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(Quinze heures trois minutes)
M. SENECAL (greffier): Qu'on ouvre les portes!
Démission du Président M. Paul
M. SENECAL (greffier): J'ai l'honneur d'Informer la Chambre que j'ai
reçu de l'honorable Rémi Paul, Orateur de l'Assemblée
législative, la lettre suivante:
Québec, le 10 octobre 1968.
M. Jean Sênécal,
Greffier de l'Assemblée législative, Hotel du
gouvernement, Québec, P.Q.
Cher monsieur Senécal,
Ayant été appelé à être membre du
Conseil exécutif de la province, je dois, dans les circonstances, vous
remettre ma démission comme orateur de l'Assemblée
législative. Je profite de l'occasion pour vous remercier très
sincèrement, ainsi que tous les officiers supérieurs de
l'Assemblée législative, de la généreuse
collaboration que tous m'ont donnée dans l'exécution de mes
fonctions d'orateur de la Chambre. Je vous saurais gré également,
cher monsieur Senécal, de transmettre les sentiments de ma plus vive
reconnaissance à tous les collègues de l'Assemblée
législative qui m'ont facilité la tâche.
Agréez l'expression de mes sentiments les plus distingués,
et je vous prie de me croire bien à vous,
Rémi Paul, c.r., Président de l'Assemblée
législative.»
M. SENECAL (greffier): En conséquence, j'ai l'honneur d'informer
la Chambre que la charge d'orateur est vacante.
Election d'un nouvel Orateur M. Jean-Jacques
Bertrand
M. BERTRAND: Monsieur le chef de l'Opposition, mes chers
collègues, c'est le bon plaisir de l'honorable lieutenant-gouverneur que
nous procédions à élire un nouvel orateur. Nous n'avons
plus de président et notre premier geste doit être de nous en
donner un autre. Tous étaient unanimes à dire que le
député de Maskinongé était admirablement
qualifié pour devenir notre premier président permanent, mais
nous avions besoin de sa riche expérience au conseil des ministres. Nous
voulons aussi qu'il en fasse bénéficier la Chambre, pas seulement
sur des questions de procédure ou de règlement, mais sur le fond
même des problèmes à l'étude.
Le député de Maskinongé mérite la gratitude
de toute la Chambre pour l'objectivité, la patience, la courtoisie et la
profonde connaissance des règles parlementaires, qu'il a
manifestées au fauteuil présidentiel. Ces qualités ne lui
seront pas moins précieuses dans ses nouvelles fonctions.
Ce serait vraiment dommage que le fait d'être un très bon
Orateur puisse empêcher un parlementaire d'accéder à
d'autres fonctions pour lesquelles il possède également les
meilleures qualifications.
Celui que je propose à la Chambre de se donner comme Orateur est
un moins de 40 ans. Né à Rivière-du-Loup en 1930, membre
du Barreau depuis 1956, il a toujours exercé sa profession dans sa ville
natale.
Il a été associé étroitement à tous
les mouvements sociaux, culturels et économiques de sa belle
région. Il a été élu d'emblée aux
élections générales de 1966, alors qu'il se
présentait pour la première fois. Dans ses fonctions
antérieures de vice-président, la Chambre a déjà pu
apprécier sa maturité, son jugement, sa serviabilité, sa
maîtrise des règlements et son esprit de justice. Il n'y a
personne d'infaillible ni d'intouchable en cette Chambre. Les mêmes
règlements existent pour tous. Nous pouvons même dire qu'ils
existent surtout pour la protection des minorités, c'est-à-dire
de l'Opposition. Le maintien de l'ordre est absolument nécessaire
à l'exercice de la liberté d'expression. Que le
député de Rivière-du-Loup ne craigne pas de faire le
nécessaire pour protéger cette liberté. L'exemple du
député de Maskinongé montre que, chez nous, un
président peut appliquer le règlement, même à
l'encontre des prétentions d'un premier ministre, sans compromettre pour
autant ses chances d'avancement.
Tous les députés, mes chers collègues, doivent
coopérer avec l'Orateur pour le maintien de l'ordre et du décorum
nécessaires à toute assemblée délibérante et
spécialement à celle-ci, où convergent les
problèmes les plus vitaux du Québec et de la communauté
québécoise.
Il y a une sorte d'impatience qui s'exprime aujourd'hui dans l'opinion
publique, à l'égard de tous les parlements, y compris le
nôtre.
On trouve que ces institutions ne sont pas suffisamment efficaces, que
leur fonctionnement est alourdi par des règles et des tradi-
tions désuètes, qu'elles retardent sur le temps de la vie
moderne.
Nous sommes, tous conscients de ces critiques, tous désireux
d'accélérer la marche de nos travaux, mais nous savons, par notre
propre expérience et celle des autres Parlements, que ce n'est pas
toujours facile. C'est qu'il ne faut pas brimer cette liberté de parole
qui reste l'une des exigences fondamentales de tout régime parlementaire
et démocratique.
Comment concilier, chers collègues, les exigences de
l'efficacité avec celles de la démocratie? Voilà le
problème. Je pense que, pour le résoudre, il faut absolument
s'élever au-delà des divisions partisanes. Il faut en arriver
à un consensus aussi large que possible sur les règles qui
doivent présider à nos débats et sur l'esprit dans lequel
ces règles doivent être appliquées.
Nous devons, sous la direction de notre président, donner
à la population et spécialement à la jeunesse du
Québec l'exemple du respect de soi-même, du respect des autres et
du respect de l'autorité.
J'ai donc l'honneur de proposer que monsieur Gérard Lebel,
député du district électoral de Rivière-du-Loup,
soit élu Orateur de la Chambre et prenne place au fauteuil en cette
qualité.
M. Jean Lesage
M. LESAGE: M. le Greffier, M. le Premier ministre et mes chers
collègues, la motion du premier ministre est devenue nécessaire
par suite de la nomination du député de Maskinongé au
conseil des ministres.
Nous, de l'Opposition, nous nous réjouissons de cette heureuse
acquisition que vient de faire le cabinet. Nous félicitons le nouveau
ministre et nous lui offrons bien sincèrement nos meilleurs voeux de
succès.
Ce n'est toutefois pas sans quelque regret que nous le voyons abandonner
le fauteuil du président car il a, depuis deux ans, occupé cette
fonction avec grand mérite et très grande distinction. Lorsque le
député de Maskinongé a été élu
à la présidence le 1er décembre 1966, il a
déclaré: « Je demande à l'Esprit-Saint de
m'éclairer dans les décisions que j'aurai à prendre afin
que mon règne comme président de l'Assemblée
législative, sans être le plus brillant, soit marqué de la
plus pure justice et de la plus grande équité. »
Je veux lui dire aujourd'hui, à titre de chef de l'Opposition, au
nom de mes collègues comme en mon nom personnel, que sa prière a
été exaucée et qu'il s'est magnifiquement acquitté
d'une tâche extrêmement ardue.
Pour lui succéder, le premier ministre propose l'élection
de M. Gérard Lebel, député de Rivière-du-Loup. Je
voudrais faire part au futur président comme aux députés,
des sentiments qui animent l'Opposition en cette circonstance. Le
député de Rivière-du-Loup hérite lui aussi
et je suis sûr qu'il en est bien conscient d'une lourde
succession. Présider les travaux de cette Chambre à l'heure
actuelle est une tâche épuisante, toujours difficile et souvent
ingrate. En effet, il ne suffit pas pour le président d'être rompu
aux usages parlementaires et de bien connaître notre règlement.
Encore, lui faut-il ajouter à ces connaissances les qualités
personnelles qui sont indispensables pour assurer le prestige et la
dignité de l'assemblée et pour mener à bien et de
façon efficace le travail qui s'effectue en cette enceinte.
C'est ainsi que pour jouir de l'estime et de l'appréciation de
tous les députés comme des citoyens du Québec, notre
président doit, surtout après l'exemple donné par son
prédécesseur, faire preuve de pondération, de jugement,
d'impartialité et de fermeté. Je ne doute pas que le
député de Rivière-du-Loup cherchera à atteindre cet
idéal avec tout le dynamisme que lui confère sa jeunesse. Nous
comptons sur son intelligence et sur son sens du devoir. Nous nous
réjouissons qu'il ait fait son apprentissage à la meilleure des
écoles. Je veux l'assurer que nous coopérerons avec lui dans
toute la mesure du possible et lui promettre que nous seconderons ses efforts
pour que les délibérations de cette Chambre soient empreintes de
la dignité, de l'ordre et du respect sans lesquels elles n'auraient plus
leur raison d'être.
Je seconde donc avec plaisir la proposition du premier ministre.
LE GREFFIER: J'ai l'honneur de proclamer que M. Gérard Lebel,
député du district électoral de Rivière-du-Loup est
élu Orateur de la Chambre à l'unanimité.
M. le Président
M. LEBEL (président): Mes chers collègues, je remercie
sincèrement la Chambre du grand honneur qu'elle vient de me faire, en me
choisissant comme son Orateur, et je la prie de croire que je m'efforcerai
toujours de mériter sa confiance.
Je n'ignore pas que je suis peu qualifié pour occuper le poste
important qui m'est assigné. Aussi, je compte sur la bienveillance et le
concours de tous les membres de la Chambre pour remplir avec fermeté et
impartialité les devoirs qui vont m'incomber.
J'aime à espérer que la Chambre entière voudra
bien, à l'occasion, m'alder à défendre nos droits et nos
privilèges, à faire respecter notre règlement et à
maintenir la liberté de discussion que nos usages ont consacrée,
et je demande à Dieu de bien vouloir m'éclalrer.
Les travaux de la Chambre sont suspendus à loisir.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable premier ministre.
Hommage à M. Daniel Johnson M. Jean-Jacques
Bertrand
M. BERTRAND: Le 3 juillet dernier, dans le cours de l'après-midi,
à la suite des nouvelles qui s'étaient répandues depuis le
matin du même jour, j'informais la Chambre de la maladie de l'honorable
Daniel Johnson qui, le matin, avait été transporté
à l'Institut de cardiologie de Québec.
Depuis ce moment, que d'événements dramatiques se sont
produits! Je suis sûr qu'au moment de reprendre nos travaux tous les
membres de cette Chambre sont, comme moi, obsédés par le souvenir
de celui que nous étions habitués de voir au pupitre qui
aujourd'hui porte une couronne. Ce pupitre, j'aurai l'honneur de l'occuper
demain, grâce à l'appui de tous les parlementaires, membres de ce
parti politique dont il a toujours été le chef incontesté
et incontestable.
Je n'entends pas rappeler ici tous les aspects de la carrière et
de l'oeuvre politique de Daniel Johnson; son nom, ses actes appartiennent
à l'histoire. Après les événements douloureux que
nous venons de traverser, tout cela est consigné, et pour longtemps,
dans l'esprit et dans le coeur des Québécois. Mais, puisque, pour
la première fois depuis ses obsèques, nous voici
rassemblés dans cette Assemblée législative où il a
siégé pendant vingt-deux ans et où son corps,
ramené du gigantesque barrage qui porte maintenant son nom, a
été exposé en chapelle ardente, comment ne pas rappeler
avec quel talent, avec quelle ardeur, avec quelle joie il participait aux
délibérations de notre Parlement?
Je n'ai pas besoin de rappeler, non plus, les hommages qui lui ont
été rendus, la visite des chefs d'Etat, de la France en
particulier, du premier ministre du Canada, de tous les premiers ministres des
provinces canadiennes et de tous ceux-là qui sont venus avec cette foule
lui présenter leurs hommages et offrir leurs condoléances
à Mme Johnson.
Comme député du comté de Bagot, qu'il
représentait sans interruption depuis 1946, comme adjoint parlementaire
du premier ministre à partir de décembre 1954, comme
vice-président de la Chambre deux ans plus tard, comme ministre des
Ressources hydrauliques de 1958 à 1960, comme chef de l'Opposition de
1962 à 1966 et enfin comme premier ministre, il atou-jours
manifesté une prédilection évidente pour la partie
spécifiquement parlementaire de ses fonctions. Il s'y donnait corps et
âme avec une sorte de ferveur joyeuse. Il était ici comme dans son
élément naturel. C'est qu'il aimait profondément ce forum,
qu'il se plaisait à appeler notre assemblée nationale, où
débouchent les préoccupations les plus hautes de la
société québécoise et où se forge, dans
l'affrontement des idées et des partis, la conscience commune d'un
peuple.
Bien loin de fuir la contradiction, de s'en alarmer ou d'en concevoir de
l'amertume, Daniel Johnson y voyait un stimulant nécessaire, car ce
grand parlementaire était aussi un grand démocrate. Il avait un
sens très aigu de la souveraineté populaire et il recherchait
constamment la participation, la coopération de tous les groupes de
pression, des corps intermédiaires, des collectivités locales ou
régionales à la réalisation du bien commun.
Non seulement savait-il parler je n'ai qu'à rappeler ici
certains de ses discours dans ce Parlement et évoquer cette
conférence de presse télévisée à travers
tout le Canada que les journaux et les commentateurs ont appelée son
testament politique mais il savait aussi, avec une exceptionnelle
ouverture d'esprit, se mettre à l'écoute des autres, les
interroger et les consulter. Je dirais mime qu'il trouvait un plaisir et un
profit particuliers à scruter les arguments de ceux qui ne pensaient pas
comme lui. On s'est étonné parfois de le voir rassembler, dans un
même groupe de travail autour d'un problème donné, des gens
venus d'horizons très divers et dont on se doutait bien qu'ils ne
partageaient pas au départ les mêmes avis et les mêmes
réactions.
Ceux qui le connaissaient davantage savaient que c'était sa
manière à lui d'aller au fond des choses. M. Johnson se
méfiait des fausses certitudes, des unanimités factices que l'on
obtient sans peine en choisissant comme interlocuteurs des gens dont on sait
d'avance qu'ils appartiennent à la même école de
pensée.
Il tenait à explorer un éventail aussi large que possible
des opinions, à analyser tous les aspects d'un problème pour en
dégager peu à peu les éléments d'une solution
raisonnable. On sait, d'ailleurs, avec quel art consommé il sa-
vait jeter les ponts entre les points de vue en apparence les plus
éloignés et découvrir le dénominateur commun
capable de réaliser l'accord de tous.
Est-il nécessaire, M. le Président, de rappeler qu'il
était également un ardent nationaliste? Il ne l'était pas
devenu par nécessité politique.
Il l'était depuis toujours, par conviction profonde et par amour
des siens. Ce qu'il a écrit dans son livre « Egalité ou
indépendance » est le développement d'une pensée qui
s'élaborait déjà dans son esprit quand il était
étudiant au séminaire de Saint-Hyacinthe ou à
l'université de Montréal. Je le dis en connaissance de cause,
puisque nous avons milité ensemble dans des mouvements de jeunesse
universitaire qui se donnaient précisément comme objectif la
collaboration dans l'égalité de nos deux communautés
culturelles.
Il y avait rien d'étroit, rien de tribal dans le nationalisme de
Daniel Johnson. Il a d'ailleurs toujours défini la nation
canadienne-française comme une communauté fondée sur la
culture et non pas sur la race. Communauté ouverte, par
conséquent, à tous les Canadiens, à tous les
Québécois qui participent à la culture française et
qui veulent y participer, quels que soient leur nom ou leur origine
ethnique.
Et c'est ce qu'il affirmait, et lorsqu'il l'affirmait, il en
était lui-même l'illustration vivante. C'est en effet par son
appartenance culturelle qu'il s'identifiait à nous, qu'il en incarnait
mieux que quiconque les traits caractéristiques, les réactions,
les façons d'être et de penser et les aspirations profondes. Ce
qui ne l'empêchait aucunement d'apercevoir, dans les composantes
géographiques et économiques de notre milieu, les
impératifs d'une solidarité canadienne et même, dans une
certaine mesure, d'une solidarité nord-américaine.
Et nous pouvons dire également qu'il aura été pour
le Canada français et pour le Québec un ambassadeur de premier
plan dans ses relations avec la France et les jalons qu'il a posés pour
des relations plus étroites avec la francophonie, assurant le
rayonnement de notre culture.
Si vous me permettez, M. le Président, de terminer sur une note
plus personnelle, je dirai qu'au plan humain, celui de l'amitié, celui
du coeur, Daniel était, suivant une expression qu'il aimait beaucoup
appliquer aux autres, un homme en or.
J'ai eu infiniment de plaisir à travailler à ses
côtés, que ce soit dans l'Opposition ou dans l'exercice des
responsabilités gouvernementales. Nos carrières ont longtemps
suivi les mêmes voies, franchi les mêmes étapes. A cer-
tains moments, il y a eu entre nous des échanges assez vifs, mais je
dois dire que la loyauté dont moi et mes collègues lui avons
toujours donné la preuve a été acceptée dans un
climat de franchise, d'ouverture d'esprit et d'acceptation du dialogue.
L'amitié que j'avais pour lui s'est développée et est
devenue d'autant plus profonde que je travaillais à ses
côtés, en particulier, depuis le Mont-Gabriel et depuis le
congrès et les assises de 1965.
Il est donc évident pour nous tous, ses collègues, les
députés, les parlementaires de notre mouvement politique, qui
étions des copains de toujours, que nous ne pouvons collaborer aussi
étroitement pendant plus de 20 ans sans que se nouent entre nous des
liens multiples et extrêmement forts de fraternité et
d'amitié.
A madame Johnson, qui a été si magnanime en ce deuil cruel
et tragique, à ses enfants magnifiques, à la famille nombreuse
des Johnson, je réitère, au nom de mes collègues et au nom
de toute la Chambre, l'expression de nos plus sincères
condoléances et je propose que, quand cette Chambre s'ajournera, elle
soit ajournée en signe de deuil à la mémoire de
l'honorable Daniel Johnson, député de Bagot, 24e premier ministre
du Québec.
M. Jean Lesage
M. LESAGE: M. le Président, je revis cet après-midi
l'émotion qui m'étreignait lors du triste événement
survenu de bonne heure le matin, à la Manic, le mois dernier.
Lorsque nous nous sommes séparés au mois de juillet,
personne parmi nous n'aurait osé imaginer qu'une mort aussi inattendue,
un deuil aussi cruel viendrait frapper nos rangs au cours de la période
de suspension de nos travaux parlementaires. L'éloge que vient de faire
le premier ministre de celui qui a été son chef est digne et du
disparu et de celui qui l'a prononcé.
J'ai exprimé, au moment du décès de M. Johnson, ma
peine profonde. Je veux dire aujourd'hui que tous les membres de l'Opposition
ont été bouleversés par ce choc, comme l'a
été, d'ailleurs, l'ensemble de la population
québécoise. Si d'aucuns, par hasard, s'étonnaient de mes
propos, c'est sans doute parce qu'ils entendent mal le sens profond de la vie
politique et qu'ils n'en comprennent pas bien le fonctionnement
M. Johnson et moi étions des adversaires,bien
sûr, mais nous n'étions pas et nous n'avons jamais
été des ennemis. Au contraire, au cours des années, il
s'était établi entre nous une sorte de respect de l'autre, une
connais-
sance mutuelle de notre personnalité respective et de nos
problèmes communs parce que nous les avions vécus tous les
deux qui faisaient que, même au plus fort de la lutte, nous nous
efforcions de ne pas manquer aux règles du jeu et de ne pas léser
les droits essentiels de la personne humaine. Tant et si bien que,
malgré les divergences notoires qui nous ont opposés,
malgré les propos acerbes que nous avons échangés,
malgré les coups durs même que nous nous sommes portés, nos
rapports personnels ont toujours été marqués au coin de
l'estime et du respect mutuels.
Et le plus bel hommage que je puis rendre à celui dont nous
déplorons la perte, c'est de proclamer qu'il a servi le Québec
avec conscience et avec zèle, et que sa patrie, comme ses concitoyens,
gardent et garderont de lui le souvenir d'un homme bon, courageux et
dévoué.
Je réitère à la famille de M. Johnson et à
ses collègues l'expression de notre très vive sympathie à
nous tous.
M. le Président, après avoir rendu cet hommage
mérité à l'ex-premier ministre, il me fait plaisir
maintenant de saluer son successeur et de lui offrir nos sincères
félicitations. Mais soyez sans crainte, M. le Président, et que
lui, le premier ministre, soit aussi sans crainte, je n'ai pas l'intention de
faire du premier ministre un éloge qui choquerait sa modestie. Aussi je
me contenterai de lui offrir nos meilleurs voeux et l'assurance de notre
coopération chaque fois que la politique de son gouvernement nous
semblera, à nous, servir les meilleurs intérêts du
Québec.
J'ai la ferme conviction qu'il existe entre le nouveau premier ministre
et moi-même cette ouverture d'esprit et ce respect mutuel dont j'ai
parlé il y a un instant et qui sont, pour ainsi dire, indispensables
à l'accomplissement de nos devoirs respectifs et de notre evoir commun
en cette Chambre. Je ne voudrais pas d'autre part que le premier ministre en
conclue prématurément qu'il aura la tâche d'autant plus
facile d'ailleurs, il sait que ce n'est jamais facile car je
pense bien qu'il est, plus que nul autre, conscient que la période que
nous traversons requiert, de la part de ceux qui ont la responsabilité
du pouvoir et de ceux qui ont la responsabilité de la
législation, qu'ils se donnent entièrement à leur
tâche suivant les dictées de leur conscience
démocratique.
Notre responsabilité de représentants du peuple exige que
nous nous attaquions sans délai aux problèmes les plus cruciaux.
Je suis certain que c'est ce à quoi s'attendent de nous les citoyens du
Québec. Je suis sûr aussi que le premier ministre disparu aurait
voulu que nous mettions tout en oeuvre pour tenter de régler les
problèmes aigus qui ont surgi, en particulier depuis deux semaines, dans
le domaine de l'éducation.
Crise de l'éducation
M. LESAGE: Le premier ministre a rappelé, il y a un instant, la
confiance de M. Johnson dans le travail de notre assemblée. Eh bien, le
plus bel hommage que nous pourrions lui rendre serait, je crois, M. le
Président, tout en ajournant les travaux de la Chambre à six
heures, de siéger ce soir en comité de l'éducation pour
entendre le ministre, qui ne peut pas se présenter ici, nous faire un
rapport détaillé de la situation en ce qui concerne la crise de
l'éducation.
Nous pourrions alors aviser, ce soir et à d'autres séances
qui devraient se succéder rapidement, séances du comité de
l'éducation, aviser, dis-je, des mesures à prendre...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. LESAGE: ... pour mettre fin... M. LE
PRESIDENT: A l'ordre! M. LESAGE: ... à la crise scolaire.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je pense que l'honorable chef de
l'opposition conviendra que, par un chemin astucieux, il est tenté
actuellement de s'éloigner un peu de la motion qui a été
présentée par l'honorable premier ministre.
Alors, je lui demanderais de s'en tenir à la motion.
M. LAPORTE: Si vous me le permettiez, M. le Président, nous
sommes, je pense, en présence d'une motion d'ajournement de la
Chambre.
S'il s'agit véritablement d'une motion d'ajournement de la
Chambre, vous verrez, à l'article 188 du règlement, que le genre
de motion d'ajournement qui vient d'être présentée par le
premier ministre ne peut être présenté que par un ministre;
cela apparaît au chapitre des motions portant sur les ajournements de la
Chambre.
Or, lorsqu'il s'agit d'une motion d'ajournement de la Chambre, il est
permis, à l'occasion de l'étude de cette motion d'ajournement,
d'aborder les problèmes qui sont de nature a retenir
l'attention d'une assemblée délibérante comme la
nôtre.
Ce que le chef de l'Opposition fait, en somme, c'est, dans la
première partie de son exposé, de concourir à
l'éloge posthume que l'on fait du premier ministre disparu, et ensuite
d'user de son droit, prévu à notre règlement, d'aborder un
problème, si c'est un problème urgent. Or, s'il est un
problème dont tout le monde parle actuellement dans la province de
Québec, c'est celui de l'éducation Il use donc du droit
prévu par le règlement de l'Assemblée législative.
L'article 274 est assez clair: « Quand l'ajournement de la Chambre, (je
cite le deuxième paragraphe) est proposé par motion principale,
la discussion peut porter sur toutes les questions d'administration, sauf
celles qui requerraient une mesure législative, ou qui ne peuvent
être soulevées que par une motion directe. »
Ce que nous proposons, c'est que la motion d'ajournement de la Chambre
soit agréée puisque nous sommes tous d'accord pour seconder les
propos du premier ministre quant à M. Daniel Johnson; mais nous
l'assortissons d'une autre chose, voulant que, dès ce soir, à
cause de l'urgence de la situation, le comité de l'éducation
puisse siéger. Je pense que cela est tout à fait conforme aux
prescriptions de notre règlement.
M. BERTRAND: M. le Président, je n'ai pas donné lecture,
tantôt, de toute la motion. J'avais eu l'occasion de rencontrer le chef
de l'Opposition et nous avions parlé d'un ajournement à six
heures. Mais, suivant la coutume, étant donné que nous devions
faire l'éloge de l'illustre disparu, dès le début de la
séance, la motion que je proposais le chef de l'Opposition est au
courant c'est que, lorsque cette Chambre s'ajournera aujourd'hui,
à six heures, elle soit ajournée en signe de deuil et par respect
pour la mémoire de l'honorable Daniel Johnson, député du
district électoral de Bagot, premier ministre de la province,
président du Conseil exécutif, ministre des Affaires
intergouvernementales, décédé depuis le dernier
ajournement de la Chambre.
A ce moment-là, je crois que le chef de l'Opposition en
conviendra, il avait été entendu que la Chambre arrêterait
ses travaux à six heures et que nous reprendrions les travaux
parlementaires, mercredi après-midi, jour des députés,
à trois heures. Voilà ce qui avait fait l'objet de notre
rencontre à mon bureau, lors de la visite faite chez moi, selon la
coutume et la tradition que j'ai été très heureux de
respecter.
M. LESAGE: M. le Président, le premier ministre vient de rappeler
la rencontre que nous avons eue à son bureau. Je suis bien d'accord sur
tout ce qu'il vient de dire. Il est entendu je l'ai dit tout à
l'heure d'ailleurs que nous n'avons aucune objection à la motion
du premier ministre qui est une motion portant ajournement en signe de deuil,
l'ajournement étant proposé pour six heures ce soir. Le premier
ministre voudra bien reconnaître que j'ai respecté ce qu'il a dit,
puisque j'ai parlé de séance ce soir, non pas de séance de
la Chambre, mais de séance du comité de l'Education. J'ai
déclaré que j'étais convaincu que le premier ministre
disparu, devant un état de crise pareil, la Chambre siégeant,
aurait voulu que nous nous attaquions à ce problème
extrêmement aigu.
Quand on pense que même des élèves du secondaire de
Québec font le chahut dans les rues de Québec au moment où
nous parlons, on voit que c'est extrêmement sérieux. C'est pour
ça que j'ai suggéré que le comité de l'Education
siège ce soir.
Il me semble que c'est normal, que ça respecte en tout les
suggestions que le premier ministre m'avait faites dans son bureau et que j'ai
respectées moi-même. La situation est tellement grave qu'il
était, je crois, du devoir de l'Opposition et du chef de l'Opposition de
soulever cette question étant donné qu'il y avait devant la
Chambre une motion d'ajournement en signe de deuil, prévue à
l'article 188 on peut lire les notes en bas, sous le titre des motions
portant ajournement de la Chambre et étant donné les
prescriptions de l'article 274, paragraphe 2. N'oublions pas, M. le
Président, que nous ne pouvons pas nous attendre, d'ici quelque temps,
qu'il y ait de la part du gouvernement des motions pour que la Chambre se forme
en comité des subsides.
Les occasions de votes de non-confiance sur des sujets qui ne font pas
l'objet d'une législation précise nous sont, à toutes fins
pratiques, prohibées. Alors, dans les circonstances, il nous appartenait
de rechercher et de trouver les moyens d'attirer l'attention des
représentants du peuple sur la crise extrêmement aiguë qui
survient dans le domaine scolaire. En vertu des articles 188 et 274
deuxièmement, je soumets, M. le Président, que j'ai le droit de
ce faire et, avec votre permission, je continuerai de le faire.
M. BELLEMARE: M. le Président, il y a aussi dans les notes
explicatives de l'article 188, au sous-article 5: « Dans le doute, il
lais-
se à la Chambre de décider s'il y a gravité et
urgence ».
M. le Président...
M. LESAGE: C'est une motion d'urgence, ça.
M. BELLEMARE: M. le Président, personne de notre
côté n'a interrompu un orateur.
Tel qu'entendu avec l'honorable premier ministre et avec le chef de
l'Opposition, il y a eu une rencontre des deux leaders parlementaires ces jours
derniers. Il a été entendu que je proposerais cet
après-midi, sans en avoir donné l'avis, tel que le veut le
règlement, une motion qui appellerait les députés à
se prononcer sur les heures de séance de la Chambre.
Cette motion sera faite dans quelques instants et demandera à la
Chambre de se prononcer sur un horaire que nous aurons à suivre et que
nous adopterons. Nous avons compris qu'en attendant cette motion il
était intervenu entre le leader parlementaire et le leader de
l'Opposition un « genglemen's agreement » qui disait, entre autres,
que tous les mercredis la Chambre serait appelée à siéger
en comité, soit de législation, soit de la constitution, soit des
règlements ou de l'Education.
M. LESAGE: Non, le mercredi, il a été question de
séances du cabinet.
M. BELLEMARE: Le soir. M. BERTRAND: Le soir.
M. LESAGE: Ce n'est pas sûr, cela n'a pas été
spécifié.
M. BELLEMARE: M. le Président, il a été toujours
entendu avec le leader de l'Opposition que, le mercredi matin, des
comités pourraient siéger à volonté, soit celui de
l'Education, soit celui de la constitution, soit le comité des
règlements ou tout autre. Cet accord nous a été
donné. Avec le consentement du leader de l'Opposition, je lui ai fait
valoir que le mercredi soir était réservé comme le
congé des députés de la Chambre. Pour les ministres,
c'était l'assemblée du Conseil exécutif.
M. le Président, si l'Opposition veut que nous respections ce
« gentlemen's agreement », nous n'avons aucune objection à
faire siéger le comité dès demain matin et je crois
respecter l'entente que nous avons prise.
Si l'Opposition y voit, comme nous le constatons d'ailleurs, un
problème urgent, nous n'avons aucune objection à ce que notre
entente, qui devait entrer en vigueur demain, soit reportée à
mercredi prochain.
M. LESAGE: A quelle heure? A dix heures? M. LAPORTE : A quelle heure
demain matin? M. BELLEMARE: Dix heures demain matin.
M. LAPORTE: Dix heures demain matin, accepté.
M. BELLEMARE: Entendu, Très bien.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Est-ce que la motion proposée par
l'honorable premier ministre est adoptée?
Adopté.
M. BELLEMARE: Monsieur le Président, je voudrais, comme doyen de
cette Chambre et comme représentant de la majorité dans cette
Chambre, particulièrement au nom de mes collègues de l'Union
Nationale, me faire un devoir bien agréable, dans cette circonstance
extrêmement difficile, de présenter à notre nouveau premier
ministre l'expression la plus sincère et
désintéressée de notre loyauté et de notre
généreuse collaboration.
Inutile de vous dire combien la tâche qu'il est appelé
à remplir est lourde et combien les devoirs de sa charge seront
difficiles à cause des impératifs de la vie d'aujourd'hui et des
problèmes multiples que nous affrontons aujourd'hui plus que jamais.
Nous l'assurons d'abord de notre amitié et surtout de la ferme
conviction qu'à ses côtés, nous pourrons oeuvrer afin de
donner à la province le spectacle d'un parti uni, fort et qui n'a qu'un
seul objectif, celui de bien remplir le mandat que lui a confié la
population. Je remercie l'honorable chef de l'Opposition des témoignages
qu'il lui a rendus cet après-midi que je crois très
sincères puisqu'il a personnellement vécu pendant plusieurs
années l'expérience de premier ministre. Je sais qu'il comprend
les impératifs de cette charge qui est lourde de conséquences et
qu'il apportera à notre nouveau premier ministre toute la
coopération qu'il est en droit d'en attendre. Je remercie aussi mes
collègues, les honorables membres du Conseil exécutif ainsi que
toute la députation de l'Union Nationale pour le geste unanime qu'ils
ont posé, lors de sa désignation comme premier ministre de cette
province.
M. BERTRAND: On me permettra de remer-
cier immédiatement le chef de l'Opposition, mon collègue,
le doyen des députés, des propos qu'ils ont eus à mon
endroit et des souhaits qu'ils ont formulés. Je dis au chef de
l'Opposition que comme lui et celui qui m'a précédé je
serai jugé à mes actes et que je suis prêt au combat
démocratique. Si nous n'avons pas accepté au départ ce
qu'il a mentionné dans ses remarques, que le comité de
l'éducation siège ce soir, c'est qu'il avait été
bien entendu entre nous que l'on ajournait à six heures. Demain matin,
à dix heures j'ai souvent parlé des séances des
comités, il y a un problème à l'heure actuelle devant
l'opinion publique nous irons le discuter demain matin à dix
heures au comité parlementaire de l'éducation.
M. BELLEMARE: J'ai l'honneur de proposer que la composition du
comité spécial de onze membres institué par cette Chambre
le 20 février 1968, pour choisir les membres ainsi que le
président de chacun des comités permanents alors formés,
soit modifiée en remplaçant le nom de M. Johnson comme
membre...
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail voudra attendre
peut-être qu'on appelle les motions non annoncées.
Présentation de pétitions. Lecture et réception de
pétitions.
L'honorable député de Vaudreuil-Soulanges.
M. GERIN-LAJOIE: J'ai l'honneur de proposer pour le député
de Chambly que les articles 615 et 616 du règlement soient suspendus et
qu'il me soit permis de présenter la pétition de la Corporation
de l'Oratoire Saint-Joseph-du-Mont-Royal demandant l'adoption d'une loi
confirmant et ratifiant la convention intervenue entre ladite corporation et la
ville de Montréal et que cette pétition soit maintenant
présentée, lue et reçue.
M. LESAGE: Je pensais que c'était une ratification de
miracle.
M. BERTRAND: Nous ne savions pas que c'était très urgent,
mais le député de Vaudreuil-Soulanges veut sans doute provoquer
un miracle, alors, nous acceptons...
M. LAPORTE: Oui, l'élection de M. Cardinal dans Bagot, un vrai
miracle!
M. BERTRAND: On en parlera sur les tribunes politiques dans Bagot.
M. LAPORTE: Comptez sur nous.
M. LESAGE: Est-ce que le premier ministre a l'intention de participer
à la campagne électorale dans le comté de Bagot?
M. BERTRAND: J'ai l'intention de la suivre de très
près.
M. LESAGE: De la suivre, oui. Vous allez arriver en retard, vous allez
suivre de trop loin.
M. MALTAIS (Saguenay): Quand on suit, on vient après...
M. BELLEMARE: Il n'y a pas de piège à ours? Vous n'avez
pas eu de piège à ours?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: Non, il n'y a pas de piège à ours.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: Il y avait des pièges à ours de votre
temps.
M. LESAGE: Vous devez regretter... M. BELLEMARE: ... pièges
à ours... M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!
Présentation de rapports de comités élus.
Présentation de motions non annoncées.
L'honorable premier ministre.
Election du vice-président
M. BERTRAND: M. le Président, j'ai l'honneur de proposer
nous nous sommes entendus, le chef de l'Opposition et moi, à ce
stade-ci, de faire telle proposition que le député de
Sherbrooke, M. Raynald Fréchette, soit élu président des
comités pléniers de la Chambre et devienne le
vice-président de notre assemblée.
Raynald Fréchette est un des plus jeunes députés de
l'Union Nationale. Il est né à Asbestos en 1933. Il a fait ses
études à Sherbrooke, au séminaire
Saint-Charles-Borromée, où il obtint son baccalauréat
ès art. A l'université, en 1961, il obtenait sa licence en droit.
Il fut, au cours de cette dernière période, président de
sa faculté et devint, par la suite, président de l'Association
générale des étudiants de l'uni-
versité de Sherbrooke. Il eut aussi l'honneur d'être
finaliste provincial des débats oratoires, à titre de membre de
la jeune chambre de commerce. Il s'est dévoué au sein de
plusieurs organismes locaux et régionaux. Il a pris une part très
grande aux activités de la Société de criminologie.
Toujours de bon conseil, il a dispensé, dans différentes villes
et paroisses de son district, des conseils juridiques.
Avide de politique active, Me Fréchette a fait ses
premières armes dans ce domaine en se présentant, à
l'âge de 28 ans, dans le comté de Richmond. Mais le 5 juin 1966,
il était élu, pour la première fois, député
de Sherbrooke. J'ai donc l'honneur, M. le Président, de le proposer
comme président de notre comité plénier et
vice-président de cette Chambre.
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.
M. LESAGE: M. le Président, nous accueillons de ce
côté-ci de la Chambre la proposition du premier ministre avec
beaucoup de plaisir et de satisfaction. Nous serons heureux de travailler sous
la présidence active du député de Sherbrooke lorsque nous
serons en comité, ou même lorsque, M. le Président, ayant
à vous retirer pour quelque temps du fauteuil, vous y serez
remplacé par le député de Sherbrooke.
Comme vous, le député de Sherbrooke est un homme de loi,
jeune, un des plus jeunes de cette assemblée, et j'ai eu l'occasion
d'apprécier le sérieux qu'il a mis à son travail de
député. J'ai même eu des rapports sur sa sagesse lors de
certain voyage qu'il a effectué et je suis certain que ses
qualités personnelles et sa science juridique feront de lui un excellent
président de nos comités.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que la motion de l'honorable premier ministre
est adoptée? Adopté.
M. LAPORTE: A l'article des motions non annoncées, je voudrais
proposer qu'au comité parlementaire sur l'Education, le nom de M.
Lefebvre soit remplacé par celui de M. Lesage et celui de M. Fortier par
celui de M. Laporte.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
Le comité des onze
M. BELLEMARE: Je voudrais terminer ma motion non annoncée qui
n'était pas à la bonne place tout à l'heure.
J'espère bien que laChambre ne m'en voudra pas. Le comité des
onze, c'est justement pour nommer les présidents des comités
permanents, que le nom de M. Johnson comme membre soit remplacé par
celui de M. Gabias et que le premier ministre en soit le président.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. BELLEMARE: M. le Président, j'ai l'honneur de proposer que le
nom de l'honorable M. Bertrand soit substitué à celui de M.
Johnson comme parrain des bills suivants: Loi concernant le Conseil
législatif, Loi du ministère de l'Immigration, bill no 13, Loi du
protecteur du citoyen, bill no 59, Loi concernant l'office
franco-québécois pour la jeunesse, bill no 53, Loi de l'Office de
développement et d'aménagement du Québec.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
Heures des séances
M. BELLEMARE: M. le Président, comme je l'ai dit tout à
l'heure lors de mon intervention, je voudrais proposer à la Chambre une
motion pour les heures de séances. Avec l'entente du leader de
l'Opposition, je la déposerai immédiatement, elle sera en vigueur
demain matin et jeudi, nous pourrions siéger à 11 heures, tel
qu'entendu.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Est-ce que la Chambre donne son consentement
unanime à cette motion?
M. BELLEMARE: Oui, oui, c'est vrai. Pour qu'à l'avenir et
jusqu'à nouvel ordre...
M., PINARD: Vous aviez présumé de notre consentement.
M., BELLEMARE: Ah! j'ai pris mes précautions. Je suis allé
voir le leader et je me suis entendu avec lui.
Je pense que nous n'aurons pas de difficulté, ni lui ni moi, si
personne ne vient intervenir.
M. LAPORTE: Alors pour éviter les difficultés, continuez
donc.
M. LESAGE: Vous semblez les rechercher.
M. BELLEMARE: ... qu'à l'avenir et jusqu'à nouvel ordre,
la Chambre tienne une séance tous les jours de la semaine, sauf le
dimanche, de 11 heures du matin jusqu'à 10 heures du soir avec
suspension des travaux de 1 heure à 3 heures l'après-midi et de 6
heures à 8 heures le soir, et qu'à toutes ces séances,
l'ordre des affaires du jour soit celui qui est prévu à l'article
115 du règlement.
M. LAPORTE : M. le Président à moins que le
ministre ait d'autres commentaires nous avons ce matin discuté de
cette suggestion au caucus. Nous sommes d'accord. Il a été bien
entendu et je prends la parole du ministre inconditionnellement
que l'entente que nous avons appelée « gentlemen agreement
», intervenue à l'effet que nous siégerions le soir
jusqu'à 10 heures, sauf cas très exceptionnels, et que les heures
de séances seraient rigoureusement observées quel que soit le
climat de cette Chambre ou le niveau où les tempéraments auront
pu s'élever serait respectée, et que s'il y avait lieu de
procéder à d'autres ententes ou à une pro= chaîne
mésentente, cela ne se ferait pas sans consultation.
M. BELLEMARE: D'accord. Est-ce que le leader parlementaire a
communiqué à son caucus les heures convenues?
M. MALTAIS (Saguenay): C'est un secret!
M. LAPORTE: Si le secret du caucus me le permettait, je vous
répondrais oui.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. BELLEMARE: M. le Président, je voudrais me réserver
si l'Opposition n'a pas d'objection le comité de
l'éducation...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
Présentation de bills privés. Présentation de bills
publics.
M. LESAGE: M. le Président, pourrais-je demander au ministre...
Ah, il y a des bills en première lecture?
Bill no 75
M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre propose la première
lecture d'une Loi du ministère de l'Immigration. Cette motion est-elle
adoptée?
Adopté.
M. BERTRAND: M. le Président, B, Loi du ministère de
l'Immigration. Ce bill prévoit la création d'un ministère
de l'Immigration et impose au ministre qui sera nommé des devoirs,
devoirs dont nous avons souventefois parlé, devoirs qui feraient jouer
au Québec un rôle actif dans le domaine de l'immigration.
M. le Président, j'en ai causé avec le chef de
l'Opposition; vendredi matin, pour une raison qu'il connaît et que je
préfère ne pas donner, je serai absent de cette Chambre et le
ministre des Institutions financières, des compagnies et des
coopératives, qui était Secrétaire provincial et de qui
relevait la direction générale de l'immigration,
présentera le bill à la Chambre.
Il est imprimé, suivant les renseignements que l'on m'a
donnés. Il sera incessamment distribué aux députés.
J'en propose la première lecture.
M. LE PRESIDENT: La motion de première lecture est-elle
adoptée? Adopté.
Seconde lecture à la prochaine séance ou à une
séance subséquente.
Affaires du jour.
M. LESAGE: Pourrais-je demander au ministre de la Voirie...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Est-ce que l'honorable chef de l'Opposition
me permettrait de faire une communication à la Chambre avant que nous
continuions?
M. LESAGE: A tout seigneur, tout honneur. Sièges
déclarés vacants
M. LE PRESIDENT: J'ai l'honneur d'informer la Chambre que mon
prédécesseur a reçu la notification suivante: «
L'honorable Rémi Paul, Orateur de l'Assemblée législative,
Hôtel du gouvernement, Québec.
M. l'Orateur,
Nous soussignés, Jean-Jacques Bertrand, député
à l'Assemblée législative de Québec pour le
district électoral de Missisquoi et premier ministre du Québec et
Maurice Bellemare, député à l'Assemblée
législative de Québec pour le district électoral de
Champlain et ministre
du Travail du Québec, vous notifions officiellement que le
siège de député du district électoral de Bagot
à l'Assemblée législative de Québec est devenu
vacant par suite du décès de l'honorable Daniel Johnson, au
moment de sa mort, député du district électoral de Bagot
et premier ministre du Québec. « Le présent avis vous est
transmis en vertu de la loi. Veuillez donc, s'il vous plaît, agir en
conséquence.
Jean-Jacques Bertrand, premier ministre du Québec et
député de Missisquoi.
Maurice Bellemare, ministre du Travail et député de
Champlain. »
J'ai aussi l'honneur d'informer la Chambre que mon
prédécesseur a adressé au président
général des élections les mandats lui enjoignant
d'émettre des nouveaux brefs portant convocation des collèges
électoraux de Bagot et de Notre-Dame-de-Grâce.
L'honorable chef de l'Opposition.
Questions et réponses Rapport Vandry
M. LESAGE: Alors, M. le Président, je voudrais demander au
ministre de la Voirie s'il croit être en mesure de déposer
bientôt en cette Chambre le rapport connu sous le nom de rapport
Vandry.
M. LAFONTAINE: M. le Président, aussitôt que le rapport
m'aura été transmis d'une façon officielle, il me fera
plaisir de le soumettre à la Commission d'aménagement du
Québec.
M. LESAGE: Je n'ai pas compris.
M. LAFONTAINE: Je voudrais répondre au chef de l'Opposition
qu'aussitôt que le rapport me sera remis officiellement, il me fera
plaisir de le transmettre à la Commission d'aménagement du
Québec. En effet, le ministère de la Voirie, avec la firme
Vandry, agit pour et au nom de la Commission d'aménagement du
Québec. Je dois assurer le chef de l'Opposition que je n'ai pas encore
reçu officiellement le fameux rapport, même si dans les journaux,
dernièrement, les journalistes ont fait état du rapport
Vandry.
M. LESAGE: Le ministre de la Voirie pourrait-il dire à cette
Chambre s'il a reçu le rapport autrement qu'officiellement?
M. LAFONTAINE: Ni officieusement, ni officiellement et je demande au
chef de l'Opposition de prendre ma parole. Je suis aussi impatient que lui de
voir le rapport du comité.
M. LESAGE: Le ministre de la Voirie ne trouve-t-il pas extraordinaire
que les journalistes aient tellement vu ce rapport qu'ils donnent la couleur de
sa couverture: orange et vert, je crois? Est-ce que le ministre a vu le
rapport?
M. LAFONTAINE: Si le chef de l'Opposition voulait rendre service au
ministre de la Voirie, il pourrait peut-être demander aux journalistes,
qu'il connaît bien, d'où le rapport provient et la source de leurs
informations.
Personnellement, je vous le dis, aucun rapport n'a été
déposé au ministère de la Voirie et le ministre de la
Voirie n'a pas pris connaissance du rapport. Si le rapport avait
été présenté...
M. LESAGE: Pardon?
M. LAFONTAINE: ... je peux assurer le chef de l'Opposition que j'aurais
été très heureux d'en prendre connaissance.
M. PINARD: M. le Président, le ministre de la Voirie pourrait-il
nous dire s'il est exact que les hauts fonctionnaires de son ministère
font en ce moment l'étude de la deuxième tranche du rapport
Vandry et que c'est là qu'il y a peut-être divergences
d'opinions?
Le ministre pourrait-il nous dire si les hauts fonctionnaires sont
à étudier la deuxième tranche du rapport Vandry et les
recommandations qui y sont contenues?
M. LAFONTAINE: Peut-être que le député de Drummond
est plus informé des gestes posés au sein du ministère de
la Voirie...
M. LESAGE: C'est par les journaux.
M. LAFONTAINE: ... que le ministre lui-même, mais je dois dire
ceci: le rapport Vandry doit comprendre, je pense, deux parties: premier
volume, deuxième volume. Je sais -et je pense bien que le
député de Drummond le sait aussi parce qu'il était jadis
ministre de la Voirie et qu'il a lui-même signé le contrat avec
les professionnels - le ministre de la Voirie, agissant pour et au nom de la
commission d'aménagement du Québec, a passé un contrat
avec la firme Vandry, DeLeuw, Carter et Jobin. Mais, je sais que le rapport est
à se faire, je
sais que les hauts officiers de mon ministère sont
continuellement en rapport avec le bureau d'ingénieurs-conseils, et
c'est normal parce que c'est le ministère de la Voirie qui agit pour et
au nom de la Commission d'aménagement du Québec et le
ministère de la Voirie a fait appel à des professionnels, mais je
ne peux pas en dire plus que ça. J'attends avec impatience que ce
rapport me soit présenté afin d'éclaircir toute la
situation.
M. PINARD: Une question supplémentaire, M. le Président.
Est-ce que le ministre de la Voirie pourrait nous expliquer comment il se fait
et je n'en fais pas de reproche à la presse mais comment
il se fait que des journalistes auraient en main ou du moins, des informations
assez précises sur le contenu des deux tranches du rapport Vandry alors
que le ministre prétend qu'il n'en a jamais vu la couleur, qu'il n'a
jamais vu ce rapport ni officiellement, ni autrement alors que les journaux
nous ont rapporté quand même des recommandations...
M. LAFONTAINE: M. le Président...
M. PINARD: ... qui semblaient être soumises? Elles n'ont
certainement pas été inventées. Comment il se fait que
l'exécutif soit toujours le dernier à apprendre le contenu des
travaux faits par des commissions...
M. LOUBIER: Le président est debout!
M. PINARD: ... nommées par un précédent
gouvernement?
M. LOUBIER: Voyons, arrière!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il s'agit là d'une question qui ne
rencontre pas les deux conditions essentielles pour être posée
d'une façon régulière à ce stade-ci de nos
procédures. Alors, je demanderais à l'honorable
député de Drummond de renoncer à cette question.
M. LESAGE: M. le Président, au sujet du rapport Vandry, me
permettez-vous de vous souligner respectueusement qu'il s'agit d'une question
extrêmement importante puisqu'il s'agit de la circulation dans toute la
région de la capitale et que, deuxièmement, il s'agit d'une
question urgente puisque ça traîne depuis des mois et des mois. Il
est absolument inconcevable, M. le Président, que le ministre de la
Voirie n'ait pas vu le rapport Vandry alors que tous les journaux de la
région de Québec en parlait depuis des semaines et même des
mois.
M. LAFONTAINE: M. le Président...
M. LESAGE: C'est absolument incompréhensible. Le moins que l'on
pourrait demander au ministre de la Voirie c'est ce que je lui demande
c'est de s'informer auprès de ses officiers de façon
à nous répondre avec précision en cette Chambre, parce que
ça coûte de l'argent, ce rapport-là, et nous sommes
responsables de la dépense publique.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BERTRAND: N'est-il pas à propos, il me semble, dès la
reprise de ces travaux, de nous entendre? Que les questions soient courtes et
précises et que la période de questions ne doit pas être
l'objet d'échanges de propos, de questions à
répétition. Nous voulons tous, nous le disons, avoir de l'ordre.
Or, l'on sait que la période des questions, d'habitude, doit être
courte et ne doit pas provoquer un débat. Est-ce que nous pourrions,
dès le départ, aujourd'hui, nous entendre là-dessus,
surtout quand le ministre vient de déclarer qu'il n'a pas reçu
officiellement le rapport?
M. LESAGE: M. le Président, parlant évidemment sur les
remarques que vient de faire le premier ministre, je suis bien d'accord sur le
fait que les questions doivent être directes, mais il me semble que les
réponses doivent l'être aussi et, M. le Président, le moins
que l'on puisse dire c'est que la réponse du ministre de la Voirie nous
permet de nous poser bien des questions. Il dit: Moi, je n'ai pas pris
connaissance officiellement du rapport...
M. LAFONTAINE: M. le Président...
M. LESAGE: ... mais, dit-il...
M. LAFONTAINE: M. le Président...
M. LESAGE: M. le Président, j'ai la parole et je suis à
faire des remarques sur ce qu'a dit le premier ministre et non pas le ministre
de la Voirie.
Le ministre de la Voirie dit que ses officiers sont en pourparlers
continuels avec...
DES VOIX: A l'ordre!
M. LESAGE: ... les ingénieurs. Est-ce que les officiers, sur les
instructions du ministre, cherchent à faire changer le rapport des
Ingénieurs? C'est important de le savoir.
M. LAFONTAINE: M. le Président, le chef de l'Opposition n'a pas
le droit de prêter des motifs au ministre de la Voirie dans la
réponse qu'il a donnée. Mais j'ai l'impression que tout le
débat qui est présentement en cours, malgré que ça
ne devrait pas être un débat, mais simplement la période
des questions, ce n'est que pour donner au chef de l'Opposition l'occasion de
faire un débat, parce qu'il l'a promis dans .le Soleil du jeudi 17.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LAFONTAINE: « Lesage insistera pour que le rapport Vandry soit
rendu public. » Je dis ceci: Le rapport Vandry ne m'a pas
été présenté.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: J'ai fait part d'une intention, c'est tout.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Disons que l'incident est clos et que nous
passons à une autre question, s'il en est.
M. MICHAUD: M. le Président...
M. LESAGE: M. le Président, je veux conclure si vous me le
permettez en suggérant au ministre de la Voirie de demander
à ses officiers...
DES VOIX: A l'ordre!
M. LESAGE: ... de lui donner les renseignements qui lui permettront de
donner une réponse précise.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.
Le Centre de psychologie et de
pédagogie
M. MICHAUD: M. le Président, il s'est produit depuis
l'ajournement de nos travaux, au début de juillet 1968, des
événements inquiétants et troublants qui sont susceptibles
de freiner ou de contrecarrer les objectifs pour lesquels existe le
ministère des Affaires culturelles. Cet incident est la vente des
actifs...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. MICHAUD: ... du Centre de psychologie et de pédagogie...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. MICHAUD: ... à la société
américaine...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. MICHAUD: Puis-je formuler le reste de ma question?
DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre!
M. LE PRESIDENT: Je sais que l'honorable député de Gouin
connaît assez bien laprocédure parlementaire pour réaliser
que nous sommes à la période des questions et que la question
doit être posée immédiatement et directement.
M. MICHAUD: Je sais qu'une question ne doit pas être
précédée d'un exposé de motifs, mais j'ai tout de
même tenu à signaler ces faits. Est-ce que le ministre des
Affaires culturelles a l'intention de demander aux fonctionnaires de son
ministère de procéder à une enquête complète
sur la vente des actifs du Centre de psychologie et de pédagogie
à la succursale américaine de l'Encyclopedia Britannica Ltd.?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je demande la
permission, étant donné les circonstances que vous connaissez, de
parler depuis ce siège, puisque ce n'est pas le siège que
j'occupe normalement.
M. MICHAUD: Je n'ai rien entendu.
M. LE PRESIDENT: Cette permission est-elle accordée?
M. BERTRAND: Oui, accordée. M. LE PRESIDENT: Accordé.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai compris vaguement la question de
l'honorable député de Gouin.
M. MICHAUD: Plaît-il au ministre que je la reformule?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): S'il vous plaît.
M. MICHAUD: Le ministre des Affaires culturelles a-t-il l'intention de
demander à ses fonctionnaires compétents, je
présume de procéder à une enquête
complète sur la vente des actifs du Centre de psychologie et de
pédagogie à la société américaine
Encyclopedia Britannica Ltd.? Fin de la question. Le ministre veut-il que je
répète?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je prends avis de la
question.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rimouski.
M. MICHAUD: Le changement de siège a rendu arrogant le
ministre.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Taxe scolaire
M. TESSIER: M. le Président, les cultivateurs ont le droit
d'être remboursés de 35%...
DES VOIX: Question, question.
M. TESSIER: C'est préliminaire... de 35% de la taxe scolaire. Or,
en l'absence du ministre des Finances et du ministre de l'Education, est-ce que
le premier ministre pourrait nous dire quand ce remboursement se fera aux
cultivateurs qui l'attendent depuis un an?
M. BERTRAND: M. le Président, je prends avis de cette question et
j'y répondrai demain. On sait que mon collègue le ministre des
Finances est retenu à l'hôpital par la maladie et j'en profite
pour lui offrir, au nom de tous mes collègues, mes meilleurs voeux de
prompt rétablissement.
M. LESAGE: M. le Président, je voudrais joindre ma voix à
celle du premier ministre pour déplorer la maladie du ministre des
Finances ainsi que celle du ministre d'Etat et député de
Saint-Sauveur. Je voudrais me joindre au premier ministre pour offrir aux deux
ministres nos voeux de prompt rétablissement. Nous espérons les
revoir très bientôt en cette Chambre.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Olier.
Election municipale à Saint-Michel
M. PICARD (Olier): M. le Président, une question au ministre des
Affaires municipales. J'aimerais savoir si, à la suite du
référendum tenu à Saint-Michel dimanche dernier, le
gouvernement a l'intention d'annuler l'élection municipale qui est
censée être tenue dans cette municipalité le 4 novembre
prochain, de même que le jour de l'appel nominal prévu pour le 25
octobre, c'est-à-dire vendredi de cette semaine.
M. LUSSIER: M. le Président, à la suite du
référendum, j'ai immédiatement demandé aux
conseillers juridiques du ministère des Affaires municipales d'examiner
minutieusement 1st situation actuelle, tenant compte évidemment de
l'imminence d'une élection municipale dans cette municipalité et
de m'en faire rapport le plus tôt possible.
M. LESAGE: M. le Président, est-ce que le ministre des Affaires
municipales pourrait nous expliquer comment il se fait qu'un
référendur ait été ordonné et qu'il n'ait
pas auparavant obtenu l'opinion de ses conseillers juridiques? C'est
inconcevable, ce qu'il vient de nous dire, c'est une négligence
impardonnable.
M. BERTRAND: C'est du commentaire. C'est du commentaire. Ne
répondez pas, c'est du commentaire.
M. LAPORTE: M. le Président, je prends note de la réponse.
Une question supplémentaire. Le ministre nous dit qu'il a demandé
de faire rapport. Est-ce que le ministre est au courant que la mise en
candidature, c'est le 25 octobre? C'est aujourd'hui le 22. Qu'est-ce qui va se
produire entre la décision prise qu'il y aura annexion à la ville
de Montréal et la mise en train d'une élection qui peut provoquer
n'importe quel résultat? Qu'est-ce qu'on peut attendre, de la part du
ministre, dans une situation aussi claire que celle-là?
M. GRENIER: Vous aurez trois jours. M. DEMERS: Trois jours.
M. LUSSIER: M. le Président, j'ai dit qu'à la suite du
référendum, j'ai demandé aux conseillers juridiques du
ministère de faire le point actuellement, et de me faire rapport le plu
tôt possible. C'est évident aussi que j'ai dit à M. le
député d'Olier que nous tenions compte de l'imminence de
l'élection municipale prévue pour le 4 novembre.
M. LAPORTE: C'est l'intention...
M. PICARD (Olier): Une question supplémentaire, M. le
Président. Est-ce que le ministre, en plus de tenir compte de
l'évidence de l'élection, tient aussi compte de l'évidence
de la mise en nomination de vendredi, et que ça implique des
dépenses pour les candidats?
M. GRENIER: On va vous faire un dessin.
M. LAPORTE: M. le Président,...
M. LUSSIER: M. le Président, c'est le 25, la mise en
nomination.
M. LAPORTE: ... Est-ce qu'on peut demander au ministre sur quel sujet il
a demandé à ses fonctionnaires de lui faire rapport? La situation
est pourtant claire. Sur quel sujet a-t-il demandé à ses
fonctionnaires de faire rapport?
M. BERTRAND: M. le Président, il a répondu, et les
questions que l'on pose depuis sont tout simplement des commentaires sur
l'attitude du ministre.
M. LAPORTE: M. le Président, le premier ministre a
déclaré, depuis sa nomination, qu'il entendait passer à
l'action. Il y a eu une action précise dans la ville de Saint-Michel, un
référendum demandant par une forte majorité l'annexion
à la ville de Montréal. Le ministre des Affaires municipales
s'était engagé à faire présenter un projet de loi
spécial pour annexer la ville. Or on lui dit qu'il y a une mise en
nomination le 25 octobre et une élection au début de
novembre...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LAPORTE: ... Est-ce qu'on va laisser faire ces dépenses, tout
ce travail...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LAPORTE: ... probablement tout ce brassage de boue avant qu'on
décide d'annexer ou de ne pas annexer? C'est ce qu'on veut savoir.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!
M. MICHAUD: Donc, question beaucoup plus précise...
M. BERTRAND: Vu que les propos que vient de tenir le
député de Chambly sont des commentaires sur son attitude, on
verra.
M. MICHAUD: M. le Président, ma question au ministre des Affaires
municipales...
M. BELLEMARE: M. le Président, l'honorable premier ministre a
répondu tout à l'heure et vu que le chef de l'Opposition a
acquiescé à la demande du premier ministre, que les questions
soient brèves et que les réponses aussi soient bien
données...
M. LAPORTE: Ah oui, mais...
M. BELLEMARE: Voici...
M. LESAGE: M. le Président, j'invoque...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: Ce n'est pas, je pense, le chef de l'Opposition, ni le
parti libéral qui von: juger si la réponse donnée par le
ministre, qui a une responsabilité, est satisfaisante, mais...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: ... j'appelle, je vous fais remarquer, M. le
Président...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre...
M. MALTAIS (Saguenay): Le président est debout.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que je dois comprendre que l'honorable ministre
du Travail veui: invoquer le règlement?
M. BELLEMARE: Article 679, M. le Prési-den:. Il est clair que 679
répond, et si cet article est appliqué, je crois qu'il y aurait
dans cette Chambre beaucoup plus d'ordre.
Et surtout, M. le Président,... j'attire votre attention sur la
note 2: « Il est irrégulier de poser de nouvelles questions pour
obtenir des renseignements supplémentaires à ceux qui ont
été fournis dans une réponse, pourvu que ces questions ne
constituent pas un contre-interrogatoire. » Et c'est ça qu'ont
fait les honorables députés qui ont interrogé l'honorable
ministre des Affaires municipales et ceux qui ont interrogé l'honorable
ministre de la Voirie. Si 679 était appliqué, je crois que les
travaux de la Chambre...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: ... se dérouleraient avec beaucoup plus
d'économie.
M. LE PRESIDENT; A l'ordre! Avec la coopération de tous les
députés, je suis convaincu que je réussirai à faire
appliquer cet article.
M. MICHAUD: La question très précise que j'adresserai au
ministre des Affaires municipales appellera un oui ou un non comme
réponse. A-t-il demandé aux conseillers juridiques de son
ministère d'accélérer les procédures
d'annexion avant la tenue du scrutin municipal du 5 novembre?
M. LUSSIER: Les conseillers juridiques, comme je le disais, sont en
train de faire le point sur toute cette question telle qu'elle se
présente actuellement et nous travaillons à trouver la ou les
solutions que je proposerai ensuite à mes collègues.
M. MICHAUD: Ce n'était pas une réponse.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député des
Deux-Montagnes.
Contrat de Churchill Falls
M. BINETTE: J'aurais une question à poser au ministre des
Richesses naturelles. Le ministre des Richesses naturelles a-t-il l'intention
de déposer en cette Chambre une copie de la plus importante transaction
qui ait jamais été signée dans la province de
Québec, je veux dire l'entente entre l'Hydro-Québec et Churchill
Falls Labrador Corporation?
M. BERTRAND: Cette question du député des Deux-Montagnes
apparaît au feuilleton au nom de l'honorable chef de l'Opposition.
M. BINETTE: Je demande si le ministre a l'intention d'y
répondre.
M. BELLEMARE: A l'ordre!
M. BERTRAND: On y verra en temps et lieu,
M. ALLARD: Je n'ai pris connaissance de la question qu'aujourd'hui. Il
faut bien que j'aie le temps de me tourner de bord.
Heures octroyées
M. LECHASSEUR: J'aurais une question à adresser au ministre de
l'Agriculture. Quelle est la situation au point de vue des heures
octroyées dans la province?
UNE VOIX: Très bonne.
M. VINCENT: La situation est excellente. Les travaux ont
été exécutés d'une façon courtoise et la
saison a été excellente. On a même dépassé,
dans certains comtés, les heures qui étaient prévues. On
fait présentement un « res-capage » pour pouvoir
redistribuer certaines heures dans d'autres comtés afin de continuer les
travaux au cours de la présente saison.
M. LECHASSEUR: Une question additionnelle. Le ministre sait-il que, dans
plusieurs comtés, actuellement, les cultivateurs déplorent le
fait qu'ils ne peuvent obtenir des heures octroyées?
M. VINCENT: Oui, mais c'est justement à cause de la belle saison.
Le budget qui était d'environ $6 millions en 1966 est
présentement de $9 millions. C'est pourquoi nous voulons faire une
redistribution.
M. MALTAIS (Saguenay): C'est parce qu'il y a plus de terres
qu'avant.
M. LAPORTE: Il y a plus d'heures, parce qu'il y en a plus qu'avant.
M. VINCENT: Non, le budget est augmenté de $2,500,000. Il y a
plus d'heures qui se dépensent. La saison étant favorable, cela
ça va mieux.
M. LESAGE: Cela coûte plus cher.
UNE VOIX: Cela va plus vite qu'on ne le pensait.
M. LAPORTE: II fait trop beau.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de
Saguenay.
Village de Franquelin
M. MALTAIS (Saguenay): Ma question s'adresse au ministre des Affaires
municipales. Le ou vers le 15 juin dernier, avant l'ajournement, le ministre
m'avait dit que le cas de l'incorporation du village de Franquelin, qui
était un territoire organisé, serait réglé. Est-ce
qu'il a blâmé ses fonctionnaires parce que rien n'a
été fait jusqu'à maintenant et à quelle date les
a-t-il blâmés, si la chose s'est faite, vu que Franquelin n'est
pas incorporé?
M. LUSSIER: La situation dont le député nous faisait part
à cette époque a été étudiée
très attentivement par mes fonctionnaires, moi-même et d'autres. A
cause de cette situation très spéciale, nous avons une solution
qu'il connaîtra très bientôt. C'est ce qui explique un peu
notre lenteur et le fait que nous n'avons pas pu apporter de solution.
M. MALTAIS (Saguenay): Evidemment, c'est une question de terminologie et
mon ami, le ministre des Affaires culturelles, sait à quoi s'en tenir
là-dessur. Je voudrais simplement demander au ministre sa
définition du mot « bientôt».
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de
Verdun.
Sous-ministre de la Justice
M. WAGNER: Ma question s'adresse au nouveau Solliciteur
général. Est-ce que le Solliciteur général a
l'intention de se rendre à la demande exprimée par le Barreau du
Québec de nommer un sous-ministre de la Justice à
Montréal, poste qui est demeuré vacant depuis l'été
1966?
Mo BERTRAND: Le problème de la nomination .es
sous-ministres et même du sous-ministre adjoint relève d'habitude
du premier ministre. Le premier ministre verra à répondre en
temps et lieu à la demande du Barreau de Montréal.
M. WAGNER: Pour éclairer cette Chambre, est-ce que le premier
ministre qui est en même temps le ministre de la Justice pourrait dire
à la Chambre, quelles sont les fonctions du Solliciteur
général actuellement afin que l'on puisse mieux diriger nos
questions, soit au solliciteur, soit au ministre de la Justice, soit au premier
ministre?
M. BERTRAND: Comme le député de Verdun a
déjà été Solliciteur général, il a
dû remplir des fonctions; il les connaît. Le nouveau Solliciteur
général, que je suis heureux de féliciter, j'ai
été heureux de l'inviter à porter avec moi le fardeau
très lourd de l'administration de la justice. Or dans tous les domaines
ou le Solliciteur général peut agir, domaines qui lui sont
assignés les uns par la loi et d'autres dans le domaine administratif
d'abord, le solliciteur à l'heure actuelle, agit et signe une foule de
documents qu'il peut signer. Et si l'on veut lui demander quelles sont ses
tâches et comment il les accomplit, on aura l'occasion lors de
l'étude des estimés budgétaires en 1969 de voir combien il
était bien préparé à remplir cette importante
fonction.
M. WAGNER: Le premier ministre me permettra une précision. Si les
fonctions du Solliciteur général actuellement sont les
mêmes que celles du Solliciteur général en 1964, je dirai
au premier ministre qu'à ce moment-là, j'agissais et comme
Solliciteur général et comme procureur général par
intérim.
Alors, si ce sont les mêmes fonctions qui sont exercées par
le Solliciteur général actuellement, quelles sont les fonctions
qui restent au premier ministre?
M. BERTRAND: Pardon?
M. WAGNER: Quelles sont les fonctions qui restent au premier
ministre...
M. BERTRAND: Le premier ministre...
M. WAGNER: ... si le Solliciteur général remplit les
fonctions de procureur général?
M. BERTRAND: On m'a demandé de ménager mon ossature, de
ménager ma monture. Il y a eu des caricatures véridiques.
UNE VOIX: IL y en a un qui est mort...
M. BERTRAND: Il faut que la tâche et le chef de
l'Opposition l'a connue du premier ministre soit allégée.
Il faut partager les responsabilités et c'est pourquoi j'ai
invité mon collègue, le Solliciteur général,
à venir avec moi partager les responsabilités du ministère
de la Justice.
M. LAPORTE: Pourquoi ne l'avez-vous pas nommé ministre de la
Justice? Cela vous aurait aidé davantage.
M. BERTRAND: Je vais vous le dire,, J'ai entrepris certains travaux que
j'entends, quant à moi pour le moment, suivre de très près
pour lui permettre dé remplir davantage les fonctions qui sont les
siennes.
M. LAPORTE: Cela ne vous permettra pas de vous ménager.
M. BERTRAND: Pardon?
M. LAPORTE: Cela ne vous permettra pas de ménager votre
monture.
M. BERTRAND: Je vous remercie, mais aujourd'hui...
M» LAPORTE: C'est sa monture à lui que vous
ménagez!
M. BERTRAND: Les remarques personnelles sont toujours
déplacées. Je pense que mon sourire et ma figure sont assez bons
aujourd'hui, malgré le fardeau qu'on a eu à porter depuis
au-delà de trois mois.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Verdun.
M. WAGNER: Une question additionnelle au
Solliciteur général. Est-ce que le Solliciteur
général a autorisé les frais de voyage, les
dépenses, du safari en Europe de la commission Prévost à
la suite de leur safari en Californie, et cela pour étudier
l'administration de la justice du Québec?
M. BERTRAND: En réponse au député de Verdun, la
commission Prévost a un budget. C'est elle qui l'administre et je n'ai
pas besoin de rappeler que lors de la formation de commissions je n'ai
qu'à rappeler par exemple la commission Parent on est allé
en Europe pour établir un système d'éducation au
Québec, pour l'améliorer, on est allé dans plusieurs pays
d'Europe. Le député de Verdun devrait s'en rappeler. S'il ne s'en
rappelle pas, qu'il demande à l'ancien ministre de l'Education, le
député de Vaudreuil-Soulanges. Il n'y a absolument rien d'anormal
là-dedans.
Rapport sur les évasions
M. WAGNER: Question additionnelle au Solliciteur général.
Est-ce que le Solliciteur général a l'intention de rendre public
et de déposer en Chambre le premier, seul et unique rapport de la
commission Prévost sur les évasions?
M. MALTAIS (Limoilou): M. le Président, ma réponse est
affirmative. D'ailleurs...
M. WAGNER: Quand?
M. MALTAIS (Limoilou): ...
DES VOIX: Bientôt.
UNE VOIX: Peut-être demain.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
UNE VOIX: Un jour...
M. MALTAIS (Limoilou): L'engagement a déjà
été pris par le ministre de la Justice.
Nous allons respecter l'engagement et avec la permission de la Chambre,
je pourrai immédiatement demander à ce qu'une première
copie s'il y en a une de disponible, je le pense soit
déposée entre les mains du greffier. Et je donnerai des ordres
afin que des copies additionnelles soient faites pour être
distribuées à chacun des députés.
M. WAGNER: Est-ce que le Solliciteur général pourrait nous
dire si des poursuites ont été intentées à la suite
de la réception de ce rapport?
M. MALTAIS (Limoilou): M. le Président, je dirai très
franchement au député que je ne suis pas au courant. Je
m'informerai et je le renseignerai.
M. MALTAIS (Saguenay): Tout ce qui se poursuit, ce sont les
évasions.
M. BERTRAND.: A ce moment-là, le Solliciteur
général n'était pas aussi près des
problèmes. D'abord on le verra à la lecture du rapport, je
ne voudrais pas entrer dans les détails des plaintes avaient
été portées, au point de vue de la discipline, contre
certains membres de la Sûreté du Québec.
Et le dernier rapport que j'avais eu, c'est que suivant le
mécanisme du code de discipline, ces gens-là pouvaient en
appeler. Je dois avouer que je n'ai pas eu de rapport récemment, mais
nous serons en mesure de répondre aux questions du député
de Verdun d'une manière plus précise.
M. WAGNER: Est-ce qu'en même temps le Solliciteur
général pourrait faire rapport sur les deux dernières
évasions de Roberval, il y a quelques jours?
M. GOSSELIN: Celle de Rivard aussi.
M. MALTAIS (Limoilou): Je prends avis de la question.
M. BELLEMARE: M. le Président, me serait-il permis de demander
à la Chambre s'il y a unanimité pour changer quelques noms au
comité de l'éducation? Je voudrais que le nom de M. Bertrand soit
remplacé par celui de M. Loubier et que celui de M. Russell soit
remplacé par celui de M. Jean-Noël Tremblay.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
Affaires du jour. M. BERTRAND: Article 3.
Bill no 13
M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre propose la deuxième
lecture du bill no 13, Loi du protecteur du citoyen.
L'honorable premier ministre.
M. Jean-Jacques Bertrand
M. BERTRAND: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur
de la province a pris connaissance de ce bill et il en recommande
l'étude à la Chambre.
Je n'ai pas besoin, M. le Président, de rappeler combien ce
projet de loi qui est aujourd'hui au nom de M. Johnson, lui tenait à
coeur. En le présentant, durant les quelques minutes où je
m'adresserai à cette Chambre, je devrai faire allusion à
plusieurs de ses propos comme à certains actes qu'il a posés
ainsi qu'à des rencontres qu'il avait faites, en particulier avec des
Suédois.
Ce projet de loi est important. Il a déjà, d'ailleurs,
été référé au comité où,
après sa première lecture, les organismes, les groupes de
pression avaient été invités à venir faire
connaître leur point de vue.
On a noté à ce moment-là que malgré
l'invitation qui avait été faite, ces groupements, qui depuis
longtemps s'intéressent à la protection des droits du citoyen et
de la personne humaine, que ces groupements n'étaient pas nombreux.
Toutefois, il faut admettre, suivant la réponse que plusieurs
représentants de ces groupements ont donnée, que lorsque la
nouvelle a été lancée à l'effet que le
comité siégerait, on n'aurait pas été suffisamment
informé. Mais je me rappelle que le député de Verdun a,
à ce moment-là, dit: Mais n'y a-t-il que nous qui nous
intéressions à ce problème de la protection des droits du
citoyen?
Disons que, malgré cette absence au comité où le
bill avait été référé, après la
première lecture, le consensus général de la part des
groupements et associations reliés de près à la protection
des droits du citoyen et également les commentaires des journaux,
éditoriaux, bloc-notes, commentaires des journalistes à la radio,
à la télévision à l'effet que le climat est bon,
qu'il est temps d'adopter un tel projet de loi et que l'Assemblée
législative, aujourd'hui, pose un acte en en étudiant le principe
en deuxième lecture.
M. le Président, au fur, et à mesure qu'augmente
l'activité de l'Etat et Dieu sait combien cette activité
augmente les actes administratifs augmentent en proportion, et surtout
ces actes deviennent le plus souvent anonymes. Anonymes dans le sens que les
droits des citoyens, leur exercice, la réponse à leurs demandes
sont inscrits sur des cartes perforées et classées sur
ordinateur. On n'a qu'à songer, par exemple, aux demandes de
prêts-bourses des étudiants. Qu'on aille visiter au
ministère de l'Education tout ce qu'il y a d'instruments, de
techniciens, pour faire avaler aux machines les demandes qui sont fournies, les
analyser et les réponses qui doivent être données.
Il arrive fréquemment que, lorsqu'un citoyen adresse une demande
à l'administration, la réponse en formule
stéréotypée lui parvient sur un document polycopié.
Cette tendance, qu'on le veuille ou non, ira en se développant. C'est le
lot de la civilisation moderne, civilisation où l'on doit utiliser la
puissance de ces ordinateurs. Nul ne peut y échapper.
Il faut donc, dans toute la mesure du possible, s'il est impossible
d'humaniser le traitement que donne la machine à des demandes et aux
réponses qui doivent être fournies, au moins humaniser et tenter
de corriger les erreurs qui peuvent être commises.
Cependant, tous les citoyens et Dieu sait que tous les
députés sont au courant et les fonctionnaires aussi ne
sont pas perpétuellement satisfaits des services que leur fournit
l'appareil administratif. Souvent, par manque d'information et parfois à
cause de lacunes administratives réelles, on crie aisément
à l'injustice lorsqu'une demande de pension, de permis ou d'allocation
est refusée.
Prenons un exemple, celui d'un citoyen qui demande que lui soient
accordées des lettres patentes pour le constituer en corporation avec
d'autres personnes. Si l'autorité compétente, en l'occurrence le
ministre, refuse l'émission des lettres patentes, le citoyen qui
prétend que ce refus est injustifié n'a aucun recours pour se
faire entendre devant quelque organisme ou tribunal que ce soit.
Il en est de même de celui qui se fait refuser un permis d'agent
d'investigation ou de sécurité. Et je pourrais M. le
Président, donner ici, comme tous les membres de cette Chambre, une
foule d'exemples. Les exemples faciles et simples illustrent bien le genre de
situations devant lesquelles peut se trouver le citoyen face aux multiples
décisions administratives qui viennent affecter sa vie de tous les
jours.
C'est dans le but de déceler les injustices qui peuvent
être subies à la suite d'actes administratifs et, par
conséquent, d'assurer à chaque citoyen un traitement égal
devant les lois et les règlements de l'administration que mon
prédécesseur, Daniel Johnson, avait réclamé depuis
plusieurs années la création, chez nous, d'un poste d'ombudsman
ou de protecteur du citoyen. Il a déjà raconté qu'au cours
d'un voyage qu'il avait fait en Suède en 1963, il avait pu constater,
grâce aux contacts personnels qu'il avait eus avec M. Alfred Dexilius,
ombudsman suédois, et avec de nombreux personnages offi-
ciels, l'utilité extraordinaire de cet homme que l'on appelle
là-bas ombudsman, dans l'harmonisation des échanges et des
relations entre les citoyens et les autorités administratives de ce
pays.
Sa suggestion a été reprise en 1966 dans le programme de
notre parti, alors que nous nous sommes engagés, une fois au pouvoir,
à créer au Québec la fonction d'ombudsman ou de protecteur
du peuple. Je crois d'ailleurs pouvoir affirmer que l'opinion publique
québécoise, dans son ensemble, est très favorable à
l'idée, et j'espère, M. le Président, qu'il sera possible
que l'unanimité de cette Chambre se fasse autour du projet que nous
avons maintenant devant nous en deuxième lecture.
Nous avons étudié longuement. Cette étude,
l'élaboration de cette loi s'est faite en collégialité.
J'ai suivi de très près son élaboration, j'ai suivi de
très près son étude, les principes et les
modalités. Nous nous sommes efforcés d'en adapter les meilleurs
éléments au contexte québécois, et vous avez devant
vous, M. le Président, la version que nous croyons être un projet
à la fois original et heureusement inspiré de l'expérience
des Etats étrangers ou des provinces canadiennes qui se sont
déjà donné un ombudsman.
Il apparaît donc normal et nécessaire que le citoyen ait la
possibilité de s'adresser à un interlocuteur pour obtenir des
explications et, s'il y a lieu, des réparations, lorsqu'il n'est pas
satisfait du traitement qui lui est réservé par l'administration.
Ce rôle, chez nous, a été traditionnellement tenu par le
député. Mais le député risque aujourd'hui de se
perdre, autant que le simple citoyen, dans les méandres de
l'administration. Et mes vingt années comme député
m'indiquent la vérité de ces propos, quand on examine tous les
rouages compliqués et complexes de l'administration publique à
tous les niveaux du gouvernement.
Il convient donc, M. le Président, de fournir au citoyen et au
député un instrument supplémentaire.
Rien, dans le présent projet de loi, ne tend de quelque
façon que ce soit à retirer au rôle de
député, rôle traditionnel d'ombudsman ou de
médiateur, d'intermédiaire entre ses électeurs, le
Parlement de Québec et les services administratifs, rôle qu'il
devra toujours jouer. J'ai été de ceux, avec plusieurs autres,
qui ont indiqué que le véritable rôle du
député était celui de législateur. Qu'on le veuille
ou non, ceux qui apposent leur croix à côté de notre nom
lors d'une élection expriment ainsi une confiance en un homme. Cette
confiance se manifestera toujours par des visites chez le député
pour tenter d'obtenir de lui des informations, des précisions ou pour
formuler des demandes de quelque nature qu'elles soient.
Le député pourra et devra, d'ailleurs, continuer à
s'occuper des problèmes de ses électeurs. Mais, l'électeur
et le député eux-mêmes auront un interlocuteur: le
protecteur du citoyen, dont la mission et le devoir seront de prendre en
considération toutes les plaintes qui lui seront adressées sur
l'administration québécoise et de leur fournir une réponse
satisfaisante.
Le projet de loi indique son but: Loi du protecteur du citoyen. Nous
aurions pu utiliser le terme suédois: « ombudsman », mais
nous avons cru préférable d'employer des termes dont la
consonnance est plus française, tout en sachant que l'usage populaire
consacrera sans doute le terme ombudsman. L'avenir le dira. Protecteur du
citoyen: homme dont la mission sera de protéger, de conseiller et
d'informer le citoyen dans ses relations avec l'administration ou avec les
fonctionnaires et de tenter d'apporter des correctifs aux injustices qu'il
croira avoir décelées. Sa compétence ne s'étendra
évidemment pas aux relations juridiques, religieuses ou humaines en
général qui se situent en dehors de la sphère
d'activité de l'Etat ou de ses organismes.
Je vais maintenant tenter de dégager quelques-uns des
enseignements que nous avons tirés des expériences
étrangères pour, ensuite, préciser la nature de
l'institution que nous avons voulu créer. Je l'ai dit tantôt et je
le répète: L'institution que nous proposons est originale. Nous
avons tenté d'adapter au contexte québécois ce qui a
été réalisé ailleurs, en tenant compte des
caractéristiques propres de la réalité
québécoise. Nous nous sommes quand même
intéressés de très près aux institutions
étrangères pour en dégager les principes
généraux et les différentes modalités
d'application.
Le premier ombudsman de l'histoire a été nommé en
1713 il y a déjà longtemps par le roi Charles XII
de suède, sous le régime monarchique. Comme ce roi avait à
passer de longs mois à la tête de ses armées en campagne,
il chargea l'ombudsman de surveiller les percepteurs d'impôts, les juges
et autres officiers publics qui agissaient en son nom.
Disons donc qu'à l'origine c'était beaucoup plus le
surveillant, l'éminence grise du roi de Suède, chargé de
veiller à ce qu'il n'y ait pas de malhonnêteté, de mauvaise
administration et d'abus de pouvoirs. Le premier ombudsman il faut donc
le dire était d'abord et avant tout un homme de confiance du roi.
La Suède
se donna, en 1809, une nouvelle constitution prévoyant une
stricte limitation des pouvoirs royaux. Cette constitution prévoyait la
création d'un autre poste d'ombudsman.
Cette fois, ce fut un homme de confiance du Parlement qui devint le
premier ombudsman responsable devant les Chambres. Par la suite, le poste
d'ombudsman fut créé en Finlande en 1919, au Danemark en 1955 et
en Norvège en 1963.
L'ombudsman pénétra dans le monde anglo-saxon par la
Nouvelle-Zélande, qui créal a foncion en 1962, et l'Angleterre se
donna un commissaire parlementaire, le 22 mars 1967. Enfin, le 30 mars 1967,
1'Alberta fut la première province canadienne à se donner un
ombudsman avec une loi fortement inspirée de la loi de la Nouvelle-
Zélande.
Finalement, la loi d'ombudsman du Nouveau-Brunswick a été
votée le 19 mai 1967. Il y a donc, à l'heure actuelle, M. le
Président, huit institutions d'ombudsman, où nous avons pu
chercher une certaine inspiration. En outre, il existe en divers pays des
commissaires enquêteurs, des tribunaux administratifs, etc., dont la
nature s'éloigne cependant de la fonction d'ombudsman. Il existe par
ailleurs des différences très marquées entre les huit lois
d'ombudsman actuellement en vigueur. Seule est commune la
caractéristique principale qui est la protection du citoyen contre les
injustices administratives ou les décisions arbitraires des
employés de l'Etat.
Il n'est évidemment pas question pour moi d'entretenir cette
Chambre sur les détails de chacune des huit lois dont j'ai parlé.
Je crois qu'il pourrait être utile toutefois de présenter un
aperçu de quelques-unes d'entre elles, pour donner une indication de la
situation éventuelle du protecteur public québécois, par
rapport à ses collègues étrangers.
A cet égard, je crois que l'institution suédoise peut nous
servir de point de départ. En Suède, l'ombudsman peut
littéralement fouiller partout à la demande de quiconque. Il a
accès à tous les dossiers gouvernementaux sans exception.
L'article 96 de la constitution suédoise affirme que l'ombudsman
est: « Chargé selon les instructions que le Rigsdag (le Parlement)
lui donne, de surveiller l'exécution des différentes ordonnances
comme procureur de justice en ce qui concerne leur application par les cours et
les fonctionnaires civils. Il lui incombe en outre de poursuivre par les voies
légales, devant les tribunaux compétents, ceux qui dans
l'exercice de leurs fonctions, par faveur, partialité ou tout autre
motif, auront commis quelque illégalité ou négligé
de remplir convenablement les devoirs de leur office. »
L'article 99 de la même constitution stipule que le procureur de
la justice « peut, lorsqu'il le juge utile, assister aux
délibérations de la cour Supreme, des tribunaux administratifs,
des cours d'Appel et de tous les tribunaux inférieurs, sans avoir
toutefois le droit d'y exprimer son avis. « II peut également
et je continue la citation prendre connaissance des
procès-verbaux et des actes de tous les tribunaux, collèges et
autres administrations publiques. »
L'article 101 confirme pour sa part le droit de regard de l'ombudsman
sur la cour Supreme de Suède et les juges qui la constituent. Et, depuis
1957, il a compétence sur tout ce qui touche les affaires
municipales.
Il ne faut cependant pas croire que l'ombudsman suédois soit un
superadministrateur. Il ne peut donner d'ordre à personne. Il ne peut
pas renverser la décision d'un fonctionnaire ni forcer la
reconsidération d'un cas.
Ses seuls moyens de sanction sont les recommandations qu'il fait, son
rapport annuel et la possibilité qu'il a de poursuivre devant les
tribunaux les fonctionnaires qui, d'après lui, ont manqué
à leur devoir. Il peut en outre entamer des procédures
disciplinaires contre les fonctionnaires fautifs.
Aujourd'hui, l'ombudsman suédois ne se sert presque jamais de sa
faculté d'assister aux délibérations des organismes
officiels ni de son droit de poursuite contre les fonctionnaires fautifs. Par
exemple, au cours des années 1960 à 1965, il n'a intenté
que 32 procédures punitives contre des fonctionnaires. Pendant la
même période de cinq ans, il a émis 1,220 recommandations,
réprimandes ou autres mesures de ce genre. L'évolution est donc
dans le sens d'une autorité morale de l'ombudsman.
Il atteint désormais ses fins par la persuasion et la suggestion.
Son rapport annuel, qu'il adresse au Parlement, est un de ses principaux moyens
d'action. C'est le moyen, par lequel il dénonce des situations anormales
et suggère les correctifs qu'il croit nécessaires. D'ailleurs,
cette évolution a été retenue par les législateurs
des pays qui ont, depuis quinze ans, adopté des lois créant la
même fonction.
Nulle part a-t-on habilité l'ombudsman à assister aux
réunions du cabinet ou des tribunaux, ni à ester de
lui-même en justice pour poursuivre des fonctionnaires fautifs. Quelle
est la situation ailleurs?
L'une des institutions étrangères les plus
intéressantes, à part l'exemple suédois, est celle du
Danemark dont se sont d'ailleurs inspirés par
la suite les législateurs de la Nouvelle-Zélande en 1962
et de la Norvège en 1963. La compétence de l'ombudsman danois
s'étend aux ministres et à tous les fonctionnaires de l'Etat,
mais il n'a aucun droit de regard sur les activités judiciaires. M.
Stephan Urwitz, ombudsman danois, écrit: « L'attribution dont
l'expérience a montré qu'elle avait dans la pratique la plus
grande importance est le pouvoir qu'a l'ombudsman de présenter son avis
sur l'affaire à celui qui a fait l'objet de la plainte ». Et il
ajoute; « En pouvant attirer l'attention sur des fautes ou des
négligences commises, l'ombudsman est en mesure d'exercer une influence
positive sur les services publics ».
Voilà, je crois, un des facteurs essentiels du système.
L'efficacité en est assurée non pas par la menace de sanctions
juridiques ou disciplinaires, mais par les contacts personnels de l'ombudsman,
ses suggestions et la persuasion dont il fait état, appuyé par
l'immense respect que sa personne inspire à l'opinion publique et
à la fonction publique.
Un dernier exemple, celui de l'Angleterre, pour y relever un
élément digne d'intérêt. On n'a pas permis au
citoyen britannique de loger lui-même sa plainte directement chez
l'ombudsman. Comme l'explique le livre blanc publié à la Chambre
des communes en 1965, la tradition anglaise veut que le Parlement soit
l'endroit tout désigné pour soulever les griefs personnels des
citoyens. Chacun des députés britanniques doit se
considérer et être considéré comme un ombudsman pour
ses électeurs. C'est pourquoi on a décidé que l'ombudsman
ne serait au service des citoyens que par l'intermédiaire des
députés. En Angleterre, le citoyen doit loger sa plainte devant
son député et c'est le député qui la transmet
à l'ombudsman. L'ombudsman communique par la suite le résultat de
ses démarches au député qui l'a originairement
contacté. Cette solution nous apparaît et nous apparaissait aller
à l'encontre de la notion même de protecteur du citoyen.
L'ombudsman doit avoir pour mission de protéger l'individu. Il
nous apparaît que le droit d'accès direct à l'ombudsman est
un corollaire essentiel de cette notion. Il faut cependant se rappeler, au
sujet de l'Angleterre, qu'avec 55 millions d'habitants, elle est de loin le
pays le plus peuplé qui se soit lancé dans une entreprise
d'ombudsman, et que les législateurs britanniques ont craint que leur
commissaire, tout probablement, ne soit rapidement Inondé de millions de
plaintes.
Et maintenant, chez nous, au Québec, nous croyons
honnêtement que le système que nous avons élaboré se
situe quelque part entre le suédois, dont la conception de base
évite toute restriction, et le britannique, dont la conception semble,
au contraire, très restrictive. Nous avons choisi la voie du milieu et
du meilleur équilibre. Nous avons été aidés dans
notre démarche par les exemples de la Nouvelle-Zélande et de deux
provinces canadiennes, l'Alberta et le Nouveau-Brunswick, qui ont réussi
à adopter des lois originales, intéressantes, créant des
fonctions d'ombudsman très reliées au modèle Scandinave
tout en sachant admirablement se conjuguer avec les traditions et les coutumes
parlementaires qui sont les nôtres.
Certaines dispositions de notre projet sont totalement originales.
D'autres sont inspirées des lois Scandinaves. D'autres se rapprochent de
celles des autres provinces. Je veux tenter maintenant, M. le Président,
de vous donner les principales caractéristiques du projet
québécois.
D'abord, nous avons voulu dépolitiser l'institution. L'ombudsman
devra être élu par les deux tiers des membres de
l'Assemblée législative et ne pourra être destitué
que suivant une procédure semblable. Voilà, je crois, un principe
que le chef de l'Opposition, dans ses remarques, très bientôt,
à la suite des miennes probablement, approuvera, comme d'ailleurs tous
les députés de cette Chambre.
L'adjoint que nous lui avons donné, et dont nous parlons dans le
projet de loi, devra être nommé par le lieutenant-gouverneur en
conseil sur la recommandation de l'ombudsman, du protecteur du peuple, et ses
fonctions seront définies par l'ombudsman lui-même, dont la
nomination est dépolitisée.
Nous avons prévu pour le protecteur du peuple et son adjoint un
régime de retraite avantageux relié au caractère
très spécial de leur fonction. Après cinq ans, ils auront
droit à une pension égale au quart de leur traitement.
Après dix ans, ils auront droit à la moitié de leur
traitement et après quinze ans aux trois quarts. Vr régime
spécial est également prévu pour la veuve du protecteur et
celle de son adjoint.
Nous proposons qu'il ait lui-même le droit de nommer les
fonctionnaires et employés qui travailleront avec lui, de façon
à assurer sa complète indépendance. Nous voudrions lui
donner compétence sur tous les actes administratifs émanant d'un
employé, fonctionnaire ou ministre, ou de tout organisme du gouvernement
du Québec, sauf ceux pour lesquels il existe un recours ou un appel
également adéquat.
Nous avons même inclus dans son champ de compétence la
procédure des organismes quasi judiciaires. Je dis bien la
procédure. Mais nous ne croyons pas pour l'instant, à l'instar de
la
plupart des autres pays que les tribunaux ou le cabinet doivent faire
partie du domaine d'enquête de l'ombudsman.
Quant aux gouvernements municipaux, non plus. Nous croyons qu'il faut
pour le moment les exclure. Rien ne nous empêchera un jour, M. le
Président, s'ils en font la demande, si l'opinion publique le requiert
et si l'ombudsman n'est pas débordé par les enquêtes dans
les autres secteurs, rien ne nous empêchera de les inclure et d'amender
le projet de loi en conséquence.
Les plaintes - on l'aura noté à la lecture de a loi qui
est déposée depuis assez longtemps -pourront être
logées par toute personne et l'ombudsman devra à chaque demande
donner une réponse ou justifier son refus d'enquêter. Pour la
poursuite de leurs enquêtes, l'ombudsman et son adjoint seront
considérés comme des commissaires enquêteurs, ce qui leur
donnera des pouvoirs suffisants pour la convocation et l'interrogatoire de
témoins, la production de documents et les sanctions imposables à
ceux qui refuseront de se conformer à leurs instructions.
Nous avons déjà eu l'occasion lors de l'étude de la
Loi de police, etc. de couvrir ce vaste terrain et je n'ai pas l'Intention d'y
revenir. Lorsqu'une personne aura logé une plainte devant le protecteur
du citoyen, ce dernier ne pourra enquêter que s'il a raison de croire
qu'une personne a été lésée à la suite d'un
acte relevant de l'administration québécoise ou d'un organisme
gouvernemental. Son enquête servira alors à déterminer
d'abord s'il y a vraiment eu lésion ou injustice. Evidemment si
l'ombudsman conclut qu'aucune injustice n'a été subie, l'affaire
sera classée après des explications adéquates et que ces
explications adéquates auront été données au
plaignant.
Par contre, s'il apparaît à l'ombudsman qu'un
préjudice a été réellement subi, il devra en
déterminer la cause. S'il en vient à la conclusion alors que,
dans le cas d'un acte administratif, le préjudice est dû à
la faute ou à la négligence ou à l'action
déraisonnable, injuste ou discriminatoire, à l'erreur ou à
l'inconduite, à l'absence de justifications d'un fonctionnaire, officier
ou employé du gouvernement du Québec, il devra aviser le chef du
ministère ou de l'organisme concerné et s'il le désire
joindre toute recommandation qu'il juge utile et exiger d'être
informé des mesures que l'on entend prendre pour remédier
à la situation.
S'il en vient à la conclusion, dans le cas de l'exercice d'une
fonction quasi judiciaire par un organisme du gouvernement que le
préjudice a été causé par
l'irrégularité de la procédure suivie, par exemple: si
l'organisme n'a pas appliqué ce principe que tous les avocats connais-
sent et qui se dit en latin: Audi alteram portem, mais qui veut dire que la
personne a le droit d'être entendue ou l'adversaire a le droit
d'être entendu, il devra alors aviser le chef de l'organisme et de la
même façon. Pourra joindre toute recommandation qu'il juge utile
et exiger d'être informé des mesures qui seront prises.
Dans ces deux premiers cas, s'il juge après un délai
raisonnable, que les mesures appropriées n'ont pas été
prises pour donner suite à sa recommandation, il pourra en aviser le
lieutenant-gouverneur en conseil, soumettre un rapport spécial à
l'Assemblée législative, au Parlement, aux députés,
à tous les députés ou exposer la situation dans son
rapport annuel.
S'il en vient, d'autre part, à la conclusion, dans quelque cas
que ce soit, que la cause du préjudice est une lacune contenue dans une
loi ou dans un règlement, il pourra suggérer au gouvernement les
modifications qu'il juge à propos d'apporter à cette loi ou
à ces règlements. D'ailleurs, on sait, malgré que nous
n'ayons pas de protecteur du citoyen, tous ceux qui ont gouverné, ceux
qui gouvernent aujourd'hui savent combien après avoir adopté une
loi, après trois ou quatre mois d'exercice ou d'application, on
découvre qu'on a oublié un mot, qu'on a oublié une phrase,
qu'on a mal placé une virgule. C'est de nature, parfois, à causer
des injustices et à créer des embêtements tels, à
ceux qui sont chargés de l'interpréter ou de l'appliquer, qu'on
s'empresse, comme je les invite à le faire, à porter à
notre attention que telle loi est défectueuse parce qu'il y manquerait
tel élément.
Donc, M. le Président, à ce moment-là,
l'Assemblée législative, par des lois, des modifications, pourra
remédier à la situation.
Chaque année, d'ailleurs, le protecteur du citoyen produira un
rapport devant l'Assemblée législative. Son rapport, qui sera
publié, distribué, devrait contenir en outre de la somme de ses
activités de l'année écoulée, des commentaires, des
recommandations, des suggestions qu'ont inspirés au protecteur les
expériences qu'il a vécues. Ce rapport constitue, dans les pays
où existe déjà le poste, le contact annuel du protecteur
du peuple avec l'opinion publique. Largement consulté je n'en ai
aucun doute ce rapport sert généralement, comme nous en
avons l'expérience par les autres pays dont j'ai parlé, à
apporter des améliorations sérieuses dans le fonctionnement de la
machine administrative si compliquée et si complexe de notre
époque et qui va le devenir encore davantage.
Ce rapport met en lumière les cas individuels au sujet desquels
l'ombudsman n'est pas
satisfait des mesures qui ont été prises.
Voici donc, très sommairement, la substance du projet de loi que
vous avez devant vous. Nous croyons qu'il saura répondre aux besoins de
la société québécoise. Mais, avant de terminer,
cependant, je voudrais faire deux remarques que je crois importantes. Cette loi
constitue un essai raisonnable. A la lumière des propos que je viens de
prononcer, on voit que nous avons puisé des éléments dans
certains pays, ailleurs, que nous avons essayé de présenter un
projet de loi bien équilibré. Parfait, nous n'aurons jamais cette
prétention. Le plus parfait possible, modestement, dans les
circonstances, comme expérience, comme essai, je risque le jugement,
oui.
Malgré toutes les études que nous avons faites, que nous
avons fait faire, tous les rapports et tous les mémoires que nous avons
examinés, nous croyons que ce projet est conforme aux aspirations
québécoises et qu'il est capable de s'intégrer dans le
contexte québécois.
Nous allons le soumettre à l'expérience, après son
adoption, quand nous aurons trouvé ce personnage dont je n'ai pas
parlé à ce moment-ci, puisqu'il s'agit du principe de la loi.
Et, s'il y a des correctifs à apporter, nous serons les premiers
à les suggérer. En effet, je suis de ceux qui croient qu'il y a
et qu'il y aura toujours des réformes à apporter et, dans un
domaine comme celui-là, des moyens de perfectionner l'instrument
à la lumière de l'expérience, c'est-à-dire, les
trois quarts du temps, des erreurs ou des manquements qui ont été
commis.
Donc, M. le Président, chez nous, un essai que nous croyons
raisonnable, répondant aux aspirations de notre population et à
la réalité québécoise.
Il ne faut pas oublier qu'il y a des pays où cette tradition de
l'ombudsman est solidement établie. Personne ne met en doute, en
Suède, la compétence de l'ombudsman. La population, dans son
ensemble, accepte le rôle de cet homme, son prestige et ses propos. C'est
solidement établi, je n'y reviens pas.
Mais, en Suède, il est arrivé que le Parlement ait
amendé la constitution ou sa propre loi organique pour améliorer
le fonctionnement du système. Nous ferons donc, ici, la même
chose, au fur et à mesure des exigences. Il est encore trop tôt
pour porter un jugement sur les institutions de 1'Alberta et du
Nouveau-Brunswick; elles sont de date toute récente.
Il appert, d'après les renseignements que nous avons, que tout
fonctionne bien en Nouvelle-Zélande, mais il faut se rappeler que,
là, l'économie est fortement agricole et que la
société néo-zélandaise se distingue essentiellement
de la société québécoise nord-américaine.
Les solutions adoptées là-bas ne feraient pas
nécessairement fortune ici. Il est bon d'aller visiter les autres
pays.
M. WAGNER: Ah!
M. BERTRAND: Lorsque les gens à qui l'on confie des travaux
croient que c'est utile, il est bon d'aller voir ce qui se passe ailleurs, mais
tout ce qui existe ailleurs ne doit pas nécessairement être
copié ou appliqué ici. Il faut toujours exercer son jugement. Les
solutions adoptées là-bas ne feraient pas nécessairement
fortune ici. C'est pourquoi, je le répète, ce projet de loi est
un essai. Nous allons mettre le système à l'épreuve. Nous
verrons à l'expérience s'il y a lieu d'en modifier les
modalités, d'en augmenter ou d'en restreindre la compétence.
Ma deuxième remarque s'applique aux membres de la fonction
publique québécoise. Je tiens à prévenir toute
crainte qu'ils pourraient avoir vis-à-vis de cet homme qui aura pouvoir
d'enquête sur leurs actes. Je crois que les fonctionnaires
québécois auraient plutôt avantage à se
réjouir de la nomination d'un ombudsman qu'à s'en méfier.
Voici pourquoi. L'expérience étrangère a
démontré que 90% que l'on note bien le chiffre des
plaintes des citoyens étaient renvoyées sur la base que les
fonctionnaires avaient bien rempli leur devoir. L'ombudsman joue alors un
rôle fort important, celui de communiquer aux plaignants les informations
et les renseignements qui, souvent, manquent aux citoyens, informations et
renseignements qui sont justement la cause de son mécontentement.
Combien de fois le député s'est-il rendu compte, lors
d'une visite de son électeur à son bureau, d'une demande qu'il
formulait, de renseignements que le député a obtenus, que
l'électeur s'en est retourné chez lui sinon pleinement satisfait
parce qu'il n'avait pas obtenu ce qu'il désirait obtenir, du moins mieux
informé? Il a compris la décision, il a compris pourquoi
au service du prêt agricole, des mères nécessiteuses ou
ailleurs, il n'est pas nécessaire de faire le tour de l'éventail
gouvernemental le fonctionnaire lui avait, dans une lettre,
indiqué que sa demande était refusée.
On raconte que lorsque le gouvernement néo-zélandais, en
1961, a commencé à faire circuler l'idée d'un ombudsman,
une certaine appréhension s'est manifestée chez les
administrateurs de ce pays. Aujourd'hui, après sept années, on
rapporte que ces fonctionnaires sont tous solidement favorables à
l'ombudsman qui s'est avéré une excellente institution, et
pour
le citoyen, et pour le fonctionnaire, et j'ajouterai, et pour le
député. Dans ses rapports annuels, l'ombudsman
néo-zélandais, tout en relevant les quelques erreurs ou fautes
qu'il a décelées au cours de l'année, affirme
généralement la haute qualité des services administratifs
qu'il a eu à étudier.
Bref, par les enquêtes, les suggestions, les recommandations, les
améliorations qu'il proposera, l'ombudsman devrait rendre d'immenses
services à la fonction publique québécoise en favorisant
une meilleure compréhension globale entre les citoyens de cette province
et ceux qui ont pour mission essentielle, importante, d'administrer l'Etat.
Voilà donc les quelques propos que je voulais tenir en cette
deuxième lecture. Je crois que le geste que nous avons posé
d'étudier immédiatement cet après-midi la deuxième
lecture d'une loi qui tenait à coeur à Daniel Johnson, aura
été pour moi, et sans aucun doute pour le chef de l'Opposition
qui commencera bientôt ses remarques, l'occasion d'un témoignage
à un homme qui s'est toujours dévoué pour les siens et
dont les vingt-deux années de vie politique dans le comté de
Bagot ont démontré son désir de protéger
l'individu, de protéger les droits civils de la personne et de redresser
les griefs des pauvres et des humbles.
M. le Président, j'ai donc l'honneur de proposer la
deuxième lecture de ce projet de loi.
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.
M. Jean Lesage
M. LESAGE: M. le Président, le projet de loi qui est à
l'étude autorise l'Assemblée législative à nommer
un protecteur du citoyen dont la fonction sera de recevoir les plaintes
directement du public, comme l'a dit tout à l'heure le premier ministre,
et cela à l'égard de l'administration gouvernementale. En somme,
il s'agit pour nous, je crois, de prendre connaissance, de prendre conscience
d'un problème majeur de la démocratie moderne, celui de
l'écart de plus en plus large qui s'établit entre ceux qui ont la
responsabilité de l'administration publique et le reste des citoyens. Il
s'agit de se rendre compte que notre système gouvernemental et les
principes fondamentaux qui l'animent un gouvernement par le peuple, pour
le peuple et avec le peuple sont en train d'être
sérieusement êbréchés parce que l'Etat, que nous
voulons l'affaire de tous, risque de devenir à certains égards un
gouvernement contre le peuple, ou tout au moins loin du peuple.
Et cela sans que personne ne l'ait voulu, ni même, bien sûr,
sans que personne ne l'ait désiré. Quand l'Etat n'avait pour
rôle que celui d'assurer l'intégrité du territoire ou de
fournir à la population des services comme ceux d'une monnaie, d'une
poste, d'un système routier, il n'y avait pas tellement lieu de se
soucier de la protection du citoyen contre le pouvoir, contre l'administration.
Mais dès lors que, par suite de l'évolution de la
société, l'Etat a été appelé à se
faire entrepreneur, à prendre en charge l'éducation, la
santé, le bien-être de la population, le problème de la
protection du citoyen face à la nouvelle puissance du pouvoir, à
la nouvelle puissance de l'Etat, de l'administration, a été
posé par le fait même.
Et c'est ainsi que peu à peu, d'une façon empirique et
désordonnée il faut bien admettre que ç'a
été d'une façon empirique et désordonnée
on a dû réaménager les contrôles de
l'administration gouvernementale. Contrôles de l'administration
gouvernementale parce qu'il fallait s'assurer que les droits fondamentaux du
citoyen étaient protégés contre les abus ou les
excès du pouvoir étatique. Ce fut au premier rang les
déclarations dites déclarations des droits de l'homme.
Dans les pays qui ne se sont pas donné de déclarations
formelles des droits, la tradition, la coutume, le droit commun commandaient
que l'on assure le respect des droits de l'individu. Dans le champ des droits
fondamentaux de l'homme, on a fait une place importante à la protection
des droits de l'homme contre l'exercice du pouvoir. On a en quelque sorte
astreint l'administration publique à un certain nombre de règles,
de comportements dans ses rapports avec le citoyen.
Par ailleurs, en faisant abstraction des moyens de contrôle
internes de l'administration elle-même, tels que les contrôles
hiérarchiques et financiers, le contrôle de l'administration
publique dans les pays démocratiques se présente essentiellement,
je vous le soumets, sous deux aspects: le contrôle de
l'opportunité et, deuxièmement, le contrôle de la
légalité.
Premièrement, le contrôle de l'opportunité des
gestes de l'administration, c'est le contrôle exercé par les
techniques parlementaires usuelles, par la presse, par les groupes de pression,
par l'opinion publique. Quant au contrôle de la légalité
des décisions administratives, c'est-à-dire ce que l'on appelle
ordinairement le « due process of law », c'est le contrôle
qui est dévolu au pouvoir judiciaire, particulièrement en vertu
des brefs de prérogatives ou encore au contentieux administratif, pour
les pays à dualité de juridiction, exemple la France et son
Conseil d'Etat.
Si l'efficacité de ces deux contrôles de l'administration
publique, contrôle de l'opportunité, contrôle de la
légalité était parfaite ce qui en fait est loin
d'être le cas les droits du citoyen contre le pouvoir se
trouveraient-ils intégralement protégés?
L'examen attentif du champ d'application des deux formes de
contrôle que nous connaissons, nous révèle qu'il resterait,
même dans l'hypothèse d'une fonctionnalité optimale de ces
deux contrôles, un « no man's land » qui échappe en
grande partie à l'un ou à l'autre contrôle. C'est dans ce
but, dans le but précis de combler ce « no man's land », que
divers pays et les provinces ici au Canada deux jusqu'à
maintenant ont créé le poste d'ombudsman ou de protecteur
du citoyen.
Au Québec, non seulement nous n'avons pas encore de
déclaration formelle des droits de l'homme, mais nous n'avons même
pas encore entrepris une étude vraiment approfondie de l'ensemble de la
structure administrative de notre Etat, non plus d'ailleurs que des moyens de
contrôle dont nous disposons. Nous avons cependant, à partir de
1961, procédé à la création du Conseil de la
trésorerie, à la centralisation des services comptables et
juridiques et du Service des achats, à l'établissement de la
mécanographie et des ordinateurs et, en 1965, nous nous sommes
donné une Loi de la fonction publique, mais nous n'avons pas
envisagé dans sa totalité le problème du citoyen face
à la puissance nouvelle de l'Etat québécois. Et pourtant,
nous savons tous jusqu'à quel point le premier ministre le disait
d'ailleurs tantôt l'administration publique est devenue
complexe.
Nous avons tous eu l'occasion, soit à titre de ministre, soit
à titre de député, d'en constater la lourdeur et d'en
déplorer souvent le manque de rationalité et, tout ce que nous en
sommes, nous avons aussi constaté son manque d'efficacité trop
souvent. Nous connaissons le désarroi dans lequel se trouve le citoyen
qui s'aventure dans les dédales de nos structures administratives. Nous
avons tous pu prendre connaissance de réelles Injustices dont ont
été victimes certains citoyens à la suite d'une
décision de l'administration gouvernementale, et cela, sans que nous ne
puissions rien y faire. Il est certain que nous sommes les premiers à
déplorer cette situation. Nous le faisons avec d'autant plus de vigueur
que, bien au delà des lourdeurs administratives et des Injustices qui en
découlent, nous nous rendons compte que ce qui se trouve mis en cause
par ces faiblesses de notre système, c'est l'efficacité
même des politiques qui sont élaborées et sur lesquelles
nous légiférons en cette Chambre. Devant l'am- pleur des
problèmes en cause, il apparaît clairement que la seule
institution d'un ombudsman ou d'un protecteur du citoyen, quelles qu'en soient
les modalités, ne peut que constituer une mesure partielle et imparfaite
en vue de civiliser l'ensemble des rapports entre le citoyen et
l'administration gouvernementale. Comme l'écrivait un spécialiste
en droit administratif, Me Patrice Garant, professeur de droit public à
la faculté de droit de l'université Laval: « Quant à
l'ombudsman, institution en vogue par les temps qui courent, c'est un peu comm
le dessert, on ne sert pas le dessert avant 1 plat de résistance.
» Le plat de résistance, on l'aura compris, ce serait de
s'attaquer au problème global des rapports entre le citoyen et
l'administration, en se livrant à une étude systématique
de l'organisation et des modes de fonctionnement des ministères et
organismes gouvernementaux, tout en ayant soin de se pencher sur
l'efficacité des moyens de contrôle de l'administration publique,
contrôle de l'opportunité des décisions par le Parlement et
contrôle de la légalité par le contentieux judiciaire et
administratif. Je voudrais seulement souligner, en passant, que lorsque je
parle de contrôle de l'opportunité par le Parlement, II faudrait
Inclure, comme l'un des contrôles nécessaires, ce comité de
la Chambre dont j'ai proposé la formation depuis deux ans, le
comité de contrôle des engagements financiers. C'est une chose qui
ne peut pas se faire par l'ombudsman, ça fait partie du contrôle
de l'opportunité des décisions gouvernementales, qui doit
être contrôlé par le Parlement lui-même.
Ce n'est donc qu'une fois que nous aurons consommé ce plat de
résistance, évidemment, extrêmement consistant que nous
pourrions normalement prétendre profiter des délicatesses du
dessert, c'est-à-dire l'ombudsman ou protecteur du citoyen. D'ailleurs
il est extrêmement révélateur de constater que ce n'est
qu'à la toute fin de son rapport, volume 5, le dernier volume, à
l'avant-dernière page que la commission Glassco prend note de
l'intérêt suscité par l'institution du protecteur du peuple
ou ombudsman.
Quoi qu'il en soit, je me permets de souligner que nombre d'états
modernes, avant de songer à la création du protecteur du citoyen,
se sont fait un devoir d'analyser en profondeur tout le problème que
posent les structures administratives gouvernementales, c'est-à-dire les
problèmes que ces structures posent en elles-mêmes et leurs
organismas de contrôle ainsi que les rapports entre l'administration
publique et le citoyen.
Vous avez eu en Angleterre en 1957 le « Frank Committee »,
aux Etats-Unis, les deux com-
missions, « Hoover », au Canada, la commission royale sur
l'organisation du gouvernement, appelée Commission Glassco et en
Ontario, la commission Gordon en 1959.
En somme, la protection du citoyen contre les actes de l'administration
publique serait bien mieux assurée si, d'une part, l'organisation de
notre structure administrative était plus rationnelle et
cohérente. Et d'autre part, si les techniques de contrôle de
l'administration par le Parlement et par le contentieux judiciaire ou
administratif étaient mieux aménagées. Sans doute,
aurait-il encore lieu, oui il y aurait encore lieu de songer à un
protecteur du peuple. Mais alors, ce dernier et c'est là qu'est le
danger ne risquerait pas de prendre l'allure et c'est le cas
présentement que ça peut prendre cette allure, je sais que le
premier ministre n'y croit pas mais il ne faudrait pas que la population croie
que l'établissement du poste d'ombudsman par cette Chambre est quelque
chose comme une solution miracle aux difficultés éprouvées
par le citoyen face à l'administration gouvernementale. Il ne faudrait
pas que la population se leurre.
Ce que je veux souligner en résumé, M. le
Président, c'est que la protection du citoyen à l'égard de
l'administration gouvernementale commande une réforme beaucoup plus
profonde. Le premier ministre disait tout à l'heure que l'ombudsman
lui-même pourrait nous aider à procéder à cette
réforme malgré que je doute fort que les cas qu'il sera
appelé à étudier le mettront en face, d'une façon
systématique, de cas qui lui permettront de faire une synthèse
l'amenant à des recommandations en ce qui touche le contrôle de
l'opportunité et de la légalité des actes administratifs
car sur ce point, nous avons l'expérience des autres pays et je crois
que nous pourrions en décider et, tout au moins, commencer à agir
dans ce domaine.
Il est clair que cette réforme plus profonde dont je parle
n'aurait pas le panache du titre : Protecteur du citoyen », mais elle
aurait le mérite, combien plus grand, de s'attaquer aux vrais
problèmes, aux problèmes de fond. En somme, M. le
Président, nous troquerions volontiers le mot « Protecteur du
citoyen » pour la réalité, c'est-à-dire
l'aménagement de l'administration gouvernementale en véritable
service aux citoyens.
Le texte du projet de loi à l'étude est, par contre
et, je tiens à le dire révélateur d'une louable
préoccupation du gouvernement. Il y a lieu, toutefois, de se demander si
le bill, tel que rédigé, rend bien justice au titre qu'il coiffe.
L'analyse du texte du bill no 13 nous inspire de sérieuses
réserves en ce qu'il comporte de trop grandes limitations à la
liberté d'action du protecteur du citoyen. Comme l'a écrit un
commentateur au sujet de la loi britannique, dans la revue « The Annals
of the American Academy of Political and Social sciences », de mai 1968,
nous pouvons nous demander si, en vertu du bill no 13, nous nous trouvons en
présence d'un ombudsman ou d'un « ombudsMouse ». Et le
commentateur d'ajouter: « The legislators themselves seem to have
confused what they Intended to bring about with the effect of the words they
have used ».
Il semble bien qu'au Québec également le texte du projet
de loi à l'étude serve assez mal le but qu'on poursuit par
l'institution d'un protecteur du citoyen. Je ne veux pas, à ce moment
je ne pourrais pas le faire, d'ailleurs; le règlement ne me le
permet pas entrer dans les détails du bill, mais je voudrais
signaler l'ambiguïté et le caractère restrictif de la
définition de la compétence du protecteur du citoyen.
Je demanderais au premier ministre, avant que nous procédions
à l'étude en comité plénier, de bien
réexaminer le dossier et de bien faire de nouvelles comparaisons avec,
par exemple, la loi de 1'Alberta et celle du Nouveau-Brunswick. Il a dit, tout
à l'heure, que nous avions cherché, comme la
Nouvelle-Zélande, l'Alberta et le Nouveau-Brunswick, un juste milieu
entre la loi de la Suède et la loi du Royaume-Uni.
Comme je l'ai dit, je ne veux pas entrer dans les détails des
articles. Quand même, est-ce qu'il ne croit pas qu'en introduisant la
distinction entre une fonction administrative et une fonction quasi judiciaire,
avec tout ce que cela comporte dans le bill ce qu'on ne fait pas dans la
loi de l'Alberta ni dans celle du Nouveau-Brunswick on posera au
protecteur du citoyen de très sérieuses difficultés
d'interprétation de sa propre compétence?
Par ailleurs, les exceptions à la compétence du protecteur
du citoyen quant aux actes ou omissions du lieutenant-gouverneur en conseil et
de tout tribunal ou de l'un de ses fonctionnaires le premier ministre se
souviendra que j'avais mentionné certains cas spécifiques lors de
l'étude que nous avions faite en comité des bills publics avant
la deuxième lecture du bill eh bien, ces restrictions placent
hors de la portée du protecteur du citoyen un très imposant
secteur de l'administration publique, plus imposant d'ailleurs qu'on ne
pourrait le croire à première vue.
Enfin, l'obligation faite au protecteur du citoyen de refuser de faire
enquête en cas de prescription et je demanderais au premier
ministre de bien étudier ce cas ou encore en
cas d'existence d'un appel ou d'un recours également
adéquat et à celui du caractère frivole ou vexatoire d'une
demande je dis bien l'obligation faite au protecteur du citoyen de
refuser et non pas de lui accorder la discrétion de refuser, comme on le
fait ailleurs, au Nouveau-Brunswick et en Alberta, mais de lui imposer
l'obligation de refuser dans ces cas-là Je me demande si tout
cela n'impose pas une très grande rigidité dans l'activité
du protecteur du citoyen et ne témoigne pas d'un certain manque de
confiance dans le jugement de celui qui exercera la fonction.
En somme, l'examen prima facie du texte de la loi instituant un
protecteur du citoyen nous incite à nous demander si, tout compte fait,
le citoyen y trouvera dans des choses sérieuses un protecteur
réellement efficace.
Comme je viens de le dire, je traiterai de ces sujets d'une façon
plus détaillée en comité plénier. D'ailleurs,
certains de mes collègues en parleront plus longuement également.
Mais il nous faudra, lorsque nous serons en comité plénier
je le demanderai que nous groupions certains articles. Il est impossible
d'étudier 1315, 1317, 1318 et 1319 séparément. Il faudra
grouper certains articles du bill, je crois bien, pour fins de discussion. Je
voudrais cependant insister dès maintenant sur le fait que,
d'après le projet de loi à l'étude, l'institution d'un
protecteur du citoyen a, de sa nature même, des ambitions beaucoup plus
modestes que l'expression protecteur du citoyen peut le suggérer. En
effet, essentiellement, comme l'écrit Me C.A. Sheppard, dans le McGill
Law Journal, volume 10, 1964, page 330: « An Ombudsman will provide
particularly a vehicle for smaller grievances, and generally contribute to
increasing the confidence of the people. » Ces « smaller
grievances, » ce sont les délais qui s'éternisent, les
documents perdus, les erreurs cléricales, les informations qui tardent
à venir, les impatiences ou les indifférences des fonctionnaires.
C'est donc à ce niveau que l'institution d'un protecteur du citoyen
trouve sa justification.
C'est seulement de cette façon que l'on a raison de dire que le
protecteur du citoyen contribue à accroître la confiance et la
sécurité du citoyen face à l'administration, mais
cependant, au-delà de ces « smaller grievances » le
problème reste entier.
Je crois devoir répéter, en terminant, que tant et aussi
longtemps que l'on ne s'attachera pas à trouver une solution durable
à l'ensemble des difficultés que pose aujourd'hui l'accroissement
normal de la puissance étatique, la protection du citoyen, même
avec un protecteur du citoyen, demeurera précaire.
C'est pourquoi j'ai cru devoir évoquer, à ce stade-ci de
l'étude du bill 13, les tâches qu'il nous tarde d'accomplir pour
assurer au citoyen la protection de ses droits face à l'administration
gouvernementale.
Et je rappelle brièvement, en terminant, ces tâches, j'en
ai pour deux minutes. Premièrement, réorganiser les structures de
l'administration de façon à les rendre plus efficaces.
Deuxièmement, aménager un système cohérent de
contrôle de l'administration par: a) le contrôle judiciaire, soit
le contentieux administratif, le contrôle de la légalité
des actes de l'administration; b) le contrôle parlementaire: le
système des commissions ou comités; le contrôle de
l'opportunité des décisions administratives par des
comités de la Chambre; c) le contrôle hiérarchique ou
interne et financier, mesure de l'efficacité et de l'économie de
l'administration. Troisièmement, une déclaration des droits de
l'homme. Quatrièmement, un protecteur du citoyen.
Il me semble que c'est là le faisceau qui nous permettrait de
donner au citoyen une véritable protection et c'est ce qu'exige la
nouvelle puissance de l'Etat moderne. Je pense que c'est en ces termes qu'il
faut poser le problème. Ce n'est pas une tâche facile, je le sais,
mais je crois que c'est une tâche essentielle, à laquelle il faut
s'attaquer. Il devient donc de plus en plus urgent que nous nous donnions les
moyens de l'entreprendre. Et parmi ces derniers, comme je le suggérais,
lors d'une conférence devant la Chambre de commerce du district de
Montréal, le 8 juin dernier, la création d'une commission
permanente de la réforme administrative qui aurait pour but d'implanter,
dans toute la mesure du possible, dans le secteur public, les notions de
rentabilité et de productivité propres au secteur privé,
sans toutefois sacrifier en rien la nature de l'administration gouvernementale
qui est celle d'être un service au public.
La création de cette commission constitue rait un départ
des plus prometteurs dans la protection du citoyen contre l'administration
publique. En somme, la meilleure façon de protéger le citoyen
contre l'administration publique, c'est de rendre davantage l'administration au
service du citoyen, c'est-â-dlre pour le citoyen.
Et les institutions étant ce qu'elles sont, il y aura bien
entendu toujours de la place pour un protecteur du citoyen contre
l'administration, mais alors, il ne risquerait pas de prendre à tort
l'allure de solution miracle, comme cela pourrait être le cas
présentement si nous ne faisons pas attention à
l'interprétation qu'on pourra donner dans le public, au projet de loi
qui est devant nous, et à ses effets possibles.
M. WAGNER: M. le Président, comme je note qu'il est six heures,
je demande que les travaux de la Chambre soient ajournés jusqu'à
demain.
M. BERTRAND: Qu'on ajourne le débat.
M. WAGNER: Et que le débat soit ajourné
également.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que la motion de l'honorable
député de Verdun est adoptée? ' DES VOIX: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté.
M. BELLEMARE: M. le Président, de consentement unanime de la
Chambre, je voudrais demander que le nom de M. Bertrand soit substitué
à celui de l'honorable M. Johnson comme proposeur de la motion
concernant l'irrégularité du bill 99.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. BELLEMARE: Je voudrais faire une autre motion, avec le consentement
unanime de la
Chambre pour le comité de l'Education, soit de remplacer le nom
de M. Desmeules pour celui du député de Champlain.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. LESAGE: J'avais trouvé cela drôle, aussi
tantôt.
M. BERTRAND: Le comité de l'Education, demain matin, à dix
heures.
M. BELLEMARE: Les travaux de la Chambre pour demain?
M. LESAGE: La motion au nom du député d'Abitibi-Est.
M. BELLEMARE: Il y aura d'abord les réponses à toutes les
questions qui seront prêtes, les dépôts des documents. Vous
verrez qu'il y en a plusieurs. Ensuite, nous passerons à la motion de M.
Cliche, ajournée par M. Flamand.
M. LE PRESIDENT: La Chambre s'ajourne à demain après-midi,
trois heures.
(18 h 04)
LISTE DES DÉPUTe's SIE'geANT
À L'ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE DU
QUEBEC
NOM, PRENOMS
DISTRICT
ÉLECTORAL
ALLARD, Paul-E. U.N. Beauce
AQUIN, François IND. Dorion
ARSENAULT, Bona LIB. Matapédia
BAILLARGEON, Laurier LIB. Napierville-Laprairie
BEAUDRY, Jean-Paul U.N. Lafontaine
BEAUPRE, Henri LIB. Jean-Talon
BELLE MARE, Maurice U.N. Champlain
BERGERON, Marc U.N. Mégantic
BERNATCHEZ, René U.N. Lotbinière
BERTRAND, Jean-Jacques U.N. Missisquoi
BIENVENUE, Jean LIB. Matane
BINETTE, Gaston LIB. Deux-Montagnes
BLANK, Harry LIB. St-Louis
BOIVIN, Roch U.N. Dubuc
BOUDREAU, Francis U.N. St-Sauveur
BOURASSA, Robert LIB. Mercier
BOUSQUET, Denis U.N. St-Hyacinthe
BRISSON, Aimé LIB. Jeanne-Mance
BROWN, Glendon P. LIB. Brome
CADIEUX, Gérard LIB. Beauharnois
CASGRAIN, Mme Claire Kirkland LIB. Marguerite-Bourgeoys
CHARBONNEAU, Edgar U.N. Ste-Marie
CHOQUETTE, Jérôme LIB. Outremont
CLICHE, Lucien LIB. Abitibi-Est
CLOUTIER, Jean-Paul U.N. Montmagny
COITEUX, Henri-L. LIB. Duplessis
COURCY, Alcide LIB. Abitibi-Ouest
CROISETIERE, Alfred U.N. Iberville
D'ANJOU, Adélard U.N. Kamouraska
DE MERS, Philippe U.N. St- Maurice
DESMEULES, J.-Léonce U.N. Lac St-Jean
DOZOIS, Paul U.N. St-Jacques
FLAMAND, Antonio U.N. Rouyn-Noranda
FORTIER, Guy LIB. Gaspé-Sud
FOURNIER, Roy LIB. Gatineau
FRASER, Kenneth LIB. Huntingdon
FRECHETTE, Raynald U.N. Sherbrooke
GABIAS, Yves U.N. Trois-Rivières
GAGNON, François U.N. Gaspé-Nord
GARDNER, Roch U.N. Arthabaska
GAUTHIER, Georges-T. U.N. Roberval
GAUTHIER, Guy U.N. Berthier
GERIN-LAJOIE, Paul LIB. Vaudreuil-Soulanges
GOLDBLOOM, Victor C. LIB. D'Arcy-McGee
GOSSELIN, Claude-G. U.N. Compton
GRENIER, Fernand U.N. Frontenac
HAMEL, Paul-Y von U.N. Rouville
HANLEY, Frank IND. Ste-Anne
HARVEY, Gerald LIB. Jonquière
HOUDE, Gilles LIB. Fabre
HYDE, J. Richard LIB. Westmount
JOHNSTON, Raymond-T. U.N. Pontiac
NOM, PRENOMS
DISTRICT ELECTORAL
KENNEDY, George LIB. Châteauguay
LACROIX, Louis-Philippe LIB. Iles-de-la-Madeleine
LAFONTAINE, Fernand-J. U.N. Labelle
LAFRANCE, Emilien LIB. Richmond
LAPORTE, Pierre LIB. Chambly
LAVOIE, Jean-Noël LIB. Laval
LAVOIE, René-B. U.N. Wolfe
LEBEL, Gérard U.N. Rivière-du-Loup
LeCHASSEUR, Guy LIB. Verchères
LEDUC, André U.N. Laviolette
LEDUC, Guy LIB. Taillon
LEFEBVRE, Jean-Paul LIB. Ahuntsic
LESAGE, Jean LIB. Louis-Hébert
LEVESQUE, Gérard-D. LIB. Bonaventure
LEVESQUE, René IND. Laurier
LEVEILLE, André U.N. Maisonneuve
LIZOTTE, Fernand U.N. L'Islet
LOUBIER, Gabriel U.N. Bellechasse
LUSSIER, Robert-L. U.N. L'Assomption
MAILLOUX, Raymond LIB. Charlevoix
MALTAIS, Armand U.N. Limoilou
MALTAIS, Pierre LIB. Saguenay
MARTEL, Maurice U.N. Richelieu
MARTELLANI, Camille U.N. St-Henri
MASSE, Marcel U.N. Montcalm
MATHIEU, François-Eugène U.N. Chauveau
MICHAUD, Yves LIB. Gouin
MORIN, Jean-Marie U.N. Lévis
MURRAY, Hubert U.N. Terrebonne
PARENT, Oswald LIB. Hull
PAUL, Rémi U.N. Maskinongé
PEARSON, Léo LIB. St-Laurent
PICARD, Fernand LIB. Olier
PICARD, Paul-Henri U.N. Dorchester
PINARD, Bernard LIB. Drummond
PLAMONDON, Marcel-R. U.N. Portneuf
PROULX, Jérôme U.N. St-Jean
ROY, Pierre U.N. Joliette
RUSSELL, Armand U.N. Shefford
SAINDON, Zoél LIB. Argenteuil
SAINT-GERMAIN, Henri LIB. Jacques-Cartier
SAUVAGEAU, Paul-Emile U.N. Bourget
SEGUIN, Arthur-E. LIB. Robert-Baldwin
SIMARD, Montcalm U.N. Témiscouata
SHOONER, Paul U.N. Yamaska
TESSIER, Maurice LIB. Rimouski
THEBERGE, Gilbert LIB. Témiscamingue
THEORET, Rolland U.N. Papineau
TREMBLAY, Gaston U.N. Montmorency
TREMBLAY, Georges-E. LIB. Bourassa
TREMBLAY, Jean-Noé'l U.N. Chicoutimi
VAILLANCOURT, Georges LIB. Stanstead
VINCENT, Clément U.N. Nicolet
WAGNER, Claude LIB. Verdun
(Vacants) Bagot, Notre-Dame-de-Grâce