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Version finale

28e législature, 4e session
(25 février 1969 au 23 décembre 1969)

Le jeudi 4 décembre 1969 - Vol. 8 N° 97

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quinze heures cinq minutes)

M. LEBEL (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre, messieurs!

Présentation de pétitions. Lecture et réception de pétitions. Présentation de rapports de comités élus.

L'honorable ministre de la Justice.

Commission des bills privés et des bills publics

M. PAUL: M. le Président, rapport de la commission des bills privés et des bills publics.

La commission des bills privés et des bills publics a l'honneur de soumettre à votre honorable Chambre son treizième rapport.

Votre commission a décidé de rapporter avec des amendements les bills suivants:

Bill 94 — Loi modifiant la charte du Brome-Missisquoi-Perkins Hospital.

Bill 95 — Loi concernant un immeuble situé dans la municipalité de la paroisse de Saint-Ambroise-de-Kildare.

Bill 237 - Loi concernant Valleyfield Golf and Country Club Inc. et, sans amendement, les bills suivants:

Bill 96 — Loi concernant un immeuble situé dans la municipalité de la paroisse de Saint-Esprit.

Bill 104 — Loi concernant la Fabrique de la paroisse de Sainte-Cécile de Salaberry-de-Valleyfield.

Respectueusement soumis.

M. LE PRESIDENT: Ce rapport sera-t-il adopté? Adopté.

Présentation de motions non annoncées. Présentation de bills privés. Présentation de bills publics.

M. BERTRAND: M. le Président, est-ce que je pourrais obtenir le concours des membres de cette Chambre pour appeler les trois projets de loi qui sont en appendice aujourd'hui, l'un au nom de M. Johnston, les deux autres au nom de M. Paul. Nous pourrons indiquer le bill au nom de M. Johnston qui porte le numéro 82, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur les corporations.

M. LESAGE: M. le Président...

M. BERTRAND: Avec le concours de...

M. LESAGE: Oui, d'accord, je n'ai pasd'ob-jectlon à donner mon concours. Le premier ministre m'a fait parvenir hier les épreuves de ces trois projets de loi. Je les al examinés hier soir. Je comprends maintenant qu'ils sont imprimés et prêts pour distribution puisque apparaissent en appendice les lettres F. A. vis-à-vis chaque titre de projet de loi.

Mais ma remarque s'adresse au premier ministre et elle est corollaire. Je remarque que de ces trois projets de loi qui apparaissent en appendice, le premier ministre n'en a mentionné qu'un. Vendredi de la semaine dernière, alors qu'il nous a annoncé le menu législatif d'ici la fin de la session.

Alors, le...

M. BERTRAND: J'ai dit...

M. LESAGE: ... premier ministre comprendra que la question vienne tout naturellement. Y en a-t-il beaucoup d'autres comme cela...

M. BERTRAND: Non.

M. LESAGE: ... qui seront présentés en dehors de la liste qui nous a été donnée par le premier ministre?

M. BERTRAND: Non.

M. LESAGE: Parce que si nous continuons, comme il en reste dix dans la liste qui nous a été soumise par le premier ministre, vendredi de la semaine dernière, eh bien, s'il faut multiplier par trois, cela fera trente!

M. BERTRAND: J'avais indiqué dans mon mémoire au chef de l'Opposition que, s'il y avait de nouveaux projets, je l'en avertirais.

Je regrette de ne pas l'avoir fait. Ayant reçu les épreuves, il a été averti, mais il conviendra avec moi que, dans le cas du bill de la Régie des loyers, c'est le projet de loi annuel.

M. LESAGE: D'accord.

M. BERTRAND: Il n'y a rien de contentieux.

M. LESAGE: D'accord.

M. BERTRAND: Deuxièmement, je lui avais indiqué qu'il y aurait des amendements à la Loi de la Régie des alcools.

M. LESAGE: Oui, oui.

M. BERTRAND: Je pense que le seul nouveau est celui modifiant...

M. LESAGE: Un sur trois.

M. BERTRAND: ... la Loi de l'impôt sur les corporations.

M. LESAGE: Mais, c'est un sur trois.

M. BERTRAND: Oui. C'est un bill important.

M. LESAGE: J'attendrai les explications détaillées du ministre.

M. BERTRAND: Oui, le ministre en donnera.

Bill 82

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Revenu propose la première lecture de la Loi de l'impôt sur les corporations.

MR. JOHNSTON: Mr. President. Bill 82, An Act to amend the Corporation Tax Act, has to do with a modification to the section 3 of the Corporation Tax Act to concur with modifications made in other provinces. The Bill removes, in matters of taxation, of insurance premiums the special rule for reinsurance by which the company which insures in the first place is exempt from the tax if the reinsured is the holder of a permit in Quebec, in which case the tax is then payable by the reinsurer.

Henceforth, the tax will always be payable by the first insurer.

MR. LESAGE: If I understand correctly, it does not alter at all the amount of revenue to be derived from insurance companies, but if is only a change in the procedure as to the first responsability for the payment of the tax. Am I correct?

MR. JOHNSTON: Quite correct.

M. LE PRESIDENT: La motion de première lecture sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture à la prochaine séance ou à une séance subséquente.

Bill 84

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la première lecture de la

Loi modifiant de nouveau la loi de la Régie des alcools.

L'honorable ministre de la Justice.

M. PAUL: M. le Président, ce projet de loi portera le no 84. L'article premier de ce projet autorise la régie à délivrer des permis de salle à manger dans les quatre grands parcs provinciaux du Québec et prévoit qu'ils pourront être exploités dans un établissement distinct et non nécessairement dans un hôtel, un motel ou une gare.

L'article 2 diminue de 5,000 à 2,000 âmes la population minimum requise dans une municipalité pour qu'un permis de restaurant puisse y être exploité.

L'article 3 affirme le droit de toute personne de prendre connaissance des objections qui parviennent à la régie à l'occasion d'une demande de permis.

L'article 4 prévoit que, dans le cas d'une demande de permis provenant de la municipalité de la côte nord du golfe Saint-Laurent, il ne sera pas nécessaire de soumettre la demande à l'approbation de tous les électeurs de la municipalité, mais uniquement à l'approbation des électeurs de la localité où le permis doit être exploité.

L'article 5 prévoit que les détenteurs de permis qui vendent des boissons alcooliques à l'occasion d'un scrutin provincial, municipal ou scolaire, commettront une infraction punissable d'une amende pouvant atteindre $2,000. L'article 6 est de concordance.

M. LESAGE: M. le Président... UNE VOIX: Voyons, voyons!

M. LESAGE: ... on calcule la population par le nombre d'âmes. Pourrais-je signaler au ministre de la Justice que, d'après moi, le député de Richmond trouve que les âmes ne boivent pas suffisamment et que les corps boivent trop?

M. PAUL: Nous allons essayer de faire un « mix »!

M. VINCENT: Avec le bill 70?

M. LE PRESIDENT: La motion de première lecture sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture à la prochaine séance ou à une séance subséquente.

Bill 85

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la première lecture de la Loi prolongeant la loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires.

M. PAUL: M. le Président, en tant que responsable de la Régie des loyers et en ma qualité de Secrétaire de la province, je propose ce projet de loi qui portera le numéro 85. L'article 1 de ce projet a pour but de prolonger d'un an l'application de la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires. C'est une loi qui remonte à 1951...

M. LESAGE: Oui, dispensé.

M. PAUL: Dispensé. .Adopté, Ire, 2e, 3e lecture?

M. LESAGE: Non.

M. LE PRESIDENT: La motion de première lecture sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. BERTRAND; Le chef de l'Opposition constate que ce n'est pas un menu nouveau, la Loi de conciliation.

M. LESAGE : Le député de Richmond va trouver que c'est un menu nouveau. Il y en a d'autres qui vont trouver que c'est un menu nouveau aussi. Les amendements à la Loi de la Régie des alcools, particulièrement, permettant aux restaurants de localités de 2,000 de population seulement de vendre de l'alcool.

M. BERTRAND: Je parlais de la dernière loi.

M. LE PRESIDENT: Affaires du Jour. L'honorable ministre de l'Education.

Question de privilège

M. CARDINAL: M. le Président, je n'ai rien de grave, mais j'ai informé le président de cette Chambre que je me levais sur une question de privilège.

Hier après-midi, en cette Assemblée, j'ai donné des renseignements sur la politique du ministère concernant le collège dirigé par les clercs de Saint-Viateur, à Outremont. J'ai alors mentionné qu'il semblait qu'une pétition ou une requête circulait dont je n'avais pas eu, ni officiellement, ni officieusement d'ailleurs, de communication. Quand j'ai quitté cette Assemblée hier et que J'ai lu le journal La Presse, à la première page de son cahier trois, j'ai découvert que l'on parlait du même sujet et que l'on disait, entre autres, ceci: « La requête qui circule à cet effet parmi les parents d'Outremont aurait déjà recueilli près de 700 signatures, parmi lesquelles celle de Mme Jean-Guy Cardinal elle-même. »

M. le Président, je veux informer cette Chambre et les journalistes qu'à aucun moment on n'a requis Mme Cardinal de signer cette requête, qu'elle n'a pas signé et que, si on la lui présentait, elle ne signerait pas parce qu'elle est entièrement d'accord avec les politiques du ministre dans ce domaine.

M. LESAGE: Dans ce domaine seulement!

M. CARDINAL: Je n'ai pas qualifié l'affirmation!

Coût moyen des écoles publiques

M. LESAGE: Le ministre est-il en mesure, aujourd'hui, de donner une réponse aux questions posées par plusieurs députés concernant le calcul du coût moyen par élève dans les écoles publiques?

M. CARDINAL: J'ai demandé un rapport. Cette question est très technique. Je pourrais donner des explications qui seraient superficielles. Si le chef de l'Opposition est d'accord et si vous acceptez, M. le Président, j'apporterai des précisions, probablement demain.

M. LESAGE: Très bien. Pourrais-je attirer l'attention du ministre sur la discussion qui a eu lieu en Chambre lors de l'étude du bill 56, le mardi 17 décembre 1968? C'était lors du débat de deuxième lecture. J'attire l'attention du ministre sur les déclarations qu'il a faites à la page 5016 du journal des Débats. Avec votre permission et probablement pour éviter que le débat ou encore les discussions sur ce point soient plus longues à un autre moment, je voudrais très brièvement citer ce qu'a dit le ministre: « Je tiens à clarifier ici un point très important. Pour établir ce coût moyen, tant pour les institutions déclarées d'intérêt public que pour les institutions reconnues pour fins de subventions, il sera tenu compte des dépenses affectées au service de la dette et aux immobilisations ».

A la page 5017 le ministre, intervenant au cours de mon discours, a dit: « Donc, je dis très clairement que ce qu'on appelle communément le service de la dette est compris dans les frais d'opération et de fonctionnement d'une institution privée. Par conséquent, il est contenu dans le calcul pour établir la subvention de 60% ou de 80%, selon le cas ».

Le ministre, dans l'alinéa précédent, avait dit que c'était très clair, que les seules exceptions dans les dépenses du secteur public, les seuls facteurs dont on ne tiendrait pas compte pour établir le coût moyen seraient ce qui suit: « Ces exceptions sont le transport et le coût per capita des étudiants, qui sont assumés par une commission scolaire ». Il nous avait bien dit que c'étaient les deux seules exceptions. Si j'ai dit ça, c'est parce que le ministre a dit l'autre jour qu'on n'avait pas tenu compte des immobilisations pour lesquelles des paiements avaient été faits, au cours de la construction, par le gouvernement du Québec et parfois avec participation fédérale.

M. CARDINAL: M. le Président, j'apporterai demain des précisions à ce sujet. J'apporte quand même tout de suite une précision, il y a deux jours, le chef de l'Opposition demandait où se plaçait la majoration d'environ 10% dont il aurait eu écho à la commission, il est exact qu'à la commission, un des fonctionnaires qui m'accompagnaient avait prononcé une phrase du genre, attribuée au ministre, selon l'usage, d'ailleurs, lorsque nous siégeons en comité ou en commission.

Je puis dire tout de suite qu'à ce sujet-là, c'est justement ce 10% qui fait que certains journalistes ou certaines personnes considèrent que l'on finance à 110%. Première précision: nous l'avons calculé, mais pas d'une façon qui apparaisse évidente. J'apporterai aussi le détail de ceci.

M. LESAGE: Est-ce 10% de 80% et 10% de 60%?

M. CARDINAL: J'apporterai le calcul précis ici. On aura par conséquent des réponses. J'apporterai donc une réponse à deux questions précises: celle qui a déjà été posée et à laquelle on fait aujourd'hui référence et cette question de 10%.

Collège Notre-Dame-de-Bellevue

M. CARDINAL: Pendant que nous sommes sur ce sujet, M. le Président, lors de la discus- sion ou des questions du chef de l'Opposition, il avait été question du collège Notre-Dame-de-Bellevue, institution privée. J'ai reçu ce matin de soeur Hortense Grégoire, recteur du Collège de Bellevue, la déclaration formelle suivante: « La direction générale de la congrégation de Notre-Dame ne prend pas à son compte les déclarations parues dans le journal Le Soleil du lundi 1er décembre 1969 et du mardi 2 décembre au sujet de la fermeture probable du collège Notre-Dame-de-Bellevue. » Le reste est souligné. « Elle a, au contraire, l'intention ferme de continuer l'enseignement au cours secondaire et au cours collégial. Le maintien du cours élémentaire au complet est encore à l'étude. En conséquence, le collège Notre-Dame-de-Bellevue, tant au cours collégial qu'au cours secondaire, continue de recevoir les demandes d'admission pour septembre 1970. »

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gaspé-Sud.

Nouvelle route en Gaspésie

M. FORTIER: M. le Président, une question au ministre des Affaires intergouvernementales qui pourra prendre cette question comme préavis. Est-ce que le ministre a été informé que le gouvernement du Canada était disposé à verser une contribution de plusieurs millions de dollars pour la construction d'une route en Gaspésie reliant le parc Forillon à la frontière des Etats-Unis?

M. MASSE: Je peux la prendre en considération.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Richmond.

Démission de M. Buzzanga

M. LAFRANCE: M. le Président, ma question s'adresse à l'honorable ministre de l'Immigration. Est-ce que le ministre pourrait informer la Chambre des raisons qui ont motivé le départ de M. Buzzanga qui était directeur du service d'orientation et de formation des immigrants?

C'est un homme hautement qualifié comme orienteur et professeur. Polyglotte, il parle plus de huit langues, il était très hautement considéré par tout le personnel qui menace de démissionner à l'heure actuelle.

M. BEAULIEU: M. le Président, je remercie le député de Richmond de m'avoir prévenu au

tout début de cette séance de la question. Je n'ai pas le dossier devant moi. M. Buzzanga, en effet, était hautement considéré à notre ministère. Toutefois, il relevait du ministère de l'Education et nous devions transporter au ministère de l'Immigration les services des COFI et des SOFI. Service d'orientation et de formation des immigrants ou Centre d'orientation et de formation des immigrants.

M. Buzzanga est venu me voir il y a une quinzaine de jours, alors qu'il était question de transporter au ministère de l'Immigration tous ces services. Comme il est employé au ministère de l'Education, il m'a fait savoir qu'il y avait au ministère de l'Education certaines promotions possibles et il m'a demandé si je pouvais lui garantir certaines promotions au ministère de l'Immigration. Je lui ai répondu que je ne pouvais lui faire aucune promesse que je ne pourrais pas tenir tant et aussi longtemps que nous ne serions pas plus avancés au point de vue de l'organisation au ministère de l'Immigration, il a alors préféré rester au service du ministère de l'Education, ce que je regrette puisqu'on le considérait très hautement chez nous.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Laurent.

CEGEP de Saint-Laurent

M. PEARSON: Ma question s'adresse au ministre de l'Education que j'ai prévenu avant la présente séance. Dans le Devoir de ce matin, à la page 10, un article signé Gilles Provost est intitulé: « Le CEGEP de Saint-Laurent pourrait devenir bilingue? » Dans cet article, le président de l'Association des étudiants, M. Michel Jacques, résume brièvement les faits comme suit: « Comme le collège Basile-Moreau est libre, il pouvait être utilisé de deux manières; ou bien on en fait un CEGEP ou on en fait une polyvalente. Si cet établissement servait au niveau secondaire cela règlerait pratiquement les problèmes de double horaire qui se posent à Saint-Laurent. Cependant, la commission scolaire a été avisée récemment que le gouvernement construirait une polyvalente de $10 millions ». Et un autre court paragraphe: « Cette décision implique que le collège Basile-Moreau deviendrait CEGEP. On a alors le choix de faire deux collèges indépendants à 1,000 pieds l'un de l'autre, ou de ne faire qu'un seul CEGEP... M. Jean-Marie Beauchemin a avisé les parties que la seconde solution avait été retenue pour des motifs d'économie... » etc.

Je voulais demander au ministre si les faits relatés dans cet article sont vraiment bien fondés ou si c'est simplement une rumeur destinée à mourir.

M. CARDINAL: M. le Président, J'ai lu l'article et une partie des faits représentent la réalité. Cependant, ce n'est pas toute la réalité qui est représentée dans cet article.

L'explication que je pourrais donner et qu'il est d'intérêt public que je donne pour le moment, est la suivante: il y a lieu d'implanter, dans le réseau des collèges d'enseignement général et professionnel pour le Québec, un réseau de collèges anglais. Il y a déjà le collège Dawson qui a été créé. Parmi les projets, il y a celui de West Island aussi qui est présentement étudié.

Il y a lieu de créer un autre collège, mais la clientèle anglaise ne justifierait pas qu'entre les deux que je viens de mentionner il se trouve un plein CEGEP. L'une des solutions proposées, présentement à l'étude et qui, par conséquent, n'est pas acceptée encore, serait non pas que Basile-Moreau ou Saint-Laurent deviennent des collèges bilingues — c'est une appellation que je n'accepte pas — mais que l'on crée dans cette région, peut-être à partir des équipements de Basile-Moreau, un collège d'enseignement général et professionnel de langue anglaise qui serait associé à celui de Sainte-Croix qui existe déjà, afin d'utiliser au maximum l'équipement et le corps professoral et de faire une économie plutôt que de créer une multitude de collèges.

Ceci n'est pas particulier, d'ailleurs, à Sainte-Croix. Il existe déjà, dans le Québec, un certain nombre de collèges associés, lorsque les normes pour créer un collège entièrement autonome ne sont pas encore remplies. La vocation d'un collège associé est éventuellement, avec le temps, de devenir un plein collège. Il ne s'agit donc pas d'un collège bilingue, mais de la possibilité... Il n'y a aucune décision de prise, ni au ministère, ni au conseil des ministres. Cest le conseil des ministres qui, d'après la Loi régissant les collèges, crée les collèges, crée les corporations. Il y a présentement étude pour qu'il y ait possibilité de création d'un collège associé — ce qui est prévu par la loi — qui serait de langue anglaise et associé à celui qui existe déjà à Saint-Laurent.

M. PEARSON: Une question supplémentaire. Si cette solution était retenue, qu'adviendrait-il du centre transitoire de formation des maîtres qui est situé actuellement au collège Basile-Moreau?

M. CARDINAL: Pour ce cas particulier, je ne saurais répondre. Mais la politique du minis-

tère est la suivante: tous les centres de formation de maîtres, selon le genre d'enseignement qui se donne et les niveaux de cet enseignement, seront intégrés soit à des collèges d'enseignement général et professionnel, soit à l'Université du Québec, aussitôt que l'opération intégration, qui est commencée, sera terminée.

Mais, pour ce cas particulier, il faudrait que j'aie le dossier pour connaître le genre d'enseignement qui se donne à cette institution. Je puis prendre avis de la question et y revenir.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.

Rapport de la Commission Trahan

M. LAPORTE: M. le Président, je voudrais poser une question au ministre de la Santé. C'est volontairement que je ne l'en ai pas prévenu, et il comprendra pourquoi. J'ai lu, dans une revue qui s'appelle Sept jours, qu'il y aurait une sorte de collusion entre le ministre de la Santé et le député de Chambly pour qu'on ne dépose pas le rapport de la commission Trahan qui a enquêté sur l'administration de l'hôpital Charles-Lemoyne, dans le comté de Chambly.

Puis-je demander au ministre, avec lequel je n'ai pas communiqué depuis au moins six mois, s'il a l'intention de le déposer bientôt? Sinon, pour quelles raisons ce rapport n'est-il pas déposé?

M. CLOUTIER: M. le Président, il est exact que je n'ai pas eu de conversation avec le député de Chambly depuis six mois, même si j'en aurais peut-être eu le désir pour prendre des informations sur sa santé.

M. LESAGE: Sur sa tournée.

M. LAPORTE: Je puis simplement vous dire que ma santé devrait vous inquiéter.

M. CLOUTIER: Quant au problème qu'il a soulevé, à savoir quand nous déposerions le rapport de la commission Trahan qui a enquêté sur l'hôpital Charles-Lemoyne, je dois confirmer ce qu'il a dit: il n'y a pas de collusion d'aucune sorte entre le ministre de la Santé et le député de Chambly ni avec quelque député que ce soit. La simple raison est que c'est un rapport très volumineux, qui comporte deux séries de recommandations dont une première série s'applique à l'hôpital Charles-Lemoyne. Une deuxième série s'applique aux hôpitaux en général.

Quant à la première série de recommanda- tions, nous en faisons l'étude au ministère de la Santé et nous les mettons actuellement en application. Nous voulons que l'hôpital puisse, en toute quiétude, avant que les discussions se fassent sur la place publique, mettre en application les recommandations.

Nous n'avons pas d'objection, aussitôt que possible, M. le Président, à déposer le rapport de la commission Trahan.

M. LAPORTE: M. le Président, question supplémentaire. Me serait-il possible de demander au ministre s'il peut être, si c'est possible, un peu plus précis quant à la période de temps après laquelle il pourra déposer le rapport?

M. CLOUTIER: Je voudrais, M. le Président, également saisir mes collègues du conseil des ministres du contenu du rapport quant aux recommandations générales de la commission Trahan. Je crois bien que je ne pourrai pas saisir le conseil des ministres avant le terme de cette présente session parce qu'il y a beaucoup de projets de lois encore à étudier et des problèmes urgents qui sont soumis au conseil des ministres. Mais j'essaierai de le déposer avant la fin de la présente session.

M. LAPORTE: Merci.

UNE VOIX: Après le 17 janvier?

M. LAPORTE: M. le Président, puisque la question est posée à la blague, puis-je au moins espérer qu'il sera déposé avant le 17 janvier 1970? C'est la question qu'on ne veut jamais poser.

M. CLOUTIER: M. le Président, je ferai l'impossible pour le déposer avant la fin de la session, mais je peux déjà dire qu'il n'y a rien dans le rapport Trahan qui pourrait me justifier, à ce moment-ci, de ne pas le déposer pour avantager ou désavantager un des candidats.

M. LAPORTE: II n'y a vraiment rien qui pourrait m'aider dans ce rapport? Quant à me nuire, j'imaginais déjà que ce n'était pas là.

M. CLOUTIER: Cela dépend quelle interprétation on en fera.

M. LAPORTE: Merci.

Foyer Notre-Dame-du-Lac

M. CLOUTIER: M. le Président, puisque j'ai la parole, je profite de l'occasion pour revenir quelques instants à la tragédie de Notre-Dame-du-Lac et répondre à une question précise que l'on m'a posée hier et avant-hier au sujet de la possibilité qu'un conflit syndical ait été à l'origine de cette tragédie.

M. LESAGE: M. le Président, je regrette, c'est d'abord moi qui ai posé la question et je n'ai jamais dit ou laissé entendre qu'un conflit syndical ait pu être à l'origine de la tragédie.

Un instant! Le ministre vient de faire allusion aux questions qui ont été posées hier et avant-hier. Hier, c'est le député de Drummond qui en a parlé. J'ai lu l'épreuve du journal des Débats et je sais très bien ce qu'il a dit. Avant-hier on se souviendra que j'ai causé de la possibilité de l'existence de ce conflit patronal-ouvrier avec beaucoup de réserve. Ce que le député de Drummond a dit hier, c'est que nous avions obtenu des précisions et que cette rumeur, dont j'avais fait rapport à la Chambre, semblait s'avérer beaucoup plus précise, beaucoup plus véridique.

Je n'ai pas dit que le conflit syndical pouvait être une cause directe. J'ai dit que le conflit syndical — et c'est ce que le député de Drummond a dit aussi — avait pu amener l'engagement d'un certain nombre de nouveaux employés qui n'auraient pas été suffisamment au courant des méthodes de prévention des incendies et des méthodes de protection contre l'incendie à l'institution même. C'est tout. Je ne voudrais pas qu'on nous en fasse dire plus que ce que nous avons dit.

M. CLOUTIER: M. le Président, je corrige. Je parle des conflits syndicaux qui auraient pu avoir quelques relations indirectes avec la tragédie de Notre-Dame-du-Lac. Voici les informations que nous avons obtenues ce matin à la suite d'une rencontre entre M. Bérubé, le directeur du bureau local de bien-être à Cabano, et M. Tardif, le propriétaire du Repos du Vieillard.

En mai dernier, il y avait trois jeunes filles qui travaillaient au foyer et qui ont été qualifiées d'indésirables à cause de leur façon de traiter les personnes hébergées. Je crois même que les journaux ont rapporté ces faits. Leur mise à pied devait donc avoir lieu dans cette période de temps. Cependant, à cause de l'agencement du personnel en raison des vacances que devaient prendre les propriétaires ainsi que l'infirmière, leur mise à pied aurait été retardée au mois d'octobre. On engagea, pour remplacer ces personnes, un personnel nouveau qui commença effectivement le travail dans la semaine du 23 au 29 octobre.

M. Tardif affirme qu'il n'y avait aucun syndicat parmi ces employés, car il n'a pas eu à négocier une convention collective avec eux. Cependant, les trois ex-employées mises à pied...

M. LESAGE: C'était cela, la difficulté; M. Tardif refusait de reconnaître un syndicat, d'après les informations que j'ai.

M. CLOUTIER: Je ne ferai pas de commentaires. Je donne les informations telles qu'on me les a transmises. Cependant, les trois exemployées mises à pied ont voulu faire un grief et se sont adressées à un comité conjoint à Rimouski. M. Lepage, le représentant de ce comité, aurait adressé une lettre à M. Tardif exigeant que ce dernier reprenne ces trois employées dans les huit jours suivants la réception de cette lettre. Cette lettre a été reçue le jour même de l'incendie, soit le 2 décembre. Il n'y avait donc pas, au sens où on l'avait peut-être compris, un conflit syndical, mais bien trois employées qui, par un comité conjoint, tentaient de réintégrer leurs fonctions.

Mme Hervé Desrosiers, surveillante de nuit, originaire de Cabano, est entrée au travail le 1er décembre à 7 h 45 minutes p.m. Il s'agissait donc de sa première nuit à cet endroit. C'était la surveillante de nuit. C'est Mme Tardif elle-même qui, à 7 h 45 minutes p.m., l'a mise au courant du système d'alarme et des procédures à suivre en cas de besoin. Au moment de l'incendie, il y avait six employés qui étaient sur les lieux, et ce sont ces derniers qui, en premier, avec l'aide de Mme Desrosiers, ont procédé à l'évacuation.

M. le Président, j'aurais deux autres remarques à faire.

M. LESAGE: Le gardien de nuit en charge avait commencé son travail la veille à 7 h 45 le soir?

M. CLOUTIER: C'était la première nuit de la surveillante, Mme Desrosiers.

M. LESAGE: Etait-elle en devoir au moment de l'incendie?

M. CLOUTIER: Oui, oui. Mme Desrosiers a effectivement porté secours elle-même à plusieurs personnes.

M. LESAGE: Est-ce elle qui a donné l'alarme.

M. CLOUTIER: Je ne l'ai pas dans le rapport ici, mais d'après les renseignements que j'ai eus, la surveillante Mme Desrosiers était sur les lieux et a aidé des patients à fuir le lieu du sinistre. D'ailleurs, il y a une enquête policière qui se fait actuellement par la police et le Commissariat des incendies. Je pense que ces points-là seront éclaircis, mais je voulais déjà répondre aux questions posées au sujet des employés.

M. le Président, j'avais l'intention de soulever une question de privilège au sujet du titre d'un article paru dans le Devoir ce matin, article qui s'intitulait: « M. Cloutier le reconnaît. Plusieurs institutions ne répondent pas aux normes minimales ». J'ai reçu, il y a un instant, une note du journaliste du Devoir, M. Lépine qui s'excuse, il dit qu'une erreur involontaire s'est glissée dans le titre qui coiffait l'article. L'erreur a été corrigée dans l'édition de Montréal, mais il était trop tard en ce qui concerne Québec Le mot « minimales » a été remplacé par « idéales » parce que, évidemment, on constatera que le titre ne correspondait pas à la teneur de l'article et ce matin, je l'avais noté...

M. LESAGE: C'est un changement de substance.

M. CLOUTIER: Oui, cela change.

M. Lépine m'envoie donc une note pour dire que la correction a été faite à Montréal et que pour Québec, il était trop tard. Je veux le remercier de cette correction et lui dire que j'apprécie ce geste du journaliste et du journal. C'est une preuve de la conscience professionnelle du journaliste en question.

M. le Président, troisièmement, je voudrais dire qu'une équipe d'enquête a été formée au ministère à la suite d'une rencontre que j'ai eue avec mes collaborateurs, équipe qui enquêtera sur chacune des institutions qui détiennent actuellement un permis du ministère. On enquêtera sur le genre de construction du point de vue de la prévention des incendies, l'occupation qui est faite des lieux, les normes en vigueur et aussi le caractère des personnes qui prennent soin de ces institutions, l'existence de mécanismes ou d'outillage de protection comme les escaliers de sauvatage, les extincteurs, le personnel de nuit, l'existence d'un programme d'évacuation efficace, etc.

Cette équipe sera sous la direction de M. Raymond Gendron, qui est directeur des services d'urgence au ministère de la Santé et de la Famille et du Bien-Etre social. Elle comprendra des techniciens des services techniques des deux ministères, un représentant du service des normes médicales du ministère de la Famille et du Bien-Etre social et un représentant du ministère du Travail, en vertu de la Loi des établissements industriels. L'Association des hôpitaux privés du Québec sera appelée à participer à cette enquête quand il sera question d'institutions qui font partie de l'association.

Dans les cas où la ville de Montréal aura émis elle-même le permis, elle sera appelée à participer à l'enquête avec notre équipe de fonctionnaires.

M. le Président, cette équipe se met au travail immédiatement. Nous espérons que d'ici le 1er mars, nous aurons un rapport substantiel sur les conditions d'exploitation des maisons qui détiennent actuellement un permis du ministère de la Famille et du Bien-Etre social comme du ministère de la Santé.

Dès la prochaine session, nous pourrons également présenter une législation sur les établissements privés de bien-être.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.

Loi de la communauté urbaine de Montréal

M. LAPORTE: M. le Président, le jeune et brillant ministre des Affaires municipales étant absent, puis-je demander au premier ministre si c'est l'intention de son gouvernement de déférer à la commission permanente des Affaires municipales, avant la deuxième lecture, le projet de loi numéro 75, Loi de la communauté urbaine de Montréal?

M. BERTRAND: Je pense que le ministre des Affaires municipales a déjà indiqué la voie qu'il entendait suivre. Il proposera la deuxième lecture et ensuite, l'étude se fera en comité plénier.

M. LAPORTE: Merci, M. le Président. Puis-je poser une question supplémentaire? Etant donné que, depuis la déclaration du ministre, des faits nouveaux peuvent être soumis à cette Chambre, le principal étant que presque tous les intéressés, les maires de l'Ile de Montréal, le front commun des employés — des maires, nous avons déjà plusieurs demandes — est-ce que ce fait nouveau du désir exprimé par un très grand nombre de municipalités et d'association de se faire entendre est suffisant pour amener démocratiquement le gouvernement à modifier son attitude?

M. BERTRAND: Je n'ai pas eu l'occasion de causer avec le ministre des Affaires munici-

pales. Je le verrai, mais il est très probable qu'au moins la deuxième lecture aura lieu. Si, après la deuxième lecture, le ministre propose que nous répondions à la demande des maires, je ne puis pas m'engager parce que je n'en ai pas causé avec lui.

M. LAPORTE: Je remercie encore une fois le premier ministre. Devant ce début de bonne volonté où je reconnais fort bien le premier ministre, est-ce qu'il ne serait pas préférable que d'avance, il informe cette Chambre que le bill sera étudié en commission publique après la deuxième lecture pour que les intéressés aient l'occasion de se préparer en conséquence.

M. BERTRAND: Je pense qu'il y aurait possibilité certainement, d'ici la fin de l'après-midi, après que j'en aurai causé avec mon collègue, le ministre des Affaires municipales, que nous faissions connaître notre attitude. Cela pourrait être de nature à indiquer à ceux qui veulent être entendus la procédure qui sera suivie.

M. LAPORTE: Dernière question, si vous me le permettez, M. le Président: Est-ce que le premier ministre ou le leader parlementaire seraient d'accord pour que je puisse, si le ministre revient en Chambre cet après-midi, lui poser des questions sur ce problème qui m'apparaît d'intérêt immédiat?

M. BERTRAND: Je causerai avec le ministre, si je puis l'atteindre. J'ignore s'il est à son bureau.

M. LESAGE: Le ministre, à ma connaissance, est présentement à la salle 91 où il reçoit une délégation du Front commun des employés municipaux. J'ai déjà rencontré ces personnes, à l'heure du déjeuner; elles ont fait des représentations quant aux droits acquis des employés des municipalités, des employés de la Commission de transport, des employés du service d'électricité de la ville de Montréal et des membres de la Fraternité des policiers et pompiers. Leurs représentations sont telles, quant aux droits acquis, quant aux problèmes de l'ancienneté, qu'après une étude assez sérieuse que j'ai faite moi-même du projet de loi en fin de semaine dernière, je me demande si, en leur donnant suite, il ne faudrait pas réaménager certaines sections et sous-sections du projet de loi, au lieu de se contenter de modifications d'articles, de suppression d'articles et surtout d'ajoutés d'articles. Dans les circonstances, Je me demande — je prierais le premier ministre d'en discuter avec son ministre — s'il ne vaudrait pas mieux que les intéressés soient entendus avant la deuxième lecture parce qu'ils pourraient, à la suite de ces représentations... Ici, je ne parle pas des municipalités; je parle des associations que j'ai mentionnées.

M. BERTRAND: Tout cela était implicitement contenu dans ma réponse au député de Chambly, parce qu'il me faudra en discuter avec le ministre.

M. LESAGE: C'est ça. Mais, comme j'étais au courant des problèmes soulevés par ceux que le ministre rencontre présentement, j'ai pensé que je devais en informer le premier ministre, étant donné qu'il en discutera avec son ministre des Affaires municipales aussitôt que l'entrevue sera terminée.

M. BERTRAND: Très bien.

Aéroport de Sainte-Scholastique

M. LAPORTE: Le premier ministre n'a pas de nouveau quant au projet du ministre des Affaires municipales de faire siéger la commission municipale à propos de l'aéroport de Sainte-Scholastique?

M. BERTRAND: Je pense que le ministre des Affaires municipales sera en état de répondre un peu plus tard au député de Chambly, parce que je sais que ça l'intéresse.

M. LAPORTE: Je suis allé dans cette région hier et on avait bien hâte d'avoir des nouvelles du ministre.

M. BERTRAND: Y êtes-vous allé en avion?

M. LAPORTE: Non, parce que l'aéroport n'est pas terminé; mais j'ai été obligé de leur révéler le nom du ministre qu'ils ignoraient complètement.

M. BERTRAND: Voulez-vous me dire quand vous repartez?

M. LAPORTE: Quand je repars!

Bill 79

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre propose la deuxième lecture de la Loi modifiant la loi des décrets de convention collective.

L'honorable ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Maurice Bellemare

M. BELLEMARE: Je suis très reconnaissant à la Chambre d'avoir bien voulu suspendre d'autres travaux pour mepermettre,cetaprès-midi, de faire étudier ces trois lois qui sont certainement dictées par l'intérêt public et par les circonstances. Cette loi, qui porte le no 79, Loi modifiant la loi des décrets de convention collective, est devenue nécessaire à cause des expériences vécues. Je n'ai pas besoin de vous refaire ici tout le tableau et toute la genèse de la formation des comités paritaires dans la province de Québec.

Il s'est fait énormément de bien par ces comités paritaires dans chacun des décrets et dans chacune des régions. C'est avant tout, M. le Président, cette loi, un grand besoin que nous avons de modernisation des procédés et particulièrement de toutes nos méthodes administratives qui ont amené le ministère à établir ce modèle administratif. Nous l'avons soumise au conseil supérieur du travail, au conseil consultatif du travail qui, lui aussi, l'a regardée de très près et nous a donné son adhésion que j'ai ici — je n'ai pas besoin de la lire — c'est sûr.

Mais plusieurs se demandent pourquoi des règlements généraux au lieu de règlements particuliers dans des cas spécifiques. M. le Président, le ministère veut éviter toute forme de discrimination à l'endroit d'un comité paritaire particulier puisque tous seront soumis, peu importe leur dimension, aux mêmes normes générales d'administration. Les règlements particuliers devront s'ajuster, donc, en conséquence, il est impensable, également, de vouloir réviser, un à un, les règlements de quelque 100 comités paritaires; ceux-ci présentent actuellement une véritable mosa'ique de particularismes.

Est-ce que les méthodes et les procédés actuels sont tellement déficients que les parties elles-mêmes ne pourraient pas apporter ces correctifs nécessaires au sein même de leur administration et de leur bureau de direction? Malheureusement, M. le Président, on constate un manque immense d'uniformité, et le ministère n'avait aucune autorité pour apporter des correctifs. On avait véritablement un champ d'administration extrêmement large sur lequel le ministère et le ministre lui-même n'avaient aucun pouvoir de sanctions et ne pouvaient apporter, en certaines circonstances, à cause de certains abus, certaines résolutions qui auraient avantagé certains membres et causé certains torts à l'intérêt public. Le ministère, ni le ministre n'avaient l'autorité pour apporter ces correctifs. Les parties elles-mêmes ont déjà cherché à créer, je les en félicite, un climat favorable aux changements, à l'intérieur même de leurs propres structures, en créant une fédération des comités paritaires.

Celle-ci n'a pu déterminer, maintenant, des normes identiques d'administration dans le cadre de la liberté de chacun de ces comités. Plusieurs nous ont dit, et avec raison: Ne craignez-vous pas, M. le Ministre, une mainmise de l'Etat sur les comités paritaires? Le chef de l'Opposition et d'autres membres de cette Chambre pourront peut-être me dire que c'est un caprice du ministre, que c'est une demande en vue d'accaparer plus de pouvoirs, plus de contrôle, et que l'Etat aurait, demain, une certaine mainmise sur tous les comités paritaires. Je dis, M. le Président, que les parties conservent toute leur autonomie administrative et aucune norme générale ne sera imposée, jamais, sans que le conseil consultatif, c'est-à-dire l'ancien conseil du travail, le conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre soit consulté et qu'il donne son adhésion. Les parties aux négociations collectives préalables au décret sont représentées à ce conseil consultatif par la CSN et par la FTQ et aussi par le conseil du patronat.

Vous allez peut-être me dire, M. le Président, avec beaucoup d'à-propos: Mais vous ne pouviez pas, d'autorité, modifier vous-même les règlements qui sont déjà en vigueur? Je réponds, M. le Président, que la Loi des décrets des conventions collectives ne donnait pas au ministre l'autorité de modifier les règlements déjà en vigueur.

Ceci ne pouvait être fait que lors d'une présentation originale pour approbation et les règlements actuellement en vigueur, déjà vieux de plusieurs années, ont grandement besoin de revision.

Il y a une dernière question qui s'impose, je crois, M. le Président, c'est: Qui va payer les frais de cette modernisation de l'administration de nos comités paritaires? Ce sont les comités paritaires eux-mêmes qui vont faire les frais de la modernisation, et je suis sûr qu'ils y sont très bien préparés. Celle-ci, effectivement, se résoudra en coûts réduits de fonctionnement en raison de normes générales qui s'appliqueront demain et qui apporteront beaucoup plus de facilité et aussi de planification dans l'organisation particulière ou générale des règlements et des résolutions.

Des procédés nouveaux et des méthodes pourront maintenant être uniformisés et certains services pourront être mis en commun comme, par exemple, le traitement des données ou tout autre projet. Le ministère met actuellement en

place, à sa Direction générale des normes de travail, des ressources nouvelles pour répondre au besoin de la grande normalisation de ces comités paritaires.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Ahuntsic.

M. Jean-Paul Lefebvre

M. LEFEBVRE: M. le Président, je voudrais tout d'abord exprimer ma joie de voir le ministre du Travail revenu en cette Chambre. Nous lui souhaitons un prompt et complet rétablissement. Je sais que le ministre a trois bills à proposer à la Chambre cet après-midi; il y en a peut-être un sur lequel nous aimerons discuter un peu plus longuement. Quant à celui-ci, le bill 79, nous en favorisons le principe. Je pense que nous sommes prêts à voter dès maintenant ou dans quelques instants sur le principe du bill en deuxième lecture. Cependant, j'aimerais dire d'avance au ministre — remarquez que je n'aurais pas eu d'objection... je viens tout juste de recevoir de ma secrétaire le texte d'un amendement que nous voulons lui soumettre en comité — que dès ce moment-ci je veux souligner que l'amendement que nous allons, en toute bonne foi et sans esprit partisan, suggérer au ministre tout à l'heure, à notre avis, ne fait que renforcer le principe du bill. Alors, je ne veux pas faire un long discours à ce moment-ci, je répète que nous sommes heureux de voir le ministre du Travail en Chambre et que nous sommes prêts à voter en deuxième lecture et à poursuivre le dialogue en comité dans un instant.

M. BELLEMARE: M. le Président, pour ne pas allonger le débat, je voudrais simplement remercier l'honorable député d'Ahuntsic de ses bons voeux, et Dieu sait que pendant la période que je traverse, j'en ai besoin! L'amendement qu'il veut proposer est un amendement qui, dit-il, renforce la portée du bill, mais nous aurons l'occasion d'en parler tout à l'heure.

Il est complètement inutile, puisqu'au conseil consultatif rien ne sera passé sans l'avis de ceux-mêmes qui proposent actuellement l'amendement...

M.LEFEBVRE: On verra cela en temps et lieu.

M. BELLEMARE: Ils seront là pour discuter, approuver ou rejeter, parce qu'ils sont membres du conseil consultatif.

Alors, M. le Président, je serais prêt, si vous voulez passer en comité plénier.

M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture sera-t-elle adoptée?

Adopté.

L'honorable ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre propose que je quitte le fauteuil et que la Chambre se forme en comité plénier pour l'étude du bill 79. Cette motion sera-t-elle adoptée?

Adopté.

Comité plénier

M. SAUVAGEAU (président du comité plénier): A l'ordre!

M. LEFEBVRE: Je ne sais pas si le ministre a un nouvel exposé à faire à ce stade-ci; s'il le permet, j'expliquerais le bien-fondé de la modification que nous lui suggérons d'apporter au bill.

Le ministre, au cours de son exposé en deuxième lecture, a mentionné qu'il avait reçu l'appui unanime du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre quant à ce projet. Je prends sa parole, et je n'ai pas de document à cet effet, mais je prends la parole du ministre a l'effet qu'effectivement, il a reçu cet appui.

Mais, quant à nous, il nous semble qu'il y a dans le libellé de l'article 1, deuxième paragraphe... une imprécision...

M. BELLEMARE: 19a)?

M. LEFEBVRE: Oui, 19a). L'article 1 de la Loi des décrets modifiant l'article 19a). L'article 1 du bill 79. Or, je lis cet article. Cela se lit comme suit: « Le lieutenant-gouverneur en conseil peut, après consultation du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, adopter des règlements généraux concernant les règlements qu'un comité paritaire peut adopter. » Or, je pense que ce texte n'est pas suffisamment clair. Quant à moi, je ne mets pas en doute l'esprit qui anime le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre et je crois savoir que, dans le climat actuel, disons, il ne fait pas de doute que le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre va effectivement consulter le conseil consultatif et que sa façon de le consulter sera de soumettre à ce conseil les projets de règlements.

Mais quand on adopte des lois, je pense qu'on ne les adopte pas pour quinze jours, on les adopte le mieux possible de façon à ce qu'elles répondent aux besoins et à ce qu'elles soient un guide pour les administrateurs, quelle que soit leur mentalité ou leur faiblesse particulière. Encore une fois, je ne voudrais pas du tout que le ministre prenne ça comme une mise en doute de

ses bonnes intentions à lui ou des intentions de ses fonctionnaires. Si le ministre veut en changer la rédaction, cela nous est complètement égal, mais il nous semble qu'il y aurait lieu de clarifier ce paragraphe, par exemple de la façon suivante. Je cite le texte de l'amendement que nous suggérons: « Le lieutenant-gouverneur en conseil peut, après en avoir soumis le texte au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre et avoir requis l'avis de ce conseil, adopter les règlements généraux, etc. »

Tout ce que ceci change, c'est que cela précise davantage la nature de la consultation que le ministre doit faire, parce que, selon le texte de la loi, tel qu'il est proposé, je pense qu'il y a une équivoque et je crois que le ministre pourrait faire une consultation qui serait d'ordre très général, ensuite préparer ses projets de règlements et les faire adopter par le lieutenant-gouverneur en conseil. Je ne dis pas que c'est ce que le ministre va faire, ni que c'est ce qu'il se propose de faire, mais je dis, et après consultation avec ses fonctionnaires, peut-être conviendra-t-il de mon argumentation. Je dis que, s'il le voulait, il pourrait en respectant le texte de la loi tel qu'il nous est soumis, faire en sorte que cette consultation soit très vague.

L'amendement que nous suggérons, on s'en souviendra, s'inspire, si vous voulez, du même esprit qui a été appliqué par le législateur lorsqu'il s'est agi d'établir les responsabilités du Conseil supérieur de l'éducation, par exemple. On sait que le ministre de l'Education doit soumettre au Conseil supérieur de l'éducation les projets de règlements.

Alors nous suggérons simplement au ministre, encore une fois, s'il veut changer deux mots et en faire son amendement à lui — on ne fera pas de chicane de procédure — mais nous croyons qu'il y a là une nuance importante et qu'il y aurait lieu pour le ministre de boucher, si vous voulez, ce trou, de clarifier cette équivoque, en indiquant clairement dans l'article 1 amendant l'article 19 a) de la Loi des décrets, que ce pouvoir du lieutenant-gouverneur en conseil est un pouvoir qui oblige quand même le lieutenant-gouverneur en conseil à consulter le conseil consultatif, non pas d'une façon vague, mais à soumettre au conseil consultatif le texte même des règlements qu'il se propose d'adopter.

Bien sûr, le gouvernement, ensuite, a la liberté d'accepter ou non les recommandations du conseil consultatif. Nous ne voulons pas que le ministre ou le lieutenant-gouverneur en conseil soient liés par les recommandations, mais nous voulons que ce soient les vrais papiers qui soient transmis au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre et non pas que cette consultation revête les formes trop floues qui ne répondraient pas aux aspirations des parties et qui ne répondraient pas, j'en suis sûr, a l'intention du ministre, lorsqu'il a fait préparer ce projet de loi.

M. BELLEMARE: Je n'ai pas besoin de vous dire, M. le Président, que le député d'Ahuntsic n'a pas fréquenté depuis longtemps notre Conseil consultatif du travail, parce qu'il y trouverait un changement extraordinaire.

M. LEFEBVRE: C'est parce que vous ne m'avez pas invité.

M. BELLEMARE: Quand les membres du Conseil du patronat et ceux des centrales syndicales viennent à un comité, comme ils l'ont fait l'autre jour donner leur témoignage public sur la manière dont ça fonctionne et sur les résultats heureux qu'ils obtiennent, je n'ai pas besoin de vous dire que le ministre est heureux de cette participation.

L'argument de l'honorable député d'Ahuntslc est peut-être valable, mais il oublie qu'il y a un article de la loi qui est formel; c'est l'article 2 de la Loi du conseil consultatif. L'article 2, c'est fantastique, c'est vous-même...

M. LEFEBVRE: Je le sais.

M. BELLEMARE: ... qui, de votre siège, m'avez obligé à faire ça.

M. LEFEBVRE: C'est ça.

M. BELLEMARE: Alors, j'ai écouté, cette fois-là.

M. LEFEBVRE: J'ai de la suite dans les idées.

M. BELLEMARE: Vous n'en avez pas aujourd'hui.

M. LEFEBVRE: Ah oui!

M. BELLEMARE: C'est vous qui m'avez dit: « Le ministre doit ». Alors, j'ai dit: C'est inscrit « peut » à l'article 2. Alors, sur votre conseil à vous, en Chambre ou en comité, nous avons écrit « doit » et c'est devenu une loi.

M. LEFEBVRE: Lisez-le.

M. BELLEMARE: « Le conseil doit donner

son avis au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre sur toute question que celui-ci soumet relativement aux sujets qui relèvent de la compétence du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre ». Alors, c'est vous qui m'avez demandé que ce soit un devoir, une obligation d'aller au conseil.

Nous avons accepté et nous n'avons jamais...

M. LESAGE: C'est un bon employé de chemin de fer; il prend les « sidings » facilement.

M. BELLEMARE: Bien non!

M. LESAGE: Que faites-vous alors?

M. BELLEMARE: Alors, il reste un fait sûr, c'est que, d'abord, nous avons notre loi qui dit que le lieutenant-gouverneur en conseil, après consultation du conseil consultatif...

M. LEFEBVRE: Mais, quelle sera la nature de cette consultation?

M. BELLEMARE: La consultation, lisez l'article: « Adopter des règlements généraux concernant les règlements qu'un comité paritaire peut adopter ». Ce seront des règlements généraux qui seront soumis au conseil. La loi m'oblige à les envoyer, ces règlements généraux, qui nous sont transmis par la fédération des comités paritaires.

M. LEFEBVRE: M. le Président, je ne voudrais pas que le ministre se force cet après-midi; je vais juste lui poser une question. Le ministre est-il d'accord pour soumettre au Conseil consultatif de la main-d'oeuvre et du travail le texte des règlements qu'il se propose de faire adopter par le lieutenant-gouverneur?

M. BELLEMARE: C'est ça qu'on dit.

M. LEFEBVRE: D'accord. C'est réglé, c'est inscrit au journal des Débats.

M. BELLEMARE: C'est au journal des Débats et c'est notre intention...

M. LEFEBVRE: Une minute.

M. BELLEMARE: Le ministre qui ne ferait pas ça... J'en profite pour dire que c'est la paix au ministère du Travail depuis que nous faisons ça.

M. LEFEBVRE: Je le sais. D'accord.

M. BELLEMARE: Si le ministre ne s'occupe pas du Conseil consultatif du travail, ne lui demande pas son opinion, ne la reçoit pas et ne l'écoute pas, ça sera la chicane dans la cabane. Tandis qu'aujourd'hui, c'est la paix avec tout le monde.

M. LEFEBVRE: D'accord.

M. BELLEMARE: Pensez-vous que nous allons déroger à cette bonne tradition que nous sommes à établir: Il y a des relations amicales qui sont pour le mieux-être de tout le monde.

M. LEFEBVRE: M. le Président, je suis d'accord avec le ministre, mais le problème, c'est que nous ne sommes pas dans un conseil de famille; nous sommes à l'Assemblée nationale.

M. BELLEMARE: Oui, mais j'assure...

M. LEFEBVRE: Attention! Le ministre a très bien répondu à ma question. D'ailleurs, je l'ai abîmé de fleurs cet après-midi.

M. BELLEMARE: Oui, c'est vrai et c'est rare.

M. LEFEBVRE: Mais, tout ce que je lui dis, c'est de relire le journal des Débats. Qu'il se fasse venir l'épreuve tout de suite, il vient de dire à la Chambre que ce texte de loi, dans son esprit, veut dire que le ministre sera tenu ou, enfin, qu'il est d'accord — il n'est pas tenu, il peut; nous laissons ça comme ça — pour transmettre au conseil consultatif le texte même de ces projets de règlements. Il dit: C'est ce que je veux. Mol, je lui dis: Mettez-le dans la loi. Ce n'est pas ce qui est écrit dans la loi. Entendez-vous avec vos amis.

M. BELLEMARE: Je dis, M. le Président, que la loi est bien faite, que les intentions du ministre sont pures...

M. LEFEBVRE: Oui, les intentions du ministre sont pures, mais...

M. BELLEMARE: ... et, surtout, que les résultats vont être tangibles.

M. LEFEBVRE: Nous n'insistons pas pour que ce soit notre texte. Il pourrait consulter les officiers et faire un texte qui soit conforme à sa réponse. Que le ministre écoute attentivement. Ce n'est pas une bataille de mots. Les mots veulent dire quelque chose. Il est écrit

ici: « Le lieutenant-gouverneur en conseil peut, après consultation du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, adopter des règlements... » Mais il n'est pas écrit que la façon de consulter le conseil sera de lui transmettre le projet de ces textes de règlement.

Le ministre dit que c'est cela qu'il veut faire. Pourquoi ne l'écrit-il pas dans la loi?

M. BELLEMARE: C'est tellement clair! M. LEFEBVRE: Non, ce n'est pas clair.

M. BELLEMARE: II faudrait que je dise que ce sera envoyé par messager spécial...

M. LEFEBVRE: Non, non!

M. BELLEMARE: ... par la poste de l'honorable M. Keirans avec une augmentation des tarifs postaux...

M. LEFEBVRE: Non, non!

M. BELLEMARE: ... que tout cela devrait être dans la loi pour être bien sûr que cela se rende. De main à main, de personne à personne. Et puis surtout que la réponse me revienne, bien sur, de main à main, par l'auguste poste de Sa Majesté dirigée par M. Kierans.

M. LESAGE: Le ministre est mieux!

M. BELLEMARE: Oh...

M. LESAGE: Le naturel revient au galop!

M. BELLEMARE: Oui, mais. .

M. LESAGE: J'ai bien confiance, moi.

M. BELLEMARE: Moi aussi, je voudrais bien l'avoir.

M. LESAGE: Je ne vois pas pourquoi le ministre ne voudrait pas adopter un langage plus précis. Il s'agit de consulter le Conseil consultatif du travail. Le ministre l'indique.

Il va le faire, mais il y a toute la différence du monde entre consulter quelqu'un sur un principe et consulter quelqu'un sur un texte.

Je ne voudrais pas déroger au règlement, mais c'est le cas, par exemple, du bill de la Communauté urbaine de Montréal. De la Communauté urbaine de Québec aussi. Nous avons discuté de principes, nous avons discuté sur des textes qui étaient des documents de travail. Aujourd'hui, nous discutons sur des textes de projets de loi. Cela fait toute la différence du monde lorsqu'on discute sur un texte au lieu de discuter sur un principe. Une consultation sur des textes est toujours beaucoup plus rentable qu'une consultation sur un principe.

Je ne vois pas pourquoi le ministre aurait des objections. C'est une modification qui est très simple. Peut-être y a-t-il moyen d'améliorer le langage suggéré, mais je pense qu'il est très précis et que le ministre devrait l'accepter.

M. BELLEMARE: M. le Président, c'est ce que nous avons fait au sujet de la représentativité dans le bill 290 et nous n'étions pas obligés de le faire. Tout le monde le sait. Nous n'étions pas obligés de le faire au sujet de la représentativité et nous avons soumis l'affaire au Conseil consultatif. Cette fois-là, lui, il s'était battu pour que ce soit dans le texte. Nous lui avons dit; Ne faites donc pas cela.

M. LESAGE: Lui, c'est qui?

M. BELLEMARE: L'honorable député d'A-huntsic a dit: Cela n'a pas de bon sens. Il m'a donné une volée avec un quartier de bois franc. Nous avons dit: Ne faites donc pas cela!

M. LESAGE: Oubliez ces choses-là.

M. BELLEMARE: Je m'en souviens. J'ai encore le journal des Débats.

M. LESAGE: Encore des marques?

M. BELLEMARE: Des marques. Je dis au député que c'est sûr que ce sera ainsi. C'est écrit dans le journal des Débats. On pourra me le dire et me le répéter. Je le dis.

M. LESAGE: C'est la loi qui compte.

M. BELLEMARE: Vous verrez que le ministre et ceux qui travaillent avec le Conseil consultatif... Maintenant, c'est un bijou de conseil. Cela fonctionne avec des représentants dynamiques, des hommes extraordinaires, qui sont assidus. Ils siègent deux ou trois fois par mois et quelquefois quatre fois par mois. Cela ne s'était jamais fait.

M. LESAGE: Si le ministre ne veut pas l'inscrire à l'article 19a), il va certainement consentir à l'inscrire à l'article 19b). Qu'il lise l'article 19b).

M. BELLEMARE: Oui.

M. LESAGE: Si le ministre veut bien lire le texte de l'article 19b)...

M. BELLEMARE: Oui.

M. LESAGE: ... il verra que le conseil des ministres pourrait « abroger tout règlement en vigueur d'un comité paritaire ou toute disposition contenue dans un tel règlement ». M. le Président, le lieutenant-gouverneur en conseil a un pouvoir absolu, il n'a aucune raison à donner, il n'a qu'à adopter un arrêté ministériel et il peut d'autorité changer tout règlement en vigueur d'un comité paritaire. M. le Président, le moins que l'on puisse demander...

M. BELLEMARE: Oui.

M. LESAGE: ... c'est que dans le cas de l'article 19b), il y ait également consultation du conseil consultatif. C'est le moins qu'on puisse demander, c'est un pouvoir extraordinaire qu'on demande.

M. BELLEMARE: Mais quand est-ce que le lieutenant-gouverneur va aller à l'arbitraire?

M. LESAGE: Eh bien, si le lieutenant-gouverneur n'est pas pour le faire, qu'on biffe l'article 19b).

M. BELLEMARE: Non, non!

M. LESAGE: Cest l'un ou l'autre. Ou le lieutenant-gouverneur en conseil a besoin du pouvoir ou il n'en a pas besoin. S'il n'en a pas besoin, qu'on biffe l'article. S'il en a besoin, qu'on mette au moins l'obligation de consultation. Parce que c'est un pouvoir — je n'aime pas utiliser le mot — mais c'est un pouvoir dictatorial.

M. BELLEMARE: II y a une chose, M. le Président, qui reste sûre, c'est que le ministre ne peut pas abroger un décret.

M. LESAGE: Oui, vous allez avoir le droit. M. BELLEMARE: Oui mais...

M. LESAGE: Vous allez avoir le droit d'abroger tout règlement en vigueur d'un comité paritaire, ou toute disposition contenue dans un tel règlement et ceci, sans aucune consultation. C'est exorbitant et c'est un pouvoir dictatorial, me semble-t-il. Et si le ministre s'impose, comme il le dit, dans l'article 19a)...

M. BELLEMARE: Oh non!

M. LESAGE: ... l'obligation de consulter le conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, combien, à plus forte raison, devrait-il se l'Imposer dans les cas prévus à l'article 19b).

M. BELLEMARE: Quand on a, M. le Président, vécu cette Loi des décrets des conventions collectives et qu'on a eu à la...

M. LESAGE: Vous n'en avez pas besoin du pouvoir de l'article 19b)?

M. BELLEMARE: Un instant, M. le Président.

M. LESAGE: Bien oui!

M. BELLEMARE: Et je n'ai pas d'objection, pas du tout, à trouver une formulation.

M. LESAGE: Ah, tant mieux! Cela va déjà mieux.

M. BELLEMARE: M. le Président, quand on a vécu cette Loi des décrets de la convention collective et qu'on s'est aperçu que ce gros livre, qui donne des pouvoirs extraordinaires à tout le monde, n'en donnait pas au ministre, lui qui a toute la responsabilité de justifier cela devant l'opinion publique. Il n'avait seulement pas, en fait, le pouvoir coercitif, ni le pouvoir de le faire accepter en vertu de la Loi des enquêtes.

M. LESAGE: C'est mieux.

M. BELLEMARE: Et puis tout le monde, mon cher monsieur, pouvait, à un moment donné s'accorder — et je ne voudrais pas répéter ici des choses qu'on a trouvées et qui sont lamentables pour le bien public et pour l'intérêt général. Les comités paritaires sont composés de bonnes gens. Il y a eu des excès mais ce n'est pas l'ensemble.

M. LESAGE: Oui, je connais les abus. Je les connais parfaitement bien.

M. BELLEMARE: Bon, alors...

M. LESAGE: Mais même là, M. le Président...

M. BELLEMARE: Oui.

M. LESAGE: ... pour éviter l'odieux au ministre...

M. BELLEMARE: Oui, je...

M. LESAGE: ... et au lieutenant-gouverneur en conseil, je pense qu'il y aurait lieu de consulter le conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Et d'ailleurs, cela aidera le ministre. Cela lui donnera plus d'autorité. Pas « peut », « doit ».

M. BELLE MARE: Disons, M. le Président: Le lieutenant-gouverneur en conseil peut consulter...

M. LESAGE: Non, non. Le lieutenant-gouverneur en conseil...

M. BELLE MARE: Peut.

M. LESAGE: Non, c'est très simple: « Après »...

M. BELLE MARE: Peut. M. LESAGE: Peut, après... M. BELLEMARE: Consultation.

M. LESAGE: « ... consultation du conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre... »

M. BELLEMARE: C'est cela.

M. LESAGE: « ... abroger tout règlement en vigueur d'un comité paritaire ou toute disposition comprise dans un tel règlement... »

M. BELLEMARE: D'accord.

M. LESAGE: « ... ou, selon le cas,... »

M. BELLEMARE: Vous allez faire un Jaloux, là. Le député d'Ahuntsic va dire...

M. LESAGE: Mais non.

M. BELLEMARE: ... Il prend le sienet il ne prend pas le mien.

M. LESAGE: M. le Président, c'est son idée...

M. LEFEBVRE: Non, M, le Président, si le ministre ne sortait pas de l'hôpital, Je lui redonnerais une volée de bois vert, mais compte tenu des circonstances, Je vais l'en exempter. Mais Je reste convaincu qu'il n'aurait fait qu'améliorer son affaire, enfin son affaire, notre affaire.

M. BELLEMARE: Une volée de bols vert?

M. LEFEBVRE: Oui.

M. BELLEMARE: Même si Je ne suis pas en condition trop, trop, Je ne sais pas ce que je ferais.

M. LEFEBVRE: Non, mais j'aurais mauvaise conscience.

M. BELLEMARE: Merci, M. le député. M. LEFEBVRE: Nous allons laisser faire. M. BELLEMARE: Il reste, M. le Président...

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Un instant. Est-ce qu'on pourrait nous donner le texte précis de l'amendement?

M. BELLEMARE: Oui.

M. FRASER: Je veux juste demander au ministre; Est-ce que vous avez l'espoir, par cet article 2, de changer les règlements du comité paritaire...

M. BELLEMARE: De les uniformiser, oui.

M. FRASER: Oui. Je vous demande quelque chose. Après le dernier décret qui est sorti en octobre de cette année...

M. BELLEMARE: Voulez-vous parler devant le micro, s'il vous plaît?

M. FRASER: ... pour le comté de Huntingdon, un décret est sorti, en octobre, et le comité paritaire a envoyé des règlements à tous les entrepreneurs, tous les gens du comté. Depuis cela, les entrepreneurs ont congédié beaucoup de monde et les autres ne savent pas quoi faire: les congédier ou les garder ou envoyer l'argent.

M. BELLEMARE: Il faudrait que le député me dise quel décret. De quel décret: Il y en a cent.

M. FRASER: Ce sont les plombiers pour une classe et les charpentiers pour une autre.

M. BELLEMARE: Non. Ce n'est pas un décret, ça.

M. FRASER: Le décret est sorti en octobre.

M. BELLEMARE: Non. C'est une convention collective en vertu du bill 290 qui a été négociée dans la construction. Il y a eu après la

promulgation de la convention collective qui est devenue applicable à toutes les régions.

M. FRASER: Dans la région de Saint-Hyacinthe, Saint-Jean, et nous autres, à Huntingdon, nous n'avons pas d'union du tout. Par le décret Huntingdon a été ajouté à la région de Saint-Hyacinthe et Saint-Jean. Comme ça, l'union entre maintenant.

M. BELLEMARE: II n'y a rien qui concerne le bill qui est présentement à l'étude. Ceci est une longue discussion qu'il faudra faire sur le bill 290, quand Huntingdon a été ajouté aux parties de Saint-Jean et Saint-Hyacinthe, en vertu de 290, dans les zones et dans les territoires... C'est une convention collective qui est intervenue entre les cinq grandes associations patronales et les deux grandes centrales syndicales, CSN et FTQ, qui ont, à ce moment-là, d'un commun accord accepté une brique épaisse.

M. FRASER: Je veux vous demander quelque chose. Quand cette loi sera passée, vous pourrez changer les règlements du comité paritaire qui gouverne le comté d'Huntingdon et les autres, n'est-ce pas?

M. BELLEMARE: C'est-à-dire que les négociations, en ce qui concerne le député doivent commencer sous peu et les décisions être en vigueur à partir du 1er mai 1970. Cela couvrira tous les décrets de la construction, des plombiers, des électriciens, des constructeurs de maisons et de routes. Cela commencera à être négocié d'ici quelque temps, peut-être d'ici au 15 décembre, pour être en vigueur et sanctionné le 1er mai 1970. C'est là que l'argument de l'honorable député pourra avoir sa raison et son explication.

M. FRASER: C'est ce que je demande au ministre, c'est d'essayer de mettre un peu d'ordre dans l'affaire, parce qu'il y a du monde sans travail maintenant.

M. BELLEMARE: Croyez-moi, je pense que, si le député connaissait le travail que nous avons à faire dans ce domaine, il pourrait peut-être demander à ceux qui se sont particulièrement intéressés à ce domaine de la construction quel fouillis indescriptible il y avait avant; aujourd'hui ce n'est peut-être pas parfait, nous l'admettons, mais, dans les négociations qui vont commencer très prochainement, nous allons essayer de faire les alignements voulus pour essayer de rendre justice à tout le monde.

M. FRASER: Dans le comté de Huntingdon, nous ne sommes pas habitués de payer $4.50 pour les charpentiers ou les plombiers. Si vous mettiez ça à $3 maintenant, tout le monde serait d'accord.

M. BELLEMARE: C'est un cas de négociation entre les parties contractantes, ce n'est pas la faute du ministre. Ce sont les parties contractantes qui, lors de l'étude du bill 290, dans l'application de la convention collective, à travers les dix grandes régions de la province, ont établi des critères, des barèmes de salaires. Les parties contractantes qui représentent les cinq grandes associations patronales et la FTQ et la CSN, qui représentent le syndicalisme, ont dit à ce moment-là: Nous nous sommes entendues. Cela n'a pas été facile. Cela a duré des jours et des jours. Et là, ça recommence.

M. FRASER: Mais le décret d'octobre a été émis par qui? C'était publié dans la Gazette officielle. Par le ministère du Travail, n'est-ce pas?

M. BELLEMARE: Oui, c'est sûr.

M. FRASER: Pour couvrir le comté de Huntingdon qui n'était pas couvert avant?

M. BELLEMARE: Le 27 octobre, tout le monde a eu le temps — parce qu'il y a eu des avis dans la Gazette officielle — de faire de la représentation, et un ordre en conseil a sanctionné ces grandes conventions collectives, qui sont devenues lois. C'est sûr. Je ne peux pas, à cause d'un particularisme comme vous le dites, intervenir dans une grande convention collective qui groupe toutes les associations.

M. FRASER: Je sais, mais je demande au ministre, en mai prochain, d'essayer de régler les salaires... Ce ne sera pas un grand pas tout d'un coup. Il faut commencer par des petits pas.

M. BELLEMARE: Le meilleur moyen, ce sera peut-être de voir M. Louis Laberge. Il est bon pour « fighter » ça.

M. FRASER: M. Louis Laberge? Mais, le ministre pourrait nous aider un peu pour rendre justice.

M. BELLEMARE: Peut-être aussi M. Marcel Pepin.

M. LESAGE: Est-ce que le ministre va nous

faire la même déclaration au sujet de M. Laber-ge lorsque nous en viendrons à l'étude...

M. BELLEMARE: Non, M. le Président, mais je dirai quelque chose à son sujet, qui changera peut-être...

M. LEFEBVRE: Non, sans lire les journaux.

M. BELLEMARE: ... ce que pense le chef de l'Opposition.

M. LESAGE: Adopté, M. le Président. M. CLICHE: M. le Président,... M. BELLEMARE: Oui.

M. CLICHE: ... quelques remarques. Je comprends de par les amendements qu'apporte le ministre qu'il n'est pas tellement heureux, disons, des règlements qu'adoptent habituellement les comités paritaires, puisqu'il intervient pour décréter qu'à l'avenir ces règlements-là devront suivre certaines normes établies par lui, disons établies par le lieutenant-gouverneur en conseil.

Alors, à l'avenir, les règlements que pourront adopter les comités paritaires devront être suivant la réglementation que le lieutenant-gouverneur va adopter. Si je comprends bien, c'est de cette façon-là que cela va fonctionner à l'avenir. Ce qui m'inquiète un peu, c'est... Dans ce cas-là, évidemment, après consultation, avec...

M. BELLEMARE: Uniformisation.

M. CLICHE: ... le comité. A l'avenir, disons que le ministre interviendra ou aura le droit d'intervenir pour délimiter le genre de règlements, la forme de règlements et la sorte de règlements que les comités paritaires auront le droit d'adopter à l'avenir. Disons que le ministre obtient ce droit-là. Mais, c'est pour le passé, pour les règlements qui existent actuellement. Là, lui, il veut que la Législature lui donne le droit de les abroger, ces règlements-là. Le ministre demande ça sans avoir consulté. Sans aucune formalité préalable, le ministre aura le droit d'abroger tout règlement actuellement en existence et adopté par les comités paritaires. Ce qui m'étonne, c'est qu'il n'y a absolument aucun mécanisme de consultation prévu. Je voudrais que le ministre m'écoute une seconde. Il n'y a absolument aucun mécanisme de consultation. Il y a certainement toute une série de règlements qui sont légaux, qui impliquent toute une série de personnes d'un métier ou d'un territoire; et puis, on aurait le droit, du jour au lendemain — le ministre, selon l'article 19b) — d'intervenir et d'aborger les règlements.

M. BELLEMARE: Non, non, après consultation du Conseil supérieur du travail.

M. CLICHE: Oui, oui, le Conseil supérieur du travail, mais est-ce que l'on consulte les membres d'un comité paritaire, en particulier? On va aller abolir des règlements qui ont été adoptés en bonne et due forme selon la réglementation actuelle, et puis on va les abolir sans même consulter ces gens-là du milieu. Bien oui, c'est ça. Le ministre se fait donner ces pouvoirs-là. Si ce n'est pas ça qu'il veut, eh bien, qu'il n'amende pas la loi dans ce sens-là. C'est ce qui me frappe. C'est qu'il n'y a aucun mécanisme de consultation. Je me demande pourquoi le ministre vient demander de tels pouvoirs, actuellement. S'il veut nous le dire, qu'est-ce qui l'incite à présenter un tel projet de loi?

Il ne veut pas le dire.

M. BELLEMARE: M. le Président, c'est pour uniformiser les formules administratives. Il n'est pas question de discrimination; au contraire, nous consultons. D'ailleurs, en vertu de la Loi de la convention collective, on n'avait rien, rien. On pouvait passer n'importe quelle résolution et édicter n'importe quel règlement.

M. LESAGE: Payer des montants exorbitants.

M. BELLEMARE: On avait payé des montants, $500 pour une séance, comme jeton.

M. LESAGE: C'est plus payant que d'être administrateur...

M. BELLEMARE: Voyons donc! M. LESAGE: ... de banque. M. BELLEMARE: Pardon?

M. LESAGE: C'est plus payant que d'être directeur...

M. BELLEMARE: Voyons donc! M. LESAGE: ... de banque.

M. BELLEMARE: Voyons donc! Il y a des choses que je ne veux pas dire.

M. LEFEBVRE: M. le Président...

M. BELLEMARE: On ne cherche pas à faire

de la discrimination; au contraire, on cherche à mettre de l'ordre. Ce n'est pas...

M. LEFEBVRE: ... ce que le ministre ne veut pas dire, je crois que nous le savons nous aussi, et nous sommes d'accord pour que ce soit éliminé. Mais, en fait, je trouve que mon collègue a tout a fait raison. D'ailleurs, cela enchaîne avec ce qu'a dit le chef de l'Opposition et ce que j'ai dit moi-même. Je me demande s'il n'y aurait pas lieu d'ajouter une précision, qui probablement est encore là dans l'intention du ministre. C'est bien beau de dire que le ministre veut faire cesser des abus ou empêcher la corruption. Nous sommes tous d'accord là-dessus. Seulement, tel que le texte est fait, les gens concernés apprendraient que le règlement a été abrogé en lisant la Gazette officielle.

S'ils ne la lisent pas, ils ne l'apprendront pas, parce qu'il n'y a rien dans la loi qui oblige le ministre même à aviser les intéressés. Le ministre a déjà ajouté un amendement. Là, l'article, tel que je le comprends, se lit — j'essaie de citer au texte ce que nous avons adopté tout à l'heure, bien que je n'aie pas le texte devant mol — Le lieutenant-gouverneur peut, après consultation du Conseil consultatif de la main-d'oeuvre et du travail — mol, j'ajouterais: et après en avoir avisé les intéressés — abroger tout règlement en vigueur d'un comité paritaire.

Il faudrait, quand même, qu'à un moment donné les intéressés soient avisés. Le ministre dit: Je veux corriger des choses qui n'ont pas d'allure. D'accord, mais ce n'est pas ce que le texte de loi dit. Le texte de loi donne un pouvoir d'amender les règlements. Je comprends que le ministre dit: Mol, je suis un bon gars et je n'abuserai pas. Disons que nous sommes d'accord, même là-dessus. Alors, nous sommes d'accord sur pas mal de choses. Mais il reste que, tel que la loi est écrite, cela pourrait prêter à des abus considérables.

Est-ce que le ministre ne pourrait pas...

M. BELLEMARE: Le député ne semble pas savoir comment cela fonctionne.

M. LEFEBVRE: Non, mais ce n'est pas une question de savoir.

M. BELLEMARE: Aujourd'hui, quand on nous demande de changer certains règlements, nous le faisons simplement en disant: Voulez-vous enlever cela, changer cela ou dans le prélèvement faire attention à telle chose? Nous n'avons pas de pouvoir pour dire: Vous allez le faire, sinon nous allons nous servir de la loi.

M. LEFEBVRE: Nous sommes d'accord là-dessus.

M. BELLEMARE: Nous allons continuer ce système-là. Cela ne pourra pas être changé, parce que c'est dans les moeurs des comités paritaires d'être consultés pour tout ce que nous voulons leur faire retrancher ou que nous nous ne voulons pas accepter. Nous les consultons. Les parties contractantes viennent et c'est devant elles que cela se discute; c'est là que cela s'élimine ou se règle. Pensez-vous que nous allons changer cette tactique que nous employons présentement? Si, par exemple, comme celas'est vu, on nous dit: Non, nous continuons de payer; nous continuons de faire cela. Que voulez-vous, nous n'avons plus aucun recours. Nous dirons maintenant; Ecoutez, il y a la loi et, si vous ne voulez pas le faire, bien sûr, nous allons l'envoyer au conseil consultatif et nous allons demander consultation et, après cela, nous l'abolirons.

M. CLICHE: Ne pourrions-nous pas, à l'article 19, mentionner les cas où l'intervention du ministre pourrait avoir lieu, comme les cas de malversation?

M. BELLEMARE: Ce n'est pas possible. M. CLICHE: Si le ministre me le permet... M. BELLEMARE: D'accord.

M. CLICHE : A l'article 23 a), dans l'amendement qu'apporte le ministre, on parle des cas de malversation, d'abus de confiance ou d'in-condulte. Dans ces cas-là, le ministre peut intervenir, ordonner que les pouvoirs du comité soient suspendus et nommer un administrateur. Est-ce qu'il ne devrait pas limiter son droit d'Intervenir pour l'abrogation d'un règlement aux seuls cas de malversation, d'abus de confiance et d'inconduite?

M. BELLEMARE: Si, par exemple, — je vais donner un cas concret au député — moi, je m'aperçois, comme ministre, que 1/2% c'est trop, je dis au comité paritaire: Votre prélèvement est trop fort, dans les circonstances. Vous avez $30,000 en caisse; vous devriez exiger seulement 1/4%. Cela est un règlement. Si le gars dit: Non, je vais rester à 1/2%, qu'est-ce qui arrive? Moi, je suis obligé de dire que les $30,000 qui sont là, c'est de l'argent qui a été accumulé. Ce sont des faits comme cela qui peuvent arriver tous les jours, il y a des centaines de particularismes dans la Loi des dé-

crets. Aucun décret n'est pareil, que ce soit dans la tôlerie, dans la menuiserie, dans les manufactures de portes et châssis ou n'importe quoi, il y a cent décrets, cent méthodes différentes, cent points où, quelques fois, je vols une application qui n'est pas correcte.

Je fais venir le type, je dis: Le directeur général, M. Villeneuve, vous rencontrera; discutez donc de cet aspect-là. Il nous semble, à nous, que vous allez trop loin, que ce n'est pas raisonnable, que cela n'est pas dans l'intérêt public. Il discute avec les parties contractantes; il les fait venir. C'est cela que vous avez fait, M. Villeneuve? Il a toujours consulté les gens, il y a des gens qui nous ont dit non, à un moment donné, cela va être 1/2%. La loi nous donne l'avantage, cela va être 1/2%. Nous savons qu'ils ont une caisse de $60,000. Quelquefois, il peut arriver des tentations.

M. CLICHE: Ah oui, justement...

M. BELLEMARE: ... des choses difficiles, contrôlées.

M. CLICHE: Justement. Je ne nie pas au ministre le droit et le devoir, même, d'intervenir, ni à lui ni à son ministère, mais je dis que la loi lui donne un pouvoir absolument général d'intervenir sans raison, sans même aucune justification.

Je sais que lui ne le fera pas. Mais il y en a sûrement d'autres qui vont lui succéder qui pourront le faire et qui seront tentés de le faire à un moment donné, pour toutes sortes de raisons, raisons politiques. Cela peut arriver à un moment donné que l'on utilise les pouvoirs qui nous sont accordés pour nuire à quelqu'un. C'est déjà arrivé dans le passé. C'est déjà arrivé. Le ministre est au courant.

M. BELLEMARE: Pas avec le conseil consultatif comme garde.

M. CLICHE: Le conseil consultatif donne un avis. Il ne décide pas. Il donne un avis. Est-ce qu'on va être au courant des avis que le conseil va donner avant que le ministre décide? Je ne pense pas. Le conseil consultatif va donner un avis, et si le ministre a une personnalité assez forte, le conseil va décider dans le sens de la consultation qu'il va leur demander. Je pense bien que le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre est assez habile pour obtenir une consultation qui va lui être favorable. Alors c'est pour éviter...

M. BELLEMARE: Le député sait qu'en vertu de l'article 8 des décrets de la convention collective - ledéputé sait ça-j'ai le droit d'abroger un décret sans le dire à personne. C'est dans la loi. En vertu de l'article 8, mol je dis, demain mâtin, il n'y a plus de décret. Il n'y a plus personne qui est capable de me toucher, parce qu'en vertu de l'article 8, c'est marqué. Et là, on est rendu...

M. CLICHE: Oui, là on est rendu dans les règlements.

M. BELLEMARE: Comment?

M. CLICHE: On est rendu dans les règlements, là.

M. BELLEMARE: Ah oui! on est rendu dans les règlements d'administration de régie interne. C'est bien loin de l'abrogation d'un décret. J'ai le pouvoir, en vertu de l'article 8 de la Loi des décrets de convention collective, d'abroger les décrets. Je n'ai à consulter personne. Et là, je demande un pouvoir pour changer certains règlements parce qu'il y a certains gars qui me disent non. Ils disent, les fonctionnaires de mon ministère: Nous prétendons qu'il y a des abus dans certains endroits. C'est justement ça qu'on veut éviter. On ne veut pas faire de discrimination. Au contraire! Je ne vols pas la raison de cette tempête, cet après-midi.

M. CLICHE: Ce n'est pas une tempête, non, non! C'est une discussion amicale et dans l'intérêt du ministre, probablement.

M. BELLEMARE: Oui, je comprends.

M. LEFEBVRE: J'aimerais essayer de négocier entre mon collègue d'Abitibi-Est et le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, pour voir s'il n'y aurait pas moyen d'établir un compromis. Est-ce que le ministre serait d'accord pour ajouter, après le paragraphe 19b), une phrase qui ressemblerait à celle-ci: Dans un tel cas, le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre avise immédiatement les premiers intéressés de toute décision qui est prise par le lieutenant-gouverneur en conseil? Au moins pour que les gens le sachent. Il me semble que c'est logique. Je ne vous dis pas que le ministre ne le fait pas actuellement mais ce n'est même pas écrit. Est-ce que cela ne serait pas normal que le ministre soit tenu d'aviser...

M. BELLEMARE: Vous devriez lire la Loi des décrets de convention collective. C'est épouvantable! Epouvantable!

M. LEFEBVRE: Ah, j'ai tout lu ça.

M. BELLE MARE: Demander une affaire comme ça quand la Loi des décrets me donne des pouvoirs épouvantables sur toutes sortes de choses. Et sur ça, rouspéter pour rien.

M. LEFEBVRE: Non, non ce n'est pas pour rien. Ce n'est pas pour rien.

M. BELLEMARE: En tout cas, moi Je prétends que je fais mon possible pour vous donner tous les renseignements que je possède, sans blesser personne, surtout ceux que j'ai dans ma tête qui ne sont pas ici. Alors, je le demande pour l'intérêt public.

M. PINARD: Seulement à titre d'information. Tous ces règlements qui ont été ou qui seront adoptés par les comités paritaires, est-ce qu'ils sont obligatoirement soumis au ministère du Travail à titre d'information, ou à titre d'accréditation?

M. BELLEMARE: D'approbation.

M. PINARD: D'approbation?

M. BELLEMARE: Certain. Ah oui!

M. PINARD: Alors, à ce moment-là, il me semble que les abus auxquels le ministre songe et qu'il ne veut pas nous dire peuvent être facilement évités.

M. BELLEMARE: Les nouveaux, ah oui, d'accord. Les nouveaux, ça va y être, certainement.

M. PINARD: Bon, alors d'après ce que le ministre nous dit, à l'article 19b), il voudrait légiférer pour les règlements qui ont été adoptés dans le passé et sur lesquels il n'avait pas tellement son mot à dire, lui et ses fonctionnaires.

M. BELLEMARE: C'est-à-dire d'arrêter certaines choses qui sont contraires à l'intérêt public. Puis si j'outrepassais mes pouvoirs, il y a assez de monde dans la province qui me surveillent, moi. C'est garanti qu'on en entendrait parler demain matin.

M. PINARD: Le ministre dit qu'il existe environ 100 comités paritaires...

M. BELLEMARE: Cent comités paritaires, 104 ou 102.

M. PINARD: Bon.

M. BELLEMARE: 104.

M. PINARD: Alors est-ce qu'il a objection à nous dire combien de comités paritaires peuvent être visés par les pouvoirs...

M. BELLEMARE: Combien?

M. PINARD: Combien, oui, peuvent être visés par les pouvoirs inclus à 19b)...

M. BELLEMARE: Ecoutez...

M. PINARD: ... en ce qui concerne les règlements qui, disons, seraient un peu exorbitants quant aux pouvoirs que se sont donnés les membres du comité paritaire? Enfin...

M. BELLEMARE: Pour être très conservateur, comme je le suis, c'est 90%.

Si vous voyiez les rapports que nous avons dans mon bureau, les cheveux qui vous restent seraient droits sur votre tête!

M. PINARD: Pour enchaîner sur les remarques qu'a faites le ministre tantôt, pour m'éclai-rer un peu sur la justification des pouvoirs qu'il demande à 19b), le ministre et ses officiers ont-ils des pouvoirs de surveillance quant à l'utilisation des fonds accumulés dans certaines caisses dont il a parlé tantôt?

M. BELLEMARE: Nous avons le pouvoir de surveiller le budget, parce qu'ils nous le présentent pour fixer le prélèvement en vertu de la loi. C'est là que nous le surveillons, mais nous l'avons pas mal surveillé depuis quelques années et nous avons rencontré des obstacles sérieux. On a dit: Vous avez dépassé la marge; le « guide line » est ici, et vous arrêtez là. Ce ne devrait pas être ça, ça devrait être ça. Tâchez donc d'amender ça. L'année suivante, nous nous sommes aperçus que l'amendement avait été suivi presque à la lettre, mais dans l'autre sens.

M. PINARD: J'imagine que, si le ministre se voit obligé aujourd'hui de demander des pouvoirs que nous qualifions peut-être d'exorbitants, il doit y avoir eu énormément de plaintes, et ces plaintes-là sont venues de qui?

M. BELLEMARE: De nos enquêteurs qui sont allés dans les comités paritaires faire les enquêtes de chacun des comités et qui ont rapporté des faits extraordinaires qui sont conte-

nus dans des dossiers que nous avons au ministère qui sont extrêmement confidentiels pour le moment, c'est sûr. Ecoutez, mettre en accusation certaines personnes, c'est ce que je ne voulais pas dire cet après midi. Je pense que nous en avons assez dit. Pourquoi entrer dans ça? Pourquoi commencer à avoir certains noms et commencer à dire: C'est tel comité ou tel autre? Le pourcentage, où c'est, et comment s'appelle le gars? Le député de Drummond est charitable, et je sais que c'est un gentilhomme, il y a des choses que je ne veux pas aujourd'hui... je dis simplement que j'ai besoin de ces pou-voirs-là. J'en ai besoin, parce que nous avons vécu une période, mes officiers sont des hommes extrêmement compétents et ils connaissent à fond maintenant la situation à cause des documents que nous avons en main. Ils m'ont fait cette recommandation, ils m'ont dit; M. le ministre, vous avez le devoir de demander ça à la Chambre. Alors, je le demande et je l'exécuterai, selon mon mandat, avec beaucoup de parcimonie.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Adopté?

M. LESAGE: Un instant.

Je voudrais suggérer au ministre du Travail, dans ses moments de loisir, de relire l'article 8 de la Loi des décrets de conventions collectives, et il s'apercevra que ces pouvoirs de vie ou de mort sur les décrets...

M. BELLE MARE: Il s'apercevra de quoi?

M. LESAGE: ... que les pouvoirs de vie ou de mort qu'il a invoqués tout à l'heure sont qualifiés dans l'article 8.

M. BELLE MARE: C'est bien sûr. Ecoutez. M. LESAGE: Non, mais...

M. BELLEMARE: Pensez-vous qu'au conseil des ministres je n'aurais pas un certain pouvoir?

M. LESAGE: Oui, mais il y a d'autres exigences, il faut donner des avis aux intéressés.

M. BELLEMARE: Oui, d'accord.

M. LESAGE: Très bien, j'ai rétabli les faits.

M. BELLEMARE: C'est le premièrement, le lieutenant-gouverneur en conseil...

M. LESAGE: Oui, un instant, s'il vous plaît.

Au deuxième alinéa, vous avez des qualifications, des exigences, la procédure.

M. BELLEMARE: Oui, d'accord.

M. LESAGE: Mais, il est bon qu'il soit dit que les pouvoirs...

M. BELLEMARE: Ne me l'expliquez pas, je connais la loi.

M. LESAGE: ... du ministre ne sont pas aussi absolus que ceux qu'il nous a laissé entendre tantôt. Cela m'aurait surpris qu'un tel article 8 ait été édicté donnant ce que j'appelle des pouvoirs de vie ou de mort sans condition sur les décrets de conventions collectives.

M. BELLEMARE: Je les ai quand même.

M. LESAGE: Je sais que ce n'est pas dans cet esprit-là que le ministre administre la Loi des décrets de convention collective.

M. BELLEMARE: Non.

M. LESAGE: D'ailleurs, s'il le faisait, il contreviendrait à l'article 8 de la loi.

M. BELLEMARE: Nous aurions la tempête dans la province.

M. PINARD: Ce n'est pas le fouet à Caouette.

M. LESAGE: Cela ne l'est pas, en vertu de l'article 8.

M. BELLEMARE: Adopté.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Alors, adopté tel qu'amendé. Article 2, adopté.

M. BELLEMARE: Adopté.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Article 3, adopté

M. le Président, J'ai l'honneur de vous faire rapport que le comité a adopté le bill no 79 avec les amendements qu'il vous prie d'agréer.

M. LEBEL (président): L'honorable ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre propose que les amendements soient maintenant lus et agréés. Cette motion sera-t-elle adoptée?

Adopté.

M. BELLEMARE: Pourrais-je avoir le consentement de la Chambre pour la troisième lecture?

Troisième lecture

M. LE PRESIDENT: De consentement unanime, l'honorable ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre propose la troisième lecture du bill no 79. Cette motionsera-t-elle adoptée?

Adopté.

M. BELLEMARE: 9.

Bill 80 Deuxième lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre propose la deuxième lecture de la Loi modifiant la loi des accidents du travail.

L'honorable ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Maurice Belle mare

M. BELLEMARE: M. le Président, depuis longtemps les associations patronales et particulièrement la FTQ nous demandent, par la voix du président du Comité de la prévention des accidents du travail, certaines modifications. Nous avons reçu leurs représentants, nous avons entendu leurs mémoires et nous avons cru bon d'ajouter cette année certaines recommandations qu'ils nous ont faites.

Vous avez, par exemple, les jours comptés lorsqu'un ouvrier est accidenté. Au lieu de trois jours, comme le veut la loi, ce sera maintenant payable à partir de la première journée. Il arrivait que bien des gens, connaissant la loi, étaient malades trois jours pour bénéficier de la loi. Nous enlevons cela. Plus de cachette. Nous paierons pour la première journée. C'est un gros avantage.

Il y a un autre article dans lequel on dit aussi que la revalorisation des indemnisations pourra, au lieu d'être faite obligatoirement au bout de trois ans, l'être tout de suite après un an. Elle ne sera pas faite sur le gain qu'avait à ce moment-là le travailleur, mais sur le gain qu'a actuellement le travailleur.

Je ne sais pas si on me saisit bien? C'est sur le gain actuel.

M. LESAGE: Oui.

M. PINARD: Au moment de l'aggravation de la maladie.

M. BELLEMARE: Dès qu'il y a aggravation de la maladie.

M. LESAGE: C'était de cinq ans, cela a été ramené à trois ans et puis on veut le ramener à un an.

M. BELLEMARE: A un an parce que je trouve que c'est bien juste et équitable.

M. LESAGE: Oui.

M. BELLEMARE: L'autre problème est l'indexation.

M. LESAGE: Avant cela, il y a une Journée...

M. BELLEMARE: Je l'ai dit. Je l'ai expliqué.

M. LESAGE: L'indexation. C'est cela.

M. BELLEMARE: L'indexation. Les gens nous demandent quels sont les avantages d'une indexation automatique. Une indexation automatique permet de prévoir le coût approximatif des cotisations annuelles qu'auront à payer les employeurs. Cette indexation est préférable aux augmentations sporadiques et arbitraires qu'on a déjà données dans la loi. Il y a dix ans, on a donné des augmentations et on disait: Tel pourcentage s'applique ici et là. Mais il y a eu des gens qui n'en ont pas profité. Etant systématique, elle a l'avantage surtout d'être prévisible.

Plusieurs nous demandent quelles sont les rentes qui seront particulièrement touchées par cette indexation, il faut que vous sachiez un détail assez surprenant. Chez les 16,012 rentiers que la CAT englobe avec un montant de $779,577.61, sur un nombre global de 16,083 rentiers avec $782,505.75, il y a plusieurs degrés. C'est un fait assez extraordinaire de voir que parmi les rentes analysées il se trouve 1,694 rentiers, environ 10.6% du total, pour $34,000, avec un degré d'incapacité ne dépassant pas 10%. Ce sont en grande partie des rentes provisoires qui seront annulées ou capitalisées, en règlement durant l'année.

Elles sont éliminées de l'étude que je vais vous donner maintenant et qui représente 14,318 rentiers.

La répartition de ces rentiers avec degré d'incapacité dépassant 10%, est la suivante, et cela c'est important: de 11% à 20%, il y a 8,915 personnes, soit 62.3%; de 21% à 30% d'incapacité, il y en a 2,317, soit 16.2%; de 31% à" 40%, il y en a 1,123; de 41% à 50%, il y en a 648; de 51% à 60%, il y en a 277;

de 61% à 70%, il y en a 245; de 71% à 80%, il y en a 159; de 81% à 90%, il y en a 47; et, chose assez surprenante, de 91% à 100%, il y en a 587.

M. le Président, on constate avec plaisir que la moitié du montant versé à ces rentiers revient au récipiendaire dont le degré d'incapacité ne dépasse pas 30%. C'est une chose assez extraordinaire, 30%.

La moitié du groupe est comprise entre ceux qui ont de 10% à 30% d'incapacité; de 20%, 8,915; de 30%, 2,300 et de 31% à 40%, 1,100. C'est là qu'est le groupe et c'est là que notre indexation va particulièrement frapper.

Donc, toutes les rentes sont-elles touchées par l'indexation? Je dis oui. Toutes seront affectées, non seulement celles des accidentés, mais aussi celles touchant les gens qui sont affectés par des maladies profesionnnelles et aussi leurs dépendants.

Quelles sont les provinces canadiennes qui sont soumises à un système d'indexation? Une seule province canadienne est actuellement soumise à un système tel que celui que nous proposons, c'est la Colombie-Britannique.

M. PINARD: Seulement une province?

M. BELLEMARE: Juste une province, la Colombie-Britannique.

M. PINARD: Est-ce que le ministre sait, à peu près, à partir de quelle année?

M. BELLEMARE: Pardon?

M. PINARD: A partir de quelle année y a-t-il eu un régime d'indexation, là?

M. BELLEMARE : Je crois qu'il y a à peu près trois ou quatre ans. Je n'ai pas la date, mais c'est très récent. Dans les conférences qui ont réuni différentes commissions des accidents du travail, parce qu'il y en a dans tout le Canada, nous demandions cela très ardemment, nous de la province de Québec. Nous demandions de l'indexer à 5%, mais on a dit: Nous allons plutôt l'indexer le coût de la vie à 2% pour ne pas avoir le coût réel, parce que c'était exorbitant quant au taux que cela aurait produit et à la capitalisation qu'il aurait fallu faire.

La Commission des accidents du travail, après calculs actuariels, estime le coût de la revalorisation de toutes les rentes à un montant de $2 millions pour chaque 1% d'augmentation, soit, pour l'année 1970, $4 millions, puisque l'indice des prix de la consommation a atteint une moyenne excédant 2%.

Alors, je répète que l'indexation que nous allons donner à tous les accidentés de travail représentera cette année, d'après les actuaires, un montant de $4 millions.

Quelques-uns peuvent se demander: Que représente l'augmentation de la masse des cotisations pour 1969? L'indexation constituera une augmentation estimative de 5% de la masse des cotisations.

Maintenant, pour les employeurs cotisants, le coût de l'augmentation de la cotisation sera réparti à travers la masse des employeurs qui cotisent et se réflétera sur le taux de chacune des 28 classes de leur groupe proportionnellement à leur importance relative. Si le coût — et ça, c'est important — venait à baisser, est-ce que les rentes seraient dévalorisées proportionnellement? Plusieurs peuvent se poser la question. Nous répondons que c'est une éventualité actuellement imprévisible; toutefois, si une baisse survenait dans l'indice des prix à la consommation, les rentes demeureraient où elles étaient l'année antérieure.

Je vous al donné certaines explications, je pourrais aussi vous dire quel était l'effectif des bénéficiaires des rentes à la date la plus rapprochée. L'effectif des accidentés: 15,737 avec $736,521.66 par mois; rentiers par maladie, il y en à 346 avec $46,983 par mois; veuves, 2,384 avec un total de $238,400 par mois; enfants au-dessous de 18 ans, il y en a 3,504 avec $123,114.52 par mois; enfants-étudiants, il y en a 354, $12,455.23 par mois; enfants invalides, il y en a 8, $280 par mois; enfants féminins invalides, il y en a douze, $480; autres dépendants, 33, ce qui fait $1,630 par mois. Au grand total, cela fait 22,378 rentes pour un montant de $1,158,865.50 par mois.

M. PINARD: Les statistiques données par le ministre sont pour quelle année?

M. BELLEMARE: C'est pour 1968. Ce sont les plus récentes que nous avons. C'est sûr qu'il y a augmentation, parce que nous sommes rendus il 200,000 cas d'accidents de travail actuellement par année.

M. LE SAGE: Quel est le montant du fonds accumulé?

M. BELLEMARE: Je crois que c'est un peu plus de $200 millions.

M. LESAGE: C'est $200 millions. Qu'est-ce que le ministre attend pour transférer ça à la Caisse de dépôt et de placement?

M. BELLEMARE: Dans mon discours, il est

en train de m'enlever mes plus beaux arguments. Cela c'est du Jean Lesage. Il me volt venir. Dans le discours que j'ai préparé minutieusement sur le régime des rentes...

M. LESAGE: Sur quel bill? Sur le bill 81?

M. BELLEMARE: Sur le régime des rentes, ça s'en vient. Dans mon discours, Je dirai tout ça.

M. LESAGE: C'est peut-être dans le discours, mais ce n'est pas dans le projet de loi.

M. BELLEMARE: Non. C'est vrai.

M. PINARD: Cela va être un voeu pieux.

M. BELLEMARE: Pourquoi ne l'avez-vous pas fait quand vous avez instauré le régime des rentes?

M. LESAGE: Si le ministre veut bien m'é-couter, je le référerai au journal des Débats et Je lui reprocherai de ne pas l'avoir fait dès 1966, parce que je l'avais annoncé à l'automne 1965 et j'avais dit que ce se ferait dès le printemps 1966.

M. BELLEMARE: Oui, j'ai son discours de 1965.

M. LESAGE: On peut trouver ça 5. la page 3314 du journal des Débats.

M. BELLEMARE: Je n'ai pas besoin des numéros, Je les al.

M. LESAGE: C'est une date, pour le ministre et moi, qui est remarquable, puisque c'est au mois de juin, le 9, entre la date de son anniversaire de naissance et la mienne.

M. BELLEMARE: Et le vôtre, le 10. Maintenant, pour les autres choses incidentes, la réduction de trois jours à un jour comme période non compensable, je n'ai pas besoin de donner tous les détails, il a été porté à notre connaissance que les accidentés ayant subi des accidents mineurs n'entraînant pas plus qu'une ou deux journées d'arrêt au travail ont obtenu des compensations quand même. Je l'ai dit tout à l'heure. Quelle aurait été la compensation basée sur le gain réel au moment d'une aggravation? Cela, je l'ai expliqué. L'amendement suggéré à l'article 52 rend-il un juge non éligible à la fonction de président?

L'amendement a pour objet de permettre la nomination d'un président qui ne soit pas nécessairement un juge, sans pour autant rendre cette nomination impossible. On élargit les possibilités du choix. On constate, par ailleurs, qu'il y a actuellement une grande pénurie de juges pour répondre aux besoins des justiciables.

UNE VOIX: Dites ça sans rire!

M. BELLEMARE: Je dis, sans rire, que l'article de la loi qui prévoit que peut-être un patron, un employeur pourrait devenir un jour président de la commission...

M. PINARD: Un ancien ministre, peut-être?

M. BELLEMARE: Peut-être un ancien ministre? Non, je dis que je refuserais, M. le Président, d'être président de la Commission des accidents du travail.

M. LESAGE: Non, ce n'est pas de vous qu'on...

M. BELLEMARE: Je refuserais d'être dépendant d'un autre ministre du Travail.

M. LESAGE : J'ai rarement vu un patron aussi bien comprendre ceux qui doivent lui faire rapport.

M. PINARD: On proposera la création d'un tribunal d'appel. Les décisions...

M. BELLEMARE: Non, M. le Président. Je dis que quant à mon sort, la Providence doit d'abord y veiller. Ensuite, je pense que je me suis battu toute ma vie pour les autres et je crois que j'ai le droit de me battre, pendant quelques mois, pour moi afin d'essayer de regagner ce que j'ai perdu.

M. le Président, dans l'affaire du juge, quelques-uns ont interprété ça comme un geste de déloyauté...

M. LESAGE: Non, Je vais vous en parler tantôt.

M. BELLEMARE: ... à l'endroit de M. Ma-rineau, notre juge.

M. LESAGE: Je vais vous en parler tantôt.

M. BELLEMARE: M. Marineau est un homme qui a fait énormément pour la commission. C'est un homme qui a fait des choses assez remarquables. Mais nous disons que si Jamais un jour il y avait un changement, si quelqu'un désirait

exercer la justice sur le banc — ça peut peut-être arriver, qu'un homme veuille, à un certain âge, avoir un peu plus de quiétude, parce que les accidents du travail, aujourd'hui, c'est une immense responsabilité — s'il arrivait un départ, s'il arrivait, un jour, une démission, eh bien, nous pourrions peut-être considérer l'opportunité d'avoir là un employeur ou peut-être le représentant d'une centrale syndicale. Cela ne s'est pas encore vu!

M. LESAGE: Cela, c'est la morphine, M. le Président.

M. BELLEMARE: J'en ai pris et je sais quelle sorte d'effets ça a.

M. LESAGE: Oui. C'est la morphine que le ministre est en train de nous...

M. BELLEMARE: Laissez-moi, M. le Président, convaincre le chef de...

M. LESAGE: ... dispenser.

M. BELLEMARE: ... l'Opposition, cet homme extraordinairement intelligent, de mes bonnes intentions. Il me prête des intentions actuellement, en voulant prétendre que c'est un geste qui est posé contre quelqu'un. Je suis, au contraire, placé pour admirer le travail qu'il fait et dire qu'il a fait un excellent travail. Le président n'a pas demandé d'être relevé de ses fonctions. Je n'ai pas dit à qui que ce soit qu'il serait envoyé à la cour Provinciale. Mais si un jour il décidait, lui, d'aller sur le banc, ce serait, je pense, une bonne précaution d'avoir dans notre loi qui nous empêche de nommer, peut-être, un employeur ou peut-être...

M. LESAGE: Cela, je vais vous en parler... M. BELLEMARE: ... un syndicaliste.

M. LESAGE: Je vais vous dire pourquoi je crois que le président doit être un homme de loi.

M. BELLEMARE: Oui, je comprends, M. le Président...

M. LESAGE: Je ferai totalement abstraction des personnalités et je demanderais au ministre de bien vouloir suivre mon argumentation...

M. BELLEMARE: Oui.

M. LESAGE: ... lorsque je prendrai la parole après lui.

M. BELLEMARE: M. le Président, je considère que l'argumentation que va faire le chef de l'Opposition...

M. LESAGE: Attendez.

M. BELLEMARE: ... au regard de cet article, ce sera pour vous démontrer qu'à cause de l'importance et surtout de l'interprétation qu'il faut donner tous les jours à ces articles nombreux de la Loi des accidents du travail, il va falloir nécessairement que ce soit un homme de loi. Moi, je lui réponds par ceci : II n'y a sûrement pas d'homme au monde — il y a sûrement plusieurs personnes —...

M. LESAGE: II vaudrait peut-être mieux que le ministre attende de m'avolr entendu avant de me répondre.

M. BELLEMARE: Non, mais il paraît d'après la procédure que c'est bien mieux de défaire l'argument que l'on sait de notre opinant que de le recevoir.

M. LESAGE: Comme c'est là, vous ne défaites rien.

M. BELLEMARE: Je dis, M. le Président, que s'il fallait, à ce compte, que celui qui soit nommé...

M. LESAGE: Attendez mon argument.

M. BELLEMARE: ... à la responsabilité du ministère du Travail soit nécessairement un avocat...

M. LESAGE: Non, ce n'est pas nécessaire.

M. BELLEMARE: Parce que c'est l'Interprétation d'un volume extraordinaire de lois. Et c'est à tous les jours que je suis obligé, moi, l'homme non gâté par les études, d'aller chercher dans ce texte l'explication de certains articles de loi; il y en a 24 dans cela. Je ne suis pas un homme de loi, mais je me suis entouré d'hommes extraordinairement compétents au point de vue de droit, de droit ouvrier plus particulièrement, puisqu'on professe cela. Là, le chef de l'Opposition va prétendre qu'il ne pourrait pas y avoir un contentieux comme il y a actuellement, il y a là toute une série...

Il y a un M. Delage qui est là, qui est avocat et docteur.

M. LESAGE: Mais attendez donc de m'avoir entendu!

M. BELLEMARE: M. le Président, ce n'est pas le discours du chef de l'Opposition, c'est le mien que je fais. Je dis que c'est mon discours, M. le Président.

M. LESAGE: Franchement, le ministre ferait mieux d'attendre mes arguments, il pourra y répondre, parce que tout ce qu'il dit, là, cela ne rime absolument à rien.

M. BELLEMARE: Nous verrons cela. Vous verrez comment...

M. LESAGE: Je le sais qu'il y a un contentieux, mais je voudrais attirer l'attention du ministre non seulement sur les articles de la Loi de la commission des accidents du travail, qui sont péremptoires, mais également sur certains articles du code civil. Alors qu'il attende donc, il a le droit de réplique.

M. BELLEMARE: Sur le droit de réplique, M. le Président, il va m'avoir certainement.

M. LESAGE: II faut bien que vous le sachiez.

M. BELLEMARE: S'il continue, il va m'avoir.

M. LESAGE: Bien oui, il faut bien que je vous le cite. Justement, nous allons avoir des notes, ceux qui ne sont pas...

M. BELLEMARE: Quand il parlera de l'article 981o), là, il va m'avoir certainement.

M. LESAGE: L'article 981o), c'est sur le bill 81 que nous en discuterons.

M. BELLEMARE: Oui, sur la partie des placements des fonds.

M. LESAGE: C'est cela.

M. BELLEMARE: II y en a là aussi dans les accidents de travail, alors c'est aussi de cela qu'il me parlera.

De toute façon, M. le Président, je dis que ce n'est pas nécessairement le chef de l'Opposition qui soit raisonnable. C'est simplement parce que s'il arrivait, un jour ou l'autre, que nous ayons à nommer une autre personne qui n'est pas juge à la commission, nous ne soyons pas empêchés de ramasser un talent, un hom- me extraordinaire qui pourrait bien servir tous les intérêts de la commission et qui, je pense, pourrait rendre d'immenses services autant qu'un juge, parce qu'il est bien plus question, dans la Commission des accidents de travail, de l'administration en dollars et cents. Et quand je parle d'administration, je pourrais citer ici, M. le Président, le commissaire White, que connaît bien le chef de l'Opposition.

M. White, nous savons combien c'est un homme reconnu au point de vue de la finance, au point de vue de la comptabilité, au point de vue de l'administration.

M. LESAGE: D'accord, il n'est pas en cause. M. le Président, c'est un « red herring ». Il brouille les pistes. M. White n'est pas en cause.

M. BELLEMARE: M. le Président, je sais que le chef de l'Opposition voit dans cet article, que je n'ai pas besoin de vous expliciter — même je suis en dehors des règlements, je l'ai quasiment tout récité et je n'en avais pas le droit — et je sais que le chef de l'Opposition ne voudra pas faire pire que moi. Mais, de toute façon, ce sont des choses qui me semblent bien raisonnables, d'abord les jours qui sont aujourd'hui payables, recouvrables, l'aggravation de la maladie, l'indexation, et ce dernier article qui veut que le lieutenant-gouverneur en conseil désigne une personne, quelle qu'elle soit, juge ou non, pour occuper les fonctions de président.

M. Jean Lesage

M. LESAGE: M. le Président, je vais certainement suivre l'exemple du ministre et adopter le ton de la discussion froide pour mon intervention en deuxième lecture du projet de loi no 80.

Dès le début des remarques du ministre du Travail et de la Main-d'oeuvre, je lui ai dit ou laissé entendre, au cours d'une intervention que je n'aurais probablement pas dû faire, que pour ce qui est de deux des quatre principes contenus dans ce bill, parce qu'il y a quatre principes, il y a quatre articles, je ne les mentionne pas, mais chaque article contient un principe différent.

Comme je l'ai dit ou laissé entendre au début de l'intervention du ministre, je trouve sage et approprié de raccourcir de trois jours à un jour la période durant laquelle un accidenté ne reçoit pas de compensation. Je trouve également raisonnable que, dans les cas d'aggravation à la suite d'un accident de travail, cette

aggravation puisse être constatée pour fins d'augmentation de la pension ou des prestations, après un an au lieu de trois ans.

M. BELLE MARE: Sur ses gains.

M. LESAGE: Oui, oui, sur ses gains.

La troisième principe en jeu, c'est celui qui consiste à indexer les rentes payables au coût de la vie. Il est clair que nous sommes favorables à ce principe. Si nous ne l'étions pas, nous renierions la politique qui a été la nôtre, de ce côté-ci de la Chambre, depuis de nombreuses années. J'ai mentionné tout à l'heure mes interventions au mois de juin 1965, lors de l'adoption des projets de loi touchant le régime des rentes du Québec et la Caisse de dépôt et de placement.

Le 9 juin, lors de l'étude des projets de loi, je disais ceci, et je cite de la page 3314 du journal des Débats, pour la session de 1965: « II serait, il me semble, anormal que les pensions d'invalides, prévues par le régime des rentes, fussent indexées au coût de la vie, alors que les pensions qui découlent de la loi sur les accidents du travail ne le sont pas, au moins jusqu'à un certain degré. Lors de la revision de cette loi, et je parle de celle de l'an prochain, qui serait possible pour l'an prochain, pas celle de cette année, nous ne pouvons pas arriver cette année, il y a trop de calculs à faire, à moins qu'on décide de siéger jusqu'au mois de décembre ».

J'avais donc annoncé que, dès 1966, nous apporterions des amendements ou des modifications à la Loi des accidents du travail, de façon à ce que les pensions soient indexées au coût de la vie. Cela aurait pu être fait dès 1966. Malgré que si on compare cette loi, — je veux être juste — si l'on procède par comparaison avec les pensions d'Invalides en vertu du régime des rentes, ces dernières ne sont payées qu'à partir de cette année. Alors, si on veut que les pensions de la commission des Accidents du travail soient indexées au même titre que les pensions payées en vertu du régime des rentes, on est en retard, mais pas de trois ans, seulement d'un an.

M. BELLEMARE: C'est ça.

M. LESAGE: Parce que c'est à partir de la fin de janvier 1969 qu'en vertu du régime des rentes du Québec les pensions ont été payées dans les cas d'invalidité. A la fin de janvier 1968, nous avions commencé à payer les prestations de décès et les pensions aux veuves et aux orphelins. A la fin de janvier 1969, les pensions d'invalidité.

L'indexation proposée sera faite suivant les méthodes suivies pour les pensions du régime des rentes.

C'est l'article 130 du Régime des rentes du Québec qui prévoit les ajustements annuels consécutifs aux augmentations du coût de la vie, parce que, comme l'a dit le ministre, s'il y a diminution, dans l'indice du coût de la vie, la pension reste la même que l'année précédente.

M. BELLEMARE: Antérieure.

M. LESAGE: II n'y a toujours ajustement qu'à la hausse.

M. BELLEMARE: C'est vrai, ça.

M. LESAGE: L'article 130 se lit comme suit: « Le montant mensuel initial d'une prestation doit être ajusté annuellement, de la manière prescrite, de telle sorte que le montant payable pour un mois d'une année subséquente soit égal au produit obtenu en multipliant le montant qui aurait été autrement payable pour le mois par la proportion que représente l'indice des rentes pour cette année subséquente par rapport à l'indice des rentes pour l'année qui la précède ».

C'est le même système que celui qui est prévu pour l'augmentation des pensions de vieillesse universelles. C'est ainsi qu'on a vu, d'année en année, depuis les hausses du coût de la vie, augmenter les pensions de vieillesse universelles, augmenter les prestations de pensions et, dans le cas du régime des rentes, non seulement les pensions, mais également les cotisations.

Il est évident que c'est une règle où le maximum est de 2%, mais il y a report, d'une année à l'autre, de l'excédent de 2%, de façon qu'à la fin, lorsqu'il y a une période de stabilisation, les rentes, elles, quand même, continuent d'augmenter, parce que l'excédent de 2% reste en réserve.

M. BELLEMARE: Il est dû, à ce moment-là.

M. LESAGE: Supposons qu'il y a une augmentation...

M. BELLEMARE: Mais il est dû. D'accord.

M. LESAGE: ... de 4% du coût de la vie, l'augmentation des rentes est de 2%, mais le 2% reste en réserve...

M. BELLEMARE: C'est ça, parce qu'il est dû.

M. LESAGE: ... et est calculé pour l'année suivante. Supposons qu'il n'y a pas augmentation du coût de la vie l'année suivante, il y aura augmentation des rentes parce que le 2% additionnel est resté en réserve.

M. BELLEMARE: C'est ça.

M. LESAGE: Je pense que nous nous comprenons bien; nous poursuivons le même but de ce côté là et il n'y a pas de difficulté. Il n'en va pas de même pour ce qui est du quatrième principe. Le quatrième principe, c'est de permettre qu'un juge ou, disons, un homme de loi soit président de la Commission des accidents du travail. La Loi de la Commission des accidents du travail est une loi tout à fait particulière. Ce n'est pas une loi qui a été particulièrement conçue pour le Québec.

M. BELLEMARE: C'est une des premières, en 1931.

M. LESAGE: Oui mais, quand même, elle était en 1931 totalement d'inspiration ontarlen-ne.

M. BELLEMARE: Ah non!

M. LESAGE: Oui. Si le ministre veut bien aller vérifier, il constatera que notre première Loi des accidents du travail, en 1931, était, à toutes fins utiles une traduction de la loi ontarienne. Si le ministre veut bien vérifier, c'était sous M. Taschereau; j'étais étudiant en droit, à ce moment-là. Je m'en souviens.

Alors, elle n'est pas d'inspiration québécoise; c'est une loi statutaire, c'est évident, et d'inspiration de droit commun.

M. BELLEMARE: II y avait une vieille loi britannique qui avait été instituée en 1917 et qui avait fourni les premières données...

M. LESAGE: C'est ce que je veux dire. Cela vient du droit commun, du droit commercial anglais et de la loi des assurances.

M. BELLEMARE: L'Ontario l'a adoptée en 1927 et nous, en 1931.

M. LESAGE: La loi couvre tous les accidents et maladies dus au travail ou à l'occasion du travail.

M. BELLEMARE: Les maladies industrielles.

M. LESAGE: Les accidents et les maladies — c'est parce que je veux être complet; je peux bien dire les accidents — survenus ou les maladies contractées à cause du travail ou à l'occasion du travail.

M. BELLEMARE: On appelle ça communément les maladies industrielles.

M. LESAGE: Oui, d'accord.

M. BELLE MARE: C»est cela, il y a une différence énorme.

M. LESAGE: Ce sont les accidents survenus et les maladies industrielles contractées par suite directe du travail ou à l'occasion du travail.

M. BELLEMARE: Oui.

M. LESAGE: La question de savoir s'il s'agit d'une maladie contractée ou d'un accident subi à l'occasion du travail est en définitive une question mixte de fait et de droit. Lorsque la Commission des accidents du travail décide qu'une maladie a été contractée ou qu'elle n'a pas été contractée, qu'un accident est survenu ou n'est pas survenu à l'occasion du travail, elle tranche une question mixte de droit et de fait. Premier argument.

Deuxième argument, l'article 59 de la Loi des accidents du travail se lit comme suit: « 1) Sous la réserve des dispositions de l'article 64, la commission a juridiction exclusive pour examiner, entendre et décider toute affaire et question touchant la présente loi et disposer de toutes autres affaires ou choses au sujet desquelles un pouvoir, une autorité ou une discrétion lui sont conférés. » Il n'y a pas d'appel, il n'y a pas de certiorari, c'est final.

M. BELLEMARE: La commission. M. LESAGE: La commission. M. BELLEMARE: Pas un homme. M. LESAGE: Non, la commission.

M. BELLEMARE: C'est cela. C'est sa juridiction.

M. LESAGE: Ce sont définitivement... M. BELLEMARE: C'est sa juridiction.

M. LESAGE: Oui, et puis la réserve de l'article 64 est simplement l'homologation.

M. BELLE MARE: C'est cela.

M. LESAGE: La commission des accidents du travail est définitivement un tribunal quasi judiciaire. Définitivement, puisqu'elle a le pouvoir de décider en dernier ressort; c'est un tribunal dont il n'y a pas appel. Ses jugements, ses décisions sont finales. La commission est appelée à juger non seulement les questions de fait, à approuver non seulement la décision des médecins quant au pourcentage de l'incapacité, mais à décider de questions de droit importantes, comme je l'ai mentionné tout à l'heure au sujet de l'interprétation des mots « à l'occasion du travail ». Elle rend des décisions finales.

Or, si vous voulez bien, je vais attirer votre attention sur l'article 56 de la loi. Je pense bien qu'il est difficile qu'un article soit plus clair. « Le quorum de la commission est de trois membres et elle décide à la majorité des voix. S'il y a partage des voix, le président a un vote prépondérant. »

M. BELLEMARE: C'est cela, le président peut décider.

M. LESAGE: « Cependant, l'opinion du président prévaut en toute question qui, de son avis, est une question de droit. » Comment voulez-vous que, sans changer l'article 56, on puisse décréter que le président sera autre qu'un homme de loi? M. Duplessis l'avait bien compris, M. Taschereau aussi. En fait, les présidents de la Commission des accidents du travail avaient été, premièrement, Me Robert Taschereau — ce n'était pas le juge de la cour Suprême, c'était un autre Robert Taschereau qui n'était pas parent du premier ministre — et, deuxièmement, Me Paul Drouln c.r. qui avait été nommé par M. Duplessis lors de son premier terme si ma mémoire me sert bien, entre 1936 et 1939.

M. BELLEMARE: C'est cela.

M. LESAGE: Lorsqu'il est décédé, on a nommé, pour le remplacer, Me Rodolphe De-Blois. Lorsque ce dernier a été nommé juge de la cour Municipale, on a nommé Me Joachim Grenier, qui était le président en 1953, lorsque M. Duplessis, en donnant justement comme argument les articles que je viens de mentionner — les articles de la loi — les articles 56 et 59 que j'ai mentionnés tantôt, a dit: Voici un tribunal quasi judiciaire. Cela a toujours été des hommes de loi qui ont été président de la commission, et il fallait que ce le soit, mais, étant donné qu'il doit rendre des jugements finals, eh bien, il faudrait qu'il ait l'autorité d'un juge. Et c'est là qu'il a nommé...

M. BELLEMARE: Juge.

M. LESAGE: ... mon ami Joachim Grenier juge, mon voisin et ex-ami — pardon — ami et ex-voisin. Ami et ex-voisin.

M. DEMERS: Il faut se faire une Idée.

M. LESAGE: C'est un lapsus. M. le juge Joachim Grenier.

M. BELLEMARE: Qui a démissionné... M. LESAGE: Oui.

M. BELLEMARE: ... et qui a été remplacé par M. Ferland.

M. LESAGE: Par M. Ferland.

M. BELLEMARE: M. Ferland qui avait été congédié par vous autres...

M. LESAGE: Oui, par arrêté ministériel, pour des raisons que, j'espère, le ministre ne m'obligera pas à dévoiler.

M. BELLEMARE: Qui cela? M. LESAGE: Pourquoi M. Ferland... M. BELLEMARE: A été congédié? M. LESAGE: Vous le savez...

M. BELLEMARE: J'ai l'arrêté ministériel avec moi et j'ai les raisons qui ont motivé votre décision.

M. LESAGE: Les raisons étaient...

M. BELLEMARE : Et j'ai surtout, pour faire...

M. LESAGE: ... des raisons administratives. C'était vrai.

M. BELLEMARE: Oui.

M. LESAGE : II y avait des raisons administratives très sérieuses.

M. BELLEMARE: Oui. Je les connais, les raisons administratives.

M. LESAGE: Et puis, disons que M. Ferland s'était promené aux Iles-de-la-Madeleine en pleine campagne électorale avec un chef de parti en 1960...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable chef de l'Opposition sur le bill 80.

M. LESAGE: M. le Président, j'ai été interrompu par l'honorable ministre...

M. BELLEMARE: Je n'ai rien dit. J'ai le droit de me parler.

M. LESAGE: ... du Travail et je lui ai répondu très gentiment.

M. BELLEMARE : Non, je me parle.

M. LESAGE : Je lui ai répondu très gentiment.

M. BELLEMARE: Je suis en train de me parler.

M. LESAGE: Et j'ai fait un peu comme il a fait tout à l'heure, j'ai prévu sa réplique D'ailleurs, il n'a même pas été capable de s'empêcher de la donner pendant que je parlais.

M. BELLEMARE: C'est terrible!

M. LESAGE: M. le Président, ç'a été le juge Ferland et, depuis 1960 ou 1961, c'est le juge Marineau.

M. BELLEMARE: Quelques mois après votre arrivée.

M. LESAGE: Je ne sais pas, je ne me rappelle pas de la date.

M. BELLEMARE: Le 11 octobre.

M. LESAGE: Peut-être.

M. BELLEMARE: Le 16 octobre.

M. LESAGE: Alors, M. le Président, je ne crois pas qu'il soit sage d'envisager la nomination d'un autre homme qu'un homme de loi. Cela a toujours été un homme de loi et, depuis 1953, cela a été un juge pour des raisons très valables qui ont motivé M. Duplessis, alors premier ministre de la province, à amender la loi que le ministre veut modifier aujourd'hui pour revenir en arrière.

D'ordinaire, quand quelqu'un déclare: Cela a été une bonne loi de M. Duplessis, le ministre du Travail s'agenouille, dit: Allah, Allah, oui! Il ne pouvait pas se tromper.

M. BELLEMARE : Oui. C'est ce qu'on croit.

M. LESAGE : II ne pouvait pas se tromper.

M. BELLEMARE: Vous croyez encore à cela?

M. LESAGE: Comment le ministre du Travail peut-il modifier de fond en comble...

M. BELLEMARE: Ah oui.

M. LESAGE: ... une loi qui a été l'idée de son chef, l'honorable Maurice Duplessis? Moi, je ne conçois pas cela.

M. BELLEMARE: Quelle sentimentalité! Vous allez m'avoir!

M. LESAGE: Moi, je ne conçois pas cela. Je ne conçois pas cela.

M. DEMERS: Il va me faire pleurer. M. BELLEMARE: Oui!

M. LESAGE: M. Duplessis a justifié l'amendement à la Loi des accidents du Travail...

M. BELLEMARE: C'est vrai.

M. LESAGE: ... disant que cela devait être un juge qui en serait le président. Il a alors invoqué exactement les raisons que j'invoque pour maintenir le statu quo.

Et c'est le ministre du Travail, le plus fidèle de ses disciples...

M. BELLEMARE: Merci du compliment. Je voudrais qu'il l'entende de l'autre côté.

M. LESAGE: ... qui a brisé son oeuvrel Je ne crois pas que, depuis 1960, il y ait eu de témoin plus fidèle...

M. BELLEMARE: Oculaire.

M. LESAGE: Oculaire. Les yeux, les oreilles m'ont prouvé que le député de Champlain a toujours été et est encore le plus fidèle des témoins de feu son chef, M. Duplessis.

M. BELLEMARE: C'est vrai, et jusque dans la racine de mes orteils.

M. LESAGE: Alors, je ne comprends pas du tout pourquoi il fait ce qu'il se propose de faire par l'amendement proposé. Je dis très sérieusement que le ministre fait une erreur fondamentale en voulant ouvrir la porte à la nomination de quelqu'un qui ne soit pas un homme de

loi. Ce n'est pas une question d'être bien entouré d'hommes de loi, d'avoir un contentieux. L'article 56 est précis. Il dit que c'est le président qui décide s'il s'agit d'une question de droit et que, de l'instant où il déclare que c'est une question de droit, c'est lui qui décide sans les deux autres.

M. BELLEMARE: On va voir si c'est vrai, ça. M. LESAGE: Lisez l'article 56. M. BELLEMARE: Une minute.

M. LESAGE: « Cependant l'opinion du président prévaut en toute question qui, de son avis, est une question de droit. » Les mots ne peuvent s'interpréter autrement que par ce qu'ils disent.

M. BELLEMARE: On va regarder s'il n'y a pas autre chose dans la loi. On va peut-être trouver autre chose.

M. LESAGE: Le ministre pourra peut-être trouver autre chose, mais les prescriptions de l'article 56 sont absolument précises; elles sont claires.

M. BELLEMARE: Attendons.

M. LESAGE: II y a autre chose aussi qui exige que le président de la Commission des accidents du travail soit un homme de loi. Je voudrais attirer l'attention du ministre sur l'article 1056 a) du code civil. L'article 1056 du code civil prévoit les cas où la partie contre qui un délit ou un quasi-délit a été commis décède en conséquence sans avoir obtenu indemnité ou satisfaction. Ce sont les droits du conjoint, des ascendants et des descendants. Or, 1056a) se lit comme suit: « Nul ne peut exercer les recours prévus par ce chapitre s'il s'agit d'un accident visé par la Loi des accidents du travail, excepté dans la mesure où ladite loi le permet. » Un homme meurt à la suite d'un accident du travail. L'accident de travail est la faute — parce qu'il y a une question de faute quand il s'agit de délit ou de quasi-délit, faute au sens du code civil — de l'employeur et non de tiers. Si c'est la faute de tiers, il y a, quand même, un recours contre les responsables. Mais, si c'est la faute de l'employeur, en vertu de la Loi des accidents du travail, la veuve et les orphelins n'ont pas d'autres recours que celui de la Loi des accidents du travail. Quelle que soit l'énormité de la perte qu'ils subissent, ils sont privés, en vertu de la Loi des accidents du travail, du recours de 1056.

M. BELLEMARE: Vous savez pourquoi cela a été fait?

M. LESAGE: Oui, je sais tout ça, mais il ne s'agit pas de savoir pourquoi ç'a été fait.

M. BELLEMARE: Ah bon!

M. LESAGE: II s'agit de la situation dans laquelle se trouve la commission au moment où elle a à décider s'il y a ouverture au droit en vertu de la Loi des accidents du travail. Si la commission décide que le paiement à faire à la veuve et aux orphelins est la responsabilité de la Commission des accidents du travail en vertu de sa loi, dans le cas où il y a délit ou quasi-délit de l'employeur lui-même, le recours ordinaire en vertu de l'article 1056, recours de la veuve et des enfants, leur est nié par l'article 1056 a).

Il s'agit de choses extrêmement importantes. C'est une question de droit dans chaque cas. Le ministre et le gouvernement n'ont pas le droit de songer à confier de telles décisions en vertu de l'article 1056a) du code civil, en vertu des articles 56 et 59 de la loi, à d'autres qu'à des hommes de loi. J'oublie complètement les personnalités en cause. M. Duplessis l'avait compris, il avait dit qu'il s'agit de décisions tellement graves à prendre qu'elles doivent être prises par un juge. Ce sont des questions de droit.

Je ne comprends pas le ministre — je suis très sérieux — de songer à nommer une autre personne qu'un homme de loi comme président de la Commission des accidents de travail. Il encourrait de ce fait, avec ses collègues, une très grave responsabilité. Je sais qu'il ne voudrait pas prendre le risque de se tromper. Je voudrais que le ministre réfléchisse à la gravité du geste qu'il veut poser, au déni de justice possible. Je sais que ce sont des arguments qu'il peut comprendre. J'oublie complètement lesper-sonnalités. Je ne parlerai pas du président actuel de la commission à ce stade-ci. Le ministre lui a rendu hommage. Il lui a dit qu'il pouvait rester là tant qu'il le voudrait. Oui, c'est bien facile. On lui donne un salaire de $27,500 au moment où on hausse le salaire des juges à $28,000. Alors, s'il s'en va avec les juges qu'on accuse de ne pas travailler, il va recevoir $28,000 par année; s'il reste président de la Commission des accidents du travail, à travailler jour et nuit comme un nègre, comme il le fait depuis qu'il est là, il va recevoir $27,500. Alors, il dit: On ne fait rien pour le mettre dehors.

M. BELLEMARE: C'est bien mieux que ce que vous lui donniez quand vous étiez là.

M. LESAGE: C'est bien mieux que de le mettre dehors.

M. BELLE MARE: Il vous avait demandé d'augmenter son salaire...

M. LESAGE: Oui, M. le Président.

M. BELLEMARE: ... et vous ne vouliez pas.

M. LESAGE: Pardon?

M. BELLEMARE: Il vous avait demandé d'augmenter son salaire et vous ne vouliez pas.

M. LESAGE: M. le Président, les décisions... M. BELLEMARE: Il vous appelait...

M. LESAGE: ... que j'ai prises, quant aux augmentations de salaire des juges et des présidents de commissions, je n'ai pas à les regretter. J'ai toujours procédé par comparaisons avec les indemnités des députés. Je ne m'en cache pas. J'ai toujours prétendu qu'un député avait autant d'ouvrage et de responsabilités qu'un juge de la cour Provinciale ou qu'un président de commission. Cela, c'est mon opinion et je n'ai pas changé d'idée.

M. BELLEMARE: Ils n'aimaient pas ça.

M. LESAGE: C'est évident que ceux qui n'étaient pas députés n'aimaient pas ça. Les juges non plus n'aimaient pas ça. Mais, simplement, j'ai toujours considéré que les députés...

M. BELLEMARE: M. Marineau non plus.

M. LESAGE: ... avaient autant de travail et de responsabilités que les juges de la cour Provinciale et que les présidents de commissions. C'est aussi simple que ça. Alors, ce que le ministre dit est justement une condamnation du geste qu'il pose quand il accorde un salaire, il offre un salaire de $27,500 pendant que les juges de la cour Provinciale, des Sessions de la paix ou encore de l'autre cour...

M. BELLEMARE: Ah non! je ne pouvais pas le lui donner dans le temps, la loi n'était pas passée.

M. LESAGE: ... la cour du Bien-Etre social...

M. BELLEMARE: La loi n'était pas passée.

M. LESAGE: ... vont avoir $28,000.

M. BELLEMARE: Ah oui, mais la loi n'était pas passée, voyons!

M. LESAGE: Ah, si je comprends bien, le ministre...

M. BELLEMARE: Arrêtez donc! M. LESAGE: ... a l'Intention...

M. BELLEMARE: Vous n'avez pas le droit de m'en prêter.

M. LESAGE: ... de proposer à ses collègues d'augmenter sensiblement le salaire duprésident de la Commission des accidents du travail?

M. BELLEMARE: Vous n'avez pas le droit de me prêter des intentions.

M, LESAGE: Est-ce que c'est ça que je dois comprendre?

M, BELLEMARE: Je vous dirai dans deux minutes ce que j'en pense.

M. LESAGE: Alors, vous allez donner combien? Est-ce $30,000?

M. BELLEMARE: J'ai des petites nouvelles pour vous!

M. LESAGE: Très bien, je vais attendre les nouvelles. Mais ce qui est important, je fais abstraction du cas du président, je voulais bien signaler au ministre que tous ses soporifiques de tantôt, j'y croyais plus ou moins étant donné ce que je viens de dire. Mais disons que ce qui est important, au fond, c'est que le président de la commission, étant donné l'état de notre droit, particulièrement de la Loi des accidents du travail elle-même et de l'article 1056a) du code civil, il est important, plus qu'important, il est essentiel que le président de la commission soit un homme de loi.

M. BELLEMARE: M. le Président, seulement deux mots, parce que l'heure avance et mes forces diminuent. Je voudrais bien être capable de rester pour le troisième bill, je vais essayer de me garder des réserves.

D'abord la dernière question, dont il a été question dans l'intervention de l'honorable chef de l'Opposition.

M. LESAGE: Vous voulez procéder à rebours.

M. BELLE MARE: Ma fidélité à M. Duplessis, je le confesse, je suis heureux d'ailleurs de la confesser publiquement que c'est vrai, je suis bien orgueilleux de voir qu'il a été mon maître...

M. LESAGE: Je savais bien que je ne faisais pas de peine au ministre en disant cela.

M. BELLEMARE: ... et qu'il a été pour moi un inspirateur et un grand maître en politique. Je le remercie de tout ce qu'il m'a donné comme conseils, de l'appui qu'il m'a donné, quand J'étais jeune député, quand j'ai commencé à être un peu plus turbulent dans cette Chambre.

Mais, je demande au chef de l'Opposition s'il connaît les noms des autres présidents des commissions de travail de tout le Canada.

M. LESAGE: Cela dépend des lois. M. BELLE MARE: Ah bon!

M. LESAGE: Cela dépend comment les lois sont faites.

M. BELLEMARE: Un instant là, voyez-vous là, cela recommence.

M. LESAGE: Le ministre a posé une question, Je réponds.

M. BELLEMARE: M. le Président, je me pose la question, je dis: Combien y a-t-il de présidents de commissions des accidents de travail dans tout le Canada qui sont avocats?

M. LESAGE: M. le Président, est-ce que le ministre me permet une question?

M. BELLEMARE: Je me pose une question, M. le Président.

M. LESAGE: Dans quelle loi des accidents du travail du Canada trouve-t-on la reproduction des articles 56 et 59, et est-ce que le ministre veut prétendre que les dispositions de 1056a du code civil, nous les retrouvons dans le droit commun qui est celui des autres provinces?

M. BELLEMARE: M. le Président, je réponds immédiatement que le chef de l'Opposition m'a interrompu quand j'ai été sage et que je ne lui ai pas enlevé la parole. Au contraire, je lui réponds simplement ceci: Depuis plusieurs années, nous avons la conférence annuelle de tous les présidents et commissaires des acci- dents de travail, qui ont uniformisé par tout le Canada la législation des accidents de travail.

Mais son argumentation pêche à sa base même, lui qui est un avocat et quipourrait faire même un juge de la cour Suprême. Et je serais prêt à faire des démarches, parce qu'il est qualifié autant qu'un certain conseiller qu'il a déjà eu.

Vous ne pigeonnez pas?

M. LESAGE: Comment, le conseiller?

M. BELLEMARE: Pardon?

M. LESAGE: Je ne comprends pas.

M. BELLEMARE: Pas conseiller, juge de la cour Suprême. Est-ce assez loin?

M. LESAGE: J'espère que le ministre n'est pas jaloux. Est-ce que le ministre est jaloux, parce qu'il aurait voulu être nommé à la cour Suprême? Est-ce que le ministre aurait voulu être nommé à la cour Suprême à la place de M. Pigeon?

M. BELLEMARE: Ah, écoutez! Je ne me prends pas pour lui et je ne me prends pas pour quelqu'un d'autre.

M. LESAGE: D'accord, n'allons pas plus loin.

M. BELLEMARE: Ah non, c'est un homme extrêmement qualifié. Je vous garantis que tout le monde s'en réjoui, dans la province et dans le Canada, de voir une autorité au point de vue du droit comme l'honorable juge de la cour Suprême, M. Pigeon, accéder à ce haut poste. Au contraire, je pense que c'est une acquisition pour le Canada et c'est une gloire pour le Québec.

M. LESAGE: J'aurais bien voulu entendre cela, quand j'étais assis au siège que j'occupais en face du mien.

M. BELLEMARE: Il ne faisait pas le même « job » non plus.

M. LESAGE: C'est suave!

M, BELLEMARE: Mais, M. le Président, l'honorable chef de l'Opposition me dit: 56, 59, 44, 62, code civil 1056a) et bon... Mais il y a un petit paragraphe à l'article 52 qu'il n'a pas lu, un tout petit paragraphe qui a une importance capitale pour la loi, et c'est aussi cela qui compte.

Il ne l'a pas dit, ici. Je vais vous le dire, moi. Je vais vous rendre service, M. le Président, parce que je sais que vous savez ça par coeur. Mais pour ceux qui ne l'ont pas entendu, il dit: Le vice-président remplit les devoirs du président et exerce ses pouvoirs en cas d'absence, de maladie, d'incapacité d'agir ou de vacances. Donc...

M. LESAGE: Mais, il ne l'est pas!

M. PINARD: II n'est pas malade et il n'est pas absent.

M. LESAGE: Il n'est pas malade et il n'est pas absent.

M. BELLEMARE: Alors, voyez-vous comment on s'en sort?

M. PINARD: Il est capable. M. LESAGE: Il est capable. M. PINARD: Il n'est pas parti.

M. BELLEMARE: Voyez-vous, on dit qu'il est capable. Cela, ça prouve que si ça se produisait, entre nous autres, qu'il soit malade, incapable, absent ou toutes autres raisons, le vice-président, lui, pourrait rendre des décisions en faits et en droit. Et ça serait valable. C'est l'argumentation d'un grand avocat, ça. Pourquoi, M. le Président, M. Duplessis a-t-il mis ça là? Il n'aurait pas dû marquer ça là, M. Duplessis.

M. LESAGE: Pas fort!

M. BELLEMARE: C'est donc que le vice-président a le droit de remplir les mêmes fonctions, il a les mêmes responsabilités et les mêmes devoirs, surtout de rendre dans les faits, comme il dit si bien, dans le droit et les faits les mêmes Jugements. Qu'est-ce que ça vaut, son argumentation? Et cela peut arriver. C'est déjà arrivé que le président, qui était un avocat, ait été absent, il a été malade et puis il a été absent. Cela se produit à toutes les années que le vice-président agit en droit et en faits sur des causes qui sont rendues pour des maladies industrielles ou même des accidents qui produisent des morts. Cela se fait à tous les jours. Cela se fait continuellement, tellement qu'on a voulu que la Commission des accidents du travail ait, à Québec son président et, à Montréal, son vice-président.

Je ne comprends par le chef de l'Opposition quand il dit que ça prend un juge...

M. LESAGE: Voyons! Voyons!

M. BELLEMARE: Ça prend un avocat...

M. LESAGE: Vous avez très bien compris.

M. BELLEMARE: ... pour juger. Tous les jours, moi, M. le Président, comme ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, je nomme des « CRI » des conseillers en relations industrielles. Ils ne sont pas des avocats.

M. PINARD: Des « CRI ?»

M. BELLEMARE: Oui, des « CRI ». Pas des « cris », pas avec un « s».

M. PINARD: Dans quelle réserve le ministre les prend-il?

M. BELLEMARE: Des « CRI ». Des conseillers en relations industrielles. Tous les jours...

M. LESAGE: M. le Président, je veux venir à leur défense. Les conseillers en relations industrielles vont être très flattés. Des « CRI » ... Des « Cri ».

M. BELLEMARE: C'est ainsi qu'on les appelle.

M. LESAGE: Est-ce que le ministre sait ce que sont des Cris?

M. BELLEMARE: Mais je suis dans ça, jusqu'aux oreilles. Je suis membre honoraire de la corporation.

M. LESAGE: Alors, est-ce que je dois comprendre que les ancêtres du ministre étaient les premiers occupants du Canada?

M. BELLEMARE: Non, non! je n'ai pas de plumes, M. le Président. Mais, à tous les jours, dans l'exercice de mes fonctions, je nomme des conseillers en relations industrielles qui ne sont pas des avocats. Je nomme des gens qui font du droit ouvrier et qui connaissent la pratique et surtout l'usage qu'on fait du code du travail. Je nomme des arbitres comme présidents d'un immense tribunal pour juger des cas de millions de dollars, des millions et des millions... Que ce soit pour l'ancienne Shawinigan Water and Power ou que ce soit pour n'in-porte quelle compagnie qui demande à un moment donné, un arbitre où des millions sont en jeu, où la vie de certains syndicats est en péril.

Tous les jours, le ministre du Travail nomme des hommes qui ne sont pas des hommes de loi, mais des hommes d'expérience qui ont le sens de la responsabilité et de l'Intérêt public pour remplir le poste de juge, d'arbitre dans les différends qui se présentent. Les commissions scolaires par exemple. Les débats qui se présentent dans certains griefs qui entrafnent le paiement de sommes extraordinaires pour certaines compagnies, griefs de congédiement ou autres. Le ministre du Travail nomme des hommes qui ne sont pas des avocats, qui ne sont pas des Juges, qui remplissent le rôle, je pense, d'un juge, qui entendent des témoins, qui suivent une cause pendant des semaines et des semaines et qui, à la fin, rendent un jugement qui, dans certains cas — et on le sait parce que certains arbitrages sont obligatoires — lient les parties. Cela n'a pas d'appel non plus.

M. LESAGE: Cela n'a rien à faire avec ça.

M. BELLEMARE: Ah oui, parce que mon argument est bon...

M. LESAGE: Ce n'est pas du droit.

M. BELLEMARE: Ce n'est pas du droit? N'allez pas dire ça devant la chaire des relations de travail à l'université Laval. Vous direz ça à votre cousin, M. Lesage.

M. LESAGE: Cela ne m'impressionne pas.

M. BELLEMARE: Non. C'en est, du droit ouvrier. C'est du vrai droit ouvrier.

M. LESAGE: La Commission des accidents du travail, ce n'est pas du droit ouvrier, c'est du droit d'assurance.

M. BELLEMARE: Le voyez-vous,pris dans son guêpier, comment il gigote!

M. LESAGE: Le ministre a toujours la même couleur. C'est intéressant.

M. BELLEMARE: Un premier argument: M. Duplessis. Quand a-t-on vu le chef de l'Opposition vanter M. Duplessis?

M. LESAGE: Cela, c'est...

M. BELLEMARE: Ce sera dans les Journaux demain. J'espère que les journalistes rapporteront ça: L'honorable chef de l'Opposition a vanté les mérites du grand législateur qu'a été le président et fondateur de l'Union Nationale.

M. LESAGE: C'était un excellent avocat et il connaissait bien son droit.

M. BELLEMARE: Voyez-vous, c'est la première fois que j'entends, en cette Chambre, les louanges de M. Duplessis.

M. LESAGE: Je n'ai pas dit que c'était un excellent premier ministre, j'ai dit que c'était un excellent avocat.

M. BELLEMARE: Vous avez dit bien autre chose aussi. Vous avez dit des choses que je n'aimais pas non plus.

M. LESAGE: Je le sais.

M. BELLEMARE: II y a bien des choses dont j'ai dit que c'était effrayant, mais en tout cas, ce n'est pas ici que nous allons rapporter ça...

M. LESAGE: Ne commencez pas.

M. BELLEMARE: M. le Président, l'honorable chef de l'Opposition dit qu'ils sont obligés de rendre des décisions de fait et de droit. Pensez-vous, M. le Président, que dans le cas d'une maladie industrielle, l'amiantose, la silicose, la « pneumonlcose », la sidérose, un avocat peut avoir un gros barème pour juger ça? Pensez-vous qu'un avocat peut prendre le poulx d'un gars et dire: Tu ne l'as pas la sidérose, tu ne l'as pas, l'amiantose, tu ne l'as pas la « pu-benose » et tu ne l'as pas, la silicose?

Faut-il qu'il soit avocat pour savoir cela?

UNE VOIX: L'important, c'est la rose.

M. BELLEMARE: Imaginez-vous donc, il faut être avocat pour savoir si un gars a la si-licosel Qu'est-ce qu'ils font dans ce temps-là? Ce sont des décisions en droit et en fait. Pensez-vous qu'à un moment donné, s'il arrive un gars qui a un orteil plus long que l'autre parce qu'il s'est fait écraser le pied que, parce qu'il est avocat, il va dire : « Ton orteil est un petit peu plus long, il mérite plus, parce que tu l'as plus long que l'autre. »

Un gars va tomber du troisième étage, se fracturer un bras et va rester infirme et croche, que c'est parce qu'il est avocat qu'il va dire: Non, il n'est pas croche. Il faut qu'il soit droit. Voyons donc! Ce n'est pas cela qui arrive à la commission. Jamais! Cela n'est jamais arrivé comme cela. Ils ont des experts...

M. PINARD: Ce sont des questions de fait.

M. BELLEMARE: ... qui sont entendus par la commission. Ils viennent faire les rapports. Ils peuvent dire: M. Untel a la silicose. Il l'a à 31%. Sur le grand tableau des barèmes, avec le salaire qu'il gagnait, soit $4,200 avec les charges de famille, les dépendants, ce gars-là a droit à un pourcentage de 27% de compensation. C'est l'expert qui va venir dire cela. Ce n'est pas parce que le gars est avocat, qu'il est juge et qu'il est sur le banc qu'il sera plus fin qu'un autre qui ne l'est pas. Mais il a l'expérience du travail, il a gagné sa vie avec ses mains, il a travaillé avec les gars, et ce n'est pas parce qu'il est rendu sur le banc qu'il sera moins bon. Vous ne me ferez jamais croire, parce que je n'ai pas eu la chance de faire un cours de droit, que lorsqu'il s'agit de rendre une décision administrative, je suis moins bon qu'un avocat.

Je l'interprète tous les jours, la loi. Je n'ai pas de cours de droit, j'ai un cours de « brake-man ». Il reste une chose, c'est que les hommes en place qui ont vécu la vie de certaines gens, qui sont allés dans les métiers, dans les usines, qui ont connu ce qu'étaient les comités d'usine pour la prévention des accidents de travail, qui ont assisté à certains désastres, et qui ont vu comment on les traitait dans certaines classes de la société, on a senti, à la commission, depuis quelque temps, que c'étaient des conservateurs attelés sur des principes d'aiguilles, de lettres, de chiffres, de barèmes et qu'on avait chassé l'humain de la commission. La Commission des accidents du travail doit être traitée et dirigée par des humains, qui comprennent des humains, et non pas des gens qui sont là parce qu'ils sont avocats.

M. LESAGE: Le ministre...

M. BELLEMARE: J'ai bien du respect pour les avocats.

M. LESAGE: Je veux bien le croire, mais le ministre plaide à faux. Qu'il pense donc à l'article 1056c) du code civil, cela va l'empêcher de dire des choses qui n'ont pas de bon sens comme celles qu'il dit actuellement.

M. BELLEMARE: L'article 1056...

M. LESAGE: II va au droit fondamental des gens...

M. BELLEMARE: Pourquoi a-t-il été mis là, cet article?

M. LESAGE: C'est du droit.

M. BELLEMARE: Vous savez pourquoi il a été mis là?

M. LESAGE: 1056a)?

M. BELLEMARE: Pourquoi a-t-il été mis là?

M. LESAGE : II a été mis là pour une excellente raison. C'est là qu'il faut que l'homme de loi décide.

M. BELLEMARE: Non.

M. LESAGE : Les droits fondamentaux des gens sont en jeu.

M. BELLEMARE: M. le Président...

M. LESAGE: Le ministre peut bien faire des farces démagogiques aux dépens des avocats, c'est de ses affaires, mais il y a des questions de droit à régler.

M. BELLEMARE: Je ne permets pas au chef de l'Opposition...

M. LESAGE: Ce sont des hommes de loi que vous parlez.

M. BELLEMARE: ... de dire que je fais des farces démagogiques contre les avocats. Elles ne sont pas démagogiques; elles sont vraies. Alors, cela n'est pas démagogique.

M. LESAGE: Même si elles sont vraies, elles sont démagogiques.

M. BELLEMARE: Non, elles ne sont pas démagogiques.

M. LESAGE: Nous, les avocats, cela ne nous fait rien. Nous sommes prêts à nous faire dire n'importe quelle bêtise, nous sommes habitués. Tout de même, lorsqu'on veut nier...

M. BELLEMARE: M. le Président, il aparlé tout à l'heure.

M. LESAGE: ... que la connaissance du droit soit essentielle...

M. BELLEMARE: II va être continuellement dans mon discours.

M. LESAGE: ... dans certains cas...

M. BELLEMARE: Cela n'est pas gentil de sa part, lui qui est un grand civilisé.

M. LESAGE: C'est vous qui m'avez attaqué tantôt.

M. BELLEMARE: Lui qui est un bon garçon habituellement.

M. LESAGE: Continuez votre affaire.

M. BELLEMARE: Oui, mais arrêtez donc, vous, de m'interrompre.

M. LESAGE: Ne me provoquez pas!

M. BELLEMARE: Ne vous choquez donc pas pour rien.

M. LESAGE: Je ne suis pas fâché.

M. BELLEMARE: Cela vous monte, là.

M. LESAGE: Ne me provoquez pas!

M. BELLEMARE: On dirait que le vinaigre vous monte...

M. LESAGE: Allez, à terre. Descendez des nuages.

M. BELLEMARE: Voyez-vous? Je ne pensais pas le choquer comme cela.

M. LESAGE: Je ne suis pas choqué. Je ne suis pas choqué du tout, mais vous me dérangez dans mon ouvrage.

M. BELLEMARE: Je lui ai dit... M. LESAGE: Ne me provoquez pas.

M. BELLEMARE: II est à corriger ce qu'il a dit pour ôter ce qui le « tape » trop.

M. LESAGE: Non. Je n'ai pas une seule correction.

M. BELLEMARE: M. le Président, je dis d'abord que ce n'est pas nécessaire que ce soit un juge. Dans les autres provinces...

M. LESAGE: C'est de vos affaires.

M. BELLEMARE: ... ils adoptent des lois de travail et il y en a qui ne sont pas des juges. Et ce n'est pas nécessaire qu'ils soient avocats.

Deuxièmement, le vice-président, en vertu de l'article 52, a déjà tous les pouvoirs et tous les devoirs qu'a un juge, et un avocat, et un président. C'est clair? C'est au paragraphe 2, sous- paragraphe 3. C'est clair, c'est net, c'est en toutes lettres. Tous les jours, le vice-président décide, lui aussi, en droit et en fait.

M. le Président, je dis qu'il n'y a rien qui empêche toutes les consultations qui se font et qui doivent se faire par la commission pour être toujours bien guidée dans le jugement qu'elle doit rendre. On n'a pas besoin d'avoir un avocat pour entendre les experts qui vont dire; Monsieur, dans tel cas, c'est un pourcentage de tant; c'est un accident de telle proportion, vous avez une responsabilité jusque-là. Il y a des experts pour faire cela. Ils sont là pour cela.

Je comprends mal le chef de l'Opposition qui se sert de l'article 1056a). La Loi des accidents du travail a été faite pour fermer les études des avocats qui faisaient des causes à perpétuité et qui ruinaient les gens. C'est clair?

Cela coûtait des fortunes pour se faire défendre et pour obtenir un petit pain à la fin. Et quand on a eu l'idée de passer la Loi des accidents du travail, on a fermé bien des bureaux d'avocats qui, pour des niaiseries, plaidaient et replaidaient, pour des folies, pour tâcher d'augmenter...

M. LESAGE: Si ce n'est pas de la démagogie ça, je ne sais pas ce que c'est.

M. BELLEMARE: Est-ce que c'est vrai? M. Taschereau lui-même, de son siège, en 1931, avait dit: Nous passerons la Loi des accidents de travail pour rendre justice aux ouvriers qui sont exploités par les avocats.

M. LESAGE: J'invoque le règlement.

M. BELLEMARE: C'est dans les faits ça.

M. LESAGE: J'ai invoqué le règlement. Le ministre n'a pas besoin de revenir là-dessus. D'autant plus qu'il m'a posé une question: Est-ce que c'est vrai? Il est sûr qu'ici au Québec, comme ailleurs au Canada et aux Etats-Unis et dans d'autres pays du monde, il y avait eu des abus, non seulement de la part des avocats mais de la part de ceux que l'on appelle en anglais les « ambulance-chasers », et le ministre sait ce que je veux dire. On a décidé, à ce moment-là, d'établir la Commission des accidents du travail pour éviter non seulement ces abus mais bien d'autres abus. Cela a été fait. Cela a été un grand bien.

C'est une bonne loi, mais quand j'ai dit que le président devait être un homme de loi, c'est en vertu de la Loi des accidents du travail telle que nous l'avons, et en tenant compte des articles que j'ai mentionnés, qu'on ne retrouve pas

dans les autres provinces, et de l'article 1056 a) du code civil qui n'existe pas dans les autres provinces.

M. BELLEMARE: Mon intervention veut être une réplique parce que j'ai été sage, et je n'ai rien dit pendant toute son intervention.

M. LESAGE: Je veux vous empêcher de faire de la démagogie.

M. BELLEMARE: Pourquoi me déranger? Pourquoi m'interrompre? Je ne l'attaque pas personnellement. Il m'a donné lui-même des arguments, je réponds à ça. Je dis qu'il n'est pas nécessaire d'être avocat...

M. LESAGE: Mais le ministre m'a posé la question: Est-ce que c'est vrai? Je dis que c'est partiellement vrai. Alors, il n'y a pas seulement les avocats qui commettaient des abus, il y avait les employeurs et les compagnies d'assurance aussi qui traînaient les procès pendant des mois et des années et qui privaient les accidentés... Cela est injuste. On revient à des choses qui se sont passées il y a au-delà de trente ans et que le ministre prétend connaître. Il y a eu des abus non seulement de la part des avocats mais de la part des employeurs, de leurs assureurs et de ceux qu'on appelle les « ambulance-chasers », de la part de certains médecins.

Ce sont tous ces abus que la Commission des accidents du travail a corrigés. Ma réponse, c'est oui. Mais il n'y avait pas seulement les abus des avocats.

M. BELLEMARE: Mais, M. le Président, on a enlevé tout droit de recours aux avocats.

M. LESAGE: C'est une loi qui a près de quarante ans.

M. BELLEMARE: On a enlevé dans la loi tout droit de recours, tout droit d'appel.

M. LESAGE: C'est pour ça que c'est important que ce soit un homme de loi qui soit président.

M. BELLEMARE: Alors, c'est pour ça,M. le Président, qu'on l'a enlevé, parce qu'il y avait eu des abus du côté... des causes qui ont été instituées et...

M. LESAGE: Mais, partez de la loi telle qu'elle est...

M. BELLEMARE: II y avait dans certains bureaux, des dossiers qui étaient numérotés, et tel cas ça prenait le numéro 11 ou le numéro 12.

M. LESAGE: Cela ne donne absolument rien. Cela ne nous avance pas d'un pouce.

M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, je dis donc que ce n'est pas nécessaire d'être avocat ni juge pour être président d'un tribunal d'arbitrage pour régler des questions terriblement, extrêmement difficiles au point de vue financier et les problèmes qui concernent des relations patronales ou syndicales qui ont des retentissements de millions de dollars. On prend un homme du milieu qui, lui, s'entoure d'experts et qui rend la décision. Sa décision est finale, est obligatoire.

Dans l'article qui fait le sujet de ce débat, je ne vois pas le pourquoi de cette tempête. Au contraire, c'est qu'on ne dit pas que nous allons être contre quelqu'un. Non, on dit simplement que si, à un moment donné, il y a une ouverture et si nous avons en main un homme d'une grande compétence, eh bien, nous le nommerons. C'est simplement pour avoir cette liberté. Pourquoi tant d'obstination? Je ne vois pas pourquoi le chef de l'Opposition fait une guerre contre cet article-là. Au contraire, il est très simple. Cela ne veut pas dire qu'il va y avoir un limogeage. Cela ne veut pas dire $27,500. Vous l'avez entendu? Il reste là, il n'a pas moins que les autres, c'est ci et c'est ça. Qu'il attende donc. On verra.

M. LESAGE: On verra quoi?

M. BELLEMARE: On verra quand la Loi des tribunaux judiciaires sera adoptée.

M. LESAGE: C'est $28,000. M. BELLEMARE: Pardon?

M. LESAGE: C'est $28,000 qui sont proposés.

M. BELLEMARE: Bon, on verra ça, M. le Président. Pourquoi faire de la chicane pour rien? Je suis un bon gars, moi. Il va me faire tellement de misère que je vais être obligé de me venger sur quelqu'un.

M. LESAGE: De vous attendrir!

M. BELLEMARE: Pardon!

M. LESAGE: De vous attendrir!

M. BELLEMARE: Non, de me choquer après quelqu'un.

M. LESAGE: Oui, ne me...

M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, je vous demande...

M. LESAGE: Sur division. M. BELLEMARE: Merci.

M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. LESAGE: Nous ne pouvons pas admettre ce dernier principe.

M. BELLEMARE: M. le Président, pouvons-nous aller en comité plénier?

M. LESAGE: Oui, pour libérer M. le président, d'accord.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre propose que la Chambre se forme en comité plénier pour l'étude du bill 80.

Cette motion sera-t-elle adoptée?

Adopté.

Comité plénier

M. BELLEMARE: M. le Président, je demande l'ajournement.

M. LESAGE: La séance du comité est suspendue.

M. BELLEMARE: La séance est suspendue jusqu'à 8 h 15.

M. LESAGE : A 8 heures.

M. BELLEMARE: A 8 h 15. Il faut que j'aille à l'hôpital.

M. LE PRESIDENT: 8 h 15.

Reprise de la séance à 20 h 20

M. FRECHETTE (président du comité plénier): A l'ordre, messieurs!

M. BERTRAND: Je regrette que notre collègue, le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, qui s'est rendu à l'hôpital d'où il était sorti cet après-midi, à l'heure du souper, ne puisse pas être avec nous ce soir, il m'a téléphoné pour dire que sa santé ne lui permettait pas de revenir. Il nous demande donc de tâcher de finir ce projet de loi no 80. Quant au bill 81, Loi concernant les régimes supplémentaires de rentes établis en vertu de décrets de convention collective, il en demande la remise à la semaine prochaine.

Je dois dire que je pense me faire l'interprète de tous les collègues en lui réitérant nos voeux de prompt rétablissement.

M. LESAGE: M. le Président, je suis réellement désolé que le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre n'ait pas pu revenir ce soir. Si je suis déçu, ce n'est pas parce que nous ne pourrons pas procéder suivant ce que nous avions déterminé. Pas du tout. Si je suis déçu, c'est à cause de la vieille amitié que je porte au ministre du Travail; et le fait qu'il ne peut se rendre ici, ce soir, me cause une forte peine.

Nous aurions été prêts, comme je l'ai dit au premier ministre tout à l'heure, à procéder à l'étude du bill 81, jusqu'au stade du comité; mais, connaissant bien le ministre du Travail, je me suis rendu de bonne grâce à l'argument du premier ministre, lorsqu'il m'a dit que le ministre serait fortement déçu s'il ne pouvait pas lui-même présenter le projet de loi en deuxième lecture.

Alors, je me joins au premier ministre et à tous nos collègues pour espérer que le ministre du Travail va se reposer et que, lorsqu'il nous reviendra la semaine prochaine pour présenter le bill 81, il sera en pleine forme, il l'était d'ailleurs cet après-midi. En parfaite forme. A son meilleur. Je suis d'autant plus déçu de ne pouvoir reprendre la joute avec lui, ce soir.

M. BERTRAND: Je puis concourir à ce que le chef de l'Opposition vient de dire, que le ministre du Travail était en pleine forme. De mon bureau, là-bas, durant l'après-midi, j'ai suivi les débats, et j'ai vu qu'il n'avait rien perdu de sa vigueur, de son dynamisme et surtout du pittoresque qui l'anime.

M. BERTRAND: Article 1, M. le Président.

M. LESAGE: Si le premier ministre me permet, je vais retrouver mon projet de loi.

M. BERTRAND: On l'a noté cet après-midl, cet article 1, cet amendement réduit de trois à un le nombre minimum de jours d'invalidité requis pour qu'un ouvrier ait droit à la compensation à la suite d'un accident de travail. Je crois que c'est une amélioration à la loi. Adopté?

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Article 2.

M. BERTRAND: Cest le principe de l'indexation qui s'applique à cet article 2. Les rentes payables à titre de compensation de travail seront indexées à compter du premier janvier 1970. On leur appliquera l'indice qui a été établi par le régime des rentes du Québec.

M. LESAGE: Nous en avons discuté assez longuement en deuxième lecture, et j'ai donné notre accord.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Article 2, adopté. Article 3.

M. BERTRAND: L'article 3, c'est de la concordance. Appliquer le même principe en cas d'aggravation de l'Invalidité.

M. LESAGE: Ce n'est pas de la concordance.

M. BERTRAND: Nous appliquons le même principe pour les deux.

M. LESAGE: Disons que je ne suis pas d'accord avec le premier ministre qu'il s'agisse du même principe, mais que je suis d'accord avec ce troisième principe.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Article 3, adopté, article 4.

M. BERTRAND: A l'article, 4 — j'ai suivi le débat qui a eu lieu cet après-midi — je dois dire, comme avocat, que je partage l'opinion du ministre du Travail.

D'ailleurs, si le président, qui est un juge, tombe malade il est remplacé par le vice-président qui n'est pas un avocat ou qui peut ne pas être un avocat, qui peut ne pas être un juge. Je crois que nous pouvons trouver — les avocats ont envahi depuis assez longtemps le champ de plusieurs activités — des domaines où il y a des personnes très compétentes, des personnes expérimentées, des personnes douées d'un bon jugement, de bon sens et qui ont fait des études. Même si ces personnes ne sont pas avocats, je crois qu'elles peuvent très bien remplir les obligations et assumer les responsabilités qui sont celles d'un président.

D'ailleurs, dans ce domaine l'on pourrait trouver des exemples, où peut-être dans un domaine tout à fait autre, quand on applique devant nos tribunaux criminels le principe du jury où devant douze personnes...

M. LESAGE: Sur les questions de fait..

M. BERTRAND: Ce sont des questions de fait, c'est admis. Quand il s'agit de questions de droit, elles sont soumises à un président qui est là pour en juger. Un président de la Commission des accidents du travail ou de certaines autres commissions peut être assisté d'excellents procureurs. Il peut y avoir un avocat de nommé qui pourra très bien fournir des conseils juridiques à la personne qui préside.

Je ne vois pas que l'on doive nécessairement maintenir ce principe que seuls des juges puissent être nommés là.

M. LESAGE: Qu'on inscrive, au moins, un homme de loi ou qu'on amende l'article 56.

M. BERTRAND: Quand un gouvernement, quel qu'il soit, nomme un président d'une commission, comme celle des accidents du travail dont le quorum doit être de cinq membres, au sein de cette commission, il peut y avoir un avocat.

M. LESAGE: Oui, mais qu'on change l'article 56.

M. BERTRAND: Ils peuvent avoir autour d'eux des conseillers juridiques. Rien ne les empêche d'obtenir les renseignements d'un conseiller juridique. Je crois que l'amendement suggéré par le ministre du Travail vient à son heure.

M. LESAGE: Oui, c'est surtout cela. M. BERTRAND: Ce n'est pas du tout...

M. LESAGE: C'est un bill genre Guindon, genre Picard.

M. BERTRAND: Je veux dégager la discussion de toute personnalité.

M. LESAGE: Oui?

M. BERTRAND: Je connais assez le ministre du Travail et le chef de l'Opposition le connaît assez pour savoir que ce n'est pas le but qu'il poursuit, il l'a expliqué cet après-midi. J'ai écouté son plaidoyer qui était aussi virulent et aussi vigoureux que peut l'être celui d'un avocat.

M. LESAGE: Lequel?

M. BERTRAND: Celui du ministre du Travail.

M. LESAGE: Oh non! M. le Président, sur une question de règlement. Tout de même! Je suis bien prêt à faire au ministre du Travail tous les compliments qu'on veut, mais, cet après-midi, sa performance d'avocat était assez pauvre en arguments de droit.

M. BERTRAND: C'est sur que jamais le ministre du Travail n'a voulu discuter de questions de droit avec le chef de l'Opposition.

M. LESAGE: Rien n'empêche que c'est de cela qu'il fallait discuter.

M. BERTRAND: Le ministre du Travail connaît, Je le sais, la mesure de sa taille. Quand il déclare que l'on peut trouver des personnes compétentes, douées d'un bon jugement et armées de fortes connaissances pour exercer cette fonction de président de la Commission des accidents du travail, sans que cette personne soit un avocat ou un juge, je concours à son opinion, même si je n'utilise pas les mêmes arguments qu'il a utilisés.

M. LESAGE: M. le Président, je ne puis être d'accord avec le premier ministre et le ministre du Travail. Il y a, dans la Loi des accidents du travail, un article très précis qui est l'article 56. Si l'on est pour nommer à la présidence de la Commission des accidents du travail un autre homme — je ne parle pas d'un juge -qu'un homme de loi, il faudrait modifier l'article 56 qui se lit comme suit, je le lis de nouveau: « Le quorum de la commission est de trois membres et elle décide à la majorité des voix. S'il y a partage des voix, le président a un vote prépondérant. Cependant l'opinion du président prévaut en toute question qui, de son avis, est une question de droit ». Est-ce qu'on peut laisser cette décision à un autre qu'un homme de loi? Je dis que si l'on veut se dispenser de l'obligation de nommer...

M. BERTRAND: On va biffer ça.

M. LESAGE: ... pas nécessairement un juge, mais un homme de loi...

M. BERTRAND: Il faudra biffer cet article.

M. LESAGE: Oui, il faudrait aussi biffer 1056a du code civil.

M. BERTRAND: Non.

M. LESAGE: Ah, M. le Président, voici. Dans le cas de 1056a, il s'agit du recours de la veuve, des orphelins ou des ascendants...

M. BERTRAND: C'est ça.

M. LESAGE: ... dans le cas de décès, à la suite d'un délit ou quasi-délit. Si la faute — la faute en droit — est celle de l'employeur, la veuve et les orphelins de la victime ne peuvent plus exercer leur recours en vertu de...

M. BERTRAND: Oui.

M. LESAGE: ... l'article 1056. L'article 1056a les en empêche, il faut donc que la commission, sur une question de droit, décide s'il y a eu délit ou quasi-délit d'abord et si la faute est celle de l'employeur. La décision de la commission est sans appel. C'est une décision sur une question de droit, et elle dispose d'une réclamation qui peut être très considérable. Je dis que lorsque M. Duplessis a décidé que ce sera un juge — c'est lui qui a décidé ça...

M. BERTRAND: Oui.

M. LESAGE: ... il tenait compte du fait que tous les présidents de la Commission des accidents du travail depuis la fondation de la commission en 1931 avaient été des hommes de loi. Mais il a voulu, étant donné, l'importance de la commission, l'Importance des décisions qu'elle doit prendre en fait, ou en fait et en droit, ou en droit seulement, il a voulu, dis-je, que ce tribunal quasi judiciaire — c'en est un — soit présidé par un juge. C'est la décision du chef du gouvernement dont faisait partie le député de Missisquoi, le premier ministre actuel.

On pourrait difficilement me convaincre qu'avec l'article 56 de la Loi des accidents du travail tel qu'il est, étant donné les très grandes responsabilités que doit prendre en loi le président de la commission dans des cas où l'article 1056 du code civil pourrait

avoir une application, on ne pourra pas me convaincre que le président peut être un autre homme qu'un homme de loi.

M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition me permettra cette question. Si le président est malade et que le vice-président qui le remplace n'est pas un avocat, qu'arrive-t-il?

M. LESAGE: A ce moment-là, le président malade sera consulté et il pourra rendre sa décision. D'ailleurs, la décision n'a pas besoin d'être rendue dans les quinze jours, on peut attendre trois semaines pour rendre la décision. Et s'il y a un défaut dans la loi... je connais l'article, le ministre du Travail me l'a cité.

M. BERTRAND: Le vice-président remplit les devoirs du président et exerce ses pouvoirs en cas d'absence, de maladie, d'incapacité d'agir ou de vacances.

M. LESAGE: D'accord, mais si un président de la Commission des accidents du travail est incapable d'agir au point où il ne peut rendre jugement sur des questions de droit, il faut le remplacer. Et ce serait peut-être une prudence d'avoir un vice-président qui soit également un homme de loi dans pareilles circonstances. C'est la meilleure réponse que je puisse donner au premier ministre. Les conflits de droit qui peuvent survenir sont définitivement trop importants pour qu'on en laisse la décision à d'autres qu'à des hommes qui ont une parfaite connaissance du droit.

Le premier ministre est un avocat. Il le sait. Lorsqu'il s'agit de décider de la responsabilité d'un délit ou quasi-délit, il se pose une question de droit. Il faut examiner les faits et appliquer le droit, et c'est le droit qu'il faut appliquer. Si je suis l'argument du premier ministre, et surtout ceux qui ont été élaborés cet après-midi par le ministre du Travail, les gens qui disent, toutes les fois qu'un avocat est nommé juge: Comment? C'est encore un maudit avocat? Il va falloir les prendre au sérieux et être prêts à nommer des gens qui ont n'importe quelle formation. Du moment qu'ils seront intelligents, nous allons leur permettre de monter sur le banc et de décider des questions de droit. C'est là que me conduit le raisonnement du premier ministre et celui du ministre du Travail. Je ne défends pas la classe des avocats. Ceux que je veux défendre, ce sont ceux qui sont justiciables devant la Commission des accidents du travail. Ils ont un droit absolu à ce que leurs droits soient examinés par des gens qui connaissent la loi, qui ont un entraînement juridique et qui sont en mesure d'en juger.

M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition l'admettra, à la Commission des accidents du travail, comme partout ailleurs, on a des conseillers juridiques...

M. LESAGE: Bien oui, mais... M. BERTRAND: ... qui peuvent... M. LESAGE: ... M. le Président...

M. BERTRAND: On n'a qu'à faire disparaître les trois dernières lignes.

M. LESAGE : Cela ne réglera pas le cas de l'article 1056.

M. BERTRAND: Oui, oui, s'il y a partage des voix, le président a un vote prépondérant. Cela, c'est la règle partout. A ce moment-là, le président et les membres de la commission devront, comme ils le font d'ailleurs, être entourés de conseillers juridiques.

M. LESAGE: Ce qui veut dire, M. le Président, que nous pourrions avoir à la cour Provinciale des juges qui décideraient des causes d'accidents d'automobiles. Ce n'est pas plus difficile que les causes découlant de l'article 1056; c'est plus facile dans presque tous les cas. Nous pourrions avoir des tribunaux provinciaux qui jugeraient des causes d'accidents d'automobiles, jusqu'à $3,000. Nous nommerions des gens de toutes sortes de disciplines et nous dirions: Ce n'est pas nécessaire que ce soit un avocat. Eh non, il va être conseillé par les avocats qui plaident devant lui.

M. BERTRAND: Ce n'est pas tout à fait la même chose.

M. LESAGE: Ou encore, il y a des assesseurs en droit.

M. BERTRAND: Ce n'est pas tout à fait la même chose.

M. LESAGE: Bien, alors il y aura des assesseurs en droit qui le conseilleront.

M. BERTRAND: Ce n'est pas tout à fait la même chose.

M. LESAGE: M. le Président, je suis convaincu que le premier ministre ne pourrait pas

être rassuré si des questions de droit allaient être jugées devant un tribunal quasi judiciaire où les avocats, des hommes à la connaissance juridique étendue, n'auraient pas le mot final sur les questions de droit. Si le premier ministre veut modifier l'article 56 de la Loi des accidents du travail...

M. BERTRAND: L'article 56 qui parle du quorum de la commission et des décisions.

M. LESAGE: M. le Président, je voudrais voir quelle en est la source?

M. BERTRAND: Les Statuts refondus 41. M. LESAGE: Je pense qu'il serait peut-être...

M. BERTRAND: Je n'ai pas d'objection à faire faire les recherches immédiatement, M. le Président. Statuts refondus 1941...

M. LESAGE: Non, il doit y avoir une erreur. M. BERTRAND: ... 19, c'était le chapitre. M. LESAGE: Ce doit être de 1941.

M. BERTRAND: Je vais faire faire les recherches.

M. LESAGE: En 1941.

M,, BERTRAND: M. Rioux s'en occupe.

M. LESAGE: Chapitre 160, article 55, et 13, Georges VI, chapitre 53. Mais 13, Georges VI, ce n'est pas la loi de 1953, cela?

UNE VOIX: Non.

M. LESAGE: Il faudrait aller à la source.

M. BERTRAND: Oui, M. Rioux y est allé.

M. LESAGE: Le premier ministre a dit qu'il ne voulait pas faire de personnalité, mais il se souviendra sans doute — c'est un problème qui se raccroche à celui-ci — qu'il a dit tantôt que le temps était opportun de faire ces changements. J'ai laissé entendre en guise de boutade...

M. BERTRAND: Non, ce n'est pas dans ce sens-là que j'ai voulu le dire. J'ai tout simplement voulu dire que ce n'est pas parce que...

M. LESAGE: Je n'accuse pas le premier ministre.

M. BERTRAND: ... cela a toujours été ainsi que cela doit nécessairement continuer à l'être.

M. LESAGE: J'ai dit que sous forme de boutade... Vous avez dit: Ah oui, le temps est opportun; j'ai répondu: on sait pourquoi. Le premier ministre a très bien compris ce que je voulais dire.

M. BERTRAND: Oui, j'ai saisi l'allusion, mais je ne l'ai pas acceptée.

M. LESAGE: Le ministre du Travail, cet après-midi, a fait de grands éloges duprésident actuel.

M. BERTRAND: Oui, et moi aussi, je le connais très bien.

M. LESAGE: C'est un homme de devoir. M. BERTRAND: C'est un de mes amis.

M. LESAGE: Je sais que c'est un ami du premier ministre. Ils se sont très bien connus...

M. BERTRAND: Il le sait, d'ailleurs, que c'est un de mes amis.

M. LESAGE: ... au cours d'activités du barreau rural. Mais c'est quand même curieux qu'on offre au président un salaire de $27,500 comme président de la Commission des accidents du travail, ce qui comporte une responsabilité et un travail très considérables alors qu'on augmente le salaire des juges de la cour Provinciale de ce qu'il est à $28,000.

M. le Président, si ceci ne constitue pas une pression indue sur le président actuel de la Commission des accidents du travail, je ne vois pas...

M. BERTRAND: D'ailleurs, cela a été fait avant l'augmentation du traitement des juges.

M. LESAGE: Pardon?

M. BERTRAND: Cela a été fait avant l'augmentation et même avant que la décision ne soit prise d'augmenter les juges.

M. LESAGE: Est-ce alors l'intention du gouvernement de continuer de tenir compte de cette différence de traitement que l'on a toujours considérée pour le président de la commission des accidents du travail, justement à cause de la somme de travail qu'il doit constamment donner, supérieure à celle que fournissent les juges des cours Provinciales? J'en prend à témoin le mi-

nlstre de la Justice qui nous en a parlé hier après-midi.

M. BERTRAND: Voicil'origine.Celadatede 21, George V, 1930, 1931.

M. LESAGE: C'est ça. C'est la loi originale.

M. BERTRAND: C'est l'origine de la loi. M. LESAGE: A son origine.

M. BERTRAND: Oui. Et le quorum, c'était l'article 55: « Le quorum de la commission est de deux membres, à ce moment-là, je pense qu'il y en avait trois, et elle décide à la majorité des voix. S'il y a partage des voix, le président a un vote prépondérant. Cependant, l'opinion du président prévaut, en toute question, qui, de son avis, est une question de droit ».

M. LESAGE: C'est mot à mot l'article actuel. Alors, nous vivons sous ce régime depuis 40 ans, depuis près de 40 ans. Cela n'a créé, à ma connaissance, aucune difficulté, mais cela démontre bien l'importance que le législateur, il y a quarante ans et depuis, a toujours attribué à la décision des questions de droit par un tribunal quasi judiciaire dont les décisions sont finales.

M. BERTRAND: A ce moment-là, si le chef de l'Opposition me le permet, en autant que je puis lire l'article 52: « II est établi une commission des accidents de travail, constituée en corporation, revêtue de tous les droits et pouvoirs appartenant en général aux corporations, ayant son siège social en la cité de Québec et composée de trois membres...

M. LESAGE: Mais oui.

M. BERTRAND: ... nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil, dont l'un, comme président, reçoit un salaire annuel de $10,000 et les deux autres, chacun un traitement annuel de $8,000 à compter du 1er septembre 1931.

M. LESAGE: Il faut dire que c'était des gros salaires dans ce temps-là. En 1931, $10,000, c'était un très gros salaire.

M. BERTRAND: Oui, mais je ne vois nulle part où le président doit être un juge...

M. LESAGE: Non, M. le Président... Mais non, j'ai donné...

M. BERTRAND: ... ni non plus un avocat.

M. LESAGE: Mais non, je l'ai dit cet après-midi. C'est M. Duplessis qui, en 1953, a apporté cette modification. Je n'ai jamais prétendu que c'était là depuis le début de la loi. C'est l'article 56 qui est textuellement ce qu'était l'article 55 à l'origine de la loi.

Mais c'est justement à cause de l'article 56 et à cause de l'article 1056a) du code civil que le premier ministre du temps, en 1953, M. Duplessis, a exigé que le président soit un juge. Quant au fait que les présidents doivent être des hommes de loi, j'ai donné cet après-midi les noms de tous les présidents depuis 1931.

M. BERTRAND: D'accord. D'accord.

M. LESAGE: C'étaient tous des avocats jusqu'au moment où M. Duplessis, en 1953, a amendé la loi et a dit que le président devait être un juge et a nommé, à ce moment-là, M. Joachim Grenier, juge.

M. BERTRAND: M. Grenier, oui.

M. LESAGE: Il me semble que c'est M. Joachim Grenier, en 1953, oui. Alors c'est comme ça que ça s'est passé. Mais l'article 56 est là depuis 1930, 1931. Cela fait 40 ans qu'on vit sous le régime de l'article 56. Et ç'a toujours été des hommes de loi qui ont été présidents.

M. BERTRAND: M. le Président, on peut laisser l'article 56 tel quel. Il appartiendra au président, avant de rendre sa décision, puisque son vote prédominera sur toute question de droit, il lui appartiendra de demander avis à son conseiller juridique.

M. LESAGE: Je ne suis pas d'accord. M. BERTRAND: Pourquoi?

M. LESAGE: Je trouve que cela n'a pas de bon sens.

M. BERTRAND: Pourquoi?

M. LESAGE: Il a la responsabilité de décider lui-même, il doit savoir, d'abord, s'il s'agit d'une question de droit et, s'il en vient à cette conclusion, où, par son vote prépondérant, il doit décider de la question de droit, il faut nécessairement que ce soit un homme de loi. C'est sa responsabilité à lui. Cela ne peut pas être la

responsabilité de tiers qui sont des conseillers juridiques.

M. BERTRAND: Qu'il fait sienne.

M. LESAGE: Qu'on lise l'article 56. Quelle est l'économie de l'article 56?

M. BERTRAND: Qu'il fait sienne.

M. LESAGE: M. le Président, le premier ministre m'a habitué à de meilleurs raisonnements!

M. BERTRAND: Quant à ça, M. Taschereau s'était profondément trompé; c'était exactement l'économie de la loi en 1931.

M. LESAGE: L'article 56 était alors l'article 55.

M. BERTRAND: L'article 55 et, à ce moment-là, on n'exigeait pas que ce soit un juge ou un avocat.

M. LESAGE: M. le Président, une chose est certaine, c'est qu'on n'a nommé que des avocats. A un moment donné, M. Duplessis a décidé qu'à cause de l'importance du tribunal ce devrait être un juge. Qu'on dise, au moins, que ça doit être un homme de loi. C'est parce que je connais les intentions du ministre; il me les a dites. Son intention, c'est de remplacer le président actuel par un homme qui n'est pas un homme de loi.

M. BERTRAND: Peut-être.

M. LESAGE: Oui, peut-être. C'est là le danger. Je mets le gouvernement et le premier ministre en garde contre cette idée de remplacer le président de la Commission des accidents du travail par un homme qui n'est pas un homme de loi. Je dis qu'étant donné la responsabilité qu'a à prendre le président de la commission en droit, en vertu de l'article 56, on ne peut pas nommer une personne qui se contentera de demander des avis juridiques pour savoir, d'abord, si le dossier qu'il a devant lui soulève une question de droit. Qu'on lise 56. Cela lui est laissé à lui et à lui seul de décider, si c'est une question de droit.

M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition est trop absolu dans l'énoncé de son opinion.

M. LESAGE: Bien, l'article 56 est joliment absolu.

M. BERTRAND: Pendant des années, nous n'étions pas obligé de nommer un avocat ou un juge; on l'a remplacé seulement en 1963. Je n'aurais jamais cru que le chef de l'Opposition défendrait avec autant de vigueur un amendement qui a été présenté par M. Duplessis et qu'en face de lui un autre soutiendrait le point de vue contraire.

M. LESAGE: M. le Président, je n'ai pas toujours été d'accord avec M. Duplessis, mais, au moins, c'était un excellent avocat.

M. BERTRAND: Oui.

M. LESAGE: Cela, je l'ai toujours reconnu. Je n'ai pas été d'accord avec ses politiques. Je n'ai jamais été d'accord avec son conservatisme, mais, tout de même, j'ai toujours reconnu que c'était un excellent avocat, un homme qui connaissait bien son droit et qui savait ce qu'il fallait faire pour que le droit soit respecté. C'était un bon législateur aussi; je vous dis qu'il passait ça des lois, lui.

Le premier ministre le sait mieux que moi.Il en avait des trucs dans son sac. C'était un excellent avocat.

M. BERTRAND: Surtout les règlements de la Chambre.

M. LESAGE: C'est un fait. Je l'ai moins vécu que le premier ministre et certains de mes collègues. Il faut dire qu'il les arrangeait et les interprétait à son goût, mais il est sûr que M. Duplessis était un excellent avocat qui connaissait bien le droit statutaire en particulier.

M. BERTRAND: Oui. Parfaitement.

M. LESAGE: Il connaissait parfaitement le droit statutaire, et je n'ai pas de raison de croire que, pour ce qui est de la Loi des accidents du travail, il a pu commettre de si grandes erreurs. Il aurait fallu que tous ses prédécesseurs en commettent en ne nommant que des hommes de loi. Cela s'imposait et je suis surpris d'entendre le premier ministre dire que ça ne s'impose pas et que le président de la commission, sur des questions de droit, pourrait rendre ses décisions par ouï-dire.

M. BERTRAND: M. le Président, vote!

M. LESAGE: M. le Président, le premier ministre n'a donné aucune raison.

M. BERTRAND: Il dit que cela a existé comme ça pendant des années.

M. LESAGE: Quelle est la raison pour laquelle cette année, à ce moment-ci, on revient...

M. BERTRAND: Le ministre l'a énoncé cet après- midi.

M. LESAGE: Non, pas du tout. J'aimerais bien savoir la vérité, toute la vérité venant des banquettes ministérielles.

M. BERTRAND: Il n'y a pas de vérité à cacher du tout. Le ministre l'a dit cet après-midi, il a fait l'éloge du président actuel. J'ai dit tantôt que je ne voyais pas...

M. LESAGE: Doit-on considérer que c'est un éloge funèbre?

M. BERTRAND: ... pourquoi il fallait absolument être juge ou avocat pour être président de la Commission des accidents du travail.

M. LESAGE: Il ne m'a pas donné de bons arguments.

M. BERTRAND: Oui. Ce peut être une personne qui a un bon jugement, qui a des connaissances et qui peut être assistée de conseillers juridiques.

M. LESAGE: Je ne suis pas d'accord, et comme argumentation c'est très pauvre. Le premier ministre le sent bien, d'ailleurs. Je voudrais savoir pourquoi, à ce moment-ci, on choisit de nous apporter cet amendement alors qu'on a un président de la Commission des accidents du travail qui est en parfaite santé, qui est un homme compétent qui fait bien son travail? Pourquoi?

M. BERTRAND: Et dont le ministre du Travail a lui-même fait l'éloge cet après-midi.

M. LESAGE: Oui, mais doit-on prendre cet éloge pour un avis de congé?

M. BERTRAND: Vous auriez pu poser la question au ministre, il vous l'a dit cet après-midi.

M. LESAGE: Ou un éloge funèbre? Je voulais le lui demander ce soir.

M. BERTRAND: Il vous a dit qu'il était là.

M. LESAGE: M. le Président, nous étions en deuxième lecture cet après-midi et le temps des questions et des réponses, c'est en comité.

M. BERTRAND: J'ai moi-même fait l'éloge tantôt de M. Marineau que je connais bien.

M. LESAGE: Oui, je le sais.

M. BERTRAND: C'est un de mes amis.

M. LESAGE: Oui, oui.

M. BERTRAND: Je veux dégager totalement de la personne de M. Marineau la discussion de ce projet de loi. J'aime à dégager...

M. LESAGE: Je n'ai eu aucune réponse précise.

M. BERTRAND: ... une discussion comme celle-ci des personnes qui occupent le poste.

M. LESAGE: Jusqu'à ce que la loi soit adoptée pour qu'on puisse les mettre en cause.

M. BERTRAND: Autrement nous pourrions par nos propos indirectement porter atteinte à leur réputation, et j'ai trop de respect pour la réputation de M. Marineau pour le faire.

M. LESAGE: Moi aussi, j'ai beaucoup de respect pour la réputation de M. Marineau. D'un autre côté, ce que nous faisons là en amendant la législation, avec les raisons qu'on donne, est peut-être de la part du gouvernement et de ses membres de nature à jeter plus de doutes que toute discussion franche et honnête qu'on peut avoir ici.

M. BLANK: Le fait qu'on aura peut-être cet amendement à la Loi des accidents du travail créera une situation plus sérieuse qu'avant qu'il y ait un manque dans cette loi. Comme le chef de l'Opposition l'a dit, les décisions de la Commission des accidents du travail seront des décisions finales, absolument finales, il n'y aura aucun appel, aucun droit de certiorari, aucun droit de prohibition, aucun droit de toucher à cette décision.

Au moins on avait jusqu'à présent une décision sur une question de droit qui était rendue par un homme de loi ou un juge. Maintenant, si l'on nomme une personne qui n'est pas un homme de loi, on pourra avoir des décisions de droit sans appel, sans droit de surveillance par n'importe quel tribunal. Ce sera final.

Nous avons d'autres lois qui ont été adoptées par ce Parlement. Par exemple, un homme qui perd son permis de conduire pour un mois. Ce n'est pas tellement sérieux. Ce n'est pas comme un homme qui est tué dans un accident de

travail. Cet homme qui perd son permis pour un mois peut faire appel à un tribunal. Il peut se présenter devant des hommes de loi: pas un ni deux, mais trois juges de la cour Provinciale.

On donne ce privilège à un homme qui perd son permis de conduire pour un mois. Mais ici, on aura un jugement d'un homme qui n'a pas d'entrafnement en droit, un homme qui ne connaît pas le droit, un homme qui ne peut pas rendre de décision sur une interprétation de droit et il n'y aura aucun appel de cette décision.

M. BERTRAND: On me dit que pour la plupart des auditions, dans la très grande majorité des cas, il y a un commissaire qui fait une partie de l'enquête.

M. LES AGE: Quand il n'y a que des questions de fait, cela va bien.

M. BERTRAND: Cela peut se présenter combien de fois? Tous ceux qui exercent la profession d'avocat savent que cela se présente rarement. Cela s'est présenté combien de fois dans votre pratique?

M. LESAGE: M. le Président, pourrais-je faire remarquer au premier ministre qu'en cour Provinciale il arrive beaucoup plus souvent que les jugements doivent être rendus sur des questions de fait que sur des questions de droit ou des questions mixtes de fait et de droit.

Ce n'est pas parce que, la plupart du temps, il ne s'agit que d'une preuve médicale où le débat consiste dans l'évaluation précise de l'incapacité de l'accidenté en pourcentage, ce n'est pas parce que dans la plupart des cas c'est ça qui se présente que ça empêche que dans des cas très sérieux qui viennent devant le même tribunal, il se présente des questions de droit et inévitablement dans tous les cas de mort d'homme au travail, la question de savoir si l'article 1056a) sera appliqué se présente. Et ça, c'est très sérieux.

M. BERTRAND: J'ai pratiqué assez activement. J'ai été en relation avec la Commission des accidents du travail. La plupart des cas...

M. LESAGE: Oui.

M. BERTRAND: ... sont des cas d'évaluation d'incapacité et...

M. LESAGE: Je viens de le dire.

M. BERTRAND: ... c'est fait par les médecins qui font un rapport au président ou...

M. LESAGE: Je viens de le dire. M. BERTRAND: ... aux commissaires. M. LESAGE: Mais n'empêche... M. BERTRAND: C'est tout.

M. LESAGE: Et à ce moment-là, il y a un seul commissaire qui examine le dossier, qui prend la décision et ça n'a pas besoin d'être un avocat, d'accord. Mais il faut qu'il y en ait un. La loi dit que ce doit être le président parce que c'est lui qui décide des questions de droit. C'est la loi qui le dit à l'article 56. Il faut qu'il y en ait un qui soit prêt, au point de vue juridique, au point de vue entraînement, à rendre des décisions en droit. Cela se présente, c'est clair que ça se présente. Cela se présente à toutes les fois qu'il y a mort d'homme au travail.

M. BERTRAND: Qu'est-ce qui l'empêche d'être conseillé par des personnes versées en la matière...

M. LESAGE: Est-ce que le premier ministre...

M. BERTRAND: Qu'est-ce qui l'empêche de faire ça?

M. LESAGE: M. le Président...

M. BERTRAND: II n'y a absolument rien d'incompatible...

M. LESAGE: Très bien. Le député de Saint-Louis vient de donner un exemple. Dans tous les cas de suspension de permis de conduire, la suspension peut être décrétée par un homme qui n'est pas un avocat.

M. BERTRAND: C'est un fonctionnaire.

M. LESAGE: C'est le directeur du service...

M. BERTRAND: ... des véhicules automobiles.

M. BLANK: Avec l'avis de ses conseillers.

M. LESAGE: ... des véhicules automobiles avec l'avis de conseillers juridiques. Mais il y a appel de sa décision devant trois juges de la cour provinciale et il ne s'agit que d'une suspension d'un mois de permis de conduire. Lorsqu'il s'agit d'un recours aussi important que celui prévu à l'article 1056, on va laisser décider ça par un homme qui n'est pas un homme

de loi, sur le conseil d'assesseurs? C'est impensable, M. le Président. Je ne sais pas à quoi les membres du gouvernement pensent?

M. PINARD: M. le Président, est-ce que je pourrais demander au premier ministre si en présentant le bill qui est en discussion devant la Chambre ce soir, il n'aurait pas été temps d'apporter un amendement à la loi pour permettre aux commissaires de la Commission des accidents du travail de rendre dans le cas de doute, un jugement favorable à l'accidenté du travail?

M. BERTRAND: C'est la règle.

M. PINARD: C'est la règle! Je suis revenu souvent sur certains dossiers que j'ai eu la responsabilité de plaider devant des commissaires et j'ai à l'esprit, entre autres, un dossier qui date d'assez longtemps. J'avais eu l'occasion d'aller le discuter avec le ministre du Travail de l'époque qui s'était montré bien sympathique, mais qui disait qu'à cause des carences de la loi, il ne pouvait pas outrepasser les décisions prises par les commissaires et qu'il n'avait pas le pouvoir, même s'il le voulait, de donner une décision favorable à l'accidenté du travail.

M. BERTRAND: II n'y a absolument rien...

M. PINARD: Je vais donner un exemple au premier ministre. Il comprendra tout de suite de quoi il s'agit. Il existe des cas de maladie qui amènent une incapacité partielle permanente très considérable. Par exemple le cas du glaucome qui, on le sait, est une maladie de la vue. Le cas que j'avais à plaider devant les commissaires et un peu plus tard devant le ministre du Travail concernait un ouvrier de la Canadian Celanese située dans mon comté, qui avait fait une chute en bas d'une échelle et qui s'était fracturé la colonne vertébrale. Il a été hospitalisé, il a été traité et il est resté infirme. Son incapacité partielle permanente a été fixée à un certain degré, dont je ne me souviens pas. La commission l'a indemnisé en conséquence. Mais un peu plus tard, s'est développé cette maladie du glaucome...

M. BERTRAND: Aggravation du glaucome.

M. PINARD: ... avec aggravation. D'abord, les médecins ont été obligés de le priver d'un oeil, et finalement l'autre oeil a dû être enlevé. Il est devenu complètement aveugle. Médicalement parlant, les spécialistes n'ont jamais été capables de dire si cette maladie subséquente avait été une suite directe de l'accident du travail ou non.

A ce moment-là, je disais que le doute devait être donné en faveur de l'accidenté du travail, et on m'a toujours répondu qu'à cause de la loi ce doute ne pouvait pas lui être accordé. Alors, il n'a pas pu être compensé de façon juste et raisonnable comme je l'avais espéré.

M. BERTRAND: C'est plus que le doute. Si le rapport médical, dans un cas comme ça, est aussi imprécis, aussi vague, il me semble qu'il est élémentaire que les commissaires doivent donner — si c'est un doute — ils n'ont pas la preuve.

M. PINARD: Il s'agit d'une question de fait à être établie par des médecins, par des spécialistes.

M. BERTRAND: C'est une question de jugement aussi.

M. PINARD: A ce moment-là, il peut y avoir un litige entre les spécialistes. Des médecins ne pouvaient pas dire si cette maladie se rattachait à la première maladie, qui était une maladie du travail, à un traumatisme; d'autres disaient que c'était possible, mais qu'ils n'en avaient pas l'assurance. Les spécialistes s'accordent pour dire qu'ils ne sont pas capables de déterminer la cause exacte du glaucome. Cela est un cas qui est assez rare, c'est un cas bien spécifique, Je l'admets.

M. BERTRAND: J'ai eu un cas semblable. Je n'ai pas d'objection à en prendre bonne note, et Je vais demander aux officiers du ministère d'examiner le problème avec les gens de la Commission des accidents du travail, mais je n'ai pas à proposer d'amendement ce soir dans ce domaine-là.

M, PINARD: Je comprends, mais je donne un exemple pour dire que la loi pourrait être amendée pour permettre aux commissaires de juger favorablement un cas comme celui-là, qui est assez rare, qui est bien spécifique, mais qui peut quand même se produire.

M, BERTRAND: Vous avez souvent, dans certains cas, des rapports d'experts qui se contredisent, des rapports d'experts, de médecins. A ce moment-là, ils sont pris devant deux rapports, et j'admets avec vous que ça peut créer un doute dans l'esprit des commissaires, il y a des cas, semble-t-il, où le doute a été donné

à la victime; dans d'autres cas, on me rapporte qu'à certains moments la victime n'a pas bénéficié du doute. Je leur demande d'examiner ce problème.

M, PINARD: Evidemment, il n'y a pas d'appel des décisions renduespar les commissaires. Maintenant que la science médicale a évolué, et, dans ce cas spécifique que je viens de citer, je pense qu'il y aurait possibilité, peut-être.

M. BERTRAND: Il y a encore des cas marginaux.

M. PINARD: Maintenant que ces spécialistes soient en mesure de dire qu'il peut y avoir une relation directe dans le cas du glaucome avec ce traumatisme subi par l'accidenté du travail. Autrefois, ce n'était peut-être pas possible pour un spécialiste de le déterminer; maintenant, ça peut être possible. Est-ce qu'il y a possibilité de revenir en arrière et d'obtenir pour l'accidenté du travail cette décision favorable dont j'ai parlé tantôt? Si la loi ne mentionne rien, n'y pourvoit pas, je me demande comment les commissaires pourront accepter une requête de façon favorable.

M. BERTRAND: Je pense qu'à la Commission des accidents du travail, en certains cas du moins, à ce qu'on me dit, des vieux dossiers ont été réouverts, réétudiés, réexaminés; il y a des décisions qui ont pu être rendues. Maintenant, je n'ai pas de cas à l'esprit, mais c'est le sous-ministre qui me rapporte ça.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Alors, article 4 adopté sur division?

M. BERTRAND: Adopté.

M. LESAGE: J'aurais une question à poser au premier ministre. J'avais posé la question indirectement au ministre du Travail cet après-midi: Est-ce l'intention du gouvernement de voir à ce que soit transféré le fonds de la Commission des accidents du travail, qui est d'environ $200 millions, à la Caisse de dépôt et de placement?

M. BERTRAND: Oui, on me dit que c'est l'intention du ministre.

M. LESAGE: Si la réponse est affirmative, est-ce qu'on a l'intention de le faire d'ici la fin de la session?

M. BERTRAND: Je ne saurais dire si on le fera d'Ici la fin de la session ou de l'année.

M. LESAGE: Il y a devant nous le bill 81 qui propose de transférer les fonds accumulés dans les régimes de rentes institués en vertu des décrets de la construction. C'est un fonds qui, à l'heure actuelle, est de $40 millions à $50 millions, il sera de $100 millions d'ici deux ou trois ans. Nous le transférons. D'ailleurs, je l'ai dit au premier ministre, je l'avais dit au ministre du Travail, nous avons quelques modifications à proposer en comité, mais nous sommes d'accord avec le principe du bill.

M. BERTRAND: Je dois dire au chef de l'Opposition que le ministre du Travail avait l'intention, en deuxième lecture, à l'occasion de l'étude de ce projet de loi, d'après ce qu'on me dit, de parler justement du fonds...

M. LESAGE: Bon, alors, je vais attendre...

M. BERTRAND: ... de la Commission des accidents du travail.

M. LESAGE: ... M. le Président, si tel est le cas, à la semaine prochaine...

M. BERTRAND: D'accord.

M. LESAGE: ... et Je poserai des questions au ministre du Travail lors...

M. BERTRAND: Parfait.

M. LESAGE: ... de l'étude du bill 81.

M. BERTRAND: Très bien.

M. LESAGE: Maintenant, sur l'article 4 de ce projet de loi, nous devons voter contre...

M. BERTRAND: D'accord.

M. LESAGE: ... et nous demandons un vote par assis et levé.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Alors, que les membres du comité qui sont en faveur de l'article 4 veuillent bien se lever.

Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever.

Adopté sur division.

Article 5?

M. BERTRAND: Adopté.

M. FRECHETTE (président du comité plénier): Adopté. C'est tout.

M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le comité a adopté le bill 80 sans amendement.

M. PAUL: Troisième lecture. Troisième lecture

M. LEBEL (président): De consentement unanime, l'honorable ministre de la Justice, au nom de l'honorable ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, propose la troisième lecture du bill 80. Cette motion sera-t-elle adoptée?

Adopté.

M. LESAGE: M. le Président, j'étais distrait, c'est entendu que c'est sur division, l'adoption en troisième lecture, il fallait d'ailleurs le consentement unanime.

M. BERTRAND: Est-ce que la deuxième lecture a été adoptée?

M. LESAGE: Oui, la deuxième lecture a été adoptée à la même séance, à la séance de cet après-midi.

M. LE PRESIDENT: D'accord, mais vu le silence, j'ai cru qu'il y avait consentement unanime.

M. BERTRAND: Troisième lecture?

M. LESAGE: J'étais distrait, M. le Président; je n'ai pas d'objection à donner le consentement à ce que nous procédions à la troisième lecture. Mais lorsque vous demandez le vote sur la troisième lecture, je dois dire sur division.

M. BERTRAND: Sur division? M. LESAGE: Oui. M. BERTRAND: Parfait. M. PAUL: Quatre.

Bill 72 Deuxième lecture

M. LE PRESIDENT: Reprise du débat sur la motion de l'honorable ministre de la Justice proposant que le bill 72 soit lu une deuxième fois.

L'honorable député d'Abitibi-Ouest.

M. Lucien Cliche

M. CLICHE: Lors du débat qui a débuté hier en deuxième lecture, M. le Président, j'ai donné plusieurs arguments qui militent en faveur du projet de loi, et j'ai mentionné que les juges en chef ainsi que le ministre de la Justice et ses hauts fonctionnaires devaient exercer une surveillance plus étroite de l'activité des juges de la cour Provinciale, de la cour des Sessions de la paix et de la cour du Bien-Etre social. J'ai mentionné que cette surveillance voulait nécessairement dire des sanctions, sanctions qui ne sont pas prévues, actuellement, par les lois existantes. Et si l'on veut que les mesures que l'on impose soient observées en totalité, il va falloir, nécessairement, éventuellement, qu'on exerce des sanctions.

Je disais que les juges ne donnaient pas toujours, — certains, la minorité, — toute l'attention que l'on requérait d'eux lorsqu'ils ont été assermentés à leur poste. J'ai, à une autre occasion, fait des observations quant au travail exercé par certains juges de la cour Provinciale, travail qui consistait à présider des tribunaux d'arbitrage. J'ai déploré cette attitude de la part de certains juges, peut-être assez nombreux, de la cour Provinciale qui délaissaient leur travail pour aller, à cause, peut-être d'une rémunération spéciale, pour aller présider des tribunaux, laissent à leurs confrères un lourd fardeau.

Cela retardait l'application de la justice et l'audition des procès ou des litiges, avec le résultat que les contribuables en souffraient préjudice. Comme le disait le ministre de la Justice, lorsque la justice est retardée, cela a toujours comme conséquence de causer uncertain préjudice aux citoyens, aux justiciables.

J'ai déploré, à une autre occasion, que des juges de nos cours provinciales quittent leur travail régulier, cessent de siéger au palais de justice pour aller exercer certaines fonctions comme présidents de tribunaux d'arbitrage, présidence qui leur apportait une compensation, un traitement intéressant, dans certains cas, peut-être très intéressant, dans des cas privilégiés.

Je sais que d'autres juges ont déploré cette attitude-là. A la suite des observations que j'avais faites à l'Assemblée nationale, j'ai reçu plusieurs lettres de juges me félicitant de mon attitude et des observations que j'avais faites.

Je répète ces observations. A cause de l'augmentation de traitement qui sera accordée lorsque le présent bill sera voté, je pense que le ministère de la Justice, le ministre en particulier, devra voir à exiger que les juges donnent tout leur temps disponible à l'administration de la justice uniquement et non pas à d'autres travaux, à moins d'y être invités tout spécialement par une décision du lieutenant-gouverneur en conseil lorsque certaines commissions d'enquête doivent être présidées par des juges en particulier. Mais, de façon gêné-

rale, je pense que le ministre de la Justice doit voir, avec les juges en chef, à. condamner cette pratique de la part de certains juges. Les traitements qui leur seront accordés seront sûrement suffisants pour leur permettre de boucler leur budget et surtout de remplir leur devoir qui est de voir à rendre justice dans les juridictions qui leur sont conférées.

C'était là, M.le Président, les remarques que je voulais faire à l'appui du bill 72. Pour toutes ces raisons, je voterai en faveur de l'adoption de ce bill.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de D'Arcy-McGee.

M. Victor-C. Goldbloom

M. GOLDBLOOM: M. le Président, je serai très bref. Je pense que nous sommes tous heureux de voir augmenter le nombre de juges dans nos cours. Je n'exprime pas d'opinion sur l'augmentation des salaires, quoique je doive dire que, si j'étais membre du gouvernement, j'aurais un peu de mal à expliquer au public comment, lundi et mardi de cette semaine, on a refusé aux assistés sociaux une augmentation suffisante de leurs allocations alors que, mercredi, on a proposé des augmentations importantes à nos juges.

Mais je voudrais commenter une situation qui, à mon avis, est un état de crise dans une des cours touchées par ce projet de loi, la cour du Bien-Etre social. Il est évidemment nécessaire, pour avoir soin des jeunes personnes qui comparaissent devant cette cour, d'augmenter le nombre de juges. Sans être homme de loi, M. le Président, je crois comprendre que les décisions qui sont rendues dans cette cour ont des conséquences fort différentes de celles qui se rendent ailleurs dans notre système judiciaire; c'est-à-dire, dans les autres cours, la décision est rendue.

Elle devient exécutoire et l'on procède à la mise en pratique de la décision rendue par le juge, s'il n'y a pas interjection d'appel.

Mais, dans la cour de Bien-Etre social, on est obligé de procéder à tout un service de bien-être pour les enfants impliqués. Pour ce faire, il faut un personnel qui aurait dû préparer la cause avant, fournir au juge les renseignements nécessaires pour l'appréciation de la cause. Ces employés doivent, comme officiers de probation, comme travailleurs sociaux ou dans d'autres fonctions, suivre le jeune inculpé pendant une période prolongée par la suite.

Cet état de crise, et j'en ai déjà parlé dans cette Chambre, existe depuis assez longtemps.

Il est aggravé, depuis quelque temps, par le départ d'un certain nombre de personnes qui ont bien servi cette cour.

On m'informe qu'au cours de l'année 1969 au moins trois officiers de probation ont quitté la cour et n'ont pas été remplacés; on invoque le gel des postes dans la fonction publique. Mais, il est clair que ce service n'avait jamais assez de personnel avant; avec le départ de ces personnes et, donc, de ces compétences, la situation est encore plus grave.

Curieusement, ces personnes quittent la cour à un moment où les salaires sont meilleurs que jamais, les conditions de travail sont même meilleures, mais la qualité du travail lui-même — et je ne mets en doute ni la compétence ni la sincérité ni le dévouement des personnes impliquées — laisse toujours énormément à désirer.

Les rapports dont les juges ont besoin ne sont pas fournis d'avance. Les Juges eux-mêmes se trouvent dans l'impossibilité de préparer les causes d'avance et sont obligés, au cours de l'audition, de vérifier eux-mêmes les moindres détails pour savoir si l'on a procédé à telle ou telle étude pour vérifier les faits et pour vérifier l'état de santé, tant physique que mental, du jeune intimé.

Les services téléphoniques de la cour, les services de secrétariat laissent aussi à désirer. Les travailleurs sociaux et les officiers de probation, qui, malheureusement, dans la majorité des cas, ne sont pas eux-mêmes travailleurs sociaux, n'ont pas le temps d'assister à des conférences, n'ont pas le temps d'entrer en relations extérieures, si on peut les appeler ainsi, avec le public, et le public est très mal renseigné sur ce qui se passe dans la cour et ne se sent pas impliqué ou même intéressé dans ce qui se passe là.

Je crois qu'il y a lieu de réexaminer cette décision de responsabilités entre le ministère de la Famille et du Bien-Etre social et le ministère de la Justice. Je crois qu'il y a lieu de fournir aux juges, ceux qui sont en place et ceux qui seront ajoutés par cette loi — que j'ai l'intention pour ma part d'appuyer, parce qu'il faut que le nombre de juges soit augmenté — il faut fournir dis-je à ces juges tout le personnel compétent dont ils peuvent avoir besoin; autrement le fait que, ce soir, nous votions le projet de loi et que nous augmentions le nombre de juges n'aura pas le résultat désiré.

Il faudra surtout coordonner le travail de tous ceux qui, par leurs efforts, appuient les juges dans leurs responsabilités extrêmement délicates. Sinon, ceux qui en souffrent actuellement et continueront d'en souffrir sont les

institutions telles que les écoles, les hôpitaux, les agences de bien-être social, nos services policiers et surtout les parents et les enfants impliqués.

MR. PRESIDENT: The Honourable Member for Saint-Louis.

M. Harry Blank

MR. BLANK: Mr. Speaker, I would like to add a few words to the discussion in respect to this bill.

Firstly, as to the question of the increase of the number of judges, I hardly agree with my confrere, the member for D'Arcy-McGee, that it is not absolutely essential that the number of judges be increased in the various Courts.

But, I am wondering whether in the Provincial Court when they are increasing the number of judges from 92 to 102 if that will really be sufficient. In view of the amendments contained in bill 74, the amendments to the code of procedure were the Provincial Court will now hear cases up to including $3,000 whether there will be sufficient judges to have the hearings as rapidly as we have them now in the Provincial Court.

Most cases at the Provincial Court, I am talking about the district of Montreal, which is the largest district as far as the number of cases go, most cases are heared within five or six months as against the Superior Court where an ordinary case takes anywhere from one to two years.

Most of the cases in the Superior Court up to now have been in the $3,000 category. The greater majority of them. Yet we have got a roll's court to somewhere between two in three years. We are now going to have the same situation in the Provincial Court if the number of judges is not sufficient. And I think that we must really look at the situation and see whether 102 judges for the Province is sufficient.

We must also remember that, under the recent amendments to the code of procedure, not only does the Magistrate Court or the Provincial Court now go up to $3,000, but under certain circumstances there is a right of appeal in cases of over $5,000 and under $3,000 to the Court of Appeal, which means that the actual hearing time of the cases is going to be much longer, more than one hundred are going to be needed, the judges are going to work longer at their judgments because if they are going to have a judgment that is subject to appeal, they are going to have then more research and more details in their judgment.

You will find that the judges are going to be working longer hours at any particular case and I am afraid that 102 judges will not be sufficient.

Insofar as the increase of the salaries of the judges is concerned, I am very hardly in favour of this increase and I will vote for the bill.

We must remember now that these judges have another responsibility. No longer are they dealing with cases in the $1,000 category. They are now dealing with cases up to and including $3,000. As I said before, these cases or most of them may be subject to appeal and the work is entailed in handing out written judgment details so that the Court of Appeal will have to get at the reasonning of a judgment.

It creates an extra burden of work, an extra time consuming effort on the part of these men and a greater responsibility. So, if we wish the type of individual to be a judge, we must be prepared to compensate them adequately.

There is no point in offering salaries which are unacceptable; if that is the case, we will not get the proper people, the proper lawyers to be judges. It is great to have the honour and the priviledge to be a judge but a man's family has to have a certain standard of living. And one expects a certain standard from judges and their families. We do not expect the judge's wife to go out to work. We expect her to have a certain standard of living which is commensurate to her position and we must be prepared to pay for it. We must remember that being a judge is the basis of our entire civilization, because what are we based on? We are based upon the rule of Law and, a man who must interpret the law is probably the most important man of the community.

The judges themselves realize this. They are prepared to devote their time. In particular, as mentioned my confrere, the Member for Abitibi-Est, this question of the judges sitting on various tribunals or boards for inquiries or arbitrations, the judges that I know in the Montreal district are prepared to sit upon these arbitrations without extra pay. I think at the last conference of judges they voted that they were prepared to sit on these arbitrations without extra pay. So, there will be no question of favouritism that this judge is going to earn more money or that. I think that in view of this increase...

MR. LAFRANCE: That was in the past.

MR. BLANK: In the past, it was that. But, in the future, I think that with an increase of salary the judges are prepared to sit on arbitrations when they are called upon to do so by

the Chief of Justice without any extra pay. Every judge should be prepared to sit when his time comes if the Chief Justice is prepared to name such and such a man, depending upon the situation in this particular Court. Before, certain judges wanted to be named on arbitrations because they got the extra salary. On the other hand, you have judges that went the other way.

Today, the Minister of Health was talking about the Trahan Commission of the Lemoyne Hospital. Well, Judge Trahan did not interfere with his judicial duties. He sat during the day as a judge and he sat at night at this arbitration. He did not ask for or receive one extra cent. Now, there is, for the judges, that my friend the Minister of Justice mentioned, who go out to play golf, we have the opposite. We have the judges such as Judge Trahan who deliberately is prepared to offer his services day and night without any extra pay.

If we want people like this to become judges, we must be prepared to pay, and to pay a decent salary so that these men can perform their duties without worry, without bother and have the status in the community that a judge is entitled to. As a matter of fact, the same conference of judges did research for the Government without charging them a cent on the question of summary procedures. And, they are now prepared to accept certain proof before the court is going to save the Government hundreds of thousands of dollars. It was done on their own volition. The judges of the Court of Sessions throughout the Province had their meetings and decided upon this, did research and did not charge the Government anything.

The judges are conscientious people. They want to perform the fonctions that they have been named to and if we want decent, good judges we must be prepared to pay for it. The salary that we are offering them now, $28,000 a year for the judges in the Session, Provincial and Social Welfare Court is a minimum, not a maximum as some of my confreres here in the House have said. It is a minimum that these men are entitled to. They are doing the job for the community. They are doing, as I say, the justice. Justice is the basis of our whole civilization. If we want to live by the rule of law, we must have individuals who are prepared to interpret it diligently, honestly and efficiently. If we want these individuals, we must be prepared to pay for it and I shall vote in favour of this bill.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Laurent.

M. Léo Pearson

M. PEARSON: M. le Président, je veux éviter toute démagogie et dire simplement que je voterai contre le bill. Brièvement, je suis pour que les juges soient bien payés. Je suis pour une augmentation du nombre de juges pour éviter les délais scandaleux dont d'autres ont parlé avant moi. Je suis pour une meilleure répartition de la charge de travail. Pendant que certains sont débordés, d'autres ne sont pas fatigués du tout. Par contre, je suis contre le moment choisi pour présenter un tel bill, à cause des arguments déjà présentés: le chômage élevé; cela vient immédiatement après l'étude de la Loi du bien-être social où les assistés ont reçu à peine de quoi survivre; de plus, nous sommes dans une période de restrictions budgétaires, où certains économistes craignent déjà la récession.

Je suis également contre l'abus de certaines nominations politiques en trop grand nombre; cela concerne trop de candidats défaits, trop de gens dont on veut se défaire. Aussi longtemps que le peuple considérera cette fonction comme un refuge ou une sinécure à sécurité absolue: bon salaire, bonne pension, intouchable... Qui peut oser évaluer le travail ou le jugement de tel juge sans risquer le mépris de cour? Quand je pose, personnellement comme député, un jugement, automatiquement, je trouve des centaines et quelquefois des milliers de gens pour me critiquer. Mais qu'un juge, honnête ou malhonnête, possédant un jugement sain exprime un jugement sain ou déverse son humeur sur ceux qui sont devant lui, qui osera répliquer?

Je suis perplexe devant le nombre de ceux qui n'attendent que le moment où ils seront casés ou en sécurité, prêts à se sacrifier — politiquement parlant — espérant comme récompense une nomination de juge.

Aussi longtemps que la demande dépassera l'offre, il n'y a pas lieu, à mon sens, de s'inquiéter. Pas un patron intelligent ou ayant le minimum de sens des affaires osera payer plus que ce que la majorité des aspirants candidats sont prêts à accepter. J'accepte une marge permettant de choisir les meilleurs et non les pires.

Bref, M. le Président, indépendemment du bien ou du mal fondé du bill, le moment choisi est mauvais, empêche, à mon sens, de le discuter à son mérite, au risque de discréditer cette profession. C'est peut-être un bon bill, mais à un fort mauvais moment.

M. Bernard Pinard

M. PINARD: En participant à ce débat, d'aucuns ont peut-être l'opinion que, mol aussi, en ma qualité d'avocat, je veux me porter à la défense des disciples de Thémis qui ont été passablement attaqués depuis quelques jours dans cette Chambre. Sans me faire l'avocat des avocats, je voudrais quand même, en tant que député de mon comté, représentant de mon comté depuis plusieurs années dans cette Chambre et en ma qualité de législateur, dire ce que je pense de ce bill.

Je crois que, dans l'ensemble, c'est un bon projet de loi. Quant à ce problème de l'opportunité de le présenter à ce moment-ci, à cause des conditions sociales et économiques défavorables dans certains secteurs de la population, je pense que le gouvernement aurait peut-être du attendre un moment plus favorable pour le présenter à l'attention et à l'étude des députés. Mais ce n'est pas une raison de juger aussi sévèrement les juges en tant que membres d'une institution absolument fondamentale dans une démocratie, en tant que membres d'une institution qui est gardienne des droits fondamentaux de la personne humaine, des droits personnels des individus, de leurs droits de propriétaires, de leurs droits à la justice la plus stricte, la plus équitable et la plus expéditive. Et je pense que, dans les propos qui ont été tenus depuis quelques jours, à l'occasion de la présentation de ce projet de loi, il y a eu des attaques qui ont été faites de façon démesurée. Je n'accuse pas ceux qui les ont faites d'avoir volontairement voulu saper à la base une institution aussi essentielle, aussi fondamentale que l'institution judiciaire, je ne le pense pas. Je leur accorde beaucoup plus d'intelligence et beaucoup de meilleure volonté que cela. Mais je me demande si, dans l'étude du projet de loi, ils ont vu tous les aspects de ce vaste et complexe problème de l'administration de la justice dans un régime démocratique, et, c'est ça qui m'inquiète.

Au moment où les conditions économiques dans la province sont défavorables, au moment où certains secteurs de la population sont plus défavorisés que d'autres sur le plan de la redistribution des richesses, alors que certains prétendent qu'ils n'ont pas la même chance que d'autres d'avoir un salaire juste et équitable, compte tenu du travail à accomplir chaque jour. Il y a peut-être là matière à enquête, matière à étude plus approfondie. Mais ce n'est pas une raison pour être aussi sévère qu'on là été à l'endroit de ceux qui ont la lourde tâche et la responsabilité très grande d'administrer la jus- tice et que s'ils le font avec diligence, avec compétence, avec dévouement avec tout le sens de l'humanisme dont ils doivent faire preuve, eh bien, ne doivent recevoir que des félicitations de la part de la population et des élus du peuple.

Je ne m'attarderai pas tellement sur le problème de l'augmentation des salaires que le projet de loi accorde aux juges des cours Provinciales, des cours du Bien-Etre social et de la cour des Sessions de la paix. C'est la responsabilité du gouvernement de décider quel traitement doit leur être accordé et également le montant des dépenses qui doit leur être payé lorsqu'ils se déplacent d'un district judiciaire à un autre, dans l'exercice de leurs fonctions.

Je pense que ce clivage dont on a fait écho dans cette Chambre sur le plan de la disparité des richesses, des salaires qu'on dit être payés grassement à quelques groupes de personnes privilégiés dans cette province, est plutôt le relent d'une disparité véritable dans les revenus de certains secteurs de la population du Québec. C'est partout comme cela, dans tous les pays du monde et dans toutes les autres provinces du Canada. Je pense que, quand même, il faut que nos juges soient payés de façon juste et raisonnable pour leur permettre, d'abord, d'avoir ce désir d'accéder à la magistrature et d'aller administrer, de façon compétente, dévouée et diligente, la justice en faveur de tous les contribuables de quelque rang social qu'ils soient, riches ou pauvres.

Comme on l'a dit hier, il n'y a pas de grande et de petite justice. M. le Président, je sais que c'est votre expérience personnelle; vous avez, dans votre pratique, attaché autant d'importance, j'en suis certain, au client qui venait vous porter une cause qui pouvait représenter une réclamation de $10, mais à laquelle il attachait une grande importance, qu'au client plus riche qui est peut-être allé à votre bureau avec une cause d'une valeur de $100,000 et qui demandait qu'elle soit bien plaldée devant les tribunaux. Si le droit que ce client avait à faire valoir était un droit bien fondé, à ce moment-là, je crois que vous avez donné le même talent, le même dévouement, la même mesure de justice au client plus pauvre qu'à celui qui était plus riche. Cela a été mon expérience personnelle, et je pense que cela a été l'expérience de la majorité des avocats qui pratiquent dans cette province.

Alors, c'est pour cela que je crois qu'il est de mon devoir de faire ces remarques ce soir. Je me demande si ces propos sévères qui ont été tenus à l'endroit des avocats et de ceux qui accèdent à la magistrature ne vien-

nent pas du fait que le système de nomination de nos juges leur paraît mal équilibré, parfois injuste. Peut-être certains le considèrent-ils comme une espèce de mécanisme à fabriquer des récompenses pour ceux qui ont servi dans les Parlements, de quelque côté de la Chambre que ce soit. C'est peut-être vrai qu'il y a eu autrefois trop de nominations à caractère politique. Il y a eu, peut-être, des abus de ce côté. Ces abus ont été corrigés progressivement, je pense, par les gouvernements qui se sont succédé, parce que les gouvernements ont vite compris qu'il faut avoir, dans notre système de l'administration de la justice, les juges les plus compétents, les plus aptes à rendre une justice expéditive et équitable. Je pense que les nominations qui ont été faites à tous les paliers de l'administration de la justice ont été excellentes que ce soit à la cour Suprême du Canada, à la cour d'Appel, à la cour Supérieure, à la cour Provinciale, à la cour des Magistrats, à la cour des Sessions de la paix ou à la cour du Bien-Etre social.

Je pense que, de plus en plus, les gouvernements ont recherché ces trois critères déterminants dans le choix des juges: la compétence, le dévouement et le sens de l'humain.

Dans une société troublée comme celle dans laquelle nous vivons, il faut que les juges comprennent que les problèmes humains ont une importance particulière. Ils doivent se montrer, bien souvent, très condescendants envers ceux qui souffrent plus que d'autres de ces misères sociales, de ces misères économiques qui sont le lot, malheureusement, d'une forte partie de notre population.

J'ai souligné tantôt l'importance du choix des juges. J'aimerais, M. le Président, vous présenter l'excellente étude qui a été faite à ce sujet par M. André Vinette. Cette étude a été rapportée dans les cahiers de droit, publiés par la faculté de droit de l'université Laval, en 1969.

Si vous me le permettez, M. le Président, je voudrais citer les remarques préliminaires faites par M. Vinette dans cette étude: « Les institutions juridiques d'une société donnée ne peuvent rester à l'écart du mouvement d'engagement humanitaire et de revalorisation sociale qui s'effectue présentement à l'échelle universelle. « L'évolution même des individus, qui porte la société tout entière à une recherche plus accentuée des valeurs humaines, doit trouver réponse dans un renouvellement ou dans une restructuration des organismes qui les gouvernent dans leur vie juridique, sociale et familiale. Il doit y avoir un rapport constant entre l'évolution de la société et celle des institutions face au modernisme; une recherche commune et solidaire pour une meilleure communication entre la société globale et ses multiples éléments, dans un esprit de compréhension, d'humanitarisme et non d'automatisme. « Ceci est essentiel pour tous les éléments d'une société, car ils ont tous des rapports avec l'individu. La justice n'y échappe pas. En effet, un refus pour la justice d'obtempérer aux exigences du parallélisme évolutionnel avec la société pourrait causer le vieillissement d'une institution qui, si elle tarde trop à se modifier graduellement, peut arriver à ne plus rien représenter. »

Je pense que ces propos tenus par M. Vinette expliquent bien les inquiétudes qui ont été exprimées par les députés qui ont pris la parole dans cette Chambre et qui ont fait beaucoup de réserves quant à l'à-propos de la présentation de ce bill, surtout en ce qui concerne l'augmentation du traitement des juges. Cela a été le cas, par exemple, du député de Richmond qui a, en quelque sorte, présenté l'aspect sociologique et économique de tout ce problème de l'augmentation du traitement des juges. Je pense qu'en toute justice nous devons lui rendre ce témoignage qu'il a fait avec objectivité, avec décence et avec mesure, il a donné, bien honnêtement, son opinion, représentant en cela l'opinion d'une assez forte partie de la population de cette province. Un jugement comme celui-là, nous devons le respecter. Moi, je suis prêt à le faire. Je le respecte ce jugement, même si je ne suis pas tout à fait d'accord avec les conclusions qu'il a pu tirer de cette étude personnelle qu'il a faite de ce problème.

Mais je reviens, M. le Président, à tout ce mécanisme de nomination des juges pour dire que le projet de loi aurait du, à mon avis, contenir des amendements et proposer, par exemple, la création d'un collège des juges, qui aurait été composé, disons, de cinq à dix juges qui auraient eu pour mission d'analyser ou d'étudier des propositions de candidatures faites par des avocats pratiquants qui veulent accéder à la magistrature.

Il existe déjà un mécanisme de consultation au Barreau. De plus en plus les gouvernements demandent au Barreau une opinion sur l'à-propos de nommer tel avocat ou tel autre avocat à un poste de la magistrature. Je crois que c'est une excellente initiative et que le critère de compétence dont je parlais tantôt est mieux atteint par ce mécanisme de consultation.

M. le Président, je pense qu'il y auraitpeut-être moyen d'aller plus loin et de créer, comme cela existe en France, je pense, un collège

des juges et une école de judicature où les aspirants magistrats devraient nécessairement aller faire des études tout à fait spécialisées dans l'administration de la justice — ce qui serait en quelque sorte une cléricature d'une durée de trois ans — avant de pouvoir accéder au Barreau, avant d'etre officiellement nommés juges d'une juridiction civile ou criminelle.

Je pense qu'il s'agit là d'une excellente suggestion que j'ai puisée ailleurs, je le dis en toute honnêteté pour l'auteur dans l'étude de M. André Vlnette. Je pense que le ministre de la Justice a probablement parcouru la même étude que moi, qui a été rapportée dans les cahiers de droit de la faculté de droit de l'université Laval, publiés cette année, au cours du mois d'octobre. Le ministre de la Justice aurait pu puiser là d'excellentes suggestions pour apporter autre chose que ce que nous donne le bill no 72 qui est en quelque sorte un bill qui prévoit l'augmentation du nombre des juges dans différentes juridictions, qui prévoit l'augmentation du traitement de tous les juges, à tous les niveaux, et qui prévoit aussi l'augmentation des comptes de dépenses lorsque les juges ont à se déplacer dans l'exercice de leurs fonctions.

Peut-être que si ces amendements avaient été apportés tous ensemble, M. le Président, nous n'aurions pas eu à entendre des débats du genre de ceux que nous avons entendus hier venant de députés qui ne sont pas avocats, mais qui prétendent avoir raison de se plaindre du système judiciaire parce qu'il n'est pas suffisamment expéditif, parce que parfois des juges ne sont pas à la hauteur de la compétence qu'on voudrait leur voir ou dont ils devraient faire preuve et parfois aussi, parce que des juges ne semblent pas se dévouer à temps plein à l'administration de la justice.

D'ailleurs, le ministre de la Justice l'a avoué lui-même dans son intervention en deuxième lecture hier. Il a cité des cas assez patents de juges qui ne font pas tout leur devoir. Mais, quand cela est su du public, quand les journaux rapportent ces faits, il est bien évident que c'est de nature à traumatiser passablement la population et davantage les secteurs de la population où les conditions économiques sont plus difficiles que dans d'autres secteurs de la société où les revenus sont plus élevés et où on n'a pas à souffrir des disparités économiques et sociales dont certains ont parlé hier.

M. le Président, pour toutes ces raisons, je crois qu'il serait encore temps de proposer des amendements à l'occasion de la présentation du bill no 72, de façon à satisfaire tous ceux qui ont exprimé une opinion dans cette Chambre, favorable ou non. Je pense que tout cela a été fait dans un bon esprit, celui de voir à la tête de nos tribunaux des juges compétents, des juges savants, complètement dévoués à l'administration de la justice et des juges qui travailleront à temps plein. Je pense que c'est cela surtout qu'on a voulu faire valoir et en cela, je n'ai pas de reproche à adresser à personne.

Si le ministre de la Justice croit qu'il est encore possible d'apporter des amendements dans le sens de ceux que j'ai indiqués tantôt dans mes remarques, eh bien je lui en saurai gré. Peut-être est-il trop tard pour agir maintenant. Dans ce cas, je pense qu'il serait possible d'apporter ces amendements un peu plus tard au cours d'une prochaine session, de façon à ce que cette institution vénérable et extrêmement respectable qu'est la judicature ne soit plus victime d'attaques venant de certains milieux qui ont intérêt à saper l'autorité à sa base même et qui commencent par attaquer les juges pour être mieux en mesure d'arriver à leurs fins qui sont parfois bien équivoques, pour ne pas dire davantage.

Quand on commence à s'attaquer, dans un régime démocratique, à l'administration de la justice, à ceux qui administrent la justice, à ceux qui doivent, en toute sincérité et en toute équité, rendre des jugements pour le plus grand bienfait de cette démocratie, pour protéger les droits des faibles comme des plus forts, à ce moment-là, nous sommes bien près d'en arriver à la révolution et au renversement des systèmes qui ont fait le bonheur des sociétés.

M. le Président, au Québec, il se passe des choses inquiétantes. Nous devons l'admettre. C'est la responsabilité du gouvernement de prendre toutes les mesures pour faire respecter la loi, bien entendu, mais pour que la loi soit respectée, il faut qu'elle soit respectable. Et pour que les juges soient respectés, il faut qu'ils soient respectables. Et pour être respectables, il leur faut donner la preuve à tous les citoyens de cette province qu'ils ont la compétence, qu'ils ont le dévouement pour administrer de façon expéditive cette justice dont le peuple a tellement besoin dans cette province.

M. le Président, je voterai quand même pour le bill, tel qu'il est présenté, mais j'espère que le ministre de la Justice apportera les amendements qui pourront satisfaire aux exigences de ceux qui ne partagent pas nécessairement notre opinion. Et avant de terminer, j'aurais une autre suggestion à faire au ministre de la Justice. Je ne crois que cet amendement peut être apporté au cours même de cette étude devant la Chambre.

Ne croit-il pas que, pour éviter des critiques

malsaines, les juges devraient contribuer, comme tous les fonctionnaires, à leur fonds de pension? Si les députés contribuent de façon assez considérable à leur fonds de pension, si les fonctionnaires de la province y contribuent également, pourquoi un régime privilégié en faveur des juges qui, eux, n'ont pas à payer pour accumuler leur fonds de pension, pour eux-mêmes et pour leurs veuves, en cas de prédécès? Je pense qu'il y a là un déséquilibre quelque part.

Il s'agit peut-être d'une tradition. Mais est-ce qu'aujourd'hui, en 1969, cette tradition doit encore durer? Je ne le pense pas. On me dira peut-être: oui, mais les juges paient de forts impôts au gouvernement d'Ottawa et au gouvernement de Québec. Mais les députés également paient de lourds impôts à Ottawa et à Québec. Les fonctionnaires aussi paient de lourds impôts à Ottawa et à Québec. Alors pourquoi ce régime différent pour les fonctionnaires de l'Etat, pour les députés et ministres par rapport à celui des juges? Il me semble qu'il y a là un déséquilibre anormal, et c'est peut-être là aussi la cause des remarques un peu acerbes qui ont été faites par certains députés dans cette Chambre.

Je crois que le ministre de la Justice devrait étudier ce problème en profondeur et nous dire qu'il est possible d'apporter cet amendement que je suggère bien humblement, à moins que des études démontrent que les juges sont plus pénalisés que les fonctionnaires de l'Etat, que les députés et ministres au plan de l'impôt, et que l'augmentation qui leur est accordée par le bill 72 serait, en quelque sorte, annulée parce que l'impôt fédéral et provincial viendrait chercher la majeure partie de l'augmentation qui leur est consentie par les dispositions du projet de loi.

Je n'en ai pas la preuve et je ne suis pas convaincu que c'est le cas. Alors pour ces raisons-là, si on n'est pas capable de nous faire la preuve qu'ils seraient pénalisés d'autre façon, je crois qu'il est juste et raisonnable de prétendre qu'ils devraient être mis sur un pied d'égalité avec tous les fonctionnaires de l'Etat, avec les députés et ministres qui ont, eux, à payer de lourds impôts à Ottawa et à Québec.

Alors ce sont là les remarques que je voulais faire et, pour ma part, je crois qu'il est de mon devoir de voter en faveur de ce projet de loi.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Marie.

M. Jacques Crôteau

M. CROTEAU: M. le Président, j'ai écouté très judicieusement le député de Drummond et je dois lui dire que, dans son intervention, il y avait de très bons points.

Mais, cependant, il m'a bien fait rire lorsqu'il a mentionné le mécanisme de nomination des juges. Si je me rappelle bien, de 1960 à 1966, le parti de l'Opposition était au pouvoir et, à ce moment-là, on n'a pas prévu ou on n'a pas suggéré ou on n'a pas apporté devant cette Chambre...

M. LAFRANCE: Parlez d'avenir un peu.

M. CROTEAU: Je vous parle du moment même.

Alors, M. le Président, depuis le début du débat, en deuxième lecture, du projet de loi numéro 72, les membres de cette Chambre ont surtout parlé de l'efficacité de nos tribunaux et du traitement de nos juges. Certains membres de cette Chambre ont mentionné que la lenteur de la justice était surtout causée par certains juges, certains avocats et certaines compagnies d'assurance. Je dois vous dire bien humblement que c'est vrai. Dans le district de Montréal, le district que je connais bien, ça existe.

Mais, par ailleurs, il y a un autre point qui est très important. Cette Chambre a voté et accepté un code de procédure. Je sais bien qu'en adoptant ce code de procédures, on n'a pas voulu une justice expéditive, cependant, on a prévu dans ce code un tas de procédures. Par exemple, on voulait que la défense ait une défense pleine et entière, mais, par ailleurs, on a prévu un tas de motions. Alors, avant que la partie défenderesse produise sa défense, elle peut faire des interrogatoires préalables, des motions de production de pièces, des examens médicaux, etc.

Alors, tout ce tas de procédures qu'on peut faire retarde cette justice ou l'administration de la justice. Aussi, M. le Président, il y a un autre problème, si je m'en rapporte surtout du côté de la juridiction civile, c'est que le problème primordial du plaideur, c'est celui du témoin. Combien de causes ont été remises à cause des témoins? Pourquoi? Témoin absent, témoin qui a déménagé, qu'on ne peut pas atteindre, etc. C'est le plus grand problème, à mon sens. Ce n'est pas le problème de certains juges ou de certains avocats, mais c'est le problème de la présence des témoins à la cour.

C'est pour ça que souvent... Oui.

M. LAFRANCE: Le député me permettrait-il une question pour m'éclairer davantage sur ce point... N'est-ce pas un prétexte dont abusent souvent les avocats?

M. CROTEAU: II y en a certains, comme Je le disais tantôt, il y a certains avocats qui font

de l'avocasserie, mais je dois vous dire que, normalement, nous sommes contents qu'un dossier soit terminé.

Pour vous parler de certaines compagnies d'assurance, il est exact qu'on porte parfois des causes en appel et même à la cour Supreme, mais je dois vous dire, d'après mon expérience, que ce ne sont que certaines compagnies d'assurance. Lorsqu'une poursuite ou lorsqu'une réclamation est portée à un bureau de réclamation d'une compagnie d'assurance, que doit faire cette compagnie d'assurance? Elle doit immédiatement porter une certaine somme d'argent à son fonds de réserve. Alors il y a lieu, pour le gérant des réclamations, de réduire ce fonds de réserve. Je dois vous avouer que certaines compagnies d'assurance le font.

Pour la juridiction criminelle, là-dessus, il y a lenteur et je ne peux pas vous dire que c'est la faute des juges ou que c'est la faute des procureurs de la couronne. Vous avez une croissance de la population, et je parle surtout pour le district de Terrebonne, le district de Montréal, que je connais bien. Vous avez une croissance de la population, il y a des palais de justice exigus, vous avez aussi la présence, comme je le mentionnais tantôt, des témoins à la cour, c'était un autre problème pour cette juridiction. Vous savez que le fardeau de la preuve incombe à la couronne et que la couronne, à ce moment-là, doit avoir toutes les pièces à conviction, tous ses témoins, parce qu'elle droit prouver, comme au civil, de A jusqu'à Z.

Et, il faut l'avouer, les policiers sont surchargés de travail. Il arrive aussi que nous sommes obligés de remettre une cause parce qu'un policier est en vacances ou en congé. A mon sens, ce sont des facteurs humains et physiques. Mais je dois vous dire, M. le Président, que du côté civil dans le district de Montréal, depuis au moins deux ans, il y a eu amélioration, et je tiens ici à rendre témoignage au juge Challies et au juge Gold.

En ce qui concerne le traitement des juges, il ne faut pas oublier que le juge représente ou est une institution qu'on pourrait qualifier de judiciaire. Vous savez que récemment le traitement des fonctionnaires de la province de Québec ont été augmentés. Actuellement, nous avons des fonctionnaires qui sont payés $15,000, $20,000, $25,000, et, à mon sens, ils n'ont pas autant de responsabilités qu'un juge peut en avoir. Je porterais à l'attention de la Chambre, le fait que ce matin la ville de Montréal annonçait une hausse des traitements de ses fonctionnaires. Pour vous donner quelques exemples, Michel Côté, le chef du contentieux, a vu son traitement haussé à $28,000. Guy Huot, de Terre des hommes, à $27,000. Guy Legault, directeur pour l'habitation, à $27,000. Camille R. Godin, estimation, à $25,000. André Cour-noyer, pour la santé, à $25,000, et je pourrais vous en énumérer beaucoup comme cela, M. le Président.

Donc, comme le député de Drummond le disait tantôt, le juge a des responsabilités. Je parle ici des cours provinciales. Il n'y a pas de petites causes, il n'y a pas de petites cours. Toute cause est importante. Et là-dessus, je dois vous dire que c'est dans le même réservoir d'avocats que l'on choisit des juges pour la cour Supérieure et pour les cours provinciales. Or, on ne doit pas faire subir aux avocats qui sont choisis pour être juges une discrimination parce qu'on les choisit pour telle ou telle cour. Ces gens-là doivent être traités de la même façon. Il existe actuellement une injustice depuis longtemps entre le traitement payé au juge de la cour Supérieure et celui des juges de la cour Provinciale. Je crois qu'il est temps de mettre le traitement des juges au même niveau.

Prenez, par exemple, le cas du juge de la cour Criminelle ou de la cour des Sessions qui, parfois, a à juger des cas de fraudes pour une valeur d'un million. Il a aussi à juger sur la liberté des individus. Cest la même chose pour la cour du Bien-Etre.

Dernièrement, le ministre de la Justice annonçait que la juridiction de la cour Provinciale allait être portée à $3,000. Cela veut dire que les juges de la cour Supérieure qui jugent actuellement des causes de $2,000 et de $1,000 reçoivent un traitement de $28,000 et qu'en portant la Juridiction à $3,000 de la cour Provinciale, les mêmes juges auraient eu un traitement inférieur.

Je crois, M. le Président, que le bill no 72 en augmentant le nombre de juges et leur traitement est équitable et raisonnable.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Outremont.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, vous permettrez quelques brèves remarques sur le projet de loi présenté par le ministre de la Justice. Je n'ai pas eu l'avantage d'entendre les observations du ministre de la Justice et de mes collègues de ce côté-ci de la Chambre — observations qui ont été faites hier lors du débat par le ministre de la Justice et par mes collègues de ce côté-ci de la Chambre.

J'ai cependant lu les reportages qui ont été faits quant à leurs interventions dans les journaux. A la lumière de ce qu'ils ont dit, je voudrais m'exprlmer en faveur du projet de loi, malgré que j'admette une part de validité à l'argumentation qu'ils ont présentée. Cependant, je pense que les arguments en faveur de l'augmentation doivent prévaloir sur les arguments qui ont été soumis.

M. le Président, pour la préparation de mon discours, Je me suis rendu à la bibliothèque de l'Assemblée nationale et j'en ai retiré un livre qui s'intitule « Lettre ouverte à la Justice », par Maurice Garçon, ancien bâtonnier de Paris et membre de l'Académie française. Je voudrais commencer mes observations avec une citation de ce livre, à la page 114, qui me semble situer le débat à l'endroit où il doit être: « Nonobstant ces servitudes qui sont faites surtout pour les protéger et assurer leur indépendance, les magistrats exercent une fonction magnifique, la plus belle peut-être dans la société, puisque c'est d'eux que dépendent la paix et l'ordre social. Arbitres souverains chargés d'assurer la protection des corps et des esprits, garantissant la liberté individuelle et n'y portant atteinte que pour l'intérêt de la société dans des cas strictement prévus par la loi, conciliant la liberté de l'homme avec les nécessités de l'ordre social et de la vie collective, arbitrant tous les conflits, protégés par leur indépendance aussi bien au regard des sollicitations du pouvoir que des intrigues des particuliers ou des groupes, ils peuvent être fiers des fonctions qu'ils occupent, il leur faut parfois du courage, mais ils n'en manquent pas et c'est sur leur courage et leur indépendance que repose leur prestige ». Et, si je peux me permettre d'ajouter; que repose l'ordre dans la société.

Par conséquent, lorsque nous parlons des revenus des juges et des traitements qui doivent leur être versés je pense, quand même, qu'il faut se reporter à l'institution de la magistrature. Je crois que, si nous voulons avoir une magistrature qui soit conforme à l'Idéal prescrit par Me Garçon, dans la citation que je viens de lire, il est particulièrement important d'assurer leur indépendance matérielle qui seule peut être la garantie de leur indépendance morale dans l'accomplissement de leurs fonctions qui requiert avant tout une impartialité et une liberté totale sur le plan intellectuel, face aux parties qui se présentent devant eux.

Par conséquent, sur la plan de l'indépendance de la magistrature, il est nécessaire de leur accorder un traitement conforme à l'importance de la fonction qu'ils accomplissent dans la société. Il est nécessaire, également, de pourvoir au recrutement des meilleurs éléments qui peuvent entrer dans cette activité si fondamentale pour la préservation de l'ordre social. On nous a mentionné, à la Chambre, des listes d'attente d'avocats qui postuleraient le poste de juge. Je ne pense pas que l'on doive être nécessairement impressionné par ce désir d'un grand nombre d'avocats d'occuper la fonction de juge, car ce ne sont pas tous ceux qui postulent qui sont qualifiés ou qui mériteraient d'être nommés à cette haute fonction. Il est nécessaire, pour assurer le recrutement des meilleurs juristes, de ceux qui ont acquis la meilleure réputation dans l'exercice de leur profession, de donner un traitement matériel qui soit conforme à la responsabilité dont sont chargés les magistrats et, jusqu'à un certain point, à l'importance du rôle qu'ils jouent dans la société. Par conséquent, lorsque nous parlons du traitement des magistrats, nous pouvons évidemment tomber dans des aspects assez mesquins de la question.

Je crois quand même qu'il faut situer le débat à un niveau un peu plus élevé que celui-là et voir jusqu'à quel point cette institution de la magistrature est importante pour toute la société.

A ce sujet et malgré les critiques qui ont été formulées dans le passé quant aux méthodes de nomination des juges, il faut quand même admettre que le Québec peut être fier, à tous les niveaux de l'administration de la justice, de la compétence et de l'Impartialité de ses juges. Je sais que certains d'entre eux n'échappent pas à la critique et je sais qu'à l'occasion, dans certaines manifestations publiques ou politiques, on a pu critiquer certains juges. Mais, malgré tout, je ne connais pas, dans le Québec, beaucoup de gens qui diraient sérieusement que la magistrature n'est pas à la hauteur de ses fonctions.

Par conséquent, si nous voulons garder cette pierre angulaire de tout l'ordre social qui est une magistrature compétente et intègre, il est nécessaire, compte tenu de l'ensemble de la situation, de lui accorder le traitement qui est conforme à ses responsabilités et à l'importance de sa fonction.

Maintenant, si je compare le traitement qui sera accordé aux magistrats en vertu du projet de loi, soit $28,000 par année, à celui de fonctions qui me paraissent comparables dans la société comme, par exemple, celles de sous-ministres ou encore de directeurs d'entreprises importantes ou enfin d'autres fonctions du même ordre qui requièrent des qualités intellectuelles semblables à celles que doivent posséder nos juges, je ne peux pas dire que le trai-

tement de $28,000 proposé soit si excessif et constitue une situation de laveur qui serait faite à la magistrature. Par conséquent, je trouve que le traitement, même s'il est, en somme, je dois l'admettre, assez généreux, compte tenu de la situation des finances publiques, est conforme à ce qui s'accorde généralement à des fonctions qui requièrent la même compétence intellectuelle que celles qui sont requises des magistrats.

Il ne faut pas oublier, et je termine ces observations d'ordre général, que la fonction judiciaire, celle de magistrat, ne touche pas seulement à des biens matériels, elle ne sert pas seulement à trancher des conflits d'intérêt. Et à ce sujet, j'ai noté avec satisfaction que le ministre de la Justice a augmenté la compétence de la cour de Magistrat ou de la cour Provinciale à $3,000 de façon à libérer la tâche des juges de la cour Supérieure qui, en général, sont écrasés par le nombre des causes. Par conséquent, on a augmenté la quantité de travail des juges de la cour de Magistrat et on a également augmenté leurs responsabilités. Mais la responsabilité de la cour Provinciale dépasse souvent l'adjudication de jugements dans des causes de $3,000 parce que l'on sait qu'elle a une juridiction très étendue dans d'autres domaines, par exemple, dans le domaine scolaire, dans le domaine municipal, dans le domaine des contestations d'élections et j'en passe. Par conséquent, la compétence de la cour Provinciale, à l'heure actuelle, se compare passablement à celle de la cour Supérieure. Je parle toujours au point de vue des conflits qui mettent en jeu des intérêts matériels.

Mais il y a plus. C'est que l'augmentation proposée irait aux juges de la cour des Sessions de la paix. On sait jusqu'à quel point la tâche des juges de la cour des Sessions de la paix est souvent difficile parce qu'ils ont à trancher dans la vie, dans la liberté des citoyens, et que c'est une responsabilité extrêmement lourde qui pèse sur leurs épaules. Je mentionnais tout à l'heure les juges de la cour Provinciale, mais les juges de district siègent dans les deux genres de causes, à la fois des causes simplement civiles et des causes pénales. Par conséquent, ils ont à la fois le poids de décider des conflits d'intérêt et toujours de ces causes difficiles en droit qui mettent en jeu la liberté des gens.

Que dire également de la fonction des juges de la cour du Bien-Etre social qui, eux, ont en particulier la responsabilité des enfants et des familles et on sait jusqu'à quel point, dans les conditions sociales où ils vont à l'heure actuelle, l'importance de la fonction dont ils s'acquittent dans ce domaine.

Par conséquent, je ne peux pas considérer, malgré que j'admets que le geste est généreux, à tout prendre qu'il est excessif. Et je crois, pour revenir à ce que je disais au début de mes observations, que la magistrature et l'administration de la justice sont une valeur tellement fondamentale dans la société que le législateur ne doit pas lésiner dans ce domaine-là et contraindre les juges dans une situation qui leur rendrait la vie impossible au plan matériel et qui leur enlèverait peut-être l'indépendance morale dont ils ont besoin pour exercer leurs fonctions.

Quoi qu'il en soit, M. le Président, j'ai noté que des collègues de la Chambre, et même le ministre de la Justice, y sont allés d'observations assez vigoureuses à l'égard de certains magistrats. S'il est vrai que l'ensemble de la magistrature s'acquitte très honorablement de ses fonctions, il n'y a pas de doute que des juges ont été portés— et c'est parfaitement humain — à prendre quelques libertés, je pense, avec leurs fonctions. Non pas sur le plan de l'intégrité, mais c'est un fait connu que certains magistrats recherchent les mandats extérieurs à leurs fonctions judiciaires, particulièrement dans le domaine du travail où il est vrai que leur impartialité est demandée par les parties à la fois patronale et syndicale parce qu'on a confiance dans leur jugement et leur impartialité. Mais, en somme, cet état de choses, cette demande, n'est-ce pas, du monde du travail, en quelque sorte a constitué une pression sur ces magistrats de venir siéger dans ces causes du travail et de délaisser leurs fonctions judiciaires.

J'ajouterai que même le pouvoir exécutif, même le gouvernement depuis longtemps est celui qui invite lui-même les juges à délaisser leurs fonctions judiciaires, il est connu que lorsque le gouvernement, quel qu'il soit, a une commission importante à faire siéger sur un problème mettant en jeu une question de fait et de droit complexe, il fait appel aux magistrats. C'est un fait qu'on donne, à ce moment-là, une rémunération additionnelle aux juges qui siègent à ces commissions, rémunération qui est en général de $100 par jour.

Par conséquent, ces magistrats reçoivent à la fois leur traitement de juge et en plus une rémunération de $100 par jour qui leur vient du gouvernement. Donc, ils sont payés en double et ils ne s'acquittent pas de leurs fonctions judiciaires. Ce sont leurs collègues qui sont appelés, à ce moment-là, à les remplacer au tribunal.

Voilà une situation qui n'est pas normale. Je ne pense pas que ce soit la responsabilité

des juges. Je pense que c'est le système qui est en faute, et c'est le système qu'il faut corriger. Il faut que les juges s'habituent à vivre avec le traitement qui leur sera donné et à s'acquitter non seulement de leurs fonctions judiciaires au tribunal, mais également des fonctions extrajudiciaires qui peuvent leur être confiées à l'occasion dans l'intérêt de la société lorsqu'il s'agit de siéger à des commissions d'enquête quelconques qui sont, évidemment, inévitables. Je crois qu'il faut que les juges considèrent qu'il s'agit là, en quelque sorte, de leurs fonctions judiciaires ou d'un prolongement de leurs fonctions judiciaires et qu'ils n'ont pas droit d'exiger des honoraires additionnels à leur traitement et d'imposer une surcharge de travail à leurs collègues.

Je pense que le ministre de la Justice est assez sympatique à ce point de vue. Peut-être même qu'il l'a exposé à la Chambre. Je ne veux pas prévenir, en somme, ce qu'il dira sur ce sujet, mais il pourrait peut-être dire à la Chambre combien cela a coûté dans le passé, ces montants additionnels payés àdes juges siégeant à des commissions. Si on adoptait un amendement pour remédier à cet état de chose... je dis immédiatement, et je le répète, que ce ne sont pas les juges personnellement qui sont responsables, c'est le système qui a grandi de cette façon-là. Mais nous en sommes peut-être au stade, à ce moment-ci, de corriger cette façon de faire afin que les juges soient occupés à leurs fonctions judiciaires et ne soient pas à la recherche de revenus additionnels au revenu qui leur appartient comme juges.

Un autre point que je voudrais soulever, c'est que dans le Québec — je pense que ceci dure depuis très longtemps et fait partie, en quelque sorte, de notre tradition dans ce do-maine-là.

Les tribunaux commencent à siéger à 10 heures et 10 h 30 de la matinée, ajournent à 12 h 30, reprennent les séances à 12 h 30 de l'après-midi et souvent ajournent à 14 h 30 de l'après-midi. Evidemment, je sais qu'il y a des juges qui sont des bourreaux de travail et qui commencent leur fonction tôt le matin et vont — cela fait rire le député de Fabre? — prolonger les séances très tard. Mais, je considère que cette journée est insuffisante et qu'il faudrait instaurer le système qui prévaut aux Etats-Unis, c'est-à-dire que les juges commencent à siéger à 9 heures le matin et siègent jusqu'à 5 heures de l'après-midi. A ce moment-là, évidemment, les avocats ne pourront pas faire la préparation de leur cause dans le couloir avant l'audition de la cause le matin et ils s'habitueront à préparer leur cause la veille. Peut-être que leur cause sera mieux préparée dans ces conditions-là et que la justice sera plus expéditive. Alors, je pense que le ministre de la Justice, à ce point de vue-là, pourrait prévaloir sur les juges en chef des cours, la cour provinciale, comme la cour des Sessions et la cour Supérieure, et on devrait adopter un horaire beaucoup plus moderne que celui qui prévaut actuellement dans l'administration de la justice. Je crois qu'à ce point de vue-là on aura contribué à l'accélération des auditions, on aura permis que les cours règlent plus de causes que celles qui existent actuellement et on aura réduit les délais judiciaires. C'est tout ce que j'avais à dire sur ce projet.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): L'honorable député de Fabre.

M. Gilles Houde

M. HOUDE: M. le Président, je voudrais, d'abord pour satisfaire, peut-être, la curiosité de mon collègue, le député d'Outremont, lui dire que ce n'était pas moi qui riais tantôt, mais un groupe ici. J'ai l'impression que ceux qui s'acharnent à défendre la question des traitements dans cette loi se sentent presque obligés d'admettre et d'essayer de nous faire pleurer en disant, par exemple: Eh bien oui, nous connaissons des juges qui travaillent cinq jours par semaine. Comme si c'était quelque chose d'extraordinaire que quelqu'un dans la vie travaille cinq jours par semaine. Nous nous sentons presque obligés de nous dire également, comme d'autres collègues l'ont dit hier, que nous en connaissons qui négligent tantôt leur famille et qui tantôt travaillent le soir, comme si, également, c'était quelque chose de tout à fait exceptionnel, de dépassé les heures de son travail ou de son contrat.

Je ne veux pas critiquer les juges, je n'ai jamais eu affaire à eux personnellement, je ne sou-halte pas particulièrement non plus avoir affaire aux juges un de ces jours. Je sais que ce sont des gens très importants, que nous leur devons beaucoup de respect et que nous devons surtout leur faciliter les conditions de travail, bien sûr.

D'autre part, il serait superflu, quant à moi, d'ajouter tellement de choses à ce qui a été dit, en particulier par mon collègue, le député de Bourassa. Je pense que le gouvernement a peut-être mal choisi l'occasion et je pense également qu'on a l'impression dans cette Chambre de discuter à savoir si, oui ou non, on va donner une augmentation partant de $7,000, $8,000, $9,000 ou $10,000. On semble oublier qu'on joue quand même dans les $23,000 et plus; on ne joue pas

dans les $6,000 ou $7,000, avec une augmentation de $3,000 ou $4,000. On part déjà d'assez haut. En ce qui me concerne, c'est une question de degré. Comme cela a été dit auparavant, je pense bien qu'actuellement, puisque tout le monde — le gouvernement en tête, à peu près à l'unanimité dans le monde des affaires, dans le monde de l'industrie et du commerce — prêche l'austérité. Je pense, quant à moi, quand on connaît en tout cas ceux qui vivent dans des quartiers comme là où nous vivons, étant donné le chômage, étant donné les difficultés pour nos finissants de CEGEP et même nos finissants au niveau universitaire de se trouver de l'emploi, je pense que le temps est mal choisi, mal venu, actuellement, d'accorder une augmentation de salaire, non pas à un ou deux juges. Tantôt un député du gouvernement citait des exemples de hauts fonctionnaires de la ville de Montréal; bien sûr, on peut nommer trois, quatre ou cinq personnes, mais ici, à ce que j'ai compris, il s'agit de quelques centaines d'augmentations de salaire, et cela représente quand même des chiffres assez considérables.

Je termine tout simplement en demandant, en tout cas, au gouvernement, et cela a été fait dans d'autres cas, je ne vois pas pourquoi — puisqu'on l'a fait dans d'autres cas pour des lois quand même tout aussi importantes que la loi qui est devant nous — on ne puisse pas retarder à une autre session; peut-être que d'ici ce temps-là, l'essor économique du Québec, avec les politiques du ministère de l'Industrie et du Commerce que nous apprendrons très bientôt, va s'améliorer.

A ce moment-là, si la loi est reportée à six mois, à un an, je pense bien qu'à ce moment-là, selon le contexte de l'actualité, nous pourrions changer d'opinion et voter avec grand plaisir cette augmentation aux juges. D'ici ce temps-là, je partage l'opinion d'autres collègues. Que les juges fassent comme tout le monde, se serrent un peu la ceinture, continuent de travailler de neuf heures à cinq heures et nous en serons tous plus contents, plus heureux. Et lorsque, un jour, arrivera leur augmentation de salaire, eh bien, eux aussi l'auront au moins méritée doublement, peut-être. Ils en seront très fiers. Quant à moi, s'il y a vote, je voterai contre ce projet de loi, actuellement.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Je dois signaler à la Chambre que l'intervention de l'honorable ministre de la Justice mettra fin au débat de deuxième lecture.

M. Rémi Paul

M. PAUL: M. le Président, je voudrais d'abord remercier tous ceux qui ont participé au débat. Je ne partage pas nécessairement leur opinion, mais j'ai l'intention de répondre aux remarques de tous et chacun d'une façon au moins sommaire.

L'honorable député de Richmond a été le premier à se lever pour parler du problème de l'augmentation de salaire, pour Invoquer que la période était peut-être mal choisie, au lendemain de l'adoption d'un projet de loi portant le numéro 26, où on avait discuté de la Loi de l'aide sociale.

Je dis que le moment était bien choisi. Plus tard, dans le cours de ma réplique, j'ai bien l'intention de justifier la législation qu'il me fait plaisir de présenter et de soutenir, avec des arguments qui ne pourront peut-être pas convaincre spécialement l'honorable député de Bourassa et l'honorable député de Fabre, mais qui, j'en suis sûr, pourront peut-être, chez beaucoup d'autres, trouver une réponse à des points d'interrogation qu'ils se posent.

L'honorable député de Richmond a soulevé une opinion quant à la partisanerie politique dans la nomination ou dans la façon de procéder pour la nomination des juges. Je dois dire que, comme l'avait fait l'honorable premier ministre, et peut-être, d'une façon plus accentuée, parce que je n'ai pas, en même temps que la responsabilité du ministère de la Justice, celle très lourde d'être premier ministre de la province, j'ai donné un accent à cette façon de procéder qui est la même que celle adoptée par le gouvernement fédéral quant au choix des juges, à qui le gouvernement veut faire confiance dans l'administration de la justice.

Voici comment la chose se fait. Tout d'abord, je n'ai jamais mis de côté une demande de la part d'un confrère ou une recommandation faite en faveur d'un confrère qui semblerait intéressé à la magistrature. Tous, sans exception, ont vu leurs noms dirigés au Barreau pour qu'une enquête soit faite, il y a quelqu'un de désigné au Barreau. On me permettra de taire son nom, afin de le mettre à l'abri de blendes pressions. Je ne sais trop qui, dans le cours des remarques, — je crois que c'est l'honorable député de Drummond, je ne suis pas trop, trop certain — disait que ceux qui veulent le plus être nommés juges ne sont pas nécessairement les mieux qualifiés. Je dis, en passant, que depuis environ dix jours, j'ai reçu dix-sept lettres de recommandation en faveur du même avocat. Ayant pratiqué 22 ans le droit, ayant eu l'avantage d'aller assez

souvent à Montréal, je suis obligé de confesser que mes humbles activités judiciaires ne m'ont pas permis d'entrer en relations d'affaires avec cette haute compétence que l'on porte à mon attention.

Je dis qu'une fois les noms dirigés à M. X. au Barreau, M. X se charge, quand il s'agit de la nomination d'un juge au provincial, de demander à six confrères, répartis dans six milieux différents du Québec, de tenir une enquête quant à la valeur de cet avocat, son expérience, sa réputation. Ce confrère à qui cette demande est présentée va également prendre les moyens nécessaires pour obtenir les informations du milieu ou d'autres confrères de la profession qui auraient eu l'occasion d'entrer en relations d'affaires et professionnelles avec lui.

Une fois tous ces renseignements transmis à M. X, M. X nous transmet l'opinion et les recommandations qui s'imposent.

M. LAFRANCE: Le ministre me permettrait-il une question?

M. PAUL: Oui.

M. LAFRANCE: M. X est désigné par qui, choisi par qui?

M. PAUL: Par le Barreau, composé de 25 personnes, 25 confrères qui sont nommés en tant que bâtonnier dans des districts, d'anciens bâtonniers et autres. Le ministère de la Justice ne choisit pas celui à qui on demande de mettre en marche le mécanisme de surveillance et d'enquête nécessaire.

Alors, voilà ce que j'avais l'intention de dire en réponse aux remarques de l'honorable député de Richmond.

L'honorable député de Matane y est allé d'une remarque qui a retenu mon attention, lorsqu'il a dit: Aucun recul n'est permis, aucun retard ne doit être admis.

On a signalé, M. le Président, qu'en vertu d'un autre projet de loi, la juridiction de la cour Provinciale sera porté de $1,000 à $3,000. Ceci dégagera les rôles de la cour Supérieure d'environ 20% à 25% des causes actuellement inscrites. Pour savoir le volume des opérations légales qui se transigent ou qui se font devant les tribunaux de la cour Provinciale, qu'il me soit permis de dire qu'ici, à Québec, dans le district de Québec, il se prend quotidiennement huit actions devant la cour Provinciale contre une devant la cour Supérieure. On prétend qu'avec cette juridiction accrue à l'en- droit de la cour Provinciale, nous aurons un rythme ou une proportion de dix contre 1.

L'honorable député de Matane y est allé de quelques suggestions. Tout d'abord, pouvoir disciplinaire et d'autorité au juge en chef. Je voudrais profiter de cette occasion pour informer la Chambre que j'ai déjà, depuis environ un mois, avec les officiers supérieurs de mon ministère, travaillé à une législation possible, que nous présenterons lors de la prochaine session, aux fins de donner au juge en chef une autorité même disciplinaire, afin qu'il puisse avoir l'autorité nécessaire pour imposer et donner des directives aux juges pufnés, afin que l'administration de la justice se fasse là où le besoin est le plus urgent et de manière que cette justice devienne de plus en plus ex-péditive.

L'honorable député de Matane a cependant soulevé un point auquel je ne peux pas souscrire. C'est lorsqu'il a parlé de cet avantage que nous aurions de laisser les juges de la cour Provinciale n'administrer que le droit civil et les juges de la cour des Sessions de la paix que le droit criminel et le droit pénal.

Or, il arrive que dans au moins deux grandes régions de notre province, soit la région de la Gaspésie et la région de l'Abitibi, il est impensable que nous puissions faire nommer deux juges pour exercer la Justice. Par exemple, pour le bas du fleuve, à Chandler, aux Iles-de-la-Madeleine, à Percé et à Gaspé. C'est impensable que nous ayons deux juges pour faire la rotation.

Le même problème se présente en Abitibi. L'honorable député a parlé de certains amendements qui devraient être apportés à l'article 73. Je veux dire immédiatement à la Chambre, pour disposer du fameux problème des arbitrages, que les juges, à l'avenir, ne pourront plus faire de l'arbitrage. S'ils en font, ils le feront gratuitement. Je m'excuse d'avoir été, peut-être, responsable de toutes ces critiques ou, du moins, d'une partie des critiques adressées à l'endroit de nos Juges, en omettant de vous Informer, en deuxième lecture, de cet amendement que nous nous proposions de présenter.

Je crois qu'il n'est pas prévu, à cette période de la discussion, que nous entrions dans le coeur de l'amendement. Par cet amendement — j'en ai fait parvenir quelques copies à mes honorables amis d'en face — je crois que nous allons répondre à un besoin et à une certaine inquiétude qui s'emparait de collègues de cette Chambre. L'honorable député de Bourassa, je regrette qu'il ne soit pas ici...

Je sais que le mot « démagogie » n'est pas parlementaire ou, du moins, qu'il est susceptible de débat. Je ne l'emploierai pas, mais je dirai que l'honorable député de Bourassa nous a montré une nouvelle personnalité.

M. HOUDE: Il est là. Il arrive. M. PROULX: Il arrive.

M. PAUL: L'honorable député nous a, d'abord, dit que les juges ne travaillaient pas beaucoup. Cela se comprend, car, quand on ne connaît pas le métier, on ne peut pas porter de jugement sain. L'honorable député a oublié que nos juges doivent passer — et j'en connais plusieurs — la journée du samedi et même la journée du dimanche à préparer leurs causes, soucieux qu'ils sont de résoudre un problème juridique et sachant que la décision qu'ils sont appelés à rendre aura des répercussions dans beaucoup de domaines.

Ce n'est pas surtout de ce côté-là que l'argumentation de l'honorable député m'a frappé. Ce n'est pas, non plus, lorsqu'il a soulevé le problème de la pauvreté qui peut exister dans son comté. J'espère qu'il n'ira pas jusqu'à prétendre que nous finirons par avoir l'égalité des classes, un jour, dans le Québec.

DES VOIX: Ah! Ah!

M. TREMBLAY (Bourassa): Ah! C'est bien cela!

M. PAUL: L'honorable député a même oublié que nos juges, avant d'accéder à la magistrature, avaient des revenus qui étaient de l'ordre de $25,000, $30,000 et $40,000. Que l'on fasse $20,000, $30,000 et $40,000 dans l'exercice de la profession de droit ou à vendre des pneus, il n'y a rien de mal.

M. TREMBLAY (Bourassa): M. le Président, j'interviens. Je vends des pneus, mais je n'ai pas attaqué les avocats. On parle des avocats. Hier, je n'ai pas attaqué les avocats; je n'ai pas attaqué les juges dans leur fonction. Je n'ai pas dit que les avocats gagnaient de $30,000 à $45,000 par année. Cela m'importe peu. S'ils travaillent pour, je suis très fier qu'ils les gagnent. J'ai dit qu'à cette période-ci, vu les problèmes économiques et financiers de la province, nous ne devons pas, comme administrateurs de la province, accepter ce bill.

Je n'ai blessé personne, je n'ai sali personne. Je vends des pneus et je peux dire au ministre que, si je lui vendais des pneus, il pourrait être sûr qu'il n'aurait pas d'accident à cause de ses pneus.

UNE VOIX: A l'ordre!

M. PAUL: Je suis heureux d'apprendre que l'honorable député vend des pneus.

M. TREMBLAY (Bourassa): Je viens de le dire! Le petit avocat de campagne qui recommence.

M. PAUL: Je ne l'avais appris que par ou'i-dire, ce n'était pas une preuve légale, mais là...

M. PROULX: Voyons donc!

M. PAUL: Là j'ai un aveu judiciaire.

M. TREMBLAY (Bourassa): Vous sauvez votre vie.

M. PROULX: Pas fort, pas fort.

M. PAUL: Alors l'honorable député, dans sa grande théorie de la lutte contre la pauvreté, ira sans doute jusqu'à partager, avec les pauvres de son comté, les profits qu'il réalisera dans l'exercice de son commerce, car il a déjà un revenu de $18,000 comme député?

M. TREMBLAY (Bourassa): M. le Président, j'invoque le règlement de la Chambre ou mon privilège de député. Je vends des pneus, et c'est clair que je ne partagerai pas les profits de la vente de mes pneus. C'est clair! Seulement il y a une chose, la différence entre moi, un juge et un ministre, c'est que je fais vivre quinze personnes ici dans la province. Comprenez-vous? Et puis ils sont très bien payés. Alors je vois très mal un ministre s'abaisser et parler dans cette Chambre d'un député qui a un commerce. Je le vois très mal s'abaisser à ce point-là.

M. PAUL: M. le Président, non, l'honorable député, je le comprends, je m'explique pourquoi il n'a pas compris mon argumentation.

M. TREMBLAY (Bourassa): Vous comprenez tout ça, vous?

M. PAUL: La plupart des collègues ici ont des revenus dans l'exercice d'un commerce, d'une profession. Est-ce qu'il y a du mal à ça? Absolument pas. Mais il y a une chose qui est certaine, c'est que le juge, lui, une fois nommé, ne peut plus avoir qu'un revenu, son épouse ne peut pas être ambassadrice ou en charge du pavillon d'Osaka.

M. TREMBLAY (Bourassa): Le petit avocat de campagne qui est parvenu à être ministre!

M. PAUL: Je dis, M. le Président,...

UNE VOIX: A l'ordre!

M. PAUL: Je dis, M. le Président que...

UNE VOIX: Le petit avocat de campagne qui est parvenu...

M. PAUL: Je dis, M. le Président, que les épouses des juges ne peuvent pas avoir de revenu, tandis que les épouses de plusieurs députés en cette Chambre ont des revenus additionnels, quand ce n'est pas le député lui-même qui en a. C'est ça que je dis. Lorsque l'honorable député s'élève contre cette augmentation donnée aux juges, je crois qu'il doit analyser, dans le contexte, les raisons, et surtout bien étudier les remarques qui ont été faites par celui qui l'a suivi, l'honorable député des Iles-de-la-Madeleine, qui nous a mentionné que l'on devait donner la sécurité matérielle. L'honorable député d'Outremont, et d'autres, également, nous ont rappelé qu'on devait donner la sécurité matérielle à nos juges afin qu'ils soient à l'abri de toutes tentations, afin qu'ils soient à l'abri de toutes invitations d'accepter des honoraires autres que ceux que leur accorde la loi dans l'exercice de leur fonction de juge.

Je dis que l'honorable député des Iles-de-la-Madeleine a été d'une honnêteté intellectuelle vraiment remarquable.

M. TREMBLAY (Bourassa): MM. les juges et les avocats...

UNE VOIX: A l'ordre!

M. PAUL: Je comprends, M. le Président, que certaines gens sont même gênées par l'exercice de l'autorité que peuvent exercer aujourd'hui nos juges dans notre société si vivement contestée.

L'honorable député de Gouin nous a fait une suggestion qui n'est pas acceptable. L'honorable député de Gouin nous a suggéré de nommer 50 juges additionnels ou environ et d'éviter de donner une augmentation de salaire à ceux qui occupent déjà ces fonctions. Je dirai qu'un juge me faisait parvenir sa démission il y a trois Jours. Sept juges m'ont signalé leur intention de tenir la même conduite. Pourquoi? Parce qu'ils ont vite réalisé que, de plus en plus, les avocats deviennent des experts ou des spécialistes dans une branche donnée du droit et que leur rémunération serait beaucoup plus intéressante, en retournant àl'exercicede la profession d'avocat plutôt que de continuer de siéger dans l'une ou l'autre de nos cours. C'est tellement vrai que j'essaie actuellement d'améliorer, d'augmenter le nombre des avocats experts que le ministère de la Justice pourrait engager dans le domaine de la faillite. Je vois l'honorable député d'Outremont surtout, l'honorable député de Saint-Louis, qui savent le revenu que se font les avocats dans cette spécialité de notre droit aujourd'hui et qui dépassent largement et rapidement les revenus que nous serons appelés à payer à" nos juges de la cour Provinciale, des Sessions de la paix ou du Bien-Etre. Il ne faut pas oublier non plus que nos juges sans responsabilité de famille devront, comme tout autre citoyen, payer leur impôt, qui sera de l'ordre d'environ $8,000 à $10,000 — je dis comme tout autre citoyen — mais avec des responsabilités très lourdes aujourd'hui. Je ne vois pas pourquoi nous accepterions cette recommandation ou cette suggestion du député de Gouin, qui ne réglerait aucunement le problème avec lequel nous sommes actuellement aux prises.

L'honorable député de Deux-Montagnes à également exprimé des remarques. Il mentionnait que, pour la sécurité de tous les justiciables du Québec, nous ne devions pas craindre de donner à nos juges une rémunération adéquate aux responsabilités qu'ils assument.

L'honorable député de Marguerite-Bourgeoys s'est permis de différer considérablement d'opinion avec l'honorable député de Bourassa. Elle-même n'a pas hésité à se prononcer en faveur du présent projet de loi.

L'honorable député d'Abitibi-Ouest a soulevé un problème très intéressant. C'est celui de l'activité de nos juges en dehors de celle qui devrait leur être exclusive, soit le rôle joué par nos juges en tant qu'arbitre dans des griefs syndicaux.

Je dis que trop de nos juges, parce qu'ils recevaient une rémunération — c'est humain, je ne le leur reproche pas — acceptaient beaucoup trop d'arbitrages au détriment de l'administration normale de la justice et de l'exécution des tâches qui devaient leur être assignées et confiées.

Je dis, M. le Président, que nos juges pourront très rarement continuer à faire de l'arbitrage, mais qu'ils devront le faire gratuitement. Cependant, dans un amendement que nous étudierons, nous verrons que le lieutenant-gouverneur en conseil peut confier un mandat particulier à un juge, à des conditions qu'il détermine. L'amendement principal que nous avons, c'est qu'en principe et surtout en pratique, tout juge

qui voudra faire de l'arbitrage devra demander préalablement au procureur général la permission de le faire et l'autorisation devra lui être donnée par écrit par le juge en chef.

M. le Président, quelles vont être les conséquences? C'est que nous n'aurons plus de remises de causes aussi nombreuses que celles que nous connaissons, parce que des districts judiciaires ont des rôles débordés. Parce que le juge ne peut pas disposer de plus d'une journée, de nombreux témoins sont retournés chez eux; des frais de transport et autres doivent être assumés par les parties privées ou par la couronne. Cet ordre que nous allons tenter de mettre dans l'administration de la justice va présenter une économie très appréciable pour la province.

L'honorable député d'Outremont m'a posé une question aux fins de connaître quel était le montant exact que le gouvernement avait pu payer en arbitrages, de toutes sortes. Malheureusement, il ne m'est pas possible de lui répondre dans le sens désiré. Il y aune chose, cependant, c'est que, si nous voulons dégager cet engouffrement que nous avons dans l'administration de la justice, nous devons agir dès maintenant. Et ceux-là qui nous reprochent d'agir immédiatement, je crois qu'ils n'ont pas analysé toute la portée du problème. Je n'ai pas eu peur et le gouvernement n'a pas eu peur, dans des conditions difficiles, nous l'admettons, de prendre ses responsabilités. Ce qui presse, c'est de tâcher de donner à la population québécoise une justice expéditive dont nous avons besoin aux fins de maintenir l'ordre, la justice et la paix dans notre société québécoise.

Certaines gens diront: Mais, cela n'a pas de sens, $5,000 d'augmentations de salaire ! Je vous dis que les juges qui se spécialisaient dans les arbitrages vont être pénalisés par notre législation, par l'article 73. Par conséquent, il devenait normal de les dédommager en quelque façon. Il s'agissait également de faire un certain rattrapage à l'endroit de ceux qui n'avaient pas eu le privilège d'être choisis comme arbitres depuis peut-être dix, quinze ou vingt ans.

De cette façon, nous pourrons peut-être garder tous les juges que nous avons actuellement et tâcher d'effectuer un recrutement de juges qui soit à l'avantage de l'administration de la justice dans le Québec.

M. le Président, l'honorable de d'Arcy-Mc-Gee a été un de ceux qui n'étaient ni pour ni contre, mais il a dit que, finalement, il se prononcerait pour et il a reproché au gouvernement d'aller immédiatement dans cette législation. Je vous donne les raisons; il fallait commencer par mettre de l'ordre, il fallait également intéresser les juges et leur faire comprendre qu'ils doivent assumer leurs responsabilités. Comme je le disais hier, lorsque nous aurons affaire, malheureusement, si cela se présente à des juges qui ne veulent pas assumer leurs responsabilités, le ministre de la Justice ne craindra pas d'assumer les siennes et de prendre les procédures appropriées et prévues par la loi pour que ces juges soient invités poliment à redescendre de leur banc et à retourner dans la pratique privée.

Je dis que tout le monde se plaint de la lenteur de la justice, ce n'est pas dans six mois qu'il fallait agir, c'est dès maintenant. C'est pourquoi nous avons présenté une loi qui apporte la sécurité matérielle augmentée à nos juges. Je sais qu'ils vont assumer la responsabilité qui est leur, afin qu'ils réalisent immédiatement l'urgence qu'il y a à se rendre disponibles davantage et qu'ils servent davantage et plus efficacement et rapidement les justiciables du Québec.

M. le Président, l'honorable député de Saint-Louis a dit que de nombreux juges étaient disposés à. faire de l'arbitrage...

M. GOLDBLOOM: M. le Piésident, est-ce que le ministre me permettrait une question?

M. PAUL: Certainement.

M. GOLDBLOOM: Est-ce qu'il a l'intention de commenter ce qui était la partie vraiment importante de...

M. PAUL: La cour du Bien-Etre social. Je vais répondre immédiatement à l'honorable député que, déjà, j'ai commencé à envisager une réforme de leur système judiciaire. Mais il faut tenir compte des dispositions de l'article 96 de la constitution qui traite du tribunal de droit administratif, mais disons que, s'il y a possibilité, nous allons réformer nos tribunaux dans le Québec, nous allons également nous pencher sur le problème. Personnellement, je me demande si les agents sociaux remplissent réellement, devant nos cours du Bien-Etre social la tâche qu'ils devraient accomplir. Il semble manquer de communication, de dialogue entre le ministère de la Famille et du Bien-Etre social, les agents sociaux, les cours du Bien-Etre social et le ministère de la Justice.

Dès ce soir, j'avais l'occasion de rencontrer, à la maison Montmorency, quelques juges, spécialement l'honorable juge en chef Jean-Paul Lavallée, l'honorable juge Marguerite Choquet-te, qui sont plongés dans le milieu. A l'occasion d'une rencontre que j'ai eue avec eux, je leur ai

demandé les renseignements additionnels nécessaires pour apporter cette réforme. L'honorable député a semblé reprocher qu'il n'y avait pas de publicité au sujet des activités qui se déroulaient devant la cour du Bien-Etre social. Je regrette, mais, en vertu de la loi, on ne peut pas faire de publicité sur ce qui se passe devant la cour du Bien-Etre social.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, j'invoque le règlement. Ce n'est point ce que j'ai dit. J'ai dit...

M. PAUL: ... d'Informer le public. M. GOLDBLOOM: J'ai dit que... M. PAUL: ... d'Informer le public...

M. GOLDBLOOM: J'ai dit que le personnel de cette cour est tellement accaparé par ses responsabilités qu'il n'est pas en mesure d'entrer en contact avec le public pour l'informer de ce qui se fait devant la cour.

M. PAUL: Si par hasard, j'ai mal cité l'honorable député, je m'en excuse. Je m'en excuse bien honnêtement. Mais, ce que j'ai cru comprendre dans cette partie de ses remarques, c'est que le public n'était pas assez informé. Malheureusement, le public ne peut pas être Informé de ce qui se déroule devant les cours de Bien-Etre social; mais là où le public devrait être informé, c'est du rôle que joue et que doit continuer à jouer la cour du Bien-Etre social et non pas de ce qui se passe à la cour du Bien-Etre social.

M. GOLDBLOOM: C'est précisément ce que j'ai dit.

M. PAUL: M. le Président, l'honorable député de Saint-Laurent, comme c'était son droit, s'est prononcé contre le présent projet de loi, invoquant lui aussi la Loi de l'aide sociale. Peut-être que si l'honorable député analyse, dans toutes les conditions, le pourquoi de cette législation, peut-être que l'honorable député revisera ses dires et son opinion pour réaliser qu'il nous faut agir dès maintenant, pour toutes les raisons qui ont été mentionnées par ceux-là qui sont en faveur du projet de loi, et pour réaliser l'urgence qu'il y a d'essayer d'expédier l'administration de la justice par des compétences que nous ne pourrons pas aller chercher dans les conditions actuelles.

Je dis que l'honorable député de Drummond nous a fait des suggestions très intéressantes.

Pour ce qui a trait à certaines réformes pour le recrutement de nos juges, je retiens la recommandation qu'il a faite de demander à une chambre de nos juges d'analyser la valeur des candidats qui pourraient être soumis à cette Chambre. Je puis dire qu'il ne m'arrive jamais de recommander au lieutenant-gouverneur en conseil la nomination d'un juge, sans consulter l'honorable juge en chef pour savoir s'il l'a vu plaider, s'il le connaît, pour connaître son opinion, sans que son opinion me lie. J'essaie d'avoir ce dialogue afin que nous ayons des juges qui puissent remplir leurs fonctions à l'avantage de tous et pour une meilleure justice, si possible dans le Québec. Je dis que tout ce système de réforme judiciaire est actuellement à l'étude à mon ministère. Peut-être verrons-nous, à ce moment-là, à introduire un nouveau système de consultation afin que la nomination de nos juges à la magistrature soit complètement dégagée de tout ce qui pourrait la faire interpréter comme une nomination politique.

Pour ce qui est du fonds de pension, un autre point soulevé par l'honorable député de Drummond et qui permet à de nombreux députés de s'interroger, je dis — et je veux ici être prudent — qu'en aucune province, peut-être à l'exception d'une ou de deux, les juges ne contribuent à leur propre fonds de pension. C'est un système universel au Canada, de même que pour nos juges de la cour Supérieure. Tous conviendront qu'il est assez difficile qu'une province prenne l'initiative sans consultation avec les autres provinces préalablement.

J'ai déjà discuté de cette question lors d'un voyage que je faisais à Ottawa, les 3 et 4 novembre derniers, alors qu'avec quelques collègues, ministres de la Justice des autres provinces, nous avons envisagé cette possibilité de présenter un jour une législation qui serait à peu près uniforme dans tout le Canada pour que les juges puissent être appelés à souscrire à leur propre fonds de pension.

Il se peut qu'il y ait une ou deux exceptions, mais je veux être prudent sur ce point. C'est un peu la raison pour laquelle nous ne pourrons pas nous rendre à la recommandation qui nous fut faite par l'honorable député de Drummond.

Je dis qu'il faut fournir — je rejoins l'argumentation présentée par l'honorable député d'Outremont — une indépendance matérielle à nos juges afin de leur assurer également une indépendance morale.

Comme je le disais, pour obtenir cette indépendance matérielle de nos juges, il faut leur donner des émoluments qui puissent, en quelque sorte, les intéresser d'abord à monter sur le banc et également à y rester.

Je termine. Je sais que l'honorable député de Fabre a également exprimé son idée quant au mauvais temps de la présentation de cette législation. J'ai donné les raisons pour lesquelles le gouvernement et surtout le ministre de la Justice avaient l'impression qu'ils devaient agir dès maintenant. Je n'ai pas été sans me poser les mêmes questions que tous les honorables députés se sont posées. Mais en face de l'impératif, en face de l'urgence, j'ai dû assumer ces responsabilités.

Ce n'est pas toujours facile. Je sais que dans certains milieux, dans certaines écoles de pensée on essaiera d'exploiter cette loi pour — je m'en garde, je ne prête aucunement ces motifs à aucun député de cette Chambre — accentuer davantage la lutte des classes, ce qui serait regrettable. Vous pouvez être assuré, M. le Président, que je présente cette législation conscient qu'elle s'impose dans le meilleur intérêt de la justice et de tous les justiciables du Québec. C'est pourquoi je propose l'adoption de la deuxième lecture de cette loi.

M. LAFRANCE: M. le Président, avant que le ministre ne termine ses remarques, voudrait-il informer la Chambre de ses intentions quant aux amendements qu'il se propose de présenter afin de mieux éclairer les députés pour voter en deuxième lecture?

M. LE SAGE: Demain.

M. PAUL: Je suis invité à dire qu'il est onze heures. Je vais à regret être dans l'obligation de demander à l'honorable député de retenir sa curiosité jusqu'à demain. Mais d'un autre côté, pour qu'il puisse bien méditer, il me fait plaisir de lui faire parvenir...

M. LE SAGE: Je n'ai aucune objection à ce que, avant que la Chambre soit ajournée, le ministre...

M. PAUL: J'avais fini de toute façon.

M. LESAGE: ... réponde au député de Richmond.

M. LAFRANCE: C'est le seul amendement que le ministre va présenter à la Chambre?

M. PAUL: II y a une exception cependant pour les juges — et ce sera à l'article 22 — qui ont déjà accepté d'agir comme arbitres. Il ne faut pas non plus mettre en panne de nombreux griefs.

M. LAFRANCE: Je suis assez éclairé.

M. PAUL: C'est pourquoi l'honorable député verra qu'à l'article 22 il y a un proviso pour ces cas d'espèce, mais qui ne se répéteront plus. L'honorable député lira sans doute avec avantage ce qui est exprimé à la troisième ligne de l'amendement projeté à l'article 5, paragraphe b)...

M. LESAGE: J'apprécierais cependant que le ministre de la Justice propose l'ajournement du débat, ce qui nous donnera le temps de diriger ces amendements.

M. PAUL: De toute façon, je crois que ce serait peut être logique de retarder l'ordre d'adoption en deuxième lecture, parce que moi, ayant usé mon droit de réplique, je ne peux nécessairement pas encore parler demain, mais...

M. LESAGE: M. le Président, il nous dira ça demain, le ministre!

M. PAUL: Je déclare, dès maintenant, que demain je dirai que j'ai complété ma...

M. LESAGE: Eh bien, ce n'est pas cela. Je n'ai pas vu les amendements, et il y a des amendements qui peuvent influencer les votes des députés, il est passé il heures, et je crois qu'il serait sage pour le ministre de demander l'ajournement du débat.

M. PAUL: M. le Président, je vais demander l'ajournement de ma réplique jusqu'à demain matin à 10 h 30, alors que nous compléterons l'étude de ce projet de loi pour ensuite nous attaquer à l'étude du projet de loi de l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce, le centre de recherches, pour ensuite compléter, si possible, le bill 10.

Alors, je propose l'ajournement de la Chambre à demain matin, dix heures trente.

M. LE PRESIDENT: La Chambre s'ajourne à demain matin, dix heures trente.

(Fin de la séance: 23 h 6)

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