous-section qui traite des obligations du déposant, soit les articles 2280 et 2281.

M. Rémillard: II n'y a pas d'amendements, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, les articles 2280 et 2281 sont donc adoptés tels quels. J'aimerais appeler les articles qui sont contenus dans la section II, qui traite du dépôt nécessaire, les articles 2282, 2283 et 2284.

M. Rémillard: M. le Président, il n'y a pas d'amendements non plus dans ces articles.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, les articles 2282, 2283 et 2284 sont donc adoptés tels quels. Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Donc, 2282 et 2283 seraient du droit actuel et, à 2284, on y ferait du droit nouveau. 2284 se lit comme suit: "Le dépôt d'un bien dans un établissement de santé ou de services sociaux est présumé être un dépôt nécessaire. "

Alors, j'imagine qu'on veut couvrir des situations d'urgence dans les salles d'urgence lorsque les personnes arrivent en état de choc ou tout simplement en perte de conscience. C'est ça qu'on veut couvrir à 2284?

M. Rémillard: C'est essentiellement ça, M. le Président. Lorsqu'on n'a pas le choix, il faut laisser ces choses.

Mme Harel: L'article 2283, c'est donc du droit nouveau quand on y dit: "Le dépositaire ne peut refuser de recevoir le bien, à moins qu'il n'ait un motif sérieux de le faire. "Il est tenu de la perte du bien, de la même façon qu'un dépositaire à titre gratuit. "

Là, c'est vraiment la règle du bon samaritain qui se trouve à être extensionnée. Il n'est pas simplement maintenant tenu de porter secours; il est tenu de recevoir un bien. C'est ça?

M. Rémillard: Pas dans n'importe quelle circonstance.

Mme Harel: Pour un motif sérieux. M. Rémillard: C'est ça.

Mme Harel: Ah! C'est ça qui est inspiré du Code civil éthiopien.

M. Rémillard: Ah oui!

Mme Harel: Le président du Parti québécois me demandait encore ce soir si on avait conservé l'inspiration éthiopienne. Alors...

M. Rémillard: Je ne sais pas d'où vient... Moi aussi, j'ai eu des commentaires disant qu'on suivait le Code civil d'Éthiopie.

Mme Harel: Mais c'est dans le commentaire, M. le ministre, dé 2283.

M. Rémillard: Oh! Alors, on m'explique et je viens de comprendre. Je ne sais pas si vous savez d'où ça vient, la comparaison avec l'Éthio-pie. C'est que ce Code civil d'Éthiopie a été fait par un très grand juriste, qui est René David, et qui a certainement inspiré nos légistes. De là à dire que nous copions le Code civil d'Éthiopie...

Mme Harel: Écoutez, M. le ministre...

M. Rémillard:... c'est peut-être plus difficile.

Mme Harel:... dans le livre des commentaires, le livre V des commentaires, vous retrouvez, à la page 700, la proposition, la source, et, à la source, on cite le Code civil éthiopien, article 2801.

M. Rémillard: Ha, ha, ha! Mme Harel: C'est de là.

M. Rémillard: Ah bon! Alors, c'est certainement le professeur Pineau qui a tenu à ce qu'on se réfère au Code éthiopien.

Mme Harel: Mais c'est bien.

M. Rémillard: Le Code civil éthiopien! Et à 2282 aussi.

Mme Harel: On me dit que c'est dans le Code civil du Bas Canada, à 1813. A beau mentir qui vient de loin, enfin... Ça semble une source plus proche. En fait, à 1813, on retrouve une formulation quelque peu différente de 2283 parce qu'à 1813 on dit: "Le dépôt nécessaire est celui qui a lieu par une nécessité imprévue et pressante provenant d'un accident ou de force majeure, comme dans le cas d'incendie, naufrage, pillage ou autre calamité soudaine. Il est d'ailleurs sujet aux mêmes règles que le dépôt volontaire, sauf quant au mode de le prouver. " Tandis que là on fait obligation, en fait, au dépositaire à recevoir.

M. Rémillard: Peut-être que Me Pineau, M. le Président, pourrait nous faire des commentaires.

Le Président (M. Lafrance): Certainement,

M. le ministre. Me Pineau.

M. Pineau: Ah non! Ce n'est pas évident que c'est la formulation du Code civil éthiopien, mais en substance, c'est le concept actuel qu'on retrouve dans l'article 1813, Bas Canada.

Le Président (M. Lafrance): Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires...

Mme Harel: Juste une question.

Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Le motif sérieux de le faire va donc au-delà d'un embarras. Le motif sérieux qui est invoqué à 2283 pour refuser de recevoir le bien, motif sérieux que le dépositaire doit invoquer pour refuser de recevoir le bien, va donc au-delà, par exemple, simplement de l'embarras, des troubles, etc., que ça peut causer. Le motif sérieux, c'est... Oui, c'est ça. Dépendant des circonstances, ça peut être le danger ou des choses comme ça. C'est une obligation à recevoir le bien qui est faite, en fait. C'est une obligation de civisme, ça.

M. Pineau: M. le Président, il y a là une obligation dont on ne peut se dégager qu'en ayant un juste motif qui, comme le projet le dit, est un motif sérieux.

Mme Harel: Par exemple, un locataire qui doit quitter précipitamment parce qu'il y a une urgence médicale et qui laisse un bien - ça peut être un meuble, ça peut être des meubles - à un voisin, le voisin est tenu de le conserver, à moins qu'il y ait un motif sérieux de le faire. C'est ça qu'il faut comprendre?

M. Pineau: Le voisin?

M. Rémillard: La question est intéressante. Je ne sais pas si... M. Pineau, est-ce que vous avez...

M. Pineau: Je ne suis pas sûr, M. le Président, que le voisin soit tenu à l'obligation de le conserver. Mais peut-être que le locateur pourrait être obligé de le conserver pendant un certain temps, pendant que le locataire puisse trouver quelque endroit pour le loger, sous réserve d'un refus possible, en invoquant un motif sérieux: un objet trop embarrassant, un objet dangereux, etc., selon les circonstances, en l'espèce.

M. Rémillard: Mais je comprends, M. le Président, que dans le Code civil du Bas Canada, à l'article 1813, on dit: "Le dépôt nécessaire est celui qui a lieu par une nécessité imprévue et pressante provenant d'un accident ou de force majeure, comme dans le cas d'incendie, naufrage, pillage ou autre calamité soudaine. Il est d'ailleurs sujet aux mêmes règles que le dépôt volontaire, sauf quant aux modes de le prouver."

C'est assez circonscrit et assez bien... Ce n'est pas défini, au moins, je dirais situé par les exemples qui sont là, alors qu'ici c'est beaucoup plus large. Si je reprends l'exemple donné par Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, si je suis à mon appartement, bien tranquillement, et que tout à coup on cogne à ma porte et on dit: Je dois m'absenter parce que je dois aller absolument voir mon fils jouer au basketball ou voir mon fils qui a un problème, qui est à l'hôpital ou quelque chose comme ça, voulez-vous garder mon appartement...

Mme Harel: Je dois aller surveiller un parent âgé...

M. Rémillard: Un parent âgé.

Mme Harel: ...à l'extérieur de la ville pour une semaine.

M. Rémillard: Voilà. Ici, on n'a pas tellement de balises pour déterminer si ce serait un cas de nécessité, alors que, si on se réfère au Code civil du Bas Canada, les balises étaient beaucoup plus restrictives.

Mme Harel: Oui.

M. Rémillard: Mais pourquoi en êtes-vous arrivé à choisir cette formulation plus large?

Mme Harel: Oui.

M. Pineau: M. le Président, je pense qu'on a voulu élargir le concept de dépôt nécessaire. Il y a dépôt nécessaire parfois... Le dépôt qui était fait chez l'aubergiste, par exemple, c'était considéré comme un dépôt nécessaire, le dépôt chez l'hôtelier. Il n'en était pas question dans le Code civil, mais c'était ces règles-là, les règles sur le dépôt qui étaient appliquées à ce genre de chose.

Mme Harel: Mais il y a toujours eu, je pense, des dispositions particulières pour les aubergistes, les hôteliers. Ça, c'est autre chose. Mais, à la section II, on traite du dépôt nécessaire en général. Par exemple, je reprends l'exemple de tantôt, le locateur, voyant son logement abandonné par le locataire pour des motifs de nécessité pressante - la personne a pu être hospitalisée - pourra, dans un délai raisonnable, sans doute déplacer les objets qui s'y trouvent, pourra prendre possession, compte tenu de toute façon des règles de loi, mais devrait avoir, à ce moment-là, l'obligation de déposer les biens dans un lieu adéquat. C'est ça qu'il faut comprendre?

M. Pineau: M. le Président, je ne pense pas que ça puisse couvrir ce cas-là parce que 2283 dit: "Le dépositaire ne peut refuser de recevoir le bien..." C'est un bien qui vient de l'extérieur, n'est-ce pas? Donc, il ne se trouve pas là où se trouve celui que vous qualifieriez de dépositaire. Donc, ça couvre, me semble-t-il, le cas où une personne vient vous demander de recevoir en dépôt une chose. (20 h 45)

Alors, c'est dans l'hypothèse où il y a véritablement nécessité, car l'appellation, la qualification "dépôt nécessaire des biens" dit bien ce que cela veut dire, qu'il faut que ça soit dans un cas effectivement d'urgence. Mais peut-être que l'article 2283 n'est pas suffisamment resserré. Ça, c'est une question d'appréciation.

M. Rémillard: II me semble, M. le Président, qu'il faudrait suspendre et regarder ça de plus près.

Une voix: Les trois.

M. Rémillard: Bien, les trois! Il faut revoir 2282...

Mme Harel: L'article 2283.

M. Rémillard: ...pour essayer de cerner de plus près, à mon sens, "nécessité pressante". Je veux bien qu'on se réfère au Code d'Ethiopie, mais il reste quand même qu'on va se référer à ce qui se passe ici et, si on regarde dans le Code civil du Bas Canada, il me semble que ça m'apparaît plus cerné, il me semble, et plus applicable dans une juste perspective d'équilibre.

Alors, si cette commission est d'accord, je pense qu'on devrait suspendre pour revoir, réfléchir sur cet aspect-là.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Si je comprends bien, il y a quand même consentement pour adopter 2283 et 2284.

M. Rémillard: Oui, II n'y a pas de problème. On n'a pas de problème à ce niveau-là. Là, c'est pour 2282, déterminer ce qu'est une nécessité pressante.

Le Président (M. Lafrance): D'accord. Alors, 2282 est donc laissé en suspens. Les articles 2283 et 2284 sont donc adoptés tels quels.

J'aimerais maintenant appeler les articles contenus à la section III, qui traite du dépôt hôtelier, soit les articles 2285 à 2290 inclusivement.

M. Rémillard: M. le Président, nous avons trois amendements. Tout d'abord, le projet est modifié par l'ajout, après l'article 2286, du suivant: "2286.1 L'hôtelier qui met à fa disposition de ses clients un coffre-fort dans la chambre même, n'est pas réputé avoir accepté en dépôt les biens qui y sont déposés par les clients."

M. le Président, l'amendement a pour but d'éviter toute ambiguïté quant à la responsabilité de l'hôtelier pour les biens déposés par un client dans un coffre-fort mis à sa disposition dans sa chambre même. Dans un tel cas, l'hôtelier ne devrait pas être considéré comme ayant accepté ces biens en dépôt, vu l'absence de contrôle qu'il a sur de tels coffres-forts. En raison de cet amendement, l'article 2286.1 se lirait comme suit: "L'hôtelier qui met à la disposition de ses clients un coffre-fort dans la chambre même, n'est pas réputé avoir accepté en dépôt les biens qui y sont déposés par les clients."

C'est l'association des hôteliers, M. le Président, qui nous avait fait ces commentaires.

Mme Harel: Est-ce qu'il est fréquent que l'on retrouve des coffres-forts dans les chambres d'hôtel?

M. Rémillard: Oui, et de plus en plus, surtout à l'extérieur. Les hôtels, de plus en plus.

C'est la façon que les hôteliers trouvent la plus commode pour offrir sécurité et aussi discrétion.

Mme Harel: Est-ce qu'on peut revenir à 2285, M. le Président? Là, c'est un amendement à 2286.

Le Président (M. Lafrance): Je pense qu'il y a un amendement aussi. Alors, 2285, oui. Tous les articles, en fait, de la section III sont ouverts à discussion ou à proposition d'amendements.

Mme Harel: C'est donc dire que la personne qui offre au public des services d'hébergement, l'hôtelier, en fait, est tenu jusqu'à 10 fois le prix quotidien du logement, s'il y a perte des effets personnels et des bagages, et jusqu'à 50 fois le prix quotidien du logement, s'il y a eu dépôt.

Alors, je comprends, dans les commentaires du livre V, que le légiste a préféré cette façon de faire plutôt qu'un montant forfaitaire, ce qui se comprend parfaitement. On m'indique qu'actuellement il s'agit d'un montant de 40 $, ce qui est absolument insignifiant, et qu'une telle formulation est conforme à celle proposée au projet de convention internationale sur le contrat d'hôtellerie élaboré par l'Institut international pour l'unification du droit privé, ce qui est une façon intéressante de faire.

Alors, ça vient donc remplacer, ça, la responsabilité de l'hôtelier que l'on retrouvait dans le Code. Oui, effectivement, dans la convention internationale, il est prévu, là, justement un montant de responsabilité qui puisse équivaloir jusqu'à 100 fois le prix quotidien du loge-

ment. Voyez, c'est donc dire que ça, c'était compris dans cette convention internationale. Je crois comprendre que l'association des hôteliers souhaitait limiter sa responsabilité. C'est ce qui a amené le législateur à réduire 10 fois le prix quotidien du logement, 50 fois lorsqu'il y a dépôt. C'est bien le cas? Par exemple, une chambre qui coûte 100 $, alors, 50 fois le prix du dépôt, c'est évidemment 5000 $.

M. Rémillard: Non, voici ce qui s'est passé. C'est qu'au niveau de la convention internationale, oui, on parle de 100 fois. Mais nous, on a regardé ici même sur le continent nord-américain ce qui se passait, les règles en application. On a regardé en Europe aussi, actuellement, les règles en application et on est arrivés à la conclusion que 50 fois était la norme qu'on retrouvait normalement dans tous ces établissements hôteliers. Alors, c'est un juste équilibre qu'on pouvait trouver, là encore, 100 fois étant peut-être un petit peu élevé. Maintenant, on m'apporte un amendement à 2285, une petite précision, je pense, qui a son importance, là.

Mme Harel: En matière de preuve, n'est-ce pas, c'est ça?

M. Rémillard: Oui, c'est ça. C'est que l'article 2285 est modifié par l'ajout, à la cinquième ligne, après le mot "logement" des mots "qui est affiché". Alors, l'amendement a pour but de clarifier la notion de prix quotidien du logement en précisant qu'il s'agit du prix affiché. Il a paru préférable de retenir la notion de prix affiché plutôt que celle du prix payé pour plusieurs raisons. Notamment, il peut être difficile de connaître le prix réellement payé lorsque le client a contracté un forfait. Par ailleurs, le prix affiché reflète la qualité de rétablissement et de ses services eu égard aux attentes légitimes du client, peu importe le prix réellement payé. En raison de cet amendement, l'article 2285 se lirait comme suit: "La personne qui offre au public des services d'hébergement, appelée l'hôtelier, est tenue de la perte des effets personnels et des bagages apportés par ceux qui logent chez elle, de la même manière qu'un dépositaire à titre onéreux, Jusqu'à concurrence de 10 fois le prix quotidien du logement qui est affiché ou, s'il s'agit de biens qu'elle a acceptés en dépôt, jusqu'à concurrence de 50 fois ce prix."

Le Président (M. Lafrance): M. le ministre, on m'informe que le secrétariat n'a pas reçu copie de...

M. Rémillard: Oui, malheureusement, M. le Président, on a été un petit peu pris de court et, dans quelques instants, l'amendement va être distribué aux membres de la commission. Je m'en excuse.

Mme Harel: Alors, on peut l'adopter tel que lu, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): D'accord. Alors, l'article 2285 est donc adopté tel qu'amendé. Est-ce que l'article 2286... J'ai ici une proposition d'amendement.

M. Rémillard: Ce que j'ai lu tout à l'heure, M. le Président, c'est enregistré. J'en serais maintenant à l'amendement à 2287.

Le Président (M. Lafrance): Je pense que vous avez lu 2286.1, le nouvel article.

M. Rémillard: Oh, excusez-moi. On voit à quel point vous êtes diligent et attentif.

Le Président (M. Lafrance): Non, je peux me tromper aussi, mais je ne suis pas certain, là. Je me souviens que vous avez lu 2286.1, mais 2286, est-ce que quelqu'un peut confirmer?

M. Masse: Oui, je confirme que c'est le point 1 qui a été lu.

Le Président (M. Lafrance): Oui?

M. Rémillard: Oui, ça n'a pas été lu. Très bien. Alors, je m'en excuse, M. le Président. L'article 2286 est modifié, premièrement, par le remplacement, à la deuxième ligne du premier alinéa, des mots "qui appartiennent à ses clients" par les mots "apportés par ses clients" et, deuxièmement, par le remplacement de la troisième ligne du premier alinéa par celle-ci: "il ne peut les refuser que si, compte tenu de l'importance ou des conditions d'exploitation de l'hôtel, les biens paraissent d'une valeur excessive ou sont encombrants, ou encore s'ils sont dangereux."

M. le Président, le premier amendement est de concordance avec l'article 2285 et évite de se prononcer sur la propriété des biens. Le second amendement a d'abord pour but de permettre à l'hôtelier de refuser en dépôt des biens de valeur excessive. Cette valeur excessive s'évaluera selon l'importance ou les conditions d'exploitation de l'hôtel. On tient ainsi compte de la catégorie de l'hôtel en cause et des attentes légitimes du client. Selon le type d'hôtel, les coffrets ne sont pas toujours conçus pour le dépôt d'objets de valeur. Le client qui se voit ainsi refuser un dépôt peut toujours confier son bien à une banque, par exemple. Le même critère d'importance et de conditions d'exploitation s'appliquera aussi pour les biens encombrants ou non. En effet, il semble opportun d'introduire ce même critère subjectif afin de déterminer si un bien est encombrant ou non. En raison de ces amendements, l'article 2286 se lirait comme suit: "L'hôtelier est tenu d'accepter en dépôt les documents, les espèces et les autres biens de

valeur apportés par ses clients; il ne peut les refuser que si, compte tenu de l'importance ou des conditions d'exploitation de l'hôtel, les biens paraissent d'une valeur excessive ou sont encombrants, ou encore s'ils sont dangereux. "Il peut examiner les biens qui lui sont remis en dépôt et exiger qu'ils soient placés dans un réceptacle fermé ou scellé."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, s'il n'y a pas de commentaires, l'article 2286 est adopté tel qu'amendé et le nouvel article 2286.1 est adopté.

M. Rémillard: M. le Président, l'article 2287 est modifié, premièrement, par le remçiac&ment, au premier alinéa, des mots "qui appartient à" par les mots "apporté par" et, deuxièmement, par le remplacement, au deuxième alinéa, du mot "aviser" par le mot "informer".

M. le Président, le premier amendement est de concordance avec l'article 2285 et avec l'amendement proposé à l'article 2286. Le second amendement est d'ordre terminologique. En raison de cet amendement, l'article 2287 se lirait comme suit: "Malgré ce qui précède, la responsabilité de l'hôtelier est illimitée lorsque la perte d'un bien apporté par un client provient de la faute intentionnelle ou lourde de l'hôtelier ou d'une personne dont celui-ci est responsable. "La responsabilité de l'hôtelier est encore illimitée lorsqu'il refuse le dépôt de biens qu'il est tenu d'accepter, ou lorsqu'il n'a pas pris les moyens nécessaires pour informer le client des limites de sa responsabilité."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.

M. Rémillard: Et c'est le Barreau du Québec, M. le Président, qui nous a fait part de ces commentaires qui nous ont amenés à cette modification.

Mme Harel: Je ne sais pas si M. le ministre a été informé de cette cause qui est survenue, à la fin de cet été, et qui mettait en cause une cliente fortunée d'un grand hôtel de Montréal, qui invoquait la responsabilité de l'hôtelier suite à un vol qui était survenu dans la chambre qu'elle occupait, vol, donc, de ses effets personnels, y compris de sa bourse et de ce qui s'y trouvait, y compris ses anovulants, et qui poursuivait l'hôtelier pour responsabilité, pour la grossesse qui était survenue. Je ne sais pas si vous êtes au courant de ça.

M. Rémillard: J'ai vu dans les journaux. (21 heures)

Mme Harel: C'est ça. Elle a perdu parce que, évidemment, il a été décidé qu'il n'y avait pas de lien de causalité, mais ça s'est quand même retrouvé devant les tribunaux. Il y a quand même eu des frais considérables pour qu'une telle action soit intentée, de la part de tous les justiciables, finalement.

M. Rémillard: Ce serait difficile, pour moi, de commenter une telle situation.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lafrance): Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, l'article 2287 est adopté tel qu'amendé, ainsi que les articles 2288, 2289 et 2290 qui sont adoptés tels quels. J'aimerais maintenant appeler les articles contenus dans la section IV, qui traite du séquestre, soit les articles 2291 à 2297 inclusivement.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Il y a deux amendements à apporter à cette section. L'article 2292 est modifié par l'ajout, au deuxième alinéa, avant le mot "séquestre" des mots "dépositaire chargé d'agir à titre de".

Le séquestre, M. le Président, est à la fois la forme du dépôt et la personne qui en est chargée. L'amendement vise à mettre en relief le fait que la personne qui accepte d'agir à titre de séquestre est aussi dépositaire. Il permet aussi d'assurer le lien entre les deux sens du mot "séquestre". En raison de cet amendement, l'article 2292 se lirait comme suit: "Le séquestre peut porter tant sur un bien immeuble que sur un bien meuble. "La remise de l'immeuble s'effectue par l'abandon de la détention de l'immeuble au dépositaire chargé d'agir à titre de séquestre."

M. le Président, il y a un amendement à l'article 2294, qui est modifié par la suppression, à la deuxième ligne du premier alinéa, après les mots "autre que" du mot "ceux". Il s'agit d'une modification terminologique, l'utilisation du mot "ceux" n'étant justifiée par aucun antécédent pluriel. En raison de cet amendement, l'article 2294 se lirait comme suit: "Le séquestre ne peut faire, relativement au bien sous séquestre, ni impense ni aucun acte autre que de simple administration, à moins de stipulation contraire ou d'autorisation du tribunal. "Il peut cependant, avec le consentement des parties ou, à défaut, avec l'autorisation du tribunal, aliéner, sans délai ni formalités, les biens dont la garde ou l'entretien entraîne des frais disproportionnés par rapport à leur valeur."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, l'article 2291 est donc adopté tel quel. L'article 2292 est adopté tel qu'amendé. L'article 2293 est adopté tel quel. L'article 2294 est adopté tel qu'amendé et les articles 2295, 2296 et 2297 sont adoptés tels quels. Nous arrivons au chapitre douzième qui traite du prêt. J'aimerais vous référer au texte d'introduction,

en demandant peut-être à M. le député de

Sherbrooke de bien vouloir nous lire, s'il le veut bien, le texte d'introduction contenu à la page 717.

Du prêt

M. Hamel: Très bien, M. le Président. Chapitre douzième, Du prêt, articles 2298 à 2318. Ce chapitre, consacré au contrat de prêt, propose une structure nouvelle des règles. Alors que le Code actuel comporte un chapitre sur le prêt à usage, un autre sur le prêt de consommation et, enfin, un troisième sur le prêt à intérêt, le chapitre douzième ne conserve que deux sections, outre celle générale concernant les espèces de prêts et leur nature.

C'est ainsi que, conformément à la doctrine et à quelques codes civils étrangers, le prêt à intérêt, ou prêt d'argent, est régi généralement par les dispositions du "simple prêt", appellation qui remplace l'actuelle: "prêt de consommation."

Bon nombre des dispositions du chapitre Du prêt reprennent des règles du droit actuel, parfois en en modifiant la rédaction afin de mieux en préciser le sens. D'autres dispositions consacrent une interprétation doctrinale ou jurisprudentielle et permettent ainsi de résoudre certaines controverses, dont l'effet de la promesse de prêter, la possibilité pour le prêteur à usage de réclamer le bien avant l'échéance lorsque l'emprunteur décède, le droit pour le prêteur et l'emprunteur de poursuivre l'auteur de dommages au bien.

Enfin, des règles nouvelles sont également proposées au chapitre Du prêt. C'est ainsi que le prêt d'une somme d'argent porte intérêt de plein droit, que le tribunal peut, en cas de lésion, réviser les modalités du contrat, même pour une autre cause qu'un taux d'intérêt usuraire, et que le recours au tribunal n'est plus nécessaire pour permettre au prêteur de réclamer le bien avant l'échéance. Et voilà.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le député de Sherbrooke. J'aimerais maintenant appeler les articles contenus à la section I, qui traite des espèces de prêt et de leur nature, soit les articles 2298 à 2302 inclusivement.

M. Rémillard: II n'y a pas de modifications, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: À 2302, M. le Président, je crois comprendre que le Barreau aurait souhaité pouvoir obtenir une modification, tout en conservant la formulation du contenu au Code civil actuel à 2384. Non, l'avant-projet plutôt. Excusez-moi. Alors, le Barreau souhaitait donc plutôt un retour à l'avant-projet, à l'article 2384 modifié, qui pouvait se lire comme suit: "La remise du bien prêté n'est pas nécessaire à la formation du contrat de prêt." C'est donc l'article 2384 de l'avant-projet. Et l'ajout serait le suivant: "à moins qu'il ne le soit à titre gratuit." Je comprends donc que l'article 2302 a été retenu dans sa formulation actuelle, alors je souhaiterais que l'on puisse entendre les motifs qui ont amené les légistes à proposer le maintien de la formulation actuelle.

M. Rémillard: M. le professeur Pineau, M. le Président, pourrait nous faire des commentaires à ce sujet-là.

Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, dans le droit d'aujourd'hui, le contrat de prêt est un contrat réel, c'est-à-dire qu'il se forme par la remise de la chose, quelle que soit cette chose. Donc, le consentement ne suffit pas. Il faut que le bien en question, le bien prêté, soit remis par le prêteur à l'emprunteur pour que le contrat soit formé valablement. Dans l'avant-projet, l'article 2384 avait enlevé le caractère réel au prêt pour faire de ce contrat un contrat consensuel comme tous les autres contrats. Le projet de loi 125 revient au droit actuel et présente le prêt comme étant un contrat réel, que ce prêt porte sur un bien déterminé, un corps certain, ou sur de l'argent, peu importe.

Voilà pourquoi 2302 prévoit le cas de promesse de prêter qui, comme toute promesse, ne confère au bénéficiaire que le droit de réclamer des dommages et intérêts de la part de ce dernier.

Je crois comprendre que le Barreau souhaiterait que ce contrat de prêt soit consensuel pour régler ce qu'il pense être un problème dans le cadre des prêts d'argent dont le montant est versé par périodes échelonnées dans le temps. Mais, je crois que cette forme de prêt ne présente pas de problèmes particuliers. L'avantage de faire du contrat de prêt un contrat réel réside en ceci: Actuellement, les institutions financières qui prêtent de l'argent font des promesses de prêt. Lorsque tout est prêt, les institutions financières remettent l'argent à l'emprunteur. Dans l'hypothèse où le prêteur ne verserait pas l'argent - il n'y a pas de contrat de prêt - donc, dans ce contexte-là, l'emprunteur peut aller chercher un prêt ailleurs et exercer contre le promettant une action en dommages et intérêts, une action en responsabilité pour le préjudice subi du fait de l'inexécution de cette promesse. Si nous faisons du prêt un contrat consensuel, lorsque le prêteur refusera de remettre l'argent, il n'exécutera donc pas l'obligation résultant de son contrat de prêt. Cela signifie qu'à ce moment-là l'emprunteur devra exercer une action pour forcer l'exécution

de ce prêt, mais il ne pourra pas nécessairement aller chercher un prêteur ailleurs. Donc, nous ne pensons pas qu'en définitive ie fait de faire du contrat de prêt un contrat consensuel facilite, ajoute quelque chose de favorable à la position de l'emprunteur.

Quant au prêt d'une somme d'argent échelonné dans le temps, nous pensons que cela ne pose pas de problème car, dès lors que l'institution financière a fait son premier versement, sur un emprunt de 3 000 000 $, par exemple, lorsque le premier million est posé, le contrat de prêt est alors formé et exécuté en partie. Il n'y a pas une succession de contrats de prêt, il y a simplement l'exécution finale du contrat qui s'est déjà formé lors de la remise du premier million, si j'ose ainsi m'exprimer.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Pineau. S'il n'y a pas d'autres commentaires, les articles 2298 à 2302 inclusivement sont donc adoptés tels quels. J'aimerais maintenant appeler les articles contenus à la section II, qui traite du prêt à usage. Les articles 2303 à 2312 inclusivement.

M. Rémillard: M. le Président, nous avons trois amendements. D'abord, l'article 2306 est modifié par le remplacement de tout ce qui suit, dans la première ligne du premier alinéa, le mot "dépenses", par les mots "nécessaires et urgentes faites pour la conservation du bien." M. le Président, cet amendement est conforme à l'opinion de la doctrine, tant québécoise que française, qui considère que l'obligation de prévenir le prêteur ne doit pas être un obstacle au remboursement des dépenses. L'amendement assure également la concordance avec l'article 2310 qui confère à l'emprunteur un droit de rétention pour les dépenses nécessaires et urgentes faites pour la conservation du bien. En raison de cet amendement, l'article 2306 se lirait comme suit: "L'emprunteur a le droit d'être remboursé des dépenses nécessaires et urgentes faites pour la conservation du bien. "Il supporte seul les dépenses qu'il a dû faire pour utiliser le bien."

L'article 2307, M. le Président, est modifié par la suppression, dans la première ligne, des mots "les défauts de sécurité ou". M. le Président, cet amendement est de concordance avec celui apporté à l'article 1454 qui n'applique qu'au domaine extracontractuel la notion de défaut de sécurité. En raison de cet amendement, l'article 2307 se lirait comme suit: "Le prêteur qui connaissait les vices cachés du bien prêté et n'en a pas averti l'emprunteur est tenu de réparer le préjudice qui en résulte pour ce dernier."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Je pense que vous avez un troisième amendement. (21 h 15)

M. Rémillard: Oui, M. le Président, à l'article 2308, qui est modifié par le remplacement, dans la dernière ligne du second alinéa, des mots "à moins que celle-ci résulte d'une force majeure" par les mots "même si celle-ci résulte d'une force majeure, sauf si la perte s'était, de toute façon, produite en raison de cette force majeure."

M. le Président, cet amendement vise à rétablir en partie la règle du droit actuel selon laquelle l'emprunteur est tenu de la perte, même si celle-ci résulte d'une force majeure, mais en y apportant, pour des motifs d'équité, un important tempérament. Si la perte s'était produite en raison de la force majeure, même si l'emprunteur avait utilisé le bien pour l'usage auquel il est destiné ou l'avait rendu à temps, l'emprunteur n'est alors pas tenu de la perte. En raison de cet amendement, l'article 2308 se lirait comme suit: "L'emprunteur n'est pas tenu de la perte du bien qui résulte de l'usage pour lequel il est prêté. "Cependant, s'il emploie le bien à un usage autre que celui auquel il est destiné ou pour un temps plus long qu'il ne le devait, il est tenu de la perte, même si celle-ci résulte d'une force majeure, sauf si la perte s'était, de toute façon, produite en raison de cette force majeure."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Un commentaire? Oui, Me Masse.

M. Masse: M. le Président, nous avons vérifié certaines formulations au vu des propositions de l'Office de la langue française, et je me demande si, à la dernière ligne de l'article 2308 suggéré, il n'y a pas une faute. Je me demande si la version finale, ce ne serait pas: "...sauf si la perte se serait de toute façon produite en raison de cette force majeure." C'est bien "s'était"?

M. Rémillard: C'est le Barreau du Québec, M. le Président, qui nous avait fait valoir ses commentaires sur cet article.

Le Président (M. Lafrance): Si je comprends bien, le terme "s'était" est...

M. Rémillard: C'est ce qui a été recommandé par l'Office de la langue française. Mais je peux assurer cette commission qu'on va faire une autre vérification.

Le Président (M. Lafrance): Oui. On peut certainement vérifier, quitte à revenir, si besoin il y avait. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires - Me Masse? - sur cet article ou sur les autres contenus à la section II? Sinon, les articles 2303, 2304 et 2305 sont donc adoptés

tels quels. Les articles 2306, 2307 et 2308 sont adoptés tel qu'amendés. Les article 2309, 2310, 2311 et 2312 sont adoptés tels quels.

J'aimerais maintenant appeler les articles contenus dans la section III, qui traite du simple prêt, soit les articles 2313 à 2318 inclusivement.

M. Rémillard: M. le Président, d'un commun accord, les membres de cette commission aimeraient suspendre l'article 2318.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires concernant ces articles? Oui, Me Masse.

M. Masse: M. le Président, c'est sur 2318. Même s'il est suspendu, je crois qu'il serait important d'en signaler le sens pour la suite de la discussion. L'article 2318 est l'équivalent de l'article 1040c actuel, qui date de 1964 et qui a été adopté au Québec, suite à un arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Barfried. Il est important, je pense, de suspendre 2318 pour nous permettre de discuter encore de la définition de la lésion entre majeurs, à l'article 1402. 1.

Deuxièmement, il est clair également, pour nous, que nous ne voulons pas perdre les avantages qu'accorde actuellement l'article 1040c, mais nous ne voulons pas non plus aller trop loin. On sait l'importance des contrats de prêt d'argent dans notre société. Il y a là, vraiment, un équilibrage à faire et qui dépend de la structure d'ensemble que l'on tiendra ou de la politique que l'on adoptera sur la notion de lésion entre majeurs.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Masse. Alors, les articles 2313, 2314, 2315, 2316 et 2317 sont donc adoptés tels quels. L'article 2318est laissé en suspens.

Nous en arrivons au chapitre treizième, qui traite du cautionnement, et j'aimerais faire appel à Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata afin de nous lire, s'il vous plaît, les propos d'introduction contenus à la page 741.

Du cautionnement

Mme Dionne: Oui, M. le Président. Le chapitre treizième, Du cautionnement, articles 2319 à 2351. Le chapitre XIII du livre Des obligations consacré au contrat de cautionnement propose plusieurs modifications aux règles du Code actuel qui n'avaient subi aucune intervention législative depuis la codification de 1866. Or, la stabilité des règles régissant le cautionnement ne signifie aucunement qu'il s'agit là d'une institution où les litiges ont été peu nombreux. Bien au contraire, de très sérieuses controverses ont surgi dans la détermination du régime juridique de cautionnement.

Les règles du chapitre XIII viennent donc résoudre ces controverses en consacrant des solutions dégagées par la doctrine et la jurisprudence québécoise, et parfois française, ou en proposant des solutions nouvelles. Elles visent ainsi à assurer une protection accrue des cautions et à restreindre les abus souvent dénoncés.

C'est ainsi que le chapitre XIII résout, notamment, les difficultés que posent des questions comme la transmissibilité, aux héritiers de la caution des dettes contractées par le débiteur principal après le décès de celle-ci, l'incidence de la solidarité entre le débiteur et la caution, l'existence d'un recours personnel entre cautions, l'obligation de renseignement à la charge du créancier, l'effet de déchéance du terme encourue par le débiteur principal, la renonciation au bénéfice de subrogation, la révocation du cautionnement continu et celle du cautionnement attaché à l'exercice de fonctions particulières. M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la députée. J'aimerais appeler les articles contenus dans la section I de ce chapitre treizième, qui traite de la nature, de l'objet et de l'étendue du cautionnement, soit les articles 2319 à 2330 inclusivement.

M. Rémillard: Nous avons quatre amendements, M. le Président. L'article 2320 est modifié par le remplacement, dans la dernière ligne, du mot "établi" par le mot "imposé". M. le Président, il est plus exact de dire que la loi impose un cautionnement. En raison de cet amendement, l'article 2320 se lirait comme suit: "Outre qu'il puisse résulter d'une convention, le cautionnement peut être imposé par la loi ou ordonné par jugement. " C'est le Barreau qui nous avait suggéré cette modification.

L'article 2323 est modifié par le remplacement, dans la deuxième ligne du premier alinéa, des mots "ait et maintienne" par les mots "a et maintient". M. le Président, cet amendement est d'ordre linguistique. En raison de cet amendement, l'article 2323 se lirait comme suit: "Le débiteur tenu de fournir une caution doit en présenter une qui a et maintient au Québec des biens suffisants pour répondre de l'objet de l'obligation et qui a son domicile au Canada; à défaut de quoi, il doit en donner une autre. "Cette règle ne s'applique pas lorsque le créancier a exigé pour caution une personne déterminée. "

M. le Président, l'article 2326 est modifié par le remplacement du second alinéa par le suivant: "On peut cautionner l'obligation dont le débiteur principal peut se faire décharger en invoquant son incapacité, à la condition d'en avoir connaissance, ainsi que l'obligation naturelle. "

M. le Président, cet amendement apporte une précision conforme au droit des obligations. En effet, la nullité du contrat pourrait être

obtenue en invoquant l'erreur. Il a semblé préférable de prévoir clairement la règle selon laquelle le cautionnement est valable si ta caution avait connaissance de la nature particulière de l'obligation. C'est cette connaissance qui rend le cautionnement valable, puisque la caution se porte fort, en quelque sorte, que le débiteur confirmera son engagement et elle cautionne éventuellement cet engagement. L'amendement opère également une inversion afin de mieux dégager la règle. En raison de cet amendement, l'article 2326 se lirait comme suit: "Le cautionnement ne peut exister que pour une obligation valable. "On peut cautionner l'obligation dont le débiteur principal peut se faire décharger en invoquant son incapacité, à la condition d'en avoir connaissance, ainsi que l'obligation naturelle."

La Chambre des notaires, M. le Président, nous avait fait valoir le bien-fondé d'un tel amendement.

L'article 2330, M. le Président, est modifié par l'ajout, à la dernière ligne, entre les mots "ceux" et "postérieurs", des mots "qui sont". M. le Président, cet amendement est d'ordre linguistique. En raison de cet amendement, l'article 2330se lirait comme suit: "Le cautionnement d'une obligation principale s'étend à tous les accessoires de la dette, même aux frais de la première demande et à tous ceux qui sont postérieurs à la dénonciation qui en est faite à la caution."

Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, M. le ministre. S'il n'y a aucun commentaire concernant ces articles, l'article 2319 est adopté tel quel, l'article 2320 est adopté tel qu'amendé, les articles 2321 et 2322 sont adoptés tels quels, l'article 2323 est adopté tel qu'amendé, les articles 2324 et 2325 sont adoptés tels quels, l'article 2326 est adopté tel qu'amendé, les articles 2327, 2328 et 2329 sont adoptés tels quels et l'article 2330 est adopté tel qu'amendé.

J'aimerais maintenant appeler les articles contenus à la section II, qui touche aux effets du cautionnement, et en particulier les effets entre le créancier et la caution, soit les articles 2331 à 2341 inclusivement.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Nous avons quatre amendements. L'article 2333 est modifié par l'ajout du second alinéa suivant: "Celui qui a cautionné la caution judiciaire ne peut demander la discussion du débiteur principal, ni de la caution."

M. le Président, cet amendement reprend la règle de l'article 1965 du Code civil du Bas Canada. En l'absence de cette règle et compte tenu de l'article 2333, on aurait pu prétendre que la caution conventionnelle de la caution judiciaire peut discuter les biens de la caution judiciaire ou du débiteur principal, alors que la caution judiciaire, conformément au 1er alinéa de l'article 2333, ne jouit pas du bénéfice de discussion. En raison de cet amendement, l'article 2333 se lirait comme suit: "La caution conventionnelle ou légale jouit du bénéfice de discussion, à moins qu'elle n'y renonce expressément. "Celui qui a cautionné la caution judiciaire ne peut demander la discussion du débiteur principal, ni de la caution."

M. le Président, l'article 2334 est modifié par le remplacement, dans la dernière ligne du premier alinéa, des mots "et lui avancer" par les mots "en lui avançant".

M. le Président, cet amendement vise à rétablir la règle du droit actuel selon laquelle le créancier est tenu de l'insolvabilité survenue après le défaut de poursuite, c'est-à-dire après que le créancier soit tenu de procéder à la discussion, donc après que la caution ait non seulement indiqué les biens saisissables du débiteur, mais qu'elle ait aussi avancé les sommes nécessaires à la discussion. En raison de cet amendement, l'article 2334 se lirait comme suit: "La caution qui se prévaut du bénéfice de discussion doit l'invoquer dans l'action intentée contre elle, indiquer au créancier les biens saisissables du débiteur principal en lui avançant les sommes nécessaires pour la discussion. "Le créancier qui néglige de procéder à la discussion est tenu, à l'égard de la caution et jusqu'à concurrence de la valeur des biens indiqués, de l'insolvabilité du débiteur principal survenue après l'indication, par la caution, des biens saisissables du débiteur principal."

M. le Président, l'article 2338 est modifié par l'ajout, dans la deuxième ligne, après le mot "solidaire," des mots "elle ne peut plus invoquer les bénéfices de discussion et de division;". Cet amendement vise à prévoir expressément quel est l'effet de la solidarité sur les bénéfices de discussion et de division. En raison de cet amendement, l'article 2338 se lirait comme suit: (21 h 30) "Lorsque la caution s'oblige, avec le débiteur principal, en prenant la qualification de caution solidaire ou de codébiteur solidaire, elle ne peut plus invoquer les bénéfices de discussion et de division; les effets de son engagement se règlent par les principes établis pour les dettes solidaires, dans la mesure où Hs sont compatibles avec la nature du cautionnement."

Le Ban-eau du Québec nous avait fait valoir le bien-fondé d'un tel amendement.

L'article 2340, M. le Président, est modifié par le remplacement des deux premières lignes par ce qui suit: "La caution n'est point déchargée par la simple prorogation du terme accordée par le créancier au débiteur principal; de même, la déchéance."

Cet amendement vise à clarifier la règle. Le mot "mais" laisse croire que la règle qui suit est à l'effet que la déchéance du terme décharge la

caution, alors qu'au contraire elle subit la déchéance du terme et doit remplir son obligation. En raison de cet amendement, l'article 2340 se lirait comme suit: "La caution n'est point déchargée par la simple prorogation du terme accordée par le créancier au débiteur principal; de même, la déchéance du terme encouru par le débiteur principal produit ses effets à l'égard de la caution."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, les articles 2331 et 2332 sont donc adoptés tels quels, les articles 2333 et 2334 sont adoptés tels qu'amendés, les articles 2335, 2336 et 2337 sont adoptés tels quels, l'article 2338 est adopté tel qu'amendé, l'article 2339 est adopté tel quel, l'article 2340 est adopté tel qu'amendé et l'article 2341 est adopté tel quel.

J'aimerais appeler les articles qui traitent des effets entre le débiteur et la caution, soit les articles 2342 à 2345 inclusivement.

M. Rémillard: II n'y a pas d'amendements, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): S'il n'y a aucun commentaire, les articles 2342 à 2345 inclusivement sont donc adoptés tels quels. J'aimerais maintenant appeler l'article 2346 qui traite des effets entre les cautions.

M. Rémillard: II n'y a pas d'amendements, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, l'article 2346 est adopté tel quel. J'aimerais maintenant appeler les articles contenus à la section III, qui traite de la fin du cautionnement, soit les articles 2347 à 2351 inclusivement.

M. Rémillard: II y a trois amendements, M. le Président. L'article 2347 est modifié par la suppression du second alinéa. Cet amendement vise à faire de la règle énoncée au second alinéa une règle générale, laquelle est reportée à l'article 2349.1, telle que proposée, puisqu'elle vaut dans toutes les hypothèses où prend fin le cautionnement. En raison de cet amendement, l'article 2347 se lirait comme suit: "Le décès de la caution met fin au cautionnement, malgré toute stipulation contraire."

L'article 2348 est modifié: 1° par le remplacement, dans les première et deuxième lignes du premier alinéa, des mots "pour une période ou une somme" par les mots "en vue de couvrir des dettes futures ou pour une période"; 2° par le remplacement, dans le deuxième alinéa, des mots "lorsque le" par les mots "dans le cas d'un"; 3° par la suppression, dans le deuxième alinéa, du mot "est".

M. le Président, le premier amendement vise à préciser la règle. Ce qui est visé à l'article 2348, ce sont les dettes à venir, ou ce que l'on appelle en doctrine le cautionnement continu. L'expression "dettes futures" est plus claire que celle de "somme indéterminée", laquelle n'implique pas forcément que l'obligation est aussi indéterminée.

Les autres amendements sont d'ordre linguistique. En raison de cet amendement, l'article 2348 se lirait comme suit: "Le cautionnement consenti en vue de couvrir des dettes futures ou pour une période indéterminée comporte, après trois ans et tant que la dette n'est pas devenue exigible, la faculté pour la caution d'y mettre fin en donnant un préavis suffisant au débiteur, au créancier et aux autres cautions. "Cette règle ne s'applique pas dans le cas d'un cautionnement judiciaire."

Alors, 2348, M. le Président, que je viens de lire dans son amendement devrait être suspendu pour qu'on puisse procéder à une étude plus approfondie. L'article 2349.1... Excusez-moi, M. le Président, le projet est modifié par l'insertion, après l'article 2351, du suivant... M. le Président, je reprends la lecture de cet amendement: Le projet est modifié par l'insertion, après l'article 2349, du suivant: "2349.1 Lorsque le cautionnement prend fin, la caution demeure tenue des dettes existantes à ce moment, même si elles sont soumises à une condition ou à un terme."

M. le Président, cet amendement s'inspire de la règle du second alinéa de l'article 2347, qui a été étendue à l'ensemble des situations où prend fin le cautionnement, afin de préciser ce qu'il advient du cautionnement sur les dettes à ce moment. En raison de cet amendement, l'article 2349.1 se lirait comme suit: "Lorsque le cautionnement prend fin, la caution demeure tenue des dettes existantes à ce moment, même si elles sont soumises à une condition ou à un terme."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, l'article 2347 est donc adopté tel qu'amendé, l'article 2348 est laissé en suspens, l'article 2349 est adopté tel quel, le nouvel article 2349.1 est adopté tel que proposé et les articles 2350 et 2351 sont adoptés tels quels. J'aimerais maintenant vous référer au chapitre quatorzième, qui traite de la rente, et permettez-moi de vous lire les propos d'introduction.

De la rente

Instrument à caractère économique, la rente, principalement celle qui est d'origine contractuelle, évolue parmi d'autres instruments financiers. Elle se distingue par sa fonction d'apport

complémentaire aux ressources financières d'une personne, à une époque correspondant généralement à celle où cette personne cesse d'accomplir un travail rémunérateur.

Le Code civil du Québec, au chapitre De ta rente, vient surtout simplifier et uniformiser les règles actuelles ou accorder le droit à la réalité et aux pratiques usuelles. Il opère aussi un regroupement des dispositions du Code actuel en la matière, que l'on retrouvait principalement, tantôt et assez curieusement au livre deuxième de ce Code à propos de la distinction des biens, tantôt au sein du titre relatif au prêt pour la constitution de rente, tantôt encore dans un titre distinct réservé aux rentes viagères.

Concernant la nature du contrat de rente et la portée des règles qui le régissent, les nouvelles dispositions se caractérisent, entre autres, par l'introduction d'une définition claire de ce type de contrat qui soit valable pour toute espèce de rente, y compris celle constituée par bail à rente dont traite exceptionnellement le chapitre De la vente; elles se caractérisent aussi par l'assujettissement, aux règles applicables à la rente contractuelle, des rentes constituées par testament, par jugement ou par la loi.

Pour ce qui est de l'étendue, en termes de durée, du contrat de rente, les principaux changements apportés par les nouvelles dispositions ont trait, d'une part, à l'abolition des rentes perpétuelles, dont le capital était essentiellement remboursable et qui ne répondent plus vraiment aux besoins de notre société vu l'existence du prêt à intérêt et, d'autre part, à la suppression des distinctions subtiles entre la rente foncière, la rente constituée et la rente viagère et les autres rentes temporaires à terme.

Désormais, ne sont donc retenues que les rentes viagères et les autres rentes temporaires qualifiées de rentes non viagères, et la durée du service de toute rente est, dans tous les cas, limitée ou réduite à 100 ans depuis sa constitution, peu importent les stipulations contraires du contrat ou le fait qu'elles constituent une rente successive.

Quant aux effets du contrat de rente, les nouveautés apportées sont nombreuses. Parmi les principales se démarquent, d'abord, l'ajustement des règles relatives aux stipulations d'insaisis-sabilité et d'inaliénabilité des rentes ou l'introduction d'une règle décrétant l'insaisissabilité du capital en cas de rente successive, et la limitation du caractère d'insaisissabilité à ce qui est nécessaire à titre d'aliments seulement.

Des règles de désignation ou de révocation de certains crédirentiers, renvoyant tantôt au régime de la stipulation pour autrui, tantôt au régime du droit des assurances, sont introduites, de même que des règles sur la réversibilité des rentes constituées au profit de plusieurs personnes conjointement, y compris une présomption de réversibilité à l'égard des époux.

La faculté unilatérale de rachat qu'accorde le droit actuel au débirentier est, par ailleurs, abolie, le débirentier bénéficiant plutôt, désormais, de la seule faculté de se faire remplacer par un assureur autorisé. Cette faculté de substitution, qui se justifie pour la protection du crédirentier et qui s'entoure de mesures protectrices de ses droits, est également accordée au propriétaire d'un immeuble grevé d'une sûreté pour la garantie du service de la rente, afin de favoriser la libre circulation des immeubles.

Enfin, les droits du crédirentier, en cas d'inexécution des obligations du débirentier ou de survenance de situations susceptibles de mettre en péril l'exécution de ses obligations, sont clairement précisées, comme le sont également ses droits en cas de vente forcée d'un immeuble sur lequel il détient une hypothèque garantissant le service de la rente, et une règle d'évaluation de la rente, en capital, est introduite pour toutes les situations où une telle évaluation est requise en application des dispositions du chapitre.

J'aimerais appeler les articles contenus à la section I, qui traite de la nature du contrat et de la portée des règles qui le régissent, soit les articles 2352 à 2355 inclusivement.

M. Rémillard: Nous avons un amendement, M. le Président. C'est l'article 2353 qui est modifié par la suppression, à la troisième ligne, dans l'expression "est dit un bail à rente", du mot "un".

M. le Président, cet amendement est d'ordre formel seulement. En raison de cet amendement, l'article 2353 se lirait comme suit: "Lorsque le débirentier s'oblige au service de la rente moyennant le transfert, à son profit, de la propriété d'un immeuble, le contrat est dit bail à rente et est principalement régi par les règles du contrat de vente auquel il s'apparente." (21 h 45)

Le Président (M. La trance): Merci, M. le ministre. Je pense que vous avez un autre amendement aussi... non, pas dans cette section. Alors, la discussion est donc ouverte pour les articles 2352 à 2355 inclusivement.

S'il n'y a aucun commentaire, l'article 2352 est donc adopté tel quel.

Mme Harel:...

Le Président (M. Lafrance): Pardon? Oui. L'article 2353 est adopté tel qu'amendé, les articles 2354 et 2355 sont adoptés tels quels. J'aimerais maintenant appeler les articles contenus à la section II, qui traite de l'étendue du contrat, soit les articles 2356 à 2361 inclusivement.

M. Rémillard: II y a un amendement, M. le Président. L'article 2361 est modifié par le remplacement, aux deuxième et troisième lignes, des mots "sa constitution" par les mots "la

constitution de la rente". Cet amendement vise à supprimer toute difficulté d'interprétation pouvant naître entre le texte du présent article et celui du deuxième alinéa de l'article 2359. Dans les deux cas, la limite est fixée à 100 ans depuis la constitution de la rente même et non depuis le début du service de celle-ci. En raison de cet amendement, l'article 2361 se lirait comme suit: "La durée du service de toute rente, qu'elle soit viagère ou non, est dans tous les cas limitée ou réduite à 100 ans depuis la constitution de la rente, même si le contrat prévoit une durée plus longue ou constitue une rente successive."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, s'il n'y a aucun commentaire, les articles 2356 à 2360 inclusivement sont adoptés tels quels, l'article 2361 est adopté tel qu'amendé. J'appelle maintenant les articles contenus à la section III, qui traite de certains effets du contrat, soit les articles 2362 à 2373 inclusivement.

M. Rémillard: Alors, M. le Président, nous aimerions suspendre les articles 2362 et 2363 pour de plus amples consultations et vérifications techniques. Il y a aussi deux amendements, M. le Président. Tout d'abord, à l'article 2367, qui est modifié par le remplacement, à la première ligne, des mots "à la fin de chaque mois et" par ce qui suit: "à la fin de chaque période prévue, laquelle ne peut excéder un an;".

M. le Président, cet amendement apporte des précisions destinées à mieux refléter la pratique dans le domaine des rentes, où les périodes de paiement des redevances sont essentiellement variables, pouvant être tantôt mensuelles, tantôt trimestrielles ou même, bien souvent, semestrielles ou annuelles. Il paraissait cependant important, malgré le souci de refléter la pratique actuelle et de favoriser la liberté des parties dans la conclusion de leur entente, de ne pas perdre de vue les droits du crédirentier et, à cette fin, il a semblé souhaitable de limiter, dans tous les cas, à un an au maximum la périodicité du paiement des redevances. En raison de cet amendement, l'article 2367 se lirait comme suit: "Les redevances se paient à la fin de chaque période prévue, laquelle ne peut excéder un an; elles sont comptées à partir du jour où le débirentier doit commencer à servir la rente."

L'autre amendement, M. le Président, est à l'article 2369, qui est modifié par le remplacement, à la dernière ligne du second alinéa, des mots "celle offerte" par les mots "celle qui est offerte". Cet amendement est d'ordre formel seulement. En raison de cet amendement, l'article 2369 se lirait comme suit: "Le débirentier a la faculté de se faire remplacer par un assureur autorisé en lui versant la valeur de la rente qu'il doit. "De même, le propriétaire d'un immeuble grevé d'une sûreté pour la garantie du service de la rente a la faculté de substituer la sûreté attachée à cette rente par celle qui est offerte par un assureur autorisé. "Le crédirentier ne peut s'opposer à la substitution, mais il peut demander que l'achat de la rente se fasse auprès d'un autre assureur ou contester la valeur du capital arrêté ou celle de la rente en découlant."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, les articles 2362 et 2363 sont laissés en suspens, l'article 2364 de même que les articles 2365 et 2366 sont adoptés tels quels, l'article 2367 est adopté tel qu'amendé, l'article 2368 est adopté tel quel, l'article 2369 est adopté tel qu'amendé et les articles 2370 à 2373 sont adoptés tels quels.

M. Rémillard: M. le Président, on termine donc là; c'est jusqu'où nous pouvons faire ce soir, étant donné que, pour le reste... On me dit qu'il resterait deux articles sur le jeu et les paris. Oui. C'est ce que j'avais compris. Alors, il ne reste pas deux petits articles. Je reprends. Alors, on termine là, M. le Président, mais j'aimerais pouvoir rouvrir l'article 2104 du chapitre huitième, contrat d'entreprise ou de service. Nous aurions un amendement à proposer à l'article 2104.

Le Président (M. Lafrance): L'article 2104, oui. L'article 2104 est un article qui avait été adopté avec amendement. Là, vous désirez, si je comprends bien, rouvrir l'article et retirer l'amendement qui avait été...

M. Rémillard: Oui, j'aimerais proposer un autre amendement, M. le Président. Voici, à l'article 2104, remplacer tout ce qui suit les mots "à courir" par ce qui suit: "qu'à compter de la fin des travaux, même à l'égard de ceux qui ont fait l'objet de réserves lors de la réception de l'ouvrage."

M. le Président, cet amendement vise à clarifier le point de départ de la prescription et assure la concordance avec l'amendement apporté à l'article 2098. En raison de cet amendement, l'article 2104 se lirait comme suit: "La prescription des recours entre les parties ne commence à courir qu'à compter de la fin des travaux, même à l'égard de ceux qui ont fait l'objet de réserves lors de la réception de l'ouvrage."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a des commentaires? L'article 2104 est donc adopté avec ce nouvel amendement qui est contenu et imprimé en date du 23 octobre 1991.

Mme Harel: Est-ce que je dois comprendre que c'est là une suggestion qui nous est venue du Barreau?

M. Rémillard: C'est ça, oui. Mme Harel: C'est bien ça.

Le Président (M. Lafrance): Est-ce qu'il y a des commentaires de fin de séance?

M. Rémillard: M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Oui, M. le ministre.

M. Rémillard: Si vous me permettez, je ne serai pas avec vous la semaine prochaine, mais je sais que, de toute façon, nos experts ont besoin de ce temps pour se réunir et procéder aussi à des consultations, ce que nous allons faire. Nous serons donc de retour dans une semaine.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je pense bien que je peux, en mon nom et, j'imagine, au nom de tous les membres de cette commission ainsi que des personnes qui participent de près à nos travaux, souhaiter une bonne mission au ministre en Europe. Je profiterai de l'occasion qui nous est offerte pour féliciter le président pour la façon avec laquelle il s'acquitte de sa tâche. M. le Président, je l'ai déjà dit, mais je crois qu'il est nécessaire de vous le répéter. Vous introduisez dans nos travaux un formalisme tout en maintenant une simplicité de bon aloi qui est un agrément, finalement, dont je vous suis bien redevable.

Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, Mme la députée.

M. Rémillard: M. le Président, je connais votre modestie, mais je me permets quand même de m'associer à la députée de Hochelaga-Maison-neuve pour souligner aussi la qualité de votre travail de président. Je vous en remercie.

Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie beaucoup et j'aimerais vous remercier, en retour, pour votre collaboration. J'inclus non seulement les membres, mais aussi nos experts. Alors, sur ces propos très agréables, j'aimerais ajourner nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 21 h 55)

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