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Version finale

28e législature, 2e session
(20 octobre 1967 au 20 octobre 1967)

Le vendredi 20 octobre 1967 - Vol. 6 N° 1

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

Vendredi, 20 octobre 1967.

(Trois heures de l'après-midi)

M. PAUL (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre, messieurs!

Faites entrer le messager. Admit the messenger.

Message du lieutenant-gouverneur

LE MESSAGER: M. le Président, Son Honneur l'honorable lieutenant-gouverneur désire la présence] des members de cette Chambre dans la salle du Conseil législatif.

Mr. Speaker, it is the Honourable Lieutenant-Governor's pleasure that the members of this House do attend immediately in the Legislative Council Chamber.

(Note de l'éditeur: Les membres de l'Assemblée législative se rendent alors à la salle du Conseil législatif pour entendre la lecture du discours du Trône. Et de retour à l'Assemblée législative.)

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable premier ministre.

Motion du premier ministre

M. JOHNSON: M. le Président, j'ai l'honneur de proposer la motion suivante:

Attendu que la grève en cours des employés de la Commission de transport de Montréal compromet l'ordre, la santé et la sécurité publiques;

Attendu qu'il est impérieux de suspendre certains règlements de la Chambre pour procéder d'urgence à l'adoption de mesures propres à remédier à cette grave situation;

Cette Chambre déclare qu'il est urgent de procéder immédiatement à l'étude du bill numéro 1, intitulé « Loi assurant aux usagers la reprise des services normaux de la Commission de transport de Montréal ».

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.

Retour du premier ministre

M. LESAGE: M. le Président, vous me permettrez sans doute de déroger aux strictes dictées de notre règlement pour offrir nos hommages, en particulier au premier ministre qui nous revient en excellente santé d'un repos dont il avait besoin. Et personne ne peut comprendre mieux que celui qui vous parle jusqu'à quel point les fonctions qu'occupe le député de Bagot peuvent affecter, à un degré plus ou moins intense, le physique de celui qui occupe la charge de premier ministre.

M. le Président, nous sommes tous heureux de le revoir, de lui souhaiter la bienvenue et il peut être assuré de recevoir de la part de l'Opposition, même si elle se doit de faire valoir ses points de vue avec énergie, de recevoir dans une tentative de règlement d'un conflit, qui a trop duré et qui doit cesser, la collaboration de l'Opposition.

Maintenant, M. le Président, je voudrais laisser au président de notre caucus qui s'occupe plus particulièrement de la procédure en Chambre le soin de faire les commentaires sur la motion, c'est-à-dire que je lui laisse le soin de parler dans l'ordre alors que j'ai été hors d'ordre avec le consentement unanime. Je voudrais m'assurer cependant que la procédure que nous établissons n'empêchera pas le premier ministre, avant que nous étudions un prochain article à l'ordre du jour et le bill numéro 1, de nous faire rapport sur ce qu'on m'a dit à l'effet que la grève des radiologistes serait réglée.

M. JOHNSON: M. le Président, vous me permettrez avec le consentement unanime des députés de l'Union Nationale, des députés libéraux et des indépendants anciens et nouveaux, je veux dire merci au chef de l'Opposition et à tous ceux qui partagent ces sentiments pour les paroles extrêmement aimables à entendre même si, sur le plan politique, nous devons, dans des clubs différents, lutter tellement durement des fois. Il est bon de savoir que même sur la glace avant que la partie ne commence les joueurs peuvent se parler poliment et sincèrement s'offrir des voeux. Je le remercie de se dire réjoui de me voir de retour d'un repos que je n'aurais pas voulu prendre mais que j'ai dû prendre. Je me suis rendu compte il y a déjà quelques mois que j'en avais besoin lorsque, vers la fin de la session, je devenais, moi, impatient.

M. LESAGE : J'aurais pu conseiller au premier ministre plusieurs repos au cours des sept dernières années.

M. JOHNSON: M. le Président, la population

de cette province apprendra avec énormément de plaisir que l'Opposition, même si elle se réserve le droit sacré de critiquer, peut quand même coopérer à l'adoption d'une loi que nous voulons la meilleure possible et dont le seul but est de régler un conflit qui, comme l'a dit le chef de l'Opposition, a trop duré.

Je remercie donc l'Opposition de son offre de collaboration. Je présume que j'ai celle des indépendants. Tous collectivement, libéraux, Union Nationale, indépendants, nous représentons 100% de la population qui a voté lors des dernières élections et nous sommes, je crois bien, mandatés pour faire quelque chose.

Grève des radiologistes

M. JOHNSON: Le chef de l'Opposition a demandé — et je crois qu'il est d'intérêt public de répondre à sa demande — si les nouvelles ou rumeurs qu'il avait entendues relativement aux radiologistes étaient exactes. Vous me permettrez de faire lecture d'un communiqué que j'ai moi-même dicté, corrigé et permis la diffusion: « Le premier ministre du Québec annonce la fin de la grève des radiologistes. Les représentants de ces derniers et ceux du gouvernement s'apprêtent — même au moment où je vous parle — à signer une entente basée sur les offres monétaires faites par le gouvernement au cours du mois de septembre. L'entente prévoit pour les radiologistes le même statut que pour les autres médecins spécialistes. Entre autres conséquences, ils pourront dispenser de leur cabinet leurs services aux assistés sociaux ».

Je suis très heureux de voir que les radiologistes, répondant à l'appel que je leur ai lancé, de concert avec le ministre de la Santé et le ministre d'Etat à la Santé, ont consenti à placer le bien commun au-dessus de leur intérêt particulier. Les radiologistes avaient d'ailleurs, dès hier soir, donné l'assurance à celui qui vous parle et à ses deux collègues qu'ils reprendraient leurs activités avec ou sans entente avec le gouvernement.

Je voudrais remercier la Fédération des spécialistes et ses porte-parole, l'exécutif de l'Association des radiologistes, le Collège des médecins et les membres d'un comité spécial de médiation d'avoir collaboré au règlement d'un conflit aussi complexe. Je crois bien lire sur la figure de plusieurs membres de cette Chambre quelques questions...

M. LESAGE: OUI.

M. JOHNSON: Je voudrais tout de suite ré- pondre à quelques-unes de ces questions, sans tomber évidemment dans tous les détails, toutes les clauses.

Fondamentalement, au point de vue monétaire, il n'y a pas un sou de plus que ce qui avait été offert au mois de septembre. Deuxièmement, nous sommes heureux que les assistés sociaux puissent recevoir des soins dans les cabinets radiologistes. Ils étaient, avec quelques autres spécialistes, les seuls qui ne pouvaient pas dispenser dans leur cabinet des services pour les assistés sociaux. Nous sommes heureux, on comprendra pourquoi, le problème de la gratuité des examens dans les hôpitaux pour toute la population ayant causé une ruée vers les hôpitaux. Or, les cabinets de radiologistes qui se trouvent situés surtout à Montréal et à Québec — j'aurais peut-être dû dire presque exclusivement dans la région de Montréal et dans la région de Québec — seront à la disposition des assistés sociaux. Cela dégagera les hôpitaux de Montréal et de Québec surtout.

Les droits de la population en général, en vertu de l'arrêté ministériel du mois de juin 1967 décrétant la gratuité des examens pour tout le monde dans les hôpitaux, demeurent inchangés. Donc, il n'y a rien de changé, quant aux droits qu'avait la population en général. Il y a cependant quelque chose de nouveau. Les assistés sociaux ne seront pas astreints à aller à l'hôpital; ils pourront aussi aller dans les cabinets des radiologistes.

Voilà ce qu'ils ont gagné, et ce que nous avons gagné sur le terrain des principes. Sur le terrain des principes aussi, ils ont gagné d'être considérés comme les autres médecins spécialistes et 11 est entendu que dans les négociations futures... Dans l'hypothèse de la gratuité de certains services comme la maternité, s'il doit y avoir des examens radiologiques, ils seront dans leur cabinet capables de les dispenser comme le cardiologue dans son cabinet est habilité à dispenser des soins de cardiologie et â faire des examens de cardiologie. Donc, les médecins ont compris. Leur engagement de retourner au travail, même sans entente, était la raison qui motivait mon optimisme d'hier soir et je suis très heureux de les remercier d'avoir compris, après beaucoup de temps, qu'il était extrêmement plus important de sauvegarder le bien commun que de continuer â se chicaner peut-être sur des fractions.

M. le Président, voilà les renseignements que cette Chambre devait connaître. Je pourrais en donner beaucoup plus et le ministre de la Santé pourrait vous en parler pendant bien longtemps, vous donner bien des détails, mais je crois avoir couvert l'essentiel.

M. LESAGE: M. le Président, une question seulement au premier ministre, et ce n'est pas sur les détails de l'entente, c'est sur la signature de l'entente. Est-ce qu'il croit que cette entente sera signée dans le cours de l'après-midi?

M. CLOUTIER: Oui, M. le Président. Actuellement les conseillers juridiques des deux côtés, ceux de la Fédération et ceux du gouvernement, sont à mettre la dernière main à la formulation de l'entente et sur les principes de base qui vont servir à la formulation de l'entente. Alors ce n'est actuellement qu'une question de formulation et...

M. MALTAIS (Limoilou): De rédaction.

M. CLOUTIER: ... d'ici quelques minutes, disons d'ici la fin de l'après-midi je pourrai ici à mon bureau du parlement signer l'entente au nom du gouvernement.

M. LESAGE: M. le Président, est-ce que le ministre accepterait d'aviser les membres de cette Chambre dès l'instant où l'entente aura été signée?

M. CLOUTIER: C'est très bien, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Laurier.

M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, si le premier ministre permet...

M. JOHNSON: M. le Président. Ah! je vous demande pardon...

M. LEVESQUE (Laurier): ... ce serait seulement pour avoir un éclaircissement final — pas dans les détails-là — sur ce cas des radiologistes qui — le premier ministre lui-même à son retour l'admettait implicitement en traitant des deux cas, des deux conflits dans la même conférence de presse et dans les mêmes phrases mêmes — celui des radiologistes comme celui de la Commission des transports. Le premier ministre vient de nous dire qu'il y a une entente qui est basée au point de vue monétaire sur les conditions du mois de septembre, telles qu'elles avaient été offertes, et je crois que ça touche les conditions monétaires faites dans le système hospitalier, enfin tel qu'on l'a défini couramment.

M. JOHNSON: C'est ça.

M. LEVESQUE (Laurier): D'autre part, dans les cabinets privés des radiologistes, le premier ministre nous apprend et je pense bien que tout le monde trouvera ça éminemment réconfortant, que les assistés sociaux désormais pourront profiter de ces services gratuitement et que c'était déjà entendu d'ailleurs ce paiement des services. Maintenant, une question très simple. Dans ce conflit qui dure lui depuis près de trois mois et à propos duquel une demande d'injonction est en suspend depuis une semaine — ce qui est un délai assez, enfin comparativement exceptionnel — est-ce que la paix qui est en train de se rétablir, en particulier du côté des cabinets où il y avait d'autres problèmes, entre autre les contrôles requis par le gouvernement, je donne ça comme exemple, est-ce que le premier ministre peut dire à cette Chambre, en fonction de l'autre conflit qu'on va discuter, si la paix a été achetée de quelque façon que ce soit par rapport — non, c'est une question qu'on a le droit, non seulement qu'on a le droit mais je crois que le parlement a le devoir de se poser — est-ce qu'elle a été achetée de quelque façon que ce soit, quelle que soit la façon qui peut être très acceptable, par rapport à ce qui était la fermeté inébranlable depuis près de trois mois du gouvernement?

M. JOHNSON: M. le Président, je pense que la question du député de Laurier va servir à éclaircir certains aspects du problème, que les députés de cette Chambre doivent connaître. D'abord, le problème des radiologistes, des négociations avec les radiologistes, dans le système d'assurance-hospitalisation, durent depuis 1962, ç'a été renouvelé à différentes reprises, on sait ça, il est bon de se le rappeler. Nous avons pris une attitude très simple. Le législateur doit traiter tout le monde également et je puis dire au député de Laurier et à tous les membres de cette Chambre et au public que nous avons pris un soin méticuleux non seulement de ne pas acheter la paix, mais de ne même pas donner l'apparence que la paix était achetée, car dans le climat actuel c'eût été une injustice.

Nous avons pris une injonction contre les médecins. Il n'était pas clair si oui ou non ils tombaient sous la juridiction du code. Cette prétention de l'un de nos procureurs que les radiologistes, quant à leur travail à l'hôpital, pouvaient être considérés, au sens du code du travail, comme des salariés, a été utilisée. Elle a été révélée à mes collègues en mon absence et ils ont décidé sur l'avis du ministère de la Justice de tenter l'expérience. Par ailleurs, il est bon de savoir que nous avons averti les radiologistes que s'ils n'étaient pas de retour au travail, nous ajournerions la présente session, après avoir

disposé du bill No 1, jusqu'à ce que le jugement soit rendu afin de pouvoir, s'il y avait lieu, prendre les mesures qui s'imposaient ou qui se seraient alors imposées s'ils n'étaient pas retournés au travail.

Nous avons averti le Collège des médecins, qui a des pouvoirs délégués du législateur quant I la surveillance de la santé publique — certains pouvoirs qui vont jusqu'à qualifier ou décertifier des médecins — que s'il n'exerçait pas ces pouvoirs délégués, leur mendant — le gouvernement, la Législature — verrait à les exercer, ce qui aurait été extrêmement désagréable. Par ailleurs, on sait que dans le rapport Castonguay, il y a une suggestion d'élaborer une loi qui régirait les mécanismes des relations entre médecins et gouvernement, et qui pourrait, dit le rapport Castonguay, éventuellement, être étendue graduellement à toutes les autres professions.

Alors, nous avons dit aux radiologistes, comme au Collège des médecins, que parallèlement à ce que nous ferons dans le code du travail, nous allons faire ce travail. Dans le code du travail, nous l'avons dit — je m'excuse d'anticiper un peu — dès que le problème sera réglé ici, nous travaillerons avec tous les intéressés à amender le code du travail qui est, évidemment, inadéquat, tout le monde s'en rend compte. Nous verrons aussi à préparer des mécanismes nouveaux pour négociations entre professionnels.

Par ailleurs, pour répondre à une incidente de la question telle que posée, je voudrais faire remarquer au député de Laurier que la grande différence entre les deux conflits, c'est que dans un cas, le gouvernement était directement impliqué, donc responsable de négocier, tandis que, dans l'autre cas, la partie patronale, ce n'est pas le gouvernement, c'est la CTM, et la CTM est un organisme contrôlé par la ville de Montréal, au déficit duquel 19 municipalités contribuent depuis deux ans. Alors, on voit la différence entre les deux cas. Le gouvernement directement impliqué dans le cas des radiologistes, donc responsable de négocier et de faire l'impossible pour en arriver à une entente sans acheter sa paix; dans l'autre cas, effort du gouvernement pour amener les parties à négocier, insuccès de celui qui vous parle à faire changer des positions irréversibles de part et d'autre, d'où nécessité d'une réunion.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.

M. LAPORTE: II y a quand même une motion devant cette Chambre en dépit des digres- sions importantes qui viennent d'avoir lieu. Nous voudrions simplement avoir l'assurance, comme elle a toujours été donnée en pareil cas, que l'adoption de cette motion ne change absolument rien au reste de l'ordre du jour, à l'adoption d'une adresse en réponse au discours du trône et que ce bill étant adopté et que la Chambre en ayant disposé, nous reviendrons à la procédure normale en cette Chambre.

M. BELLEMARE: Vous me permettrez, M. le Président, c'est pour nous conformer au règlement lui-même qui veut qu'il soit fait deux motions.

D'abord, cette motion d'urgence qui est faite et l'autre motion que je vais immédiatement proposer dans un instant, mettant en cause l'article 219.

M. LAPORTE: Encore une fois, nous n'avons pas d'objection, les restrictions que je viens de suggérer étant devant cette Chambre.

M. LE PRESIDENT: La motion de l'honorable premier ministre est-elle adoptée? Adopté.

M. JOHNSON: Adopté.

Articles du règlement suspendus

M. BELLEMARE: M. le Président, je fais motion que vu qu'il est urgent de procéder rapidement à l'adoption du bill no 1, intitulé Loi assurant aux usagers la reprise des services normaux de la Commission de transport de Montréal, les articles du règlement ci-après mentionnés soient suspendus et inopérants durant le cours de la présente session. Le paragraphe 12 de l'article 89 et l'article 462, pour autant qu'ils concernent la formation des comités permanents et le choix de leurs membres, l'article 509 concernant la présentation des pétitions, l'article 531 qui exige que les trois lectures d'un bill se fassent dans des séances différentes, l'article 570 qui interdit plus d'une lecture d'un bill au cours d'une même séance,les articles 594 à 665 inclusivement concernant les bills privés, les articles 666 à 688 inclusivement concernant les questions écrites seulement et les articles 689 à 704 inclusivement concernant les rapports et les documents.

M. LE PRESIDENT: La motion de l'honorable ministre du Travail est-elle adoptée?

M. LAPORTE: Adopté.

Bill no 1

M. LE PRESIDENT: Adopté. L'honorable ministre du Travail propose la première lecture du bill no 1, Loi assurant aux usagers la reprise des services normaux de la Commission de transport de Montréal. Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LESAGE: Adopté.

M. LE GREFFIER ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture de ce bill à la même séance.

M. JOHNSON: Peut-être l'Opposition serait-elle prête à adopter les deux motions qui seraient des motions de forme, à la fin?

M. LESAGE: Non, j'aimerais en discuter avec le premier ministre.

M. JOHNSON: D'accord. Pas de problème.

M. LESAGE: La première, nous pouvons l'adopter tout de suite. Pour ce qui est de la deuxième, je voudrais en dire un mot au premier ministre.

M. JOHNSON: La première... pour les fins de... Bon! ... Quant à la deuxième, on aurait...

M. LESAGE: Je voudrais dire un mot au premier ministre à ce sujet.

M. JOHNSON: D'accord. La première est-elle adoptée?

M. LESAGE: Bien, je pense que, sur la première, le député de Chambly aurait un mot à dire.

M. LAPORTE: M. le Président, cette motion propose que la Chambre...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Peut-être que la Chambre devrait d'abord être saisie de la motion de l'honorable ministre du Travail.

M. BELLEMARE: Je propose, pour les fins de la présente, qu'une résolution adoptée par cette Chambre le 23 février soit acceptée. Est-ce que celle-là est acceptée?

M. JOHNSON: De consentement unanime.

M. BELLEMARE: De consentement unanime?

M. LESAGE: Bien, c'est là-dessus que le député de Chambly voudrait dire un mot.

M. LAPORTE: Sur les heures de séance.

M. LE PRESIDENT: Je crois que la motion de l'honorable ministre du Travail est celle qui apparaît en appendice concernant les heures de séance, et de consentement unanime, l'honorable ministre du Travail propose sa motion.

M. BELLEMARE: M. le Président, je voudrais simplement attirer votre attention sur le fait que l'honorable premier ministre a demandé le consentement unanime de la Chambre pour faire accepter les deux motions qui sont à son nom, mais l'honorable chef de l'Opposition...

M. LESAGE: Non, non. Alors, j'ai mal compris. C'est la première... Je voulais dire que nous acceptions de discuter celle qui est au nom du député de Champlain mais pour ce qui est des deux qui sont au nom du premier ministre, je voudrais lui en toucher un mot.

M. BELLEMARE: D'accord. Alors, M. le Président, de consentement unanime de la Chambre, je voudrais que la Chambre, au cours de la présente session, tienne une séance par jour tous les jours de la semaine, excepté le dimanche, de dix heures trente du matin jusqu'à onze heures du soir avec suspension des travaux de une heure à deux heures trente de l'après-midi et de six heures à huit heures du soir. Et qu'à chacune de ces séances, l'ordre du jour soit celui qui est prévu pour la journée du mardi à l'article 115 du règlement.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.

M. LAPORTE: M. le Président, nous n'avons aucune objection à l'adoption de cette motion, mais — je n'en ferai pas un amendement, il s'agit strictement d'une question d'urgence — si à onze heures, nous n'avions pas terminé le travail ce soir, nous n'aurions pas d'objection à ce que le débat se poursuive et si, par hasard, nous n'avions pas terminé samedi, nous n'aurions pas d'objection, bien au contraire, à ce qu'exceptionnellement la Chambre siège dimanche pour étudier ce bill et que la Chambre puisse en disposer.

M. LE PRESIDENT: La motion de l'honorable ministre du Travail est-elle adoptée?

M. LAPORTE: Adopté.

Bill no 1 Deuxième lecture

M. LE PRESIDENT: Adopté. L'honorable ministre du Travail propose la deuxième lecture du bill no 1, Loi assurant aux usagers la reprise des services normaux de la Commission de transport de Montréal.

L'honorable ministre du Travail.

M. Maurice Bellemare

M. BELLEMARE: M. le Président, être ministre du Travail, c'est être un homme qui est souvent sur la sellette, et particulièrement de par ce temps. Je n'ai pas besoin de vous dire que j'ai accepté d'être parrain de ce bill à titre de ministre du Travail parce que je crois qu'il est de mon devoir de vous relater tous les faits, de vous exposer d'abord nos positions de principe, puis la chronologie des faits et ce que nous pensons atteindre par le bill que nous présentons.

M. le Président, le titre même de la loi vous dit que la loi est rédigée et le Parlement a été convoqué pour assurer aux usagers la reprise normale des services de la Commission de transport de Montréal. Donc, il y a là un problème majeur. Nous ne pouvons pas convoquer les Chambres pour chacun des conflits qui se présentent. Le titre vous dit qu'il y a urgence, qu'il y a nécessité, qu'il y a un droit et un devoir, pour le Parlement et ses mandataires, d'exercer ce droit. Ce n'est pas la dénégation du droit à la grève que nous voulons aujourd'hui par ce bill, mais il s'agit bien de redonner au public qui attend l'usage du transport en commun pour lequel il paye. Qu'il y ait grève ou non, le client du transport en commun à Montréal paye. C'est son service à lui. Le droit à la grève ne prime jamais sur le droit du public à utiliser ces services privés et ces services publics auxquels il a droit. Le droit à la grève n'est jamais un droit absolu. Le droit à la grève finit où commence le droit du public à la sécurité, à sa vie, au bon ordre, au mieux-être de la collectivité.

Par exemple, si sur une route il m'est permis par la loi de voyager à une vitesse de 60 milles à l'heure, je n'ai pas le droit de tuer le piéton parce qu'il est devant moi. Lui aussi a un droit: celui de la vie. Et c'est son droit Alors, je dis donc que le droit de grève finit toujours où commence le droit du public à sa sécurité, à sa vie, à sa santé, à son mieux-être et au bon ordre de la société.

Les droits à la grève que l'Etat a donné ici-même dans cette Chambre, unanimement, aux ouvriers n'empêchent jamais le gouvernement de remplir son mandat pour protéger la collectivité, le bon ordre, la paix et son mieux-être. Si l'Etat doit un jour intervenir, ce doit être essentiellement lorsque tous les moyens ont été épuisés: moyens de négociation, moyens de conciliation, moyens de médiation, quand tous les autres moyens légaux se sont avérés insuffisants.

C'est là la responsabilité de l'Etat qui a donné un droit à la grève dans un code qu'on appelle le code du travail.

M. le Président, plusieurs personnes ont trouvé que les syndicats n'étaient pas raisonnables, mais il faut savoir qu'une grève cause toujours des inconvénients au public. Plusieurs ont critiqué en disant que le gouvernement n'agissait pas assez rapidement. Mais que vaudrait dans la société une loi qui accorde aux ouvriers le droit légalement après que les délais sont obtenus de se mettre en grève si demain, parce qu'il y a un inconvénient majeur on doit lui supprimer son droit à la grève? Non, nous avons et je le répète, l'Etat ne doit jamais intervenir sauf quand tous les moyens ont été épuisés: négociation, conciliation, médiation, tous les autres moyens légaux épuisés.

La position du gouvernement est donc claire, elle est absolument claire. Il faut comprendre que la grève de 1965 à la CTM à Montréal ne peut pas se comparer à celle d'aujourd'hui. La grève de 1965 groupait en somme un seul syndicat, celui des chauffeurs et des hommes de garage, la grande convention qui a régi depuis 1965 tous les rapports entre la CTM et ses employés. Mais depuis ce temps-là d'autres syndicats sont nés au sein des employés de la CTM. Il y a aujourd'hui cinq grandes unités de négociation. Il y a d'abord la convention collective qui a été signée en 1965 et qui a expirée le 12 juillet 1967. H y a ensuite d'autres syndicats par accréditation. Ils ont obtenu du service de l'accréditation leur droit à la négociation. Il y a eu la formation du syndicat des commis de bureau, et celle du syndicat des hommes de la sécurité. Sont venues s'ajouter à ça deux autres unités de négociation, les inspecteurs et les contremaîtres qui, eux, par la formation d'une association reconnue par le patron, rentre dans l'unité de négociation.

Donc, M. le Président, cinq syndicats, en 1967. Les négociations directes, et c'est important que vous remarquiez cette date, elle va sûrement être, au cours de mon exposé, très importante. Les négociations directes permises en vertu du code du travail ont commencées

avec les quatre syndicats dont le nouveau que je viens de vous énumérer, avec la CTM au mois de décembre 1966. Ces quatre nouveaux syndicats, les commis de bureau, les agents de la sécurité, les contremaîtres et les inspecteurs qui formaient quatre nouveaux syndicats ont commencé des négociations directes avec la compagnie, avec la CTM en décembre 1966. C'est au début d'avril 1967 qu'on nous a demandé les services d'un conciliateur. C'est M. Jacques Villeneuve qui a présidé la première séance de conciliation à Montréal le 12 mai. Durant ce temps-là la première convention qui groupait et les chauffeurs et les gens de garage, la convention de travail est venue expirer le 12 juillet 1967. C'est là que, quelques mois avant, comme le veut dans les relations patronales et dans les conventions collectives, il y ait entre les patrons et les employés des syndicats des discussions avant la fin de la convention collective, deux mois, soixante jours.

C'est le 29 mal que l'on a commencé entre patrons et syndicat les premières approches Ces négociations à l'échelle de la compagnie et du syndicat directement ont duré jusqu'au 9 août. Alors je répète, M. le Président, le 20 juillet jusqu'au 9 août, donc négociations directes.

On a demandé pour cette première convention collective les services d'un conciliateur, et la conciliation a débuté à Montréal le 20 juillet. Elle a duré jusqu'au 28 septembre. 20 juillet — 28 septembre. J'attire votre attention aussi sur un rapport qui est signé par mon officier qui était le conciliateur dans le conflit: 326 heures de conciliation ont été apportées à ce conflit. Et la grève a éclaté le 20 septembre.

On a gardé en place M. Dansereau, le 20 septembre, et on a demandé à notre conciliateur en chef à Montréal, M. Moreau, de prendre avec lui la relève. Ils ont essayé jusqu'au 28 septembre. Et là, voyant l'incapacité de pouvoir régler à la satisfaction des parties le conflit, ils en ont fait rapport au ministre. Le ministre du Travail, le 28 septembre, recevait de son conciliateur l'avis qu'il ne pouvait plus rien faire dans le conflit. Immédiatement dans la même journée, je vous prie de remarquer les dates, immédiatement dans la même journée, le 28, nous avons réuni le cabinet des ministres et nous avons fait nommer un médiateur spécial en la personne de l'honorable juge François Chevalier.

L'honorable juge a siégé immédiatement pendant cinq jours cinq jours, pour essayer d'élucider le problème et d'apporter aux parties en cause satisfaction et compréhension. Les recommandations du rapport Chevalier ont été déposées entre les mains des parties, le 3 octobre. Le 3 octobre le juge Chevalier fait rapport de sa médiation aux parties et, le 4 octobre, le lendemain, la CTM, par une lettre que nous avons au dossier, accepte les recommandations qui sont dans le rapport Chevalier. Dans la même journée, les membres de la CSN, les cinq syndicats groupés ensemble, font une assemblée générale et disent qu'ils ne peuvent pas répondre à l'appel du juge et à ses recommandations.

Donc, le 4 octobre, nouveau « deadlock ». Dans l'avant-midi du 5, le juge Chevalier se rend à Québec et fait rapport au ministre qui, devant le conseil des ministres, explique la situation. Nous avons pensé après plusieurs heures de séance que nous devrions, nous, le premier ministre intérimaire, l'honorable député de Saint-Jacques et moi-même, rencontrer les parties. Alors l'honorable député de Saint-Jacques a convoqué le président de la CSN et le président du conseil exécutif de Montréal pour une rencontre qui a eu lieu le 7 octobre dans l'avant-midi ici même à Québec. Le 7 octobre donc, rencontre à Québec des deux chefs devant les autorités du gouvernement. Nous avons essayé de les voir en particulier et de comprendre le problème et de faire des suggestions et nous leur avons demandé de nous transmettre lundi, le 9, leur réponse. La CTM a répondu qu'elle acceptait la formule suggérée qui était l'arbitrage des clauses qui étaient en suspens, moyennant retour au travail et paiement rétroactif à la date du 12 juillet en se basant sur le rapport des recommandations du juge Chevalier, les fixations tout de suite et, tout de suite, discussion à l'arbitrage de toutes les autres clauses.

L'honorable député de Saint-Jacques a reçu lundi, le 9 dans la matinée, la visite du président de la CSN, M. Pepin qui lui a remis un document provenant des cinq syndicats et une lettre officielle dans laquelle il disait regretter de ne pouvoir se rendre à notre suggestion. Dans la même journée, M. Pepin, le président de la CSN m'a téléphoné, personnellement. Il m'a demandé de le recevoir à Québec. Je lui ai dit que je n'avais aucune objection. Si cela peut aider au règlement du conflit, ai-je dit, je suis entièrement à votre disposition. Je l'ai rencontré lundi, le 9 dans la soirée. Nous avons discuté longuement de la nouvelle formule qu'il me proposait. J'ai retransmis la formule suggérée le 10 octobre, dans l'avant-midi, lors d'une journée entière d'étude qu'a faite le conseil des ministres» Nous avons modifié, nous avons changé la teneur de la proposition de M. Pepin et nous sommes allés le rencontrer ayant eu l'approbation préalable du

président du conseil exécutif de Montréal, qui acceptait ce que nous allions proposer à M. Pépin. Cette formule nouvelle consistait dans un CWS, un Cooperative Wages System, ou Sécurité, ou Study. C'est un système qui est établi aux Etats-Unis et qui est en vogue aussi dans la province de Québec dans le monde ouvrier qui consiste à évaluer les tâches en établissant pour chacun des différents degrés des boîtes, comme on appelle, des « encasement » et des salaires différents. Le lendemain, donc le 10 dans la soirée, j'ai rencontré de nouveau M. Pépin, je lui ai fait part des recommandations du conseil des ministres pour essayer de trouver une solution. Après une soirée assez longue, nous n'avons pas pu nous entendre sur cette formule.

Donc, M. le Président, le 10 dans la matinée, je refaisais un rapport complet au conseil des ministres, et, après avoir essayé ces différentes solutions, nous avons décidé de recourir aux injonctions. Le 11 octobre, le gouvernement obtenait une injonction.,,.

M. JOHNSON: Selon le code du travail.

M. BELLEMARE: ...selon la loi qui nous régit dans les relations patronales et ouvrières, loi consignée au code du travail. Le 13 octobre, tentative de la CTM pour remettre en service son système. A cause des injonctions qui avaient été signifiées, la compagnie s'est crû justifiée d'essayer de remettre en service son système.

Je voudrais que vous compreniez que je récite des faits. Je n'ai à blâmer ni l'un ni l'autre, ni à décerner des couronnes, ni à l'un ni à l'autre. Comme ministre du Travail, ici, je ne suis pas un médiateur, je suis un législateur qui rappelle à la Chambre les faits, faits qui sont indéniables.

Donc, le 13, tentative de la CTM de remettre en opération son service.

Le 16, dans la matinée, réunion au cabinet des ministres et décision finale d'appliquer les sanctions, les pénalités, et de convoquer une session pour vendredi le 20 octobre. Session annoncée le 16 octobre. Retour du premier ministre. Rencontre au sommet encore avec la CTM et la CSN, des principaux dirigeants. Le premier ministre a fait là encore des démarches et a essayé de prendre toutes les informations nécessaires pour trouver la solution. Impossible. Les parties tenaient à leur position et, nécessairement, vous êtes rendu au 20, en session, et la grève dure encore.

Dix mois de négociation, 326 heures de conciliation, 5 jours de médiation de l'honorable juge Chevalier, intervention directe du ministre des Finances, du Travail et de l'honorable premier ministre, prise des injonctions selon le co- de du travail, application des pénalités, tel qu'il est prévu au code civil et, devant tous ces faits, impossible de reprocher au gouvernement de ne pas avoir fait tout ce qui était humainement possible avant de décréter par une loi le retour au travail. La grève dure toujours. Personne ne pourra nier ces faits que je viens d'énumérer et qui prouvent que le gouvernement et surtout le ministre du Travail, respectueux des droits qui appartiennent aux parties, a bien voulu laisser le temps malgré les pressions qui ont été faites, malgré les appels qui nous ont été lancés, malgré certaines menaces qui nous ont été faites, nous avons voulu laisser le temps à la loi en épuisant tout ce qui était possible dans les négociations, dix mois, 326 heures de conciliation, 5 jours de médiation par le juge Chevalier, intervention directe des ministres, application de l'injonction et des pénalités, mais la grève dure. C'est pourquoi le gouvernement se doit maintenant d'agir. Conscient de ses responsabilités comme législateur, pour mettre fin à une grève, qui a des conséquences désastreuses au point de vue social, au point de vue économique et au point de vue bonne réputation de la province à l'étranger et de par le monde. Je n'ai pas besoin de vous rappeler ici, M. le Président — je ne me porte pas juge — mais simplement l'Expo subit un grave préjudice.

Mais, qu'est-ce que vous voulez, c'est dans le mécanisme. Nous recevions ici, des gens, nous étions les hôtes du monde entier et notre exposition avait une renommée universelle. C'est comme si on assistait à un grand concert, de la plus belle musique, dans le plus grand amphithéâtre du monde, nous laissant un peu bercer par ce flot de mélodies, et qu'à la fin, presque à la toute fin du concert, quelqu'un monterait sur l'estrade et viserait quelqu'un avec une tomate sur un beau plastron blanc Pas besoin de vous dire qu'il oublierait toute la musique, puis il se souviendrait du gars qui a lancé les tomates.

M. le Président, l'Expo pour nous c'est une chose sacrée au point de vue de l'investissement, du bon renom. Nous sommes les hôtes du monde entier. L'économie de la région de Montréal métropolitain, de toute la région, en a grandement souffert, et 11 est temps je crois par l'application de cette loi, après que tout a été essayé, de ramener l'ordre. Ce sont les gagne-petit qui en ont le plus souffert, parce qu'à eux on a imposé surtout l'obligation de travailler deux heures de plus par jour dans bien des cas. Au moins 500,000 à 600,000 personnes, 500,000 à 600,000 ouvriers et ouvrières ont dû travailler deux heures de plus par jour avant de retourner dans leur foyer. C'est encore 1,375 employés

de magasin, des substituts peut-être qui ont été mis à pied. C'est la sécurité publique, ce sont les embouteillages considérables dans la métropole, c'est le danger des incendies, des ambulances qui apportent des malades aux hôpitaux qui prennent un temps plus considérable à cause de l'embouteillage. C'est la moralité. Je n'ai pas besoin de vous donner ici ce que certains journaux ont rapporté. C'est aussi une question de bon ordre, une question de respect des droits des autres et je crois que nous avons atteint présentement l'heure de la décision...

Je n'ai pas besoin de vous rappeler non plus que c'est peut-être le premier conflit ouvrier majeur qui draine, sous une pression extraordinaire de l'opinion publique, les éditorialistes de presque tous les journaux, la radio, la télévision, qui demandent au gouvernement de la province de passer une loi pour rétablir l'ordre. Je vous l'ai dit, je vous l'ai répété preuves à l'appui, nous avons agi comme des hommes qui voulaient respecter le droit des autres, le droit qui a été donné aux parties par un code qui a été voté unanimement en cette Chambre. Nous avons voulu laisser passer tout ce qui était humainement possible au point de vue de négociation, de conciliation, de médiation, d'interventions, même d'interventions légales avant de prendre le dernier moyen qui était à notre disposition; la loi.

Maintenant, nous avons la loi. C'est une loi spéciale et pour cause. Dans ce domaine-là, je tiens a vous le répéter, c'est une loi d'exception. Je vous ai donné les motifs les raisons qui nous ont obligés de remplir fidèlement notre mandat et nous devons agir. Cette loi a deux objets bien particuliers. Premièrement, donner aux usagers de Montréal leur service. C'est à eux ce service. C'est par leurs taxes, c'est par leurs billets d'autobus et de métro qu'ils maintiennent ce service. C'est à eux. C'est leur service propre et c'est un service public. Voilà le premier objet de la loi; donner aux usagers de Montréal leur service, l'usage de leur service. Deuxièmement, deuxième objet de ce bill, régler le conflit.

Dans la loi, vous verrez un mécanisme nécessaire pour parvenir à un règlement équitable, honorable pour les deux parties. Ce n'est pas prendre part pour l'une ou pour l'autre des parties que d'édicter une loi comme celle qui est devant vous. C'est notre responsabilité de législateur d'entrer dans ce mécanisme qui est un mécanisme d'exception, d'accord, mais obligatoire. Il n'est pas déshonorant de retourner au travail avec des conditions comme celles qui sont spécifiées dans le bill, selon les recommandations du juge Chevalier: $3.05 l'heure, rétroactivement au 12 juillet avec toutes les autres questions normatives qui ont été réglées et avec application immédiate. Non, ce n'est pas perdre la face que de retourner au travail avec une augmentation dans une convention collective de $5,250,000. Non, les syndicats ont ferraillé, ont bataillé pour obtenir certains avantages. D'accord, ce n'est pas parfait, il reste des choses à régler. C'est pourquoi la loi, maintenant que nous sommes rendus a ce stade, va y pourvoir.

Je n'ai pas besoin de vous dire non plus que ce n'est pas un déshonneur que d'avoir sur le champ de bataille livré un combat comme celui que la CSN a livré. Non, on s'est battu avec les moyens que donnait le code du travail et aujourd'hui, devant l'immensité du problème, devant tout ce qui a été fait au point de vue négociation, de conciliation, de médiation, d'interventions, même légales, on ne peut pas régler le conflit. Le gouvernement a attendu le temps propice, celui que nous commande votre mandat, celui d'agir.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.

M. Jean Lesage

M. LESAGE: M. le Président, je remercie le ministre du Travail de nous avoir donné des détails qui, en certains cas, étaient des détails inédits sur la marche des tentatives de conciliation et même des séances de conciliation qui ont eu lieu dans la grève qui oppose la Commission de transport de Montréal à ses employés. M. le Président, par le code du travail que nous avons adopté en 1964 — le ministre du Travail, tout à l'heure, y a référé — et que nous avons modifié en 1965, nous avons voulu donner les mêmes droits aux employés des services publics qu'aux employés du secteur privé, qu'aux autres travailleurs.

Certaines distinctions étaient cependant nécessaires, inévitables à cause de la nature même des services publics. Ainsi, dans le secteur privé, l'exercice du droit de grève est en fait l'utilisation par les employés de la force économique pour amener l'employeur à accorder de meilleures conditions de travail. Et dans ce secteur — le secteur privé — le recours à la grève par les employés est contrebalancé par le droit qu'a l'employeur de se servir de cette autre force économique qu'est le « lock-out », la fermeture de l'usine ou de l'établissement.

Dans les services publics, les employés, lorsqu'ils exercent leur droit de grève, se servent encore une fois, dans ce cas-là, de la force

économique contre un employeur qui, lui, n'a pas le contrepoids, puisque, clairement, il ne peut pas avoir recours au lock-out. Il ne peut pas faire cesser de son gré, lui, le service public affecté. En effet, dans le secteur public, la grève se fait beaucoup moins contre l'employeur que contre le public que l'employeur sert. La seule véritable force qui reste pour contrebalancer l'exercice du droit de grève, c'est le poids de l'opinion publique.

Lorsque nous avons proposé l'adoption du nouveau code du travail en 1964, nous avons voulu, justement pour contrebalancer la force économique du droit de grève dans le secteur public, prévoir que dans les cas où la santé et la sécurité publiques seraient mises en danger par une grève ou par une menace de grève, les tribunaux pourraient émettre une injonction afin de donner d'abord une période additionnelle aux parties pour s'entendre, et qu'en même temps, durant cette période additionnelle de 80 jours, je crois, une enquête publique ait lieu sur tous les faits pertinents au conflit, de façon que l'opinion publique soit éclairée et que son poids puisse se faire sentir. Si on admet que c'est l'opinion publique qui, dans une grève dans les services publics, peut faire contrepoids au droit à la grève qu'ont les employés, il faut que cette opinion publique soit éclairée.

C'était une des raisons de l'article 99, de ce que l'on a appelé le « cooling off period », mais c'était en même temps une période durant laquelle se tenait une enquête publique par un juge qui recherchait et par le fait même rendait publics tous les faits pertinents au conflit.

Or, dès la discussion du bill 54, qui est devenu le chapitre 45 du statut de 1964,1e premier ministre actuel ainsi que le ministre des Finances et le ministre du Travail ont pressé le gouvernement d'alors d'accorder le droit de grève sans condition dans tout le secteur public. On se souviendra que, lors d'une séance du comité parlementaire des relations de travail, en 1964, les représentants de l'Union Nationale sur ce comité — c'était le député de Saint-Jacques, le député de Montmorency et le député de Joliette, je crois — alors ces représentants de l'Union Nationale sur ce comité des relations industrielles avaient présenté au nom du caucus de l'Union Nationale un mémoire énonçant certains principes que ce parti voulait faire accepter par le gouvernement d'alors.

La troisième partie de ce mémoire réclamait — et je cite les paroles du député de Bagot que je retrouve à la page 4,880 du journal des Débats de 1964: «Troisièmement: droit de grève à tous les employés du secteur gouvernemental, hospitalier, municipal et scolaire, sauf aux poli- ciers et pompiers et autres titulaires de fonctions semblables. »

M. JOHNSON: D'accord.

M. LESAGE: Lors du débat sur le bill 54, les députés de l'Opposition du temps... L'on se souviendra que les discussions avaient eu lieu surtout en ce qui concerne les dispositions proposées dans ce bill 54 qui est devenu le code du travail, les dispositions concernant le secteur public. Alors les députés de l'Opposition du temps, les députés de l'Union Nationale, leur chef en tête, ont insisté pour que le droit de grève soit donné pratiquement sans restriction dans le secteur public. Et ils ont alors particulièrement critiqué l'article 99 en prétendant que l'injonction n'avait en pratique aucune valeur. Et le ministre des Finances d'aujourd'hui, le député de Saint-Jacques, s'exprimait ainsi, et je le cite, page 4,887 du journal des Débats: « Mais je me demande si le moyen que l'on veut utiliser par l'article 99 est un moyen bien efficace et qui va donner satisfaction aux parties. Cela n'empêchera pas nécessairement la grève, ça va la retarder, ou on finira peut-être par la prohiber lorsqu'on aura constaté certains faits. » Et à la page 4,888, page suivante, au cours de la même intervention, il ajoutait: « Maintenant, j'admets qu'en certaines circonstances il aurait pu y avoir des conflits qui auraient nécessité l'intervention de l'autorité. Est-ce qu'on aurait pu donner ce pouvoir au lieutenant-gouverneur en conseil d'intervenir dans un conflit qui était évidemment un conflit qui mettait la sécurité en danger? Le gouvernement fédéral l'a fait à l'occasion de la grève des chemins de fer et deux fois a convoqué le Parlement. On aurait pu également prévoir, ou ne pas le prévoir, mais tout simplement avertir les unions qu'en cas de conflit et quand le gouvernement jugerait les conditions assez graves, qui auraient justifié l'appel d'une session, si on n'était pas en session, le Parlement peut se convoquer à très brève échéance, dans l'espace de quelques heures, 24 heures peut-être — je rappelle ça au député de Saint-Jacques, le Parlement peut se convoquer en 24 heures, il était premier ministre intérimaire la semaine dernière — et mettre fin à une grève par une loi spéciale. J'aurais préféré qu'on donne liberté à tout le monde et obligé le Parlement à agir en cas de conflit grave qui mettrait vraiment la sécurité en danger. »

Le député de Saint-Jacques suggérait donc l'inutilité de l'article 99 et il soutenait qu'en toute circonstance où la sécurité ou la santé publique seraient en danger, il y aurait lieu de

convoquer le Parlement — et il a donné comme exemple les fois où ce Parlement avait été convoqué dans les cas de grèves de chemins de fer — et que la convocation ait lieu dans le délai de 24 heures de la création de l'urgence.

En 1965, lors de l'étude du bill 15 qui avait pour but de modifier le code du travail pour inclure parmi ceux qui avaient le droit de grève tous les employés dans le secteur de l'éducation et particulièrement les enseignants, l'on constate que les députés de l'Opposition d'alors se sont attaqués encore à l'article 99 du code du travail. Le premier ministre d'aujourd'hui avait formellement proposé qu'un tel article ne puisse s'appliquer lors d'une grève dans le domaine de l'éducation, Il avait dit lui-même — et je retrouve cela à la page 1091 — « Conséquemment nous demandons que l'article 5 du bill 15 soit supprimé ». Et l'article 5 du bill 15, c'était l'article 99 tel qu'il apparaît présentement dans le code du travail tel que modifié.

Le ministre du Travail, au cours du même débat, le lendemain, le 10 mars 1965 — et l'on trouve cela à la page 1134 — a vertement critiqué... C'est vrai dans le même débat, mais on change de volume ce jour-là. Le lendemain, c'était le 10 mars 1965 et à la page 1134, il a vertement critiqué le gouvernement et a prétendu que l'article 99 n'avait pas de valeur. Ce qu'il a dit à ce moment-là est particulièrement intéressant aujourd'hui à cause de la grève des radiologistes qui vient de se régler; « Ah! oui, je reviens! » Lorsque le ministre du Travail est hors d'ordre, il s'empresse toujours de nous rassurer, n'est-ce pas, en disant qu'il revient au sujet.

M. BELLEMARE: J'allais chercher la déclaration de Marchand!

M. LESAGE : « Je reviens! Je reviens! »

M. BELLEMARE: Marchand, qu'est-ce qu'il disait dans ce temps-là?

M. LESAGE: « Je voudrais dire que dans l'article 5 les instituteurs ayant atteint une maturité, comme ils l'ont exposé l'année passée, ne devraient pas, à mon sens, être aujourd'hui brimés dans leur liberté — cela c'était à cause de l'article 99 — Et je dis que tout en étant sûrement bien favorable à l'application raison-née et raisonnable... On reconnaît bien le ministre du Travail.

M. BELLEMARE: Cela sonne bien!

M. LESAGE: « ... raisonnée et raisonna- ble d'un droit de grève, je dis que ça peut se présenter dans toutes les classes de la société. Si demain matin les médecins décidaient de faire une grève, qui peut les empêcher? Et ce serait une perturbation extraordinaire dans les hôpitaux et partout. » C'est arrivé!

M. JOHNSON: Avez-vous écouté la bande?

M. LESAGE : C'est arrivé malgré la pilule du ministre du Travail.

M. BELLEMARE: Ah! oui.

M. LESAGE: « Est-ce que le gouvernement aurait le droit de se servir de l'article 5? » Mais c'est le gouvernement de l'Union Nationale qui s'en est servi.

M. JOHNSON: Article 5? M. BELLEMARE: Du bill 15.

M. LESAGE: C'est le nouvel article 99, c'est l'article 5...

M. JOHNSON: Si le chef de l'Opposition me permet, a-t-il écouté la bande pour adopter le même ton que le ministre du Travail?

M. LESAGE: Pardon?

M. JOHNSON: A-t-il écouté la bande sonore pour adopter le même ton?

M. LESAGE: Non, je n'ai pas le talent d'imitateur!

M. COURCY: Le premier ministre a encore les sons du jet dans les oreilles!

M. LESAGE: Alors, est-ce qu'il aurait le droit de se servir de l'article 5, et j'explique, n'est-ce pas, qu'à ce moment-là le ministre du Travail, député de Champlain alors, parlait de l'article 5 du bill 15 qui est l'article 99 tel qu'il apparaît dans nos statuts.

M. JOHNSON: D'accord.

M. LESAGE: « Si demain matin tous les ingénieurs de la province disaient: On fait une grève — ils ont droit, en vertu du code du travail, de se syndiquer par profession, très bien — qu'est-ce qui se produirait? Est-ce qu'il faudrait un article 5?

Et il ajoutait, c'est à la page 1135: « Non, M. le Président, je dis que les professeurs et

les instituteurs sont des gens qui doivent être traités sur un pied d'égalité comme tous les professionnels, à part égale. » Le ministre du Travail à ce moment-là avait dit que ceux qui avaient le droit de se syndiquer, comme les ingénieurs ou les médecins, s'ils faisaient la grève, ils ne pourraient pas être l'objet d'une injonction en vertu de l'article 99 du code du travail. Or, c'est le gouvernement dont il fait partie qui a demandé l'émission d'une injonction contre les médecins radiologistes. « Non, je dis que les professeurs sont des gens qui doivent être traités sur un pied d'égalité comme tous les professionnels à part égale, il serait de valeur... »

M. JOHNSON: Qui parle?

M. LESAGE: C'est toujours le député de Champlain.

M. JOHNSON: Ah bon! très bien.

M. LESAGE: Ah, c'est une longue citation.

M. JOHNSON: Le ton était changé.

M. LESAGE: « Il serait de valeur, extrêmement de valeur qu'on commence à mettre dans le code du travail des lois d'exception. On a parlé des lois d'exception dans le passé et des lois rétroactives, ça va être un article de loi du code du travail et ça va être un article de loi restrictive. J'en suis, M. le Président, pour l'éducation de nos enfants, j'en suis... »

UNE VOIX: C'est du vol à l'étalage.

M. LAPORTE: C'est vraiment une citation!

M. GRENIER : Aquin va retourner à vous.

M. LESAGE: ... « j'en suis aussi pour que dans les hôpitaux, les médecins continuent à soigner, qu'il n'y ait pas de grève parmi les gardes-malades, les médecins. Mais on s'en va graduellement vers une étatisation et des commissions scolaires et des professeurs. Avant longtemps, vous verrez ça dans la province de Québec. »

M. BELLEMARE: Je ne me suis pas trompé.

M. LESAGE: Les députés de l'Union Nationale, M. le Président, ont en toutes circonstances tenté de détruire, ou tout au moins de diminuer, dans l'opinion publique le respect dû aux ordonnances des tribunaux. Le gouvernement d'aujourd'hui ne doit pas être surpris que ceux qui reçoivent des injonctions n'y obtempèrent pas, puisque ce sont justement ces dirigeants qui, alors qu'ils étaient dans l'Opposition et depuis qu'ils sont au pouvoir, ont tout fait pour miner l'autorité des tribunaux lorsqu'il s'agit d'injonction en vertu de l'article 99 du code du travail.

Je n'ai pas l'intention de multiplier les citations, mais je voudrais dire que dès le premier conflit ouvrier dans le secteur public, les gens de l'Union Nationale se sont appliqués à combattre l'injonction, et pour des fins électorales ils ont au moins grandement diminué l'effet que pouvait avoir cette procédure comme élément de solution dans les conflits du secteur public. Le 25 mai 1966, durant la campagne électorale, le premier ministre a dénoncé à Thetford-Mines le gouvernement d'alors comme étant le patron qui prend le plus d'injonctions contre les syndicats. C'est dans un article de la Presse du jeudi 26 mai 1966. Et le ministre du Travail déclarait à Trois-Rivières: « Ce n'est pas un gouvernement de « marchandeux » et de « maquignonneux » qu'on va avoir. Notre position sera claire, ferme, précise, sans pour autant en arriver à un dirigisme d'état. »

M. BELLEMARE: Nous avons été élus.

M. LESAGE: « Nous appliquerons la même justice pour tous... »

M. LAPORTE: Tout le monde en grève.

M. LESAGE: ... « nous allons amender le code du travail de façon que la population n'ait plus à souffrir de situations semblables à celle qu'on a connue dans le domaine hospitalier. » Et Dieu sait qu'il y en a eu une grève des hôpitaux pas longtemps après. « Nous allons prévenir les grèves néfastes dans le domaine de l'éducation. » Cela, c'était durant la campagne électorale de 1966. Et je cite...

M. BELLEMARE: L'héritage.

M. LESAGE: ... la Presse du 26 mai 1966.

Au journaliste du Soleil qui lui demandait, — ça c'était au mois de décembre, le 27 décembre — il lui demandait si c'était l'intention d'avoir recours aux injonctions, au mois de décembre alors que nous craignions la grève des instituteurs à Montréal. Le ministre du Travail a répondu: « Le moins possible et c'est pour ça qu'on va les tuer, les injonctions ».

M. BELLEMARE: Est-ce cité au texte ça?

M. LESAGE: Oui, monsieur. Bien oui: « Est-ce l'intention du gouvernement — texte que je cite — est-ce l'intention du gouvernement actuel de faire appel aux injonctions? » avons-nous demandé. « Le moins possible, et c'est pour ça qu'on va les tuer, les injonctions ».

M. LAPORTE: Elles ont la vie dure.

M. LESAGE: A la suite de la grève des hôpitaux de 1966, le premier ministre a manifesté l'intention de mettre fin à cette « scandaleuse situation — scandaleuse situation, ce sont des mots qui viennent de sa bouche — qui fait que les ordres des tribunaux ne sont pas respectés ». En ce qui concerne les injonctions, le premier ministre s'est déclaré persuadé que, dans la situation actuelle, il s'agissait là d'un remède illusoire. C'était l'Evénement du 4 août 1966 peu de temps après la prise du pouvoir, et avant que l'Evénement cesse de publier.

Après avoir laissé pourrir complètement le conflit qui oppose la CTM à ses employés et le conflit qui opposait le ministre de la Santé aux radiologistes, voici maintenant que l'arme que le premier ministre, le ministre des Finances et le ministre du Travail avaient tellement combattu et contre laquelle ils avaient fait les gorges chaudes, c'est-à-dire l'injonction, est utilisée par le premier ministre par intérim, en vertu de l'article 99 du code du travail, contre les radiologistes et contre les employés de la Commission des Transports de Montréal.

Le gouvernement, je vous le soumets, M. le Président, a totalement failli à ses responsabilités. Si les conflits ouvriers dans le secteur public sont si difficiles à résoudre aujourd'hui, si la négociation véritable — on peut parler d'heures, de centaines d'heures de séance — mais si, d'un côté à l'autre de la table, on ne se parle pas comme cela s'est produit dans le cas des séances de conciliation entre la Commission des Transports de Montréal et les syndicats de ses employés...

M. BELLEMARE: Non, non...

M. LESAGE: Là je pense que le ministre...

M. BELLEMARE: Non, non, c'est faux ça, c'est faux ça.

M. LESAGE: ... ferait mieux de demander aux témoins.

M. BELLEMARE: C'est faux ça.

M. LESAGE: Si la négociation est devenue presque impossible, c'est parce que des chefs irresponsables de l'Union Nationale ont enlevé à la loi la force de frappe que le législateur avait voulu lui donner au départ.

Quand on est ministre du gouvernement et qu'on s'exprime de façon à diminuer l'autorité des tribunaux, on n'a pas à se surprendre de l'anarchie qui en résulte.

Mais, pour en revenir au principe que j'exposais au début, je veux rappeler que, dans le secteur public, la véritable force pour contrebalancer l'exercice du droit de grève, c'est le poids de l'opinion publique. Or, dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, celui de la Commission de transport de Montréal, il semble bien que malgré une opinion publique nettement tranchée qui exige le retour au travail des employés, ces derniers ne sont pas disposés à faire cesser le chaos presque indescriptible créé par le conflit qui les oppose à leurs employeurs. Dans les circonstances, la force de l'opinion publique, M. le Président, n'a plus qu'une seule façon de s'exprimer et c'est par la voix des législateurs. Les législateurs doivent donc intervenir.

Malgré notre répugnance — pour me servir d'un mot qu'avait employé M. St-Laurent en 1950, lorsqu'il avait présenté une loi pour mettre fin à une grève des chemins de fer — malgré notre répugnance, malgré le fait que l'Union Nationale soit grandement responsable du présent état de chose, il est de notre devoir de prendre nos responsabilités. Le seul mot que j'ai emprunté à M. St-Laurent c'est le mot répugnance...

UNE VOIX: C'est une citation de St-Laurent. M. LESAGE: ... répugnance...

M. GRENIER: A part du discours de M. Bellemare.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: M. le Président, j'avais cru que pendant quelques semaines de repos ceux à qui répugnent les règlements de la Chambre auraient appris à les observer, mais je m'aperçois... On ne pourra m'empêcher... La dernière chose que je voudrais, c'est d'être accusé de profiter de la situation pour faire de la petite politique. Ce n'est pas ça que je veux faire. On ne pourra m'empêcher de dénoncer certains faits. L'Union Nationale n'a pas seulement enlevé au code du travail, à l'article 99 en particulier,

toute son utilité et toute sa force par ses agissements irresponsables, je dis qu'elle a de plus négligé — et ça c'est une négligence coupable — de remplacer ce qu'elle avait détruit. En minant l'autorité des tribunaux, les dirigeants de l'Union Nationale ont toujours prétendu qu'ils pouvaient établir dans le secteur public, des procédures de règlement des conflits qui étaient grandement préférables. Or l'Union Nationale est au pouvoir depuis juin 1966, depuis 500 jours, et elle n'a absolument rien fait de ce côté, absolument rien fait. Et, le 12 mai 1966, durant la campagne électorale, le premier ministre actuel, député de Bagot, déclarait à Drummondville: « Cela n'a pas de bon sens de laisser des grèves pourrir pendant des semaines et des mois, des grèves que les ouvriers n'ont pas les moyens de porter. Ce qu'il faut au Québec, c'est de la médecine préventive. Je connais les ouvriers, il n'y en a pas un qui est heureux de faire la grève, mais sous le régime libéral, ils n'ont pas d'autre alternative, car leur dignité est en jeu. Un régime d'Union Nationale encouragera la syndicalisation de tous les travailleurs. Je souhaite qu'il y ait des syndicats partout. » C'est le rapport d'une assemblée politique, le 12 mai 1966, rapporté dans le Devoir du 13 mai, le lendemain 13 mai. Le 25 mai 1966, à Thetford-Mines, le premier ministre déclarait encore: « Le gouvernement libéral est le patron qui prend le plus d'injonctions contre les syndicats. Son programme préconisait un nouveau code du travail pour garantir les droits des ouvriers, entre autres à propos des grèves. « Par une commission »,je cite le député de Bagot d'alors, le chef de l'Opposition d'alors, « par une commission tripartite d'enquête » les syndicats seront invités à participer avec les patrons et le gouvernement à une étude de la situation économique et sociale. Au lieu d'avoir des grèves illégales, il y en aura beaucoup moins et celles déclenchées le seraient en toute connaissance de cause. Il n'y a pas eu d'amendement proposé par le gouvernement au code du travail après 500 jours de pouvoir et l'on me dit que le premier ministre lors d'une conférence de presse, lors d'un communiqué de presse ce midi a répété les mêmes promesses de médecine préventive contre les grèves, après 500 jours de négligence coupable, M. le Président.

Et, quant au ministre du Travail, aussitôt après avoir assumé ses fonctions de ministre du Travail, le député de Champlain déclarait, le 17 juin, c'est dans le Devoir du 18 juin: « Ma première intention est d'intervenir personnellement chaque fois qu'une grève se prolongera ou mettra en danger le bien-être public. »

M. BELLEMARE: C'est ce que j'ai fait

M. LESAGE: Il nous a dit que sa politique était de ne jamais intervenir sinon à la dernière minute.

M. BELLEMARE: Pas vrai.

M. LESAGE: Il l'a dit cet après-midi en Chambre.

M. BELLEMARE: Oui, le parlement

M. LESAGE: Il l'a dit cet après-midi en Chambre...

M. BELLEMARE: Oui, le parlement

M. LESAGE: ... qu'il ne devait intervenir personnellement qu'à la dernière minute...

M. BELLEMARE: Je n'ai jamais dit ça! Le parlement.

M. LESAGE: ... qu'il devait laisser aux parties le soin de négocier, que le gouvernement devait intervenir le moins possible. J'entends encore ses paroles, il les a dites tout à l'heure.

M. BELLEMARE: Le gouvernement, oui. là, vous revenez.

M. LESAGE: Le gouvernement devait intervenir le moins possible.

M. BELLEMARE: Mais le ministre, lui, oui. Il l'a fait Il a été obligé de régler de gros problèmes.

M. LAPORTE; Cela n'a pas donné de gros résultats.

M. BELLEMARE: Vous demanderez ça à Carrier Fortin.

M. LESAGE: Sa pilule n'a pas été riche. M. LAPORTE: Oui, surtout

M. LESAGE: Quand on sait jusqu'à quel point le ministre du Travail a critiqué l'ancien ministre du Travail, l'honorable Carrier Fortin...

M. BELLEMARE: Et avec raison.

M. LESAGE: ... pour avoir suivi la politique que suit Factuel ministre du Travail, exactement la même politique au ministère du Travail.

M. BELLEMARE: Jamais!

M. LESAGE: Exactement. Et ça, le ministre du Travail et député de Champlain le sait très bien.

M. BELLEMARE: Je dis que c'est faux.

M. LESAGE: Combien de fois en cette Chambre, a-t-il déclaré: « Je dois intervenir le moins possible; le gouvernement ne doit intervenir qu'à la dernière minute. » Je pourrais citer du journal des Débats de la dernière session, je ne sais combien de paroles du ministre du Travail à cet effet. Et nous nous poussions toujours du coude en souriant et disions: Il répète ce que Carrier a toujours dit. Il suivait exactement la même politique. Il est clair que tous les citoyens de la province de Québec savent maintenant que les paroles du premier ministre et du ministre du Travail, c'étaient des paroles en l'air, que le premier ministre, lorsqu'il en a parlé, n'avait pas de politique définie en tête, que ni lui, ni le ministre du Travail n'avaient, qu'ils n'ont jamais eu, qu'ils n'ont pas encore de solution efficace en ce qui concerne les grèves dans le secteur public

Si tel avait été le cas, comment se fait-il qu'on n'a pas donné priorité à la législation nécessaire au cours de la longue session de huit mois et demi qui s'est terminée le 12 août? Parce que le gouvernement ne sait pas quoi faire en dépit des déclarations du premier ministre aujourd'hui. C'est la répétition des mêmes déclarations depuis la campagne électorale. Le gouvernement, il n'en a pas de solution. C'est parce que le gouvernement, dans ce domaine-là, comme dans d'autres, s'est fait élire sous de fausses représentations, et tout le monde le sait maintenant.

Ou encore, le gouvernement a les solutions. Les a-t-il? S'il les a — nous sommes prêts à siéger toute la semaine prochaine, dans l'autre semaine, dans l'autre semaine — eh bien, qu'il nous propose immédiatement l'adoption d'une législation comportant les principes d'une politique salariale dans le domaine des services publics! Qu'il propose une législation pour la création immédiate de commissions de prévention des conflits dans les relations patronales-ouvrières! Le temps où l'on réglait les grèves comme les pompiers éteignent les feux, c'est révolu et je voudrais bien que celui qu'on a appelé ces jours derniers « le pompier de la onzième heure, » le ministre du Travail, en prenne note.

M. BELLEMARE: Petit politicien!

M. LESAGE: Hélas! nous n'avons qu'un petit pompier pour les gros feux. La perle des perles, c'est qu'on nous présente aujourd'hui un projet de loi qui ressemble, mais avec des faiblesses inexcusables, à ceux qui avaient été adoptés par le parlement fédéral en septembre 1950, en 1958 et en septembre 1966, pour mettre fin, en 1958, à une grève de transport maritime en Colombie-Britannique et, en 1950 et en 1966, à une grève générale de chemins de fer.

Or, voici ce que disait, de la loi fédérale de 1966, l'actuel ministre du Travail; « Je me demande pourquoi le gouvernement fédéral n'est pas intervenu comme médiateur. Il a posé un geste arbitraire ». Il était ministre du Travail a ce moment-là, le député de Champlain, et il commentait une loi fédérale! Une loi dont les principes étaient sensiblement les mêmes que ceux de la loi que lui-même présente aujourd'hui. Et il a déclaré, je le répète; « Je me demande pourquoi le gouvernement n'est pas intervenu comme médiateur. Il a posé un geste arbitraire ». Il s'est qualifié lui-même.

Et donnant son opinion à titre d'employé de chemin de fer, le député de Champlain a précisé qu'on n'avait pas le droit de priver de leurs droits des gens de bonne foi qui avaient déclenché la grève en toute légalité. Et il a dit, c'est dans le Soleil du 9 septembre 1966: « Si on demande au patronat et aux syndicats de respecter la loi, le gouvernement doit en faire autant ». C'était son reproche contre la loi du premier septembre 1966 forçant les employés de chemins de fer à retourner au travail. Même nature, même principe que le bill qu'il nous présente aujourd'hui pour forcer les employés de la Commission des transports de Montréal à retourner au travail. Et si je vous dis toutes ces choses, ce n'est pas pour vous dire que je suis opposé au principe, mais c'est pour vous démontrer l'irresponsabilité de ceux qui siègent à votre droite.

M. le Président, tout le monde s'entend pour dire que la grève du transport en commun dans la région de Montréal a déjà beaucoup trop duré. Elle aurait dû être réglée dès ses débuts et elle a, depuis longtemps, pris l'allure d'une tragédie et d'une catastrophe. Il suffit de parcourir les éditoriaux des journaux depuis le début de cette grève pour constater les invitations pressantes faites au gouvernement pour qu'il se décide enfin à agir et à y apporter une solution. Déjà dans un éditorial du Devoir, sous la signature de M. Vincent Prince, en date du 22 septembre, le lendemain ou le surlendemain du déclenchement de la grève, on lit ceci; « Le premier ministre suppléant, M. Paul Dozois, a laissé entendre qu'il était prêt à convoquer les

Chambres — c'était le 22 septembre — mais qu'aucune demande ne lui avait été faite en ce sens. Il n'a pas à attendre pareille demande. C'est une responsabilité qui est sienne et à laquelle il ne saurait échapper ». Et le 25 septembre, un autre éditorialiste demande: « Qu'attend le premier ministre intérimaire pour faire connaître ses intentions à la population?

Quand se propose-t-il de convoquer les Chambres? Attendra-t-il que tout le mal soit fait? La parole lui appartient. »

Dans un autre éditorial en date du 25 septembre, je cite encore: « Le gouvernement, de toute évidence, hésite à imposer son autorité tant que les parties en présence n'auront pas exploré toutes les possibilités d'entente. Son hésitation ne saurait se prolonger beaucoup plus longtemps sans être taxée de faiblesse extrême ou d'indifférence à l'endroit du bien commun. » C'était le 26 septembre.

Enfin les journaux tour à tour ont parlé de Montréal, la métropole sinistrée, la ville exacerbée. On a affirmé que « le public était en otage », tandis qu'un autre écrit que « la colère gronde sur la ville ». Devant tant d'inquiétude, de souffrances, de mécontentement, qu'a fait le gouvernement de l'Union Nationale? Il a fait comme d'habitude, M. le Président, il a attendu. Ne bougez pas! Ne bougez pas! Mais, dans la grève qui nous occupe, on a même poussé plus loin le cynisme et la désinvolture. Déjà même, avant que la grève ne se déclenche, un député de l'Union Nationale avait déclaré à un journaliste de la presse: « Que les dirigeants de la ville de Montréal se débrouillent avec leurs problèmes ».

Ces mots représentent bien l'esprit d'un gouvernement qui n'a d'autre souci, hélas, que le patronage — on le sait maintenant! — et d'autres préoccupations que de tenter une réélection impossible.

Qu'un domaine vital du secteur public soit sérieusement menacé, que notre grande métropole soit pour ainsi dire paralysée, que l'Expo 67 risque de se terminer en fiasco après avoir été une réussite magistrale, tout cela ne touche pas tellement ces messieurs qui siègent à votre droite. Ils ont vu d'autres grèves: celle des hôpitaux et celle des instituteurs. Ils les ont laissé durer, pourrir, continuer de pourrir, de repourrir, jusqu'à ce que l'écoeurement, oui l'écoeurement, soit tel de toutes parts qu'on pouvait alors en invoquant l'intérêt public et l'urgence les régler les unes et les autres sur le dos et aux frais des principaux intéressés.

Cette manoeuvre typique de l'Union Nationale du laisser-faire, du ne-bougez-pas, de l'immobilisme, du on-verra, attendons-à-demain, on- ne-sait pas, peut-être, demain, elle s'avérait en somme tellement plus facile que des interventions énergiques, mais peut-être moins rentables sur le plan électoral. Pas étonnant que la grève des transports dure toujours à Montréal. Je dirais même, M. le Président, que c'est inhérent à lapensée politique du gouvernement actuel et que cela remplace à nos yeux les mesures radicales et courageuses qui seraient évidemment dictées par la raison et l'intérêt commun.

Quant à nous de l'Opposition, dès les premiers jours du conflit, nous avons élevé la voix pour demander au gouvernement d'intervenir sans retard dans une grève qui avait des effets tragiques, non seulement pour Montréal mais pour toute la province. Et samedi, le 30 septembre, à Repentigny, je suppliais le gouvernement, le premier ministre intérimaire, de convoquer sans délai une session pour mettre fin à la grève des transports de Montréal et à la grève des radiologistes.

Ah! on a bien aperçu ici et là, comme l'a dit le ministre du Travail, des velléités d'intervention gouvernementale. Le gouvernement, par la bouche du premier ministre intérimaire, a affirmé périodiquement qu'on avait bon espoir de pouvoir parvenir à un règlement.

On est passé de la consultation à l'arbitrage, de l'arbitrage à l'injonction puis de l'injonction à la session d'urgence, mais tout cela après d'interminables tâtonnements, après une hésitation pénible à subir et avec des lenteurs, des retards et des gaucheries impardonnables. On pouvait croire, tous les moyens ayant été finalement épuisés, que la grève durant depuis trente jours, le premier ministre, dès son retour, n'aurait rien de plus pressé que de convoquer l'Assemblée législative. Le premier ministre intérimaire, qui était en constante communication avec le premier ministre, aurait pu convoquer cette session d'urgence pour mardi alors que le premier ministre pouvait être à Québec, puisqu'il revenait lundi soir. Il ne l'a pas fait Le premier ministre lui-même aurait pu, dès son retour lundi soir ou mardi matin, convoquer la session spéciale pour mercredi ou jeudi, hier ou avant-hier. Mais non, mais non! Cela aurait demandé du caractère, des décisions immédiates et on ne peut pas attendre ça de l'Union Nationale. Ainsi, on continue la politique du petit train, à la petite journée, à la petite semaine, pas trop vite. Et c'est au grand étonnement de la province que M. Johnson a annoncé mardi que ce n'était qu'aujourd'hui que les députés se réuniraient en session spéciale pour discuter du problème.

Je dis, M. le Président, qu'une attitude aussi irresponsable, une politique aussi tatillonne ne s'était pas vue au Québec dans un état

de crise aussi aiguë. Ah, le gouvernement antérieur a connu, lui aussi, des conflits et des grèves! Il a pu commettre des erreurs, c'est humain, mais parce qu'il a agi. Lorsqu'on ne fait rien, on ne commet qu'une seule erreur, celle de ne pas agir. Je ne pense pas que le gouvernement antérieur ait jamais démontré un aussi souverain mépris de l'intérêt public, que le gouvernement antérieur ait jamais démontré un tel manque du sens de l'urgence des problèmes que le gouvernement actuel.

Mais puisque nous voici aujourd'hui, il faut quand même remercier le premier ministre de m'avoir fait parvenir chez moi, la nuit dernière, une épreuve du projet de loi. Je l'ai étudié seul la nuit dernière et à fond avec mes collègues en caucus ce matin. Nous considérons, M. le Président, que le projet de loi comporte des modalités qui ne sont pas acceptables, comme par exemple la dissolution possible des syndicats en cas d'infraction à la loi. En vertu du code du travail, le seul cas de dissolution qui est prévu est celui des syndicats de boutique.

M. BELLEMARE: Il y a un autre article.

M. LESAGE: Une compagnie peut être condamnée à l'amende et subir des peines très considérables, par exemple pour avoir enfreint la loi de l'impôt sur le revenu, pour avoir commis des crimes. Mais jamais on ne prévoit la dissolution forcée d'une compagnie pour avoir commis une infraction ou un crime quelconque.

Ce que l'on propose, dans le fond, M. le Président, dans ce cas-ci pour les syndicats, c'est la mort civile. Autrefois, il y a longtemps, on prévoyait pour les personnes qui étaient trouvées coupables de certains crimes la perte de leurs droits de citoyens. C'était ça, la mort civile. C'est une peine moyenâgeuse qui, grâce à Dieu, n'existe plus.

Or, dans le bill, je dis qu'on tente de la faire revivre. C'est impensable qu'on veuille imposer la mort civile aux syndicats. Nous en reparlerons en comité et en troisième lecture. En effet, nous croyons que le but principal que veut atteindre le projet de loi, le retour immédiat au travail des employés de la Commission de transport de Montréal, transcende ces modalités. Il est impérieux que les usagers puissent sans délai utiliser les moyens de transport en commun. C'est pourquoi, malgré les objections que nous avons à certains aspects du projet de loi, nous voterons pour le principe en deuxième lecture.

Mais il faut bien reconnaître qu'une fois que les moyens de transport en commun seront en service dans la région de Montréal, les em- ployés alors auront le maximum des bénéfices tant au point de vue salarial qu'au point de vue des autres conditions de travail déjà prévues dans la conciliation et dans le rapport Chevalier. Je crois que c'est ce que le bill prévoit, ça nous a été expliqué par le ministre du Travail tantôt. Et alors, il y a le reste de la différence. Il faut qu'ils retournent au travail avec le bénéfice du résultat de ces négociations et du rapport Chevalier, avec la rétroactivité nécessaire.

Une fois retournés au travail, il faut qu'il y ait les mécanismes pour que la différence entre les réclamations et les conditions qui prévaudront au moment du retour au travail puisse se régler. Je dis que nous, les législateurs, nous devons faire tout en notre pouvoir pour prévoir un règlement du conflit qui respecte les principes que nous avons tous reconnus en 1964 en votant le code du travail. Je dis qu'une fois les employés retournés au travail, cette fois-ci, le jeu normal de la négociation doit reprendre.

Or, le projet de loi n'impose pas aux parties la négociation avant la nomination de l'arbitre. Ah! je veux bien que si l'on examine les articles du bill, l'on constate que les parties pourraient peut-être négocier dans le délai de sept jours prévu pour la nomination de l'arbitre, mais la loi elle-même, le projet de loi ne fait pas une obligation aux parties de négocier de bonne foi. Or, on sait que l'employeur, la Commission de transport de Montréal, a systématiquement refusé toute négociation depuis trente jours. Je ne crois pas, quant à moi, que le climat entre les représentants des employeurs et des employés nous permette d'espérer que durant la période de sept jours en question, ils négocieront proprio motu et de bonne grâce. Pas dans le climat actuel. Je pense que l'on peut facilement croire que la Commission de transport de Montréal voudra plutôt attendre le résultat de l'arbitrage obligatoire. De toute façon, M. le Président, c'est ma conviction personnelle et je pense que nous n'avons pas le droit, tout ce que nous en sommes, de prendre de risque de ce côté. A mon sens, il faut qu'une fois les employés retournés au travail, tout soit mis en oeuvre pour que le conflit soit réglé par négociation.

C'est ça qui a été l'esprit des modifications apportées au code du travail en 1964, pour autant que le secteur des services publics est concerné. On se souviendra en effet qu'avant 1964, les conflits de travail dans le secteur public devaient finalement se régler par arbitrage obligatoire. Le gouvernement nous propose aujourd'hui, nous demande de revenir à ce système désuet, d'y revenir directement sans passer

par l'obligation de négocier. Je dis, M. le Président, que ce n'est pas acceptable. Le bill devrait prévoir qu'avant de procéder à la nomination de l'arbitre, les parties devraient entreprendre sans délai des négociations de bonne foi avec ou sans l'aide d'un médiateur pour tenter d'en arriver à une entente...

M. BELLEMARE: ...

M. LESAGE: Faire l'examen de certaines lois adoptées ces dernières années au Canada dans des circonstances similaires nous permet de conclure que le législateur avait dans ces cas insisté sur cette obligation de négociation pour les parties. Je voudrais attirer votre attention sur une loi de 1958 du parlement fédéral concernant la navigation sur la côte de la Colombie-Britannique, 7 Elisabeth Il chapitre 7, article 6. « La compagnie et chaque syndicat doivent immédiatement entamer des négociations en vue de la solution de tout différend entre eux quant aux modalités d'une modification ou revision de la convention collective existante. Ils doivent engager de bonne foi des pourparlers et faire tous les efforts raisonnables pour conclure un arrangement et entreprendre une nouvelle convention collective modifiant ou revisant la convention collective existante. » Et ce n'est qu'après que viennent les articles concernant l'arbitrage obligatoire.

Mais l'exemple le plus typique, c'est celui de la loi adoptée par le parlement au début de septembre 1966 à Ottawa et qui s'intitule — c'était le bill C-230: Loi de 1966 sur le maintien de l'exploitation des chemins de fer. C'était une loi basée sur les mêmes principes que la présente loi et sur une situation similaire, c'était une grève de chemins de fer à travers le Canada.

On prévoyait premièrement le retour au travail immédiat. Deuxièmement, on imposait la négociation aux parties avec médiateur et, troisièmement, l'on disait — c'était dans les premiers jours de septembre: Si le 15 novembre il reste quelque chose qui n'est pas négocié, le gouvernement décidera s'il y a lieu de prolonger la période ou d'envoyer immédiatement l'arbitrage, période de négociations. L'article 8...

M. JOHNSON: Laquelle des lois est-ce?

M. LESAGE: C'est le bill C-230. Je n'ai pas le statut, je m'excuse, c'est 14-15 Elisabeth IL..

M. JOHNSON: Quatorze-quinze.

M. LESAGE: Au début de septembre 1966. L'article 8 se lit comme suit:« Les compagnies de chemins de fer et les syndicats... » Un instant, je crois que j'ai ici — est-ce que vous me permettez, M. le Président — c'est la loi 14-15 Elisabeth Il, chapitre 50, sanctionnée le 1er septembre 1966.

L'article 8 se lit comme suit: « Les compagnies de chemins de fer et les syndicats doivent engager sans délai en vue de régler les questions qui sont l'objet du conflit actuel entre eux, des négociations relatives aux modalités d'une modification ou revision des conventions collectives visées par la présente loi et doivent négocier de bonne foi et faire tout ce qui peut raisonnablement être fait pour parvenir à un accord et pour conclure de nouvelles conventions collectives modifiant ou revisant les conventions collectives visées par la présente loi. Mais, en aucun cas, aucune de ces nouvelles conventions collectives n'expirera avant le 31 décembre 1967 »

Obligation aux parties donc, obligation sous peine des amendes prévues, obligation de négocier de bonne foi jusqu'au 15 novembre, on va le voir, à l'article 9: « Le ministre du Travail doit nommer un ou plus d'un médiateur, ci-après appelé le médiateur, qui doit immédiatement intervenir en s'ef-forçant de trouver une solution aux questions en litige, entre les compagnies de chemin de fer et les syndicats et de mettre les compagnies et les syndicats d'accord et de faire rapport au ministre du Travail au plus tard le 15 novembre 1966, sur l'état des négociations entre les compagnies de chemin de fer et les syndicats ».

Dieu sait qu'il y avait un grand nombre de compagnies de chemins de fer, et il y a aussi un grand nombre de syndicats qu'on appelle les fraternités de cheminots, les « brotherhoods ».

On a obligé dans la loi les parties à négocier de bonne foi. On a nommé le médiateur, c'est un de nos confrères au Barreau de la province de Québec, M. Carl Goldenberg. Il est intervenu comme médiateur entre les parties. Au début de novembre il a fait rapport au ministre du Travail à Ottawa que toutes les questions étaient réglées, qu'il avait réussi. Toutes les questions étaient réglées entre les parties. Il ne restait plus qu'une seule question technique avec un seul groupe de machinistes et il recommendait au gouvernement fédéral que cette question technique qui n'avait pas de conséquence monétaire, pas du tout, soit référée à un tribunal d'arbitrage. On était à 100 lieues de s'entendre au moment de la grève. On sait que le climat qui précède immédiatement une grève est un climat difficile qui souvent n'est pas propice au règlement des conflits, surtout

des conflits graves comme ceux des chemins de fer et de la Commission de transport de Montréal, on sait ça. Mais lorsque les employés, en vertu d'un ordre des représentants du peuple, lorsque le peuple a parlé par la Législature, lorsqu'ils doivent reprendre le travail et que l'employeur doit reprendre le service, lui, lorsque les employés recommencent aux conditions maximales obtenues au cours des négociations jusqu'au jour de la reprise du travail et qu'il ne reste plus que la différence à régler, je dis que le climat est changé. Je dis que l'employeur et l'employé ne vivent plus le même climat. Les relations sont améliorées parce que l'opinion publique a parlé par la voix des législateurs. Non seulement alors pouvons-nous retourner à une façon plus normale de régler des conflits graves, mais l'expérience nous a prouvé l'année dernière, dans une grève de chemin de fer, qu'une négociation postérieure à une grève, à une grève à laquelle le parlement a mis fin, que cette négociation avait eu tout le succès.

Je dis, M. le Président, que nous devons, par tous les moyens, éviter de retourner à l'arbitrage obligatoire, —c'est ça que les ouvriers détestent, c'est ça que les syndicats, les unions détestent — s'il y a moyen de le faire.

Les employés seront retournés au travail, nous le votons, ça. Pourquoi ne pas les obliger à négocier une bonne fois ces articles 8 et 9?

D'autant plus, M. le Président, que les articles 8 et 9 de la loi fédérale de 1966 ont subi la terrible épreuve de l'expérience. En conséquence, je répète que nous voterons pour le bill en deuxième lecture, mais je demande au gouvernement en attendant, par exemple, de penser à ma suggestion. Il est 5 h 25, on peut suspendre les travaux de la Chambre pour une demi-heure afin que le cabinet ait le temps de siéger pour examiner les articles 8 et 9 de la loi de 1966 et surtout de lire ou de s'informer des conséquences de l'adoption de ces deux articles par le gouvernement fédéral, règlement par négociation.

Dans les circonstances, pour donner au gouvernement le temps de réfléchir, je propose, secondé par le député d'Ahuntsic, que tous les mots après « que » soient supprimés et remplacés par les mots suivants: « La Chambre refuse de procéder à la deuxième lecture du bill 1, qui ne prévoit pas une période raisonnable de négociation entre les parties après le retour au travail, mais avant l'arbitrage obligatoire. »

M. JOHNSON: M. le Président, relativement à la motion, je voudrais invoquer le règlement et vous dire qu'elle est irrégulière à ce stade de la procédure. Nous aurons, en comité plénier et en troisième lecture également, l'occasion de discuter de cet aspect du problème.

Alors, sur une question de forme et de règlement, je vous demande de déclarer la motion irrégulière, ce qui ne préjudicie pas au fond. C'est-à-dire que nous aurons l'occasion, en comité plénier, d'en discuter et même de discuter entre nous, de six à huit heures, du bien-fondé de certaines suggestions qu'elle contient en capsule.

M. LESAGE: Monsieur...

M. JOHNSON: M. le Président, elle est irrégulièrement introduite sauf — et nous n'aurions pas d'objection, en temps normal, à causer un précédent — que si nous commençons tout de suite à admettre des motions qui sont irrégulièrement amenées, parce que présentées à un stade où le règlement ne le permet pas, nous allongerons inutilement les débats. Toute latitude sera donnée au gouvernement comme à l'Opposition d'amender, s'il y a lieu, la loi en comité plénier. Ou encore, même en troisième lecture, on pourra faire une telle motion.

M. LESAGE: Juste un mot. Je voudrais signaler à votre attention le fait qu'exactement la même situation s'est présentée à la Chambre des communes le 30 août 1966, qu'un amendement similaire, de même nature, a été reconnu comme valide par le président de la Chambre.

M. JOHNSON: Vous en avez...

M. LESAGE: En s'appuyant sur tous les auteurs, j'attire votre attention aux pages...

M. JOHNSON: Vous avez plusieurs précédents à Québec des années passées, 1963, 1964, 1965.

M. LESAGE: Pardon, 1966, M. le Président, sur le bill des chemins de fer.

M. JOHNSON: A la Chambre des Communes, à Ottawa.

M. LESAGE: Oui, monsieur. Le même règlement.

M. JOHNSON: Mais ici...

M. LESAGE: Mais, M. le Président, est-ce qu'on va me laisser... On a invoqué le règlement, j'ai le droit, quand même, de discuter de la question. Je vais le faire très brièvement...

M. JOHNSON: D'accord.

M. LESAGE: D'autant plus que c'est le député d'Outremont, à qui j'ai demandé d'étudier la question qui est prêt à la discuter à fond et nous voulons faire un débat sérieux de cette question de règlement parce que nous considérons qu'un amendement peut être présenté dans la forme que je l'ai présenté, peut l'être en deuxième lecture, comme l'a maintenu le président de la Chambre des Communes, en 1966. La même chose s'était produite en 1960 et en 1958, je crois.

M. JOHNSON: Nous sommes à Québec.

M. LESAGE: M. le Président, ce sont les mêmes règles.

M. JOHNSON: Non.

M. LESAGE: Et l'objection qu'ont soulevé...

M. LAPORTE: Il ne l'a pas dit tout le temps, au Québec.

M. LESAGE: Voici ce que le président... M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: Je cite le président de la Chambre des Communes, M. Lamoureux.

M. PINARD: C'est un Canadien français, ça.

M. LESAGE: A la page 7808, 20 août 1966: « L'objection apportée par les ministres, c'est qu'un amendement ne peut viser les dispositions du bill qu'il modifie, ni anticiper des amendements qui peuvent y être proposés à l'étape de l'étude en comité. » Je réponds directement à ce que le premier ministre a dit. « ... En ce qui concerne cette objection particulière, l'amendement à l'étude apparaît comme un cas limite ». Les députés connaissent le commentaire qui figure à la page 528 de la 17e édition du Parlementary Practice, de May. Et il cite May: « L'amendement ne doit pas se rattacher de façon détaillée aux dispositions du bill. » Or, l'amendement actuel, pas plus que celui qui avait été présenté à la Chambre des Communes, ne se rattache aux dispositions du bill. Il dit purement et simplement que le bill devrait prévoir une période pour la négociation. Je soumets bien respectueusement, m'appuyant sur un jugement récent du président de la Chambre des communes dans un cas similaire, alors que, sur ce point, nos règlements sont les mê- mes. D'ailleurs, le jugement du président de la Chambre des communes est très long, Il cite de nombreuses autorités pour en venir à la conclusion que l'amendement qui avait été présenté par le chef de l'Opposition était dans l'ordre. L'amendement avait été défait mais il avait été déclaré recevable par le président.

M. BELLE MARE: M. le Président, on est avec nos règlements...

M. JOHNSON: On est à Québec.

M. BELLEMARE: Et c'est en vertu, c'est surtout le premier article qu'il faudrait citer à l'honorable chef de l'Opposition pour déclarer sa motion hors d'ordre. L'article 558: « Sauf les amendements mentionnés dans l'article 557, nul amendement ne peut être proposé sur une motion de deuxième lecture, si ce n'est... »

M. LAPORTE: Si ce n'est...

M. BELLEMARE: « ... sous la forme d'une résolution se rattachant directement au sujet du bill et non sans quelque raison particulière, et ne pas lire immédiatement le bill. »

Mais ces honorables messieurs qui perdent le temps, font exprès pour perdre le temps, n'ont pas lu le quatrièmement: Il est irrégulier de proposer un amendement qui attache quelque condition à la deuxième lecture d'un bill.

M. HYDE: Lisez la première!

M. BELLEMARE: Cela, c'est dans nos règlements, c'est clair. Il est irrégulier de proposer un amendement qui attache quelque condition à la deuxième lecture du bill. Si ce n'est pas attacher une condition spécifique à la deuxième lecture du bill, je vous demande véritablement si ça s'applique. M. le Président, dans les circonstances, face à nos règlements, face à la tradition et surtout aux nombreuses décisions qui ont été rendues dans cette Chambre, il n'y en a jamais eu qui ont été invoquées en deuxième lecture, et surtout présentées...

Comme il y a là une condition formelle, je dois dire qu'il est irrégulier de proposer un amendement parce qu'il n'est certainement pas conforme à nos règlements.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Outremont.

M. CHOQUETTE: M. le Président, c'est sans doute parce que la procédure n'est pas souvent employée que i'on peut s'expliquer

la surprise du premier ministre et du ministre du Travail, mais elle est néammoins admise non seulement dans nos règlements ainsi qu'il appert...

M. JOHNSON: Non, non.

M. CHOQUETTE: Est-ce que je peux parler? Elle est admise dans nos règlements...

M. JOHNSON: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable premier ministre.

M. JOHNSON: Le député dit que nous avons été surpris...

M. LAPORTE: Est-ce antiparlementaire?

M. JOHNSON: Je m'excuse d'avoir oublié que, depuis dimanche dernier, vous êtes entièrement alignés sur Ottawa, les libéraux du Québec.

M. CHOQUETTE: Après cette intervention...

M. BELLE MARE: Le chef fédéral qui est député provincial.

M. CHOQUETTE: ... fracassante qui éclaire le débat, je vous propose de revenir à l'article 558 dont l'honorable ministre du Travail nous a donné la lecture, et qui parle par lui-même. Et j'ajouterai ceci: il a omis de nous mentionner la note numéro 1 sous l'article 558, note qui se lit comme suit: « La résolution proposée peut énoncer quelque principe qui est contraire à un principe fondamental, à la portée politique ou aux dispositions essentielles du bill ou qui en diffère, peut exprimer quelque opinion sur des circonstances qui se rattachent. » Par conséquent, la note nous dit qu'on peut, en deuxième lecture, introduire par motion un principe qui n'existe pas, dans le projet de loi devant la Chambre. Et c'est là l'essence de la proposition de l'honorable chef de l'Opposition.

Maintenant, M. le Président, j'attire votre attention sur May, à la page 530, au bas de la page, qui admet très bien la possibilité d'introduire en deuxième lecture une motion de la nature de celle qui est proposée. Et voici ce que dit May au bas de la page: « It may be declaratory of some principle adverse to or differing from the principles, policy or provisions of the bill. » Or, par conséquent, si nous prenons la motion présentée par le chef de l'Opposition, elle cherche à introduire dans le projet gouvernemental le principe de la négociation entre les parties à ce différend-là. Or, ce principe, il est différent du principe qui nous est imposé, ou qui nous est proposé dis-je, par le projet de loi gouvernemental et, par conséquent, la Chambre peut parfaitement, au stade de la deuxième lecture, adopter une motion à l'effet qu'il serait opportun d'insérer le principe de la négociation dans la législation proposée.

Un autre auteur qu'il est utile de consulter, c'est Bourinot dans la quatrième édition qui dit à la page 509: « Any member may propose as an amendment a resolution declaratory of some principle adverse to or differing from the principles, policy or provisions of the bill or expressing opinions as to any circumstances connected with its introdutlon or prosecution or otherwise opposed to its progress... etc.

Maintenant l'honorable chef de l'Opposition a évidemment cité le cas de la législation des chemins de fer de 1966, mais il convient de noter qu'une décision semblable avait été rendue sur la législation pour mettre fin à la grève des chemins de fer, en 1960, par le président de la Chambre à Ottawa.

Par conséquent, nous avons des règles absolument similaires ici à Québec à celles qui prévalent au parlement d'Ottawa et qui sont similaires également, au point de vue de l'esprit, aux règles qui prévalent en Angleterre, suivant May.

Je soutiens que la motion de l'honorable chef de l'Opposition devrait être reçue.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Missisquoi.

M. BERTRAND: M. le Président, non pas pour prolonger la discussion et sans reprendre l'argumentation du premier ministre et du ministre du Travail premièrement, nos articles du règlement sont clairs. Deuxièmement, sans aller à Ottawa pour y trouver des autorités pour appuyer une décision, vous trouverez une décision de l'ancien président de la Chambre, le député de Verchères, au volume 100 des journaux de l'Assemblée législative de 1965, à la page 61, où l'honorable président, à l'époque, a appliqué le règlement en déclarant, à la suite d'une motion d'amendement qui avait été présentée au sujet du bill numéro 3, Loi du parlement du Québec. L'honorable président a alors déclaré que la motion d'amendement était contraire aux dispositions des articles 557 et 558 du règlement, qui ne permettent pas d'autres

amendements qu'une remise à un ou plusieurs mois.

M. JOHNSON: Ah bon!

M. BERTRAND: Or, M. le Président, nous vous demandons d'appliquer le règlement et d'appliquer l'interprétation qu'on en a donnée en 1965.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.

M. LAPORTE: M. le Président, je veux bien admettre que l'article 557 du règlement permet de proposer la remise pour une période de six mois plus ou moins, mais que vient faire l'article 558 du même règlement si l'on veut prétendre que l'on ne saurait, en deuxième lecture, proposer d'autres amendements que cette remise?

M. JOHNSON: C'est ce que dit le règlement!

M. LAPORTE: On doit d'abord se poser la question suivante: Est-ce que des amendements d'une nature autre qu'une remise sont possibles. L'article 558 est absolument clair: « Sauf les amendements mentionnés dans l'article 557, nul amendement ne peut être proposé sur une motion de deuxième lecture si ce n'est sous la forme d'une résolution se rattachant directement au sujet du bill et énonçant quelques raisons particulières de ne pas lire immédiatement le bill. » Il est donc évident que l'on peut proposer en deuxième lecture des amendements qui se rattachent directement au sujet du bill et qui énoncent quelques raisons particulières de ne pas lire immédiatement le bill Si l'on veut en avoir une preuve additionnelle, on n'a qu'à lire la note au bas de l'article 558 qui dit précisément quelle sorte d'amendements sont permis en vertu de cet article et quelle sorte d'amendements ne sont pas permis. « La résolution, dit la note numéro 1, peut énoncer quelques principes qui sont contraires à un principe fondamental. »

Il est donc permis, en vertu de notre règlement, de proposer en deuxième lecture un amendement énonçant quelque principe qui est contraire à un principe fondamental du bill, qui est contraire à la portée politique, et le reste. Nous avons donc le droit, et je pense, M. le Président, qu'il faudrait faire une gymnastique intellectuelle assez curieuse pour ne pas admettre que l'article 558 existe dans le règlement de l'Assemblée législative.

Venons-en maintenant à l'amendement propo- sé par le chef de l'Opposition pour nous demander s'il est bien conforme aux prescriptions de l'article 558, qui dit que la résolution doit se rattacher directement au sujet du bill. Le sujet du bill, c'est d'assurer le retour au travail des employés de la Commission de transport de Montréal en prévoyant un mécanisme d'arbitrage et un règlement du conflit Pour régler ce conflit, sujet qui se rapporte directement à l'objet du bill, le chef de l'Opposition propose que la Chambre refuse de procéder à la deuxième lecture parce qu'à notre avis il manque dans ce bill un principe important, celui de la négociation entre les parties pendant une période raisonnable.

M. le Président, la résolution du chef de l'Opposition, secondée par le député d'Ahunstic, a été calquée sur les principes de l'article 558. Je crois que vous avez toutes les raisons, prises ici dans Québec, pour montrer à ces messieurs du gouvernement qu'ils ont tort de refuser d'au moins étudier ce que nous avons à proposer pour aider au règlement du conflit de Montréal.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Outremont, au début de ses remarques, a mentionné que quelqu'un pourrait être surpris par la nature de l'amendement proposé par l'honorable chef de l'Opposition. Je crois qu'à ce morn ent-là il aurait dû m'adresser personnellement ses remarques. De toute façon, je suis informé que d'autres députés veulent parler sur le principe du bill. Alors si la Chambre était d'accord, nous pourrions peut-être continuer F étude du principe du bill pour qu'à l'heure de la suspension de nos travaux je puisse examiner cette question avec mes conseillers afin que dès la reprise des travaux, à huit heures, je puisse rendre une décision sur ce point de droit important soulevé par l'honorable chef de l'Opposition.

M. LAPORTE; M. le Président, nous n'avons aucune objection à la condition qu'on veuille bien nous donner quelques minutes pour le retour en Chambre du député d'Ahunstic qui ne prévoyait pas évidemment que les événements...

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Anne m'a signalé son désir de parier sur la deuxième lecture du bill.

M. LAPORTE: Très bien.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Anne.

M. Frank Hanley

M. HANLEY: Mr. Speaker, I want to state emphatically at the present time that I have not made up my mind whether I should vote for or against this bill.

I would like the population of the City of Montreal and the surrounding municipalities to know that the Provincial Government was not responsible for the strike of the MTC employees. The City Hall of Montreal was responsible for the strike of the MTC employees and I shall endeavour very briefly to present the facts to the population of Montreal. I will have a problem of reaching the French speaking population of the Island of Montreal with my message concerning my stand in this complaint. For some curious reasons, out of City Hall there has been messages circulating that I have taken the stand for the MTC employees and the Union against the masses. I wish to correct — and I wish that my message would reach the French speaking population — to the countrary, that I have always been guided and followed the dictates of the masses and I have made every effort to settle the problems of the masses in the best interest of the City at large.

The reason why I say that I have not made up my mind to vote for this bill is that — and I may be corrected by the Minister of Labour — in the conclusion of this bill, there are sanctions against the employees of the MTC, there are sanctions and fines against the Union executives, there are sanctions and fines against the MTC Commission in the case of a lockout, but there are no sanctions, no fines against the individuals who represent City Hall in Montreal.

Mr. Speaker, the officials of the MTC are not responsible for the acceptance of negociations between the MTC and its employees. The officials of the MTC Commission do not sign the contract between the Union and the employees. The MTC is not permitted to spend over $5,000 unless they are authorized by the City Hall of Montreal.

Therefore, the MTC Commissionners are only messengers and only puppets and the real people involved in this conflict and the people who are responsible for this strike and I say this without fear of contradiction, the people who antagonized this strike, the people who are responsible for this strike, the people who have made Montrealers and residents of the surrounding municipalities go through hardships for four weeks, are the administrators of the City Hall in Montreal.

Mr. Speaker, there was no alternative but for the Government of the Province of Quebec to call this special session to legislate in order to settle a conflict that is not the responsibility of the Government or the Parliament of the Province of Quebec. However, because the interest of the masses was at stake, because City Hall of Montreal refused to settle the problems of the masses, the Government and the Parliament of this Province was forced to convene this special session. For the Members of this Parliament who may not be aware that the Government of the Province of Quebec is not responsible for the nomination or the conduct of the Montreal Transportation Commission. The Government of the Porvince of Quebec is only responsible for the nomination of the President and general manager of the Commission.

The City Council of Montreal is responsible for the nomination of a commissioner, the executive committee of the nomination of two associate commissioners; the surrounding municipalities served by the MTC are responsible for the nomination of one commissioner and one associate commissioner.

Therefore, I again want to emphasize to the taxpayers of the City of Montreal, that it is the City Hall who is responsible for the nomination of the commission, and that City Hall who is responsible for the settling of the conflicts within its jurisdiction, and I say this, Mr. Speaker, to the Members of this Parliament that it is time that City Hall romoved their white ties and their tuxedoes and they got back to work for the little people. Is it not amazing that after four weeks without evidence of City Hall intervening in this conflict, without any evidence, without a word but at the end of a special meeting last Monday in City Hall, City Hall pleaded with the MTC employees, with the unions that they should return to work in the best interest of the little people. After four weeks, the little people were forgotten by City Hall, but a very passionate plea by City Hall for the little men. And half a page editorial in one of our leading French dailies paid such a tribute to City Hall for their plea on behalf of little people. Gentlemen you shall face the issue concerning the provincial Government future labour negociations with your employees.

City Hall will be responsible for the future negotiations of the employees of all the municipalities within the Province. And the reason that I accuse City Hall for placing the government of the province of Quebec, the Parliament of Province of Quebec and other municipalities in a difficult negotiation position is because of the wage guide lines that City Hall adopted in November 1966 in order to settle a conflict of the manual workers for one reason, and one

reason only, to break the strike of several thousands white collar employees of the City Hall. You are going to be faced with the problem, gentlemen, and I am not complaining because City Hall set the guide lines on wages, of paying their char-women $112 per week, that City Hall set the guide lines. And I presume when City Hall sets a guide line on labor relations, it should be an example for governments and private entreprises. City Hall set the guide lines of paying an ordinary « chauffeur » $112 per week. City Hall set the guide lines of paying a street-cleaner with a mechanical broom $132 a week. I am not complaining, they are my people, if City Hall wants to pay them $150 a week, I am not complaining.

Mr. Speaker... M. le Président, je vous demande d'ajourner le débat, s'il vous plaît.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! La Chambre suspend ses travaux jusqu'à huit heures, ce soir.

Reprise de la séance à 8 h 13 p. m.

M. PAUL (président): A l'ordre! L'honorable premier ministre.

M. JOHNSON: J'ai obtenu l'assentiment du député de Sainte-Anne d'intervenir dans son discours, et si j'avais le consentement de la Chambre pour que mon intervention ne soit pas considérée comme participation au débat sur la motion en cours, j'aurais deux déclarations à faire, dont l'une sur le bill en question et l'autre sur les ententes avec les radiologistes.

M. LE PRESIDENT: Ce consentement est-il accordé? Accordé.

M. JOHNSON: Pour ce qui est, M. le Président, du bill actuellement à l'étude, je dois déclarer à cette Chambre que j'ai reçu de quelques députés des représentations et que j'ai écouté une partie du discours du chef de l'Opposition avec beaucoup d'intérêt. Au cours de l'après-midi, des députés, entre autres ceux de Saint-Maurice, de Sherbrooke et de Saint-Jean, m'avaient fait des représentations dans le même sens que celles qui ont été exposées éloquemment...

M. LAPORTE: Vous avez oublié celui de Maisonneuve.

M. JOHNSON: ... par le chef de l'Opposition, et nous serons disposés en temps et lieu, c'est-à-dire en comité, à apporter des amendements prévoyant une période obligatoire de négociations.

La morale de l'histoire, c'est que je réunirai le caucus plus à bonne heure la prochaine fois. Deuxièmement...

M. LESAGE: Est-ce que la morale de l'histoire, avec la permission du premier ministre, ne serait pas que le premier ministre ferait mieux de consulter le chef de l'Opposition plus souvent?

M. JOHNSON: M. le Président, ce qui aurait été fort désirable avant le mois de juin 1966 le devient de moins en moins.

M. LAPORTE: C'est vrai parce que ça achève.

M. JOHNSON: Oui, justement, quand le chef de l'Opposition actuel sera seul dans son parti, je le consulterai. Il s'en va bien de ce temps-là.

M. TREMBLAY (Bourassa) Elle n'est pas drôle!

M. JOHNSON: Quant à l'entente avec les radiologistes, le ministre de la Santé vient de m'informer que tout est signe, mais qu'il faut l'entériner par arrêté ministériel et autoriser par arrêté ministériel le ministre à signer, à cause de certaines formalités. Nous aurons des copies, nous n'avons que des originaux pour le moment. Nous espérons en avoir après la prochaine séance du conseil des ministres qui aura lieu, l'Opposition sait quand, mais nous, ce sera le plus tôt possible, au plus tard demain matin, et nous verrons à faire parvenir des copies aux députés qui seraient intéressés.

M. LESAGE: Est-ce que je puis déclarer...

M. JOHNSON: Pour le moment, les originaux...

M. LESAGE: ... dès maintenant que je suis très intéressé, et que si le premier ministre voulait m'en faire parvenir une ou plusieurs copies à mon bureau...

M. JOHNSON: Avec plaisir.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Une à René Lévesque!

M. JOHNSON: Oui, oui, une aux députés indépendants, les trois ou quatre. J'aimerais savoir si on doit faire quatre copies pour les indépendants, ou trois?

M. LAPORTE: A vos vingt-deux!

M. LESAGE: A vos vingt-deux aussi!

M. JOHNSON: Quatre indépendants?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nommez-les!

M. JOHNSON: Alors, j'enregistre quatre indépendants. M. le Président, je vous remercie et je remercie les membres de la Chambre.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Anne,

M.HANLEY: Mr. Speaker...

M. LESAGE: Est-ce que je pourrais avoir la permission des députés? M. le Président, vous aviez pris en délibéré l'objection apportée par le premier ministre à la régularité de l'amende- ment que j'avais présenté. Etant donné ce que vient de déclarer le premier ministre à l'effet que lorsque nous serons en comité plénier, juste un peu plus tard ce soir, le gouvernement est disposé à prévoir les...

M. BELLE MARE: Les mécanismes!

M. LESAGE: ... mécanismes de négociation...

M. JOHNSON: Obligatoire.

M. LESAGE: ... de bonne foi, mais imposée aux parties, et cela pour une période raisonnable, M. le Président, je suis disposé, si j'ai le consentement de mon secondeur et le consentement unanime de la Chambre, à accepter l'engagement du premier ministre et à retirer l'amendement que j'ai proposé, secondé par le député d'Ahuntsic.

M. LE PRESIDENT: Je puis assurer le chef de l'Opposition qu'il a également mon consentement.

M. HANLEY: Mr Speaker, I would like to put the cards on the table so the citizens of the Island of Montreal will know who is responsible for the MTC strike. People are very naive, and because the Government of the Province of Quebec convened this session, the people of the Island of Montreal are under the impression that the Government and the Parliament of this province were responsible for this strike.

M. JOHNSON: Not the city of West Island.

M. HANLEY: I want to correct that West Island is not served by the MTC. I want to make it quite clear that it is not the Government or the Parliament responsible for this strike. The people who is responsible for this strike, when I say, the City Hall, I start from the Mayor, to the president of the executive, to the administration and to the city councillors. If I was to accuse the Parliament of this Province of something or other I would say the Parliament, not the Prime Minister or members or the Cabinet. The reason why the City Hall and ninety nine and ninety ten per cent of the Montreal council is responsible, because when the MTC and the representatives of the union requested the representatives of City Hall to negotiate a new contract before the old contract expired, City Hall refused to negotiate a new contract. And I defy any member from the Mayor down to any councillor of the City Hall, I defy them to correct me, when I state that they refuse to meet

with the representatives of the MTC employees to discuss a new contract. That is where the strike began and I hope this is where the strike will end.

If I may in a very brief time bring this Parliament up-to-date, after four weeks of hardship on the passengers depending upon the MTC, over a broadcast of the local radio station and publicized in some newspapers, a week last Monday, the Mayor of Montreal issued the challange that if there was any member of City Council who could negotiate and settle the strike.

He invited the individuals or other members to take his office and accept his chair. Mr. Speaker, fifteen minutes after that challenge, I forwarded a telegram to the representatives of the MTC, Mr. Pepin, Mr. Blais, etc. and I said: 1 want to meet with you, gentlemen, within 24 hours. I was notified by the Union that this has been the first contact concerning negociations by any elected member of the City Council of Montreal. Within 24 hours, I met with the representatives of the MTC. After four hours of deliberation, I rounded up with a contract, a contract that would set the buses rolling within 24 hours.

It was quite a coincidence that after four weeks of silence from City Hall, I received a telegram at one a.m. Monday morning after I accepted the mayor's challenge on Sunday that he was convening a special city council caucus meeting Monday night, after four weeks of silence. So to the people I had associated myself with on Sunday, I said: « I think we will get some accent from City Hall when I accept the mayor's challenge. At one a.m. on Monday the first attempt by City Hall to settle a strike was forwarded to the members of the Council and the mayors and councillors of the municipalities served by the MTC. So they called a meeting for Monday night. At 5 p.m. Monday afternoon, I settled with the representatives of the MTC a contract very reasonable: just 24 hours after the strike is over, the buses would be rooling. I must repeat that because it is important after four weeks.

During the Council meeting, the president of the Executive committee, naturally the first to offer a resolution, presented a resolution to the Executive committee, to the members of the Montreal City Council and to the mayors and councillors served by the MTC. And he categorically stated, when he terminated his resume, that he would resign, he would resign if the City Council and the mayors representing municipalities did not accept his resolution.

Mr. Speaker, I could say nothing else but dictatorship. I could not find words other to say that the president of the Executive committee put the members of the City Council in the corner, put the mayors representing the municipalities and the councillors in the corner that he would resing if they did not accept his resolution.

This is a very democratic way of procedure!

In conclusion, Mr. Speaker, I said to the Mayor: Here is the result of your challenge. Accept the proposition from the MTC representatives, CNTU and other affiliated representatives in CNTU. Pay the bus drivers. I negotiated a reasonable contract and I think I wound up with encouragement that I could have extended the life of this contract until October the 1st, 1970, when City Hall negotiated a contract in 1966 with the manuals for one year.

Mr. Speaker and Members of this Parliement, and taxpayers of the Island of Montreal served by the MTC, if you did not have your busses rolling last Tuesday at 6 p.m., it is because...

I accepted the Mayor's challenge, I produced a contract. This is an official document and sent the president of the executive committee a copy which he stated he received fifty minutes before the meeting. Should service be delayed it is because City Hall was not anxious to give them service. City Hall was anxious to persecute the people depending on MTC. For what reasons, we will never know. Should we assume that if there is a tremendous deficit of Expo then City Hall will say: Well, it was not us, it was the MTC and the CNTU responsible because of the strike. There always has to be something behind a movement when they refuse an official contract.

What is in the official contract? And I say this, Mr. Speaker, if I may direct my question to the Minister of Labour, I am sure that if the Minister of Labour had a problem with the « fonctionnaires » of the Province of Quebec, I am sure and I am confident that the Minister of Labour would meet with them and would negotiate with his employees before their old contract expired, but not City Hall. They refused, they refused and they did not deny my accusations at the special council meeting.

Now in closing, I see that there are new propositions on compulsory arbitration. If any arbitration awards the buss drivers responsible for the safety and the security of 70 passengers in each bus, responsible for financial and the monetary problems they have while driving a bus, if they decide to offer less than the street cleaners on the mechanical broom in Montreal, I will say that I will have to be convinced that there is no justice in compulsory arbitration and no justice in mediation.

Mr. Speaker, now I must submit this contract to this Parliament for study. If this Parliament

wants the busses to roll in the city of Montreal tomorrow night; 24 hours, then I say: Accept this contract, a reasonnable one, one that is justified, one that only pays the buss drivers the equivalent of the City of Montreal's $3.32 per hour, same as the street cleaners; then the strike is over and the wheels will be rolling.

I have tried very honestly to present to this Parliament the true facts. Who is responsible, for what reason? I only assume, I could never present the facts. If the Parliament wants to take action, I think that the Minister of Labour should study this last offer and give some thoughts to an opportunity of eliminating compulsory arbitration and the strike will be settled. Give it some thoughts.

In closing, I repeat, I have presented an honest case, the true facts, and I want the public again to know in the City of Montreal who are responsible for this four weeks old strike and they are responsible, because I believe in my own opinion, they are trying to break the backs of certain labour organization and I don't think and I am confident that the Minister of Labour and this Parliament will not accept, regardless whether they are administrators of Montreal, the administrators of Montreal and I repeat before closing, when there is romance, when there is champagne and caviar when there are 57 heads of states to be romanced, they are all winded out with their white ties and tuxedo but when there is a conflict that affects the poor, then the City Hall of Montreal says; no, this is not our responsibility. You must go to the Provincial Legislature to have it settle. I say they are shirking in their duties and I hope that all Montrealers will be awaken to the fact that the present administration and I say City Hall of Montreal are not interested in the poor, they are interested in higher appointments that will give them opportunity to travel throughout the world as big men, but leave the little men walking for four weeks in the rain, without transportation and I repeat it is time for City Hall « de retirer leurs cravates blanches et leurs tuxedos et de travailler pour les pauvres de Montréal ».

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'A-huntsic.

M. Jean-Paul Lefebvre

M. LEFEBVRE: Je voudrais d'abord, à la suite du chef de l'Opposition, me réjouir à mon tour de l'excellente santé du premier ministre. Nous nous en réjouissons bien sûr pour lui en tant que personne et cependant cela nous mettra d'autant plus à l'aise pour critiquer, comme c'est notre devoir, les faiblesses de ses politiques sans que nous soyons attendris par son état de santé puisqu'il le dit excellent. J'attirerai également l'attention de cette Chambre sur le fait, comme tout le monde a pu le constater, que le chef de l'Opposition n'a pas besoin d'un mois à Hawai pour être en pleine forme.

M. JOHNSON: Il préfère une purge du parti, lui!

M. LEFEBVRE: Je ne veux pas enchaîner avec ces remarques parce que ça pourrait nous amener dans la frivolité et je pense qu'au contraire nous vivons actuellement au Québec des moments qui ont un aspect dramatique, bien sûr, il ne faut pas céder à l'excitation et à l'énervement, mais il n'en reste pas moins qu'à mon avis le climat social dans le Québec est actuellement fort survolté.

C'est mon intention de prendre un peu de recul pour juger des événements et pour donner mon opinion et celle des membres qui siègent de ce côté-ci de la Chambre en complément des remarques excellentes et déjà fort complètes faites cet après-midi par le chef de l'Opposition. C'est mon intention, dis-je, de déborder le cadre immédiat du conflit pour le situer dans son contexte parce que je crois que c'est la responsabilité du législateur, au moment de se prononcer sur un conflit comme celui-là, d'attribuer d'abord les responsabilités à ceux à qui elles appartiennent et, ensuite, de voir quelles sont les véritables solutions au problème que le bill no 1 ne résoudra certainement pas et qui est le problème d'ensemble de la négociation collective et du droit de grève dans la fonction publique.

M. JOHNSON: M. le Président, j'invoque le règlement. Je ne voudrais pas être désagréable envers le député d'Ahuntsic, mais, cependant, il vient de nous annoncer assez clairement qu'au lieu de parler sur le principe du bill, il va nous donner une conférence sur l'arrière-plan social, qui serait évidemment très interressante, je n'en doute pas. Il est qualifié, mais je crois que pour le bon ordre dans cette Chambre, il faut demander au député d'Ahuntsic de s'en tenir aux prescriptions du règlement et de parler du principe ou des principes du bill, quitte, avec Phabileté qu'on lui connaît, à modifier ses notes ou son texte de façon qu'elles puissent entrer dans le cadre du règlement.

M. LEFEBVRE: M. le Président, je remercie le premier ministre de ses conseils.

M. LE PRESIDENT; A l'ordre! Je suis sûr que l'honorable premier ministre se référait aux dispositions de l'article 272 de notre règlement et je connais trop l'expérience de l'honorable député d'Ahuntsic pour être dans l'obligation de rappeler les dispositions de cet article. L'exposé qu'il a l'intention de faire sera sans doute conforme aux dispositions de notre règlement afin que nous puissions procéder suivant l'ordre établi par nos règlements pour une étude progressive du bill 1.

M. LEFEBVRE: M. le Président, vous pouvez compter sur mon entière collaboration. Je comprends que cela demande un effort au premier ministre pour avoir un peu d'ampleur dans ses vues, mais c'est mon intention, bien sûr, de m'en tenir au principe du bill et aux problèmes qu'on nous propose de régler. Cependant, il est bien évident qu'en deuxième lecture, je ne dois pas discuter du détail du bill, du texte même du bill, mais de son principe, c'est-à-dire, de l'objectif du bill et c'est ce que j'ai l'intention de faire. Je me fie à vous pour me rappeler à l'ordre. Quant au premier ministre, je le réfère au journal des Débats lorsque nous avons discuté du bill 52 et aux trois quarts d'heure qu'il a passés à parler de la famille du Secrétaire de la province, et ceci l'instruira peut-être sur l'art d'être dans l'ordre.

DES VOIX: Très bien.

M. LEFEBVRE: Je pense que ce n'est pas le temps des mesquineries. L'Opposition a été d'accord pour réduire le nombre d'orateurs sur ce bill. Quant à moi, j'espère que le premier ministre me laissera faire les remarques que j'ai à faire. J'en ai pour à peu près quinze minutes. Evidemment, je ne les fais pas spécialement pour lui plaire, mais pas non plus spécialement pour lui déplaire. Je donne mon appréciation de la situation.

Alors, au cours des derniers mois, on a beaucoup parlé de politique salariale et de rationalisation des dépenses publiques. Une question est cependant restée sans réponse. Et pis encore, dans bien des milieux, on n'a même pas osé la poser. Je pense qu'il faut se la poser aujourd'hui si on veut vraiment situer le bill qui est devant nous dans le contexte de ce malaise social qui se dessine dans le Québec. Cette question, c'est de savoir pourquoi le salarié accepterait que son revenu soit rationalisé, normalisé, planifié, si les autres revenus ne le sont pas?

M. LOUBIER: Changez de texte!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je comprends facilement que l'honorable député d'Ahuntsic puisse s'écarter énormément du principe du bill en question puisque je lui ai rappelé tout à l'heure par erreur les dispositions de l'article 272 alors que j'aurais dû lui signaler 273. Et je n'ai aucun doute que l'honorable député, avec cet avertissement, qui est cette fois conforme aux prescriptions de notre règlement, voudra bien s'en tenir à l'étude du principe du bill. Toute considération de politique sociale qui serait trop éloignée du principe du bill numéro 1 devra être malheureusement refusée, même si elle est fort intéressante.

M. LEFEBVRE: Bien, M. le Président, je ne vois pas très bien comment on peut aller au fond des choses sur le problème qui nous occupe, à savoir sur les façons de régler les conflits dans les relations patronales ouvrières dans la fonction publique sans tenter de voir un peu comment le problème se pose et comment les aspirations des groupes en présence s'affrontent. Maintenant, je me fie à vous, vous me rappellerez à l'ordre. Je suis tout à fait disposé à suivre votre discipline, mais j'avoue que j'ai toujours compris depuis que je siège dans cette Chambre qu'en deuxième lecture il y avait passablement de latitude, et encore une fois je me fie, M. le Président, à votre jugement mais je trouve que les gens du côté gouvernemental n'ont pas, il me semble, intérêt à se montrer trop tatillons à ce moment-ci surtout que j'ai déjà indiqué tout à l'heure que c'était l'intention de l'Opposition de restreindre le nombre d'interventions, et que pour ma part je ne voulais pas dépasser quinze minutes. Je pense honnêtement que ce n'est pas exagéré.

M. le Président, nous vivons dans une économie où chacun cherche à maximiser ses gains. Songez aux médecins et singulièrement aux radiologistes dont le premier ministre nous a parlé cet après-midi, à l'épicier, à l'agent d'assurances ou à n'importe quel autre salarié ou entrepreneur, et vous devrez convenir que dans tous les métiers, dans toutes les professions, sans même exclure les membres de cette Chambre, 99% des citoyens recherchent un accroissement de leur standard de vie. Et, détail important, ils recherchent cet accroissement surtout par l'augmentation de leur revenu personnel. Cela entraîne une absence de rationalité dans l'organisation de la production et de la distribution des biens et risque de provoquer un déséquilibre très grave. Dans le langage de tous les jours, on dit: C'est la loi du plus fort qui prime. Et l'actualité nous fournit un exemple parfait de la faiblesse de ce système du plus

fort. Les radiologistes du Québec, en effet, bénéficiant déjà des seuls fonds publics d'un revenu moyen de $32,000 par année, réclamaient une hausse de près de $8,000 par année. Et en certains milieux — remarquez que je fais ici une parenthèse pour dire que je me réjouis quant à moi que ce conflit soit réglé et j'étudierai avec beaucoup d'intérêt le règlement dont le premier ministre nous a parlé — mais à tout événement je ne veux ici que mentionner le fait qu'en certains milieux on a cru que le gouvernement serait forcé d'obtempérer à la demande des radiologistes pour éviter une migration de plusieurs d'entre eux vers les Etats-Unis où, dit-on, les offres d'emploi sont nombreuses pour eux.

M. JOHNSON: M. le Président, j'invoque le règlement. Non seulement ça n'a rien à faire, mais, deuxièmement, c'est faux. Les radiologistes ont accepté notre offre.

M. LEFEBVRE: M. le Président, pour vous montrer l'objectivité du premier ministre, j'ai le texte devant moi, je vais lui demander de dire ce qui est faux dans ce que j'ai dit.

M. BERTRAND: Voyons!

M. LEFEBVRE: J'ai dit tout simplement que certaines gens croyaient que le gouvernement devait obtempérer. Qu'est-ce qu'il y a de faux là-dedans?

M. LOUBIER: Ce n'est pas dans le bill.

M. LEFEBVRE: Vous lirez le journal des Débats.

M. JOHNSON: Je m'excuse. C'est le chef de l'Opposition qui a dit ça.

M. LESAGE: Non. J'ai devant moi le texte de ce que vient de dire le député d'Ahuntsic. Il vient de répéter textuellement ce qu'il a dit. Et je vous soumets respectueusement, M. le Président, que tout ce qu'il dit là, c'est une considération d'ordre général de peut-être trois ou quatre minutes qui l'amène à donner son point de vue. C'est là le préambule du point de vue qu'il veut exprimer sur le bill qui est devant nous, Il en a pour deux minutes.

M. LE PRESIDENT: J'ai compris que l'honorable député d'Ahuntsic était à faire un exposé en matière, et par analogie il en viendrait à l'étude du principe du bill en question, et je suis sûr que l'honorable député voudra se conformer à ce règlement comme les honorables autres députés voudront bien attendre, patienter quelque peu pour que nous puissions être en mesure de juger un peu plus tard de la pertinence des remarques de l'honorable député d'Ahuntsic.

M. LEFEBVRE: M. le Président, je vous remercie de votre patience. Je crois qu'elle est excellente et meilleure que celle d'autres personnes dans cette Chambre. M. le Président, il est probable en effet qu'un radiologiste puisse émigrer plus facilement qu'un chauffeur d'autobus — vous voyez que je touche au bill là, j'y arrive — c'est peut-être nécessaire pour le député de Champlain qu'il mette le doigt dessus, je m'en viens.

M. BELLE MARE: Je n'ai encore rien dit.

M. LEFEBVRE: Alors, M. le Président, il est probable en effet qu'un radiologiste puisse émigrer plus facilement qu'un chauffeur d'autobus et en tirer davantage de bénéfice.

A mon sens, toutefois, la collectivité québécoise devra trancher le débat à savoir s'il faut tendre à procurer à tous le minimum vital et à réduire les écarts de revenus ou s'il faut au contraire laisser jouer la loi du plus fort. Il m'apparaît — et le premier ministre n'aurait pas dû demander que f aborde le sujet parce qu'il n'aimera peut-être pas mon propos quand je vais tomber exactement où il voulait que je tombe: là, j'y arrive — il m'apparaît que le gouvernement de l'Etat du Québec, depuis juin 1966, n'a pas poursuivi le travail amorcé par son prédécesseur en matière de rationalisation des revenus. Quant au cadre plus large de la planification démocratique de l'économie dans lequel s'insère une politique salariale, le gouvernement, tout comme l'Opposition — le gouvernement de demain, j'espère — y trouveront amplement matière à exercer leur imagination créatrice.

M. le Président, le code du travail, adopté par la Législature provinciale en 1964 et complété en 1965 en ce qui concerne les employés de la fonction publique, plaçait notre province au premier rang des provinces canadiennes. Certes, ce code n'est pas parfait, et tout le monde en convient, mais il accorde à l'ensemble des travailleurs une liberté d'action et une protection de beaucoup supérieure à ce que nous avions connu jusque-là. Mais une fois que l'on a accordé le droit de grève — dans mon esprit un corollaire essentiel du droit d'association — aux employés de la fonction publique; on a accompli un pas dans la bonne direction, je pense, mais on n'a accompli qu'un pas.

J'ai tout lieu de croire, quant à moi, M. le

Président, que le gouvernement libéral était tout à fait conscient de cette réalité et s'apprêtait à mettre en place les mécanismes appropriés pour moderniser l'équipement administratif utilisé dans l'application de la législation du travail. Cela, pour parler clairement, ce sont des vitamines dans la pilule du ministre du Travail.

M. KIERANS: C'est le problème.

M. LEFEBVRE: Il était en effet facile de prévoir que la plus grande mesure de liberté accordée aux salariés de la fonction publique et des services publics allait entraîner des conflits d'intérêts, conflits issus d'une longue frustration, mais conflits quand même susceptibles de menacer l'intérêt public, et de cela personne ne doute, je pense. Chacun pouvait prévoir que ces conflits, impliquant un très grand nombre de salariés et s'imbriquant plus ou moins les uns dans les autres, allaient nécessiter un équipement technique et humain beaucoup plus complet que celui dont disposait et dont dispose encore le ministère du Travail.

Malheureusement, le gouvernement actuel dont les membres et les partisans ont voté en faveur du droit de grève dans la fonction publique, n'a pas semblé se rendre compte depuis son accession au pouvoir des responsabilités qui lui incombent dans ce domaine. Aussi, au-delà de tout esprit partisan, est-on pleinement justifié, à mon avis, de blâmer le gouvernement pour avoir négligé d'agir en temps opportun. Quant à nous, nous avons depuis les premiers jours de la Législature — et le ministre du Travail le sait — réclamé la création de commissions de prévention des conflits du travail. Il y aurait lieu, à notre avis, de modifier les articles 42 et suivants du code du travail pour prévoir qu'à la demande conjointe des deux parties ou sur décision du ministre un conflit appréhendé puisse être référé à une commission de prévention des conflits patronaux-ouvriers plutôt qu'aux services de conciliation tel qu'ils existent présentement.

Les membres d'une telle commission devraient jouir d'une indépendance complète vis-à-vis du gouvernement et cet objectif serait atteint soit en leur assurant le même statut qu'aux juges, c'est-à-dire une nomination à vie, soit encore en choississant les membres de chacune de ces commissions — disons trois personnes à la fois pour des commissions ad hoc, cette fois-là — sur une liste de neuf ou douze personnes nommées par le gouvernement sur recommandation unanime ou majoritaire du Conseil supérieur du travail. Dans cette hypothèse, les commissai- res ne seraient pas à plein temps et recevraient des honoraires professionnels en rapport avec la durée de leurs travaux.

Voici, M. le Président, une illustration de ce que, de ce côté-ci de la Chambre, nous serions prêts à étudier si, comme l'a dit cet après-midi le chef de l'Opposition, le gouvernement est vraiment désireux d'agir au lieu de continuer simplement à parler comme il l'a fait et de laisser pourrir plusieurs conflits, comme c'est malheureusement le cas pour celui de la Commission de transport de Montréal.

M. le Président, la toute première tâche de cette commission de prévention des conflits serait de tenter de mettre les parties en présence d'accords sur les faits pertinents au litige.

Cela serait également une des fonctions delà commission que de transmettre au public les données de base pour lui permettre de se former une opinion quant aux mérites respectifs de chacune des thèses en présence. Et si l'on se rappelle le conflit des hôpitaux, la crise de l'enseignement, de même que les conflits en cours, celui qui vient de se terminer dans le cas des radiologistes et celui de la CTM dont nous discutons présentement en rapport avec le bill 1, si l'on se rappelle tous ces conflits, on conviendra que l'existence d'un tel mécanisme aurait pu empêcher la publication de renseignements dits objectifs de part et d'autre, mais pourtant contradictoires sur les données de la situation elle-même. Le public aurait, à ce moment-là, moins de difficulté à se retrouver dans le dédale des statistiques. 11 va de soi, M. le Président, que la deuxième tâche d'une telle commission de prévention serait d'agir en qualité de médiateur entre les parties. Mais un médiateur équipé de cette façon intervenant avant que le conflit n'éclate aurait autrement de chance de succès qu'un tiers qui tente d'accorder les parties après que la situation est plus ou moins gâtée ou même complètement pourrie, si on me passe l'expression.

M. le Président, un si long préambule alors que nous vivons présentement dans une situation d'urgence était-il justifié? Je pense que oui, parce que précisément l'expérience des deux arrêts de travail qui ont justifié la convocation de cette session montre bien qu'il est devenu impossible de trouver une solution raisonnable à des conflits particuliers sans faire appel à la rationalisation au niveau d'un ensemble, c'est-à-dire sans se référer à une véritable politique. J'en citerai deux exemples: dans le cas des radiologistes, il a été évident pour tous les observateurs que, d'un côté comme de l'autre, on ne se résignait pas à accepter une entente particulière sans apprécier l'influence du précédent

ainsi créé sur les négociations de plus grande envergure qu'entraînera nécessairement l'application de l'assurance-santé. Donc, la rationalisation, elle s'imposait presque de soi aux deux parties.

Dans le cas de la grève des autobus, je ne veux pas m'allonger sur ce point-là, ni prendre parti, ni prendre fait et cause pour l'une ou l'autre des parties, mais plusieurs observateurs semblent d'avis que cette grève n'aurait même peut-être pas eu lieu si les autorités compétentes s'étaient posé en temps opportun le problème de la comparaison inévitable entre les structures de salaires des différents groupes de salariés qui oeuvrent au service de la communauté montréalaise.

Mais, M. le Président, c'est un fait que nous ne sommes pas ici pour partager les responsabilités, ni dans le conflit de la CTM, ni dans aucun autre conflit, Il s'agit pour nous d'évaluer la solution proposée par le gouvernement par son bill numéro 1. D'abord ce bill — le chef de l'Opposition l'a fait ressortir magnifiquement cet après-midi, je ne ferai que le rappeler pour mémoire — ce bill proposait et propose encore jusqu'à plus ample informé une méthode de règlement qui a été complètement dépréciée au Québec, dont l'inefficacité a été démontrée depuis plusieurs années, l'arbitrage avec sentence exécutoire. Chacun sait que c'a été longtemps le régime dans les services publics et qu'à la fin, ce régime n'était d'aucune efficacité, Il est malheureux que le gouvernement n'ait pas de prime abord songé à inclure dans son bill la période de négociation qu'avec beaucoup de sagesse il accepte maintenant d'inclure, à la suggestion de l'Opposition.

Deuxièmement, le bill, M. le Président, prévoit des sanctions absolument exorbitantes. Pour ma part, je n'en croyais pas mes yeux quand j'ai lu ce bill. Encore là le chef de l'Opposition en a parlé. Je ne ferai pour ma part que mentionner ceci, et je sais que certains, mêmeparmi les vieux routiers de l'autre côté de la Chambre, n'aiment pas qu'on leur rappelle ça. C'est malheureux à dire, mais je crois que ce bill nous ramène à l'époque du « crois ou meurs » de M. Duplessis, Ce bill nous ramène à l'époque de la législation en vertu de laquelle on avait détruit le syndicat des professeurs de Montréal, l'Alliance, parce qu'à la suite d'une grève illégale on avait retiré le certificat de reconnaissance syndicale. Alors voilà encore un aspect du bill qui nous est tout à fait inacceptable, et j'espère qu'encore là le gouvernement, une fois lancé sur la bonne voie, acceptera les suggestions qui pourront lui venir de l'Opposition car autrement il ne fait aucun doute dans mon esprit qu'il nous faudrait voter contre le bill en troisième lecture si des choses aussi inacceptables que celles que je viens de mentionner et qu'avait évoquées d'ailleurs cet après-midi le chef de l'Opposition lui-même si de telles choses demeurent dans ce bill.

Le bill no 1 ne tenait aucun compte du fait que la partie patronale s'est engagée à reprendre les négociations dès le retour au travail et il ne tenait pas compte du fait que tout notre code du travail, l'esprit du code du travail actuel, c'est la négociation de bonne foi. Mais disons que ce point-là est couvert par l'acceptation par le premier ministre de la suggestion faite par le chef de l'Opposition et par moi-même a l'occasion d'un amendement en deuxième lecture, amendement qui a pu être retiré par suite de l'engagement du premier ministre.

M. le Président, je résume notre position en des termes peut-être un tout petit peu différents de ceux qu'a utilisés le chef de l'Opposition cet après-midi, mais pour en arriver, bien sûr, exactement aux mêmes conclusions que lui. Nous croyons tout d'abord que les salariés à l'emploi de la Commission de transport de Montréal ne sauraient être pénalisés pour la négligence ou le retard du gouvernement à mettre en place les mécanismes susceptibles de favoriser une rationalisation des conditions de travail des employés de la fonction publique et de restreindre ainsi les risques de grève. Nous croyons que compte tenu du fait que des négociations collectives impliquant près de 200,000 employés de la fonction publique et des services publics ont déjà débuté ou débuteront bientôt, la législature et le gouvernement du Québec n'ont pas le droit de poser des gestes qui créeraient un sentiment de panique ou d'inquiétude grave chez cette masse de salariés. Nous croyons également que l'arbitre final dans les conflits d'intérêt qui opposent les employés de la fonction publique à leur employeur, c'est le public lui-même. Certes il s'agit ici d'un arbitrage par personnes interposées, tout d'abord par les élus du peuple, mais aussi par les divers leaders de l'opinion. Or l'Etat, je le répète, ne s'est pas soucié de donner au public le moyen d'être vraiment et objectivement informé.

M. le Président, il nous faut convenir que des grèves de longue durée sont difficilement acceptables dans les services publics, surtout si elles privent la population d'un service quasi essentiel. C'est pourquoi nous voterons pour le principe du bill en deuxième lecture, mais nous en combattrons certainement certaines des modalités qui demeurent à nos yeux tout à fait inacceptables.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Laurier.

M. René Lévesque

M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, évidemment il ne sert à rien de répéter une vérité de La Palice. C'est pour ça qu'on est ici, on est devant une situation d'urgence. Cela est indiscutable. Alors, je vais tâcher d'être bref et de coller le plus près possible au bill lui-même, à ses intentions et aux faits qui ont marqué le conflit qu'il s'agit de régler. Aux faits qui sont connus et à ceux sur lesquels on a le droit de se poser des questions parce qu'ils influent nécessairement, en tout cas quant à celui qui vous parle, sur la solution qu'on peut apporter à ce conflit.

La première chose sur laquelle, je pense bien, tout le monde est d'accord — et étant député de la région de Montréal, je ne peux pas être plus d'accord — c'est qu'il faut dans les plus brefs délais assurer le retour au travail des employés de la Commission de transport. Il y a un mois plein maintenant que cette grève dure et la situation à Montréal, au moins dans trois secteurs qui crèvent les yeux et que le ministre du Travail a évoqués d'ailleurs, la situation est en train de devenir, je crois, honnêtement, intenable.

Il y a d'abord l'Expo qui avant de fermer ses portes avait le droit et a encore le droit d'avoir quelques jours de beau temps et d'accessibilité totale en attendant que l'addition soit présentée aux citoyens. Parce qu'ils vont payer après, et cela est d'autant plus sérieux que ce sont, autant que je sache, les citoyens de Montréal eux-mêmes qui sont frappés en ce moment par rapport à l'Expo, car beaucoup d'après ce que j'ai pu voir, des milliers sûrement, de Montréalais comptaient sur les deux dernières semaines de l'Expo pour reprendre un peu le temps perdu et en quelque sorte avoir une espèce de fête collective autour de cet événement qui évidemment est sans précédent et qui n'aura rien de comparable dans un avenir prévisible.

La deuxième chose, c'est que la vie économique de la métropole elle-même, et surtout dans les secteurs les plus modestes de cette vie économique, par exemple les magasins du coin, les petits services — et cela est facile à constater si on se promène dans la ville depuis quelques jours — la vie économique modeste donc en particulier est en train d'étouffer tranquillement et cela commence à s'accélérer. Or, cela se produit à la veille, et maintenant on est vraiment à la veille d'un hiver qui, au point de vue économique, promettait déjà d'être assez difficile et cela ne peut plus durer parce que ça risque d'empirer une situation qui déjà avait des côtés inquiétants pour les mois qui viennent.

Troisièmement, il y a toute une partie de la population qui n'a guère de porte-parole normalement et qui n'a pas de défense organisée qui est affectée d'une façon qui peut devenir intolérable et qui déjà pèse lourdement sur elle dans les milieux à revenus modestes. Et on peut dire que ce sont les quatre cinquièmes de la population de Montréal et en particulier du côté des malades, des vieillards, des écoliers enfin des gens sur qui après trois semaines, un mois, c'est devenu un épuisement, dans certains cas, une charge très lourde.

Dans ces trois secteurs, je suis sûr que les syndiqués s'en rendent compte aussi bien sinon mieux que nous. On a franchi, on est en train de franchir les limites extremes de l'endurance collective d'une population. L'Expo est gravement menacée de mal finir. Dans l'économie les ralentissements, les mises à pied commencent à être officielles et découlent de la paralysie des transports en commun. Du côté des ennuis personnels causés aux citoyens fragiles et pas riches dont je parlais, la mesure est déjà pleine et peut déborder d'un jour à l'autre. Donc il y a un impératif qui était relatif d'ailleurs, existait relativement depuis le début et qui chaque jour forcément est devenu de plus en plus évident, et cet impératif est maintenant absolu et d'une urgence criante, c'est l'impératif d'une remise en marche, sans délai des services de transport en commun. Mais d'autre part, et ça, ça rappelle des souvenirs que je ne veux pas évoquer pour ne pas amener des problèmes de règlement de procédure, d'autant plus que je n'ai pas autant de gens à consulter que j'en ai déjà eus là dans l'immédiat. Alors d'autre part, le Parlement — et on le sait, ça nous est déjà arrivé — a le devoir de faire bien attention à la manière dont il remplit son rôle primordial qui en ce moment est d'assurer le retour au travail.

C'est-à-dire qu'il faut faire bien attention à la façon dont on le fait pour essayer d'avoir, autant qu'il est humainement possible, les meilleures conditions.

Est-ce que c'est ça que fait le bill no 1 et numéro dernier de cette session spéciale, parce que ce n'est pas un cas qui est simple, je pense bien? Le ministre du Travail le sait aussi bien que n'importe qui. Seulement est-ce qu'on a tous les faits? Il y a un caricaturiste, le ministre le sait de quoi les caricatures sont faites. Quand l'inspiration les frappe, les caricaturistes peuvent faire un résumé beaucoup plus éloquent qu'une avalanche de discours. Dans un journal d'hier ou d'avant-hier, à Mont-

réal, il y a eu une caricature intitulée « le noeud de vipère », que sûrement le député de Bagot et le député de Saint-Jacques ont vue, ils étaient deux des personnages de ce tableau. Cela nous montrait deux...

M. JOHNSON: Nous avons vu celle de Hunter aussi, relativement au congrès.

M. LEVESQUE (Laurier):... corps... Non, là, si le premier ministre permet...

M. LAPORTE: Est-ce que vous avez vu celle de Hunter relative à Hawaï?

M. JOHNSON: Très bien.

M. LEVESQUE (Laurier): Si le premier ministre me permet, je voudrais m'en tenir à ce problème qui, si on est conscient, à Montréal, commence à faire mal partout et d'un autre côté pourrait faire mal aussi et longtemps s'il était mal résolu. On le sait, ça. On ne peut pas faire de perfection mais on pourrait peut-être essayer de faire le mieux possible. Le noeud de vipère dont je parle là, la caricature, nous montrait deux corps vaguement humains, qui étaient si curieusement entrelacés, qu'à part deux paires de jambes, sur lesquelles s'escrimaient respectivement avec des airs désespérés le premier ministre sur une paire de pattes et le député de Saint-Jacques sur l'autre pour essayer de les démêler. A part les deux paries de jambes on ne trouvait plus rien d'humain, on ne voyait pas de visage, d'expression ou quoi que ce soit.

Bon, bien forcément c'était peut-être, je crois, mieux que tous les développements que l'on peut faire, l'illustration de la confusion à peu près totale dans laquelle baigne l'opinion publique dans son ensemble, sur ce conflit et jusqu'à un certain point, je suis sûr, une très grande partie des députés de cette Chambre dont la plupart de toute façon ne sont pas Montréalais.

Non, pour mon humble part, je suis citoyen de Montréal, ayant un modeste accès quand même à certaines informations de première main, ce que n'ont pas et ce que ne sont pas non plus, citoyens Montréalais, la plupart des députés qui sont appelés à légiférer sur ce problème-là en ce moment. Et je dois avouer, pour mon humble part, qu'une bonne partie de la vérité sur ce conflit, m'échappe encore complètement et ça affecte la façon dont on peut voir le règlement que nous propose cette loi. Il y a des questions auxquelles, pour ma part, je n'ai pas vu de réponse. Parce qu'en ce moment, on a un climat qui dit: Le service n'est pas là. Les gars qui ne le donnent pas, qu'ils rentrent au plus vite parce que c'est eux qui sont la cible mais où sont les autres? Et qu'est-ce qui est arrivé? Quelle part de responsabilité l'administration de la Commission de transport porte-t-elle ou a-t-elle porté dans l'échelle catastrophique des négociations et des médiations?

Depuis au moins une couple de semaines, et particulièrement depuis les rencontres qui ont été provoquées par le députés de Saint-Jacques quand il était premier ministre intérimaire, quelle est la justification de la totale et absolue intransigeance de l'administration municipale de Montréal qui est responsable en dernier ressort. Sur ce point, il me semble qu'on doit tenir compte sinon surtout, du moins en grande partie, pour se former un jugement, des règlements qui ont été consentis par la ville de Montréal, le printemps dernier — il n'y a pas un siècle — à ses propres employés manuels qui sont jusqu'à un certain point des parallèles de ceux qui sont en grève, des règlements, qui étaient arrivés au milieu d'un conflit — le ministre du Travail s'en souvient très bien — où il y avait à la fois les fonctionnaires, collets-blancs si l'on veut, et les manuels qui Pun après l'autre, groupe après groupe, sont entrés en grève, bon. Ce matin, pour ceux qui ont besoin de se rafraîchir la mémoire, il y a un article bien documenté dans le Devoir qui nous rappelle entre autres choses que ce règlement du printemps accordait de 28% à 50%, je répète de 28% à 50% d'augmentation aux employés manuels, ce qui a permis, bien entendu, de raccourcir dramatiquement la grève de ces employés manuels et d'isoler dans leur propre conflit les fonctionnaires, les collets-blancs. Donc, c'était une victoire tactique dans un sens qui a été payée à ce prix-là. Mais est-ce que ce n'est pas le coût de cette victoire tactique? Parce que c'est de là que viennent les chiffres comparatifs. Est-ce que ce n'est pas le coût de cette victoire tactique que l'on tâche désespérément maintenant de réduire pour l'avenir, ou pour le présent et l'avenir, mais sur le dos d'un autre groupe qui était parfaitement justifié au départ de se dire parallèrement: « Pourquoi pas nous? » puisqu'en définitive, c'est le même employeur.

Une autre question à laquelle, il me semble que c'est le bon sens qui le dit, sans compter bien d'autres motifs, il faudrait avoir une réponse pour juger un peu au mérite de cette affaire. Quel est le budget de la Commission de transport de Montréal? C'est invraisemblable quant à moi que le public n'en sache rien sauf erreur, et, autant que je sache, nous au-

très non plus. Je voudrais illustrer rapidement l'intérêt puissant que, quant à moi, cela présente. Au printemps, la Commission de transport de Montréal a produit, sauf erreur, un rapport de revenus pour l'année finissante, l'année qui finit comme celle du gouvernement, au mois d'avril, je crois, au printemps, ce n'est pas l'année de calendrier. Ce rapport de revenus donnait à peu près $59 millions de revenu dans le bilan des opérations. C'est à peu près ça, et, sauf erreur aussi, c'était à peu près $4 millions et trois quarts de plus dans les trois derniers mois que les prévisions faites antérieurement. Cela venait essentiellement des hausses de tarifs, les billets plus chers, extrêmement massive cette hausse qui avait été imposée au début de l'année. Donc, sur trois mois...

M. BELLEMARE: Est-ce que l'honorable député connaît le déficit?

M. LEVESQUE (Laurier): Sur trois mois, on avait augmenté les revenus, par rapport aux prévisions, de $4 millions et trois quarts, d'accord? Et il y avait un déficit quand même qui était de $2 millions.

M. BELLEMARE: $2 millions.

M. LEVESQUE (Laurier): $2 millions, bon. Et ça bouclait l'année.

M. BELLEMARE: Cela aurait été pire que ça s'il n'y avait pas eu cette partie-là.

M. LEVESQUE (Laurier): D'accord, mais ça existe encore. La preuve qu'elle existe encore, simplement... Je ne sais pas la justification de la question que je vais poser, mais je sais que devant ces faits-là, je ne peux pas accepter, quant à moi, en conscience, de réponse qui me dit que ce n'est pas possible, la réponse qu'appelle la question que je vais poser, si on n'a pas ces faits-là. Après donc la fin de cette année-là qui a bouclé à $59 millions avec une augmentation de près de $5 millions des revenus prévus et quand même un déficit d'une couple de millions. Il y a eu une prévision pour l'année courante qui, elle, est passée, fait passer les revenus réels de $59 millions de Pan dernier à des revenus estimés pour l'année courante dans laquelle nous sommes de $84 millions. Si ces chiffres qu'on m'a fournis, si, en l'absence de tout détail on fait un calcul en se servant de sa tête et d'une règle bien simple, si cela a donné $4 millions et trois quarts plus ou moins, la hausse des taux, dans les trois derniers mois de l'année passée, en établissant ça sur l'année courante, on peut voir à peu près $17 ou $18 millions justifiés par les prévisions qui découlent des trois derniers mois d'opération de Pan dernier, le reste étant probablement ce qu'on prévoyait pour l'Expo, cela ne reviendra pas.

M. BELLEMARE: Est-ce que l'honorable député pourrait aussi ajouter qu'il y a un service nouveau, celui du métro?

M. LEVESQUE (Laurier): Oui, d'accord. Mais où est le budget où sont décrits les postes de dépenses auxquels ces revenus ont été affectés, avec les charges dont certaines sont nouvelles? Quelles sont les proportions? Comment cela a-t-il été établi? Quelle était, entre autres, la prévision concernant les salaires pour la Commission de transport de Montréal pour l'année courante avec les augmentations inévitables — autrement il n'y aurait vraiment pas d'administration responsable — qui devaient être prévues puisqu'un autre contrat devait être négocié cette année?

A mon humble avis, il est terriblement important que nous obtenions réponse à des questions comme celles-là pour deux raisons. La première, c'est que seul ce budget — qui doit exister quelque part — après un rapide examen, permettrait d'évaluer un des éléments essentiels de l'affaire, qui est quand même la capacité de payer de la Commission de transport. Parce que depuis, un des éléments du conflit qu'on est porté à oublier maintenant à cause de cette cible unique que devient compréhensiblement le gars qui ne travaille pas, un des éléments du conflit c'est quand même la capacité de payer de ceux qui, avec une obstination au moins comparable, disent depuis des semaines: « Non, pas un sou de plus ». C'est un fait, ça. La capacité de payer n'est pas le seul facteur qui doit entrer en ligne de compte. Loin de là, et je suis d'accord avec ce que le ministre du Travail disait tout à l'heure, ce n'est pas du tout ce que je veux dire. Il y a d'autres obligations, dont certaines peuvent être nouvelles, auxquelles la Commission de transport doit faire face.

Il y a également la nécessité de plus en plus évidente d'une « concertation » qui soit équitable et qui soit ordonnée dans le domaine salarial du secteur public, dans la progression salariale, mais qui soit équitable et qui soit ordonnée, et surtout qui ne comporte pas de secret pour remplacer le climat d'escalade échevelée au point de vue économique et de quasi-jungle au point de vue social où s'est installé dangereusement, de-

puis trop longtemps déjà, le secteur public et les relations de travail dans ce domaine-là. Mais il n'en demeure pas moins, avec toutes ces restrictions, que seule une étude rapide du budget de la CTM permettrait de voir comment on a envisagé ces questions, l'équilibre entre les priorités, et à quel point peut-être, je ne sais pas — on est obligé de se poser la question, on n'a pas la réponse — on a voulu casser une progression salariale qui paraissait incohérente et dangereuse, aux dépens de ce groupe spécifique de syndiqués qui, lui, n'avait au départ, à toutes fins pratiques, que le droit qu'il a exercé d'aller chercher l'équivalent de ce que faisaient des gens parallèles, dépendant en dernier ressort du même patron et du même contribuable.

Deuxièmement, l'autre raison pour laquelle il me semble que c'est important, et qui est plus générale. Au nom de quelle distortion assez inquiétante des droits de la gérance peut-on permettre à un grand organisme public, qui est totalement la propriété de citoyens électeurs-contribuables, de ne pas révéler l'usage détaillé qu'il prétend faire de ses fonds, qui sont des fonds publics, de ne pas révéler ça à ses innombrables actionnaires qui sont aussi ses clients et qui, en définitive, sont les arbitres. Même nous, nous dépendons de cet arbitrage-là. Jusqu'à un certain point, c'est lui qui finit par déclencher, avec des retards parfois inquiétants, l'action parlementaire, quand on croit que la pression publique est suffisamment forte pour faire bouger le parlement.

Et alors, en vertu de quoi peut-on ne pas révéler des chiffres qui seraient un élément essentiel de la lumière dont on a besoin? Surtout au moment où il y a un conflit qui implique au moins ça comme un des éléments de la réponse. Or, qu'on le veuille ou non, comme les villes elles-mêmes, y compris la ville de Montréal, la Commission de transport est une émanation — j'ai relu la loi de 1965 tout à l'heure, juste pour me le rappeler — est une émanation de ce parlement-ci, de cette Chambre et elle n'existe, cette Commission de transport, qu'en vertu d'une loi qui a été votée par ce parlement. Par conséquent, est-ce qu'il n'est pas doublement indiqué, pour bien saisir le portrait du conflit qu'on prétend juger en dernier analyse, et par un souci minimum de démocratie administrative aussi, que nous exigions et que nous obtenions le droit de voir et de juger cette situation, au moins rapidement, cette situation financière qu'on a évoquée comme une sorte de spectre. Il ne faudrait pas amener le pauvre contribuable à payer davantage pour ses billets. Il faudrait bien savoir si c'est nécessaire d'a- bord, quitte à discuter aussi, puisque les déficits sont admis dans tous les services publics essentiels, de plus en plus dans le monde occidental, quitte à discuter aussi à quel point le billet doit, à ce point-là, dans un développement comme celui, par exemple, de la Commission de transport, couvrir toutes les dépenses. Cela, c'est une autre question.

Et, à part les questions qu'on se pose sur le fond de l'affaire, il y a aussi au moins une question centrale qui se pose sur ce rapport qui, en fait, est un jugement assez expéditif et qui, d'ailleurs, ne devait avoir de valeur — et ça c'est normal — que si les parties en reconnaissaient la valeur et c'est le rapport-jugement du juge Chevalier, dont on a fait une partie intégrante du bill. Là-dessus, c'est évident que le bill n'en fait pas un endossement final puisque c'est une base de départ en vue d'aller plus loin jusqu'au mécanisme qui horrifie forcément les milieux syndicaux, mais qui à certain moment peut devenir inévitable; l'arbitrage obligatoire.

C'est sûr, on en fait seulement une base de départ de ce jugement rapide du juge Chevalier; mais, d'autre part, on nous demande ainsi d'endosser par une loi au départ une opinion, pas plus, dont l'effet était quand même, partiellement, d'enlever des droits qui avaient été acquis et gagnés dans une grève, il y a deux ans. Il y en a qui sont moins importants, il y en a d'autres qui ont une importance assez grande. Bien sûr, on ne prévoit pas que ce soit final encore une fois puisque l'autre mécanisme, l'arbritra-ge obligatoire est prévu, et même maintenant celui de la négociation, apparemment.

Enfin, il y a une période de négociations, mais par voie législative, on fournit quand même, mais d'une façon qui peut avoir son côté odieux, ceci: une situation dans laquelle il appartient au syndicat maintenant — c'est à lui, à partir de cette loi — d'aller tâcher de récupérer des gains qu'il avait faits et qui faisaient partie de son contrat expiré. En toute équité minimale, il me semble, pourquoi, puisqu'il s'agissait d'une opinion... Sauf tout le respect que l'on doit au juge Chevalier, c'était une médiation que les deux parties avaient à reconnaître; sinon elle valait l'opinion d'un homme qui ne vaut pas plus que celle d'un autre.

Or, pourquoi en toute équité.

M. BELLEMARE: Il était à ce moment-là mieux renseigné que certains autres.

M. LEVESQUE (Laurier): D'accord. Mais c'est un homme quand même et un homme renseigné, ça ne fait pas une population renseignée, surtout quand on n'a pas les détails, ni l'analyse des faits qui sous-tendent le jugement.

M. BELLEMARE: Est-ce que l'honorable député sait combien il y en a de ces cas-là?

M. LEVESQUE (Laurier): Comme je n'ai pas envie d'allonger plus...

M. BELLEMARE: Il y en a trois.

M. LEVESQUE (Laurier); D'accord, mais enfin notre assaut d'érudition mutuelle n'ajouterait pas grand-chose là-dessus.

M. BELLEMARE: Non.

M. LEVESQUE (Laurier): En toute équité, pourquoi, puisqu'on prévoit l'arbitrage de toute façon, ne pas laisser la Commission de transport... Ce qui me paraît normal et ne « loaderait » pas — je m'excuse du terme — ne donnerait pas un climat pipé un peu au bill. Je me souviens que le ministre a dit dans ses remarques du début... Enfin, il cherchait à créer par ses paroles un climat dans lequel il était installé vraiment au centre et ou les deux parties étaient littéralement comme l'axe des deux plateaux de la balance. Il suffisait juste de lui voir un bandeau sur les yeux et cela aurait été la Justice. Bien, il n'y a pas toujours nécessairement ce climat-là dans le bill, et ce cas-là est un exemple. Pourquoi la Commission de transport en toute équité n'est-elle pas obligée d'aller les rechercher, elle, au départ les choses sans lesquelles, depuis deux ans, elle avait appris à vivre dans un autre contrat?

M. BELLEMARE: Si l'honorable député me permet...

M. LEVESQUE (Laurier): Je ne dis pas tout. Je dis qu'il y a des choses en particulier touchant les sous-contrats — je ne veux pas entrer dans les détails, le ministre est au courant comme moi — touchant la clause régissant les sous-contrats où on remplace une interdiction avec entente nécessaire par l'ouverture à des griefs qui peuvent se faire après coup quand tout le mal est fait. Et cela, c'est un domaine où ça touche — et le ministre du Travail ne peut pas ne pas être au courant — de façon extrêmement douloureuse, à l'occasion sacrante, les droits des syndiqués surtout quand ils sont acquis. Alors, il y a des choses comme ça: l'absence de réponse sur des faits de céder par une loi — encore une fois, c'est arrivé déjà — au climat d'urgence en risquant d'avoir une loi excessive par rapport à ce qui est l'évidence que tout le monde admet: le retour au travail, une espèce de climat qui donne l'impression d'éléments de préjugement que le parlement n'est pas préparé à faire. On n'a pas eu les informations qu'il fallait, on n'a pas pu parler aux parties.

Et cela rejoint d'ailleurs le climat qui flotte tout autour de ce bill, et c'est explicable, c'est le climat d'impatience d'une population, d'une impatience sans cesse plus visible et plus générale, mais qui est venue après des délais dont l'administration de la Commission de transport, celle de la ville et finalement le gouvernement, chacun à son tour, portent au moins leur part de responsabilité de ces délais et dont la cible quand même est devenue à peu près exclusivement, et le bill confirme cette impression, uniquement les grévistes, qu'on le veuille ou non, c'est-à-dire une seule des parties impliquées.

Maintenant, on a dit pas mal déjà, et abondamment à part de ça pour ceux qui l'ont dit, les reproches qu'ont pu indiscutablement se mériter les syndiqués dans cette affaire; d'abord le calcul qui est au moins cruel par rapport à l'Expo et pour toute une population de la date de la grève, s'il y a eu calcul, parce qu'il y a eu aussi des provocations à la dernière heure. Cela, je ne suis pas équipé pour les évaluer, il y a aussi la résistance à l'injonction, une arme qui... Là-dessus je crois que, peu importe comment on apprécie le tableau tracé, d'un côté ou de l'autre de la Chambre... Le chef de l'Opposition a parlé de la dévaluation de cette arme de l'injonction. Admettons qu'en Ontario et partout en Amérique du Nord, de plus enplus, l'injonction, à cause des abus qu'on en a fait, de l'abus de l'ex parte en particulier, est un des mécanismes les plus dévalués qui soient.

Evidemment, ça n'excuse pas mais ça explique.

M. BELLEMARE: Ce n'est pas l'Union Nationale qui l'a dévalué en Ontario, et puis il a fallu qu'ils forment une commission spéciale pour réétudier les injonctions.

M. LEVESQUE (Laurier): Je suis d'accord avec le ministre du Travail. En Ontario, ce n'est pas l'Union Nationale qui l'a dévalué et puis il y a aussi cette obstination farouche... Encore dans les choses qu'on reproche aux syndicats, cette obstination farouche depuis des jours et des jours à refuser tout retour au travail qui ne soit pas précédé de nouvelles négociations et autant que possible d'un contrat, ce qui est une obstination rigide jusqu'ici, jusqu'à récemment c'est-à-dire, mais c'est une obstination normale de ce côté-là, normale surtout si l'on tient compte de ce qui se passe de l'autre côté. Parce qu'en face il y a une obstination

tout aussi absolue et tout aussi totale et dont certains éléments d'explication, nous manquent et qui ne paraît pas plus justifiable en toute équité. « Qu'ils rentrent d'abord, cinq minutes après on parlera ». Bien ça aussi, après des jours et des jours et des jours, pour autant qu'on puisse voir, c'est un mur.

M. JOHNSON: Ce n'est pas M. L'Allier qui a dit ça. Ce n'est pas M. L'Allier de la commission...

M. LEVESQUE (Laurier): Je pense que conjointement tout le monde l*a dit, mais essentiellement les derniers jours c'est la ville de Montréal elle-même par... Ecoutez, ce n'est pas un mystère et puis je ne crois pas... Il s'agit de gens pour qui j'ai le plus grand respect, mais M. Saulnier m'en voudra de dire que c'est essentiellement lui que je cite. Bon! J'allais justement dire ceci: quant à moi, c'est qu'il y a plus profond que d'habitude dans ce conflit-là, le fossé traditionnel entre les droits de la gérance et les droits des travailleurs — cela c'est toujours — mais plus profond que d'habitude et aussi, et c'est ça qui l'approfondit ou l'élargit, un conflit de prestige de part et d'autre, parce qu'à force de durcir, c'est aussi devenu ça. Il s'agit même d'orgeuil compréhensible de la part de personnalités très fortes des deux côtés et d'un groupe des deux côtés. Cela fait partie du conflit, et je ne crois pas qu'on puisse éviter de l'évoquer si on veut essayer honnêtement de voir à quel point ce bill-là, tel qu'il est, est justifié au-delà du retour au travail.

Parce qu'il y a aussi, avant de terminer, des faits nouveaux. Il y en a un qui est public, il y en a un autre que moi, j'ai de la peine à croire, mais que j'ai appris aujourd'hui. Il y a un fait nouveau qui est public depuis lundi, le 16 octobre, c'est que le syndicat dans cette obstination rigide, le syndicat a quand même, il y a déjà cinq ou six jours, lundi, publiquement, non seulement reproposé des négociations, mais aussi accompagné, sauf erreur, par le premier et substantiel recul par rapport à ses positions monétaires, c'est-à-dire que pour prendre le salaire clé qui sert de barème dans tous les comptes-rendus rapides du salaire des chauffeurs, les $3.50 sont devenus $3.32 depuis lundi. Aucun mouvement équivalent, quel qu'il soit, n'est venu de l'autre côté. Evidemment, maintenant il est bien tard. Mais là la résistance, qu'on le veuille ou non, est demeurée totale.

M. BELLEMARE: Il y a eu un nouveau mandat ce soir-là aussi.

M. JOHNSON: Oui.

M. LEVESQUE (Laurier): Pardon?

M. BELLEMARE: Il y a eu un nouveau mandat ce soir-là...

M. LEVESQUE (Laurier): Un nouveau mandat?

M. BELLEMARE: ... des autorités municipales.

M. LEVESQUE (Laurier): Quel mandat?

M. BELLEMARE: Le mandat des 19 autres maires.

M. LEVESQUE (Laurier): D'accord. M. JOHNSON: Mais le député...

M. LEVESQUE (Laurier): Mais ça ne touche pas...

M. JOHNSON: ... le député me permettra... M. LEVESQUE (Laurier): Oui.

M. JOHNSON: ... pour établir les bases du problème. Il y a eu aussi une ouverture du côté des conseils municipaux en ce sens qu'ils avaient refusé la suggestion de négociation qu'avaient faite mes collègues et, lundi, ils ont accepté la négociation.

M. LEVESQUE (Laurier): La négociation... M. JOHNSON: C était nouveau.

M. BELLEMARE: La négociation dès le retour du travail.

M. JOHNSON: Dès le retour du travaiL M. LEVESQUE (Laurier): Oui, oui.

M. JOHNSON: Avant ça, ils étaient irréductibles...

M. LEVESQUE (Laurier): Oui, mais enfin... M. JOHNSON: ... c'était l'arbitrage...

M. LEVESQUE (Laurier): ... non, non, d'accord. Mais c'est toujours en fonction des cinq minutes après qu'on sera revenu au travail.

M. JOHNSON: D'accord.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est-à-dire qu'ils auront entériné l'attitude déjà clairement et obstinément établie justifiable ou non par la ville et la commission de transport elle-même. Mais il reste qu'il y a eu ce geste lundi et que depuis, le premier ministre est arrivé à peu près sur les entrefaites, il y a eu des efforts mais qui n'ont d'aucune façon abouti à une reprise des négociations et là, il me semble que le fardeau de la responsabilité doit au moins sérieusement appartenir à l'autre partie qui, elle, n'a pas bougé peu importe les efforts que je ne connais pas qu'a pu faire le premier ministre.

Là-dessus une session a été annoncée. Bon, on y est. Et là il y a un autre fait nouveau qui se serait passé hier ou avant-hier. Je suis obligé de le mettre au conditionnel parce que j'ai de la peine à y croire. Mais des jeunes membres du syndicat que j'ai rencontrés aujourd'hui, une poignée d'entre eux m'ont confirmé catégoriquement, ce que je donne quand même sous toutes réserves, c'est qu'il y aurait eu hier par de nombreux appels téléphoniques des offres faites par la commission de transport à ses employés en grève, individuellement, enfin au téléphone, que tout employé qui viendrait se présenter, même sans travailler, serait payé l'équivalent de trois heures de travail et que s'il restait plus ou moins toute la journée, là je ne le sais pas, mais même sans travailler, jusqu'à ce qu'il en ait assez je le suppose, il aurait droit à ses huit heures. Cela, si c'est confirmé à la veille même d'une session qui avait été annoncée pour essayer de régler dans les meilleures conditions le conflit, si c'est confirmé, cela fait une attitude assez peu rassurante dans l'immédiat au point de vue du respect que l'on doit aux hommes eux-mêmes et forcément ça n'améliorera pas le climat, quoi qu'il arrive, avec la législation qu'on va passer. On me dit même qu'il y a eu, enfin à la suite de ça, des incidents frappants et qui sont explicables. Est-ce que le ministre du Travail est au courant de ça?

M. BELLEMARE: Non, non.

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que le ministre du Travail était au courant de ça?

M. BELLEMARE: Non, le député m'apprend ces choses.

M. LEVESQUE (Laurier): Moi, je l'ai appris cet après-midi. Donc, on nous demande en ter- minant de légiférer d'une façon extrêmement dure, comme l'a dit le premier ministre, une loi qui a des dents. On peut même dire qu'elle a des crocs parce qu'à la toute dernière minute dont je peux disposer, M. le Président, encore, je voudrais revenir sur ce point-là qui est le 70% qu'on exige du syndicat, mais même en dehors de ça, on nous demande de légiférer d'une façon extrêmement dure avec des dents, mais en confirmant quand même dans l'ensemble d'un texte un climat mal évalué sur lequel le public est très mal renseigné et c'est lui l'arbitre suprême, c'est lui qu'on suit ici, c'est sa pression qu'on a laissé monter au point qu'on devait venir ici. D'un climat qui est déjà surchauffé dans le sens antisyndical qui est en partie mérité maintenant sûrement, mais pas du tout à ce point-là par exemple. Et surtout en laissant sans réponse une foule de questions qui permettraient de mieux situer les responsabilités réelles et par conséquent de mieux évaluer le genre de vote que nous devons donner sur un projet de loi qui, tel quel et même avec l'amendement qu'on nous a annoncé devoir accepter, inévitablement un projet de loi qui laissera des plaies extrêmement profondes et qu'il s'agit de rendre le moins profondes possible si le projet de loi doit être voté et mis en vigueur.

Alors pourquoi, deux questions, elles sont peut-être naïves, je n'ai pas le goût, ni l'habitude au point de vue de la procédure, je n'ai pas eu le temps de me fabriquer cette spécialité qui, je le suppose, va devenir nécessaire comme quelques autres, bon...

M. BELLEMARE: Préparez une motion.

M. LEVESQUE (Laurier); Ne vous inquiétez pas, il n'y a pas d'amendement. Mais je voudrais poser une couple de questions sous forme de suggestions qui seraient ceci: Pourquoi le gouvernement, l'Etat, n'a-t-il pas prévu des séances ultimes — des séances ex parte, là, où l'on essaie, sans les mettre ensemble, depuis deux jours, par exemple — mais des séances face à face permettant à la partie patronale de faire au moins un pouce sur les derniers milles, par rapport à ce qui avait été fait par la partie syndicale? Et puis, si ça ne donnait rien, qu'il y ait un rapport détaillé, venant de ministres responsables, de l'échec — si échec il y avait eu encore une fois — face à face, avec des explications pour nous aider — mais, devant nous c'est l'opinion publique — à nous faire une opinion qui soit une opinion éclairée, nourrie avec les faits et vraiment la description des attitudes et des justifications ou des non-justifications qui ne sont pas claires.

Et pourquoi cela ne serait-il pas possible maintenant? Je suis peut-être naïf, mais on a une loi qui prévoit un délai de 48 heures pour son application. On a aboli tous les règlements de façon à pouvoir la faire marcher vite. Pourquoi la faire marcher si vite? Pourquoi des délais de 48 heures, absolument nécessaires? Cela peut être 24, ça peut être 30. Ce n'est pas long: il s'agit d'une seule ville, dans une seule région. Il ne s'agit pas d'empailler toute la province. Bon. Et la télévision et la radio, cela fonctionne encore; alors, ça se convoque ça, des assemblées.

Alors, dans ces 48 heures, pourquoi ne serait-il pas possible — au lieu de « bulldozer » la loi qui forcément vise lundi matin; les 48 heures sont assez éloquentes à ce point de vue-là — de prendre une partie de la nuit, pas trop là, mais aussi toute la matinée de demain, de force? On vient de dire que la loi — on l'a le bâton parlementaire à ce point de vue là — peut forcer la négociation, même si après que la loi sera adoptée, la négociation devient à ce moment-là, à toutes fins pratiques, une antichambre automatique, plus ou moins, de l'arbitrage obligatoire si on est réaliste, mais quand même, c'est déjà quelque chose.

Alors, pourquoi ne pas prendre toute la matinée de demain pour cela, avec comité ou ministre responsable, représentant l'Etat et faisant rapport à la Chambre, détaillé, cependant, vers 1 h 30 p.m., ce qui permettrait de finir demain soir, si c'est nécessaire de façon que ce soit, au lieu de 48 heures, 30 heures ou 36 heures? C'est une chose. Même si ce n'est pas une grosse chance, est-ce qu'il n'y aurait pas la possibilité d'un triomphe qui serait quelque chose de beaucoup plus sain, de beaucoup plus « vivable », a supposer qu'il n'y ait pas beaucoup de chance si on employait ces heures qui seraient prises à même un délai qui est compressible en soi pour imposer — sous la pression, d'ailleurs, qui paraît déjà à ces hommes qui sont très forts, là, ceux qui sont à la tête des deux parties, de se retrouver face à face et de bouger, autant que possible, juste, peut-être, un très petit peu. Au point où ça en est rendu, il y a beaucoup de « face saving » et ça devient tragique, le « face saving » à un moment donné. De bouger juste un tout petit peu, ce qui, peut-être, pourrait rendre cette loi inutile en fin de compte. C'est une chose. Pourquoi est-ce impossible? Pourquoi ne pourrait-on pas y penser, d'autant plus qu'on n'a pas l'air parti pour finir ce soir?

Et une autre suggestion, plus minime encore, qui peut être parallèle. Au strict minimum, est-ce qu'on ne pourrait pas prendre au moins la séance de demain matin, entre la 2ème et la 3ème lecture? On n'est pas encore en comité, bon. A moins qu'on veuille passer la nuit, il est évident qu'on va atteindre 11 heures avant que le comité soit passé. De prendre la séance de demain matin, en comité plénier de la Chambre comme on l'a fait pour les bills publics et c'en est un, pour faire comparaître les parties devant un comité plénier de 8 heures jusqu'à 1 heure, disons? On va se forcer. Devant un comité plénier de la Chambre sur les faits, sur les questions, sur les chiffres, sur des choses qui nous permettraient d'évaluer au mérite, autant que possible, et surtout de permettre au public... On est censé représenter un public adulte, à condition qu'on lui donne une chance d'agir en adulte. Actuellement, l'arbitre suprême, qui est le public, il est affolé, il est furieux, il a des raisons de l'être. Mais il est dans le noir et il est incapable de juger efficacement — et, à mon humble avis, nous aussi — des mérites de ce conflit-là, après un mois de grève. Cela permettrait aussi aux députés de finir leur travail d'une façon qui leur permettre de dire: On sait ce qu'on fait.

Maintenant, ce qui pèserait finalement davantage sur le vote — je sais bien que ça ne changera pas grand-chose, le vote solitaire que j'ai a donner — c'est la réponse qu'on pourrait fournir aux simples questions suivantes, en terminant.

Parmis les dents très longues qu'on a données à ce projet de loi, pourquoi ne pas se contenter des peines déjà lourdes et très normales qui prennent la forme d'amende, d'emprisonnement possible, qui sont des peines, si elles sont utilisées à bon esceint, qui peuvent frapper sans erreur ceux qui enfreindraient une loi? Ce sont des peines de même nature que les sanctions auxquelles on s'expose pour toute infraction dans un monde normal. Pourquoi prétendre y ajouter une peine à moins que j'aie très mal interprété les deux articles qui concernent celle-là. Pourquoi prétendre y ajouter une peine qui peut signifier la dislocation et la fin à toutes fins pratiques d'un syndicat et, dans ce cas-là, l'anéantissement dans ce secteur-là de toute vie syndicale pendant un bon bout de temps, toute vie syndicale valable...

M. BELLEMARE: Cela ne se produira pas.

M. LEVESQUE (Laurier): Dans ce cas-là je dis.

M. BELLEMARE : Cela ne se produira pas, s'ils retournent au travail.

M. LEVESQUE (Laurier): Ecoutez un peu là! L'anéantissement de toute vie syndicale valable, c'est une peine exorbitante et de plus, c'est pour ça que le ministre du Travail... A mon avis, il y a une confusion entre la personne collective puis la personne individuelle, dans la façon d'appliquer cette peine-là, qui risque...

M. BELLEMARE: Non, non !

M. LEVESQUE (Laurier): C'est plus que possible, je ne dis pas que c'est probable, mais c'est plus que possible, une peine qui risque d'être infligée sans aucune justification en visant le blanc puis en tuant le noir par rapport à la responsabilité réelle. On prétend qu'on aurait le droit d'anéantir légalement, à toutes fins pratiques de décertifier puis d'envoyer promener le syndicat, s'il était incapable de ramener 70% au plus de ses membres individuels au travail. Dans le climat que peut assombrir encore un geste législatif comme celui-là, et de toute façon face à la liberté individuelle des hommes qui sont concernés, qui d'après l'interprétation des deux articles sont ceux qui étaient à l'emploi le 20 septembre, donc qui étaient dans l'unité syndicale certifiée le 20 septembre.

M. BELLEMARE: Il peut y avoir des malades.

M. LEVESQUE (Laurier): Ah! Ah! 70%, si je me trompe j'aimerais bien le savoir, des membres de l'unité syndicale certifiée à la date du 20 septembre. Or parmi ces gens-là, encore une fois parmi ceux que j'ai rencontrés, il y en a, à quel point ça va continuer d'être vrai et avec un bill qui ajoute une sorte de massue excessive et exorbitante à tout le reste, ça n'aide pas. Il y en a qui ont déjà trouvé d'autres emplois, surtout parmi les jeunes après un mois, il y en a qui disent déjà: Us peuvent se la fourrer quelque part, la Commission de transport. Est-ce qu'ils vont continuer à le dire? Est-ce qu'il va y en avoir d'autres? Est-ce le syndicat qui est responsable des décisions individuelles de ses membres? Avec la meilleure bonne foi du monde, est-ce que c'est lui qui va les décider? Il va faire son possible, on doit présumer ça au départ.

M. BELLEMARE: Le député...

M. LEVESQUE (Laurier): Mais pourquoi ces 70%...

M. BELLEMARE: ... s'y connaît mieux que cela en relation patronale.

M. LEVESQUE (Laurier): ... qui frappent aveuglément, tandis que toute loi normale — enfin en autant que je le sache, à moins que l'on retourne vraiment à une époque révolue — doit présumer que les gens vont obéir et prévoir des sanctions sévères et précises qui atteignent les vrais responsables de façon certaine, ce que ne fait pas cette pénalité-là à mon avis.

Evidemment, ce n'est pas d'une importance extreme pour l'avenir de la loi, on le sait, mais le gouvernement ne pourrait-il pas donner l'indication dans sa réplique finale, tranquillement? Que ce morceau-là, qui fait vraiment partie de l'essentiel, il s'agit de la vie d'une des parties... On ne « zigonnera » pas sur les principes du bill, cela fait partie de l'essentiel du bill, cela affecte directement la vie d'une des parties. Pourquoi n'y aurait-il pas moyen de savoir si ce morceau-là ne peut pas être éliminé? Evidemment, cela peut affecter un vote, peut-être plus, mais pas assez pour affecter la loi.

Mais quant à moi, cela me permet de souligner ce que j'ai déjà dit avec d'autres dans un autre coin de cette Chambre, surgissant d'un autre endroit, et que je persiste à croire fondamental, c'est-à-dire qu'on ne doit pas profiter de l'urgence, surtout après tant de délais dont les responsabilités sont partagées, une urgence qu'une seule partie n'a pas créée exclusivement. On en est tous conscients, le gouvernement doit en être conscient lui aussi, il a eu sa part à ça. Donc, on ne doit pas profiter d'une urgence, qui est devenue criante au moment où nous sommes, même si elle brûle, pour faire travailler le parlement un peu comme un robot et lui faire passer trop vite des lois spéciales qui risquent d'être excessives. Et cela me paraît d'autant plus vital aujourd'hui que si j'occupe un nouveau fauteuil, c'est à cause d'une idée de plus en plus certaine, que, de jour en jour, quant à moi, comme bien d'autres, je me fais de l'avenir du Québec. Cette idée, c'est que le Québec peut et doit sortir de vieilles structures qui sont devenues paralysantes et qu'il doit oser librement prendre charge de ses affaires à lui, assumer sa maturité collective, c'est-à-dire, la responsabilité lucide de ses décisions, de ses politiques et des institutions qui les régissent.

Or, bien sûr, ceci commande que l'on fasse aussi tout le maximum qui est humainement possible, en attendant, pour se préparer le mieux possible, pour s'habituer autrement dit à l'être, responsable, comme société, calmement, devant les problèmes qui surgissent, parce qu'il y en aura toujours dans n'importe quel contexte. Quant à moi, ce à quoi j'ai décidé de travailler

maintenant, c'est que le contexte soit meilleur pour nous, pour faire face au problème « res-ponsablement ». Mais, en attendant, il n'est pas mauvais de prendre toutes les occasions de s'y préparer et de s'y habituer et il n'est pas d'endroit qui me semble avoir plus le devoir de faire ça que le parlement lui-même dans lequel nous sommes.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Dorion.

M. François Aquin

M. AQUIN: Pour la deuxième fois dans le présent parlement, nous sommes amenés à jouer ce rôle un peu faux et aussi nécessaire de poser un cataplasme sur une situation en une journée, deux journées, alors que cette situation dure déjà depuis des mois et que nous n'avons pas tous les éléments de cette situation. Le conflit que nous avons devant nous est le fruit de malentendus, de structures administratives déficientes et aussi, dans une large mesure, de l'imprévi-sion du gouvernement actuel et aussi de ceux qui l'ont précédé. Je pense que je suis dans l'étude du principe du bill car ce bill a pour but essentiellement d'assurer à la société un service qui est le sien, et pour assurer ce service, elle doit donner un ordre à un groupe de travailleurs de reprendre son travail. Il faut donc concilier dans le présent projet de loi ce bien général de la société, les droits d'un groupe de travailleurs qui sont actuellement en jeu, et aussi, plus profondément, les droits du syndicalisme au Québec. Voilà pourquoi il m'apparaît essentiel de regarder, d'énumérer, c'est-à-dire, très brièvement, les causes et les facteurs qui nous ont amenés dans la situation actuelle et je ne crois pas m'éloigner du principe du bill car vous verrez dans les conclusions du bref exposé que je vais faire qu'il faut, dans les solutions que nous apportons à ce litige, tenir compte des différents facteurs qui ont amené ce litige. On a dit: Il n'est pas impossible qu'il y ait dans les facteurs de ce conflit un conflit de personnalités. On a dit: Il n'est pas impossible qu'il y ait aussi à l'arrière-plan de ce conflit un phénomène de concurrence intersyndicale qui rend le contexte excitable et les relations du travail extrêmement nerveuses. Il y a aussi — et je crois que c'est une vérité - l'action tardive du gouvernement provincial dont le premier ministre intérimaire a été le symbole pendant les dernières semaines. Mais il y a avant tout l'absence de mécanismes, l'absence de critères dans la loi, et lorsque ce parlement, unanimement, il y a quelques années a voté le droit de grève dans la fonction publique, ce parlement n'a pas assorti le droit de grève des mécanismes essentiels qui pouvaient justement limiter à un certain moment les excès du droit de grève, n'a pas mis aussi dans la loi les critères qui étaient essentiels pour l'appréciation d'un juste salaire. Lorsque j'ai parlé...

M. JOHNSON: D'accord.

M. AQUIN: ... d'imprévisions tout à l'heure, je pensais surtout à cette imprévision. On a donné le droit de grève d'une main mais on n'a pas prévu d'autre part ce qui arriverait lorsque l'exercice trop prolongé de ce droit de grève mettrait en danger le bien général. On a prévu une chose...

M. JOHNSON: L'injonction.

M. AQUIN: ... et le chef de l'Opposition fédérale cet après-midi nous l'a nommée, on a prévu une chose, l'injonction.

M. BELLEMARE; Le quoi? Le chef fédéral? M. AQUIN: On a prévu l'injonction.

M. JOHNSON: Est-ce que f ai bien compris? L'Opposition fédérale?

M. AQUIN: Vous verrez par le texte que vous avez bien compris.

M. BELLEMARE: Le chef fédéral.

M. AQUIN: On a prévu l'injonction, et l'injonction est je crois un mécanisme qui ne règle absolument rien dans la situation. Non pas parce qu'il a été discrédité par des gouvernements ou par des hommes politiques, non pas parce qu'il est aussi discrédité en Ontario, mais parce qu'essentiellement, il représente une intrusion judiciaire dans un conflit ouvrier à la demande de pouvoirs politiques. Et cette entrée du judiciaire dans le monde ouvrier à la demande du pouvoir politique subordonne d'abord d'une manière malsaine le pouvoir judiciaire lui-même, d'une certaine manière, au pouvoir politique et aussi dégrade à toutes fins pratiques l'effet, la puissance, et, comme dirait le premier ministre, les dents de cette procédure judiciaire. Ce qu'il fallait, c'était mettre dans la loi les critères qui déterminent ou qui devraient déterminer le salaire. Ces critères étant probablement la conjonction ou le point où se rencontrent les rapports de force entre le niveau de vie dans une société, l'économie d'un pays et les profits d'une

entreprise lorsqu'il s'agit d'une entreprise privée.

Je vous donne uniquement un exemple, un pays comme celui de Trinidad a une loi semblable, et je me surprends qu'au Québec, on n'ait pas encore pensé à faire cette loi et à mettre dans cette loi les critères absolument essentiel, selon moi, que je viens de délimiter. Il y a aussi dans les facteurs qui ont amené ce conflit — et je pense que c'est un des facteurs les plus importants — le caractère faux des négociations. D'abord, la Commission de transport de Montréal est un comité de la ville de Montréal. Par contre, ce comité devrait être responsable à plusieurs municipalités qui financent la Commission de transport, mais il est responsable d'une manière purement théorique. En fait, ces municipalités reçoivent un compte de la Commission de transport et sont bien obligés de le payer.

Maintenant, dans les relations qui existent entre la Commission de transport de Montréal et la ville de Montréal, cela a toujours été, depuis des années, le jeu de cache-cache: la Commission de transport disant: «Voici les finances de la ville ». Et la ville disant: « Voici une décision de la Commission de transport». La Commission de transport est donc ce phénomène absolument unique d'une institution publique à peu près responsable vis-à-vis personne et se conduisant dans un conflit comme celui que nous envisageons exactement comme se conduirait une entreprise privée. J'ouvre uniquement une parenthèse, c'est d'ailleurs un phénomène assez constant dans le monde administratif du Québec où les institutions publiques ont ainsi des conduites d'entreprises privées et ne réalisent pas, justement, les bienfaits de l'entreprise publique.

Or, cette Commission de transport, cette commission publique qui ace cachet d'irresponsabilité, qui garde dans le secret une grande partie de ses chiffres, qui garde dans le secret son budget, cette Commission de transport négociait ou devait négocier avec le syndicat ouvrier. Et c'est ce que j'appelle le caractère faux des négociations parce que, véritablement, les ouvriers n'ont pas rencontré les principaux responsables qu'ils devaient rencontrer. Les ouvriers ont rencontré des mandataires, une sorte de paravent, mais jamais ils ne sont allés au véritable responsable avec lequel ils auraient dû négocier. C'est alors que je dois le souligner ce grand absent des négociations qui est nul autre que le gouvernement, lequel, immédiatement ou à long terme, a intérêt ou devrait avoir intérêt à mettre de la cohérence, du bon sens et de la rationalité dans la politique salariale non pas simplement de sa fonction publique, mais aussi de toutes les fonctions publiques, qu'elles soient municipales ou autres au Québec.

Lorsqu'on regarde les facteurs qui ont ainsi amené ce conflit, on voit quelles sont, dans ce projet de loi, les réalités qui sont en jeu. La première réalité, c'est le droit du public, évidemment, à un service public. Droit du public qui devient de plus en plus exacerbé par la longue absence de ce service, public qui est devenu à toutes fins pratiques furieux et qui cherche un responsable, et je le comprends, et qui, malheureusement, a peut-être trouvé comme responsable la personne immédiate qui n'est pas montée à la conduite de son autobus.

Mais ce droit public, contrairement, je pense, à ce qu'a dit le ministre du Travail cet après-midi, n'est pas un droit absolu, car s'il était un droit absolu cela voudrait dire qu'il n'y aurait pas de grève, mais c'est un droit relatif, c'est-à-dire que — je suis d'accord à ce moment-là avec le ministre du Travail — il doit cesser à une certaine limite où vraiment le bien public, le bien général a souffert à un point tel que définitivement le parlement doit intervenir.

Deuxième réalité en jeu, c'est le droit de grève lui-même qui est au fond le pendant du droit de négociation et qui, dans notre système actuel, est à toutes fins pratiques l'expression essentielle du syndicalisme.

La troisième réalité en jeu, c'est l'avenir de ce syndicalisme. Ce syndicalisme québécois malgré ses défauts, malgré parfois son manque de vision, est tout de même le seul instrument qui permette d'espérer un jour que le Québec devienne une véritable démocratie de participation. Lorsqu'on se sera fatigué d'être coupé de la population par l'écran de notables qui très souvent a empêché la communication, il faudra justement puiser dans ces souches qui vont directement aux masses et, à ce moment-là, il n'y a aucun doute que le syndicalisme est un outil de choix et probablement le seul outil qui permettra à ces gouvernements qui veulent établir une démocratie de participation économique, sociale et culturelle de communiquer justement avec la masse à la base.

Voilà pourquoi il est absolument important, ce soir, de bien se poser la question: Est-ce que nous sommes en train de massacrer ce syndicalisme? Est-ce que nous sommes entrain de le retarder pour plusieurs années? Est-ce que nous sommes en train de l'handicaper dans la marche en avant qui devrait être la sienne?

Une autre réalité, c'est que cette grève, selon moi, significative, une grève importante historiquement. Comme toutes les grèves significa-

tives et toutes les grèves importantes, elle est manifestement non populaire. Quand tout le monde va piqueter un bon moment devant une usine, c'est parce que très souvent ça ne signifie pas évidemment au point de vue social grand-chose. Mais dans ce cas-ci, il y a vraiment un conflit, il y a vraiment une déchirure, et je pense que nous devons placer le débat là où il devrait être placé. C'est que lorsqu'on écoute cette rumeur à l'effet que si les salaires doivent monter, les billets doivent monter, au fond cette grève pose pour peut-être une des premières fois au Québec le coût des services sociaux dans une société démocratique. A la toute limite d'une société de participation dont je parlais le transport devrait être gratuit, mais dans une société comme la nôtre, le transport doit avoir un prix, mais un prix qui doit être payé et peut être payé par l'usager dans la mesure de ses moyens, les moyens normaux de l'usager.

Voilà pourquoi il ne faut pas concevoir la Commission de transport de Montréal comme une entreprise privée qui doit solder ses dépenses à même ses revenus, mais nous devons nous poser la question lorsque le prix des billets est déterminé. Est-ce que c'est un prix qui est payable par l'ensemble de la population pour se voiturer à son travail? C'est ça la question importante, et on a laissé planer dans ce conflit la rumeur, la possibilité, qu'une hausse de salaire voudrait dire dans une large mesure une hausse des billets. Ceci je pense a pourri le climat et, dans une très large mesure, c'est peut-être une des causes qui ont irrité la population et l'ont irrité faussement parce qu'on avait justement placé le débat sur un terrain ou il ne devrait jamais être placé.

La dernière réalité qui est en jeu dans ce conflit et dans ce projet de loi qui essaie de le résoudre, c'est du côté du pouvoir public, du côté de l'Etat du Québec. Il y a manifestement la nécessité urgente d'une politique salariale planifiée dans tout le domaine public au Québec. En Suède je pense qu'on a beaucoup mieux que la pilule du ministre du Travail québécois parce que la planification salariale est faite au tout début et non pas à la fin. Lorsqu'on décide d'une planification salariale en Suède ou en Norvège, on invite les représentants de l'entreprise privée — ici le cas ne se pose pas, mais dans le cas de la Commission des transports on invite les représentants de l'entreprise privée et leurs experts, les représentants de l'entreprise publique et leurs experts, les syndicats et leurs experts et là on détermine une politique salariale, une politique salariale qui, étant déterminée et planifiée à l'avance, a pour but d'abord d'éviter toute émotivité du conflit syndical et du conflit ouvrier, de permettre une cohérence et une rationalité dans la politique des salaires et aussi de rendre, à toutes fins pratiques, ce qui ici serait un actif considérable, toute concurrence intersyndicale impossible.

Je pense que c'est à ce moment-là que l'on doit éviter les conflits parce qu'autrement il est évident, comme le disait un éditorialiste ce matin dans le Devoir, que nous avons la politique de la boule de neige et que chaque pouvoir public essaie de boucher des trous ici ou là et que, finalement, plus on va moins on a de cohérence et de rationalité dans la politique salariale des pouvoirs publics qui devrait exister au Québec.

Lorsque je considère les facteurs qui ont amené le conflit et lorsque je considère aussi les réalités qui sont en jeu — et je termine sur ceci — je me dis: Il y a des solutions à ce conflit. Les solutions du bill comportent d'abord un retour au travail, et je pense que tous les législateurs ici sont d'accord sur la nécessité de ce retour au travail. Les solutions du bill comportent aussi une période obligatoire de négociation suivant le nouvel amendement et, là, je vous le dirai dans un instant, j'ai des doutes sur l'efficacité de cette période obligatoire de négociation si on n'a pas prévu d'autres mécanismes pour rendre cette période possible. Elles comportent aussi l'arbitrage et, dans la lumière de ce que j'ai dit tout à l'heure, cet arbitrage se bute justement à l'absence de mécanismes et à l'absence de critères dans notre loi.

Un arbitre actuellement au Québec, dans un conflit du travail, me fait penser dans une large mesure à un juge qui devrait juger sans code. Evidemment, on peut dire qu'il va juger suivant l'équité et la bonne conscience, mais qu'est-ce que l'équité et la bonne conscience dans un domaine justement aussi serré, aussi tendu que le domaine d'un conflit ouvrier? Le juge, l'arbitre, n'a pas de bases, il n'a pas de critères d'une politique salariale et il n'a pas devant lui les véritables représentants des parties intéressées. Car j'insiste sur ce point que j'ai soulevé tout à l'heure, il est essentiel, selon moi, que dans le cas de pouvoirs publics à Montréal le gouvernement soit vraiment une partie aux débats car il est vraiment, ou il devrait être vraiment intéressé par l'escalade toujours possible des salaires qui peut se faire dans ce secteur de la province qui est au fond le secteur le plus nombreux et le plus déterminant.

Dans les solutions du bill, il y a aussi les dents dont a parlé le premier ministre et lorsque l'on fait l'analyse de ces dents, évidemment je pense que tout le monde est frappé par

la menace exorbitante de la « décertification » possible d'un syndicat. Et, à la lumière de ce que je disais tout à l'heure de la nécessité de maintenir en vie ici au Québec un syndicalisme vraiment dynamique, vraiment actif, cette menace exorbitante, injuste, car il est toujours possible que le syndicat ne soit pas responsable de cette pénalité, je pense que cette menace exorbitante fait peser une sorte d'atmosphère de tragédie, je le dis sans vouloir dramatiser la situation, sur le rôle que nous devons assumer ce soir et cette nuit dans ce parlement.

Dans le conflit que nous traversons, je suis d'abord parfaitement d'accord avec les solutions qui ont été pronées par mon prédécesseur, de rencontres cette nuit et demain matin. Tout ce qui peut être mis en oeuvre devrait être mis en oeuvre. Dans les solutions, évidemment, la première qui frappe, je pense, l'esprit unanime de cette Chambre, c'est le retour au travail. La seconde solution, qui est plutôt une attitude qu'une solution, ce serait le devoir que nous nous donnerions chacun de nous de nous empêcher de juger et de trancher ce débat, car qui sommes-nous ici? Quels sont les renseignements que nous avons, nous qui n'avons pas assisté aux négociations, lesquelles ont été tenues dans un secret relatif? Qui sommes-nous pour décider qui a tort des deux parties?

Et, dans ce cas-ci, il faut bien soulever qu'une des étapes de ce conflit qui a peut-être le plus envenimé le conflit a été justement le rapport du juge Chevalier qui est peut-être un rapport bien détaillé, qui est peut-être un rapport bien fondé, mais qui a donné à peu près à tout le monde l'impression qu'il était beaucoup plus comme on l'a dit et redit un jugement qu'un rapport, qu'une opinion.

Il ne faudrait pas, je pense, que nous, nous rendions un jugement, il ne faudrait pas que nous, nous rendions une sentence. Et un point sur lequel nous sommes encore tous d'accord, c'est la nécessité de la reprise des négociations. Cependant, comme la Commission de transport de Montréal est cette institution que j'ai décrite tout à l'heure, comme elle a refusé depuis des semaines maintenant de faire face aux négociations, comme il y a évidemment ces relations humaines qui se sont envenimées, je pense — et c'est une suggestion que je fais — si nous voulons que ces négociations puissent avoir une certaine valeur, si nous voulons d'abord qu'elles se fassent, il est essentiel parce que ce n'est pas tout d'ordonner à des gens de négocier de bonne foi et de bonne volonté. La bonne foi et la bonne volonté ça ne revient pas toujours du jour au lendemain. Alors, si nous voulons que ces négociations se fassent, je pense qu'il est essentiel que le gouvernement fasse ce qu'il a déjà fait dans un autre cas et qu'il nomme un syndic ou un représentant qui assumerait au sein de la Commission de transport de Montréal la responsabilité des relations ouvrières pendant la durée du présent conflit.

Ce syndic, appelons-le ainsi, aurait pour but d'abord de garantir l'ouvrier contre toute forme de représailles de la part de la société et, en ce sens-là, il serait une garantie morale, une sorte d'ombudsman, il aurait aussi pour but d'assurer l'objectivité au sein d'une commission qui depuis plusieurs semaines est maintenant prise et engagée dans un conflit où l'émotivité finit nécessairement par avoir sa part et ceci sans blâmer personne. Il aurait pour but aussi de représenter à la fois le gouvernement, les intérêts généraux de la population et de tenir compte des intérêts particuliers du groupement ouvrier qu'il a devant lui, et je pense que ce syndic pourrait rendre possible une certaine publicité des négociations qui fait que lorsque cette question, si jamais elle a à revenir devant cette Chambre, revienne devant une Chambre informée, devant une opinion publique informée et des législateurs informés.

Ceci m'apparaîtrait la première étape, une étape qui pourrait prendre un laps de temps d'un mois ou deux mois. J'ai dit d'abord que j'étais d'accord sur un retour Immédiat au travail et ceci m'apparaîtrait ensuite la première ou la deuxième étape, si l'on considère le retour au travail comme une étape, la deuxième étape importante. Et, à ce moment-là je pense qu'après il serait toujours possible à ce parlement de se réunir de nouveau pour prendre la décision qui s'impose, qui serait peut-être l'arbitrage non obligatoire, l'arbitage obligatoire ou qui serait peut-être — si ceci est dans deux mois — la promulgation ou l'étude de cette loi qui est essentielle ici et qui comporterait des mécanismes de négociation et puis des critères pour l'évaluation des salaires et les critères aussi et les mécanismes pour assurer une véritable planification salariale. Ceci m'apparaît la solution qui permettrait d'assurer le retour au travail immédiat et de prendre toutes les mesures possibles par la nomination de ce syndic pour qu'il y ait de vraies négociations, car je crois que dans le moment il n'y a pas eu de vraies négociations d'une part parce qu'on négociait par personnes interposées, comme je l'ai expliqué, et d'autre part parce que la situation se tendait, eh bien plus on se regarde dans des cas semblables, moins on se comprend.

Evidemment devant des législateurs qui sont aussi, que nous sommes aussi des hommes po-

litiques, donc très intimement reliés à l'opinion publique, évidemment le pouvoir de l'opinion publique ce soir ne peut pas faire autrement que de peser assez lourdement sur cette Chambre et il n'y a aucun doute que le Montréalais est fatigué dans une grande mesure de marcher et veut son service de transport à Montréal.

Le Montréalais lui n'a pas été faire la recherche des véritables responsabilités, Il veut son service de transport, et je pense que nous le voulons tous. Il ne veut pas cependant, ce Montréalais, décapiter, handicaper un syndicat et, à travers ce syndicat, ralentir la marche en avant du syndicalisme au Québec. Peut-être que la grève est impopulaire, mais j'espère que jamais on ne donnera l'impression que nous nous sommes servis d'une grève impopulaire pour la tourner dans un mouvement antisyndical. Ceci n'est le désir de personne.

M. BELLEMARE: Non, non.

M. AQUIN: Ceci n'est le désir de personne, donc il faut ordonner le retour au travail, mais il faut aussi prendre les mesures ce soir, demain matin pour cette rencontre préliminaire dont a parlé le député de Laurier et, si cela ne fonctionne pas, prendre aussi les mesures pour assurer, par la nomination d'un syndic, une période de négociations qui serait des négociations constructives. Si on ne veut justement pas, non pas simplement donner l'impression, mais peut-être la certitude que nous voulons tourner ce mouvement en un mouvement antisyndical, je demande au gouvernement de retrancher cette peine de la décertification du syndicat qui est inutile avec les peines qui sont déjà prévues dans ce projet de loi, qui sont déjà amplement suffisantes pour convaincre les bonnes volontés qui pourraient être chancelantes à un certain moment.

Il faut assurer à la société, à la société de Montréal, son droit au service public, mais il faut aussi ordonner à un groupe syndical de retourner au travail. Cependant, en lui ordonnant, il faut lui donner la possibilité non pas d'aller à un arbitrage qui ne réglera rien, parce que cet arbitrage, comme je l'ai dit, se trouvera dans les mêmes déficiences administratives que celles que nous connaissons. Mais, justement, à travers une négociation qu'on aura rendue fructueuse par la nomination de ce syndic, eh bien, on permettra à ces négociations de vraiment aboutir. Il ne faut pas de toute façon, je pense, dans ce cas-ci, agir négativement, il ne faut pas trancher le débat, il ne faut pas laisser peser de menaces sur le syndicalisme. Je pense que l'heure que l'on traverse, les hom- mes qui sont venus à Québec, les travailleurs qui, à Montréal, s'inquiètent, ceux qui, dans d'autres secteurs, n'ont peut-être pas encore compris pleinement la solidarité qui devrait grouper tous les travailleurs du Québec, mais qui commencent à se demander si, à un certain moment, on ne décapitera pas ce syndicat lundi matin, uniquement à cause d'un article qui est un article dangereux, qui n'a pas été, je le redis, placé là de mauvaise foi, bien au contraire, je pense qu'après la journée de discussions que nous avons eue, devant la gravité de la situation, devant les menaces mêmes de cette situation. Le gouvernement devrait repenser à cet article, devrait enlever cet article qui permet la décertification et devrait, cela je le soumets, nommer ce syndic au sein de la Commission de transport de Montréal qui permettrait, lui, des négociations constructives.

En ce qui a trait au retour au travail, donc, moi je suis parfaitement d'accord, en ce qui a trait aux négociations, j'y al mis une condition, et en ce qui a trait à la vie, à l'existence et à la survie du syndicalisme au Québec, parce que c'est comme ça que cela peut tourner, eh bien, je demande au gouvernement d'enlever cet article qui menace le syndicat de décertification, et je pense que chacun, dans un cas aussi grave — et moi dans mon vote — nous devrons ensuite prendre nos responsabilités.

M. BELLEMARE: Très bien.

M. AQUIN: Nous ne sommes pas trop nombreux, nous.

M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre.

M. Daniel Johnson

M. JOHNSON: Je serai bref, du moins je vais tenter de l'être. Il y a toujours possibilité d'interruptions qui nous amènent, M. le Président, dans des digressions. Il n'est peut-être pas nécessaire que je parle longuement, puisque le ministre du Travail en présentant le projet de loi a très bien couvert le terrain et qu'il est certainement capable de donner la réplique aux arguments sérieux qui ont été apportés et certainement capables de rabrouer de la bonne façon ceux qui ont employé des arguments qui n'étaient pas sérieux. Cependant, mon silence serait peut-être interprété soit comme un manque de courage, soit comme dénotant évidemment une condition pas tout à fait parfaite. Et même le registre de voix que j'ai ce soir pourrait accréditer de nouveau certaines fausses

rumeurs. Je n'ai qu'à vous donner une seule explication: tomber de 75 degrés à 41 degrés, ça nous donne quelquefois de ces réactions qui s'appellent un petit rhume passager, je l'espère, et je crois de plus que c'est de mon devoir comme chef du gouvernement, de replacer dans une juste perspective le problème qui tendait, à cause des interventions des députés des oppositions, à se déplacer.

Le ministre du Travail a donné la chronologie des événements, et je crois que même le chef de l'Opposition a été fortement impressionné par la diligence qu'a apportée le ministre du Travail et le cabinet entre le 20 septembre 1967 et la date d'aujourd'hui...

M. BIENVENUE: Seigneur, honte!

M. JOHNSON: M. le Président, je crois que nous aurions été blâmés si, après avoir accordé le droit de grève à l'unanimité, nous n'avions pas permis à des gens de l'exercer. Il faut quand même être logique. Deuxièmement, il nous fallait tenter tous les efforts avant d'en venir à la convocation d'une session. Parmi ces efforts — je n'y reviendrai pas — il y a la conciliation, la médiation par le juge Chevalier, l'intervention personnelle du ministre, l'intervention du premier ministre intérimaire que je remercie en passant pour le travail formidable qu'il a accompli. Il pourra certainement se dire que je ne lui ai pas passé le meilleur des douze mois de l'année. Travail du premier ministre intérimaire, travail extraordinaire du cabinet et convovation de session. Lors d'une conversation téléphonique avec le député de Saint-Jacques, nous avions songé à convoquer une session pour la fin des derniers jours de la semaine dernière et le député de Saint-Jacques m'a dit: Ce serait intolérable, ce serait un tollé, tous les gens diraient que c'est un coup en bas de la ceinture, que vous voulez saboter un certain congrès que j'aurais au moins empêché un massacre.

M. le Président, j'ai, cependant...

M. LAPORTE: C'est grave.

M. JOHNSON: Cependant, M. le Président, au moment où nous songions à prendre cette décision un nouveau facteur est intervenu, une nouvelle lueur d'espoir, c'était cette intervention du ministre au sujet du CWS, expression pour laquelle paraît-il, il n'y a pas de traduction: « Cooperative work study or system ».

M. MALTAIS (Saguenay): C'est cold water system.

M. JOHNSON: I am sorry. C'est pour le député de Notre-Dame-de-Grâce ça. Coopérative.

M. MALTAIS (Saguenay): C'est close water service.

M. JOHNSON: C'est donc cette lueur de règlement sans loi d'exception qui a motivé le Cabinet dans sa décision de ne pas appeler la semaine dernière les Chambres. Pourquoi avons-nous retardé? J'ai cru qu'un dernier effort de la part du gouvernement, qu'une convocation par le premier ministre pourrait peut-être amener les parties à lâcher un peu leur attitude très raide. J'avais espéré les faire consentir à se rencontrer, mais les jeux étaient faits. Je m'en suis aperçu au bout d'une dizaine d'heures de travail avec ces messieurs. Il n'y avait rien à faire. Je suis désolé, très désolé que nous ayons eu à convoquer les Chambres.

Tout le monde admet qu'il doit y avoir un retour au travail. Tout le monde admet que les usagers ont droit à la restauration des services. Tous les députés de cette Chambre, libéraux, Union Nationale, indépendants, représentant l'éventail le plus formidable, le plus considérable qu'on puisse imaginer au point de vue de la formation, du milieu social, de la doctrine sociale, tout le monde veut le retour et admet qu'il doit y avoir un retour. Sauf qui? Les syndicats.

Est-ce qu'ils peuvent avoir raison contre tout le monde dans la province? Je dis non. Je dis que ce fut une erreur et c'est ce que j'ai tenté de démontrer aux responsables, qu'ils faisaient une erreur. Je comprends cependant parce que j'ai eu de l'expérience dans ma carrière de jeune avocat dans ce domaine que des fois on se place dans des positions irréversibles en matière de négociation, et tout de suite je voudrais dire au député de Laurier et au député de Dorion ce que j'ai dit aux chefs ouvriers: Il manque un mécanisme quand il s'agit de négociation avec le secteur public et évidemment, à plus forte raison, quand il s'agit de négociation avec le gouvernement.

Cela ne peut pas créer un bon climat que de forcer des représentants de syndicats à négocier avec celui qui peut instantanément se transformer en juge. C'est le cas des négociations des syndiqués avec le gouvernement, c'est le cas des négociations des employés civils, des fonctionnaires avec le gouvernement, mais c'est aussi, dans une certaine mesure, le cas des enseignants avec les commissions scolaires, puisque le gouvernement y est et doit y être ayant à solder une bonne partie de la note quand ce n'est pas sa totalité. C'est le cas aussi pour la Commission de transport de Montréal.

J'admets donc qu'il y a la une déficience, qu'il y a là une carence d'un mécanisme adéquat qui permettrait au syndicat de pouvoir plaider en toute tranquillité, sans crainte du gourdin d'une loi ou du gourdin d'une hausse de taxes, où un syndicat aurait la chance de démontrer que telle ou telle commission, que tel ou tel service gouvernemental ou telle ou telle agence gouvernementale ne peut pas payer davantage parce qu'elle est mal administrée, parce que les tâches sont mal rétablies dans la gérance. Il nous faudra donc, comme je l'ai promis publiquement au nom de mes collègues, avec les parties intéressées, les centrales syndicales et le Conseil supérieur du travail, en arriver à établir pour le secteur public un mécanisme qui sera adéquat.

M. le Président, déficience ou non dans notre code, nous étions devant une situation de fait. Aurions-nous dû agir plus tôt? Le ministre du Travail a expliqué pourquoi nous ne l'avions pas fait et je pense bien avoir complété le tableau. Pour empêcher qu'il y ait confusion dans l'opinion publique il faut bien distinguer, comme je le disais brièvement cet après-midi, entre les négociations auxquelles le gouvernement est appelé à participer directement, comme dans le cas des radiologistes, et cette négociation entre les syndicats et associations d'une part et la Commission de transport de Montréal d'autre part.

M. le Président, dans le cas de négociations directes, on pourra nous reprocher de n'avoir pas bien agi, de n'avoir pas choisi les bons arbitres, de n'avoir pas fourni les chiffres à temps, de n'avoir pas fait la publicité nécessaire. On pourra nous faire tous ces reproches-là, mais quant à la Commission de transport de Montréal, comme l'a bien démontré le député de Sainte-Anne, il s'agit d'un organisme de la ville de Montréal et non pas de la province, même si nous avons une responsabilité quant à la nomination du président. C'est la seule.

M. le Président, le problème de subvention, le problème de financement à même d'autres sources que les revenus « billets », c'en est un qui mérite d'être étudié. Le député de Laurier, lui, voudrait, comme son collègue le député de Dorion, que nous fassions une petite séance de deux heures. Ou ils n'ont pas d'expérience en négociation ces messieurs-là, ou je dois dire que leur suggestion, ils l'ont lancée tout simplement pour la publicité. Tout récemment, avant-hier, j'ai accepté de recevoir les radiologistes. On m'a dit que ça allait durer une demi-heure et j'ai été attelé à l'affaire vingt heures de suite.

Ou on n'a pas d'expérience quand on fait cette suggestion d'une petite audition de deux heures. Si on croit qu'au bout de deux heures, on aura appris assez du problème pour pouvoir se prononcer mieux que ce soir, on est un peu naïf. Ce serait évidemment une excellente tribune, mais ça n'avancerait pas le règlement du problème et ça n'avancerait pas non plus beaucoup les connaissances des députés.

Il y en a un qui connaît très bien le problème de A à Z: c'est le ministre du Travail. Dans tous les détails. Le premier ministre intérimaire, le député de Saint-Jacques, le connaît joliment le problème, et d'autres collègues qui ont travaillé à la rédaction de la loi. Nous ne sommes pas ici pour ça. Nous ne sommes pas ici pour régler les détails.

Nous ne voulons pas le faire. Ce n'est pas notre rôle de le faire, sauf que nous sommes prêts à répondre aux questions pertinentes, c'est-à-dire les questions qui portent sur le pourquoi de tel ou tel article, car chacun de ces articles a été formulé avec beaucoup de soin, reformulé avec beaucoup de soin jusqu'à six, sept ou huit fois quand ce n'est pas douze fois. Je dispose tout de suite d'une critique, celle des démissions. Il y a une sorte de courage qui est extrêmement difficile, c'est celui d'aller à l'encontre de certains mythes. Il y a un mythe, c'est que jamais il n'y a d'imperfection dans les syndicats. Ce n'est que le gouvernement ou le patron. Nous recevons des téléphones d'employés qui nous disent qu'ils ont été forcés de donner leur démission.

M. BELLEMARE: Ah oui!

M. JOHNSON: Or, nous avons rédigé l'article non pas seulement pour protéger des gens qui sont en faveur de la grève, mais aussi pour protéger un droit qui est sacré, celui d'aller travailler sans avoir peur d'aller travailler. Nous sommes tous des humains; ce n'est pas moi qui va me scandaliser s'il y a des problèmes du côté des syndicats comme il y en a du côté des patrons. Il y a des mythes qu'il va falloir crever un jour ou dont il va falloir parler en toute franchise. Le député de Laurier parlait du budget de la CTM, pourquoi nous ne le connaissons pas. Il a raison là-dessus et devant ce syndic, cet arbitre ou ce juge où nous pourrons aller en toute liberté discuter de la valeur administrative de certaines commissions du gouvernement ou des municipalités, on fera connaître ces chiffres-là dans le mécanisme que nous voulons établir. Mais il faudra aussi songer, et il ne faut pas l'oublier, qu'il y a six cent mille syndiqués dans la province. Il y a un minimum de $24 millions de cotisations par année et ça

ne tient pas compte des retenues à la source; ça ne tient pas compte du salaire minimum, des retenues pour ceci et cela et personne n'est obligé en vertu d'aucune loi de rendre compte à aucun de ses membres. Je ne dis pas cela sur un ton agressif, mais je veux qu'on établisse bien l'équilibre, que les torts ne sont pas tous du même côté, les torts théoriques. Je ne suis pas entré dans le conflit en question sauf pour dire très simplement que, premièrement, les positions étaient irréductibles de part et d'autre, quelles que soient les causes de cet état de chose, que les personnalités sont fortes et que malgré tous les efforts, tous les mécanismes de la loi, les interventions des gens qui doivent en vertu du code du travail intervenir: le travail du ministre, député de Champlain, le premier ministre intérimaire et celui qui vous parle, il n'y a pas eu moyen. Donc, une loi. Nous aurions été très heureux, tous et chacun de nous si le retour au travail s'était fait sans loi. Pourquoi a-t-on insisté? Chacun jugera. Nous aurions été heureux parce que, comme je l'ai déclaré publiquement mardi dernier, nous ne voulons pas à l'occasion de cette session — et c'est clair aujourd'hui — régler tout le problème.

Si on savait les pressions qui ont été faites à tous et chacun des députés — certainement à des députés de l'Opposition aussi — en faveur de l'abolition du droit de grève immédiat dans tout le secteur public, M. le Président, on comprendrait que le gouvernement n'a pas perdu la tête. Tous et chacun des députés, j'en suis certain, ont reçu des représentations: Abolissez donc le droit de grève... Quand vous le leur avez accordé, ils vous ont convaincus qu'ils avaient la maturité nécessaire pour l'exercer sans en abuser, et la preuve est maintenant faite qu'il y a eu des abus. Nous avons dit: Non, ce n'est pas la façon de régler le problème. Il faut régler le conflit et, dans la sérénité, trouver un moyen, non pas d'abolir le droit de grève, mais de l'organiser de telle façon que les abus soient moins faciles qu'ils le sont aujourd'hui, et ça, c'est un minimum.

M. le Président, nous aurons l'occasion, dans la session régulière, de discuter de ces sujets, mais je voulais dire à cette Chambre et à la population du Québec que nous avons résista à ces pressions et à la tentation très grave qui nous était offerte de profiter d'un climat favorable pour poser un geste pareil.

Nous avons tout essayé, y inclus l'injonction. Très brièvement, je voudrais dire, à l'adresse du chef de l'Opposition surtout, que sa thèse est extrêmement faible. L'injonction, il est vrai que nous avons dit, au moment de l'adoption de la loi du code du travail et de ses amendements, que ça ne serait pas un instrument efficace. Et les événements nous ont donné raison. Les événements nous ont donné raison. Je ne crois pas que nous ayons déprécié les tribunaux ou dévalorisé les juges en disant dans cette Chambre, comme nous croyions que c'était notre devoir de le faire, que les injonctions ne seraient pas un remède efficace. Nous avions tout frais à la mémoire, à ce moment-là, ce qui venait de se passer dans d'autres provinces et dans d'autres pays.

Cependant, on nous a reproché, précisément par la bouche du chef de l'Opposition, dans cette même Chambre, de n'avoir pas utilisé les injonctions dans d'autres grèves. Nous avons pris une décision, cette fois-ci, de les utiliser pour voir...

M. LEFEBVRE: M. le Président, est-ce que le premier ministre me permet une question?

M. JOHNSON: Pourquoi pas?

M. LEFEBVRE: Très bien Est-ce que le premier ministre...

M. JOHNSON: Je l'ai fait tantôt, pourquoi n'aurais-je pas dû le faire?

M. LEFEBVRE: Je n'ai pas saisi votre remarque. Je la lirai au journal des Débats. Ma question est la suivante: Est-ce que le premier ministre voudrait expliquer à la Chambre pourquoi, dans le cas des travailleurs des syndicats de la Commission de transport de Montréal, aucun avis préalable n'a été donné à la partie adverse lors de l'émission des injonctions, tandis qu'il y en a eu dans le cas des radiologistes?

M. BELLEMARE: C'est faux.

M. JOHNSON: M. le Président, c'est justement... Je suis très heureux d'avoir permis la question; on va éclaircir le problème. Dans le cas des ouvriers syndiqués de la CTM, il n'y a pas eu d'avis préalable. Il n'y en a pas eu dans l'autre non plus.

M. BELLEMARE: Jamais.

M. JOHNSON: Mais l'avocat était là...

M. LEFEBVRE: M. le Président...

M. JOHNSON: ... sentant venir l'affaire, il s'est trouvé là.

M. LEFEBVRE: Est-ce que le premier ministre pourrait nous donner des explications supplémentaires?

M. JOHNSON: Pardon?

M. LEFEBVRE: Si vous permettez une question supplémentaire...

UNE VOIX: Laissez répondre.

M. LEFEBVRE: ... à la suite de la réponse que vous venez de donner, est-ce que vous voudriez indiquer à la Chambre pourquoi l'injonction dans le cas des ouvriers de la CTM a été émise par un juge de Québec, plutôt que d'être émise naturellement par un juge de Montréal?

M. BELLEMARE: C'est la même chose.

M. JOHNSON: M. le Président, d'abord parce que c'est permis; deuxièmement, parce que...

M. BELLEMARE: C'est dans la loi.

M. JOHNSON: ... le siège du gouvernement est à Québec et, dans l'espèce, le siège social de la CSN est à Québec.

M. LEFEBVRE: C'est faux. Le premier ministre est mal informé, le siège social de la CSN est maintenant à Montréal depuis plusieurs années»

M. JOHNSON: Depuis trois mois?

M. LEFEBVRE: Trois ou quatre années, je crois.

M. JOHNSON: Deux mois?

M. LEFEBVRE: Non, trois ou quatre ans.

M. MALTAIS (Saguenay): Trois ou quatre ans.

M. JOHNSON: Trois ou quatre ans.

M. LEFEBVRE: Oui.

M. JOHNSON: En tout cas...

M. MALTAIS (Saguenay): Tout le monde sait ça.

M. JOHNSON: ... je m'excuse si... M. le Président, on comprend pourquoi; à Québec, la CSN est bien représentée, d'ailleurs. Elle a un bon bureau, elle a des avocats et les demandes d'injonction ont été annoncées la veille dans les deux cas. La coutume est établie de les prendre à Québec, surtout depuis l'affaire des instituteurs et dans d'autres causes. A part cela, comme on le sait, le jugement du juge Dorion a exigé, avant que ne soit complétée au point de vue légal la signification, qu'il y ait une publicité de faite dans tous les quotidiens ainsi qu'à la télévision et dans les postes de radio.

M. le Président, voilà donc ce que je voulais demander au député d'Ahunstic: Peut-il m'expliquer pourquoi un syndicat sérieux ne veut pas se rendre à une injonction, à une loi du pays, une loi du parlement, une loi qui a été adoptée à l'unanimité, même si elle n'est pas parfaite?

M. LEFEBVRE: M. le Président, est-ce que le premier ministre sait que cette chose-là est en appel?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je ne puis pas permettre la réponse que l'honorable député d'Ahunstic semble disposé à donner, car je crois qu'en permettant cette réponse, il y aurait danger d'ouvrir une porte et d'enfreindre d'une façon assez marquée les dispositions bien impératives de notre règlement quant à ceux qui peuvent répondre à des questions qui sont susceptibles de leur être posées.

M. JOHNSON: M. le Président, donc ayant épuisé tous les moyens, nous arrivons devant vous dans cette Chambre et nous devons nous prononcer en deuxième lecture sur ce projet de loi qui sera amendé en comité plénier par des amendements déjà préparés et distribués au chef de l'Opposition et aux députés indépendants et par d'autres amendements aussi que l'on voudra bien nous apporter et qui seront bienvenus, si l'on croit que c'est une façon de rendre la loi plus efficace, moins odieuse, plus respectueuse des droits des deux parties. M. le Président, on dit: Pourquoi ces pénalités et la décertification? D'abord, il ne faudrait pas présumer que l'on va manquer à la loi, mais, par ailleurs, il ne faudrait pas faire un reproche aux législateurs d'édicter des peines au cas où Il y aurait manquement à la loi.

Imaginez-vous, à un moment donné, comment on pourrait tempêter contre le parlement fédéral qui a édicté un code criminel complet, qui a donc présumé qu'un jour il y aurait des infractions, des crimes de commis. Nous devons faire la même chose dans la législation et il y a là un truisme; si on se soumet à loi, il y a tout un chapitre qui ne sera jamais appliqué, c'est celui des pénalités.

M. BELLEMARE: C'est ça.

M. JOHNSON: M. le Président, il y a des pénalités de prévues, d'attachées à l'injonction, mais ça n'a pas été suffisant pour convaincre les parties de retourner au travail. Croyez-vous que nous allons réunir les Chambres pour édicter une loi qui serait moins sévère, qui prévoirait des sanctions moins efficaces?

On remarquera, lors de l'étude en comité, que nous avons adouci les peines prévues dans le droit commun ou dans le code de procédure civile quand il s'agit des individus, mais elles sont considérablement plus fortes quand il s'agit des institutions patronales ou ouvrières.

M. le Président, la décertification n'est pas un remède ou une pénalité nouvelle. Nous imitons ce qui a été fait par deux gouvernements libéraux dans le reste du Canada et par un gouvernement du Crédit social. Nous pourrions, lors-qu'arrivera cet article, en discuter. Je ne veux pas élaborer pour le moment, mais ce que nous voulons, c'est nous assurer qu'il y aura retour au travail, qu'on aura intérêt à retourner au travail. Nous n'avons pas l'intention de rappeler les Chambres dans une semaine ou dans dix jours. Alors, nous devons le mieux possible tout prévoir.

M. le Président, retourner au travail dans quelles conditions? Il fallait prévoir une continuité, il fallait prévoir que les ouvriers soient régis par les conventions, par un genre de convention collective, éviter en somme qu'ils tombent tous sous l'effet d'un contrat individuel. C'est pour ça que nous avons prolongé les conventions antérieures, que nous donnons force de loi aux ententes déjà écrites et que nous ajoutons le bénéfice des offres les plus hautes, contenues soit dans la dernière proposition de la ville, soit dans le rapport du juge Chevalier, et ce rétroactivement au 12 juillet. On estime pour fins de discussion — il y a des modalités, des fractions de cents — que la base était de $2.76. Elle sera pour ceux qui retourneront au travail de $3.05 sans tenir compte des bénéfices marginaux, ce qui ferait $3.64. C'est donc une augmentation de $2.76 à $3.05...

M. GERIN-LAJOIE: Le ministre du Travail l'a dit dans son discours cet après-midi.

M. JOHNSON: Donc, M. le Président, au-delà de dix...

M. BELLEMARE: Quoi?

M. GERIN-LAJOIE: Nous avons écouté le ministre du Travail cet après-midi.

M. LESAGE: Il a dit tout ça.

M. JOHNSON: M. le Président, on nous a informés que dans les négociations antérieures, le point de référence c'était toujours la convention, soit de Toronto, soit de Vancouver. On prenait la plus avantageuse. Le juge Chevalier s'est basé, lui, sur la convention de Vancouver qui est la plus généreuse et qui n'est pas encore en vigueur. Elle entrera en vigueur le 1er décembre. Il a cru faire là un bon coup. Il a cru qu'il était généreux. L'a-t-il été assez ou non? Nous ne le savons pas, et nous ne le saurions pas au bout de deux heures de réunion d'un comité ici à Québec, mais voyons à ce que la négociation reprenne et devant le négociateur ou éventuellement devant l'arbitre, là on saura si c'est suffisant, oui ou non. Et si par hasard il y avait une injustice, le parlement peut toujours corriger les injustices.

M. le Président, tout le monde admet, sauf le chef de l'Opposition, que l'injonction est un remède qui n'est pas efficace et qu'il faudra établir des mécanismes. Dois-je vous dire, M. le Président, que l'expérience que nous avons en politique nous indiquait très bien ce à quoi nous nous exposions en agissant comme nous agissons aujourd'hui. Des simplifications, des rapprochements, des appels à la démagogie, c'est facile.

Ce qui est moins facile, c'est prendre... M. GERIN-LAJOIE: Des décisions.

M. JOHNSON: ... ses responsabilités, même au risque de perdre la faveur de gens pour qui nous avons beaucoup d'estime, individuellement. Mais devant notre devoir, nous n'hésitons jamais. On nous fait le reproche, M. le Président, de prendre notre temps et c'est la litanie du chef de l'Opposition qui, avec ses talents...

M. BERTRAND: D'acteur... en dramatisant.

M. JOHNSON: ... d'acteur qu'il a tout jeune développés sur les scènes collégiales et universitaires...

M. GERIN-LAJOIE: Est-ce que le premier ministre est aussi jaloux que ça?

M. JOHNSON: ... entre autres dans cette fameuse pièce intitulée: Le baiser de minuit où il était...

M. LESAGE: A l'ordre, M. le Président!

M. LAPORTE: Attendez encore une heure et quart.

M. JOHNSON: Le chef de l'Opposition avec...

M. GERIN-LAJOIE: Le premier ministre arrive d'Hawaï, il a l'esprit de vacances.

M. JOHNSON: C'est formidable combien j'ai pensé au député de Vaudreuil-Soulanges à Hawaï.

M. LESAGE: Il faudrait que le premier ministre revoie les titres des pièces de théâtre.

M. GERIN-LAJOIE: Ah! Il aurait dû m'envoyer un télégramme, je serais allé le rejoindre.

M. LAPORTE: Aloa, aloa!

M. BERTRAND: Il aurait été mieux là.

M. JOHNSON: Le choix est meilleur à Hawa'i. Dans tous les domaines. Cela arrive toujours à un homme quand il est trop vieux ou fatigué. M. le Président, donc,...

M. PINARD: C'est ce qui est arrivé, vous vous êtes fatigué.

M. JOHNSON: Pardon?

M. PINARD: Pour moi c'est ça qui est arrivé. Vous vous êtes fatigué.

M. JOHNSON: Ce sont les libéraux qui m'ont fatigué.

M. LAPORTE: Ah, pauvre vous, vous allez y aller souvent à Hawa'i!

M. JOHNSON: Et j'ai souffert, j'ai souffert dans le plus profond de mon âme avec le chef du parti libéral quand j'apprenais par les journaux et les communications téléphoniques par quelle crise de conscience il passait, ayant à choisir...

M. LACROIX; On ne peut pas parler des vôtres!

M. JOHNSON: ... M. le Président, entre son coeur et ses intérêts politiques.

M. LEFEBVRE: M. le Président, je suis convaincu que le premier ministre parle du principe du bill dans le moment.

M. JOHNSON: Oui. M. le Président, je m'excuse, j'ai été entraîné sur cette voie facile et agréable d'un voyage.

M. GERIN-LAJOIE: Les grèves d'Hawâi.

M. JOHNSON: Voici, M. le Président, en terminant...

M. LESAGE: Oh oui, il n'y a que ça! M. JOHNSON: En terminant... pardon?

M. LESAGE: Il demande s'il y a des grèves par là. Je dis qu'il n'y a que ça.

M. GERIN-LAJOIE: Le premier ministre prenait goût aux grèves.

M. JOHNSON: Mais aux Etats-Unis...

UNE VOIX: Le premier ministre était sous les palmiers...

M. JOHNSON: ... sur la côte du Pacifique, sur la côte canadienne du Pacifique, à Hawaï, il y a des grèves.

M. LESAGE: Il y a de belles plages.

M. JOHNSON: Il y a des problèmes d'éducation, Il y a ces problèmes de transformation sociale dont parlaient le député d'Ahuntsic et le député de Dorion. Il y a ces crises d'ajustement à notre monde moderne, Il y a dans tous ces pays des problèmes qui ressemblent énormément aux nôtres. Nous n'avons pas...

M. LESAGE: Est-ce qu'il y a une baisse de la natalité?

M. JOHNSON: Oui, il y a même une baisse de la natalité...

UNE VOIX: Il ne faudrait pas y envoyer le chef de l'Opposition.

M. JOHNSON: ... aux mauvais endroits. M. LESAGE: Ce ne serait pas chanceux.

M. JOHNSON: M. le Président, il faudrait que nous nous rendions compte, nous, dans cette Chambre, et toute la population, qu'il n'y a pas lieu d'être pris de panique parce que nous avons des problèmes. Nous l'avons proclamé bien des fois, nous croyons au syndicalisme. Nous regrettons qu'avec le chef d'une certaine centrale ce soient les gens relativement mieux payés qui sont syndiqués alors qu'il y en a les deux tiers dans les échelles les moins élevées qui ne le sont pas. Nous regrettons cette situation et nous espérons que le syndicalisme

va se développer. Mais le syndicalisme dans la province de Québec, tant que nous aurons un mot à dire, devra demeurer le syndicalisme et ce ne sera jamais le gouvernement. Il ne fera pas marcher le gouvernement.

M. le Président, je respecte ceux qui ne partagent pas ma conception de la société. On a le droit de croire à certaines doctrines sociales, à une certaine organisation de la vie sociale, mais on ne nous fera pas accepter ou voter des législations par le biais. Qu'on se fasse élire si on veut les faire adopter et qu'on les fasse adopter ici en Chambre!

Nous ne faisons pas ça pour le plaisir de braver, mais nous le disons parce que c'est nécessaire que ce soit dit dans cette province: Le climat qui est en train de se créer à cause des conflits ouvriers fait plus de tort à l'économie du Québec que les discussions théoriques sur les questions constitutionnelles.

M. BELLEMARE: D'accord!

M. JOHNSON: Car je me refuse à croire qu'on va nous ostraciser lorsque nous prenons des attitudes nationalistes; c'est peut-être le prétexte pour couvrir un autre véritable motif qui est celui de l'insécurité des placements, des investissements à cause d'un manque d'ordre. L'insécurité ne vient pas des réclamations; tout le monde a le droit de réclamer, personne ne va prétendre qu'un ouvrier à $120 par semaine, c'est trop payé, avec les obligations qu'il a et le coût de la vie. Personne ne va prétendre en cette Chambre qu'ils sont trop payés, mais personne n'admettra certaines méthodes que l'on veut prendre ou que l'on a prises dansle passé.

Deuxièmement, tout le monde admet qu'il faut une politique rationnelle qui couvre non seulement le secteur public, mais éventuellement le secteur privé. Si nous voulons relever les classes qui ont le plus besoin d'être aidées et faire avancer le niveau de vie, non pas seulement pour un petit groupe, mais pour la collectivité, il faudra, comme certains députés de l'Opposition l'ont dit, avoir une politique globale dans ce domaine des salaires, dans toute la mesure où c'est possible quand on est dans un Etat fédéral. Et c'est moins facile dans un Etat fédéral que dans un Etat unitaire, il faut l'admettre au départ.

M. le Président, je voudrais donc, ce soir, après avoir félicité de nouveau le ministre du Travail, remercier tous les députés de cette Chambre de s'être rendus au complet, sauf quelques-uns pour des raisons majeures, et deuxièmement, d'avoir le sens des responsabilités au point de vouloir unanimement adopter le principe du bill, quitte à faire des suggestions que nous sommes prêts à accueillir et à accepter ou même à proposer si nous croyons qu'elles améliorent la loi.

M. le Président, je vous remercie d'avoir renoncé à un voyage qui vous plaisait énormément. Je sais que vous l'avez fait sans aucune amertume sachant que c'était votre devoir d'être ici et je suis heureux de voir que vous êtes en bonne santé et que vous êtes aussi alerte sinon plus que vous ne l'étiez à la fin de la session.

M. le Président, je ne répondrai pas aux accusations qu'on nous a lancées, sauf pour rappeler aux gens que nous avons dû accepter une succession au mois de juin 1966 sans bénéfice d'inventaire. L'héritage était...

M. GERIN-LAJOIE: Après coup, est-ce que vous pensez que vous auriez dû refuser?

M. JOHNSON: ... extrêmement lourd.

M. LAPORTE: Il est encore temps de vous en aller!

M. JOHNSON: Et notre plus grande surprise a été de constater que la situation était encore plus grave que celle que nous dépeignions pendant la campagne électorale à l'aide de renseignements fragmentaires.

M. LAPORTE: C'est clair qu'elle l'est devenue!

M. LESAGE: C'est bien le bill 1?

M. JOHNSON: Bien, c'est une réponse à un argument du chef de l'Opposition, et je m'excuse d'avoir pris le temps de la Chambre pour répondre à un argument auquel personne ne croit. Tout le monde sait que l'héritage qui nous a été laissé, y inclus l'héritage d'un code du travail, était un héritage assez difficile à administrer, et je puis dire au chef de l'Opposition qu'il aura jusqu'en 1974 au moins le temps de se faire la main dans l'Opposition à la condition qu'on ne lui fasse pas ce qu'il a fait à d'autres.

M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture du bill 1 est-elle adoptée?

M. LESAGE: Vote. DES VOIX: Voteî

M. BELLEMARE: M. le Président, je voudrais que ce soit un vote enregistré qui soit pris. J'ai le droit à une réplique en deuxième lecture.

M. LAPORTE: Dispensé.

M. BELLEMARE: C'est facile dans l'Opposition. Vous avez des solutions spontanées. Mais je reviendrai lors de l'étude en comité sur certains points en particulier.

UNE VOIX: Dispensé.

M. BELLEMARE: Merci. Alors, M. le Président, je demande un vote enregistré.

M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!

Que les honorables députés qui sont en faveur de l'adoption de la motion en deuxième lecture du bill 1: Loi assurant aux usagers la reprise des services normaux de la Commission de transport de Montréal, veuillent bien se lever.

M. LE GREFFIER ADJOINT: MM. Johnson, Bertrand, Lebel, Johnston, Vincent, Dozois, Bellemare, Gosselin, Gabias, Masse, Allard, Russell, Lafontaine, Loubier, Tremblay (Chicoutimi), Maltais (Limoilou), Cloutier, Boivin, Mathieu, Charbonneau, Bernatchez, Gagnon, Gauthier (Roberval), Sauvageau, Lavoie (Wolfe), Flamand, Lussier, Morin, Fréchette, Gauthier (Berthier), Léveillé, D'Anjou, Beaudry, Desmeules, Grenier, Bergeron, Martel, Leduc (Laviolette), Demers, Tremblay (Montmorency), Martellani, Bousquet, Simard, Proulx, Croisetière, Plamondon, Théoret, Roy, Shooner, Hamel, Gardner, Picard (Dorchester).

MM. Lesage, Gérin-Lajoie, Pinard, Laporte, Courcy, Lévesque (Bonaventure), Arsenault, Kierans, Lafrance, Lacroix, Brown, Parent, Hyde, Wagner, Cliche, Mme Kirkland-Casgrain, Binette, LeChasseur, Harvey, Coîteux, Lavoie (Laval), Blank, Beaupré, Fortier, Cadieux, Fournier, Vaillancourt, Kennedy, Mailloux, Théberge, Maltais (Saguenay), Lefebvre, Bienvenue, Bourassa, Choquette, Fraser, Goldbloom, Houde, Leduc (Taillon), Michaud, Pearson, Picard (Olier), Saindon, Saint-Germain, Tremblay (Bourassa), Hanley, Séguin.

M. LE PRESIDENT: Que les honorables députés qui sont contre l'adoption de la motion en deuxième lecture du bill 1: Loi assurant aux usagers les services normaux de la Commission de transport de Montréal veuillent bien se lever.

M. LE GREFFIER ADJOINT: MM. Lévesque (Laurier), Aquin.

M. LE GREFFIER: Pour: 99 Contre: 2 Yeas: 99 Nays : 2

M. LE PRESIDENT: Je déclare la motion de deuxième lecture du bill 1 adoptée. L'honorable ministre du Travail propose que je quitte maintenant le fauteuil pour que la Chambre se forme en comité plénier pour l'étude du bill 1, Loi assurant aux usagers la reprise des services normaux de la Commission de transport de Montréal. Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LEBEL (Président du comité plénier): Bill 1, article premier.

M. HOUDE: M. le Président, considérant que tout le monde semble d'accord sur l'urgence du retour au travail des employés de la CTM, considérant également que, pour des milliers et des milliers de citoyens, le transport en commun est le seul moyen de se véhiculer, considérant également que c'est une des dernières fins de semaine, pour des milliers et des milliers de gens encore une fois, de visiter l'Expo, je ne comprends pas et je me demande pourquoi on indique « 48 heures,» plutôt que d'indiquer « retour au travail immédiatement, » d'autant plus qu'il y a à peine une dizaine de jours on a réussi, je pense, dans un laps de temps très court, à faire circuler un certain nombre d'autobus et même une partie du métro. Alors je voudrais savoir pourquoi on indique « 48 heures, » plutôt que l'expression « immédiatement » et pourquoi il ne serait pas possible de changer ça.

M. JOHNSON: Evidemment, M. le Président, le député pose là une question que nous nous sommes posée nous-mêmes: Pourquoi pas immédiatement? Pourquoi pas dans 24 heures? Immédiatement, comme le dit la loi fédérale, par exemple...

M. LESAGE: Il y a eu les deux formules dans les lois fédérales!

M. JOHNSON: ... c'est tout simplement parce que la section des pénalités, pour que la loi soit moins compliquée, est attachée à quelques articles dont l'article 1. Deuxièmement; il est clair, tout le monde le sait, qu'à la CTM il y a une rotation d'employés. Il y en a qui s'adonneront à être en congé, qui ne pourront pas entrer dans 24 heures, mais seulement dans 48 heures. Il y a certaines réparations à faire probablement, certains hommes de garage qui ne pourraient pas entrer dans les 24 heures, dont ça ne serait pas le tour d'entrer et qui seraient peut-être absents de la province, c'est en fin de semaine. Troisièmement, c'est un maximum.

Rien n'empêche les gens d'entrer immédiatement, mais nous ne voudrions pas faire courir les pénalités tout de suite à partir de 24

heures quelles que soient les pénalités.

M. LESAGE: Est-ce que le premier ministre me permet? Si le texte demeure ce qu'il est; « dans les 48 heures », ça veut dire que lundi matin, si les employés ne retournent pas avant les 48 heures, il n'y aura pas d'autobus, il n'y aura pas de transport en commun. Si l'on disait par exemple dans les 24 heures, étant donné que le bill peut être sanctionné après minuit, ça voudrait dire qu'il faudrait qu'au plus tard à minuit dimanche soir le service recommence. Je pense que ça serait là un délai raisonnable, que la Commission de transport de Montréal pourrait mettre en ordre son équipement, ce qui est beaucoup moins long que ne peut l'être l'équipement des chemins de fer à travers tout le pays, ça je pense bien que le premier ministre va l'admettre. Et pour ce qui est des pénalités, eh bien, je suis sûr que si quelqu'un est en vacances, il a une excellente défense. Je pense que si l'on disait dans les 24 heures pour le bien de la population de Montréal, pour que la population de Montréal puisse au plus tard lundi matin se rendre au travail en utilisant les services du transport en commun, je pense que nous réussirions à atteindre notre but et, pour ce qui est des pénalités, il ne faudrait pas trop se faire de formalités parce qu'en fin de compte seul le procureur général, il faut la permission du gouvernement pour poursuivre.

M. JOHNSON: M. le Président, je tiens pour acquis comme mes collègues que devant une loi votée à l'unanimité, les ouvriers vont retourner. Alors 48 heures, c'est le maximum. Nous ne voudrions pas...

M. GERIN-LAJOIE: On ne peut pas tenir ça pour acquis.

M. JOHNSON: C'est un maximum. Alors pourquoi ne retourneraient-ils pas avant s'ils ont l'intention d'y retourner? Je pense bien que...

M. LESAGE: Bien, nous avons affaire à des syndicats dirigés, n'est-ce-pas? Et je pense bien que...

M. JOHNSON: Qu'est-ce que ça veut dire dirigés?

M. LESAGE: Eh bien, je pense que le premier ministre nous a donné des explications qui sont peut-être allées un peu trop loin dans ce domaine-là, à ce sujet-là lors de son intervention en deuxième lecture, je ne suis pas prêt à aller aussi loin que lui, mais il y a des chefs syndicaux qui donnent des directives. Alors je suis sûr que si à la suite du débat que nous avons présentement, nous disions: « dans les 24 heures », tranquillement dans la journée de dimanche les employés retourneraient au travail et lundi matin les services seraient à la disposition des usagers. Je pense que, pour le bien de la population de la région de Montréal, on devrait inscrire « les 24 heures » parce que c'est le gouvernement qui peut poursuivre pour ce qui est des pénalités.

M. JOHNSON: M. le Président, d'abord les chemins de fer canadiens ont un équipement puis un nombre d'employés beaucoup plus considérables, mais ils ont aussi plusieurs sections, plusieurs secteurs...

M. LESAGE: Bien oui.

M. JOHNSON: ... plusieurs bureaux régionaux, etc. Deuxièmement...

M. LESAGE: C'étaient les locomotives à vapeur...

M. JOHNSON: ... je voudrais insister sur ce fait que, dans notre esprit à nous, et devant une loi semblable, les ouvriers voudront retourner.

Il y aura évidemment peut-être quelques personnes qui voudront faire de l'agitation, mais nous n'avons pas le droit de penser qu'ils n'ont pas l'intention de retourner devant la loi.

M. LESAGE: Non, non.

M. JOHNSON: Alors, pourquoi ne pas retourner de bonne humeur, ne pas attendre jusqu'à la fin pour rien? J'ai rencontré les directeurs des cinq différentes associations. Ce sont des gentilshommes sur le plan personnel, je pense que...

M. MALTAIS (Saguenay): Ils sont tous contents?

M. JOHNSON: ... si j'avais le temps, je ferais de la médiation, mais c'est comme certains libéraux, sur le plan personnel, ils sont formidablement sympathiques. C'est quand ils montent sur des estrades... Mais nous ne pouvons pas...

M. LESAGE: Inscrivez au moins les 36 heures, pour que les gens aient des autobus et le métro lundi matin.

M. JOHNSON: Oui, mais je ne veux pas

prendre pour acquis qu'on ne retournera pas, même demain, qu'on ne commencera même pas demain...

M. GERIN-LAJOIE: Mais qu'est-ce que le législateur veut?

M. LESAGE: Bien oui, mais ce qu'il faut mettre dans la loi, c'est...

M. MALTAIS (Saguenay): Ne prenons pas de chance.

M. LESAGE: ... le désir du législateur. Or le désir du législateur, je pense bien, c'est que les travailleurs de la région de Montréal puissent avoir à leur disposition les services de transport en commun au plus tard lundi matin. Alors, 48 heures, cela veut dire 40 heures...

M. ROY: Tantôt vous étiez trop sévères, là vous ne l'êtes pas assez!

M. JOHNSON: M. le Président...

M. LESAGE: M. le Président, est-ce que je pourrais vous dire qu'on peut se dispenser des insignifiances d'un certain député de Joliette.

M. ROY: M. le Président... M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. JOHNSON: M. le Président, le désir du législateur, c'est le retour immédiat en rotation, et...

M. LESAGE: Oui.

M. JOHNSON: ... le législateur fait confiance au syndicat, aux ouvriers et espère même qu'ils vont commencer demain à retourner à l'ouvrage. Us ont le droit de retourner à l'ouvrage demain. Ils ne sont pas obligés d'attendre à dimanche, mais nous imposons aussi à l'article 4, on l'aura remarqué, des obligations au syndicat. Alors, il faut quand même donner le temps au syndicat, aux officiers, de réunir leurs gens, de leur recommander de retourner à l'ouvrage et de discuter avec leurs membres de ça.

M. LESAGE: M. le Président, je propose formellement l'amendement suivant, c'est que le chiffre 48 qui apparaît à la quatrième ligne de l'article 1 soit remplacé par le chiffre 24,

M. BELLEMARE: M. le Président, parlant sur la motion...

DES VOIX: Vote! M. LESAGE: Vote!

M. BELLEMARE: ... que vient de faire l'honorable chef de l'Opposition, je lui ferai remarquer aussi que son argument porte à faux, parce qu'il dit: pour lundi matin au moins. Ses 36 heures...

M. LESAGE: Vingt-quatre.

M. BELLEMARE: ... et cela ne peut pas arriver. M. le Président, il faut absolument — et je pense que c'est l'économie de toute la loi qui est ici — cela a été pensé, cela a été discuté. On a consulté, M. le Président.

Il faut un délai normal, aux syndicats d'abord pour reprendre leur travail et à la compagnie pour remettre en circulation et avec tous ses effectifs le métro qui est une partie importante de la Commission de transport et aussi les autobus, ainsi que tout son personnel et ça, M. le Président, ça ne peut pas se faire dans une limite de temps moindre que 48 heures. M. le Président, on donne...

M. KENNEDY: C'est faux, M. le Président.

M. BELLEMARE: M. le Président, les compagnies connaissent l'économie de leur système et je pense que les ouvriers voudront demain ou dans la journée de demain se rapporter au travail. La loi ne dit pas que c'est limité à 48 heures, il peuvent prendre tous les délais voulus. Alors, M. le Président, je pense que sur cet article nous sommes bien prêts à voter.

DES VOIX: Vote.

M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la motion d'amendement proposée par l'honorable chef de l'Opposition veuillent bien se lever.

Que ceux qui sont contre la motion veuillent se lever. 51. La motion est rejetée.

M. LESAGE: Quel est le vote?

M. LE PRESIDENT: 51 à 46.

M. BELLEMARE: Article 2.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BELLEMARE: ... c'est l'article 2...

M. KENNEDY: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Article 1, adopté.

M. KENNEDY: M. le Président, est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de modifier l'article 1 pour que...

UNE VOIX: L'article 1 est adopté.

UNE VOIX: Il est voté avec l'amendement.

M. KENNEDY: De toute façon, je pense que je peux revenir quand même sur l'article 2. Est-ce qu'on ne pourrait pas modifier l'article de façon qu'on dise que le métro, tout le monde sait qu'il est déjà en marche, soit, qu'il devienne au service du public à partir de lundi matin et que évidemment le service sur la surface, c'est une autre chose. Cela prend 12 heures ou 15 heures pour mettre ça en marche. Je pense qu'il y a une distinction à faire dans ça, là, parce que le métro — tout le monde sait ça à Montréal — est en marche, c'est la chose la plus ridicule qu'il n'y a pas, le métro est en marche, il y a des gens qui le font circuler, le syndicat l'a admis, seulement qu'il y a une chose c'est que les gens ne peuvent pas s'en servir.

Alors, il est en marche, il n'y a pas de problème. Est-ce qu'on ne pourrait pas mettre dans ça un paragraphe ou quoi que ce soit pour que lundi matin il soit à la disponibilité du public? Cela fait déjà assez longtemps qu'on en est privé.

M. BELLEMARE: Je suis assuré que l'honorable député a bien compris l'article.

M. KENNEDY: Oui, oui.

M. BELLEMARE: C'est pour donner une obligation formelle à la compagnie d'avoir à faire démarrer dans les 48 heures son service complet. Or, elle peut, si la compagnie le décide, commencer si des employés reviennent au travail, commencer à fonctionner, c'est la limite. C'est l'obligation que nous avons pensé mettre dans la loi pour obliger la compagnie, elle aussi, à donner un service adéquat dans les 48 heures.

M. KENNEDY: Je suis d'accord avec ça, mais je comprends que toute la loi c'est une obligation pour la compagnie et le syndicat, je suis d'accord avec ça. Mais tout le monde sait actuellement que le métro est en marche, le syndicat a consenti à ce que certains employés retournent au travail pour faire fonctionner le métro, pour maintenir...

M. BELLEMARE: Non, seulement le service du pompage.

M. LEDUC (Taillon): Les pompiers.

M. BELLEMARE: Les pompiers, et on a retrouvé le tuyau à Rivard aussi. Article 3.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Article 2, adopté? Adopté. Article 3.

M. BELLEMARE: Article 3, c'est pour qu'aucune mesure disciplinaire... Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté, article 4. M. LESAGE: Un instant.

M. CHOQUETTE: A l'article 4, j'aurais un amendement à soumettre. Voici. La lecture de l'article 4 nous force à conclure que cet article est rédigé avec imprécision quant à l'obligation Imposée aux associations accréditées, quant à leurs obligations vis-à-vis leurs membres, or je pense qu'on reconnaît qu'il faut que, dans un texte de loi, l'obligation qui est imposée à une personne le soit avec précision. Dans le cas actuel, je vois qu'on impose l'obligation de prendre les moyens appropriés. Or, quels sont les moyens appropriés pour amener les membres d'une telle association à se conformer à l'article 1, c'est-à-dire à retourner au travail? On ne prescrit aucun moyen.

Je dis donc qu'on ouvre la porte ici à des interprétations fort diverses, des obligations qui seraient imposées aux associations accréditées. D'autant plus que, comme vous le savez, à l'article 17, il y a une pénalité assez forte qui est dictée a l'égard d'une association accréditée qui ne se conforme pas à l'obligation très vague qui est stipulée à l'article 4. Par conséquent, je soumets qu'il serait dans l'ordre de préciser l'obligation des associations accréditées de révoquer les ordres de grève qu'ils ont donné dans le temps. Leur obligation, par conséquent, serait d'informer les membres de leur syndicat que les déclarations, autorisations ou ordres de grèves à eux communiqués avant l'entrée en vigueur de la présente loi sont invalidés par la mise en application de la présente loi. Par conséquent, le résultat du texte que je propose serait d'imposer une obligation bien précise et bien déterminée aux associations qui sont responsables en vertu de l'article 4, elles sauraient précisément quelle sont leurs obligations en vertu de la loi que nous nous préparons à voter et elles seraient tenues de s'y conformer. Je pense qu'il est dans l'intérêt non seu-

lement du public, ni plus ni moins, disons en général, qu'on sache quelle est l'obligation imposée a ces associations, et je soumets qu'il est même dans l'intérêt de ces associations qu'on leur précise leurs obligations de façon à ce que, s'il y avait infractions de commises, elles sauraient exactement à quoi elles sont exposées.

Maintenant, ce texte que je propose est fondé sur le texte de l'article 5, de la loi qui avait mis fin à la grève des chemins de fer en 1966.

UNE VOIX; A Ottawa.

M. CHOQUETTE: A Ottawa, et je pense qu'il n'est pas précisément dans le texte qui se trouvait à Ottawa puisque ce texte imposait l'obligation aux négociateurs qui représentaient les associations. Or, dans le texte présenté par le gouvernement actuel à la Chambre, on a fait porter, je pense à juste titre —je ne fais pas de reproches au gouvernement sur ce plan — je pense à juste titre qu'on fait porter des responsabilités précises sur les associations accréditées. Mais je soumets que ces obligations qu'on veut leur imposer, il est dans l'intérêt de tout le monde qu'elles soient suffisamment bien précisées, et c'est la raison pour laquelle je propose cet amendement.

M. BELLEMARE: M. le Président, je comprends l'esprit dans lequel l'honorable député propose cet amendement. Cela rencontre une chose, un élément de la question, seulement un et les autres, ce sont la participation personnelle ou la démonstration par des assemblées ou des rencontres et les moyens appropriés qui peuvent être pris comme ils ont déjà été pris pour l'affaire, pour demander à leurs membres de revenir au travail. Ce sont des moyens appropriés. Tous les autres moyens appropriés sont seulement ça.

M. LE SAGE: Mais comment pouvez-vous imposer une obligation aussi vague? Cela équivaut à ne pas imposer d'obligation du tout.

M. BELLEMARE: Non, non. Rendre tousles moyens appropriés qui sont...

M. LESAGE : Mais comment pouvez-vous accuser quelqu'un de ne pas les avoir pris?

M. BELLEMARE: Le juge, si, à un moment donné, il y a une obligation d'aller devant les tribunaux, l'appréciera.

M. LESAGE : S'il y a une obligation précise et déterminée.

M. CHOQUETTE: Oui, mais c'est ce qu'il ne faut pas, justement. Je pense que l'honorable ministre du Travail se trompe. Si c'est ouvert à trop d'interprétations possibles...

M. BELLEMARE: Si l'honorable député veut me laisser finir. Je n'ai pas d'objection à l'entendre bien religieusement, mais je dis...

M. CHOQUETTE : Je n'en demande pas tant, vous savez.

M. BELLEMARE: Les moyens appropriés, c'est par exemple convoquer des assemblées très rapidement. Ils connaissent les moyens qu'ils peuvent prendre pour demander un retour au travail.

C'est connu. On sait, M. le Président, quand on négocie sur le plan des négociations patronales-ouvrières, dans certaines industries, qu'il y a toujours une question de retour au travail, et là, M. le Président, des moyens appropriés sont pris par le syndicat pour demander de retourner au travail. Vote.

M. LESAGE: Sur division.

M. LEFEBVRE: Sur cette question-là, il m'apparaît absolument impossible, compte tenu des pénalités qui sont imposées dans la loi. Ecoutez, je comprends qu'il est tard, mais il faut être sérieux. Compte tenu des pénalités qui sont imposées contre ceux qui transgressent l'article 1 et l'article 4, il m'apparaît invraisemblable qu'on propose un texte aussi vague que ça, parce que je ne prétends pas que le gouvernement ou qui que ce soit soit mal disposé, mais s'il arrivait que le gouvernement ait quelque vengeance à exercer contre quelque dirigeant syndical que ce soit...

DES VOIX: Ah, ah!

M. LEFEBVRE: Je n'ai pas prétendu cela, mais f ai dit, M. le Président — on dira tous les ah! ah! qu'on voudra et les « tiguedis » aussi — ce que je prétends c'est que ça n'a aucun sens de dire qu'on doit prendre tous les moyens appropriés pour amener les membres. Alors si un chef syndical ne va pas chercher ses membres, disons, dans sa voiture pour les conduire lui-même à l'ouvrage...

M. BELLEMARE: Ce n'est pas ça.

M. LEFEBVRE: Non, non, c'est ça. Tandis que le texte qui est proposé par le député d'Outremont — vous ferez ce que vous voudrez et

on fera ce que l'on voudra — mais nous autres le texte qui est proposé par le député d'Outremont dit que les associations doivent immédiatement informer les membres du syndicat que les déclarations ou autorisations ou ordre de grève à eux communiqués avant l'entrée en vigueur de la présente loi sont invalides par la mise en application de la présente loi. Cela, c'est raisonnable. Mais dire qu'il doit prendre tous les moyens appropriés, je ne vois pas quel juge va pouvoir interpréter ça, et ça m'inquiète d'avance si c'était interprété avec certains préjugés dont certaines personnes ont fait preuve, y compris dans cette Chambre, à l'endroit du syndicalisme. Alors, quant à moi, je suis sûr que je ne pourrais pas voter pour l'article 4...

M. JOHNSON: Si le député d'Ahuntsic veut bien comprendre en trois minutes, ou deux minutes, je vais lui expliquer la situation. Si on présumait que les juges et le procureur général qui doit autoriser toutes les poursuites avaient la même mentalité, non pas qu'a le député, mais qu'il démontre dans ses propos, là il faudrait être très spécifique. On ne prendrait aucun risque et aucune poursuite sans qu'elle ne soit autorisée par le procureur général.

Deuxièmement, ce que le député d'Outremont ne devrait pas oublier, lui qui est avocat, c'est que cette notion de bon père de famille, de moyens appropriés, c'est vieux comme le code civil.

M. LESAGE: Oui, mais c'est vague.

M. CHOQUETTE: Cela ne s'applique pas au droit pénal?

M. JOHNSON: C'est vieux comme le code civil.

M. LESAGE: Oui, mais au point de vue pénal...!

M. JOHNSON: Troisièmement, les syndicats se feraient, par l'amendement, indiquer un geste précis à poser. Cela serait commode sur les « hustings » de dire: Ils nous ont même forcés à passer une résolution. Ce qui nous intéresse, nous, c'est qu'ils retournent. Les syndicats, les moyens appropriés, ils les connaissent pour faire sortir les hommes et ils les connaissent pour les faire rentrer.

M. BELLEMARE: Contre les injonctions.

M. JOHNSON: Ils les connaissent pour les faire obéir à des injonctions, et ils les connaissent pour les faire désobéir aux injonctions.

M. LESAGE: Oui.

M. JOHNSON: Ils savent comment utiliser la publicité. Ils ont des agences de publicité. C'est bien fait, c'est magnifiquement organisé. Alors les moyens appropriés, ils les connaissent Le procureur général n'a pas une mentalité de persécuteur, et le juge qui sera assis sur le banc ne doit pas être présumé imbécile.

M. CHOQUETTE: M. le Président, pour répondre au premier ministre, je lui rappellerai que nous ne sommes pas en droit civil, que nous sommes en droit pénal et qu'en droit pénal on doit indiquer strictement l'obligation à laquelle la personne est tenue. Il n'est pas suffisant de donner des instructions « at large », des instructions générales qui peuvent être interprétées n'importe comment, comme l'a fait le premier ministre tout à l'heure dans son argumentation, puisque tout à l'heure il a dit: « Ils connaissent les moyens à prendre, ils prendront les moyens nécessaires ». Je reviens à une argumentation qui a été faite devant cette Chambre. On est en train de passer une législation à toute vapeur et puis le premier ministre raisonne à toute vapeur. Je m'étonne que le premier ministre, qui a une formation juridique — je comprends ça du ministre du Travail, ça je le comprends facilement — mais de la part du premier ministre, je me demande ce que son séjour dans le Pacifique...

M. BELLEMARE: A l'ordre! A l'ordre! Vous en avez assez dit!

M. CHOQUETTE: Il me semble que le premier ministre, depuis assez longtemps, a quitté la terre de cette province et qu'il est un peu éloigné des principes qui sont généralement acceptés ici.

M. BELLEMARE: Cela, c'est bien fin!

M. CHOQUETTE: Et puis, sans aller sur les « hustings »...

M. LOUBIER: Le bill!

M. BELLEMARE: M. le Président...

M. CHOQUETTE: ... sans aller sur les « hustings », M. le Président, je pense que nous avons quand même le droit et le devoir de voir à ce que la loi soit bien faite, même s'il faut qu'elle soit passée rapidement. Nous avons le droit de préciser quelles sont les obligations qui sont imposées au syndicat afin que leurs membres reviennent au travail. Cette

obligation, elle est essentiellement de révoquer l'ordre de grève et...

DES VOIX: Vote!

M. CHOQUE TTE: Vote, vote! Et quand on va au deuxième alinéa de l'article 17, on s'aperçoit que toute personne qui incite, qui encourage et qui fait quelque chose qui entraîne à la commission de l'infraction précisée à l'article 4, est passible des mêmes sanctions. Alors, M. le Président, je ne peux pas admettre, moi, ce genre de législation-là, et je ne fais pas de politique ici. Je veux simplement que les parties sachent exactement à quoi s'en tenir. Je ne veux pas de législation vague telle que nous le propose le gouvernement et telle que le raisonne le premier ministre.

M. LESAGE: Sur division, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: La motion d'amendement de l'honorable député d'Outremont est rejetée sur division. Article 4, adopté? Adopté. Article 5, adopté? Adopté. Article 6, adopté? Adopté. Article 7? Adopté. Article 8? Adopté. Article 9?

M. BELLE MARE: Une minute!

M. JOHNSON: Un instant, il y a un amendement.

M. BELLE MARE: Une minute, il y a un amendement là.

M. JOHNSON: M. le Président, j'ai fait parvenir au chef de l'Opposition quelques copies d'amendement...

M. LESAGE: M. le Président, est-ce que le premier ministre aurait une copie additionnelle, parce que les copies que j'ai eues m'ont été enlevées. Avec mon consentement tout de même.

UNE VOIX: Le député de Laurier!

M. JOHNSON: Dans l'article 8 actuel, on réfère à un article qui va devenir l'article 10, si l'article 9 est adopté.

Alors, je propose que l'on suspende l'article huit et que l'on étudie l'amendement...

M. LESAGE: Je sais que le député de Chambly a un sous-amendement assez important à proposer.

M. JOHNSON: A l'article neuf? M. LESAGE: A l'article neuf, oui. M. JOHNSON: Très bien.

M. LESAGE: Mais avant qu'il ne le fasse, je crois que peut-être le premier délai, au lieu d'être de quinze jours, pourrait être de trente jours. Je pense qu'il y a tout intérêt à tenter de régler la question par négociation. Ce qui est important, c'est que les gens retournent au travail, ça on vient de le voter. Alors, si nous donnions une première période de trente jours aux négociateurs... Voyez-vous, quand M. Goldenberg a tout réussi, sauf ce petit point que j'ai mentionné, ça lui a pris deux mois pour tout régler, sauf un petit point. On lui avait donné deux mois et demi, ça lui a pris deux mois. Si le premier délai était de trente jours avant de faire rapport au ministre du Travail — on pourra faire rapport avant si on a réussi, mais au plus tard dans trente jours — celui-ci pourrait donner un délai additionnel de quinze jours, ce qui ferait quarante-cinq jours en tout, soit encore un mois de moins que ce qui est fait à l'automne 1966 dans le cas de la grève des chemins de fer. Je pense que ce serait raisonnable.

M. BELLEMARE: Si le chef de l'Opposition me le permet, il va comprendre pourquoi nous l'avons mis à quinze jours...

M. LESAGE: Je suis bien prêt.

M. BELLEMARE: Ce qui reste dans les questions à régler, c'est d'abord trois questions normatives, les périodes de repos, la question du salaire du contrat à forfait et les us et coutumes, le mutatis mutandis pour les autres conventions. C'est ainsi que ça s'appelle, on m'a dit de dire ça, que c'était bon. Mutatis mutandis.

M. LESAGE: C'est-à-dire de transposer les ententes survenues dans une convention dans les autres conventions...

M. BELLEMARE: Non, non, c'est parce que le mutatis mutandis...

M. LESAGE: Bien, c'est votre mutatis mutandis.

M. BELLEMARE: C'est qu'il y a des garanties, par exemple, pour les délais des griefs,

ces choses-là, qui vont s'appliquer aussi aux autres conventions qui ne sont régies par aucune accréditation chez nous. Le chef de l'Opposition va comprendre. Il y a les inspecteurs, il y a les contremaîtres, et cela a besoin d'être couvert pour garantir les vacances, la stabilité de l'emploi, les promotions et le reste.

M. LESAGE: Très bien.

M. BELLEMARE: Alors il reste ces trois questions-là et à négocier un CWS sur une base acceptable au point de vue économique.

M. LESAGE: Un quoi? Ah, c'est votre fameux système.

M. BELLEMARE: Il y a eu dix mois de négociation, on a fait un travail fantastique. Alors je pense que dans quinze jours... On disait tout à l'heure que si on s'asseyait, on réglerait ça dans un soir.

M. LESAGE: Bien, je n'ai pas dit ça.

M. BELLEMARE: Non, mais quelqu'un a dit ça. On réglerait ça dans une soirée, demain matin. Alors là, on dit quinze jours. On est raisonnable, et si la période n'est pas suffisante, le mécanisme est très facile, on demande...

M. LESAGE: Très bien. Je me fie à ce que dit le ministre du Travail. Il est plus au courant que je ne le suis et s'il prend la responsabilité des quinze jours...

M. BELLEMARE: Je pense que c'est suffisant.

M. LESAGE: ... je l'accepte.

M. BELLEMARE: Je pense que c'est suffisant. Merci.

M. LAPORTE: M. le Président, si on me permettait avant de faire la courte intervention que je veux faire, pour éclairer cette Chambre sur la rapidité des travaux, le consensus des membres de l'Opposition serait que nous avons une intervention à faire, que je vais faire aussi brève que possible, sur l'article 10; ensuite, nous ferions une intervention sur les articles 21 et 22 et les autres articles pourraient être adoptés sans discussion. Cela peut éclairer la Chambre sur la durée de la discussion en comité. Il n'y a que deux débats à faire, l'un que je vais faire tout de suite, et l'autre sur les articles 21 et 22.

M. BELLEMARE: Est-ce qu'on pourrait demander au leader de l'Opposition s'il prétend que ces interventions dépasseront une heure?

M. LAPORTE: Quand la mienne aura fait six minutes, ce sera le maximum.

M. BELLEMARE: Ce n'est pas pour moi, c'est parce que ceux qui doivent siéger dans la Chambre haute ont peut-être un âge différent du nôtre. Et nous avons demandé...

DES VOIX: Elle est bonne!

M. LIZOTTE: Ils se lèveront de bonne heure, mutatis, mutandis.

M. LAPORTE: Il paraît que le sommeil vient plus tard à cet âge-là, des fois.

M. LESAGE: Même s'ils désirent aller se coucher, si nous terminons ce soir, nous, ils pourront faire ça bien de bonne heure le matin, eux. C'est-à-dire que si on attend à dix heures et demie demain matin pour finir notre ouvrage, nous, on pourraît être prêt à quelle heure?

M. BELLEMARE: Non, non. C'est très bien.

M. LE PRESIDENT (Lebel): Est-ce que la motion d'amendement à l'article 9 est adoptée?

M. LESAGE: Il y a un sous-amendement.

M. LAPORTE: M. le Président, nous acceptons, évidemment, l'amendement qui est proposé par le gouvernement, mais nous nous demandons si cet amendement contenu à l'article 9, que nous acceptons, ne devrait pas être assorti d'une autre chose, qui répondrait à ce qu'a dit le premier ministre ce soir, à ce qu'a dit le député de Laurier et à une préoccupation qui a été présente ce matin à notre caucus de façon très active.

Il arrive que beaucoup de gens se demandent à Montréal et dans toute la province de Québec quel est véritablement l'état de la situation entre, d'une part, le syndicat et d'autre part, la CTM. Des chiffres ont été lancés; l'on a dit de part et d'autre: Nous ne pouvons plus avancer ou nous ne pouvons plus reculer. Est-ce que c'est vrai que la CTM va faire des revenus X qui ont été mentionnés dans les journaux? Est-ce que c'est vrai que si l'on fait le total des bénéfices marginaux qui s'ajoutent aux salaires payés aux chauffeurs d'autobus, c'est comparable à ce qui se paye à Toronto ou à Vancouver? Est-ce que c'est vrai que les pré-

posés aux balais mécaniques sont payés plus cher alors qu'il arrive que la partie patronale prétend que le travail de celui qui est préposé au balai mécanique est infiniment plus dangereux pour sa santé et plus difficile? Est-ce que nous ne devrions pas donner l'occasion aux parties et au public de se renseigner.

Nous représentons, nous les élus, le public. Nous devrions avoir l'occasion de savoir, nous, et le public par notre intermédiaire, quel est véritablement le contenu du dossier du syndicat et de la partie patronale. Si la négociation qui s'étendra sur deux périodes de 15 jours ne donne pas les résultats que nous espérons ou, pour employer la phrase de l'article 10 de l'amendement que l'on nous suggère: « Si l'intervention du conciliateur est infructueuse », nous suggérerions que le comité des relations industrielles de l'Assemblée législative soit convoqué et qu'il entende les deux parties. Que chacun vienne devant le comité faire sa preuve. Le comité n'aurait pas à se prononcer sur le bien-fondé ou sur l'incapacité d'accepter un argument ou un chiffre, mais le public et les députés seraient renseignés de première main sur l'état de la question. Une fois les séances du comité terminées, le comité ferait rapport au lieutenant-gouverneur en conseil, qui nommerait l'arbitre, comme il est prévu à l'article 10 de l'amendement que l'on nous propose. Il serait entendu dans la loi que le lieutenant-gouverneur en conseil remettrait à l'arbitre le compte rendu, le rapport du comité des relations industrielles.

Alors, M. le Président, je proposerais que l'article 9 reste tel quel. On ajouterait le nouvel article 10 — et j'en ai des copies que je pourrais envoyer au premier ministre et au ministre du Travail — pourrait se lire comme suit: « Si l'intervention du conciliateur est infructueuse, il fait rapport au ministre du Travail. Dans les 48 heures de la réception de ce rapport, le comité des relations industrielles de l'Assemblée législative se réunit pour entendre les parties mentionnées à l'article 9 ». Cela, ce serait un nouvel article 10 et l'article 10 de l'amendement que nous propose le gouvernement deviendrait 11 et commencerait comme suit: « Le rapport du comité est remis au lieutenant-gouverneur en conseil » et on enchaîne avec l'article du gouvernement: « Et le différend qui oppose la Commission de transport », jusqu'à la fin de l'article 10 et l'on ajouterait un dernier paragraphe: « Le rapport du comité des relations industrielles est remis à l'arbitre ».

Je pense, M. le Président, que ce pourrait être une initiative fructueuse dans les relations patronales-ouvrières et respecterait le droit, presque le devoir, qu'ont les représentants des citoyens de se renseigner de première main. Nous ne dérangerions en rien le transport en commun à Montréal, puisque, de toute façon, les employés seront retournés au travail, que les autobus et le métro circuleront normalement, et nous aurions, nous, l'occasion de nous renseigner. Alors, je suggère vivement au gouvernement d'accepter cette suggestion qui serait dans notre procédure parlementaire une initiative nouvelle qui ne peut en aucune façon causer de préjudice aux parties, qui pourrait au contraire les satisfaire puisqu'elles auraient l'occasion de dire exactement quel est l'état de leur dossier, qui pourrait satisfaire l'opinion publique qui se pose des questions et qui pourrait être pour l'avenir de nos relations industrielles quelque chose qui pourrait un jour être incorporé de façon définitive dans nos lois ouvrières.

M. BELLEMARE: M. le Président, tout le débat et une partie, je pense, de la responsabilité de la grève qui dure repose sur un facteur bien précis, sur une comparaison que nous avons vue, que nous avons faite, sur un salaire gagné dans une autre juridiction. Il existe dans la cité de Montréal depuis le 3 mars 1967 une convention collective qu'a signée la ville de Montréal avec ses employés manuels. Cette convention collective qui a été signée le 3 mars 1967 avec le syndicat des employés manuels, a établi un cadre nouveau et a fait une expérience heureuse en établissant un CWS et ce CWS qui est aujourd'hui en vigueur a donné des résultats très satisfaisants et je crois que c'est là aussi, le CWS qui existe à la ville de Montréal. On a voulu un moment donné, je l'ai dit cet après-midi, l'appliquer en partie sur un article bien spécifique, les balayeurs et c'est là qu'est intervenu M. Pépin et que nous avons fait une nouvelle proposition qui était à l'effet de créer, de bâtir par des experts un CWS fait pour la CTM de Montréal appliqué avec les normes et surtout avec les caractéristiques bien spécifiques et les critères voulus pour la CTM de Montréal. M. Pépin acceptait cette formule du CWS et il demandait cependant que le CWS qui devait être instauré puisse maintenant connaître une part sur laquelle serait établi le CWS et aussi son «increment», c'est-à-dire combien il obtiendrait aux six, sept ou huit cents par boîte dans chacun des échelons. Le président du conseil exécutif à qui nous avons soumis cette dernière proposition a dit: Pour aucune considération je n'accepterai le CWS de la ville de Montréal des employés manuels, ni comme base, ni comme parallèle. Je dois demander si on doit établir un CWS à Montréal pour la CTM, que cela soit fait au point de vue

scientifique, qui établiront les bases, les échelons, les « increments » les objectifs hiérarchiques, comme on dit. Et ça, les coefficients hiérarchiques...

M. LESAGE: Ce qui empêche le...

M. BELLEMARE: ... et ce qui est arrivé, c'est que M. Pépin a dit non, je veux avoir une base qui le fixait à peu près à $2.60.

Il avait obtenu $2.58 par le rapport du juge Chevalier et la ville de Montréal, elle, dans son CWS, a ici $2.62.

M. LESAGE: Nous autres, les députés, qu'est-ce que c'est notre CWS?

M. BELLEMARE: M. le Président, pour ne pas me laisser distraire parce que c'est assez difficile pour suivre... Ce qui est arrivé, c'est que le président du conseil exécutif de Montréal qui n'acceptait pas de négocier, de discuter du prix de base, a finalement accepté la négociation sur le prix de base et sur « l'increment » On a encore refusé ça. Mais là il s'agit, je pense, de se mettre à la table et il reste, je crois, une distance qui n'est pas considérable entre les deux versions, et dès qu'on va accepter d'implanter pour la CTM un CWS, je pense qu'on va régler le gros problème. Parce que cette technique-là prendra des semaines et des mois à être ajustée, mais dès qu'on l'appliquera, elle sera rétroactive à la date du 12 juillet. C'est important, ça. On accepte un CWS pour la ville de Montréal et le président de l'exécutif a accepté de le négocier, et la base et « l'increment », c'est déjà un gros avantage. Il restera de les amener à la table pour qu'ils s'entendent maintenant, qu'ils l'installent et qu'ils confient à une maison, à un organisme, à des ingénieurs en évaluation des tâches la responsabilité d'en bâtir un. Et c'est, je pense, une des grandes raisons pour laquelle je ne vois pas la nécessité, après 10 mois de négociation, après 326 heures de conciliation,cinq jours de médiation... Je dis que la convocation d'un comité porterait préjudice à l'arbitre et exercerait sur lui une influence indue parce que je suis persuadé que le conciliateur qui va être nommé va pouvoir faire comparaître toutes les personnes nécessaires, connue le veut notre code et tâcher d'obtenir tous les renseignements qui seront utiles pour le public en général. C'est possible ça, M. le Président. Pardon?

M. LAPORTE: Il va siéger à huis clos, votre arbitre?

M. LESAGE: Non.

M. BELLEMARE: Bien non, il siège publiquement avec les parties, voyons donc! Le conciliateur va siéger avec les parties et publiquement. Et c'est pour ça qu'à l'étape des négociations...

M. BLANK: Depuis quand?

M. BELLEMARE: Je dis donc, M. le Président, que les dossiers sont connus déjà des parties. On connaît les positions des parties, on les connaît, et on sait jusqu'à quelle limite on peut se rendre. Et si le conciliateur peut, dès l'arrivée à la table, régler la grosse question de l'évaluation des tâches par un nouveau système de CWS, je pense que 99% des clauses seront réglées. Alors, je demanderais à l'honorable député de faire confiance au conciliateur et dans 30 jours — on dit 15 jours mais il y aura une possibilité d'une autre période de 15 jours, je ne pense pas qu'on pourra avoir...

M. LAPORTE: Il y a eu, M. le Président, 87 séances de négociation , enfin tout ce qu'a dit le ministre du Travail. Il est bien évident que, plus il en ajoute, plus cela établit combien il a été difficile et combien il sera probablement encore difficile de joindre les deux bouts même si la distance qui les sépare est toute petite.

C'est une distance petite par la taille, mais énorme par les difficultés qui se présentent.

M. BELLEMARE: Aggravées par la grève.

M. LAPORTE: Alors on adopte actuellement une loi d'exception. Tout le monde, sauf deux exceptions, en a accepté le principe. Nous voudrions que, dans cette loi-là, les syndicats ne se sentent pas indûment lésés dans leurs droits.

M. BELLEMARE: Non.

M. LAPORTE: Nous ne voudrions pas utiliser plus de force que c'est nécessaire. Les syndicats ont la crainte que, devant une médiation qui va durer quinze ou trente jours, avec la perspective fatale de l'arbitrage obligatoire à la fin des trente jours, la négociation ne se déroule pas aussi rapidement et aussi facilement que l'espère, à bon droit, le ministre, et que le patron aura plutôt les yeux sur l'arbitrage que sur la négociation. Entre les deux, nous donnerions aux syndicats cette garantie d'avoir un accès immédiat direct, avec l'opinion publique. Or, je ne vois pas que ces trois

jours ou ces deux jours de séances additionnelles, depuis le 3 mars, dit-on, après des mois et des mois de négociations, après une grève, après trente jours de médiations additionnelles, que trois jours d'un bain d'opinion publique viennent s'ajouter, je ne pense pas que cela retarde indûment la solution. Cela pourrait au contraire, je pense, contribuer à rapprocher les deux parties, ne serait-ce que pour éviter cette confrontation publique?

M. BELLEMARE: Si l'honorable député veut comprendre la situation telle qu'il nous l'explique, elle est difficile dans le moment, et les derniers efforts que nous avons faits pour empêcher cette loi m'ont prouvé que c'est extrêmement difficile.

M. LAPORTE: On s'entend là-dessus.

M. BELLEMARE: D'accord. Mais je pense que le climat du retour au travail, de la période qui est fixée pour commencer la conciliation va ramener à la table ceux qui doivent y être. Le conciliateur, possédant toutes les attributions qui lui sont données par sa fonction, va exiger certainement la production de tous les documents, va exiger surtout que les parties soient bien respectées dans chacun de leurs droits. Je pense que nous avons donné une garantie majeure, et c'est l'honorable premier ministre qui l'a donnée, que les négociations, comme l'arbitrage, seraient suivies de très près pour que justice soit rendue aux parties également. C'est ça que nous voulons.

M. LEFEBVRE: M. le Président, j'aimerais dire simplement un mot. Je ne veux pas faire un discours, mais je crois que la suggestion faite par le député de Chambly dans un excellent esprit, à mon avis, devrait être retenue par le gouvernement, et j'aimerais ajouter une raison additionnelle.

Tout d'abord le député de Chambly a eu raison, et je pense que le ministre, qui a été mêlé de près à ce conflit, devrait être sensible à l'idée que ce pourrait être une façon de réduire la frustration qui va nécessairement découler d'une loi qui force le retour au travail. Je pense que le ministre comprend ça, c'est inévitable. Alors là, on a ajouté l'idée de négociations, je crois que c'est bien. Si maintenant on ajoutait cette nouvelle soupape, moi, j'y verrais deux avantages. D'abord la possibilité de « dépersonnaliser » les conflits. Quand des gens qui ne s'entendent pas bien entre eux discutent seulement entre eux, vous dites que c'est difficile et vous avez raison. Si vous les placez dans un contexte comme celui du comité parlementaire, je crois que là vous donnez une chance que le débat se fasse de façon plus ouverte.

Je veux terminer par ce dernier argument que je soumets en toute bonne foi au premier ministre et au ministre du Travail. On a tous ce soir des deux côtés de la Chambre fait allusion aux difficultés considérables qui étaient à prévoir. Le premier ministre a parlé d'ajustements sociaux, etc. Il va y avoir des amendements aux lois. C'est compliqué, ces affaires-là. Or, la toute petite expérience que le député de Chambly suggère serait ajoutée dans le mécanisme de règlement de ce conflit-là, serait justement l'occasion pour un bon nombre de membres de la Chambre de se familiariser avec les rouages de ces problèmes de négociation collective et, je pense, aiderait les membres de la législature à mieux comprendre les mécanismes que tout le monde souhaite voir mettre en place pour aider les conflits. Alors je pense qu'il y a plusieurs raisons qui militeraient en faveur de la proposition du député de Chambly.

M. JOHNSON: M. le Président, très brièvement, disons que la suggestion est intéressante et sera retenue quand nous étudierons les mécanismes nouveaux, c'en est une suggestion intéressante. Mais dans le conflit actuel le ministre qui connaît bien toutes les circonstances prétend que ça n'aidera pas mais il semble qu'on a oublié aussi que la négociation est encore possible même après la nomination de l'arbitre; mais le climat sera-t-il meilleur quand on sera venu ici se chicaner publiquement parce qu'on ne s'est pas encore entendu? Alors il y a espoir jusqu'à la veille du dépôt de la sentence de l'arbitre et c'est cette porte que nous n'avons pas voulu fermer. On a ajouté sécurité dans le sens de celle qu'avait formulée publiquement le chef de l'Opposition, celle de forcer au moins la négociation avec des sanctions. Alors c'est à retenir mais pour le présent conflit je ne crois pas que ce soit une façon d'en avancer le règlement, au contraire.

M. LE PRESIDENT: Alors est-ce que la motion de sous-amendement proposée par l'honorable député de Chambly sera rejetée sur division?

M. LESAGE: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que l'amendement est adopté?

M. JOHNSON: Adopté, oui.

M. LESAGE: Adopté.

M. BELLE MARE: Il faudrait changer...

M. LESAGE: Est-ce que c'est le conciliateur ou le médiateur?

M. BELLE MARE: C'est le conciliateur selon le code du travail.

M. LESAGE: Très bien.

M. BELLE MARE: Il faudrait changer, dans l'article 8, le premier paragraphe 9 pour 10.

M. LAPORTE: Il faut numéroter autrement.

M. BELLEMARE: Bien, c'est-à-dire vous allez voir là...

M. JOHNSON: On va lire l'article 8 avec une modification qui consiste à remplacer la troisième ligne de la fin, au chiffre 9 par le chiffre 10.

M. BELLEMARE: Vous voyez après ça...

M. LE PRESIDENT: Article 8 tel qu'amendé adopté?

M. LAPORTE: Alors, M. le Président... M. LE PRESIDENT: Article 9, adopté?

M. LAPORTE: ... en renumérotant, en faisant toutes les procédures nécessaires nous n'avons pas d'objection à adopter les articles 11 à 20 du bill actuel.

M. LE PRESIDENT: Alors l'article 10 devenu 11.

M. JOHNSON: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Article 12 devenu 13; article 13 devenu 14; article 14 devenu 15; article 15 devenu 16; article 16 devenu 17; article 17 devenu 18...

M. BELLEMARE: Je voudrais bien faire ramarquer qu'à l'article 18 aussi il y a des pénalités qui sont fortes et contre la CTM.

M. LESAGE: Nous avons très bien compris tout ça.

M. LE PRESIDENT: Article 18 devenu 19...

M. JOHNSON: Où êtes-vous là, M. le Président?

M. LE PRESIDENT: Article 19 devenu 20.

M. JOHNSON: Article 19 devenu 20. Je voudrais vous dire, M. le Président, que dans l'article 18 devenu 19 il y a une modification à faire.

M. LESAGE: Lorsque le député de Chambly a dit adopté jusqu'à 20 il voulait dire jusqu'à 20 inclusivement tel que numéroté dans le bill.

M. JOHNSON: Il faut lire article 18 au lieu de l'article 19.

M. BELLEMARE: Oui, mais il est dans le texte.

M. LESAGE: Oui mais l'article 20 est devenu l'article 21.

M. BELLEMARE: Non, mais dans le texte de 19, il faut changer le 17 pour le 18.

M. JOHNSON: Et ensuite le deuxième alinéa du même article 18 devenu 19, il faut encore mentionner 18 comme article au lieu de 17.

M. LESAGE : C'est ça.

M. JOHNSON: Deuxième alinéa, deuxième ligne.

M. LESAGE: Cela va.

M. LE PRESIDENT: Article 19 devenu 20, adopté?

M. JOHNSON: Article 19 devenu 20, il y a un changement à faire, deuxième ligne, au lieu de 15 à 18, c'est 16 à 19, toujours à cause de la concordance des numéros.

M. LESAGE: C'est ça.

M. LE PRESIDENT: Article 20.

M. JOHNSON: A l'article 21, nous avons un amendement.

M. LESAGE: Oui.

M. JOHNSON: Après 19 qui est devenu 20, nous avons un amendement.

M. LESAGE: Cela va. Adopté.

M. JOHNSON: Vous avez l'amendement, M. le Président?

M. LE SAGE: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Alors, article 20 devenu 21, adopté?

M. LESAGE: Non, non, c'est l'article 20, c'est un nouvel article, M. le Président, 21, qui est sur le document dont le premier ministre a fait distribuer des copies.

M. JOHNSON: C'est un nouvel article qui vient après le 19 original devenu 20.

M. LESAGE: C'est ça.

M. JOHNSON: M. le Président, vous avez le texte de ce nouvel article 21.

M. LE PRESIDENT: Alors, le nouvel article 21 adopté.

M. JOHNSON: Et l'article originairement numéroté 20 devient 22.

M. LESAGE: Article 22.

M. JOHNSON: Et à la deuxième ligne, au lieu de 15 à 18, il faut dire 16 à 19.

M. LESAGE: C'est ça.

M. JOHNSON: 16 à 19 et à l'article 21.

M. LESAGE: Et à l'article 21. « Seront imposées sur poursuites sommaires. »

M. LE PRESIDENT: Alors, 21 devient 23. M. JOHNSON: D'accord, 22 devient 24.

M. LE PRESIDENT: Article 22 devient 24. Article 23 devient 25.

M. JOHNSON: Sauf, pardon, M. le Président, qu'à la troisième ligne, au lieu du chiffre 21, il faut corriger et indiquer 23.

M.LAPORTE: C'est ça.

M. LE PRESIDENT: Bon. Article 23 devient 25.

M. LESAGE : Non, non, un instant. Je pense que nous pouvons étudier en même temps les nouveaux 23, 24 et 25, originalement 21, 22 et 23.

M. JOHNSON: D'accord.

M. FOURNIER: M. le Président, relativement aux articles 23, 24 et 25, le chef de l'Opposition a formulé dans son discours certaines objections de principe à l'adoption de sanctions additionnelles à celles déjà imposées par les articles précédents. Dans les articles précédents, nous constatons qu'il y a des sanctions qui seront imposées par les tribunaux. Dans le cas présent, il s'agit d'une sanction qui sera imposée d'autorité par l'Etat et non pas par les tribunaux. Elle pourrait être imposée par la Commission des relations ouvrières, mais cependant le gouvernement a décidé qu'il imposerait ses vues à la Commission des relations ouvrières. L'article dit bien que sur demande du procureur général... S'il le veut; il n'est pas obligé de le faire.

Même si 70% des personnes ne retournent pas au travail, le procureur général n'est pas obligé d'imposer cette sanction. C'est une arme qui est mise totalement dans les mains de l'Etat, et la Commission des relations ouvrières doit la sanctionner. Ce principe-là est contraire aux sanctions qui existent dans d'autres lois, et même dans le code du travail. Dans les autres cas, il y a toujours enquête devant un tribunal et il ne s'agit pas d'autorité, de la décision d'une personne, ce qui existe dans l'article présent. La procédure, j'en parlerai en même temps que je parlerai du fond et du principe de cet article, l'article n'a qu'un but: faire disparaître l'accréditation d'un syndicat. Faire disparaître une personne morale, ni plus ni moins, décréter sa fin.

M. LESAGE: Une personne juridique absolument.

M. FOURNIER: J'ai examiné et j'ai pensé, dans différentes lois, s'il existe de telles sanctions s'appliquant à des corps pratiquement semblables, des compagnies par exemple. Je ne retrouve pas dans des lois semblables, des lois comme la loi des enquêtes sur les coalitions, il y a des amendes qui sont imposées, mais il n'y a pas la disparition de la compagnie. On n'empêche pas la compagnie d'opérer parce qu'elle a commis des coalitions, qu'elle a commis des vols ni plus ni moins, je ne retrouve pas cette sanction-là dans cette loi-là.

Je ne retrouve pas non plus de sanctions semblables basées sur des faits semblables. Je retrouve certaines choses. Je retrouve, dans le code de procédures civiles, la disparition ou l'enlèvement des lettres patentes, mais pour des cas bien différents, pour des cas où une compagnie n'observe pas du tout sa charte,

comme par exemple une compagnie, partie 3 pour but de charité, qui opérerait des commerces en contradiction avec sa charte. Il y a l'autre article qui parle des lettres patentes obtenues par vol ou fraude, mais je ne retrouve pas de principe semblable à celui qui est imposé.

Ce qui me frappe le plus, c'est que nous venons d'adopter, lors de la dernière session, une loi relativement aux institutions financières, bill 80, où l'on donne au ministre qui sera nommé des pouvoirs considérables pour faire enquête, pour s'emparer de documents, pour questionner les gens, ni plus ni moins pour faire enquête dans le cas où des compagnies agissent frauduleusement ou autrement, et, dans ces cas-là, on n'a pas donné au ministre le pouvoir de révoquer la compagnie elle-même. Il est très difficile de retrouver des dispositions où, en 1967, l'on fasse disparaître des droits inhérents aux personnes. Par exemple, je pense au droit de citoyenneté qui est accordé au nouveau Canadien.

Existe-t-il des dispositions par lesquelles on puisse révoquer leur droit de citoyenneté à ces gens-là qui ont obtenu un privilège quelconque? Il s'agit présentement d'attaquer, en 1967, certains droits qui sont aujourd'hui reconnus et, lorsqu'ils sont accordés, il ne faut pas les révoquer, surtout de la façon dont l'article est rédigé. Il n'y a même pas de procédure, il n'y a même pas d'enquête. Il peut y avoir des erreurs dans l'enquête que le procureur général fera, Il ne convoquera pas les parties. N'est-ce pas là revenir à des temps passés? Est-ce que, aujourd'hui, l'on peut permettre de tels pouvoirs entre les mains de l'Etat? Est-ce que l'on peut revenir au temps où il fallait croire totalement à l'Etat, sans quoi on perdait les droits inhérents aux personnes, que ce soit une personne juridique ou une personne physique? Je crois que cet article, M. le Président, dépasse les cadres de sanction que nous connaissons aujourd'hui. Est-ce que la sanction est proportionnée à l'offense? Il existe bien des offenses bien supérieures ou équivalentes à celles-là. Et s'il était aussi grave de ne pas respecter une injonction, comme c'est le principe de cette loi, pourquoi n'a-t-on pas donné aux tribunaux de tels pouvoirs? Les pouvoirs appartenant aux tribunaux dans le cas d'une injonction ne vont pas si loin que cela. Je crois que nous affectons par cet article un droit fondamental et que ce serait un recul, dans une province qui se veut dans les temps modernes, d'accepter un tel principe. C'est pourquoi je crois que tel qu'il est rédigé, cet article n'ajoute rien à la loi mais que ce serait faire un pas en arrière que d'aller toucher à des droits que nous croyons aujourd'hui être des droits fondamentaux dans notre province.

M. JOHNSON: M. le Président, nous devons dire immédiatement que dans l'une des rédactions c'était formulé autrement. Nous prétendons, mais nous ne discuterons pas longtemps sur le point, que ça s'infère de la rédaction actuelle qu'il doit y avoir une enquête par la CRT. Mais nous sommes prêts tout de suite, si cela peut satisfaire le député, à faire un amendement qui, à la cinquième ligne après « cinq ou six, » au lieu de « Si », dirait « s'il est établi que »...

M. LE SAGE: Ah non!

M. JOHNSON: Alors, ça veut dire que le procureur général devra faire la preuve devant la Commission des relations de travail que tel et tel fait existe.

Pourquoi devant la Commission des relations de travail? C'est parce que c'est un organisme qui est formé de gens habitués à apprécier ce genre de problème, habitués a faire des enquêtes, habitués à apprécier la portée des excuses qu'on pourrait donner pour l'absence. On envoie en somme le problème devant les gens les plus compétents. Il faudra, avec l'article tel qu'il est ou tel que clarifié par ce que je viens de suggérer comme amendement, il faudra d'abord que le procureur général se décide de porter ce problème, de demander la décertification. Deuxièmement, la commission des relations pourra faire enquête, exigera une preuve et je dirai tout de suite au député qu'il fait erreur à mon point de vue strictement sous l'aspect juridique, il ne s'agit pas de tuer un syndicat, il ne s'agit pas de la mort civile, il ne s'agit pas non plus de le détruire comme personne morale, de le dissoudre, il s'agit tout simplement de lui enlever un droit, celui de représenter pendant un temps limité, il pourra revenir, tel groupe d'hommes.

M. LESAGE: On sait bien qu'après un mois...

M. JOHNSON: Le député de Gatineau a dit: Je n'ai pas de précédent. Le député de Gatineau devrait se rappeler que dans la loi contre les combines, ça peut aller jusqu'à la dissolution. Deuxièmement, il devrait se souvenir que sous l'administration libérale, dans l'article 132, dans le code du travail, on a donné le pouvoir de dissoudre complètement un syndicat.

M. LESAGE: Oui, de boutique, je l'ai dit cet

après-midi, ça.

M. JOHNSON: D'accord mais quelle que soit la raison, l'on discute purement de technique, le député a dit: Je ne vois aucun pouvoir semblable nulle part. Alors là, parce que c'est un syndicat de boutique, on se donnerait ce pouvoir-là.

M. LESAGE: Parce que ça ne doit pas exister.

M. JOHNSON: Et je dis qu'un syndicat qui est devant une loi, dont les membres ne retournent pas, où il n'a pas la confiance de ses membres, où il n'a pas fait ce qu'il fallait faire et là, il ne mérite pas de représenter pendant un an — et la punition n'est pas tellement grande — les ouvriers.

M. LESAGE: Je ne puis pas admettre que si... M. JOHNSON: J'ajouterai d'autres choses.

M. LESAGE: Je m'excuse, je pensais que le premier ministre avait terminé.

M. JOHNSON: Et pour répondre toujours sur le plan juridique, au député de Gatineau, la commission des valeurs mobilières enlève quelquefois un permis, ne dissout pas la compagnie et au bout de six mois ou un an, la compagnie est réinstallée. Alors, qu'on ne vienne pas dire que contre les compagnies ça n'existe pas, ce n'est pas exact. Cela fait bien dans le décor, se lever sur un husting, aller à la télévision ou a la radio et dire que contre les gros on ne fait pas ça, ce n'est pas exact. La commission des valeurs mobilières peut faire ça contre les compagnies, l'a fait récemment et le fera encore malheureusement, je souhaiterais bien qu'elle ne soit pas obligée de le faire mais elle le fera encore. Alors, il n'est pas exact de dire qu'on n'enlève pas des permis. Alors, ça se fait à la régie des transports, ça se fait a la régie des services publics, ça se fait contre des corporations municipales, des compagnies d'aqueduc, des compagnies de ci et de ça.

La loi prévoit l'enlèvement du permis et, parfois, la dissolution et, dans le Code du travail, la mort de l'union en question. Là, c'est une peine raide, d'accord. Précédent dans le Québec, mais c'est pour une offense contre le parlement. Quand on compare notre loi avec celle d'Ottawa, on sera peut-être surpris qu'il n'y ait pas de sanction dans la loi d'Ottawa.

M. LESAGE: On sait pourquoi. Cest à cause du code criminel.

M. JOHNSON: Mais ce n'est pas tout le monde qui sait pourquoi. C'est l'article 107, le nouvel article 107 du code pénal.

M. LESAGE: Bien oui.

M. JOHNSON: Qui prévoit une peine de prison jusqu'à deux ans.

M. LESAGE: C'est pour ça que je n'en ai pas parlé.

M. JOHNSON: Autrefois, le code...

M. LAPORTE: Cela veut dire que ça prévoit la dissolution du syndicat.

M. JOHNSON: Non. Autrefois, le code pénal prévoyait — on me corrigera si ma mémoire ne fait défaut — même le cas de désobéissance à des lois provinciales, et c'est dans l'amendement qu'on s'est occupé seulement du fédéral. Alors, comme il n'y a pas de peine spécifique pour des lois, nous avons...

M. LESAGE: Nous avons tout compris ça. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons adopté les articles concernant les pénalités, M. le Président.

M. JOHNSON: Correct.

M. LESAGE: Mais dans ce cas je dis que c'est une pénalité exorbitante qui n'a pas sa raison d'être au 20e siècle. Il est absolument injustifié et injustifiable que, si un syndicat n'est pas capable de ramener 70% des ouvriers au travail à temps, le ministre de la Justice, le gouvernement puisse, en faisant cette preuve, devant la Commission des relations de travail, forcer cette dernière — elle n'aura pas le choix, — forcer cette dernière à révoquer l'accréditation. En vertu de l'article suivant, puisqu'on les discute ensemble, lorsque l'accréditation est révoquée, cette association ne peut plus être accréditée par la Commission des relations de travail dans les douze mois qui suivent cette révoquation. Je dis que c'est une punition absolument injustifiée et qui va beaucoup trop loin.

M. le Président, il y a deux moyens d'avoir des difficultés. C'est d'avoir des lois avec des peines qui sont insuffisantes ou encore des lois qui prévoient des peines qui dépassent la gravité de l'offense. Je dis que nous sommes ici devant un cas où le gouvernement veut imposer des peines qui sont absolument exorbitantes du droit commun et qui dépassent, et de combien!

la gravité d'une offense, qui peut n'être que technique, qui ne pourrait être que technique. Il nous est absolument impossible de voter pour de tels articles. J'ai parlé de mort civile, cet après-midi. Je pense que le premier ministre devrait se rendre compte que le bill va beaucoup trop loin en imposant une telle pénalité qui est la suspension du certificat d'accréditation pour au moins un an, alors qu'il pourrait s'agir seulement de la commission d'une offense technique.

Pour notre part, quant à moi toujours, il m'est absolument impossible de voter pour ces articles qui prévoient une chose aussi exorbitante et absolument inacceptable.

M. JOHNSON: Brièvement, nous n'avons pas voulu laisser à d'autres qu'au procureur général la responsabilité de prendre des procédures.

M. LESAGE: Bien, c'est encore plus gravel

M. JOHNSON: Il y avait des précédents que nous avons examinés de très près, entre autres, le précédent récent: l'administration libérale qui vient d'être réélue d'ailleurs, c'est le lieutenant-gouverneur en conseil qui rescinde le certificat d'accréditation qu'il y a.

M. LESAGE: Oui, mais il est obligé.

M. JOHNSON: Dans la Saskatchewan, c'est le lieutenant-gouverneur en conseil, tandis que là, c'est le procureur général...

M. LESAGE: Bien oui, mais cela ne veut pas dire qu'on n'a pas le droit, que c'est inadmissible!

M. JOHNSON: ... qui va aller devant la Commission des relations de travail...

M. MALTAIS (Saguenay): Il n'y a pas une enquête à faire?

M. JOHNSON: ... qu'il devra établir qu'il n'y avait pas 70%. Le syndicat pourrait être là puis dire: Ecoutez, c'était impossible pour telle et telle raisons, ce n'est pas ainsi que nous calculons 70%. Il y avait des chiffres, il y avait ceci et cela, il y avait des corps de métiers différents, il y avait des heures brisées. Toutes des questions que la Commission des relations ouvrières est plus en mesure de juger que le cabinet des ministres. Alors, quant à nous, nous ne voyons pas de difficulté; il y a beaucoup de précédents. La décision, c'était d'aller jusque-là; c'est un précédent dans Québec, mais quand les injonctions d'un tribunal ne suffisent pas et permettent ce que nous avons vu à Montréal et que tout le monde déplore dans cette Chambre...

M. LESAGE: C'est votre faute.

M. JOHNSON: ... eh bien! Il faut prendre d'autres moyens et c'en est un que nous allons essayer.

M. LESAGE: C'est vous qui viciez la réputation de l'injonction depuis les élections.

M. JOHNSON: C'est nous qui prenons la responsabilité de dire: Soyez sérieux, ayez la confiance de vos membres, autrement vous n'êtes pas qualifiés pour les représenter. C'est ce que nous demandons. Et tant que nous n'aurons pas, en relations industrielles, deux parties responsables, nous aurons toujours des problèmes. Voilà la clé!

M. BELLEMARE: C'est cela!

M. LESAGE: J'espère que le premier ministre ne s'imagine pas qu'il y a un seul champ d'action où il n'y a pas de problèmes.

M. JOHNSON: Quand un employeur dit: Je vais f engager pour un an et te payer à tel salaire, il est collé, il doit payer pendant un an. Il doit payer le salaire, mais quand une union fait un contrat, certains officiers — je ne dis pas que c'est le cas actuellement. Nous en avons connu des cas, j'en ai connu dans ma pratique — disent: J'ai fait mon possible, mais, par en arrière, il y avait des gens qui avec la collusion des officiers faisaient leur possible pour que ce soit le contraire qui arrive. Alors, il faut de la responsabilité pour changer les officiers, en mettre qui sont responsables. Nous aurons de la paix industrielle quand il y aura deux parties responsables qui s'envisageront l'un et l'autre, qui assumeront des responsabilités et qui auront des sanctions présentes comme celle que nous faisons et contre la CTM et contre les unions.

M. LESAGE: Il y a le sens de la responsabilité, très bien, mais il y a aussi le sens de la liberté et de la démocratie. C'est entendu que le respect de la démocratie et de la liberté des individus et des personnes morales ou physiques entrafne des problèmes, comme a dit le premier ministre, mais d'avoir à régler des problèmes, eh bien, ce n'est pas payer très cher pour la démocratie et pour la liberté. Que le premier ministre ne s'imagine pas qu'il va pou-

voir à un moment donné, trouver un seul secteur de l'activité humaine où il n'y aura pas pour lui et chacun d'entre nous des problèmes. Il y en aura toujours. Mais je dis que, si d'un côté on doit s'assurer de la responsabilité des personnes, ce qui doit primer d'abord, c'est la liberté des personnes physiques et morales, c'est le respect des principes de la démocratie, c'est de ne pas imposer des lois exorbitantes du droit commun, de ne pas aller tellement loin que l'on entraîne le manque de respect pour l'autorité et de la loi et de ceux qui l'appliquent,

M. LAPORTE: M. le Président, il est bien évident que nous sommes arrivés aux trois articles qui, dans tout le bill, nous paraissent les plus totalement inacceptables. Nous sommes en présence encore une fois d'un problème qu'il faut, de toute urgence, régler parce que ses conséquences sont de plus en plus graves. Nous sommes d'accord pour accélérer, nous en avons donné la preuve cet après-midi en limitant nos interventions en deuxième lecture, à deux orateurs seulement, mais nous ne pouvons pas accepter, encore une fois, qu'à l'occasion de la présentation d'un projet de loi pour régler un problème d'urgence, on viole certains principes quand ce n'est pas nécessaire.

Je me souviens toujours de cette théorie en droit, qui veut que lorsque vous êtes attaqué, vous n'avez le droit d'utiliser que suffisamment de force pour repousser l'attaque qui est dirigée contre vous. Faisant de là une analogie, je dis que c'était le devoir du gouvernement d'utiliser toute la force nécessaire pour régler la situation d'urgence qui existe actuellement à Montréal, mais pas plus. Nous disons qu'en mettant ces prescriptions dans la loi, le gouvernement va trop loin, mais va surtout plus loin que cela n'est nécessaire et cela devient inacceptable dans un projet de loi comme celui-là.

Le premier ministre a dit tout à l'heure: « Les problèmes pourront se régler lorsque nous aurons devant nous deux parties responsables ». Je réponds oui, je pars de là et je dis: lorsque nous aurons deux parties responsables, traitées de la même façon.

Prenons le projet de loi. Vous avez une équation très exacte entre les deux parties. La CSN, le syndicat est obligé de rentrer au travail dans les quarante-huit heures, l'employeur est obligé de prendre les moyens nécessaires pour remettre son service en fonction sans discrimination pour personne.

Le syndicat et ses officiers sont exposés à des peines très sévères de $5,000 à $50,000 par jour s'ils ne respectent pas la loi; l'em- ployeur s'expose à des peines de $5,000 à $50,000 par jour s'il ne respecte pas la loi. Et subitement cette équation, qui a été respectée dans tout le projet de loi, cesse. Qu'est-ce qui arrive si au lieu que ce soit le syndicat qui refuse d'optempérer à la loi, c'est l'employeur? L'employeur est limité à son amende très lourde, et il n'y a pas d'autre sanction. Qu'est-ce qu'il arrive si c'est le syndicat qui commet la même erreur? Lui, il a deux sanctions: il a la sanction de l'amende et la sanction de la perte de son accréditation.

Je dis que le moins que l'on pourrait demander au gouvernement, et je sais que c'est impossible, c'est impossible, ce serait de mettre dans la loi que si c'est l'employeur qui viole la loi, tous les commissaires perdront leur emploi et ne pourront plus jamais être nommés à cette fonction-là.

M. JOHNSON: Je n'ai pas d'objection.

M. LAPORTE: Il est bien clair que je ne le propose pas, mais c'est pour établir qu'il y a entre l'employeur d'une part et le syndicat d'autre part, qui commettraient tous les deux la même offense, le même crime envers le parlement dont parlait tout à l'heure le premier ministre et la sanction ne serait pas la même dans les deux cas.

M. le Président, quel serait l'effet de l'application des articles 23, 24 et 25? Le syndicat disparaît à toutes fins pratiques. S'il arrive que ce sont les chefs syndicaux — et évidemment je ne réfère à personne, je fais un cas théorique — s'il arrive que ce sont les chefs syndicaux qui, contre la volonté de la majorité des membres ont réussi, par toutes sortes de moyens, à les influencer pour ne pas rentrer au travail, qu'est-ce qui arrive à ce moment-là? Non seulement ces syndiqués sont exposés à des peines sévères, mais ils vont également perdre, en face de l'employeur, ce qui aura été pendant des années leur protection, leur moyen de progresser dans la société, et ils se retrouveront avec un syndicat brisé, un syndicat qui, à toutes fins pratiques, devra être réorganisé. On sait quelle dépression morale cela cause chez des syndiqués, ils auront pendant des années à traîner ça, ils auront en même temps perdu sur tous les fronts.

Je dis, M. le Président, tout ceci ayant été exposé, que nos lois ouvrières ont fait certains progrès dans la province de Québec depuis quelques années. Je me souviens du ministre actuel du Travail, lorsqu'il était dans

l'Opposition, a travaillé en collaboration avec le gouvernement sur bien des plans pour faire disparaître dans nos lois certaines choses qui étaient discriminatoires. Lorsqu'un syndicat commet une infraction à la loi il doit être puni dans ses effectifs, il doit être puni dans son argent, mais pas dans sa vie. C'est terminé ces choses-là.

Le syndicalisme doit continuer à vivre dans la province de Québec, il doit se soumettre aux lois. Je termine, M. le Président. Nous vivons actuellement sous une tension considérable. Le gouvernement a été, depuis un mois, sous une tension considérable, c'est évident. Peut-être que ceci l'a amené à mettre dans la loi une chose qui n'est pas utile.

Prenons pour acquis, comme tout le monde le prend, que le syndicat rentre au travail dans les 48 heures, que tout... Bon, très bien, je vais partir de cet argument-là.

Je ne l'ai pas dit pour que le gouvernement prétende qu'il n'y a pas de problème, je veux simplement dire à ce moment-là que le gouvernement de l'Union Nationale va regretter pendant des années d'avoir mis une chose comme ça dans un texte de loi.

M. BELLEMARE: Non, non.

M. LAPORTE: D'autant plus que cela aurait été inutile et cela va stigmatiser inutilement le gouvernement...

M. BELLEMARE: Non, non.

M. LAPORTE: ... ce n'est pas pour lui faire du tort, c'est pour lui rendre service.

M. BELLEMARE: Ah non, non.

M. LAPORTE: Il va être accusé exactement de choses auxquelles je ne me suis jamais référé depuis que je suis député dans cette Chambre. Il va être exactement accusé de retourner à des années en arrière, alors qu'au lieu de combattre des erreurs, on s'en prenait au syndicat, on l'étouffait et après ça on se vantait d'avoir remporté de magnifiques victoires.

M. le Président, c'est de ça que le premier ministre va être accusé. C'est de ça que le ministre du Travail va être accusé sans que cela ne donne absolument rien d'avoir mis dans un texte semblable des principes qui sont dépassés, des principes qui à mon avis sont antidémocratiques et des principes qui donnent à l'employeur sur le syndicat un avantage indu.

M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, je ne veux pas allonger la discussion là-dessus mais vu que cela se relie très directement à des attitudes qu'on n'a pas eu l'occasion d'expliquer, je voudrais répéter essentiellement ce qu'on avait à dire sur ces articles qui concernent dans leur ensemble l'existence même du syndicat. Je crois qu'on pourrait demander de nouveau, en évitant de répéter ce que le député de Chambly vient de dire au point de vue du caractère exorbitant qui est évident — si on compare avec l'autre partie, cela ne sert à rien de le répéter c'est exorbitant à mon humble avis, cela crève les yeux. Mais en ajoutant aussi que c'est inutile, ce qui crève les yeux également à mon humble avis, si on regarde la réalité en pratique et qu'en principe il est très mauvais, cet article-là, et que le gouvernement n'a vraiment rien à gagner, Il a déjà cédé sur certains détails, il n'a vraiment rien à gagner et peut-être beaucoup à perdre et nous tous, peut-être au point de vue du climat dans le syndicalisme, on a beaucoup à perdre aussi. Supposons que le gouvernement se sente vraiment justifié dans son bon droit, mais que cela crée quand même — et je crois que cela on peut l'évoquer comme une très grave probabilité — cela crée quand même un climat dans lequel il va y avoir une hostilité de plus en plus précise et qui risque de s'approfondir rapidement entre l'ensemble du mouvement syndical québécois et des hommes qui sont quand même le gouvernement du jour. S'il est inutile — et en le regardant bien en pratique, il est inutile — si en principe il est au moins terriblement douteux et si en plus il est exorbitant, ce qui je crois saute aux yeux, qu'est-ce que le gouvernement a à gagner, sauf — c'est peut-être dans ce coin ici que je vois mieux ça maintenant — sauf encore une fois ce damné problème de ne pas reculer, même quand on s'aperçoit que peut-être on y regagnerait à reculer avec si peu que ce soit. Le premier ministre tout à l'heure, je me permets de le lui rappeler, a un peu passé à côté de ce qui était mon argument à ce moment-là à propos des démissions. Je crois qu'il y a peut-être eu inadvertance, je ne sais pas, parce que j'ai cru comprendre, le premier ministre répondait là-dessus, à propos de ces articles-là, en disant: Oui, oui on connaît ça les mouvements de démissions massives, etc. Ce n'est pas de ça que je parlais à ce moment-là du tout. Je parlais, bien enfin, c'est ce que j'ai cru comprendre parce que je sais aussi bien que n'importe qui vivant à Montréal et qui n'est pas venu au monde hier matin et qui a déjà connu le syndicalisme, que dans le climat avec des directives, dans le climat de ces dernières semaines et des démissions plus ou moins massives qui ont pu s'ac-

cumuler, étaient en grande partie des démissions du moment, ce qui ne veut pas dire qu'après un mois et dans le climat que crée ce bill-là, en pratique s'il y avait des démissions — on ne sait pas le nombre — le premier ministre ne peut pas me le dire plus que moi.

Il a beau dire très fort comme tout à l'heure là en comité: On sait très bien que si le syndicat veut, etc.. C'est une drôle de conception qui révèle quelque chose qu'il ne faudrait pas trop, trop, enfin — à moins de vouloir se dessiner soi-même — il ne faudrait pas trop, trop, trop insister là-dessus. Une drôle de conception de la vie syndicale, comme si l'unité collective, qui a le droit de vivre et dont on parle ici, correspondait exactement, surtout après des conflits déchirants, etc., et toutes les hostilités qui peuvent être créées auniveau des individus, que les deux correspondaient automatiquement, comme si vraiment il s'agissait d'automates et qu'il y ait une sorte d'automatisation des réflexes des membres individuels. Et on confond les deux, là. Il y a des démissions réelles, combien il y en aura, je ne le sais pas, le premier ministre non plus. Le premier ministre ne peut pas garantir d'une façon aussi totale qu'il le faisait tout à l'heure que, surtout ce 70% qui sort Dieu sait d'où, que ces gens-là vont suivre. Cela, ce n'est pas vrai.

Or, en même temps, l'article est inutile, complètement inutile, parce qu'en pratique, est-ce qu'il n'est pas évident d'une part que le syndicat, si il veut vivre, a tout intérêt, face à la loi, sans ces articles-là, a tout intérêt pour vivre de ramener ses membres au travail pour les conserver? C'est la seule place où il va les conserver.

Et, par ailleurs, si le syndicat décidait de ne pas venir, c'est-à-dire d'encourager ses membres à ne pas venir, c'est qu'il aurait décidé, par révolte ou autrement ou par calcul — peu importe comment on l'apprécie — de se détruire lui-même. Alors, ce n'est pas, à ce moment-là, un texte de loi comme celui-là qui va l'empêcher de se détruire si c'est décidé. En pratique, je ne vois pas à quoi ça répond vraiment vis-à-vis de la situation qu'il s'agit de régler. Donc le bon sens, à mon humble avis, dit que l'article est baroque.

Et quant au principe, eh bien, il demeure invraisemblablement rétrograde. Encore davantage à cause de l'interprétation inévitable qui va lui être donnée. C'est là l'explication, qu'on ne pouvait pas donner à ce moment-là, du vote qui n'était pas pour chercher de la publicité, des deux votes, je pense bien, qui ont été donnés contre la deuxième lecture tout à l'heure. Parce qu'entre nous, s'il s'agit de publicité, à ce moment-ci, avec tout ce climat qui a été créé, c'est plus difficile à expliquer ce vote-là, que le vote qui aurait été tranquillement en faveur. Mais c'est au coeur du bill que se trouve ce principe, car c'en est un, les « zigonnages » sur les principes en deuxième lecture avec des interprétations qui prennent des milles juridiquement à se dessiner. Dans le coeur de ce bill-là se trouve la vie d'une des parties. Elle est impliquée dans le principe de ces articles. Et ces articles sont au coeur du bill par rapport à une des parties.

Alors il me semble que ce n'est pas prêcher des doctrines sociales, enfin pour le bout que j'ai attrapé tantôt, qui mériteraient les inquiétudes quelque peu — on me permettra de le dire — divertissantes que manifestait le député de Bagot tantôt. Ce n'est pas prêcher des doctrines sociales qui attaquent les fondements mêmes de notre société, dans ce qu'ils ont de bon et de meilleur, que de dire qu'une atteinte, qu'on joue comme cela en quelques lignes, qu'une atteinte à l'intégrité du mouvement syndical, aussi précise et inutile. Bien, malgré tous le"s défauts qu'il a, qu'on se regarde tous — j'ai déjà entendu le député de Bagot dire ça dans certains jours sereins — qu'on se regarde tous là, on va voir que, dans le mouvement syndical, il y a des défauts, mais je ne connais pas beaucoup de formation, y compris celle qui est là devant moi, de formation d'hommes qui n'ait pas un certain nombre de défauts assez apparents. Mais, malgré ses défauts, que le mouvement syndical ait été dans le Québec et demeure une des sources les plus précises de progrès social, ça c'est vrai.

Cela, spécifiquement, dans le cas qui nous occupe, si cela s'appelle prêcher des doctrines sociales qui inquiètent le député de Bagot, bien c'est que le député de Bagot, franchement, se fabrique, à certains moments de tension, des inquiétudes excessives.

Et je lui dirai en terminant une chose sur laquelle je ne donnerai pas de détails, c'est que par pur hasard, parlant à un de ses collègues en fin d'après-midi, en regardant les articles impliqués et comment ça référait à l'article 1, j'ai eu la surprise de voir la surprise d'un de ses collègues qui n'avait pas très bien compris les implications de l'article et qui a changé de sujet pour aller parler d'autre chose. Alors, quant à moi, toute cette affaire-là me paraît invraisemblable.

M. JOHNSON: M. le Président, je ne répéterai pas ce que j'ai déjà dit, même en l'absence du député de Laurier, mais nous partons d'un principe très simple: il faut des parties

responsables, le sens des responsabilités. On dit que c'est rétrograde, cette mesure. Au contraire, cela a été édicté récemment, depuis les trois dernières années, dans plusieurs Etats américains...

M. MALTAIS (Saguenay): Avant-gardistes.

M. JOHNSON: ... et dans plusieurs provinces. Y inclus l'Etat de New York.

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que c'est là une preuve de progrès, ça?

M. JOHNSON: Non, mais ce n'est tout de même pas une originalité.

M. LEVESQUE (Laurier): Le Texas est reconnu comme un des coins reculés, d'autres sont avancés, so what?

M. JOHNSON: New York.

M. LEVESQUE (Laurier): New York, ce n'est pas si simple que le dit le député.

M. JOHNSON: Non, c'est 18 mois, la décertification, d'accord? Pas 12 mois, 18 mois.

M. LEVESQUE (Laurier): Les choses qui sont impliquées sont autres.

M. JOHNSON: En Saskatchewan...

M. LEVESQUE (Laurier): Ah! je ne connais pas ce cas-là...

M. JOHNSON: ... c'est le lieutenant-gouverneur qui coupe de même...

M. LEVESQUE (Laurier): Le cas de New York, ce n'est pas si simple que ça, le cas de l'autre c'est peut-être différent.

M. JOHNSON: Si on veut attendre que je dise tout ça...

M. LEVESQUE (Laurier): Cela va me rafraîchir la mémoire.

M. JOHNSON: Après une cause devant la cour, 18 mois.

M. GERIN-LAJOIE: A Hawai, c'est combien de mois?

M. LOUBIER; Seul son coiffeur le sait!

M. JOHNSON: M. le Président, si j'étais le chef ou l'un des responsables d'un syndicat, j'aimerais réunir mes membres et leur dire: Ecoutez, c'est sérieux. Et je pense que ça m'aiderait à faire comprendre à la très grande majorité des membres qu'il faut retourner à l'ouvrage et que les gens sérieux, dans le syndicalisme — ils le sont en presque totalité — vont réfléchir, vont prendre une décision et ne se laisseront pas influencer par quelques têtes folles. Il y en a là comme ailleurs, il y en a même parmi les députés, paraît-il, de temps en temps parmi nous, je ne m'exclus point. Mais il y a des gens montés au dernier cran, il y a des gens indifférents dans les syndicats, il y a des gens qui écoutent tout simplement, qui suivent tout simplement le mouvement, qui ne se donnent même pas la peine de lire le matériel qu'on leur envoie, qui font confiance à leur chef. Alors le chef, les officiers vont devant leurs membres et disent: C'est sérieux. Voulez-vous, on va retourner à l'ouvrage comme des messieurs. Moi je suis confiant qu'ils vont retourner, mais je suis aussi convaincu, après mûre réflexion et après des discussions très longues avec les collègues et ensuite des consultations avec les spécialistes que ce serait là un moyen efficace de faire taire ceux qui devraient être les moins écoutés des syndicats et à donner aux plus sérieux les instruments nécessaires pour obtenir une décision sérieuse.

Et il fallait, comme je l'ai dit, qu'on se rende compte qu'on ne réunit pas le Parlement pour s'amuser. Cela coûte cher aux contribuables, et ce n'est pas pour passer une loi qui n'a pas de dents, qui a exactement les mêmes sanctions que les autres lois. C'était pour une loi spéciale. Autrement, si on avait voulu suivre les lois normales, les lois ordinaires, le service serait repris à Montréal au moins depuis l'injonction.

M. MICHAUD: Le premier ministre me permettrait-il une courte question?

M. LESAGE: Sur les articles 23, 24 et 25...

M. MICHAUD: M. le Président, est-ce que le premier ministre me permettrait une courte question?

M. LESAGE: Je n'admets pas l'amendement.

M. JOHNSON: Non, mais le petit amendement: « s'il est établi que... »

M. LESAGE: Je ne l'admets pas... M. JOHNSON: Adopté sur division.

M. MICHAUD: M. le Président, il y a une seule courte question que je voudrais poser au premier ministre, s'il n'a pas d'objection. Je ne vais pas reprendre le fond du débat et expliquer pourquoi un démocrate ne peut pas voter pour cet article de la loi. Comment peut-il expliquer que 31% des travailleurs qui n'accepteraient pas de retourner au travail pourraient, selon l'article de cette loi, décertifier le syndicat, c'est-à-dire 69% des travailleurs qui, eux, librement, auraient accepté de retourner? Est-ce qu'il y a un fondement juridique ou mathématique, d'une mathématique un peu énervante et affolante, est-ce qu'il peut expliquer à tout le moins,les 70% qui sont inclus dans cet article?

M. LE PRESIDENT: Est-ce que l'article 23est adopté?

M. LESAGE: Non. Vote. 23, 24 et 25.

M. JOHNSON: M. le Président, vous me permettez. Le député a posé une question. Il fallait arrêter à un chiffre. Il fallait arrêter quelque part. La reprise du service normal du transport en commun à Montréal, c'est ce que nous recherchons. Avec 70% des effectifs, on pourrait opérer assez bien. Cela incite au moins les chefs de syndicats à tenter de faire rentrer 70% de leur gens. Cela aurait pu être 65, 72, mais il semblait que 70, c'était un nombre raisonnable. Ce n'est pas un dogme, c'est un premier essai, et cela ne se justifie pas ontologi-quement. Cela ne se justifie pas en métaphysique, mais en pratique, il semble que c'est une proportion raisonnable.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que c'est le voeu des membres de voter sur les articles 23, 24et 25, ensemble?

M. LESAGE: Oui, oui.

M. LE PRESIDENT: Alors que ceux qui sont en faveur de l'adoption de ces trois articles veuillent bien se lever.

Que ceux qui sont contre l'adoption de ces trois articles veuillent bien se lever.

Les articles 23, 24 et 25 sont adoptés, 47 contre 45.

M. LESAGE: 47 contre 45.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Article 24.

M. JOHNSON: L'article 23 devient 25. Il y a une correction vers le milieu. Article 10 au lieu de 9. Article 26, pas d'amendement. Article 27, non plus.

M. LE PRESIDENT: Article 26, adopté. Article 27, adopté.

M. LEBEL (président du comité plénier): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le comité a adopté le bill 1 avec des amendements qu'il vous prie d'agréer.

Troisième lecture

M. PAUL (président): L'honorable ministre du Travail propose que les amendements adoptés en comité plénier soient maintenant lus et agréés. Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

L'honorable ministre du Travail propose la troisième lecture du bill 1, Loi assurant aux usagers la reprise des services normaux de la Commission de transport de Montréal. Cette motion est-elle adoptée?

L'honorable député de Chambly.

M. LAPORTE: M. le Président, nous avons, en un temps très court, passé à travers la première et la deuxième lecture du bill 1 et le travail du comité» Les membres de l'Opposition, tout en offrant leur collaboration au gouvernement, tout en se prononçant de la façon la plus catégorique sur le principe du bill et en votant en faveur du retour immédiat au travail des grévistes de la Commission de transport de Montréal, ont également clairement exprimé l'opinion qu'ils ne sauraient, à l'occasion de l'adoption de ce projet de loi, accepter les clauses qui leur paraissent inacceptables et qui ne sont pas essentielles à l'efficacité du projet de loi qui nous est proposé.

Nous avons suggéré à certains articles des amendements. L'un d'entre eux a été accepté par le gouvernement; d'autres ne l'ont pas été. Les principales remarques que nous avons faites portaient sur trois points. Le premier point est à l'effet que l'on impose au syndicat...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Puis-je demander la collaboration de tous les honorables députés pour permettre à celui ou à ceux qui pourront prendre la parole de jouir d'un calme relatif afin que nous puissions avancer dans l'étude de ce projet de loi?

M. LAPORTE: M. le Président, nous avons d'abord, à l'article 4 du projet de loi, souligné que le bill impose au syndicat une obligation vague, une obligation imprécise qui peut d'une part amener le gouvernement à imposer des

sanctions sur une clause vague ou, d'autre part, amener le syndicat à s'excuser du manquement à la loi, justement à cause de cette rédaction vague. Nous avons demandé que cet article soit remplacé par un autre qui, tout en atteignant exactement les mêmes fins, aurait permis au syndicat de s'acquitter de cette obligation de façon précise sans avoir continuellement l'inquiétude de pouvoir être traîné devant les tribunaux avec les peines extrêmement sévères qui sont prévues dans ce projet de loi, sans avoir, en posant des actes, vraiment conscience de violer la loi. Cet amendement qui a été proposé par le député d'Outremont n'a pas été reçu par le gouvernement.

Nous avons également demandé qu'entre, d'une part, l'employeur et, d'autre part, les employés de la Commission de transport de Montréal — si le problème pour lequel nous avons été convoqués ne peut pas se régler au niveau de la négociation directe — une nouvelle étape soit prévue afin que l'opinion publique puisse, par des séances du comité des relations industrielles, être parfaitement éclairée sur les différents problèmes qui divisent encore les deux parties et sur l'état complet du dossier de l'un et de l'autre des deux groupes qui se font face actuellement. Cette demande n'a pas été reçue par le gouvernement et, finalement, nous avons affirmé que les articles 23, 24 et 25 du projet de loi créent à rebours du droit nouveau en matière syndicale, nous ramènent à une époque que nous croyions complètement révolue et d'autant plus inutile que l'avant-dernier article du projet de loi déclare que la Commission de transport de Montréal et ses employés restent soumis aux prescriptions du code du travail et qu'il y a dans ce code tous les mécanismes nécessaires pour punir ou pour prendre les dispositions nécessaires à l'endroit des violateurs de la loi.

Nous avons insisté tout particulièrement sur ce dernier amendement. Encore une fois, il n'a pas été reçu par le gouvernement.

Ceci nous amène à conclure que nous sommes en faveur du retour immédiat des grévistes au travail, que notre vote de deuxième lecture l'a prouvé de façon précise, mais que nous avons le devoir d'insister auprès du gouvernement pour qu'il améliore son projet de loi, ce qui est strictement le devoir de l'Opposition. La procédure de troisième lecture a justement été placée dans notre règlement pour atteindre ce but, c'est-à-dire bien faire comprendre à l'opinion publique que l'Opposition peut fort bien être en faveur d'un principe, celui du retour au travail, mais ne pas accepter un certain nombre de modalités qui lui paraissent excessives ou inutiles.

Ceci étant clairement posé, M. le Président, j'ai l'honneur de proposer, secondé par le député de Drummond, que la motion en discussion soit amendée en remplaçant tous les mots après le mot « soit » par les suivants « renvoyé de nouveau en comité plénier avec instruction de l'amender de façon, premièrement, que les associations visées aux articles 5, 6 et 7 puissent satisfaire aux prescriptions du bill en donnant avis à leurs membres que l'ordre de grève est rescindé; deuxièmement, que le comité des relations industrielles de l'Assemblée législative entende les parties si l'intervention du conciliateur est infructueuse et que le rapport du comité soit remis à l'arbitre désigné par le lieutenant-gouverneur en conseil; troisièmement, que les articles qui prévoient la perte de l'accréditation, prescriptions inutiles, injustes, discriminatoires et contraires au code du travail soient retirés.»

M. JOHNSON: M. le Président, à l'encontre de cette motion, on pourrait invoquer une question de forme qui s'applique surtout à la série d'épithètes que le député a ajoutées...

M. LAPORTE: Je voudrais proposer un amendement, j'avais oublié le mot « rétrogrades ».

M. BERTRAND: On va les enlever tous.

M. JOHNSON: Le député connaît les articles du règlement...

M. LAPORTE: Je suis prêt à admettre que c'est un tout petit peu pamphlétaire.

M. JOHNSON: C'est chargé. C'est clairement pamphlétaire et ça ne devrait pas, je pense, être admis comme tel...

M. BERTRAND: Surtout quand on est chargé de reviser les règlements.

M. JOHNSON: Oui.

M. BERTRAND: Vous allez enlever tous les adjectifs.

M. JOHNSON: Bon, que les articles qui...

M. LESAGE: Excusez-moi, pour me servir d'une expression populaire, tout ce qui charrie.

M. JOHNSON: ... sont contraires au code du travail soient retirés. C'est ça?

M. LESAGE: Que les articles qui prévoient

la perte de l'accréditation...

M. LAPORTE: ... soient retirés. M. JOHNSON: Et on enlève le reste.

M. LESAGE: ... et sont contraires au code du travail soient retirés.

M. BERTRAND: Tout ce qui est inutile, vous l'enlevez.

M. LAPORTE: Non, non.

M. JOHNSON: L'amendement se lirait donc...

M. PINARD: C'est ce qui vous choque.

M. JOHNSON: ... Que les articles qui prévoient la perte de l'accréditation...

M. LAPORTE: Soient retirés. M. JOHNSON: ... soient retirés.

M. LAPORTE : Il ne faut pas que les autres mots soient retirés du journal des Débats.

M. JOHNSON: Soient retirés.

M. BERTRAND: Le journal des Débats, c'est nous autres qui le faisons.

M. JOHNSON: Je crois même, M. le Président, que cette motion est améliorée dans sa forme. Il reste quand même que sur le fond, on comprendra que nous ne pouvons pas voter. La Chambre a déjà d'ailleurs disposé de ces suggestions de l'Opposition et je demande le rejet de cet amendement, M. le Président, cette division si l'on veut...

M. LE PRESIDENT: La Chambre est-elle prête à se prononcer sur cette motion?

M. LESAGE: Vote! DES VOIX: Vote!

M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!

Que les honorables députés qui sont en faveur de la motion proposée par l'honorable député de Chambly veuillent bien se lever.

M. LE GREFFIER ADJOINT: MM. Lesage, Gérin-Lajoie, Pinard, Laporte, Courcy, Lévesque (Bonaventure), Arsenault, Kierans, Lafran- ce, Lacroix, Brown, Parent, Hyde, Wagner, Cliche, Mme Kirkland-Casgrain, Binette, Le-chasseur, Harvey, Coiteux, Lavoie (Laval), Blank, Beaupré, Cadieux, Fournier, Vaillancourt, Kennedy, Mailloux, Théberge, Maltais (Saguenay), Lefebvre, Bienvenue, Bourassa, Choquette, Fraser, Goldbloom, Houde, Leduc (Taillon), Michaud, Pearson, Picard (Olier), Saint-Germain, Tremblay (Bourassa), M. Séguin, M. Aquin, M. Lévesque (Laurier).

M. LE PRESIDENT: Que les honorables députés qui sont contre la motion d'amendement proposée par l'honorable député de Chambly veuillent bien se lever.

M. LE GREFFIER ADJOINT: MM. Johnson, Bertrand, Lebel, Johnston, Vincent, Dozois, Bellemare, Gosselin, Gabias, Masse, Allard, Russell, Lafontaine, Loubier, Tremblay (Chicoutimi), Maltais (Limoilou), Cloutier, Boivin, Mathieu, Boudreau, Charbonneau, Bernatchez, Gagnon, Gauthier (Roberval), Sauvageau, Lavoie (Wolfe), Flamand, Lussier, Morin, Fréchette, Gauthier (Berthier), Léveillé, D'Anjou, Beau-dry, Desmeules, Grenier, Bergeron, Martel, Leduc (Laviolette), Demers, Tremblay (Montmorency), Martellani, Bousquet, Simard, Proulx Croisetière, Plamondon, Théoret, Roy, Schooner Hamel, Gardner, Picard (Dorchester), Hanley.

M. LE GREFFIER: Pour: 46 Contre: 54 Yeas: 46 Nays : 54

M. LE PRESIDENT: Je déclare l'amendement rejeté.

M. DOZOIS: Troisième lecture.

M. LE PRESIDENT: La Chambre est-elle prête à se prononcer sur la motion de troisième lecture du bill?

L'honorable député de Laurier.

M. LEVESQUE (Laurier): Encore une fois, si on me permet en trois minutes de formuler, sous forme de suggestion, ce qui pourrait très bien devenir une motion d'amendement, plus ou moins générique ment de même famille que celui qu'on vient de rejeter, mais avec une chose très simple sur laquelle je veux prendre le risque, très simple aussi, de suggérer quelque chose. Pour accomplir le but de la loi telle qu'elle se présente maintenant, qui est le retour au travail, et d'autre part pour éviter, autant encore une fois qu'il est humainement possible, d'être obligé de recourir à cette loi telle qu'elle se présente dans la version qui est maintenant de-

vant nous, avec les objections que nous avons formulées qui rejoignent sûrement celles du mouvement syndical, est-ce qu'on pourrait risquer une simple motion sous forme de suggestion comme celle-ci: de retarder la mise en vigueur de cette loi indéfiniment à une condition très simple, c'est que le syndicat, et Dieu sait que je ne les ai pas consultés, que le syndicat, peut-être dans le délai de 48 heures qui compterait à partir de six heures ce soir, six heures ce matin ou quelque chose du genre, à condition que le syndicat, s'il le veut, décide librement de retourner au travail sans la loi, à supposer que ça leur vienne à l'esprit, et à une seule condition, c'est que recommencent immédiatement des séances qui ne seraient pas de deux heures — je n'avais pas dit de deux heures— mais enfin de deux jours ou de deux semaines s'il le faut, que tiendrait le comité parlementaire des bills publics jouant le rôle de l'ombudsman dont on a parlé, de façon à jouer ce rôle essentiel dans le secteur public qui est le fact finding, le mécanisme qui permet à l'opinion publique à savoir tous les faits. On a admis tout à l'heure qu'il y avait beaucoup de faits importants qui n'étaient pas connus, qu'un climat s'était créé en dehors de l'examen de la réalité. Il va falloir y aboutir un de ces jours. Pourquoi ne pas commencer à un moment donné? Ce besoin d'information du public est vraiment l'arbitre suprême, Il faut lui donner le temps de se former quitte à aboutir probablement, c'est notre conviction, ça peut être complètement injustifié, mais on le saura à ce moment-là, soit à une reprise des négociations à laquelle les deux parties se sentiraient tenues à ce moment-lâ, si vraiment les choses clairement expliquées avec tout le temps qu'il faut permettaient au public d'en avoir conscience, il faut faire la pression au bon endroit. Pendant ce temps-là, le service continuerait, pourvu que ça se fasse à fond. Evidemment, ce n'est pas un gros risque pour le gouvernement, puisque ça rentre dans ses délais. Mais plutôt que d'aller au galop, parce que l'on ne pourrait pas aller se coucher, à supposer que ce soit concevable.

M. JOHNSON: Très brièvement, je voudrais dire à cette Chambre que nous avions considéré à un moment donné de prévoir un dernier article stipulant que la loi n'entrerait en vigueur que sur proclamation.

Nous avions cette idée-là avant de rencontrer les parties. Et les syndicats nous ont signifié clairement — non pas lors de la première entrevue, mais après consultation avec les mandants — que c'était inutile de songer à en- trer a moins d'avoir une, deux, trois, quatre, cinq, six clauses de base ou trois clauses de base et des subdivisions.

Nous avons soumis à la vraie personne responsable, celle qui était mandatée par les conseils de villes qui contribuent au paiement du déficit, et c'était non. Nous sommes revenus avec une suggestion de compromis, et c'était non des deux côtés. Plus on essayait de trouver un compromis et moins ça avançait. Alors, si nous avions inclus cette clause à laquelle nous songions d'abord, ça n'aurait rien réglé. Deuxièmement, nous sommes convaincus que cela ne réglerait rien après que la loi est votée; troisièmement, cela donnerait le spectacle d'une Chambre qui se réunit, qui déplace tous les députés, qui fait encourir toutes ces dépenses pour que les gens rentrent ensuite et s'ils n'entraient pas, eh bien, mon Dieu, il faudrait encore revenir. Quatrièmement, nous avons été blâmés sévèrement par l'Opposition officielle de n'avoir pas agi plus vite et, cinquièmement, l'Opposition voulait qu'on marque 24 heures au lieu de 48 heures. Alors, pour tous ces motifs, convaincus que cela ne règlerait rien, nous regrettons de ne pouvoir retenir la suggestion du député de Laurier.

DES VOIX: Vote.

M. LE PRESIDENT: La motion de troisième lecture du bill est-elle adoptée?

M. BELLEMARE: Adopté.

M. LAPORTE : Même vote renversé.

M. BELLEMARE: M. le Président, si c'est le même vote renversé, je demanderais que le vote soit enregistré.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Il est enregistré.

M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!

M. BELLEMARE: Non, non, il est enregistré.

DES VOIX: Même vote enregistré. Discours du trône

M. LE PRESIDENT: J'ai l'honneur de faire rapport que lorsque cette Chambre s'est rendue, hier, auprès de l'honorable lieutenant-gouverneur, dans la salle des séances du Conseil

législatif, il a plu à l'honorable lieutenant-gouverneur de lire un discours à l'adresse des deux chambres de la Législature de cette province et que, pour prévenir toute erreur, j'en ai obtenu une copie dont je vais donner lecture à la Chambre.

M. JOHNSON: On vous en dispense.

(Note de l'éditeur: Voici le texte du discours que les députés ont entendu à l'ouverture de la session, la veille, puisqu'on est rendu à 1 h 43 de la nuit).

DISCOURS DU TRONE

OUVERTURE

DE LA DEUXIEME SESSION

DE LA VINGT-HUITIEME LEGISLATURE

LE 20 OCTOBRE 1967

HONORABLES MESSIEURS

DU CONSEIL LEGISLATIF, MADAME ET MESSIEURS

DE L'ASSEMBLEE LEGISLATIVE,

Vous avez été convoqués en session spéciale pour prendre en considération des mesures d'urgence concernant le rétablissement, en faveur des usagers, des services de transport en commun dans la ville et la région de Montréal.

Le gouvernement vous soumettra, s'il y a lieu, les autres mesures d'urgence qui pourraient s'avérer nécessaires pour protéger la santé et la sécurité publique.

Je prie Dieu de vous éclairer dans vos délibérations et de vous guider dans l'accomplissement de vos devoirs, pour le bien général du Québec et de sa population.

SPEECH FROM THE THRONE

OPENING

OF THE SECOND SESSION

OF THE TWENTY-EIGHTH LEGISLATURE

ON OCTOBER 20th, 1967

HONOURABLE GENTLEMEN

OF THE LEGISLATIVE COUNCIL,

MEMBERS

OF THE LEGISLATIVE ASSEMBLY,

You have been convened in special session to consider urgent measures respecting the resumption, for the benefit of users, of the public transportation services in the city and neighbourhood of Montreal.

The government will submit to you, if need be, such other urgent measures as may prove necessary to protect public health and safety.

May God enlighten your deliberations and guide you in the performance of your duties, for the general welfare of Quebec and its people.

M. JOHNSON: M. le Président, j'ai l'honneur de proposer que la prise en considération du discours du Trône ait lieu immédiatement.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Mégantic.

M. GERIN-LAJOIE: Dispense.

Adresse au lieutenant-gouverneur

M. BERGERON: M. le Président, je propose que l'adresse suivante soit votée et présentée à l'honorable lieutenant-gouverneur de la province.

A l'honorable lieutenant-gouverneur de la province de Québec, nous, les membres de l'Assemblée législative du Québec, réunis en session, vous prions de bien vouloir agréer avec l'assurance de notre fidélité à Sa Majesté...

M. GERIN-LAJOIE: Vote, vote.

M. BERGERON: ... nos humbles remerciements pour le discours qu'il vous a plu de prononcer afin de faire connaître les motifs de la convocation de la Chambre.

UNE VOIX: Très bien, très bien.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Témiscouata.

M. SIMARD: M. le Président, à titre de député de Témiscouata, il m'est très agréable d'appuyer le député de Mégantic et de seconder sa motion de remerciement à l'adresse de l'honorable...

M. GERIN-LAJOIE: ... Majesté.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. GERIN-LAJOIE: Vote, vote enregistré.

M. LAPORTE: Ils ne sont plus à Ottawa, ils sont rendus à Londres.

UNE VOIX: Ils s'éloignent du Québec. M. BERTRAND: Vous y êtes déjà allés.

M. JOHNSON: M. le Président, nous pourrions dire à l'Opposition: Fiez-vous à nous, nous vous dépasserons toujours.

M. LESAGE: Cela peut être dur dans le dernier « stretch ».

M. LAPORTE: Il n'est pas possible de marcher aussi lentement.

M. PINARD: Vous retournez aux sources.

Comité du règlement

M. JOHNSON: J'ai l'honneur de proposer, M. le Président, avec l'assentiment de la Chambre, que pour les fins de la résolution adoptée par cette Chambre le 9 août 1967, instituant un comité spécial chargé de reviser les règlements de l'Assemblée législative, il ne soit pas tenu compte de la convocation de la présente session.

M. LESAGE: D'accord.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

Comité de la constitution

M. JOHNSON: Je comprends que le chef de l'Opposition a une motion à faire relativement au comité de la constitution. Voici...

M. LESAGE: Bien, j'ai pensé que le premier ministre... Est-ce qu'on ferait part à la Chambre...?

M. JOHNSON: C'est d'accord. Voici, M. le Président, le portrait étant changé du côté de l'Opposition...

M. BERTRAND: L'image!

M. JOHNSON: ... l'image ayant été sensiblement modifiée, quant à ce qui concerne le comité de la constitution, tout le monde comprendra que le parti libéral ne peut plus considérer comme l'un de ses porte-parole officiel le député de Laurier. Je crois que c'est une conséquence qui découle de certains événements dont nous avons entendu parler. Cependant nous croyons que le député de Laurier pourrait apporter la même contribution et certainement créer beaucoup de vie, générer beaucoup de discussion à ce comité...

M. LESAGE: Si le comité siège.

M. JOHNSON: ... et nous aimerions qu'il continue à en faire partie. Par ailleurs nous aimerions aussi y voir le chef de l'Opposition ou un autre délégué et nous en avons discuté. Les proportions devant changer, j'accepterais volontiers que le nombre soit porté à 17 et que M. Lesage soit nommé à ce comité et que du côté du gouvernement MM. Maltais et Johnson soient nommés membres. Alors je crois, pour tout régulariser, M. le Président, que je ferai une motion que le comité formé le 23 février 1967 par une résolution adoptée par cette Chambre comprenne 17 membres au lieu de 14.

M. LESAGE: Je pense que nous pouvons laisser la même rédaction.

M. JOHNSON: Oui. Et deuxièmement que trois nouveaux membres, soit MM. Lesage, Maltais et Johnson (Bagot), soient nommés.

M. BERTRAND: Adopté.

M. LESAGE: Je remercie le premier ministre, je lui avais fait part de la difficulté dans laquelle nous nous trouvions et dont il a disposé avec beaucoup de délicatesse. Nous avons convenu tous les deux que le député de Laurier devrait demeurer membre de ce comité très important, s'il veut y siéger.

Et j'ai exprimé au premier ministre mon désir de faire partie du comité comme un représentant libéral, et c'est ainsi que nous en sommes arrivés à l'entente que le premier ministre vient de mentionner. Je crois qu'à la veille des réunions qui doivent avoir lieu au mois de novembre à Toronto, au début de l'année à Ottawa, il est important que le comité siège et que le premier ministre et le chef de l'Opposition en fassent partie. Je pense que mon collègue, le député de Vaudreuil-Soulanges, voudrait ajouter un mot, mais je désire marquer mon appréciation au premier ministre.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Vaudreuil-Soulanges.

M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, sur cette motion, quelques mots seulement pour rappeler d'abord que ce comité de la constitution a été créé par l'Assemblée législative...

M.JOHNSON: Je demande pardon au député, il pourrait peut-être faire son intervention sur la motion elle-même qui tente à rapporter à la prochaine session le rapport...

M. LESAGE : Oui, c'est ça.

M. JOHNSON: Alors on adopterait la première, celle qui augmente le nombre.

M. LESAGE: C'est ça, elle a été adoptée.

M. JOHNSON: Et on appelle maintenant la motion pour les fins de la résolution adoptée par cette Chambre le 23 février 1967, telle que modifiée par la résolution d'aujourd'hui, qu'il ne soit pas tenu compte de la convocation de la présente session.

M. LESAGE: Vous faites deux procédures...

M. GERIN-LAJOIE: Alors, M. le Président, sur cette motion, n'est-ce-pas, qui a pour but de permettre au comité de siéger entre la présente session et la suivante, je me propose de dire quelques mots qui seront très brefs à ce moment-ci de notre séance. J'aimerais rappeler tout d'abord que ce comité de la constitution a été créé originairement par l'Assemblée législative en 1963. Voilà donc au-delà de quatre ans que le comité a été mis sur pied. Le comité a eu une activité assez considérable. Il a tenu plusieurs séances et il a en particulier fait préparer des travaux de grande importance. Ces études ont été préparées par des universitaires, ont été soumises au comité de la constitution et sont à la disposition de tous les membres du comité depuis maintenant un an ou deux.

Au surplus, le comité de la constitution a entendu un grand nombre de groupements: les grandes centrales syndicales, les chambres de commerce, des mouvements de jeunesse, divers groupements représentatifs de tous les secteurs de la société. C'est dire que le comité de la constitution et, par ce comité, l'Assemblée législative ont mis en oeuvre au Québec un vaste mouvement d'étude du problème, très important pour le Québec, de notre avenir constitutionnel, de l'avenir constitutionnel du Québec dans le Canada, ou en relation avec le Canada, et le mandat a été élargi à la dernière session pour inclure la constitution interne du Québec.

Toutefois, après avoir rappelé les travaux très importants accomplis sous l'égide du comité de la constitution ou par le comité lui-même, je me dois à ce moment-ci, de déplorer très gravement que le comité n'ait pas siégé depuis maintenant un an et demi passé et, précisons-le, depuis le changement de gouvernement. Toute la dernière session s'est passée, depuis le mois de janvier jusqu'au mois d'août, sans que le comité ne tienne une seule séance. Et, au cas où le public ne serait pas parfaite- ment informé de la chose, c'est au gouvernement qu'appartient en exclusivité la responsabilité de convoquer ou de ne pas convoquer les comités, ce qui veut dire que si ce comité de la constitution n'a pas siégé depuis le changement de gouvernement, c'est le gouvernement actuel qui en porte l'entière responsabilité. Voilà pour le passé.

Mais voici qu'aujourd'hui, en ce 21 octobre 1967, le premier ministre nous propose, et cela de façon très à propos, que notre comité puisse siéger en dehors des séances régulières de la Chambre et même en dehors des sessions de cette Assemblée législative ou de la Législature en général. Je pense qu'il est urgent que le gouvernement, non seulement nous propose cette motion, ce qui est déjà le cas, mais nous annonce la décision de réunir le comité, et de le réunir sans délai. C'est à la mi-novembre que le premier ministre et le gouvernement du Québec participeront à une conférence interprovinciale convoque'e par le premier ministre d'Ontario, conférence qui se tiendra à Toronto. Il aurait été de la plus grande importance que ce comité parlementaire de la constitution, qui a accompli les travaux que j'ai mentionnés tout à l'heure depuis maintenant quatre ans passés, ait l'occasion de faire le point à la suite de ces longs travaux, ait l'occasion de constater où en est aujourd'hui l'opinion québécoise et de contribuer à cataliser, si je puis dire, à former cette opinion québécoise pour que, lorsque le premier ministre ou certains de ses collègues se rendront représenter la province à Toronto, ils soient vraiment forts de l'opinion du comité parlementaire de la constitution et de façon implicite de cette Assemblée législative.

M. le Président, j'ai déploré l'absence de réunion du comité pendant les 16 ou 18 mois qui viennent de s'écouler, mais il est encore temps de réparer ou de réparer au moins dans une certaine mesure cette grave négligence du gouvernement, et il faut convoquer ce comité sans délai pour qu'au moins il puisse faire le point que j'ai mentionné et puisse prendre connaissance des travaux qui ont pu être faits au sein du gouvernement, au sein du ministère des Affaires intergouvernementales en vue de la réunion de Toronto. Je crois savoir que le gouvernement a demandé au sous-ministre des Affaires intergouvernementales et à son équipe de fonctionnaires de préparer des travaux en fonction de la participation du Québec à cette conférence interprovinciale de novembre prochain.

Je pense, M. le Président, que le premier ministre se devra et se doit d'ores et déjà d'informer le comité des affaires constitutionnelles, le comité de la constitution, de l'état de ses tra-

vaux, des projets du gouvernement en fonction de la conférence qui s'en vient et d'obtenir l'avis des membres du comité sur les projets du gouvernement. Je pense que, non seulement des membres de cette Chambre, non seulement des membres de l'Opposition libérale, mais des leaders d'opinions à travers la province ont exprimé à plus d'une occasion et en particulier au cours des derniers mois l'opinion que le Québec se doit d'avoir une opinion aussi unanime que possible pour manifester aux yeux du reste du Canada nos objectifs en matière constitutionnelle. M. le Président, le moyen de manifester une opinion aussi unanime que possible, le moyen pour le Québec de participer...

M. AQUIN: Unanimité comme samedi dernier, M. le Président.

M. GERIN-LAJOIE: ... une unanimité aussi-unanime que possible, M. le Président, et je pense que, dans une question comme celle-ci on se doit tout d'abord de manifester le plus grand sérieux possible et on se doit de participer aux travaux de cette Chambre et aux travaux de ses comités avec la détermination la plus ferme possible de s'efforcer d'en arriver à une unanimité ou à ce qui se rapprocherait le plus possible de l'unanimité.

M. le Président, le seul moyen qui s'offre à nous, à l'heure actuelle, de réussir une telle manifestation d'unanimité, de quasi-unanimité, c'est de permettre au comité parlementaire de la constitution de se réunir, de faire le point sur la question et de donner, en quelque sorte, un mandat au gouvernement.

Bien sûr que le gouvernement aurait aussi un autre moyen d'assurer une participation aussi générale que possible des représentants de la population québécoise à ces conférences auxquelles le Québec est appelé à participer. Le député de Chambly tout particulièrement a eu l'occasion, ces derniers temps, de le dire publiquement. Ce serait pour le gouvernement d'inviter l'Opposition à désigner un ou plusieurs de ses membres pour faire partie de la délégation du Québec à ces diverses conférences. Je pense à la conférence interprovinciale en particulier. Je pense aussi à la conférence fédérale-provinciale qui se tiendra à Ottawa au début de 1968.

M. le Président, nous savons tous que nous avons l'occasion en cette Chambre de différer d'opinion sur la plupart des questions qui viennent à l'ordre du jour à un moment ou l'autre de nos sessions. Nous accomplissons nos devoirs au meilleur de notre jugement, nous qui siégeons à cette Chambre à titre de députés.

Mais je pense, M. le Président, que sur cette question constitutionnelle qui met en cause, de la façon la plus globale qu'on puisse imaginer, l'avenir du Québec, puisqu'il s'agit des institutions fondamentales par lesquelles nous pouvons assurer le développement et le progrès, non seulement de notre population, mais de notre nation prise globalement comme institution, comme ensemble de population, avec toutes ses caractéristiques sur le plan culturel en particulier. Je pense, M. le Président, que dans un cas comme celui-là, nous avons le devoir et le devoir strict de mettre en oeuvre tous les moyens imaginables pour que nous arrivions à déployer une action aussi commune et aussi collective que possible, de façon à montrer un visage aussi unanime que cela est possible à la face des autres provinces, à la face du gouvernement fédéral, à la face de tous ceux qui sont appelés à participer à de telles conférences.

On sait que, du côté de la députation libérale, la question constitutionnelle fait l'objet de nos préoccupations profondes. Elle a fait l'objet de discussions en ces tout derniers temps. Elle a fait l'objet de certains documents qui ont été rendus publics et qui seront étudiés très profondément au cours des semaines et des mois qui s'en viennent. Mais je tiens à dire ceci. Si les députés libéraux qui siègent en cette Chambre ont tenu avec tous les militants libéraux qui participent à nos congrès annuels, à étudier aussi profondément que possible la question constitutionnelle, nous l'avons fait en étant très conscients que cette question ne peut être l'apanage d'un seul parti politique, que cette question ne peut être l'apanage d'aucun parti politique en particulier.

Et à ceux qui seraient portés à déplorer que le parti libéral ne se soit pas engagé plus profondément et plus en détail dans une ou des options constitutionnelles, je dirai ceci, c'est que nous avons le désir très profond de faire tous les efforts possibles pour atteindre cette politique commune à laquelle j'ai référé tout à l'heure et que notre désir le plus vif à l'heure actuelle, c'est de participer aux travaux du comité parlementaire de la constitution dont nous souhaitons la convocation très prochaine avant la réunion interprovinciale de Toronto.

M. JOHNSON: M. le Président, à quelqu'un qui avait visité Paris, on demandait; Avez-vous vu la statue de Napoléon? Il dit oui. Est-ce que c'était une statue équestre? La personne a répondu; plus ou moins équestre. Ce qui m'a fait songer à cette boutade, c'est cette unanimité, presque parfaite, aussi parfaite que possible, ou quasi unanimité...

M. GERIN-LAJOIE: On ne peut pas engager évidemment l'Opposition et l'Union nationale, connaissant le degré d'unanimité qui existe ou n'existe pas dans ses rangs.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous aviez déjà votre problème.

M. JOHNSON: Ce qui aurait pu constituer un document de base...

M. COURCY: Du vol à l'étalage.

M. JOHNSON: ... document de base sur lequel on aurait pu travailler ensemble, a été mis au frigidaire de par la volonté démocratique, me dit-on.

M. LESAGE: Que le premier ministre soit juste! Il sait fort bien que ce n'est pas exact ce qu'il vient de dire.

M. LAPORTE: Ce n'est pas un frigidaire, c'est un tombeau, vous autres. Vous ne faites jamais rien au point de vue constitutionnel.

M. GERIN-LAJOIE: Convoquez un comité et on va voir ce qui va arriver.

M. JOHNSON: M. le Président, disons ceci: D'abord...

M. COURCY: Du vol à l'étalage.

M. JOHNSON: ... mettons de côté les taquineries. Nous voulons rappeler que le comité...

M. GERIN-LAJOIE: C'est la spécialité du premier ministre, ça.

M. JOHNSON: ... a fait du beau travail et qu'il a contribué à faire évoluer l'opinion publique dans la province, et même l'opinion de quelques membres des plus brillants, et je songe au député de Vaudreuil-Soulanges.

UNE VOIX: C'est bien trop de trouble.

M. JOHNSON: Car on se souviendra que la motion du député de Missisquoi du 13 mai 1963 mentionnait qu'on formait un comité pour étudier, entre autres choses, les objectifs de la nation canadienne-française. Or, dans une motion d'amendement apportée par un ministre libéral, le mot nation sautait.

M. BELLEMARE: Ah oui!

M. JOHNSON; Et c'est par un sous-amendement du député de Bagot qu'on a réussi, dans un compromis avec le parti au pouvoir, à réintroduire la notion du Canada français, précisément sur l'expression du Canada français. Et le ministre qui a fait sauter l'expression nation canadienne-française, c'est le député de Vaudreuil-Soulanges. Je le félicite.

M. GERIN-LAJOIE: Pour le remplacer par Québec.

M. JOHNSON: Non.

M. GERIN-LAJOIE: Oui, pour le remplacer par Québec.

M. JOHNSON: Les objectifs du Québec... M. GERIN-LAJOIE: Oui.

M. JOHNSON: ... dans une revision de la constitution.

M. LESAGE: Et oui, puis?

M. JOHNSON: Du régime fédératif, à part ça.

M. LESAGE: Etes-vous contre? Vous avez déclaré que vous étiez pour à Hawaï.

M. JOHNSON: M. le Président, ma proposition est la suivante: Tant mieux, ce comité a fait évoluer même celui qui ne voulait pas des mots « nation canadienne-française » en 1963, alors que nous, nous la proposions.

UNE VOIX: Hula, Hula.

M. JOHNSON: M. le Président, deuxièmement ce comité a fait du bon travail. Il est vrai qu'il a été plutôt silencieux, sinon inactif depuis assez longtemps. Il y a à ça plusieurs raisons, on les comprend. Il n'est pas nécessaire que je les énumère toutes.

On songe seulement à la longueur de la session, à l'Expo, aux grèves et tout ce que vous voudrez. M. le Président, cependant, il s'est fait du travail pendant ce temps-là par les secrétaires du comité et particulièrement par le sous-ministre des Affaires intergouvernementales et son personnel. Nous avons reçu d'autres documents, des résumés des documents déjà déposés ont été faits. On a peut-être terminé le travail que j'ai demandé: faire les comparaisons entre les mémoires pour savoir

s'il y avait un consensus sur certains points, et nous espérons pouvoir obtenir les services, à partir du 1er novembre, d'un homme qui sera libéré d'ailleurs pour se consacrer exclusivement à ce travail du comité de la constitution pour le faire avancer rapidement et l'amener vers une conclusion.

M. GERIN-LAJOIE: Quel est son nom?

M. LESAGE: Est-ce que M. Morin ne travaille pas actuellement à la préparation de la conférence de novembre?

M. JOHNSON: Oui, oui, M. Morin, M. Bernard...

M. LESAGE: Et M. Morin et M. Bernard... M. JOHNSON: ... et M. Robichaud.

M. LESAGE: ... je les connais assez bien pour savoir qu'ils doivent travailler et travailler ardemment.

M. GERIN-LAJOIE: Et des professeurs aussi en dehors?

M. JOHNSON: Oui, oui, et ils sont en train de préparer des travaux en vue de la conférence de Toronto.

M. LESAGE: Est-ce que le comité de la constitution va pouvoir prendre connaissance de ces travaux avant la conférence de Toronto?

M. JOHNSON: Je l'espère. Maintenant, rêver à une unanimité, fût-elle imparfaite pour employer les expressions du député, l'espoir n'est pas très grand. Je me demande si on pourrait l'avoir du côté libéral. D'autres prétendent que nous ne l'aurions pas de notre côté, ce qui est moins sûr.

M. LESAGE: Quoi donc? Le cahier rose?

M. JOHNSON: Pardon?

M. LESAGE: Non, d'accord.

M. JOHNSON: Mais nous ne savons pas encore comment sont formées les délégations des autres provinces. Nous n'avons pas fermé la porte...

M. GERIN-LAJOIE: Vous n'avez pas fermé Laporte?

M. JOHNSON: Non, il n'y a pas moyen de le fermer, celui-là!

M. LAPORTE: Je sais que ce n'est pas facile!

M. JOHNSON: Pas facile de le fermer! Donc, M. le Président...

M. LAPORTE: Cela ne serait pas utile à part de ça!

M. JOHNSON: ... comme nous l'avons annoncé, nous espérons pouvoir faire siéger le comité. C'est certainement l'un des comités les plus importants, et nous avons vu à ce qu'il ne meure pas par le jeu de la procédure...

M. LESAGE: Cela aurait bien été le bout!

M. GERIN-LAJOIE: Oui, mais ça c'est rien que sur papier. On voudrait avoir un engagement du premier ministre.

M. LAPORTE: Ne faites pas seulement l'empêcher de mourir, mais faites qu'il vive! Faites-le siéger! Est-ce qu'on peut demander au premier ministre quand le comité va siéger?

M. COURCY: Faites-le siéger! M. JOHNSON: Oui, bien sûr.

M. LAPORTE: Il a fait un long détour pour ne pas répondre, mais juste un petit chemin pour répondre.

M. JOHNSON: Bien sûr qu'on peut le demander. On l'a demandé, merci.

M. LAPORTE: Bon.

M. JOHNSON: On pouvait le demander.

M. LAPORTE: Une autre question additionnelle. Est-ce que ce qui s'est passé depuis le 5 juin 1966... La session est arrivée, le premier ministre a fait une motion pour que le comité, disait-il, soit encore plus efficace et plus utile. Il n'a jamais siégé depuis ce temps-là. Est-ce que ceci va continuer encore longtemps?

M. BELLEMARE: La session a été longue. Et l'Expo a commencé.

M. JOHNSON: M. le Président, j'ai déjà annoncé que j'espérais le faire siéger en no-

vembre, je n'ai pas renoncé à pouvoir le faire siéger en novembre. C'est tout ce que je puis dire pour le moment.

M. BELLEMARE: Très bien.

M. LAPORTE: On me permet encore une question. Est-ce que le premier ministre se propose de donner suite à la suggestion qui a été faite par des membres de l'Opposition d'inviter le chef de l'Opposition, son ou ses représentants à l'accompagner à ce voyage historique dont a parlé le premier ministre à Toronto?

M. JOHNSON: Cette suggestion est prise en sérieuse considération. J'en discuterai avec mes collègues, je vais consulter les députés indépendants et plus tard je donnerai une réponse.

M. LE PRESIDENT: La motion de l'honorable premier ministre est-elle adoptée? Adopté.

Avant que la Chambre ajourne ses travaux à loisir, je voudrais interpréter à ma façon l'article 1, cinquièmement, de notre règlement et suivre l'heureux précédent créé par les orateurs précédents à l'effet qu'il faut tenir compte des usages qui résultent d'une pratique habituelle et constante. Une prorogation de Chambres sans une visite aux appartements de PO-rateur à laquelle vous êtes tous invités de même que messieurs les journalistes serait briser une tradition et personnellement je suis contre tout bris.

M. JOHNSON: Vous me permettrez, M. le Président, de vous remercier de cette invitation et j'aimerais que vous avertissiez tout de suite votre personnel...

M. PINARD: Il est au régime celui-là.

M. JOHNSON: ... que puisqu'il s'agit de l'ouverture et de la prorogation, il faudrait en tenir compte, c'est deux dans un»

M. LE PRESIDENT: La Chambre ajourne à loisir.

(Note de l'éditeur: Pendant cet ajournement de vingt minutes, le projet de loi est étudié par les membres du Conseil législatif, puis à 2 h 30 de la nuit, les députés étant revenus en Chambre:)

Message du Conseil législatif

M. LE PRESIDENT: Voici un message reçu du Conseil législatif. « Conseil législatif, le 21 octobre 1967.

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté, sans amendement, le bill suivant:

Bill numéro 1 intitulé Loi assurant aux usagers la reprise des services normaux de la Commission de transport de Montréal.

Attesté Léonard Parent greffier associé du Conseil législatif. »

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs. Faites entrer le messager. Let the messenger in.

LE MESSAGER: M. le Président, Son Honneur l'honorable lieutenant-gouverneur désire la présence des membres de cette Chambre dans la salle du Conseil législatif.

Mr. Speaker, it is the Honourable Lieutenant-Governor's pleasure that the members of this House do attend immediately in the Legislative Council Chamber.

(Note de l'éditeur; Les membres de l'Assemblée législative se rendent au Conseil législatif pour assister à la prorogation de cette session.)

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