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Version finale

28e législature, 3e session
(20 février 1968 au 18 décembre 1968)

Le mardi 22 octobre 1968 - Vol. 7 N° 74

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quinze heures trois minutes)

M. SENECAL (greffier): Qu'on ouvre les portes!

Démission du Président M. Paul

M. SENECAL (greffier): J'ai l'honneur d'Informer la Chambre que j'ai reçu de l'honorable Rémi Paul, Orateur de l'Assemblée législative, la lettre suivante:

Québec, le 10 octobre 1968.

M. Jean Sênécal,

Greffier de l'Assemblée législative, Hotel du gouvernement, Québec, P.Q.

Cher monsieur Senécal,

Ayant été appelé à être membre du Conseil exécutif de la province, je dois, dans les circonstances, vous remettre ma démission comme orateur de l'Assemblée législative. Je profite de l'occasion pour vous remercier très sincèrement, ainsi que tous les officiers supérieurs de l'Assemblée législative, de la généreuse collaboration que tous m'ont donnée dans l'exécution de mes fonctions d'orateur de la Chambre. Je vous saurais gré également, cher monsieur Senécal, de transmettre les sentiments de ma plus vive reconnaissance à tous les collègues de l'Assemblée législative qui m'ont facilité la tâche.

Agréez l'expression de mes sentiments les plus distingués, et je vous prie de me croire bien à vous,

Rémi Paul, c.r., Président de l'Assemblée législative.»

M. SENECAL (greffier): En conséquence, j'ai l'honneur d'informer la Chambre que la charge d'orateur est vacante.

Election d'un nouvel Orateur M. Jean-Jacques Bertrand

M. BERTRAND: Monsieur le chef de l'Opposition, mes chers collègues, c'est le bon plaisir de l'honorable lieutenant-gouverneur que nous procédions à élire un nouvel orateur. Nous n'avons plus de président et notre premier geste doit être de nous en donner un autre. Tous étaient unanimes à dire que le député de Maskinongé était admirablement qualifié pour devenir notre premier président permanent, mais nous avions besoin de sa riche expérience au conseil des ministres. Nous voulons aussi qu'il en fasse bénéficier la Chambre, pas seulement sur des questions de procédure ou de règlement, mais sur le fond même des problèmes à l'étude.

Le député de Maskinongé mérite la gratitude de toute la Chambre pour l'objectivité, la patience, la courtoisie et la profonde connaissance des règles parlementaires, qu'il a manifestées au fauteuil présidentiel. Ces qualités ne lui seront pas moins précieuses dans ses nouvelles fonctions.

Ce serait vraiment dommage que le fait d'être un très bon Orateur puisse empêcher un parlementaire d'accéder à d'autres fonctions pour lesquelles il possède également les meilleures qualifications.

Celui que je propose à la Chambre de se donner comme Orateur est un moins de 40 ans. Né à Rivière-du-Loup en 1930, membre du Barreau depuis 1956, il a toujours exercé sa profession dans sa ville natale.

Il a été associé étroitement à tous les mouvements sociaux, culturels et économiques de sa belle région. Il a été élu d'emblée aux élections générales de 1966, alors qu'il se présentait pour la première fois. Dans ses fonctions antérieures de vice-président, la Chambre a déjà pu apprécier sa maturité, son jugement, sa serviabilité, sa maîtrise des règlements et son esprit de justice. Il n'y a personne d'infaillible ni d'intouchable en cette Chambre. Les mêmes règlements existent pour tous. Nous pouvons même dire qu'ils existent surtout pour la protection des minorités, c'est-à-dire de l'Opposition. Le maintien de l'ordre est absolument nécessaire à l'exercice de la liberté d'expression. Que le député de Rivière-du-Loup ne craigne pas de faire le nécessaire pour protéger cette liberté. L'exemple du député de Maskinongé montre que, chez nous, un président peut appliquer le règlement, même à l'encontre des prétentions d'un premier ministre, sans compromettre pour autant ses chances d'avancement.

Tous les députés, mes chers collègues, doivent coopérer avec l'Orateur pour le maintien de l'ordre et du décorum nécessaires à toute assemblée délibérante et spécialement à celle-ci, où convergent les problèmes les plus vitaux du Québec et de la communauté québécoise.

Il y a une sorte d'impatience qui s'exprime aujourd'hui dans l'opinion publique, à l'égard de tous les parlements, y compris le nôtre.

On trouve que ces institutions ne sont pas suffisamment efficaces, que leur fonctionnement est alourdi par des règles et des tradi-

tions désuètes, qu'elles retardent sur le temps de la vie moderne.

Nous sommes, tous conscients de ces critiques, tous désireux d'accélérer la marche de nos travaux, mais nous savons, par notre propre expérience et celle des autres Parlements, que ce n'est pas toujours facile. C'est qu'il ne faut pas brimer cette liberté de parole qui reste l'une des exigences fondamentales de tout régime parlementaire et démocratique.

Comment concilier, chers collègues, les exigences de l'efficacité avec celles de la démocratie? Voilà le problème. Je pense que, pour le résoudre, il faut absolument s'élever au-delà des divisions partisanes. Il faut en arriver à un consensus aussi large que possible sur les règles qui doivent présider à nos débats et sur l'esprit dans lequel ces règles doivent être appliquées.

Nous devons, sous la direction de notre président, donner à la population et spécialement à la jeunesse du Québec l'exemple du respect de soi-même, du respect des autres et du respect de l'autorité.

J'ai donc l'honneur de proposer que monsieur Gérard Lebel, député du district électoral de Rivière-du-Loup, soit élu Orateur de la Chambre et prenne place au fauteuil en cette qualité.

M. Jean Lesage

M. LESAGE: M. le Greffier, M. le Premier ministre et mes chers collègues, la motion du premier ministre est devenue nécessaire par suite de la nomination du député de Maskinongé au conseil des ministres.

Nous, de l'Opposition, nous nous réjouissons de cette heureuse acquisition que vient de faire le cabinet. Nous félicitons le nouveau ministre et nous lui offrons bien sincèrement nos meilleurs voeux de succès.

Ce n'est toutefois pas sans quelque regret que nous le voyons abandonner le fauteuil du président car il a, depuis deux ans, occupé cette fonction avec grand mérite et très grande distinction. Lorsque le député de Maskinongé a été élu à la présidence le 1er décembre 1966, il a déclaré: « Je demande à l'Esprit-Saint de m'éclairer dans les décisions que j'aurai à prendre afin que mon règne comme président de l'Assemblée législative, sans être le plus brillant, soit marqué de la plus pure justice et de la plus grande équité. »

Je veux lui dire aujourd'hui, à titre de chef de l'Opposition, au nom de mes collègues comme en mon nom personnel, que sa prière a été exaucée et qu'il s'est magnifiquement acquitté d'une tâche extrêmement ardue.

Pour lui succéder, le premier ministre propose l'élection de M. Gérard Lebel, député de Rivière-du-Loup. Je voudrais faire part au futur président comme aux députés, des sentiments qui animent l'Opposition en cette circonstance. Le député de Rivière-du-Loup hérite lui aussi — et je suis sûr qu'il en est bien conscient — d'une lourde succession. Présider les travaux de cette Chambre à l'heure actuelle est une tâche épuisante, toujours difficile et souvent ingrate. En effet, il ne suffit pas pour le président d'être rompu aux usages parlementaires et de bien connaître notre règlement. Encore, lui faut-il ajouter à ces connaissances les qualités personnelles qui sont indispensables pour assurer le prestige et la dignité de l'assemblée et pour mener à bien et de façon efficace le travail qui s'effectue en cette enceinte.

C'est ainsi que pour jouir de l'estime et de l'appréciation de tous les députés comme des citoyens du Québec, notre président doit, surtout après l'exemple donné par son prédécesseur, faire preuve de pondération, de jugement, d'impartialité et de fermeté. Je ne doute pas que le député de Rivière-du-Loup cherchera à atteindre cet idéal avec tout le dynamisme que lui confère sa jeunesse. Nous comptons sur son intelligence et sur son sens du devoir. Nous nous réjouissons qu'il ait fait son apprentissage à la meilleure des écoles. Je veux l'assurer que nous coopérerons avec lui dans toute la mesure du possible et lui promettre que nous seconderons ses efforts pour que les délibérations de cette Chambre soient empreintes de la dignité, de l'ordre et du respect sans lesquels elles n'auraient plus leur raison d'être.

Je seconde donc avec plaisir la proposition du premier ministre.

LE GREFFIER: J'ai l'honneur de proclamer que M. Gérard Lebel, député du district électoral de Rivière-du-Loup est élu Orateur de la Chambre à l'unanimité.

M. le Président

M. LEBEL (président): Mes chers collègues, je remercie sincèrement la Chambre du grand honneur qu'elle vient de me faire, en me choisissant comme son Orateur, et je la prie de croire que je m'efforcerai toujours de mériter sa confiance.

Je n'ignore pas que je suis peu qualifié pour occuper le poste important qui m'est assigné. Aussi, je compte sur la bienveillance et le concours de tous les membres de la Chambre pour remplir avec fermeté et impartialité les devoirs qui vont m'incomber.

J'aime à espérer que la Chambre entière voudra bien, à l'occasion, m'alder à défendre nos droits et nos privilèges, à faire respecter notre règlement et à maintenir la liberté de discussion que nos usages ont consacrée, et je demande à Dieu de bien vouloir m'éclalrer.

Les travaux de la Chambre sont suspendus à loisir.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable premier ministre.

Hommage à M. Daniel Johnson M. Jean-Jacques Bertrand

M. BERTRAND: Le 3 juillet dernier, dans le cours de l'après-midi, à la suite des nouvelles qui s'étaient répandues depuis le matin du même jour, j'informais la Chambre de la maladie de l'honorable Daniel Johnson qui, le matin, avait été transporté à l'Institut de cardiologie de Québec.

Depuis ce moment, que d'événements dramatiques se sont produits! Je suis sûr qu'au moment de reprendre nos travaux tous les membres de cette Chambre sont, comme moi, obsédés par le souvenir de celui que nous étions habitués de voir au pupitre qui aujourd'hui porte une couronne. Ce pupitre, j'aurai l'honneur de l'occuper demain, grâce à l'appui de tous les parlementaires, membres de ce parti politique dont il a toujours été le chef incontesté et incontestable.

Je n'entends pas rappeler ici tous les aspects de la carrière et de l'oeuvre politique de Daniel Johnson; son nom, ses actes appartiennent à l'histoire. Après les événements douloureux que nous venons de traverser, tout cela est consigné, et pour longtemps, dans l'esprit et dans le coeur des Québécois. Mais, puisque, pour la première fois depuis ses obsèques, nous voici rassemblés dans cette Assemblée législative où il a siégé pendant vingt-deux ans et où son corps, ramené du gigantesque barrage qui porte maintenant son nom, a été exposé en chapelle ardente, comment ne pas rappeler avec quel talent, avec quelle ardeur, avec quelle joie il participait aux délibérations de notre Parlement?

Je n'ai pas besoin de rappeler, non plus, les hommages qui lui ont été rendus, la visite des chefs d'Etat, de la France en particulier, du premier ministre du Canada, de tous les premiers ministres des provinces canadiennes et de tous ceux-là qui sont venus avec cette foule lui présenter leurs hommages et offrir leurs condoléances à Mme Johnson.

Comme député du comté de Bagot, qu'il représentait sans interruption depuis 1946, comme adjoint parlementaire du premier ministre à partir de décembre 1954, comme vice-président de la Chambre deux ans plus tard, comme ministre des Ressources hydrauliques de 1958 à 1960, comme chef de l'Opposition de 1962 à 1966 et enfin comme premier ministre, il atou-jours manifesté une prédilection évidente pour la partie spécifiquement parlementaire de ses fonctions. Il s'y donnait corps et âme avec une sorte de ferveur joyeuse. Il était ici comme dans son élément naturel. C'est qu'il aimait profondément ce forum, qu'il se plaisait à appeler notre assemblée nationale, où débouchent les préoccupations les plus hautes de la société québécoise et où se forge, dans l'affrontement des idées et des partis, la conscience commune d'un peuple.

Bien loin de fuir la contradiction, de s'en alarmer ou d'en concevoir de l'amertume, Daniel Johnson y voyait un stimulant nécessaire, car ce grand parlementaire était aussi un grand démocrate. Il avait un sens très aigu de la souveraineté populaire et il recherchait constamment la participation, la coopération de tous les groupes de pression, des corps intermédiaires, des collectivités locales ou régionales à la réalisation du bien commun.

Non seulement savait-il parler — je n'ai qu'à rappeler ici certains de ses discours dans ce Parlement et évoquer cette conférence de presse télévisée à travers tout le Canada que les journaux et les commentateurs ont appelée son testament politique — mais il savait aussi, avec une exceptionnelle ouverture d'esprit, se mettre à l'écoute des autres, les interroger et les consulter. Je dirais mime qu'il trouvait un plaisir et un profit particuliers à scruter les arguments de ceux qui ne pensaient pas comme lui. On s'est étonné parfois de le voir rassembler, dans un même groupe de travail autour d'un problème donné, des gens venus d'horizons très divers et dont on se doutait bien qu'ils ne partageaient pas au départ les mêmes avis et les mêmes réactions.

Ceux qui le connaissaient davantage savaient que c'était sa manière à lui d'aller au fond des choses. M. Johnson se méfiait des fausses certitudes, des unanimités factices que l'on obtient sans peine en choisissant comme interlocuteurs des gens dont on sait d'avance qu'ils appartiennent à la même école de pensée.

Il tenait à explorer un éventail aussi large que possible des opinions, à analyser tous les aspects d'un problème pour en dégager peu à peu les éléments d'une solution raisonnable. On sait, d'ailleurs, avec quel art consommé il sa-

vait jeter les ponts entre les points de vue en apparence les plus éloignés et découvrir le dénominateur commun capable de réaliser l'accord de tous.

Est-il nécessaire, M. le Président, de rappeler qu'il était également un ardent nationaliste? Il ne l'était pas devenu par nécessité politique.

Il l'était depuis toujours, par conviction profonde et par amour des siens. Ce qu'il a écrit dans son livre « Egalité ou indépendance » est le développement d'une pensée qui s'élaborait déjà dans son esprit quand il était étudiant au séminaire de Saint-Hyacinthe ou à l'université de Montréal. Je le dis en connaissance de cause, puisque nous avons milité ensemble dans des mouvements de jeunesse universitaire qui se donnaient précisément comme objectif la collaboration dans l'égalité de nos deux communautés culturelles.

Il y avait rien d'étroit, rien de tribal dans le nationalisme de Daniel Johnson. Il a d'ailleurs toujours défini la nation canadienne-française comme une communauté fondée sur la culture et non pas sur la race. Communauté ouverte, par conséquent, à tous les Canadiens, à tous les Québécois qui participent à la culture française et qui veulent y participer, quels que soient leur nom ou leur origine ethnique.

Et c'est ce qu'il affirmait, et lorsqu'il l'affirmait, il en était lui-même l'illustration vivante. C'est en effet par son appartenance culturelle qu'il s'identifiait à nous, qu'il en incarnait mieux que quiconque les traits caractéristiques, les réactions, les façons d'être et de penser et les aspirations profondes. Ce qui ne l'empêchait aucunement d'apercevoir, dans les composantes géographiques et économiques de notre milieu, les impératifs d'une solidarité canadienne et même, dans une certaine mesure, d'une solidarité nord-américaine.

Et nous pouvons dire également qu'il aura été pour le Canada français et pour le Québec un ambassadeur de premier plan dans ses relations avec la France et les jalons qu'il a posés pour des relations plus étroites avec la francophonie, assurant le rayonnement de notre culture.

Si vous me permettez, M. le Président, de terminer sur une note plus personnelle, je dirai qu'au plan humain, celui de l'amitié, celui du coeur, Daniel était, suivant une expression qu'il aimait beaucoup appliquer aux autres, un homme en or.

J'ai eu infiniment de plaisir à travailler à ses côtés, que ce soit dans l'Opposition ou dans l'exercice des responsabilités gouvernementales. Nos carrières ont longtemps suivi les mêmes voies, franchi les mêmes étapes. A cer- tains moments, il y a eu entre nous des échanges assez vifs, mais je dois dire que la loyauté dont moi et mes collègues lui avons toujours donné la preuve a été acceptée dans un climat de franchise, d'ouverture d'esprit et d'acceptation du dialogue. L'amitié que j'avais pour lui s'est développée et est devenue d'autant plus profonde que je travaillais à ses côtés, en particulier, depuis le Mont-Gabriel et depuis le congrès et les assises de 1965.

Il est donc évident pour nous tous, ses collègues, les députés, les parlementaires de notre mouvement politique, qui étions des copains de toujours, que nous ne pouvons collaborer aussi étroitement pendant plus de 20 ans sans que se nouent entre nous des liens multiples et extrêmement forts de fraternité et d'amitié.

A madame Johnson, qui a été si magnanime en ce deuil cruel et tragique, à ses enfants magnifiques, à la famille nombreuse des Johnson, je réitère, au nom de mes collègues et au nom de toute la Chambre, l'expression de nos plus sincères condoléances et je propose que, quand cette Chambre s'ajournera, elle soit ajournée en signe de deuil à la mémoire de l'honorable Daniel Johnson, député de Bagot, 24e premier ministre du Québec.

M. Jean Lesage

M. LESAGE: M. le Président, je revis cet après-midi l'émotion qui m'étreignait lors du triste événement survenu de bonne heure le matin, à la Manic, le mois dernier.

Lorsque nous nous sommes séparés au mois de juillet, personne parmi nous n'aurait osé imaginer qu'une mort aussi inattendue, un deuil aussi cruel viendrait frapper nos rangs au cours de la période de suspension de nos travaux parlementaires. L'éloge que vient de faire le premier ministre de celui qui a été son chef est digne et du disparu et de celui qui l'a prononcé.

J'ai exprimé, au moment du décès de M. Johnson, ma peine profonde. Je veux dire aujourd'hui que tous les membres de l'Opposition ont été bouleversés par ce choc, comme l'a été, d'ailleurs, l'ensemble de la population québécoise. Si d'aucuns, par hasard, s'étonnaient de mes propos, c'est sans doute parce qu'ils entendent mal le sens profond de la vie politique et qu'ils n'en comprennent pas bien le fonctionnement

M. Johnson et moi étions des adversaires,bien sûr, mais nous n'étions pas et nous n'avons jamais été des ennemis. Au contraire, au cours des années, il s'était établi entre nous une sorte de respect de l'autre, une connais-

sance mutuelle de notre personnalité respective et de nos problèmes communs — parce que nous les avions vécus tous les deux — qui faisaient que, même au plus fort de la lutte, nous nous efforcions de ne pas manquer aux règles du jeu et de ne pas léser les droits essentiels de la personne humaine. Tant et si bien que, malgré les divergences notoires qui nous ont opposés, malgré les propos acerbes que nous avons échangés, malgré les coups durs même que nous nous sommes portés, nos rapports personnels ont toujours été marqués au coin de l'estime et du respect mutuels.

Et le plus bel hommage que je puis rendre à celui dont nous déplorons la perte, c'est de proclamer qu'il a servi le Québec avec conscience et avec zèle, et que sa patrie, comme ses concitoyens, gardent et garderont de lui le souvenir d'un homme bon, courageux et dévoué.

Je réitère à la famille de M. Johnson et à ses collègues l'expression de notre très vive sympathie à nous tous.

M. le Président, après avoir rendu cet hommage mérité à l'ex-premier ministre, il me fait plaisir maintenant de saluer son successeur et de lui offrir nos sincères félicitations. Mais soyez sans crainte, M. le Président, et que lui, le premier ministre, soit aussi sans crainte, je n'ai pas l'intention de faire du premier ministre un éloge qui choquerait sa modestie. Aussi je me contenterai de lui offrir nos meilleurs voeux et l'assurance de notre coopération chaque fois que la politique de son gouvernement nous semblera, à nous, servir les meilleurs intérêts du Québec.

J'ai la ferme conviction qu'il existe entre le nouveau premier ministre et moi-même cette ouverture d'esprit et ce respect mutuel dont j'ai parlé il y a un instant et qui sont, pour ainsi dire, indispensables à l'accomplissement de nos devoirs respectifs et de notre evoir commun en cette Chambre. Je ne voudrais pas d'autre part que le premier ministre en conclue prématurément qu'il aura la tâche d'autant plus facile — d'ailleurs, il sait que ce n'est jamais facile — car je pense bien qu'il est, plus que nul autre, conscient que la période que nous traversons requiert, de la part de ceux qui ont la responsabilité du pouvoir et de ceux qui ont la responsabilité de la législation, qu'ils se donnent entièrement à leur tâche suivant les dictées de leur conscience démocratique.

Notre responsabilité de représentants du peuple exige que nous nous attaquions sans délai aux problèmes les plus cruciaux. Je suis certain que c'est ce à quoi s'attendent de nous les citoyens du Québec. Je suis sûr aussi que le premier ministre disparu aurait voulu que nous mettions tout en oeuvre pour tenter de régler les problèmes aigus qui ont surgi, en particulier depuis deux semaines, dans le domaine de l'éducation.

Crise de l'éducation

M. LESAGE: Le premier ministre a rappelé, il y a un instant, la confiance de M. Johnson dans le travail de notre assemblée. Eh bien, le plus bel hommage que nous pourrions lui rendre serait, je crois, M. le Président, tout en ajournant les travaux de la Chambre à six heures, de siéger ce soir en comité de l'éducation pour entendre le ministre, qui ne peut pas se présenter ici, nous faire un rapport détaillé de la situation en ce qui concerne la crise de l'éducation.

Nous pourrions alors aviser, ce soir et à d'autres séances qui devraient se succéder rapidement, séances du comité de l'éducation, aviser, dis-je, des mesures à prendre...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. LESAGE: ... pour mettre fin... M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. LESAGE: ... à la crise scolaire.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je pense que l'honorable chef de l'opposition conviendra que, par un chemin astucieux, il est tenté actuellement de s'éloigner un peu de la motion qui a été présentée par l'honorable premier ministre.

Alors, je lui demanderais de s'en tenir à la motion.

M. LAPORTE: Si vous me le permettiez, M. le Président, nous sommes, je pense, en présence d'une motion d'ajournement de la Chambre.

S'il s'agit véritablement d'une motion d'ajournement de la Chambre, vous verrez, à l'article 188 du règlement, que le genre de motion d'ajournement qui vient d'être présentée par le premier ministre ne peut être présenté que par un ministre; cela apparaît au chapitre des motions portant sur les ajournements de la Chambre.

Or, lorsqu'il s'agit d'une motion d'ajournement de la Chambre, il est permis, à l'occasion de l'étude de cette motion d'ajournement, d'aborder les problèmes qui sont de nature a retenir

l'attention d'une assemblée délibérante comme la nôtre.

Ce que le chef de l'Opposition fait, en somme, c'est, dans la première partie de son exposé, de concourir à l'éloge posthume que l'on fait du premier ministre disparu, et ensuite d'user de son droit, prévu à notre règlement, d'aborder un problème, si c'est un problème urgent. Or, s'il est un problème dont tout le monde parle actuellement dans la province de Québec, c'est celui de l'éducation— Il use donc du droit prévu par le règlement de l'Assemblée législative. L'article 274 est assez clair: « Quand l'ajournement de la Chambre, (je cite le deuxième paragraphe) est proposé par motion principale, la discussion peut porter sur toutes les questions d'administration, sauf celles qui requerraient une mesure législative, ou qui ne peuvent être soulevées que par une motion directe. »

Ce que nous proposons, c'est que la motion d'ajournement de la Chambre soit agréée puisque nous sommes tous d'accord pour seconder les propos du premier ministre quant à M. Daniel Johnson; mais nous l'assortissons d'une autre chose, voulant que, dès ce soir, à cause de l'urgence de la situation, le comité de l'éducation puisse siéger. Je pense que cela est tout à fait conforme aux prescriptions de notre règlement.

M. BERTRAND: M. le Président, je n'ai pas donné lecture, tantôt, de toute la motion. J'avais eu l'occasion de rencontrer le chef de l'Opposition et nous avions parlé d'un ajournement à six heures. Mais, suivant la coutume, étant donné que nous devions faire l'éloge de l'illustre disparu, dès le début de la séance, la motion que je proposais — le chef de l'Opposition est au courant — c'est que, lorsque cette Chambre s'ajournera aujourd'hui, à six heures, elle soit ajournée en signe de deuil et par respect pour la mémoire de l'honorable Daniel Johnson, député du district électoral de Bagot, premier ministre de la province, président du Conseil exécutif, ministre des Affaires intergouvernementales, décédé depuis le dernier ajournement de la Chambre.

A ce moment-là, je crois que le chef de l'Opposition en conviendra, il avait été entendu que la Chambre arrêterait ses travaux à six heures et que nous reprendrions les travaux parlementaires, mercredi après-midi, jour des députés, à trois heures. Voilà ce qui avait fait l'objet de notre rencontre à mon bureau, lors de la visite faite chez moi, selon la coutume et la tradition que j'ai été très heureux de respecter.

M. LESAGE: M. le Président, le premier ministre vient de rappeler la rencontre que nous avons eue à son bureau. Je suis bien d'accord sur tout ce qu'il vient de dire. Il est entendu — je l'ai dit tout à l'heure d'ailleurs — que nous n'avons aucune objection à la motion du premier ministre qui est une motion portant ajournement en signe de deuil, l'ajournement étant proposé pour six heures ce soir. Le premier ministre voudra bien reconnaître que j'ai respecté ce qu'il a dit, puisque j'ai parlé de séance ce soir, non pas de séance de la Chambre, mais de séance du comité de l'Education. J'ai déclaré que j'étais convaincu que le premier ministre disparu, devant un état de crise pareil, la Chambre siégeant, aurait voulu que nous nous attaquions à ce problème extrêmement aigu.

Quand on pense que même des élèves du secondaire de Québec font le chahut dans les rues de Québec au moment où nous parlons, on voit que c'est extrêmement sérieux. C'est pour ça que j'ai suggéré que le comité de l'Education siège ce soir.

Il me semble que c'est normal, que ça respecte en tout les suggestions que le premier ministre m'avait faites dans son bureau et que j'ai respectées moi-même. La situation est tellement grave qu'il était, je crois, du devoir de l'Opposition et du chef de l'Opposition de soulever cette question étant donné qu'il y avait devant la Chambre une motion d'ajournement en signe de deuil, prévue à l'article 188 — on peut lire les notes en bas, sous le titre des motions portant ajournement de la Chambre — et étant donné les prescriptions de l'article 274, paragraphe 2. N'oublions pas, M. le Président, que nous ne pouvons pas nous attendre, d'ici quelque temps, qu'il y ait de la part du gouvernement des motions pour que la Chambre se forme en comité des subsides.

Les occasions de votes de non-confiance sur des sujets qui ne font pas l'objet d'une législation précise nous sont, à toutes fins pratiques, prohibées. Alors, dans les circonstances, il nous appartenait de rechercher et de trouver les moyens d'attirer l'attention des représentants du peuple sur la crise extrêmement aiguë qui survient dans le domaine scolaire. En vertu des articles 188 et 274 deuxièmement, je soumets, M. le Président, que j'ai le droit de ce faire et, avec votre permission, je continuerai de le faire.

M. BELLEMARE: M. le Président, il y a aussi dans les notes explicatives de l'article 188, au sous-article 5: « Dans le doute, il lais-

se à la Chambre de décider s'il y a gravité et urgence ».

M. le Président...

M. LESAGE: C'est une motion d'urgence, ça.

M. BELLEMARE: M. le Président, personne de notre côté n'a interrompu un orateur.

Tel qu'entendu avec l'honorable premier ministre et avec le chef de l'Opposition, il y a eu une rencontre des deux leaders parlementaires ces jours derniers. Il a été entendu que je proposerais cet après-midi, sans en avoir donné l'avis, tel que le veut le règlement, une motion qui appellerait les députés à se prononcer sur les heures de séance de la Chambre.

Cette motion sera faite dans quelques instants et demandera à la Chambre de se prononcer sur un horaire que nous aurons à suivre et que nous adopterons. Nous avons compris qu'en attendant cette motion il était intervenu entre le leader parlementaire et le leader de l'Opposition un « genglemen's agreement » qui disait, entre autres, que tous les mercredis la Chambre serait appelée à siéger en comité, soit de législation, soit de la constitution, soit des règlements ou de l'Education.

M. LESAGE: Non, le mercredi, il a été question de séances du cabinet.

M. BELLEMARE: Le soir. M. BERTRAND: Le soir.

M. LESAGE: Ce n'est pas sûr, cela n'a pas été spécifié.

M. BELLEMARE: M. le Président, il a été toujours entendu avec le leader de l'Opposition que, le mercredi matin, des comités pourraient siéger à volonté, soit celui de l'Education, soit celui de la constitution, soit le comité des règlements ou tout autre. Cet accord nous a été donné. Avec le consentement du leader de l'Opposition, je lui ai fait valoir que le mercredi soir était réservé comme le congé des députés de la Chambre. Pour les ministres, c'était l'assemblée du Conseil exécutif.

M. le Président, si l'Opposition veut que nous respections ce « gentlemen's agreement », nous n'avons aucune objection à faire siéger le comité dès demain matin et je crois respecter l'entente que nous avons prise.

Si l'Opposition y voit, comme nous le constatons d'ailleurs, un problème urgent, nous n'avons aucune objection à ce que notre entente, qui devait entrer en vigueur demain, soit reportée à mercredi prochain.

M. LESAGE: A quelle heure? A dix heures? M. LAPORTE : A quelle heure demain matin? M. BELLEMARE: Dix heures demain matin.

M. LAPORTE: Dix heures demain matin, accepté.

M. BELLEMARE: Entendu, Très bien.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Est-ce que la motion proposée par l'honorable premier ministre est adoptée?

Adopté.

M. BELLEMARE: Monsieur le Président, je voudrais, comme doyen de cette Chambre et comme représentant de la majorité dans cette Chambre, particulièrement au nom de mes collègues de l'Union Nationale, me faire un devoir bien agréable, dans cette circonstance extrêmement difficile, de présenter à notre nouveau premier ministre l'expression la plus sincère et désintéressée de notre loyauté et de notre généreuse collaboration.

Inutile de vous dire combien la tâche qu'il est appelé à remplir est lourde et combien les devoirs de sa charge seront difficiles à cause des impératifs de la vie d'aujourd'hui et des problèmes multiples que nous affrontons aujourd'hui plus que jamais.

Nous l'assurons d'abord de notre amitié et surtout de la ferme conviction qu'à ses côtés, nous pourrons oeuvrer afin de donner à la province le spectacle d'un parti uni, fort et qui n'a qu'un seul objectif, celui de bien remplir le mandat que lui a confié la population. Je remercie l'honorable chef de l'Opposition des témoignages qu'il lui a rendus cet après-midi que je crois très sincères puisqu'il a personnellement vécu pendant plusieurs années l'expérience de premier ministre. Je sais qu'il comprend les impératifs de cette charge qui est lourde de conséquences et qu'il apportera à notre nouveau premier ministre toute la coopération qu'il est en droit d'en attendre. Je remercie aussi mes collègues, les honorables membres du Conseil exécutif ainsi que toute la députation de l'Union Nationale pour le geste unanime qu'ils ont posé, lors de sa désignation comme premier ministre de cette province.

M. BERTRAND: On me permettra de remer-

cier immédiatement le chef de l'Opposition, mon collègue, le doyen des députés, des propos qu'ils ont eus à mon endroit et des souhaits qu'ils ont formulés. Je dis au chef de l'Opposition que comme lui et celui qui m'a précédé je serai jugé à mes actes et que je suis prêt au combat démocratique. Si nous n'avons pas accepté au départ ce qu'il a mentionné dans ses remarques, que le comité de l'éducation siège ce soir, c'est qu'il avait été bien entendu entre nous que l'on ajournait à six heures. Demain matin, à dix heures — j'ai souvent parlé des séances des comités, il y a un problème à l'heure actuelle devant l'opinion publique — nous irons le discuter demain matin à dix heures au comité parlementaire de l'éducation.

M. BELLEMARE: J'ai l'honneur de proposer que la composition du comité spécial de onze membres institué par cette Chambre le 20 février 1968, pour choisir les membres ainsi que le président de chacun des comités permanents alors formés, soit modifiée en remplaçant le nom de M. Johnson comme membre...

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail voudra attendre peut-être qu'on appelle les motions non annoncées.

Présentation de pétitions. Lecture et réception de pétitions.

L'honorable député de Vaudreuil-Soulanges.

M. GERIN-LAJOIE: J'ai l'honneur de proposer pour le député de Chambly que les articles 615 et 616 du règlement soient suspendus et qu'il me soit permis de présenter la pétition de la Corporation de l'Oratoire Saint-Joseph-du-Mont-Royal demandant l'adoption d'une loi confirmant et ratifiant la convention intervenue entre ladite corporation et la ville de Montréal et que cette pétition soit maintenant présentée, lue et reçue.

M. LESAGE: Je pensais que c'était une ratification de miracle.

M. BERTRAND: Nous ne savions pas que c'était très urgent, mais le député de Vaudreuil-Soulanges veut sans doute provoquer un miracle, alors, nous acceptons...

M. LAPORTE: Oui, l'élection de M. Cardinal dans Bagot, un vrai miracle!

M. BERTRAND: On en parlera sur les tribunes politiques dans Bagot.

M. LAPORTE: Comptez sur nous.

M. LESAGE: Est-ce que le premier ministre a l'intention de participer à la campagne électorale dans le comté de Bagot?

M. BERTRAND: J'ai l'intention de la suivre de très près.

M. LESAGE: De la suivre, oui. Vous allez arriver en retard, vous allez suivre de trop loin.

M. MALTAIS (Saguenay): Quand on suit, on vient après...

M. BELLEMARE: Il n'y a pas de piège à ours? Vous n'avez pas eu de piège à ours?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: Non, il n'y a pas de piège à ours.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BELLEMARE: Il y avait des pièges à ours de votre temps.

M. LESAGE: Vous devez regretter... M. BELLEMARE: ... pièges à ours... M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

Présentation de rapports de comités élus. Présentation de motions non annoncées.

L'honorable premier ministre.

Election du vice-président

M. BERTRAND: M. le Président, j'ai l'honneur de proposer — nous nous sommes entendus, le chef de l'Opposition et moi, à ce stade-ci, de faire telle proposition — que le député de Sherbrooke, M. Raynald Fréchette, soit élu président des comités pléniers de la Chambre et devienne le vice-président de notre assemblée.

Raynald Fréchette est un des plus jeunes députés de l'Union Nationale. Il est né à Asbestos en 1933. Il a fait ses études à Sherbrooke, au séminaire Saint-Charles-Borromée, où il obtint son baccalauréat ès art. A l'université, en 1961, il obtenait sa licence en droit. Il fut, au cours de cette dernière période, président de sa faculté et devint, par la suite, président de l'Association générale des étudiants de l'uni-

versité de Sherbrooke. Il eut aussi l'honneur d'être finaliste provincial des débats oratoires, à titre de membre de la jeune chambre de commerce. Il s'est dévoué au sein de plusieurs organismes locaux et régionaux. Il a pris une part très grande aux activités de la Société de criminologie. Toujours de bon conseil, il a dispensé, dans différentes villes et paroisses de son district, des conseils juridiques.

Avide de politique active, Me Fréchette a fait ses premières armes dans ce domaine en se présentant, à l'âge de 28 ans, dans le comté de Richmond. Mais le 5 juin 1966, il était élu, pour la première fois, député de Sherbrooke. J'ai donc l'honneur, M. le Président, de le proposer comme président de notre comité plénier et vice-président de cette Chambre.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.

M. LESAGE: M. le Président, nous accueillons de ce côté-ci de la Chambre la proposition du premier ministre avec beaucoup de plaisir et de satisfaction. Nous serons heureux de travailler sous la présidence active du député de Sherbrooke lorsque nous serons en comité, ou même lorsque, M. le Président, ayant à vous retirer pour quelque temps du fauteuil, vous y serez remplacé par le député de Sherbrooke.

Comme vous, le député de Sherbrooke est un homme de loi, jeune, un des plus jeunes de cette assemblée, et j'ai eu l'occasion d'apprécier le sérieux qu'il a mis à son travail de député. J'ai même eu des rapports sur sa sagesse lors de certain voyage qu'il a effectué et je suis certain que ses qualités personnelles et sa science juridique feront de lui un excellent président de nos comités.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que la motion de l'honorable premier ministre est adoptée? Adopté.

M. LAPORTE: A l'article des motions non annoncées, je voudrais proposer qu'au comité parlementaire sur l'Education, le nom de M. Lefebvre soit remplacé par celui de M. Lesage et celui de M. Fortier par celui de M. Laporte.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

Le comité des onze

M. BELLEMARE: Je voudrais terminer ma motion non annoncée qui n'était pas à la bonne place tout à l'heure. J'espère bien que laChambre ne m'en voudra pas. Le comité des onze, c'est justement pour nommer les présidents des comités permanents, que le nom de M. Johnson comme membre soit remplacé par celui de M. Gabias et que le premier ministre en soit le président.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. BELLEMARE: M. le Président, j'ai l'honneur de proposer que le nom de l'honorable M. Bertrand soit substitué à celui de M. Johnson comme parrain des bills suivants: Loi concernant le Conseil législatif, Loi du ministère de l'Immigration, bill no 13, Loi du protecteur du citoyen, bill no 59, Loi concernant l'office franco-québécois pour la jeunesse, bill no 53, Loi de l'Office de développement et d'aménagement du Québec.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

Heures des séances

M. BELLEMARE: M. le Président, comme je l'ai dit tout à l'heure lors de mon intervention, je voudrais proposer à la Chambre une motion pour les heures de séances. Avec l'entente du leader de l'Opposition, je la déposerai immédiatement, elle sera en vigueur demain matin et jeudi, nous pourrions siéger à 11 heures, tel qu'entendu.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Est-ce que la Chambre donne son consentement unanime à cette motion?

M. BELLEMARE: Oui, oui, c'est vrai. Pour qu'à l'avenir et jusqu'à nouvel ordre...

M., PINARD: Vous aviez présumé de notre consentement.

M., BELLEMARE: Ah! j'ai pris mes précautions. Je suis allé voir le leader et je me suis entendu avec lui.

Je pense que nous n'aurons pas de difficulté, ni lui ni moi, si personne ne vient intervenir.

M. LAPORTE: Alors pour éviter les difficultés, continuez donc.

M. LESAGE: Vous semblez les rechercher.

M. BELLEMARE: ... qu'à l'avenir et jusqu'à nouvel ordre, la Chambre tienne une séance tous les jours de la semaine, sauf le dimanche, de 11 heures du matin jusqu'à 10 heures du soir avec suspension des travaux de 1 heure à 3 heures l'après-midi et de 6 heures à 8 heures le soir, et qu'à toutes ces séances, l'ordre des affaires du jour soit celui qui est prévu à l'article 115 du règlement.

M. LAPORTE : M. le Président — à moins que le ministre ait d'autres commentaires — nous avons ce matin discuté de cette suggestion au caucus. Nous sommes d'accord. Il a été bien entendu — et je prends la parole du ministre inconditionnellement — que l'entente que nous avons appelée « gentlemen agreement », intervenue à l'effet que nous siégerions le soir jusqu'à 10 heures, sauf cas très exceptionnels, et que les heures de séances seraient rigoureusement observées quel que soit le climat de cette Chambre ou le niveau où les tempéraments auront pu s'élever serait respectée, et que s'il y avait lieu de procéder à d'autres ententes ou à une pro= chaîne mésentente, cela ne se ferait pas sans consultation.

M. BELLEMARE: D'accord. Est-ce que le leader parlementaire a communiqué à son caucus les heures convenues?

M. MALTAIS (Saguenay): C'est un secret!

M. LAPORTE: Si le secret du caucus me le permettait, je vous répondrais oui.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. BELLEMARE: M. le Président, je voudrais me réserver — si l'Opposition n'a pas d'objection — le comité de l'éducation...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

Présentation de bills privés. Présentation de bills publics.

M. LESAGE: M. le Président, pourrais-je demander au ministre... Ah, il y a des bills en première lecture?

Bill no 75

M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre propose la première lecture d'une Loi du ministère de l'Immigration. Cette motion est-elle adoptée?

Adopté.

M. BERTRAND: M. le Président, B, Loi du ministère de l'Immigration. Ce bill prévoit la création d'un ministère de l'Immigration et impose au ministre qui sera nommé des devoirs, devoirs dont nous avons souventefois parlé, devoirs qui feraient jouer au Québec un rôle actif dans le domaine de l'immigration.

M. le Président, j'en ai causé avec le chef de l'Opposition; vendredi matin, pour une raison qu'il connaît et que je préfère ne pas donner, je serai absent de cette Chambre et le ministre des Institutions financières, des compagnies et des coopératives, qui était Secrétaire provincial et de qui relevait la direction générale de l'immigration, présentera le bill à la Chambre.

Il est imprimé, suivant les renseignements que l'on m'a donnés. Il sera incessamment distribué aux députés. J'en propose la première lecture.

M. LE PRESIDENT: La motion de première lecture est-elle adoptée? Adopté.

Seconde lecture à la prochaine séance ou à une séance subséquente.

Affaires du jour.

M. LESAGE: Pourrais-je demander au ministre de la Voirie...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Est-ce que l'honorable chef de l'Opposition me permettrait de faire une communication à la Chambre avant que nous continuions?

M. LESAGE: A tout seigneur, tout honneur. Sièges déclarés vacants

M. LE PRESIDENT: J'ai l'honneur d'informer la Chambre que mon prédécesseur a reçu la notification suivante: « L'honorable Rémi Paul, Orateur de l'Assemblée législative, Hôtel du gouvernement, Québec.

M. l'Orateur,

Nous soussignés, Jean-Jacques Bertrand, député à l'Assemblée législative de Québec pour le district électoral de Missisquoi et premier ministre du Québec et Maurice Bellemare, député à l'Assemblée législative de Québec pour le district électoral de Champlain et ministre

du Travail du Québec, vous notifions officiellement que le siège de député du district électoral de Bagot à l'Assemblée législative de Québec est devenu vacant par suite du décès de l'honorable Daniel Johnson, au moment de sa mort, député du district électoral de Bagot et premier ministre du Québec. « Le présent avis vous est transmis en vertu de la loi. Veuillez donc, s'il vous plaît, agir en conséquence.

Jean-Jacques Bertrand, premier ministre du Québec et député de Missisquoi.

Maurice Bellemare, ministre du Travail et député de Champlain. »

J'ai aussi l'honneur d'informer la Chambre que mon prédécesseur a adressé au président général des élections les mandats lui enjoignant d'émettre des nouveaux brefs portant convocation des collèges électoraux de Bagot et de Notre-Dame-de-Grâce.

L'honorable chef de l'Opposition.

Questions et réponses Rapport Vandry

M. LESAGE: Alors, M. le Président, je voudrais demander au ministre de la Voirie s'il croit être en mesure de déposer bientôt en cette Chambre le rapport connu sous le nom de rapport Vandry.

M. LAFONTAINE: M. le Président, aussitôt que le rapport m'aura été transmis d'une façon officielle, il me fera plaisir de le soumettre à la Commission d'aménagement du Québec.

M. LESAGE: Je n'ai pas compris.

M. LAFONTAINE: Je voudrais répondre au chef de l'Opposition qu'aussitôt que le rapport me sera remis officiellement, il me fera plaisir de le transmettre à la Commission d'aménagement du Québec. En effet, le ministère de la Voirie, avec la firme Vandry, agit pour et au nom de la Commission d'aménagement du Québec. Je dois assurer le chef de l'Opposition que je n'ai pas encore reçu officiellement le fameux rapport, même si dans les journaux, dernièrement, les journalistes ont fait état du rapport Vandry.

M. LESAGE: Le ministre de la Voirie pourrait-il dire à cette Chambre s'il a reçu le rapport autrement qu'officiellement?

M. LAFONTAINE: Ni officieusement, ni officiellement et je demande au chef de l'Opposition de prendre ma parole. Je suis aussi impatient que lui de voir le rapport du comité.

M. LESAGE: Le ministre de la Voirie ne trouve-t-il pas extraordinaire que les journalistes aient tellement vu ce rapport qu'ils donnent la couleur de sa couverture: orange et vert, je crois? Est-ce que le ministre a vu le rapport?

M. LAFONTAINE: Si le chef de l'Opposition voulait rendre service au ministre de la Voirie, il pourrait peut-être demander aux journalistes, qu'il connaît bien, d'où le rapport provient et la source de leurs informations.

Personnellement, je vous le dis, aucun rapport n'a été déposé au ministère de la Voirie et le ministre de la Voirie n'a pas pris connaissance du rapport. Si le rapport avait été présenté...

M. LESAGE: Pardon?

M. LAFONTAINE: ... je peux assurer le chef de l'Opposition que j'aurais été très heureux d'en prendre connaissance.

M. PINARD: M. le Président, le ministre de la Voirie pourrait-il nous dire s'il est exact que les hauts fonctionnaires de son ministère font en ce moment l'étude de la deuxième tranche du rapport Vandry et que c'est là qu'il y a peut-être divergences d'opinions?

Le ministre pourrait-il nous dire si les hauts fonctionnaires sont à étudier la deuxième tranche du rapport Vandry et les recommandations qui y sont contenues?

M. LAFONTAINE: Peut-être que le député de Drummond est plus informé des gestes posés au sein du ministère de la Voirie...

M. LESAGE: C'est par les journaux.

M. LAFONTAINE: ... que le ministre lui-même, mais je dois dire ceci: le rapport Vandry doit comprendre, je pense, deux parties: premier volume, deuxième volume. Je sais -et je pense bien que le député de Drummond le sait aussi parce qu'il était jadis ministre de la Voirie et qu'il a lui-même signé le contrat avec les professionnels - le ministre de la Voirie, agissant pour et au nom de la commission d'aménagement du Québec, a passé un contrat avec la firme Vandry, DeLeuw, Carter et Jobin. Mais, je sais que le rapport est à se faire, je

sais que les hauts officiers de mon ministère sont continuellement en rapport avec le bureau d'ingénieurs-conseils, et c'est normal parce que c'est le ministère de la Voirie qui agit pour et au nom de la Commission d'aménagement du Québec et le ministère de la Voirie a fait appel à des professionnels, mais je ne peux pas en dire plus que ça. J'attends avec impatience que ce rapport me soit présenté afin d'éclaircir toute la situation.

M. PINARD: Une question supplémentaire, M. le Président. Est-ce que le ministre de la Voirie pourrait nous expliquer comment il se fait — et je n'en fais pas de reproche à la presse — mais comment il se fait que des journalistes auraient en main ou du moins, des informations assez précises sur le contenu des deux tranches du rapport Vandry alors que le ministre prétend qu'il n'en a jamais vu la couleur, qu'il n'a jamais vu ce rapport ni officiellement, ni autrement alors que les journaux nous ont rapporté quand même des recommandations...

M. LAFONTAINE: M. le Président...

M. PINARD: ... qui semblaient être soumises? Elles n'ont certainement pas été inventées. Comment il se fait que l'exécutif soit toujours le dernier à apprendre le contenu des travaux faits par des commissions...

M. LOUBIER: Le président est debout!

M. PINARD: ... nommées par un précédent gouvernement?

M. LOUBIER: Voyons, arrière!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il s'agit là d'une question qui ne rencontre pas les deux conditions essentielles pour être posée d'une façon régulière à ce stade-ci de nos procédures. Alors, je demanderais à l'honorable député de Drummond de renoncer à cette question.

M. LESAGE: M. le Président, au sujet du rapport Vandry, me permettez-vous de vous souligner respectueusement qu'il s'agit d'une question extrêmement importante puisqu'il s'agit de la circulation dans toute la région de la capitale et que, deuxièmement, il s'agit d'une question urgente puisque ça traîne depuis des mois et des mois. Il est absolument inconcevable, M. le Président, que le ministre de la Voirie n'ait pas vu le rapport Vandry alors que tous les journaux de la région de Québec en parlait depuis des semaines et même des mois.

M. LAFONTAINE: M. le Président...

M. LESAGE: C'est absolument incompréhensible. Le moins que l'on pourrait demander au ministre de la Voirie — c'est ce que je lui demande — c'est de s'informer auprès de ses officiers de façon à nous répondre avec précision en cette Chambre, parce que ça coûte de l'argent, ce rapport-là, et nous sommes responsables de la dépense publique.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BERTRAND: N'est-il pas à propos, il me semble, dès la reprise de ces travaux, de nous entendre? Que les questions soient courtes et précises et que la période de questions ne doit pas être l'objet d'échanges de propos, de questions à répétition. Nous voulons tous, nous le disons, avoir de l'ordre. Or, l'on sait que la période des questions, d'habitude, doit être courte et ne doit pas provoquer un débat. Est-ce que nous pourrions, dès le départ, aujourd'hui, nous entendre là-dessus, surtout quand le ministre vient de déclarer qu'il n'a pas reçu officiellement le rapport?

M. LESAGE: M. le Président, parlant évidemment sur les remarques que vient de faire le premier ministre, je suis bien d'accord sur le fait que les questions doivent être directes, mais il me semble que les réponses doivent l'être aussi et, M. le Président, le moins que l'on puisse dire c'est que la réponse du ministre de la Voirie nous permet de nous poser bien des questions. Il dit: Moi, je n'ai pas pris connaissance officiellement du rapport...

M. LAFONTAINE: M. le Président...

M. LESAGE: ... mais, dit-il...

M. LAFONTAINE: M. le Président...

M. LESAGE: M. le Président, j'ai la parole et je suis à faire des remarques sur ce qu'a dit le premier ministre et non pas le ministre de la Voirie.

Le ministre de la Voirie dit que ses officiers sont en pourparlers continuels avec...

DES VOIX: A l'ordre!

M. LESAGE: ... les ingénieurs. Est-ce que les officiers, sur les instructions du ministre, cherchent à faire changer le rapport des Ingénieurs? C'est important de le savoir.

M. LAFONTAINE: M. le Président, le chef de l'Opposition n'a pas le droit de prêter des motifs au ministre de la Voirie dans la réponse qu'il a donnée. Mais j'ai l'impression que tout le débat qui est présentement en cours, malgré que ça ne devrait pas être un débat, mais simplement la période des questions, ce n'est que pour donner au chef de l'Opposition l'occasion de faire un débat, parce qu'il l'a promis dans .le Soleil du jeudi 17.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LAFONTAINE: « Lesage insistera pour que le rapport Vandry soit rendu public. » Je dis ceci: Le rapport Vandry ne m'a pas été présenté.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: J'ai fait part d'une intention, c'est tout.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Disons que l'incident est clos et que nous passons à une autre question, s'il en est.

M. MICHAUD: M. le Président...

M. LESAGE: M. le Président, je veux conclure — si vous me le permettez — en suggérant au ministre de la Voirie de demander à ses officiers...

DES VOIX: A l'ordre!

M. LESAGE: ... de lui donner les renseignements qui lui permettront de donner une réponse précise.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.

Le Centre de psychologie et de pédagogie

M. MICHAUD: M. le Président, il s'est produit depuis l'ajournement de nos travaux, au début de juillet 1968, des événements inquiétants et troublants qui sont susceptibles de freiner ou de contrecarrer les objectifs pour lesquels existe le ministère des Affaires culturelles. Cet incident est la vente des actifs...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. MICHAUD: ... du Centre de psychologie et de pédagogie...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. MICHAUD: ... à la société américaine...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. MICHAUD: Puis-je formuler le reste de ma question?

DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre!

M. LE PRESIDENT: Je sais que l'honorable député de Gouin connaît assez bien laprocédure parlementaire pour réaliser que nous sommes à la période des questions et que la question doit être posée immédiatement et directement.

M. MICHAUD: Je sais qu'une question ne doit pas être précédée d'un exposé de motifs, mais j'ai tout de même tenu à signaler ces faits. Est-ce que le ministre des Affaires culturelles a l'intention de demander aux fonctionnaires de son ministère de procéder à une enquête complète sur la vente des actifs du Centre de psychologie et de pédagogie à la succursale américaine de l'Encyclopedia Britannica Ltd.?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je demande la permission, étant donné les circonstances que vous connaissez, de parler depuis ce siège, puisque ce n'est pas le siège que j'occupe normalement.

M. MICHAUD: Je n'ai rien entendu.

M. LE PRESIDENT: Cette permission est-elle accordée?

M. BERTRAND: Oui, accordée. M. LE PRESIDENT: Accordé.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai compris vaguement la question de l'honorable député de Gouin.

M. MICHAUD: Plaît-il au ministre que je la reformule?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): S'il vous plaît.

M. MICHAUD: Le ministre des Affaires culturelles a-t-il l'intention de demander à ses fonctionnaires — compétents, je présume — de procéder à une enquête complète sur la vente des actifs du Centre de psychologie et de pédagogie à la société américaine Encyclopedia Britannica Ltd.? Fin de la question. Le ministre veut-il que je répète?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je prends avis de la question.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rimouski.

M. MICHAUD: Le changement de siège a rendu arrogant le ministre.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Taxe scolaire

M. TESSIER: M. le Président, les cultivateurs ont le droit d'être remboursés de 35%...

DES VOIX: Question, question.

M. TESSIER: C'est préliminaire... de 35% de la taxe scolaire. Or, en l'absence du ministre des Finances et du ministre de l'Education, est-ce que le premier ministre pourrait nous dire quand ce remboursement se fera aux cultivateurs qui l'attendent depuis un an?

M. BERTRAND: M. le Président, je prends avis de cette question et j'y répondrai demain. On sait que mon collègue le ministre des Finances est retenu à l'hôpital par la maladie et j'en profite pour lui offrir, au nom de tous mes collègues, mes meilleurs voeux de prompt rétablissement.

M. LESAGE: M. le Président, je voudrais joindre ma voix à celle du premier ministre pour déplorer la maladie du ministre des Finances ainsi que celle du ministre d'Etat et député de Saint-Sauveur. Je voudrais me joindre au premier ministre pour offrir aux deux ministres nos voeux de prompt rétablissement. Nous espérons les revoir très bientôt en cette Chambre.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Olier.

Election municipale à Saint-Michel

M. PICARD (Olier): M. le Président, une question au ministre des Affaires municipales. J'aimerais savoir si, à la suite du référendum tenu à Saint-Michel dimanche dernier, le gouvernement a l'intention d'annuler l'élection municipale qui est censée être tenue dans cette municipalité le 4 novembre prochain, de même que le jour de l'appel nominal prévu pour le 25 octobre, c'est-à-dire vendredi de cette semaine.

M. LUSSIER: M. le Président, à la suite du référendum, j'ai immédiatement demandé aux conseillers juridiques du ministère des Affaires municipales d'examiner minutieusement 1st situation actuelle, tenant compte évidemment de l'imminence d'une élection municipale dans cette municipalité et de m'en faire rapport le plus tôt possible.

M. LESAGE: M. le Président, est-ce que le ministre des Affaires municipales pourrait nous expliquer comment il se fait qu'un référendur ait été ordonné et qu'il n'ait pas auparavant obtenu l'opinion de ses conseillers juridiques? C'est inconcevable, ce qu'il vient de nous dire, c'est une négligence impardonnable.

M. BERTRAND: C'est du commentaire. C'est du commentaire. Ne répondez pas, c'est du commentaire.

M. LAPORTE: M. le Président, je prends note de la réponse. Une question supplémentaire. Le ministre nous dit qu'il a demandé de faire rapport. Est-ce que le ministre est au courant que la mise en candidature, c'est le 25 octobre? C'est aujourd'hui le 22. Qu'est-ce qui va se produire entre la décision prise qu'il y aura annexion à la ville de Montréal et la mise en train d'une élection qui peut provoquer n'importe quel résultat? Qu'est-ce qu'on peut attendre, de la part du ministre, dans une situation aussi claire que celle-là?

M. GRENIER: Vous aurez trois jours. M. DEMERS: Trois jours.

M. LUSSIER: M. le Président, j'ai dit qu'à la suite du référendum, j'ai demandé aux conseillers juridiques du ministère de faire le point actuellement, et de me faire rapport le plu tôt possible. C'est évident aussi que j'ai dit à M. le député d'Olier que nous tenions compte de l'imminence de l'élection municipale prévue pour le 4 novembre.

M. LAPORTE: C'est l'intention...

M. PICARD (Olier): Une question supplémentaire, M. le Président. Est-ce que le ministre, en plus de tenir compte de l'évidence de l'élection, tient aussi compte de l'évidence de la mise en nomination de vendredi, et que ça implique des dépenses pour les candidats?

M. GRENIER: On va vous faire un dessin.

M. LAPORTE: M. le Président,...

M. LUSSIER: M. le Président, c'est le 25, la mise en nomination.

M. LAPORTE: ... Est-ce qu'on peut demander au ministre sur quel sujet il a demandé à ses fonctionnaires de lui faire rapport? La situation est pourtant claire. Sur quel sujet a-t-il demandé à ses fonctionnaires de faire rapport?

M. BERTRAND: M. le Président, il a répondu, et les questions que l'on pose depuis sont tout simplement des commentaires sur l'attitude du ministre.

M. LAPORTE: M. le Président, le premier ministre a déclaré, depuis sa nomination, qu'il entendait passer à l'action. Il y a eu une action précise dans la ville de Saint-Michel, un référendum demandant par une forte majorité l'annexion à la ville de Montréal. Le ministre des Affaires municipales s'était engagé à faire présenter un projet de loi spécial pour annexer la ville. Or on lui dit qu'il y a une mise en nomination le 25 octobre et une élection au début de novembre...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LAPORTE: ... Est-ce qu'on va laisser faire ces dépenses, tout ce travail...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LAPORTE: ... probablement tout ce brassage de boue avant qu'on décide d'annexer ou de ne pas annexer? C'est ce qu'on veut savoir.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. MICHAUD: Donc, question beaucoup plus précise...

M. BERTRAND: Vu que les propos que vient de tenir le député de Chambly sont des commentaires sur son attitude, on verra.

M. MICHAUD: M. le Président, ma question au ministre des Affaires municipales...

M. BELLEMARE: M. le Président, l'honorable premier ministre a répondu tout à l'heure et vu que le chef de l'Opposition a acquiescé à la demande du premier ministre, que les questions soient brèves et que les réponses aussi soient bien données...

M. LAPORTE: Ah oui, mais...

M. BELLEMARE: Voici...

M. LESAGE: M. le Président, j'invoque...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BELLEMARE: Ce n'est pas, je pense, le chef de l'Opposition, ni le parti libéral qui von: juger si la réponse donnée par le ministre, qui a une responsabilité, est satisfaisante, mais...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BELLEMARE: ... j'appelle, je vous fais remarquer, M. le Président...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre...

M. MALTAIS (Saguenay): Le président est debout.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que je dois comprendre que l'honorable ministre du Travail veui: invoquer le règlement?

M. BELLEMARE: Article 679, M. le Prési-den:. Il est clair que 679 répond, et si cet article est appliqué, je crois qu'il y aurait dans cette Chambre beaucoup plus d'ordre.

Et surtout, M. le Président,... j'attire votre attention sur la note 2: « Il est irrégulier de poser de nouvelles questions pour obtenir des renseignements supplémentaires à ceux qui ont été fournis dans une réponse, pourvu que ces questions ne constituent pas un contre-interrogatoire. » Et c'est ça qu'ont fait les honorables députés qui ont interrogé l'honorable ministre des Affaires municipales et ceux qui ont interrogé l'honorable ministre de la Voirie. Si 679 était appliqué, je crois que les travaux de la Chambre...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BELLEMARE: ... se dérouleraient avec beaucoup plus d'économie.

M. LE PRESIDENT; A l'ordre! Avec la coopération de tous les députés, je suis convaincu que je réussirai à faire appliquer cet article.

M. MICHAUD: La question très précise que j'adresserai au ministre des Affaires municipales appellera un oui ou un non comme réponse. A-t-il demandé aux conseillers juridiques de son

ministère d'accélérer les procédures d'annexion avant la tenue du scrutin municipal du 5 novembre?

M. LUSSIER: Les conseillers juridiques, comme je le disais, sont en train de faire le point sur toute cette question telle qu'elle se présente actuellement et nous travaillons à trouver la ou les solutions que je proposerai ensuite à mes collègues.

M. MICHAUD: Ce n'était pas une réponse.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député des Deux-Montagnes.

Contrat de Churchill Falls

M. BINETTE: J'aurais une question à poser au ministre des Richesses naturelles. Le ministre des Richesses naturelles a-t-il l'intention de déposer en cette Chambre une copie de la plus importante transaction qui ait jamais été signée dans la province de Québec, je veux dire l'entente entre l'Hydro-Québec et Churchill Falls Labrador Corporation?

M. BERTRAND: Cette question du député des Deux-Montagnes apparaît au feuilleton au nom de l'honorable chef de l'Opposition.

M. BINETTE: Je demande si le ministre a l'intention d'y répondre.

M. BELLEMARE: A l'ordre!

M. BERTRAND: On y verra en temps et lieu,

M. ALLARD: Je n'ai pris connaissance de la question qu'aujourd'hui. Il faut bien que j'aie le temps de me tourner de bord.

Heures octroyées

M. LECHASSEUR: J'aurais une question à adresser au ministre de l'Agriculture. Quelle est la situation au point de vue des heures octroyées dans la province?

UNE VOIX: Très bonne.

M. VINCENT: La situation est excellente. Les travaux ont été exécutés d'une façon courtoise et la saison a été excellente. On a même dépassé, dans certains comtés, les heures qui étaient prévues. On fait présentement un « res-capage » pour pouvoir redistribuer certaines heures dans d'autres comtés afin de continuer les travaux au cours de la présente saison.

M. LECHASSEUR: Une question additionnelle. Le ministre sait-il que, dans plusieurs comtés, actuellement, les cultivateurs déplorent le fait qu'ils ne peuvent obtenir des heures octroyées?

M. VINCENT: Oui, mais c'est justement à cause de la belle saison. Le budget qui était d'environ $6 millions en 1966 est présentement de $9 millions. C'est pourquoi nous voulons faire une redistribution.

M. MALTAIS (Saguenay): C'est parce qu'il y a plus de terres qu'avant.

M. LAPORTE: Il y a plus d'heures, parce qu'il y en a plus qu'avant.

M. VINCENT: Non, le budget est augmenté de $2,500,000. Il y a plus d'heures qui se dépensent. La saison étant favorable, cela ça va mieux.

M. LESAGE: Cela coûte plus cher.

UNE VOIX: Cela va plus vite qu'on ne le pensait.

M. LAPORTE: II fait trop beau.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Saguenay.

Village de Franquelin

M. MALTAIS (Saguenay): Ma question s'adresse au ministre des Affaires municipales. Le ou vers le 15 juin dernier, avant l'ajournement, le ministre m'avait dit que le cas de l'incorporation du village de Franquelin, qui était un territoire organisé, serait réglé. Est-ce qu'il a blâmé ses fonctionnaires parce que rien n'a été fait jusqu'à maintenant et à quelle date les a-t-il blâmés, si la chose s'est faite, vu que Franquelin n'est pas incorporé?

M. LUSSIER: La situation dont le député nous faisait part à cette époque a été étudiée très attentivement par mes fonctionnaires, moi-même et d'autres. A cause de cette situation très spéciale, nous avons une solution qu'il connaîtra très bientôt. C'est ce qui explique un peu notre lenteur et le fait que nous n'avons pas pu apporter de solution.

M. MALTAIS (Saguenay): Evidemment, c'est une question de terminologie et mon ami, le ministre des Affaires culturelles, sait à quoi s'en tenir là-dessur. Je voudrais simplement demander au ministre sa définition du mot « bientôt».

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Verdun.

Sous-ministre de la Justice

M. WAGNER: Ma question s'adresse au nouveau Solliciteur général. Est-ce que le Solliciteur général a l'intention de se rendre à la demande exprimée par le Barreau du Québec de nommer un sous-ministre de la Justice à Montréal, poste qui est demeuré vacant depuis l'été 1966?

Mo BERTRAND: Le problème de la nomination .es sous-ministres et même du sous-ministre adjoint relève d'habitude du premier ministre. Le premier ministre verra à répondre en temps et lieu à la demande du Barreau de Montréal.

M. WAGNER: Pour éclairer cette Chambre, est-ce que le premier ministre qui est en même temps le ministre de la Justice pourrait dire à la Chambre, quelles sont les fonctions du Solliciteur général actuellement afin que l'on puisse mieux diriger nos questions, soit au solliciteur, soit au ministre de la Justice, soit au premier ministre?

M. BERTRAND: Comme le député de Verdun a déjà été Solliciteur général, il a dû remplir des fonctions; il les connaît. Le nouveau Solliciteur général, que je suis heureux de féliciter, j'ai été heureux de l'inviter à porter avec moi le fardeau très lourd de l'administration de la justice. Or dans tous les domaines ou le Solliciteur général peut agir, domaines qui lui sont assignés les uns par la loi et d'autres dans le domaine administratif d'abord, le solliciteur à l'heure actuelle, agit et signe une foule de documents qu'il peut signer. Et si l'on veut lui demander quelles sont ses tâches et comment il les accomplit, on aura l'occasion lors de l'étude des estimés budgétaires en 1969 de voir combien il était bien préparé à remplir cette importante fonction.

M. WAGNER: Le premier ministre me permettra une précision. Si les fonctions du Solliciteur général actuellement sont les mêmes que celles du Solliciteur général en 1964, je dirai au premier ministre qu'à ce moment-là, j'agissais et comme Solliciteur général et comme procureur général par intérim.

Alors, si ce sont les mêmes fonctions qui sont exercées par le Solliciteur général actuellement, quelles sont les fonctions qui restent au premier ministre?

M. BERTRAND: Pardon?

M. WAGNER: Quelles sont les fonctions qui restent au premier ministre...

M. BERTRAND: Le premier ministre...

M. WAGNER: ... si le Solliciteur général remplit les fonctions de procureur général?

M. BERTRAND: On m'a demandé de ménager mon ossature, de ménager ma monture. Il y a eu des caricatures véridiques.

UNE VOIX: IL y en a un qui est mort...

M. BERTRAND: Il faut que la tâche — et le chef de l'Opposition l'a connue — du premier ministre soit allégée. Il faut partager les responsabilités et c'est pourquoi j'ai invité mon collègue, le Solliciteur général, à venir avec moi partager les responsabilités du ministère de la Justice.

M. LAPORTE: Pourquoi ne l'avez-vous pas nommé ministre de la Justice? Cela vous aurait aidé davantage.

M. BERTRAND: Je vais vous le dire,, J'ai entrepris certains travaux que j'entends, quant à moi pour le moment, suivre de très près pour lui permettre dé remplir davantage les fonctions qui sont les siennes.

M. LAPORTE: Cela ne vous permettra pas de vous ménager.

M. BERTRAND: Pardon?

M. LAPORTE: Cela ne vous permettra pas de ménager votre monture.

M. BERTRAND: Je vous remercie, mais aujourd'hui...

M» LAPORTE: C'est sa monture à lui que vous ménagez!

M. BERTRAND: Les remarques personnelles sont toujours déplacées. Je pense que mon sourire et ma figure sont assez bons aujourd'hui, malgré le fardeau qu'on a eu à porter depuis au-delà de trois mois.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Verdun.

M. WAGNER: Une question additionnelle au

Solliciteur général. Est-ce que le Solliciteur général a autorisé les frais de voyage, les dépenses, du safari en Europe de la commission Prévost à la suite de leur safari en Californie, et cela pour étudier l'administration de la justice du Québec?

M. BERTRAND: En réponse au député de Verdun, la commission Prévost a un budget. C'est elle qui l'administre et je n'ai pas besoin de rappeler que lors de la formation de commissions — je n'ai qu'à rappeler par exemple la commission Parent — on est allé en Europe pour établir un système d'éducation au Québec, pour l'améliorer, on est allé dans plusieurs pays d'Europe. Le député de Verdun devrait s'en rappeler. S'il ne s'en rappelle pas, qu'il demande à l'ancien ministre de l'Education, le député de Vaudreuil-Soulanges. Il n'y a absolument rien d'anormal là-dedans.

Rapport sur les évasions

M. WAGNER: Question additionnelle au Solliciteur général. Est-ce que le Solliciteur général a l'intention de rendre public et de déposer en Chambre le premier, seul et unique rapport de la commission Prévost sur les évasions?

M. MALTAIS (Limoilou): M. le Président, ma réponse est affirmative. D'ailleurs...

M. WAGNER: Quand?

M. MALTAIS (Limoilou): ...

DES VOIX: Bientôt.

UNE VOIX: Peut-être demain.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

UNE VOIX: Un jour...

M. MALTAIS (Limoilou): L'engagement a déjà été pris par le ministre de la Justice.

Nous allons respecter l'engagement et avec la permission de la Chambre, je pourrai immédiatement demander à ce qu'une première copie — s'il y en a une de disponible, je le pense — soit déposée entre les mains du greffier. Et je donnerai des ordres afin que des copies additionnelles soient faites pour être distribuées à chacun des députés.

M. WAGNER: Est-ce que le Solliciteur général pourrait nous dire si des poursuites ont été intentées à la suite de la réception de ce rapport?

M. MALTAIS (Limoilou): M. le Président, je dirai très franchement au député que je ne suis pas au courant. Je m'informerai et je le renseignerai.

M. MALTAIS (Saguenay): Tout ce qui se poursuit, ce sont les évasions.

M. BERTRAND.: A ce moment-là, le Solliciteur général n'était pas aussi près des problèmes. D'abord — on le verra à la lecture du rapport, je ne voudrais pas entrer dans les détails — des plaintes avaient été portées, au point de vue de la discipline, contre certains membres de la Sûreté du Québec.

Et le dernier rapport que j'avais eu, c'est que suivant le mécanisme du code de discipline, ces gens-là pouvaient en appeler. Je dois avouer que je n'ai pas eu de rapport récemment, mais nous serons en mesure de répondre aux questions du député de Verdun d'une manière plus précise.

M. WAGNER: Est-ce qu'en même temps le Solliciteur général pourrait faire rapport sur les deux dernières évasions de Roberval, il y a quelques jours?

M. GOSSELIN: Celle de Rivard aussi.

M. MALTAIS (Limoilou): Je prends avis de la question.

M. BELLEMARE: M. le Président, me serait-il permis de demander à la Chambre s'il y a unanimité pour changer quelques noms au comité de l'éducation? Je voudrais que le nom de M. Bertrand soit remplacé par celui de M. Loubier et que celui de M. Russell soit remplacé par celui de M. Jean-Noël Tremblay.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

Affaires du jour. M. BERTRAND: Article 3.

Bill no 13

M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre propose la deuxième lecture du bill no 13, Loi du protecteur du citoyen.

L'honorable premier ministre.

M. Jean-Jacques Bertrand

M. BERTRAND: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce bill et il en recommande l'étude à la Chambre.

Je n'ai pas besoin, M. le Président, de rappeler combien ce projet de loi qui est aujourd'hui au nom de M. Johnson, lui tenait à coeur. En le présentant, durant les quelques minutes où je m'adresserai à cette Chambre, je devrai faire allusion à plusieurs de ses propos comme à certains actes qu'il a posés ainsi qu'à des rencontres qu'il avait faites, en particulier avec des Suédois.

Ce projet de loi est important. Il a déjà, d'ailleurs, été référé au comité où, après sa première lecture, les organismes, les groupes de pression avaient été invités à venir faire connaître leur point de vue.

On a noté à ce moment-là que malgré l'invitation qui avait été faite, ces groupements, qui depuis longtemps s'intéressent à la protection des droits du citoyen et de la personne humaine, que ces groupements n'étaient pas nombreux.

Toutefois, il faut admettre, suivant la réponse que plusieurs représentants de ces groupements ont donnée, que lorsque la nouvelle a été lancée à l'effet que le comité siégerait, on n'aurait pas été suffisamment informé. Mais je me rappelle que le député de Verdun a, à ce moment-là, dit: Mais n'y a-t-il que nous qui nous intéressions à ce problème de la protection des droits du citoyen?

Disons que, malgré cette absence au comité où le bill avait été référé, après la première lecture, le consensus général de la part des groupements et associations reliés de près à la protection des droits du citoyen et également les commentaires des journaux, éditoriaux, bloc-notes, commentaires des journalistes à la radio, à la télévision à l'effet que le climat est bon, qu'il est temps d'adopter un tel projet de loi et que l'Assemblée législative, aujourd'hui, pose un acte en en étudiant le principe en deuxième lecture.

M. le Président, au fur, et à mesure qu'augmente l'activité de l'Etat — et Dieu sait combien cette activité augmente — les actes administratifs augmentent en proportion, et surtout ces actes deviennent le plus souvent anonymes. Anonymes dans le sens que les droits des citoyens, leur exercice, la réponse à leurs demandes sont inscrits sur des cartes perforées et classées sur ordinateur. On n'a qu'à songer, par exemple, aux demandes de prêts-bourses des étudiants. Qu'on aille visiter au ministère de l'Education tout ce qu'il y a d'instruments, de techniciens, pour faire avaler aux machines les demandes qui sont fournies, les analyser et les réponses qui doivent être données.

Il arrive fréquemment que, lorsqu'un citoyen adresse une demande à l'administration, la réponse en formule stéréotypée lui parvient sur un document polycopié. Cette tendance, qu'on le veuille ou non, ira en se développant. C'est le lot de la civilisation moderne, civilisation où l'on doit utiliser la puissance de ces ordinateurs. Nul ne peut y échapper.

Il faut donc, dans toute la mesure du possible, s'il est impossible d'humaniser le traitement que donne la machine à des demandes et aux réponses qui doivent être fournies, au moins humaniser et tenter de corriger les erreurs qui peuvent être commises.

Cependant, tous les citoyens — et Dieu sait que tous les députés sont au courant et les fonctionnaires aussi — ne sont pas perpétuellement satisfaits des services que leur fournit l'appareil administratif. Souvent, par manque d'information et parfois à cause de lacunes administratives réelles, on crie aisément à l'injustice lorsqu'une demande de pension, de permis ou d'allocation est refusée.

Prenons un exemple, celui d'un citoyen qui demande que lui soient accordées des lettres patentes pour le constituer en corporation avec d'autres personnes. Si l'autorité compétente, en l'occurrence le ministre, refuse l'émission des lettres patentes, le citoyen qui prétend que ce refus est injustifié n'a aucun recours pour se faire entendre devant quelque organisme ou tribunal que ce soit.

Il en est de même de celui qui se fait refuser un permis d'agent d'investigation ou de sécurité. Et je pourrais M. le Président, donner ici, comme tous les membres de cette Chambre, une foule d'exemples. Les exemples faciles et simples illustrent bien le genre de situations devant lesquelles peut se trouver le citoyen face aux multiples décisions administratives qui viennent affecter sa vie de tous les jours.

C'est dans le but de déceler les injustices qui peuvent être subies à la suite d'actes administratifs et, par conséquent, d'assurer à chaque citoyen un traitement égal devant les lois et les règlements de l'administration que mon prédécesseur, Daniel Johnson, avait réclamé depuis plusieurs années la création, chez nous, d'un poste d'ombudsman ou de protecteur du citoyen. Il a déjà raconté qu'au cours d'un voyage qu'il avait fait en Suède en 1963, il avait pu constater, grâce aux contacts personnels qu'il avait eus avec M. Alfred Dexilius, ombudsman suédois, et avec de nombreux personnages offi-

ciels, l'utilité extraordinaire de cet homme que l'on appelle là-bas ombudsman, dans l'harmonisation des échanges et des relations entre les citoyens et les autorités administratives de ce pays.

Sa suggestion a été reprise en 1966 dans le programme de notre parti, alors que nous nous sommes engagés, une fois au pouvoir, à créer au Québec la fonction d'ombudsman ou de protecteur du peuple. Je crois d'ailleurs pouvoir affirmer que l'opinion publique québécoise, dans son ensemble, est très favorable à l'idée, et j'espère, M. le Président, qu'il sera possible que l'unanimité de cette Chambre se fasse autour du projet que nous avons maintenant devant nous en deuxième lecture.

Nous avons étudié longuement. Cette étude, l'élaboration de cette loi s'est faite en collégialité. J'ai suivi de très près son élaboration, j'ai suivi de très près son étude, les principes et les modalités. Nous nous sommes efforcés d'en adapter les meilleurs éléments au contexte québécois, et vous avez devant vous, M. le Président, la version que nous croyons être un projet à la fois original et heureusement inspiré de l'expérience des Etats étrangers ou des provinces canadiennes qui se sont déjà donné un ombudsman.

Il apparaît donc normal et nécessaire que le citoyen ait la possibilité de s'adresser à un interlocuteur pour obtenir des explications et, s'il y a lieu, des réparations, lorsqu'il n'est pas satisfait du traitement qui lui est réservé par l'administration. Ce rôle, chez nous, a été traditionnellement tenu par le député. Mais le député risque aujourd'hui de se perdre, autant que le simple citoyen, dans les méandres de l'administration. Et mes vingt années comme député m'indiquent la vérité de ces propos, quand on examine tous les rouages compliqués et complexes de l'administration publique à tous les niveaux du gouvernement.

Il convient donc, M. le Président, de fournir au citoyen et au député un instrument supplémentaire.

Rien, dans le présent projet de loi, ne tend de quelque façon que ce soit à retirer au rôle de député, rôle traditionnel d'ombudsman ou de médiateur, d'intermédiaire entre ses électeurs, le Parlement de Québec et les services administratifs, rôle qu'il devra toujours jouer. J'ai été de ceux, avec plusieurs autres, qui ont indiqué que le véritable rôle du député était celui de législateur. Qu'on le veuille ou non, ceux qui apposent leur croix à côté de notre nom lors d'une élection expriment ainsi une confiance en un homme. Cette confiance se manifestera toujours par des visites chez le député pour tenter d'obtenir de lui des informations, des précisions ou pour formuler des demandes de quelque nature qu'elles soient.

Le député pourra et devra, d'ailleurs, continuer à s'occuper des problèmes de ses électeurs. Mais, l'électeur et le député eux-mêmes auront un interlocuteur: le protecteur du citoyen, dont la mission et le devoir seront de prendre en considération toutes les plaintes qui lui seront adressées sur l'administration québécoise et de leur fournir une réponse satisfaisante.

Le projet de loi indique son but: Loi du protecteur du citoyen. Nous aurions pu utiliser le terme suédois: « ombudsman », mais nous avons cru préférable d'employer des termes dont la consonnance est plus française, tout en sachant que l'usage populaire consacrera sans doute le terme ombudsman. L'avenir le dira. Protecteur du citoyen: homme dont la mission sera de protéger, de conseiller et d'informer le citoyen dans ses relations avec l'administration ou avec les fonctionnaires et de tenter d'apporter des correctifs aux injustices qu'il croira avoir décelées. Sa compétence ne s'étendra évidemment pas aux relations juridiques, religieuses ou humaines en général qui se situent en dehors de la sphère d'activité de l'Etat ou de ses organismes.

Je vais maintenant tenter de dégager quelques-uns des enseignements que nous avons tirés des expériences étrangères pour, ensuite, préciser la nature de l'institution que nous avons voulu créer. Je l'ai dit tantôt et je le répète: L'institution que nous proposons est originale. Nous avons tenté d'adapter au contexte québécois ce qui a été réalisé ailleurs, en tenant compte des caractéristiques propres de la réalité québécoise. Nous nous sommes quand même intéressés de très près aux institutions étrangères pour en dégager les principes généraux et les différentes modalités d'application.

Le premier ombudsman de l'histoire a été nommé en 1713 — il y a déjà longtemps — par le roi Charles XII de suède, sous le régime monarchique. Comme ce roi avait à passer de longs mois à la tête de ses armées en campagne, il chargea l'ombudsman de surveiller les percepteurs d'impôts, les juges et autres officiers publics qui agissaient en son nom.

Disons donc qu'à l'origine c'était beaucoup plus le surveillant, l'éminence grise du roi de Suède, chargé de veiller à ce qu'il n'y ait pas de malhonnêteté, de mauvaise administration et d'abus de pouvoirs. Le premier ombudsman — il faut donc le dire — était d'abord et avant tout un homme de confiance du roi. La Suède

se donna, en 1809, une nouvelle constitution prévoyant une stricte limitation des pouvoirs royaux. Cette constitution prévoyait la création d'un autre poste d'ombudsman.

Cette fois, ce fut un homme de confiance du Parlement qui devint le premier ombudsman responsable devant les Chambres. Par la suite, le poste d'ombudsman fut créé en Finlande en 1919, au Danemark en 1955 et en Norvège en 1963.

L'ombudsman pénétra dans le monde anglo-saxon par la Nouvelle-Zélande, qui créal a foncion en 1962, et l'Angleterre se donna un commissaire parlementaire, le 22 mars 1967. Enfin, le 30 mars 1967, 1'Alberta fut la première province canadienne à se donner un ombudsman avec une loi fortement inspirée de la loi de la Nouvelle- Zélande.

Finalement, la loi d'ombudsman du Nouveau-Brunswick a été votée le 19 mai 1967. Il y a donc, à l'heure actuelle, M. le Président, huit institutions d'ombudsman, où nous avons pu chercher une certaine inspiration. En outre, il existe en divers pays des commissaires enquêteurs, des tribunaux administratifs, etc., dont la nature s'éloigne cependant de la fonction d'ombudsman. Il existe par ailleurs des différences très marquées entre les huit lois d'ombudsman actuellement en vigueur. Seule est commune la caractéristique principale qui est la protection du citoyen contre les injustices administratives ou les décisions arbitraires des employés de l'Etat.

Il n'est évidemment pas question pour moi d'entretenir cette Chambre sur les détails de chacune des huit lois dont j'ai parlé. Je crois qu'il pourrait être utile toutefois de présenter un aperçu de quelques-unes d'entre elles, pour donner une indication de la situation éventuelle du protecteur public québécois, par rapport à ses collègues étrangers.

A cet égard, je crois que l'institution suédoise peut nous servir de point de départ. En Suède, l'ombudsman peut littéralement fouiller partout à la demande de quiconque. Il a accès à tous les dossiers gouvernementaux sans exception.

L'article 96 de la constitution suédoise affirme que l'ombudsman est: « Chargé selon les instructions que le Rigsdag (le Parlement) lui donne, de surveiller l'exécution des différentes ordonnances comme procureur de justice en ce qui concerne leur application par les cours et les fonctionnaires civils. Il lui incombe en outre de poursuivre par les voies légales, devant les tribunaux compétents, ceux qui dans l'exercice de leurs fonctions, par faveur, partialité ou tout autre motif, auront commis quelque illégalité ou négligé de remplir convenablement les devoirs de leur office. »

L'article 99 de la même constitution stipule que le procureur de la justice « peut, lorsqu'il le juge utile, assister aux délibérations de la cour Supreme, des tribunaux administratifs, des cours d'Appel et de tous les tribunaux inférieurs, sans avoir toutefois le droit d'y exprimer son avis. « II peut également — et je continue la citation — prendre connaissance des procès-verbaux et des actes de tous les tribunaux, collèges et autres administrations publiques. »

L'article 101 confirme pour sa part le droit de regard de l'ombudsman sur la cour Supreme de Suède et les juges qui la constituent. Et, depuis 1957, il a compétence sur tout ce qui touche les affaires municipales.

Il ne faut cependant pas croire que l'ombudsman suédois soit un superadministrateur. Il ne peut donner d'ordre à personne. Il ne peut pas renverser la décision d'un fonctionnaire ni forcer la reconsidération d'un cas.

Ses seuls moyens de sanction sont les recommandations qu'il fait, son rapport annuel et la possibilité qu'il a de poursuivre devant les tribunaux les fonctionnaires qui, d'après lui, ont manqué à leur devoir. Il peut en outre entamer des procédures disciplinaires contre les fonctionnaires fautifs.

Aujourd'hui, l'ombudsman suédois ne se sert presque jamais de sa faculté d'assister aux délibérations des organismes officiels ni de son droit de poursuite contre les fonctionnaires fautifs. Par exemple, au cours des années 1960 à 1965, il n'a intenté que 32 procédures punitives contre des fonctionnaires. Pendant la même période de cinq ans, il a émis 1,220 recommandations, réprimandes ou autres mesures de ce genre. L'évolution est donc dans le sens d'une autorité morale de l'ombudsman.

Il atteint désormais ses fins par la persuasion et la suggestion. Son rapport annuel, qu'il adresse au Parlement, est un de ses principaux moyens d'action. C'est le moyen, par lequel il dénonce des situations anormales et suggère les correctifs qu'il croit nécessaires. D'ailleurs, cette évolution a été retenue par les législateurs des pays qui ont, depuis quinze ans, adopté des lois créant la même fonction.

Nulle part a-t-on habilité l'ombudsman à assister aux réunions du cabinet ou des tribunaux, ni à ester de lui-même en justice pour poursuivre des fonctionnaires fautifs. Quelle est la situation ailleurs?

L'une des institutions étrangères les plus intéressantes, à part l'exemple suédois, est celle du Danemark dont se sont d'ailleurs inspirés par

la suite les législateurs de la Nouvelle-Zélande en 1962 et de la Norvège en 1963. La compétence de l'ombudsman danois s'étend aux ministres et à tous les fonctionnaires de l'Etat, mais il n'a aucun droit de regard sur les activités judiciaires. M. Stephan Urwitz, ombudsman danois, écrit: « L'attribution dont l'expérience a montré qu'elle avait dans la pratique la plus grande importance est le pouvoir qu'a l'ombudsman de présenter son avis sur l'affaire à celui qui a fait l'objet de la plainte ». Et il ajoute; « En pouvant attirer l'attention sur des fautes ou des négligences commises, l'ombudsman est en mesure d'exercer une influence positive sur les services publics ».

Voilà, je crois, un des facteurs essentiels du système. L'efficacité en est assurée non pas par la menace de sanctions juridiques ou disciplinaires, mais par les contacts personnels de l'ombudsman, ses suggestions et la persuasion dont il fait état, appuyé par l'immense respect que sa personne inspire à l'opinion publique et à la fonction publique.

Un dernier exemple, celui de l'Angleterre, pour y relever un élément digne d'intérêt. On n'a pas permis au citoyen britannique de loger lui-même sa plainte directement chez l'ombudsman. Comme l'explique le livre blanc publié à la Chambre des communes en 1965, la tradition anglaise veut que le Parlement soit l'endroit tout désigné pour soulever les griefs personnels des citoyens. Chacun des députés britanniques doit se considérer et être considéré comme un ombudsman pour ses électeurs. C'est pourquoi on a décidé que l'ombudsman ne serait au service des citoyens que par l'intermédiaire des députés. En Angleterre, le citoyen doit loger sa plainte devant son député et c'est le député qui la transmet à l'ombudsman. L'ombudsman communique par la suite le résultat de ses démarches au député qui l'a originairement contacté. Cette solution nous apparaît et nous apparaissait aller à l'encontre de la notion même de protecteur du citoyen.

L'ombudsman doit avoir pour mission de protéger l'individu. Il nous apparaît que le droit d'accès direct à l'ombudsman est un corollaire essentiel de cette notion. Il faut cependant se rappeler, au sujet de l'Angleterre, qu'avec 55 millions d'habitants, elle est de loin le pays le plus peuplé qui se soit lancé dans une entreprise d'ombudsman, et que les législateurs britanniques ont craint que leur commissaire, tout probablement, ne soit rapidement Inondé de millions de plaintes.

Et maintenant, chez nous, au Québec, nous croyons honnêtement que le système que nous avons élaboré se situe quelque part entre le suédois, dont la conception de base évite toute restriction, et le britannique, dont la conception semble, au contraire, très restrictive. Nous avons choisi la voie du milieu et du meilleur équilibre. Nous avons été aidés dans notre démarche par les exemples de la Nouvelle-Zélande et de deux provinces canadiennes, l'Alberta et le Nouveau-Brunswick, qui ont réussi à adopter des lois originales, intéressantes, créant des fonctions d'ombudsman très reliées au modèle Scandinave tout en sachant admirablement se conjuguer avec les traditions et les coutumes parlementaires qui sont les nôtres.

Certaines dispositions de notre projet sont totalement originales. D'autres sont inspirées des lois Scandinaves. D'autres se rapprochent de celles des autres provinces. Je veux tenter maintenant, M. le Président, de vous donner les principales caractéristiques du projet québécois.

D'abord, nous avons voulu dépolitiser l'institution. L'ombudsman devra être élu par les deux tiers des membres de l'Assemblée législative et ne pourra être destitué que suivant une procédure semblable. Voilà, je crois, un principe que le chef de l'Opposition, dans ses remarques, très bientôt, à la suite des miennes probablement, approuvera, comme d'ailleurs tous les députés de cette Chambre.

L'adjoint que nous lui avons donné, et dont nous parlons dans le projet de loi, devra être nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil sur la recommandation de l'ombudsman, du protecteur du peuple, et ses fonctions seront définies par l'ombudsman lui-même, dont la nomination est dépolitisée.

Nous avons prévu pour le protecteur du peuple et son adjoint un régime de retraite avantageux relié au caractère très spécial de leur fonction. Après cinq ans, ils auront droit à une pension égale au quart de leur traitement. Après dix ans, ils auront droit à la moitié de leur traitement et après quinze ans aux trois quarts. Vr régime spécial est également prévu pour la veuve du protecteur et celle de son adjoint.

Nous proposons qu'il ait lui-même le droit de nommer les fonctionnaires et employés qui travailleront avec lui, de façon à assurer sa complète indépendance. Nous voudrions lui donner compétence sur tous les actes administratifs émanant d'un employé, fonctionnaire ou ministre, ou de tout organisme du gouvernement du Québec, sauf ceux pour lesquels il existe un recours ou un appel également adéquat.

Nous avons même inclus dans son champ de compétence la procédure des organismes quasi judiciaires. Je dis bien la procédure. Mais nous ne croyons pas pour l'instant, à l'instar de la

plupart des autres pays que les tribunaux ou le cabinet doivent faire partie du domaine d'enquête de l'ombudsman.

Quant aux gouvernements municipaux, non plus. Nous croyons qu'il faut pour le moment les exclure. Rien ne nous empêchera un jour, M. le Président, s'ils en font la demande, si l'opinion publique le requiert et si l'ombudsman n'est pas débordé par les enquêtes dans les autres secteurs, rien ne nous empêchera de les inclure et d'amender le projet de loi en conséquence.

Les plaintes - on l'aura noté à la lecture de a loi qui est déposée depuis assez longtemps -pourront être logées par toute personne et l'ombudsman devra à chaque demande donner une réponse ou justifier son refus d'enquêter. Pour la poursuite de leurs enquêtes, l'ombudsman et son adjoint seront considérés comme des commissaires enquêteurs, ce qui leur donnera des pouvoirs suffisants pour la convocation et l'interrogatoire de témoins, la production de documents et les sanctions imposables à ceux qui refuseront de se conformer à leurs instructions.

Nous avons déjà eu l'occasion lors de l'étude de la Loi de police, etc. de couvrir ce vaste terrain et je n'ai pas l'Intention d'y revenir. Lorsqu'une personne aura logé une plainte devant le protecteur du citoyen, ce dernier ne pourra enquêter que s'il a raison de croire qu'une personne a été lésée à la suite d'un acte relevant de l'administration québécoise ou d'un organisme gouvernemental. Son enquête servira alors à déterminer d'abord s'il y a vraiment eu lésion ou injustice. Evidemment si l'ombudsman conclut qu'aucune injustice n'a été subie, l'affaire sera classée après des explications adéquates et que ces explications adéquates auront été données au plaignant.

Par contre, s'il apparaît à l'ombudsman qu'un préjudice a été réellement subi, il devra en déterminer la cause. S'il en vient à la conclusion alors que, dans le cas d'un acte administratif, le préjudice est dû à la faute ou à la négligence ou à l'action déraisonnable, injuste ou discriminatoire, à l'erreur ou à l'inconduite, à l'absence de justifications d'un fonctionnaire, officier ou employé du gouvernement du Québec, il devra aviser le chef du ministère ou de l'organisme concerné et s'il le désire joindre toute recommandation qu'il juge utile et exiger d'être informé des mesures que l'on entend prendre pour remédier à la situation.

S'il en vient à la conclusion, dans le cas de l'exercice d'une fonction quasi judiciaire par un organisme du gouvernement que le préjudice a été causé par l'irrégularité de la procédure suivie, par exemple: si l'organisme n'a pas appliqué ce principe que tous les avocats connais- sent et qui se dit en latin: Audi alteram portem, mais qui veut dire que la personne a le droit d'être entendue ou l'adversaire a le droit d'être entendu, il devra alors aviser le chef de l'organisme et de la même façon. Pourra joindre toute recommandation qu'il juge utile et exiger d'être informé des mesures qui seront prises.

Dans ces deux premiers cas, s'il juge après un délai raisonnable, que les mesures appropriées n'ont pas été prises pour donner suite à sa recommandation, il pourra en aviser le lieutenant-gouverneur en conseil, soumettre un rapport spécial à l'Assemblée législative, au Parlement, aux députés, à tous les députés ou exposer la situation dans son rapport annuel.

S'il en vient, d'autre part, à la conclusion, dans quelque cas que ce soit, que la cause du préjudice est une lacune contenue dans une loi ou dans un règlement, il pourra suggérer au gouvernement les modifications qu'il juge à propos d'apporter à cette loi ou à ces règlements. D'ailleurs, on sait, malgré que nous n'ayons pas de protecteur du citoyen, tous ceux qui ont gouverné, ceux qui gouvernent aujourd'hui savent combien après avoir adopté une loi, après trois ou quatre mois d'exercice ou d'application, on découvre qu'on a oublié un mot, qu'on a oublié une phrase, qu'on a mal placé une virgule. C'est de nature, parfois, à causer des injustices et à créer des embêtements tels, à ceux qui sont chargés de l'interpréter ou de l'appliquer, qu'on s'empresse, comme je les invite à le faire, à porter à notre attention que telle loi est défectueuse parce qu'il y manquerait tel élément.

Donc, M. le Président, à ce moment-là, l'Assemblée législative, par des lois, des modifications, pourra remédier à la situation.

Chaque année, d'ailleurs, le protecteur du citoyen produira un rapport devant l'Assemblée législative. Son rapport, qui sera publié, distribué, devrait contenir en outre de la somme de ses activités de l'année écoulée, des commentaires, des recommandations, des suggestions qu'ont inspirés au protecteur les expériences qu'il a vécues. Ce rapport constitue, dans les pays où existe déjà le poste, le contact annuel du protecteur du peuple avec l'opinion publique. Largement consulté — je n'en ai aucun doute — ce rapport sert généralement, comme nous en avons l'expérience par les autres pays dont j'ai parlé, à apporter des améliorations sérieuses dans le fonctionnement de la machine administrative si compliquée et si complexe de notre époque et qui va le devenir encore davantage.

Ce rapport met en lumière les cas individuels au sujet desquels l'ombudsman n'est pas

satisfait des mesures qui ont été prises.

Voici donc, très sommairement, la substance du projet de loi que vous avez devant vous. Nous croyons qu'il saura répondre aux besoins de la société québécoise. Mais, avant de terminer, cependant, je voudrais faire deux remarques que je crois importantes. Cette loi constitue un essai raisonnable. A la lumière des propos que je viens de prononcer, on voit que nous avons puisé des éléments dans certains pays, ailleurs, que nous avons essayé de présenter un projet de loi bien équilibré. Parfait, nous n'aurons jamais cette prétention. Le plus parfait possible, modestement, dans les circonstances, comme expérience, comme essai, je risque le jugement, oui.

Malgré toutes les études que nous avons faites, que nous avons fait faire, tous les rapports et tous les mémoires que nous avons examinés, nous croyons que ce projet est conforme aux aspirations québécoises et qu'il est capable de s'intégrer dans le contexte québécois.

Nous allons le soumettre à l'expérience, après son adoption, quand nous aurons trouvé ce personnage dont je n'ai pas parlé à ce moment-ci, puisqu'il s'agit du principe de la loi.

Et, s'il y a des correctifs à apporter, nous serons les premiers à les suggérer. En effet, je suis de ceux qui croient qu'il y a et qu'il y aura toujours des réformes à apporter et, dans un domaine comme celui-là, des moyens de perfectionner l'instrument à la lumière de l'expérience, c'est-à-dire, les trois quarts du temps, des erreurs ou des manquements qui ont été commis.

Donc, M. le Président, chez nous, un essai que nous croyons raisonnable, répondant aux aspirations de notre population et à la réalité québécoise.

Il ne faut pas oublier qu'il y a des pays où cette tradition de l'ombudsman est solidement établie. Personne ne met en doute, en Suède, la compétence de l'ombudsman. La population, dans son ensemble, accepte le rôle de cet homme, son prestige et ses propos. C'est solidement établi, je n'y reviens pas.

Mais, en Suède, il est arrivé que le Parlement ait amendé la constitution ou sa propre loi organique pour améliorer le fonctionnement du système. Nous ferons donc, ici, la même chose, au fur et à mesure des exigences. Il est encore trop tôt pour porter un jugement sur les institutions de 1'Alberta et du Nouveau-Brunswick; elles sont de date toute récente.

Il appert, d'après les renseignements que nous avons, que tout fonctionne bien en Nouvelle-Zélande, mais il faut se rappeler que, là, l'économie est fortement agricole et que la société néo-zélandaise se distingue essentiellement de la société québécoise nord-américaine. Les solutions adoptées là-bas ne feraient pas nécessairement fortune ici. Il est bon d'aller visiter les autres pays.

M. WAGNER: Ah!

M. BERTRAND: Lorsque les gens à qui l'on confie des travaux croient que c'est utile, il est bon d'aller voir ce qui se passe ailleurs, mais tout ce qui existe ailleurs ne doit pas nécessairement être copié ou appliqué ici. Il faut toujours exercer son jugement. Les solutions adoptées là-bas ne feraient pas nécessairement fortune ici. C'est pourquoi, je le répète, ce projet de loi est un essai. Nous allons mettre le système à l'épreuve. Nous verrons à l'expérience s'il y a lieu d'en modifier les modalités, d'en augmenter ou d'en restreindre la compétence.

Ma deuxième remarque s'applique aux membres de la fonction publique québécoise. Je tiens à prévenir toute crainte qu'ils pourraient avoir vis-à-vis de cet homme qui aura pouvoir d'enquête sur leurs actes. Je crois que les fonctionnaires québécois auraient plutôt avantage à se réjouir de la nomination d'un ombudsman qu'à s'en méfier. Voici pourquoi. L'expérience étrangère a démontré que 90% — que l'on note bien le chiffre — des plaintes des citoyens étaient renvoyées sur la base que les fonctionnaires avaient bien rempli leur devoir. L'ombudsman joue alors un rôle fort important, celui de communiquer aux plaignants les informations et les renseignements qui, souvent, manquent aux citoyens, informations et renseignements qui sont justement la cause de son mécontentement.

Combien de fois le député s'est-il rendu compte, lors d'une visite de son électeur à son bureau, d'une demande qu'il formulait, de renseignements que le député a obtenus, que l'électeur s'en est retourné chez lui sinon pleinement satisfait parce qu'il n'avait pas obtenu ce qu'il désirait obtenir, du moins mieux informé? Il a compris la décision, il a compris pourquoi — au service du prêt agricole, des mères nécessiteuses ou ailleurs, il n'est pas nécessaire de faire le tour de l'éventail gouvernemental — le fonctionnaire lui avait, dans une lettre, indiqué que sa demande était refusée.

On raconte que lorsque le gouvernement néo-zélandais, en 1961, a commencé à faire circuler l'idée d'un ombudsman, une certaine appréhension s'est manifestée chez les administrateurs de ce pays. Aujourd'hui, après sept années, on rapporte que ces fonctionnaires sont tous solidement favorables à l'ombudsman qui s'est avéré une excellente institution, et pour

le citoyen, et pour le fonctionnaire, et j'ajouterai, et pour le député. Dans ses rapports annuels, l'ombudsman néo-zélandais, tout en relevant les quelques erreurs ou fautes qu'il a décelées au cours de l'année, affirme généralement la haute qualité des services administratifs qu'il a eu à étudier.

Bref, par les enquêtes, les suggestions, les recommandations, les améliorations qu'il proposera, l'ombudsman devrait rendre d'immenses services à la fonction publique québécoise en favorisant une meilleure compréhension globale entre les citoyens de cette province et ceux qui ont pour mission essentielle, importante, d'administrer l'Etat. Voilà donc les quelques propos que je voulais tenir en cette deuxième lecture. Je crois que le geste que nous avons posé d'étudier immédiatement cet après-midi la deuxième lecture d'une loi qui tenait à coeur à Daniel Johnson, aura été pour moi, et sans aucun doute pour le chef de l'Opposition qui commencera bientôt ses remarques, l'occasion d'un témoignage à un homme qui s'est toujours dévoué pour les siens et dont les vingt-deux années de vie politique dans le comté de Bagot ont démontré son désir de protéger l'individu, de protéger les droits civils de la personne et de redresser les griefs des pauvres et des humbles.

M. le Président, j'ai donc l'honneur de proposer la deuxième lecture de ce projet de loi.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.

M. Jean Lesage

M. LESAGE: M. le Président, le projet de loi qui est à l'étude autorise l'Assemblée législative à nommer un protecteur du citoyen dont la fonction sera de recevoir les plaintes directement du public, comme l'a dit tout à l'heure le premier ministre, et cela à l'égard de l'administration gouvernementale. En somme, il s'agit pour nous, je crois, de prendre connaissance, de prendre conscience d'un problème majeur de la démocratie moderne, celui de l'écart de plus en plus large qui s'établit entre ceux qui ont la responsabilité de l'administration publique et le reste des citoyens. Il s'agit de se rendre compte que notre système gouvernemental et les principes fondamentaux qui l'animent — un gouvernement par le peuple, pour le peuple et avec le peuple — sont en train d'être sérieusement êbréchés parce que l'Etat, que nous voulons l'affaire de tous, risque de devenir à certains égards un gouvernement contre le peuple, ou tout au moins loin du peuple.

Et cela sans que personne ne l'ait voulu, ni même, bien sûr, sans que personne ne l'ait désiré. Quand l'Etat n'avait pour rôle que celui d'assurer l'intégrité du territoire ou de fournir à la population des services comme ceux d'une monnaie, d'une poste, d'un système routier, il n'y avait pas tellement lieu de se soucier de la protection du citoyen contre le pouvoir, contre l'administration. Mais dès lors que, par suite de l'évolution de la société, l'Etat a été appelé à se faire entrepreneur, à prendre en charge l'éducation, la santé, le bien-être de la population, le problème de la protection du citoyen face à la nouvelle puissance du pouvoir, à la nouvelle puissance de l'Etat, de l'administration, a été posé par le fait même.

Et c'est ainsi que peu à peu, d'une façon empirique et désordonnée — il faut bien admettre que ç'a été d'une façon empirique et désordonnée — on a dû réaménager les contrôles de l'administration gouvernementale. Contrôles de l'administration gouvernementale parce qu'il fallait s'assurer que les droits fondamentaux du citoyen étaient protégés contre les abus ou les excès du pouvoir étatique. Ce fut au premier rang les déclarations dites déclarations des droits de l'homme.

Dans les pays qui ne se sont pas donné de déclarations formelles des droits, la tradition, la coutume, le droit commun commandaient que l'on assure le respect des droits de l'individu. Dans le champ des droits fondamentaux de l'homme, on a fait une place importante à la protection des droits de l'homme contre l'exercice du pouvoir. On a en quelque sorte astreint l'administration publique à un certain nombre de règles, de comportements dans ses rapports avec le citoyen.

Par ailleurs, en faisant abstraction des moyens de contrôle internes de l'administration elle-même, tels que les contrôles hiérarchiques et financiers, le contrôle de l'administration publique dans les pays démocratiques se présente essentiellement, je vous le soumets, sous deux aspects: le contrôle de l'opportunité et, deuxièmement, le contrôle de la légalité.

Premièrement, le contrôle de l'opportunité des gestes de l'administration, c'est le contrôle exercé par les techniques parlementaires usuelles, par la presse, par les groupes de pression, par l'opinion publique. Quant au contrôle de la légalité des décisions administratives, c'est-à-dire ce que l'on appelle ordinairement le « due process of law », c'est le contrôle qui est dévolu au pouvoir judiciaire, particulièrement en vertu des brefs de prérogatives ou encore au contentieux administratif, pour les pays à dualité de juridiction, exemple la France et son Conseil d'Etat.

Si l'efficacité de ces deux contrôles de l'administration publique, contrôle de l'opportunité, contrôle de la légalité était parfaite — ce qui en fait est loin d'être le cas — les droits du citoyen contre le pouvoir se trouveraient-ils intégralement protégés?

L'examen attentif du champ d'application des deux formes de contrôle que nous connaissons, nous révèle qu'il resterait, même dans l'hypothèse d'une fonctionnalité optimale de ces deux contrôles, un « no man's land » qui échappe en grande partie à l'un ou à l'autre contrôle. C'est dans ce but, dans le but précis de combler ce « no man's land », que divers pays et les provinces ici au Canada — deux jusqu'à maintenant — ont créé le poste d'ombudsman ou de protecteur du citoyen.

Au Québec, non seulement nous n'avons pas encore de déclaration formelle des droits de l'homme, mais nous n'avons même pas encore entrepris une étude vraiment approfondie de l'ensemble de la structure administrative de notre Etat, non plus d'ailleurs que des moyens de contrôle dont nous disposons. Nous avons cependant, à partir de 1961, procédé à la création du Conseil de la trésorerie, à la centralisation des services comptables et juridiques et du Service des achats, à l'établissement de la mécanographie et des ordinateurs et, en 1965, nous nous sommes donné une Loi de la fonction publique, mais nous n'avons pas envisagé dans sa totalité le problème du citoyen face à la puissance nouvelle de l'Etat québécois. Et pourtant, nous savons tous jusqu'à quel point — le premier ministre le disait d'ailleurs tantôt — l'administration publique est devenue complexe.

Nous avons tous eu l'occasion, soit à titre de ministre, soit à titre de député, d'en constater la lourdeur et d'en déplorer souvent le manque de rationalité et, tout ce que nous en sommes, nous avons aussi constaté son manque d'efficacité trop souvent. Nous connaissons le désarroi dans lequel se trouve le citoyen qui s'aventure dans les dédales de nos structures administratives. Nous avons tous pu prendre connaissance de réelles Injustices dont ont été victimes certains citoyens à la suite d'une décision de l'administration gouvernementale, et cela, sans que nous ne puissions rien y faire. Il est certain que nous sommes les premiers à déplorer cette situation. Nous le faisons avec d'autant plus de vigueur que, bien au delà des lourdeurs administratives et des Injustices qui en découlent, nous nous rendons compte que ce qui se trouve mis en cause par ces faiblesses de notre système, c'est l'efficacité même des politiques qui sont élaborées et sur lesquelles nous légiférons en cette Chambre. Devant l'am- pleur des problèmes en cause, il apparaît clairement que la seule institution d'un ombudsman ou d'un protecteur du citoyen, quelles qu'en soient les modalités, ne peut que constituer une mesure partielle et imparfaite en vue de civiliser l'ensemble des rapports entre le citoyen et l'administration gouvernementale. Comme l'écrivait un spécialiste en droit administratif, Me Patrice Garant, professeur de droit public à la faculté de droit de l'université Laval: « Quant à l'ombudsman, institution en vogue par les temps qui courent, c'est un peu comm le dessert, on ne sert pas le dessert avant 1 plat de résistance. » Le plat de résistance, on l'aura compris, ce serait de s'attaquer au problème global des rapports entre le citoyen et l'administration, en se livrant à une étude systématique de l'organisation et des modes de fonctionnement des ministères et organismes gouvernementaux, tout en ayant soin de se pencher sur l'efficacité des moyens de contrôle de l'administration publique, contrôle de l'opportunité des décisions par le Parlement et contrôle de la légalité par le contentieux judiciaire et administratif. Je voudrais seulement souligner, en passant, que lorsque je parle de contrôle de l'opportunité par le Parlement, II faudrait Inclure, comme l'un des contrôles nécessaires, ce comité de la Chambre dont j'ai proposé la formation depuis deux ans, le comité de contrôle des engagements financiers. C'est une chose qui ne peut pas se faire par l'ombudsman, ça fait partie du contrôle de l'opportunité des décisions gouvernementales, qui doit être contrôlé par le Parlement lui-même.

Ce n'est donc qu'une fois que nous aurons consommé ce plat de résistance, évidemment, extrêmement consistant que nous pourrions normalement prétendre profiter des délicatesses du dessert, c'est-à-dire l'ombudsman ou protecteur du citoyen. D'ailleurs il est extrêmement révélateur de constater que ce n'est qu'à la toute fin de son rapport, volume 5, le dernier volume, à l'avant-dernière page que la commission Glassco prend note de l'intérêt suscité par l'institution du protecteur du peuple ou ombudsman.

Quoi qu'il en soit, je me permets de souligner que nombre d'états modernes, avant de songer à la création du protecteur du citoyen, se sont fait un devoir d'analyser en profondeur tout le problème que posent les structures administratives gouvernementales, c'est-à-dire les problèmes que ces structures posent en elles-mêmes et leurs organismas de contrôle ainsi que les rapports entre l'administration publique et le citoyen.

Vous avez eu en Angleterre en 1957 le « Frank Committee », aux Etats-Unis, les deux com-

missions, « Hoover », au Canada, la commission royale sur l'organisation du gouvernement, appelée Commission Glassco et en Ontario, la commission Gordon en 1959.

En somme, la protection du citoyen contre les actes de l'administration publique serait bien mieux assurée si, d'une part, l'organisation de notre structure administrative était plus rationnelle et cohérente. Et d'autre part, si les techniques de contrôle de l'administration par le Parlement et par le contentieux judiciaire ou administratif étaient mieux aménagées. Sans doute, aurait-il encore lieu, oui il y aurait encore lieu de songer à un protecteur du peuple. Mais alors, ce dernier —et c'est là qu'est le danger — ne risquerait pas de prendre l'allure et c'est le cas présentement que ça peut prendre cette allure, je sais que le premier ministre n'y croit pas mais il ne faudrait pas que la population croie que l'établissement du poste d'ombudsman par cette Chambre est quelque chose comme une solution miracle aux difficultés éprouvées par le citoyen face à l'administration gouvernementale. Il ne faudrait pas que la population se leurre.

Ce que je veux souligner en résumé, M. le Président, c'est que la protection du citoyen à l'égard de l'administration gouvernementale commande une réforme beaucoup plus profonde. Le premier ministre disait tout à l'heure que l'ombudsman lui-même pourrait nous aider à procéder à cette réforme malgré que je doute fort que les cas qu'il sera appelé à étudier le mettront en face, d'une façon systématique, de cas qui lui permettront de faire une synthèse l'amenant à des recommandations en ce qui touche le contrôle de l'opportunité et de la légalité des actes administratifs car sur ce point, nous avons l'expérience des autres pays et je crois que nous pourrions en décider et, tout au moins, commencer à agir dans ce domaine.

Il est clair que cette réforme plus profonde dont je parle n'aurait pas le panache du titre : Protecteur du citoyen », mais elle aurait le mérite, combien plus grand, de s'attaquer aux vrais problèmes, aux problèmes de fond. En somme, M. le Président, nous troquerions volontiers le mot « Protecteur du citoyen » pour la réalité, c'est-à-dire l'aménagement de l'administration gouvernementale en véritable service aux citoyens.

Le texte du projet de loi à l'étude est, par contre — et, je tiens à le dire — révélateur d'une louable préoccupation du gouvernement. Il y a lieu, toutefois, de se demander si le bill, tel que rédigé, rend bien justice au titre qu'il coiffe. L'analyse du texte du bill no 13 nous inspire de sérieuses réserves en ce qu'il comporte de trop grandes limitations à la liberté d'action du protecteur du citoyen. Comme l'a écrit un commentateur au sujet de la loi britannique, dans la revue « The Annals of the American Academy of Political and Social sciences », de mai 1968, nous pouvons nous demander si, en vertu du bill no 13, nous nous trouvons en présence d'un ombudsman ou d'un « ombudsMouse ». Et le commentateur d'ajouter: « The legislators themselves seem to have confused what they Intended to bring about with the effect of the words they have used ».

Il semble bien qu'au Québec également le texte du projet de loi à l'étude serve assez mal le but qu'on poursuit par l'institution d'un protecteur du citoyen. Je ne veux pas, à ce moment — je ne pourrais pas le faire, d'ailleurs; le règlement ne me le permet pas — entrer dans les détails du bill, mais je voudrais signaler l'ambiguïté et le caractère restrictif de la définition de la compétence du protecteur du citoyen.

Je demanderais au premier ministre, avant que nous procédions à l'étude en comité plénier, de bien réexaminer le dossier et de bien faire de nouvelles comparaisons avec, par exemple, la loi de 1'Alberta et celle du Nouveau-Brunswick. Il a dit, tout à l'heure, que nous avions cherché, comme la Nouvelle-Zélande, l'Alberta et le Nouveau-Brunswick, un juste milieu entre la loi de la Suède et la loi du Royaume-Uni.

Comme je l'ai dit, je ne veux pas entrer dans les détails des articles. Quand même, est-ce qu'il ne croit pas qu'en introduisant la distinction entre une fonction administrative et une fonction quasi judiciaire, avec tout ce que cela comporte dans le bill — ce qu'on ne fait pas dans la loi de l'Alberta ni dans celle du Nouveau-Brunswick — on posera au protecteur du citoyen de très sérieuses difficultés d'interprétation de sa propre compétence?

Par ailleurs, les exceptions à la compétence du protecteur du citoyen quant aux actes ou omissions du lieutenant-gouverneur en conseil et de tout tribunal ou de l'un de ses fonctionnaires — le premier ministre se souviendra que j'avais mentionné certains cas spécifiques lors de l'étude que nous avions faite en comité des bills publics avant la deuxième lecture du bill — eh bien, ces restrictions placent hors de la portée du protecteur du citoyen un très imposant secteur de l'administration publique, plus imposant d'ailleurs qu'on ne pourrait le croire à première vue.

Enfin, l'obligation faite au protecteur du citoyen de refuser de faire enquête en cas de prescription — et je demanderais au premier ministre de bien étudier ce cas — ou encore en

cas d'existence d'un appel ou d'un recours également adéquat et à celui du caractère frivole ou vexatoire d'une demande — je dis bien l'obligation faite au protecteur du citoyen de refuser et non pas de lui accorder la discrétion de refuser, comme on le fait ailleurs, au Nouveau-Brunswick et en Alberta, mais de lui imposer l'obligation de refuser dans ces cas-là — Je me demande si tout cela n'impose pas une très grande rigidité dans l'activité du protecteur du citoyen et ne témoigne pas d'un certain manque de confiance dans le jugement de celui qui exercera la fonction.

En somme, l'examen prima facie du texte de la loi instituant un protecteur du citoyen nous incite à nous demander si, tout compte fait, le citoyen y trouvera dans des choses sérieuses un protecteur réellement efficace.

Comme je viens de le dire, je traiterai de ces sujets d'une façon plus détaillée en comité plénier. D'ailleurs, certains de mes collègues en parleront plus longuement également. Mais il nous faudra, lorsque nous serons en comité plénier — je le demanderai — que nous groupions certains articles. Il est impossible d'étudier 1315, 1317, 1318 et 1319 séparément. Il faudra grouper certains articles du bill, je crois bien, pour fins de discussion. Je voudrais cependant insister dès maintenant sur le fait que, d'après le projet de loi à l'étude, l'institution d'un protecteur du citoyen a, de sa nature même, des ambitions beaucoup plus modestes que l'expression protecteur du citoyen peut le suggérer. En effet, essentiellement, comme l'écrit Me C.A. Sheppard, dans le McGill Law Journal, volume 10, 1964, page 330: « An Ombudsman will provide particularly a vehicle for smaller grievances, and generally contribute to increasing the confidence of the people. » Ces « smaller grievances, » ce sont les délais qui s'éternisent, les documents perdus, les erreurs cléricales, les informations qui tardent à venir, les impatiences ou les indifférences des fonctionnaires. C'est donc à ce niveau que l'institution d'un protecteur du citoyen trouve sa justification.

C'est seulement de cette façon que l'on a raison de dire que le protecteur du citoyen contribue à accroître la confiance et la sécurité du citoyen face à l'administration, mais cependant, au-delà de ces « smaller grievances » le problème reste entier.

Je crois devoir répéter, en terminant, que tant et aussi longtemps que l'on ne s'attachera pas à trouver une solution durable à l'ensemble des difficultés que pose aujourd'hui l'accroissement normal de la puissance étatique, la protection du citoyen, même avec un protecteur du citoyen, demeurera précaire.

C'est pourquoi j'ai cru devoir évoquer, à ce stade-ci de l'étude du bill 13, les tâches qu'il nous tarde d'accomplir pour assurer au citoyen la protection de ses droits face à l'administration gouvernementale.

Et je rappelle brièvement, en terminant, ces tâches, j'en ai pour deux minutes. Premièrement, réorganiser les structures de l'administration de façon à les rendre plus efficaces. Deuxièmement, aménager un système cohérent de contrôle de l'administration par: a) le contrôle judiciaire, soit le contentieux administratif, le contrôle de la légalité des actes de l'administration; b) le contrôle parlementaire: le système des commissions ou comités; le contrôle de l'opportunité des décisions administratives par des comités de la Chambre; c) le contrôle hiérarchique ou interne et financier, mesure de l'efficacité et de l'économie de l'administration. Troisièmement, une déclaration des droits de l'homme. Quatrièmement, un protecteur du citoyen.

Il me semble que c'est là le faisceau qui nous permettrait de donner au citoyen une véritable protection et c'est ce qu'exige la nouvelle puissance de l'Etat moderne. Je pense que c'est en ces termes qu'il faut poser le problème. Ce n'est pas une tâche facile, je le sais, mais je crois que c'est une tâche essentielle, à laquelle il faut s'attaquer. Il devient donc de plus en plus urgent que nous nous donnions les moyens de l'entreprendre. Et parmi ces derniers, comme je le suggérais, lors d'une conférence devant la Chambre de commerce du district de Montréal, le 8 juin dernier, la création d'une commission permanente de la réforme administrative qui aurait pour but d'implanter, dans toute la mesure du possible, dans le secteur public, les notions de rentabilité et de productivité propres au secteur privé, sans toutefois sacrifier en rien la nature de l'administration gouvernementale qui est celle d'être un service au public.

La création de cette commission constitue rait un départ des plus prometteurs dans la protection du citoyen contre l'administration publique. En somme, la meilleure façon de protéger le citoyen contre l'administration publique, c'est de rendre davantage l'administration au service du citoyen, c'est-â-dlre pour le citoyen.

Et les institutions étant ce qu'elles sont, il y aura bien entendu toujours de la place pour un protecteur du citoyen contre l'administration, mais alors, il ne risquerait pas de prendre à tort l'allure de solution miracle, comme cela pourrait être le cas présentement si nous ne faisons pas attention à l'interprétation qu'on pourra donner dans le public, au projet de loi qui est devant nous, et à ses effets possibles.

M. WAGNER: M. le Président, comme je note qu'il est six heures, je demande que les travaux de la Chambre soient ajournés jusqu'à demain.

M. BERTRAND: Qu'on ajourne le débat.

M. WAGNER: Et que le débat soit ajourné également.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que la motion de l'honorable député de Verdun est adoptée? ' DES VOIX: Adopté. M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. BELLEMARE: M. le Président, de consentement unanime de la Chambre, je voudrais demander que le nom de M. Bertrand soit substitué à celui de l'honorable M. Johnson comme proposeur de la motion concernant l'irrégularité du bill 99.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. BELLEMARE: Je voudrais faire une autre motion, avec le consentement unanime de la

Chambre pour le comité de l'Education, soit de remplacer le nom de M. Desmeules pour celui du député de Champlain.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LESAGE: J'avais trouvé cela drôle, aussi tantôt.

M. BERTRAND: Le comité de l'Education, demain matin, à dix heures.

M. BELLEMARE: Les travaux de la Chambre pour demain?

M. LESAGE: La motion au nom du député d'Abitibi-Est.

M. BELLEMARE: Il y aura d'abord les réponses à toutes les questions qui seront prêtes, les dépôts des documents. Vous verrez qu'il y en a plusieurs. Ensuite, nous passerons à la motion de M. Cliche, ajournée par M. Flamand.

M. LE PRESIDENT: La Chambre s'ajourne à demain après-midi, trois heures.

(18 h 04)

LISTE DES DÉPUTe's SIE'geANT

À L'ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE DU QUEBEC

NOM, PRENOMS DISTRICT ÉLECTORAL

ALLARD, Paul-E. U.N. Beauce

AQUIN, François IND. Dorion

ARSENAULT, Bona LIB. Matapédia

BAILLARGEON, Laurier LIB. Napierville-Laprairie

BEAUDRY, Jean-Paul U.N. Lafontaine

BEAUPRE, Henri LIB. Jean-Talon

BELLE MARE, Maurice U.N. Champlain

BERGERON, Marc U.N. Mégantic

BERNATCHEZ, René U.N. Lotbinière

BERTRAND, Jean-Jacques U.N. Missisquoi

BIENVENUE, Jean LIB. Matane

BINETTE, Gaston LIB. Deux-Montagnes

BLANK, Harry LIB. St-Louis

BOIVIN, Roch U.N. Dubuc

BOUDREAU, Francis U.N. St-Sauveur

BOURASSA, Robert LIB. Mercier

BOUSQUET, Denis U.N. St-Hyacinthe

BRISSON, Aimé LIB. Jeanne-Mance

BROWN, Glendon P. LIB. Brome

CADIEUX, Gérard LIB. Beauharnois

CASGRAIN, Mme Claire Kirkland LIB. Marguerite-Bourgeoys

CHARBONNEAU, Edgar U.N. Ste-Marie

CHOQUETTE, Jérôme LIB. Outremont

CLICHE, Lucien LIB. Abitibi-Est

CLOUTIER, Jean-Paul U.N. Montmagny

COITEUX, Henri-L. LIB. Duplessis

COURCY, Alcide LIB. Abitibi-Ouest

CROISETIERE, Alfred U.N. Iberville

D'ANJOU, Adélard U.N. Kamouraska

DE MERS, Philippe U.N. St- Maurice

DESMEULES, J.-Léonce U.N. Lac St-Jean

DOZOIS, Paul U.N. St-Jacques

FLAMAND, Antonio U.N. Rouyn-Noranda

FORTIER, Guy LIB. Gaspé-Sud

FOURNIER, Roy LIB. Gatineau

FRASER, Kenneth LIB. Huntingdon

FRECHETTE, Raynald U.N. Sherbrooke

GABIAS, Yves U.N. Trois-Rivières

GAGNON, François U.N. Gaspé-Nord

GARDNER, Roch U.N. Arthabaska

GAUTHIER, Georges-T. U.N. Roberval

GAUTHIER, Guy U.N. Berthier

GERIN-LAJOIE, Paul LIB. Vaudreuil-Soulanges

GOLDBLOOM, Victor C. LIB. D'Arcy-McGee

GOSSELIN, Claude-G. U.N. Compton

GRENIER, Fernand U.N. Frontenac

HAMEL, Paul-Y von U.N. Rouville

HANLEY, Frank IND. Ste-Anne

HARVEY, Gerald LIB. Jonquière

HOUDE, Gilles LIB. Fabre

HYDE, J. Richard LIB. Westmount

JOHNSTON, Raymond-T. U.N. Pontiac

NOM, PRENOMS DISTRICT ELECTORAL

KENNEDY, George LIB. Châteauguay

LACROIX, Louis-Philippe LIB. Iles-de-la-Madeleine

LAFONTAINE, Fernand-J. U.N. Labelle

LAFRANCE, Emilien LIB. Richmond

LAPORTE, Pierre LIB. Chambly

LAVOIE, Jean-Noël LIB. Laval

LAVOIE, René-B. U.N. Wolfe

LEBEL, Gérard U.N. Rivière-du-Loup

LeCHASSEUR, Guy LIB. Verchères

LEDUC, André U.N. Laviolette

LEDUC, Guy LIB. Taillon

LEFEBVRE, Jean-Paul LIB. Ahuntsic

LESAGE, Jean LIB. Louis-Hébert

LEVESQUE, Gérard-D. LIB. Bonaventure

LEVESQUE, René IND. Laurier

LEVEILLE, André U.N. Maisonneuve

LIZOTTE, Fernand U.N. L'Islet

LOUBIER, Gabriel U.N. Bellechasse

LUSSIER, Robert-L. U.N. L'Assomption

MAILLOUX, Raymond LIB. Charlevoix

MALTAIS, Armand U.N. Limoilou

MALTAIS, Pierre LIB. Saguenay

MARTEL, Maurice U.N. Richelieu

MARTELLANI, Camille U.N. St-Henri

MASSE, Marcel U.N. Montcalm

MATHIEU, François-Eugène U.N. Chauveau

MICHAUD, Yves LIB. Gouin

MORIN, Jean-Marie U.N. Lévis

MURRAY, Hubert U.N. Terrebonne

PARENT, Oswald LIB. Hull

PAUL, Rémi U.N. Maskinongé

PEARSON, Léo LIB. St-Laurent

PICARD, Fernand LIB. Olier

PICARD, Paul-Henri U.N. Dorchester

PINARD, Bernard LIB. Drummond

PLAMONDON, Marcel-R. U.N. Portneuf

PROULX, Jérôme U.N. St-Jean

ROY, Pierre U.N. Joliette

RUSSELL, Armand U.N. Shefford

SAINDON, Zoél LIB. Argenteuil

SAINT-GERMAIN, Henri LIB. Jacques-Cartier

SAUVAGEAU, Paul-Emile U.N. Bourget

SEGUIN, Arthur-E. LIB. Robert-Baldwin

SIMARD, Montcalm U.N. Témiscouata

SHOONER, Paul U.N. Yamaska

TESSIER, Maurice LIB. Rimouski

THEBERGE, Gilbert LIB. Témiscamingue

THEORET, Rolland U.N. Papineau

TREMBLAY, Gaston U.N. Montmorency

TREMBLAY, Georges-E. LIB. Bourassa

TREMBLAY, Jean-Noé'l U.N. Chicoutimi

VAILLANCOURT, Georges LIB. Stanstead

VINCENT, Clément U.N. Nicolet

WAGNER, Claude LIB. Verdun

(Vacants) Bagot, Notre-Dame-de-Grâce

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